N° 720

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2024

 

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation,

 

 

 

 

par M. Didier LE GAC,

Député

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 Voir le numéro : 2326.


 


SOMMAIRE

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 Pages

Examen des conditions requises pour la création de la commission d’enquête

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : lettre du Garde des sceaux

 


   Examen des conditions requises pour la création
de la commission d’enquête

Mme Mereana Reid Arbelot et plusieurs membres du groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES avait déposé, le 12 mars 2024 une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête « relative à la politique d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation ».

Formellement créée lors de la précédente législature, le 7 mai 2024, après que la commission de la défense et des forces armée ait jugé recevable la demande tendant à sa création, cette commission d’enquête que j’ai eue l’honneur de présider a, pendant les semaines qui ont suivi, mené de nombreuses auditions de chercheurs et de scientifiques, de représentants des victimes des essais nucléaires ou encore d’organismes officiels tels que l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Malheureusement, la dissolution annoncée le 9 juin 2024 a prématurément mis un terme à ses travaux, comme à l’ensemble des travaux de l’Assemblée nationale.

Compte tenu toutefois de l’importance de ce sujet, une nouvelle proposition de résolution ayant le même objet a été déposée, le 4 octobre 2024, par les mêmes auteurs et, comme pour la précédente, le président du groupe Gauche démocrate et républicaine – NFP, M. André Chassaigne, a fait usage, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire, une fois par session ordinaire. Par conséquent, et conformément au second alinéa de l’article 140 du Règlement, il revient à la commission de la défense nationale et des forces armées, à laquelle a été renvoyée la proposition de résolution, de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’opportunité d’une telle création.

Dans la même logique, la proposition de résolution ne sera pas soumise au vote de l’Assemblée nationale : en effet, en application du deuxième alinéa de l’article 141 précité, la Conférence des Présidents « prend acte de la création de la commission d’enquête » dès lors que cette création répond aux exigences fixées par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et au chapitre IV de la première partie du titre III du Règlement.

Ces exigences sont présentées ci-après :

Extraits du Règlement de l’Assemblée nationale

Article 137

Les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont déposées sur le bureau de l’Assemblée. Elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Elles sont examinées et discutées dans les conditions fixées par le présent Règlement.

Article 138

1. Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre.

2. L’irrecevabilité est déclarée par le Président de l’Assemblée. En cas de doute, le Président statue après avis du Bureau de l’Assemblée.

Article 139

1. Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des Sceaux, ministre de la Justice.

2. Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue.

3. Lorsqu’une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l’Assemblée, saisi par le garde des Sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux.

En premier lieu, pour être recevables, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion », en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale.

En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l’article unique de la proposition de résolution, elle serait chargée « d’étudier et d’évaluer la politique française d’expérimentation nucléaire, l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, la reconnaissance et l’indemnisation des victimes, ainsi que la reconnaissance des dommages environnementaux et leur réparation ».

L’exposé des motifs apporte des précisions supplémentaires sur les faits faisant l’objet de cette commission d’enquête :

1° Les raisons ayant orienté la France vers le choix de sites polynésiens pour son expérimentation nucléaire, à l’exclusion de toutes les autres options ;

2° L’état des connaissances du Gouvernement français sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé et l’environnement au moment où la Polynésie française a été choisie, mais également au cours des opérations et jusqu’à aujourd’hui ;

3° La diversité des niveaux d’information transmis aux populations, aux vétérans et aux personnels civils au cours de la période des essais nucléaires ;

4° Les doses réelles de radioactivité reçues par la population, les vétérans et les personnels civils au cours des 193 essais nucléaires ;

5° L’ensemble des conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales des trente années d’expérimentation atomique en Polynésie française ;

6° L’effectivité du régime d’indemnisation de l’ensemble des victimes des essais nucléaires français et les mesures concrètes à adopter afin de les mener à une guérison complète ;

7° L’efficacité des mesures de réparation et de réhabilitation environnementale adoptées ;

8° L’accès aux archives relatives aux conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales de l’installation et des opérations du CEP en Polynésie française.

La proposition de résolution expose donc des faits précis et variés de nature à fonder la constitution d’une commission d’enquête.

En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans les douze mois qui précèdent leur discussion, a déjà eu lieu, avec un objet identique, une commission d’enquête ou une mission d’information effectuée dans les conditions prévues à l’article 145‑1 du Règlement (c’est-à-dire avec les prérogatives d’une commission d’enquête).

Or tel n’est pas le cas ici. Aucune commission d’enquête et aucune mission d’information dotée des prérogatives d’une commission d’enquête ne s’est saisie dans le délai précité de la question des conséquences des essais nucléaires français dans le Pacifique. En effet, la commission d’enquête précitée créée le 7 mai 2024, bien qu’ayant le même objet, n’a pu conclure ses travaux et son existence ne peut donc être opposée à la présente demande.

La proposition de résolution remplit donc la deuxième condition de recevabilité.

Enfin, en application de l’article 139 du Règlement, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit, quant à lui, que la mission d’une commission d’enquête déjà créée « prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ».

Interrogé par la Présidente de l’Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l’article 139 précité, M. Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir, dans un courrier du 5 novembre 2024, qu’il n’avait pas connaissance de « procédure judiciaire en cours susceptible de recouvrir le périmètre de la commission d’enquête parlementaire envisagée ».

En conséquence, l’ensemble des conditions étant remplies, il apparaît que la proposition de création d’une commission d’enquête relative à la politique d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation est recevable.

 


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 11 décembre 2024, la commission examine la proposition de résolution.

Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Nous abordons à présent la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation.

Certains d’entre vous s’en souviennent, la commission avait déjà examiné lors de la précédente législature, le 10 avril, une demande identique formulée par le groupe GDR faisant usage de son droit de tirage. Nous l’avions jugée recevable et une commission d’enquête avait été créée, dont les travaux ont été interrompus par la dissolution. Elle avait pour président Didier Le Gac et pour rapporteure Mereana Reid Arbelot. Le groupe GDR fait à nouveau jouer son droit de tirage pour demander qu’elle soit recréée. En application du second alinéa de l’article 140 du règlement, il appartient à notre commission de vérifier la recevabilité de cette demande, sans se prononcer sur son opportunité ni amender le dispositif.

Didier Le Gac, qui nous dira peut-être quelques mots sur le déroulement des travaux de la précédente législature, nous indiquera si les conditions requises pour la création de cette commission d’enquête sont toujours remplies. En cas de réponse positive de notre part, la prochaine conférence des présidents prendra acte de sa création.

M. Didier Le Gac, rapporteur. Le 12 mars dernier, notre collègue députée de la Polynésie française, Mereana Reid Arbelot, a déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation.

Cette commission d’enquête a été formellement créée le 7 mai 2024. Elle a mené de nombreuses auditions, avec des chercheurs, des scientifiques, des représentants des victimes des essais nucléaires et des organismes officiels comme l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Malheureusement, la dissolution annoncée le 9 juin a prématurément mis un terme à ses travaux, alors que les auditions étaient quasiment achevées.

Compte tenu de l’importance du sujet – et de la ténacité de notre collègue ! –, une nouvelle proposition de résolution ayant le même objet a été déposée le 4 octobre 2024. Conformément au second alinéa de l’article 140 du règlement, il nous revient de vérifier que les conditions requises pour la création de cette commission d’enquête sont réunies, sans aborder le fond du sujet ni se prononcer sur son opportunité. Si la demande est jugée recevable, la conférence des présidents en prendra acte, en application de l’article 141 du règlement.

Trois conditions sont requises pour qu’une demande de commission d’enquête soit recevable.

En premier lieu, en application de l’article 137 du règlement, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête.

En l’occurrence, les faits me semblent définis avec une précision suffisante. L’exposé des motifs détaille huit points : les raisons ayant orienté la France vers le choix de sites polynésiens pour son expérimentation nucléaire, à l’exclusion de toutes les autres options ; l’état des connaissances du gouvernement français sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé et l’environnement au moment où la Polynésie française a été choisie, mais également au cours des opérations et jusqu’à aujourd’hui ; la diversité des niveaux d’information transmis aux populations, aux vétérans et aux personnels civils au cours de la période des essais nucléaires ; les doses réelles de radioactivité reçues par la population, les vétérans et les personnels civils au cours des 193 essais nucléaires ; l’ensemble des conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales des trente années d’expérimentation atomique en Polynésie française ; l’effectivité du régime d’indemnisation de l’ensemble des victimes des essais nucléaires français et les mesures concrètes à adopter afin de les mener à une guérison complète ; l’efficacité des mesures de réparation et de réhabilitation environnementale adoptées ; et l’accès aux archives relatives aux conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales de l’installation et des opérations du CEP en Polynésie française.

La proposition de résolution expose donc des faits précis et variés sur lesquels mener des investigations, qui sont de nature à fonder la création d’une commission d’enquête.

En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ne sont pas recevables si une commission d’enquête ou une mission d’information a déjà eu lieu dans les douze mois qui précèdent, avec un objet identique, dans les conditions prévues à l’article 145-1 du règlement.

Certes, la commission d’enquête créée le 7 mai 2024 avait le même objet, mais elle n’a pas pu conclure ses travaux. Par conséquent, faute de rapport, elle ne peut être opposée à la présente demande.

Enfin, en application de l’article 139 du règlement, une proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition. Le troisième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit même que la mission d’une commission d’enquête déjà créée prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter.

Interrogé par la présidente de l’Assemblée nationale, Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la justice, lui a répondu le 5 novembre 2024 qu’il n’avait pas connaissance de procédure judiciaire en cours susceptible de recouvrir le périmètre de la commission envisagée.

L’ensemble des conditions étant remplies, cette proposition de création d’une commission d’enquête paraît recevable.

J’ajoute que les travaux que nous avons menés avec Mereana Reid Arbelot ont été empreints d’un esprit très consensuel entre les différents groupes et que nous avons à cœur de les reprendre rapidement.

Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Je donne la parole aux orateurs des groupes.

Mme Mereana Reid Arbelot (GDR). Je souhaite remercier M. le rapporteur pour sa présentation complète et fidèle, en ces jours où les défis pour la nation sont grands et où des décisions politiques doivent être prises.

Je remercie aussi le bureau de la commission et son président d’avoir examiné la recevabilité de cette proposition de résolution. Notre assemblée assure la continuité de ses missions autant que faire se peut. Nous le devons aux Françaises et aux Français qui nous ont élus.

Je remercie particulièrement le groupe GDR qui, pour la seconde fois, a usé de son droit de tirage pour demander cette commission d’enquête importante pour la Polynésie et pour la France.

Après la validation de sa création par la prochaine conférence des présidents, les groupes parlementaires seront invités à proposer la candidature de députés intéressés par l’approche historique de l’expérimentation nucléaire française et par ses conséquences. Le sujet est grave et sérieux et la commission précédente avait démontré une réelle implication transpartisane. Je forme le vœu que la nouvelle commission apporte à nouveau la preuve de notre capacité à travailler de concert et dans le respect mutuel sur des sujets importants pour la nation et pour tous nos concitoyens.

M. Frédéric Boccaletti (RN). Nous sommes ravis de pouvoir de nouveau nous saisir des problématiques que soulève cette commission d’enquête.

Le groupe Rassemblement national partage l’ambition d’une meilleure reconnaissance et réparation pour les victimes des essais nucléaires français. Il est favorable, lorsque cela est possible, à une plus grande ouverture des archives, comme le demande la proposition de résolution.

Nous déplorons les victimes civiles et militaires que ces essais ont faites tout en rappelant notre attachement au modèle de dissuasion français. Tout effort visant à mieux reconnaître et mieux indemniser les victimes de cette politique de défense indispensable à notre pays est louable.

Notons cependant que l’impact des essais nucléaires est largement documenté. De nombreux rapports et enquêtes ont été publiés. La loi Morin définit également un cadre légal. Il nous semble aujourd’hui plus opportun de proposer à nos compatriotes d’outre-mer des mesures concrètes, transpartisanes et élaborées avec le prochain gouvernement. Je citerai notamment l’ouverture des archives, l’extension du décret du 15 septembre 2014 aux cancers de la thyroïde notamment, ou encore la facilitation des démarches d’indemnisation au titre de la loi Morin.

Sans aller jusqu’à leur terme, les travaux de la commission d’enquête sous la précédente législature avaient constitué une avancée significative. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette proposition de résolution.

Mme Corinne Vignon (EPR). La conférence des présidents a pris acte de la demande formulée par le groupe GDR de créer cette commission d’enquête, dont l’objectif premier est de considérer toutes les victimes, tant les populations polynésiennes que les vétérans. Notre commission s’était montrée favorable, le 10 avril 2024, à la création de la commission d’enquête précédente. Celle-ci avait mené en mai et juin dernier plus de la moitié des auditions prévues avant que ses travaux ne soient interrompus par la dissolution.

Afin que les auditions soient menées à leur terme et que la commission puisse rendre ses conclusions, dans le même esprit consensuel et constructif que sous la précédente législature, le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de cette résolution.

M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise soutient pleinement la création de cette commission d’enquête. Il est plus que temps de rendre justice au peuple de Polynésie française, principale victime des essais nucléaires. Je remercie donc nos collègues du groupe GDR d’avoir agi promptement pour reprendre les travaux que la dissolution avait laissé inachevés.

Que savaient les autorités de l’époque des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ? Qu’ont-elles dit aux populations concernées et qu’ont-elles caché ? Quels ont été les impacts réels sur les populations ? Que peut faire la République pour réparer et indemniser au mieux les victimes aujourd’hui ? Autant de questions qui méritent des réponses claires et précises.

Je forme le vœu que cette commission d’enquête ne soit qu’une première étape dans la transparence sur le programme nucléaire français. Il est en effet nécessaire de faire toute la lumière également sur les expérimentations nucléaires que la France a menées dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966. Il ne s’agit pas seulement d’un impératif mémoriel, mais d’une manière d’adresser un message de fraternité et de respect aux peuples qui ont souffert de la nucléarisation du monde en Polynésie, en Algérie et ailleurs.

Hier, le Prix Nobel de la paix était remis à l’association japonaise qui représente des survivants de la bombe atomique. En approuvant la proposition de résolution, notre commission rendrait un modeste hommage à toutes les victimes de l’arme atomique à travers le monde.

Mme Anna Pic (SOC). Au cours des dernières années, le groupe Socialistes, à l’initiative de Mélanie Thomin, a déposé nombre d’amendements visant à demander des rapports sur nos soixante ans d’expérimentation nucléaire ainsi qu’à améliorer l’indemnisation des victimes. Je remercie donc le groupe GDR d’avoir à nouveau usé de son droit de tirage pour poursuivre ce travail nécessaire. Nous devrons également dans les années à venir nous pencher sur les essais nucléaires dans le désert algérien.

Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de la poursuite de la commission d’enquête.

Mme Josy Poueyto (Dem). Les essais nucléaires en Polynésie française ont été importants pour développer l’arsenal nucléaire qui fait de la France un acteur incontournable des relations internationales et nous confère notre statut de grande puissance ainsi que notre souveraineté en matière de dissuasion.

Pourtant nous savons tous qu’ils ont provoqué d’importants dégâts, tant sur la santé des personnes qui ont été exposées aux radiations que sur la société et l’économie polynésienne et son environnement. Ces essais sont en effet la cause de nombreuses maladies radio-induites, chez les populations civiles et le personnel exposés et encore aujourd’hui.

Alors que les atolls de Mururoa et de Fangataufa avaient été choisis pour leur éloignement des lieux de vie des Polynésiens, nous savons aujourd’hui que les populations ont subi les conséquences de ces expérimentations hautement toxiques. Les essais ont également provoqué d’importants dommages sur l’environnement, entraînant la pollution des sols et l’effondrement des récifs coralliens. Ils ont aussi totalement désorganisé l’économie et la société polynésienne, occasionnant notamment la disparition du tissu économique traditionnel et d’importants dégâts psychosociaux.

L’État a reconnu les conséquences de ces essais nucléaires par la loi Morin votée en 2010, laquelle a créé un système d’indemnisation des victimes qui peuvent ainsi, selon les critères tels que la dose d’exposition aux rayonnements ionisants, obtenir une réparation financière de la part de l’État. Pourtant, nous nous accordons pour estimer que ce système est perfectible. Les critères du régime d’indemnisation des victimes font aujourd’hui débat au sein de la communauté scientifique. En outre, le nombre de demandes déposées et le faible nombre d’indemnisations accordées plaident pour une réforme du régime.

Nous manquons notamment d’informations sur les personnes potentiellement touchées par ces maladies, parfois parce qu’elles renoncent à leurs droits. L’ancienne ministre de la santé, Catherine Vautrin, avait affirmé que la liste des maladies radio-induites devait être élargie et que les frais ne devaient pas être supportés par les caisses locales polynésiennes mais par l’État. Si l’État s’est engagé sur le principe, le montant doit encore faire l’objet de négociations.

Enfin, il semble qu’il faille faire la lumière sur d’autres sujets tels que les différents niveaux d’information dont ont bénéficié la population et le personnel du Centre d’expérimentation, ou encore les connaissances de l’État sur la dangerosité pour la population et l’environnement au moment de choisir la Polynésie et de faire ces essais.

Comme le président de la République l’a affirmé en 2021 lors de son voyage en Polynésie, la France doit assumer son passé nucléaire, qui fait partie intégrante de son histoire. Il a incité à l’ouverture des archives tout en soulignant la nécessaire préservation du secret de notre défense nationale.

La commission d’enquête ayant largement commencé ses travaux avant la dissolution, il nous semble pertinent de lui permettre de les achever. Notre groupe votera en faveur de la proposition de résolution.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). La commission d’enquête n’ayant pu achever ses travaux sous la législature précédente, il est indispensable qu’elle puisse les poursuivre et je remercie le groupe GDR d’avoir fait le nécessaire pour cela. Le groupe Horizons et indépendants est évidemment très favorable à cette proposition de résolution dont les objectifs ont été rappelés de manière tout à fait claire.

Chaque citoyen français doit avoir connaissance des motivations et surtout des conséquences des essais nucléaires. Je suis convaincue que le fait d’assumer nos responsabilités et de faire preuve de transparence contribue largement à l’apaisement et à la restauration de la confiance entre les Français et leurs élus.

Vous pouvez compter sur l’engagement plein et entier du groupe Horizons pour faire aboutir ce projet.

M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Il y a vingt-huit ans, la France cessait ses essais nucléaires dans le Pacifique et signait le traité d’interdiction complète des essais. Cette période a marqué une rupture dans l’histoire de ce territoire ultramarin. Elle a affecté et continue d’affecter des générations de Polynésiens et de Polynésiennes. Elle a également changé définitivement la société, l’environnement et l’économie de l’archipel.

En 2019, le Premier ministre a mandaté une commission transpartisane, composée de députés et de sénateurs, pour faire des préconisations destinées à améliorer la prise en charge des victimes. La politique d’aller vers a permis des avancées à cet égard.

Mais il reste encore de nombreuses zones d’ombre sur les vingt années d’expérimentation – les raisons du choix des sites polynésiens, les doses réelles de radioactivité reçues par la population, l’accès limité aux archives, etc. C’est pour répondre à ces interrogations que notre assemblée avait créé une commission d’enquête en mai dernier. La dissolution a malheureusement arrêté ses auditions.

Le groupe LIOT soutient donc sans réserve le rétablissement de la commission d’enquête. Nous le devons aux Polynésiennes et aux Polynésiens, qui placent beaucoup d’espoir dans ses travaux. Je tiens à saluer l’engagement de Nicole Sanquer, qui a cosigné la proposition de résolution.

La commission d’enquête doit permettre de faire toute la lumière sur cette période difficile ; elle doit aussi forcer l’État à regarder en face la réalité des conséquences des essais nucléaires. Néanmoins, elle ne doit pas être un outil politique. Elle ne peut être qu’une première étape qui, je l’espère, sera suivie par des avancées concrètes pour améliorer l’indemnisation des victimes mais aussi pour renforcer la stratégie de dépollution des sites des essais.

M. Didier Le Gac, rapporteur. Mereana Reid Arbelot se joindra certainement à moi pour se féliciter de cette belle unanimité.

En dépit des propos très pertinents qui ont été tenus, il n’est aujourd’hui pas question du fond, mais seulement de lancer la procédure de création. J’invite les députés de tous les groupes à faire ensuite acte de candidature pour cette commission d’enquête ô combien importante, dont les travaux commenceront probablement en janvier.

 

La commission adopte la proposition de résolution.

 

 


   annexe : lettre du Garde des sceaux