______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 619),
DE M. HENRI ALFANDARI
ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,
visant à mettre en place un cadre européen sur les relations contractuelles des centrales d’achats de la grande distribution avec les producteurs,
PAR M. Henri ALFADANRI,
Député
Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président, M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL vice‑présidents ; MM. Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, MM. François-Xavier CECCOLI, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Andy KERBRAT, Mme Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, M. Frédéric PETIT, Mme Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, MM. Charles RODWELL, Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Thierry SOTHER, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLE-POLIAN, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.
SOMMAIRE
___
Pages
I. La Grande distribution cherche à améliorer sa position à travers le recours aux centrales d’achat
B. Elles pèsent cependant plus sur les marges des producteurs que sur les prix à la consommation
1. Des effets contrastés sur la concurrence
2. Des conséquences incertaines pour les consommateurs et les exploitants
II. La législation française encadre cependant leur activité
2. L’Autorité de la concurrence a cependant limité le périmètre de leur activité
3. Les lois Egalim ont encadré les négociations
III. L’établissement de centrales d’achat à l’étranger vise à contourner la législation nationale
A. Le cadre légal européen protège moins les producteurs que ne le fait le droit français
B. Il permet un coutournement croissant du dispositif Egalim
C. La présente proposition de résolution vise à y mettre fin
1. Une contribution inspirée du « Pilier 2 » de l’OCDE
proposition de rÉsolution europÉenne initiale
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
proposition de rÉsolution europÉenne ADOPTÉE par la commission
ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur
Mesdames, Messieurs,
Au cours des dix dernières années, l'agriculture française a vu sa situation se dégrader, avec une augmentation significative des importations dans des filières autrefois exportatrices et des difficultés croissantes pour les agriculteurs. La France, traditionnellement l'un des principaux exportateurs agricoles en Europe, voit sa balance commerciale agricole se détériorer dans certaines filières clefs. Le secteur des fruits et légumes a ainsi subi une hausse notable des importations. En 2020, près de 50 % des fruits consommés en France étaient importés, contre 35 % en 2010, selon les données du Ministère de l'Agriculture. De même, le secteur de la viande, notamment porcine, a vu les importations augmenter de 25 % sur la même période.
Les producteurs français doivent faire face à la concurrence accrue de pays voisins aux coûts de production plus faibles, tels que l'Espagne et l'Allemagne. Les importations agroalimentaires françaises ont ainsi atteint 62 milliards d'euros en 2020, en hausse de 15 % par rapport à 2010, ce qui a contribué à réduire l'excédent commercial agricole à environ 6 milliards d'euros, contre 8 milliards en 2010.
Plusieurs éléments ont contribué à cette situation. La concurrence internationale expose les agriculteurs français à la compétition de pays aux normes moins strictes et aux coûts de production plus bas. Les charges réglementaires obligent les agriculteurs à se conformer à des réglementations environnementales et sanitaires de plus en plus strictes, engendrant des coûts supplémentaires. La volatilité des prix des matières premières agricoles rend les revenus des agriculteurs instables.
Cette situation menace la pérennité de nombreuses exploitations agricoles. Entre 2010 et 2020, le nombre d'exploitations a diminué de 20 %, passant de 490 000 à 390 000, d'après l'INSEE. La baisse du nombre d'agriculteurs, de 604 000 exploitants en 2010 à 496 000 en 2020, s'accompagne d'un vieillissement inquiétant de la profession, avec une moyenne d'âge de 51,4 ans, soit un an de plus qu’en 2010.
Il n’est pas utile de s’étendre davantage sur les difficultés du monde agricole qui sont connues et multifactorielles. L’objet de la présente proposition de résolution est d’attirer l’attention de l’échelon européen sur un sujet particulier dont le traitement semble hors de portée du niveau national.
Les lois Egalim successives se sont efforcées de protéger le revenu agricole en encadrant davantage les négociations entre producteurs et distributeurs du secteur alimentaire. Ces lois sont imparfaites : la complexité de ce secteur de l’économie laisse peu de chances à un texte législatif de créer les conditions d’un équilibre stable entre les différents acteurs, même lorsque l’exercice est répété trois fois. Les lois Egalim sont difficiles à appliquer : toutes les filières n’ont pas souhaité y adhérer ; elles reposent sur des estimations de coûts de production complexes et leur application doit faire l’objet de contrôles qui peuvent se révéler eux-mêmes difficiles. Elles ont toutefois le mérite de porter les problématiques des « revenus du producteur ».
Le législateur ne peut cependant pas empêcher le contournement de ce dispositif au niveau international, et cette proposition de résolution vise avant tout à attirer l’attention sur ce problème particulier.
Les centrales d’achat créées par les principaux acteurs de la grande distribution ont joué un rôle de plus en plus important depuis 2014, en France d’abord, puis au niveau européen depuis la fin des années 2010. Ces centrales sont créées par un ou plusieurs acteurs de la grande distribution, français ou étrangers, et permettent à ces derniers de présenter un front uni face à leurs fournisseurs en négociant des achats groupés et centralisés afin de faire jouer la concurrence à leur avantage.
Or, lorsque ces centrales d’achat sont établies à l’étranger, le plus souvent en Belgique ou en Espagne, la négociation peut simplement s’affranchir des règles mises en place par les lois Egalim. Le secret des affaires protégeant les acteurs de ces négociations, l’impact de ces pratiques est difficile à évaluer d’un point de vue quantitatif. Ce qui apparaît cependant clairement est que les producteurs de matière première agricole, les agriculteurs, n’en tirent aucun bénéfice et, au contraire, se voient confrontés à une concurrence plus dure chaque année et qui vient s’ajouter aux autres contraintes qu’ils subissent.
Cette résolution formule donc trois propositions afin que ce sujet soit mieux pris en considération par les autorités européennes, sans lesquelles rien ne pourra être fait.
Elle appelle d’abord à ce que soit envisagée une mise à contribution de ces centrales d’achat internationales à travers un mécanisme qui pourrait s’inspirer du « pilier 2 » du BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), c’est-à-dire du dispositif de taxation minimale de 15 % des sociétés multinationales, dont la finalité serait de faire en sorte que l’utilisation de ces centrales soit bien de massifier les achats au niveau européen et non de soustraire les producteurs français à une législation qui les protège, tout en garantissant la liberté d’établissement et assurant une ressource propre à l’Union européenne.
Elle appelle en deuxième lieu la Commission européenne à renforcer son contrôle des pratiques commerciales déloyales que peuvent rendre possibles ces centrales d’achat, ainsi qu’à proposer une révision de la directive (UE) 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire afin de faciliter ces contrôles grâce à une transparence accrue dans les relations contractuelles entre les centrales d’achat et les producteurs.
Elle appelle en troisième lieu à la mise en place, éventuellement à travers une révision de cette même directive, d’un cadre commun et renforcé renforçant le pouvoir de négociation des producteurs, c’est-à-dire d’un « Egalim européen », comme l’a suggéré le Président de la République le 1er février dernier.
Enfin, cette résolution appelle les États membres à agir au niveau national de façon coordonnée pour protéger pareillement leurs fournisseurs et petits producteurs face aux pratiques commerciales déloyales ou abusives rendues possibles par les centrales d’achat.
I. La Grande distribution cherche à améliorer sa position à travers le recours aux centrales d’achat
A. Les centrales d’achat permettent aux distributeurs de mutualiser leurs achats pour négocier de meilleurs prix
Les centrales d'achat jouent depuis 2014 un rôle important dans le secteur français de la grande distribution. Créées dans le but de mutualiser les achats des grandes enseignes, elles permettent d’optimiser les coûts d’approvisionnement et de renforcer le pouvoir de négociation des distributeurs face aux fournisseurs. Ces structures se sont développées en réponse à la nécessité de réduire les coûts dans un contexte de concurrence croissante et de marché mondialisé.
Le fonctionnement des centrales d'achat repose sur un principe simple : regrouper les commandes de plusieurs enseignes pour bénéficier d'économies d'échelle permet aux distributeurs de négocier des prix plus compétitifs avec les fournisseurs, notamment dans les secteurs de l'alimentation, des produits d’hygiène et des biens de consommation courante. Cette mutualisation permet également d’harmoniser certaines conditions commerciales, comme les délais de paiement ou les volumes minimums d'achat.
L’Autorité de la concurrence (AdlC), dans son avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution, définit ainsi les centrales d’achat et de référencement issues de rapprochement entre différents acteurs de la grande distribution : « Les centrales d’achat et de référencement ont pour objectif de négocier, au profit de plusieurs distributeurs, des conditions d’achat plus avantageuses que celles que chacun d’eux pourrait obtenir individuellement s’il traitait isolément avec les fournisseurs. Les centrales d’achat nationales concernent tant les groupes intégrés que les regroupements d’indépendants, ces derniers disposant également de centrales d’achat au niveau régional » ([1])
Les centrales d’achat ne concrétisent le rapprochement à l’achat entre enseignes qu’à travers des structures légères, vite constituées ou dissoutes, qui n’impliquent aucun déplacement de marchandise particulier ni aucune création d’entrepôt. Des marchandises négociées en Espagne ou en Belgique n’ont aucune raison particulière de s’y trouver.
La pratique du rapprochement à l’achat entre distributeur est ancienne mais s’est accélérée dans les années 2010 avec notamment deux vagues de rapprochements et 2014 et 2018 :
– en 2014 ont lieu les rapprochements Intermarché-Casino, Auchan-Système U, Carrefour-Provera ;
– en 2018 ont lieu les rapprochements Auchan-Casino-Metro-Schiever, Carrefour-Système U, Carrefour-Tesco, et Intermarché-Francap.
Les centrales d’achat, qui concernent aussi bien les grandes chaînes intégrées que les groupements d’indépendants ont par la suite fait l’objet de recompositions fréquentes, voire annuelles. Le rapport d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, présenté en 2019 par nos collègues Thierry Benoit et Grégory Besson-Moreau ([2]), relève que les alliances à l’achat entre enseignes de la grande distribution se font et se défont à un rythme soutenu, traduisant une recomposition permanente du paysage. Les centrales se multiplient ainsi dans un contexte de pression sur les prix depuis 2014 et nouent des accords successifs, souvent de courte durée. Ainsi, dès 1999, Système U et Leclerc se sont rapprochés, mais leur alliance n’a pas perduré. Par la suite, nombre d’accords se sont mis en place, comme en 2014, lorsque Système U s’associe à Auchan, Intermarché à Casino et Carrefour à Cora. Ces partenariats fluctuent cependant très rapidement : en 2018, Intermarché quitte Casino, qui rejoint un temps Système U et Auchan, avant que Système U ne rompe à son tour l’alliance. Dès le 1er janvier 2019, un nouveau lien s’établit entre Intermarché et Francap distribution, illustrant une fois encore la fluidité de ces regroupements.
Outre la difficulté à suivre les recompositions successives de ces centrales, les données chiffrées les concernant ne sont pas aisément disponibles, comme le souligne également le rapport, en raison de la variété des structures sous lesquelles opèrent les grandes enseignes. S’agissant des centrales internationales, leur « exterritorialité » complique le contrôle par les autorités françaises et rend difficile l’accès à des données précises sur les volumes, les revenus ou l’impact réel de ces centrales sur les marchés locaux.
Concrètement, les volumes négociés par les centrales d’achat internationales sont particulièrement difficiles à estimer. M. M. Yannick Fialip, Vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), auditionné dans le cadre de la préparation du présent rapport, estime que des volumes pouvant aller jusqu’à 30 ou 40 % de certaines grandes marques nationales sont concernés, sans être en mesure de fournir une estimation plus précise.
B. Elles pèsent cependant plus sur les marges des producteurs que sur les prix à la consommation
Le principe des centrales d'achat repose sur la mutualisation des besoins d'approvisionnement de plusieurs enseignes, ce qui génère des économies d'échelle. En consolidant leurs commandes, les distributeurs augmentent leur poids face aux fournisseurs, notamment dans les secteurs des produits alimentaires, de l’hygiène et des biens de consommation courante. Ces volumes importants permettent de négocier des prix unitaires plus faibles, mais également d’obtenir des conditions commerciales favorables, telles que des délais de paiement plus longs ou des remises basées sur le volume global des commandes. Les baisses de tarifs ainsi obtenues devraient ainsi se répercuter sur les prix à la consommation, Telle est du moins l’objectif recherché. En pratique, les effets des rapprochements à l’achat peuvent varier.
Dans le cas du secteur de la grande distribution, la concurrence a lieu à deux niveaux distincts, celui des fournisseurs et celui des distributeurs, ce dernier groupe se décomposant lui-même entre les grands acteurs de l’industrie agro-alimentaire et les petits producteurs, parfois directement en affaire avec les acteurs de la grande distribution, mais le plus souvent en tant que fournisseurs de l’industrie. En pratiquant diverses formes de regroupement à l’achat, les distributeurs font certes jouer la concurrence entre les fournisseurs à leur propre avantage, mais risquent de diminuer le niveau de concurrence entre eux, ce qui peut désavantager les consommateurs.
1. Des effets contrastés sur la concurrence
L’effet des regroupements à l’achat sur le niveau de concurrence d’un marché peut varier. En regroupant plusieurs distributeurs, les centrales d’achat se placent en position de force face aux fournisseurs et les mettent en compétition, ce qui peut forcer ces derniers à baisser leurs prix et offrir de meilleures conditions.
Un regroupement peut cependant freiner la compétition entre membres d’une centrale s’ils s’entendent pour payer les mêmes prix et vendre à des prix similaires. Le rapport d’enquête précité fait ainsi état de demandes d’alignement des prix de la part des distributeurs ainsi que d’un phénomène général de perméabilité de l’information entre enseignes de distribution, en grande partie dû aux changements réguliers d'alliances et de personnel entre celles-ci.
2. Des conséquences incertaines pour les consommateurs et les exploitants
L’effet des regroupements à l’achat sur les consommateurs finaux est également variable. Leur effet sur les prix à la consommation est en principe bénéfique puisque les centrales peuvent négocier des prix de gros plus bas, ce qui peut se traduire par une baisse des prix au détail. Les regroupements peuvent aussi aboutir à une réduction de certains coûts logistiques, ce qui peut également être in fine profitable aux consommateurs. Leurs effets ne leur sont cependant pas toujours nécessairement favorables.
En premier lieu, une moindre compétition entre les enseignes peut limiter leur motivation à réduire les prix pour attirer les clients, voire aboutir à des formes d’ententes implicites, phénomène que peut favoriser la porosité entre enseignes mentionnée plus haut et favorisée par leur regroupement en centrales d’achat.
En second lieu, si une centrale d’achat favorise les grandes marques ou les produits standardisés, les petits producteurs locaux peuvent se trouver exclus, ce qui diminue le choix pour les clients. Dans les faits, l’accès des petits producteurs à la grande distribution est généralement indirect, les producteurs ne négociant qu’avec les industriels de l’alimentation. Lorsque les petits producteurs fournissent directement les enseignes de distribution, ils le font souvent en alimentant des marques de distributeurs (MDD), les grandes enseignes préférant généralement présenter dans leurs rayonnages des grandes marques de produits. Les contrats de MDD sont cependant négociés et passés entre des acteurs inégaux, les grandes enseignes étant alors en mesure d’imposer des prix bas, donc des marges faibles et des conditions défavorables aux exploitants comme une absence de garantie sur les volumes. Ce déséquilibre se trouve accentué lorsque les enseignes additionnent leur force d’achat à travers la création de centrales.
La situation des exploitants n’est cependant pas nécessairement meilleure lorsqu’ils fournissent indirectement la grande distribution à travers les acteurs de l’industrie, comme l’a rappelé Mme Sophie Lenaerts, Vice-présidente de la Coordination rurale, auditionnée dans le cadre de la préparation du présent rapport, qui rappelle que lorsque les grands distributeurs parviennent à imposer une baisse de prix aux industriels, ces derniers n’ont pas de difficulté à la répercuter sur leurs fournisseurs, quitte à les menacer de recourir à des importations si les nouvelles conditions ne sont pas acceptées. Mme Lenaerts a ainsi cité une étude réalisée par la Fondation Nature et Homme sur l’évolution de la répartition de la valeur issue de la vente d’une brique de lait demi-écrémé et d’une plaquette de beurre sur vingt ans en France, qui constate une augmentation des marges de la grande distribution de 188 %, de celles de l’industrie de 46 %, tandis que celles des éleveurs diminuent de 4 %. ([3])
Dans un cas comme dans l’autre, le renforcement de la position occupée par la grande distribution peut être une menace pour les exploitants agricoles et, à travers eux, pour le modèle agricole français qui repose pour partie sur la diversité des productions et sur la survie des petites et moyennes exploitations.
Votre rapporteur estime cependant que malgré la situation de dépendance dans laquelle se trouvent placés les exploitants, leur intérêt converge in fine avec celui des acteurs industriels, notamment parce que l’activité de ces derniers dépend de l’existence de volumes minimaux de matière première agricole, leurs installations ne pouvant être rentables si ces derniers diminuent au-delà d’un certain seuil. Les exploitants disposent donc d’une plus grande marge de manœuvre vis-à-vis de l’industrie que de la distribution.
II. La législation française encadre cependant leur activité
1. L’activité des centrales d’achat échappe largement au champ d’application du droit de la concurrence
Les centrales d’achat sont des structures légères et fluctuantes dont l’activité échappe en grande partie au droit de la concurrence française.
La plupart des centrales d’achat n’entrent pas, tout d’abord, dans le champ d’application du contrôle des concentrations car elles n’accomplissent pas, de manière durable, toutes les fonctions d’une entité économique autonome, les actes d’achats étant effectués de manière individuelle et autonome par chaque distributeur. Ce contrôle ex ante ne leur est donc pas applicable.
Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, contrôle a posteriori, s’applique également difficilement aux centrales d’achat. Ces dernières n’entrent pas à l’heure actuelle dans le champ d’application de l’abus de position dominante car elles ne détiennent individuellement que des parts de marché limitées ne dépassant probablement pas 25 %, (une position dominante étant généralement présumée à partir de 40 %) sur les différents marchés de l’approvisionnement à l’amont et de la distribution à l’aval : une position dominante ne peut ainsi être démontrée. En outre, le droit français ne sanctionne pas la simple détention d’une position dominante, définie comme la capacité à s’affranchir de toute pression concurrentielle sur un marché, mais uniquement son abus.
L’abus de dépendance économique, pratique unilatérale d’un opérateur qui profite abusivement de l’état de dépendance dans lequel se trouve un partenaire commercial pourrait en revanche trouver une application, mais n’est que très rarement mis en œuvre par l’Autorité de la Concurrence.
En revanche, étant caractérisées par des accords entre distributeurs concurrents, les centrales d’achat pourraient entrer dans le champ d’application des ententes, une entente étant définie comme un accord ou une action concertée d’entreprises pouvant ou visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché de produits ou de services déterminé.
2. L’Autorité de la concurrence a cependant limité le périmètre de leur activité
L’Autorité de la Concurrence a été amenée à rendre un avis le 31 mars 2015 à la suite de la vague de rapprochements ayant eu lieu en 2014 entre acteurs de la grande distribution ([4]). Dans son avis, elle prend note à la fois des risques concurrentiels soulevés par ces rapprochements (échanges d’informations sensibles entre acteurs, augmentant le risque de coordination, symétrie des conditions d’achat pouvant homogénéiser les coûts et réduire la concurrence, risque d'éviction des acteurs plus faibles sur le marché amont et des fournisseurs moins compétitifs) ainsi que leurs effets favorables à la concurrence (réduction des coûts d’achat et potentielles répercussions positives sur les prix consommateurs, gains d’efficacité liés à une mutualisation des achats).
L’Autorité de la Concurrence estimait que ces accords n’étaient pas soumis au contrôle des concentrations mais relevaient des règles relatives aux ententes anticoncurrentielles et proposait d’adapter les règles juridiques pour améliorer la surveillance de tels accord. Elle recommandait en particulier de mettre en place une obligation de notification préalable des regroupements à l’achat et d’assouplir les critères de définition de la dépendance économique pour mieux appréhender les abus liés à la puissance d’achat.
À l’issue de deux procédures concernant respectivement les enseignes Auchan-Casino-Metro-Schiever d’une part, Carrefour et Tesco d’autre part, les enseignes concernées ont été amenées à prendre une série d’engagements qui visaient principalement à limiter la portée de leurs accords de coopération en plafonnant leurs volumes ou en excluant certains produits de leur périmètre, notamment certaines familles de produits MDD. L’Autorité de la concurrence estimant que ces derniers risquaient de limiter la concurrence s’ils s’appliquaient à des segments de marchés trop importants.
Ces engagements, encadrés par des mécanismes de suivi, avec un mandataire indépendant et limités à une durée de cinq ans, manifestaient la recherche par l’Autorité de la concurrence d’un équilibre entre collaboration commerciale et préservation d’un marché compétitif, ce dernier objectif incluant la préservation des TPE et PME auxquelles les rapprochements à l’achat entre enseignes faisaient courir un risque.
3. Les lois Egalim ont encadré les négociations
Les lois Egalim successives, promulguées en 2018, 2021 et 2023, visent quant à elles spécifiquement à rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs agricoles et la grande distribution. Chaque loi a introduit de nouvelles mesures pour encadrer les négociations commerciales en renforçant la position des producteurs face aux distributeurs.
FOCUS : La première loi Egalim, promulguée le 30 octobre 2018, a mis en place plusieurs mesures clefs : - l’inversion de la construction du prix : le prix est désormais proposé par le producteur en fonction de ses coûts de production, plutôt que d'être imposé par l'acheteur ; - l’encadrement des promotions, avec la limitation des promotions à 34 % du prix de vente et à 25 % en volume pour éviter la dévalorisation des produits agricoles ; - le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) de 10 % pour les produits alimentaires afin de redonner de la valeur aux produits et de mieux rémunérer les producteurs ; - Le renforcement des sanctions avec des pénalités accrues en cas de pratiques commerciales abusives ou déloyales. La loi Egalim 2, adoptée le 18 octobre 2021, a renforcé certaines dispositions : - la généralisation des contrats écrits, avec l’obligation de conclure des contrats formalisés entre producteurs et premiers acheteurs, incluant des indicateurs de coûts de production ; - des clauses de révision automatique des prix avec l’introduction de mécanismes d'indexation pour ajuster les prix en fonction de l'évolution des coûts des matières premières agricoles ; - une transparence accrue avec l’obligation pour les transformateurs et distributeurs de justifier toute négociation sur les prix, favorisant une meilleure traçabilité des marges ; - le renforcement des contrôles et sanctions. Adoptée le 30 mars 2023, la loi Egalim 3, dite aussi « loi Descrozaille », vise enfin à renforcer davantage la protection des agriculteurs dans leurs relations commerciales avec la grande distribution. Ses principales mesures sont : - le possibilité d'interrompre les livraisons ou d'appliquer un préavis de rupture en cas d'échec des négociations annuelles : si aucune convention n'est conclue au 1ᵉʳ mars, le fournisseur peut soit cesser les livraisons sans que le distributeur puisse invoquer une rupture brutale de la relation commerciale, soit appliquer un préavis écrit de rupture ; - des sanctions contre les moyens de pression des distributeurs : en cas de non-respect de l'échéance du 1ᵉʳ mars, le distributeur est passible d'une amende pouvant atteindre 200 000 € pour une personne physique et 1 million d'euros pour une personne morale, doublée en cas de récidive ; - la protection de la bonne foi : le non-respect de la bonne foi dans les négociations, entraînant l'absence d'accord à la date butoir, constitue une pratique restrictive de concurrence engageant la responsabilité de son auteur ; - la compétence des tribunaux français et l’application de la loi française : les conventions portant sur des produits ou services commercialisés en France sont soumises à la loi française, et les litiges sont tranchés par les tribunaux français ; - le plafonnement des pénalités logistiques et la création de la convention logistique : les pénalités logistiques infligées par les distributeurs sont plafonnées à 2 % de la valeur des produits commandés, tandis qu’une convention logistique distincte de la convention commerciale est introduite. - la prolongation des mesures d'encadrement des promotions et du seuil de revente à perte, avec la prolongation jusqu'au 15 avril 2026 de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires à 34 % de leur valeur et 25 % en volume, et l’extension de la mesure aux produits de grande consommation à compter du 1ᵉʳ mars 2024 ; et la prolongation jusqu'au 15 avril 2025 de l'obligation pour les distributeurs de vendre les produits alimentaires au prix d'achat majoré de 10 %. |
Les lois Egalim ont redéfini la négociation entre producteurs et distributeurs, imposant la prise en compte des coûts de production et la formalisation de contrats précisant volumes, prix et révisions. La loi Egalim 3 permet désormais aux producteurs de stopper les livraisons ou d’imposer un préavis en l'absence d’accord, renforçant leur position. Elles interdisent également aux distributeurs certaines pratiques déloyales (impositions unilatérales, promotions excessives) et exigent des négociations menées de bonne foi, avec un partage plus équitable de la valeur.
Les producteurs relèvent toutefois plusieurs insuffisances dans la mise en œuvre des lois Egalim. Malgré l’encadrement juridique, ils constatent que les contrats ne respectent pas toujours les indicateurs de coûts de production et que certains distributeurs contournent les règles grâce à des clauses complexes. Les mécanismes de contrôle et de sanction leur semblent insuffisants, les infractions n’étant pas toujours systématiquement sanctionnées. Ils continuent de subir la pression des distributeurs, qui imposent encore des baisses de prix ou des conditions défavorables, tandis que la complexité administrative liée aux contrats, aux indicateurs et aux nouvelles conventions logistiques augmente leur charge de travail.
De plus, l’impact sur la rémunération reste limité, puisque les hausses de coûts de production ne se répercutent pas pleinement dans les prix de vente. Certaines filières, comme les fruits et légumes, éprouvent davantage de difficultés à bénéficier des protections prévues. Les sanctions existantes, jugées peu dissuasives, ne suffisent pas toujours à prévenir les pratiques déloyales, et l’obligation de se conformer au droit français complique les relations avec les centrales d’achat internationales.
Le rapport d’information sur le suivi des lois Egalim ([5]), présenté le 20 novembre dernier devant la commission des Affaires économiques du Sénat par Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, fait ainsi un bilan contrasté de leur mise en œuvre. La contractualisation écrite, bien que prévue par la loi, reste insuffisamment appliquée, particulièrement en dehors de la filière laitière. La sanctuarisation de la matière première agricole, pilier des lois Egalim, s'est affaiblie, avec des hausses de coûts non répercutées sur les tarifs finaux.
Le dispositif Egalim n’est pas parfait et doit faire l’objet d’un suivi constant, à la fois pour veiller à sa bonne application et pour permettre son amélioration. Il a toutefois permis de créer un premier cadre législatif protégeant les producteurs, plus protecteur que son équivalent européen et, par conséquent, susceptible d’être contourné.
III. L’établissement de centrales d’achat à l’étranger vise à contourner la législation nationale
A. Le cadre légal européen protège moins les producteurs que ne le fait le droit français
Adoptée en 2019, la directive (UE) 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire, poursuivant un objectif similaire à ceux du dispositif Egalim, met en place une régulation des pratiques commerciales visant à corriger les déséquilibres dans le pouvoir de négociation entre les producteurs agricoles et leurs acheteurs, en instaurant des cadres législatifs pour éviter des pratiques perçues comme abusives ou déloyales.
La directive (UE) 2019/633 devait être transposée dans le droit national de chaque État membre au plus tard en mai 2021. L’Espagne et l’Italie comptent parmi les États membres ayant opté pour une transposition particulièrement stricte de la directive (UE) 2019/633. L’Espagne a ainsi renforcé sa « Ley de la Cadena Alimentaria » en 2021 en imposant davantage de transparence et de contraintes aux distributeurs, avec une attention portée sur la fixation des prix et l’interdiction de certaines promotions jugées trop agressives. L’Italie a quant à elle mis en place des mesures interdisant une large série de pratiques commerciales déloyales, assorties de sanctions importantes et d’un cadre de suivi rigoureux.
FOCUS :
Pratiques commerciales déloyales interdites La directive identifie un ensemble minimal de pratiques commerciales interdites, notamment : - les retards dans les paiements pour des produits agricoles et alimentaires périssables (paiement à effectuer dans un délai de 30 jours) ; - les annulations tardives de commandes de produits périssables ; - les modifications unilatérales ou rétroactives des conditions contractuelles par le distributeur ou l'acheteur ; - l’obligation de supporter des coûts injustifiés tels que des frais de publicité, des remises forcées ou des pertes dues à la détérioration des produits après la livraison ; - les menaces de représailles commerciales, comme la suppression d’un produit d’un rayon. Certaines pratiques ne sont autorisées que si elles sont clairement convenues dans un contrat (par exemple, le retour des produits invendus). 3. Champ d’application La directive s’applique : - aux fournisseurs ayant un chiffre d’affaires inférieur à celui de leur acheteur (pour prendre en compte les déséquilibres de pouvoir) ; - aux transactions transfrontalières et nationales dans l'UE ; - aux produits agricoles et alimentaires uniquement. 4. Autorités de contrôle Chaque État membre doit désigner une autorité compétente pour assurer l’application de la directive. Ces autorités ont le pouvoir : - de recevoir et d'enquêter sur les plaintes ; - d’imposer des sanctions dissuasives en cas de non-respect. 5. Protection des plaignants La directive garantit la confidentialité des plaignants pour protéger les fournisseurs contre des représailles. Les fournisseurs peuvent également se faire représenter par des associations ou des organisations professionnelles.
|
La directive (UE) 2019/633 demeure cependant en-deçà des lois Egalim en ce qui concerne la protection des fournisseurs du secteur alimentaire dans le cadre des négociations commerciales, ce que la présente proposition de résolution entend proposer de corriger. ([6])
Ainsi, Egalim impose un encadrement strict des promotions sur les produits alimentaires, notamment en plafonnant leur volume et leur valeur à 34 % et 25 % respectivement. Ce mécanisme vise à éviter les pratiques destructrices de valeur pour les producteurs. La directive européenne ne comporte pas de telles mesures spécifiques, se limitant à interdire certaines pratiques liées aux conditions de vente, sans intervenir directement sur la gestion des promotions.
Egalim impose par ailleurs une contractualisation obligatoire entre les producteurs et leurs acheteurs pour certains produits agricoles, avec des clauses définissant les prix sur la base des coûts de production afin de garantir une sécurité économique aux agriculteurs et une meilleure prévisibilité des relations commerciales. La directive européenne, quant à elle, n’intervient pas directement sur la structuration des contrats entre les parties.
Egalim introduit également le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) pour les distributeurs, leur imposant une marge minimale sur les produits alimentaires. Cette mesure vise à mieux répartir la valeur ajoutée au bénéfice des producteurs. Cette disposition, centrée sur la réglementation des marges, est absente de la directive, qui se concentre davantage sur l’interdiction des abus de pouvoir dans les négociations.
Enfin, Egalim prévoit des sanctions financières importantes pour les distributeurs et les industriels ne respectant pas les règles en matière de contractualisation ou de promotions, dans un cadre de contrôles renforcés par les autorités françaises. Bien que la directive prévoie également des sanctions, leur mise en œuvre est laissée à l’appréciation des États membres et peut varier en intensité.
B. Il permet un coutournement croissant du dispositif Egalim
Il reste que la principale faiblesse du dispositif Egalim tient à son caractère strictement national, dans le cadre du marché unique européen au sein duquel opèrent les acteurs de la grande distribution de plusieurs États eurpéens. L’enseigne Carrefour fait ainsi valoir dans sa réponse au questionnaire qui lui a été adressé dans le cadre de la préparation du présent rapport que sa « centrale Eureca n’est pas une alliance européenne, mais la centrale d’achat du groupe Carrefour qui négocie pour les 6 pays Carrefour en Europe (France, Espagne, Italie, Belgique, Roumanie et Pologne) », et ce avec plusieurs multinationales « principalement basées aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas » dont les produits « comportent rarement de la matière agricole française ».
Le problème sur lequel la présente résolution vise à attirer l’attention n’est cependant pas l’existence même de centrales d’achats européennes, mais le fait que leur activité vise fréquemment au contournement de la législation française et que leur activité affecte pour cette raison les producteurs français qu’Egalim s’efforce de protéger.
Comme l’indique le rapport d’information du Sénat sur le suivi des lois Egalim précité, « La multiplication des centrales d’achat basées à l’étranger depuis 2016 va au-delà d’un objectif de mutualisation des achats à l’échelle européenne : ces centrales sont devenues le moyen de contourner les obligations liées aux lois Egalim votées depuis 2018, voire parfois le support de pratiques commerciales abusives. Elles se contentent de négocier les contrats et ne réalisent aucun acte d’achat correspondant à des flux de marchandises. » ([7])
Le rapport du Sénat relève constate que le phénomène de contournement de la législation nationale par les centrales d’achat européennes est en augmentation. Ces centrales gèrent en effet environ 20 % des produits en valeur et jusqu’à 50 % en volume vendus en grande distribution en France et négocient avec un nombre croissant d’industriels, incluant désormais des PME et ETI, qui sont alors contraintes de négocier avec ces entités internationales pour accéder aux marchés nationaux.
S’agissant des pratiques commerciales abusives, le rapport note qu’outre la négociation des prix, des « centrales de services » imposent des frais supplémentaires, souvent qualifiés de « droits d'entrée », pour des services souvent sans réelle utilité économique, voire fictifs, tels que des prestations de marketing, de référencement ou d'autres frais supposés améliorer l'accès au marché. Les bénéfices induits par ces services pour les fournisseurs restent cependant flous. Le rapport d’enquête précité de l’Assemblée nationale cite ainsi un exemple de services payants visant à améliorer l’accès aux marchés internationaux vendus à une société qui n’exporte pas.
Un exemple cité par le rapport du Sénat est celui de la centrale Agecore, centrale d'achat internationale basée en Suisse et regroupant des distributeurs européens tels qu'Intermarché (France), Coop (Suisse), Edeka (Allemagne), Conad (Italie), condamnée pour avoir facturé des services à faible impact, assimilés à des pratiques abusives.
C. La présente proposition de résolution vise à y mettre fin
La présente résolution ne prétend pas régler l’ensemble des problèmes posés par l’activité de ces centrales d’achat, mais plutôt à attirer l’attention des autorités européennes et à suggérer les pistes de réflexion qui suivent.
1. Une contribution inspirée du « Pilier 2 » de l’OCDE
Comme votre rapporteur l’a indiqué au début du présent rapport, il s’agit avant tout d’une proposition d’appel. L’instauration d’une taxe au niveau européen inspirée du Pilier 2 de l’accord de l’OCDE prévoyant une imposition minimale de 15 % sur les sociétés permettrait d’alimenter l’Union en nouvelles ressources propres, et un dispositif inspiré du « Pilier 2 » est une source potentielle de recettes fiscales.
L’autre avantage de cette proposition serait, d’une façon analogue à la taxe minimale proposée par l’OCDE, de mettre en place un dispositif visant à ce que le contournement de la législation nationale par les acteurs de la grande distribution perde de son intérêt. Il s’agit avant tout d’appeler l’échelon européen à se saisir du sujet et à trouver les moyens d’une régulation.
Celle-ci peut prendre la forme d’une taxe comme il peut prendre la forme d’une aide, comme le suggère M. Yannick Fialip, Vice-président de la FNSEA, qui suggère à l’inverse de récompenser les acteurs qui négocient localement.
Quelle que soit la forme que prendrait une telle mesure, elle devra tenir compte, d’une part, du principe de libre établissement qui régit le marché intérieur européen, d’autre part du risque de répercussion d’une taxation supplémentaire en amont comme en aval.
2. Un renforcement des contrôles des pratiques commerciales déloyales et un accroissement de la transparence dans les relations contractuelles à travers une révision de la directive 2019/633.
La présente résolution préconise par ailleurs que soient renforcés les contrôles des pratiques commerciales déloyales au sein de l'Union européenne (UE).
La directive (UE) 2019/633, dont la révision est prévue pour 2025, établit des normes minimales de protection des producteurs agricoles et des petites et moyennes entreprises contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire en interdisant certaines pratiques, telles que les annulations tardives de commandes ou les modifications unilatérales des contrats par les acheteurs.
Pour renforcer l'efficacité des contrôles, un certain nombre de pistes peuvent être suivies.
Le renforcement des autorités de concurrence peut être l’une d’elles, en dotant les autorités nationales et européennes de la concurrence de moyens accrus pour surveiller et sanctionner les pratiques abusives des centrales d'achat.
Un accroissement de la coopération transfrontalière devrait permettre d’encourager la collaboration entre les autorités des différents États membres pour surveiller les activités des centrales d'achat opérant dans plusieurs pays.
Imposer aux centrales d'achat une plus grande transparence dans leurs relations contractuelles avec les producteurs serait susceptible de faciliter la détection de pratiques déloyales.
Peut enfin être suggérée la mise en place de mécanismes d'assistance juridique et financière pour aider les producteurs à faire face aux abus potentiels des centrales d'achat.
3. La mise en place d’un cadre législatif commun renforçant le pouvoir de négociation des producteurs
La directive (UE) 2019/633, adoptée le 17 avril 2019, prévoit sa propre révision en 2025. Cette dernière devrait conduire à son renforcement.
La directive actuelle prévoit une liste minimale de pratiques interdites, telles que les annulations tardives de commandes, les modifications unilatérales des termes contractuels ou encore les paiements injustifiés imposés aux fournisseurs. Toutefois, ces dispositions s'appliquent principalement à des transactions où les fournisseurs disposent d'un chiffre d'affaires inférieur à 350 millions d'euros, laissant potentiellement hors de son champ des acteurs importants de la chaîne d'approvisionnement. Son champ d'application est par ailleurs limité aux pratiques explicitement mentionnées, ce qui peut exclure d'autres comportements préjudiciables.
La révision de la directive (UE) 2019/633 devrait d’abord conduire à une harmonisation plus poussée des règles nationales en instaurant une norme européenne plus uniforme, supprimant les différences réglementaires entre États membres sur lesquelles les acteurs économiques peuvent jouer.
4. Encourager les États membres à se coordonner pour renforcer la régulation des centrales d’achat au niveau national
L'article 9 de la directive actuelle permet aux États membres d'adopter des règles plus strictes, mais une révision au niveau de l'Union permettrait de surmonter les disparités nationales.
CONCLUSION
La capacité des centrales d’achat internationales à contourner les lois françaises, notamment les lois Egalim, rend ces dernières partiellement inopérantes et fragilise nos producteurs agricoles. Ces pratiques, qui se développent à l’abri d’une législation européenne encore insuffisante, nous rappellent que nos dispositifs nationaux, même les plus ambitieux, restent vulnérables face à des stratégies transnationales.
Les conséquences de l’activité des centrales d’achat européennes s’ajoutent aux autres problèmes auxquels nos agriculteurs font difficilement face, qu’il s’agisse de la difficulté du renouvellement des générations, des aléas climatiques ou de l’adaptation constante et coûteuse aux normes phytosanitaires. La protection que vise à leur procurer le dispositif Egalim est vitale pour nos producteurs, et son contournement à travers l’activité des centrales d’achat européennes constitue pour eux une véritable menace.
Cette proposition de résolution part du constat que la France seule est impuissante à traiter cette question, et que les autorités européennes doivent être saisies. C’est ce que ce rapport vous invite à faire.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution européenne visant à mettre en place un cadre européen sur les relations contractuelles des centrales d’achats de la grande distribution avec les producteurs.
M. Henri Alfandari, rapporteur. Au cours des dix dernières années, l'agriculture française a vu sa situation se dégrader de façon alarmante. Le revenu des agriculteurs, déjà sous pression, continue de baisser, menaçant directement la pérennité de nombreuses exploitations. Entre 2010 et 2020, le nombre d'exploitations a chuté de 20%, et avec lui la diversité et la résilience de notre modèle agricole. Ce déclin, alimenté par la concurrence accrue et par des faibles marges imposées par les acteurs en aval, met en danger notre souveraineté alimentaire et le rôle clé de nos territoires ruraux dans l'économie et la transition écologique.
C'est dans ce contexte que cette proposition de résolution européenne prend tout son sens. Les centrales d'achat de la grande distribution jouent aujourd'hui un rôle déterminant dans le secteur de l'alimentation : en regroupant les commandes de plusieurs enseignes, elles permettent aux distributeurs d'obtenir des conditions plus avantageuses auprès des fournisseurs. Si cet outil de mutualisation peut être bénéfique pour négocier des prix compétitifs, en particulier dans un contexte inflationniste, il exerce néanmoins une pression notable sur les marges des producteurs, en particulier les plus petits. Les grands industriels, mieux armés pour résister à ces tensions, ne sont pas menacées au même degré que les petites exploitations, mais il convient de noter que leurs intérêts convergent souvent. En effet, l'industrie dépend d'un approvisionnement stable et d'un volume suffisant pour fonctionner efficacement. Maintenir une agriculture diversifiée et résiliente est donc un enjeu commun à l’ensemble des maillons de la chaîne.
La France a tenté d'apporter des réponses avec les lois EGalim, qui encadrent les relations commerciales entre producteurs et distributeurs : elles constituent une avancée significative en matière de transparence et de rééquilibrage des négociations. Toutefois, ces lois restent limitées par leur caractère national : les grandes enseignes de distribution, via leurs centrales d'achat établies à l'étranger, parviennent à contourner ces dispositifs en profitant des différences entre les législations européennes. Cette stratégie affaiblit nos agriculteurs et compromet les efforts engagés pour garantir une rémunération équitable. Il est donc impératif que l'Union européenne intervienne pour combler ces lacunes.
Tel est l'objectif de cette proposition de résolution européenne qui s’articule autour de quatre points. En premier lieu, elle propose une taxation des centrales d'achat multinationales, inspirée du dispositif de taxation minimale de 15% adopté par l'OCDE. Une telle mesure permettrait de limiter l'intérêt des stratégies de contournement des règles nationales, et contribuerait à alimenter les ressources propres de l'Union européenne, tout en réaffirmant le principe d'équité fiscale. En deuxième lieu, elle appelle à un renforcement des contrôles des pratiques commerciales déloyales. La directive européenne de 2019, bien qu'utile, reste insuffisante pour protéger efficacement les producteurs, et sa révision est nécessaire pour accroître la transparence des relations contractuelles et donner aux autorités européennes et nationales des moyens d'agir contre les abus. Cela passe par une coopération transfrontalière renforcée entre les États membres et par un cadre commun de régulation. En troisième lieu, elle préconise l'instauration d'un cadre législatif commun européen, tel que l'a suggéré le président de la République le 1er février 2024. Ce cadre législatif commun viserait à harmoniser les règles au niveau de l'Union pour renforcer le pouvoir de négociation des producteurs face à des centrales d'achat, qui bénéficient aujourd’hui d'une position dominante dans les négociations. Enfin, cette proposition de résolution européenne invite les États membres à mieux coordonner leurs efforts pour protéger les producteurs : une action collective et harmonisée est essentielle pour éviter une fragmentation des règles et garantir des conditions de concurrence équitables sur l'ensemble du territoire européen.
Ces propositions ne visent pas à stigmatiser les centrales d'achat, ni à freiner l'activité économique des grandes enseignes. Elles cherchent à établir un équilibre aujourd'hui rompu et à garantir des relations commerciales justes et durables. Il s'agit de préserver une agriculture européenne diversifiée, résiliente et compétitive, en protégeant en priorité les acteurs les plus vulnérables de la chaîne alimentaire. L'Europe a les moyens d'agir pour relever ce défi.
En adoptant cette résolution, nous signalerons aux autorités européennes le souhait français d'une régulation équitable d'une souveraineté alimentaire renforcée, et d'une Union qui protège ses producteurs, soutient ses industries, et garantit à ses citoyens une agriculture durable et solidaire.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
Mme Isabelle Rauch (HOR). Merci pour cette proposition de résolution européenne qui est essentielle. Dans toute l'Europe, les agriculteurs font face à des défis croissants liés aux coûts de production, aux normes sanitaires, aux impératifs de transition écologique et aux aléas climatiques qui induisent des charges financières supplémentaires. Or, celles-ci sont souvent supportées sans compensation suffisante sur le prix de vente. Pour pallier ce déséquilibre, la France a adopté les lois EGalim afin de permettre l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole. Adoptées entre 2018 et 2023, ces lois renforcent la capacité de négociation des producteurs face aux distributeurs grâce à la conclusion de contrats écrits pluriannuels tenant compte des coûts de production.
Or, il existe un débat juridique sur le droit applicable aux centrales d'achat européennes basées dans d'autres pays européens. Il est essentiel que ces centrales d'achat ne puissent pas contourner le droit français en négociant leurs prix sur le fondement de normes moins contraignantes. La loi EGalim 3 s'applique pour tous les produits commercialisés en France, qu'ils soient issus d'Europe ou d'ailleurs. C'est pour cela que la France a proposé, en accord avec le commissaire européen au marché intérieur de l’époque, une loi EGalim européenne.
Le groupe Horizons et Indépendants est conscient de la diversité des règles et pratiques commerciales européennes, et est convaincu que l'ensemble des agriculteurs européens tirerait un bénéfice majeur de la mise en place d'un cadre législatif commun régissant les relations contractuelles avec les centrales d'achat et octroyant un plus grand pouvoir de négociation aux producteurs. Par conséquent, le groupe Horizons et Indépendants votera en faveur de cette proposition de résolution européenne.
M. Henri Alfandari, rapporteur. Chère collègue, vous avez à juste titre rappelé nos deux préoccupations majeures. D’une part, la France a exigé une transparence sur les coûts de production. Or l’absence de transparence sur les marges de la grande distribution a accéléré le déséquilibre dans la négociation. D’autre part, il existe un risque de contournement de nos lois, défavorable à nos producteurs, à travers les centrales d'achat au niveau européen.
Nous ne remettons en aucun cas en cause la liberté d'installation de ces centrales. En revanche, nous sommes déterminés à remplir nos objectifs sanitaires, nos objectifs de sécurité alimentaire et de juste revenu de nos producteurs. C'est ici que s'arrête le droit national et commence le droit européen.
M. Guillaume Bigot (RN). Cette proposition de résolution européenne prétend protéger nos agriculteurs en régulant les centrales d'achat à l'échelle européenne et en étendant la logique des lois EGalim à l’échelle continentale. Or, cet objectif de protection de nos producteurs n'est déjà pas atteint sur le plan national avec ces lois EGalim, et ne le sera pas davantage sur le plan européen.
En revanche, cette proposition de résolution renie encore notre souveraineté, au profit d'une organisation internationale qui mine chaque jour davantage notre pacte républicain. Sous prétexte de réguler les centrales d'achat à l'échelle européenne, cette proposition de résolution me semble servir « une nouvelle louche d'huile de foie de morue européenne ». Ce mécanisme spécifiquement européen, consistant à engendrer un problème issu des contraintes européennes pour ensuite justifier des solutions européennes, mérite que l’on s’y arrête.
Depuis 2016, telles des chevaux de Troie, les centrales d'achat européennes se sont multipliées pour contourner nos lois nationales dites EGalim. Eurelec et Aura en Belgique, Eureca en Espagne, permettent à des opérateurs de la grande distribution d'échapper aux contraintes EGalim. Ces centrales d'achat permettent de rééquilibrer leur poids de marché face à certaines multinationales de l'agroalimentaire. Cependant, rappelons que l'essentiel des dispositifs EGalim se concentre, au niveau national, sur la relation entreprise-agroalimentaire-distribution : à ce stade, l'agriculteur a déjà été bien ou mal rémunéré par l'entreprise agroalimentaire. Les lois EGalim concernent également le dernier maillon de la chaîne, la transaction entre le distributeur et le consommateur, et donc finalement, peu le producteur.
L'encadrement des promotions, le seuil de revente à perte de plus de 10 %, la non‑négociabilité de la matière première agricole : cet empilement technocratique repose en réalité sur une théorie du ruissellement, non-fonctionnelle puisqu'elle part du bas vers le haut. Elle ne concerne ainsi que marginalement l'agriculteur, le producteur, que les lois EGalim cherchaient pourtant à protéger. Ce fonctionnement engendre parallèlement un effet inflationniste pour le consommateur.
Les grandes centrales d'achat européennes ne concernent que cinquante des plus gros industriels, tandis que nos PME françaises subissent une concurrence déloyale. Alors que rien ne prouve qu’EGalim, sur le plan national, a amélioré la rémunération des agriculteurs, ces dispositifs nationaux ont incontestablement renforcé le pouvoir de négociation des industriels, leur permettant de gonfler leurs marges au détriment des consommateurs. Étendre ce dispositif à l'échelle européenne produira les mêmes effets qu’au niveau national, c’est‑à‑dire l’échec de la promesse d’améliorer le revenu des producteurs, conjugué à une spirale inflationniste pour le consommateur.
Cette proposition de résolution, prévoyant de taxer à l'échelle européenne les centrales d'achat, tend également à créer un impôt non consenti par le législateur, ainsi qu’à créer de nouvelles ressources propres pour l'Union européenne. Ces dernières étant hors du contrôle du législateur, cette résolution viole, comme tout ce qui a été réalisé depuis le traité de Lisbonne, l’article 3 de notre Constitution.
M. Henri Alfandari, rapporteur. Cher collègue, je sais que vous allez défendre un amendement qui illustrera votre propos. Je pense que vous faites deux erreurs qui, à mon sens, sont majeures. Tout d’abord, la loi EGalim demande aux producteurs d’afficher la plus grande transparence concernant ces couts mais ne demande pas la même transparence aux distributeurs. Ce faisant, les négociations se déroulent mal. La PPRE demande une transparence sur les marges des distributeurs. Dès lors, la mécanique sera totalement différente. Le deuxième point sur lequel, à mon avis, vous commettez une erreur de raisonnement c’est qu’en considérant le marché français uniquement, vous n’êtes pas en mesure d’interdire les centrales d’achats dans d’autres pays européens. Comment pourriez-vous vous protéger, hormis en instaurant des droits de douanes et des taxes importants ? Vous ne le feriez pas. Par conséquent, la seule façon de procéder, c’est de vous entendre avec des partenaires européens en considérant qu’il s’agit d’un sujet partagé à réguler ensemble.
Mme Constance Le Grip (EPR). Le groupe EPR va apporter son soutien à cette PPRE. Cette PPRE propose de traiter d’une question majeure, celle de la régulation des rapports commerciaux entre les centrales d’achats et les producteurs, en particulier ceux du monde agricole. Ces relations souffrent toujours d’un déséquilibre structurel qui nuit bien entendu aux producteurs mais aussi au bon fonctionnement du marché intérieur européen. Nous soutenons ce texte parce que nous estimons qu’il propose des mesures cohérentes. Il est juste d’envisager que des centrales d’achats, qui bénéficient d’une position dominante, contribuent équitablement au financement des politiques européennes, notamment via une taxation adaptée voire une nouvelle ressource propre pour l’Union. Il est essentiel également que les pratiques anti-concurrentielles, déloyales et abusives soient davantage encadrées et sanctionnées puisqu’elles mettent en péril la capacité des filières agricoles et alimentaires à faire face à leurs nombreux défis. Enfin, le renforcement des négociations entre les producteurs européens à travers un cadre législatif commun serait une avancée essentielle pour restaurer l’équilibre dans les relations. Et le texte que vous présentez s’inscrit dans la lignée des propositions faites par les autorités françaises le 1er février de réaliser un EGalim européen et d’aller plus loin qu’une simple révision du cadre législatif européen actuel, à savoir la directive de 2019 relative aux pratiques commerciales déloyales. Nous souhaitons toutefois modifier la rédaction de l’alinéa 11 dont il nous semble qu’il pourrait entrainer quelques effets de bord juridiques indésirables.
M. Henri Alfandari, rapporteur. Je vous donne tout à fait raison sur le nécessaire rééquilibrage ainsi que sur les sanctions. Très souvent la France pêche en Europe par son absence. C’est en ayant des positions au sein de l’édifice européen, en collaboration avec nos partenaires, que nous pourrons peser, à l’instar des renégociations à venir sur la PAC. Je ferai droit aux remarques que vous faites au sujet de l’alinéa 11. Des démarches ont été entamées par la DGCCRF et je ne souhaite pas fragiliser les processus en cours.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Les centrales d’achat se sont fortement développées au cours de la dernière décennie. Au-delà des conséquences que cela engendre, nous devons nous interroger sur les raisons de ce récent développement. Les centrales d’achats permettent de massifier les commandes et de réduire les coûts dans un contexte de concurrence accrue et de marché mondialisé. C’est bien là que se situe le problème. Cette pratique déséquilibre le rapport de forces au moment des négociations commerciales. En effet, les quatre premières centrales d’achats françaises concentrent 92% des ventes en valeur de produits de consommation. Dès lors, comment les industriels et les consommateurs pourraient-ils se passer des centrales d’achat ? C’est impossible tant elles concentrent une part importante des débouchés de leurs produits. Comme vous l’indiquez dans votre rapport, les objectifs des lois EGalim sont louables mais cette hyper-concentration est au cœur des problématiques en jeu lors des négociations commerciales. Sans régulation, ces centrales d’achats seront toujours en position de force dans les négociations. Pour garantir aux agriculteurs un prix juste, nous devons leur garantir un prix rémunérateur en fonction des coûts de production et de leurs revenus. Cela n’est pas pris en compte dans les lois EGalim. Il parait donc difficile d’imaginer que les dispositions de ces lois pourraient fonctionner au niveau européen. Par ailleurs, les lois EGalim reposent sur une contractualisation qui en France, déjà, a du mal à se développer. La contractualisation ne pourra se développer sans filières structurées et sans mesures empêchant les acheteurs de contourner les producteurs. Il faut également garantir un prix rémunérateur et une régulation du prix des marges des industriels et des producteurs. Les centrales d’achats, cela apparait ici, permettent de négocier de meilleurs prix mais la question du bénéficiaire de ces meilleurs prix est posée. Ce n’est pas en faveur des agriculteurs puisque vous citez un rapport de la FNH indiquant que dans la filière laitière, en vingt ans, les marges de la grande distribution ont augmenté de 188 %, celles des industriels de 46 % et celles des éleveurs, par contraste, ont baissé de 4 %. Il s’agit pourtant de la filière où la contractualisation, prévue par les lois EGalim, est la plus développée. Cela ne profitera pas non plus aux consommateurs puisque la pratique des centrales d’achat a plutôt tendance à lisser les prix entre les enseignes. C’est pourquoi nous pensons qu’un encadrement des marges est à mettre en place. Nous soutenons globalement le propos de cette PPRE en faveur de laquelle nous voterons.
M. Henri Alfandari, rapporteur. En effet, la massification permet de réduire les coûts d'achat et nous pouvons difficilement nous y opposer. En revanche, la manière dont cette réduction de coûts impacte la rémunération du producteur est problématique. À ce sujet, il faut être clair : tous nos partenaires européens n’ont pas ce rapport avec les centrales d'achat, c’est un problème très français. En effet, la France a toujours soutenu les équilibres macroéconomiques en favorisant la consommation et, ainsi, la grande distribution, et comme la France crée moins de valeur, elle donne une injonction, notamment à la grande distribution, de protéger le pouvoir d'achat des Français. En parallèle, une transparence est demandée aux producteurs sur leurs coûts de production mais aucune transparence n’existe sur les marges de la grande distribution.
Ainsi, comment est-il possible de négocier ? La grande distribution rentre dans la négociation en demandant aux industriels une réduction de leurs marges, qui est immédiatement répercutée sur le producteur. Ainsi, le coût du travail n’est jamais inclus dans la négociation.
Comment pouvons-nous rééquilibrer ce rapport de force ? Il faut demander que la grande distribution, elle aussi, révèle ses marges, ce qui permettra au producteur d’avoir une idée de la manière dont il peut conduire sa négociation et permettra d’exposer les pratiques malsaines. Ensuite, comme vous l’avez fait remarquer, il y a également une logique d'organisation des filières, qui constitue certainement un point d’amélioration, sans être une solution.
Mme Sylvie Josserand (RN). L'Union européenne a besoin d'argent, toujours plus d'argent. Sous prétexte de rechercher une plus grande protection des agriculteurs, votre proposition de résolution poursuit l'objectif, je cite : « d'alimenter l'Union en nouvelles ressources propres ». Il s'agit d'un objectif qui implique la création d'une nouvelle recette fiscale pour abonder le budget européen. Or, les centrales d'achat ne manqueront pas de répercuter les taxes qu'elles subissent sur leurs propres cocontractants. Vous avez évoqué à l'instant la répercussion des marges sur les producteurs, ma question est donc la suivante : pouvez-vous expliciter en quoi une taxe imposée aux centrales d'achat multinationales, reversée directement au budget de l'Union européenne, pourrait être bénéfique au secteur agricole français ?
M. Henri Alfandari, rapporteur. Premièrement, l’objectif est que le Parlement européen se saisisse du sujet. Or, vous savez que l'Union européenne est soucieuse de son budget et cherche régulièrement à trouver des ressources propres, donc ce n’est pas forcément inintéressant.
Deuxièmement, c’est une résolution, il n’est nullement écrit que la solution doit être une taxe de 15 %. On suggère à l’Union de s'inspirer de ce qui a été fait sur la taxe de 15 %, mais il pourrait y avoir d'autres possibilités. Comme nous l’a rapporté la FNSEA durant les auditions, il serait possible d’imaginer un système qui récompense plutôt ceux qui travaillent au niveau local, par exemple. L’important est de traiter le sujet et de s'en saisir au niveau européen car il n'y a que par le droit européen que nous pourrons réguler à l'échelon européen et trouver des outils de régulation et d'équilibre fonctionnels. L’objectif est de s’inspirer d'une logique qui a permis d'avoir un accord avec la plupart des acteurs pour que les choses soient applicables.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en venons à l’examen des amendements.
Amendement n° 1 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot (RN). Le but des lois EGalim est de garantir une juste rémunération aux agriculteurs. Selon moi, ces lois devraient se concentrer sur le premier achat entre le producteur et le premier acheteur en garantissant un prix minimum. Les lois EGalim n'y parvenant pas au plan national, je ne pense pas qu’une transposition à l'échelon européen garantirait de meilleurs résultats. Seule une sanctuarisation du prix rémunérateur lors de la négociation en amont protégerait les agriculteurs, sans effet inflationniste pour les consommateurs et sans normes superflues.
De surcroît, je défends cet amendement de suppression car ce texte illustre parfaitement la mécanique de l'Union européenne : créer des problèmes pour ensuite prétendre les solutionner avec plus d'Europe. En effet, depuis 2016, l'Union européenne a permis la création de centrales d'achat transnationales comme Eurelec ou Eureca en Espagne. Ces structures, en exploitant les différences de législations entre pays membres, contournent les lois nationales de protection agricole. Et maintenant que ce système a fragilisé notre agriculture, nous proposons un EGalim européen, c'est-à-dire davantage de bureaucratie européenne et de nouvelles ressources pour l'Union européenne. La méthode est toujours la même, l'Europe crée le problème, puis se présente comme la solution. Cette proposition de résolution européenne s'inscrit parfaitement dans ce schéma bien connu : en matière d'immigration, Schengen met en place la libre-circulation des étrangers, puis Frontex est créé. En matière d’industrie, la combinaison d'une monnaie surévaluée et d'un libre-échange naïf lamine notre tissu industriel ; l’Union souhaite ensuite créer des champions européens et faire une relance européenne. Dans le secteur de l'énergie, le marché européen de l'électricité contribue à affecter notre filière nucléaire, à accroître nos prix et il nous est imposé une transition énergétique européenne pour corriger le problème. La solution ne réside pas dans une Europe plus forte mais dans la protection de notre souveraineté.
M. Henri Alfandari, rapporteur. Comme je vous l’ai expliqué, c’est parce que nous avons enjoint, en France, la grande distribution de protéger le pouvoir d’achat des Français que nous avons ce problème. Si nous sortons de l’Union européenne demain, les centrales d’achat françaises pourront se créer toujours dans d’autres pays de l’Union et nous ne pourrons plus les réguler. Ce sujet doit être traité au niveau européen.
Par ailleurs, lorsque vous suggérez de fixer un coût d’achat au niveau du producteur, allez-vous vous rendre dans chaque exploitation pour fixer le prix de vente de chaque produit ? On sait quels résultats donnent les économies dirigées.
Il faut donc régler la question de la transparence et celle de l’équilibre dans les négociations, car les intérêts des producteurs et de l’industrie se rejoignent comme le mentionne le rapport. Avis défavorable.
L’amendement n°1 est rejeté.
Discussion commune de l’amendement n° 4 de Mme Constance Le Grip et de l’amendement n° 5 de M. Henri Alfandari, rapporteur
Mme Constance Le Grip (EPR). Comme mentionné dans mon propos liminaire, nous souhaitons modifier légèrement la rédaction de l'actuel alinéa 11 parce qu'il me semble important d’éviter toute formulation qui laisserait entendre que le principe même de la création de centrales d'achat européennes ne serait pas pertinent.
Selon moi, qui suis favorable à l'économie sociale de marché, la création de centrales d'achat européennes vise un objectif légitime, à savoir la massification et la mutualisation des achats en grand nombre auprès de fournisseurs actifs dans divers pays européens pour avoir les meilleures conditions possibles. La formulation qui pourrait laisser croire qu'on remettrait en cause le système de ces centrales d'achat, me semble devoir être examinée avec une certaine circonspection. La DGCCRF nous a fait valoir la situation juridique qui prévaut à l'heure actuelle, eu égard aux différents litiges et contentieux qui existent entre certaines centrales d'achat européennes et l'administration française. Par l'amendement que nous proposons, nous souhaitons éviter d’évoquer des pratiques contraires aux dispositions de la loi française.
M. Henri Alfandari, rapporteur. Je comprends parfaitement les raisons de cet amendement. Comme l’a indiqué la DGCCRF, il ne faut pas mettre en péril un certain nombre de procédures en cours. Toutefois, je trouve la rédaction de votre amendement un petit peu trop forte, même si je ne suis pas en désaccord. Je préférerais, si vous le voulez bien, privilégier l’adoption de l’amendement suivant, le n°5, qui me paraît moins radical en substituant au mot : « permet », les mots : « semblent permettre », conservant l’objectif tout en ne mettant pas en danger les procédures actuelles. Avis de sagesse sur votre amendement, tout en préférant que vous le retiriez au profit de l’amendement n° 5.
L’amendement n° 4 est rejeté.
L’amendement n° 5 est adopté.
Amendement n° 6 de M. Henri Alfandari, rapporteur
M. Henri Alfandari, rapporteur. Cet amendement vise à apporter des améliorations liées à des remarques formulées par la DGCCRF et les organisations agricoles sur le fait d’accroître la transparence dans les relations contractuelles entre les centrales d’achat et les producteurs, d’élargir la liste des pratiques prohibées afin d’inclure les pratiques commerciales abusives – dont on ne parlait pas - et de remplacer le critère de seuil de chiffre d’affaires par un seuil de volume d’achats de produits agricoles et alimentaires afin d’étendre le champ d’application de la directive aux acheteurs et aux fournisseurs indépendamment de leurs chiffres d’affaires.
L’amendement n° 6 est adopté.
Amendement n° 2 de Mme Mathilde Hignet
Mme Mathilde Hignet. Sous prétexte du secret des affaires, il est bien difficile de connaître les marges exactes de la grande distribution. C’est notamment ce qu’a pu nous confier l’Observatoire de la formation des prix et des marges qui a beaucoup de difficulté à obtenir ces données. Au-delà de cette nécessité de transparence, il nous faut un véritable encadrement des marges pour éviter l’inflation des prix alimentaires au profit des grands groupes sans que jamais cette augmentation n’aboutisse à une augmentation du prix agricole. C’est le cas notamment pour le bio. Une étude menée par l’UFC-Que Choisir a démontré qu’en moyenne sur 24 fruits et légumes, les marges brutes sont 75 % plus élevées en bio qu’en conventionnel. On ne peut pas laisser la grande distribution faire du profit sur les produits bio ou les labels de qualité en faisant croire aux consommateurs que la cherté du produit est uniquement due au prix de la matière première agricole qui serait plus élevé.
M. Henri Alfandari, rapporteur. J’entends ce que vous dites. Mais je crois qu’il est possible de parvenir à de meilleurs résultats en renforçant le pouvoir des producteurs à l’intérieur de la négociation et en assurant une transparence sur les marges. L’encadrement des prix est une chose extraordinairement compliquée qui conduit en règle générale à créer plus de distorsions que de fluidité. Avis défavorable.
L’amendement n° 2 est rejeté.
Amendement n° 7 de M. Henri Alfandari, rapporteur
M. Henri Alfandari, rapporteur. Cet amendement, inspiré par la réponse de la DGCCRF au questionnaire qui lui a été soumis dans le cadre des travaux préparatoires de cette proposition de résolution vise à ce que soit favorisée au niveau européen une approche plus générale de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, là où la directive (UE) 2019/633 vise des pratiques particulières.
L’amendement n° 7 est adopté.
Amendement n° 3 de Mme Mathilde Hignet
Mme Mathilde Hignet. L’objectif des lois EGAlim était d’améliorer le revenu des agriculteurs mais les mobilisations du monde agricole nous ont démontré que ce n’était pas le cas. Si les lois EGAlim sanctuarisent le prix des matières premières agricoles, elles ne posent à aucun moment la question du revenu des agriculteurs. Pour avoir un salaire et une retraite décents, il ne suffit pas d’amortir les coûts de production. Les lois EGAlim sanctuarisent un prix insuffisant qui n’est même pas respecté. C’est effectivement un indicateur qui est censé permettre la fixation du prix mais ce n’est pas l’élément central. C’est pourquoi nous considérons que le gouvernement français doit soutenir la notion de prix rémunérateur garanti pour l’ensemble des producteurs agricoles européens. Il n’est pas question ici de définir le prix rémunérateur garanti commun à l’Union européenne puisque ce dernier dépend largement du contexte national et même du contexte local. Il s’agit de soutenir l’idée que les agriculteurs doivent être rémunérés à la hauteur de leur travail.
M. Henri Alfandari, rapporteur. Je ne suis pas convaincu car je trouve la rédaction trop restrictive. Et en même temps, nous poursuivons le même objectif. Avis de sagesse.
L’amendement n° 3 est rejeté.
L’article unique de la proposition de résolution européenne, ainsi modifié, est adopté.
La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée.
proposition de rÉsolution europÉenne initiale
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Traité sur l’Union européenne, notamment les articles 4 et 5,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment les articles 101 et 102,
Vu le règlement (UE) 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,
Vu l’arrêt du 22 décembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne,
Vu le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017,
Vu la directive (UE) 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire,
Vu la communication (COM/2020/381 final) de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie « De la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement,
Considérant que la loi n° 2023‑221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite « Egalim 3 », entrée en vigueur en France au 1er mars 2024, s’applique sur tous les produits distribués en France ;
Considérant que le recours aux centrales d’achats européennes permet aux grandes enseignes de contourner la loi française en réalisant des économies d’échelle par l’achat au prix de gros dans d’autres pays de l’Union européenne en bénéficiant de législations plus souples ;
Considérant que le recours croissant de la grande distribution aux centrales d’achats européennes permet d’imposer des conditions contractuelles aux producteurs qui affaiblissent leur capacité de négociation, et affecte la juste rémunération des premiers acteurs de la chaîne alimentaire ;
Considérant la demande française de février 2024 émanant du Président de la République et du commissaire chargé du marché intérieur de mettre en place un « Egalim européen » pour garantir une rémunération des agriculteurs au juste prix ;
Considérant que l’agriculture européenne fait face à des défis croissants liés aux coûts de production, aux normes sanitaires, et aux impératifs de transition écologique, qui imposent des charges financières supplémentaires aux producteurs sans compensation suffisante en termes de prix de vente, lesquels sont souvent négociés à la baisse par les centrales d’achats de la grande distribution ;
Considérant la nécessité de préserver un tissu agricole européen diversifié et d’éviter la disparition des petites exploitations, facteur essentiel de sécurité alimentaire et de résilience économique dans de nombreuses régions européennes ;
Considérant que les grands exploitants, coopératives et industries, malgré leur taille, sont eux‑mêmes confrontés à ce déséquilibre des négociations ;
1. Invite la Commission européenne à intégrer dans sa réflexion sur les ressources propres de l’Union européenne une mise à contribution des centrales d’achats multinationales, à l’image du taux d’imposition de 15 % qui s’applique aux groupes nationaux et internationaux ayant une société mère ou une filiale installée dans l’Union européenne ;
2. Appelle la Commission européenne à renforcer son contrôle des pratiques anticoncurrentielles issues de la concentration des centrales d’achat, et à proposer une révision de la directive (UE) 2019/633 afin d’accroitre la transparence dans les relations contractuelles entre les centrales d’achat et les producteurs ;
3. Invite la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil à mettre en place un cadre législatif commun renforçant le pouvoir de négociation des producteurs dans leurs relations contractuelles avec les centrales d’achat, notamment en promouvant la transparence des marges de ces dernières ;
4. Encourage les États membres à se coordonner pour renforcer la régulation des centrales d’achats au niveau national, en se donnant des outils de surveillance appropriés, ainsi qu’en garantissant un droit de recours pour les producteurs et les petits fournisseurs en cas de pratiques commerciales déloyales ou abusives.
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
11 DÉCEMBRE 2024
METTRE EN PLACE UN CADRE EUROPÉEN SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES DES CENTRALES D’ACHATS DE LA GRANDE DISTRIBUTION AVEC LES PRODUCTEURS (N° 619),
|
AMENDEMENT |
No 1 |
présenté par |
M. Guillaume BIGOT |
----------
ARTICLE UNIQUE
Supprimer l'article unique.
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cette proposition de résolution européenne vise à déléguer à l'Union européenne des compétences qui relèvent de la souveraineté nationale française en matière de régulation commerciale et de politique agricole.
La création d'un « Egalim européen » et l'attribution de ressources propres à l'Union européenne constituent une atteinte inacceptable à notre souveraineté nationale et à notre capacité à protéger nos agriculteurs.
La France doit conserver sa pleine capacité à légiférer sur son territoire et à protéger ses agriculteurs, sans déléguer ces compétences essentielles aux institutions européennes.
Par ailleurs, ce texte ne répond pas aux véritables enjeux de protection de notre agriculture face à la concurrence déloyale et aux importations massives qui menacent notre souveraineté alimentaire.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article unique.
Cet amendement a été rejeté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
11 DÉCEMBRE 2024
mettre en place un cadre européen sur les relations contractuelles des centrales d’achats de la grande distribution avec les producteurs (n° 619),
|
AMENDEMENT |
No 4 |
présenté par |
Mme Constance LE GRIP |
----------
ARTICLE UNIQUE
Rédiger ainsi l’alinéa 11 :
« Considérant que le recours par de grandes enseignes aux centrales d’achats européennes, qui peut viser à mobiliser une plus grande puissance d’achat par un effet de regroupement, tend à s’accompagner, pour certaines, de pratiques contraires aux dispositions d’ordre public de la loi française en privilégiant l’application d’autres législations européennes plus souples. ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
La création de centrales d'achats européennes vise un objectif légitime, en favorisant la mutualisation des achats auprès de fournisseurs opérant dans divers pays européens. Remettre en cause l'existence même de ces centrales semble contraire au principe de liberté d'établissement. En parallèle, la France maintient une vigilance active sur l'application des dispositions du code de commerce pour les produits livrés sur son territoire. Cela s'est traduit par l'imposition de plusieurs sanctions à l'encontre de centrales situées à l'étranger, tandis que de nombreux litiges restent en cours.
Cet amendement a été rejeté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
11 DÉCEMBRE 2024
METTRE EN PLACE UN CADRE EUROPÉEN SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES DES CENTRALES D’ACHATS DE LA GRANDE DISTRIBUTION AVEC LES PRODUCTEURS (N° 619),
|
AMENDEMENT |
No 5 |
présenté par |
||
M. Henri Alfandari, rapporteur |
----------
ARTICLE UNIQUE
A l’alinéa 11, substituer au mot : « permet », les mots : « semble permettre ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
En réponse à nos sollicitations en vue de l’examen de la présente proposition de résolution européenne, la DGCCRF nous a alertés, à juste titre, sur le fait que la formulation actuelle de l’alinéa semble indiquer que la loi française ne s’applique effectivement pas aux activités des centrales d’achat européennes. Or, une telle affirmation serait susceptible de fragiliser la position de l’administration dans le cadre des recours devant les juridictions, puisqu’elle s’efforce précisément d’y faire valoir l’application de la loi française à ces centrales.
Il convient donc d’adopter une formulation plus précise qui permette cependant d’alerter les instances européennes sur les pratiques de certaines centrales d’achats.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
11 DÉCEMBRE 2024
METTRE EN PLACE UN CADRE EUROPÉEN SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES DES CENTRALES D’ACHATS DE LA GRANDE DISTRIBUTION AVEC LES PRODUCTEURS (N° 619),
|
AMENDEMENT
|
No 6 |
présenté par |
||
M. Henri Alfandari, rapporteur |
----------
ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 18, après le mot « afin : » rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
« 1° d’accroître la transparence dans les relations contractuelles entre les centrales d’achat et les producteurs ;
2° d’élargir la liste des pratiques prohibées afin d’inclure les pratiques commerciales abusives des centrales d’achats ;
3° de remplacer, dans l’article premier, les seuils de chiffres d’affaires par un seuil minimal de volumes d’achats de produits agricoles et alimentaires afin que la directive puisse s’appliquer aux acheteurs et aux fournisseurs indépendamment de leur chiffres d’affaires. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
L’alinéa 18 appelle la Commission européenne à proposer une révision de la directive (UE) 2019/633 dite « Directive PCD » pour accroître la transparence dans les relations contractuelles entre les centrales d’achat et les producteurs.
Le présent amendement, basé sur les remarques de la DGCCRF, vise à inclure dans cet appel à révision de la directive une demande d’extension de la liste des pratiques prohibées dans l’Union Européenne afin d’y inclure les pratiques abusives actuelles de certaines centrales d’achats européennes, ainsi que le remplacement du critère de seuil de chiffre d’affaires par un seuil de volume d’achats de produits agricoles et alimentaires afin d’étendre le champ d’application de la directive à davantage de fournisseurs présents sur le marché européen.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
11 DÉCEMBRE 2024
METTRE EN PLACE UN CADRE EUROPÉEN SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES DES CENTRALES D’ACHATS DE LA GRANDE DISTRIBUTION AVEC LES PRODUCTEURS (N° 619),
|
AMENDEMENT |
No 2 |
présenté par |
||
Mme Hignet, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, M. Arnault, Mme Belouassa-Cherifi, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Cadalen, M. Caron, M. Carrière, Mme Cathala, M. Cernon, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Coulomme, M. Delogu, M. Diouara, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Feld, M. Fernandes, Mme Ferrer, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hamdane, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Lahmar, M. Laisney, M. Le Coq, M. Le Gall, Mme Leboucher, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lejeune, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Élisa Martin, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Nosbé, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Ratenon, M. Saint-Martin, M. Saintoul, Mme Soudais, Mme Stambach Terrenoir, M. Taché, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Vannier |
----------
ARTICLE UNIQUE
A l'alinéa 19, après le mot : « transparence », insérer les mots : « et l’encadrement ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Par cet amendement, le groupe parlementaire LFI-NFP souhaite que l’État français demande à la Commission européenne de lutter contre les surmarges de certains distributeurs concernant les produits sous signe de qualité.
C’est notamment le cas pour les produits issus de l’agriculture biologique dont le surcout ne provient pas uniquement du surcoût agricole. C’est avant tout parce que la grande distribution effectue des marges plus importantes sur ces produits, fait notamment démontré par l’UFC-Que Choisir. Sur la base des cotations officielles publiées pour 24 fruits et légumes, en moyenne, les marges brutes sont 75 % plus élevées en Bio qu’en conventionnel.
Afin de répondre aux objectifs européens de réduction des produits phytosanitaires et de garantir l’accès à une alimentation de qualité pour toutes et tous, il convient donc de lutter contre ces pratiques.
Cet amendement a été rejeté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
11 DÉCEMBRE 2024
METTRE EN PLACE UN CADRE EUROPÉEN SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES DES CENTRALES D’ACHATS DE LA GRANDE DISTRIBUTION AVEC LES PRODUCTEURS (N° 619),
|
AMENDEMENT |
No 7 |
présenté par |
||
M. Henri Alfandari, rapporteur |
----------
ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 20, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5. Invite les institutions européennes à consacrer davantage les principes généraux de pratiques commerciales déloyales dans la législation européenne, en visant en particulier les pratiques portant atteinte à l’ordre public économique, tels que la soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et l’obtention d’avantages sans contrepartie ou disproportionnés. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement, inspiré par la réponse de la DGCCRF au questionnaire qui lui a été soumis dans le cadre des travaux préparatoires de cette proposition de résolution, vise à ce que soit favorisée au niveau européen une approche plus générale de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, là où la directive (UE) 2019/633 vise des pratiques particulières.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
11 DÉCEMBRE 2024
METTRE EN PLACE UN CADRE EUROPÉEN SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES DES CENTRALES D’ACHATS DE LA GRANDE DISTRIBUTION AVEC LES PRODUCTEURS (N° 619),
|
AMENDEMENT |
No 3 |
présenté par |
||
Mme Hignet, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, M. Arnault, Mme Belouassa-Cherifi, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Cadalen, M. Caron, M. Carrière, Mme Cathala, M. Cernon, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Coulomme, M. Delogu, M. Diouara, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Feld, M. Fernandes, Mme Ferrer, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hamdane, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Lahmar, M. Laisney, M. Le Coq, M. Le Gall, Mme Leboucher, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lejeune, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Élisa Martin, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Nosbé, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Ratenon, M. Saint-Martin, M. Saintoul, Mme Soudais, Mme Stambach Terrenoir, M. Taché, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Vannier |
----------
ARTICLE UNIQUE
Après l'alinéa 20, insérer l’alinéa suivant :
« Invite le gouvernement de la République française à soutenir, devant la Commission européenne, un prix rémunérateur garanti pour l'ensemble des producteurs agricoles des pays membres ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Par cet amendement, le groupe parlementaire LFI-NFP souhaite que l’État français soutienne, devant la Commission européenne, un prix rémunérateur garanti pour l'ensemble des producteurs agricoles des pays membres.
Les centrales d’achats européennes amplifient la pression exercée sur les producteurs pour baisser leurs prix, même lorsque les coûts de production augmentent. EGAlim a échoué à tenir sa promesse de protection des revenus des agriculteurs. En France, 16 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté. En effet, dans les lois EGAlim, le coût de production n'est ainsi pas le seul facteur de détermination du prix de vente et ne permet donc pas de garantir un revenu aux agriculteurs.
La mise en place d’un EGAlim européen risquerait donc d’aboutir à la même situation. C’est pourquoi nous souhaitons que l’État français encourage le respect d’un prix rémunérateur garanti pour l’ensemble des agriculteurs européens.
Cet amendement a été rejeté.
– 1 –
proposition de rÉsolution europÉenne
ADOPTÉE par la commission
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le Traité sur l’Union européenne, notamment les articles 4 et 5,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment les articles 101 et 102,
Vu le règlement (UE) 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,
Vu l’arrêt du 22 décembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne,
Vu le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017,
Vu la directive (UE) 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire,
Vu la communication (COM/2020/381 final) de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie « De la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement,
Considérant que la loi n° 2023‑221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite « Egalim 3 », entrée en vigueur en France au 1er mars 2024, s’applique sur tous les produits distribués en France ;
Considérant que le recours aux centrales d’achats européennes semble permettre aux grandes enseignes de contourner la loi française en réalisant des économies d’échelle par l’achat au prix de gros dans d’autres pays de l’Union européenne en bénéficiant de législations plus souples ;
Considérant que le recours croissant de la grande distribution aux centrales d’achats européennes permet d’imposer des conditions contractuelles aux producteurs qui affaiblissent leur capacité de négociation, et affecte la juste rémunération des premiers acteurs de la chaîne alimentaire ;
Considérant la demande française de février 2024 émanant du Président de la République et du commissaire chargé du marché intérieur de mettre en place un « Egalim européen » pour garantir une rémunération des agriculteurs au juste prix ;
Considérant que l’agriculture européenne fait face à des défis croissants liés aux coûts de production, aux normes sanitaires, et aux impératifs de transition écologique, qui imposent des charges financières supplémentaires aux producteurs sans compensation suffisante en termes de prix de vente, lesquels sont souvent négociés à la baisse par les centrales d’achats de la grande distribution ;
Considérant la nécessité de préserver un tissu agricole européen diversifié et d’éviter la disparition des petites exploitations, facteur essentiel de sécurité alimentaire et de résilience économique dans de nombreuses régions européennes ;
Considérant que les grands exploitants, coopératives et industries, malgré leur taille, sont eux‑mêmes confrontés à ce déséquilibre des négociations ;
1. Invite la Commission européenne à intégrer dans sa réflexion sur les ressources propres de l’Union européenne une mise à contribution des centrales d’achats multinationales, à l’image du taux d’imposition de 15 % qui s’applique aux groupes nationaux et internationaux ayant une société mère ou une filiale installée dans l’Union européenne ;
2. Appelle la Commission européenne à renforcer son contrôle des pratiques anticoncurrentielles issues de la concentration des centrales d’achat, et à proposer une révision de la directive (UE) 2019/633 afin :
- d’accroitre la transparence dans les relations contractuelles entre les centrales d’achat et les producteurs ;
- d’élargir la liste des pratiques prohibées afin d’inclure les pratiques commerciales abusives des centrales d’achats ;
- de remplacer, dans l’article premier, les seuils de chiffres d’affaires par un seuil minimal de volumes d’achats de produits agricoles et alimentaires afin que la directive puisse s’appliquer aux acheteurs et aux fournisseurs indépendamment de leur chiffres d’affaire.
3. Invite la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil à mettre en place un cadre législatif commun renforçant le pouvoir de négociation des producteurs dans leurs relations contractuelles avec les centrales d’achat, notamment en promouvant la transparence des marges de ces dernières ;
4. Encourage les États membres à se coordonner pour renforcer la régulation des centrales d’achats au niveau national, en se donnant des outils de surveillance appropriés, ainsi qu’en garantissant un droit de recours pour les producteurs et les petits fournisseurs en cas de pratiques commerciales déloyales ou abusives ;
5. Invite les institutions européennes à consacrer davantage les principes généraux de pratiques commerciales déloyales dans la législation européenne, en visant en particulier les pratiques portant atteinte à l’ordre public économique, tels que la soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et l’obtention d’avantages sans contrepartie ou disproportionnés.
– 1 –
ANNEXE :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur
- Mme Sophie Lenaerts, Vice-présidente de la Coordination rurale
- M. Yannick Fialip, Vice-Président
- M. Ali Karacoban, Chef de service Économie des Filières
- M. Hugo Bernard, Chargé de mission Affaires publiques
([1]) Autorité de la concurrence, avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution.
([2]) Assemblée nationale, Rapport d'enquête n° 2268 sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, présenté par Thierry Benoit et Grégory Besson-Moreau, enregistré le 25 septembre 2019.
([3]) https://www.fnh.org/produits-laitiers-eleveurs-grands-perdants-hausse-prix/
([4]) Trois rapprochements étaient examinés : Intermarché-Casino, Auchan-Système U et Carrefour-Provera.
([5]) Sénat, Rapport d'information n° 156, présenté par Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier au nom de la commission des affaires économiques, enregistré le 20 novembre 2024.
([6]) Bien que le droit français soit généralement plus protecteur des fournisseurs dans le cadre des relations commerciales concernées que ne l’est la directive européenne, la France a dû procéder à la transposition dans son droit de quatre dispositions de cette dernière :
- l’interdiction d’annuler une commande à trop brève échéance ;
- l’interdiction d’obtenir, d’utiliser ou de divulguer le secret des affaires ;
- l’interdiction de refuser de confirmer par écrit les conditions d’un contrat ;
- la mention obligatoire de la quantité prévisionnelle de produits sur lesquels le fournisseur s’engage à accorder des avantages promotionnels aux consommateurs.
(Rapport d'information déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des affaires économiques sur l’application de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, n° 4369, déposé le mardi 13 juillet 2021.)
([7]) Sénat, **Rapport d'information n° 156**, présenté par Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier au nom de la commission des affaires économiques, enregistré le 20 novembre 2024.