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N° 775

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 janvier 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI
d’urgence pour Mayotte (n°772)

(Procédure accélérée)

PAR Mme Estelle YOUSSOUFFA

Députée

——

 

 

 

Voir le numéro : 772.


SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Chapitre Ier Coordination de la reconstruction de Mayotte et reconstruction des écoles

Article 1er Habilitation à modifier la gouvernance et les compétences de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte

Article 1er bis (nouveau) Publication du rapport d’activité du nouvel établissement public

Article 2 Transfert provisoire à l’État de la charge travaux sur le bâti scolaire à Mayotte

Chapitre II Adapter les règles d’urbanisme et de construction face à l’urgence à Mayotte

Article 3 Exemption de formalités d’urbanisme des constructions dédiées à l'hébergement d’urgence implantées pour une durée de moins de deux ans

Article 4 Habilitation à déroger à certaines règles de construction à Mayotte

Article 4 bis (nouveau) Encadrement temporaire à Mayotte de la vente aux particuliers de tôles pouvant servir de matériau de construction

Chapitre III Adapter les procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte

Article 5 Champ et durée d’application du chapitre III de la loi

Article 6 Adaptation des règles d’urbanisme en cas de reconstruction ou de réfection du bâtiment à l’identique ou avec certaines modifications

Article 6 bis (nouveau) Dérogations temporaires aux procédures d’urbanisme conditionnant la reconstruction des infrastructures de communication électronique

Article 7 Réduction des délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme

Article 8  Exemption d’enquête publique

Article 9 Possibilité de démarrer les travaux dès le dépôt, selon le cas, de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable

Chapitre IV Garantir la maîtrise foncière et la disponibilité de matériaux pour la reconstruction

Article 10 Adaptation provisoire des règles relatives à l’expropriation en vue de garantir la maîtrise foncière et la disponibilité des matériaux

Chapitre V Adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique

Article 11 Dérogations à l’obligation de publicité et de mise en concurrence pour la passation des marchés de travaux, de fournitures et de service soumis au code de la commande publique

Article 12 (supprimé) Dérogation au principe d’allotissement des marchés de travaux, de fournitures et de service soumis au code de la commande publique

Article 13  Assouplissement des possibilités d’attribution d’une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement d’équipements et de bâtiments publics

Article 13 bis (nouveau) Encadrement des conditions de recours à la sous-traitance dans l’exécution des marchés publics passés en vue de la reconstruction de Mayotte

Article 13 ter (nouveau) Information sur le taux de marge des candidats aux marchés publics passés en vue de la reconstruction de Mayotte

Article 14  Entrée en vigueur des dérogations aux principes de la commande publique établies par les articles 11 à 13 du projet de loi

Article 14 bis (nouveau) Prévention du risque d’éviction des opérateurs économiques mahorais dans le cadre des marchés publics passés en vue de la reconstruction de Mayotte

Chapitre VI  Faciliter les dons à destination de Mayotte

Article 15 Subventionnement des associations apportant des secours d’urgence aux victimes du cyclone Chido – Concours financiers apportés à l’établissement public foncier de Mayotte

Article 16 Défiscalisation des dons consentis aux associations et fondations reconnues d’utilité publique à titre de soutien à leur action

Chapitre VII  Mesures en faveur de la population à Mayotte

Article 17  Suspension des délais de recouvrement fiscal forcé

Article 17 bis (nouveau) Suspension du paiement des impôts et taxes

Article 18  Suspension du paiement des prélèvements sociaux

Article 19  Intervention du Conseil de protection sociale des travailleurs indépendants à Mayotte

Article 20  Prolongation des droits pour les demandeurs d’emploi et bénéficiaires des allocations de chômage

Article 21  Prolongation des droits à prestations versées par la caisse de sécurité sociale de Mayotte

Article 22  Augmentation provisoire des niveaux de prise en charge de l’activité partielle à Mayotte

Article 23 (nouveau) Prolongation de plein droit des demandes de logement social arrivées à expiration

Article 24 (nouveau) Rapport sur la reconstruction de Mayotte et son coût

Article 25 (nouveau) Rapport sur le soutien public à reconstruction de Mayotte et à son économie

Article 26 (nouveau) Rapport sur le bilan humain du passage du cyclone Chido à Mayotte

Article 27 (nouveau) Rapport sur les disparités entre les prestations sociale à Mayotte et en métropole

Examen en commission

1. Réunion du lundi 13 janvier 2025 à 16 heures

2. Réunion du lundi 12 janvier 2025 à 21 heures 30

3. Réunion du mardi 14 janvier 2025 à 21 heures

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes


   avant-propos

Un mois presque jour pour jour après le passage du cyclone Chido qui a ravagé l’île de Mayotte, la tempête Dikeledi a plongé la population dans un nouveau cauchemar de dévastation : vents violents, pluies torrentielles, coulées de boue et inondations. Les Mahorais n’avaient, pour beaucoup, plus de toit, et ont vu une nouvelle fois le ciel leur tomber sur la tête et détruire les quelques biens qui leur restaient. À Mtsamboro, il n’y a plus d’eau, de téléphone ni d’électricité et Acoua reste totalement isolée depuis le 14 décembre dernier. Mayotte est à terre, le moral est bas et la population totalement à bout. Mais les Mahorais se battront pour survivre et trouver la force de reconstruire. Le cyclone Chido impose de reconstruire Mayotte plus durablement et solidement pour résister au changement climatique, pour offrir un avenir aux enfants mahorais et pour construire la prospérité de demain.

Ces calamités naturelles s’ajoutent aux difficultés anciennes de Mayotte, département structurellement sous-développé et sous-équipé, et systématiquement écarté des mesures de progrès et d’égalité prises par les gouvernements successifs. La crise migratoire, les pénuries d’eau, l’insécurité constituent le quotidien des Mahorais, qui sont pourtant français depuis 1841, alors que Mayotte est devenue un département depuis 2011. Les Mahorais ont voté à de multiples reprises pour rester dans la République et pourtant la République laisse à l’écart Mayotte. De nombreuses promesses, notamment dans le cadre du plan « Mayotte debout », ont été annoncées à la suite du passage du cyclone Chido. Or, ce projet de loi ne contient aucune mesure véritablement ambitieuse à la hauteur des annonces et du besoin de réformes profondes pour Mayotte. C’est un texte technique, certes pas inutile, mais rédigé à la hâte et sans consultation des élus locaux ni des parlementaires. À ce titre, le conseil départemental de Mayotte a émis un avis réservé sur le projet de loi qui lui a été transmis. L’Association des maires de Mayotte et le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) ont aussi fait part de leur déception.

Le projet de loi est notamment muet sur le sujet essentiel de l’immigration, alors que plus de la moitié de la population de Mayotte est étrangère. La destruction des radars et de la maigre flotte de surveillance maritime affectée à la lutte contre l’immigration clandestine permet aux migrants d’arriver sans entrave sur notre île depuis le passage du cyclone. Les Mahorais le constatent chaque jour. L’île n’est pas en mesure de répondre aux besoins vitaux et de garantir les droits fondamentaux des Mahorais : le seul hôpital existant a été partiellement détruit, les services publics ne fonctionnent pas, les élèves ne peuvent aller à l’école qu’une demi-journée par jour. Les Mahorais estiment ne plus pouvoir accueillir davantage d’étrangers et souhaitent la suspension des délivrances des titres de séjour et des attestations de demande d’asile dans le département pour mettre fin à tout appel d’air migratoire.

Le projet de loi ne contient pas davantage de disposition relative à la lutte contre la reconstitution des bidonvilles, directement liée à l’immigration incontrôlée. Il est irresponsable de laisser reconstruire les bidonvilles qui constituent des installations illégales, dangereuses, insalubres et indignes de la République. Le Gouvernement a essayé d’amender son propre texte en commission pour lutter contre la reconstruction des bidonvilles, mais cela n’a pas été possible en raison des règles de recevabilité, faute de disposition relative à cette problématique dans le texte initial du projet de loi. Cela est d’autant plus dommage que le Gouvernement avait retardé de près d’une semaine la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, dans l’intention restée vaine de le compléter. Cette méthode, porteuse d’un échec annoncé, conduit d’ailleurs à s’interroger sur la sincérité de la démarche gouvernementale.

Enfin, le projet de loi ne prévoit aucun financement pour la reconstruction et la refondation de l’île. La question du prêt promis aux 90 % des foyers mahorais dépourvus d’assurance reste en suspens.

Si ce projet de loi est très lacunaire, la plupart de ses dispositions vont cependant dans le bon sens.

Les trois premiers chapitres favorisent la reconstruction de l’île en prévoyant des règles dérogatoires en matière d’urbanisme et de construction, tout en confiant à un nouvel établissement public la charge de coordonner la reconstruction de l’île et en transférant à l’État la mission de reconstruire les écoles.

L’article 1er habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les modalités d’intervention de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, chargé de piloter et de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte. La réécriture proposée par le Gouvernement, qui prévoit la création d’une nouvelle entité intégrant l’Epfam, lequel est loin d’avoir bonne presse sur l’île, est la bienvenue. Elle inclurait, dans sa gouvernance, des élus locaux et des acteurs économiques du territoire, ce qui est primordial : la reconstruction ne peut pas se faire sans associer les Mahorais aux décisions. L’article 1er bis prévoit la publication annuelle du rapport d’activité du nouvel établissement public prévu à l’article 1er.

L’article 2 prévoit de transférer pendant trois ans la charge financière et opérationnelle de la reconstruction des écoles à l’État. Au vu des difficultés financières des communes mahoraises, de la multiplicité des tâches qui les attendent et de l’ampleur des dégâts, il s’agit là de mesures nécessaires. Mais aucune construction nouvelle doit pouvoir être décidée sans l’accord de la commune. Les charges de fonctionnement des écoles dont s’acquittent les communes mahoraises sont déjà très lourdes et ne cessent de s’accroître sous la pression démographique, principalement étrangère.

L’article 3, particulièrement flou dans sa formulation ce qui n’est pas sans susciter des inquiétudes quant au risque qu’il soit utilisé pour développer l’habitat informel, prévoit de dispenser les lieux d’hébergement d’urgence bâtis après le drame de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. Cet article paraît inutile, des marges de manœuvre suffisantes existant pour le pouvoir réglementaire.

L’article 4 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier le droit à la construction à Mayotte. Le champ des dispositions pouvant être modifiées par ordonnance paraît beaucoup trop large. Construire vite ne doit pas être synonyme de mal construire. Les habitations de demain devront pouvoir résister aux phénomènes météorologiques extrêmes. Les règles relatives à l’accessibilité des bâtiments ou à la production d’énergie renouvelable doivent elles aussi être maintenues.

L’article 4 bis, introduit dans le projet de loi à l’initiative de la rapporteure, encadre la vente de tôles en la soumettant à la présentation de documents (titre d’identité, justificatif de domicile) pour l’acheteur et à la tenue d’un registre pour le vendeur.

L’article 5 définit le champ couvert par les articles 6 à 9, à savoir les reconstructions à l’identique ou avec des modifications des constructions, des aménagements et des installations dégradés ou détruits à Mayotte en raison du cyclone.

L’article 6 autorise les reconstructions à l’identique ou avec des améliorations, qui peuvent être plus importantes lorsqu’est poursuivi un motif d’intérêt général, même quand des dispositions d’urbanisme en disposent autrement.

Afin de faciliter et d’accélérer le rétablissement des réseaux de communication électronique endommagés ou détruits par le cyclone Chido, l’article 6 bis du projet de loi suspend ou aménage l’application des procédures de déclaration ou d’autorisation préalables à la réalisation de travaux de construction des antennes et infrastructures à Mayotte, pour une période de deux ans à compter de la promulgation du texte adopté par le Parlement.

L’article 7 réduit les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme. Cette disposition est utile, mais il revient à l’État d’accorder aux communes et aux services de l’État des moyens suffisants pour permettre leur traitement dans de bonnes conditions.

L’article 8 prévoit de remplacer l’enquête publique, pouvant être décidée par le préfet à Mayotte lorsqu’une consultation du public est obligatoire pour certains projets de travaux, par une procédure de participation du public par voie électronique. Cette proposition paraît étonnante alors que Mayotte est un désert numérique.

L’article 9 autorise à démarrer les travaux de reconstruction (démolition, terrassement et fondation) avant l’obtention du permis ou la non-opposition à la déclaration préalable.

L’article 10 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance différentes mesures visant à déroger aux règles d’expropriation et à permettre une occupation provisoire des emprises privées afin de reconstruire rapidement ce qui a été détruit. Votre rapporteure a précisé par amendement le périmètre de l’habilitation.

Le chapitre III du projet de loi aménage des dérogations aux principes et procédures du droit de la commande publique, afin de faciliter et d’accélérer la réfection et la reconstruction des équipements et bâtiments publics détruits ou endommagés par le cyclone Chido.

L’article 11 permet ainsi de déroger à l’obligation de publicité préalable dans la passation des marchés publics de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements et bâtiments publics de Mayotte et dont la valeur n’excède pas deux millions d’euros hors taxes. Il autorise également la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services soumis aux règles de la commande publique et répondant au même besoin sans publicité ni mise en concurrence préalables, pour les marchés d’une valeur inférieure à cent mille euros hors taxe. À l’initiative de la rapporteure, la commission des affaires économiques a étoffé le dispositif afin de favoriser, sans remettre en cause dans son principe le pouvoir d’appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs, l’attribution de marchés publics aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du cyclone Chido.

L’article 12, supprimé en commission, visait à permettre aux acheteurs publics de ne pas appliquer le principe d’allotissement dans la passation des marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte.

L’article 13 tend à faciliter le recours à des marchés globaux pour la réalisation des travaux nécessaires à la reconstruction ou à la remise en état des équipements et bâtiments publics de Mayotte. À cet effet, il lève les restrictions établies par l’article L. 2171-2 du code de la commande publique pour l’attribution d’un marché de conception-réalisation dans le cadre d’un régime temporaire. À l’initiative de la rapporteure, la commission des affaires économiques a étoffé le dispositif, afin de favoriser l’attribution de marchés publics aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du cyclone Chido.

L’article 13 bis, introduit dans le projet de loi par la commission, vise à limiter le recours à la sous-traitance dans l’exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services conclus en vue de la reconstruction de Mayotte.

L’article 13 ter, introduit dans le projet de loi par la commission, permet aux acheteurs publics et aux pouvoirs adjudicateurs d’obtenir des candidats aux marchés publics la transmission d’informations relatives à leur taux de marge pour risque et leur taux de marge bénéficiaire afin d’examiner leur offre.

Sur le modèle des dispositions prises afin de soutenir et ordonner l’effort de reconstruction de Notre-Dame de Paris, le chapitre IV comporte deux mesures destinées à soutenir l’action des associations et encourager les dons aux particuliers en faveur des victimes de Chido à Mayotte.

L’article 14, que la commission n’a pas modifié, fixe les conditions d’entrée en vigueur des articles 11 à 13 du projet de loi, en prévoyant que les dérogations aux principes et règles de la commande publique qui en résultent s’appliquent pendant deux ans à compter de la publication de la loi.

L’article 14 bis, introduit dans le projet de loi par la commission, vise à prévenir tout risque d’éviction des opérateurs économiques mahorais dans le cadre des marchés publics passés en vue de la reconstruction de Mayotte, en prévoyant notamment l’insertion dans les contrats d’une clause réservant aux très petites entreprises locales un pourcentage minimum des travaux à réaliser.

Dans la rédaction issue des travaux en commission, l’article 15 reconnaît expressément aux collectivités territoriales le droit d’accorder des subventions aux associations engagées dans le financement de secours d’urgence apportés aux victimes du cyclone Chido, ainsi qu’à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam). Le versement des fonds aux associations peut être réalisé entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025. Le secours d’urgence inclut désormais la fourniture de repas et de soins à titre gratuit.

L’article 16 porte de 66 % à 75 % le taux de la réduction d’impôt prévue au I de l’article 200 du code général des impôts pour les dons et versements réalisés entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025 auprès des associations et organismes d’intérêt général qui apportent leur aide aux personnes victimes du cyclone Chido et de ses conséquences à Mayotte.

Le chapitre IV du projet de loi contient plusieurs mesures en faveur des entreprises et de la population mahoraises.

L’article 17 suspend les délais de prescription en matière de recouvrement fiscal forcé, pour éviter que certaines créances dont sont redevables les contribuables envers des personnes publiques soient prescrites alors que l’administration est paralysée. Cette mesure peut néanmoins être problématique dans la mesure où elle n’est pas intrinsèquement favorable aux contribuables. Votre rapporteure souhaite en supprimer son effet rétroactif pour garantir sa conformité aux exigences constitutionnelles et suspendre également les délais de prescription applicables aux créances détenues par les contribuables à l’encontre des personnes publiques.

L’article 17 bis, créé en commission, reporte d’un an le paiement des impôts.

L’article 18 suspend le paiement des cotisations et contributions sociales à Mayotte jusqu’à ce que la situation économique et sociale redevienne normale. Un amendement de la rapporteure adopté en commission prévoit également la possibilité d’annuler le paiement d’une partie de ces prélèvements sociaux.

L’article 19 permet l’intervention à Mayotte du Conseil de protection sociale des travailleurs indépendants, qui gère l’action sanitaire et sociale des travailleurs indépendants confrontés à des difficultés exceptionnelles.

L’article 20 proroge automatiquement les droits aux allocations de chômage (ARE, ASS, ATI) pour les allocataires dont les droits expirent ou qui ont perdu leur emploi à partir du 1er décembre 2014.

L’article 21 proroge automatiquement les droits aux prestations de sécurité sociale à Mayotte et permet d’ouvrir des droits nouveaux sans les pièces justificatives ou sans remplir les conditions habituelles requises. Votre rapporteure relève néanmoins un risque de fraudes, du fait notamment de l’importance de la population en situation irrégulière à Mayotte.

L’article 22 donne la possibilité d’augmenter provisoirement la prise en charge de l’activité partielle à Mayotte (indemnité perçue par l’employé et allocation versée à l’employeur).

L’article 23 prolonge automatiquement les demandes de logement social pour éviter que les demandeurs perdent le bénéfice de l’ancienneté.

Les articles 24 à 27 demandent différents rapports au Gouvernement sur la situation de Mayotte, les conséquences et la gestion de la crise.

 

   COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Chapitre Ier
Coordination de la reconstruction de Mayotte et reconstruction des écoles

Article adopté par la commission avec modifications

 

Cet article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois, des mesures relevant du domaine de la loi et portant sur l’organisation et la gouvernance de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam), ainsi que sur ses compétences en matière de maîtrise d’ouvrage et de coordination des maîtres d’ouvrage, pour faciliter et accélérer la reconstruction des bâtiments publics et privés à Mayotte.

Les travaux en commission ont conduit à prévoir la création d’un nouvel établissement public en remplacement de l’Epfam et à préciser la future gouvernance de cet établissement.

  1.   L’Établissement public foncier et d’amÉnagement de mayotte
    1.   Les Établissements publics foncierS et d’amÉnagement

Le code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoit à sa section III du chapitre Ier du titre II du livre de III (articles L. 321-29 à L. 321-36-7) l’existence de trois établissements publics fonciers et d’aménagement : Grand Paris Aménagement, l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane ainsi que l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam), créé en 2017 par la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

Ces établissements publics industriels et commerciaux cumulent les compétences des établissements publics fonciers et des établissements publics d’aménagement. Ils peuvent réaliser ou assurer, pour le compte des différents acteurs qui peuvent le solliciter (État, établissements publics, collectivités territoriales, certains acteurs privés, etc.) :

– des opérations foncières et immobilières (l’acquisition de terrains, y compris par l’expropriation ou la préemption, leur portage ainsi que leur cession) incluant des acquisitions foncières d'espaces naturels, agricoles ou forestiers dont la préservation doit être assurée ;

– des opérations d’aménagement ;

– la maîtrise d’ouvrage déléguée d’un ouvrage de bâtiment ou d’infrastructure pour le compte de son mandataire ;

Outre les compétences partagées par les trois établissements, l’Epfam peut également se voir transférer gratuitement par l’État des terrains « en vue de la réalisation d’opérations de construction de bâtiments scolaires, de logements sociaux et d’infrastructures publiques de première nécessité ».

  1.   la gouvernance de l’Epfam

Le conseil d’administration de l’Epfam est composé en nombre égal de représentants de l’État d’un côté, et de l’autre, de représentants des collectivités territoriales (région, département et communes), ainsi que des groupements de communes (article L. 321-36-4 du code de la construction et de l'habitation).

Le décret n° 2017-341 du 15 mars 2017 relatif à l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte précise les modalités de gouvernance de l’établissement : le conseil d’administration est composé de six membres représentant les ministères, de trois membres représentant le département de Mayotte et de trois membres représentant les établissements publics de coopération intercommunale et les communes. Par ailleurs, à titre simplement consultatif, la chambre de commerce et d'industrie de Mayotte, la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte, et le conseil économique, social et environnemental de Mayotte sont également représentés au sein du conseil d’administration.

  1.   une habilitation À lÉgifÉrer par ordonnance pour renforcer les pouvoirs de l’Epfam afin de faciliter la reconstruction de Mayotte

L’article 1er habilite le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance pour renforcer les compétences de l’Epfam et modifier sa gouvernance afin de faciliter et accélérer la reconstruction de Mayotte. Contrairement à ce qui avait été évoqué par le Premier ministre lors de son déplacement à Mayotte, l’annonce de la création d’un établissement sui generis ayant vocation à absorber ou à remplacer l’Epfam pour les opérations de reconstruction n’a pas été concrétisée dans la version du projet de loi présentée en Conseil des ministres le mercredi 8 janvier : la rapporteure, comme l’ensemble des élus mahorais, ne peut que le regretter tant l’Epfam n’a pas été en capacité, depuis sa création, de jouer le rôle qu’on attendait de lui dans le développement et l’aménagement de l’île, alors que l’établissement est critiqué pour sa politique d’expropriation ou pour les difficultés à maintenir un dialogue ouvert avec les collectivités. L’Epfam a malheureusement mauvaise réputation dans le département, connue pour racheter à vil prix les terres à des propriétaires coutumiers souvent analphabètes et démunis face à la machine administrative qui pratique des expropriations dont les coûts d’achat sont bien en deçà du marché. Par ailleurs, de nombreux témoignages rapportent des méthodes de négociation proches de l’intimidation. Dans son rôle de Safer avec pour mission de sécuriser le foncier agricole, l’Epfam est également très contestée par les agriculteurs mahorais, qui lui reprochent de ne pas protéger les terres agricoles quand ils ne l’accusent pas de les acheter pour des projets immobiliers ou commerciaux... Enfin, par sa jeunesse, l’Epfam n’a pas eu le temps de livrer des projets qui permettraient de juger de ses compétences et de son aptitude à prendre plus d’envergure. La rapporteure comprend que des réflexions sont encore en cours et que la création d’un nouvel établissement public pourrait être décidée par voie d’amendement.

Les mesures prises par ordonnance auront pour finalité ([1]) de confier la mission à l’établissement « de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte, en lien avec les ministères et leurs opérateurs et de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à la reconstruction ». La nature des reconstructions n’est pas précisée : tous les types de constructions, incluant les opérations d'aménagement (réseaux, voirie) la construction de logements ou de locaux d'activité, pourraient ainsi être concernés.

  1.   le rÔle de maÎtre d’ouvrage et de coordination des maÎtres d’ouvrage de l’Epfam

Par ailleurs, les dispositions matérielles qui pourront être prises sur le fondement de l’habilitation sont de deux ordres.

Premièrement, l’établissement pourra assurer la maîtrise d’ouvrage ou la maîtrise d’ouvrage déléguée (comme il en a déjà le pouvoir dans ce second cas), coordonner l’action des différents maîtres d’ouvrage et se substituer aux maîtres d’ouvrage privés en cas de « défaillance grave » (deux compétences que l’Epfam ne détient pas aujourd’hui) dont la nature n’est pas précisée. Le législateur a déjà eu recours à la notion de « défaillance » du maître d’ouvrage pour permettre à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) de se substituer aux maîtres d’ouvrage pour que les équipements, nécessaires à la tenue des Jeux olympiques et paralympiques à Paris, puissent être construits dans de bonnes conditions et dans des délais restreints. Les manquements suivants, autorisant la Solideo à se substituer au maître d’ouvrage, étaient inscrits dans la loi ([2]) :

– la méconnaissance du calendrier de livraison ou de réalisation des ouvrages ;

– le dépassement des budgets prévisionnels ;

– le non-respect du programme ;

– tout autre élément conduisant à un retard ou à l’interruption de la conception, de la réalisation ou de la construction de tout ou partie des ouvrages ou des aménagements nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

De façon similaire, la loi du 28 février 2017 précisait le pouvoir de coordination de la Solideo par la signature des conventions relatives au financement et au calendrier de livraison de ces ouvrages ou de réalisation des opérations d’aménagement. Dans le présent article d’habilitation, les modalités de coordination des maîtres d’ouvrage par l’Epfam ne sont pas davantage précisées.

  1.   les modifications de gouvernance de l’Epfam

En second lieu – et c’est le point principal qui justifie de recourir à l’habilitation – l’ordonnance pourra adapter l’organisation et l’administration de l’établissement pour y associer les « représentants des acteurs économiques mahorais », qui ne peuvent pas être membres du conseil d’administration de l’établissement aujourd’hui. La représentation des élus mahorais au sein du conseil d’administration pourrait également être modifiée. Le recours à une ordonnance permettra de prendre le temps de la concertation avec les partenaires concernés, afin de préciser les modalités d’organisation et de gouvernance de l’établissement.

  1.   les travaux de la commission

L’article a été adopté dans une rédaction modifiée par plusieurs amendements, qui ont reçu un avis favorable de la rapporteure :

– l’amendement CE227 du Gouvernement prévoit, comme il s’y était engagé devant les élus mahorais et en cohérence avec la nomination du général Facon en tant que préfigurateur de l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction à Mayotte, de créer un nouvel établissement public en remplacement de l’Epfam, pour la reconstruction de l’île ;

–  le CE156 de notre collègue Philippe Naillet rappelle la nécessité d’une gouvernance équilibrée entre les élus locaux et l’État, tandis que les amendements CE132 de M. René Pilato et CE116 de la présidente Aurélie Trouvé élargissent la liste des acteurs devant être associés à la gouvernance du nouvel établissement public (Comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte et acteurs sociaux).

 

 

*

*     *

 

Article introduit par la commission

 

L’article 1er bis, introduit par un amendement de la commission, impose au nouvel établissement public créé conformément à l’article 1 de publier un rapport d’activité annuel.

  1.   la publication d’un rapport d’activité pour un établissement public

La production d’un rapport annuel d’activité est une pratique systématique des établissements publics, bien qu’aucune obligation légale générale n’existe à la connaissance de la rapporteure – à l’exception du rapport d’activité produit par les établissements publics de coopération intercommunale, conformément à l’article L. 5211-39 du code général des collectivités territoriales. De nombreux décrets de création d’établissement public mentionnent directement l’existence d’un rapport annuel d’activité. ([3]) La publication du rapport d’activité est courante. L’Epfam ne fait pas exception et publie chaque année un rapport d’activité.

  1.   l’obligation de publication du rapport annuel d’activité du nouvel établissement public chargé de coordonner la reconstruction de l’île

Sur proposition de la rapporteure (amendement CE242), reprenant une proposition de notre collègue Philippe Naillet, la commission a adopté un amendement portant article additionnel prévoyant l’obligation de publier un rapport d’activité annuel rendant compte « de la nature, du coût et des modalités de financement des opérations » du nouvel établissement public prévu à l’article 1.

Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 2 transfère à l’État, provisoirement jusqu’au 31 décembre 2027, la responsabilité de réaliser les travaux de reconstruction et de construction des écoles à Mayotte dans une liste de communes établie par arrêté.

Les travaux en commission ont conditionné ce transfert à l’avis conforme des communes concernées et la création d’une nouvelle école, ainsi que son implantation à l’accord exprès de la commune.

  1.   la gestion du bÂti des Écoles : une compÉtence de la commune

La décision de construction et d’implantation d’une école maternelle ou primaire, la gestion continue de son bâti ainsi que son fonctionnement relèvent de la compétence de la commune (article L. 2121-30 du code général des collectivités territoriales et articles L. 212-1 et L. 212-4 du code de l’éducation) à Mayotte comme ailleurs sur le territoire français.

Les communes ont ainsi à leur charge les travaux de construction, de reconstruction et d’extension, les grosses réparations ainsi que l’équipement des écoles et, au titre des dépenses de fonctionnement, les dépenses d’entretien, les dépenses relatives au mobilier scolaire, au chauffage et à l’éclairage des classes ainsi qu’à la rémunération du personnel de service.

En revanche, la gestion des collèges et des lycées revient à l’État sur le territoire de Mayotte – et non aux départements pour les collèges et aux régions pour les lycées comme c’est le cas dans l’hexagone (article L. 251-21 du code de l’éducation). La rapporteure constate, à ce titre, un sous-investissement chronique dans les collèges et les lycées de la part de l’État ces dernières années à Mayotte.

  1.   le transfert de la charge des Écoles À l’État pour en assurer une reconstruction rapide

Le maire de Mamoudzou indiquait, dans un article paru le 29 décembre dernier dans le Figaro ([4]) que pour sa seule ville, les coûts de reconstruction des écoles de la ville étaient estimés à près de 10 millions d’euros. D’après l’étude d’impact, on estime qu’entre un quart et la moitié des places seraient à reconstruire (entre seize mille et trente-deux mille places). Les communes de Mayotte ne pourront pas financièrement prendre en charge la reconstruction de toutes les écoles détruites. Opérationnellement, les travaux nécessaires pourraient nécessiter de recourir à près d’une cinquantaine de conducteurs de travaux selon l’étude d’impact : leur mutualisation pourrait être avantageuse à ce titre.

L’article 2 propose ainsi que l’État ou l’un de ses établissements publics (l’Epfam ou le nouvel établissement public pressenti) puisse prendre en charge financièrement de façon exceptionnelle, jusqu’au 31 décembre 2027, les travaux à réaliser dans les écoles ou pour construire les écoles : il s’agit des travaux de « construction », de « reconstruction », de « rénovation », de « réhabilitation » ([5]), d’« extension », de « grosses réparations » et d’« équipement ». Le fonctionnement courant des écoles resterait en revanche à la charge des communes.

La liste des villes concernées par la mise à disposition des écoles à l’État (ou au nouvel établissement public) sera établie par un arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale au regard des dégâts causés aux écoles par le cyclone Chido, après l’avis des communes. En cas de construction d’une nouvelle école, la commune sera consultée sur l’implantation de l’école et le nombre de classes créées.

La rapporteure constate que l’avis des communes pourrait ne pas être suivi. La rédaction de l’article pourrait permettre à l’État de construire de nouvelles écoles en plus de celles qui seraient à reconstruire, contre l’avis des communes qui seraient simplement consultées sans qu’un avis conforme soit nécessaire : la rapporteure est fortement opposée à ce que de nouvelles écoles soient construites si la commune n’a pas donné son accord exprès. Les charges de fonctionnement des écoles sont déjà très lourdes à porter pour les communes mahoraises. De plus, de nombreux élus locaux et collectifs citoyens s’opposent à la construction d’écoles supplémentaires qui scolarisent majoritairement des enfants étrangers et alimentent selon eux, l’immigration avec un phénomène d’appel d’air. Alors que la démographie à Mayotte est principalement le fait de la natalité comorienne (74 % des femmes qui accouchent à Mayotte sont étrangères, selon l'enquête nationale prénatale dans les DROM, menée en 2021 par l'Agence régionale de santé et Santé publique France et publiée en septembre 2023. 67,6 % des parturientes à Mayotte sont originaires des Comores), elle induit mécaniquement la construction de centaines de classes chaque année : l’Insee fait état de 10 280 naissances à Mayotte en 2023, soit autant d’enfants à scolariser. Depuis plusieurs années, le système scolaire mahorais n’arrive pas à suivre cette explosion démographique. Ainsi, les salles de classe sont insuffisantes, le service de restauration scolaire quasi inexistant et le rectorat de Mayotte ont mis en place un système de rotation limitant le nombre d’heures d’enseignement pour partager l’utilisation de mêmes locaux entre plusieurs classes. Cette dégradation de la qualité et des heures d’enseignement sans aucune considération pour le rythme des enfants se traduit par une baisse du niveau général des élèves à Mayotte et de fortes tensions sociales. Le volontarisme de l’État sur la construction des classes se heurte à la résistance des élus locaux qui rappellent les contraintes foncières et la hausse exponentielle des coûts de fonctionnement des écoles pour les municipalités. Dans sa réponse écrite du 24 octobre 2023 au député Mansour Kamardine, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse explique : « On constate un écart qui s'accentue entre la programmation des ouvertures de salles neuves dans le 1er degré et leur livraison : pour 266 salles neuves programmées au cours de la période 2019-2022, 58 salles ont été livrées soit un taux de réalisation de 21 % contre 23 % sur la période 2014-2018. »

Pour assumer la prise en charge des travaux, l’État ou l’établissement public pourra prendre possession des locaux à titre provisoire. Il pourra éventuellement assumer la maîtrise d’ouvrage publique des travaux : détermination de la localisation, élaboration du programme (objectifs, besoins à satisfaire, contraintes sociales, urbanistiques ou architecturales à respecter, etc.), coût prévisionnel et financement des travaux, choix du processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé, conclusion des marchés d’étude et de travaux. Le fonctionnement courant des écoles restera en revanche à la charge des communes.

L’article précise ainsi que l’État ou l’établissement public « assume alors l’ensemble des droits et obligations » du propriétaire (la commune) dans la mesure nécessaire à l’exercice de cette mission d’investissement. Cette dérogation court jusqu’au 31 décembre 2027. Les communes reprendront ensuite en main la gestion du bâti et la propriété des nouvelles écoles construites leur serait également transférée sauf convention prolongeant la mise à disposition des biens si les travaux ne sont pas achevés.

L’État conserverait cependant de plein droit les droits et obligations résultants de contrats conclus entre la promulgation de la loi et le 31 décembre 2027, sauf si une convention signée avec la collectivité territoriale en décide autrement, afin d’assurer le portage financier des travaux dans la durée. Réciproquement, et sauf accord spécifique avec l’État, les communes conservent les droits et obligations résultant de contrats déjà conclus avant la promulgation de la loi, ainsi que la charge des emprunts contractés pour les travaux d’investissement dans l’école ayant été décidés avant la promulgation de la loi.

  1.   les travaux de la commission

La commission a adopté l’article 2, modifié par plusieurs amendements :

– l’adoption des amendements de la rapporteure CE243 et CE245 a permis de renforcer les obligations de consultation des communes, par la demande d’un avis conforme pour leur inscription sur la liste des communes pour lesquelles un transfert du bâti à l’État est prévu. La création et le lieu d’implantation d’une nouvelle école sont dorénavant soumis à l’accord exprès du maire ;

– les amendements CE209 et CE205 de Mme Dominique Voynet, adoptés avec l’avis favorable de la rapporteure, rappellent l’importance de garantir l’accès à plusieurs points d’eau potable dans les écoles et la nécessité que les constructions des écoles respectent les règles en matière de prévention des risques naturels et favorisent le confort hydrothermique.

 

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Chapitre II
Adapter les règles d’urbanisme et de construction face à l’urgence à Mayotte

Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 3 exempte, dans sa version initiale, de toute formalité d’urbanisme les constructions temporaires dédiées à l’hébergement d’urgence et construites entre le 14 décembre 2024 et deux ans à compter de la promulgation de la loi, pour une durée maximale de deux ans.

Les travaux en commission ont permis de préciser que les constructions étaient destinées au relogement des victimes du cyclone Chido et étaient soumises à des normes spécifiques définies par arrêté, ainsi qu’à l’accord des communes

  1.   des cas limités exemptant les opÉrations d’amÉnagement, de dÉmolition et de construction d’une formalitÉ d’urbanisme

À Mayotte comme ailleurs sur le territoire national, l’application des articles L. 421-1, L. 421-2 et L. 421-3 du code de l’urbanisme est de plein droit ([6]) :

– toute construction nouvelle doit être précédée de la délivrance d’un permis de construire. Par dérogation à Mayotte, suite à la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, un décret en Conseil d’État est prévu pour arrêter la liste des constructions nouvelles de logements dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les bailleurs sociaux ainsi que par l’Epfam et qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l’exigence d'un permis de construire et font l’objet d'une déclaration préalable (article L. 427-3 du code de l’urbanisme) ;

– les travaux, installations et aménagements affectant l’utilisation des sols doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager ;

– les démolitions de constructions existantes doivent être précédées de la délivrance d’un permis de démolir lorsque la construction relève d’une protection particulière définie par décret en Conseil d’État ou est située dans une commune ou partie de commune où le conseil municipal a décidé d’instaurer le permis de démolir.

Conformément à l’article L. 421-5 du code de l’urbanisme, un décret en Conseil d’État peut justifier l’exemption de toute formalité d’urbanisme pour les installations, aménagements, travaux et constructions en raison :

– de leur très faible importance (travaux de ravalement, travaux qui n’affectent pas l’aspect extérieur du bâtiment) ;

– de la faible durée de leur maintien ou de leur caractère temporaire compte tenu de l’usage auquel ils sont destinés ;

– de la nécessité d’assurer le secret ou la confidentialité du projet pour des raisons de sûreté et de sauvegarde des intérêts de la défense nationale ;

– de leur contrôle par une autre autorisation ou une autre législation ;

– de leur nature et de leur implantation en mer sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer.

Depuis le décret n° 2023-894 du 22 septembre 2023 portant adaptation du régime de dispense de formalités d’urbanisme applicable à certaines constructions démontables (article R. 421-5 du code de l’urbanisme), sont dispensées de toute formalité les constructions suivantes, implantées pour une durée n’excédant pas deux ans :

– la construction des résidences universitaires ;

–  celle des résidences sociales ;

– celle des centres d’hébergement et de réinsertion sociale ;

– celle des structures d’hébergement d’urgence, définies aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles. Ces structures renvoient notamment aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale, aux hébergements de stabilisation, aux pensions de famille, aux logements-foyers, aux établissements pour personnes âgées dépendantes, aux lits halte soins santé et aux services hospitaliers et, plus largement, à l’ensemble des structures qui permettent aux personnes, « dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d’hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d’être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état » ;

– ainsi que constructions destinées au relogement temporaire rendu nécessaire par des opérations de rénovation urbaine dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Ce même article R. 421-5 du code de l’urbanisme prévoit une exemption pour les constructions implantées pour une durée inférieure à trois mois et pour certaines constructions implantées pour une durée n’excédant pas un an, notamment :

– les constructions nécessaires au relogement d’urgence des personnes victimes d’un sinistre ou d’une catastrophe naturelle ou technologique ;

– les constructions nécessaires à l’hébergement d’urgence des personnes migrantes en vue de leur demande d’asile.

  1.   la suppression de toute formalitÉ d’urbanisme pour les constructions temporaires dédiÉes à l’hÉbergement d’urgence

Au regard des dégâts massifs subis sur l’île de Mayotte, les besoins en matière d’hébergement ou de relogement de personnes dont l’habitation a été détruite sont importants et doivent être rapidement pris en compte. L’obligation d’obtenir une autorisation d’urbanisme, notamment un permis de construire, repousserait de plusieurs semaines, voire plusieurs mois ([7]) le relogement de personnes aujourd’hui sans toit.

L’article 3 propose ainsi que les constructions à usage d’hébergement d’urgence qui ne pourraient être maintenues au-delà de deux ans après leur construction, ainsi que les travaux et aménagements nécessaires à ces constructions, réalisées après le passage du cyclone Chido et jusqu’à deux ans à compter de la promulgation de la loi soient dispensées de toute formalité d’urbanisme, essentiellement l’obtention d’un permis de construire, afin de ne pas perdre de temps et de ne pas être contraint par les règles d’urbanisme.

Néanmoins, la rapporteure estime que plusieurs points méritent une attention particulière :

– Alors que la lutte contre le rétablissement des bidonvilles et de l’habitat informel constitue une priorité, les pouvoirs publics devront s’assurer que des places déclarées en tant qu’hébergement d’urgence ne soient pas l’occasion de valider et légaliser la construction d’habitats informels. La rapporteure remarque à ce titre le flou qui entoure la notion « d’hébergement d’urgence » dans l’article, qui n’est pas clairement rattachée aux articles L. 345‑2‑2 et L. 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles. L’article 3 pourrait en réalité davantage s’apparenter au « relogement d’urgence des personnes victimes d’un sinistre ou d’une catastrophe naturelle ou technologique », pour lequel les constructions provisoires d’une durée maximale d’un an sont déjà exemptées de formalité, comme le prévoit actuellement l’article R. 421-5 du code de l’urbanisme. Ce même article R. 421‑5 prévoit par ailleurs une exemption de formalité d’urbanisme pour la construction de structures d’hébergement d’urgence implantées pour une durée inférieure à deux ans. L’article 3 serait ainsi inutile s’il visait effectivement l’hébergement d’urgence, au sens du code de l’action sociale et des familles, qui concerne les personnes en grande fragilité et pour lesquelles un accompagnement social est nécessaire ;

– Le relogement temporaire d’urgence de populations qui ont perdu leur habitation nécessitera le recours à des constructions modulaires, dont les pouvoirs publics ont déjà fait largement usage avant le passage du cyclone. Ces constructions n’ont pas du tout fait leur preuve au regard des dégâts subis lors du passage du cyclone Chido. Les Mahorais sont trop habitués à des situations de bricolage provisoire qui deviennent pérennes de fait. Il faudra donc s’assurer que ces constructions provisoires soient réellement démontées au bout de deux ans. À cet égard, votre rapporteure comprend que certaines constructions modulaires pourront être établies jusqu’en 2029, ce qui paraît excessif : en effet, la disposition de l’article 3 s’applique pour des constructions démontables construites jusqu’en 2027 (deux ans à compter de la promulgation de la loi) et maintenues en état pendant une période de deux ans (les constructions achevées au début de l’année 2027 pourraient être maintenues en l’état jusqu’en 2029).

Au regard des nombreuses incertitudes, la rapporteure plaide pour la suppression de l’article, alors que le droit en vigueur offre déjà une latitude suffisante au pouvoir réglementaire pour exempter d’autorisation d’urbanisme des constructions temporaires.

  1.   les travaux de la commission

La commission a adopté cet article modifié par plusieurs amendements, dont un amendement rédactionnel de la rapporteure :

– l’amendement CE159 de M. Philippe Naillet, adopté avec l’avis favorable de la rapporteure, permet de préciser que les constructions temporaires ne sont pas destinées à l’hébergement d’urgence – étant rappelé que l’article R. 421-5 prévoit déjà une exemption de formalités d’urbanisme pour les constructions temporaires dont l’implantation est limitée à deux ans – mais au relogement d’urgence des personnes victimes du cyclone Chido ;

– l’amendement CE48 de M. Frédéric Maillot et de plusieurs de ses collègues, adopté contre l’avis de la rapporteure, précise que les obligations sont soumises à des obligations en matière de prestations et d’équipements définies par arrêté. Si les obligations en matière d’équipements paraissent justifiées pour la rapporteure, celles prévues en matière de « prestations », qui pourraient renvoyer à des repas ou à un accompagnement social, voire un accompagnement administratif, ne semblent pas justifiées à partir du moment où le relogement et non l’hébergement d’urgence est visé.

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 4 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois, des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier les obligations et règles techniques de construction, afin de faciliter et accélérer la reconstruction de Mayotte.

Les travaux en commission ont permis de davantage borner le champ de l’ordonnance et de renforcer les exigences en matière de gestion des eaux pluviales à Mayotte. Par ailleurs, les dispositions prises par ordonnance ne pourront s’appliquer qu’aux autorisations d’urbanisme ou déclarations préalables obtenues après le passage du cyclone Chido.

  1.   le droit de la construction en vigueur À mayotte
    1.   les adaptations du droit de la construction À mayotte

Les règles de construction, définies par le code de la construction et l’habitation (CCH) sont adaptées à Mayotte comme dans les autres territoires ultramarins, afin de prendre en compte les spécificités territoriales (chaleur, ensoleillement, pluviométrie, foncier disponible) ([8]), conformément aux articles L. 191-1 et R. 191-1 du même code. Les règles de construction en vigueur varient notamment en ce qui concerne les caractéristiques thermiques, énergétiques, acoustiques et d’aération des bâtiments en vue d’assurer un confort thermique et hygrothermique satisfaisant, tout en limitant la consommation énergétique des bâtiments :

– une protection solaire et une ventilation naturelle sont obligatoires à Mayotte ;

– l’installation d’un système de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire n’est pas obligatoire à Mayotte. Lorsque le logement bénéficie d’une production d’eau chaude sanitaire, celle-ci doit être assurée à 50 % par de l’énergie solaire à Mayotte, comme dans les Antilles ;

– les obligations d’isolation et de performance énergétique ne s’appliquent pas à Mayotte comme dans l’hexagone ;

– la surface et le volume habitables minimum par habitant sont plus faibles à Mayotte que dans l’hexagone (9 mètres carrés et 21 mètres cubes pour un habitant à Mayotte, contre 14 mètres carrés et 33 mètres cubes pour un habitant de l’hexagone).

  1.   les rÈgles de droit commun qui s’appliquent À mayotte

La plupart des autres règles s’appliquent en revanche à Mayotte, conformément au principe d’identité législative. Peuvent être mentionnées :

– les règles d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, prévues par les articles L. 161-1 et suivants du CCH (20 % de logements adaptés en cas de construction de bâtiments d’habitation collectifs et évolutivité des autres locaux d’habitations, obligations d’accessibilité dans les établissements recevant du public neuf et adaptation progressive dans les établissements recevant du public déjà existant) ;

– les règles relatives à la sécurité des bâtiments sans que soit précisé s’il s’agit uniquement des normes inscrites au titre III du livre Ier du code de la construction et de l'habitation intitulé « Règles générales de sécurité » (stabilité et solidité de la construction, prévention des risques sismiques et cycloniques, prévention des risques technologiques et miniers, sécurité des ascenseurs, sécurité des installations électriques et de gaz, prévention des risques de chute de hauteur, etc.) ou si cela inclut également les règles contre les risques incendie (titre IV) et pour la qualité sanitaire (titre V) ;

– les obligations et règles d’infrastructures permettant le stationnement de véhicules motorisés ou relatives aux infrastructures de recharge des véhicules électriques, les obligations d’infrastructures permettant le stationnement de vélos.

  1.   une demande d’habilitation beaucoup trop large pour modifier les rÈgles de construction afin d’accÉlÉrer la reconstruction

L’article 4 de la proposition de loi habilite le Gouvernement à prendre toute mesure législative nécessaire pour adapter les normes relatives aux constructions, en modifiant les adaptations déjà existantes, ou en créant de nouvelles adaptations aux « règles techniques auxquelles sont soumis les constructions et les travaux qui y sont assimilés ainsi que les aménagements » s’appliquant aux nouvelles constructions édifiées après le passage du cyclone Chido afin de « faciliter et accélérer » la reconstruction.

Dans son avis, le Conseil d’État constate « que l’habilitation sollicitée est particulièrement large puisqu’elle ne mentionne aucune législation particulière, alors qu’elles sont nombreuses à s’appliquer en matière de construction et que l’objectif d’accélération poursuivi ne suffit pas, à lui seul, à justifier de modifier les règles applicables à toutes les constructions à Mayotte, sans limitation de durée. » Reconstruire vite et plus facilement ne doit pas conduire à reconstruire n’importe comment.

Premièrement, la nécessité de construire de façon durable, de sorte à résister à de futurs phénomènes météorologiques extrêmes, n’est pas clairement prise en compte dans la demande d’habilitation : si l’article 4 prévoit que les règles relatives aux « exigences de sécurité des constructions » ne pourront pas être modifiées, ces règles de sécurité ne sont pas spécifiées ([9]) et il pourrait être, à l’inverse, important de réfléchir à de nouvelles normes qui permettent de renforcer la prévention des risques naturels et garantir la durabilité du bâti de l’île.

Par ailleurs, l’étude d’impact précise le champ matériel probable de la future ordonnance : elle mentionne les règles relatives à l’accessibilité des bâtiments, au stationnement des véhicules et des vélos et aux infrastructures de recharge des véhicules électriques, ainsi qu’aux obligations de recours aux énergies renouvelables. Sur cette base, il pourrait être utile de spécifier le champ matériel de l’ordonnance, afin d’éviter d’ouvrir la porte à toute n’importe quelle évolution, même si l’étude d’impact indique qu’il est important ne pas « fermer » la liste des réglementations pour lesquelles des adaptations seraient nécessaires.

À cet égard, la rapporteure estime qu’il serait très malvenu de créer des adaptations relatives aux règles relatives à l’accessibilité des bâtiments (qu’il s’agisse de bâtiments résidentiels ou d’établissements recevant du public) – les personnes en situation de handicap doivent pouvoir accéder à un logement adapté de la même manière à Mayotte qu’en métropole, alors que la loi du 23 novembre 2018, dite loi « Élan » ([10]) a déjà assoupli les obligations, en imposant que seuls 20 % des logements neufs construits dans les bâtiments d’habitation collective soient adaptés aux personnes à mobilité réduite. L’étude d’impact estime une économie de l’ordre de 5 à 10 % des coûts globaux par le gain d’espace dans les logements au regard des règles d’accessibilité ([11]). De même, les obligations relatives au recours aux énergies renouvelables (notamment le recours à l’énergie solaire à 50 % pour l’eau chaude sanitaire) devraient être maintenues.

En revanche, les règles relatives aux places de stationnement (voitures, vélos) et aux bornes électriques mériteraient à juste titre d’être revues au regard de la réalité du territoire mahorais, alors que l’étude d’impact estime à 15 % les surcoûts qu’elles peuvent occasionner.

  1.   Les travaux de la commission

Cet article a été adopté, modifié par plusieurs amendements ayant reçu un avis favorable de la rapporteure :

– les amendements CE184 et CE182 de M. René Pilato imposent de prévoir de nouvelles règles en matière de lutte contre le ruissellement et en faveur de la gestion parcellaire des eaux pluviales ;

– l’amendement CE250 de la rapporteure exclut du champ de l’ordonnance la totalité des règles relatives à la sécurité, les obligations en matière de recours aux énergies renouvelables ainsi que les règles relatives à l’accessibilité en ce qui concerne les établissements recevant du public et les installations ouvertes au public ;

– l’amendement CE120 de la présidente Aurélie Trouvé, sous-amendé par le Gouvernement, limite l’application future des dispositions prises par ordonnance aux demandes d’urbanisme et déclarations préalables obtenues après le passage du cyclone Chido. Un sous-amendement du Gouvernement précise que les dispositions qui seront prises s’appliqueront également aux constructions temporaires

 

Article 4 bis (nouveau)
Encadrement temporaire à Mayotte de la vente aux particuliers de tôles pouvant servir de matériau de construction

Article introduit par la commission

 

Afin de faciliter une reconstruction ordonnée des bâtiments de Mayotte et de tenir compte du contexte local, l’article 4 bis, inséré dans le projet de loi à l’initiative de la rapporteure, vise à encadrer, jusqu’à la fin de l’année 2025, la vente à Mayotte de tôles pouvant servir de matériau de construction.

La création de l’article 4 bis résulte de l’adoption, par la commission des affaires économiques, d’un amendement de la rapporteure, qui soumet temporairement à un encadrement spécifique la vente de tôles à Mayotte, afin de contribuer à une reconstruction ordonnée et sûre des bâtiments à la suite du passage du cyclone Chido, compte tenu notamment du risque de pénurie de ces matériaux de construction sur le territoire mahorais. Une reconstruction anarchique du bâti à Mayotte, qui permettrait notamment la mise en place d’habitations trop fragiles, pourrait en effet mettre gravement en péril la sécurité de la population en cas de nouveau cyclone.

Cet article prévoit, en son paragraphe I, que la vente aux particuliers de tôles pouvant être utilisées comme matériau de construction fera l’objet à Mayotte d’un encadrement spécifique jusqu’au 31 décembre 2025. Ainsi, les entreprises ne pourront procéder à ces ventes qu’à la double condition qu’ait été, d’une part, présenté par l’acheteur un titre d’identité et un justificatif de domicile et que, d’autre part, celui-ci ait signé une déclaration par laquelle il s’engage à utiliser ces matériaux pour la remise en état de son propre logement.

En outre, le paragraphe II de cet article prévoit que les entreprises procédant à de telles ventes devront tenir un registre d’achat, consultable sur demande par les forces de l’ordre, qui comportera les informations relatives à l’acheteur.

Enfin, en application du paragraphe III de cet article, les entreprises qui auront, à Mayotte, vendu des tôles sans respecter ces règles pourront faire l’objet d’une mesure administrative de fermeture, ordonnée par le représentant de l’État à Mayotte, pour une durée maximale de six mois.

Il ne s’agit donc que d’un encadrement temporaire, qui apparaît nécessaire pour tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte comme le permet l’article 73 de la Constitution. Il appartiendra aux services de l’État de veiller à sa bonne application à Mayotte.

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Chapitre III
Adapter les procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte

Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 5 détermine le champ et la durée d’application des dispositions des autres articles du chapitre III du projet de loi (articles 6 à 9).

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement précisant que l’habitat informel était exclu du champ du chapitre III du projet de loi

  1.   la définition du champ d’application des articles 6 à 9

L’article 5 du projet de loi prévoit que les dispositions du chapitre III de celui-ci (articles 6 à 9) s’appliquent à la reconstruction (lorsque le bâtiment a été détruit ou doit être entièrement démoli avant d’être reconstruit) ou à la réfection (lorsque le bâtiment a été sérieusement endommagé mais que certains éléments de sa structure peuvent être conservés), à l’identique ou avec des adaptations et améliorations, des constructions, aménagements et installations dégradés ou détruits à Mayotte au cours du passage du cyclone Chido, pendant une durée de deux ans à compter de la promulgation de la loi.

Plusieurs de ces dispositions sont directement tirées de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

  1.   la nature des reconstructions couvertes par le chapitre III du projet de loi

Cet article appelle plusieurs remarques, en ce qui concerne la nature des reconstructions couvertes par le chapitre III du projet de loi :

– au sens du code de l’urbanisme, une reconstruction à l’identique qui fait l’objet de dispositions dérogatoires au code de l’urbanisme ([12]) est une reconstruction à l’identique en termes de surface, de destination, de volume, d’aspect extérieur et de configuration. Seuls les aménagements intérieurs (qui ne nécessitent pas d’autorisation d’urbanisme en l’absence de création de surface supplémentaire ou avec des modifications de la surface de très faible ampleur) et extérieurs mineurs, ne différant que légèrement de la construction à laquelle elle se substitue, peuvent être autorisés, selon la jurisprudence du Conseil d’État, dans le cas d’une demande de permis de reconstruction à l’identique bénéficiant de dispositions dérogatoires ([13]) ;

 les « améliorations » qui pourraient être apportées en cas de reconstruction à l’identique qui pourraient être couvertes par les articles 6 à 9, ne sont pas strictement définies. L’article 2 de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 précisait la portée de ces améliorations pour les reconstructions à l’identique : augmentation limitée du gabarit, amélioration de la performance énergétique ([14]). Des améliorations relatives à la sécurité ou d’accessibilité, pour les personnes en situation de handicap, pourraient également être envisagées en droit, même si cela ne semble pas être l’intention du Gouvernement ;

– il pourrait être pertinent de préciser que les « installations » et les « aménagements » ne peuvent en aucun cas couvrir l’habitat informel ;

– inversement, restreindre la portée des articles 6 à 9 aux seules destructions et endommagements survenus « au cours du passage du cyclone dans la nuit du 13 au 14 décembre » est trop restrictif. Certains endommagements peuvent apparaître plusieurs jours ou semaines après le cyclone, tout en étant directement liés au passage du cyclone.

  1.   les travaux de la commission

La commission a adopté l’article 5, modifié par deux amendements de la rapporteure :

– l’amendement CE253 précise que les dispositions du chapitre III s’appliquent aux destructions et endommagements liés au cyclone Chido mais ayant pu apparaître plus tardivement ;

– l’amendement CE254 exclut explicitement l’habitat informel du champ couvert par le chapitre III.

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Article 6
Adaptation des règles d’urbanisme en cas de reconstruction ou de réfection du bâtiment à l’identique ou avec certaines modifications

Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 6 permet de déroger aux règles d’urbanisme en cas de reconstruction ou de réfection à l’identique ou avec des modifications autorisées (augmentation du gabarit pouvant aller jusqu’à 5 % par rapport au gabarit initial ou plus, si un objectif d’intérêt général est poursuivi).

L’article précise que les règles applicables en matière de risques naturels, technologiques ou miniers, ainsi que les prescriptions de sécurité ou de salubrité publique, dont l’autorisation de permis de construire est assortie, s’imposent à ces opérations de reconstruction ou réfection.

Les travaux de la commission ont rappelé que le droit de reconstruction à l’identique ne s’appliquait pas si le projet de travaux contrevenait au plan de prévention des risques naturels.  Ils ont également permis de préciser la portée de la notion « d’intérêt général », autorisant une modification substantielle du gabarit.

  1.   les obligations en vigueur qui s’imposent aux reconstructions à l’identique

L’article L. 111-15 du code de l’urbanisme indique que lorsqu’« un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l’identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. »

Par cette disposition dérogatoire, le demandeur est ainsi protégé contre une évolution défavorable des règles d’urbanisme intervenue depuis la réalisation initiale de la construction. Elle ne dispense pas le demandeur d’obtenir l’autorisation d’urbanisme nécessaire, ni de respecter les règles fixées par des législations ne relevant pas du code de l’urbanisme (règles relatives au patrimoine ou à l’environnement, par exemple).

L’exercice du droit de reconstruction à l’identique est subordonné à plusieurs conditions importantes :

– le bâtiment ([15]) (clos et couvert – il ne peut s’agir d’une installation sans couverture, d’un mur ou d’une ruine) ne peut être reconstruit à l’identique si le document d’urbanisme (carte communale, plan local d’urbanisme) ou le plan de prévention des risques naturels prévisible l’interdit expressément ([16]).

– le projet porte sur une reconstruction à l’identique en termes d’implantation, de surface, de destination, de volume, d’aspect extérieur et de configuration. Seuls les aménagements intérieurs (qui ne nécessitent pas une autorisation d’urbanisme) en l’absence de création de surface supplémentaire, et les aménagements extérieurs mineurs ne différant que légèrement de la construction à laquelle elle se substitue, peuvent être autorisés selon la jurisprudence du Conseil d’État ([17]). En cas de modification substantielle de la construction, la demande d’autorisation sera évaluée au regard des règles d’urbanisme en vigueur (règles de destination, règles architecturales, règles d’implantation ou d’emprise au sol) ;

– le bâtiment, régulièrement édifié, doit avoir été construit depuis moins de dix ans ;

– la zone n'est pas inconstructible, au titre du plan de prévention des risques naturels.

  1.   une autorisation POUR reconstruire à l’identique même avec une disposition contraire des documents d’urbanisme, tout en permettant de faire évoluer le bâtiment originel
    1.   protéger le demandeur d’une évolution défavorable des règles d’urbanisme

Afin de préserver le maître d’ouvrage d’une évolution défavorable des règles inscrites dans les documents d’urbanisme, et en vue de permettre un gain significatif de temps pour les services instructeurs des demandes d’autorisation d’urbanisme, l’article propose d’étendre, de façon exceptionnelle, le champ de l’autorisation à reconstruire à l’identique pendant une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, comme cela est prévu à l’article 5 :

– l’autorisation de reconstruction serait élargie, au-delà des constructions, aux « installations » et aux « aménagements » dégradés ou détruits par la tempête Chido ;

– la reconstruction serait autorisée même en cas de mention contraire dans le document d’urbanisme. La reconstruction ou la réfection pourront être autorisées en appliquant les règles d’urbanisme en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale, y compris lorsque le document d’urbanisme prévoit qu’une reconstruction à l’identique n’est plus possible. On retrouve ainsi le dispositif créé par l’article 2 de l’ordonnance n° 2023-870 du 13 septembre 2023 tendant à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, prise sur le fondement de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 ;

– l’article prévoit enfin que des « adaptations de la construction initiale, dans la limite d’une diminution ou d’une augmentation de 5 % de son gabarit initial » sont autorisées au-delà des seuls aménagements mineurs déjà autorisés par la jurisprudence. La notion de gabarit correspond à l’ensemble des plans verticaux, horizontaux ou obliques constituant la forme extérieure de la construction et résulte de la combinaison des règles de hauteur, de prospects et d’emprise au sol.

Cette modulation du gabarit pourra dépasser, à la hausse ou à la baisse, une proportion de 5 % du gabarit initial de la construction, en cas de poursuite d’un « objectif d’intérêt général » qui nécessiterait un tel dépassement. L’objectif d’intérêt général n’est pas défini : l’article 2 de l’ordonnance du 13 septembre 2023 autorise une augmentation de plus de 5 % du gabarit initial en cas de reconstruction à l’identique, lorsque cette augmentation est justifiée par un objectif d’amélioration de la performance énergétique, d’accessibilité ou de sécurité. La notion d’objectif d’intérêt général permet d’aller au-delà de ces trois cas en couvrant une diversité de situations qui ne peuvent être anticipées a priori. À titre d’exemple, la reconstruction d’un équipement scolaire pourrait nécessiter des transformations afin de mieux répondre aux besoins (taille des classes en fonction des effectifs scolaires par exemple).

  1.   l’obligation de respect des règles de prévention des risques et des prescriptions de sécurité ou de salubrité publique

En revanche, l’article précise que le droit à reconstruction ou à réfection s’exerce « dans les limites des règles applicables en matière de risques naturels, technologiques ou miniers auxquelles la reconstruction ou la réfection ne peut contrevenir et, le cas échéant, sous réserve des prescriptions de sécurité ou de salubrité publique dont l'autorité compétente peut assortir le permis. »

  1.   Les risques naturels, technologiques ou miniers

Conformément aux 4° et 5° de l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, les collectivités publiques doivent notamment garantir, en matière d’urbanisme, la sécurité et la salubrité publiques et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.

À cet égard, l’article R. 151-34 du code de l’urbanisme prévoit que les documents graphiques du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) font apparaître « les secteurs où les nécessités du fonctionnement des services publics, de l’hygiène, de la protection contre les nuisances et de la préservation des ressources naturelles ou l’existence de risques naturels, de risques miniers ou de risques technologiques justifient que soient soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature », notamment sur la base du plan de prévention des risques naturels prévu par le code de l’environnement. Votre rapporteure s’interroge sur les risques liés au fait d’autoriser de nouvelles constructions sans avoir permis aux élus locaux de tirer au préalable les enseignements du cyclone Chido en matière de prévention des risques.

  1.   La salubrité et la salubrité publique

Concernant les prescriptions de sécurité ou de salubrité publique, l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme prévoit, en cas de demande d’autorisation, que « le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. » L’article 6 précise ainsi que cette règle doit s’appliquer aux reconstructions.

  1.   Les travaux de la commission

La commission a adopté cet article dans une rédaction modifiée.

Outre l’adoption de plusieurs amendements rédactionnels de la rapporteure (CE257 et CE259) et sous-amendements rédactionnels du Gouvernement (CE300 et CE298), la commission a adopté deux amendements de fond :

– l’amendement CE147 de la présidente Aurélie Trouvé rappelle que le droit de déroger aux prescriptions d’urbanisme en cas de reconstruction à l’identique ne s’applique pas lorsque la reconstruction contreviendrait au plan de prévention des risques naturels ;

– l’amendement CE258 de la rapporteure précise la notion d’intérêt général, qui permet de déroger à la limitation de la modification du gabarit à 5 % en cas de reconstruction à l’identique (performance énergétique, accessibilité, sécurité, exercice d’une mission de service public).

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Article 6 bis (nouveau)
Dérogations temporaires aux procédures d’urbanisme conditionnant la reconstruction des infrastructures de communication électronique

Article introduit par la commission

 

Afin de faciliter et d’accélérer le rétablissement des réseaux de communication électronique endommagés ou détruits par le cyclone Chido, l’article 6 bis du projet de loi suspend ou aménage l’application des  procédures de déclaration ou d’autorisation préalables à la réalisation de travaux de construction des antennes et infrastructures à Mayotte. À cet effet, il permet, pour une période de deux ans à compter de la promulgation du texte adopté par le Parlement :

– de dispenser les opérateurs à titre temporaire de l'obligation de déposer, auprès des maires, un dossier d’information  préalable au dépôt de la demande d’urbanisme pour l’exploitation ou de la modification d’une installation radioélectrique (I) ;

– de réduire à deux semaines les délais impartis pour la délivrance d’une permission de voirie pour les interventions urgentes nécessaires afin d'assurer la continuité du fonctionnement et du renforcement des services et des réseaux de communication électronique (II) ;

– d'exclure par principe la possibilité d’un retrait d’une autorisation administrative tacite relative à des constructions destinées aux communications électroniques (III).

La création de l’article 6 bis résulte de l’adoption, par la commission des affaires économiques et avec l’avis favorable de la rapporteure, de l’amendement CE235 du Gouvernement.

Le dispositif vise à faciliter et à accélérer les travaux et interventions nécessaires à la reconstruction à Mayotte des antennes et infrastructures formant le réseau de communication électroniques, afin de porter remède aux dommages et destructions causées par le cyclone Chido. En conséquence, il établit des dérogations aux procédures d’information et d’autorisation participant du droit de l’urbanisme et dont le respect constitue un préalable à la réalisation de travaux et l’installation d’infrastructures.

L’article 6 bis du projet de loi aménage ainsi un régime provisoire valable pour une période de deux ans à compter de la date de publication du texte promulgué. Il s’insère dans le cadre fixé par l’article 5 du projet de loi, qui régit l’ensemble des adaptations apportées aux procédures d’urbanismes et d’aménagement inscrites au chapitre III afin de répondre aux enjeux de la de la reconstruction de Mayotte. Il porte des dispositions non codifiées n’ayant pas vocation à modifier le droit en vigueur sur le reste du territoire national.

● Dans ce cadre, le I de l’article 6 bis dispense les opérateurs de l’obligation de déposer, auprès des maires, un dossier d’information préalable au dépôt de la demande d’urbanisme pour l’exploitation ou de la modification d’une installation radioélectrique.

À cet effet, il établit une dérogation expresse au premier alinéa du B de l’article L. 34‑9-1 du code des postes et des communications électroniques, lequel dispose : « Toute personne souhaitant exploiter, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à accord ou à avis de l'Agence nationale des fréquences en informe par écrit le maire ou le président de l'intercommunalité dès la phase de recherche et lui transmet un dossier d'information un mois avant le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de la déclaration préalable, sauf accord du maire ou du président de l'intercommunalité sur un délai plus court. »

Suivant l’exposé des motifs de l’amendement du Gouvernement à l’origine du I de l’article 6 bis, la disposition applicable à Mayotte permet de ne pas solliciter de nouveau le maire ou le président de l’établissement public intercommunal du projet d’installation d’une antenne-relais, l’installation de cette antenne-relais à l’identique de la construction initiale ayant déjà fait l’objet d’une telle information et obtenue l’accord ou l’avis de l’Agence nationale des fréquences.

● Le II de l’article 6 bis réduit les délais impartis pour la délivrance d’une permission de voirie pour les interventions urgentes nécessaires afin d'assurer la continuité du fonctionnement et du renforcement des services et des réseaux de communication électronique à Mayotte.

À cette fin, il crée une dérogation expresse à l'article 47 du code des postes et communication électroniques en imposant à l’autorité compétente sur le domaine public routier de se prononcer dans un délai de deux semaines (contre deux mois en vertu du droit en vigueur), à compter de la réception de la demande déposée par un opérateur. Il pose le principe suivant lequel le silence gardé par l’autorité au terme de ce délai vaut acceptation.

Par ailleurs, il prescrit d’insérer dans les décisions octroyant une permission de voirie une mention informant le bénéficiaire de l’application d’un régime dérogatoire.

La dérogation définie par l’article 6 bis ne porte que sur les délais de délivrance des permissions de voirie à Mayotte. Elle ne remet pas en cause les obligations énoncées par l’article 47 du code des postes et des communications électroniques en ce qui concerne :

– la précision par l’autorité administrative compétente des prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie, ainsi que l’interdiction de faire figurer dans la permission de voirie des dispositions relatives aux conditions commerciales de l’exploitation ;

– la faculté pour l’autorité compétente de faire obstacle au droit de passage des exploitants de réseaux ouverts au public en vue d'assurer, dans les limites de ses compétences, le respect des exigences essentielles, la protection de l'environnement et le respect des règles d'urbanisme ;

– la possibilité pour l’autorité compétente d’inviter les opérateurs et un autre occupant du domaine public de convenir des conditions techniques et financières d’une utilisation partagées d’installations existantes, lorsque le droit de passage de l’opérateur peut être assuré dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d'une occupation autorisée, dans les conditions fixées par le cinquième alinéa de l’article 47 du code des postes et communications électroniques ;

– le principe du versement par les opérateurs d’une redevance d’occupation du domaine public à la collectivité, dans le respect du principe d’égalité entre tous les opérateurs.

● Le III de l’article 6 bis exclut le retrait par l’autorité administrative d’une autorisation tacite relative à des constructions destinées aux communications électroniques. À cet effet, il établit une dérogation temporaire à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme en ce qui concerne les décisions d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d’accroche et leurs locaux et installations techniques à Mayotte. Il prévoit que la disposition s’applique aux décisions d’urbanisme prises à Mayotte à compter du lendemain de la promulgation de la présente loi.

Le dispositif revient à suspendre l’application des conditions fixées par l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme pour encadrer le retrait des décisions administratives créatrices de droit en considération d’un motif d’urgence impérieuse et à raison de l’objet des opérations menées. En l’état, pour le retrait d’une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, le droit en vigueur subordonne l’exercice de cette faculté au respect de deux exigences : d’une part, l’existence d’une illégalité ; d’autre part, un retrait dans un délai de trois mois suivant la date de ces décisions. L’article L.424-5 du code de l’urbanisme dispose que passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire.

 

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 7 modifie les modalités d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme et des déclarations préalables en cas de reconstruction ou de réfection :             

– la demande d’autorisation doit justifier les éventuelles modifications ou améliorations envisagées par rapport à la construction initiale ;

– l’avis de dépôt de demande doit être affiché dans les meilleurs délais précisant les caractéristiques essentielles du projet ;

– les délais d’instruction sont ramenés de trois ou deux mois à un mois pour les permis de construire, d’aménager et de démolir, et d’un mois à quinze jours pour les déclarations préalables ;

– lorsque la compétence d’accorder les autorisations d’urbanisme relève de l’État, le maire doit transmettre sans délai le dossier au préfet ;

– l’autorité compétente a cinq jours pour informer le demandeur de l’incomplétude de son dossier et transmettre à l’organisme ou l’autorité administrative le dossier pour lequel son avis est exigé ;

– les majorations ou prolongations du délai d'instruction autres que celles prévues par le code de l’urbanisme sont limitées à quinze jours au lieu d’une durée allant d’un mois à mois ;

– lorsque les travaux nécessitent une procédure de participation du public, la majoration du délai d’instruction est limitée à quarante-cinq jours au lieu de deux mois.

Plusieurs amendements ont été adoptés afin de :

– préciser les délais de l’avis de dépôt ou de la réunion de l’organisme collégial devant être sollicité pour l’instruction de la demande ;

– prévoir l’affichage en mairie et sur internet de l’avis de dépôt ;

– autoriser l’instruction conjointe des demandes entre l’autorité compétente et une autre collectivité territoriale ;

– prévoir une mise à disposition physique du dossier soumis à la participation du public par voie électronique dans plusieurs lieux jusqu’au 1er juillet 2025.

  1.   L’instruction des demandes d’urbanisme

À l’exception des dérogations spécifiques prévues pour Mayotte aux articles L. 427-1, L. 427-2 et L. 427-3 du code de l’urbanisme, l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme obéit à Mayotte aux mêmes règles que dans l’hexagone.

  1.   L’autorité compétente

Le maire (ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale lorsque ce premier lui a transféré cette compétente) est l’autorité compétente pour instruire et délivrer les autorisations d’urbanisme. Par dérogation aux règles de droit commun, l’article L. 427-1 du code de l’urbanisme prévoit que les maires ou présidents de l'établissement public compétents à Mayotte peuvent disposer gratuitement des services déconcentrés de l'État pour l'étude technique de celles des demandes de permis ou des déclarations préalables qui leur paraissent justifier l'assistance technique de ces services.

Dans certains cas limitatifs prévus à l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme, l’État a la compétence de délivrer les permis de construire (projets de l’État ou d’un de ses établissements publics, ouvrages de production, de transport, de distribution ou de stockage d’énergies, projets réalisés dans les opérations d’intérêt national [OIN], etc.). Lorsque l’État est compétent, le maire a une semaine pour transmettre un exemplaire du dossier de demande d’autorisation au représentant de l’État (article R. 423-9 du code de l’urbanisme).

  1.   Les obligations de publicité

Toutes les demandes de permis et les déclarations préalables doivent faire l’objet d’un avis affiché en mairie, ou par voie électronique sur le site internet de la commune dans les 15 jours qui suivent leur dépôt. Cet affichage doit être maintenu pendant la durée de l’instruction et jusqu'à la décision (article R. 423-6 du code de l'urbanisme). Le récépissé de l’enregistrement de la demande d’autorisation (article R. 423-3) ne fait en revanche l’objet d’aucune publicité.

Lorsque l’autorisation est accordée, sa mention doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou à la date où l’autorisation devient tacite, pendant toute la durée du chantier (article R. 424-15 du code de l’urbanisme). L’affichage mentionne également l'obligation, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l’autorité compétente et au bénéficiaire de l’autorisation.

  1.   Les délais d’instruction réglementaires et les délais de communication

Les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme de droit commun, qui courent à compter de la réception d’un dossier de demande complet, sont les suivants ([18]) :

– un mois pour les déclarations préalables ;

– deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ;

– trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager.

Lorsque le dossier n’est pas complet, l’autorité compétente dispose d’un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, pour notifier au demandeur ou déclarant la liste des pièces manquantes (article R. 423-22). Ces délais peuvent être prolongés de manière exceptionnelle dans des cas limitatifs ([19]).

Le délai d’instruction de droit commun peut également être modifié pour tenir compte des demandes d’avis, accords ou autorisations de personnes publiques, services ou commissions exigés par le code de l’urbanisme ou d’autres législations. Le code de l’urbanisme prévoit que lequel l’autorité compétente doit transmettre le dossier à l’autorité ou à l’organisme à consulter dans un délai d’une semaine, qui court à partir du jour du dépôt de la demande.

Spécifiquement, lorsque le projet est soumis à un régime d’autorisation prévu par une autre législation (articles R. 425-1 à R. 425-15-2) relative par exemple au patrimoine (protection du périmètre des abords des monuments historiques ou d’un site patrimonial remarquable) à l’environnement (projet dans un territoire classé ou en instance de classement en réserve naturelle, dans un parc national), ou à la sécurité nationale (construction à proximité d’un ouvrage militaire, à l’intérieur d’un polygone d’isolement), le délai d’instruction est majoré dans ce cas d’au moins un mois.

Les motifs de majoration des délais d’instruction lorsque le projet est soumis à un régime d’autorisation prévu par une autre législation

Motif de la majoration du délai d’instruction

Durée de la majoration

Référence

Le projet est soumis à un régime d’autorisation à des prescriptions prévues par d’autres législations ou réglementations que le code de l’urbanisme.

Le bâtiment est situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques.

La décision nécessite d’accord une dérogation aux règles d’urbanisme en vigueur, notamment en raison des contraintes architecturales propres aux immeubles protégés au titre de la législation sur les monuments historiques.

1 mois

art. R. 423-24 (a), b) et c))

Pour une demande de permis :

Consultation d’une commission départementale ou régionale

Le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale

2 mois

 

art. R. 423-25 (a) et e))

Pour une déclaration préalable

Consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture

art. R. 423-25-1

Pour une demande de permis :

Consultation d’une commission nationale

Délai porté à 5 mois

 

art. R. 423-27

Immeuble inscrit au titre des monuments historiques

Travaux relatifs à un établissement recevant du public

art. R. 423-28

Pour une demande de permis : travaux soumis à l’accord du ministre chargé des sites, pour un projet situé dans un site classé ou en instance de classement

Délai porté à 8 mois

c) de l’art. R. 423-31 du code de l’urbanisme

Source : commission des affaires économiques du Sénat.

  1.   la règle du « silence vaut accord »

La règle du « silence vaut accord » en l’absence d’autorisation tacite de l’autorité compétente s’applique pour la plupart des demandes d'autorisation d'urbanisme et déclarations préalables (article R. 424-1), sauf exception : immeuble inscrit au titre des monuments historiques, avis défavorable ou avis favorable assorti de prescriptions de l’architecte des bâtiments de France lorsque la décision d’autorisation est soumise à son accord, en cas de refus de l’autorisation d’exploitation cinématographique ou commerciale.

De façon similaire, lorsqu’une instance est consultée, son silence vaut accord, sauf exception : l’accord de l’architecte des bâtiments de France concernant une demande de permis de démolir dans un site inscrit, et la décision de la commission nationale d’aménagement commerciale saisie en recours contre un avis négatif de la commission départementale d’aménagement commercial.

  1.   La participation du public par voie électronique

Lorsqu’une enquête publique est nécessaire, le début du délai d’instruction est décalé à la remise du rapport d’enquête à l’autorité compétente (article R. 423‑20). Lorsque le projet est soumis à participation du public par voie électronique, une majoration du délai d’instruction de deux mois est prévue, (article R. 423-25).

La participation du public par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement, permet d’assurer une participation du public même en l’absence d’enquête publique pour certains projets de travaux et d’aménagements soumis à l’octroi d’une autorisation d’urbanisme ou à une déclaration préalable et devant faire l’objet d’une évaluation environnementale. La participation du public par voie électronique est ouverte et organisée par l’autorité compétente pour autoriser le projet. Son déroulement privilégie la voie électronique pour la mise à disposition du dossier de consultation, pour le recueil des observations et des propositions du public. Comme pour l’enquête publique, le public doit être informé quinze jours avant le début de la participation du public par voie électronique et la durée de cette participation ne peut être inférieure à trente jours. La principale différence avec l’enquête publique réside en l’absence de commissaire enquêteur ou de commission d’enquête.

  1.   Des modalités d’instruction des demandes d’autorisation revues pour accélérer le processus d’instruction

Pour les demandes d’autorisation d’urbanisme visant à la reconstruction ou à la réfection de constructions détruites par la tempête Chido, l’article 7 prévoit plusieurs adaptations des modalités d’instruction.

  1.   La réduction des délais

Premièrement (I), la demande d’autorisation doit préciser que le projet est soumis à un régime dérogatoire, indiquer et motiver les adaptations et améliorations envisagées à la construction initiale, telles que mentionnées à l’article 6.

Deuxièmement (II), l’autorité compétente rend public l’avis de dépôt dans les meilleurs délais là où l’autorité compétente disposait de quinze jours jusqu’à présent. Par ailleurs, le récépissé de dépôt de la demande devra faire l’objet d’un affichage sur le terrain par les soins du demandeur, une telle obligation n’existant pas aujourd’hui : elle constitue la contrepartie à l’accélération des délais d’instruction et à la possibilité de démarrer les travaux avant l’obtention de l’autorisation prévue à l’article 9 du projet de loi.

Troisièmement (III), les délais d’instruction des demandes d’autorisation de droit commun sont diminués : ils passent de deux mois (permis de démolir, permis de construire pour les maisons individuelles) ou trois mois (permis d’aménager, autres permis de construire) à un mois seulement. Le délai d’instruction de la déclaration préalable est limité à quinze jours au lieu d’un mois.

Quatrièmement (IV), lorsque la décision d’accorder le permis de construire relève de l’État, le maire doit transmettre un exemplaire de la demande dans les meilleurs délais contre une semaine prévue actuellement par le droit en vigueur. La notion de « meilleurs délais » paraît particulièrement vague.

Cinquièmement (V), l’autorité compétente ne disposera plus que de cinq jours pour notifier les pièces ou informations manquantes en cas de dossier incomplet, contre un mois prévu actuellement par le droit en vigueur.

Sixièmement (VI), lorsque l'autorisation d'urbanisme est subordonnée au recueil préalable de l'avis, de l'accord ou de l'autorisation d'un organisme ou d'une autorité administrative, l'autorité compétente devra lui transmettre un exemplaire du dossier, dans les cinq jours suivant sa réception contre une semaine auparavant.

Septièmement (VII), les majorations ou prolongations des délais d’instruction découlant de l'application de règles de délivrance prévues par d'autres législations que celle de l'urbanisme, pouvant normalement atteindre un à huit mois, sont limitées à quinze jours à compter de la réception du dossier.

Huitièmement (VIII), la majoration du délai d’instruction prévue en cas de participation du public par voie électronique passe de deux mois à quarante-cinq jours. Les avis, accords ou autorisations nécessaires sont adressés dans un délai de quinze jours et le silence vaut accord.

récapitulatif de la réduction des délais prévue à l’article 6

Nature des délais

Délais d’instruction de droit commun

Délais spécifiques pour les reconstructions

Publication du dépôt de la demande d’autorisation

15 jours à partir du dépôt

« meilleurs délais »

Déclaration préalable

1 mois

15 jours

Permis de démolir et permis de construire des maisons individuelles

2 mois

1 mois

Permis d’aménager et autre permis de construire

3 mois

1 mois

Transmission du dossier lorsque l’État est l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation

Une semaine

« meilleurs délais »

Information du demandeur concernant l’incomplétude de son dossier

1 mois

5 jours

Majoration des délais pour les consultations prévues par le code de l’urbanisme ou d’autres législations ou lorsqu’une autorisation est nécessaire

Majoration de 1 à 8 mois

15 jours

Majoration des délais en cas de participation du public par voie électronique

2 mois

45 jours

  1.   Une réduction des délais à double tranchant

La réduction des délais d’instruction conduira à fortement augmenter les autorisations tacites, en l’absence de possibilité pour les services prescripteurs d’instruire réellement les permis de construire. Si cette réduction des délais permettra d’accélérer certaines reconstructions, elle ne doit pas conduire à rendre légitimer l’habitat informel.

Par ailleurs, 13 communes sur 17 s’appuient sur les services de la DEAL (direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement) pour l’instruction des demandes comme le permet l’article L. 427-1 du code de l’urbanisme : seules les communes de Pamandzi, Dzaoudzi, Mamoudzou et Koungou ont conservé la charge d’instruire les dossiers. Il conviendra de s’assurer que l’État accorde les moyens suffisants pour assurer une instruction suffisamment rigoureuse, et soutenir, le cas échéant, les quatre communes qui ont conservé cette mission. Au demeurant, les services des communes resteront fortement sollicités (réception des dossiers, demandes de complément, octroi formel de l’autorisation) et ne sont pas nécessairement outillés pour absorber la surcharge de travail.

  1.   les travaux de la commission

Outre deux amendements rédactionnels de la rapporteure (CE263 et CE260) et un amendement de Mme Marie Lebec (CE70), la commission a adopté plusieurs modifications à l’article 7 :

– l’amendement CE262 de la rapporteure a prévu un délai d’une semaine pour la publication de l’avis de dépôt de la demande par la mairie ;

– l’amendement CE261 de la rapporteure précise que le délai imparti pour l’organisme collégial compétent pour l'avis, l'accord, ou l'autorisation doit se réunir sous un délai de quinze jours, soit le délai prévu pour qu’il rende sa précision ;

– l’amendement CE153 de M. Frédéric Maillot, adopté contre l’avis de la rapporteure, rend obligatoire une double publication de l’avis de dépôt de la demande, en mairie et sur internet. Cette obligation constitue un alourdissement des obligations en vigueur ;

– l’amendement CE166 de M. Philippe Naillet, adopté avec l’avis favorable de la rapporteure, prévoit une obligation de mise à disposition du dossier du projet soumis à une PPVE dans plusieurs lieux physiques (mairie, préfecture, espaces France Services, siège de l’autorité compétente) jusqu’au 1er juillet 2024, date à laquelle il faut espérer un rétablissement de la couverture internet de l’île ;

– l’amendement CE199 de Mme Dominique Voynet, sous-amendé par la rapporteure, autorise une instruction conjointe des demandes d’autorisation, pour les communes ayant conservé la compétence de l’instruction à Mayotte, entre les communes mahoraises concernées et d’autres collectivités territoriales qui viendraient par solidarité en soutien des premières.

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Article adopté par la commission avec modification

 

L’article 8 permet, dans sa rédaction initiale, de remplacer une enquête publique pouvant être rendue nécessaire par les travaux de reconstruction et de réfection, par une procédure de participation du public par voie électronique.

Dans sa version issue des travaux de la commission, l’article impose la réalisation d’une enquête publique lorsque le projet de travaux nécessite une consultation du public, tout en raccourcissant ses délais.

  1.   les obligations de concertation du public

Tout projet susceptible d’avoir « une incidence sur l’environnement » (article L. 120-1 du code de l’environnement) doit faire l’objet d’une consultation du public.

  1.   l’enquête publique
    1.   Les règles de droit commun

L’enquête publique constitue le mode d’information et de consultation du public le plus formel et rigoureux. Elle est obligatoire notamment ([20]) pour les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagement susceptibles d’affecter l’environnement (L. 123-1 du code de l’environnement) et qui sont soumis à une évaluation environnementale comprenant une étude d’impact (L. 122-1 du code de l’environnement), sauf exception.

L’enquête publique environnementale est ouverte et organisée par l’autorité compétente (président de la collectivité territoriale, président de l’établissement public, préfet), afin de prendre la décision en vue de laquelle l’enquête est requise.  Le commissaire enquêteur (ou la commission d’enquête pour les enquêtes de grande envergure), nommé par le président du tribunal administratif, a pour rôle de conduire l’enquête publique tout au long de sa tenue (article L. 123-3 du code de l’environnement). Il dispose de différents pouvoirs : visite, audition, organisation de réunions publiques, etc. Le dossier d’enquête publique, accessible au public durant toute l’enquête, comprend notamment une copie du dossier de demande de l’autorisation d’urbanisme, les avis rendus sur le projet lorsqu’ils sont obligatoires avant l’enquête publique, le bilan de la procédure de débat public en amont de l’enquête publique, l’étude d’impact, l’avis de l’Autorité environnementale. Le public peut formuler tout au long de l’enquête ses recommandations et ses observations, qui sont réunies dans un registre d’enquête publique.

Quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête, l’autorité compétente informe le public de l’ouverture de l’enquête publique par voie d’affichage, par voie de publication locale ou par voie électronique. Ensuite, la durée de l’enquête ne peut être inférieure à trente jours pour les projets soumis à évaluation environnementale (article 123-9 du code de l’environnement). Le commissaire enquêteur, désigné par le juge administratif au nom de l’autorité compétente, peut, par décision motivée, la prolonger pour une durée maximale de trente jours. Dans un délai de 8 jours à compter de la réception du registre d’enquête par le commissaire d’enquête, qui signe la fin de l’enquête publique, ce dernier communique au responsable de programme ses observations. Celui-ci dispose alors de quinze jours pour faire ses remarques. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête doit rendre son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de 30 jours à compter de la fin de l’enquête. La durée d’une enquête publique va donc en réalité bien au-delà des trente jours, au regard des étapes précédant et succédant au moment de l’enquête à proprement parler.

  1.   La possibilité à Mayotte de remplacer l’enquête publique par une mise à disposition du public du dossier

À Mayotte, par dérogation aux dispositions de droit commun, l’enquête publique peut être remplacée par une simple mise à la disposition du public du dossier (article L. 651-3 du code de l’environnement). Cette mise à disposition est effectuée selon des modalités propres au territoire mahorais, fixées par l’arrêté n° 2017-139 DEAL-DIR-AE du 4 mai 2017 relatif aux dispositions particulières pour Mayotte concernant l’étude d’impact de certains projets de travaux, ouvrages ou aménagements ayant une incidence notable sur l’environnement et aux procédures associées de mise à disposition et d’information du public.

Le représentant de l’État à Mayotte peut cependant décider de soumettre à enquête publique des catégories d’aménagements, d’ouvrages ou de travaux qui, par leur nature, leur importance ou leur localisation, sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement.

  1.   la participation du public par voiE électronique

La participation du public par voie électronique (PPVE) permet d’assurer une participation du public pour certains projets de travaux et d’aménagements, après le dépôt d’une demande d’autorisation, en remplacement de la procédure d’enquête publique. Il s’agit des projets dont la liste est établie par le 1° du I de l’article L. 123-2 du code de l’environnement :

– la création d’une zone d’aménagement concerté ;

– les projets de caractère temporaire ou de faible importance ;

– les demandes de permis de construire ou d’aménager portant sur des projets de travaux donnant lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale ;

–  les projets envisagés sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive ;

– les projets qui sont situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national ou dans une grande opération d’urbanisme.

La PPVE est ouverte et organisée par l’autorité compétente pour autoriser le projet. Son déroulement privilégie la voie électronique pour la mise à disposition du dossier de consultation ainsi que pour le recueil des observations et propositions du public. Comme pour l’enquête publique, le public doit être informé quinze jours avant le début de la participation du public par voie électronique et la durée de cette participation ne peut être inférieure à trente jours. La principale différence avec l’enquête publique réside en l’absence de commissaire enquêteur. Les travaux n’aboutissent pas à la production d’un rapport d’enquête complet, mais à une simple restitution des contributions réalisées par l’autorité compétente.

  1.   UNE possibilité de remplacer l’enquête publique par une PPVE qui interroge, alors que les dispositions spécifiques au département de mayotte offrent déjà une souplesse importante

L’article 8, dont la rédaction doit être revue, propose de remplacer l’enquête publique par une PPVE dans les cas où le préfet de Mayotte déciderait de soumettre à enquête publique « des catégories d’aménagements, d’ouvrages ou de travaux qui, par leur nature, leur importance ou leur localisation, sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement » comme le prévoit l’article L. 651-3 du code de l’environnement. Or, le porteur de projet est normalement dispensé d’enquête publique par la simple mise à la disposition du public du dossier.

La mise à disposition du public du dossier constitue déjà une disposition suffisamment souple à la main du préfet à Mayotte. Par ailleurs, il paraît curieux de prévoir une participation du public par voie électronique alors même que les infrastructures de télécommunication ont été largement endommagées par le passage du cyclone Chido.

  1.   les travaux de la commission

L’article 8 a été adopté par la commission.

L’amendement de rédaction globale de Mme Nadège Abomangoli (CE31), adopté contre l’avis de la rapporteure, prévoit la systématisation d’une enquête publique lorsque les travaux nécessitent une consultation du public, tout en réduisant ses délais : l’avis d’information du public est prévu cinq jours avant le lancement de l’enquête (contre quinze jours normalement) et sa durée est limitée à quinze jours (contre un mois normalement).

Cette évolution paraît insatisfaisante : elle revient à systématiser une procédure très formalisée, l’enquête publique, alors que le droit en vigueur prévoit à Mayotte la simple mise à disposition du public du dossier, tout en réduisant fortement ses délais, ce qui conduira nécessairement le commissaire enquêteur à ne pas pouvoir mener des travaux de qualité.

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 9, dans sa rédaction initiale, autorise les maîtres d’ouvrage à démarrer les travaux de démolition, de terrassement et de fondation dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable.

Les travaux de la commission ont conduit à étendre cette faculté aux travaux de construction dans leur ensemble, lorsque les reconstructions sont prévues à l’identique, et à interdire tous travaux (y compris de démolition) lorsque la reconstruction n’est pas prévue à l’identique en matière de surface.

  1.    L’interdiction de démarrer les travaux sans autorisation

Par définition, le début de travaux ne peut avoir lieu avant d’avoir obtenu l’autorisation tacite ou expresse de l’autorité compétente suite à une demande d’autorisation d’urbanisme ou une déclaration préalable. Même si les travaux réalisés sans permis respectent les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et même si un permis de régularisation peut être délivré a posteriori après le début des travaux, débuter les travaux sans autorisation est passible d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros, ainsi que d’une peine de prison en cas de récidive (article L. 480-4 du code de l’urbanisme).

  1.   Une autorisation exceptionnelle pour démarrer les travaux de reconstruction et de réfection dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable

L’article 9 prévoit d’autoriser les travaux de réfection et reconstruction dès le dépôt de la déclaration préalable ou de la demande de permis en ce qui concerne les opérations de « démolition », de « terrassement » (l’ensemble des travaux de fouille, de transport, d’entassement de terre, pratiqués pour modifier le relief d’un terrain, permettre de réaliser ou renforcer certains ouvrages) ou de « fondation » (l’ensemble des travaux réalisés sous le sol pour garantir la solidité du bâtiment) ([21]).

La rédaction de cet article du projet de loi reprend in extenso celle de l’article 3 de l’ordonnance du 13 septembre 2023 relative aux violences urbaines.

  1.   les travaux de la commission

L’article a été adopté, modifié par l’amendement de rédaction globale CE135 de la présidente Aurélie Trouvé adopté contre l’avis de la rapporteure :

– la reconstruction, dans l’ensemble de ses étapes, est autorisée dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable, pour les reconstructions strictement identiques sans modification de surface ;

– aucuns travaux, y compris de démolition ou de terrassement, ne sont autorisés avant l’obtention du permis de construire ou la non-opposition à la déclaration préalable, pour les reconstructions avec une modification de la surface.

Cet amendement conduit à interdire de débuter les travaux avant l’obtention du permis ou la non-opposition à la déclaration préalable, pour des constructions potentiellement améliorées en matière d’accessibilité ou très légèrement différentes de la construction originelle, alors qu’il n’existe plus aucun garde-fou en cas de reconstruction strictement à l’identique.

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Chapitre IV
Garantir la maîtrise foncière et la disponibilité de matériaux
pour la reconstruction

 

Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 10 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, conformément au régime prévu à l’article 38 de la Constitution, différentes mesures relevant du domaine de la loi et visant à faciliter la réalisation à Mayotte d’ouvrages publics et d’opérations d’aménagement, d’équipement et de construction pour faire face aux conséquences du cyclone Chido.

  1.    L’état du droit

Comme d’autres départements d’outre-mer, le département de Mayotte est confronté à des difficultés particulières dans le domaine de la gestion foncière.

Ces difficultés tiennent, en premier lieu, à un cadastre incomplet, hérité d’un régime hybride datant de 1911 et combinant régime coutumier et régime d’immatriculation. Le régime d’immatriculation ne couvre qu’une fraction des terres, laissant une partie des parcelles sans formalisation ni enregistrement précis. L’absence d’un cadastre exhaustif et homogène complique ainsi l’identification des limites des parcelles et de leurs propriétaires.

Cette situation est aggravée par la destruction partielle des archives foncières de Mayotte. En 1958, une partie des archives produites depuis 1843 ont été transférées à Moroni en même temps que le chef-lieu du territoire. Lors de l’indépendance des Comores en 1975, la plupart de ces documents ont disparu, à l’exception de quelques-uns rapportés auparavant officieusement à Mayotte. De plus, beaucoup d’archives ont été perdues lors de l’incendie du 13 février 1993.

Par ailleurs, des dysfonctionnements administratifs ont contribué au désordre foncier. Une ordonnance de 1931, censée attribuer légalement des terres à des familles après paiement, n’a pas été correctement appliquée, laissant ces parcelles sans titre officiel. La régularisation des titres fonciers est, de surcroît, impossible depuis 2007. Selon la commission d’urgence foncière, deux tiers des titres à Mayotte présentent des dysfonctionnements, et plus de 60 000 parcelles seraient dépourvues de titres de propriété, selon les constats établis lors des « Assises de la reconquête foncière » à Mamoudzou en mars 2023.

Les pratiques de succession coutumières et musulmanes favorisent également une division héréditaire des terres entre de nombreux héritiers, aggravant encore le morcellement foncier. Le rapport sur la proposition de loi Letchimy, dont l’adoption ne résoudra que partiellement ces difficultés, explique : « Il est ainsi fréquent, dans les outre-mer, de rencontrer des cascades de successions ouvertes et de partages officieux sur plusieurs générations, rassemblant des centaines d’ayants droit indivisaires. L’indivision paralyse alors toute décision par l’exigence d’une unanimité inaccessible alors même que, à Mayotte notamment, les registres d’état civil ne sont pas toujours des plus fiables. » D’après ce rapport, les trois quarts de la commune mahoraise de Chiconi – fortement touchée par le cyclone – sont « englobés dans deux titres fonciers regroupant officiellement soixante-quinze indivisaires ».

Enfin, les institutions en charge de réguler ces difficultés, telles que la commission d’urgence foncière, sont insuffisamment dotées en moyens financiers et humains, limitant leur capacité à traiter un volume croissant de dossiers.

  1.   Les dispositions du projet de loi
    1.   Une habilitation À prendre des mesures exceptionnelles dont l’objet et la durÉe restent À prÉciser

De manière classique, le premier alinéa de l’article d’habilitation définit l’objectif et la durée de l’habilitation, tandis que les alinéas suivants définissent précisément les mesures qui pourront être adoptées sur son fondement.

L’habilitation à légiférer est triplement limitée :

– dans l’espace (alinéa 1) : l’ordonnance ne pourra porter que sur le droit applicable au département de Mayotte ;

– dans le temps (alinéa 2) : les mesures de l’ordonnance devront être « temporaires », même si l’article 10 ne précise pas de durée ;

– par son objet (alinéas 1 et 2) : les mesures de l’ordonnance devront être « strictement nécessaires » à l’atteinte de son objectif.

L’objectif de l’habilitation est mal défini et de ce fait trop large. Il est de faciliter à Mayotte « la réalisation des ouvrages publics, des opérations d'aménagement, d’équipement, de démolition, de construction et de relogement, ainsi que des travaux nécessaires à l'extraction des matériaux de construction nécessaires à la réalisation de ces opérations. » Cette phrase est grammaticalement incomplète : l’article défini « des » appelle en principe une épithète déterminative qui n’apparaît nulle part. Ainsi, il n’est pas précisé de quels ouvrages publics, opérations d’aménagement, etc., il est question, pas même s’ils doivent poursuivre un objectif de reconstruction des bâtiments détruits. Une lecture littérale de l’habilitation permettrait au Gouvernement de prendre des mesures de nature législative sans lien avec la survenue du cyclone. Votre rapporteure proposera donc de définir les travaux et opérations en question par référence à l’article 5 du projet de loi.

Votre rapporteure relève ensuite que la formule « de façon temporaire » n’est pas assez précise. Il conviendrait de définir une période précise, cohérente avec les autres mesures exceptionnelles prévues par le projet de loi.

Enfin, le cinquième et dernier alinéa fixe à trois mois à compter de la publication de l’ordonnance le délai de dépôt du projet de loi de ratification. La durée de l’habilitation étant de six mois, le projet de loi de ratification devrait être déposé avant l’échéance du 31 décembre 2025 au-delà de laquelle les mesures provisoires prévues par les autres articles du projet de loi ne pourront plus être prolongées.

Votre rapporteure proposera néanmoins d’abaisser à trois mois la durée de l’habilitation afin que l’ordonnance soit publiée en temps utile.

  1.   Une adaptation des rÈgles d’expropriation et d’occupation provisoire dont le champ devrait Être resserrÉ

Les mesures que le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance sont détaillées dans les alinéas 3 et 4 de l’article 10 du projet de loi. Elles sont de deux ordres :

– L’adaptation des règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique, « notamment » en matière d’identification des propriétaires devant faire l’objet d’une expropriation (alinéa 3) ;

 L’occupation des emprises privées nécessaires à la réalisation des travaux d’intérêt public. Cette occupation est strictement encadrée : elle devra être provisoire, réversible, et faire l’objet d’une indemnisation (alinéa 4). Le caractère « réversible » de ces occupations provisoires est une garantie apportée au droit de la propriété privée et à la préservation de l’environnement.

Ces mesures permettront donc de procéder aux expropriations et aux occupations provisoires indispensables à la reconstruction de Mayotte malgré les difficultés d’identification des propriétaires en régime d’indivision.

La formule « et d’indemnisation préalable », à l’alinéa 3, a été ajoutée par le Conseil d’État dans l’avis qu’il a rendu sur le texte. Le Conseil d’État estimait que pour des raisons constitutionnelles « l’habilitation ne peut se limiter à la question de l’identification des propriétaires mais doit également comprendre la question des modalités d’indemnisation de ces derniers ». Or, en intégrant « l’indemnisation préalable des propriétaires » au champ de l’habilitation, cette rédaction conforme à l’avis du Conseil d’État a au contraire pour effet de permettre au Gouvernement « d’adapter ou de déroger » aux règles habituelles d’indemnisation, dans un sens éventuellement défavorable aux propriétaires.

Votre rapporteure proposera donc, pour s’assurer de la conformité du texte à la Constitution, de supprimer les règles d’indemnisation du champ de l’habilitation.

  1.   Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 10 avec les principales modifications suivantes :

– L’encadrement dans le temps des mesures temporaires que le Gouvernement est habilité à prendre : le mot « temporaire » a été supprimé et remplacé par une échéance précise, celle du 31 décembre 2025 (amendement CE267 de la rapporteure) ;

– La suppression de la mention des mesures « d’indemnisation préalable », qui pouvait donner au Gouvernement une latitude excessive pour adapter les modalités d’indemnisation – éventuellement de manière défavorable aux personnes expropriées (amendement CE269 de la rapporteure).

La commission a en outre supprimé les mots « ou dérogations », qui semblaient redondants avec les mots « des adaptations » (CE268 de la rapporteure).

 

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Chapitre V
Adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique

Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 11 permet de déroger à l’obligation de publicité préalable dans la passation des marchés publics de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements et bâtiments publics de Mayotte et dont la valeur n’excède pas deux millions d’euros hors taxes. Il autorise également la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services soumis aux règles de la commande publique et répondant au même besoin sans publicité ni mise en concurrence préalables, pour les marchés d’une valeur inférieure à cent mille euros hors taxes.

À l’initiative de la rapporteure, la commission des affaires économiques a étoffé le dispositif afin de favoriser, sans remettre en cause dans son principe le pouvoir d'appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs, l'attribution de marchés publics aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du cyclone Chido.

  1.   publicitÉ et mise en CONCURRENCE : des principes du DROIT de la commande publique pleinement en vigueur À mayotte

L’article L. 1400-1 du code de la commande publique prévoit que la passation de marchés publics dans les collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution obéit aux principes et règles en vigueur en France hexagonale, sous réserve de dispositions spécifiques éventuellement édictées pour chacune d’entre elles. Le code de la commande publique ne comporte aujourd’hui aucune adaptation en ce qui concerne les lois et règlements applicables en la matière à Mayotte : dès lors et en vertu du principe d’identité législative, la conclusion et l’exécution des marchés publics doivent y respecter des obligations de droit commun. 

  1.   une passation des marchÉs publics impliquant une publicitÉ et une mise en concurrence préalables 

Sur le fondement de l’article L. 2120-1 du code de la commande publique, les personnes publiques possédant la qualité d’adjudicateurs (État et collectivités territoriales) peuvent confier à des personnes privées ou publiques la réalisation de prestations (travaux, fournitures, services) dans le cadre de marchés passés suivant trois procédures :

– sans publicité ni mise en concurrence préalables (article L. 2122-1 du code de la commande publique) ;

– selon une procédure adaptée (article L. 2123-1 du code de la commande publique) ;

– selon une procédure formalisée (articles L. 2124-1 à L. 2124-4 du code de la commande publique).

Le choix des modalités de passation appartient aux adjudicateurs sous réserve du montant, de l’objet et des circonstances de conclusion des marchés correspondants. Pour les marchés dont la valeur est égale ou supérieure à des seuils fixés par le droit de l’Union européenne, l’article L. 2124-1 du code de la commande publique impose en effet le suivi de l’une des trois procédures formalisées prévues par le droit en vigueur : l’appel d’offres, la procédure avec négociation ou le dialogue compétitif.

Indépendamment des modalités de passation choisies, l’article L. 3 du code de la commande publique consacre l’obligation à laquelle acheteurs et autorités concédantes sont soumis de garantir l’égalité de traitement des candidats et d’appliquer les principes de liberté d’accès et de transparence des procédures ([22]). En outre, en-deçà de ces seuils fixés par le droit de l’Union européenne, les États membres doivent respecter les règles générales du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Les contrats exclus du champ d’application des directives restent soumis aux règles fondamentales du traité, et notamment au principe de non-discrimination en raison de la nationalité,

De ces principes résultent deux exigences fondamentales pour la conclusion des marchés publics : en premier lieu, la publicité du lancement d’un marché public ; en second lieu, le cas échéant, la mise en concurrence pour son attribution.

  1.   L’obligation de publicité des marchés publics

– Le principe de publicité emporte l’obligation, pour les acheteurs, de rendre publique leur intention de conclure un marché. Il participe du droit à un égal accès à la commande publique et constitue un préalable obligatoire dans le cadre des marchés à procédure formalisée et dans celui des marchés à procédure adaptée.

Dans le cadre des principes généraux fixés par l’article L. 2131-1 du code de la commande publique, les exigences applicables varient selon l’objet du marché, la valeur estimée hors taxes du besoin ou l'acheteur concerné.

En ce qui concerne les marchés de travaux ([23]), la publicité ne revêt un caractère obligatoire, en principe, que pour les contrats d’une valeur supérieure à 100 000 euros hors taxes. Comme le montre le tableau ci-après, les prescriptions relatives au support utilisé pour l’information des entreprises et du public sont d’autant plus contraignantes que la valeur estimée des prestations attendues est élevée.

OBLIGATIONS DE PUBLICITÉ APPLICABLES

AUX MARCHÉS PUBLICS DE TRAVAUX

 

Valeur du marché (montant HT)

Type de publicité

Moins de 40 000 euros

Pas de publicité obligatoire

De 40 000 euros à 99 999,99 euros

Publicité libre ou adaptée

De 100 000 euros à 5 537 999,99 euros

Publicité obligatoire au BOAMP ou dans un support habilité à recevoir des annonces légales (SHAL)

À partir de  5 538 000 euros

Publicité obligatoire au BOAMP et au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE)

Source : commission des affaires économiques.

S’agissant des marchés de fournitures ([24]), les obligations de publicité dépendent de :

– la valeur des produits objets du contrat, qui détermine les modalités de passation auxquelles le pouvoir adjudicateur peut avoir recours ;

– la nature de l’acheteur public, en fonction de laquelle s’appliquent des seuils différents : le droit en vigueur distingue ainsi les marchés passés par les autorités centrales (Président de la République, Premier ministre, ou ministre et autres collaborateurs), de ceux passés par un autre pouvoir adjudicateur (acheteurs de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics nationaux) et par des entités adjudicatrices (pouvoirs adjudicateurs ou entreprises publiques qui exercent une activité d'opérateur de réseaux).

OBLIGATIONS DE PUBLICITÉ APPLICABLES

AUX MARCHÉS PUBLICS DE FOURNITURES

 

Pas de publicité obligatoire

Publicité libre ou adaptée

Publicité obligatoire au BOAMP ou dans un SHAL

Publicité obligatoire au BOAMP et au JOUE

Autorités centrales

Moins de 40 000 euros HT

De 40 000 euros HT à 89 999,99 euros HT

De 90 000 euros HT à 142 999,99 euros HT

À partir de 143 000 euros HT

Autre pouvoir adjudicateur

Moins de 40 000 euros HT

De 40 000 euros HT à 89 999,99 euros HT

De 90 000 euros HT à 220 999,99 euros HT

À partir de 221 000 euros HT

Entités adjudicatrices

Moins de 40 000 euros HT

De 40 000 euros HT à 89 999,99 euros HT

De 90 000 euros HT à 442 999,99 euros HT

À partir de 443 000 euros HT

Source : commission des affaires économiques

La détermination des obligations en matière de publicité des marchés de services ([25]) procède des mêmes critères et dépend des mêmes seuils que ceux applicables aux marchés publics de fournitures.

OBLIGATIONS DE PUBLICITÉ APPLICABLES

AUX MARCHÉS PUBLICS DE SERVICES

 

Pas de publicité obligatoire

Publicité libre ou adaptée

Publicité obligatoire au BOAMP ou dans un SHAL

Publicité obligatoire au BOAMP et au JOUE

Autorités centrales

Moins de

40 000 euros HT

De 40 000 euros HT à 89 999,99 euros HT

De 90 000 euros HT à 142 999,99 euros HT

À partir de 143 000 euros HT

Autre pouvoir adjudicateur

Moins de

40 000 euros HT

De 40 000 euros HT à 89 999,99 euros HT

De 90 000 euros HT à 220 999,99 euros HT

À partir de 221 000 euros HT

Entités adjudicatrices

Moins de

40 000 euros HT

De 40 000 euros HT à 89 999,99 euros HT

De 90 000 euros HT à 442 999,99 euros HT

À partir de 443 000 euros HT

Source : commission des affaires économiques

– En application des articles R. 2131-1 et suivants du code de la commande publique, la publicité des marchés publics repose sur la publication, selon le cas, d’un avis de pré-information ou d’un avis périodique indicatif manifestant l'intention des acheteurs de passer un marché. Ces documents prennent la forme d’une annonce dans un organe habilité informant les entreprises qu’un acheteur public cherche un prestataire ou un fournisseur.  L’avis de marché public rassemble les informations qui définissent le besoin de l'acheteur : la nature de la mission, les critères de choix du candidat retenu, le lieu de réalisation, la date limite pour déposer le dossier, les délais, etc.

  1.   La mise en concurrence dans le cadre des marchés publics

La mise en concurrence constitue une modalité de sélection des candidats à l’attribution d’un marché public. Ses modalités peuvent revêtir des formes différentes selon que l’acheteur public recourt à la procédure adaptée ou à des procédures formalisées.

– En vertu de l’article L. 2123-1 du code de la commande publique, la procédure adaptée autorise les acheteurs publics à définir librement les modalités de passation du marché, dans le respect des principes de la commande publique.

Elle peut être utilisée dans trois hypothèses :

1° lorsque la valeur estimée hors taxes du besoin est inférieure aux seuils européens mentionnés dans un avis qui figure en annexe du code de la commande publique ;

2° en raison de l'objet du marché, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État ;

3° lorsque, alors même que la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure aux seuils de procédure formalisée, la valeur de certains lots est inférieure à un seuil fixé par voie réglementaire. 

 Dans ce cadre, les acheteurs publics peuvent fixer par eux-mêmes un délai de remise des candidatures autre que celui fixé par les règlements pour les procédures formalisées. Ils peuvent recourir à la négociation afin de convenir du contenu des prestations et d’adapter les prix aux prestations finalement retenues, sans être tenu par un cahier des charges initial mais sous réserve de prouver la réalité de la consultation organisée.

Les procédures formalisées ont pour objet le choix d’une offre au terme d’un processus d’examen normalisé des candidatures présentées en réponse à un cahier des charges ou à la formalisation d’un besoin par un acheteur public. Appartiennent à cette catégorie :

– l’appel d’offres (régi par les articles L. 2124-2 et R. 2124-2 du code de la commande publique) : il peut être ouvert ou restreint ; il vise à sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats ;

– la procédure avec négociation (définie par l’article L. 2124-3 du code de la commande publique) : elle donne aux acheteurs publics la faculté de négocier les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques ; l’article R. 2124-3 du code de la commande publique définit six hypothèses pouvant justifier son emploi ;

– le dialogue compétitif (encadré par les articles L. 2124-4 et R. 2124-5 du code de la commande publique) : la procédure a pour objet l’organisation d’un dialogue entre l’acheteur public et des candidats admis à y participer en vue de définir ou développer les solutions de nature à répondre aux besoins de l’acheteur et sur la base desquels les candidats sont invités à remettre une offre ; son usage doit répondre aux mêmes besoins et circonstances que ceux exigées pour la procédure avec négociation.

Le recours aux procédures formalisées implique, dans la passation des marchés publics, le respect d’un certain nombre d’exigences procédurales portant sur :

– la formalisation du besoin et les informations publiées par les acheteurs publics : dans le cadre des procédures d’appel d’offres, l’établissement d’un cahier des charges incombe à l’acheteur public et ce document présente un caractère intangible ;

– les modalités et délais minimaux de remise des candidatures : l’article R. 2151-2 du code de la commande publique dispose ainsi que les délais de réception des offres présentées dans le cadre d'une procédure formalisée ne peuvent être inférieurs aux délais minimaux propres à chaque procédure ;

– les échanges et communications entre les adjudicateurs et les candidats ;

– le processus et les critères de sélection.

  1.   Des principes admettant des exceptions circonscrites ou circonstancielles
    1.   Des procédures dérogatoires : les marchés sans publicité ni mise en concurrence

L’article L. 2122-1 du code de la commande publique habilite le pouvoir réglementaire à écarter l’organisation d’une publicité ou d’une mise en concurrence pour des marchés dont la conclusion ou l’exécution peut se heurter à des circonstances exceptionnelles. Il réserve l’usage de cette faculté aux situations dans lesquelles le respect d'une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l'acheteur ou à un motif d'intérêt général du fait de trois motifs ou circonstances : l’existence d’une première procédure infructueuse, l’urgence ou un objet (ou une valeur) particuliers.

Le code de la commande publique admet ainsi l’absence de publicité et de mise en concurrence pour des marchés définis par le pouvoir réglementaire :

– en considération du montant et de l’objet du marché (article R. 2122-1 à R. 2122-9-1 du code de la commande publique) ;

– en raison de la qualité de l’acheteur (articles R. 2122-10 à R. 2122-11 du code de la commande publique).

Parmi les procédures relevant de la première catégorie, l’article R. 2122-1 du code de la commande publique autorise la passation de marchés sans publicité, ni mise en concurrence en cas d’urgence impérieuse et imprévisible résultant de circonstances extérieures et qui ne permettent pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. La dérogation s’applique notamment aux marchés exigés pour l’exécution d’office, en urgence :

– des travaux nécessaires en cas de danger ponctuel imminent pour la santé publique et ceux participant de l’exécution des mesures d’hygiène en matière d’habitat (article L. 1311-4 du code de la santé publique) ;

– des travaux destinés à la sécurité des établissements recevant du public (article L. 184-1 du code de la construction et de l’habitation [CCH]) ; des travaux relevant de la police de la salubrité et de la sécurité des immeubles (article L. 511-11 du CCH), des travaux prescrits par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité (article L. 511-15 du CCH) ; des travaux réalisés d’office en cas d’inexécution d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité (article L. 511-16 du CCH) ; les travaux prescrits ou réalisés d’office pour faire face à un danger imminent dans l’exercice de la police de la salubrité et de la sécurité des immeubles (articles L. 511-19 à L. 511-21 du CCH) ;

– des marchés passés pour faire face à des dangers zoosanitaires et des dangers phytosanitaires (1° et 2° de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime).

Les marchés conclus sur le fondement de l’article R. 2122-1 du code de la commande publique ne peuvent porter que sur les prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence.

  1.   Des dispenses provisoires répondant à des objectifs de simplification ou à des situations de crise

Sur le fondement de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi « Asap » ([26]), les acheteurs publics peuvent aujourd’hui passer des marchés de travaux d’une valeur inférieure à 100 000 euros, sans mise en concurrence ni publicité préalable.

En conséquence de la prorogation réalisée par le décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 ([27]), cette dispense doit expirer le 31 décembre 2025. Elle s’applique aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2025. Elle vaut également pour les marchés de travaux conclus en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 ([28]) établit une dispense analogue en vue de faciliter l’exécution des marchés de travaux nécessaires à la reconstruction et à la réfection des bâtiments détruits ou endommagés dans le contexte des événements de l’été 2023. En l’occurrence, le texte écarte l’obligation de publicité préalable pour la passation des marchés de travaux soumis au code de la commande publique portant sur les équipements publics et les bâtiments affectés par les dégradations ou destructions liées aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023. En revanche, il maintient l’obligation d’une mise en concurrence préalable. Peuvent bénéficier de la dispense de publicité :

– les marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 1,5 million d’euros hors taxes ;

– les lots dont le montant est inférieur à 1 million d’euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

L’article 4 de l’ordonnance précise que le dispositif s’applique aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de son entrée en vigueur et pendant un délai de neuf mois à compter de cette date (soit jusqu’au 25 avril 2025).

  1.   des dispenses temporaires de publicitÉ et de mise en concurrence pour les marchÉs publics de travaux nécessaires À la reconstruction de mayotte 

L’article 11 du présent projet de loi vise à faciliter et à accélérer la conclusion des marchés de travaux soumis au code de la commande publique devant être engagés afin de remédier aux destructions et dommages causés à Mayotte par le cyclone Chido. À cet effet et par une disposition non codifiée, il établit deux dispenses temporaires relatives aux obligations de droit commun pesant sur la publicité et la mise en concurrence préalables.

Aux termes du premier alinéa du I et du II de l’article 11, les marchés publics pouvant bénéficier de cette procédure de passation exceptionnelle ont pour objet les travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par la calamité exceptionnelle survenue à Mayotte les 13 et 14 décembre 2024. Le champ de la dispense varie suivant le besoin estimé et la nature des prestations requises.

  1.   une obligation de publicitÉ écartée pour les marchÉs de travaux de moins de deux millions d’euros hors taxes

Le premier alinéa du I de l’article 11 du projet de loi autorise la négociation sans publicité préalable, mais avec mise en concurrence, de marchés de travaux répondant à un besoin d’une valeur estimée inférieure à deux millions d’euros hors taxes. Le second alinéa du I inclut dans le champ d’application de cette procédure dérogatoire les lots d’un montant inférieur à 1 million d’euros hors taxes, sous réserve que le montant cumulé des lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Dans son économie, le dispositif accorde à l’ensemble des acheteurs publics une dispense analogue à celle établie par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 pour la remise en état des équipements et bâtiments publics ayant subi des destructions et des dommages dans le contexte des émeutes urbaines de l’été 2023 : il vise les mêmes infrastructures et constructions. La notion d’« équipements publics » inclut le mobilier urbain, l’éclairage et les panneaux d’affichage publics, les réseaux de transport ou de communication et autres équipements d’infrastructure qui ne sont pas des bâtiments, et qui doivent pouvoir être réparés ou remplacés en urgence, telles que les infrastructures de voirie. Le terme de « bâtiments publics » couvre l’ensemble des constructions appartenant à l’État, aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements.

Quoique légèrement supérieurs à ceux prévus par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023, les seuils retenus pour la définition des marchés publics de travaux dont la passation pourrait être réalisée sans publicité ne paraissent pas disproportionnés au regard de l’ampleur des destructions subies par Mayotte. D’après l’analyse du Conseil d’État ([29]) , la dispense peut être jugée compatible avec le droit européen dans la mesure où le seuil de 2 millions d’euros demeure inférieur à celui fixé par le droit européen pour les marchés de travaux ([30]) et dès lors que les marchés à Mayotte ne présentent pas un intérêt frontalier. En outre, ainsi que le souligne le Conseil, les pouvoirs adjudicateurs continueront d’être tenus de respecter les exigences d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics.

  1.   des dérogations À la publicitÉ et À la mise en concurrence pour certains marchés publics de travaux, de fournitures et de services

● Le premier alinéa du II de l’article 11 du projet de loi écarte l’obligation d’une publicité et d’une mise en concurrence préalables dans la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services répondant à un besoin d’une valeur estimée inférieure à 100 000 euros hors taxes.

● Le deuxième alinéa du II habilite les acheteurs publics à recourir à la même procédure, sous réserve que leur montant cumulé n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée, pour les lots d’un montant :

– inférieur à 80 000 euros hors taxes, pour les marchés de travaux, de fournitures et de services ;

– inférieur à 100 000 euros hors taxes, pour les marchés de travaux.

Dans son principe et au regard de l’objectif visé, le dispositif présente de grandes similitudes avec la procédure dérogatoire autorisée par l’article R. 2122-1 du code de la commande publique sur le fondement d’une urgence impérieuse. Le II de l’article 11 du projet de loi fonde la dispense sur la nécessité de remédier à une situation d’urgence.

Les seuils définissant les marchés susceptibles d’entrer dans le champ d’application du dispositif tendent à instituer une nouvelle forme de procédure adaptée, pour des prestations ne justifiant pas un formalisme exigeant au regard de la valeur limitée du besoin auquel il s’agit de répondre. S’agissant des marchés de travaux, le projet de loi met en place une procédure analogue à celle prévue par la loi Asap.   

  1.   un dispositif dÉrogatoire encadré et de nature temporaire

● D’une part, les premiers alinéas du I et du II de l’article 11 du projet de loi conditionnent l’application des dérogations au droit de la commande publique au constat des conséquences d’une calamité naturelle, en l’occurrence le cyclone Chido. Le texte vise expressément les dates de survenue de cet épisode météorologique.

En cela, il formalise un régime proche de celui des catastrophes naturelles, même s’il ne caractérise pas le lien de causalité de manière aussi précise que celle exigée par l’article L. 125-1 du code des assurances ([31])  ou par les dispositions de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales relatives aux dépenses éligibles au FCTVA à titre dérogatoire ([32]) . Le libellé de l’article 11 transpose le dispositif de l’article 1er de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 conçu pour la réparation des dommages subis par les équipements et bâtiments publics en marge des événements de l’été 2023. Par analogie, il peut être considéré que l’article 11 exige seulement de démontrer que le cyclone constitue un fait générateur probable des dommages, indépendamment de la date de leur constat

● D’autre part et aux termes de l’article 14 du projet de loi, les dispenses relatives aux obligations de publicité et de mise en concurrence peuvent s’appliquer aux marchés publics engagés dans un délai de 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi. L’article 14 vise les marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à compter de la date de publication du texte promulgué – ce qui écarte toute application rétroactive. En vertu du principe d’identité législative applicable aux collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution, les dispositions de l’article 11 du projet de loi entreront en vigueur dès la publication de la loi au Journal officiel.

Les délais prévus pour l’application des dispenses excèdent très nettement ceux prévus par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 conçu pour la réparation des dommages subis par les équipements et bâtiments publics en marge des événements de l’été 2023 (à savoir neuf mois à compter de la publication de l’ordonnance). Ils peuvent être jugés adaptés au regard des délais nécessaires à la formalisation des besoins et au lancement des procédures de passation des marchés publics.

  1.   les travaux de la commission

● En premier lieu, la commission des affaires économiques a harmonisé les termes faisant référence au cyclone Chido aux premier et troisième alinéas de l’article 11 du projet de loi. Cette précision résulte de l’adoption de l’amendement CE270 de la rapporteure, avec l’avis favorable du Gouvernement.

Elle conditionne l’application de la dérogation au droit de la commande publique établie par le texte en ce qui concerne l’exigence d’une publication et d’une mise en concurrence préalables. Avec l’objectif de contribuer à la reconstruction de Mayotte, la désignation du cyclone Chido détermine en effet le fait générateur des dommages et destructions causés aux équipements et bâtiments publics qui, en droit, fonde le recours aux modalités exceptionnelles de passation des marchés publics qu’autorise l’article 11 du projet de loi.  

● En second lieu, la commission des affaires économiques a entendu garantir les conditions d'une pleine participation des acteurs économiques de Mayotte à sa reconstruction. À cet effet, par l’adoption de l’amendement CE271 de la rapporteure et contre l’avis du Gouvernement, elle a complété le dispositif de l’article 11 du projet de loi afin de favoriser l'attribution de marchés publics aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du cyclone Chido.

Le premier alinéa du III consacre ainsi le droit de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics de Mayotte, de réserver aux PME et aux artisans locaux une part préférentielle des marchés publics attribués dans les conditions fixées par l'article 11 du projet de loi. Il fixe cette part préférentielle à un tiers des marchés passés dans le cadre de ce régime provisoire.

Ce dispositif s’inspire très directement de l’expérimentation menée sur le fondement de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer. L’article 73 du texte prévoyait ainsi que  « pour favoriser à moyen terme l'émergence de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d'exercer pleinement leur libre accès à la commande publique, dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution autres que la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, pour une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les acheteurs publics peuvent réserver jusqu'à un tiers de leurs marchés aux petites et moyennes entreprises locales, au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. »

La rédaction adoptée par la commission des affaires économiques en reprend les termes essentiels tout en précisant le champ des entreprises et artisans locaux : au sens du III de l’article 11, ces catégories comprennent les entreprises possédant leur siège social à Mayotte au 13 décembre 2024, soit à la date du passage du cyclone Chido. Cette mention répond à la nécessité de prévenir des implantations opportunistes qui réduiraient en partie la justification d’intérêt local et la portée du dispositif.

Le choix d’une part préférentielle d’un tiers des marchés publics prend en considération les dérogations aux principes de la commande publique qu’admet le droit en vigueur afin de ménager aux marchés publics l’accès des petites et moyennes entreprises (PME). L’article R. 2213-5 du code de la commande publique fait ainsi obligation aux titulaires des marchés de partenariat de s’engager à confier « directement ou indirectement, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans mentionnés à l'article R. 2151-13 », 20 % du montant prévisionnel du marché de partenariat hors coût de financement « sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas ». Ce pourcentage peut être modifié par décret.

Le second alinéa du III de l’article 11 prévoit l’établissement d’un plan de sous-traitance pour les soumissionnaires ne possédant pas la qualité de PME ou d'artisan. Il renvoie à un acte réglementaire le soin d’en préciser les formes et les modalités de présentation et d’examen.

Le texte adopté par la commission des affaires économiques emprunte, là encore, au dispositif de l’expérimentation organisée par l’article 73 de la loi précitée pour l’égalité réelle outre-mer. Celui-ci prévoyait ainsi que « [d]ans des conditions définies par voie réglementaire, pour les marchés dont le montant estimé est supérieur à 500 000 euros hors taxes, les soumissionnaires doivent présenter un plan de sous-traitance prévoyant le montant et les modalités de participation des petites et moyennes entreprises locales ».

La disposition impose aux candidats aux marchés publics d’indiquer dans leur offre le montant et les modalités de participation des entreprises appartenant à ces catégories à l’exécution du marché auquel ils postulent. La disposition vise à fournir aux acheteurs publics et pouvoirs adjudicateurs un élément leur permettant d’apprécier la valeur de la candidature au regard des exigences qui peuvent s’attacher à l’efficacité et à la transparence des conditions d’exécution de la commande publique, ainsi qu’à l’impact sur l’environnement économique local. Les éléments de définition du contenu du plan de sous-traitance prévu par le second alinéa du III proviennent des dispositions du décret pris pour l’application de la loi  précitée pour l’égalité réelle outre-mer ([33]).

L’obligation de fournir un plan de sous-traitance au stade de la passation du marché ne revêt cependant qu’un caractère relatif. En effet, le III de l’article 11 permet aux soumissionnaires de répondre à l’exigence que sous-tend la procédure en motivant le non-recours aux PME et artisans locaux. Il admet des justifications pratiques relativement souples, en rapport avec l’existence d’entreprises sous-traitantes à même de satisfaire aux exigences du marché public dont elles deviendraient sous-traitantes. Ces tempéraments correspondent à ceux prévus pour la mise en œuvre de l’expérimentation prévue par la loi précitée pour l’égalité réelle outre-mer ([34]). Au demeurant, il incombe au pouvoir réglementaire de préciser les conditions d’application du dispositif. En cela, le texte de la commission tend à écarter le risque d’une charge administrative pour les soumissionnaires et pour les acheteurs publics susceptibles de réduire l’intérêt des dérogations autorisées par l’article 11 du projet de loi.

Le troisième alinéa du III de l’article 11 du projet de loi fait obligation aux lauréats retenus de confier une partie de l’exécution du marché à des PME et artisans locaux, sauf impossibilité tenant à la structure du secteur économique concerné. Il réserve l’application de cette exigence légale aux entreprises ne possédant la qualité d’entreprise ou d’artisan possédant son siège social à Mayotte.

En cela, le texte de la commission transpose la dérogation formulée par l’article R. 2171-23 du code de la commande publique applicable à certains marchés globaux. Il ne remet pas en cause dans son principe le pouvoir d’appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs quant à la possibilité, pour les sous-traitants désignés par le lauréat d’un marché passé dans les conditions fixées par l’article 11 du projet de loi, de prendre part à son exécution. Les autorités conservent les prérogatives d’agrément et de contrôle que leur accorde le droit de la commande publique.

À l’instar des dispositions relatives au plan de sous-traitance, cet alinéa du III de l’article 11 reconnaît aux lauréats des marchés publics la possibilité de ne pas recourir à des sous-traitants locaux, si la structure économique du secteur ne le permet pas. Ce faisant, il ménage une souplesse dans l’application de la procédure qui prend en considération des conditions économiques d’exécution de la commande publique, ainsi que la nécessité de ménager la liberté contractuelle des entreprises et l’accès aux marchés publics. Cette exception vise à prévenir tout risque de surcharge administrative susceptible de restreindre le vivier des candidats aux marchés. Il incombera au pouvoir réglementaire d’en préciser la teneur.

 

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Article supprimé par la commission

 

Le présent article accorde aux acheteurs publics la faculté de ne pas appliquer le principe d’allotissement dans la passation des marchés publics nécessaires à la reconstruction de Mayotte. À cet effet, il établit une dérogation expresse aux articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code la commande publique autorisant la conclusion de marchés uniques.

Par l’adoption de trois amendements identiques, la commission a supprimé cet article.

  1.   L’état du droit : UN DROIT DE la commande publique imposant l’allotissement des marchés publics À mayotte

Suivant l’article L. 1400-1 du code de la commande publique, la passation des marchés publics dans les collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution obéit aux principes et règles en vigueur en France hexagonale, sous réserve de dispositions spécifiques éventuellement édictées pour chacune d’entre elles. En l’état, le code de la commande publique ne comporte aucune adaptation en ce qui concerne les lois et règlements applicables en la matière sur l’île de Mayotte. Dès lors et en vertu du principe d’identité législative, la conclusion et l’exécution des marchés publics doivent respecter des obligations de droit commun, dont celui de l’allotissement. 

  1.   UN PRINCIPE DIRECTEUR DANS LA STRUCTURATION ET LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS 

Consacré par l’article L. 2113-10 du code des marchés publics, le principe de l’allotissement des marchés publics constitue une règle fondamentale qui participe de la mise en œuvre du principe constitutionnel d’égal à l’accès à la commande publique. Il emporte l’obligation légale de passer les marchés en lots séparés. Il incombe ainsi aux acheteurs publics de déterminer le nombre, la taille et l’objet des lots. L’article L 2113-10 du code des marchés publics leur donne toutefois la possibilité de limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre ou le nombre de lots qui peuvent être attribués à un même opérateur économique.

Le principe de l’allotissement implique que chaque lot d’un marché public constitue une unité autonome pouvant être attribuée séparément. Il doit avoir pour objet des prestations homogènes susceptibles d’être réalisées par une même entreprise, même s’il n’est pas impossible, dans certains cas, qu’un même lot comporte des prestations différentes.

  1.   une application ne pouvant être ÉcartÉe que dans des hypothèses circonscrites au plan juridique

En l’état du droit, les acheteurs publics disposent d’un pouvoir d’appréciation relativement restreint en ce qui concerne l’allotissement des marchés publics. Ils ne peuvent s’affranchir de cette obligation que dans le cadre d’exceptions strictement définies par le législateur, en considération de circonstances pouvant rendre inopérantes les procédures de marché publics et en réponse à une crise conjoncturelle récente.   

  1.   Des marchés publics pouvant ne pas être allotis pour des motifs relatifs à la bonne exécution des procédures ou en raison de leur objet

● L’article L. 2113-11 du code de la commande publique reconnaît aux acheteurs publics la faculté de ne pas allotir un marché public pour trois motifs :

 l’impossibilité pour un acheteur public d’assurer lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ;

le risque de restreindre la concurrence ou de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations ;

3° le risque d’une procédure infructueuse pour les entités adjudicatrices.

L’article L. 2113-11 fait obligation aux acheteurs publics de motiver la décision de ne pas allotir un marché en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision.

● Par ailleurs, l’obligation d’allotir ne s’applique pas aux marchés globaux définis par l’article L. 2171-1 du code de la commande publique ([35]), à savoir :

1° les marchés de conception-réalisation ;

2° les marchés globaux de performance ;

3° les marchés globaux sectoriels.

L’article L. 2200-1 du même code écarte également le principe de l’allotissement pour les marchés de partenariat. 

  1.   Un régime provisoire pour les marchés de travaux engagés afin de remédier aux conséquences des émeutes urbaines de l’été 2023

L’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 ([36]) établit une dispense temporaire en vue de faciliter l’exécution des marchés de travaux nécessaires à la reconstruction et à la réfection des bâtiments détruits ou endommagés dans le contexte des émeutes urbaines de l’été 2023. En l’occurrence, le texte autorise les acheteurs publics à conclure des marchés uniques nécessaires à la reconstruction où à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par les dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023. Entrent dans le champ de la disposition :

– les marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 1,5 million d’euros hors taxes ;

– les lots dont le montant est inférieur à 1 million d’euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

En application de l’article 4 de l’ordonnance, l’allotissement ne constitue plus une obligation pour les marchés ayant donné lieu à l’engagement d’une consultation ou à l’envoi à la publication d’un avis de publicité à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance et pendant un délai de neuf mois à compter de cette date (soit jusqu’au 25 avril 2025).

  1.   une dispense temporaire de l’obligation d’allotir pour les marchÉs publics nécessaires À la reconstruction de mayotte 

L’article 12 du projet de loi vise à faciliter et à accélérer la conclusion des marchés soumis au code de la commande publique devant être engagés afin de remédier aux destructions et dommages causés par le cyclone Chido à Mayotte. À cet effet, par une disposition non codifiée, il établit une dérogation expresse à l’application des articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique qui formalisent les obligations découlant du principe d’allotissement des marchés publics.

  1.   un régime temporaire conférant la facultÉ de passer des marchés uniques

● L’article 12 du projet de loi permet aux acheteurs publics de conclure un marché unique pour les marchés publics nécessaires afin de remédier aux conséquences de la calamité naturelle exceptionnelle survenue à Mayotte les 13 et 14 décembre 2024.

En conséquence du renvoi au I de l’article 11 du projet de loi, la dispense s’applique à l’ensemble des marchés publics ayant pour objet la reconstruction ou la réfection des équipements publics et des bâtiments détruits ([37]) ou endommagés par le cyclone Chido.

● En pratique, l’article 12 du projet de loi dispense les acheteurs publics de l’obligation de motiver la décision de ne pas allotir un marché public répondant à ce besoin, en démontrant qu’ils se trouvent dans l’une des situations visées à l’article L. 2113-11 du code de la commande publique.

Ainsi, le texte reproduit le dispositif établi par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 pour la passation des marchés publics nécessaire à la reconstruction des infrastructures et édifices affectés par les émeutes urbaines de l’été 2023 ([38]).     

Quoique légèrement supérieurs à ceux prévus par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023, les seuils retenus pour la définition des marchés publics de travaux dont la passation pourrait être réalisée sans allotissement ne paraissent pas disproportionnés au regard de l’ampleur des destructions subies par Mayotte. D’après l’analyse du Conseil d’État ([39]), la dispense ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

  1.   un dispositif dÉrogatoire encadré et de nature temporaire

● D’une part, l’article 12 du projet de loi conditionne l’application des dérogations au droit de la commande publique au constat des conséquences d’une calamité naturelle, en l’occurrence le cyclone Chido. Le texte vise expressément les dates de survenue de cet épisode météorologique.

En cela et comme précédemment observé, il formalise un régime proche de celui des catastrophes naturelles, même s’il ne caractérise le lien de causalité de manière aussi précise que celui exigé dans le cadre fixé par l’article L. 125-1 du code de assurances ou par les dispositions de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales relatives aux dépenses éligibles au FCTVA à titre dérogatoire ([40]). À l’instar de la dispense accordée par l’article 11 du projet de loi, on peut estimer que l’article 12 exige seulement de démontrer que le cyclone constitue un fait générateur probable des dommages, indépendamment de la date de leur constat. 

● D’autre part, aux termes de l’article 14 du texte, la dispense relative à l’obligation d’allotir peut s’appliquer aux marchés publics de travaux engagés dans un délai de 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi. L’article 14 vise les marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à compter de la date de publication du texte promulgué – ce qui écarte toute application rétroactive. En vertu du principe de l’identité législative, applicable aux collectivités de nos outre-mer qui relèvent de l’article 73 de la Constitution, les dispositions de l’article 12 du projet de loi entreront en vigueur dès la publication de la loi au Journal officiel.

Comme observé à propos de l’article 11 du projet de loi, l’échéance fixée pour l’application de la dérogation au principe de l’allotissement va au-delà de ceux prévus par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 conçu pour la réparation des dommages subis par les équipements et bâtiments publics en marge des émeutes urbaines de l’été 2023 (à savoir, neuf mois à compter de la publication de l’ordonnance). Elle peut être jugée adaptée au regard des délais nécessaires à la formalisation des besoins et au lancement des procédures de passation des marchés publics.

  1.   les travaux de la commission

La commission a supprimé l’article 12 du projet de loi en adoptant, contre l’avis de la rapporteure et du Gouvernement, les amendements :

–  CE46 déposé par M. Jean-Hugues Ratenon et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire (LFI-NFP) ;

– CE149 déposé par M. Davy Rimane et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ;

– CE216 déposé par Mme Dominique Voynet et le groupe Écologiste et social (EcoS).

D’après les auteurs de ces amendements, la suppression de la disposition se justifierait en considération :

– du nécessaire respect des grands principes de la commande publique, dont l’égal accès et la transparence des procédures ;

– du rôle structurant du principe d’allotissement dans la conception et l’exécution des marchés publics ;

– du risque d’éviction des petites et moyennes entreprises au profit de grands groupes internationaux, avec de possibles atteintes à l’emploi du fait de rapports de sous-traitance fondés sur la recherche du moins-disant en termes de prix des prestations et de salaires.

En conséquence de l’adoption de ces amendements, la commission des affaires économiques n’a pas pu examiner les amendements, devenus sans objet, présentés par plusieurs de ses membres et qui visaient à encadrer le recours à des marchés publics non allotis, notamment par la faculté, reconnue expressément aux acheteurs publics et aux pouvoirs adjudicateurs, de réserver une part préférentielle des marchés aux PME et aux artisans locaux.

Il en va ainsi notamment de l’article CE274 déposé par la rapporteure, qui proposait d’enrichir l’article 12 par un dispositif similaire à celui inséré au III de l’article 11, afin de garantir la participation des acteurs économiques locaux à la reconstruction de Mayotte. Au regard de la possibilité d’encadrer le dispositif proposé par le projet de loi, le rétablissement de l’article 12 constitue une voie à explorer dans la poursuite de l’examen du texte.

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

Le présent article vise à faciliter le recours à des marchés globaux pour la réalisation des travaux nécessaires à la reconstruction ou à la remise en état des équipements et bâtiments publics de Mayotte. À cet effet, il lève les restrictions établies par l’article L. 2171-2 du code de la commande publique pour l’attribution d’un marché de conception-réalisation dans le cadre d’un régime temporaire.

À l’initiative de la rapporteure, la commission des affaires économiques a étoffé le dispositif afin de favoriser, sans remettre en cause dans son principe le pouvoir d'appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs, l'attribution de marchés publics aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du cyclone Chido.

  1.   L’état du droit : UN encadrement strict du recours aux marchés de CONCEPTION-réalisation À mayotte

Suivant l’article L. 1400-1 du code de la commande publique, la passation des marchés publics dans les collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution obéit aux principes et règles en vigueur en France hexagonale, sous réserve de dispositions spécifiques éventuellement édictées pour chacune d’entre elles. En l’état, le code de la commande publique ne comporte aucune adaptation des lois et règlements applicables en la matière sur l’île de Mayotte. Dès lors et en vertu du principe d’identité législative, la conclusion et l’exécution des marchés publics doivent actuellement respecter des obligations de droit commun, dont celles qui régissent l’attribution de marchés globaux.

  1.   UN instrument de la commande publique rÉservé À des situations et besoins spécifiques 
    1.   Une forme de marché dérogeant au principe de l’allotissement

Aux termes de l’article L. 2171-1 du code de la commande publique, les marchés de conception-réalisation constituent l’une des trois catégories de marchés globaux passés par dérogation au principe d’allotissement. La notion regroupe toutes les formes de marchés permettant de déroger à l’interdiction de cumul des missions de maîtrise d’œuvre et de travaux, ainsi qu’à l’allotissement.

En application de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique, un marché de conception-réalisation se définit ainsi comme un marché de travaux permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux nécessaires à la réalisation d’un ouvrage. De manière concrète, la passation et l’exécution du contrat ne donnent pas lieu à la formalisation et à l’attribution de lots séparés, dans les conditions fixées par les articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code la commande publique : un marché unique couvre l’ensemble des prestations.

  1.   Des cas d’usage strictement définis

Le second alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique subordonne l’usage des marchés de conception-réalisation à deux circonstances rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage :

– des motifs techniques ;

– un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur.

Suivant les précisions apportées par l’article R. 2171-1 du code de la commande publique, « les motifs d’ordre technique justifiant le recours à un marché de conception-réalisation sont liés à la destination ou à la mise en œuvre technique de l’ouvrage ». Entrent expressément dans le champ d’application des marchés de conception-réalisation répondant à des motifs techniques :

–  les ouvrages dont l’utilisation conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ;

– les ouvrages dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques.

En application de l’article L. 2771-1 du code de la commande publique, les marchés de conception-réalisation peuvent être confiés à un groupement d’opérateurs économiques ou à un seul opérateur économique pour les ouvrages d’infrastructures.

  1.   DES dérogations limitées aux dispositions restreignant l’usage des marchés de conception-rÉalisation

En l’état, le droit en vigueur n’écarte l’application des conditions fixées pour l’engagement des marchés de conception-réalisation que pour la conduite d’opérations menées sur le fondement de trois procédures distinctes, ayant chacune un objet spécifique.     

  1.   Les marchés de conception-réalisation destinés à la réalisation de logements locatifs

En application du troisième alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique, les conditions fixées pour l’usage des marchés de conception-réalisation ne s’appliquent pas aux marchés de conception-réalisation ayant pour objet la réalisation de logements locatifs aidés par l’État qui sont financés avec le concours des aides publiques mentionnées au 1° de l’article L. 301-2 du code de la construction et de l’habitation ([41]), lorsqu’ils sont conclus par les organismes d’habitations à loyer modéré ([42]) et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux.

  1.   Les marchés globaux sectoriels (articles L. 2171-4 à L.2171-6-1 du code de la commande publique)

Les marchés globaux sectoriels désignent des marchés de conception-réalisation ayant pour objet de confier à un seul opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction et l’aménagement d’immeubles ou d’infrastructures affectés à des services publics spécifiques, avec ou sans entretien et maintenance. Ils constituent des procédures particulières à l’usage exclusif :

–  de l’État (article L. 2171-4 du code de la commande publique). Entrent dans le champ d’application des marchés globaux passés sur ce fondement : les immeubles affectés à la police nationale, à la gendarmerie nationale, aux armées ou aux services du ministère de la Défense, à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, ainsi que ceux qui sont affectés par l’État à la formation des personnels qui concourent aux missions de défense et de sécurité civiles ; les infrastructures nécessaires à la mise en place de systèmes de communication et d’information répondant aux besoins des services du ministère de l’Intérieur ; les établissements pénitentiaires ; les centres de rétention ou de zones d’attente ; des infrastructures linéaires de transport de l’État, hors bâtiments.

– des établissements publics de santé et des organismes sociaux ou sanitaires (article L. 2171-5 du code de la commande publique), pour les bâtiments ou les équipements affectés à l’exercice de leurs missions ;

– de la Société du Grand Paris (article L. 2171-6 du code de la commande publique). Les marchés globaux sectoriels peuvent porter sur les infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ([43]) ou sur des infrastructures de transport public dont la maîtrise d'ouvrage lui est confiée, sur les opérations de construction et de valorisation immobilière non directement liées aux infrastructures précitées qui relèvent de sa compétence, ainsi que sur la maintenance des éléments qui sont remis en gestion à Ile-de-France Mobilités ([44]) ;

– d’Île-de-France Mobilités (article L. 2171-6 du code de la commande publique), pour les sites de maintenance et de remisage des modes de transport (bus, tramway, tram-train, métropolitain) dont elle assure l’organisation dans le cadre de ses missions.

Contrairement aux marchés de conception-réalisation régis par l’article L. 2171-2 du code de la commande publique, la loi ne fixe pas de condition à l’usage des marchés globaux sectoriels en dehors de leur objet. Le recours à ce procédé relève de la libre appréciation des pouvoirs adjudicateurs.

  1.   Le régime provisoire applicable aux marchés de travaux engagés afin de remédier aux conséquences des émeutes urbaines de l’été 2023

L’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 ([45]) établit une dispense temporaire en vue de faciliter l’exécution des marchés de travaux nécessaires à la reconstruction et à la réfection des bâtiments détruits ou endommagés dans le contexte des émeutes urbaines de l’été 2023. L’article 3 de l’ordonnance ouvre la possibilité de recourir aux marchés de conception-réalisation mentionnés à l’article L. 2171-2 du code de la commande publique.

D’une part, cet article de l’ordonnance dote expressément les acheteurs publics de la capacité de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement des équipements publics et des bâtiments affectés par les violences urbaines.

D’autre part, l’ordonnance lève les restrictions à l’usage d’un tel procédé qui découlent de :

– l’impossibilité de conclure un marché de conception-réalisation pour les acheteurs soumis aux dispositions qui régissent les marchés publics liés à la maîtrise d’ouvrage publique et à la maîtrise d’ouvrage privée, en dehors des cas où des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage (en vertu du deuxième alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique) ;

– la nécessaire distinction entre la mission de maîtrise d’œuvre et celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux (en vertu du second alinéa de l’article L. 2431-1 du même code).

Conformément à l’esprit et à la lettre de l’ordonnance, les maîtres d’ouvrage peuvent ainsi confier une mission globale portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux, quel que soit le montant estimé des prestations.

Entrent dans le champ de la disposition :

– les marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 1,5 million d’euros hors taxes ;

– les lots dont le montant est inférieur à 1 million d’euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

En application de l’article 4 de l’ordonnance, les acheteurs publics peuvent confier une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement des équipements et des bâtiments publics détruits ou endommagés pendant un délai de neuf mois à compter de la date de sa publication, soit jusqu’au 25 avril 2025.

  1.   UN RÉGIME PROVISOIRE facilitant la passation de marchés globaux nécessaires à la reconstruction de mayotte

L’article 13 du projet de loi vise à donner aux acheteurs publics la capacité de confier à des opérateurs la réalisation de l’ensemble des prestations nécessaires afin de remédier aux destructions et dommages causés par le cyclone Chido. À cet effet, par une disposition non codifiée, il assouplit les conditions du recours aux marchés de conception-réalisation en écartant expressément l’application des articles L. 2171-2 et L. 2431-1 du code de la commande publique qui fixent le cadre d’emploi de cette procédure.

  1.   une levÉe des restrictions À l’engagement des marchés DE CONCEPTION-réalisation

● En premier lieu, le premier alinéa de l’article 13 du projet de loi reconnaît aux acheteurs publics la faculté de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur les prestations de conception, de construction ou d’aménagement nécessaires afin de remédier aux conséquences de la calamité naturelle exceptionnelle survenue à Mayotte les 13 et 14 décembre 2024.

En conséquence du renvoi au I de l’article 11 du projet de loi, cette procédure exceptionnelle peut être employée pour l’ensemble des marchés publics ayant pour objet la reconstruction ou la réfection des équipements publics et des bâtiments détruits ou endommagés ([46]) par le cyclone Chido.

● En second lieu, le premier alinéa de l’article 13 du projet de loi dispense les acheteurs publics de l’obligation de démontrer l’existence de l’une des circonstances qui, en vertu du second alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique, autorisent le recours aux marchés de conception-réalisation, à savoir :

– des motifs techniques ;

– un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur.

La disposition autorise expressément l’engagement de telles procédures même si elles ne remplissent pas les deux conditions rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage.

En outre, le second alinéa de l’article 13 du projet de loi permet de déroger au principe en vertu duquel les missions de maîtrise d’œuvre et les prestations de travaux ne peuvent être assumées par un même opérateur : il écarte en effet l’application du second alinéa de l’article L. 2431-1 du code de la commande publique.

● À l’instar des articles 11 et 12, l’article 13 du projet de loi duplique le dispositif établi par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 pour la passation des marchés publics nécessaires à la reconstruction des infrastructures et édifices affectés par les émeutes urbaines de l’été 2023 ([47]).     

Quoique légèrement supérieurs à ceux prévus par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023, les seuils retenus pour la définition des marchés publics de travaux dont la réalisation pourrait nécessiter la conclusion d’un marché de conception-réalisation ne paraissent pas disproportionnés au regard de l’ampleur des destructions subies par Mayotte. D’après l’analyse du Conseil d’État ([48]), la dispense ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

  1.   un dispositif dÉrogatoire encadré et de nature temporaire

● D’une part, l’article 13 du projet de loi conditionne l’application des dérogations au droit de la commande publique au constat des conséquences d’une calamité naturelle, en l’occurrence le cyclone Chido. Le texte vise expressément les dates de survenue de cet épisode météorologique.

En cela et comme précédemment observé, il formalise un régime proche de celui des catastrophes naturelles, même s’il ne caractérise pas le lien de causalité de manière aussi précise que celle exigée dans le cadre fixé par l’article L. 125-1 du code de assurances ou par les dispositions de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales relatives aux dépenses éligibles au FCTVA à titre dérogatoire ([49]). À l’instar de la dispense accordée par les articles 11 et 12 du projet de loi, la procédure de son article 13 peut être employée pour la réparation des dommages et destructions dont le cyclone Chido constitue un fait générateur probable, indépendamment de la date de leur constat. 

● D’autre part, aux termes de l’article 14 du projet de loi, les acheteurs publics peuvent recourir aux marchés de conception-réalisation en dehors des conditions de droit commun dans un délai de 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi. L’article 14 vise les marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à compter de la date de publication du texte promulgué – ce qui écarte toute application rétroactive. En vertu du principe de l’identité législative applicable aux collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution, les dispositions de l’article 13 du projet de loi entreront en vigueur dès la publication de la loi au Journal officiel.

Comme observé à propos de l’article 11 du projet de loi, l’échéance fixée pour l’utilisation des marchés de conception-réalisation dans ce cadre exceptionnel va au-delà des délais prévus par l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 conçue pour la réparation des dommages subis par les équipements et bâtiments publics en marge des émeutes urbaines de l’été 2023 (à savoir, neuf mois à compter de la publication de l’ordonnance). Toutefois, au vu de l’importance des destructions et des contraintes et caractéristiques particulières de Mayotte, liée notamment à son insularité et sa situation économique, cette durée plus longue peut être jugée adaptée ; elle permettra de tenir compte des délais nécessaires à la formalisation des besoins et au lancement des procédures de passation des marchés publics.

  1.   les travaux de la commission

À l’initiative de votre rapporteure, la commission des affaires économiques a encadré la procédure d’attribution des missions globales autorisées par l’article 13 du projet de loi, afin de faciliter et d’accélérer la réfection ou reconstruction des équipements et bâtiments publics détruits ou endommagés à Mayotte par le cyclone Chido. Dans cet esprit, elle a adopté – contre l’avis du Gouvernement et par préférence à la mesure portée par l’amendement CE171 déposé par M. Phillipe Naillet et des membres du groupe Socialistes et apparentés – l’amendement CE275 qui insère dans le texte un dispositif similaire à celui formalisé à l’article 11 du projet de loi.

Le II de l’article 13 du projet de loi adopté par la commission vise également à favoriser l'attribution de marchés publics de conception-réalisation aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du cyclone Chido.

À cet effet, le premier alinéa consacre ainsi le droit de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics de Mayotte, de réserver aux PME et aux artisans locaux une part préférentielle des marchés publics attribués dans les conditions fixées par l’article 13 du projet de loi. Il fixe cette part préférentielle à un tiers des marchés passés dans le cadre de ce régime provisoire.

Ce dispositif s’inspire très directement de l’expérimentation menée sur le fondement de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle en outre-mer. L’article 73 du texte prévoyait ainsi que  « pour favoriser à moyen terme l’émergence de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d’exercer pleinement leur libre accès à la commande publique, dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution autres que la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, pour une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les acheteurs publics peuvent réserver jusqu’à un tiers de leurs marchés aux petites et moyennes entreprises locales, au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. »

Comme à l’article 11 du projet de loi, la rédaction adoptée par la commission des affaires économiques en reprend les termes essentiels, tout en précisant le champ des entreprises et artisans locaux : au sens du III de l’article 11, ces catégories comprennent les entreprises possédant leur siège social à Mayotte au 13 décembre 2024, soit à la date du passage du cyclone Chido. Cette mention répond à la nécessité de prévenir des implantations opportunistes qui réduiraient en partie la justification d’intérêt local et la portée du dispositif.

Le choix d’une part préférentielle d’un tiers des marchés publics prend en considération les dérogations aux principes de la commande publique qu’admet le droit en vigueur afin de ménager aux marchés publics l’accès des petites et moyennes entreprises (PME). L’article R. 2213-5 du code de la commande publique fait ainsi obligation aux titulaires des marchés de partenariat de s’engager à confier, « directement ou indirectement, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans mentionnés à l'article R. 2151-13 » 20 % du montant prévisionnel du marché de partenariat hors coût de financement, « sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas ». Cet article du code de la commande publique prévoit que le pourcentage peut être modifié par décret. La part fixée par le projet de loi représente un plafond : elle offre une faculté aux acheteurs publics et les pouvoirs adjudicateurs de privilégier des entreprises et artisans établis à Mayotte, mais ne subordonne pas l’attribution des marchés publics à ce qui doit être considéré comme un objectif plus que souhaitable.

Le second alinéa du II de l’article 13 prévoit l’établissement d’un plan de sous-traitance pour les soumissionnaires ne possédant pas la qualité de PME ou d'artisans. Il renvoie à un acte réglementaire le soin d’en préciser les formes et les modalités de présentation et d’examen.

Comme précédemment observé, le texte adopté par la commission des affaires économiques retranscrit l’essentiel du dispositif de l’expérimentation organisée par l’article 73 de la loi précitée pour l’égalité réelle outre-mer. Celui-ci prévoyait ainsi que, « [d]ans des conditions définies par voie réglementaire, pour les marchés dont le montant estimé est supérieur à 500 000 euros hors taxes, les soumissionnaires doivent présenter un plan de sous-traitance prévoyant le montant et les modalités de participation des petites et moyennes entreprises locales ».

La disposition impose aux candidats aux marchés publics d’indiquer dans leur offre le montant et les modalités de participation des entreprises relevant de ces catégories à l’exécution du marché auquel ils postulent. La disposition vise à fournir aux acheteurs publics et pouvoirs adjudicateurs un élément leur permettant d’apprécier la valeur de la candidature au regard des exigences qui peuvent s’attacher à l’efficacité et à la transparence des conditions d’exécution de la commande publique, ainsi qu’à l’impact sur l’environnement économique local. Les éléments de définition du contenu du plan de sous-traitance prévu par le second alinéa du III proviennent des dispositions du décret pris pour l’application de la loi  précitée pour l’égalité réelle outre-mer ([50]).

L’obligation de fournir un plan de sous-traitance au stade de la passation du marché ne revêt cependant qu’un caractère relatif. En effet, le III de l’article 11 permet aux soumissionnaires de répondre à l’exigence que sous-tend la procédure en motivant le non-recours aux PME et artisans locaux. Il admet des justifications pratiques relativement souples, en rapport avec l’existence d’entreprises sous-traitantes à même de satisfaire aux exigences du marché public dont elles deviendraient sous-traitantes. Ces tempéraments correspondent à ceux prévus pour la mise en œuvre de l’expérimentation prévue par la loi précitée pour l’égalité réelle outre-mer ([51]). Au demeurant, il incombe au pouvoir réglementaire de préciser les conditions d’application du dispositif. En cela, le texte de la commission tend à écarter le risque d’une charge administrative pour les soumissionnaires et pour les acheteurs publics susceptibles de réduire l’intérêt des dérogations autorisées par l’article 11 du projet de loi.

Le troisième alinéa du II de l’article 13 du projet de loi fait obligation aux lauréats retenus de confier une partie de son exécution à des PME et artisans locaux, sauf impossibilité tenant à la structure du secteur économique concerné. Il réserve l’application de cette exigence légale aux entreprises ne possédant la qualité d’entreprise ou d’artisan ayant son siège social à Mayotte.

En cela, le texte de la commission reproduit la dérogation formalisée par l’article R. 2171-23 du code de la commande publique applicable à certains marchés globaux, lequel dispose : « Si le titulaire d'un marché global n’est pas lui-même une petite ou moyenne entreprise ou un artisan, la part minimale qu’il s’engage à confier, directement ou indirectement, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans, en application de l’article L. 2171-8, est fixée à 20 % du montant prévisionnel du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas. ».

Comme indiqué à propos de l’article 11 du projet de loi, la disposition ne prive pas les acheteurs publics et les pouvoirs adjudicateurs de la capacité de se prononcer sur la participation des sous-traitants désignés par le lauréat à l’exécution d’un marché de conception-réalisation passé dans les conditions fixées par l’article 13 du projet de loi. Les autorités conservent les prérogatives d’agrément et de contrôle que leur accorde le droit de la commande publique.

À l’instar des dispositions relatives au plan de sous-traitance, le II de l’article 13 donne aux lauréats des marchés publics la possibilité de ne pas recourir à des sous-traitants locaux, si la structure économique du secteur ne le permet pas. Ce faisant, il ménage une souplesse dans l’application de la procédure qui prend en considération des conditions économiques d’exécution de la commande publique, ainsi que la nécessité de ménager la liberté contractuelle des entreprises et l’accès aux marchés publics. Cette exception vise à prévenir tout risque de surcharge administrative susceptible de restreindre le vivier des candidats aux marchés. Il incombera au pouvoir réglementaire d’en préciser la teneur.

 

 

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Article 13 bis (nouveau)
Encadrement des conditions de recours à la sous-traitance dans l’exécution des marchés publics passés en vue de la reconstruction de Mayotte

 

Article introduit par la commission

 

Le présent article vise à limiter le recours à la sous-traitance dans l’exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services conclus en vue de la reconstruction de Mayotte, dans le cadre dérogatoire établi par l’article 13 du projet de loi.

À cet effet et par une disposition non codifiée, il limite l’emploi de ce procédé au second rang pour les marchés passés en lots séparés et au troisième rang pour les marchés non allotis.

  1.   L’État du droit : un encadrement de la sous-traitance dans la passation et l’exécution des marchés publics
    1.   Un montage contractuel possible pour une candidature a un marchÉ public ou son exÉcution

La sous-traitance désigne l’opération par laquelle un opérateur économique confie, par un sous-traité et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution d'une partie des prestations du marché conclu avec l'acheteur. Formalisée par l’article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ([52]), la définition applicable aux marchés publics procède aujourd’hui des dispositions de l’article L. 2193-2 du code de la commande publique.

L’article L. 2193-2 du même code pose ainsi le principe suivant lequel le titulaire d’un marché peut, sous sa responsabilité, sous-traiter l'exécution d'une partie des prestations de son marché, dans les conditions fixées par le code. La disposition offre ainsi à une entreprise candidate à un marché public ou en étant déjà titulaire la faculté de s’adjoindre les services d’une autre société spécialisée – non pas en « cotraitance » ou « en groupement » vis-à-vis de l’acheteur.

La sous-traitance peut présenter un intérêt lorsque, par exemple, une entreprise candidate ou lauréate ne dispose pas ponctuellement des moyens nécessaires pour réaliser certaines parties des prestations nécessaires à l’exécution du marché public.

Le contrat de sous-traitance est un contrat privé distinct du contrat liant, d’une part, un acheteur public ou un pouvoir adjudicateur et, d’autre part, le lauréat d’un marché. Le droit en vigueur considère le sous-traitant comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants.

  1.    UN contrôle possible du recours à la sous-traitance au plan juridique

Ainsi, l’article L. 2193-3 confère aux acheteurs publics le droit d’exiger que certaines tâches essentielles soient effectuées directement par le titulaire.

L’article L. 2193-4 subordonne la possibilité de recourir au procédé à une déclaration de sous-traitance auprès des acheteurs publics, ainsi qu’à l’obtention d’une acceptation du sous-traitant et un agrément de ses conditions de paiement.

Sur le fondement des articles L. 2193-8 et L. 2193-9 du code de la commande publique, en cas d’offre d’anormalement basse, les acheteurs publics peuvent rejeter l’offre d’un soumissionnaire ou ne pas accepter le sous-traitant. L’article L. 2193-8 permet aux acheteurs publics d’exiger que le soumissionnaire ou le titulaire du marché lui fournisse des précisions et justifications sur le montant de ces prestations.

  1.   Le dispositif proposé par la commission : une limitation de la sous-traitance dans la passation et l’exécution des marchés publics pour la reconstruction de mayotte

● La création de l’article 13 bis résulte de l’adoption par la commission des affaires économiques – contre l’avis de la rapporteure et du Gouvernement – de l’amendement CE172 déposé par M. Philippe Naillet et plusieurs des membres du groupe Socialistes et apparentés.

Le texte vise à encadrer les conditions du recours à la sous-traitance dans l'exécution des marchés allotis et non allotis autorisés par le projet de loi. À cet effet et par une disposition non codifiée, il limite l’emploi de ce procédé au second rang pour les marchés passés en lots séparés et au troisième rang pour les marchés non allotis. Il réaffirme le principe suivant lequel le sous‑traitant est considéré comme un entrepreneur principal à l’égard de ses propres sous‑traitants.

En l’absence de précisions, les restrictions édictées en matière de sous-traitance s’appliquent aux marchés publics régis par les articles 11 et 12 du projet de loi, voire aux marchés de conception-réalisation mentionnés à l’article 13 du texte.

● En soi, l’article 13 bis contribue à restreindre assez sensiblement la possibilité pour un soumissionnaire ou un titulaire d’un marché de confier l’exécution d’une partie des prestations du contrat attribué, dans le cadre dérogatoire formalisé afin de faciliter et d’accélérer la reconstruction de Mayotte.

Or, sur un strict plan juridique, les articles 11 à 13 du projet de loi ne remettent pas en cause l’application du code de la commande publique et, comme précédemment observé, celui-ci accorde aux acheteurs publics et aux pouvoirs adjudicateurs des prérogatives afin d’assurer l’efficacité de la commande publique, voire à prévenir des dérives dans les rapports entre le titulaire d’un marché et ses sous-traitants.

Du reste, les dispositions qui établissent une préférence aux entreprises et artisans locaux aux articles 11 à 13 du projet de loi encadrent déjà ce type de montage par le biais d’un plan de sous-traitance qui doit formaliser le montant et les modalités de participation des entreprises.

Par ailleurs, se pose la question des opportunités que pourrait apporter la sous-traitance, sous certaines conditions, aux opérateurs économiques mahorais dans l’entreprise de reconstruction du territoire. Cette interrogation ne conduit pas à méconnaître les effets parfois néfastes du développement des rapports de sous-traitance sur le niveau des salaires et la qualité des conditions de travail, ainsi que certains élus ultramarins, membres de la commission des affaires économiques, ont pu en apporter le témoignage.

 

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Article 13 ter (nouveau)
Information sur le taux de marge des candidats aux marchés publics passés en vue de la reconstruction de Mayotte

 

Article introduit par la commission

 

Le présent article vise à permettre aux acheteurs publics et aux pouvoirs adjudicateurs d’obtenir des candidats aux marchés publics la transmission d’informations relatives à leur taux de marge pour risque et leur taux de marge bénéficiaire afin d’examiner leur offre.

À cet effet, par une disposition non codifiée, il fait obligation aux soumissionnaires de mentionner ces données dans les documents transmis à l’appui de leur offre.

● La création de l’article 13 ter résulte de l’adoption par la commission des affaires économiques – contre l’avis du Gouvernement mais avec l’avis favorable de la rapporteure – de l’amendement CE173 déposé par M. Philippe Naillet et plusieurs des membres du groupe Socialistes et apparentés.

Le dispositif poursuit deux objectifs : d’une part, prévenir le risque d’une éviction des opérateurs économiques locaux par des acteurs importants du secteur du BTP en capacité de proposer des offres agressives reposant sur des marges quasi nulles ; d’autre part, empêcher la réalisation de marges excessives dans l’exécution des marchés publics destinés à la reconstruction de Mayotte.

● À cet effet, l’article 13 ter impose aux opérateurs d’indiquer leur taux de marge pour risque et leur taux de marge bénéficiaire dans l’offre présentée à l’appui de leurs candidatures aux marchés publics. Il subordonne l’examen de la candidature à la transmission de ces données en prévoyant que leur absence vaut irrégularité de leur offre. Le texte renvoie implicitement à un décret la définition des modalités de cette obligation.

En outre, il reconnaît expressément aux acheteurs publics et aux pouvoirs adjudicateurs la capacité d'écarter « les offres pour lesquelles ces taux sont anormalement élevés ou anormalement bas ».

Dans son principe, l’article conforte des dispositifs déjà existants en droit de la commande publique, tels que l’agrément et l’acceptation par l’acheteur du sous-traitant, ou encore la possibilité d’écarter une offre anormalement basse pour des prestations de sous-traitance (sur le fondement de l’article L. 2193-9 du code de la commande publique).

● La mesure peut être jugée pertinente dans la mesure où elle permettra d'éclairer le choix des acheteurs publics et pouvoirs adjudicateurs. Elle confortera la transparence des procédures et l'exigence de bon usage des deniers publics, qui découlent du principe de l'égal accès à la commande publique. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser les conditions d'application, de sorte que cette obligation n'alourdisse pas les procédures établies afin de répondre aux urgences de la construction, ce qui ménage une certaine souplesse.

En soi, l’article 13 ter complète utilement l’encadrement des marchés publics pouvant être conclus dans le cadre dérogatoire défini pour faciliter et accélérer la reconstruction de Mayotte.

 

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Article adopté par la commission sans modification

 

Le présent article fixe les conditions d’entrée en vigueur des articles 11 à 13 du projet de loi. Il prévoit que les dérogations aux principes et règles de la commande publique établies par le texte s’appliquent dès la publication de la loi et pour une durée de vingt-quatre mois à compter de cette date.

La commission des affaires économiques a adopté l’article 14 du projet de loi sans modification.

  1.   Le dispositif du projet de loi : une entrÉe en vigueur immédiate, des adaptations de la commande publique valables deux ans

L’article 14 du projet de loi fixe à vingt-quatre mois à compter de la publication de la loi le délai pendant lequel les acheteurs publics peuvent recourir aux dispositions des articles 11 à 13 du projet de loi, à savoir :

– les dispenses relatives aux obligations de publicité et de mise en concurrence préalables, respectivement définies pour l’engagement des marchés de travaux d’une valeur inférieure à 2 millions d’euros hors taxe, ainsi que pour les marchés de travaux, de fournitures et de services d’une valeur inférieure à 1 million d’euros hors taxe (article 11 du projet de loi) ;

– la dérogation temporaire au principe d’allotissement établie pour l’engagement des marchés de travaux mentionnés au I de l’article 11 du projet de loi (article 12 du projet de loi) ;

– l’assouplissement des conditions d’attribution d’une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement des équipements publics et des bâtiments publics affectés par la calamité naturelle survenue à Mayotte les 13 et 14 décembre 2024 (article 13 du projet de loi).

Peuvent bénéficier de ces aménagements temporaires du droit de la commande publique les marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à compter de la date de publication du texte promulgué. L’article 14 confère donc à ces dispositifs exceptionnels un effet immédiat, tout en excluant une application à des procédures engagées antérieurement à la survenue du cyclone Chido (par l’engagement d’une consultation ou l’envoi d’un avis de publicité, ainsi que la prise d’une délibération par une collectivité territoriale).

En vertu du principe de l’identité législative applicable aux collectivités ultramarines relevant de l’article 73 de la Constitution, les dispositions de l’article 12 du projet de loi entreront en vigueur dès la publication de la loi au Journal officiel.

Certes, la durée du régime exceptionnel organisé par le projet de loi afin de faciliter l’exécution des chantiers nécessaires à la reconstruction de Mayotte dépasse très nettement celle retenue dans le cadre de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 pour la réparation des dommages subis par les équipements et bâtiments publics en marge des émeutes urbaines de l’été 2023 (à savoir 9 mois à compter de la publication de l’ordonnance, soit jusqu’au 25 avril 2025).

Toutefois, cette durée plus longue ne paraît pas anormale ou disproportionnée au regard de l’ampleur des marchés qu’appellent les destructions très importantes subies par Mayotte en raison du cyclone Chido. Il convient de rappeler qu’au demeurant, les principes fondamentaux de la commande publique demeureront applicables et que les procédures engagées pourront faire l’objet de recours auprès de la justice administrative.

  1.   les travaux de la commission

Avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, la commission a adopté l’article 14 du projet de loi sans modification.

 

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Article 14 bis (nouveau)
Prévention du risque d’éviction des opérateurs économiques mahorais dans le cadre des marchés publics passés en vue de la reconstruction de Mayotte

 

Article introduit par la commission

 

Le présent article vise à prévenir le risque d’une éviction des opérateurs économiques mahorais des marchés publics conçus pour la reconstruction de Mayotte.

À cet effet, par une disposition non codifiée, il prévoit l’insertion dans les contrats de marché public d’une clause spécifiques ayant deux objets : d’une part, réserver un pourcentage minimum des travaux à réaliser aux très petites entreprises (TPE) locales ; d’autre part, autoriser les pouvoirs adjudicateurs et acheteurs publics à valoriser dans l’appréciation des candidatures celles des entreprises extérieures au département qui s'engagent à recruter de la main-d’œuvre locale pour l’exécution des marchés.

 

La création de l’article 14 bis résulte de l’adoption par la commission des affaires économiques – contre l’avis de la rapporteure et du Gouvernement – de l’amendement CE43 déposé par la présidente Aurélie Trouvé et plusieurs des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.

● Ainsi que l’établit l’exposé des motifs, la disposition vise à soutenir le développement économique local de Mayotte en évitant que les entreprises régionales n’accaparent la plus grande part des chantiers rendus nécessaires par les dommages et destructions occasionnés par le cyclone Chido. Elle prend en considération l’affaiblissement général des entreprises mahoraises qui, en l’état, se trouvent privées d’une partie de leurs personnels et de leurs moyens techniques.

Afin de prévenir un tel risque d’éviction, l’article 14 bis introduit deux mesures :

– premièrement, il reconnaît aux acheteurs publics et aux pouvoirs adjudicateurs la faculté de prévoir, dans les marchés publics conclus en vue de la reconstruction de Mayotte, une clause spécifique dans les contrats permettant de réserver aux très petites entreprises une part minimale des travaux à réaliser ;

– deuxièmement, il autorise les pouvoirs adjudicateurs et acheteurs publics à valoriser dans l'appréciation des candidatures celles des entreprises extérieures au département qui s'engagent à recruter de la main-d’œuvre locale pour l'exécution des marchés, en surpondérant la note attribuée dans l’examen de leur candidature.

En l’absence de précisions, l’article 14 bis s’applique à l’ensemble des marchés de travaux, de fournitures et de services passés dans le cadre dérogatoire formalisé par les articles 11 à 13 du projet de loi. Il n’établit qu’une faculté dont l’exercice relève du pouvoir discrétionnaire des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs. Au demeurant, il ne fixe pas la part préférentielle qui pourrait être attribuée aux TPE.

● En cela, le dispositif proposé soulève certaines questions quant à son apport et son caractère opérant.

Il ne comporte ainsi pas de définition des notions d' « entreprises locales » et d' « entreprises non-locales ». Cette imprécision pourrait favoriser des effets d'aubaine car, en comparaison des dispositions introduites aux articles 11 et 13, ces concepts ne renvoient pas nécessairement à des entreprises et des artisans possédant leur siège social à Mayotte de longue date – en tout cas, avant le passage du cyclone Chido.

En outre, en dehors de la référence aux très petites entreprises, la finalité de l’article 14 bis et l’économie de son dispositif correspondent en grande partie à ceux déjà introduits par la commission des affaires économiques afin d’encadrer le recours aux marchés sans publicité et/ou mise en concurrence préalables (régis par l’article 11), ainsi que l’attribution de missions globales (sur le fondement de l’article 13).

Par ailleurs, la portée de la surpondération des notes attribuées à certaines candidatures nécessiterait d’être précisée par des dispositions réglementaires. 

Dès lors, il pourrait être pertinent de reconsidérer le contenu de cette disposition, en considération des principes de la commande publique qui s'imposent sur le fondement du droit national et du droit européen.

 

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Chapitre VI
Faciliter les dons à destination de Mayotte

Article adopté par la commission avec modifications

 

Le présent article reconnaît expressément aux collectivités territoriales le droit d’accorder des subventions aux associations engagées dans le financement de secours d’urgence apportés aux victimes du cyclone Chido, ainsi qu’à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam). Le versement des fonds aux associations peut être réalisé entre le 14 décembre 2024 et le 14 mars 2025.

Par l’adoption de plusieurs amendements de ses membres (dont la rapporteure) et du Gouvernement, la commission des affaires économiques a étendu la période pendant laquelle les collectivités territoriales, inclus dans son périmètre les fondations reconnues d’utilité publique et précisé les actions pouvant être soutenues au titre des secours d’urgence apportés aux victimes du cyclone Chido, en écartant les actions d’aide au logement ayant pour objet ou résultat de contribuer à renouveler l’habitat informel.

  1.   L’État du droit : la capacitÉ DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À SUBVENTIONNER DES ASSOCIATIONS À des fins d’intÉrÊt gÉnÉral et de bienfaisance

Suivant la définition consacrée par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, dite loi « DCRA » ([53]), les subventions désignent des « contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire ».

La loi réserve donc cette qualification aux financements apportés aux actions, projets ou activités lancés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. Les subventions se distinguent ainsi des marchés publics en ce qu’elles ne constituent pas la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent. Elles visent à soutenir la réalisation d'un investissement, à contribuer au développement d’un projet ou au financement global de l'activité de l'organisme bénéficiaire défini, conçu et initié par ce même organisme.

  1.   UN soutien admis au titre des compÉtences ou du champ d’intervention reconnus aux collectivitÉs territoriales
    1.   Une faculté de subventionnement pouvant être exercée sur le fondement d’un intérêt local

Le droit conféré aux collectivités territoriales d’accorder aux associations régulièrement déclarées une subvention procède du régime juridique fondé sur l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association : celui-ci consacre le droit des associations à percevoir sans autorisation « des subventions de l’État, des régions, des communes et de leurs établissements publics ». Bien que le code général des collectivités territoriales (CGCT) n’accorde une clause générale de compétence qu’aux communes et n’habilite pas formellement les autres échelons à fournir ce type de concours, le subventionnement des associations participe du pouvoir des collectivités de régler, par leurs délibérations, les affaires de leurs compétences ([54]). Il relève des prérogatives des organes délibérants, même en l’absence de dispositions expresses ([55]).

Dans ce cadre et conformément aux principes dégagés par le Conseil d’État, les subventions versées aux associations doivent présenter un intérêt local ([56])  ou un caractère d’utilité locale ([57]). Elles doivent concourir à la satisfaction d'un intérêt général ou local. L'autorité publique qui l'attribue poursuit un but d'intérêt général ou local lorsque le projet relève de sa compétence et entre dans le champ d'une politique publique d'intérêt général, sans que l'autorité publique n'en tire une contrepartie directe. D’après la jurisprudence du Conseil, l’exigence d’un intérêt local suppose l’existence d’un lien particulier entre la collectivité territoriale et le territoire d'intervention de l’association qui perçoit la subvention ([58]). La seule circonstance que le bénéficiaire d’une subvention n’exerce pas dans un cadre géographique déterminé ne suffit pas à démontrer l'absence d’intérêt public local, et inversement.

La décision d’octroyer une subvention aux associations revêt un caractère discrétionnaire. Il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État que son attribution ne constitue pas un droit, même pour les personnes remplissant les conditions légales pour l’obtenir ([59]).

  1.   Une participation possible à des projets d’aide au développement ou présentant un caractère humanitaire à l’échelle internationale

Sur le fondement des dispositions du code général des collectivités territoriales leur accordant des compétences en matière d’action extérieure, les collectivités territoriales possèdent aujourd’hui la capacité juridique de mener ou de soutenir des opérations d’aide d’urgence, des projets de coopération pour l’aide au développement ou l’aide humanitaire. Constituent à ce titre des champs d’intervention avec des États ou des collectivités étrangères ou auprès d’eux :

– les actions internationales annuelles ou pluriannuelles de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire (article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales) : à cet effet, la loi habilite les collectivités territoriales et leurs groupements à conclure avec des autorités locales étrangères, le cas échéant, des conventions qui précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers ;

– la coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, l’aide d’urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de l’eau et de l’assainissement et de la distribution publique d’électricité et de gaz (article L. 1115-1-1 du code général des collectivités territoriales) : la loi accorde cette faculté aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale et aux syndicats mixtes chargés des services publics de distribution compétents, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services ;

– la coopération, l’aide au développement ou à caractère humanitaire dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets des ménages (article L. 1115-2 du code général des collectivités territoriales) : peuvent prendre des initiatives et des engagements en la matière les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes compétents en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages ([60]) ou percevant la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées ;

– la coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, l’aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans le domaine de la mobilité (article L. 1115-3 du code général des collectivités territoriales) : peuvent prendre part à ce type d’actions les autorités organisatrices de la mobilité ([61]), les communes continuant à organiser des services de mobilité ([62]) et Île-de-France Mobilités ([63]), dans la limite de 1 % des ressources affectées aux budgets des services de mobilité ([64]).

  1.   DES RESTRICTIONS ET SUJÉTIONS JURIDIQUES tempÉrÉes

En dehors de l’exigence d’un intérêt local et des principes inhérents à la séparation des Églises et de l’État qui déterminent les rapports avec les associations cultuelles ([65]), l’encadrement de la faculté des collectivités locales de subventionner les associations régulièrement déclarées réside dans l’application de règles tirées du droit de la concurrence ou d’un formalisme contractuel motivé par le souci d’un bon usage des deniers publics et du respect de principes fondamentaux.    

  1.   L’interdiction des subventions contribuant au financement d’activités économiques et assimilables à des aides d’État

D’une part, l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prohibe les aides accordées par les États (ou au moyen de ressources d’État) qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. D’autre part, le droit européen considère comme possédant le statut d’entreprise toute entité qui, indépendamment de sa forme juridique, exerce une activité économique, c’est-à-dire offre des biens et des services sur un marché donné.

Il en résulte qu’une subvention publique accordée à une association peut, en principe, se voir appliquer les restrictions et interdictions inhérentes au régime des aides d’État dès lors que celle-ci fournit des prestations qui l’assimilent à un opérateur économique. Dans ce cas, elle doit faire l’objet d’une notification à la Commission européenne.

La limitation, par le droit de la concurrence, des concours apportés aux associations par les collectivités publiques connaît toutefois deux tempéraments.

En premier lieu, en vertu d’actes de droit dérivé fondés sur l’article 107 du TFUE et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la qualification d’aide d’État ne s’applique pas :  

– aux subventions publiques versées aux associations qui n’exercent pas d'activité économique ou destinées à la réalisation d’un projet qui ne relève pas du domaine économique ;

– aux subventions publiques d’un montant inférieur aux seuils de minimis jugés trop faibles pour affecter la concurrence entre États membres, soit : 300 000 euros sur trois ans par association, toutes aides de minimis confondues, ou 750 000 euros sur trois ans par association exerçant un service d'intérêt économique général (SIEG), toutes aides de minimis confondues ([66]).

En second lieu, le TFUE et les actes de droit dérivé admettent, suivant le cas, la « compatibilité de principe » ou la « possible compatibilité » de certaines aides d’État avec les principes et exigences du marché intérieur, dès lors que les activités financées répondent à un intérêt public. Sur le fondement de l’article 107 du traité, il en va ainsi par exemple :

– des aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits (a du paragraphe 2) ;

– des aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires (b du paragraphe 2) ;

– des aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l'article 349 du TFUE ([67]) , compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale (a du paragraphe 3).

Un règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) de la Commission européenne précise les aides d’État compatibles dans ce cadre.

  1.   Les obligations visant à un usage des subventions conforme à leur objet et respectueux des deniers publics

Le quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite loi « DCRA », impose la conclusion d’une convention avec tout organisme de droit privé ([68]) recevant une subvention dont le montant dépasse un seuil fixé par voie réglementaire, soit 23 000 euros en application du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 ([69]).

Suivant les précisions apportées par l’article 10 de la loi DCRA, la convention doit définir :

– l’objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention utilisée ;

– les conditions d’utilisation et les modalités de contrôle et d'évaluation de la subvention attribuée ;

– les conditions dans lesquelles l’organisme, s’il est à but non lucratif, peut conserver tout ou partie d'une subvention n'ayant pas été intégralement consommée.

En l’absence de convention, le comptable public est tenu de refuser de procéder à son paiement ([70]).

L’article 10 de la loi DCRA fixe le délai de paiement de la subvention à soixante jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de cette subvention, « à moins que l’autorité administrative, le cas échéant sous forme de convention, n'ait arrêté d'autres dates de versement ou n'ait subordonné le versement à la survenance d'un évènement déterminé ».

● En outre, l’article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales soumet les structures bénéficiaires de subventions (associations, œuvres ou entreprises) à trois exigences :

– le contrôle de la collectivité ayant accordé la subvention ;

– la fourniture d’une copie certifiée des budgets et des comptes de l’exercice écoulé, ainsi que de tous les documents faisant connaître les résultats de leur activité à l’autorité qui a mandaté la subvention : cette obligation s’applique aux associations ayant reçu dans l’année en cours une ou plusieurs subventions ;

– l’interdiction d’employer tout ou partie de la subvention reçue en subventions à d’autres associations, œuvres ou entreprises, sauf lorsque cela est expressément prévu dans la convention conclue entre la collectivité territoriale et l'organisme subventionné.

  1.   La souscription d’un contrat d’engagement républicain

En application de l’article 10-1 de la loi DCRA, l’octroi d’une subvention aux associations et fondation implique désormais la conclusion préalable d’un contrat d’engagement républicain ([71]). La forme de cette convention résulte des dispositions d’une annexe au décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 ([72]) .

Par sa signature, le bénéficiaire s’engage auprès de l’autorité ayant accordé la subvention :

1° à respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution ;

2° à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;

3° à s’abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public.

Suivant le principe fixé à l’article 5 du décret précité n° 2021-1947 du 31 décembre 2021, il incombe aux associations et aux fondations signataires de veiller au respect du contrat d’engagement républicain en leur sein. Elles assument la responsabilité des manquements commis par leurs dirigeants, leurs salariés, leurs membres ou leurs bénévoles agissant en cette qualité, ainsi que de tout autre manquement commis par eux et directement lié aux activités des structures, dès lors que les organes dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient.

Afin de garantir le respect du contrat d’engagement républicain, l’article 10-1 de la loi DCRA habilite l’autorité saisie d’une demande :

– à refuser la subvention si l’objet de l’association ou de la fondation, son activité ou les modalités selon lesquelles cette dernière est conduite présente un caractère illicite ou incompatible avec le contrat d'engagement républicain souscrit ;

– à retirer la subvention s’il est établi que l’association ou la fondation bénéficiaire poursuit un objet ou exerce une activité illicite ou que l’activité ou les modalités selon lesquelles l'association ou la fondation la conduit sont incompatibles avec le contrat d'engagement républicain souscrit : dans cette hypothèse, l’article 10-1 de la loi DCRA impose la restitution des sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire, dans un délai ne pouvant excéder six mois à compter de la décision de retrait par le biais d’une procédure d’injonction.

L’article 5 du décret précité n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 précise que les engagements souscrits au titre du contrat d’engagement républicain sont opposables aux associations à compter de la date de souscription du contrat. Est de nature à justifier le retrait d'une subvention, en numéraire ou en nature, un manquement aux engagements souscrits au titre du contrat commis entre la date à laquelle elle a été accordée et le terme de la période définie par l'autorité administrative en cas de subvention de fonctionnement ou l'issue de l'activité subventionnée en cas de subvention affectée. Le retrait porte sur un montant calculé au prorata de la partie de la période couverte par la subvention qui restait à courir à la date du manquement.

  1.   un cadre provisoire habilitant les collectivitÉs territoriales À soutenir des associations finançant l’aide d’urgence À mayotte 

L’article 15 du projet de loi vise à reconnaître aux collectivités territoriales la capacité juridique de concourir au financement de l’aide d’urgence à Mayotte. À cet effet, par une disposition non codifiée, il autorise expressément ces collectivités à verser des subventions aux associations engagées dans ce type d’actions, mais pour une période limitée.  

  1.   Un dispositif formalisant la possibilitÉ d’un concours financier exceptionnel au titre de la solidaritÉ nationale

L’article 15 du projet de loi consacre la légalité de subventions accordées par les collectivités territoriales pour des actions ne relevant pas directement de l’intérêt public local suivant la conception traditionnelle qui fonde l’exercice de leurs compétences et l’engagement de leurs ressources ([73]). Il donne à l’ensemble des collectivités territoriales de France – et non aux seules collectivités du département de Mayotte – un motif légal au versement d’un concours financier pour répondre aux besoins de première nécessité créés par les ravages du cyclone Chido.

Ce faisant, l’article 15 du projet de loi tend à élargir le champ d’intervention des collectivités territoriale en y incluant formellement, à titre temporaire, le soutien à des actions destinées à répondre aux besoins créés par une calamité naturelle d’une ampleur inédite, survenue à l’extérieur de leur ressort. Il n’exige pas de lien particulier avec l’île de Mayotte ou les associations contribuant à l’aide de première urgence.

Ainsi que le précise l’étude d’impact annexée au projet de loi ([74]), entrent dans le champ d’application du dispositif les groupements de collectivités mentionnés à l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, à savoir : les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-8 du même code ; les pôles métropolitains ; les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux ; les agences départementales ; les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes interrégionales.

  1.   Un fondement de droit positif au subventionnement d’associations contribuant à des actions d’intérêt public national

Le premier alinéa de l’article 15 du présent projet de loi confère aux collectivités territoriales la faculté temporaire de verser des subventions à toute association s’engageant à utiliser ces fonds pour financer les secours d’urgence au bénéfice des victimes du cyclone Chido.

● Le texte ne restreint pas le champ des associations susceptibles de recevoir des subventions. Il subordonne la légalité des subventions versées aux associations à la teneur des engagements pris auprès des collectivités territoriales, ces derniers devant avoir pour objet l’apport d’une aide d’urgence aux victimes du cyclone Chido à Mayotte. Ainsi, il paraît établi que la mise en œuvre du premier alinéa de cet article 15 suppose implicitement la conclusion d’une convention, dans le cadre ou sur le modèle de la procédure formalisée par l’article 10 de la loi DCRA en l’absence de toute disposition législative contraire.

Pas plus que l’exposé des motifs ou l’étude d’impact, les dispositions de l’article ne définissent l’objet des « secours d’urgence » pouvant motiver le subventionnement des associations. Toutefois, au regard des solutions dégagées par le juge administratif et dont fait état le ministère de l’Intérieur ([75]), pourraient être considérées comme régulières sur le fondement du présent texte les subventions des collectivités apportées à des interventions ayant pour objet de lutter contre les maladies et épidémies ou pour venir en aide aux victimes du cyclone en répondant à des besoins de première nécessité.

Par analogie avec le dispositif de l’article 16 du projet de loi et sous réserve de précisions quant à la portée du texte, la notion d’aide d’urgence pourrait également rendre concevable, au plan juridique, une aide au financement d’actions consistant à fournir gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuant à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction de locaux d’habitation rendus inhabitables.  

● En l’absence de prescriptions quant aux modalités du subventionnement autorisé par l’article 15 du projet de loi, le soutien apporté aux associations peut consister en des versements pécuniaires ou en l’apport de tout autre moyen de soutien financier.

Ainsi que le précise l’étude d’impact annexée au projet de loi ([76]), la disposition entraîne, pour les collectivités territoriales et dans le seul cadre du soutien apporté à l’aide d’urgence à Mayotte, la possibilité légale de déroger :

– au principe d'exclusivité de maniement des fonds du comptable public ;

– à l’obligation d’établir une convention de mandat afin de permettre l’utilisation par les associations des subventions perçues pour le financement d’actions d’urgence, y compris celles menées par des tiers (dans les conditions fixées par le IV de l’article L. 1611-7 et les articles suivants du code général des collectivités territoriales) ([77]).

D’après l’analyse du Conseil d’État, le dispositif ne soulève pas de difficultés juridiques dans son principe ([78])

  1.   Une contribution possible au financement d’un établissement public chargé de la reconstruction à la suite d’un évènement exceptionnel

Le second alinéa de l’article 15 du projet de loi donne aux collectivités territoriales et à leur groupement compétence, à titre provisoire, pour octroyer des financements à l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam).

Ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs du projet de loi, le texte s’inspire du dispositif de la souscription nationale organisée en vue de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il transpose l’article 4 de la loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 ([79]) qui accorde expressément aux collectivités et à leurs groupements la faculté « d’opérer des versements au titre de la souscription nationale auprès de l'État ou de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration » de l’édifice.

● Par comparaison, le second alinéa de l’article 15 du projet de loi ne comporte pas de prescription quant aux formes et modalités que pourraient revêtir les concours apportés à l’Epfam. Toutefois, par analogie avec les dispositions qui fondent la capacité des collectivités à contribuer à l’aide d’urgence par le biais des associations, il peut être considéré que le soutien apporté à l’établissement peut consister en des versements pécuniaires (en pratique, des subventions) ou en l’apport de tout autre moyen de soutien financier.

● Même s’il n’établit pas expressément la destination des fonds alloués, le second alinéa de l’article 15 du projet de loi autorise les collectivités territoriales à apporter une contribution financière à l’accomplissement des seules missions attribuées à l’Epfam afin de remédier aux destructions et dommages occasionnés par le cyclone Chido.

En l’état, l’article 1er du projet de loi confie à cet établissement public local à caractère industriel et commercial créé en 2015 ([80]) le soin de « coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte, en lien avec les ministères et leurs opérateurs et de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à la reconstruction ». Il résulte de la référence à cette disposition qu’en toute rigueur, les concours fournis par les collectivités territoriales et leurs groupements doivent avoir pour objet un soutien financier aux actions destinées à la reconstruction de l’île et qui participent de l’exercice des compétences attribuées à cet effet par le présent texte, à savoir :

– l’exercice des missions de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’ouvrage déléguée de certains ouvrages ou opérations d’aménagement ;

– la coordination de l’action de différents maîtres d’ouvrage et de l’application des mesures ;

– la prise de mesures de substitution à un maître d’ouvrage en cas de défaillance grave de celui‑ci.

L’article 15 du projet de loi tend ainsi à définir l’intérêt public pouvant justifier l’octroi d’un financement en considération de l’objet de l’action soutenue et non à raison de la qualité de son destinataire. Dès lors, il fonde la capacité des collectivités territoriales et de leurs groupements à apporter un concours à tout opérateur ou catégorie d’opérateurs expressément chargés par l’ordonnance mentionnée à l’article 1er du projet de loi de mener des opérations nécessaires à la reconstruction de Mayotte.  

D’après l’analyse du Conseil d’État ([81]), les financements octroyés à l’Epfam ne soulèvent pas de difficulté de principe.

  1.   un rÉgime dÉrogatoire et temporaire

● Le premier alinéa de l’article 15 du présent projet de loi autorise le versement, par les collectivités territoriales, de subventions aux associations finançant des secours d’urgence à Mayotte entre le 14 décembre 2024 et le 14 mars 2025, soit dans les trois mois suivant la date du passage du cyclone Chido.

La fixation d’un délai répond à la préconisation émise par le Conseil d’État dans l’avis rendu au Gouvernement sur le projet ([82]). Le Conseil estime en effet que la durée de l’autorisation accordée aux collectivités territoriales doit être limitée à une période brève, dès lors que la mesure vise à soutenir une aide immédiate. Cela étant, la période définie peut être jugée assez restreinte au regard de l’échéance retenue à l’article 16 du projet de loi pour la défiscalisation des dons que les personnes physiques et morales pourraient consentir en vue de la reconstruction de Mayotte.  

Le dispositif présente une portée rétroactive afin d’assurer la sécurité juridique des subventions mandatées par certaines collectivités territoriales en faveur d’associations apportant les premiers secours aux victimes dès le passage du cyclone. D’après l’analyse du Conseil d’État, la mesure peut être admise « compte tenu de l’intérêt général qui s’y attache, pour le financement des mesures les plus urgentes d’aide aux victimes » ([83]).

● Le second alinéa de l’article 15 ne borne pas formellement la période pendant laquelle les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent apporter des concours financiers à l’Epfam.

Compte tenu de l’objet des financements pouvant être octroyés, il peut être considéré que le texte leur accorde cette faculté le temps nécessaire à l’accomplissement des missions confiées à l’établissement pour la reconstruction de l’île. Néanmoins, il pourrait être pertinent de préciser les modalités de sa mise en œuvre au regard de trois considérations : en premier lieu, les enjeux de régularité et de responsabilité inhérents à la procédure d’exécution des dépenses des collectivités et de leurs groupements ; en second lieu, l’ampleur des opérations nécessaires afin de remédier aux destructions et dommages occasionnés par le cyclone Chido, qui conditionne très directement la durée d’application du texte ; en dernier lieu, la pluralité des missions assumées par l’Epfam.

  1.   les travaux de la commission

● En premier lieu, la commission des affaires économiques a étendu la période pendant laquelle les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, à titre exceptionnel, accorder des subventions aux associations qui participent au financement d'actions relevant du secours d'urgence menées auprès des victimes du cyclone Chido.  Par l’adoption des amendements identiques CE278 du Gouvernement et CE279 de la rapporteure, elle a repoussé du 14 mars au 17 mai 2025 le terme fixé par l’article 15 du projet de loi pour l’apport de ces concours financiers.

L’échéance retenue correspond à celle applicable à la mesure de défiscalisation des dons versés par les particuliers prévue par l’article 16 du projet de loi. Le choix de la commission vise à encourager les collectivités territoriales à soutenir le financement des actions utiles et pratiques afin de répondre aux besoins de première nécessité et d’atténuer, autant que possible, les effets désastreux du cyclone Chido sur la vie quotidienne d’une population très durement éprouvée.

En pratique, l’extension de la période visée tend à desserrer les contraintes calendaires qui auraient pu restreindre le nombre des collectivités territoriales en mesure de saisir leur organe délibérant d’un projet de subvention. Il convient en effet de prendre en compte la périodicité des réunions des assemblées locales, ainsi que la survenue d’éventuels aléas administratifs dans la formalisation et la publication des délibérations. Par ailleurs, la mesure pourrait faciliter le versement de subventions en rapport avec les fragilités occasionnées par le cyclone Chido, ainsi que par les évènements climatiques qui ont pu accentuer ses effets désastreux.

● En second lieu, la commission a élargi le champ des organismes susceptibles de recevoir des subventions accordées par les collectivités territoriales au titre du financement d’actions de secours d’urgence apporté à Mayotte aux victimes du cyclone Chido. Par l’adoption de l’amendement CE68 de Mme Marie Lebec et de plusieurs membres du groupe Ensemble pour la République (EPR), avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, elle a ajouté les fondations reconnues d’intérêt public aux associations, qui étaient déjà mentionnées par le premier alinéa de l’article 15 du projet de loi.

Cette mesure paraît bienvenue, car elle renforcera les actions permettant d’atténuer les effets dévastateurs d’un évènement climatique exceptionnel sur des populations déjà éprouvées par des crises successives depuis trois ans. Les fondations reconnues d’utilité publique constituent des acteurs disposant souvent d’un savoir-faire reconnu et se tenant à des principes qui garantissent l’impartialité et la probité de leur action, du fait de leur statut juridique.

● En dernier lieu, la commission a étendu le champ des prestations associatives aux victimes du cyclone Chido pouvant être soutenues par les collectivités territoriales, à titre exceptionnel.

En adoptant les amendements identiques CE67 de Mme Marie Lebec et de plusieurs membres du groupe Ensemble pour la République (EPR) – avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement –, et CE238 du Gouvernement, elle a élargi la définition du secours d’urgence, en y incluant :

– la fourniture gratuite de repas et de soins aux victimes ;

– l’apport de solution de relogement.

Ces termes reprennent ceux qui délimitent le champ de la mesure de défiscalisation des dons des particuliers prévue par l’article 16 du projet de loi.

En adoptant l’amendement CE279 de votre rapporteure, avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission a écarté l’exercice de la faculté reconnue aux collectivités territoriales par l’article 15 pour les actions ayant pour objet ou résultat l’occupation irrégulière de logements d’habitation et la reconstitution d'un habitat informel). À cet effet, le texte adopté exclut expressément des actions d’aides au logement celle portant sur des locaux édifiés sans droit, ni titre et constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

L’extension des actions associatives pouvant être soutenues présente un réel intérêt face aux dommages et destructions causées par le cyclone Chido.  Toutefois, il convient de veiller à ce que les interventions en matière de logement ne contribuent pas à aggraver des situations qui mettent en cause le respect de l’État de droit et contribuent au développement de l’habitat informel ; celui-ci est en effet préjudiciable à la sécurité et à la salubrité des conditions de vie des populations mahoraises.

*

*     *

Article adopté par la commission avec modifications

 

Le présent article vise à encourager les dons des particuliers aux associations et fondations reconnues d’utilité publique qui, dans le cadre de leur action à Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido, fournissent gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuent à favoriser leur logement. À cet effet, il porte de 66 % à 75 % le taux de la réduction d’impôt prévue au I de l’article 200 du code général des impôts (CGI) pour les dons et versements réalisés entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025.

Par l’adoption de plusieurs amendements de ses membres (dont la rapporteure), la commission des affaires économiques a étendu le champ d’application de la mesure de défiscalisation aux dons et versements reçus par l’ensemble des organismes d’intérêt général mentionnés à l’article 200 du CGI ; elle a précisé les actions pouvant être soutenues au titre des secours d’urgence apportés aux victimes du cyclone Chido en écartant les actions d’aide au logement ayant pour objet ou résultat de contribuer à renouveler l’habitat informel.

  1.   L’État du droit : des dispositions fiscales permettant aux particuliers de soutenir des actions d’intÉrÊt gÉnÉral ou de bienfaisance 

En dehors du régime du mécénat ([84]) et de crédits d’impôt sectoriels, la réduction d’impôt constitue, pour l’État, l’instrument de politique publique privilégié pour le soutien à des activités considérées comme présentant une utilité économique ou sociale. Le mécanisme consiste en une réduction des sommes dues au titre de l’impôt sur le revenu dont doit s’acquitter un contribuable, en contrepartie du versement de sommes à un organisme et au titre d’une activité donnée.

Dans le domaine des actions d’intérêt général ou de bienfaisance, les mécanismes fiscaux sont assez divers. Au regard de l’objet de l’article 16 du présent projet de loi, un dispositif mérite une attention toute particulière à raison de sa place essentielle dans la législation : la réduction d’impôt sur les dons des particuliers prévue au 1 de l’article 200 du code général des impôts. Cette disposition a donné lieu à des utilisations inédites pour remédier aux conséquences d’évènements dont la gravité nécessitait une mobilisation de la solidarité nationale.

  1.   La rÉduction d’impôt prÉvue à L’article 200 du code général des impôts : uN DISPOSITIF ESSENTIEL DE SOUTIEN AUX DONS 
    1.   Un mécanisme de défiscalisation conçu pour les particuliers

Le 1 de l’article 200 du code général des impôts (CGI) permet de déduire du total des sommes dues au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) 66 % du montant des dons et versements effectués au bénéfice d’organismes dont ce même article établit la liste. Les dons peuvent prendre la forme de sommes pécuniaires, mais également consister en l’abandon exprès de revenus ou de produits. L’article 200 du CGI plafonne à 20 % du revenu imposable la réduction d’impôt pouvant être obtenue sur le fondement de ses dispositions.

Peuvent prétendre à son bénéfice les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B du CGI, à savoir, au sens du 1 de cet article :

– les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;

– les personnes qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;

– les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.

Conformément au 2 de l’article 4 B précité, sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.

En principe, la réduction d’impôts s’impute sur l’exercice fiscal au titre duquel les dons et versements ont été réalisés. Le 1 bis de l’article 4 B rend toutefois possible le bénéfice de la réduction d’impôt au titre des sommes excédant le plafond de 20 %, par le biais d’un report de l’excédent sur les années suivantes (jusqu’à la cinquième année inclusivement).

  1.   Un champ d’application permettant d’apporter un soutien à de nombreux organismes ou activités répondant à un intérêt général

La liste des organismes et des activités pour lesquels un don ou un versement ouvre droit à une réduction d’impôt sur le fondement du 1 de l’article 200 du CGI couvre de nombreuses causes ou œuvres que les particuliers peuvent souhaiter soutenir ou défendre, puisque cette liste ne comprend pas moins de dix items. Parmi les organismes bénéficiaires potentiels figurent notamment :

– les fondations ou associations reconnues d’utilité publique (sous réserve du 2 bis du CGI), les fondations universitaires ou les fondations partenariales mentionnées respectivement aux articles L. 719-12 et L. 719-13 du code de l'éducation (a du 1 de l’article 200 du CGI) ;

– les œuvres ou organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d'objets ou d’œuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises (b du 1 de l’article 200 du CGI) ;

– les communes, les syndicats intercommunaux de gestion forestière, les syndicats mixtes de gestion forestière et de groupements syndicaux forestiers pour la réalisation, dans le cadre d'une activité d'intérêt général concourant à la défense de l'environnement naturel, d’opérations d’entretien, de renouvellement ou de reconstitution de bois et forêts présentant des garanties de gestion durable ([85]) (f ter  du 1 de l’article 200 du CGI).

En outre, le 1 de l’article 200 du CGI accorde le bénéfice d’une réduction d’impôt au titre des frais engagés dans le cadre d’une activité bénévole et en vue strictement de la réalisation de l'objet social d'un organisme mentionné aux a à g de l’article, lorsque ces frais, dûment justifiés, ont été constatés dans les comptes de l'organisme et que le contribuable a renoncé expressément à leur remboursement.

  1.   une majoration de la réduction d’impôt pour la reconstruction de notre-dame de paris

– La mise en place de ce dispositif exceptionnel procède de la loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 ([86]),  qui organise la réalisation et le financement des travaux et prestations nécessaires à la restauration de la cathédrale, en conséquence des destructions et dommages causés par l’incendie survenu le 19 avril 2019. Le texte lance une souscription nationale (article 1er de la loi), dont le produit est attribué à un établissement public ad hoc (créé par l’article 9 de la loi) chargé de piloter le chantier de reconstruction de l’édifice et de gérer les fonds collectés à cette fin.  

– L’article 4 de la loi porte à 75 % le taux de la réduction d’impôt à laquelle les contribuables peuvent prétendre sur le fondement du 1 de l’article 200 du CGI pour les dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués en vue de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris entre le 16 avril 2019 et le 31 décembre 2019. Non codifiée et ne modifiant pas le dispositif du 1 de l’article 200 précité, la disposition s’applique aux dons et versements effectués auprès :

 du Trésor public ;

 du Centre des monuments nationaux ;

 de la Fondation de France, de la Fondation du patrimoine et de la Fondation Notre-Dame, fondations reconnues d’utilité publique mentionnées à l’article 3 de la loi.

L’article 4 du texte précise que les versements sont retenus dans la limite de 1 000 euros et qu’il n'en est pas tenu compte pour l’application de la limite de 20 % du revenu imposable mentionnée au 1 de l’article 200 du CGI.

La loi ne modifie ni les exigences relatives à la domiciliation des contribuables, ni les modalités d’imputation de la réduction d’impôt à l’exercice fiscal.

  1.   le dispositif proposé : une défiscalisation exceptionnelle visant À favoriser les dons aux associations et fondations intervenant À mayotte 

L’article 16 du présent projet de loi vise à encourager les contribuables à soutenir financièrement les associations et fondations reconnues d’utilité publique qui interviennent à Mayotte afin d’atténuer les conséquences des destructions causées par le cyclone Chido. À cet effet, par une disposition non codifiée et pour une période limitée, il renforce la défiscalisation des dons versés sur le fondement du 1 de l’article 200 du code général des impôts (CGI). 

  1.   l’ouverture d’Une réduction d’impôt au titre d’actions caritatives

S’il ne modifie pas les dispositions du 1 de l’article 200 du CGI, l’article 16 du projet de loi adapte néanmoins son usage aux circonstances créées à Mayotte par le passage du cyclone Chido : il institue, à titre provisoire, un nouveau motif de défiscalisation des dons et versements consentis par les contribuables à la défense d’une cause d’intérêt public. En cela, il constitue un pendant à l’article 15 du projet de loi, qui accorde aux collectivités territoriales et à leurs groupements, dans des délais plus resserrés, la faculté de subventionner des associations apportant un secours d’urgence sur l’île.

  1.   La création d’une réduction d’impôt majorée au bénéfice d’organismes non lucratifs ou de bienfaisance

Le premier alinéa de l’article 16 du projet de loi porte à 75 % le taux de réduction d’impôt prévue au I de l’article 200 du CGI pour les dons et versements, y compris l’abandon exprès de revenus ou de produits, au bénéfice des associations et fondations reconnues d’utilité publique qui mènent une action à Mayotte à la suite du passage du cyclone Chido.

Le second alinéa du texte plafonne à 1 000 euros le montant des versements retenus pour le calcul de la réduction d’impôt. Il prévoit que ces derniers ne s’imputent pas sur les sommes prises en compte pour l’application de la limite de 20 % du revenu imposable mentionnée au 1 de l’article 200 du CGI. En conséquence, l’article 16 ne réduit pas le montant de la réduction d’impôt à laquelle ouvre droit la part des dons et versements excédant la limite fixée par le droit en vigueur et qui peuvent faire l’objet d’un report, comme précédemment indiqué. Il ne modifie en rien les autres conditions d’application du 1 de l’article 200 précité.

Par son économie et son libellé, l’article 16 du présent projet de loi transpose la mesure de défiscalisation des dons accordée en vue de la reconstruction de Notre-Dame, sur le fondement de l’article 4 de la loi précitée du 29 juillet 2019.

Au-delà, il crée un nouveau motif de défiscalisation des dons, sur le modèle de la réduction d’impôt ouverte par le 1 ter de l’article 200 du CGI ([87]). Cette disposition prévoit en effet l’application d’un taux de réduction d’impôt de 75 % pour les versements effectués « au profit d'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l'article 261 à des personnes en difficulté. » Elle précise que ces versements sont retenus dans la limite de 593 euros à compter de l’imposition des revenus de l'année 2023 et qu’il n’en est pas tenu compte pour l'application de la limite mentionnée de 20 000 euros précédemment évoquée. Par dérogation, pour l'imposition des revenus de chacune des années 2023 à 2026, ces versements sont retenus dans la limite de 1 000 euros.

Ainsi qu’il ressort de l’étude d’impact ([88])  et de l’avis du Conseil d’État ([89]), la réduction d’impôt ouverte par le présent projet de loi peut être cumulée avec celle à laquelle peuvent prétendre les contribuables sur le fondement du 1 ter de l’article 200 du CGI. Cette possibilité existe pour les exercices fiscaux 2024 et 2025, du fait de la durée de la mesure de défiscalisation établie par le projet de loi d’urgence pour Mayotte.

D’après l’analyse du Conseil d’État, la réduction d’impôt ouverte par l’article 16 du projet de loi ne met pas en cause le respect de l’égalité devant l’impôt, au regard de la nature temporaire du dispositif et de l’intérêt général poursuivi ([90]).

En l’absence de mentions particulières quant à leur statut, l’article 16 du projet de la loi ne restreint pas en soi le champ des associations et fondations d’utilité publique habilitées à recevoir des dons et versements ouvrant droit à la réduction d’impôt qu’il accorde. Sous réserve de précisions, il peut être considéré que le dispositif s’applique par principe aux associations « loi de 1901 » indépendamment de leur objet, ainsi qu’aux fondations possédant les  caractéristiques et répondant aux critères fixés par le droit commun ([91]).

  1.   Un soutien fiscal aux initiatives et réalisations à caractère humanitaire menées sur le territoire national à la suite d’une calamité naturelle

Le premier alinéa de l’article 16 du projet de loi exige que les dons et versements ouvrant droit à une réduction d’impôt accordée par le texte aillent à des associations et fondations menant des actions sur le territoire de Mayotte en faveur des victimes du cyclone Chido. Il établit que ces interventions doivent être réalisées auprès de personnes en difficulté et avoir pour objet :

 la fourniture à titre gratuit de repas ou de soins ;

 l’aide au logement, y compris par la reconstruction de locaux d’habitation rendus inhabitables.

Par comparaison avec le dispositif de l’article 15 du présent projet de loi, la définition de la teneur des aides apportées présente un caractère circonscrit et délimite strictement le champ d’intervention des structures. L’article n’impose pas à ces structures de fournir des justifications particulières quant aux actions menées, par rapport aux obligations de droit commun encadrant l’appel à la générosité publique et le fonctionnement des associations et fondation d’utilité publique. Il n’emporte pas non plus obligation de résultats, qui conditionnerait la capacité des donateurs à obtenir une réduction d’impôt.

  1.   une mesure d’application temporaire À portÉe rÉtroactive

Aux termes du premier alinéa de l’article 16 du projet de loi, la réduction d’impôt majorée accordée au titre de l’aide apportée à Mayotte aux victimes du cyclone Chido ne s’applique qu’aux dons et versements réalisés entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025, soit dans un délai de six mois à compter de la date de l’épisode météorologique. 

En conséquence, la réduction d’impôt pourra s’imputer à l’impôt sur le revenu dû au titre des exercices fiscaux 2024 et 2025, suivant la date des dons et versements effectués auprès des associations et fondations d’utilité publique intervenues sur l’île.

Le dispositif présente une portée rétroactive de nature à garantir le bénéfice de la réduction d’impôt pour les dons versés dès la survenue du cyclone et les premiers appels à la générosité publique.

Dans l’avis rendu au Gouvernement, le Conseil d’État juge que la rétroactivité ne revêt pas un caractère problématique dès lors qu’en l’espèce, elle est favorable aux contribuables ([92]). D’après son analyse, la date retenue par le projet de loi ne soulève pas de difficulté, même si le Premier ministre n’a annoncé la mesure par communiqué de presse que le 17 décembre 2024. Il estime que l’adaptation du calendrier – au demeurant très limitée – peut se justifier « au regard du caractère à la fois complexe pour les associations et peu compréhensible pour les donateurs d’une exclusion du bénéfice du taux de 75 % pour les dons qui ont réalisé dès les 14, 15 ou 16 décembre ».

  1.   les travaux de la commission

● En premier lieu, la commission a élargi le champ des organismes qui peuvent percevoir des dons et versements ouvrant droit, au titre de l'aide apportée aux victimes de Chido, à une réduction d'impôt majorée permise par l'article 200 du code général des impôts.

À cet effet, par l’adoption de l’amendement CE193 de Mme Louise Morel – avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement –, a été insérée au premier alinéa de l’article 16 du projet de loi une mention accordant le bénéfice de la défiscalisation des dons des particuliers versés à l’ensemble des organismes d’intérêt général visés à l’article 200 du CGI. En conséquence, la mesure s’applique aux actions à Mayotte en faveur des victimes de Chido menées par :

– des organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l’article 261 du CGI à des personnes en difficulté.

– des fondations et associations reconnues d'utilité publique qui peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'État, recevoir des versements pour le compte d'œuvres ou d'organismes mentionnés au 1 de l’article 200 du CGI ;

– la Fondation du patrimoine ou une fondation ou une association qui affecte irrévocablement ces dons à la Fondation du patrimoine, en vue de subventionner la réalisation des travaux prévus par les conventions conclues en application de l'article L. 143-2-1 du code du patrimoine entre la Fondation du patrimoine et les propriétaires des immeubles, personnes physiques ou sociétés civiles composées uniquement de personnes physiques et qui ont pour objet exclusif la gestion et la location nue des immeubles dont elles sont propriétaires.

Du fait du caractère non limitatif de la référence à l’article 200 du CGI, le texte adopté par la commission ouvre droit à une réduction d’impôt pour les dons versés à des organismes assez divers parmi lesquels figurent notamment ceux qui ont pour objet la sauvegarde, contre les effets d'un conflit armé, des biens culturels mentionnés à l'article 1er de la Convention du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé ([93]).

Néanmoins, l’élargissement des conditions d’application de l’article 16 du projet de loi constitue une mesure utile en ce qu’elle contribue à renforcer l'aide apportée à des populations durement éprouvées : en effet, elle soutient l’intervention de nombreux organismes disposant d'une expérience et d'un savoir-faire essentiels dans le contexte créé par le cyclone Chido et la tempête Dikeledi.

● En second lieu, en adoptant l’amendement CE276 de votre rapporteure, avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission a exclu du bénéfice de la réduction d’impôt majorée permise par le présent projet de loi les actions ayant pour objet ou résultat l'occupation irrégulière de logements d'habitation et la reconstitution d'un habitat informel. À cet effet, le texte adopté exclut expressément des actions d’aide au logement celles portant sur des locaux édifiés sans droit ni titre et constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

Comme précédemment indiqué à propos de l’article 15, l’extension des actions associatives pouvant être soutenues présente un réel intérêt face aux dommages et destructions causées par le cyclone Chido.  Toutefois, il convient de veiller à ce que les interventions en matière de logement ne contribuent pas à aggraver des situations qui mettent en cause le respect de l'état de droit et contribuent au développement d'un habitat informel préjudiciable à la sécurité et à la salubrité des conditions de vie des populations mahoraises.

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*     *

Chapitre VII
Mesures en faveur de la population à Mayotte

Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 17 du projet de loi suspend jusqu’au 31 mars 2025 tous les délais applicables
au recouvrement fiscal forcé à Mayotte.

  1.   L’État du droit

Aux termes de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, le délai de prescription des créances publiques est en principe de quatre ans : « Sauf dispositions contraires et sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription, l’action en recouvrement des créances de toute nature dont la perception incombe aux comptables publics se prescrit par quatre ans à compter
du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi du titre exécutoire ».

En d’autres termes, la direction générale des finances publiques perd ses droits quatre ans après la notification du dernier acte de recouvrement forcé. La circonstance que certains actes de recouvrement forcé sont impossibles pour des raisons matérielles n’empêche pas de faire courir ce délai.

  1.   Les dispositions du projet de loi
    1.   Une suspension des dÉlais applicables au recouvrement fiscal forcÉ

L’objectif de l’article est d’éviter que certaines créances publiques ne puissent pas être recouvrées du fait de retards imputables aux conséquences du cyclone. Une mesure analogue ([94]) avait été prise par ordonnance pendant la crise sanitaire.

Sont ainsi suspendus jusqu’au 31 mars 2025 les délais en cours à la date du 14 septembre 2024 prévus à peine de nullité, de caducité, de forclusion, de prescription, d’inopposabilité ou de déchéance des droits et actions relatifs au recouvrement des créances publiques dont sont redevables les particuliers fiscalement domiciliés à Mayotte et les personnes morales dont le siège social est établi à Mayotte. La suspension des délais peut être prolongée par décret jusqu’au 31 décembre 2025.

Les créances concernées sont l’ensemble des créances « dont le recouvrement incombe aux comptables publics de la direction générale des finances publiques » : il s’agit en premier lieu des créances fiscales, mais aussi des recettes non fiscales de l’État et des établissements publics nationaux, des produits locaux et des amendes.

Les délais sont suspendus et non interrompus : les délais de prescription, caducité, etc., sont donc temporairement bloqués, mais le temps déjà écoulé avant le 14 décembre 2024 n’est pas effacé.

  1.   Des dispositions qui ne sont pas favorables aux contribuables

Cette disposition est bien ironiquement la première d’un chapitre intitulé « Mesures en faveur des entreprises et de l’emploi ». Or, contrairement aux autres mesures de suspension et de prolongation prévues par ce chapitre – suspension du recouvrement des charges sociales, prolongation des droits aux prestations sociales –, la suspension des délais de recouvrement fiscal n’est pas favorable aux contribuables, puisqu’elle rallonge les délais de prescription des créances dont ils sont redevables.

En outre, il n’est prévu aucune mesure parallèle de suspension du recouvrement des impôts (alors qu’il est prévu, à l’article suivant, une suspension du recouvrement des prélèvements sociaux).

Ainsi, l’intitulé de la mesure dans l’étude d’impact – « suspension du recouvrement fiscal forcé » – peut être trompeur. La disposition ne vise pas à suspendre les procédures en cours, mais à permettre que soient poursuivies des actions qui étaient sur le point d’être prescrites. L’étude d’impact estime que cette mesure coûtera aux entreprises 2,8 millions d’euros et aux particuliers 500 000 euros.

  1.   Des dispositions dont la portée rétroactive pourrait être contraire à la Constitution

Eu égard à son caractère défavorable, la portée rétroactive de la mesure est problématique.

L’article 17 n’est pas intrinsèquement d’application rétroactive, mais il prolonge des délais en cours à la date du 14 décembre 2024. La suspension des délais n’aura pas seulement pour effet de donner davantage de temps à l’administration publique pour recouvrer les créances, mais aussi de faire renaître les actions publiques qui auraient été prescrites entre le 14 décembre 2024 et la date de promulgation de la loi.

Cet effet rétroactif semble d’ailleurs être celui recherché, puisque ne sont suspendus que les délais en cours à la date du 14 décembre 2025, et non les délais ayant commencé à courir après la survenue du cyclone.

L’article 10 du projet de loi, en ce qu’il est rétroactif et permet de faire renaître des actions publiques prescrites, pourrait donc méconnaître l’exigence constitutionnelle de sécurité juridique en matière fiscale et en matière pénale.

  1.   Travaux de la commission

Outre un amendement rédactionnel de la rapporteure (CE252), la commission adopté un amendement du Gouvernement, visant à ce que la suspension des délais en cours à la date du 14 décembre 2024 soit étendue aux délais commencés après cette date, les dates de fin de la période de suspension restant inchangées (CE234).  

 

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Article introduit par la commission

 

L’article 17 bis du projet de loi reporte d’un an le paiement des prélèvements fiscaux.

La commission a adopté l’amendement CE90 de M. Julien Dive, qui crée un article additionnel après l’article 17.

Sur le modèle de l’article 18, qui suspend le paiement des prélèvements sociaux, le I de l’article 17 bis suspend pendant un an le paiement des prélèvements fiscaux.

L’article 17 bis n’ayant toutefois pas d’effet rétroactif, contrairement à l’article 18 relatif aux prélèvements sociaux, le paiement des impôts et taxes ne
sera suspendu qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi.

La suspension du paiement a une durée d’un an. À l’issue de ce délai, les prélèvements fiscaux seront payés sans pénalités ni intérêts de retard.

Les II, III et IV de l’article 17 bis constituent un gage financier nécessaire pour assurer la recevabilité de l’amendement CE90 au regard de l’article 40 de la Constitution.

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Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 18 suspend les obligations de paiement des cotisations et contributions dues aux organismes de recouvrement des cotisations sociales, rétroactivement à compter du 14 décembre 2024 et jusqu’au 31 mars 2025

  1.   L’état du droit

L’obligation de déclaration et de paiement des cotisations et contributions sociales est inscrite à l’article L. 133-5-5 du code de la sécurité sociale : « Tout employeur est tenu d’effectuer les déclarations pour le calcul de ses cotisations et contributions sociales et de procéder au versement de celles-ci par voie dématérialisée ».

L’absence ou le retard de paiement ou de déclaration entraîne des majorations, voire des sanctions pénales. De plus, les travailleurs et les entreprises doivent justifier être à jour de ces obligations pour conclure un contrat de travail
ou un contrat de prestation de services (article L. 243-15 du code de la sécurité sociale).

  1.   Les dispositions du projet de loi
    1.   Une suspension salutaire des paiements des prélèvements sociaux

La suspension de l’obligation de paiement des cotisations et contributions sociales concerne les employeurs et les travailleurs indépendants (agricoles et maritimes et non agricoles ([95])), c’est-à-dire l’ensemble des redevables.

Le délai de suspension est susceptible d’être prolongé par décret jusqu’au 31 décembre 2025 dans les mêmes conditions que la suspension des délais de recouvrement fiscal forcé prévue à l’article 17, c’est-à-dire en fonction de la situation économique et financière et de la taille et du domaine d’activité des entreprises.

Cette mesure, qui s’inspire de ce qui avait été décidé dans les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy après le cyclone Irma ([96]), soutient la trésorerie des entreprises qui restent redevables de prélèvements sociaux alors que le niveau de l’activité a brutalement chuté. Elle suspend le paiement des charges sociales à compter du 14 décembre 2014, y compris celles qui auraient dû être payées avant le début de la période de suspension. Cette précision est significative puisque, selon l’étude d’impact, 20 % des prélèvements sociaux dus étaient en attente de recouvrement avant la survenue du cyclone.

Les alinéas 2 et 3 de l’article 18 précisent les conséquences de la suspension de l’obligation de paiement des cotisations et contributions sociales :

– La suspension des poursuites en cas d’impayés ;

– La suspension des délais s’appliquant en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux ; cette suspension rétroactive des délais de recouvrement semble moins problématique que celle prévue, à l’article précédent, en matière fiscale, car elle est cohérente avec la suspension des paiements dont elle est le corollaire ;

– La suspension des calculs de pénalités et majoration de retard, qu’il s’agisse des retards de paiement (alinéa 2) ou de déclaration (alinéa 3).

  1.   Une rédaction insatisfaisante, une ambition insuffisante

Les mesures prévues par l’alinéa 2 valent « pendant la période prévue au premier alinéa ». Si l’esprit du texte ne fait pas de doute, l’alinéa 1 ne définit à strictement parler aucune période, mais seulement des échéances. Aux termes de l’alinéa 1, en effet, les redevables ne bénéficient pas d’une suspension des obligations de paiement « à partir » du 14 décembre 2014, mais pour les « cotisations et contributions restant dues à la date du 14 décembre 2014 », ce qui ne permet pas de définir le point de départ d’une période.

La rédaction de l’alinéa 2 pourrait donc être améliorée par amendement pour que soit clarifié son cadre temporel.

Sur le fond, votre rapporteure regrette qu’il ne soit pas envisagé – contrairement à ce qui avait été décidé pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy après le cyclone Irma ([97]) – que les paiements suspendus puissent être en partie annulés à l’issue de la période de suspension. Le fait de décaler les paiements dans le temps, sans mécanisme d’échelonnement ou d’effacement, pourrait conduire à moyen terme à aggraver la situation des Mahorais qui seront davantage endettés.

L’alinéa 4 dispose que « les employeurs et travailleurs indépendants qui respectent les obligations prévues au présent article sont considérés à jour de leurs obligations de paiement des cotisations et contributions sociales pour les périodes concernées par la suspension. ». Cette disposition a pour objectif de permettre aux employeurs et aux travailleurs indépendants de fournir une « attestation de vigilance » et de justifier ainsi être à jour de leurs obligations, malgré l’absence de paiement, dans les cas prévus à l’article 243-15 du code de la sécurité sociale.

La rédaction de l’alinéa 4 risque toutefois d’entraîner des difficultés d’interprétation et d’application :

– D’une part, parce que l’alinéa 4 se réfère aux « obligations prévues au présent article » (et non aux obligations mentionnées par le présent article), alors que l’article 18 ne prévoit aucune obligation nouvelle. L’exposé des motifs évoque les obligations de déclaration, mais ces obligations (rappelées à l’alinéa 3) sont prévues dans le code de la sécurité sociale et ne sauraient donc être visées par l’alinéa 4 ;

– D’autre part, parce qu’il se réfère aux « périodes concernées par la suspension », c’est-à-dire à partir du 14 décembre 2014, alors que la suspension des obligations de paiement vaut aussi pour les charges sociales « restant dues à la date du 14 décembre 2014 », dont le fait générateur est antérieur à cette date.

L’alinéa 4 introduit donc un doute sur la possibilité pour les employeurs et travailleurs indépendants de fournir une « attestation de vigilance » après le 14 décembre, notamment pour les charges sociales dues à cette date au titre d’une période antérieure.

Votre rapporteure proposera différents amendements pour clarifier et améliorer la rédaction du texte.

  1.   travaux de la commission

La commission a adopté l’article 18 avec deux amendements rédactionnels (amendements CE285 et CE286 de la rapporteure) et un amendement qui en étend la portée de façon substantielle (amendement CE305 de la rapporteure) :

– La période de suspension du paiement des prélèvements sociaux est directement étendue jusqu’au 31 décembre 2025, sans qu’il soit besoin pour cela d’un décret ;

– Les personnes ayant bénéficié d’une suspension du paiement des cotisations sociales devront conclure avec l’organisme de recouvrement des cotisations sociales, à la fin de la période de suspension, un plan d’apurement prévoyant l’échelonnement du paiement des créances sociales. Dans certains cas, ces créances pourront être annulées en tout ou partie. Ce mécanisme est calqué sur celui qui a été mis en œuvre à Saint-Barthélemy et Saint-Martin à la suite du passage du cyclone Irma.

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Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 19 étend aux travailleurs indépendants non agricoles de Mayotte le bénéfice des prestations d’action sanitaire et sociale dépendant du Conseil de protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI).

  1.   L’état du droit

Le code de la sécurité sociale s’applique en principe « en France métropolitaine et, sous les réserves qu’il prévoit, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ». Sauf à ce qu’une loi le prévoie expressément, il ne s’applique pas à Mayotte.

Le département de Mayotte dispose d’un régime de sécurité sociale spécifique défini par l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, l’assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale à Mayotte et géré par un organisme de sécurité sociale unique, la caisse de sécurité sociale de Mayotte.

Faute de mention dans l’ordonnance du 20 décembre 1996, le CPSTI régi par les dispositions du code de la sécurité sociale – et dont le rôle est de proposer une aide aux cotisants en difficulté, par exemple dans le contexte d’une catastrophe naturelle – n’intervient donc pas à Mayotte.

Si, depuis le 1er janvier 2015, les travailleurs indépendants agricoles de Mayotte bénéficient d’une action sanitaire et sociale dédiée, dans le cadre de la Mutualité sociale agricole (MSA), ce n’est pas le cas des travailleurs indépendants non agricoles, qui peuvent donc se retrouver défavorisés par rapport à leurs homologues métropolitains.

Dans son avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le CPSTI a émis le souhait que ses compétences soient étendues au département de Mayotte ([98]).

  1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 19 du projet de loi modifie l’ordonnance de 1999 relative à Mayotte pour y rendre applicable l’article L. 612-1 du code de la sécurité sociale qui définit les missions du CPSTI.

  1.   Une extension pérenne du périmètre de l’action sanitaire et sociale à Mayotte

Le I de l’article 19 du projet de loi opère deux modifications dans l’ordonnance du 20 décembre 1996 :

– Le 1° modifie l’article 22 de l’ordonnance et ajoute, parmi les missions de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, celle de mettre en œuvre les décisions du CPSTI pour les travailleurs indépendants mentionnés au II de l’article 28-1 de l’ordonnance, c’est-à-dire les travailleurs indépendants non agricoles ;

– Le 2° complète le chapitre VI de l’ordonnance, qui porte sur les modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, par un article ouvrant un droit à l’action sociale et sanitaire du CPSTI (article L. 612-1 du code de la sécurité sociale) pour les travailleurs indépendants non agricoles. Les personnes concernées devront déposer leur dossier auprès de la caisse de sécurité sociale de Mayotte.

L’article 19 prend effet rétroactivement à compter du 14 décembre 2024, date à laquelle les travailleurs indépendants mahorais ne contribuent pas au régime de protection sociale dont relève l’aide sanitaire et sociale. De ce fait, ils en bénéficieront dans un premier temps au titre de la solidarité nationale.

L’applicabilité à Mayotte des dispositions relatives au CPSTI impliquera nécessairement le rattachement de Mayotte à l’une des instances régionales mentionnées à l’article L. 612-4 du code de la sécurité sociale, par exemple l’instance régionale de La Réunion. Le projet de loi précise que l’instance compétente sera désignée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, ce
qui exclut que cela puisse être décidé, comme c’est en principe le cas, par délibération de l’assemblée générale du CPSTI.

Ces différentes mesures modifient l’ordonnance du 20 décembre 1996 de manière pérenne et indépendamment de la situation que connaît Mayotte depuis la survenue du cyclone Chido. L’article 19 est donc le seul article du projet de loi
qui a vocation à modifier le droit de manière durable.

  1.   Des mesures provisoires pour faciliter l’accès à l’action sanitaire et sociale

Pour tenir compte de la situation actuelle à Mayotte, l’article 19 du projet de loi contient en outre des mesures provisoires.

Le II de l’article 19 précise que, par exception et jusqu’au 31 décembre 2025, les aides attribuées au titre de l’action sanitaire et sociale pourront être accordées :

– sans demande préalable adressée à la caisse de sécurité sociale de Mayotte ;

– non par l’instance régionale de la protection sociale des travailleurs indépendants, mais par un organisme désigné par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Ces dispositions sont de nature à permettre le versement rétroactif des prestations d’aide sanitaire et sociale à compter du 14 décembre 2024, alors qu’aucune instance régionale ne pourra être désignée ni aucune demande d’aide adressée à la caisse sociale de Mayotte avant la promulgation de la loi.

  1.   Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 19, modifié par un amendement rédactionnel (amendement CE287 de la rapporteure).

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 20 du projet de loi prolonge les droits aux allocations de chômage pour les bénéficiaires résidant à Mayotte dont les droits expirent ou qui ont perdu leur emploi à compter du 1er décembre 2024.

  1.   L’état du droit

Il existe différentes allocations de chômage :

– l’allocation d’assurance des travailleurs recherchant un emploi ou « allocation de retour à l’emploi » (ARE) (article L. 5422-1 du code du travail et article L. 5323-1 du même code pour les agents publics ou assimilés) ;

– l’allocation de solidarité spécifique (ASS), à destination des travailleurs privés d’emploi qui ont épuisé leurs droits à l’allocation d’assurance (article L. 5423-1 du code du travail). Le droit à l’ASS nécessité de satisfaire des conditions d’activité antérieure et de ressources. Une base légale est donc nécessaire pour continuer à verser automatiquement l’aide aux bénéficiaires, sans réexamen de leurs conditions d’activité et de ressources ;

– l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) (article L. 5424-25 du code du travail).

Ces différentes allocations sont accordées en fonction de certains critères, notamment l’activité antérieure, et pour une durée limitée. Dans l’état du droit, il n’est donc pas possible de prolonger leur durée sans réexamen des conditions d’activité et de la situation du bénéficiaire. De plus, l’ARE entre dans le champ du régime d’assurance chômage et ses règles d’indemnisation dépendent donc de la compétence de principe des partenaires sociaux.

  1.   Les Dispositions du projet de loi

Les alinéas 1 et 2 prolongent rétroactivement la durée des droits à l’ARE, à l’ASS et à l’ATI jusqu’au 31 mars 2025, quand ces droits expirent entre le 1er décembre 2024 et le 31 mars 2025.

De même que la suspension du recouvrement des cotisations sociales, prévue à l’article 18 du projet de loi, la prolongation des droits des allocataires pourra être étendue par décret jusqu’au 31 décembre 2025. Ces échéances sont donc cohérentes avec celles des autres régimes dérogatoires instaurés par le projet de loi.

En revanche, contrairement aux autres mesures provisoires, qui prennent effet à compter du 14 décembre, la prolongation des droits aux allocations de chômage prend effet à compter du 1er décembre 2024. Ce choix s’explique par le fait que France Travail ne dispose des informations nécessaires que pour le premier jour de chaque mois.

L’alinéa 3 traite de la situation non pas des allocataires dont les droits devaient expirer pendant la période de prolongation, mais des nouveaux allocataires, c’est-à-dire des personnes qui ont perdu leur emploi pendant cette période. Pour ces personnes, la durée de la période de prolongation – du 1er décembre 2024 jusqu’au 31 décembre 2025 au plus tard – sera comptabilisée dans le calcul de la période de référence et pourra ainsi justifier le droit à
l’ouverture d’une nouvelle période d’indemnisation à l’issue de la période de prolongation. De même, sera prolongé le délai d’inscription comme demandeur d’emploi ou de dépôt de la demande d’allocation après la fin d’un contrat de travail.

Toutefois, la rédaction de l’alinéa 3 risque de rendre pérenne une mesure qui n’a pas vocation à l’être. L’alinéa 3 se réfère en effet aux « travailleurs privés d’emploi à compter du 1er décembre 2024 », et non « entre le 1er décembre 2024 et la fin de la période de prolongation mentionnée au premier alinéa ». La rédaction initiale de l’alinéa 3 de l’article 20 pourrait donc modifier aussi le mode de calcul de la période de référence pour les personnes qui n’ont pas connu de période de chômage entre le 1er décembre 2024 et le 31 décembre 2025, y compris dans plusieurs années.

  1.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 20 avec trois amendements rédactionnels (amendements CE290, 291 et CE293 de la rapporteure) et un amendement précisant que les dispositions de l’alinéa 3, devenu alinéa 2, ne s’appliquent qu’aux demandeurs d’emploi ayant perdu leur emploi avant la période de prolongation des droits aux allocations chômage, pour encadrer la mesure dans le temps (amendement CE293 de la rapporteure).

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

Dans la même logique que l’article précédent, qui prolonge les droits aux allocations chômage, l’article 21 du projet de loi prolonge les droits aux prestations versées par la caisse de sécurité sociale de Mayotte, c’est-à-dire l’ensemble des prestations relevant des cinq branches de la sécurité sociale (prestations sociales, revenu de solidarité active, complémentaire santé solidaire, pension d’invalidité, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation aux adultes handicapés…).

  1.   Prolongation de droit des prestations de sécurité sociale (alinéa 1)

Sont prolongés jusqu’au 31 mars 2025 les droits qui expirent à compter du 14 décembre 2024. De même que pour les mesures précédentes, l’échéance peut être prorogée par décret au plus tard jusqu’au 31 décembre 2025.

L’alinéa 1 de cet article précise en outre que cette prolongation est de droit : elle ne nécessite ni demande du bénéficiaire, ni production de pièces justificatives (justificatifs de revenus, de situation d’emploi, de situation familiale, certificats médicaux…).

L’exposé des motifs insiste sur l’incapacité matérielle des résidents de fournir les pièces justificatives et de la caisse de sécurité sociale de les traiter : « l’impact du cyclone sur l’ensemble des activités de l’île, sur les systèmes de communication et évidemment sur le logement des habitants rend aujourd’hui impossible l’accomplissement des formalités nécessaires », les pièces justificatives étant détruites ou inaccessibles.

Dans ces conditions, les droits seront prolongés de manière automatique, même si la situation du bénéficiaire a évolué et qu’il ne remplit plus les conditions qui auraient dû lui permettre d’en conserver le bénéfice. Selon votre rapporteure, ce dispositif exceptionnel est justifié dès lors que les personnes dont les droits sont prolongés remplissaient effectivement les conditions pour y être éligibles au moment où ils ont été accordés.

  1.   Possibilité d’ouvrir des droits nouveaux sans pièces justificative (alinéa 2) : un risque de fraudes à ne pas négliger

L’alinéa 2 de cet article porte non pas sur le maintien de droits antérieurs, mais sur l’accord de droits nouveaux.

De nouveaux droits pourront être accordés durant la période en l’absence de demande ou de production des pièces justificatives, si la personne était dans l’impossibilité d’effectuer ces démarches ou la caisse dans l’impossibilité de les traiter. Contrairement à la prolongation des droits prévue à l’alinéa 1, l’accord de droits nouveaux n’est pas automatique. En revanche, selon l’interprétation qu’en donne l’étude d’impact, les droits accordés de façon indue ne pourront pas être rappelés.

Le deuxième volet de l’article 21 fait donc apparaître un risque de fraude important. S’il est légitime que ceux qui bénéficiaient de droits avant le cyclone et dont la situation avait déjà été contrôlée voient ces droits automatiquement prolongés, le fait d’accorder des droits nouveaux sur la base de simples déclarations risque d’appeler les comportements frauduleux, surtout si aucun mécanisme de contrôle et de recouvrement n’est prévu à l’issue de la « période cyclone ».

Votre rapporteure souligne en particulier le risque que des personnes en situation irrégulière puissent prétendre au bénéfice de droits et prestations sociales sans avoir à justifier de leur identité ou de leur titre de séjour. Elle proposera de préciser que certains documents non mentionnés dans l’étude d’impact (pièce d’identité, carte de résident et titre de séjour) devront systématiquement et sans dérogation possible être vérifiés quand ils sont nécessaires pour apprécier l’éligibilité du demandeur.

Enfin, le cadre temporel de cette disposition n’est pas précisé. Même s’il ressort implicitement de la première phrase de l’alinéa 2 qu’elle ne s’applique qu’à la période visée à l’alinéa 1, c’est-à-dire du 14 décembre 2014 au 31 mars 2025, cela n’est écrit nulle part. Cette précision serait utile pour éviter que soit indéfiniment suspendue la nécessité de fournir certaines pièces justificatives.

La deuxième phrase de l’alinéa 2 précise, en revanche, que la possibilité d’octroyer des droits nouveaux malgré l’absence de certaines pièces est également possible pour la période antérieure au 14 décembre 2024, à condition que le bénéficiaire en ait fait la demande avant cette date et que la demande soit toujours en cours d’examen.

  1.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 21 avec les modifications suivantes :

– Le bénéfice des dérogations relatives au maintien et à l’octroi des prestations sociales est étendu aux travailleurs agricoles (amendement CE277 du Gouvernement) ;

– Dans un objectif de lutte contre les abus et la fraude, les pièces nécessaires pour justifier de l’identité du demandeur et de ses conditions relatives à la nationalité, à la régularité ou à l’ancienneté du séjour devront systématiquement être vérifiées avant l’octroi de tout droit nouveau (amendement CE292 de la rapporteure) ;

– De nouvelles dérogations sont ajoutées pour l’octroi ou le maintien des allocations pour le logement et des prestations relatives au handicap (amendement CE239 du Gouvernement).

En outre, un amendement rédactionnel a été adopté (amendement CE295 de la rapporteure).

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

L’article 22 du projet de loi donne la possibilité de majorer provisoirement par décret les taux horaires de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle à Mayotte, dans un double objectif de soutien à l’activité économique (côté employeur) et au pouvoir d’achat (côté employé).

  1.   L’état du droit

En cas de recours à l’activité partielle dans les cas prévus par la loi (article L. 5122-1 du code du travail) :

– une indemnité est versée à l’employé par l’employeur pour la perte de rémunération sur les heures dites chômées ;

– une allocation partiellement compensatoire est versée à l’employeur par l’État et par l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage (l’Unédic).

Ce dispositif, qui revient à prendre en charge une partie du coût de la main-d’œuvre d’une entreprise en difficulté, incite l’employeur à recourir à l’activité partielle plutôt qu’à procéder à des licenciements économiques. Les entreprises faisant face à des « circonstances de caractère exceptionnel », comme c’est le cas des catastrophes naturelles majeures, y sont éligibles, mais les taux de prise en charge des heures chômées sont identiques partout sur le territoire (en application du principe d’égalité).

Aussi, les articles L. 5122-1 et suivants du code du travail ne prévoient pas la possibilité de moduler les taux de prise en charge. En l’état du droit, l’allocation horaire perçue par l’employeur (36 %) ne couvre pas la totalité de l’indemnité horaire versée à l’employé (60 %). Il en résulte un reste à charge pour l’employeur.

 

 

 

Calcul de l’allocation et de l’indemnitÉ d’activitÉ partielle

Indemnité (salarié)

Allocation (employeur)

Taux

Plancher horaire (Mayotte)

Plafond horaire (Mayotte)

Taux

Plancher horaire

(Mayotte)

Plafond horaire

(Mayotte)

60 %

8,10 €

24,25 €

36 %

7,29 €

14,55 €

Source : Assemblée nationale, à partir des publications du ministère du travail.

  1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 22 du projet de loi doit permettre à la fois l’amélioration du taux d’indemnisation des salariés et la réduction (voire la suppression) du reste à charge de l’employeur, de manière temporaire et pour le seul territoire de Mayotte.

L’alinéa 1er permet, par dérogation aux dispositions de l’article L. 5122-1 du code du travail, de majorer les taux horaires de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle pour les seuls établissements situés à Mayotte.

L’alinéa 2 encadre cette mesure dans le temps. Le dispositif de majoration s’applique rétroactivement du 14 décembre 2024 au 31 mars 2025. Comme les autres mesures provisoires du projet de loi, cette échéance peut être prorogée par décret, au maximum jusqu’au 31 décembre 2025.

Mais la temporalité des autorisations d’activité partielle, distincte de celle de la période instaurée par le projet de loi, pourrait créer un doute sur l’éligibilité de l’activité partielle au dispositif quand elle a été autorisée avant le 14 décembre 2024 ou quand elle se prolonge au-delà du 31 mars 2025. Le mécanisme de majoration s’applique aux demandes formulées « au titre du placement en position d’activité partielle de salariés à compter du 14 décembre 2014 et jusqu’au 31 mars 2025 » : la date de référence semble donc être celle du début de l’activité partielle. Comme les autorisations d’activité partielle sont généralement accordées pour trois mois (article R. 5122-9 du code du travail), la période d’application réelle du dispositif pourrait être décalée de plusieurs mois pour certaines entreprises. Certes, la volonté d’écarter les entreprises qui ont demandé l’activité partielle avant le 14 décembre 2024 (donc sans lien avec le cyclone) pourrait être compréhensible – quoiqu’elle aille à rebours de la logique de l’article 18 du projet de loi, sur la suspension du paiement des cotisations sociales. Toutefois, il ne faudrait pas que ces entreprises, qui étaient déjà en difficulté avant le passage du cyclone Chido, ne puissent pas bénéficier du dispositif comme les autres dès le 14 décembre 2024.

  1.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 22, modifié par un amendement rédactionnel (amendement CE284 de la rapporteure) et un amendement de précision (amendement CE280 de la rapporteure).

 

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Article introduit par la commission

L’article 23 a été créé par l’amendement CE164 de M. Philippe Naillet.

Il prévoit la prolongation de plein droit, jusqu’au 31 mars 2025, des demandes de logement social arrivant à expiration après le 14 décembre 2024. Cette disposition a pour but de maintenir le bénéfice de l’ancienneté de la demande, qui est un critère de sa cotation, alors que les conditions matérielles depuis la survenue du cyclone rendent les démarches administratives difficiles.

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Article introduit par la commission

L’article 24 a été introduit par l’amendement CE20 de Mme Anchya Bamana, modifié par le sous-amendement CE297 de la rapporteure.

Il prévoit que le Gouvernement remettra tous les ans au Parlement un rapport sur la reconstruction de Mayotte et le coût y afférent. Le sous-amendement limite à dix ans la durée pendant laquelle le Gouvernement doit remettre ce rapport annuel.

 

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Article introduit par la commission

L’article 25 a été introduit par l’amendement CE111 de M. Philippe Gosselin.

Il prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur le soutien public à la reconstruction de Mayotte et à l’économie mahoraise. Le rapport devra être remis au Parlement dès l’entrée en vigueur de la loi.

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Article introduit par la commission

L’article 26 a été introduit par l’amendement CE198 de Mme Dominique Voynet.

Il prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, au plus tard un an après la promulgation de la loi, un rapport sur le bilan humain du passage du cyclone Chido à Mayotte.

 

 

Article introduit par la commission

L’article 27 a été introduit par l’amendement CE80 de M. Philippe Gosselin.

Il prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, dès l’entrée en vigueur de la loi, un rapport sur les disparités entre les prestations sociales à Mayotte et en métropole.

 


   Examen en commission

1.   Réunion du lundi 13 janvier 2025 à 16 heures

La commission a auditionné M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des Outre-mer, sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte et commencé l’examen des articles de ce projet de loi.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je vous adresse d’abord tous mes vœux pour l’année qui commence.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, présenté le 8 janvier dernier en Conseil des ministres, nous accueillons aujourd’hui M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer, que je remercie pour sa présence. Son audition tiendra lieu de discussion générale sur ce texte, après quoi nous aurons à examiner 219 amendements.

Le cyclone Chido a dévasté Mayotte le 14 décembre 2024, causant un grand nombre de victimes et des destructions considérables, comme notre pays n’en avait probablement plus connues depuis la Seconde guerre mondiale. Des mesures urgentes étaient indispensables pour faire face à la catastrophe, car une grande partie de la population de Mayotte était dépourvue de tout – eau, nourriture, logement, électricité, moyens de communication, services de santé, etc. Nombre de Mahorais et de Mahoraises manquent encore des biens et des services les plus essentiels ; je pense particulièrement aux enfants et aux jeunes qui auraient dû faire leur rentrée aujourd’hui.

Le projet de loi, qui prévoit des mesures d’urgence pour permettre une reconstruction accélérée, devait initialement être présenté le 3 janvier en Conseil des ministres. Sa présentation ayant été reportée au 8 janvier – date à laquelle nous avions d’abord envisagé son examen en commission – et son passage en séance publique étant annoncé officiellement pour le 20 janvier, nous avons eu cinq jours pour en prendre connaissance.

Nous nous sommes bien sûr adaptés à ce calendrier très contraint, justifié par l’urgence de la situation ; dans l’attente de la nomination d’un rapporteur, j’ai pris l’initiative d’organiser en fin de semaine dernière en visioconférence une série d’auditions d’acteurs locaux. Nous avons ainsi pu échanger avec des représentants du conseil départemental, des syndicats et du patronat, ainsi qu’avec le préfet. Ce fut très instructif et nous remercions l’ensemble de ces acteurs pour leur disponibilité.

Au nom de la commission, j’adresse nos pensées et notre soutien à la population de Mayotte, si durement éprouvée par cette catastrophe. Le préfet nous a indiqué que jusqu’à 90 % des infrastructures ont été détruites, et nous ne connaissons toujours pas le nombre exact de personnes décédées. En outre, Mayotte est à nouveau frappée en ce moment même par la tempête Dikeledi, qui s’accompagne de pluies torrentielles.

Le Gouvernement ayant annoncé son intention de déposer d’ici quelques mois un projet de loi-programme de refondation de Mayotte, je proposerai à un prochain bureau de la commission qu’une délégation se rende sur place, afin d’étudier la situation et les moyens de renforcer le développement économique de l’archipel. Nous savons que les besoins et les défis économiques à relever sont immenses, et il me semble nécessaire que notre commission soit saisie de ce futur projet de loi.

Mayotte a connu, après la catastrophe, des difficultés d’accès à l’eau potable aux conséquences dramatiques. Si elles ont été accentuées par les destructions liées au passage du cyclone, elles étaient déjà récurrentes auparavant. Quelles actions seront engagées pour garantir que nos concitoyens de Mayotte puissent accéder rapidement et de façon continue à l’eau potable – ce qui constitue un besoin fondamental ? Pourquoi ne pas avoir utilisé le cadre de ce texte pour répondre à ce défi ?

Comment comptez-vous concilier, dans la reconstruction des bâtiments, rapidité, solidité et pérennité, tout en tenant compte du climat local, afin d’éviter à l’avenir une telle catastrophe ?

Pourquoi n’avoir pas inscrit dans le projet de loi le gel des factures d’eau, d’électricité ou encore de gaz, alors que la desserte est défaillante et que les ménages comme les entreprises vont connaître des problèmes importants de trésorerie cette année ?

La prise en charge de l’activité partielle, la prolongation des droits des demandeurs d’emploi et le maintien des prestations sociales jusqu’au 31 mars 2025 vous paraissent-ils suffisants ? Pourrait-on envisager une prolongation de ces mesures de quelques mois, comme nous l’ont suggéré les organisations syndicales et patronales lors des auditions ?

Quels moyens budgétaires comptez-vous allouer à la reconstruction de Mayotte ?

Pourquoi les droits aux prestations sociales sont-ils prolongés pour toutes les catégories d’actifs à l’exception des agriculteurs ? On nous a fait part, lors des auditions, de la situation d’urgence dans laquelle se trouve l’agriculture mahoraise.

M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Le 14 décembre dernier, le cyclone Chido frappait durement Mayotte, laissant en état de choc et de sidération une population déjà confrontée à de nombreuses et graves difficultés quotidiennes. Par son ampleur inédite et parce qu’il a touché un territoire éloigné de 8 000 kilomètres de l’Hexagone et situé à deux heures d’avion de La Réunion, cet événement a donné lieu à la plus grave crise de sécurité civile que notre pays ait connue depuis la Seconde guerre mondiale. Le bilan humain, déjà dramatique, reste difficile à déterminer de façon précise. Nous comptons à ce jour 39 personnes décédées, 124 blessés graves et 4 466 blessés légers, mais ce bilan n’est pas définitif.

S’ajoute à cela un désastre écologique et économique. Trois quarts de la forêt ont été dévastés. Je connais bien Mayotte. L’une des choses qui m’a frappé en y retournant, à Combani notamment, c’est que l’on peut désormais apercevoir facilement l’océan et l’horizon, autrefois dissimulés derrière l’ombre accueillante et apaisante des palmiers, bambous et autres manguiers. Même des baobabs tricentenaires sont tombés. J’ai ressenti – je le dis avec beaucoup d’émotion – ce qui doit être une déchirure brutale pour les Mahorais. Des filières sont sinistrées, faisant courir le risque de désastres sociaux ; l’agriculture est très lourdement menacée ; la pêche est plus que fragilisée ; les circuits d’eau sont rompus ; des terrains peuvent s’effondrer. L’équilibre écologique tout entier est en danger.

Je veux avoir, avec vous, une pensée pour les Mahorais et pour leurs proches. Les morts, les personnes blessées physiquement et psychologiquement, les habitants qui ont été particulièrement isolés après le cyclone – à Mtsamboro par exemple, où je me suis rendu avec madame la rapporteure, et à Bouéni, dans le sud –, ces vies meurtries, ces hommes et ces femmes sans toit, ces travailleurs inquiets : tous nous obligent. Les deux députées du territoire vous le diront bien mieux que moi.

Hier et aujourd’hui, le territoire a encore été frappé durement par une tempête tropicale intense et par de fortes pluies liées au phénomène de mousson. Les communes dépendant de l’unité de production de Bouyouni, comme Mtsamboro, rencontrent des problèmes d’alimentation en eau. Je sais que la situation est difficile, Madame la députée, mais tout est fait pour rétablir l’eau. Des dégâts sérieux sur les canalisations ont aussi occasionné des problèmes dans certaines communes du sud, et le réseau est en cours d’analyse. On peut imaginer l’impact psychologique de cette situation sur la population, ainsi que les nombreux risques qui en découlent, auxquels nous sommes très attentifs : inondations, coulées de boue et submersion côtière. La décision n’est pas encore prise, mais nous sommes en train d’étudier l’éventualité d’un décalage à lundi prochain de la rentrée administrative, qui devait avoir lieu aujourd’hui, et au 27 janvier de la rentrée scolaire ; c’est une précaution qui s’impose.

Nous devons aux Mahorais de trouver ensemble des solutions fortes, concrètes, pragmatiques et dénuées, si possible, de toute idéologie. C’est dans cet état d’esprit que je me présente devant vous et je sais que c’est aussi le vôtre.

Depuis que j’ai pris mes fonctions de ministre des outre-mer le 23 décembre dernier, la situation à Mayotte s’est imposée à moi et à nous tous comme une urgence immédiate, comme la priorité numéro un de notre action. Elle l’est également pour le Premier ministre et pour l’ensemble du Gouvernement, engagé dans la réponse à la crise et dans la déclinaison progressive, mais rapide, du plan « Mayotte debout » annoncé le 30 décembre dernier par le Premier ministre François Bayrou.

J’ai un mandat clair, celui de refonder Mayotte. Cet après-midi, nous avons celui de poser les premières pierres de cette refondation. Je le dis sans détour et avec clarté : refonder, cela va beaucoup plus loin que reconstruire, mais la reconstruction est un préalable incontournable pour répondre aux urgences et envisager ensuite une véritable refondation ; c’est la responsabilité qui incombe à tous.

Ma méthode s’organise en trois temps. Le premier est celui de l’urgence immédiate et de la gestion de crise – aggravée, qui plus est, ces dernières heures. Le deuxième est celui du présent projet de loi d’urgence, visant à prendre les mesures législatives qui ne peuvent attendre. Le troisième enfin sera celui de mesures plus structurelles, déclinées dans un projet de loi-programme pour Mayotte, « Mayotte debout », dont vous aurez naturellement à connaître – d’ici début mars, j’espère.

Le premier temps, celui de l’urgence immédiate et de la gestion de crise, se poursuit sans répit. Je crois utile de vous présenter un point de situation le plus précis possible ; l’État, en effet, n’a évidemment pas attendu ce projet de loi pour agir. L’état de calamité exceptionnelle a été décrété par le Premier ministre dès le 18 décembre. Il permet de considérer que la condition légale tenant à l’urgence ou à la force majeure est présumée remplie pour accélérer certaines procédures. Dès le 19 décembre, un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle était également pris ; il permet d’accompagner les collectivités territoriales, mais aussi les assurés, dans un territoire qui en compte néanmoins trop peu.

Un décret était également pris dès le 18 décembre pour encadrer, jusqu’au 18 juin 2025, les prix de vente à la production et les marges à l’importation ainsi qu’à tous les stades de la distribution de certains produits à Mayotte. C’est notamment ce décret qui a permis l’encadrement du prix de l’eau plate en bouteille, au sujet duquel subsistent néanmoins quelques difficultés, je le sais.

Enfin, je cosignerai très vite un décret permettant d’accorder une aide exceptionnelle aux entreprises de Mayotte pour les mois de décembre 2024 et janvier 2025, laquelle pourra atteindre 20 000 euros.

Une mission interinspections procède à l’évaluation des dégâts et du coût de la reconstruction afin de calibrer les moyens nécessaires au futur établissement public. Surtout, l’État a été pleinement mobilisé – et l’est toujours – pour faire face aux urgences vitales. Je veux, à cet égard, saluer l’engagement exceptionnel de tous les agents des services publics, qui ne comptent pas leurs heures pour soigner, accompagner, ou reloger ceux qui ont tout perdu. Je salue tout particulièrement le préfet François-Xavier Bieuville, ses équipes, ainsi que celles de la préfecture de La Réunion. Je salue enfin l’action déterminante des élus – notamment des deux députées, qui ont été présentes sur le terrain, et des sénateurs –, du monde associatif et caritatif et des bénévoles.

L’État est aussi mobilisé au plus haut niveau : le ministre de l’intérieur et mon prédécesseur, le président de la République, suivi du Premier ministre et de plusieurs membres du Gouvernement, se sont rendus sur place. Mon collègue ministre Thani Mohamed Soilihi, qui est mahorais, suit naturellement la situation. La présidente de l’Assemblée nationale revient également de Mayotte. J’ai tenu à rester sur place quarante-huit heures supplémentaires afin de prendre la pleine mesure de la situation sur le terrain.

Cette mobilisation exceptionnelle produit déjà des avancées concrètes ; restant prudent et très modeste, je sais néanmoins que le chemin est encore long. L’action doit se poursuivre sans relâche et dans la durée, avec une présence constante sur le terrain, car la situation exige une mobilisation sans faille de tous.

La distribution de vivres et le rétablissement de l’accès à l’eau courante progressent. Nous devrons d’ailleurs être très attentifs à ce que le mois de ramadan, une période très importante pour les Mahorais, qui débute fin février, puisse se passer dans les meilleures conditions possibles de ce point de vue.

Plus de 80 % des clients sont réalimentés en électricité. Le choix qui a été fait d’enfouir les lignes, afin de limiter de futurs désagréments, a pour conséquence d’allonger un peu les délais. Plus de 200 agents d’EDF et d’Électricité de Mayotte (EDM) sont mobilisés. En matière de télécommunications mobiles, le taux de couverture des abonnés dépasse les 90 %. Il reste très faible pour les communications fixes, oscillant entre 20 et 30 % en fonction de l’opérateur. Mais – j’entends déjà les interpellations à venir – si les statistiques continuent de progresser, elles ne constituent que des moyennes. La situation nécessite une attention constante, notamment dans les territoires les plus reculés. Je sais, par exemple, que certains secteurs sont loin d’être bien approvisionnés en électricité : il faut mettre le paquet d’ici la fin du mois de janvier.

Pour ce qui concerne l’eau, nous reviendrons au mieux à la situation très insatisfaisante d’avant le cyclone Chido ; nous avons tous en tête la crise aiguë de 2023. C’est pourquoi figurent, parmi les priorités du plan « Mayotte debout », la construction de la deuxième usine de dessalement – promise de longue date – et l’accélération de la création d’une troisième retenue collinaire. Quant aux capacités d’assainissement, elles sont directement dépendantes de la montée en puissance de l’alimentation électrique. Seuls vingt-six des trente-cinq sites de la Société mahoraise d’assainissement sont actuellement réalimentés.

Nous sommes aussi particulièrement mobilisés pour faire face à deux défis. Le premier est la préparation de la rentrée scolaire. La rentrée administrative, qui a été décalée par précaution à l’approche de la tempête tropicale Dikeledi, aura lieu la semaine prochaine. Quant à l’accueil des élèves, il débutera sans doute à compter du 27 janvier. 70 % des salles de classe des premier et second degrés devraient être disponibles, mais nous constatons depuis hier des dégâts, notamment dans le sud du territoire.

Le second est la gestion des déchets, nécessaire pour éviter tout risque sanitaire. L’évacuation totale des déchets ménagers de la voie publique doit être terminée à la fin du mois de janvier.

L’accès aux soins est également une priorité. L’élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (Escrim), plus grand hôpital de campagne d’Europe, complète l’action de l’hôpital de Mamoudzou et tourne à plein régime : plus de 3 300 personnes y ont été accueillies depuis son ouverture. Après l’épisode de cette fin de semaine, il sera remonté.

Les opérations dites d’aller vers, en matière de santé, se poursuivent et s’accélèrent. Plus de 18 000 prises de contact entre secouristes et population ont eu lieu. Sans se traduire par une hausse substantielle du nombre de blessés recensés, la multiplication de ces opérations est évidemment une bonne nouvelle. Je mesure cependant le chemin qui reste à parcourir. Le risque épidémiologique fait l’objet d’une vigilance maximale pour éviter le développement du choléra – 3,6 millions de comprimés de chloration ont été distribués et 10 000 doses de vaccins prépositionnées à La Réunion – mais aussi de la dengue et du chikungunya.

Nous sommes aussi très attentifs au risque traumatologique, auquel visent à répondre les opérations d’« aller vers », mais aussi le dispositif téléphonique de soutien médico-psychologique, qui a reçu 239 appels depuis son ouverture le 16 décembre. Nous sommes enfin mobilisés pour avancer au plus vite sur le reboisement de l’île. L’importation des pousses est une urgence, d’autant que c’est la saison pour semer. Si nous ne le faisons pas, nous risquons une catastrophe.

Encore une fois, je vous donne ces chiffres en étant conscient que la population et les élus ressentent parfois les choses différemment sur le terrain.

Au-delà de cette action opérationnelle immédiate, la réponse de l’État entre dans une deuxième phase avec le projet de loi d’urgence pour Mayotte. La philosophie générale du texte est simple : permettre la mise en œuvre très rapide de mesures urgentes pour faciliter l’hébergement et l’accompagnement de la population, ainsi que la reconstruction ou la réparation des infrastructures et logements sinistrés. Il comprend vingt-deux articles, dont trois sont des habilitations à légiférer par ordonnance, répartis en sept chapitres.

Le chapitre Ier comporte deux mesures importantes. Dans le premier article, le Gouvernement demande au Parlement de l’habiliter à légiférer par ordonnance pour créer un opérateur unique et puissant dédié à la reconstruction de Mayotte, et pour confier à celui-ci la mission de coordonner les travaux de reconstruction. L’habilitation que nous vous demandons précise déjà la nécessité d’associer les collectivités territoriales mahoraises. À la suite de nombreuses demandes des élus locaux sur le terrain, le Gouvernement proposera un amendement visant à spécifier que cet établissement public ne sera pas l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, l’Epfam, mais que les missions de ce dernier seront intégrées dans la nouvelle structure. Par décret du Président de la République en date du 9 janvier dernier, le général Pascal Facon a été nommé préfigurateur de cet établissement public. Il va se rendre sur place, afin de discuter avec tous les acteurs, et se tient évidemment à votre disposition.

L’article 2 permet à l’État, jusqu’au 31 décembre 2027, d’assumer la compétence de construction, reconstruction, réhabilitation, rénovation et réparation des écoles publiques communales à Mayotte. Cette substitution sera temporaire et soumise à l’avis des communes.

Le chapitre II adapte les règles d’urbanisme et de construction. Nous y reviendrons.

Les cinq articles que contient le chapitre III s’inspirent des dispositions prises à la suite des violences urbaines de l’été 2023 pour faciliter la reconstruction des bâtiments détruits. Ils visent à adapter les procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte.

Le chapitre IV est constitué d’un seul article, l’article 10, habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Il s’agit de prendre en considération les particularités de Mayotte, où il est souvent difficile d’identifier formellement les propriétaires de terrains. L’objectif est d’y faciliter les opérations de construction et de relogement.

Le chapitre V regroupe quatre articles prévoyant des adaptations et dérogations, pour vingt-quatre mois, aux règles de la commande publique, là encore pour simplifier et accélérer les procédures.

Le chapitre VI comprend des mesures déjà annoncées, inspirées des dispositions appliquées pour la reconstruction de Notre-Dame et visant à faciliter les dons en faveur de Mayotte.

Le chapitre VII, enfin, regroupe différentes mesures sociales en faveur de la population à Mayotte, pour la plupart applicables jusqu’au 31 mars prochain. Les agriculteurs et pêcheurs, des professions particulièrement touchées, bénéficieront de certaines d’entre elles. Le Gouvernement proposera des amendements portant sur certaines autres catégories de prestations, comme les allocations logement, ou pour s’assurer que le régime agricole est couvert par le droit au maintien des prestations versées. Il travaille par ailleurs à l’activation au plus vite de dispositifs d’urgence à destination des particuliers les plus vulnérables, des acteurs économiques et des collectivités territoriales. Une circulaire est en cours de finalisation pour préciser les principes d’intervention et modalités de mise en œuvre de dispositifs tels que le fonds de secours d’extrême urgence et le fonds de secours pour les outre-mer (FSOM).

Même si l’on s’en tient au seul sujet de l’urgence, ce texte est sans aucun doute encore incomplet. Je souhaitais que le débat parlementaire permette de le compléter – et il le pourra bien entendu sur certains points. Mais sur d’autres sujets déterminants, plusieurs amendements déposés notamment par le Gouvernement ont été déclarés irrecevables, car considérés comme des cavaliers. C’est votre droit, mais je le regrette. Je pense à plusieurs mesures très urgentes qui auraient dû être adoptées avec la même célérité que les autres.

Les premières visent la lutte contre l’habitat illégal, un sujet prioritaire pour le Gouvernement. Je le dis avec clarté et fermeté, comme l’a affirmé le Premier ministre sur place : nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville. Même si ces amendements ont été déclarés irrecevables, nous trouverons le vecteur, au plus tard lors du projet de loi-programme, pour élargir les catégories d’agents pouvant constater l’édification illégale, pour faciliter juridiquement la traversée des bangas par les officiers de police judiciaire, pour contrôler les activités professionnelles illégales ou encore pour étendre le délai de flagrance. Je veux toutefois souligner que s’il est possible de procéder à des ajustements rapides par la loi, cette lutte passera avant tout, à moyen terme, par l’engagement de forces sur le terrain et surtout par une lutte plus résolue contre l’immigration irrégulière.

L’autre mesure urgente que nous souhaitions introduire vise à protéger les habitants de Mayotte contre de possibles augmentations excessives de loyers, afin qu’à l’horreur du cyclone ne s’ajoute pas l’indignité des profiteurs de crise. Nous la défendrons également plus tard.

Au-delà des irrecevabilités, ce projet de loi porte déjà de nombreuses mesures. Donnez-nous tous ces moyens et j’en suivrai la mise en œuvre matin, midi et soir. Une équipe dédiée est en cours de constitution, placée auprès de mon cabinet, pour suivre minute par minute la situation à Mayotte. Composée de spécialistes de chaque sujet – santé, immigration, sécurité, agriculture, énergie, environnement, éducation, économie –, dans une approche interministérielle, elle sera en lien très étroit avec la préfecture sur place, dont les moyens humains et matériels ont été renforcés et le seront encore davantage.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 devra évidemment intégrer tous ces éléments, ainsi que le coût de la reconstruction.

Le projet de loi est donc une réponse incontournable. Mais il n’est qu’une première étape, d’autant que Mayotte subit un véritable sous-­investissement par rapport à d’autres territoires, par exemple en matière de politique de la ville ou d’éducation.

Interviendra ainsi un troisième temps, celui des mesures structurelles contenues dans un autre texte de loi. Le Premier ministre l’a annoncé : nous allons mener une concertation très large dans les prochaines semaines pour avancer sur d’autres mesures législatives plus structurelles. Nous vous présenterons donc, dans les deux mois, un projet de loi-programme de refondation pour Mayotte, qui fait l’objet d’un travail interministériel depuis plusieurs mois. Il visera notamment à transcrire dans la loi certaines autres mesures du plan « Mayotte debout », ainsi qu’à permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases. C’est ainsi, par exemple, que nous y instituerons une zone franche globale.

Mais ne nous mentons pas : le cyclone qui a ravagé Mayotte a révélé et exacerbé les problèmes et défis existants. Car Mayotte plie déjà depuis des années sous le poids de deux fléaux qui la rongent : l’habitat illégal et l’immigration clandestine. Je vous proposerai dès aujourd’hui des mesures visant à mieux lutter contre l’habitat illégal. Quant à la lutte contre l’immigration clandestine, elle constituera un volet primordial du second projet de loi, sur lequel mon collègue Bruno Retailleau travaille déjà.

L’immigration illégale pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes mahorais, nourrit l’ultraviolence et alimente des réseaux de trafiquants d’êtres humains. C’est indigne de la République et de nos valeurs universelles. Même si c’est difficile, nous rétablissons dès à présent nos moyens de détection des entrées illégales par voie aérienne et maritime. Le plan « Mayotte debout » prévoit une montée en gamme de ces moyens : d’ici la fin du mois, quatre radars légers seront mis en place et trois caméras à très longue portée seront installées pour couvrir les axes les plus empruntés par les passeurs. Surtout, trois drones de nouvelle génération seront expérimentés à compter du printemps et de nouveaux intercepteurs seront mis à l’eau.

Mais nous devrons aussi prendre des mesures fermes pour renforcer juridiquement nos moyens de lutte contre l’immigration illégale : allonger la durée de résidence régulière des parents pour l’accès des enfants à la nationalité française, disposer de meilleurs outils juridiques pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, étendre l’aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d’origine. Nous devons augmenter les éloignements de clandestins de vingt-cinq mille aujourd’hui à trente-cinq mille au moins demain – ce qui suppose un rapport très ferme avec les Comores. Des initiatives parlementaires proposeront déjà d’avancer dans les prochaines semaines ; nous les regarderons de près. Je travaillerai particulièrement sur ce dernier point avec le ministre de l’intérieur. Au-delà des convictions des uns et des autres, je n’élude pas le sujet du droit du sol qui, comme le Premier ministre l’a affirmé lors de son déplacement sur l’île, est « une question qu’il faut se poser ».

Il y a évidemment le jeu politique et les actualités qui vont et viennent, mais il y a une impérieuse exigence : ne pas laisser tomber Mayotte. Le monde nous regarde, et nous ne devons rien lâcher pour l’aider à se relever. Je ne transigerai sur rien pour reconstruire l’île sur des bases plus saines, pour changer son visage et, ainsi, la vie des Mahorais. Nous le ferons avec tous les élus mahorais et, évidemment, avec les parlementaires du territoire.

J’espère vivement que ce texte fera consensus dans vos rangs. Fort de cette position, je pourrai, de retour à Mayotte à la fin du mois, regarder droit dans les yeux les hommes et les femmes que je rencontrerai et leur dire ces mots, dont quiconque connaît l’archipel et ses habitants mesure l’importance : « Mahorais, la nation vous aime autant que vous aimez la nation ! ». Ce qu’ils attendent néanmoins, ce ne sont pas des discours, mais des actes.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que si 41 des 295 amendements déposés ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, c’est en raison du champ relativement restreint du projet de loi, qui nous a contraints à appliquer cet article dans le même esprit que celui qui a prévalu pour l’examen des textes précédents. Il appartiendra au Gouvernement de proposer, la prochaine fois, un texte permettant d’aborder les questions n’ayant pas pu l’être dans le cadre de ce projet de loi.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année et de vous remercier de m’accueillir dans votre commission.

Mayotte sort depuis quelques heures à peine de l’alerte rouge cyclonique lancée samedi soir : un mois, presque jour pour jour, après le passage du cyclone Chido qui a ravagé notre île, c’est la tempête Dikeledi qui est venue hier plonger la population dans un nouveau cauchemar de dévastation, causée par des vents violents, mais surtout des pluies torrentielles, des coulées de boue et des inondations. Nous qui n’avons, pour beaucoup, plus de toit, avons encore une fois vu le ciel nous tomber sur la tête et détruire les quelques biens qui restaient. À Mtsamboro, il n’y a plus d’eau, de téléphone ni d’électricité depuis trois jours. Acoua reste totalement isolée depuis le 14 décembre. Alors que l’île sort du confinement, le travail de déblaiement et de réparation recommence et chacun peut imaginer l’ampleur des nouveaux dégâts, d’autant que les pluies des moussons vont continuer ces prochains jours.

Je ne reviendrai pas sur le bilan officiel totalement invraisemblable faisant état de trente-neuf morts causés par Chido. Les responsabilités morales et pénales du drame humain qui se joue à Mayotte devront, un jour ou l’autre, être enfin assumées. Je soulignerai simplement l’extrême dénuement et la précarité dans laquelle sont plongés la quasi-totalité des foyers. Nous avons tous, sinon perdu un toit, du moins subi des inondations et des dommages matériels importants et perdu notre emploi ou notre outil de travail, alors que l’eau et l’électricité manquent toujours, que les bâches sont introuvables, que les distributions d’eau et de nourriture sont insuffisantes, que les rayons des supermarchés sont souvent vides.

Mayotte est à terre, le moral bas, la population totalement à bout. Mayotte est à terre et nous nous battons pour survivre et trouver la force de reconstruire. C’est notre seule dignité : l’espoir de nous relever. Le cyclone Chido nous impose de reconstruire Mayotte mieux, correctement, durablement, solidement – pour sortir du précipice, pour résister au changement climatique, pour offrir un avenir à nos enfants et construire la prospérité de demain.

Nous avons la force de tenir et le courage de reconstruire. Nous vous demandons, à vous, d’avoir le courage de ne pas répéter les mêmes erreurs et d’enfin nous écouter. Vous savez parfaitement que ces calamités naturelles viennent s’ajouter aux difficultés structurelles de Mayotte, département sous-développé et sous-équipé, de manière systémique et systématique écarté des mesures de progrès et d’égalité prises pour le pays par les gouvernements successifs. La crise migratoire, les pénuries d’eau, l’insécurité constituent le quotidien des Mahorais, et ces difficultés s’ajoutent aux dégâts des cyclones. Nous sommes français depuis 1841 et Mayotte est devenue un département depuis 2011. Nous avons voté à de multiples reprises pour rester dans la République. Pourtant, Mayotte reste à l’écart de la République, malgré les plans sans suite et les engagements sans lendemain.

Au lendemain du cyclone, nous avons vu, les uns et les autres, défiler sur le territoire et entendu les promesses s’accumuler. Pardonnez-nous de vouloir maintenant des résultats ! Le Premier ministre a, le 30 décembre dernier, présenté le plan « Mayotte debout » et exprimé l’ambition d’accélérer la reconstruction, mais également d’adopter les réformes structurelles nécessaires. Nous cherchons en vain une réelle ambition, ou même la traduction législative de ce plan, dans le projet de loi : nous sommes face à un texte technique, rédigé par la haute administration au lendemain du cyclone et avant la formation du Gouvernement, sans consultation des élus locaux ni des parlementaires.

Le projet de loi qui nous est présenté apporte certes des réponses utiles pour accélérer la reconstruction, mais il reste largement muet sur des sujets essentiels comme l’immigration. La décision du Gouvernement d’amender son propre texte pour lutter contre la reconstruction des bidonvilles l’a exposé à des irrecevabilités. Cette méthode, porteuse d’un échec annoncé, me conduit d’ailleurs à m’interroger sur la sincérité de la démarche gouvernementale.

Depuis le soir du passage du cyclone Chido, j’ai personnellement, de concert avec l’ensemble des élus de Mayotte, alerté l’exécutif – du Président de la République au chef du Gouvernement, en passant par le préfet et les autres responsables présents sur place – pour faire savoir combien il serait irresponsable de laisser reconstruire les bidonvilles, ces installations illégales, dangereuses, insalubres et indignes de la République. On nous a opposé un silence poli et nous subissons l’inertie des autorités, qui ont laissé les pilleurs voler dans nos maisons et dans les établissements publics les matériaux dont ils avaient besoin pour reconstruire les bidonvilles.

Plus de la moitié de la population de Mayotte est étrangère. La destruction des radars et de la maigre flotte de surveillance maritime affectée à la lutte contre l’immigration clandestine permet aux migrants d’arriver sans entrave sur notre île depuis le passage du cyclone. Nous le constatons chaque jour. Alors que notre île n’est déjà pas en mesure de répondre aux besoins vitaux et de garantir les droits fondamentaux des ressortissants français, nous estimons que Mayotte ne peut accueillir davantage d’étrangers. Tous les élus locaux et les parlementaires mahorais ont demandé, en vain, la destruction des bidonvilles, mais aussi la suspension des délivrances des titres de séjour et des attestations de demande d’asile dans notre département, pour éviter toute ambiguïté et mettre fin à l’appel d’air.

Mayotte ne compte qu’un seul hôpital, partiellement détruit ; 80 % des écoles sont détruites ; le Gouvernement prévoit de scolariser nos enfants à tiers-temps, sous des tentes, en pleine saison des pluies. Le cyclone Dikeledi a détruit ce week-end des canalisations et endommagé la maigre production d’eau potable. Les services publics ne fonctionnent pas normalement. Je le répète : notre île n’est pas en mesure de répondre aux besoins vitaux et de garantir les droits fondamentaux des ressortissants français de Mayotte ; elle ne peut pas non plus accueillir davantage d’étrangers.

Le refus de répondre à la question migratoire spécifique à notre département ne fait qu’envenimer la tension sociale et hypothéquer le succès de la reconstruction. À cet égard, le conseil départemental de Mayotte a émis un avis réservé sur ce projet de loi, qui lui a été transmis avant l’ajout des amendements du Gouvernement et de votre rapporteure. L’Association des maires de Mayotte et le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) ont aussi fait part de leur déception.

Je note également que le texte ne prévoit aucun financement, alors même que nous n’avons pas de budget. La question essentielle des moyens consacrés à la reconstruction de Mayotte est renvoyée à plus tard. Des questions très concrètes se posent pourtant, comme celle du prêt promis aux 90 % des foyers mahorais dépourvus d'assurance. Sur ce point aussi, le texte est silencieux.

Le projet de loi comporte trois types de dispositions : des mesures techniques visant à accélérer la reconstruction, des dispositions fiscales tendant à mobiliser la solidarité nationale et des aménagements fiscaux en faveur de la population et du tissu économique local. Si ces mesures techniques vont majoritairement dans le bon sens, certaines méritent d’être précisées. Je proposerai des amendements en ce sens.

L’article 1er habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les modalités d’intervention de l’Epfam. Il serait chargé de piloter et de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte. Je suis favorable à la réécriture proposée par le Gouvernement, qui prévoit la création d’une nouvelle entité intégrant l’Epfam, lequel est loin d’avoir bonne presse sur l’île. Elle inclurait, dans sa gouvernance, des élus locaux et des acteurs économiques du territoire. Cet aspect est fondamental : la reconstruction ne peut pas se faire sans associer les Mahorais aux décisions.

Pour reconstruire et rénover les écoles les plus endommagées, le projet de loi prévoit que l’État – ou, le cas échéant, l’établissement chargé de la reconstruction – puisse se substituer aux collectivités locales pendant trois ans et assumer l’ensemble des droits et obligations du propriétaire. Au vu des difficultés financières des communes mahoraises, de la multiplicité des tâches qui les attendent et de l’ampleur des dégâts, il s’agit là de mesures nécessaires. L’État ne saurait toutefois se passer d’un avis conforme des communes pour construire de nouvelles écoles. Cette question est particulièrement sensible. Les charges de fonctionnement des écoles dont s’acquittent les communes mahoraises sont déjà très lourdes et ne cessent de s’accroître sous la pression démographique, principalement étrangère.

Accélérer la reconstruction nécessitera aussi une simplification du droit de l’urbanisme. Le projet de loi prévoit, en premier lieu, de dispenser les lieux d’hébergement d’urgence bâtis après le drame de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. Je suis naturellement favorable au relogement d’urgence des personnes victimes du sinistre. Le code de l’urbanisme prévoit déjà, pour ces situations, une dispense des formalités d’urbanisme pour une durée pouvant atteindre deux ans. En revanche, la rédaction floue de l’article 3 pourrait favoriser le rétablissement des bidonvilles et de l’habitat informel. Je proposerai donc sa suppression.

Les articles suivants prévoient des adaptations du droit de la construction et de l’urbanisme. Sur le principe, je suis favorable à l’instauration de procédures dérogatoires permettant d’accélérer la reconstruction. Mais, là aussi, il me semble nécessaire de préciser ces dispositions et de mieux les encadrer. Ainsi, l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue à l’article 4 me paraît bien trop large : construire vite ne doit pas être synonyme de mal construire. Les habitations de demain devront pouvoir résister aux phénomènes météorologiques. Les règles relatives à l’accessibilité des bâtiments ou à la production d’énergie renouvelable doivent elles aussi être maintenues. Il convient également de préciser qu’aucune procédure dérogatoire concernant les installations et les aménagements ne saurait couvrir l’habitat informel ni permettre la pérennisation des bidonvilles.

S’agissant de la volonté affichée de réduire les délais d’examen des demandes d’autorisation en vue d’opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments détruits, je rappelle qu’il revient à l’État d’accorder aux communes et à ses services des moyens suffisants pour permettre le traitement des dossiers en temps et en heure,

L’article 8 permettrait de remplacer l’enquête publique, pouvant être décidée par le préfet à Mayotte, pour certains travaux de reconstruction et de réfection, par une procédure de participation du public par voie électronique. Alors que les infrastructures de télécommunication ont été largement endommagées par le passage du cyclone Chido et que Mayotte est un désert numérique, je m’interroge sur la pertinence de cette disposition.

L’habilitation à légiférer par ordonnance pour faciliter l’occupation temporaire ou l’expropriation définitive d’emprises foncières à Mayotte n’est pas acceptable et provoque légitimement une levée de boucliers parmi la population et les élus. Il faut ménager les voies de recours nécessaires pour les propriétaires.

Enfin, nous devons rester vigilants quant aux mesures dérogatoires prévues en matière de commande publique : les exemptions de publicité et de mise en concurrence préalable ne doivent pas se traduire par une exclusion des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) mahoraises. Ces dernières ont un rôle important à jouer dans la reconstruction. Vous êtes d’ailleurs plusieurs à l’avoir souligné dans vos amendements, pour lesquels j’émettrai un avis favorable.

Le second volet du texte vise à faciliter la solidarité nationale en faveur de Mayotte. Je tiens à remercier nos concitoyens, qui se sont mobilisés et ont fait preuve d’une générosité d’une ampleur inégalée dans notre pays. Dans ces heures sombres, ils nous ont adressé un message très fort, dont nous avons tous été touchés lorsque nous avons pu avoir à nouveau accès aux informations une fois l’électricité revenue. Ce volet vise en premier lieu à sécuriser le versement des aides des collectivités territoriales qui souhaitent soutenir Mayotte. Il prévoit en outre une majoration exceptionnelle de la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre des dons effectués par les particuliers. Ces deux dispositions sont bienvenues.

Le dernier volet concerne les mesures fiscales en faveur de la population et des acteurs économiques locaux. Là aussi, des rectifications sont nécessaires pour que les dispositions concernées soient réellement favorables aux Mahorais.

Je tiens d’abord à alerter sur l’article 17, qui tend à suspendre les délais en matière de recouvrement fiscal forcé : son adoption reviendrait à octroyer davantage de temps à l’administration fiscale pour poursuivre les redevables mahorais après le 31 décembre 2025, même si les délais légaux étaient échus – une disposition loin d’être favorable à la population et aux entreprises, actuellement privées de ressources.

De même, l’article 18, qui vise à suspendre le versement des cotisations sociales, n’est pas satisfaisant en l’état. Pour laisser le temps aux entreprises de se relever, il faudrait prolonger la mesure au-delà du 31 mars 2025 ou, mieux encore, prononcer un moratoire. Nous appelons également à limiter les incertitudes pour les entreprises en précisant dès maintenant les modalités d’apurement des sommes dues.

Nous sommes en revanche favorables au maintien des droits pour les demandeurs d’emploi et les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) : ces personnes déjà précaires ne sauraient être privées de ressources essentielles dans un contexte rendant compliquée la reprise d’une activité. Si nous partageons aussi la volonté de simplifier le versement des prestations sociales, nous appelons néanmoins à maintenir le contrôle de l’identité et du caractère régulier du séjour, pour éviter les abus et les fraudes. Je présenterai un amendement en ce sens.

J’espère que nos discussions permettront d’aboutir à un consensus pour accélérer la reconstruction de Mayotte. Nous ne pouvons pas gâcher cette crise : nous devons avancer ensemble.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Anchya Bamana (RN). Permettez-moi d’abord de rendre hommage aux hommes et aux femmes qui, à tous les niveaux de l’État, travaillent sans compter pour gérer la situation chez moi, à Mayotte. Qu’ils en soient tous remerciés.

Je suis néanmoins en colère contre ce projet de loi, qui passe à côté du sujet. Sur la forme, l’urgence ne justifie pas l’absence de saisine du conseil départemental. Le Gouvernement aurait-il osé agir ainsi avec un département de l’Hexagone ? Quel mépris !

Sur le fond, le texte permettra de desserrer légèrement le carcan administratif et, partant, de reconstruire plus vite, mais il manque cruellement d’ambition.

Aucune aide simple n’est prévue pour permettre aux Mahorais de reconstruire et de sécuriser leurs maisons. Il n’y a pas si longtemps, à l’occasion de la crise de la covid-19, l’État avait pourtant su trouver des solutions, comme la défiscalisation des heures supplémentaires, le déblocage de l’épargne salariale ou la défiscalisation de la monétisation des comptes épargne temps.

Le texte ne comporte aucun volet consacré à la sécurité, alors que l’archipel subit une vague de violences et de pillages des habitations et des entreprises. Une femme a été violée il y a trois jours à Musicale plage, dans la commune de Bandrélé. Je reçois des dizaines de témoignages d’habitants qui se font voler par des individus cagoulés, armés de machettes et de couteaux, même pendant le couvre-feu.

Aucune position claire n’est prise sur la gestion des populations habitant les bidonvilles. Le plan « Mayotte debout » ne résout pas l’équation ancienne des populations installées illégalement. La solution consistant à faciliter les expropriations des Mahorais pour construire des logements sociaux destinés aux étrangers en situation irrégulière n’est évidemment pas acceptable. Tous les plans que l’État pourra déployer à coups de milliards d’euros seront caducs avant d’avoir été appliqués.

Les Mahorais ont faim, ils ont soif, ils sont en proie à l’insécurité, ils ont tout perdu ; Dikeledi a « terminé le travail » hier. Si nous ne prenons pas le problème à la racine, Mayotte ne pourra pas se relever. Nous en ferons seulement un bidonville encore plus grand et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la submersion migratoire finira de noyer les Mahorais à jamais.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous évoquons tous deux régulièrement la situation à Mayotte. Il n’y a évidemment aucun mépris, et il y aura forcément de l’ambition. Dans tous les territoires frappés si durement – nous constatons malheureusement ce qui s’est passé ces derniers jours aux États-Unis, récemment dans la région de Valence en Espagne, ou par le passé dans d’autres territoires ultramarins –, la reconstruction nécessite du temps, même si je comprends parfaitement l’urgence.

En matière de sécurité, il n’y a pas besoin d’adopter une nouvelle loi : il faut agir.

Pour ce qui est de l’immigration, j’ai clairement dit que si nous ne résolvons pas ce problème, nous ne pourrons pas reconstruire Mayotte. C’est dans le dialogue avec les élus – je rencontrerai encore cette semaine le président du conseil départemental –, avec vous-mêmes et avec tous ceux qui sont présents sur le terrain, que nous pourrons trouver des solutions concrètes en vue de la reconstruction.

Mme Marie Lebec (EPR). Mayotte traverse une crise sans précédent après le passage du cyclone Chido. Cet événement a bouleversé l’île et ses habitants et affecté ses infrastructures. J’adresse tout mon soutien et ma solidarité aux Mahorais, qui font preuve d’un courage admirable face à la catastrophe qui les a frappés encore ce week-end avec la tempête tropicale Dikeledi.

Comme la rapporteure l’a très bien souligné, le cyclone a révélé des fractures préexistantes, qui sont autant de problèmes structurels et qu’il nous appartient désormais de résoudre. Le projet de loi constitue donc une occasion unique, non seulement de reconstruire, mais de reconstruire bien. Il ne s’agit pas seulement de répondre à l’urgence des sinistrés, mais aussi de repenser Mayotte dans sa globalité, pour la rendre plus résiliente, plus équitable et plus adaptée aux défis de demain. Nous saluons cette initiative et soutenons pleinement ce texte, tout en insistant sur l’importance d’une gestion exemplaire et rapide des opérations à venir.

Nous devons cependant faire preuve de vigilance. Reconstruire en évitant de retomber dans les failles du passé suppose de garantir que les futures infrastructures respectent les normes de sécurité et de durabilité face aux aléas climatiques futurs, mais aussi de s’assurer que cette reconstruction profite directement aux Mahorais, que ces derniers soient impliqués dans les décisions et qu’ils bénéficient des retombées économiques, sociales et sanitaires. Notre plan d’action doit intégrer les entreprises locales et répondre à la volonté exprimée par les Mahorais pendant les auditions : être les acteurs centraux de la renaissance de leur territoire.

Nous disposons de peu de temps et devons agir efficacement. Je concentrerai donc mon intervention sur quelques points qui nécessitent des précisions.

Le premier concerne les assurances : moins de 10 % des habitations de Mayotte sont assurées et le problème concerne aussi les entreprises, souvent confrontées à des coûts prohibitifs ou à des couvertures inadaptées ou insuffisantes. Le texte n’aborde pas cette question pourtant essentielle. Quelle politique entendez-vous mener pour faciliter l’accès à l’assurance pour les Mahorais ? Les assureurs contribueront-ils à la reconstruction malgré la faible couverture assurantielle ?

Les expropriations, longuement abordées durant les auditions, constituent pour les Mahorais une crainte bien compréhensible. La préfecture explique que peu de plans cadastraux ont été établis à Mayotte. Comment, dès lors, prévenir les conflits relatifs à la propriété des terrains et garantir une reconstruction rapide et à l’identique ?

Enfin, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et la chambre de commerce et d’industrie ont insisté sur la nécessité d’associer les entreprises mahoraises à la commande publique. Alors qu’elles ont été très lourdement touchées par le cyclone, comment garantir qu’elles participeront bien à la reconstruction ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces trois questions lourdes au cours de l’examen des amendements.

Mon collègue Éric Lombard et moi-même sommes pleinement mobilisés sur la question des assurances, sur laquelle nous entendons réunir toutes les parties concernées.

La question des cadastres et du droit de propriété fera aussi l’objet de discussions à travers certains amendements. Il s’agit effectivement d’une des difficultés à résoudre, notamment pour permettre le déploiement des prêts aux personnes touchées annoncés par le Premier ministre.

Enfin, j’ai discuté encore aujourd'hui avec les représentants ultramarins du Medef ainsi qu’avec les entreprises présentes sur place. Nous voulons favoriser les entreprises locales, à condition de les accompagner, notamment en matière de formation – Mayotte ne compte, par exemple, aucun centre de formation d’apprentis. Plusieurs amendements vont également en ce sens.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Au nom de mon groupe, je tiens d’abord à rappeler notre soutien aux Mahorais et aux Mahoraises, qui ont subi le passage destructeur du cyclone Chido, auquel s’est ajoutée ces dernières heures la tempête Dikeledi.

Le projet de loi se concentre sur l’urgence de la reconstruction de Mayotte, se souciant peu de toutes les autres, auxquelles l’État se doit aussi de répondre : pénurie d’eau, difficultés d’accès aux soins et à l’alimentation, habitat précaire. Ces problèmes doivent être traités urgemment pour permettre à nos concitoyens de vivre, plutôt que de survivre. Mayotte est le département le plus pauvre de France et accumule les difficultés depuis trop longtemps. Toutes les personnes auditionnées par notre commission le soulignent : l’île était en crise bien avant le passage du cyclone et si la reconstruction se borne à réparer les dégâts causés par celui-ci, la situation ne s’améliorera pas.

En outre, les études scientifiques s’accordent sur le fait que d’autres cyclones pourraient très rapidement toucher de nouveau l’île. Sur ce point, l’État français a failli à ses devoirs vis-à-vis de nos concitoyens : les pouvoirs publics n’ont pas engagé suffisamment de moyens dans les territoires d’outre-mer pour prévenir les risques naturels majeurs sur lesquels nous sommes pourtant alertés depuis des années. Les gouvernements successifs ont préféré laisser croire que les étrangers étaient l’unique cause de tous les maux de l’île.

La situation évolue très vite et Mayotte n’en a pas fini avec les intempéries qui se succèdent. Au-delà des effets d’annonce, la situation est loin de s’améliorer aussi rapidement que ne le suggèrent les annonces du ministre. Si 70 % du réseau électrique est remis en marche, l’électricité n’arrive bien souvent pas jusqu’aux habitations. Le même constat vaut pour le réseau de communication, rétabli à 50 % seulement. La quasi-totalité des surfaces forestières ont été dévastées. Pour le Gouvernement, l’urgence est de reconstruire vite, à bas prix, en faisant fi du droit de l’urbanisme. Nous craignons une reconstruction peu fiable pour l’avenir de Mayotte et pour l’environnement.

Un mois s’est déjà écoulé depuis la catastrophe. Une fois les urgences vitales traitées, il est indispensable d’assurer aux Mahorais, par cette reconstruction, une égalité de traitement avec nos concitoyens de l’Hexagone. Ce projet de loi ne traite cependant pas des inégalités actuelles. Pourquoi le Smic est-il plus bas à Mayotte qu’en Hexagone ? Pourquoi l’île compte-t-elle seulement un hôpital pour 320 000 habitants ? Les territoires ultramarins souffrent depuis trop longtemps d’un abandon des pouvoirs publics, qui n’a fait que creuser les inégalités.

Nos compatriotes sont épuisés par le mois qui vient de s’écouler, et la saison des pluies risque de prolonger la situation. Je ne crois pas qu’ils attendent un projet de loi présenté dans plusieurs mois et dont le parcours parlementaire prendra du temps. Toutes les mesures à prendre pour l’avenir de Mayotte auraient dû figurer dans ce projet de loi d’urgence : garantie de l’accès aux droits fondamentaux et aux services publics, fonds de soutien aux communes mahoraises dont les trésoreries étaient déjà fragiles avant le cyclone, plan d’urgence pour garantir l’accès à l’eau et à l’alimentation, alignement du Smic et des prestations sociales sur l’Hexagone, soutien aux entreprises mahoraises pour stimuler l’économie.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis en grande partie d’accord avec vous : l’effort que nous fournirons devra compenser – le mot est faible – les inégalités que vous constatez très justement. C’est pour cette raison que ce premier texte répond aux urgences et qu’il en faudra un second, car si nous voulons bien travailler et agir de manière concertée, il faut un peu de temps – même si le délai de deux mois que j’ai indiqué sera court.

Les urgences concernent l’eau, l’électricité, les télécommunications, la santé, la rentrée scolaire. Et il faut évidemment reconstruire différemment. Plusieurs dizaines de milliers de personnes vivent dans un habitat indigne : pas plus que quiconque, je ne sais y remédier en quelques jours, même si je comprends l’impatience des élus et des Mahorais, qui vivent dans cette situation depuis des années. Pour bien faire, pour reconstruire autrement, je répète qu’il faut prendre un petit peu de temps, afin de ne pas reproduire les erreurs commises par le passé.

M. Philippe Naillet (SOC). Permettez-moi d’abord d’assurer les Mahoraises et les Mahorais du plein soutien du groupe socialiste. Je salue aussi la mobilisation de l’ensemble des personnels d’État, des collectivités, des opérateurs privés, de nos soignants, des membres de la société civile, des citoyens, qui interviennent depuis un mois déjà pour assister les populations et aider à la remise en route des services publics. Je souhaite enfin dire ma fierté, en tant que député de ce territoire, d’avoir vu La Réunion tenir le rôle de vigie de la solidarité dans les premiers jours du drame. J’assure les Mahoraises et les Mahorais du soutien des Réunionnais.

Levons tout suspense : les députés socialistes considèrent ce projet de loi comme nécessaire et urgent, eu égard à la situation dramatique que vivent nos concitoyens à Mayotte. Compte tenu des dommages causés par Chido, il faut nous doter d’outils exceptionnels pour accélérer la reconstruction de Mayotte – même si reconstruire « vite » ne doit pas signifier reconstruire « n’importe comment ».

Les dispositifs proposés aux chapitres Ier, II et III en matière d’aménagement et d’urbanisme nous paraissent nécessaires et proportionnés, mais nécessiteront d’être précisés et mieux encadrés, afin de nous assurer de la pleine association des collectivités locales et de trouver un meilleur équilibre entre l’adaptation des règles de droit commun et la garantie d’une qualité minimale de construction. À cet égard, afin que Mayotte soit plus résiliente, certaines normes devront demeurer hors du champ des ordonnances et les dérogations aux règles d’accessibilité devront rester limitées. Aucun nouveau bâtiment public ne saurait être construit en 2025 sans être pleinement accessible.

Nous devons également éviter que la réduction des délais d’instruction, avec un volume de dossiers qui sera exceptionnel, ne donne lieu à un nombre excessif de permis tacites. Faute de temps et de moyens, nous proposerons d’allonger les délais de retrait des autorisations d’urbanisme illégales.

S’agissant des procédures de participation du public, nous adhérons à votre intention, mais il semble évident que, au moins jusqu’en juillet prochain, la participation par voie électronique ne correspond pas à la réalité sur place et risque de priver de nombreux Mahorais d’un recours effectif à ce droit.

Nous soutenons aussi les mesures relatives à la commande publique, mais ferons des propositions pour qu’une partie des marchés demeurent réservés aux artisans ainsi qu’aux TPE et PME locales et pour éviter toute dérive concernant les marges, afin de ne pas encourager des profiteurs de crise.

De plus, alors même que la protection de l’économie et de l’emploi devrait être renforcée, l’article 40 de la Constitution, comme d’habitude, nous lie les mains. Le tissu économique a été foudroyé par le cyclone et l’échéance retenue du 31 mars 2025 est insuffisante : le Gouvernement doit aller plus loin.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait qu’à l’issue des échéances, s’appliqueraient à Mayotte les inacceptables réformes de l’assurance chômage et du RSA. À tout le moins, une adaptation sera nécessaire pour ce dernier dispositif, car au-delà du débat de fond, comment imaginer, dans les circonstances actuelles, que les bénéficiaires pourraient satisfaire la condition des quinze heures d’activité ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il faut aller vite et bien faire : voilà la ligne de crête que chacun attend que nous suivions. À n’en pas douter, vos propositions amélioreront le texte ; c’est le sens des travaux de cette commission.

J’insiste sur un point, également évoqué par Mme Hignet : la nécessité de construire selon les normes anticycloniques et antisismiques. Il se trouve que Mayotte n’avait pas été frappée par ce type de catastrophe naturelle depuis très longtemps, mais d’autres départements, contrairement à ce que j’ai entendu, savent s’y préparer. C’est le cas de La Réunion, où il existe une véritable culture de prévention, mais aussi de la Guadeloupe et des territoires du Pacifique. Nous devrons intégrer ces éléments : ce qui s’est passé cette fin de semaine, avec l’extrême fragilisation des terrains, des berges et des côtés, en démontre la nécessité.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Le 14 décembre, une grande partie du territoire de Mayotte a été dévastée par le cyclone Chido, plongeant une large partie de la population dans la détresse. Le 18 décembre, le projet de loi a été élaboré en urgence et transmis au Conseil d’État, qui s’est prononcé, toujours dans l’urgence, dès le dimanche 22 décembre, dans la perspective d’un conseil des ministres réuni avant Noël. Depuis ? Rien ! C’était il y a un mois et le projet bancal qui nous est soumis n’est ni un texte présenté en urgence, ni un texte qui traite de l’urgence. Il n’a été enrichi ni des données du bilan complet de la catastrophe, ni des leçons à tirer du passage du cyclone, et reste flou sur la façon dont l’État entend reconstruire infrastructures et équipements.

Plusieurs d’entre nous ont pointé le fait qu’il s’agit de trancher. La première option est de reconstruire vite et à l’identique, pour effacer les traces de la catastrophe, en s’asseyant sur les dispositions du code de l’urbanisme et du code de l’environnement. La seconde est de prendre le temps d’une remise à niveau, en remédiant aux retards structurels en matière d’accès à l’eau, d’assainissement, de qualité du bâti, de transports en commun en site propre, en intégrant les enseignements de Chido pour réduire les vulnérabilités et en respectant l’organisation sociale des familles de Mayotte – s’agissant, entre autres, de la cohabitation intergénérationnelle et des relations extérieures.

Bien sûr, beaucoup de choses peuvent et doivent être accomplies sans passer par la loi. Cela étant, nous constatons un décalage considérable, la situation sur le terrain étant assez éloignée de celle que vous avez décrite tout à l’heure et qui est présentée dans le projet de loi. Pour ne prendre qu’un seul exemple, cela n’a pas beaucoup de sens de dire que l’accès à l’eau potable est rétabli à 40 %, 50 % ou même 80 %, car au moins 30 % de la population ne bénéficiait pas, avant le cyclone, d’un raccordement au réseau.

Dans le texte, il n’y a pas un mot sur les moyens dédiés à l’hébergement d’urgence, sur le nécessaire renforcement des compétences et des moyens du syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (Smeam) et sur les fonds consacrés à la réhabilitation des installations de production d’eau et de distribution, y compris dans les quartiers d’habitat précaire, par des rampes dont Mayotte a l’habitude. Et il n’y a pas non plus le moindre mot en faveur du renforcement des services de l’État, qu’il s’agisse de la préfecture ou encore de l’agence régionale de santé (ARS).

Ma première question concerne le bilan de la catastrophe, qui n’est toujours pas connu. Combien de morts, de disparus, de blessés, d’amputés ? Au départ, on parlait de centaines, voire de milliers de morts. Les élus ont décrit des quartiers rasés et silencieux : la Vigie à Dzaoudzi, les pentes de Kawéni, les bidonvilles de Doujani et de Koungou. Les chiffres que vous répétez semblent en décalage avec la réalité. Il faut rendre le bilan public pour éviter les rumeurs et restaurer la confiance.

Ma deuxième question est liée à votre choix de créer un nouvel établissement public absorbant l’actuel établissement public foncier. Cela aura le mérite de donner satisfaction au conseil départemental, qui cherche à mettre la main dessus depuis longtemps, mais une telle entreprise demandera beaucoup de temps avant d’être opérationnelle. Il faudra former une équipe et définir des statuts, de nouvelles missions et une organisation interne, sans aucune garantie d’une meilleure efficacité. On reproche à l’établissement public foncier d’avoir procédé à des expropriations pour faire passer la route d’accès au deuxième hôpital à Combani ou pour la maîtrise de la troisième retenue collinaire, mais c’était sa mission. L’État doit-il se déshabiller dans ce domaine ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous avez eu à faire face à des catastrophes naturelles dans l’exercice de vos fonctions et vous imaginez bien que si c’est difficile dans l’Hexagone, cela l’est d’autant plus dans un territoire aussi éloigné.

En ce qui concerne l’établissement public, nous nous fondons sur le travail avec les élus locaux. On ne peut à la fois nous demander de mener une concertation et d’agir selon la logique qui préexistait et qui ne fonctionne pas ; cela a été dit tout à l’heure.

S’agissant du bilan, il est logique que je sois prudent. Ce qui semble évident, c’est que nous sommes très loin de ce qui a initialement été constaté, lorsque les bidonvilles ont été rasés et qu’une forme de silence s’est imposée. J’ai donné tout à l’heure les chiffres dont nous disposons ; nous n’avons absolument rien à cacher. Il y a encore des colonnes de policiers, de gendarmes, d’agents de sécurité civile et de soignants sur le terrain. Je ne sais pas si nous connaîtrons le bilan exact, nous ne disposons pour l’heure que d’ordres de grandeur, et j’invite chacun à la plus grande prudence. Je répète que nous n’avons rien à cacher et que nous donnerons bien sûr tous les chiffres.

M. Philippe Gosselin (DR). D’abord, je ferai part de toute la solidarité du groupe de la Droite Républicaine à l’égard de nos concitoyens de Mayotte. J’insisterai aussi sur l’élan de générosité et de solidarité qui s’est exprimé partout sur le territoire national. Dans la Manche, cet élan a été partagé par le conseil départemental et une association a même été créée avec des amis mahorais pour venir en aide à nos concitoyens. Ayons cette dynamique à l’esprit : cela fait du bien par les temps qui courent !

Quoi qu’il en soit, avec ce texte, nous restons sur notre faim en ce qui concerne la construction et la reconstruction, l’association avec les élus locaux et la lutte contre les bidonvilles, entre autres éléments relatifs à la sécurité.

Premièrement, j’estime qu’il faut aller au-delà d’une simple reconstruction. Il existe depuis longtemps un déficit d’infrastructures à Mayotte et le cyclone Chido n’a été que le révélateur de défauts connus de longue date. Je pense à la piste longue de l’aéroport, au deuxième hôpital ou encore au réseau de haut débit numérique.

Il en va de même en ce qui concerne l’eau, car même quand l’île sera dotée d’une deuxième usine de dessalement, ses capacités de production ne seront que de 40 000 mètres cubes d’eau, quand ses besoins s’élèvent à 48 000 mètres cubes.

Et il y a les aspects sécuritaires, qui sont essentiels, mais qui ne sont pas évoqués dans le texte. J’ai bien entendu vos propos à ce sujet, mais sans vouloir instrumentaliser les morts, il y a eu quatre meurtres en deux semaines, ce qui n’est pas rien et ce qui n’est pas acceptable.

Il faut aussi bien davantage associer les élus locaux à la gouvernance de l’établissement public. La Cour des comptes et nous-mêmes avons parfois relevé certaines difficultés : il n’empêche que les élus locaux, qui sont les premiers concernés et qui savent ce qu’il faut faire, doivent bénéficier d’une association pleine et entière, c’est-à-dire d’une gouvernance partagée avec, peut-être, l’introduction d’un avis conforme du conseil départemental dans certains domaines. Il convient aussi de clarifier le périmètre d’intervention de l’établissement public.

Enfin, avant même de reconstruire, il faut lutter contre les bidonvilles, mesure qui aurait dû faire partie du projet de loi. J’ai conscience que celui-ci a été soumis au Conseil d’État avant que les membres du Gouvernement ne se déplacent à Mayotte, mais les constats qui ont été faits à cette occasion auraient dû être intégrés. Les amendements du Gouvernement relatifs aux bidonvilles, qui étaient identiques aux nôtres, ont été déclarés irrecevables. Ils n’ont pas fait que subir les foudres du règlement de l’Assemblée nationale : c’est le signe d’un défaut dans l’élaboration du texte. En tout état de cause, nous serons attentifs à l’ambition qui sera donnée au second projet de loi.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous avez raison de souligner, ainsi que l’a fait la rapporteure, l’élan de solidarité en faveur de Mayotte.

L’urgence est de reconstruire, de refonder différemment. Cela étant, on ne peut nous demander de le faire bien en trois semaines ; ce n’est pas possible. Les dégâts sont considérables et un retard s’est accumulé depuis des années : j’assume à cet égard ma part de responsabilité. Il y a ainsi un travail à accomplir et nous devrons nous appuyer aussi bien sur ce texte que sur le second, que nous présenterons le plus rapidement possible.

Dans cette attente, je vous renvoie au plan « Mayotte debout », annoncé par le Premier ministre il y a quelques jours et qui contient des réponses à nombre de vos questions. Nous devons y associer pleinement les élus locaux ; c’est un engagement que j’ai pris devant eux et que je réitère devant vous, même s’il faut désormais passer des discours aux actes.

Mme Maud Petit (Dem). Nous sommes réunis dans un moment de gravité et d’urgence. La France est meurtrie : l’un de ses départements est dévasté et nos compatriotes mahorais ont tout perdu. Le cyclone Chido qui a frappé Mayotte le mois dernier a laissé derrière lui un chaos profond, des vies bouleversées. Selon le décompte officiel, au moins trente-neuf personnes sont mortes et 5 600 ont été blessées. Les familles sont désorientées, les infrastructures endommagées, l’accès aux différents réseaux reste à parfaire. Fort heureusement, la tempête Dikeledi de ce week-end n’a pas alourdi le bilan humain. Devant cette douloureuse épreuve, notre groupe salue le courage du peuple mahorais, ainsi que l’efficacité et la promptitude de l’action des bénévoles, des associations et des forces de secours.

Cette crise nous confronte à une réalité incontournable. Mayotte a les deux genoux à terre, ébranlée par les aléas climatiques, mais elle souffrait depuis de trop nombreuses années de difficultés structurelles que la République doit enfin corriger. Nos compatriotes mahorais nous exhortent à ne pas les oublier. Il est de notre devoir d’avoir une parole politique et surtout de mener des actions pragmatiques, efficaces et ancrées dans le temps long.

Au lendemain du 14 décembre, le Gouvernement a pris des mesures rapides pour, entre autres, rétablir l’électricité et déployer les secours. Le projet de loi constitue la deuxième phase d’une stratégie globale. Il vise à prendre des mesures opérationnelles, afin de faciliter l’hébergement et l’accompagnement de la population. La prolongation des droits pour les demandeurs d’emploi, la protection des travailleurs indépendants, le maintien des prestations versées par la sécurité sociale, la suspension du recouvrement des cotisations sociales et du recouvrement fiscal forcé sont autant de mesures indispensables et tout simplement humaines. Elles constituent une nécessité absolue en pleine crise.

Nous devons garantir à nos compatriotes qu’ensemble et de manière durable, nous reconstruirons, en mieux, ce qui a été détruit. Pour cela, peut-être faudra-t-il s’inspirer des autres territoires ultramarins – vous l’avez dit et je vous en remercie, Monsieur le ministre –, qui possèdent une expertise en matière de construction en milieu soumis aux risques naturels et climatiques.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Croyez-moi, je suis conscient de la difficulté et je ne cherche pas à présenter les choses sous un jour meilleur. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, tous les élus, à commencer par madame la rapporteure, me rappelleraient à l’ordre. La situation est très difficile et, hier encore, Mayotte en a pris « plein la figure », voyant la situation s’aggraver.

Répondre à l’urgence, c’est ce que nous faisons quotidiennement avec, entre autres, les services publics locaux chargés de l’eau et de l’électricité. Je sais bien que notre devoir est de reconstruire différemment. À cet égard, j’ai conscience que nous devrons affronter la question de l’habitat illégal et de l’immigration clandestine. Ce sont des défis considérables et il nous faudra tout le soutien de la nation, un engagement financier important et beaucoup de volonté politique pour que, dans quelques jours, quand on passera à une autre actualité, on n’oublie pas ce territoire.

Je m’engage à m’y rendre régulièrement pour faire le point avec les élus et à faire en sorte que les objectifs que nous nous fixons aujourd’hui et dans les prochaines semaines soient atteints.

M. Henri Alfandari (HOR). Face à l’ampleur de la catastrophe naturelle du 14 décembre, qui continue de toucher Mayotte et qui place nombre de nos compatriotes dans une situation d’extrême vulnérabilité, le groupe Horizons et indépendants adresse ses pensées à l’ensemble des Mahorais dont la vie a été bouleversée par le passage du cyclone, ainsi qu’à toutes les victimes et à leurs familles. Nous saluons aussi l’action et l’engagement des services de l’État et de l’ensemble des agents publics qui ont porté secours à tous dans l’urgence et qui assurent l’ordre public avec l’aide de la population.

À l’urgence vitale se substitue désormais l’urgence sociale, sanitaire et sécuritaire. Il est de notre responsabilité collective de nous donner les moyens de faire, et surtout de bien faire pour reconstruire Mayotte. Notre ambition doit être d’en faire un territoire moderne, sûr et durable, où chaque Mahorais puisse vivre dignement. Il nous appartient de faire en sorte que ce drame soit le point de départ d’un département reconstruit et prospère.

À ce titre, ce projet de loi constitue une première étape absolument nécessaire. Les dispositions qu’il contient permettront de soutenir la population mahoraise dans le rétablissement et l’amélioration des conditions de vie, en facilitant et en accélérant les procédures administratives et d’urbanisme pour l’hébergement temporaire, mais aussi et surtout pour la reconstruction de logements pérennes. N’oublions pas que la première des sécurités, c’est avoir un toit au-dessus de la tête, c’est-à-dire un logement décent. Avant le cyclone, 60 % des habitations étaient inadaptées aux besoins fondamentaux de leurs habitants, qui ne disposaient pas de tout le confort sanitaire de base, et une proportion significative de ces logements formait des bidonvilles.

N’oublions pas non plus que l’essentiel de la population mahoraise vivait et vit toujours dans une zone exposée au risque de submersion. Les efforts de reconstruction devront donc privilégier les solutions permettant de protéger durablement les habitants de Mayotte contre ce danger. Notre groupe soutiendra les initiatives du Gouvernement visant à renforcer la lutte contre l’habitat indigne et la proposition de geler temporairement les loyers dans l’archipel.

Au-delà de la nécessité d’enrichir le texte dans les mois à venir grâce à l’adoption de nouvelles mesures structurelles favorisant une plus grande convergence avec le territoire métropolitain, rappelons que Mayotte, c’est la France. Nous devons lui offrir le meilleur en matière de droit de l’urbanisme et de capacité d’action. Cette ambition doit également servir le territoire métropolitain qui, lui aussi, a tant besoin de pouvoir faire, dès maintenant, pour Mayotte.

Notre groupe votera bien évidemment ce projet de loi d’intérêt général visant à répondre à l’urgence de la situation. Cela étant, le département de Mayotte représente à lui seul tous les défis auxquels la France devra faire face au XXIe siècle. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un droit exceptionnel ou dérogatoire. Quand nous attacherons-nous à résoudre les problèmes et à relever ces défis ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Vos remarques sont très justes. Le 101e département a fait le choix de la France par référendum, sachant qu’il faisait déjà partie de notre pays depuis le milieu du XIXe siècle. Puis sa départementalisation a été votée à la quasi-unanimité du Parlement. Très souvent, c’est vrai, on a considéré, depuis Paris, qu’il était possible de résoudre les problèmes institutionnels sans fournir l’accompagnement nécessaire à la mise à niveau du département. Nous y sommes.

Pour reprendre les mots de la rapporteure : il faut utiliser cette catastrophe, notre devoir impérieux étant non seulement de répondre à l’urgence, mais aussi à tous les défis du territoire. Au total, 77 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté. Une grande partie de la population ne parle pas français ou est illettrée. Les problèmes sont plus lourds à Mayotte. Les questions d’immigration et d’habitat illégal sont vitales pour l’avenir de ce département et doivent être résolues. Ce texte ne répondra pas à tous ces défis, mais il représente l’une des pièces d’un ensemble plus vaste et beaucoup plus ambitieux.

M. Max Mathiasin (LIOT). Vous dites qu’il faut répondre à tous les défis concernant Mayotte. Sans vouloir profiter de la situation, je répondrai qu’il faut répondre à bien des défis concernant les outre-mer en général. Avant le passage du cyclone Chido, nous, parlementaires ultramarins, avions déjà le tournis. L’État nous a donné huit ministres chargés des outre-mer en sept ans. Je me félicite donc que vous vouliez travailler sur tous les fronts pour Mayotte. Vous êtes conscient que tout est à faire et à reconstruire – ou à construire tout simplement.

Après l’aide d’urgence largement insuffisante, il est temps de fournir une réponse durable. Celle apportée par ce projet de loi n’est que partielle. Vous l’avez dit, nous ne ferons pas l’économie d’un autre texte pour aborder les enjeux de développement économique, d’insécurité, de migration, soit autant de problèmes structurels qui ne font l’objet d’aucune disposition dans le présent projet de loi. Des pans entiers du plan « Mayotte debout », présenté par le Premier ministre, restent donc à concrétiser.

L’objet du texte est d’accélérer la reconstruction. À cette fin, une première série de mesures révise les procédures habituelles, en dérogeant pour une période de deux ans aux règles d’urbanisme et relatives aux marchés publics. Si le groupe LIOT défend de longue date l’adaptation aux spécificités territoriales, cela ne doit pas signifier un nivellement par le bas. Par exemple, nous tenons à ce que l’habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter les règles de construction à Mayotte préserve celles relatives à l’accessibilité et à l’intégration des énergies renouvelables dans le bâti. De même, les dispenses de formalités d’urbanisme, l’accélération de l’instruction des demandes d’autorisation et les dérogations aux plans locaux d’urbanisme doivent certes permettre de faire vite, mais pas d’agir n’importe comment. La reconstruction anarchique des bidonvilles ne doit pas être une option : pourtant, c’est ce qui est en cours à Mayotte.

Se pose toujours la question du financement. Près de 90 % des familles mahoraises n’ont pu assurer leur logement et attendent toujours d’avoir accès aux taux d’intérêt bonifiés qui leur permettraient de reconstruire leur toit. Quels seront le calendrier et les modalités d’accès aux prêts promis par le Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous y reviendrons sans doute : il est vrai que je suis le huitième ministre des outre-mer depuis 2017 et le sixième depuis 2022. Je souhaite mettre fin à cette série, mais cela ne dépend pas de moi. En tout état de cause, vous indiquez que non seulement les Mahorais, mais l’ensemble de nos compatriotes ultramarins ont besoin de stabilité et surtout d’une réponse concrète aux demandes et aux urgences. C’est vrai à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, mais aussi aux Antilles ou en Guyane, pour ne citer que quelques territoires, qu’il s’agisse de la vie chère, de l’immigration, de l’insécurité, ou du narcotrafic.

Ce texte vise à répondre à l’urgence, mais je répète qu’il s’inscrit dans une vision d’ensemble. Nous devons utiliser cette malheureuse, cette terrible situation pour aller vite et résoudre certains problèmes concrets, que Mme Lebec a énumérés tout à l’heure, relatifs à l’habitat et à la reconstruction dans un territoire où la majorité des Mahorais ne sont pas assurés et où il n’y a pas de droit de propriété. Cela rend difficile les opérations de soutien sur lesquelles je reviendrai tout à l’heure, mais nous devons agir.

M. Davy Rimane (GDR). Je souhaite d’abord à toutes et tous mes meilleurs vœux de santé pour 2025.

Le projet de loi d’urgence relatif à Mayotte nous laisse sur notre faim, car il s’avère technique et ne permettra pas de discuter de tous les aspects. Avant tout, notons que le département demeurera sous un régime dérogatoire pour quelque temps encore, ce qui est pour nous une totale absurdité.

Ensuite, je vous ai tous écoutés avec une grande attention et il aura malheureusement fallu qu’un drame incommensurable frappe Mayotte pour que tous les yeux de la nation se tournent vers un territoire dit « d’outre-mer ». Ce que vit Mayotte est un drame absolu, mais je tiens à rappeler que les autres territoires ultramarins sont aussi en très grande difficulté – tout comme Mayotte l’était avant le passage de Chido. J’espère que l’État sera présent pour démontrer sa capacité à bien faire les choses, de manière définitive.

J’y insiste : le non-alignement de Mayotte, 101e département, avec l’Hexagone n’est pas nouveau, mais la règle. L’État a fait la même chose avec les quatre premières anciennes colonies devenues des départements, à savoir la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion. Nous avons été logés à la même enseigne que Mayotte. Nous sommes devenus des départements français en 1946, mais ce n’est pas avant la fin des années 1980 et le début des années 1990, soit plus de quarante ans après, que nos concitoyens ont perçu les mêmes minima sociaux que ceux en vigueur dans l’Hexagone. Voilà la règle établie par l’État depuis des décennies ; nos territoires ont toujours été en marge de la République. Une fois pour toutes, il faut savoir si nos territoires sont français « à part entière »… ou si, définitivement, ils sont « entièrement à part » de la République, pour reprendre les mots prononcés par Aimé Césaire il y a déjà plusieurs décennies.

En matière d’immigration, je rappelle qu’il n’existe aucun centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) dans les territoires d’outre-mer, alors qu’il s’agit normalement d’une obligation.

De la même manière, s’agissant des bidonvilles, nous ne partons pas de rien, mais les lois en vigueur ne s’appliquent pas dans nos territoires – sachant que mon département de la Guyane est également concerné. L’État nous a laissés faire face à cette situation. La police de l’urbanisme étant entre les mains des maires, État et collectivités territoriales doivent travailler de front dans ce domaine. Quant au cadastre, il s’agit d’une compétence de l’État, pas des pouvoirs locaux.

Nous serons amenés à reparler de tous ces éléments, mais nous serons vigilants sur les dispositions qui seront votées dans le cadre du présent texte, car s’il ne comprend pas de garde-fous, notre groupe s’abstiendra.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je vous adresse à mon tour mes meilleurs vœux pour cette année dont le début est marqué pour les territoires ultramarins par des circonstances particulièrement douloureuses.

Pour Mayotte, l’heure est à la mobilisation en urgence à travers le déploiement de dispositifs de droit commun, notamment financiers, deux textes de loi et un projet de loi de finances prenant en compte sa situation.

Je suis conscient des questions liées à l’égalité entre territoires. Il suffit de comparer Mayotte à La Réunion : les dispositifs ne sont pas les mêmes dans ces deux départements qui appartiennent pourtant à la même zone géographique. Et je vous rejoins : trop souvent, on n’évoque les territoires ultramarins que lorsqu’ils sont frappés par des catastrophes naturelles ou économiques – j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de ma prise de fonctions. L’une des conditions pour atteindre l’égalité réelle est de parler d’eux régulièrement.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Toutes nos pensées vont à nos compatriotes mahorais durement touchés par le cyclone. Pour reconstruire l’archipel et répondre à l’urgence en matière d’alimentation en eau et en électricité, de logements et de moyens de communication, ce projet de loi est nécessaire. Rappelons que les problèmes actuels sont le prolongement d’insuffisances structurelles bien connues. Il nous semble inadmissible qu’un territoire français présente toutes les caractéristiques d’un pays du tiers-monde. Le Gouvernement aura l’impérieux devoir de mettre en œuvre les mesures que nous nous apprêtons à voter et le groupe UDR sera très attentif à leur application concrète. Vous avez notre soutien et notre confiance, ce qui n’exclut toutefois pas la vigilance.

À cet égard, j’appelle votre attention sur la création d’un établissement public. Il importe d’assurer la maîtrise des coûts liés à sa création comme de ses coûts de fonctionnement ou de structure afin que ces dépenses soient pleinement utiles aux Mahorais. Il faudra éviter qu’il ne connaisse le même sort que ces multiples établissements publics qui perdurent alors même qu’ils n’ont plus d’objet, ce qui pose des problèmes d’efficacité et de lisibilité de l’action publique. Il conviendra de se focaliser sur l’efficacité immédiate de son action, dans une logique de partenariat avec les autorités locales que sont les communes et le conseil départemental, dont l’avis conforme pourrait être opportun s’agissant de nombreuses décisions. Je vous accorde cependant que parvenir à une gouvernance qui soit à la fois partenariale et efficace n’est pas sans difficultés. Enfin, il s’agira de communiquer largement et objectivement sur l’évaluation des réalisations au fil de l’eau.

Au-delà de cette loi, plusieurs mesures structurelles demeurent nécessaires. Pour empêcher toute reconstruction de bidonvilles, il faudra être fermes. Pour sanctionner sans trembler les pillages, les effractions, les viols, les meurtres, il faudra rétablir – si ce n’est établir – la sécurité. Il faudra faire preuve de réalisme et prendre en compte la concurrence internationale en appliquant un statut fiscal exceptionnel aux outre-mer, en compétition géographique et financière avec des paradis fiscaux. Pour lutter fermement contre l’immigration clandestine, il faudra remettre en question un droit du sol totalement anachronique et inadapté, compte tenu du fait que la moitié de la population à Mayotte est étrangère. Nos concitoyens mahorais sont quasi unanimes sur cette question. Il serait peut-être temps de les écouter plutôt que de leur donner de bien faciles leçons d’altruisme et de démocratie depuis le 7e arrondissement de Paris. Répondons donc enfin aux exigences légitimes qu’ils expriment.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je n’ai pas de désaccords avec vous. Vous avez raison de souligner qu’on doit réussir la mise en place du nouvel établissement public. Le précédent ne fonctionnait pas, de l’avis même des élus qu’il faut écouter. La préfiguration de ses missions et de sa gouvernance est une étape essentielle car, pour utiliser une image facile, cet établissement sera le bras armé de l’État et des élus, liés par un partenariat très étroit. C’est évidemment le sens des mesures proposées que nous avons adaptées après avoir mené des discussions, notamment avec le président du conseil départemental, appelé à jouer un rôle très important dans cette gouvernance. Quant aux autres défis, nous y reviendrons. Il est bien évident que nous devrons avancer s’agissant des bidonvilles, des pillages, de l’immigration et du statut fiscal.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Patrice Martin (RN). Après le cyclone Chido, il est évidemment urgent de traiter les problèmes structurels qui se posent à Mayotte et d’organiser la reconstruction. Le projet de loi d’urgence, à son article 16, prévoit un relèvement du taux de réduction d’impôt à 75 % pour les dons versés à des associations reconnues d’utilité publique qui fourniront une aide alimentaire et sanitaire et participeront à la reconstruction. Ne croyez-vous pas que cette mesure serait susceptible de bénéficier à des associations qualifiées de « promigrants », dont l’action contribuerait à pérenniser des bidonvilles et à soutenir les démarches de personnes en situation irrégulière ? Monsieur le ministre, comment comptez-vous distinguer les associations que l’État souhaite soutenir de celles dont l’action irait à l’encontre de la volonté de fermeté migratoire que vous avez récemment réaffirmée dans une tribune, aux côtés du ministre de l’intérieur et du ministre des armées, position ardemment défendue depuis des années par Marine Le Pen et le Rassemblement national ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le chapitre VI du projet de loi comprend des mesures inspirées de dispositions destinées à encourager les dons dédiés à la reconstruction de Notre-Dame. L’article 15 facilite le versement de subventions par les collectivités territoriales et leurs groupements et l’article 16 porte à 75 % le taux de réduction d’impôt pour les dons à des associations et fondations fournissant des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou favorisant leur logement. Le Gouvernement proposera un amendement destiné à harmoniser les critères applicables aux deux articles.

Nous devons évidemment être très attentifs à tout ce qui ne correspondrait pas à la finalité de ces dons et nous focaliser sur l’action des associations qui viennent en aide à des personnes en grande détresse en trouvant le meilleur chemin possible.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Le projet de loi prévoit, pour les opérations de reconstruction et de réhabilitation, un délai de deux ans que l’on peut juger optimiste. La géographie particulière de l’archipel, avec ses nombreuses collines, ne facilite en effet pas la tâche, a fortiori en pleine période de cyclones et de tempêtes. Les habitants issus de l’immigration ont reconstruit dans une proportion de 40 % les bidonvilles qu’ils habitaient. Comment concilier l’hébergement et la protection de cette population précaire avec la reconstruction ?

Les vedettes militaires, qui contribuent à l’assistance en mer et à la lutte contre l’immigration, ont subi des dégâts. Seront-elles réparées ou remplacées ?

Mayotte compte la plus grande maternité d’Europe, avec dix mille naissances par an. L’établissement, alors même qu’il bénéficie d’aides venues de métropole, peine à fidéliser son personnel. Comment rendre ce site plus attractif pour les professionnels de santé ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’urgence va bien évidemment à la reconstitution des moyens de surveillance et de détection de la gendarmerie, de la police et de nos armées.

En matière de santé, il faudra aller plus loin. Il y a bien sûr des possibilités au sein du secteur privé, mais l’une des urgences est de reconstruire les dispensaires – voire d’en implanter de nouveaux dans d’autres zones, notamment dans le nord, pour être au plus près des habitants dans la prise en charge des pathologies.

En matière de logement, vous avez bien résumé le défi auquel nous sommes confrontés : reconstruire mieux et éviter que l’habitat illégal ne prenne de l’ampleur, alors même que les bidonvilles ont été rapidement réinstallés. C’est tout le sens de l’action que nous mènerons dans les semaines à venir, sans céder à la facilité.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Monsieur le ministre, fidèle à vous-même, vous appliquez depuis votre arrivée au ministère des outre-mer une politique du double standard. Cela se vérifie en particulier à Mayotte, qui vit une tragédie depuis le passage du cyclone Chido. Votre projet manque l’essentiel en prévoyant une reconstruction au rabais pour nos concitoyens mahorais. Par ailleurs, en voulant mettre fin au droit du sol dans ce département, vous acceptez que les droits des enfants varient selon le lieu où ils naissent sur le territoire français, ce qui porte atteinte aux valeurs universelles de la République. Ce faisant, vous faites preuve de cohérence, car vous vous situez dans la continuité de la déchéance de nationalité que vous vouliez réserver à nos compatriotes binationaux. Pourtant, une telle modification ne réglerait rien dans cet archipel, qui compte 310 000 personnes – et non pas cinq cent mille, comme a été obligé de vous le rappeler le directeur général de l’Insee, dont vous avez attaqué le travail afin d’effrayer les Français. La réponse à la question migratoire passe par la mise en place de voies de migration légales vers l’Hexagone et d’une vraie politique d’aide au développement en faveur des Comores.

La France est bien heureuse, Monsieur le ministre, d’étendre sa zone économique exclusive (ZEE) dans l’océan Indien et de profiter des richesses qui en découlent. Alors, par pitié, ne traitez pas Mayotte comme si la rue Oudinot abritait encore le ministère des colonies. Dites-nous plutôt comment vous comptez appliquer notre devise Liberté, Égalité, Fraternité dans ce département ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur Taché, vous ne pouvez pas savoir le plaisir que j’ai à vous retrouver. Je constate que ni vous ni moi n’avons changé. (Sourires.)

Le défi est de reconstruire différemment et non pas au rabais. Je veux être modeste et plein d’humilité : cela va être très compliqué, il suffit d’aller sur place pour s’en rendre compte. Personne ne l’a souligné, à part Mme la rapporteure, mais la priorité est de reconstruire des toits, et non pas seulement de poser des bâches.

Par ailleurs, je n’ai pas dit que j’étais favorable à la fin du droit du sol. J’ai simplement précisé que cela relevait d’un débat constitutionnel. Je sais ce qu’en pensent les élus mahorais et ce que nous pouvons faire dans ce cadre-là. La question de la restriction du droit du sol se pose pour des raisons évidentes. Tous les Mahorais sur place nous demandent d’agir en ce sens. Ce sujet difficile impose de sortir des caricatures.

Enfin, je rappelle que la déchéance de nationalité s’applique aux terroristes condamnés définitivement.

Mme Valérie Rossi (SOC). En raison du contexte exceptionnel de crise et d’urgence à Mayotte, il apparaît impossible de garantir, pour des raisons de sécurité, d’organisation et de logistique, un scrutin serein et équitable lors des élections à la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte, actuellement fixées au 31 janvier 2025. Il semble donc nécessaire de les reporter à une date restant à déterminer et de raccourcir la durée du mandat de ses futurs membres en vue d’une harmonisation avec le renouvellement des autres chambres d’agriculture françaises, programmé pour 2031.

Notre groupe a déposé des amendements à ce sujet, mais ils ont été déclarés irrecevables. Pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement envisage un tel report ? Si ce n’est pas le cas, comment compte-t-il assurer une organisation sereine de ce scrutin ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Pour le report, nous n’attendrons pas le prochain texte de loi. Nous utiliserons la voie du décret pour des raisons évidentes.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Nous saluons le fait qu’un projet de loi d’urgence soit consacré à Mayotte, mais déplorons ses nombreuses lacunes, particulièrement s’agissant des enfants et des jeunes alors que la moitié de la population mahoraise a moins de dix-sept ans. En matière d’éducation, aucun moyen pérenne n’a été mis en place pour assurer une scolarité tendant vers la normalité. Celle-ci n’est toutefois possible qu’à condition que les enfants soient en mesure de boire et de manger.

L’irrespect dont la ministre Elisabeth Borne a fait preuve à l’égard d’enseignants qui l’alertaient ne peut que nous inquiéter sur la considération accordée à la réalité à laquelle ils sont confrontés. Comment peut-on envisager de dispenser des cours sous des tentes, de demander aux communes de fournir du matériel scolaire ou encore de recourir à des volontaires non enseignants, alors qu’il est de la responsabilité de l’État de garantir l’égalité de tous les citoyens dans l’accès à l’éducation ? Vous prévoyez d’évacuer les personnes logeant dans les établissements scolaires : mais où comptez-vous les loger ?

Concernant la protection de l’enfance, rien n’est prévu. Certes, il s’agit d’une compétence des départements, mais, compte tenu du caractère exceptionnel de la situation à Mayotte, il est plus que nécessaire que l’État accorde aux collectivités des moyens pour garantir le bon fonctionnement des structures de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Une catastrophe ravage l’un de nos départements et c’est tout ce que fait l’État pour s’occuper de nos enfants !

M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous avez bien raison de soulever ces questions. J’ai déjà évoqué l’ASE et les enjeux psychologiques. Ce sont des sujets que nous aurons à traiter, notamment à l’occasion de cette rentrée. La ministre de l’éducation et moi-même faisons toute confiance aux enseignants. Des mesures, notamment indemnitaires, ont été annoncées lors de notre déplacement aux côtés du Premier ministre, il y a quelques jours.

Je veux être très clair : nous ne pourrons pas avancer en matière d’éducation si nous ne réglons pas la question de la surpopulation scolaire. Si les écoles explosent, c’est en grande partie à cause de l’immigration illégale. Je n’entends pas mettre en accusation qui que ce soit, j’ai le plus grand respect pour les êtres humains, notamment ceux qui vont là où la terre est plus riche qu’ailleurs – car c’est bien le cas de Mayotte, si on la compare aux Comores. Nous aurons un débat sur la construction de nouvelles écoles, sujet sur lequel je connais la position des élus mahorais. Nous n’y arriverons pas si nous ne prenons pas en compte la dimension migratoire et c’est de cela aussi que je veux essayer de vous convaincre.

M. Pascal Lecamp (Dem). J’aimerais appeler votre attention sur l’accès à l’eau potable et la commande publique. La sécurité civile a récemment passé commande à une entreprise de ma circonscription d’une centaine de machines destinées à rendre l’eau potable par un mécanisme de filtration. Validées par les agences régionales de santé (ARS), utilisées par les armées, elles ont gagné voici deux ans le concours Lépine. Toutefois, le processus s’est bloqué, car la société commanditaire par laquelle est passée la sécurité civile a commencé à négocier les modalités de paiement. Êtes-vous prêt, Monsieur le ministre, à prendre l’avion avec l’une de ces machines qui permet en un tournemain de transformer l’eau saumâtre en eau potable ? Cette solution est très attendue.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il est clair qu’il faut renforcer le plan « Eau » et assouplir les procédures de la commande publique. Je ne suis toutefois pas certain de pouvoir acheminer directement ces machines car j’emprunte des avions de ligne, mais je vous invite à me transmettre ce dossier et nous verrons comment le traiter.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je vous propose d’adresser également nos remerciements aux départements qui se sont montrés solidaires en envoyant des renforts à Mayotte par l’intermédiaire des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).

Ma question porte sur les infrastructures à reconstruire. Vous qui avez été élu local, Monsieur le ministre, vous savez que l’on raisonne toujours en termes d’ « équivalent-habitant ». Il s’agit donc de savoir pour combien d’habitants reconstruire : 280 000 ou plutôt 500 000 ? Lors de son audition, le préfet de Mayotte a voulu me rassurer en m’indiquant qu’un recensement allait être effectué. Or, on sait très bien que les populations en situation irrégulière n’acceptent pas d’être recensées. La question de la jauge va donc immanquablement se poser. Quelles mesures prévoyez-vous pour favoriser une approche concrète des futurs travaux ? Qu’en est-il de l’expulsion de clandestins ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai pu constater sur le terrain l’engagement des Sdis, manifestation de la solidarité des différents départements, et, d’une manière générale, le déploiement des moyens de l’État, qui renvoie de manière concrète à la présence des policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, personnels soignants et sous-préfets engagés auprès du préfet.

Le recensement est une question fondamentale qu’il faut aborder de la manière la plus franche possible. Ses résultats influent sur la politique scolaire ou les aides que l’État consacre à ce département. À l’Insee de faire son travail, nous verrons ce qu’il sera capable de produire. Pour le nombre d’habitants, je pense avoir donné une estimation qui n’est pas très éloignée de la réalité. Il est évident que la politique migratoire doit changer de niveau, ce qui suppose des reconduites à la frontière.

M. Stéphane Travert (EPR). Quelles mesures spécifiques le Gouvernement envisage-t-il pour prévenir les constructions dans les zones particulièrement exposées aux aléas littoraux, lesquels s’intensifient sous l’effet du changement climatique ? Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) mène des travaux pour mettre à jour l’indicateur national d’érosion côtière et évaluer les menaces qui pèsent sur les biens exposés au recul du trait de côte à l’échelle nationale. Seront-ils étendus à Mayotte pour mieux accompagner le territoire dans sa reconstruction et garantir une urbanisation résiliente et durable ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai échangé avec la ministre de l’environnement. Un cadre s’est rendu auprès du syndicat mixte Les eaux à Mayotte (Lema) et le Cerema va faire le point sur les sujets que vous avez évoqués. Il est évident que l’impact du cyclone et de la tempête tropicale intense pose à Mayotte des problèmes nouveaux, dans les communes du sud mais aussi du nord, à propos desquels les services de l’État ont été alertés. Il nous faut faire preuve de la plus grande vigilance, notamment en ce qui concerne les constructions illégales.

M. René Pilato (LFI-NFP). Reconstruire à l’identique ou rebâtir trop rapidement pose problème : des vents de 250 kilomètres par heure ont déjà détruit des infrastructures répondant aux normes les plus exigeantes.

Les déchets générés par le cyclone, stockés sur place, sont source de pollution, a-t-on appris lors des auditions, et les moyens ne permettent pas de tous les recycler. Je vous ferai une proposition : ne pourrait-on lancer un grand plan de nettoyage de l’archipel qui distinguerait les déchets recyclables sur place de ceux qui doivent être extraits, par exemple dans des conteneurs mis gratuitement à disposition par les compagnies maritimes dans un effort de solidarité ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il existe trois types de déchets. Les déchets ménagers, massivement présents, sont ceux qui, pour des raisons de santé publique, doivent être dégagés le plus vite possible et traités sur place. Les déchets lourds (appareils électroménagers, carcasses de voitures, tôles, etc.) feront l’objet d’opérations d’écrasement en Asie et surtout en Afrique. Enfin, les déchets liés à la forêt, qui a été en grande partie détruite, posent des défis en matière d’utilisation de la biomasse que nous devrons relever. La priorité reste le traitement des déchets ménagers, d’autant que la tempête d’hier n’a pas arrangé les choses. Cela fait partie des objectifs fixés au préfet.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Ce projet de loi prolonge les droits et les prestations sociales des Mahorais jusqu’au 31 mars 2025, délai que le groupe Socialistes estime trop bref.

Par ailleurs, nous aimerions en savoir plus sur l’application au département de Mayotte de deux réformes, celle de l’assurance chômage et celle du RSA conditionné. Dans ces circonstances dramatiques, il nous paraît ubuesque que les sinistrés bénéficiaires de cette aide soient astreints à quinze heures d’activité par semaine, alors même que l’économie de l’archipel est paralysée. Je citerai le cas de mon département, où certains agriculteurs ont été soumis à cette obligation après le passage de la tempête Ciarán. Quelle est votre position sur l’application de ces réformes ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je vous propose de répondre plus tard, car je disposerai de plus de temps.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Il y a dix ans, en 2015, alors que vous étiez Premier ministre, vous présentiez à Mayotte le plan « Mayotte 2025 ». Force est de constater que le cyclone n’a pas seulement détruit, il a aussi révélé ce qui n’a pas été fait et nous pouvons voir un aveu d’échec dans votre évocation de la situation très insatisfaisante de ce département avant le passage du cyclone. Vous avez souligné la nécessité de reconstruire, sur laquelle nous nous accordons ; mais il s’agit aussi de refonder, ce qui suppose de changer tout ce qui n’a pas fonctionné depuis dix ans. Or, vos réponses donnent l’impression que vous avez l’intention de refaire ce qui a déjà été fait et n’a pas fonctionné, notamment en matière de politique migratoire.

Pour ce qui est de l’éducation, reconstruire est absolument nécessaire, mais cela sera totalement insuffisant quand on sait, comme l’a souligné la Défenseure des droits, que quinze mille enfants n’ont pas accès à la scolarité. Au-delà de ce texte, quels moyens budgétaires dédiés aux bâtiments, aux fournitures, aux matériels et aux personnels prévoyez-vous pour assurer à tous les enfants de Mayotte ce droit à la scolarisation ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis plein de modestie et d’humilité à l’égard du passé. Je me rappelle avoir posé la première pierre de l’hôpital de Petite-Terre, qui aujourd’hui fonctionne, d’avoir lancé un plan pour l’école, en partie réalisé, même s’il a été rapidement remis en cause par la démographie et l’augmentation massive de l’immigration illégale. Bien évidemment, chaque enfant a droit à l’école. Mais si nous ne réglons pas ce problème, nous n’arriverons à rien ; tout le monde sera perdant : les immigrés illégaux et les Mahorais, notamment les plus jeunes. Il faut trouver la bonne voie, dans le respect de l’État de droit et des droits des personnes, mais, je le répète, si nous ne reconduisons pas aux frontières tous ceux qui sont venus de manière illégale et qui vivent d’ailleurs dans des conditions indécentes, nous ne parviendrons pas à reconstruire Mayotte.

M. Antoine Golliot (RN). Le département de Mayotte subit une pression migratoire grandissante, due notamment à l’attractivité du droit du sol. Cette situation alimente des tensions sociales, surcharge les infrastructures, notamment de santé et d’éducation, et crée un sentiment d’injustice au sein de la population mahoraise. Les récents événements dramatiques survenus dans l’archipel accentuent la détresse de la population locale. Dans ce contexte, la suppression du droit du sol et le rétablissement de frontières étanches apparaissent comme des mesures indispensables pour freiner l’immigration clandestine, comme le demande le groupe Rassemblement national depuis des années.

Monsieur le ministre, au-delà de vos déclarations à la presse, pouvez-vous nous indiquer les étapes législatives prévues pour mettre en œuvre au plus vite cette réforme et les moyens envisagés pour garantir son efficacité sur le long terme ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il y a quelques mois, l’ancien ministre Gérald Darmanin a évoqué la création d’un « rideau de fer » qu’il importe de rendre effectif. Cela me paraît essentiel pour stopper ces flux migratoires. Est-ce facile ? Non, mais il faut le faire. Sur le plan diplomatique, il convient de nouer un dialogue exigeant avec les Comores, notamment sur tout ce qui concerne l’aide au développement. Par ailleurs, concernant l’habitat illégal, il s’agira de procéder à des expulsions et à des reconduites à la frontière. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont concernées. C’est une tâche particulièrement difficile à laquelle le Gouvernement devra s’atteler.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je poursuis l’intervention que j’avais faite au nom du groupe. De nombreuses exploitations agricoles ont été ravagées, alors même que les agriculteurs mahorais attendent toujours les aides promises après la sécheresse de l’été dernier. Ce n’est pas un montant de mille euros par exploitation qui permettra de soutenir l’agriculture de l’archipel. Il faut attendre six mois pour qu’un plant de manioc arrive à maturité et onze à douze mois pour un plant de bananier : l’accès à l’alimentation est primordial durant ce laps de temps. La relance de l’agriculture est urgente.

Avez-vous prévu pour Mayotte une chambre d’agriculture de plein exercice, distincte des activités de pêche et d’aquaculture et dotée de moyens de fonctionnement suffisants ? Je rappelle que cette demande formulée depuis longtemps par les professionnels mahorais a été relayée par le préfet lors de son audition.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Face à cette situation catastrophique, j’ai rencontré sur place les représentants de l’ensemble des filières des secteurs agricole et de la pêche – celui-ci était déjà en grande difficulté et l’est encore davantage après le passage du cyclone. Il faut reconstituer les organisations et soutenir ces activités afin d’assurer l’autonomie alimentaire souhaitée par les élus mahorais. Il est urgent de reconstruire ces filières, de répondre aux besoins alimentaires des Mahorais et de préparer le mois du ramadan.

M. Philippe Naillet (SOC). Un chef d’entreprise à l’idéologie infecte, Elon Musk, qui attaque les démocraties et l’Europe – notamment l’Allemagne et l’Angleterre –, a proposé de déployer des antennes Starlink à Mayotte. Est-ce une solution temporaire ? Si tel est le cas, quelle serait la solution alternative et quel est le coût de cette installation pour l’État ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’opération, dont le coût est très faible – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Starlink a été choisi –, permet aux communes et aux Mahorais de communiquer vers l’extérieur, ce qui était indispensable. Orange n’était pas en mesure de proposer cette solution temporaire, qui est efficace comme je l’ai constaté sur place. Plutôt que de critiquer Starlink et son fondateur, la France ou l’Europe devrait se doter d’outils aussi efficaces.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Mayotte l’oubliée focalise toute l’attention à la faveur d’un cyclone qui l’a dévastée. Faut-il toujours attendre une catastrophe pour agir ? Il est temps de traiter les départements d’outre-mer de la même façon que ceux de l’Hexagone.

Mayotte, le département le plus pauvre de France, n’est toujours pas ancrée au sein de notre République. Ce n’est pas l’immigration irrégulière qui est à l’origine de la dévastation du 101e département français, mais bien son abandon par la nation française. Il faudra des moyens financiers pour construire Mayotte.

Le projet de loi de finances du Gouvernement Barnier prévoyait un coup de rabot de quatre cents millions d’euros sur le budget dédié à l’Outre-mer. Or Mayotte a besoin d’un plan de développement d’urgence structurel, afin d’assurer une vie digne à nos concitoyens mahorais. Celui-ci garantirait tant l’accès à l’eau et aux soins pour tous que l’accueil de tous les enfants à l’école, et prévoirait notamment la construction d’infrastructures adaptées aux enjeux environnementaux et de logements durables. Vous engagez-vous à allouer les moyens nécessaires ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous avez raison, l’immigration n’est pas la seule difficulté que le cyclone a révélée. Je le répète : si nous ne résolvons pas ce problème ainsi que celui de l’habitat illégal, nous ne pourrons pas reconstruire différemment et dans de bonnes conditions.

Le second projet de loi relatif à Mayotte comportera des mesures structurelles favorisant son développement économique et social. Demain, le Premier ministre prononcera sa déclaration de politique générale et je serai au Sénat mercredi à l’occasion de l’examen de la mission Outre-mer. Certains arbitrages relatifs au budget de l’outre-mer sont en train d’être rendus. L’adoption du projet de loi de finances est entre les mains des parlementaires.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Le sujet est très difficile et ne se prête ni aux amalgames, ni aux envolées lyriques. S’agissant des amalgames ou des facilités de langage, on ne construira jamais un rideau de fer entre Mayotte et Anjouan, à moins de faire faire des ronds dans l’eau au porte-avions Charles de Gaulle, ce qui nous coûterait fort cher politiquement et financièrement.

Le sujet est difficile car qui se refuse à l’amalgame évite de parler d’habitat illégal. À Mayotte, de nombreuses maisons sont illégales, y compris celles qui sont occupées par des Français de longue date, car ces maisons – ou, à tout le moins, leurs extensions – ont été construites sans permis de construire.

Tous les habitants des quartiers d’habitat informel ne sont pas des étrangers ou ne sont pas des étrangers en situation irrégulière. Des Français ou des personnes en situation régulière, qui s’inquiètent de l’échéance de leur titre de séjour, y vivent. De nombreux titres expireront entre le 14 décembre 2024 et le 31 mars 2025. Le bureau de la préfecture qui traite ces dossiers est fermé depuis plus d’un mois. La validité de ces titres de séjour sera-t-elle prolongée ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. S’agissant de la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte, le second projet de loi séparera les activités liées à l’agriculture et celles liées à la pêche.

Quant au RSA, l’ordonnance du 12 juin 2024 reporte de trois ans l’obligation de signer un contrat d’engagement. Le projet de loi de ratification a été déposé avant Noël.

Je me garderai bien de me livrer à des envolées lyriques. J’ai simplement rappelé que l’idée du rideau de fer avait été soutenue par Gérald Darmanin, qui était, à l’époque, ministre de l’intérieur. Si nous ne mettons pas un terme à l’immigration illégale – je conçois que c’est très difficile de lutter contre ce phénomène, notamment en mer – et si nous ne modifions pas notre relation avec les Comores, nous ne parviendrons pas à reconstruire Mayotte.

S’agissant de l’habitat illégal, ne confondons pas l’habitat des Mahorais, qui est un habitat légal bien qu’il existe des problèmes relatifs aux titres de propriété ou tenant à la souscription d’une assurance, avec l’habitat illégal, qui s’est reconstruit rapidement dans des conditions encore plus précaires après le passage du cyclone Chido. À Mayotte, 30 % de l’habitat est illégal et 30 % de la population mahoraise est en situation irrégulière. Ces chiffres montrent la complexité du problème auquel nous sommes confrontés. Nous devons lutter contre l’habitat illégal et l’immigration irrégulière afin de reconstruire Mayotte. Le projet de loi que nous présenterons dans quelques semaines traitera notamment de ces questions.

Quant au droit du sol, sa réforme doit faire l’objet d’une révision constitutionnelle – il ne me revient pas d’en prendre l’initiative. Il a fait l’objet de restrictions afin de lutter contre l’immigration clandestine, dans le respect du cadre constitutionnel. Certains élus, parmi lesquels des élus mahorais, veulent aller plus loin et remettre en cause le droit de sol en Guyane et à Mayotte. Le débat est ouvert sur ces questions qui seront traitées par le Parlement.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. S’agissant de l’électricité, l’opérateur EDM adresse aux élus de Mayotte un point quotidien sur la situation. Monsieur le ministre d’État, vous avez indiqué que 81 % du réseau avait été rétabli. Or la situation des foyers privés n’est pas prise en compte, cette proportion recouvrant uniquement celle des entités qui ont soumis une demande prioritaire à EDM, à savoir l’administration – notamment le rectorat, la préfecture et les mairies –, les commerces, le secteur de l’eau et de l’assainissement, la santé, les télécoms et l’industrie.

À ce jour, comme nous ne disposons pas de statistiques, nous ignorons combien de foyers mahorais ont de nouveau l’électricité. Ce qui est certain, c’est que Mayotte est plongée dans le noir : très peu de lumières sont allumées le soir. Il est insupportable d’entendre que la situation s’améliore alors qu’elle reste un parcours du combattant pour les habitants. Il est faux de dire que 81 % des foyers ont l’électricité à Mayotte aujourd’hui.

Je rejoins mes collègues du groupe LFI-NFP : à Mayotte, les inégalités sont structurelles. Seules 50 % des prestations sociales sont versées à Mayotte et leur montant est égal à 50 % de celui versé dans l’Hexagone, alors même que le coût du panier alimentaire est 164 % plus cher que dans l’Hexagone. Du reste, ces chiffres sont antérieurs au passage du cyclone Chido qui entraînera une inflation délirante.

Monsieur Taché, le passage du cyclone Chido a ravagé Mayotte, plus rien ne fonctionne. Alors que les Comores ont été épargnées, j’ai du mal à entendre que Mayotte serait plus riche. Quels sont vos critères en matière de richesse ? Vous continuez à justifier l’immigration clandestine, qui se poursuit, alors qu’il n’y a plus ni eau, ni électricité, ni nourriture à Mayotte. Vous avez l’outrecuidance de proposer d’inclure les Comores au maigre programme de reconstruction de Mayotte ! Les mots me manquent. Votre propos sur le droit du sol est tellement déconnecté de la réalité que l’on ne vous entend plus à Mayotte. Non seulement vous ne venez pas, mais vous tenez des discours qui alimentent les ingérences étrangères sur notre sol. Demander à des personnes qui n’ont plus de toit de continuer à accueillir des migrants est d’une obscénité qui dépasse les bornes. Si vous souhaitez que notre débat soit respectueux, évitez de tenir ce genre de propos. Avant, ils étaient pénibles ; désormais, ils relèvent d’un dogmatisme qui dépasse l’entendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

En ce qui concerne l’aide aux Comores, dans le cadre de l’accord-cadre de coopération pour lutter contre l’immigration clandestine, signé en 2019, les Comores ont reçu 200 millions d’euros. En 2019, on dénombrait 27 000 reconduites à la frontière contre 20 000 l’an dernier. Ainsi, plus on verse de l’argent aux Comores, moins de personnes sont reconduites à la frontière. C’est un non-sens en matière d’efficacité de la dépense publique.

S’agissant des élections à la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, un amendement visant à reporter de deux ans les élections a été déposé et déclaré irrecevable ; c’est une fausse bonne idée. Je souhaite vous alerter sur le contexte très particulier. Confrontée à des cas de corruption très graves, la chambre d’agriculture est totalement paralysée et ne fonctionne pas depuis plusieurs années. Le parquet national financier et d’autres institutions judiciaires ont été saisis de ces dysfonctionnements. Aucune personne en fonction n’a accepté de collaborer avec la justice ou n’a déclenché la procédure de l’article 40 du code de procédure pénale, alors que plusieurs dizaines de millions d’euros ont disparu.

Dans l’intérêt même des agriculteurs et des pêcheurs de Mayotte, on ne peut laisser perdurer une telle situation deux ans de plus. Alors que le Gouvernement s’apprête à prendre un décret, je lui demande de faire preuve de la plus grande vigilance et de ne pas aller dans ce sens. Personne n’est favorable au report de ces élections. Un délai de quelques mois pourrait, à la rigueur, être acceptable, certainement pas un délai de deux ans.

Quant aux sujets d’éducation, je ne mettrai pas en cause les centaines d’enseignants qui furent les premiers à prendre l’avion après le passage du cyclone, compte tenu du traumatisme qu’ils ont subi. En revanche, le Gouvernement a jugé bon de verser une prime de 2 000 euros aux seuls enseignants titulaires pour les dédommager des dégâts du cyclone, alors que les vacataires représentent 75 % des enseignants à Mayotte. Je suis surprise que le groupe LFI-NFP n’ait pas relevé cette véritable injustice qui a provoqué l’indignation de nombreuses personnes à Mayotte.

S’agissant de l’ASE, je m’étonne aussi que vous n’ayez pas soulevé la non-application à Mayotte de la circulaire Taubira qui permet normalement la prise en charge des mineurs isolés dans l’ensemble du territoire national. Il ne s’agit pas d’une question de moyens. Depuis plusieurs années, le conseil départemental réclame de bénéficier de la solidarité nationale pour prendre en charge les mineurs isolés.

Quant à l’Insee, elle est incapable d’établir des statistiques à Mayotte, Monsieur Taché. Elle estime à 310 000 personnes la population de Mayotte alors que le préfet Colombet a distribué 450 000 masques durant la crise de la covid, en précisant qu’un masque par adulte était prévu. La consommation d’eau, de riz, d’électricité à Mayotte montre que la population serait plutôt d’un demi-million d’habitants. Nous avons notre idée sur la raison de l’incapacité de l’Insee à compter : nous savons que cela permet notamment d’abaisser le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée à Mayotte.

À plusieurs reprises, nous avons demandé à l’Insee de revoir la méthode qui lui permet de calculer la population. Un recensement repose sur la récolte de données qui sont ensuite traitées par un algorithme. Or il n’existe aucune donnée à Mayotte. Par ailleurs, j’ai demandé au directeur régional la raison pour laquelle l’Insee utilisait des algorithmes créés pour l’Europe alors même que l’organisme reconnaît la spécificité de Mayotte. La Banque mondiale ou le FMI utilisent des algorithmes dans le cadre des recensements à Madagascar, en Tanzanie, au Mozambique ou au Kenya qui pourraient être utilisés par l’Insee pour Mayotte. L’Insee a comparé la consommation de riz à Mayotte à celle de Madagascar, dont le dernier recensement remonte à 1994, et refuse de la comparer à celle de La Réunion, qui est pourtant le territoire français voisin de Mayotte. Je suis surprise que personne, au sein de l’État, n’encourage l’Insee à revoir ses chiffres.

Cela étant, le Gouvernement s’est engagé à réaliser un « recensement flash » à Mayotte. Les élus mahorais seront très attentifs à la tenue de cette promesse et demandent que ce travail s’appuie sur les données Google et téléphoniques ainsi que sur la consommation de riz. Lors des distributions d’eau récentes, tous les maires de Mayotte ont indiqué que la consommation d’eau était celle d’une population d’un demi-million de personnes. Ce recensement devrait permettre à l’île de se reconstruire sur des bases cohérentes qui correspondent à la population réelle.

S’agissant du retrait du trait de côte, qui est une question fondamentale, 90 % de la population à Mayotte vit sur le littoral. Elle est directement menacée par la montée des eaux qui résulte non seulement du changement climatique, mais surtout du phénomène d’enfoncement de l’île à cause de l’activité sismique et de la naissance d’un volcan en 2018. L’île s’est enfoncée de 5 centimètres en quelques années, plus rapidement que ne l’avaient prévu les scientifiques.

Enfin, concernant la pêche et l’agriculture, lors des visites du président de la République, du Premier ministre et du ministre d’État, ministre des outre-mer, nous avons demandé, à de nombreuses reprises, que des semences et des pousses soient envoyées rapidement de pays voisins (Madagascar, Inde et Kenya) afin de les planter, car c’est la saison des pluies. Nous craignons que la sécurité alimentaire ne soit pas assurée, notamment durant le ramadan. En attendant la reprise des activités agricoles et de la pêche, des arrêtés temporaires ont été pris pour autoriser l’importation de produits de pays voisins. Ils étaient très attendus car nous n’avons pas les mêmes habitudes alimentaires que dans l’Hexagone. Pour rappel, Mayotte était déjà dépendante à 75 % des importations avant le passage du cyclone. Nous avons l’espoir que cette crise nous permette de sortir par le haut et de structurer notre pêche et notre agriculture afin d’assurer notre souveraineté alimentaire.

Mme Aurélie Trouvé, présidente. Je réitère le soutien de tous les parlementaires aux Mahorais et aux Mahoraises. J’en profite également pour saluer, au nom de la commission, l’action de tous les personnels de l’État depuis le 14 décembre.

Nous en venons maintenant à l’examen des vingt-deux articles du projet de loi. Ces dispositions prévoient des dérogations, des dispenses et des aménagements exceptionnels et temporaires en matière de droit de l’urbanisme et de la construction, dans le cadre de l’application des règles de la commande publique, ou dans l’exercice des compétences des collectivités territoriales. Elles comportent également des mesures d’allégements très ciblées en matière fiscale et sociale à titre temporaire, en particulier pour les dons aux associations et le recouvrement fiscal forcé.

Néanmoins, le projet de loi ne concerne pas, par exemple, le droit des étrangers, le droit de la nationalité, la lutte contre l’habitat informel, l’encadrement des loyers (ou celui du prix de l’énergie) ou la fiscalité en général. Aucun article du projet de loi ne traitant de ces questions, les amendements les abordant ont donc été déclarés irrecevables. Sur un total de 295 amendements, 41 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, soit un taux d’irrecevabilité de moins de 13 %, contre 22 % pour le projet de loi pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Par ailleurs, 27 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, après consultation du président de la commission des finances. Compte tenu des irrecevabilités, notre commission est saisie de 219 amendements.

 

 

CHAPITRE Ier – COORDINATION DE LA RECONSTRUCTION DE MAYOTTE ET RECONSTRUCTION DES ÉCOLES

 

Article 1er : Habilitation à modifier la gouvernance et les compétences de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte

 

Amendement CE82 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Le taux d’irrecevabilité montre bien que l’objet de ce texte est restreint. Il est donc nécessaire d’en examiner un second rapidement qui abordera les sujets que nous avons évoqués – sécurité, économie, immigration, etc.

L’amendement vise à réduire le délai de présentation de l’ordonnance de trois à un mois afin d’accélérer la reconstruction de Mayotte, compte tenu de l’urgence de la situation.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. Je comprends le caractère d’urgence, mais il s’agit du délai standard pour prendre une ordonnance. La transformation de la gouvernance de l’Epfam ou la création du nouvel établissement public annoncée par le Gouvernement nécessite d’associer les élus mahorais et de donner le temps au dialogue.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis. Le général Facon, qui a été nommé préfigurateur de l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte, se rendra à Mayotte dès cette semaine, si les conditions climatiques le permettent, pour poser les fondations de l’établissement public avec l’ensemble des parties prenantes. Je m’engage à ce que le Gouvernement présente cette ordonnance dans les meilleurs délais.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE227 du Gouvernement

M. Manuel Valls, ministre d’État. Cet amendement tend à répondre aux demandes exprimées par les élus en ce qui concerne l’outil chargé de la reconstruction de Mayotte. Il clarifie la rédaction de l’article 1er en précisant que l’établissement public chargé de la reconstruction à Mayotte ne sera pas l’Epfam mais une nouvelle entité. Il s’agissait d’une demande forte des élus.

Outre les missions dévolues aujourd’hui à l’Epfam, il exercera une mission globale de coordination et de réalisation des travaux de reconstruction de Mayotte. Il fera donc l’objet d’une nouvelle dénomination et se caractérisera par une gouvernance et une organisation spécifiques et renouvelées qui seront définies par voie d’ordonnance, dans le cadre d’un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes, notamment des élus – j’y insiste.

L’amendement précise la transition entre l’Epfam et le nouvel établissement, en garantissant notamment que les agents de l’Epfam soient rattachés à l’établissement prochainement créé.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

Mme Dominique Voynet (EcoS). J’ai été un peu caricaturale tout à l’heure au sujet de l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte. Je m’inquiète surtout des délais de mise en place d’une nouvelle structure : nouveaux statuts, nouvelles équipes, nouvelles missions, réorganisation interne, recrutement… Avons-nous vraiment le temps ?

Vous avez souligné que l’Epfam n’avait pas bonne presse ; je le comprends. Cela tient à sa mission : il n’est jamais populaire d’exproprier. J’ai l’impression que l’État se déshabille quelque peu. Alors qu’il avait repris la main sur des dossiers importants – comme celui du deuxième hôpital – après des années de négociations improductives, il semble ici renoncer. Pourriez-vous nous en dire plus sur les missions de l’Epfam et sur l’autorité dont il disposera face aux collectivités locales pour mener à bien des projets qui sont engagés mais qui risquent d’être gelés durant la période de transition ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le général Facon mènera la mission de préfiguration dans les meilleurs délais, et j’espère pouvoir vous communiquer des éléments complémentaires en séance. Quoi qu’il en soit, le nouvel établissement gardera les missions de l’Epfam. Il s’agit aussi de créer les conditions d’une confiance renouvelée en tenant compte des inégalités et des problèmes structurels de Mayotte ainsi que des conséquences du cyclone. Nous souhaitons consolider ce bras armé pour aider à la reconstruction de Mayotte en lien plus étroit avec les élus – car dans ce domaine, la confiance s’est perdue. Tel est le sens de cette mission. L’objectif est d’être plus efficace sur le terrain.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’Epfam a très mauvaise réputation à Mayotte, car il a pour habitude d’acheter à des prix dérisoires des terres à des personnes souvent démunies, illettrées et incapables de faire face à la machine administrative. Il est également connu pour exercer des manœuvres proches de l’intimidation. L’ensemble des élus mahorais ont expressément demandé au Gouvernement de créer un autre établissement public.

L’Epfam exerce par ailleurs les missions d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). À ce titre, il devrait protéger les terres agricoles. Dans les faits, c’est tout le contraire : il utilise ses pouvoirs pour vendre des terres agricoles en vue de réaliser des projets commerciaux. Les agriculteurs nous en ont alertés.

Enfin, ce jeune établissement n’ayant pas encore livré de projets complets, il est difficile de savoir s’il suffira de l’étoffer, comme vous semblez le suggérer, pour lui permettre de conduire la reconstruction.

Ménageons le temps nécessaire pour que l’ensemble des acteurs locaux puissent prendre part à la gouvernance du nouvel établissement, en réponse aux attentes des Mahorais.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE87 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Nous devons évidemment nous appuyer sur les élus locaux, qui sont les meilleurs connaisseurs de leur territoire. C’est pourquoi nous proposons que l’ordonnance définisse les règles relatives à l’Epfam après avis conforme du conseil départemental de Mayotte.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le Gouvernement a pris un engagement en ce sens. Je vous recommande donc de retirer votre amendement qui, normalement, est satisfait.

M. Philippe Gosselin (DR). Tout est dans le « normalement » ! Le ministre pourrait-il préciser cet engagement ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je comprends parfaitement votre intention, et je me suis déjà engagé auprès des élus. Nous écoutons d’ores et déjà leur avis – la rapporteure et moi-même avons eu une séance de travail avec le président du conseil départemental, et je dois le revoir cette semaine à Paris. Ce travail commun a donné lieu à l’amendement gouvernemental qui vient d’être adopté.

Je réitère mon engagement : nous entendons associer formellement l’ensemble des collectivités territoriales de Mayotte, notamment le conseil départemental et son président, à l’élaboration de la gouvernance future de l’établissement public, avant de les associer étroitement à la gouvernance elle-même. Au-delà des élus, nous devrons voir comment la société mahoraise peut être davantage intégrée à cette gouvernance, sans nuire à l’efficacité de l’établissement public. De mon point de vue, l’exigence d’un avis conforme du conseil départemental ne constitue pas la solution la plus adaptée pour associer les élus ; elle est peut-être même inconstitutionnelle. Cela risquerait de ralentir la publication de l’ordonnance, alors que le nouvel établissement public doit voir le jour le plus rapidement possible. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Philippe Gosselin (DR). Compte tenu de ces explications, je retire mon amendement, quitte à le redéposer en séance si nécessaire.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE156 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). À l’alinéa 3, il s’agit de substituer aux mots « y associer les collectivités territoriales de Mayotte et » les mots « maintenir une représentation équilibrée des représentants de l’État et des collectivités territoriales de Mayotte et à y associer ».

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cette proposition va dans le bon sens et reflète les attentes des élus locaux. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai déjà dit que nous souhaitions engager fortement l’État dans la reconstruction de Mayotte et y associer tous les acteurs locaux. À la suite des échanges qui ont eu lieu, et sans préjuger des travaux de préfiguration, il apparaît clairement, par exemple, que la présidence de l’établissement sera confiée à un élu. Pour autant, l’organisation et la composition précise des organes de gouvernance du futur établissement public méritent la poursuite du dialogue et de la réflexion. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement, qui vise à associer davantage les élus de Mayotte aux décisions concernant les grands problèmes que rencontre l’archipel.

Par ailleurs, Madame la rapporteure, qui procédera au recensement « flash » ? Est-ce l’Insee ?

Enfin, pour lever tout malentendu, je n’ai jamais affirmé que Mayotte bénéficiait de plus de richesses que les Comores, mais que l’Hexagone devait mieux répartir les richesses avec les territoires ultramarins. Sur l’ensemble du projet de loi, ma ligne de conduite sera claire : le droit commun, encore le droit commun, toujours le droit commun – et le droit du sol en fait partie.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le Gouvernement s’est engagé à ce que le recensement soit effectué dans l’année. Je ne sais pas s’il sera conduit par des entreprises privées, comme le président du conseil départemental l’a envisagé, ou par l’Insee. Dans ce cas, pour les élus de Mayotte, il n’est pas question de reproduire les méthodes du passé.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Premier ministre a annoncé un recensement rapide, organisé en lien avec les maires. Nous verrons avec l’Insee dans quelle mesure il peut avoir lieu. Ce ne sera certainement pas facile. Je comprends donc que les élus locaux, notamment le conseil départemental, cherchent d’autres méthodes pour obtenir la vérité des chiffres. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE127 de M. Davy Rimane

M. Davy Rimane (GDR). Nous souhaitons que les associations à vocation caritative et humanitaire de Mayotte soient représentées dans la gouvernance de l’établissement public qui coordonnera les travaux de reconstruction. Cet amendement a été travaillé avec l’association Mayotte a soif.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Étant moi-même issue de la société civile et ayant présidé un collectif de citoyens à Mayotte, je sais combien il est important d’écouter et de consulter les associations, mais je ne suis pas sûre qu’elles aient leur place dans la gouvernance de l’établissement. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous abordons une série d’amendements visant à associer différents acteurs à l’organisation et à l’administration de l’établissement public : associations humanitaires, collectifs citoyens, ONG, comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte, acteurs associatifs et syndicats. L’ordonnance et le décret statutaire de l’établissement devront préciser les acteurs qui y seront associés et les modalités d’association. Selon les concertations qui seront menées et le statut final de l’établissement, l’association des acteurs sociaux et économiques et de représentants de la société mahoraise pourrait être appropriée. L’amendement CE116 de la présidente Trouvé, qui évoque les « acteurs sociaux », couvre l’ensemble des acteurs précités. C’est pourquoi le Gouvernement propose le retrait des amendements CE127, CE132, CE23, CE24 et CE126 au profit du CE116.

M. Davy Rimane (GDR). Si le ministre s’engage à ce que les associations caritatives et humanitaires soient consultées et participent aux travaux, je suis prêt à retirer mon amendement. Je souhaite toutefois obtenir un engagement clair. Je ne comprendrais pas que ces acteurs, qui font face aux situations difficiles sur le terrain au quotidien, ne soient pas parties prenantes de la reconstruction de Mayotte.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement de la présidente répond à votre préoccupation. En m’y déclarant favorable, je souligne l’importance d’associer la société civile mahoraise à la gouvernance de l’établissement, selon des modalités à définir : conseil d’administration, comité stratégique…

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE132 me paraît très important, car il concerne le comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte, non couvert par l’amendement de la présidente. Je ne souhaite donc pas qu’il soit retiré.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE132 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Il s’agit, précisément, d’associer le comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte à la gouvernance de l’établissement public. En effet, la vétusté des réseaux de distribution d’eau préexistait au cyclone Chido et causait déjà 40 % de perte de l’eau potable. Les acteurs qui connaissent le mieux les réseaux d’eau et d’assainissement doivent être associés à la reconstruction, afin d’améliorer la distribution et la situation sanitaire.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’entends vos arguments, mais je m’inquiète du bon fonctionnement de l’établissement. Je m’en remettrai à la sagesse de la commission.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je voterai contre l’amendement. À force d’accumuler les acteurs dans la gouvernance, nous risquons d’introduire une pomme de discorde qui ralentira les travaux et nuira à l’efficacité de l’établissement. Ces acteurs pourront en revanche être des personnes publiques associées, comme il est d’usage en matière d’urbanisme. Quand l’établissement abordera les sujets de l’eau et de la biodiversité, les organismes compétents seront mobilisés.

M. René Pilato (LFI-NFP). Les meilleurs connaisseurs du terrain et des problèmes liés à l’eau sont ceux qui y travaillent depuis des années. Il serait dangereux que la prise de décision se prive de leur compétence. Beaucoup d’argent sera investi, je l’espère ; ces investissements ne seront efficaces que s’ils sont pilotés par des acteurs qui connaissent précisément ces questions. C’est pourquoi le comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte doit entrer dans la gouvernance de l’établissement.

M. Philippe Gosselin (DR). Gardons-nous de trop élargir la gouvernance, pour éviter les blocages. Divers acteurs peuvent avoir le statut de personnes publiques associées ou participer à des comités de pilotage. Le problème de l’eau est toutefois particulier, et se posait bien avant le cyclone. La deuxième usine de dessalement portera les capacités totales à 40 000 mètres cubes, en deçà des 48 000 nécessaires. Le sujet est prégnant, c’est pourquoi je soutiens cet amendement.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le cyclone Chido a provoqué une énorme catastrophe écologique. Mayotte a perdu 90 % de sa couverture végétale. Ce territoire insulaire était doté d’un écosystème très particulier, avec une forêt primaire, trésor de biodiversité. Nous avons d’énormes interrogations quant à la survie des espèces, en particulier des lémuriens, les makis, qui ne sont présents qu’à Madagascar, aux Comores et à Mayotte. Au lendemain du cyclone, on n’entendait plus les oiseaux à Mayotte. De nombreux animaux prennent désormais le risque de s’approcher de l’homme pour trouver de la nourriture.

Faute de tissu végétal, nous ignorons aussi comment le circuit de l’eau se comportera et si les nappes phréatiques seront réalimentées. Au-delà de la reconstruction, l’habitabilité de Mayotte est en question. C’est pourquoi la participation du comité de l’eau et de la biodiversité à la gouvernance de l’établissement est nécessaire.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai évoqué dans mon propos liminaire la destruction de la forêt millénaire qui participait de la beauté de l’île et, surtout, de son équilibre écologique. Parmi les missions inédites que l’établissement public devra assumer figure la reconstruction de cet équilibre écologique, dans des conditions que nous ne connaissons pas encore. Il faudra donc intégrer l’expertise du comité de l’eau et de la biodiversité, entre autres. Il reste à savoir quel mode d’association est le plus pertinent, pour ne pas mettre en cause la bonne gouvernance et l’efficacité de l’établissement. Nous évoquerons ces questions avec le général Facon.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE116 de Mme Aurélie Trouvé, CE23 de Mme Mathilde Hignet, CE24 de M. Aurélien Taché, CE126 de M. Davy Rimane (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE116 vise à inclure les représentants des acteurs sociaux – autorités publiques, ONG, associations caritatives, associations locales et syndicats – dans la gestion de l’organisation et l’administration de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte. Il est important qu’ils prennent part aux décisions de planification et de coordination des travaux de reconstruction, car ils connaissent très bien le terrain.

Mon amendement CE23 vise pour sa part à intégrer spécialement les acteurs associatifs. Je le retirerai si celui de la présidente est adopté.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Les syndicats doivent être associés à la gouvernance de l’établissement public, sachant que le projet de loi prévoit de nombreuses dérogations aux règles d’urbanisme, d’expropriation et de commande publique. Une importante organisation syndicale nous a déjà alertés sur l’accord visant à étendre le temps de travail journalier à quatorze heures et à abaisser la durée du repos quotidien que l’entreprise de travaux publics Colas Mayotte avait soumis à ses salariés – qui l’ont refusé. Si les syndicats sont explicitement mentionnés dans l’amendement de la présidente, je pourrai retirer le mien.

M. Davy Rimane (GDR). Je retirerai également mon amendement si celui de la présidente est adopté.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement CE116 de la présidente et je demande le retrait des suivants.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis, comme je l’ai déjà annoncé.

La commission adopte l’amendement CE116.

En conséquence, les amendements CE23, CE24 et CE126 tombent.

 

Amendement CE25 de Mme Mathilde Hignet

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons que la reconstruction garantisse le relogement durable de toutes les personnes présentes – de manière régulière ou non – à Mayotte. L’habitat précaire a été complètement détruit par le cyclone, alors qu’il concerne au moins un tiers de la population. Cela explique les 39 décès et les 5 600 blessés recensés à ce jour, bilan qui ne cesse d’augmenter. Personne ne souhaite la réapparition des bidonvilles, pourtant ils se reconstruisent déjà, faute de choix. Nous défendons des solutions de relogement pérennes pour toutes et tous afin d’éviter que des habitations de fortune, fragiles et insalubres, ne mettent de nouveau la population en danger.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mayotte a une superficie de 375 kilomètres carrés. Les bidonvilles occupent des terrains privés et publics, dont certains sont destinés à la construction des logements que vous appelez de vos vœux. J’ignore qui vient en premier, selon vous, de la poule ou de l’œuf, mais je sais qu’on ne peut pas faire les deux en même temps. Si nous souhaitons empêcher la construction de bidonvilles, c’est bien pour construire des logements publics.

Votre amendement est programmatique et n’a pas de portée normative. Surtout, il ouvrirait la voie à l’obligation, qui n’existe même pas sur le territoire hexagonal, de loger des personnes en situation irrégulière. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.

M. Hervé de Lépinau (RN). Comme nous l’a dit le préfet lors de son audition, l’affectation du logement modulaire pour traiter les besoins d’hébergement d’urgence devra faire l’objet d’arbitrages pour décider s’il faudra y loger des Mahorais, des métropolitains en mission sur l’archipel ou des populations désœuvrées en situation irrégulière. Quand un préfet partage ce genre d’information, nul besoin d’avoir une grande expérience des politiques locales pour savoir que de tels arbitrages vont mal se passer.

Il me semble donc difficile d’envisager la construction d’habitat en dur pour l’ensemble des personnes présentes aujourd’hui, car, lorsque le dernier bâtiment sera sorti de terre, il y aura des dizaines de milliers d’étrangers en situation irrégulière supplémentaires. L’amendement n’aura pour seul résultat que de percer davantage le tonneau des Danaïdes.

M. Davy Rimane (GDR). J’aimerais d’abord qu’on m’explique comment l’immigration pourra être éradiquée. Les gens qui habitaient les bidonvilles ont tout perdu, qu’ils soient en situation régulière ou pas. J’entends dire que les logements provisoires doivent être destinés aux Françaises et aux Français ainsi qu’aux personnes en situation régulière. Celles qui sont en situation irrégulière ne vont pourtant pas disparaître de l’île en un claquement de doigts et, puisqu’elles n’ont plus de toit pour s’abriter, elles vont évidemment reconstruire les habitats spontanés. Je rappelle que ce sont des êtres humains, pas un troupeau de bœufs ; il faut avoir un minimum de respect.

On ne peut pas tout mettre sur le dos des étrangers et des clandestins. Certes, ils sont entrés illégalement sur le territoire et cela peut poser problème, mais je rappelle que c’est l’État qui n’a pas su gérer la situation.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je comprends très bien, Madame la rapporteure, que l’archipel de Mayotte n’ait pas à accepter plus que sa propre charge. Mais pourquoi raisonner différemment pour Mayotte et pour les autres départements français ? L’effort de solidarité peut être réparti à l’échelle nationale et pris en charge par l’ensemble des départements, comme c’est le cas avec le 115 pour les personnes en situation de grande exclusion, par exemple.

La bonne manière d'aborder la question de l’hébergement et du relogement est d’examiner comment faciliter des voies légales vers l’Hexagone. Soyons solidaires à l’échelle de l’ensemble du territoire, pas uniquement à l’échelle d’un département.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Le problème auquel nous sommes confrontés est extraordinairement difficile. Le territoire de Mayotte est tout petit et sa bande de terre urbanisable, coincée entre la montagne et le lagon, est très étroite. En outre, avec une couche d'humus peu épaisse, le sol est fragile, les glissements fréquents, et une grande partie du couvert végétal a été abîmée. Le lagon est lui aussi fragile et toutes les eaux usées s'y déversent sans pitié.

La question est donc de savoir si Mayotte peut, à long terme, accueillir dans des conditions décentes autant de personnes, qu’elles soient françaises ou étrangères. Nous sommes confrontés à une situation d’urgence, comme en témoigne l’invitation du préfet faite la semaine dernière aux maires pour qu’ils mettent à disposition des terrains pouvant accueillir des tentes et autres hébergements légers.

À moyen terme, il faudra revoir les modalités d’octroi des visas – les visas « Balladur » sont une catastrophe – et des titres de séjour, qui ne permettent pas aux personnes en situation régulière de se rendre en métropole.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Mayotte est effectivement un petit territoire aux sols fragiles, dont les grandes difficultés économiques et sociales ont été aggravées par le cyclone – j’ajoute à ces difficultés la proximité des Comores. Mayotte est un territoire de la République, mais il faut reconnaître que sa situation n’est pas identique à celle d’un département de l’Hexagone. L’égalité est l’objectif, mais nous en sommes encore loin.

La situation exceptionnelle à laquelle nous faisons face est due à l’immigration, en provenance des Comores, mais également de l’Afrique continentale, notamment de la région des Grands Lacs. Les établissements scolaires ont accueilli beaucoup de monde. C’est une obligation légale et les dispositifs mis en place par la préfecture ont permis d’accueillir quinze mille personnes, en plus de cinq mille personnes accueillies par les mosquées depuis vendredi soir.

Nous parlons d’êtres humains – personne ne parle de troupeaux – et je n’ai pas évoqué l’idée d’une éradication, mais si nous ne traitons pas la question de l’immigration, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour la refondation de Mayotte.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je vais vous lire la lettre envoyée ce matin par le maire de Mamoudzou au préfet de Mayotte : « Le mardi 8 janvier, à l'occasion d'une réunion sur la rentrée scolaire organisée par M. le recteur et à laquelle participaient plusieurs de vos collaborateurs, dont le secrétaire général de la préfecture et le directeur de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm), a été abordée la question des modalités d'évacuation du collège de Kwalé et du lycée Bamana de Mamoudzou, encore occupés à titre principal par des migrants d'Afrique continentale. Plusieurs hypothèses ont été évoquées, et celle que le Gouvernement semble avoir retenue est celle de la création d'un centre d'hébergement sous tentes.

« Bien que j'aie exprimé mes plus vives réserves sur ce projet qui ne pourrait conduire qu'à l'afflux de nouveaux migrants en quête d'un départ vers l'Europe, » – je rappelle que les demandeurs d'asile ne sont pas soumis aux visas territorialisés qui enferment les personnes régularisées à Mayotte – « je me suis, comme toujours avec mes partenaires, montré constructif et vous ai proposé deux terrains municipaux : celui de Disma-Bas à Kawéni et celui du projet de city stade à Haut-Vallon. Je vous ai par ailleurs informé, via le secrétaire général et le sous-préfet (…), de ma plus parfaite opposition à la mise en place de ce type d'installation sur les chantiers en cours de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et du stade Bamana qui ont été évoqués. Je suis parfaitement certain que ces centres d'hébergement, qui auront bien évidemment vocation à perdurer dans le temps, ne manqueront pas d'engendrer de graves problèmes d'ordre public et remettront en question tous les efforts engagés par la ville, mais aussi par l'Anru, par le conseil départemental, par le rectorat, par la Banque des territoires et par d’autres partenaires encore pour transformer ce village et en faire un site paisible où cohabitent en bonne entente les entreprises et les particuliers.

« Malgré cette opposition très formellement exprimée, j’apprends, de façon incidente, que la décision a été prise et que le chantier est même en cours.

« Au cas où mon message aurait été mal compris, j'ai répété de façon très formelle à vos collaborateurs que je suis totalement opposé à ce projet dont les conséquences en matière d'ordre public et de développement pour Mayotte semblent avoir été mal mesurées. Engager ce projet sur le site du futur gymnase, c'est immédiatement remettre en question le projet de cuisine centrale, d'internat, le grand stade de Kawéni, mais aussi les projets de logement de l’Alma et potentiellement le projet de Caribus » – un projet de transport en commun pour Mamoudzou.

« L'expérience a montré qu'engager ce type de projet dans une zone de chantier non réceptionné, impossible à maîtriser en termes d'ordre public, revient à remettre en cause non seulement le projet prévu sur le site, mais également tous les autres projets environnants.

« Le conseiller départemental de Kawéni, alors même qu'il prétend soutenir le Gouvernement, exploite cette erreur en mentant délibérément sur mon prétendu soutien à ce projet que je condamne de toutes mes forces. » Je vous épargne le reste, il ne s’agit que de détails politiciens.

J’ai eu des remontées de tous les administrés du quartier concerné. Monsieur Taché, vous savez très bien que la question du relogement n’est pas celle de l’hébergement d’urgence car les obligations ne sont pas les mêmes. Vous proposez de créer un droit au logement pour des personnes en situation irrégulière dans un territoire exigu et déjà confronté à des questions d’hébergement d’urgence alors que ce droit n’existe même pas dans l’Hexagone.

Le maire y fait allusion : la tension sociale est très forte, car la population ne supporte pas que l’hébergement d’urgence prive les enfants d’aller à l’école. Aux cours des dernières semaines, cinq migrants somaliens ont été agressés alors qu’ils sortaient d’un hébergement d’urgence. Je rappelle que de nombreux établissements scolaires ayant servi d’hébergement ont été saccagés et pillés, parfois détruits, par les personnes hébergées, provoquant à Mayotte une émotion considérable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE28 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Je souhaite d’abord, à l'instar de mes collègues, exprimer ma pleine solidarité à l'égard de nos compatriotes de Mayotte et de tous les habitants et habitantes de l'archipel.

Cet amendement vise à faire en sorte que la reconstruction de Mayotte soit d'abord faite par et pour les acteurs locaux, particulièrement les petites et moyennes entreprises. Les acteurs locaux disposent en effet de compétences évidentes, notamment en ingénierie, sur les spécificités et les besoins de l'île et de sa population. Il ne s’agit naturellement pas de dire que l’aide et la solidarité nationale et internationale ne sont pas les bienvenues, mais face aux difficultés socio-économiques de Mayotte – avec un taux de chômage de 37 % –, il me semble indispensable que les acteurs locaux soient les interlocuteurs privilégiés de l’État pour la reconstruction, qui peut, même si c’est difficile à dire, être l’occasion d’une forme de relance économique. J’ajoute que le récent choix de Starlink, une entreprise d’Elon Musk, a créé des inquiétudes supplémentaires.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Starlink a proposé ses services dans les vingt-quatre heures qui ont suivi le passage du cyclone et les a déployés très rapidement. Ils sont encore utilisés dans beaucoup de villages où les réparations d’Orange ne sont pas encore achevées. Pour certains villages du nord, notamment Acoua, Starlink est le seul moyen de communiquer avec le monde extérieur. Vous ne pouvez pas me soupçonner de sympathie avec les idées défendues par M. Musk : je ne suis pas dupe de ses intentions et je ne doute pas de l’intérêt commercial qu’il a à cette opération, mais les services déployés par Starlink – sans être facturés, me semble-t-il – sont vitaux et de nombreux Mahorais et Mahoraises sont reconnaissants.

Je vous demande de retirer votre amendement : je suis d’accord avec son contenu, mais il aurait davantage sa place aux articles 11, 12 ou 13, qui concernent le code de la commande publique.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Votre amendement doit être mis en cohérence avec les dispositions relatives à la commande publique du présent projet de loi, qui visent à faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises et des artisans locaux. Il faut éviter des mesures législatives trop générales et envisager quelles adaptations du droit commun sont possibles ; il faudra aussi rédiger une charte de l’établissement public.

Je demande donc le retrait de cet amendement afin que nous puissions en discuter lors de l’examen de l’article 11.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). L’attribution à Starlink n’est pas, dans l’absolu, un mal, mais elle a suscité des inquiétudes et constitue un argument supplémentaire en faveur de cet amendement, que je retire pour que nous puissions en débattre lors de l’examen des dispositions relatives à la commande publique.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

La réunion est suspendue entre dix-huit heures vingt-cinq et dix-huit heures quarante.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendements CE242 de Mme Estelle Youssouffa et CE157 de M. Philippe Naillet (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement reprend le travail de M. Naillet, auprès duquel je m’excuse pour la méthode, mais il s’agissait d’une réécriture importante et les délais étaient contraints. Il vise à proposer la publication annuelle d’un rapport d’activité par l’établissement public créé par le projet de loi.

M. Philippe Naillet (SOC). Les délais étaient effectivement contraints, mais mon amendement aurait pu être sous-amendé. Je le retire, naturellement.

L’amendement CE157 est retiré.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il est important que l’Epfam suive une stratégie de communication globale et transparente, mais nous touchons là à des détails. Ils ne sont certes pas négligeables, mais ils ne relèvent pas, de mon point de vue, du domaine législatif. Avis de sagesse.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Est-il déjà arrivé, dans l’histoire de la République, qu’un établissement public ne remette pas de rapport d’activité ?

Mme Maud Petit (Dem). La période que nous vivons demande de la transparence. Je suis donc favorable à cet amendement.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le ministre n’étant pas contre, je maintiens l’amendement, avec l’accord de M. Naillet.

La commission adopte l’amendement CE242.

 

 

Article 2 : Transfert provisoire à l’État de la charge travaux sur le bâti

 

Amendement CE49 de M. Davy Rimane

M. Davy Rimane (GDR). L’article 2 prévoit des dérogations afin de permettre la reconstruction du bâti scolaire appartenant aux collectivités locales par l’État, en lieu et place de celles-ci, jusqu'au 31 décembre 2027. Nous proposons de réduire ce délai d’un an.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. De nombreuses dispositions du projet de loi prévoient des dérogations pour un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. Elles concernent souvent les procédures juridiques et administratives préalables au lancement des travaux. Il faut donc espérer que ces formalités seront remplies avant la fin 2027. En revanche, on ne peut pas imaginer que les travaux durent à chaque fois moins de deux ans. Il reviendra à l’État de gérer la maîtrise d’ouvrage tout au long de travaux, notamment dans les écoles. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’article 2 prévoit le retour de la compétence pleine et entière de la commune dès la remise des bâtiments, dans un délai de trois ans, au plus tard. L’objectif est que les collectivités retrouvent l'ensemble de leurs prérogatives au plus vite. Toutefois, il me semble sage, compte tenu des besoins susceptibles d'apparaître, que l'établissement puisse soutenir les communes en exerçant leurs compétences dans ce domaine pendant trois ans. Votre amendement réduirait ce délai de soutien de l’État d’un an. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Davy Rimane (GDR). Un délai de deux ans permettrait à l'État de lancer les travaux dans les écoles quitte à laisser les collectivités les finaliser après leur avoir rendu cette compétence. L'accompagnement des collectivités de Mayotte par l’État pourrait alors être poursuivi sous d’autres formes. L’un n’empêche pas l’autre.

Je rappelle qu’après les événements sociaux de 2017 en Guyane, l’État avait mis en place un plan sur dix ans pour accompagner les collectivités pour la reconstruction, la construction et l’extension d’écoles sans se substituer à elles. Faisons donc confiance aux collectivités.

Mme Dominique Voynet (EcoS). En temps normal, on observe que les capacités d’investissement de Mayotte sont, malgré les renforts nationaux ou internationaux, assez limitées. Je pense notamment aux centrales à béton, aux engins de chantier, aux capacités d’accueil de matériaux par le port de Longoni ou aux restrictions de circulation devant être mises en place sur certains sites. J’ai moi-même le souvenir de dures discussions avec un recteur pour savoir s’il fallait commencer les travaux d’extension d’un centre de santé ou plutôt faire des travaux dans un établissement scolaire.

Dans de telles conditions, même si les moyens dédiés à ces projets montent en puissance, il me semble raisonnable de s’inscrire dans le temps long car ces chantiers ne seront pas tous commencés en même temps.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avec un tiers des établissements scolaires à reconstruire, la situation est urgente. Nous avons donc besoin de ces délais. J’ajoute que la capacité des communes de Mayotte, notamment en termes d’ingénierie et de financement, n’est pas la même que celle d’autres départements. L’État doit donc pouvoir prendre en charge ces projets et assumer directement cette compétence, en collaboration, bien entendu, avec les maires concernés.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE243 de Mme Estelle Youssouffa et CE158 de M. Philippe Naillet (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L'amendement conditionne le transfert du bâti scolaire, prévu entre la commune et l’État, à un avis conforme de la commune concernée.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement vise à conditionner le dispositif proposé à l'accord préalable de la commune. Considérant les circonstances et l'ampleur des dommages et leurs coûts, l'écrasante majorité des collectivités accepteront ce dispositif, mais il s’agit du transfert temporaire d’une de leurs compétences obligatoires. Leur accord doit donc être explicite et formalisé.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’article 2 ne vise pas à opérer un transfert de compétences : il prévoit une intervention temporaire de l’État, en précisant que la commune sera consultée sur l’implantation et la capacité des écoles construites ou reconstruites, de sorte qu’elle pourra faire valoir son appréciation sur les conséquences des choix faits sur son budget ou ses moyens.

En tout état de cause, les maires sont associés à tous les projets scolaires : ils mettent régulièrement à disposition le foncier, accordent a priori les autorisations d’urbanisme et utilisent généralement les locaux pour l’exercice de leurs compétences périscolaires. Les projets seront donc, par la force des choses, menés main dans la main avec les maires. Je peux comprendre qu’il y ait de la méfiance, mais il s’agit de travailler dans la confiance et non de multiplier des procédures qui peuvent nous faire perdre du temps.

Par ailleurs, la gouvernance de l’établissement public de reconstruction, qui assumera la maîtrise d’ouvrage pour l’État, permettra aux élus de jouer un rôle déterminant et garantit, me semble-t-il, que les projets seront conduits en lien étroit avec les maires. De toute façon, la reconstruction ne sera une réussite que si toutes les énergies convergent vers le même objectif ; tel est précisément l’objet de l’établissement public.

Dès lors, la nécessité d’agir aussi rapidement et efficacement que possible conduit le Gouvernement à préférer soumettre le transfert du bâti scolaire à un avis simple des communes concernées. C’est pourquoi il est défavorable à ces deux amendements.

M. Davy Rimane (GDR). Le groupe GDR est favorable à ces amendements, pour deux raisons. Premièrement, bien que, dans sa lettre, le maire de Mamoudzou ait exprimé son opposition aux propositions de l’État, celui-ci y a passé outre. Deuxièmement, dans nos territoires, la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) doit émettre un avis conforme en matière de permis de construire, ce qui n’est pas le cas dans l’Hexagone.

L’avis conforme des communes me paraît donc légitime, en raison non seulement de la situation mais aussi de l’habitude qu’a l’État d’agir comme il l’entend dans nos territoires.

La commission adopte l’amendement CE243.

En conséquence, l’amendement CE158 tombe.

 

Amendement CE29 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je vais défendre également l’amendement CE30, qui a un objet analogue, à savoir l’augmentation de la capacité d’accueil des écoles de Mayotte.

Certes, Mayotte traverse une crise sans précédent qui nous impose d’agir rapidement, mais il est des questions que nous ne pouvons pas laisser de côté, parmi lesquelles celle de la scolarisation. Nous savons que, dès avant le cyclone, les capacités d’accueil des élèves étaient notoirement insuffisantes, au point que ceux-ci devaient respecter une rotation par demi-journée. Je propose donc que les écoles soient reconstruites en plus grand. S’il est une question sur laquelle nous ne devons pas tergiverser, c’est bien celle de l’éducation et de l’avenir de nos enfants.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. Je vous renvoie à mon rapport.

De nombreux élus locaux, collectifs et associations de Mayotte s’opposent absolument à la construction de nouvelles écoles, car 80 % des élèves sont étrangers. Depuis plus de dix ans, l’État a mené une politique de construction d’écoles primaires pour accueillir ces élèves. Or le fait est que ce n’est jamais assez. Si nous voulions nous adapter à la natalité et à l’immigration, il faudrait construire chaque année autant de places que de naissances, c’est-à-dire dix mille ! Nous ne pouvons pas suivre. En outre, on sait, avec le recul, que cette politique n’a fait que susciter l’arrivée de nouveaux élèves, qui empruntent ce que l’on appelle les kwassa scolaires : des Comoriens envoient leurs enfants à Mayotte pour qu’ils y soient scolarisés. Les mairies reçoivent des fax envoyés des Comores dans lesquels on leur demande d’inscrire des enfants à l’école avant même que ceux-ci aient pris le bateau !

Ainsi le temps d’enseignement est-il inférieur à Mayotte à ce qu’il est dans l’Hexagone, car une même salle doit accueillir deux classes – la première le matin, la seconde l’après-midi –, au mépris total du rythme biologique des enfants. Depuis le passage de Chido, 80 % des écoles sont détruites ou endommagées. Le rectorat nous a donc annoncé qu’il installerait des tentes – en pleine saison des pluies ! –, en précisant que l’école fonctionnerait « en mode dégradé ». Mais, à Mayotte, le mode dégradé est celui qui prévaut depuis des années : comment dégrader davantage un mode déjà dégradé ?

La question de l’école est très polémique. Le mouvement social de mars 2024 a éclaté en grande partie parce que des parents avaient compris qu’ils ne pourraient pas inscrire leurs enfants à l’école, faute de places. Je ne peux donc pas souscrire à l’ambition que vous défendez. Les faits ont montré qu’une telle politique ne faisait qu’alimenter l’immigration clandestine.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il y a un peu moins de dix ans, je me suis rendu, en tant que chef du Gouvernement, à Mayotte, où, avec la ministre de l’éducation nationale et la ministre des outre-mer, j’ai posé la première pierre de futurs établissements et lancé avec le conseil départemental un plan de construction de 500 classes ; des projets ont été réalisés, quoi qu’on en dise, même s’ils ont sans doute été sous-calibrés. Or je percevais déjà la résistance des élus face à un tel plan – ce qui n’est pas habituel, vous en conviendrez !

La démonstration de votre rapporteure est assez implacable à cet égard. Cela ne signifie pas qu’il ne faudra pas, à l’avenir, construire ou reconstruire de nouvelles écoles. Mais il faut être conscient que rien ne sera possible si nous ne parvenons pas à traiter la question de la surpopulation liée à l’immigration clandestine, qui fait imploser les écoles de Mayotte. J’ajoute qu’une grande partie du bâti scolaire doit être reconstruite ou rénovée et qu’en attendant la réalisation de ces travaux, des bâches ont été posées.

C’est pourquoi je me range à l’avis défavorable de la rapporteure.

Mme Maud Petit (Dem). Il est difficile d’imaginer ce qui se passe à Mayotte si l’on ne s’y est pas rendu. Ce n’est pas être inhumain que d’affirmer qu’il est difficile de scolariser la totalité des enfants qui doivent l’être et d’améliorer une situation qui était déjà, avant le cyclone, particulière, pour ne pas dire catastrophique.

J’ai moi-même pu constater, lors d’un déplacement dans l’archipel en 2019, que certains élèves n’avaient classe que le matin, parfois très tôt, et d’autres uniquement l’après-midi – du reste, il n’y avait pas de cantine. Il faut l’avoir vécu pour se le représenter. L’urgence est de faire le nécessaire pour rétablir les bâtiments qui existaient avant le cyclone, avant d’espérer pouvoir améliorer la situation.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de nier la réalité de la situation de l’archipel de Mayotte, mais de s’interroger sur l’orientation stratégique que l’on va suivre pour résoudre la crise. L’obligation de scolariser les enfants figure parmi les principes de la République française. Si l’on considère que même cette obligation n’est plus si importante que cela, il faut le dire ! Pour ma part, je ne crois pas que nous puissions déroger à ce principe.

Je ne remettrai certainement pas en cause l’analyse de la rapporteure, qui connaît bien mieux que moi l’archipel. Mais nous devons choisir une direction. Soit on multiplie les dérogations, en se disant que le sous-investissement chronique dont ont pâti les services publics ces dernières décennies est tel qu’on est amené à accepter des choses qui ne devraient pas l’être ; soit on estime, et c’est mon cas, que nous avons là l’occasion de redresser la barre. Si nous ne sommes pas capables de nourrir pour l’école une ambition un peu plus grande que celle qui est affichée par le projet de loi, nous avons des questions à nous poser. Si l’on commence à discuter également les fondements de la République française – le droit du sol, l’obligation de scolarisation… –, cela va être compliqué !

M. Davy Rimane (GDR). Encore une fois, tous les enfants pour lesquels on ne veut pas construire de classes, où les mettez-vous ? Je peux vous dire, car c’est le cas chez moi, que les enfants qui ne sont pas scolarisés sont livrés à eux-mêmes dans les bidonvilles, où ils sont exposés à de nombreuses dérives.

Dites franchement que vous allez affréter des vols charters pour raccompagner toutes ces personnes dans les pays d’où ils viennent ! Vous ne cessez de dire : « On ne peut pas. » Mais, encore une fois, qu’allons-nous faire d’elles ? Si vous voulez les raccompagner chez elles, dites-le clairement !

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis, moi aussi, très attachée aux grands principes de la République. Mais je crois que la République y est beaucoup moins attachée à Mayotte qu’ailleurs.

Commençons par le commencement. La liberté de circuler, nous ne l’avons pas, en raison de la violence inouïe qui a cours dans l’archipel. L’égalité des droits n’est pas garantie, non plus que le droit à la sécurité, qui est pourtant, à la différence du droit du sol, un droit constitutionnel. Votre discours ne correspond pas à la réalité ; je vous appelle à l’humilité.

Loin de dire « on ne peut pas », nous avons fait tout notre possible. La moitié de la population de Mayotte est étrangère – le seul autre territoire dont le contexte s’approche du sien est la Guyane. La situation migratoire y est explosive. Qui plus est, Mayotte est le seul territoire habité français à être revendiqué par une puissance étrangère, laquelle instrumentalise les flux migratoires, allant jusqu’à envoyer par bateau des gosses tout seuls, qui risquent leur vie, pour qu’ils s’inscrivent à l’école. Et nos enfants sont scolarisés dans des conditions inhumaines : les établissements sont cernés de barbelés et des affrontements y éclatent quotidiennement, au point que les gendarmes et les policiers en assurent la sécurité. Car, c’est vrai, certains enfants ne sont pas scolarisés et sont recrutés par des bandes ultraviolentes. Cette violence est le fait de gamins qui ont entre 9 et 12 ans et qui se découpent à coups de machette sur le chemin de l’école. Et il n’y a ni cellule psychologique ni marche blanche.

Puisque la crise provoquée par le cyclone Chido révèle les problèmes structurels de l’archipel et impose de repenser Mayotte, repensez, vous aussi, ce que vous exigez de Mayotte. Nous vous le disons depuis des années : notre territoire n’en peut plus !

Nos gamins vont avoir classe sous des tentes alors qu’il fait plus de 35 degrés et que le taux d’humidité est de 100 %. Les trois quarts des profs vont refuser ces conditions de travail, et ils auront raison ! Vous parlez de construire des classes de primaire supplémentaires, mais l’école est une garderie. Et pour la suite – le collège, le lycée, l’université –, il n’y a rien : c’est honteux !

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Ce n’est pas à nous qu’il faut dire cela : nous n’y pouvons rien !

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mais ces enjeux sont absents de vos amendements et même de votre discours. Si l’on parle d’ambition, allons jusqu’au bout. Nous demandons une université de plein exercice car, sans cela, comment pouvons-nous former les futurs ingénieurs et médecins mahorais ?

Soyons réalistes : lorsque nous ne pouvons pas, ayons l’humilité de le reconnaître.

Oui, Monsieur Rimane : les personnes en situation irrégulière n’ont pas vocation à rester sur le territoire national. L’ensemble des élus mahorais ont demandé à l’exécutif la suspension du renouvellement des titres de séjour et un moratoire sur l’asile, car on ne parvient pas à accueillir ces personnes et à étudier les demandes. Pour le moment, nous n’avons pas eu de réponse.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Lorsque le Parlement a adopté la loi relative à la départementalisation de Mayotte, nous avons répondu à une attente forte liée à l’esprit très patriotique des Mahorais, sans toutefois mettre en œuvre l’ensemble des dispositifs à même de rattraper l’immense retard de l’archipel, incomparable avec celui des autres territoires ultramarins.

Depuis, la situation s’est incontestablement dégradée en raison – pas seulement mais en grande partie – d’une immigration irrégulière en provenance d’un pays voisin qui, à l’évidence, l’instrumentalise. Si nous ne changeons pas de stratégie, nous n’y arriverons pas. Nous avons commencé à en rebâtir une ces derniers mois, mais le cyclone Chido nous oblige à repartir de zéro et à redoubler d’efforts. C’est l’objet du projet de loi que j’aurai l’honneur de vous présenter dans quelques semaines. Des mesures doivent être prises en matière d’immigration, mais notre discussion est le premier acte.

Les difficultés auxquelles l’école est confrontée sont précisément dues au fait que nous respectons – mal, pour les raisons qui ont été évoquées – le droit fondamental des enfants à être scolarisés. Si nous poursuivons dans cette voie, nous serons dans une situation encore plus difficile. Bien entendu, les mêmes droits s’appliquent partout sur le territoire de la République. Mais reconnaissons qu’une application stricte, non pensée, de ce droit à Mayotte fait exploser tous les autres.

Expulser des dizaines de milliers de personnes des bidonvilles et les ramener chez elles est, je ne le nie pas, une opération d’une très grande difficulté – je ne sais pas si cela a été fait ailleurs. J’ai été chargé, en tant que ministre de l’intérieur et Premier ministre, de gérer la lande de Calais. Même si nous avons conclu des accords et que le nombre de personnes concernées était moindre, je me rappelle que ce fut très difficile – sans même parler de l’action légitime des associations et des habitants – parce qu’il s’agit d’êtres humains, d’enfants, de femmes seules.

Les gendarmes sont montés dans les bidonvilles de Mayotte, après le cyclone. Qui ont-ils trouvé, sous des tôles mal rafistolées ? Souvent, des femmes élevant seules leurs enfants : les hommes étaient absents. Entre votre exigence légitime et ce que disent les élus mahorais, il va nous falloir trouver un chemin, et ce sera difficile. Pouvons-nous accepter que les bidonvilles se reconstituent ? Non. Faut-il reconduire l’immense majorité des irréguliers dans leurs pays d’origine, notamment aux Comores ? Oui. Comment ? c’est toute la difficulté.

M. Hervé de Lépinau (RN). C’est la responsabilité de l’État !

M. Manuel Valls, ministre d’État. Bien sûr ! C’est pourquoi il est plus difficile de gouverner que d’être dans l’opposition.

Il n’y a pas d’autre solution que de démanteler les bidonvilles – ne serait-ce que parce que nous avons besoin de foncier ou parce qu’ils sont implantés dans des secteurs dangereux – et de reconduire leurs habitants à la frontière. Comment ? Les ministres de l’intérieur et de la défense ou moi-même, nous viendrons vous le dire. Ce ne sera pas facile, mais nous n’avons pas d’autre choix. Sinon, Mayotte explosera. La solution ne peut pas consister à régulariser ces milliers de personnes, et encore moins à leur fournir un habitat que les Mahorais eux-mêmes n’ont pas ou à scolariser les enfants dans des conditions qui font imploser nos écoles. On ne refondera pas Mayotte ainsi.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE30 de M. Aurélien Taché

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Défavorable également.

M. Max Mathiasin (LIOT). Monsieur le ministre, j’ai bien écouté votre démonstration sur la nécessité de ramener chez elles toutes les personnes en situation irrégulière – un discours que l’on entend depuis quelque temps déjà. Je suppose que, comme moi et beaucoup d’autres ici, vous êtes un humaniste : alors, en attendant de les reconduire chez eux, que faites-vous de tous les enfants présents sur le territoire ?

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Madame la rapporteure, vous nous reprochez de manquer d’ambition en matière d’éducation pour Mayotte : je pense que vous vous trompez de cible. Les parlementaires de La France insoumise, et, plus largement, du Nouveau Front populaire, défendent systématiquement le renforcement des moyens de l’école publique, que ce soit pour l’enseignement primaire, secondaire ou supérieur ; et Mayotte ne doit évidemment pas faire exception à l’ambition que nous avons pour tous les enfants du pays. Permettez-moi simplement de rappeler que ce n’est pas nous qui gouvernons, quand bien même c’était bien là ce que souhaitait une majorité de Français.

Votre réponse au problème est glaçante. Vous avez commencé par nous dire qu’il y aurait quelque 300 000 personnes en situation irrégulière à Mayotte – en balayant du même coup les chiffres de l’Insee – et peut-être même davantage puisque la rapporteure souhaite le non-renouvellement de certains titres de séjour. Faudra-t-il donc expulser 300 000, voire 400 000 personnes de Mayotte ? Vous savez très bien que vous ne le ferez jamais.

M. Davy Rimane (GDR). Permettez-moi de vous rappeler que pas plus tard qu’en 2002, c’est au terme de puissants mouvements sociaux que la Guyane a finalement obtenu une université de plein exercice : ce n’est pas si vieux ! Ce que traverse Mayotte, la Guyane l’a vécu avant elle : tout ce qu’elle a, elle a dû se battre pour l’obtenir.

Sur toutes ces questions, l’État a été défaillant. Pour toute réponse à la question migratoire, vous choisissez d’opposer des personnes issues d’un même bassin géographique. La Guyane a connu la même situation avec ses voisins, le Suriname et le Brésil : les habitants nous disaient que puisque leurs enfants ne peuvent pas avoir de classe, il faut mettre les étrangers dehors. Nous sommes totalement opposés à ce genre de réaction.

En réalité, c’est bien la défaillance de l’État dans l’exercice de ses prérogatives régaliennes qui a mis à mal toute l’île : face au fléau du cyclone, les communes ont été livrées à elles-mêmes et maintenant, vous proposez de mettre tout le monde dehors ! Ce n’est pas sérieux. Vous savez pertinemment que vous n’y arriverez jamais. Il faut définir une stratégie multivectorielle.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Notre enfer est pavé de vos bonnes intentions : donner des leçons d’accueil à des Mahorais ! À Mayotte, une personne sur deux est étrangère, souvent en situation irrégulière, prétendant indûment à des droits qu’elle obtient pourtant par des voies illégales. La simple présence de cette population rend toute politique publique caduque.

L’arrivée continue de migrants malgré le cyclone Chido prouve bien que l’immigration à Mayotte n’est ni culturelle, ni géographique ni même économique. Elle n’est qu’un instrument qu’utilise un État voisin pour prendre le contrôle de notre territoire. Le propre de l’instrumentalisation des flux migratoires – une stratégie définie par l’Otan et l’Union européenne comme une menace hybride – est d’utiliser les lois d’un territoire pour le déstabiliser. C’est précisément ce qui est en train de se passer à Mayotte.

Contrairement à ce que l’on entend souvent, jamais Mayotte n’a connu une telle immigration. Autrefois, les Comoriens représentaient moins de 10 % de la population mahoraise ; c’est au cours des quinze dernières années que la population étrangère à Mayotte a explosé. Cela nous amène au fameux visa Balladur que vous dénoncez. Soyons clairs : sauf erreur de ma part, les Comores ont choisi l’indépendance et ne font pas partie de la France. Il y a donc une frontière, qui se traduit par la nécessité de présenter un visa pour voyager entre les Comores et Mayotte : il n’y a pas de libre circulation de fait. C’est le principe même du visa, je ne comprends donc pas pourquoi cela vous défrise autant.

Au fond, Monsieur Tavel, vous contestez jusqu’au caractère français de Mayotte – j’ai suffisamment subi les assauts de vos collègues en commission des affaires étrangères pour le savoir ! Pour vous, nous sommes tous frères, tous cousins, parce qu’on vit dans le même archipel : permettez-moi de vous rappeler que la proximité culturelle et linguistique était un des arguments de l’Anschluss. Par ailleurs, les îles des Antilles ont beau faire partie d’un même archipel, elles appartiennent à quantité de pays différents.

Les frontières matérialisent un choix politique : consultée à de nombreuses reprises, Mayotte a choisi la République. Il est tout à fait normal, pour un pays indépendant, d’exercer des contrôles à l’entrée sur son territoire. Toute personne en situation irrégulière s’expose à une expulsion : c’est la base, rien de nouveau là-dedans. Il n’y a guère qu’à Mayotte que cette règle n’est pas appliquée ! Si vous dépouillez de ses frontières une île dont les portes sont déjà grandes ouvertes, que restera-t-il ? Sachez, en tout cas, que la population et les élus locaux y sont unanimement opposés.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Sur ce débat, que nous aurons régulièrement – en particulier s’agissant de Mayotte, mais aussi de la Guyane, Monsieur Rimane –, évitons de céder à la facilité. Il est évidemment toujours très difficile de procéder à l’expulsion de femmes, d’enfants, de familles qui viennent souvent d’un pays voisin – Haïti pour les Antilles, Brésil, Suriname et Guyana pour la Guyane.

Vous déplorez tous les défaillances, les manques de l’État à Mayotte. Je comprends parfaitement vos exigences, mais on ne peut pas comparer la situation de Mayotte avec celle, difficile également, subie par la Guyane. Cela ne me fait pas plaisir de le dire, mais si nous ne mettons pas fin à l’immigration à Mayotte – et ce ne sera pas chose facile –, l’île va exploser. En 2023, 8 669 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés en mer – soit une hausse de 8 % par rapport à l’année précédente –, et 22 732 l’ont été à terre. Au total, 24 467 reconduites à la frontière ont été effectuées, 592 passeurs ont été présentés à la justice et six filières ont été démantelées. Nous sommes donc bel et bien capables de reconduire à la frontière près de 25 000 personnes – au reste, c’est une part importante du nombre total de reconduites à l’échelle nationale.

Il faudra aller beaucoup plus loin encore. Avec le ministre de l’intérieur et le ministre de la justice, nous travaillons aux modalités applicables à ces reconduites à la frontière. Si nous continuons d’accueillir les migrants, de scolariser leurs enfants, de faciliter leur logement, les flux ne s’arrêteront pas. N’oublions pas que nous avons affaire à un pays voisin qui, non content de ne pas jouer le jeu, revendique jusque dans sa constitution l’île de Mayotte. C’est une difficulté supplémentaire. Je souscris donc aux propos de la rapporteure.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE209 de Mme Dominique Voynet, amendements CE205, CE207 et CE206 de Mme Dominique Voynet (discussion commune)

Mme Dominique Voynet (EcoS). Ces amendements d’appel visent à s’assurer que la reconstruction des écoles répondra à un niveau d’exigence suffisant pour y garantir un accueil de qualité pour les enfants en matière de confort, d’hygiène ou d’équipements. Beaucoup d’écoles sont très vitrées sans être climatisées ou équipées de rideaux : les élèves et leurs enseignants y subissent donc des températures insupportables. Le nombre de toilettes et de points d’eau potable y est souvent insuffisant, et beaucoup d’écoles ne disposent d’aucun équipement dédié à l’éducation physique et sportive. Les écoles doivent certes être reconstruites rapidement, mais il n’est pas question de gaspiller l’argent public en se contentant de préfabriqués ou d’établissements au rabais, avec des armatures métalliques, qu’il faudra reconstruire dans le futur car ils ne sont pas adaptés. C’est l’objet de mes amendements. Je ne pense pas raisonnable de les adopter aujourd’hui, mais j’aimerais un engagement clair du Gouvernement.

J’en profite pour rebondir sur le débat précédent. Pour avoir travaillé pendant plusieurs années sur le plan de développement France-Comores, je peux vous assurer que si les conditions de vie sont difficiles à Mayotte, elles sont absolument misérables aux Comores. Privées d’eau, les sages-femmes en sont réduites à se frotter les mains avec du sable pour enlever le sang après les accouchements. Monsieur le ministre, vous savez pertinemment que les reconduites à la frontière ne sont pas une solution efficace : les migrants sont prêts à perdre la vie pour revenir à Mayotte et les passeurs d’Anjouan, de la Grande Comore, mais aussi de Mayotte – tout le monde sait que l’îlot M’Tsamboro est un lieu de circulation active, avec la complicité de Mahorais – garantissent même un deuxième passage pour le même prix. Ils envoient dix kwassa-kwassa en même temps, en prévoyant de renvoyer dès le lendemain les passagers des quatre ou cinq qui auront été refoulés.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis favorable à tous vos amendements – et croyez bien qu’après ce que je viens d’entendre, ça me fait très mal. Alors que nous sommes en train d’essayer de défendre Mayotte, vous trouvez le moyen de profiter du débat public pour faire pleurer les chaumières sur les Comoriens qui nous colonisent : venant de quelqu’un d’aussi intelligent que vous, les bras m’en tombent ! Vous ne pouvez pas imaginer combien il est violent de vous entendre défendre les Comores avec un tel acharnement. À Mayotte, on n’a plus rien – même plus de sable pour se laver les mains !

Comment pouvez-vous vous permettre de défendre ainsi les Comores, quand on connaît votre bilan de la gestion de la covid-19 lorsque vous étiez à la tête de l’agence régionale de santé (ARS) de Mayotte ? Quant au plan de coopération avec les Comores signé en 2019, c’est un échec patent : la France a payé pour augmenter les reconduites à la frontière, mais elles ont diminué. Pire : non seulement les Comores revendiquent de plus en plus la souveraineté de Mayotte, mais en plus, elles se tournent désormais vers l’Azerbaïdjan, la Russie et la Chine. Les ingérences à Mayotte ont pris une dimension internationale, et la France est régulièrement attaquée sur ce sujet. Et vous, au cœur d’un débat sur la reconstruction de l’île, vous trouvez logique de défendre encore les Comores !

M. Manuel Valls, ministre d’État. Vos amendements visent un objectif louable, mais, par principe, l’État veille au respect de toutes les règles en vigueur pour la reconstruction des écoles mahoraises, en particulier les normes anticycloniques. Il faut bien avoir à l’esprit que l’évolution du cyclone – devenu par la suite tempête intense, avant de se reformer en cyclone et de frapper Madagascar et les côtes du continent africain – et sa trajectoire n’étaient pas prévisibles : le réchauffement de l’océan augmente le nombre de cyclones et conduit à des parcours plus erratiques de ces phénomènes, sur lequel il faudra former les Mahorais.

Reste que nous devons poursuivre nos efforts pour mieux prévenir les risques naturels et mieux adapter les locaux aux changements climatiques, en particulier aux fortes chaleurs. L’État intègre déjà cette dimension dans les cahiers des charges des bâtiments scolaires, même s’il faut aller encore plus loin dans la pratique. Si je souscris à votre intention, il ne me semble pas opportun d’alourdir le texte en demandant à l’État d’appliquer les règles en vigueur – il le fait déjà. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Comme le texte prévoit que les prescriptions techniques applicables à la reconstruction à Mayotte peuvent être modifiées, j’ai craint que cela n’entraîne des choix d’aménagement néfastes pour l’environnement ou à la qualité d’accueil dans les écoles, en particulier en matière de chaleur ou d’accès à l’eau potable – d’où mes amendements. Votre engagement sur ce sujet me suffit.

Madame Youssouffa, je suis désolée que vous ayez reçu mon intervention d'une façon radicalement différente de celle que j’entendais. Reste qu’il n’était vraiment pas nécessaire d’en venir à des attaques personnelles.

En relatant mon expérience des Comores, je disais précisément que le Gouvernement comorien n’y mettait pas du sien et n’assumait pas ses responsabilités à l’égard de sa population, et je soulignais combien il montrait de la mauvaise volonté s’agissant du respect de ses engagements – pas uniquement en matière d’immigration, d’ailleurs. Je cherchais seulement à pointer la probable inefficacité des reconduites à la frontière compte tenu du comportement du Gouvernement comorien et de l’insuffisance des moyens qu'il mobilise pour respecter ses engagements.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ces amendements sont intéressants à double titre. Tout d’abord, je partage le souci de notre collègue Dominique Voynet d’adapter l’habitat non à la norme hexagonale, mais surtout aux conditions climatiques locales. Équiper les bâtiments de grandes baies vitrées à Marseille, à Carpentras ou à Avignon, où les températures avoisinent les quarante degrés l’été, n’a aucun sens. L’établissement public chargé de la reconstruction de Mayotte devra absolument tenir compte des caractéristiques climatiques locales.

Ensuite, ce projet de loi d’urgence cristallise une problématique d’ampleur nationale. Deux visions s’opposent : d’un côté, une approche laxiste, qui se traduit par la volonté de faire perdurer une situation qui n’a pourtant qu’aggravé encore les conséquences de Chido ; de l’autre, ceux – dont nous sommes – qui pensent que les difficultés que connaît l’école à Mayotte sont dues à la surpopulation liée à l’immigration irrégulière, et non, comme le sous-tend l’amendement, à des questions climatiques.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). L’immigration d’origine comorienne et les reconduites à la frontière sont des enjeux diplomatiques majeurs. Or, Monsieur le ministre, vous avez parlé de l’implication du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice, mais vous ne nous avez pas fourni beaucoup d’éléments sur l’action du ministère des affaires étrangères.

L’attitude hostile du voisin comorien s’inscrit dans une stratégie hostile de conquête territoriale de Mayotte. Mais, tout adversaire qu’il soit – je reprends la qualification de Mme Youssouffa –, les Comores restent un État avec lequel nous devrons discuter – et ce n’est pas les défendre que de le dire. Les Comores n’ont pas respecté les engagements qu’elles ont pris en 2006. Quelles leçons entendez-vous tirer de cet échec, et comment se traduiront-elles dans ce texte et le suivant ? Comment le ministère des affaires étrangères entend-il s’impliquer ? Quelles initiatives diplomatiques le Gouvernement va-t-il engager, et, en tant que ministre des outre-mer, comment comptez-vous peser ?

Mme Maud Petit (Dem). Un éclaircissement sémantique me semble nécessaire : le texte prévoit-il une rénovation des bâtiments, c’est-à-dire une reconstruction qui aurait pour effet de moderniser les lieux dans le respect des normes actuelles, ou simplement leur restauration à l’identique ? La même question s’était posée s’agissant de la reconstruction de Notre-Dame de Paris.

La commission adopte l’amendement CE209.

Puis elle adopte l’amendement CE205.

En conséquence, les amendements CE207 et CE206 tombent.

 

Amendements CE245 de Mme Estelle Youssouffa et CE10 de Mme Anchya Bamana (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement prévoit que la construction d’une nouvelle école par l’État, son implantation et le nombre de classes doivent faire l’objet d’un accord exprès de la commune concernée – dont le silence éventuel ne doit pas valoir acceptation.

Mme Anchya Bamana (RN). Dans le même esprit, mon amendement prévoit que la construction d’une école est soumise à l’avis conforme du maire de la commune concernée, puisque l’école relève des compétences communales.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je le répète, les maires doivent être associés à tous les projets scolaires. L’État a certes tous les défauts du monde, mais tout n’est pas parfait non plus dans les communes. Essayons donc de travailler en confiance – je le dis aux élus sur place – et de ne pas multiplier les procédures lourdes. Il n’est pas question de déposséder les maires de leurs pouvoirs. La gouvernance de l’établissement public de reconstruction qui doit assurer la maîtrise d’ouvrage pour l’État donne précisément aux élus locaux un rôle déterminant.

Pour agir rapidement et efficacement, mieux vaut un avis simple. Or l’adoption de l’amendement de la rapporteure a déjà un peu rigidifié le dispositif. Je comprends le sentiment de défiance qui s’exprime, mais je vous engage à veiller à ne pas alourdir les procédures. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CE245.

En conséquence, l’amendement CE10 tombe.

 

Amendement CE117 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Il vise à soulager temporairement les finances des collectivités territoriales mahoraises en leur permettant de repousser le remboursement des créances liées aux travaux et aux biens relatifs aux établissements scolaires détruits par le cyclone.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis évidemment favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Cette proposition est déjà satisfaite. Je crains même que l’amendement n’ait pour effet de contraindre les collectivités mahoraises par rapport aux possibilités légales dont elles disposent déjà. Elles peuvent en effet, en l’état actuel du droit, renégocier l’échéancier de remboursement de leurs emprunts et obtenir, le cas échéant, une prorogation de six mois ou plus, alors que l’amendement prévoit une durée inférieure ou égale à six mois. Par ailleurs, il n’est pas possible de distinguer, parmi les emprunts des collectivités mahoraises, ceux qui auraient été contractés en vue du financement des biens relatifs aux établissements scolaires détruits par le cyclone. Avis défavorable, donc, à cet amendement qui n’est pas à l’avantage des communes mahoraises.

M. Hervé de Lépinau (RN). Il s’agirait que l’État puisse faire pression sur les banques pour obtenir une renégociation. Peut-être l’amendement est-il mal rédigé s’il fixe un délai trop court, mais vous en comprenez l’idée. Les banquiers se faisant parfois tirer l’oreille, une mesure d’État serait utile pour permettre l’échelonnement des dettes.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je comprends l’intention de l’amendement, mais il ne faut pas créer un dispositif qui ne serait pas favorable aux communes. Je suggère donc que l’amendement soit retiré et réécrit en vue de l’examen du texte en séance.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Cela me paraît tout à fait possible, mais j’en laisse juge Mme la présidente, qui est première signataire de l’amendement.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je le retire, afin qu’il puisse, en effet, être retravaillé en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE246 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 : Exemption de formalités d’urbanisme des constructions dédiées à l'hébergement d’urgence implantées pour une durée de moins de deux ans

Amendements de suppression CE247 de Mme Estelle Youssouffa et CE118 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Les dispositions de l'article R. 421-5 du code de l'urbanisme permettent déjà de construire sans formalité d'urbanisme des hébergements d'urgence pour une durée maximale de deux ans. Par ailleurs, l'habitat modulaire n’est pas une solution durable pour les Mahorais, dont le relogement provisoire sous cette forme pourrait alors s'étendre jusqu'à 2029, en comptant deux années pour la construction d’hébergements qui, une fois établis, pourraient rester implantés pour une durée de deux ans, ce qui est exorbitant. Enfin, le soutien aux sinistrés ne doit pas contribuer à la reconstruction de bidonvilles. C’est pourquoi l'article 3 est au mieux inutile et, au pire, néfaste.

M. Manuel Valls, ministre d’État. La notion d’hébergement d’urgence prévue par l’article 3 couvre un champ plus large qu’au sens du code de l’action sociale et des familles, retenu par l’article R. 421-5 du code de l’urbanisme. La mesure proposée concernerait deux publics : les familles mahoraises sinistrées, dans l’attente de leur nouvelle habitation, et des fonctionnaires des services publics participant à la reconstruction de Mayotte. Il est nécessaire de construire des places d’hébergement d’urgence, car ce secteur, déjà saturé à Mayotte avant le passage du cyclone Chido, l’est désormais encore davantage. Nous priver de cette possibilité serait une erreur. Avis défavorable, donc, bien que je n’aie pas entendu les arguments de Mme la présidente en faveur de son amendement 118.

M. Philippe Naillet (SOC). Mon amendement CE159, qui sera appelé juste après les identiques que nous examinons, porte plus largement sur le relogement d’urgence.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’amendement CE118 vise à éviter une contribution au phénomène d’inflation législative en s’abstenant de répéter un dispositif existant. En effet, un décret prévoit déjà les dérogations énoncées par l’article 3.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Ce n’est pas tout à fait exact, car le décret ne couvre pas tous les publics visés. D’où l’article 3.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE159 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Il vise à corriger le dispositif proposé par l’article, qui vise l’hébergement d’urgence, plutôt que le relogement d’urgence. L’article L. 421‑5 du code de l’urbanisme renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation de la liste des constructions qui, par dérogation et notamment du fait de leur caractère temporaire, peuvent être dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. Ainsi, l’article R. 421‑5 du même code prévoit déjà que les structures d’hébergement d’urgence bénéficient d’une telle dispense dès lors qu’elles sont implantées pour une durée qui n’excède pas deux ans, ce qui satisferait la rédaction actuelle de l’article. La lecture de l’étude d’impact permet néanmoins de constater que l’objectif visé par le Gouvernement est en réalité de « faciliter l’implantation en urgence d’hébergements temporaires destinés à accueillir les sinistrés », c’est-à-dire les personnes qui bénéficiaient d’un logement qui a été détruit ou qui n’est plus habitable, mais qui ne relevaient pas antérieurement de l’hébergement d’urgence.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L'amendement tend à modifier l'objet de l'exemption de formalité d'urbanisme en visant le relogement des personnes sinistrées, et non plus l'hébergement d'urgence. Il ne s'agit pas, en effet, de proposer un hébergement d'urgence avec une prestation d'accompagnement social et la fourniture de couvert, mais de créer des logements modulaires démontables pour les personnes victimes d'une catastrophe naturelle. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Dans l’intention du Gouvernement, la notion d’hébergement d’urgence recouvre une réalité plus large qu’au seul sens du code de l’action sociale et des familles. Toutefois, l’amendement ne me gêne pas, car il apporte peut-être des précisions utiles. Sagesse.

M. Hervé de Lépinau (RN). Le préfet de Mayotte a indiqué que des fonctionnaires, des infirmiers et des familles mahoraises avaient vu leur habitat détruit et qu’il fallait les reloger en urgence dans des locaux modulaires en attendant la reconstruction de leurs habitations. Je voudrais être certain que l’amendement s’inscrit bien dans cette logique. Je peux aussi comprendre la crainte de la population mahoraise de voir durer des bâtiments modulaires qui serviront ensuite à l’hébergement de clandestins. Il faut placer la césure au bon endroit.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai bien compris la méfiance qu’inspirent les modulaires, qui peuvent aussi bien servir à la population illégale que perdurer avec tous les défauts de ce type de fabrication – même si des dispositifs de ce type se sont révélés plutôt adaptés dans d’autres endroits. Je répète que les deux publics visés sont les Mahorais qui se trouvent dans une situation difficile et pour lesquels il faut trouver une solution provisoire autre que l’hébergement sous tente, et les fonctionnaires. La question est de savoir jusqu’à quand ce sera possible, compte tenu notamment des aspects climatiques, car les bâtiments de ce type ne sont pas très résistants.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le logement modulaire, temporaire par nature, est systématiquement employé par l’État pour toute nouvelle construction depuis plusieurs années. Les bâtiments modulaires pullulent ainsi à Mayotte, que ce soit à l’hôpital, au rectorat, dans l’hébergement d’urgence ou dans les établissements scolaires, et la plupart d’entre eux ont été balayés ou éventrés par le cyclone. Les élus mahorais ne comprennent pas que l’État n’ait pas l’ambition de reconstruire correctement et durablement. Par ailleurs, le modulaire est importé, ce qui est contraire au souci exprimé par bon nombre d’entre vous de protéger l’économie locale. De fait, nos artisans et nos PME sont exclus d’une partie de la reconstruction par cette importation.

La proposition de M. Naillet a donc le mérite de limiter le recours au modulaire, dont le texte du projet de loi prévoit une utilisation très large et durable.

La commission adopte l’amendement.

 

2.   Réunion du lundi 12 janvier 2025 à 21 heures 30

La commission a poursuivi l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte (n° 772) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Il reste 192 amendements à discuter ; je précise que cet après-midi, nous en avons examiné quinze par heure en moyenne. Nous avons envisagé de nous réunir demain à vingt et une heures, si nécessaire, pour poursuivre l’examen du projet de loi. La rapporteure et le ministre d’État sont d’accord pour poursuivre les travaux après minuit : nous ferons un point à ce moment-là, afin de voir ce que nous souhaitons décider pour la suite de nos travaux.

 

 

Article 3 (suite) : Exemption de formalités d’urbanisme des constructions dédiées à l’hébergement d’urgence implantées pour une durée de moins de deux ans

 

Amendement CE249 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement vise à réduire à un an le délai pour commencer à construire les habitats modulaires en bénéficiant de la dispense de formalités, ainsi que leur durée d’implantation. En effet, la situation est urgente, mais les habitats modulaires ne peuvent constituer une solution pérenne : il faut qu’après 2027, leur construction soit soumise à une autorisation d’urbanisme, comme toute autre construction.

M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Il faut aller vite pour reconstruire Mayotte ; toutefois, l’ampleur des travaux à mener est telle que les Mahorais pourraient avoir besoin d’un toit provisoire pendant plus de deux ans. De plus, les besoins d’installation pourraient évoluer au fur et à mesure des travaux. Mieux vaut conserver les deux délais de deux ans inscrits dans le texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE119 de Mme Nadège Abomangoli et CE150 de M. Frédéric Maillot (discussion commune)

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’amendement CE119, de repli, vise à préciser que la dispense de toute formalité relevant du code de l’urbanisme ne s’applique pas aux mesures visant à garantir la sécurité des personnes et la préservation de l’environnement. Les constructions temporaires, fragiles, sont particulièrement exposées aux risques. Par ailleurs, la pénurie de logements qui existait avant le passage du cyclone peut faire craindre que ces constructions ne perdurent. Les entreprises chargées de les bâtir pourraient abuser d’une dispense totale de formalités, mettant en danger les sinistrés et l’environnement.

M. Davy Rimane (GDR). L’amendement CE150 tend à maintenir les formalités relatives aux exigences de sécurité, pour tenir compte des réalités de Mayotte. La naissance d’un volcan sous-marin crée un risque sismique ; on connaît ceux liés aux cyclones et aux inondations. Les constructions provisoires doivent respecter les règles de sécurité dans ces trois domaines au moins.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Ils sont satisfaits. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE48 de M. Frédéric Maillot et CE75 de Mme Marie Lebec (discussion commune)

M. Davy Rimane (GDR). L’amendement CE48 vise à garantir l’installation de certaines commodités dans les constructions provisoires, comme la séparation des pièces de jour de celles de nuit, une cuisine et des toilettes aménagées, pour que nos concitoyens conservent malgré tout une certaine qualité de vie.

Mme Marie Lebec (EPR). L’amendement CE75 tend à préciser que les constructions temporaires remplissent les conditions minimales de confort et d’habitabilité.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CE48, car il mentionne aussi des obligations en matière de prestations, à la différence de l’amendement CE75, auquel je suis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Sur l’amendement CE48, avis défavorable. Sur l’amendement CE75, sagesse.

M. Davy Rimane (GDR). Je ne peux pas retirer l’amendement à la place de son auteur. Par ailleurs, je ne comprends pas la réponse de Mme la rapporteure au sujet des prestations, qui ne soulèvent pas de problème particulier.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je soutiens ces amendements. J’ajoute qu’il faut penser à l’assainissement : le provisoire devenant parfois définitif, il faut séparer les eaux pluviales des eaux usées.

La commission adopte l’amendement CE48.

En conséquence, l’amendement CE75 tombe.

 

Amendement CE151 de M. Davy Rimane

M. Davy Rimane (GDR). Le présent amendement vise à préciser que les projets de construction seront soumis à l’avis de la commune ; l’absence de réponse dans le délai prévu vaudra validation.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable. Cette mesure ajouterait une formalité, alors que le texte vise à simplifier les démarches administratives pour accélérer les réponses aux besoins urgents d’hébergement. Je fais confiance au dialogue entre l’État et les collectivités locales pour atteindre les objectifs visés.

M. Davy Rimane (GDR). Nous avons adopté des amendements tendant à rendre obligatoire l’accord de la commune. Celui que je défends va dans le même sens. J’ajoute que la validation par absence de réponse dans le délai imparti évitera les problèmes que craint le ministre.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte l’article 3 modifié.

 

 

Article 4 : Habilitation à déroger à certaines règles de construction à Mayotte

 

Amendement de suppression CE36 de M. Aurélien Taché

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Le présent amendement vise à supprimer l’article 4, qui prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. En effet, les dérogations prévues en matière de construction sont trop imprécises et trop larges, ce qui risque de tirer la qualité de la reconstruction vers le bas, alors que nous sommes tous d’accord sur la nécessité de faire preuve pour Mayotte de bien plus d’ambition que ces dernières années. S’il n’était pas adopté, nous défendrions des amendements de repli visant à renforcer les exigences.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’habilitation vise à permettre de construire moins cher. Le champ de l’ordonnance est effectivement trop large, mais certaines règles, relatives notamment aux places de stationnement, méritent d’être modifiées pour gagner de l’espace.

Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Les réglementations seront adaptées après une discussion technique avec les professionnels de la construction et les acteurs locaux. Je souhaite que les règles relatives à la sécurité ne soient pas concernées. Il s’agit de modifier les exigences relevant d’autres réglementations : les ascenseurs et les bornes de recharge pour les véhicules électriques, par exemple, ne seront pas systématiquement obligatoires. En revanche, certaines règles pourraient être ajustées pour augmenter le niveau d’exigence, afin de garantir une reconstruction durable.

De nombreux travaux montrent que réduire le coût de construction et s’adapter aux spécificités des territoires n’entraînent pas nécessairement une baisse de qualité. C’est encore plus vrai pour la reconstruction de Mayotte. Les professionnels, notamment les bailleurs sociaux, demandent un changement de cette nature. Nous ne bradons pas la reconstruction, nous trouvons des solutions pour reloger plus vite les Mahorais que la catastrophe a privés de toit.

J’émets donc un avis défavorable.

M. Davy Rimane (GDR). Je peux admettre le principe. Mais, dans ce cas, il y a d’autres dispositifs qu’on ne peut pas non plus imposer aux collectivités relevant du principe d’identité législative. Si les bornes de recharge ne sont pas obligatoires, on ne peut plus maintenir dans ces territoires une surtaxation sur les véhicules thermiques. Si on allège la réglementation pour accélérer la reconstruction et reloger nos concitoyens, il faut cesser de matraquer fiscalement ceux qui n’ont pas les moyens d’acquérir un véhicule électrique et qui ne disposeront pas de bornes de recharge – il faut être cohérent. Dans ce cas, il faut modifier en ce sens le projet de loi de finances (PLF) en cours d’examen, et pas seulement pour Mayotte.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis ouvert à la discussion sur les autres territoires. Vous comprendrez qu’on commence par Mayotte, mais il faudra revoir la question des normes et de leur application.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE121 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le présent amendement, de repli, vise à préciser la nature temporaire des mesures dérogatoires, afin de garantir un retour progressif au droit commun en matière d’urbanisme et de construction. En effet, si les dispenses sont nécessaires pour répondre à l’urgence de la reconstruction, il est essentiel de les limiter dans le temps pour nous assurer que les aménagements seront durables et pour garantir la cohérence à long terme des politiques publiques. Il s’agit de souligner que le droit commun n’est pas fondamentalement remis en cause par cette adaptation exceptionnelle à une situation de crise et de préserver la cohérence du droit de l’urbanisme, en évitant la prolifération de règles dérogatoires.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Adopter cet amendement donnerait un coup d’accélérateur aux travaux de reconstruction : les dispositions dérogatoires visant à rendre les opérations moins onéreuses s’appliqueraient pendant une année seulement, encourageant les responsables de projet et les professionnels du bâtiment et des travaux publics (BTP) à œuvrer rapidement. D’autre part, cela limiterait la durée d’autorisation de constructions moins ambitieuses en matière d’accessibilité ou d’énergie.

Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le cyclone a causé des dégâts énormes. Les constructions en tôle ont été complètement détruites et celles en dur fortement endommagées. Les bâtiments publics, notamment, ont été très dégradés. Nous voulons une reconstruction durable et de qualité, ce qui prendra plus de six mois : il faudra notamment consulter tous les acteurs pour adapter les règles de manière équilibrée, ainsi que sécuriser le foncier et mener les études préalables. Limiter à cette durée les possibilités d’adaptation risque de freiner la dynamique de reconstruction.

Avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). L’amendement prévoit que le délai de six mois est renouvelable une fois. J’ajoute que s’il est possible d’en discuter la durée d’ici à l’examen en séance publique, c’est le caractère temporaire des mesures, absent du texte, qui est essentiel. On imagine mal que Mayotte soit durablement exonérée des obligations relatives aux personnes en situation de handicap, par exemple.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Nous pourrions prévoir une durée de dix-huit mois. Je vous propose de retirer cet amendement et de le redéposer modifié pour l’examen en séance.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous pouvons travailler pour définir un délai, mais moins contraignant. Je m’y engage.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE184 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Le présent amendement vise à préciser que les mesures concernées contribuent à prévenir le ruissellement et ses effets sur les constructions.

L’île est fragilisée ; les pluies énormes survenues ce week-end ont provoqué des torrents de boue. Il faut absorber les eaux différemment pour éviter que des ruissellements forts endommagent les infrastructures et, surtout, mettent les personnes en danger.

Les mesures que je défends sont issues du rapport d’information sur la gestion de l’eau pour les activités économiques que j’ai rédigé avec Patrice Perrot. Nous avions montré qu’il fallait repenser le ruissellement et le stockage de l’eau dans l’Hexagone comme dans les territoires d’outre-mer.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable. Il est capital pour Mayotte de trouver des solutions de bon sens en matière de gestion de l’eau. Notre territoire ne doit pas servir de laboratoire mais, dans ce domaine, l’expérimentation est pertinente – la population comme les élus demandent des solutions innovantes.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Sagesse.

Mme Dominique Voynet (EcoS). À Mayotte, seules sept communes sont dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) : Acoua, Bandraboua, Dembéni, Dzaoudzi, Koungou, Mtsamboro et Pamandzi. Or, dans beaucoup d’autres aussi, le niveau de risque est élevé. Il faudrait accélérer la production des PPRNP, afin de ne pas reconstruire dans les zones humides, ni dans les ravines, notamment.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je ne sais pas si le cadre du texte permet de déposer un amendement à cette fin en vue de l’examen en séance publique. En tout cas, il faut mener une réflexion en ce sens.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le texte prévoit d’autoriser le Gouvernement à prendre toute mesure « visant à mieux tenir compte des caractéristiques et des contraintes propres au territoire mahorais ». Je m’en suis remis à la sagesse de la commission parce que le débat est intéressant. Vous êtes le législateur ; je vous demande seulement de ne pas alourdir la loi de contraintes qui existent déjà. On peut renforcer le cadre, mais il s’agit de doter les communes concernées d’un plan de prévention et de l’appliquer.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE250 de Mme Estelle Youssouffa, CE123 de Mme Aurélie Trouvé et CE160 de M. Philippe Naillet (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je propose une synthèse de différents amendements déposés notamment par Mme Trouvé, M. Naillet et Mme Bamana. Il s’agit d’exclure du champ des futures ordonnances la totalité des règles relatives à la sécurité – règles de stabilité, prévention des risques naturels, prévention des risques technologiques et miniers, sécurité des ascenseurs, sécurité des installations électriques et gaz, prévention des risques de chute et sécurité incendie –, les obligations de recours aux énergies renouvelables et les règles relatives à l’accessibilité pour les établissements recevant du public (ERP) et les installations ouvertes au public en maintenant le champ ouvert à des dérogations en matière d’accessibilité pour les locaux d’habitation.

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’amendement CE123, de repli, vise à garantir le respect des normes de construction élémentaires. Contrairement à ce que laisse penser le texte, ces normes ne se limitent pas aux normes de sécurité, mais incluent la qualité sanitaire et l’accessibilité. Il n’est pas concevable de reconstruire Mayotte suivant des solutions d’urgence qui ne pourront durer. Elles risquent, d’une part, de mettre en difficulté les habitants à mobilité réduite, les personnes âgées et les jeunes parents avec poussette et, d’autre part, d’aggraver les conditions sanitaires dans un territoire particulièrement vulnérable aux épidémies et aux pénuries d’eau.

M. Philippe Naillet (SOC). Mon amendement vise à préciser le champ des règles ne pouvant être aménagées par l’ordonnance, du fait du périmètre incertain des « exigences de sécurité des constructions » et afin de garantir un niveau minimal de qualité de construction sans remettre en question l’objectif visé. Seraient exclues du champ de l’ordonnance les règles de stabilité et de solidité, la prévention des risques naturels, technologiques et miniers, parmi lesquels les normes relatives au risque cyclonique, ainsi que les règles de sécurité d’usage des bâtiments, de sécurité des personnes contre les risques d’incendie et de qualité sanitaire.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je retire l’amendement CE123 au profit de celui de Mme la rapporteure.

L’amendement CE123 est retiré.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous cherchons à garantir la qualité des nouvelles constructions : les règles sur la sécurité incendie et la prévention des risques, qui permettent d’assurer la sécurité des habitants, sont inchangées. Les adaptations visent à réduire le coût de production et de construction des nouveaux logements et à accélérer leur production. Plus de logements de qualité, c’est l’assurance de reloger plus vite les familles mahoraises. Je le répète, il ne s’agit pas de brader la construction.

Les amendements étant satisfaits par les règles prévues, je formule un avis défavorable à l’amendement de Mme la rapporteure.

La commission adopte l’amendement CE250 ; en conséquence, les amendements CE123 et CE160 tombent, ainsi que les amendements CE213 de Mme Dominique Voynet, CE38 de Mme Nadège Abomangoli et CE12 de Mme Anchya Bamana.

 

Amendement CE182 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Cet amendement technique vise à garantir dans les nouvelles constructions et les nouveaux travaux une gestion parcellaire des eaux de pluie – infiltration, récupération, stockage. Compte tenu des difficultés d’approvisionnement en eau à Mayotte, où des coupures ont lieu deux jours sur trois, la récupération et le stockage de l’eau de pluie dans les nouveaux logements ou à l’occasion de travaux affectant des résidences actuelles permettraient aux habitants de pourvoir de façon autonome à leurs besoins en eau non potable. La quantité récupérée sur la parcelle serait ainsi soustraite à la demande, ce qui allégerait la pression sur la disponibilité en eau potable.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis très favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable. L’établissement public de reconstruction de Mayotte recevra rapidement, je l’espère, sa feuille de route, et il veillera à intégrer les meilleures pratiques pour accompagner le travail de résilience du territoire mahorais. Bien que je soutienne le principe d’une meilleure récupération des eaux de pluie à l’échelle du bâtiment et de la parcelle, l’urgence sanitaire et sociale justifie que l’on n’ajoute pas de complexités techniques ou administratives à la reconstruction de logements pérennes, alors que plusieurs milliers de personnes ne disposent plus d’un logement pour les abriter en ce début de saison des pluies.

M. René Pilato (LFI-NFP). J’insiste : une cuve de 1 mètre cube, ce sont 1 000 litres d’eau disponibles, pour un coût très bas rapporté à celui de la construction dans son ensemble. Inscrire cette disposition dans la loi permettrait aux Mahorais de disposer d’un stockage minimum.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. J’abonde dans le sens de mon collègue. Depuis plusieurs années que nous connaissons des crises de l’eau, de nombreuses familles mahoraises ont construit à leurs frais des citernes artisanales, le plus souvent de gros bidons qui ne sont pas destinés à cet usage ; ces cuves deviennent des bassins de culture pour les moustiques et favorisent la propagation de la dengue. Il est nécessaire de tenir compte de ce problème dans la reconstruction.

L’eau potable produite par la dessalinisation et les retenues collinaires est rare et chère à Mayotte. C’est pourquoi les élus locaux ont demandé à plusieurs reprises un accompagnement de l’État afin de développer l’usage des eaux non potables, ce que les ménages font déjà de manière illégale et artisanale en recueillant l’eau de pluie.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE161 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement CE250 de Mme la rapporteure pour ce qui concerne les établissements recevant du public. S’agissant des logements, nous proposerons une nouvelle rédaction pour la séance publique.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE120 de Mme Aurélie Trouvé et sous-amendement CE240 du Gouvernement

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’amendement vise à garantir que l’assouplissement des normes de construction concerne exclusivement la reconstruction d’urgence. En effet, certains promoteurs pourraient profiter de l’ambiguïté de la rédaction choisie à l’alinéa 3, qui suggère une rétroactivité. Nous proposons donc de préciser que les autorisations et les permis de construire concernés sont uniquement ceux obtenus postérieurement au 14 décembre 2024.

M. Manuel Valls, ministre d’État. En effet, l’assouplissement des normes de construction doit servir exclusivement à la reconstruction d’urgence, et il faut éviter toute ambiguïté concernant la date d’application des nouvelles règles. Le sous-amendement prend en compte vos préoccupations en faisant uniquement référence aux autorisations d’urbanisme ; de plus, il a pour objet d’assurer que les mesures d’adaptation prévues par l’ordonnance s’appliquent aux constructions temporaires dispensées de formalité au titre du code de l’urbanisme en application de l’article 3 du texte.

Avis favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CE120 : la non-rétroactivité est importante. En revanche, avis défavorable au sous-amendement du Gouvernement. Il s’agit de donner plus de souplesse aux constructions modulaires.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle adopte l’article 4 modifié.

 

 

Après l’article 4

 

Amendements CE122 et CE39 de Mme Mathilde Hignet

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE122 vise à privilégier les dispositifs de ventilation naturelle. Les constructions réalisées à Mayotte, dont le climat est tropical, ne sauraient être pensées comme celles de l’Hexagone. Un rapport de l’Agence de la transition écologique (Ademe) recommande la ventilation naturelle pour assurer le confort thermique dans les logements et indique qu’au-delà de leur contribution au réchauffement climatique, les climatiseurs ajoutent à la surcharge du réseau électrique, lequel est encore en cours de rétablissement sur l’île.

Aux termes de l’amendement CE39, les autorisations d’urbanisme et de construction de bâtiments à usage d’habitation délivrées dans le cadre de la présente loi intègrent un dispositif de collecte des eaux de pluie pour des besoins domestiques autres que la consommation humaine.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE39 est satisfait.

Avis défavorable à l’amendement CE122. Depuis le cyclone Chido, Mayotte a connu de longues coupures d’électricité. Pour vous parler franchement, sans climatisation, on ne dort pas. On se réveille trois ou quatre fois par nuit et l’organisme ne récupère pas. La climatisation n’est pas un luxe ; deux personnes sont mortes de la chaleur au cours des dernières semaines. L’absence de climatisation est infernale pour les organismes humains. Une étude de la Banque mondiale relève que la climatisation permet un gain de productivité de 40 % dans les pays tropicaux. Même si ce n’est pas votre intention, je crains que l’amendement ne dispense le Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour équiper les bâtiments.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le recours à tel ou tel dispositif de construction ne relève pas de la loi et vos propositions n’ont pas de portée normative. Il revient aux concepteurs des projets de prendre en compte les procédés constructifs les plus adaptés au territoire. Avis défavorable à l’amendement CE122.

Concernant le second amendement, je m’aligne également sur la rapporteure. On m’a d’ailleurs indiqué que l’absence de climatisation posait aussi des problèmes vis-à-vis des moustiques.

Mme Dominique Voynet (EcoS). L’amendement est rédigé avec prudence : il n’exclut pas le recours à la climatisation, mais privilégie la ventilation naturelle quand cela est possible, à la fois pour améliorer le confort et pour réduire la consommation électrique.

Voilà un demi-siècle que l’on travaille sur la construction bioclimatique en réfléchissant à l’orientation des bâtiments par rapport au soleil, au vent et aux reliefs, comme dans la quasi-totalité des pays du monde. Un récent rapport de l’Ademe a souligné le potentiel de ces solutions. Nous n’allons pas refaire ici le droit de l’urbanisme, mais si nous voulons construire des bâtiments durables en améliorant le confort et en minimisant les coûts, nous avons intérêt à privilégier ces dispositifs.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE251 de Mme Estelle Youssouffa et CE154 de M. Aurélien Taché

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon amendement encadre la vente des tôles utilisées comme matériau de construction, en renforçant un arrêté pris par le préfet de Mayotte il y a dix jours. Pour pouvoir acheter de la tôle, un particulier devra s’engager à l’utiliser pour la remise en état de son logement et présenter les justificatifs nécessaires. Cela devrait empêcher d’employer la tôle pour l’habitat informel.

L’amendement a deux objectifs : garantir que les tôles pouvant servir de matériau de construction seront bien utilisées pour la rénovation de logements sinistrés à un moment où ces tôles pourraient faire l’objet d’une pénurie, et éviter qu’elles ne soient utilisées pour la restauration des taudis et des bangas. Les bidonvilles ne sont pas solides et présentent un risque de sécurité pour les occupants et pour la population. Durant le cyclone, les tôles arrachées par le vent sont devenues des projectiles.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Cet amendement important correspond à ce que souhaite le Gouvernement : lutter contre l’habitat indigne et informel et empêcher la reconstruction des bidonvilles. Avis favorable.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Voilà où nous en sommes : négocier des dérogations pour acheter de la tôle ! Tout cela parce que, depuis vingt ou trente ans, nous n’avons pas fait ce qu’il fallait pour l’archipel de Mayotte. Nous nous demandons jusqu’où aller dans la dérogation au droit commun car nous ne nous donnons pas les moyens de le respecter. Un préfet de la République a, très sérieusement, pris un arrêté pour restreindre la vente de tôle aux particuliers. Cela ne peut pas être une solution !

Madame la rapporteure, vous représentez admirablement votre territoire et la nation française. Je ne serai jamais aussi touché que vous par ce qui se passe à Mayotte et je sais que nous devons faire face à l’urgence, mais, faisant partie comme vous de la représentation nationale, je me permets de vous dire que ce chemin est sans issue.

Mon amendement vise au contraire à empêcher toute restriction de la vente de tôle aux particuliers.

M. Philippe Gosselin (DR). L’amendement de Mme la rapporteure nous pose des difficultés à tous, tant il est incongru qu’un préfet interdise la vente de tôle à des particuliers. On en sourirait presque, si la situation n’était pas aussi dramatique. Pourquoi ne pas aller jusqu’aux marteaux et aux clous ? Après tout, la tôle ne tient pas toute seule…

Néanmoins, je le voterai. Soyons clairs : de nombreuses tôles tombées à terre ont déjà servi à la reconstruction. Les êtres humains restent des êtres humains et, dans le dénuement le plus complet, on récupère la tôle de ses voisins, morts ou blessés. C’est la limite de notre exercice, mais nécessité fait loi. L’urgence est d’éviter autant que possible la reconstitution de cet habitat précaire – et qui le restera.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Ce n’est pas seulement incongru, c’est choquant. Qui connaît bien Mayotte sait que les constructions légales en dur et les constructions moins légales, voire franchement illégales, faites de tôle, de pneus et de planches y sont étroitement imbriquées. On trouve au cœur même de Mamoudzou des parcelles sur lesquelles le propriétaire de la maison a installé dans une dépendance des familles comoriennes, en situation régulière ou non, auxquelles s’ajoutent, au fond du jardin, les appentis, les garages, les locaux agricoles, etc. Les tôles vendues à des Français risquent-elles moins de s’envoler que celles posées sur des bangas dans les quartiers de Kawéni ou de Doujani ? Si vous parvenez à m’en convaincre, je suis prête à voter pour l’amendement.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il n’y a pas de condition de nationalité pour l’achat de tôles ; il suffit de présenter une pièce d’identité. Je tiens par ailleurs à souligner l’incohérence de la position de certains. On ne peut pas déplorer l’anarchie urbaine, nous demander des comptes sur le bilan des morts dans les bidonvilles et nous accuser ensuite d’être inhumains lorsque nous proposons des moyens de lutter contre leur construction. Je suis à court d’arguments. C’est une telle absurdité ! Les fonctionnaires arrivant de l’Hexagone pensent que les bidonvilles ont toujours fait partie du paysage à Mayotte. C’est une erreur : ils prolifèrent depuis une quinzaine d’années seulement. Et depuis quinze ans, les élus mahorais alertent sur le fait que ces constructions illégales ont lieu sur des zones dangereuses.

Madame Voynet, vous évoquez la complicité des propriétaires, mais l’on sait parfaitement que la plupart des tôles vendues à Mayotte ne sont pas destinées à couvrir les maisons : quand on construit une maison en dur, on ne refait pas sa toiture tous les deux jours. Les tôles vendues en quantité industrielle se retrouvent dans les bidonvilles. Cela fait des années que Mayotte déplore l’absence de contrôle à la vente, et il est bienvenu que l’État ait enfin décidé de prendre des mesures au lendemain du cyclone Chido.

Le 3 janvier dernier, un enfant a été emporté par une coulée de boue dans un bidonville à Kawéni. Je ne doute pas que nous compterons de nouveau les morts à la fin de l’alerte rouge. Après la pluie et les inondations de ce week-end, nous redoutons le pire. Tout justifie le n’importe quoi concernant les bidonvilles, mais je refuse de laisser perdurer l’impuissance collective. Nous ne supportons plus l’attitude qui consiste à condamner et à déplorer ce qui se passe à Mayotte sans rien faire. Il faut prendre des décisions, même difficiles. Je vous demande d’avoir le courage de vous remettre en question.

M. Manuel Valls, ministre d’État. S’agissant des victimes des derniers événements climatiques, il faut attendre d’avoir tous les éléments, même si les coulées de boue et les inondations représentent évidemment un danger supplémentaire.

L’amendement de Mme la rapporteure est important, pour les raisons qu’elle a indiquées. On a bien compris qu’il fallait mettre fin à la construction des bidonvilles et à l’immigration illégale : ce sont des sujets lourds et graves. Cela étant, la situation à Mayotte nous oblige à entrer dans le détail. Ne pas comprendre que ces matériaux de construction, ces tôles, puissent être utilisés pour l’habitat illégal, c’est ignorer la réalité à laquelle Mayotte est confrontée. C’est pourquoi nous soutenons cet amendement. Il y a dix ans, il y avait déjà des tôles à Mayotte, mais pas dans ces proportions.

Il faut se doter d’instruments, au-delà de ceux qui sont déjà dans la loi, pour empêcher cela. Madame Voynet, les tôles entraînent des risques majeurs pour les occupants des bidonvilles ou des bangas ; pour preuve, ces derniers ont été reconstruits en quelques heures ! En visitant les communes de l’île, j’ai vu passer sur les routes des gens transportant des tôles, à l’évidence à cet effet. Lors du passage du cyclone, ces tôles ont été à l’origine de nombreux accidents et blessures, parfois mortels. Il faut donc réglementer. Lorsqu’il achètera ces matériaux, un particulier devra désormais s’engager à les utiliser pour remettre en état son logement et présenter les justificatifs nécessaires. On peut certes imaginer que cela donnera naissance à une économie souterraine : il nous appartiendra de la combattre. Cette mesure marque notre volonté commune d’en finir avec ce type de constructions.

La commission adopte l’amendement CE251.

En conséquence, l’amendement CE154 tombe.

 

 

CHAPITRE III  ADAPTER LES PROCÉDURES D’URBANISME ET D’AMÉNAGEMENT AUX ENJEUX DE LA RECONSTRUCTION À MAYOTTE

 

Article 5 : Champ et durée d’application du chapitre III de la loi

 

Amendement CE214 de Mme Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet (EcoS). On ne peut pas conseiller de reconstruire à l’identique. Il faut tirer les enseignements du cyclone Chido et réduire les vulnérabilités en privilégiant les adaptations ou les améliorations. Aussi je propose de supprimer les mots « à l’identique », à l’alinéa 1er, tout en précisant que la reconstruction ou la réfection doit se faire dans le respect de la réglementation relative aux risques naturels.

Pour revenir sur les tôles, monsieur le ministre, vous savez qu’elles sont utilisées pour clôturer des parcelles – comme cela a été fait sur le site de l’agence régionale de santé, à Tsoundzou –, construire des abris de jardin ou des garages. Je partage pleinement votre volonté de réduire l’usage de ces armes volantes, mais il faut le faire pour tout le monde : cela ne doit pas être lié à la capacité d’une personne à présenter une carte d’identité. D’ailleurs, je suis à peu près certaine que beaucoup de gens prêteront leurs papiers pour permettre l’achat de tôles.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je partage votre objectif mais, en l’état, votre amendement est moins-disant que le texte. Je vous invite à le retirer et à le réécrire en vue de la séance.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement me paraît satisfait par la rédaction du projet de loi, et ne va pas aussi loin. Je vous invite à le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Je le compléterai en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE1 de M. Stéphane Travert, CE53 de M. Éric Bothorel, CE63 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE74 de Mme Marie Lebec et CE186 de Mme Louise Morel

M. Stéphane Travert (EPR). Il s’agit d’étendre le champ d’application du chapitre III, relatif à l’adaptation des procédures d’urbanisme, à la reconstruction des réseaux de communications électroniques, qui présente des enjeux spécifiques.

Mme Louise Morel (Dem). Plusieurs d’entre nous ont été saisis de cette question par la Fédération française des télécoms, qui a proposé des amendements. Il nous semble que le projet de loi a un peu moins pris en compte cette dimension, pourtant importante compte tenu des dégâts constatés. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce qui est fait ou envisagé dans ce domaine ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous souhaitez préciser que les procédures d’urbanisme prévues aux articles 5 à 9 s’appliquent aux réseaux de communications électroniques. L’article 5 inclut déjà, de mon point de vue, la reconstruction ou la réfection des constructions, aménagements et installations liés aux réseaux de communications électroniques, tels que les antennes relais. C’est d’ailleurs ce que précisent tant l’exposé des motifs du projet de loi que l’étude d’impact. Cette précision ne me paraît donc pas nécessaire et je vous invite à retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable. J’ajoute que le Gouvernement a déposé un amendement CE235, portant article additionnel après l’article 6, qui apporte des précisions en la matière.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Sagesse.

M. Stéphane Travert (EPR). L’amendement CE235 du Gouvernement englobant l’ensemble, je retire l’amendement CE1.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement du Gouvernement prévoit bien que le texte s’applique aux installations de télécoms ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Oui.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE253 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendement CE13 de Mme Anchya Bamana

Mme Anchya Bamana (RN). Par cet amendement, nous souhaitons, encore une fois, redonner leur place aux maires. L’adaptation des procédures d’urbanisme et d’aménagement aux enjeux de la reconstruction, qui peut paraître technique, aura pourtant des conséquences sur l’urbanisme de l’archipel pendant de nombreuses années. Elle ne peut donc pas être décidée sans concertation avec les élus locaux.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il n’est pas inutile de prévoir un travail partenarial renforcé entre chaque commune et l’État, d’autant plus que les communes ne seront pas toutes représentées au conseil d’administration de l’établissement public qui sera créé. Je note cependant que l’amendement n’a pas de portée normative. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le maire, au nom de la commune, est l’autorité compétente de droit commun pour délivrer les autorisations d’urbanisme dans les communes dotées d’un plan d’urbanisme – ce qui est le cas, a priori, de toutes celles de Mayotte. Les maires seront amenés à délivrer des autorisations d’urbanisme portant sur la reconstruction ou la réfection des constructions, installations ou aménagements dégradés ou détruits par le cyclone Chido, conformément aux documents d’urbanisme existants des collectivités. Votre objectif est satisfait ; il ne me paraît pas nécessaire d’alourdir inutilement la loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE254 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à rappeler que les dispositions dérogatoires relatives au droit à la reconstruction, prévues par les articles 6 à 9, ne peuvent pas s’appliquer à l’habitat informel. Vous n’ignorez pas que de nombreuses associations sont très actives sur le plan judiciaire et font avancer le droit des étrangers à Mayotte. Or, ce texte pourrait ouvrir de nombreuses brèches. Il faut veiller à ne pas ouvrir la porte aux régularisations ou, à tout le moins, à ne pas favoriser l’habitat informel.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Les articles 5 à 9 visent à faciliter et à accélérer la reconstruction des locaux qui ont été régulièrement édifiés. La rédaction de la rapporteure permet de réaffirmer ce principe qui figurait dans le projet de loi. Favorable.

M. Davy Rimane (GDR). Lorsqu’on parle d’habitat informel, on vise bien l’ensemble des logements qui ont été construits sans titre ? Dès lors, les Mahorais qui ont bâti une maison sans permis de construire il y a un certain nombre d’années ne pourront eux non plus pas bénéficier du dispositif.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. On parle des habitations sans droit ni titre, mais qui ne respectent pas non plus les normes sanitaires et de sécurité.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous avons eu ce débat sur place, avec les élus, la rapporteure et les parlementaires. On se trouve sur une ligne de crête spécifique à Mayotte. Il y a évidemment des situations particulières, un certain nombre de logements qui n’ont pas donné lieu à la délivrance d’un titre de propriété et qui ne sont pas assurés. Mais il faut bien faire la différence entre l’habitat illégal et ces situations qui, sur le plan juridique, doivent être régularisées. C’est tout le travail que nous allons mener, notamment dans le cadre de l’aide qu’il faut apporter aux familles mahoraises pour la reconstruction de leur toit.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 5 modifié.

 

 

Article 6 : Adaptation des règles d’urbanisme en cas de reconstruction ou de réfection du bâtiment à l’identique ou avec certaines modifications

 

Amendements CE139 de M. Frédéric Maillot et CE217 de Mme Dominique Voynet (discussion commune)

M. Davy Rimane (GDR). L’amendement CE139 vise à ce que la reconstruction prenne en compte les particularités de Mayotte, liées à son environnement géographique et climatique. La réglementation, notamment thermique, qui est basée sur la situation de l’Hexagone, doit être adaptée à ces spécificités.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. Adopter l’amendement reviendrait à autoriser une modification du gabarit – par exemple, un agrandissement de quelques mètres carrés – mais pas une reconstruction à volume identique.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.

M. Davy Rimane (GDR). L’amendement ne porte pas sur le gabarit, mais sur les matériaux employés, qui doivent être adaptés aux spécificités de Mayotte.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cela relève du droit de la construction, qui était traité à l’article 4. Le chapitre que nous examinons concerne le droit de l’urbanisme.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’article 6 du projet de loi vise les reconstructions à l’identique ou avec des adaptations ou des améliorations, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire. Les mots « à l’identique » visent à permettre de reconstruire les maisons qui bénéficiaient d’une autorisation en respectant la même surface et le même gabarit, et donc à sauvegarder les droits à construire de leurs propriétaires. Ces dispositions ne font pas obstacle à des constructions de meilleure qualité et mieux adaptées aux contraintes du territoire. D’autres dispositions s’appliquent, comme les règles de construction prévues par le code de la construction et de l’habitation, lesquelles seront adaptées par l’ordonnance prévue à l’article 4. L’établissement public de reconstruction intégrera cette exigence de qualité dans les projets. C’est la raison pour laquelle mon avis est défavorable.

L’amendement CE217 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE139.

 

Amendement CE218 de Mme Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet (EcoS). M. le ministre s’obstine à nous expliquer ce qu’est l’habitat illégal. Pour ma part, je considère qu’une bonne partie des habitations de Mayotte, qui ont été bâties sans titre de propriété ni permis de construire et qui ne sont pas assurées, sont des constructions illégales. Cela étant, j’ai bien compris qu’il s’agissait d’entretenir une différence avec l’habitat informel et les près de 20 000 bangas, où l’on vit dans des conditions extrêmement précaires, souvent sans eau, ni assainissement, ni électricité.

La rédaction du premier alinéa de l’article 6 m’inquiète, car elle exclura une bonne partie des constructions. En effet, la dérogation concernera les constructions, aménagements et installations « sous réserve qu’ils aient été régulièrement édifiés ». Je propose donc de supprimer ces derniers mots.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il ne faut pas confondre l’anarchie documentaire autour du cadastre et du foncier avec la prédation et l’occupation illégale de terrains qui font l’objet de droits de propriété. Ce dont nous parlons, c’est de constructions illégales sur des terrains qui ont des propriétaires, publics ou privés, et qui sont fiscalisés. Des personnes s’en emparent et construisent dessus dans l’illégalité la plus absolue ; elles menacent les propriétaires et vont parfois jusqu’à les tuer. Cela n’a rien à voir avec le capharnaüm qui règne dans l’administration foncière et avec les difficultés auxquelles on est confronté en matière d’indivision et de reconnaissance ou de délivrance des titres. Il est important d’éviter les discours totalement fallacieux qui mettent sur le même plan les occupations illégales de personnes étrangères, qui arrivent sur le territoire et s’approprient des terrains, et la situation des Mahorais qui peinent à obtenir des réponses de la part de l’administration. Rappelons qu’après l’incendie du cadastre à Moroni, un autre incendie a ravagé les archives en 1993, ce à quoi s’ajoute le sous-financement chronique de toutes les institutions qui étaient censées régulariser le foncier à Mayotte.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame Voynet, je ne m’obstine pas, j’argumente. Votre amendement vise à ce que les constructions, aménagements et installations non régulièrement édifiés puissent bénéficier du régime d’adaptation des procédures d’urbanisme. La possibilité d’une reconstruction à l’identique ou avec des adaptations, même quand le document d’urbanisme ne le permet plus, ne peut s’envisager que si la construction initiale a été régulièrement édifiée et a fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme. Votre proposition reviendrait à autoriser la reconstruction de bâtiments construits illégalement, ce qui ne correspond pas au projet que nous pouvons porter collectivement pour le territoire, ni à la demande de qualité qui est exprimée dans plusieurs amendements. Bref, elle avaliserait la régularisation de l’habitat informel – c’est le cœur du problème.

Les Mahorais dont les habitations n’avaient pas été dûment autorisées pourront demander à régulariser leur situation vis-à-vis du code de l’urbanisme et des règles du plan local d’urbanisme (PLU) en sollicitant une autorisation dans le cadre de la reconstruction – nous savons qu’ils le feront. C’est cette opération que nous voulons mener à bien. Ne confondons pas l’habitat illégal, informel et la situation des Mahorais qui n’avaient pas régularisé leur situation au regard du code de l’urbanisme et du PLU. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE147 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet amendement vise à préciser l’étendue de la dérogation prévue à l’article 5. Par dérogation à l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme, l’article 6 autorise la reconstruction même si la carte communale ou le PLU en dispose autrement, mais il ne mentionne pas le plan de prévention des risques naturels prévisibles. Or, la reconstruction ne saurait raisonnablement contrevenir aux dispositions prévenant les risques naturels. Il est essentiel de préciser que, si tel était le cas, la dérogation ne s’appliquerait pas.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je considère que l’amendement est satisfait par le III de l’article 6. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Les torrents de boue qui ont dévasté Mayotte ce week-end nous rappellent, indépendamment des aspects juridiques, qu’il ne faut pas reconstruire à un endroit exposé à des risques naturels. C’est tout le sens de cet amendement.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il est en effet impératif que l’île réétudie la question des risques naturels.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE255 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure, tombe.

 

Amendement CE106 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Nous restons ici dans l’esprit de l’article 5 : cet amendement vise à garantir que le texte n’autorisera à reconstruire que des bâtiments légaux dotés de titres de propriété et non des bidonvilles.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il me paraît satisfait, je vous recommande donc de le retirer.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis. Nous partageons les mêmes objectifs, ce qui transparaît dans la rédaction actuelle de l’article : les reconstructions ou réfections de bâtiments sont autorisées, « sous réserve qu’ils aient été régulièrement édifiés ».

M. Philippe Gosselin (DR). Mon amendement n’est que partiellement satisfait, dans la mesure où ma rédaction vise des locaux édifiés « sans droit ni titre », ce qui recouvre des situations différentes de celles que vous évoquez, Monsieur le ministre d’État.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE107 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Encore une fois, nous souhaitons que la reconstruction puisse se faire vite et bien.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je comprends vos intentions, Monsieur Gosselin, mais l’article 6 permet déjà aux constructions répondant à un objectif d’intérêt général de ne pas respecter les règles d’encadrement du gabarit. Votre amendement est satisfait, je vous propose de le retirer.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE136 de Mme Aurélie Trouvé ; amendement CE257 de Mme Estelle Youssouffa et sous-amendement CE298 du Gouvernement (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE136 propose de remplacer les alinéas 2 et 3 par l’alinéa suivant : « S’agissant des constructions, les travaux nécessaires à leur reconstruction peuvent comporter des adaptations impliquant une diminution ou une augmentation de son gabarit initial à la condition que ces adaptations soient motivées par un objectif d’intérêt général et strictement nécessaires à la réalisation du ou des objectifs invoqués pour la justifier. » Nous souhaitons ainsi limiter au strict nécessaire les variations de gabarit des constructions à rebâtir, quel que soit le pourcentage de modification de celles-ci.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Votre proposition me paraît beaucoup trop restrictive. Le projet de loi prévoit une modification du gabarit de 5 %, ce qui permet de limiter des évolutions, tout en donnant un minimum de marge aux demandeurs. Avis donc défavorable. Mon amendement CE257, lui, est rédactionnel et je suis favorable au sous-amendement CE298 du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure, je suis défavorable à l’amendement CE136. En revanche, je suis favorable au CE257 sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement qui précise, en cohérence avec la rédaction du premier alinéa de l’article 6, que les possibilités d’adaptation du gabarit en cas de réfection ou reconstruction concernent tant les constructions que les installations.

La commission rejette l’amendement CE136.

Elle adopte successivement le sous-amendement CE298 et l’amendement CE257 sous-amendé.

 

Amendement CE128 de M. Davy Rimane

M. Davy Rimane (GDR). Nous proposons de porter de 5 % à 10 % le taux d’augmentation ou de diminution prévu à l’alinéa 2. Proposé par l’association Mayotte a soif, cet amendement vise à offrir davantage de flexibilité, afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des projets et de s’adapter aux contraintes locales, mais également pour tenir compte des réalités opérationnelles et des attentes des acteurs concernés.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE258 de Mme Estelle Youssouffa et sous-amendement CE299 du Gouvernement

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement précise la portée de l’objectif d’intérêt général, qui peut ainsi correspondre à des améliorations du bâti – performance énergétique, accessibilité, sécurité – mais aussi à d’autres motifs, tels que l’exercice d’une mission de service public.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’émets un avis favorable sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, encore une fois par souci de cohérence avec la rédaction du premier alinéa de l’article 6.

M. Davy Rimane (GDR). Après avoir refusé notre proposition de porter le taux de 5 % à 10 % pour donner de la flexibilité, vous nous proposez de dépasser le seuil de 5 %. Cela signifie-t-il que notre taux n’était pas suffisant, que vous êtes disposés à dépasser 10 % ?

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Votre amendement ne faisait pas référence à la notion d’intérêt général, cher collègue.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CE14 de Mme Anchya Bamana tombe.

Mme Anchya Bamana (RN). L’amendement CE14 qui vient de tomber concernait les constructions destinées à l’exercice d’une mission de service public, qui sont habituellement sous-dimensionnées. Cela va vous paraître irréel, mais il n’y a pas partout à Mayotte de boîtes postales pour que les habitants récupèrent leur courrier. Le chantier d’adressage n’est d’ailleurs pas finalisé. C’est un exemple du dimensionnement qui est à prévoir, au-delà des 5 % d’ajustement technique des reconstructions, mais aussi un exemple parmi tant d’autres de la différence structurelle qui existe entre les conditions de vie des citoyens français de Mayotte et de ceux des autres départements de France.

 

Amendement CE146 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il vise à préciser les contours de la notion juridique d’intérêt général retenue dans cet alinéa 3, en faisant référence à la définition donnée dans l’article L. 102-1 du code de l’urbanisme pour justifier l’application du régime applicable au projet d’intérêt général : « Être destiné à la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’équipement, au fonctionnement d’un service public, à l’accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles, à l’aménagement agricole et rural ou à la préservation ou remise en bon état des continuités écologiques ».

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Trop restrictive, cette précision empêcherait d’augmenter légèrement le gabarit pour améliorer les caractéristiques du bâtiment en matière d’accessibilité, de performance énergétique ou de sécurité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE259 de Mme Estelle Youssouffa et sous-amendement CE300 du Gouvernement

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. C’est un amendement rédactionnel.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Mon sous-amendement s’inscrit dans la même logique que les deux précédents.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CE22 de Mme Dominique Voynet tombe.

 

Amendement CE35 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Travaillé avec APF France handicap, il vise à garantir le respect des prescriptions d’accessibilité des bâtiments dans la reconstruction de Mayotte. Rappelons que le Comité des droits de l’homme de l’ONU a épinglé notre pays pour inapplication de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. A priori satisfait, votre amendement pose en outre un problème sur le plan rédactionnel. Je vous suggère de le retirer et de vous rapprocher de la commission afin d’en proposer une nouvelle rédaction d’ici à l’examen du texte en séance.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE143 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il est proposé de compléter cet article par la phrase suivante : « Le permis ne peut être accordé si le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité et la sécurité publique sans qu’il soit possible d’assortir l’autorisation de prescriptions spéciales permettant de les garantir. » Nous voulons ainsi veiller au respect des normes de construction élémentaires : l’urgence de la reconstruction ne saurait justifier l’autorisation de travaux pouvant porter atteinte à la salubrité et à la sécurité publique.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement me semble satisfait. Il ne faudrait d’ailleurs pas considérer que certaines prescriptions urbanistiques permettraient de garantir la salubrité et la sécurité publique des habitats informels. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 6 modifié.

 

 

Après l’article 6

 

La commission examine l’amendement CE57 de M. Éric Bothorel, les amendements identiques CE5 de M. Stéphane Travert et CE71 de Mme Marie Lebec en discussion commune.

M. Stéphane Travert (EPR). L’amendement CE5 est la traduction législative d’une disposition du plan « Mayotte debout », présenté par le Gouvernement, qui prévoit une dérogation à la loi dite loi « littoral » afin de faciliter l’implantation des pylônes de téléphonie mobile nécessaires à la connectivité du territoire après le passage du cyclone. L’amendement CE57 est défendu.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Ces amendements permettraient de se dispenser de l’avis des architectes des bâtiments de France (ABF) lors de la pose d’antennes relais et d’infrastructures de télécommunication. Leur rédaction peut inspirer des réserves et mériterait d’être étoffée, notamment parce qu’il n’est pas proposé de terme précis à l’application de cette dérogation –ce qui peut se révéler problématique et source de dérives. Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.

 

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis que celui exprimé par Madame la rapporteure !

 

M. Stéphane Travert (EPR). J’accepte votre suggestion de retrait car l’amendement CE235 du Gouvernement offre une accroche pour cette mesure.

Les amendements CE57 et les amendements CE5 et CE71 sont retirés.

 

Puis la commission examine l’amendement CE235 du Gouvernement

M. Manuel Valls, ministre d’État. Pour que la population mahoraise puisse disposer de la couverture numérique à laquelle elle peut légitimement prétendre, il est nécessaire de reconstruire dans les meilleurs délais le réseau de téléphonie mobile permettant également un accès à internet. C’est un défi important !

En procédure ordinaire, le déploiement d’un site de téléphonie mobile – depuis la recherche d’un terrain jusqu’à l’ouverture commerciale – prend deux ans. Les dispositions du projet de loi vont permettre de réduire ces délais de manière significative.

Le chapitre III organise une simplification temporaire des procédures d’urbanisme lorsqu’il est prévu de reconstruire, à l’identique ou avec des adaptations ou améliorations, des constructions telles que les antennes de radiotéléphonie mobile.

En cohérence avec ces dispositions, le présent amendement de simplification administrative permet d’éviter de solliciter de nouveau le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale sur un projet concernant une antenne relais, la construction initiale ayant déjà fait l’objet d’une telle information et obtenu l’accord ou l’avis de l’Agence nationale des fréquences. Il prévoit aussi que les éventuelles permissions de voirie sur le domaine public routier soient octroyées dans un délai de quinze jours au lieu de deux mois. Enfin, il prévoit de déroger à l’article L. 424‑5 du code de l’urbanisme de sorte que, pendant deux ans à compter de la promulgation de la loi, il ne soit pas possible de revenir sur une décision d’urbanisme favorable accordée à compter de cette date.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’adoption de cet amendement ferait tomber les quinze amendements suivants, c’est-à-dire jusqu’à l’amendement CE191 inclus.

M. Philippe Gosselin (DR). Je constate qu’il y a ce soir un axe entre la présidence de la commission et le Gouvernement !

Mme la présidente Aurélie Trouvé. N’exagérons rien !

M. Philippe Gosselin (DR). Comme quoi, cela nécessitait une petite explication de texte… Plus sérieusement, je pense que cet amendement ne répond pas totalement aux préoccupations de nos collègues Bothorel et Travert, notamment en ce qui concerne l’avis des ABF. L’amendement porte sur l’autorisation des travaux sur les infrastructures. Il serait judicieux d’avoir quelques assurances sur ce point et, le cas échéant, de prévoir un petit complément avant l’examen du texte en séance.

La commission adopte l’amendement CE 235 du Gouvernement.

En conséquence, les amendements CE55 de M. Bothorel, CE3 de M. Travert, CE65 de Mme Battistel, CE188 de Mme Morel, CE56 de M. Bothorel, CE4 de M. Travert, CE189 de Mme Morel, CE6 de M. Travert, CE58 de M. Bothorel, CE190 de Mme Morel, CE7 de M. Travert, CE59 de M. Bothorel, CE66 de Mme Battistel, CE72 de Mme Lebec, CE191 de Mme Morel tombent.

 

Puis la commission examine les amendements CE73 de Mme Marie Lebec et CE54 de M. Éric Bothorel, les amendements identiques CE2 de M. Stéphane Travert, CE64 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE187 de Mme Louise Morel en discussion commune.

Mme Marie Lebec (EPR). Notre amendement est la traduction législative d’une disposition du plan Mayotte debout prévoyant une dérogation à la loi « littoral » pour permettre l’implantation des pylônes de téléphonie mobile nécessaires à la connectivité de ce territoire. Il reprend aussi un article de la proposition de loi d’Éric Bothorel visant à simplifier et à améliorer la couverture mobile du territoire.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. J’émets un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Tel que rédigé, votre amendement ne comporte pas tous les garde-fous nécessaires, Madame Lebec. C’est pourquoi je vous propose de le retirer afin que nous puissions le retravailler ensemble en vue de l’examen du texte en séance. Pour l’amendement CE54 de M. Bothorel, je propose également de retravailler le dispositif d’ici à la séance. Quant aux amendements identiques, je ne peux que leur donner un avis défavorable, pour des raisons d’opportunité et parce qu’ils présentent des difficultés techniques et juridiques. Contrairement aux amendements précédents, leur deuxième alinéa codifie la disposition temporaire prévue dans le premier. Cet ajout pourrait conduire à considérer que la disposition s’applique à l’ensemble du territoire national et pas uniquement à Mayotte – ce qui ne correspond ni à l’exposé des motifs, ni à l’objet du projet de loi.

Mme Marie Lebec (EPR). Je retire mon amendement, Madame la Présidente.

M. Stéphane Travert (EPR). Je retire mes amendements. Je vais travailler à une nouvelle version qui précisera bien que la mesure est destinée exclusivement à Mayotte.

 

Mme Marie-Noel Battistel : Même chose en ce qui concerne mes amendements !

Les amendements CE73, CE54, CE2, CE64 et CE187 sont retirés.

 

Article 7 : Réduction des délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme

 

Amendement CE262 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je propose que l’avis de dépôt d’une demande de permis ou d’une déclaration préalable soit affiché ou publié dans la semaine qui suit ce dépôt, plutôt que « dans les meilleurs délais », qui constitue une expression particulièrement vague.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Cela va dans le bon sens.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE153 de M. Frédéric Maillot

M. Davy Rimane (GDR). Étant donné les difficultés d’accès à internet, nous souhaitons que ces avis soient systématiquement affichés en mairie en plus d’être publiés en ligne.

Pour rebondir sur la remarque de M. Gosselin, l’alignement n’est pas tant, à mon sens, entre la présidence et le Gouvernement qu’entre le Gouvernement et la rapporteure...

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Quelle malice ! Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis également défavorable.

M. Davy Rimane (GDR). Mais pourquoi ? C’est du simple bon sens. Tout le monde n’a pas accès à internet – c’était déjà le cas avant le passage de Chido – et le territoire souffre d’un fort illectronisme.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’obligation de double publicité imposerait une surcharge de travail aux mairies. Je reconnais néanmoins avec vous que Mayotte est un désert numérique.

M. Philippe Gosselin (DR). Même si je comprends la nécessité de simplifier les procédures pour aller plus vite, il ne faut pas le faire à l’extrême. Le cas de Mayotte n’est d’ailleurs pas isolé. Je fais partie de ceux qui se bagarrent pour imposer, pour quelque temps encore, une étape avant le tout-numérique. Cette mini-charge de travail supplémentaire en vaut la peine : l’information n’a de valeur que si elle est partagée.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Laissons aux maires le soin d’utiliser les bonnes méthodes en matière de publicité.

La commission adopte l’amendement.

 

Les amendements CE142 de Mme Aurélie Trouvé et CE167 de M. Philippe Naillet sont retirés.

 

Amendement CE219 de Mme Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet (EcoS). L’accélération des procédures doit s’appliquer à la construction de logements et de services publics et non à celle de surfaces industrielles ou commerciales de plus de 1 000 mètres carrés.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. L’amendement complexifie inutilement la loi. Mieux vaut en rester à un délai d’instruction d’un mois pour tous les projets. D’ailleurs, les sites industriels et commerciaux sont nécessaires à la vie économique et sociale de Mayotte.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE263 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendement CE168 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). En ramenant le délai d’instruction à un mois pour les permis de construire et quinze jours pour les déclarations préalables, le Gouvernement entend accélérer drastiquement ces procédures, mais il prend aussi le risque d’emboliser les services instructeurs. Ce faisant, nombre d’autorisations pourraient être accordées tacitement, faute de respect des délais, voire explicitement mais en manquant de temps pour mener un examen approfondi. Afin de réduire ce risque sans nuire aux objectifs de l’article, nous proposons de porter de trois à six mois le délai de retrait par l’autorité compétente des autorisations d’urbanisme illégales ayant bénéficié d’une non-opposition tacite ou explicite.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même si le volume de demandes concernant des reconstructions à l’identique s’annonce important, le délai légal de trois mois apparaît suffisant pour permettre aux autorités compétentes de réagir face à d’éventuelles décisions d’urbanisme illégales. Je crois humblement que le délai de six mois risquerait d’aller à l’encontre de l’accélération voulue. Les constructeurs n’engagent pas les travaux et n’obtiennent pas les financements des projets tant que l’autorisation d’urbanisme peut être remise en cause. Votre amendement risquerait d’insécuriser les auteurs des demandes, notamment les particuliers souhaitant reconstruire leur logement. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Bien que je sois en désaccord avec la réponse qu’il y donne, l’amendement pose une bonne question : comment gérer le flux des demandes de permis de construire dans un délai raisonnable ? Je me demande s’il ne faudrait pas restaurer un pouvoir d’instruction, celui de la DDT, la direction départementale des territoires, pour venir en renfort des services qui instruiront les demandes.

M. Manuel Valls, ministre d’État. On me dit que votre proposition, Monsieur Naillet, s’applique déjà, en réalité, dans treize communes sur les dix-sept.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE70 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). L’amendement vise à supprimer la fin de l’alinéa 5, qui ne me semble pas relever du domaine de la loi.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il est important que les communes aient une connaissance précise des demandes d’autorisation, même quand la décision ne relève pas de leurs compétences. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE69 de Mme Marie Lebec

Mme Marie Lebec (EPR). Nous proposons de fixer le délai limite de majoration du délai d’instruction d’une autorisation d’urbanisme à trente-cinq jours au lieu de quarante-cinq, lorsque celle-ci est subordonnée à la réalisation d’une participation du public par voie électronique (PPVE). Le délai minimal pour réaliser une PPVE en droit commun est de trente jours, mais il est fréquent qu’elles soient réalisées en 31 à 33 jours seulement.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le délai de quarante-cinq jours est un délai maximal, qui n’empêche en rien les services d’instruire plus rapidement. Par ailleurs, le nombre de demandes risque d’entraîner un allongement de la période d’instruction. Demande de retrait, ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE166 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Compte tenu des difficultés d’accès à internet que rencontrent actuellement les habitants de Mayotte et certaines administrations, cet amendement vise à aménager transitoirement les procédures relevant de la PPVE, jusqu’au 1er juillet 2025 – date à laquelle le Gouvernement prévoit un retour à une couverture satisfaisante. Il est ainsi proposé de systématiser et de faciliter la mise à disposition des dossiers, ainsi que de leur associer un registre permettant le recueil manuscrit des observations du public, dès lors que ces dernières ne pourraient être transmises par voie électronique.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement fait, à juste titre, le constat des difficultés de connexion à internet à Mayotte, qui était déjà un désert numérique avant Chido et qui dépend désormais de Starlink à certains endroits. Malheureusement, la procédure proposée sera lourde pour les communes. Sagesse.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE199 de Mme Dominique Voynet et sous-amendement CE248 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous souhaitons que les autorités puissent passer des conventions avec leurs homologues d’autres collectivités territoriales, métropolitaines ou ultramarines, pour instruire les dossiers, afin de réduire la part de ceux qui seront acceptés sans réel examen.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le sous-amendement vise à préciser que les services qui viendraient aider les services instructeurs de l’autorité compétente travaillent conjointement avec ces derniers mais ne s’y substituent pas.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Les services de l’État instruisent les autorisations d’urbanisme de treize communes mahoraises, à leur demande. L’État local apporte donc d’ores et déjà un soutien très direct, évidemment gratuit, aux communes qui le souhaitent. Je suis favorable à l’amendement, mais défavorable au sous-amendement, car il convient de laisser les collectivités locales agir entre elles comme elles le souhaitent.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Les services de l’État seront-ils renforcés pour faire face à la surcharge de travail ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’ensemble des services de l’État seront renforcés à Mayotte pour atteindre les objectifs de la loi, et ce sera évidemment nécessaire pour ceux qui sont chargés de l’instruction. Il faudra aussi revoir le rapport de l’État avec ce territoire. Notre préfet fait un travail exceptionnel ; les suivants devront tous avoir une grande expérience.

M. Davy Rimane (GDR). En temps ordinaire, les services de l’État manquent, à bien des égards. J’espère que les renforts dont vous parlez, Monsieur le ministre, viendront à Mayotte, sans quoi nous aurons de très grandes difficultés. La parole vaut l’homme.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

 

Amendements identiques CE40 de M. Aurélien Taché et CE208 de Mme Dominique Voynet

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). La réduction des délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme à quinze jours à compter de la réception du dossier est nécessaire au vu de l’urgence. Néanmoins, considérer que le silence de l’administration vaut acceptation paraît très compliqué, voire risqué.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). En pleine crise, ce principe selon lequel le silence vaut accord risque d’être la porte ouverte aux acceptations sans instruction. Ce n’est, à mon sens, qu’une manière de gérer une pénurie à laquelle il conviendrait plutôt de remédier, d’autant que les derniers événements nous ont montré qu’il fallait être particulièrement vigilant quant au respect des règles de prévention des risques.

M. Davy Rimane (GDR). La rédaction proposée n’oblige pas l’autorité à prendre clairement position sur le dossier. Il faut aller plus loin et imposer des garde-fous.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Les décisions favorables tacites sont courantes en droit de l’urbanisme. Supprimer cette possibilité, y compris pour des demandes de faible importance, risquerait de nuire à la reconstruction de Mayotte – surtout aux projets des particuliers.

La commission rejette les amendements.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE260 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendements CE261 de Mme Estelle Youssouffa et CE37 de Mme Nadège Abomangoli (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Par cohérence avec l’alinéa 11, qui prévoit que les avis, accords ou autorisations doivent être adressés dans un délai de quinze jours à l’autorité compétente, l’amendement précise que l’organisme collégial compétent doit se réunir dans ce même délai et supprime ainsi la référence aux « plus brefs délais », particulièrement vague.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous proposons un délai d’un mois à compter de la réception du dossier.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable sur l’amendement CE37 ; favorable sur celui de la rapporteure.

La commission adopte l’amendement CE261.

En conséquence, l’amendement CE37 tombe.

 

La commission adopte l’article 7 modifié.

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’examen du texte est suspendu et se poursuivra demain soir, à vingt et une heures, pour permettre à notre rapporteure et aux députés ultramarins, en plein décalage horaire, de reprendre des forces.

3.   Réunion du mardi 14 janvier 2025 à 21 heures

La commission a poursuivi l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte (n° 772) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure).

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Notre commission reprend l’examen des articles du projet de loi d’urgence pour Mayotte. Je précise que nous devons achever la discussion des 100 amendements restants ce soir, la Conférence des présidents ayant prévu l’examen du texte en séance publique à partir du 20 janvier prochain à seize heures – le délai de dépôt des amendements a, lui, été fixé à jeudi à dix-sept heures. Sur chaque amendement, je ne donnerai donc la parole qu’à un orateur pour et à un orateur contre.

 

 

Article 8 : Exemption d’enquête publique

 

Amendement de suppression CE15 de Mme Anchya Bamana

M. Hervé de Lépinau (RN). En voulant aller trop vite, on ne fait pas toujours les choses correctement. À Mayotte, où il est parfois difficile de déterminer la propriété du sol, l’enquête publique permet au commissaire enquêteur de collationner des éléments de preuve pour définir chez qui on se trouve. En privilégiant la participation du public par voie électronique (PPVE), nous nous priverions de ce travail de fond indispensable, nous exposant ainsi à de graves problèmes.

Je reviens à nos débats d’hier : quel est l’état du maillage territorial électronique à Mayotte ? Celui que vous avez décrit, Madame la rapporteure, est assez catastrophique, si bien qu’avec cet article, nous allons priver les Mahorais de la possibilité de faire valoir des éléments factuels très importants. Le Gouvernement aurait donc tout intérêt à accepter cet amendement de suppression, quitte à réécrire l’article d’ici à l’examen du projet de loi en séance. Les deux moyens de procéder à l’enquête publique doivent être additionnés.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que l’article 8 remplace l’obligation d’enquête publique par une procédure de participation du public par voie électronique.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis plutôt favorable à cet article, même s’il pourrait être utile de le réécrire pour sécuriser sa rédaction.

Sur le fond, l’intérêt de proposer un dispositif de PPVE est discutable, dans la mesure où il n’y a pas d’enquêtes publiques à Mayotte, mais une simple mise à disposition des dossiers auprès du public. Je pense que nous pouvons faire confiance au préfet pour ne pas lancer d’enquête publique dans le contexte actuel. De plus, si se connecter à internet est d’ordinaire difficile, Mayotte étant un désert numérique, les choses sont encore plus compliquées en ce moment. Il me semble donc paradoxal de prévoir une PPVE dans ces conditions. La mise à disposition du public des dossiers serait plus sécurisante !

M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Pour qu’il n’y ait pas d’incompréhension, je rappelle que la participation du public peut avoir lieu de deux manières à Mayotte : la première est l’enquête publique de droit commun, qui est un outil complet, mais lourd ; la seconde est la mise à la disposition du public du dossier sous format papier. Cette procédure spécifique à ce département est prévue à l’article L. 651-3 du code de l’environnement.

Le présent article 8 prévoit simplement une troisième procédure : la participation du public par voie électronique. Cette voie médiane permettrait, lorsque les conditions techniques seront réunies, une meilleure participation que la mise à disposition du dossier papier. Cette méthode ne serait qu’une possibilité, qui ne se substituerait pas aux procédures existantes : nous ne ferions qu’élargir notre palette d’outils.

Mon avis est donc défavorable sur cet amendement, même si je suis bien sûr ouvert à une amélioration de la rédaction de l’article en séance.

M. Hervé de Lépinau (RN). Pour pratiquer le droit de l’expropriation depuis trente ans, je vous garantis que l’article, tel qu’il est rédigé, générera du contentieux. Si ma collègue Bamana et moi-même réagissons ainsi, c’est que le dispositif n’est pas clair. Il faut que la PPVE s’additionne aux procédures déjà prévues par la loi.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je vous prie de retirer l’amendement et je m’engage à réécrire l’article par voie d’amendement gouvernemental en séance.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Je ne comprends pas les derniers mots de l’article 8. J’entends que vous souhaitiez introduire une troisième procédure de participation, qui vaudrait enquête publique, mais pourquoi avoir ajouté les mots « et exempter le projet d’enquête publique » ? Suivant la réponse, je suis susceptible de retirer mon amendement CE210.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Vous soulevez une véritable question. Il me semble que nous pourrons rendre l’article plus clair.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il existe deux procédures et nous voulons en créer une troisième, qui serait facultative et se substituerait, le cas échéant, à l’enquête publique. Cela étant, je répète que je suis disposé à revoir la rédaction de l’article.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je prends acte de cet engagement et retire l’amendement.

L’amendement CE15 est retiré.

 

Amendement CE31 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Nous souhaitons le maintien d’une enquête publique dans les cas prévus par le code de l’environnement, tout en réduisant les délais de cette procédure. La PPVE n’est pas un dispositif équivalent et, si nous comprenons la nécessité de faire plus vite et plus simple, un fonctionnement dégradé serait source de confusion et nuirait à la qualité des aménagements et des ouvrages.

En outre, qu’adviendrait-il de l’étude d’impact attachée à l’enquête publique, qui permet d’auditionner toutes les personnes concernées et de soulever de potentielles atteintes à l’environnement, voire des écocides ?

Enfin, l’article ignore le problème de la fracture numérique.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. Réécrire de la sorte cet article serait contraire au texte, qui vise à accélérer et non à alourdir la procédure. J’espère que notre précédente discussion aura levé vos inquiétudes.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis. Votre amendement tend à renvoyer à un décret en Conseil d’État les modalités des enquêtes publiques relatives à Mayotte, ce qui complexifierait en effet la procédure. Le projet de loi vise à offrir plus de souplesse, afin de faciliter la reconstruction des ouvrages et des équipements. Il ne s’agit pas d’une procédure au rabais : nous l’avons utilisée pour la préparation des Jeux olympiques. Je suis prêt à consolider la rédaction de l’article mais je suis défavorable à cet amendement.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Nous le maintenons, même si nous entendons vos arguments et si nous essaierons de le revoir d’ici à l’examen en séance. Eu égard aux enjeux environnementaux très importants, nous sommes attachés au principe d’une enquête publique assortie d’une étude d’impact. Il nous semble difficile de se passer d’un tel travail.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis d’accord avec vous sur le fond et j’espère que nous trouverons en séance une rédaction qui vous satisfasse.

La commission adopte l’amendement CE31 et l’article 8 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CE169, CE210 et CE145 tombent.

 

 

Article 9 : Possibilité de démarrer les travaux dès le dépôt, selon le cas, de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable

 

Amendements CE135 de Mme Aurélie Trouvé, CE215 de Mme Dominique Voynet et CE33 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE135 vise à restreindre la liste des travaux pouvant être commencés avant l’obtention d’un permis, de manière à éviter que des entreprises engagent des frais importants pour des opérations de fondation ou de terrassement qui pourraient être ultérieurement refusées. En revanche, pour répondre à l’urgence de la reconstruction, nous proposons de permettre les reconstructions à l’identique, sans modification de surface, avant l’obtention d’un permis.

Mme Dominique Voynet (EcoS). J’estime, moi aussi, qu’il serait déraisonnable de pouvoir procéder à des travaux de terrassement ou de fondation avant l’obtention d’un permis car cela pourrait être un moyen de peser sur la décision d’octroi d’une autorisation et que les personnes ayant engagé les travaux subiraient de lourds surcoûts en cas de refus. En revanche, s’agissant des bâtiments suffisamment dégradés, nous sommes favorables à la possibilité de procéder à des démolitions sans attendre.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Mon amendement CE33 s’inscrit dans la même logique mais le CE135 a ma préférence.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable sur les trois amendements.

L’amendement CE135 est à la fois excessif – dans la mesure où il permettrait la construction d’un bâtiment avant l’obtention d’un permis –, et trop restrictif car toute modification de surface empêcherait le début des travaux.

Quant aux amendements CE215 et CE33, ils supprimeraient la possibilité de démarrer les travaux avant l’obtention d’un permis, ce qui ralentirait le lancement des projets de construction et irait donc à l’encontre de l’esprit du texte.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.

M. Hervé de Lépinau (RN). Quel est l’objet général de l’article ? S’agit-il de procéder rapidement à un nettoyage des zones dévastées avant leur reconstruction ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Gouvernement veut un équilibre entre la nécessité de démarrer rapidement les travaux et le contrôle des reconstructions. Le dispositif permet ainsi d’accélérer la reconstruction ou la réfection, en autorisant les demandeurs à démarrer les travaux préparatoires dès le dépôt de la demande, tout en s’assurant que les opérations les plus structurantes du point de vue de l’urbanisme ne puissent commencer qu’après la délivrance de l’autorisation.

Madame la rapporteure l’a indiqué : la reconstruction à l’identique, sans modification de surface, que ces amendements tendent à autoriser dès le dépôt de la demande, serait rendue inopérante par une interdiction des travaux de terrassement et de fondation, qui sont souvent un préalable indispensables. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CE135.

En conséquence, les amendements CE215 et CE33 tombent.

La commission adopte l’article 9 ainsi modifié.

 

 

CHAPITRE IV – GARANTIR LA MAÎTRISE FONCIÈRE ET LA DISPONIBILITÉ DE MATÉRIAUX POUR LA RECONSTRUCTION

 

Article 10 : Adaptation provisoire des règles relatives à l’expropriation en vue de garantir la maîtrise foncière et la disponibilité des matériaux

 

Amendement de suppression CE41 de M. Aurélien Taché

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Il ne faut pas confondre la vitesse – qui est nécessaire s’agissant de la reconstruction – et la précipitation, qui pourrait aboutir à un résultat contraire à celui recherché. En effet, personne ne pourrait imaginer, dans aucun autre territoire de la République, qu’on puisse exproprier un bien sans certitude quant à l’identité du propriétaire foncier ni assurance concernant son indemnisation ! C’est pourtant le régime dérogatoire que prévoit cet article, au risque de créer des tensions, des conflits, voire une opposition à l’encontre de l’opérateur de l’État qui serait amené à prendre de telles décisions.

Vous ne nous entendrez pas souvent défendre la propriété privée, mais il nous semble qu’avant toute expropriation, s’assurer de l’identité du propriétaire et de sa juste indemnisation serait un minimum !

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Nous aurons tout entendu dans cette commission ! (Sourires.) Avis défavorable, car même si les pouvoirs conférés à l’État sont effectivement importants et même si je ne suis pas favorable à l’expropriation à tout prix, il est toujours possible d’améliorer l’article plutôt que de le supprimer.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Compte tenu de la situation foncière mahoraise, cet article nécessaire répond aux besoins d’adaptation strictement nécessaires à la reconstruction, tout en garantissant le droit de propriété constitutionnellement protégé. Il n’est pas question de priver les Mahorais d’indemnisation en cas d’expropriation ou de réquisition temporaire de leurs biens. Au contraire, il s’agit de garantir cette indemnisation, y compris dans le cas où le propriétaire n’est pas connu. Le Gouvernement prévoit ainsi le versement d’une indemnité après la régularisation des situations, grâce à la consignation des sommes dues. L’habilitation à légiférer par ordonnance se borne donc à permettre des adaptations procédurales, indispensables au déblocage des opérations d’aménagement pour la reconstruction. Enfin, il n’est pas envisagé de modifier les règles de fixation des indemnités, qui seront déterminées selon les conditions de droit commun et par le juge en cas de désaccord.

J’estime donc que les droits fondamentaux des propriétaires ne seront pas affectés. Avis défavorable sur cet amendement qui supprimerait un outil indispensable à la reconstruction dans les délais que nous nous fixons.

M. Hervé de Lépinau (RN). Vous en conviendrez, une déclaration d’utilité publique, qui est le support de l’expropriation, vise généralement des ouvrages d’intérêt collectif. L’article 10 concerne donc avant tout le réseau et les bâtiments publics. Cela étant, il faudrait selon moi « profiter » du drame lié au passage de Chido pour enfin appliquer les principes de la départementalisation, ce qui inclut l’instauration d’un cadastre. Nous avons envoyé les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) pour aider à mettre des bâches et à reconstituer des toitures ; nous pouvons envisager une autre coopération départementale, avec l’envoi d’agents du cadastre et de géomètres experts, pour entamer enfin ce chantier indispensable.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). J’entends vos précisions, Monsieur le ministre, mais elles ne figurent pas dans le texte. J’insiste : la poursuite des recherches de l’identité des propriétaires et la possibilité de l’indemnisation postérieure ne sont pas inscrites dans le projet de loi. À défaut d’adopter notre amendement de suppression, il faudrait inclure ces éléments dans l’habilitation à légiférer par ordonnance, afin de ne pas avoir de mauvaise surprise dans ce domaine. Je répète que de telles dispositions seraient inimaginables s’agissant d’un autre territoire.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je vous engage à rédiger un nouvel amendement en ce sens en vue de la séance. J’y serai certainement favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il n’y a pas de problème pour préciser les choses en séance, mais je crois avoir présenté clairement l’intention du Gouvernement.

Monsieur de Lépinau, vous avez raison : même si c’est compliqué, c’est le bon moment pour créer un cadastre. Il faudra y consacrer des moyens et agir de concert avec les communes, car, si nous ne le faisons pas, nous connaîtrons à l’avenir les mêmes difficultés que celles que nous évoquons.

La commission rejette l’amendement CE41.

 

Amendement CE266 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Afin d’accélérer la reconstruction, je propose de réduire à trois mois le délai pour la présentation de l’ordonnance relative à la maîtrise foncière.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’entends votre point de vue mais un délai de trois mois serait insuffisant pour mener à bien les échanges et les travaux préparatoires à la rédaction d’une ordonnance robuste, pertinente, concertée et examinée en Conseil d’État. Mon avis est donc défavorable.

M. Davy Rimane (GDR). J’appelle l’attention sur ce qui peut se passer lorsque l’on donne ce genre de pouvoir à l’État. En Guyane, de nombreuses familles ont été expropriées lors de la construction du Centre spatial guyanais (CSG). Certaines avaient de grandes surfaces de terrain et se sont retrouvées dans des cages à poules, empilées dans des cités construites pour elles.

J’espère que les élus de Mayotte seront attentifs sur ce point. Pour des raisons d’utilité publique, des familles ont été expropriées de leurs terrains et se sont retrouvées sans rien du jour au lendemain. Dans nos territoires, l’État fait parfois, voire souvent, très mal les choses et met des familles en grande difficulté.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. C’est pourquoi l’amendement vise à limiter la durée de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

La commission rejette l’amendement CE266.

 

Amendement CE204 de Mme Dominique Voynet et sous-amendement CE256 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Dominique Voynet (EcoS). L’article 10 est assez sensible. Madame la rapporteure s’est dite défavorable à l’expropriation à n’importe quel prix. Monsieur le ministre a indiqué qu’il s’agit essentiellement de l’utiliser si le propriétaire n’est pas connu, mais il se trouve que l’article n’en dit rien.

L’amendement vise à exclure de l’expropriation les zones naturelles remarquables, les zones humides et les terres agricoles. Il vise aussi à faire en sorte que les terrains dont l’État et le conseil départemental sont propriétaires soient mis à contribution en priorité, s’agissant des deux plus gros propriétaires fonciers du département. Je conçois que des terrains d’une centaine de mètres carrés aux propriétaires multiples ou absents soient tentants lorsque l’on cherche du foncier mais il me semble que, s’agissant de projets d’intérêt général, c’est du côté des terrains de l’État et du département qu’il faut chercher des solutions en priorité.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le sous-amendement CE256 vise à clarifier la rédaction de l’amendement en en conservant l’essentiel. Les mots « en privilégiant les terrains dont l’État ou les collectivités territoriales sont propriétaires » sont inutiles : la puissance publique ne peut pas exproprier des terrains qu’elle possède déjà.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable. Les règles à Mayotte pour la déclaration d’utilité publique d’un projet en vue de la justification des besoins de réquisition resteront celles du droit commun. L’habilitation se borne à permettre certaines adaptations procédurales afin de traiter le cas des parcelles qui doivent être réquisitionnées ou expropriées et dont le propriétaire reste inconnu. Il faut débloquer ces situations pour reconstruire Mayotte.

M. Hervé de Lépinau (RN). S’il n’y a pas de cadastre à Mayotte, il y a des plans locaux d’urbanisme (PLU), donc du zonage. Les zones agricoles non constructibles ne changeront pas de statut comme par magie du seul fait de la procédure d’expropriation. L’amendement est donc superfétatoire. Le règlement d’urbanisme se suffit à lui-même. L’expropriation de terres agricoles suppose une modification du règlement d’urbanisme à l’issue d’enquêtes ad hoc.

La commission rejette successivement le sous-amendement CE256 et l’amendement CE204.

 

Amendement CE264 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à améliorer la rédaction de l’article en encadrant sur le fond le champ de l’habilitation, qui gagnerait à être précisé. En introduisant une référence à l’article 5, il permet de se dispenser d’une énumération laborieuse et grammaticalement incomplète (car l’article est défini et non indéfini) et améliore la cohérence de l’ensemble.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le passage du cyclone a ravagé l’archipel et provoqué de nombreuses destructions. Nous devons reconstruire, mais aussi aménager et réaliser des constructions nouvelles pour améliorer le cadre de vie des habitants. L’établissement public envisagé à cet effet doit être un outil au service du développement de Mayotte, par-delà les travaux d’urgence. Il doit s’inscrire dans une vision de moyen terme.

L’article 10 du projet comporte bien une liste fermée des travaux concernés : « des ouvrages publics, des opérations d’aménagement, d’équipement, de démolition, de construction et de relogement, et des travaux nécessaires à l’extraction des matériaux de construction indispensables à la réalisation de ces opérations ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE264.

 

Amendement CE201 de Mme Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet (EcoS). Je plaide pour le retrait de cette liste des travaux nécessaires à l’extraction des matériaux de construction indispensables à la réalisation de ces opérations.

Le fonctionnement des carrières dans l’archipel de Mayotte est tout sauf satisfaisant. Deux carrières en particulier, dont je tairai le nom, posent d’énormes problèmes de pollution, de dégradation des voies d’accès et d’incapacité majeure à discuter avec la société (du monde associatif aux riverains).

Il serait beaucoup plus raisonnable, plutôt qu’espérer l’ouverture d’une nouvelle carrière qui semble aléatoire faute d’études géologiques et de matériels d’extraction et d’acheminement des matériaux, de prévoir une arrivée massive de matériaux de construction via le port de Longoni – ce qui serait de surcroît bien plus efficace. Je plaide contre la déréglementation de fait du secteur minier, qui ne fonctionnera pas et ne sera pas acceptée par la société.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Demande de retrait ou avis défavorable. L’article 10 prévoit uniquement des adaptations procédurales en matière de droit à l’expropriation pour traiter les cas où le propriétaire du foncier n’est pas connu. Il n’a en aucun cas vocation à modifier la réglementation du secteur minier.

La commission rejette l’amendement CE201.

 

Amendement CE267 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement précise l’alinéa 2 en y inscrivant la date du 31 décembre 2025, retenue ailleurs dans le texte.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Cette proposition mérite d’être discutée d’ici l’examen du texte en séance publique. J’indique toutefois que son adoption rendrait caducs, dès le 31 décembre prochain, les outils de maîtrise foncière envisagés par le Gouvernement pour reconstruire Mayotte, nonobstant les difficultés foncières pérennes rencontrées. Nous savons d’ores et déjà que les opérations d’aménagement ordinaires sont difficiles à mener dans l’archipel en temps normal, en raison de sa situation financière. Nous savons également que les opérations de reconstruction se poursuivront après le 31 décembre 2025. Il me semble difficile de figer dès à présent dans le temps des outils qui doivent permettre de reconstruire, mais aussi de construire et d’aménager Mayotte.

Avec l’appui du général Facon et en concertation avec les collectivités locales, nous pourrons fixer, dans l’ordonnance prise en application du présent article, un délai ajusté et crédible. Je propose que nous y travaillions ensemble. En tout état de cause, la rédaction du projet de loi garantit que les mesures prévues seront provisoires. Il faut peut-être fixer un délai ; mais un an, c’est bien trop court.

La commission adopte l’amendement CE267.

 

Amendement CE268 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit de supprimer les mots « ou dérogations » à l’alinéa 3 : « adaptation » et « dérogation » sont des synonymes.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Ces deux mots divergent par leurs effets. Le premier modifie la norme, le second la rend inapplicable. Le présent amendement a pour objet de restreindre aux seules adaptations législatives le périmètre de l’habilitation de l’article 10, au détriment des dérogations éventuellement nécessaires. Je propose que nous nous en tenions à la formulation du projet de loi, qui est classique et n’a pas soulevé de difficultés devant le Conseil d’État. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Davy Rimane (GDR). Dans nos territoires, déroger à la loi sert à faire autrement si celle-ci a été rédigée sans tenir compte suffisamment de la réalité des territoires. Je voterai l’amendement.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’adaptation modifie la norme, la dérogation la rend inapplicable. Je ne suis pas sûr que nous parlions de la même chose.

La commission adopte l’amendement CE268.

 

Amendement CE269 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit de supprimer les mots « et d’indemnisation préalable », ajoutés par le Conseil d’État qui a estimé que les raisons constitutionnelles d’habilitation ne peuvent se limiter à la question de l’identification des propriétaires et doit inclure celle de leurs modalités d’indemnisation. Or, en intégrant l’indemnisation préalable des propriétaires au champ de l’habilitation, cette rédaction, conforme à l’avis du Conseil d’État, a au contraire pour effet de permettre au Gouvernement d’adapter les règles habituelles d’indemnisation ou d’y déroger dans un sens qui pourrait être défavorable aux propriétaires. L’amendement vise à garantir la conformité du texte à la Constitution et à protéger les intérêts des propriétaires mahorais, qui ont le droit d’être indemnisés dans les conditions du droit commun.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de revenir sur les conditions de fixation des indemnités dues aux Mahorais dont les terrains seront expropriés ou réquisitionnés. Les indemnités resteront déterminées dans les conditions du droit commun et devront au surplus être versées préalablement à toute prise de possession. Il s’agit d’exigences constitutionnelles fondamentales et impératives.

La mention relative aux indemnités ne figurait pas dans le projet de loi initial du Gouvernement. Le Conseil d’État en a suggéré l’ajout compte tenu des objectifs que nous lui avons fait connaître. Il est en effet indispensable de prévoir une modalité de versement préalable des indemnités aux propriétaires expropriés, y compris si on ignore leur identité – ce cas de figure n’est pas envisagé par le droit en vigueur –, afin de ne pas bloquer indéfiniment tout projet d’envergure.

Dans la mesure où la piste du versement de ces indemnités par voie de consignation est envisagée, il a été préconisé d’ajouter les mots : « Adaptation ou dérogation aux règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique notamment en matière d’identification et d’indemnisation préalable des propriétaires des emprises devant faire l’objet d’une expropriation ». Il n’est donc pas question de priver les Mahorais d’indemnisation en cas d’expropriation ou de réquisition temporaire de leurs biens. Il s’agit au contraire de garantir leur droit à l’indemnisation, même si le propriétaire du bien n’est pas connu. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il me semble que nous parlons ici de droit et non d’intentions. Je maintiens l’amendement.

La commission adopte l’amendement CE269.

 

Elle adopte l’article 10 ainsi modifié.

 

 

Après l’article 10

 

Amendement CE16 de Mme Anchya Bamana (RN)

Mme Anchya Bamana (RN). Cette demande de rapport porte sur la situation du cadastre à Mayotte. La loi relative à la différenciation, la décentralisation et la déconcentration, dite loi « 3DS », a doté Mayotte de deux outils en matière d’aménagement et de foncier : l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam) et la commission d’urgence foncière (GIP-CUF). Ces bras armés de l’aménagement n’ont pas les moyens de régulariser les plus de 6 000 titres de propriété identifiés, faute notamment de résorption des indivisions.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable. À Mayotte, la question du cadastre est en souffrance depuis plus de quarante ans. Le passage du cyclone l’a rendue plus pressante encore, à tel point que l’on se demande comment la reconstruction sera sérieusement organisée sans cadastre. Sur ce point, le Gouvernement est resté muet, ce qui n’est pas sans susciter l’inquiétude.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il existe – cela démontre qu’il y a loin de l’analyse de la situation à l’application d’un plan cadastral à jour – de nombreux rapports abordant les questions foncières outre-mer et, plus particulièrement, à Mayotte. Le rapport demandé dans un délai de deux ans ne me semble pas nécessaire à l’objectivation d’un problème connu de chacun.

Nous savons déjà, pour y travailler depuis plusieurs années, que la mise à jour du cadastre et l’affirmation de la licéité ou de l’illégalité de telle ou telle occupation à l’échelle de l’archipel sont un travail d’envergure nécessaire. S’il n’a pas été fait, ce n’est pas uniquement par mauvaise volonté, mais en raison de réalités objectives. C’est un travail délicat et conséquent. Il ne faut pas faire croire que tout tient à la mauvaise volonté des uns et des autres. Il y a une réalité difficile ; il faut essayer de l’affronter. Il faudra bien plus que deux années pour trancher les cas litigieux qui subsistent et réunir les éléments nécessaires à l’établissement des titres. Les travaux de la GIP-CUF le confirment. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE16.

 

 

CHAPITRE V – ADAPTATIONS ET DÉROGATIONS TEMPORAIRES EN MATIÈRE DE COMMANDE PUBLIQUE

 

Article 11 : Dérogations à l’obligation de publicité et de mise en concurrence préalables pour la passation des marchés de travaux, de fournitures et de service soumis au code de la commande publique

 

Amendements CE44 de M. Jean-Hugues Ratenon et CE155 de M. Davy Rimane (discussion commune)

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). L’article 11 prévoit des exceptions aux règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation des marchés publics. Ces dérogations, qui visent à accélérer les procédures, introduisent une opacité susceptible d’entraver la confiance dans les institutions et d’augmenter les risques de favoritisme. Afin de concilier la rapidité nécessaire à la réalisation des travaux et les exigences de transparence et d’équité, l’amendement CE44 vise à réduire les délais d’attribution des marchés à sept jours, tout en maintenant les règles classiques de publicité et de mise en concurrence.

Il s’agit de garantir un traitement plus transparent pour les entreprises de Mayotte tout en accélérant la reconstruction. L’amendement préserve la transparence des marchés publics, offre une meilleure garantie contre les dérives potentielles et répond aux besoins spécifiques de Mayotte.

M. Davy Rimane (GDR). L’amendement CE155 vise, à l’alinéa 3, à substituer aux mots « sans publicité » les mots « selon les délais de publicité prévus en cas de situation d’urgence ». D’ores et déjà à Mayotte, le délai de publicité peut être ramené à quinze jours si une situation d’urgence dûment justifiée rend le délai minimal impossible à respecter. Aux yeux des élus du conseil départemental, l’éviction de la publicité semble dangereuse et susceptible de favoriser toutes les fraudes. À l’exemption d’une obligation de publication, il préfère une diminution de la durée de publication pour tenir compte de l’urgence.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE44 et CE155.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE270 de Mme Estelle Youssouffa.

 

Amendement CE271 de Mme Estelle Youssouffa, amendement CE91 de M. Philippe Gosselin et sous-amendements CE241 du Gouvernement et CE304 de M. Frantz Gumbs, amendement CE17 de Mme Anchya Bamana (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE271 vise à garantir les conditions d’une pleine participation des acteurs économiques mahorais à la reconstruction. Cette préoccupation est partagée par la représentation nationale et par les élus, ainsi que par les acteurs économiques de Mayotte.

Il ne s’agit pas de remettre en cause, dans son principe, le pouvoir d’appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs mais de favoriser l’attribution des marchés publics aux PME et aux artisans dont le siège social était dans le département à la veille du cyclone.

D’une part, l’amendement consacre le droit de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que des établissements publics de l’île de réserver aux PME et aux artisans locaux une part préférentielle des marchés publics. Il prévoit l’établissement d’un plan de sous-traitance pour les soumissionnaires dépourvus de la qualité de PME ou d’artisan. D’autre part, il fait obligation aux lauréats de confier une partie de l’exécution à des PME et à des artisans locaux. Ainsi, ce dispositif transpose les dérogations au principe de la commande publique admis par le droit commun des marchés publics pour les temps plus ordinaires.

M. Philippe Gosselin (DR). Le secteur privé représente à peine un quart du produit intérieur brut (PIB) mahorais. Il faut soutenir l’économie locale en réservant une part significative du montant des marchés aux entreprises mahoraises. L’amendement CE91 prévoit que cette part pourrait concerner jusqu’à 50 % des montants – ce serait un maximum.

Bien sûr – et j’anticipe sur le sous-amendement du Gouvernement –, il sera vraisemblablement compliqué d’atteindre ce taux pour certains marchés, mais « qui peut le plus peut le moins » et ce soutien est nécessaire.

M. Manuel Valls, ministre d’État. La proportion de 50 % semble excessive, au regard des principes de la commande publique et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Celui-ci considère que si le législateur peut réserver l’attribution d’une partie de certains marchés à des catégories d’organismes précisément déterminés, « il ne saurait le faire que pour une part réduite, pour des prestations définies et dans la mesure strictement nécessaire à la satisfaction des objectifs d’intérêt général ainsi poursuivis ». Un seuil de 30 % apparaît plus adapté. C’est d’ailleurs celui retenu dans la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (Erom) de 2017, qui prévoyait une expérimentation permettant de réserver une part des marchés aux TPE – c’est bien notre objectif ici. Avis favorable à l'amendement CE91, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement.

M. Frantz Gumbs (Dem). L’île de Saint-Martin a, elle aussi, été dévastée par un cyclone majeur (Irma) en 2017. Les entreprises locales en ont tiré en matière de reconstruction – celle-ci n’est d’ailleurs pas terminée – une expertise qui doit pouvoir servir à Mayotte. C’est la raison de mon sous-amendement.

Mme Anchya Bamana (RN). Mon amendement vise à permettre aux entreprises mahoraises de participer à l’effort de reconstruction du territoire.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon amendement offre une synthèse des autres. Comme celui de notre collègue Gosselin tel que sous-amendé par le Gouvernement, il permettrait de garantir que 30 % des chantiers de reconstruction seront attribués à des entreprises mahoraises.

Quant au vôtre, Madame Bamana, si vous en améliorez sa rédaction, j’émettrai un avis favorable lors de l’examen en séance : en effet, en l’état, l’obligation qu’il prévoit ne vaudrait que pour les marchés publics passés sur le fondement de l’article 11 du projet.

Enfin, Monsieur Gumbs, notre objet est d’aider l’économie mahoraise. Le champ des bénéficiaires du dispositif doit donc rester circonscrit aux entreprises locales. Demande de retrait de votre sous-amendement.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame la rapporteure, je comprends tout à fait l’objectif de votre amendement. Toutefois, son premier alinéa n’est pas opérationnel, faute de préciser si la proportion mentionnée concerne le montant des marchés ou leur nombre. Par ailleurs, le 2 de l’article 11 du projet permettra déjà à l’acheteur de choisir librement l’attributaire. S’il le souhaite et si cela est possible, il peut donc réserver le marché à un opérateur mahorais.

De même, l’obligation de formalisation d’un plan de sous-traitance prévue au deuxième alinéa de votre amendement alourdirait la procédure, alors que celle-ci doit justement être simplifiée et accélérée en vue du rétablissement dans les meilleurs délais du fonctionnement des services publics.

Enfin, l’obligation prévue au troisième alinéa de votre amendement ferait peser une charge administrative supplémentaire tant sur les acheteurs que sur les opérateurs économiques.

L’amendement de Monsieur Gosselin, tel que je propose de le sous-amender, permettrait de satisfaire votre souhait, en autorisant les acheteurs à réserver 30 % du montant des marchés concernés aux entreprises domiciliées fiscalement à Mayotte ou y ayant leur siège social.

Monsieur Gumbs, je me fie à votre expérience ! Toute initiative visant à relever le défi de la reconstruction de Mayotte doit être saluée, surtout quand son auteur a été élu dans un territoire meurtri, il y a quelques années, par l'ouragan Irma et connaît donc l’importance de l’entraide dans l’effort de reconstruction.

Votre sous-amendement mentionne les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. De fait, certains pourraient s’interroger sur l'absence de référence aux collectivités d’outre-mer dans le présent texte. Pour ma part, je suis convaincu qu’il faut faire confiance aux acteurs locaux de la commande publique pour garantir la cohérence de l’offre et de la demande. Toute entreprise qui se démarquera par son savoir-faire technique a vocation à contribuer à la reconstruction du territoire. Il reviendra bien évidemment aux acteurs de la commande publique d’en juger dans le cadre prévu par la loi. Le sous-amendement devrait être réécrit pour intégrer cet élément. À ce stade, j’émets donc un avis défavorable.

Madame Bamana, l’article prévoit qu’en raison des circonstances exceptionnelles, les marchés de travaux, fournitures et services d’une valeur inférieure à 100 000 euros hors taxe pourront être passés de gré à gré et que les marchés de travaux d’une valeur inférieure à deux millions d’euros hors taxe pourront être négociés sans publicité, à partir de quelques devis.

Vous demandez que les candidatures » à ces marchés comportent nécessairement des entreprises mahoraises. Or, le dispositif prévu vise justement à éviter le dépôt d’un dossier de candidature. Ainsi, les acheteurs mahorais pourront choisir librement leur cocontractant ; ils auront toute latitude pour retenir les entreprises mahoraises aptes à répondre aux besoins.

Enfin, votre projet d’imposer de contracter avec des entreprises mahoraises pourrait soulever des difficultés dans les cas où aucune entreprise locale ne serait en mesure de répondre aux besoins. C’est une chose de favoriser les entreprises mahoraises. C’en est une autre d’empêcher la satisfaction des besoins locaux, faute d’entreprises locales compétentes dans certains domaines ! Avis défavorable.

M. Frantz Gumbs (Dem). Il ne s’agit pas de faire concurrence aux entreprises mahoraises mais de permettre à Mayotte d’accéder à l’expertise propre aux entreprises domiciliées outre-mer.

Je comprends toutefois votre préoccupation et retire mon sous-amendement, que je réécrirai en vue de la séance.

Le sous-amendement CE304 est retiré.

M. Philippe Gosselin (DR). Il faut valoriser l’expertise acquise par les territoires antillais à la suite des catastrophes survenues ces dernières années. Pourquoi aller chercher ailleurs des compétences disponibles en France ? La démarche proposée par notre collègue Gumbs me semble constructive et enrichissante.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous rejoins !

La commission adopte l’amendement CE271.

En conséquence, les amendements CE91 et CE17 ainsi que le sous-amendement CE241 tombent.

 

Amendement CE109 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Les élus locaux mahorais souhaitent que l’exemption de l’obligation de publicité des marchés publics soit compensée par une publication numérique à titre d’information du public » d’une durée de deux ans. Ainsi, nous pourrions prendre en compte l’urgence de la situation tout en garantissant la transparence des marchés publics.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le code de la commande publique prévoit déjà que les acheteurs, même quand ils sont dispensés des obligations de publicité, doivent permettre un accès « libre, direct et complet » aux données essentielles concernant la passation du marché, son contenu et son exécution. Cet accès est en principe possible sur le site du ministère de l’économie, ou, pour les marchés entre 25 000 et 40 000 euros, sur un support déterminé par l’acheteur. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Philippe Gosselin (DR). Je vous fais confiance, Monsieur le ministre d’État.

L’amendement CE109 est retiré.

 

La commission adopte l’article 11 ainsi modifié.

 

 

Article 12 : Dérogation au principe d’allotissement des marchés de travaux, de fournitures et de service soumis au code de la commande publique

 

Amendements de suppression CE46 de M. Jean-Hugues Ratenon, CE149 de M. Davy Rimane et CE216 de Mme Dominique Voynet

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Oui, il faut faire vite. Mais il faut aussi faire bien ! Nous demandons de supprimer l’article 12, qui prévoit une dérogation au principe d'allotissement obligatoire des marchés publics afin de simplifier et d’accélérer les procédures. En effet, alors que l’activité économique reprend difficilement son cours, une telle dérogation menacerait les TPE et PME de Mayotte en les privant d’un accès équitable aux marchés. Elle placerait Mayotte en position de dominé, notamment à travers la généralisation de la sous-traitance à bas coût.

En supprimant l’article, nous favoriserons la relance de l’économie locale et l’inclusion de chacun dans celle-ci. Nous réduirons également la concentration du marché entre les mains des grands groupes.

M. Davy Rimane (GDR). Les paysages économiques guyanais et mahorais se ressemblent. Il faut y maintenir l’obligation d’allotir, qui permet aux TPE locales d’accéder aux marchés publics les plus importants, dès lors qu'elles se sont constituées en groupement.

À défaut, les marchés sont monopolisés par de grandes structures qui sous-traitent à bas coût et empêchent ainsi un développement endogène du territoire.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Oui, évitons que les marchés publics bénéficient essentiellement aux entreprises à fort capital, qu’elles soient étrangères ou domiciliées en France hexagonale, et de porter atteinte au tissu économique local ! Il faut permettre la bonne répartition des marchés entre les acteurs, en incluant les entreprises locales.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable. Je défendrai par la suite un amendement pour répondre à vos préoccupations.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis de sagesse. J’y reviendrai si les amendements étaient rejetés.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je soutiens ces amendements. En l’absence de convention collective dans le secteur de la construction applicable à Mayotte, le marché risque d’être phagocyté par des groupes qui tirent vers le bas les conditions de travail. Avant Noël, une organisation syndicale présente à Mayotte nous a signalé qu’une grande entreprise y propose des contrats prévoyant quatorze heures de travail quotidien. La dérogation prévue à cet article fragiliserait dramatiquement les salariés.

La commission adopte les amendements CE46, CE149 et CE216.

En conséquence, l’article 12 est supprimé et les amendements CE272, CE212, CE273, CE110, CE274, CE170 et CE222 tombent.

 

 

Article 13 : Assouplissement des possibilités d’attribution d’une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement d’équipements et de bâtiments publics

 

Amendements CE275 de Mme Estelle Youssouffa et CE171 de M. Philippe Naillet (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon amendement vise à garantir la pleine participation des acteurs économiques de Mayotte à sa reconstruction, en consacrant la faculté d’attribuer une part préférentielle aux entreprises et aux artisans possédant leur siège social dans le département dans les marchés de conception-réalisation. Il prévoit l’établissement d’un plan de sous-traitance pour les soumissionnaires ne possédant pas la qualité de PME ou d’artisan – il répond ainsi aux préoccupations exprimées à l’instant.

Les soumissionnaires retenus seraient obligés de confier une partie de l’exécution d’une mission globale, le cas échéant, sous la forme de lots, à des entreprises, des PME et des artisans locaux, sauf impossibilité tenant à la structure du secteur économique concerné.

Nous transposerions ainsi dans ce texte les dérogations aux principes de la commande publique admis par le droit commun des marchés publics.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’article 13 a pour objet de faciliter et d’accélérer la reconstruction des équipements et bâtiments publics nécessaires au rétablissement des services publics, en assouplissant temporairement les conditions de recours aux marchés de conception ou de réalisation.

Vous demandez d’octroyer aux acheteurs la possibilité de contracter prioritairement avec des entreprises mahoraises pour une part pouvant aller jusqu’au tiers du montant prévu du marché. Or, les marchés globaux sont par nature complexes et difficilement exécutables par les entreprises visées. Leur en réserver une part pourrait remettre en cause l’objectif de rapidité et d’efficacité de la reconstruction.

Vous proposez également d’obliger les soumissionnaires à formaliser un plan de sous-traitance, en justifiant, le cas échéant, l’absence de sous-traitant et d’obliger les titulaires des missions globales qui ne sont ni des artisans ni des PME à confier à ces derniers au moins 30 % du montant prévisionnel du marché, sauf impossibilité tenant à la structure du secteur économique concerné. Or, le code de la commande publique oblige déjà les titulaires d’une mission globale qui ne sont ni des TPE ni des PME à faire exécuter une part des prestations par de telles entreprises, notamment par le biais de la sous-traitance. Cette part minimale a d’ailleurs été portée de 10 % à 20 % par un décret du 30 décembre 2024. Avis défavorable !

M. Dominique Potier (SOC). Nous proposons de fixer à 20 % la part que les titulaires des missions globales doivent faire exécuter par des artisans, des PME ou des entreprises de petite taille à caractère local. Ainsi, nous éviterons les effets négatifs que peut avoir la sous-traitance, tout en promouvant l’économie locale dans l’effort de reconstruction.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Pourquoi ne pas réécrire votre amendement en vue de l’examen en séance, en reprenant le taux de 30 % que nous venons d’adopter à l’article 11 ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur Potier, comme je viens de l’indiquer, votre amendement est satisfait par un décret du 30 décembre 2024 ! Je vous demande donc de le retirer.

M. Davy Rimane (GDR). Madame la rapporteure, contrairement à ce que vous annonciez, votre amendement ne garantit pas un accès équitable à la commande publique. Dans nos territoires, les entreprises n’ont pas les reins assez solides pour répondre aux plus gros marchés – sauf quand le marché est alloti et qu’elles se sont constituées en groupement.

Tant les acheteurs – le plus souvent, des opérateurs publics – que les attributaires des marchés, qui sous-traitent, suivent la logique du moins-disant. Ainsi, les prix sont si bas que les petites structures ne peuvent survivre.

Vous répétez les mêmes erreurs : le marché de sous-traitance que vous instaurez tue le tissu local de TPE. Pour la reconstruction de Mayotte et son développement endogène, il faut leur permettre de participer directement aux marchés.

M. Dominique Potier (SOC). Madame la rapporteure, le taux de 20 % que nous proposons constituerait un minimum. Il serait possible de réserver 30 % du montant prévu du marché global aux TPE et aux artisans.

Monsieur le ministre d’État, c’est vrai, la loi prévoit déjà un tel taux minimal. Mais il n’est pas inutile de le répéter dans ce texte. Nous envoyons ainsi un signal.

Mme Louise Morel (Dem). Nous souhaitons tous soutenir les acteurs locaux pour assurer la reconstruction de l’île. Pourtant, la situation est confuse. Madame la rapporteure, vous nous avez présenté l’amendement en discussion comme une garantie contre les risques présentés par les dispositions de l’article 12, que nous venons de supprimer. L’adoption de l’un des amendements en discussion conduirait-elle à les rétablir ?

Par ailleurs, vous proposez de réserver des parts de marché aux entreprises locales. Mais si celles-ci ont été affectées par le cyclone, comment garantir qu’elles pourront assumer cette activité ?

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. En l’état, l’article 11 ouvre simplement la faculté de réserver 30 % du montant prévisionnel du marché aux PME ou aux artisans. Nous prenons ainsi en compte la vulnérabilité du tissu économique.

Les acteurs locaux attendent un signal de la part de la puissance publique. En leur donnant la priorité, nous leur permettrons d’accroître leur trésorerie et de bénéficier d’un meilleur soutien bancaire.

Monsieur Rimane, l’amendement en discussion prévoit la formalisation d’un plan de sous-traitance précisant le montant et les modalités de participation des entreprises, donc leur rémunération.

Monsieur Potier, aux termes de l’amendement de votre groupe, les PME et les artisans bénéficiant de la part réservée d’un marché ne seraient pas forcément domiciliés localement. Vous ne proposez donc pas la préférence locale ! Vous pourriez améliorer l’amendement sur ce point en vue de l’examen en séance.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement CE271 à l’article 11, adopté de manière tout à fait légitime par la commission, n’a pas d’impact sur l’article 13. Je souligne au passage que l’amendement CE91 de M. Gosselin, sous-amendé par le Gouvernement, était beaucoup plus clair.

Je comprends les objectifs – notamment, celui de réserver 20 % des marchés aux PME, qui va dans le bon sens – mais cela me semble relever du décret que j’évoquais tout à l’heure. Mon rôle en tant que ministre est aussi d’essayer de simplifier et de clarifier. Nous pourrons reparler des difficultés en séance mais je préférerais que nous y voyions plus clair dès maintenant. Je m’en tiens donc aux positions déjà évoquées, en approuvant le propos de M. Potier.

La commission adopte l’amendement CE275.

En conséquence, l’amendement CE171 tombe.

 

Elle adopte l’article 13 ainsi modifié.

 

 

Après l’article 13

 

Amendements CE47 de Mme Nadège Abomangoli et CE42 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Compte tenu de la rédaction modifiée de l’article 13, nous retirons nos amendements, qui sont moins-disants.

Les amendements CE47 et CE42 sont retirés.

 

Amendement CE172 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement propose de limiter la sous-traitance au second rang pour les marchés passés en lots séparés et au troisième rang pour les marchés non allotis. En effet, si la sous‑traitance apparaît indispensable pour confier l’exécution de prestations très spécialisées ou pallier une surcharge d’activité, une cascade excessive, par la dilution des responsabilités qu’elle entraîne, peut avoir des conséquences dommageables, à la fois pour les clients et pour les entreprises elles‑mêmes.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Votre amendement est satisfait par ce que nous venons de voter. Demande de retrait.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.

M. Philippe Naillet (SOC). Je le maintiens, car c’est une demande des syndicats professionnels du bâtiment.

La commission adopte l’amendement CE172.

 

Amendement CE173 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Pour que la reconstruction de Mayotte se fasse de manière ordonnée et respectueuse des deniers publics, l’amendement vise à ce que les soumissionnaires fassent apparaître leurs taux de marge au sein de leurs offres afin d’éclairer les acheteurs publics et d’identifier des offres anormalement élevées ou basses. Cette mesure incitative pourrait avoir pour effet de modérer les velléités de certains opérateurs économiques.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Une telle disposition permettra d’éclairer le choix des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs. Elle confortera la transparence des procédures et l'exigence du bon usage des deniers publics. Elle est d’autant plus utile que, dans le contexte particulier des marchés ultramarins, la question des marges est très sensible politiquement et socialement. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il ne me paraît pas souhaitable, au regard de la liberté des prix et du respect du jeu de la concurrence, de permettre à un acheteur d’écarter une offre au motif que la marge serait particulièrement élevée. Cette mesure me semble donc juridiquement fragile et exposerait la loi à une censure du Conseil constitutionnel. Avis défavorable !

La commission adopte l’amendement CE173.

 

 

Article 14 : Entrée en vigueur des dérogations aux principes de la commande publique établies par les articles 11 à 13 du projet de loi

 

La commission adopte l’article 14 non modifié.

 

 

Après l’article 14

 

Amendement CE43 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Cet amendement propose de réserver une part des marchés publics aux très petites entreprises locales, ce qui permettrait de soutenir un tissu économique fragilisé.

Il propose également d’encourager les entreprises non locales à embaucher des habitants de Mayotte afin de mobiliser les savoir-faire existants, très spécifiques à l’île, ses matériaux et ses terrains, et de renforcer ainsi les compétences de la population locale. Cette mesure est d'autant plus pertinente que le secteur de la construction est un vecteur important d'insertion professionnelle.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le champ de l’amendement est trop large, puisqu’il concerne tous les marchés publics, quels que soient leur montant et leur nature – travaux, fournitures et services. L’article 11 permet déjà aux acheteurs de contracter de gré à gré pour les marchés de travaux, fournitures et services en dessous de 100 000 euros. Il donne aussi aux acheteurs une souplesse dans le choix du contractant pour les marchés de travaux de moins de deux millions d’euros. Les acheteurs disposent donc de la souplesse requise pour choisir les entreprises mahoraises.

Enfin, votre amendement est déjà, au moins en partie, satisfait par les dispositions du code de la commande publique, qui prévoit la possibilité de réserver une part de 20 % de l'exécution des marchés globaux à des PME. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Cette priorité d’embauche concernerait les Mahorais et les étrangers en situation régulière, n’est-ce pas ?

Mme Dominique Voynet (EcoS). Je suis favorable à l’amendement, mais je voudrais soulever la question des réseaux d’eau et d’assainissement, dont nous n’avons pas encore parlé.

J’avais déposé un amendement sur cette question mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Le Gouvernement serait fondé à déposer un amendement permettant de renforcer les moyens du syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte (Sieam), pour permettre de coordonner les travaux de reconstruction, de rénovation, de mise aux normes et de sécurisation du système. Ses moyens sont en effet insuffisants pour relever ce défi considérable.

La commission adopte l’amendement CE43.

 

Amendement CE140 de M. Frédéric Maillot

M. Davy Rimane (GDR). Cet amendement a pour objectif d’inciter les entreprises extérieures à Mayotte à collaborer avec les agents économiques locaux en intégrant un critère social spécifique dans leurs offres pour les marchés publics. Cette mesure contribuera à renforcer les relations économiques locales et à promouvoir la sous-traitance avec des entreprises mahoraises, participant ainsi au développement économique durable du territoire.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il introduit un facteur de complexité, alors que notre objectif premier est de faciliter et d’accélérer la reconstruction de l’île. Il instaure en outre une rupture d’égalité entre les entreprises établies à Mayotte et les autres. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE140.

 

 

CHAPITRE VI  FACILITER LES DONS À DESTINATION DE MAYOTTE

 

Article 15 : Subventionnement des associations apportant des secours d’urgence aux victimes du cyclone Chido – Concours financiers apportés à l’établissement public foncier de Mayotte

 

Amendements identiques CE232 du Gouvernement et CE278 de Mme Estelle Youssouffa

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement a pour objet de conforter la possibilité, pour l’ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements, de participer au financement des actions d’urgence et de reconstruction de Mayotte au profit des associations ou de l’établissement public, au titre de la solidarité nationale, en levant toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence et à la condition d’intérêt public local.

Il vise aussi à harmoniser les dispositions relatives à la durée du dispositif et à la nature des actions d’urgence et de reconstruction avec celles de l’article 16 relatif à la majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués par les particuliers.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je saisis l’occasion de l’amendement CE278, identique, pour vous dire combien la solidarité nationale exprimée envers Mayotte nous a touchés. Mayotte a souvent le sentiment d’être abandonnée et de ne pas faire partie de l’inconscient collectif national. La couverture médiatique et l’immense élan de générosité, individuelle et collective, nous ont bouleversés.

Au fur et à mesure du rétablissement de l’électricité et des communications, nous avons peu à peu découvert ce qui se passait dans l’Hexagone, dans les outre-mer et à l’étranger, et cela nous a donné beaucoup de courage. Même les personnes les plus modestes sont allées faire des dons en argent ou en nature. La Fondation de France a récolté 23 millions d’euros. C’est exceptionnel et le compteur tourne encore ! De nombreuses collectivités locales, y compris parmi les communes les plus pauvres, ont prélevé un peu sur leur budget pour venir en aide aux collectivités locales mahoraises.

J’exprime donc un immense merci – on dit « marahaba » en mahorais –, devant la représentation nationale.

M. Pascal Lecamp (Dem). Je suis favorable à cet amendement. Il serait en effet dommage qu’un problème administratif de date empêche des collectivités qui le souhaitent de donner de l’argent ! Je pense notamment au syndicat des eaux de mon département de la Vienne, qui ne se réunit que quatre fois par an. On aurait aussi pu amender le texte pour retenir la date de la prochaine réunion de l'instance après la promulgation de la loi, mais la rédaction proposée est satisfaisante.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Si vous souhaitez déposer un amendement en ce sens lors de l’examen en séance, j’y serai favorable.

La commission adopte les amendements CE232 et CE278.

 

Amendements identiques CE238 du Gouvernement et CE68 de Mme Marie Lebec

M. Manuel Valls, ministre d’État. L'amendement propose d'ouvrir la possibilité aux collectivités territoriales de financer les fondations reconnues d'utilité publique dans leurs actions d'aide au territoire mahorais.

Mme Marie Lebec (EPR). Ce faisant, il vise à restreindre le versement de subventions par les collectivités territoriales aux seules associations reconnues d'utilité publique afin d'éviter d'éventuelles fraudes ou escroqueries, qui peuvent arriver dans ces moments de grande détresse. Le soutien à Mayotte est un très beau signal qui a été envoyé et il faut se préserver de ceux qui pourraient chercher à détourner les moyens de la reconstruction.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte les amendements CE238 et CE68.

 

Amendement CE130 de M. Davy Rimane

M. Davy Rimane (GDR). Cet amendement vise à élargir le champ des associations qui pourront être bénéficiaires des subventions mentionnées par l’article 15 mais également celui des personnes qu’elles pourraient contribuer à soutenir, en y incluant le cercle familial proche des victimes décédées.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je vous demande de le retirer, car il contient des imprécisions qui risqueraient d’alourdir l’application de la loi en étendant de manière inconsidérée les conditions du concours apporté par les collectivités territoriales. Nous pourrons le retravailler.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis.

M. Davy Rimane (GDR). Je ne retire pas l’amendement, qui me semble suffisamment précis puisque les membres de la famille proche pouvant bénéficier des aides sont énumérés.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Dans ce cas, avis défavorable ! Mais nous pourrons en reparler.

La commission rejette l’amendement CE130 .

 

Amendements CE67 de Mme Marie Lebec et CE237 du Gouvernement (discussion commune)

Mme Marie Lebec (EPR). Cet amendement propose d’élargir la portée de l’article 15 en ne le restreignant pas aux seuls secours d’urgence, afin de permettre aux collectivités territoriales de verser des subventions aux associations œuvrant à Mayotte pour la distribution alimentaire ou l’aide au logement.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement propose de compléter l’alinéa 1 afin de conforter la faculté donnée aux collectivités de financer les actions d’urgence et de reconstruction.

Avis favorable à l’amendement CE67.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon avis est réservé sur ces deux amendements car leur champ est très large. L’amendement suivant CE279 me semble plus précis.

La commission adopte l’amendement CE67.

En conséquence, l’amendement CE237 tombe.

 

Amendement CE279 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement propose d'étendre le champ des prestations associatives aux victimes du cyclone Chido pouvant être soutenues par les collectivités territoriales à titre exceptionnel. À cet effet, il complète la définition du secours d'urgence en y incluant la fourniture gratuite de repas et de soins aux victimes, ainsi que l’apport de solution de relogement, à l’exclusion des actions ayant pour objet ou résultat l'occupation irrégulière de logements d'habitation et la reconstitution d'un habitat informel.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CE279.

 

Elle adopte l’article 15 ainsi modifié.

 

 

La réunion est suspendue de vingt-trois heures cinq à vingt-trois heures dix.

 

 

Article 16 : Défiscalisation des dons consentis aux associations et fondations reconnues d’utilité publique à titre de soutien à leur action

 

Amendement CE193 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Cet amendement, rédigé en lien avec France générosités, propose d'ouvrir le dispositif fiscal à l'ensemble des organismes d'intérêt général puisqu’à ce stade, seules les associations et fondations reconnues d’utilité publique y sont éligibles. Certaines associations d’intérêt général, comme Solidarités International, s’en trouveraient exclues alors qu’elles mènent des actions essentielles sur le terrain pour venir en aide aux personnes sinistrées.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE193.

 

Amendement CE18 de Mme Anchya Bamana

Mme Anchya Bamana (RN). Cet amendement propose de supprimer la référence à l’aide à la reconstruction de logement. Les avantages fiscaux ne doivent en effet pas servir à aider les personnes en situation irrégulière à s'installer durablement dans le département.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Mon amendement CE276, que nous allons examiner juste après, satisfait le vôtre. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement CE18.

 

Amendement CE276 de Mme Estelle Youssouffa.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit d’éviter que la réduction d'impôt sur les dons à laquelle donne droit l'article 16 permette de financer des actions ayant pour objet (ou résultat) de contribuer à l'occupation irrégulière de locaux d'habitation ou à la reconstitution de bidonvilles.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Favorable.

La commission adopte l’amendement CE276.

 

Amendement CE281 de Mme Estelle Youssouffa.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à augmenter de 1 000 à 3 000 euros le montant des dons et versements pouvant être défiscalisés, la perte de recettes correspondante étant compensée.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous avons tous souligné l’exceptionnel élan de solidarité populaire qui s’est traduit par l’afflux des dons. Je crains néanmoins que la dépense fiscale qu’entraînerait votre amendement ne crée un effet d’aubaine pour les ménages aisés : 3 000 euros, c’est une somme élevée ! Je suis défavorable à cet amendement dont je ne comprends pas le sens mais peut-être pourriez-vous mieux m’expliquer son objectif.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Le but est simple : encourager la générosité en augmentant le montant maximal des dons pouvant donner lieu à réduction d’impôt.

La commission rejette l’amendement CE281.

 

Puis elle adopte l’article 16 ainsi modifié.

 

 

Après l’article 16

 

Amendement CE76 de M. Julien Dive

M. Philippe Gosselin (DR). Cet amendement vise, comme les précédents, à amplifier la solidarité en faveur de Mayotte. Il concerne les dons non plus des particuliers mais des entreprises. Pour les versements effectués entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025, il augmente temporairement les taux de réduction d’impôt à 75 % pour la fraction des dons inférieure ou égale à deux millions d’euros et à 55 % au-delà.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il me semble très utile de favoriser ainsi les dons des entreprises. Toutefois, il conviendrait de circonscrire le champ des actions des associations auxquelles iraient les versements, car la rédaction actuelle, pour ce qui est du logement, pourrait avoir pour effet de pérenniser des situations d’occupation illégale de terrains. Je vous propose donc de retirer l’amendement pour le modifier en vue de la séance.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le champ du dispositif actuel couvre une large partie des besoins de première nécessité des victimes mahoraises. Le régime fiscal du mécénat est équilibré : il permet de soutenir les démarches des mécènes en mettant l’accent sur l’aide aux personnes en difficulté, tout en tenant compte des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. J’ajoute que l’amendement me semble de nature à diminuer l’intensité de l’avantage fiscal pour la fraction des dons supérieurs à deux millions d’euros.

Je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Philippe Gosselin (DR). Comme je n’en suis pas l’auteur, je ne peux le retirer.

La commission rejette l’amendement CE76.

 

 

CHAPITRE VII – MESURES EN FAVEUR DE LA POPULATION À MAYOTTE

 

Article 17 : Suspension des délais de recouvrement fiscal forcé

 

Amendements CE282 de Mme Estelle Youssouffa et CE234 du Gouvernement (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE282 met fin à l’effet rétroactif des mesures de l’article 17 qui, contrairement à ce que laisse entendre l’exposé des motifs, n’est pas favorable aux contribuables mahorais. Cet article suspend non pas le recouvrement fiscal forcé en lui-même, mais les délais qui lui sont applicables. En effet, il ne suspend pas les procédures ; mais permet au contraire à l’administration fiscale de les poursuivre au-delà du 31 décembre 2025, y compris quand les délais légaux sont échus.

De plus, il porte uniquement sur les créances dont sont redevables les contribuables à l’égard de l’administration. Les sommes que celle-ci leur doit sont exclues de son champ. Selon les estimations de l’étude d’impact, cette mesure coûterait 2,8 millions d’euros aux entreprises et 500 000 euros aux particuliers, ce qui montre bien qu’elle est défavorable aux administrés.

Le caractère rétroactif de la mesure pourrait être contraire aux exigences constitutionnelles de sécurité juridique, notamment en matière fiscale et pénale.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’amendement CE234 étend la suspension allant jusqu’au 31 mars 2025 aux délais ayant commencé à courir à compter du 14 décembre 2024. En outre, il prévoit que la prolongation de cette suspension jusqu’au 31 décembre 2025 pourra aussi s’appliquer aux délais ayant commencé à courir après le 31 mars 2025.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Alors que nous abordons un nouveau chapitre du projet de loi qui concerne les droits des assurés sociaux mahorais, je repose la question que j’avais soulevée au début de nos débats et à laquelle vous aviez dit vouloir répondre ultérieurement, Monsieur le ministre : envisagez-vous de suspendre l’application à Mayotte de la réforme de l’assurance chômage et de la réforme du revenu de solidarité active (RSA), qui conditionne son versement à l’obligation d’effectuer quinze heures d’activité par semaine ?

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Nous sommes opposés à l’amendement du Gouvernement qui, en prolongeant les délais applicables au recouvrement forcé, remet en cause les délais de prescription et donc la sécurité juridique des contribuables. Par cet effet rétroactif, il aggrave le risque de non-conformité avec la Constitution de cet article, défavorable aux Mahorais.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous n’avons pas la même position en effet. Dans son amendement, Madame la rapporteure propose de suspendre les délais à compter du 14 décembre 2024 et jusqu’au 31 décembre 2025, uniquement si ces délais sont en cours au moment de la date de l’entrée en vigueur de la loi. Son adoption conduirait à ne pas inclure dans le dispositif les délais ayant commencé à courir avant le 14 décembre 2024 ou commençant à courir à partir de cette date et expirés avant la date d’entrée en vigueur de la loi.

Prenons l’exemple d’un délai qui arriverait à échéance le 14 janvier 2025 : si l’amendement de la rapporteure était adopté, il n’y aurait pas de suspension possible, alors que selon la rédaction de l’article 17 que nous proposons, le contribuable aurait jusqu'au 31 mars 2025 pour faire valoir une éventuelle contestation auprès de l’administration.

Voilà pourquoi je suis défavorable à l'amendement de la rapporteure.

S’agissant de la réforme du RSA, Madame Thomin, une ordonnance de juin 2024 reporte de trois ans l’application du contrat d’engagement. Quant à la réforme de l’assurance chômage, les partenaires sociaux se mettront d’accord sur une convention prenant en compte la situation à Mayotte. Je vous propose d’apporter en séance davantage de précisions sur l’ensemble de ces questions.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Monsieur le ministre, vous déformez l’amendement que je présente. Il s’agit pour nous de mettre fin à l’effet rétroactif de l’article 17, que votre amendement ne fait que prolonger. Nous entendons protéger les contribuables mahorais et éviter de donner des pouvoirs exorbitants à l’administration fiscale, dont l’intention est bien – je n’ai pas de doutes à ce sujet – de mettre en recouvrement un maximum de créances.

La commission rejette l’amendement CE282 puis adopte l’amendement CE234.

 

L’amendement CE22 de Mme Anchya Bamana est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE252 de Mme Estelle Youssouffa.

 

Amendement CE283 de Mme Estelle Youssouffa.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le diable se cache dans les détails, vous le savez, et le changement de termes proposé par la rapporteure n’est pas purement rédactionnel. Il s’agit en effet de substituer aux mots « des redevables » les mots « de ces créances », ce qui contribue à rendre la deuxième phrase de l’article 17 impropre, puisque serait prise en considération la situation économique et financière des créances et non plus celle des redevables, ce qui n’a pas le même sens sur le plan juridique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. C’est une simple question de français : on peut suspendre des créances, mais pas des redevables – à moins qu’il ne s’agisse de suspendre des personnes dans le vide ?

La commission rejette l’amendement CE283.

 

Puis elle adopte l’article 17 ainsi modifié.

 

Après l’article 17

 

Amendement CE90 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (DR). Cet amendement vise à soulager la trésorerie des entreprises de Mayotte en leur accordant un délai supplémentaire pour s'acquitter de leurs obligations fiscales, sans pénalités. Cette mesure leur permettra de se concentrer sur la reprise de leur activité et la reconstruction plutôt que sur des échéances fiscales immédiates.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE90.

 

Article 18 : Suspension du paiement des prélèvements sociaux

 

Amendement CE176 de M. Philippe Naillet

M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à rendre automatique la suspension du paiement des cotisations et contributions sociales pour les entreprises et travailleurs indépendants mahorais. La rédaction actuelle, en recourant aux termes « de droit », laisse penser que la suspension exige une démarche de leur part.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Demande de retrait.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je souhaite rassurer les auteurs de l’amendement : aucune démarche ne sera demandée aux cotisants mahorais qui bénéficieront de la suspension de façon automatique. Le Gouvernement souhaite maintenir les termes « de droit » qui garantissent à la suspension un caractère inconditionnel. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement CE176 est retiré.

 

Amendement CE305 de Mme Estelle Youssouffa et sous-amendement CE306 du Gouvernement, amendement CE175 de M. Philippe Naillet, amendements identiques CE177 de M. Philippe Naillet et CE223 de Mme Anchya Bamana (discussion commune)

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’amendement CE305, qui reprend une proposition de notre collègue Sophie Errante, étend le délai de suspension des cotisations sociales au 31 décembre 2025, sans qu'il soit besoin de recourir à un décret. La voie réglementaire serait seulement utilisée pour le prolonger d'une année supplémentaire, jusqu'au 31 décembre 2026.

Par ailleurs, il prévoit qu’à l'issue de la période de suspension des paiements, un plan d'apurement sera conclu entre l'employeur et l'organisme de recouvrement des cotisations sociales afin d'échelonner le remboursement des créances sociales. L'annulation ne serait pas un « cadeau » : elle serait partielle et conditionnée à l’obligation de présenter un tel plan.

M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CE175, rédigé en lien avec la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), vise à mettre en œuvre à Mayotte le même dispositif d’accompagnement exceptionnel des entreprises que celui dont ont pu bénéficier Saint-Martin et Saint-Barthélemy après le passage de l’ouragan Irma.

Concrètement, il étend la suspension de l’obligation de paiement des cotisations et contributions sociales jusqu’au 31 décembre 2025 et prévoit, par décret, une prolongation jusqu’au 31 décembre 2026 si la situation économique et financière des cotisants le justifie. En outre, il ouvre la possibilité aux cotisants de conclure des plans d’apurement des dettes sociales d’une durée de soixante mois et d’abandonner partiellement les créances de cotisations et contributions sociales patronales dues au titre des rémunérations versées pendant la période comprise entre le 14 décembre 2024 et le 31 décembre 2025, sous certaines conditions et dans la limite de 50 % des sommes dues.

Quant à l’amendement CE177, il vise à décaler du 31 mars 2025 au 30 juin 2025 la date de la fin de la suspension du paiement des cotisations et contributions sociales pour les entreprises et travailleurs indépendants mahorais.

L’amendement CE223 est retiré.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis favorable à l’amendement de la rapporteure, mais le sous-amendement CE306 vise à en améliorer la rédaction en supprimant ses alinéas 5 à 8. Prévoir une période de suspension d’un an paraît cohérent, compte tenu de l’ampleur du cyclone et de la date que vous avez retenue pour l’entrée en vigueur des plans d’apurement, soit le 1er janvier 2026. Si une prolongation devait être décidée, elle le serait dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Si nous n’adoptons pas ce sous-amendement, outre le coût de 250 millions d’euros qui pèserait sur nos finances publiques, le caractère progressif de la convergence sociale, enjeu majeur de la loi-programme, serait remis en cause.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis un peu surprise que vous considériez que le fait de recourir ou non à un décret pour prolonger la période de suspension est de nature à remettre en cause l’alignement des prestations sociales à Mayotte. J’aimerais avoir davantage d’explications sur ce point.

M. Manuel Valls, ministre d’État. L’exonération totale des charges patronales et salariales remettrait en cause la trajectoire de convergence sociale, qui consiste à augmenter conjointement et progressivement le smic, le taux de cotisation et le montant des prestations en vue d’aligner le système de protection sociale de Mayotte (santé, famille, retraite et emploi) sur celui en vigueur au niveau national. Une évolution progressive a été engagée à partir de la départementalisation, en 2012, même si l’objectif est encore loin d’être atteint. Ce processus devait prendre une génération et s’achever d’ici à 2036. Le sous-amendement du Gouvernement vise à éviter que votre amendement, Madame la rapporteure, nous éloigne de l’objectif fixé ou rende la marche plus haute lorsque le dispositif proposé prendra fin, à rebours de la progressivité recherchée dans la trajectoire de convergence.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cela fait des années que Mayotte demande la convergence sociale mais que les gouvernements successifs n’avancent pas. Les élus mahorais ont réclamé à plusieurs reprises des conférences sociales pour lesquelles les gouvernements précédents, y compris celui que vous avez dirigé, n’ont jamais fixé de date. Il n’y a pas l’ombre du début d’un calendrier prévu ! Or vous invoquez subitement cet objectif, qui n’existe pas, pour atténuer les mesures à prendre après le passage du cyclone Chido. Votre argument me paraît donc complètement fallacieux. J’aurais pu entendre, à la limite, que vous invoquiez l’instauration d’une zone franche globale, prévue par le plan « Mayotte debout », mais nous ne connaissons même pas le détail de cette mesure. Je vous invite donc à clarifier vos propos. Ce serait une information – et même une bonne nouvelle pour Mayotte ! – – qu’un calendrier ait enfin été fixé en matière de convergence sociale !

M. Manuel Valls, ministre d’État. Ne nous fâchons pas ; tâchons plutôt de trouver un terrain d’entente. J’ai reconnu hier que nous avions pris beaucoup de retard, y compris pour la convergence à Mayotte, mais j’ai aussi indiqué tout à l’heure que c’est dans la loi-programme, la loi « Mayotte debout », que nous devrions intégrer ces éléments. Je retire mon sous-amendement, mais j’appelle votre attention sur les conséquences financières qu’emportera l’adoption de votre amendement. Pour le reste, je suis tout à fait d’accord avec vous, tant sur l’objectif de convergence que sur la nécessité de faire figurer ces mesures dans la loi-programme.

La commission adopte l’amendement CE305, le sous-amendement CE306 et l’amendement CE223 ayant été retirés.

En conséquence, les amendements CE175 et CE177 tombent.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE285 et CE286 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 18 ainsi modifié.

 

 

Après l’article 18

 

Amendement CE179 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons d’exonérer les acteurs économiques mahorais, entreprises et travailleurs indépendants, du paiement de toutes cotisations et contributions sociales dues au titre du mois de décembre 2024. Si l’article 18 prévoit la suspension du paiement de ces cotisations et contributions, il est nécessaire d’activer des mécanismes d’aide d’urgence plus puissants.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE179.

 

 

Article 19 : Intervention du Conseil de protection sociale des travailleurs indépendants à Mayotte

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE287 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 19 ainsi modifié.

 

 

Article 20 : Prolongation des droits pour les demandeurs d’emploi et bénéficiaires des allocations de chômage

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE291 rectifié et CE290 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendement CE293 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il convient de préciser que l’alinéa 3 ne concerne que les personnes privées d’emploi entre le 1er décembre 2024 et le 31 décembre 2025. La rédaction actuelle permettrait aux personnes perdant leur emploi après le 31 décembre 2025 de bénéficier de cette mesure sans pour autant avoir été touchées par le cyclone.

La commission adopte l’amendement CE293.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE294 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendement CE181 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Bien que vous ayez indiqué, Monsieur le ministre, que vous apporteriez des réponses lors du débat en séance, nous souhaitons mettre en avant la nécessité de suspendre les deux réformes de l’assurance chômage à Mayotte.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 20 ainsi modifié.

 

 

Article 21 : Prolongation des droits à prestations versées par la caisse de sécurité sociale de Mayotte

 

Amendement CE277 du Gouvernement

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il s’agit d’étendre à l’ensemble des assurés sociaux résidant à Mayotte et à leurs ayants droit le bénéfice de la prolongation des droits sociaux, des prestations de sécurité sociale ainsi que des remboursements et prises en charge des frais de santé prévue à l’article 21.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE277.

 

Amendement CE265 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement introduit une clause antifraude à l’alinéa 1, qui prolonge automatiquement les droits sociaux à partir du 14 décembre 2024. À défaut de pouvoir contrôler les documents justificatifs des bénéficiaires après cette date, il convient au moins de s’assurer que les personnes bénéficiaient légitimement de ces prestations avant le passage du cyclone. Ainsi, les fraudeurs et les personnes n’ayant pas fourni toutes les pièces avant le 14 décembre 2024 seront exclus de la prolongation automatique des droits.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je défendrai dans quelques instants l’amendement CE239, qui vise à lutter contre la fraude. Il complétera l’article 21 en précisant que les prestations acquises frauduleusement feront l’objet d’indus. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer.

L’amendement CE265 est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE295 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendement CE292 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. L’alinéa 2 prévoit la possibilité d’ouvrir de nouveaux droits aux prestations sociales sans aucune pièce justificative. L’étude d’impact souligne l’impossibilité de fournir certaines pièces telles que les certificats médicaux et justificatifs de revenus ou de situation familiale ; elle ne dit rien, en revanche, des documents permettant de justifier de la nationalité ou de la régularité du séjour sur le territoire. Au vu de la situation sur l’île et de la propension de certains individus à la fraude, le risque que de nombreuses personnes étrangères présentes illégalement sur le territoire bénéficient indûment de prestations sociales est majeur. Nous proposons donc d’exclure de la dérogation les documents nécessaires pour établir l’identité, la nationalité et, à défaut, l’ancienneté du séjour des demandeurs.

La commission adopte l’amendement CE295.

 

Amendement CE289 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit également d’un amendement antifraude.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Encore une fois, je défendrai tout à l’heure un amendement plus large, qui précisera notamment le régime de recouvrement des créances frauduleuses antérieures au passage du cyclone. Demande de retrait.

L’amendement CE289 est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE288 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendement CE239 du Gouvernement

M. Manuel Valls, ministre d’État. À la différence d’autres prestations, les critères permettant de bénéficier d’aides personnelles au logement (APL) sont liés non seulement aux personnes, mais aussi aux logements. Or les dégâts causés par le cyclone Chido peuvent conduire à ce que certains critères ne soient temporairement plus remplis. Ainsi, le fait que des personnes hébergent leurs proches sinistrés le temps que les logements de ces derniers soient réparés peut entraîner un dépassement de la surface minimale réglementaire par personne et donc une perte du bénéfice de l’APL. Pour permettre le déploiement de telles solidarités et assurer la continuité du versement des APL aux personnes qui en bénéficient légitimement, il convient que la caisse puisse, à titre exceptionnel, passer outre la justification obligatoire du respect de certaines règles.

L’amendement du Gouvernement prévoit ainsi deux possibilités de dérogation exceptionnelle aux règles relatives à l’obligation de décence des logements, d’une part, et au peuplement des logements, d’autre part. Dans le même objectif, il est proposé d’étendre le bénéfice des APL aux logements sous-loués à des tiers autres que les personnes âgées, handicapées adultes ou de moins de trente ans. Le dispositif prévoit évidemment un contrôle des fraudes.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Votre amendement dispose que l’attribution ou le maintien des droits « n’est pas subordonnée à l’interdiction de location » du logement. Ne s’agit-il pas là d’un contresens, d’une erreur d’écriture ? Peut-être conviendrait-il de revoir la rédaction de cet amendement d’ici à la séance. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Il est pourtant bien précisé que « les dispositions du présent article sont applicables sans préjudice de l’exercice par les organismes de leurs prérogatives en matière de contrôle et de lutte contre les fraudes, ainsi que de poursuite du recouvrement des indus portant sur des prestations obtenues frauduleusement ». Mieux vaut adopter cet amendement dès à présent ; rien ne nous empêchera de le préciser ou de le réécrire par la suite, si vous avez un doute ou une interrogation parfaitement légitime.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je réitère ma position : à défaut d’un retrait, mon avis sera défavorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le retrait ou le rejet de cet amendement nous priverait de dispositif antifraude.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Vous pourrez l’introduire en séance !

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je préférerais que l’amendement soit adopté dès à présent et que le texte arrive en séance avec ce dispositif, dont nous avons besoin. Il faut avancer !

La commission adopte l’amendement CE239.

 

Elle adopte l’article 21 ainsi modifié.

 

 

Article 22 : Augmentation provisoire des niveaux de prise en charge de l’activité partielle à Mayotte

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE284 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.

 

Amendement CE280 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit de lever une ambiguïté. Le dispositif prévu pour l’activité partielle ne doit pas s’appliquer après le 31 décembre 2025.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 22 ainsi modifié.

 

 

Après l’article 22

 

Amendement CE164 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à prolonger jusqu’au 31 mars 2025 les demandes de logement social arrivant à échéance à compter du 14 décembre 2024 et non renouvelées.

La commission adopte l’amendement CE164.

 

Amendement CE115 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement vise un double objectif : restaurer un minimum de souveraineté alimentaire à Mayotte après le passage du cyclone, et rétablir l’activité économique stratégique qu’est l’agriculture. Il convient de dresser un diagnostic des dégradations subies, d’en évaluer l’impact économique pour les structures agricoles et d’orienter les premières mesures de solidarité dans le but de restaurer rapidement le bon fonctionnement de l’agriculture mahoraise, déjà fragilisée par la pression foncière avant même le passage du cyclone. En d’autres termes, il s’agit de renforcer au maximum l’autonomie alimentaire de Mayotte et de rendre l’île aussi peu dépendante que possible des importations. Au-delà de l’aide de mille euros par structure proposée par le Gouvernement, les activités agricoles doivent aussi être soutenues par des mesures de sécurisation foncière.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je partage vos préoccupations, mais crains que le délai de trois mois pour remettre le rapport soit trop court. Peut-être devriez-vous retirer votre amendement et le redéposer en prévoyant un délai de six mois.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Sagesse.

M. Benoît Biteau (EcoS). Il faut aller vite. Je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement CE115.

 

Amendement CE20 de Mme Anchya Bamana et sous-amendement CE297 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Anchya Bamana (RN). Les rapports thématiques que la Cour des comptes a consacrés à Mayotte en 2016 et 2022 indiquent que les plans élaborés ne font pas nécessairement l’objet d’un suivi dans le temps. Aussi me paraît-il nécessaire que le Gouvernement nous remette chaque année un rapport faisant état de l’avancement du chantier de reconstruction du territoire mahorais.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement CE297 visant à limiter à dix ans cette obligation de remise d’un rapport annuel.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Sagesse.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Madame la rapporteure, pourriez-vous rectifier les propos que vous avez tenus hier à l’encontre de la chambre d’agriculture de Mayotte ? Elle n’est pas concernée par les accusations de corruption que vous lui avez attribuées par erreur.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Vous avez tout à fait raison : c’est la chambre des métiers et de l’artisanat que je visais en réalité. Les abréviations étant voisines, je me suis trompée et je vous prie de me pardonner cette erreur. Je ne veux surtout pas diffamer la chambre d’agriculture. Je maintiens toutefois ma recommandation de ne pas prolonger de deux ans le mandat de ses membres : des élections doivent être organisées d’ici à trois mois. Le respect de cette échéance me paraît important compte tenu des enjeux évoqués, s’agissant notamment de la protection de l’environnement et de la replantation.

J’aimerais corriger une autre erreur factuelle : la prime versée aux enseignants a concerné des titulaires comme des contractuels. En revanche, elle a été réservée aux agents dont l’indice est inférieur à 448, ce qui a été perçu comme très injuste sur le terrain. Errare humanum est.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’ai demandé que l’État soit attentif aux conditions de versement des primes aux agents originaires de l’Hexagone, pour ne désavantager ni certaines catégories de fonctionnaires ni les contractuels. Je suis tout à fait conscient de ce problème : les administrations du ministère de l’intérieur, de la santé et de l’éducation nationale, par exemple, fonctionnent en silo, alors qu’elles devraient harmoniser leurs pratiques. Du reste, les contractuels, notamment mahorais, peuvent toucher des aides directes dont le montant, de l’ordre de 300 euros pour une famille avec des enfants, n’a rien à voir avec celui de la prime, qui peut s’élever à 2 000 ou 3 000 euros. Il y a là une injustice, surtout après la catastrophe que l’île vient de connaître. Je m’engage à travailler sur ce sujet, qui n’est certes pas facile, en vue d’améliorer le fonctionnement de l’État sur ce territoire.

La commission adopte successivement le sous-amendement CE297 et l’amendement CE20 sous-amendé.

 

Amendement CE111 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Le Gouvernement a annoncé un soutien financier à la reconstruction de Mayotte, mais nous ne voyons rien de concret pour le moment – et pour cause : le budget pour 2025 n’a pas encore été adopté. Aussi demandons-nous un rapport sur les modalités de ce soutien financier aux collectivités, entreprises et particuliers permettant de couvrir l’ensemble des champs économiques et sociaux du territoire.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CE111.

 

Amendement CE198 de Mme Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet (EcoS). Il sera utile de dresser, à un moment ou un autre – idéalement, dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la loi, ce qui nous laisse plusieurs semaines –, un bilan lucide et complet de la catastrophe survenue dans la nuit du 13 au 14 décembre et de ses suites. Combien de personnes sont-elles décédées, ont-elles disparu, été blessées ou amputées à cause du cyclone Chido ? Cela évitera toute polémique et permettra d’aller au-delà des réponses assez dilatoires apportées par le ministre de l’intérieur aux sénateurs de Mayotte qui l’ont interpellé à ce sujet.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis également favorable à cet amendement : nous avons besoin de clarté et de vérité, à rebours des propos inacceptables que j’ai entendus cet après-midi.

Je n’étais pas à Mayotte au lendemain du cyclone, mais le ministre de l’intérieur y était avec mon prédécesseur. De nombreux chiffres ont été avancés, y compris par le représentant de l’État et par des élus. Certains ont été jusqu’à évoquer cinquante mille morts. Par rapport au nombre de victimes constatées, il y a un écart qui peut susciter de multiples fantasmes, comme on l’a d’ailleurs vu sur les réseaux sociaux. Pour être allé sur des lieux de catastrophe ou de guerre, je sais ce qui arrive lorsque des dizaines, des centaines, voire des milliers de morts s’entassent dans la chaleur et la pluie – je n’entrerai pas dans les détails. J’appelle donc chacun à la prudence, par respect pour les victimes et pour la vérité.

Il n’empêche que nous devons faire ce travail. C’est pourquoi nous avons missionné une sous-préfète pour dresser un bilan en s’appuyant sur un maximum de sources, peut-être imparfaites, d’informations sur le terrain – mairies, cadis, missions et associations, gendarmes et policiers. Plusieurs signalements ont été transmis aux autorités, qui se sont déplacées pour vérifier les choses sur place. Lorsque j’étais à Mayotte, il y a à peine quinze jours, un maire – et non des moindres – a fait état d’une rumeur selon laquelle un charnier de quatre-vingts personnes aurait été découvert ; ce n’était pas le cas. Les chiffres précis avancés par les uns et les autres pourront évoluer : nous verrons notamment quelle sera la situation au moment de la rentrée scolaire. Quoi qu’il en soit, le travail que vous proposez est nécessaire, faute de quoi nous verrons se multiplier les fantasmes.

Les victimes s’avéreront peut-être plus nombreuses que celles comptabilisées jusqu’à présent, mais je tiens à dire très clairement que nous n’avons rien à cacher. Quel intérêt y aurions-nous ? Je ne permettrai pas que l’on mette en cause l’action du préfet, ni les déclarations du ministre de l’intérieur. Peut-être certaines victimes ont-elles été enterrées très vite, mais au vu de l’état des terres et des pluies qui ont eu lieu depuis, on s’en serait sans doute aperçu.

Un député du Rassemblement national a insinué cet après-midi que nous avions quelque chose à cacher. Pourquoi donc ? Quand survient une catastrophe naturelle, nous le disons ! Il n’y a aucune raison que l’État, son représentant, le ministre de l’intérieur, la sécurité civile, les pompiers et les médecins qui travaillent sur le terrain ne disent pas ce qu’ils y voient. Je suis favorable à la plus grande transparence et c’est en vertu de ce principe que ceux qui nous ont accusés à tort ou ont donné de faux chiffres, comme ils l’ont encore fait il y a quelques heures, devront répondre de leurs agissements, d’une manière ou d’une autre, devant la représentation nationale et les Mahorais.

Le nombre important de personnes en situation irrégulière et le silence qui s’est abattu sur l’île pouvaient nous faire craindre le pire. Cependant, deux éléments ont remis en cause un certain nombre d’analyses qui avaient été faites : d’une part, les bidonvilles ont été reconstruits très vite ; d’autre part, de nombreuses photos et vidéos ont montré que beaucoup de gens avaient fui les bangas à la dernière minute avant l’arrivée du cyclone.

Je ne mets pas tout le monde dans le même panier. Je comprends les questionnements quand il y a des ambiguïtés ou une grande confusion. Cependant, de grâce, soyons prudents lorsque nous évoquons ainsi des vies humaines. Nous parlons de choses graves, et nous n’avons rien à cacher.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Pouvez-vous nous donner acte que ces propos excessifs n’ont pas été tenus ici même, au sein de la commission ?

M. Manuel Valls, ministre d’État. Oui. J’aurais dû le préciser.

Mme Anchya Bamana (RN). J’aimerais mettre un bémol aux propos du ministre. Force est de constater qu’au lendemain du cyclone, personne n’a été envoyé fouiller les bidonvilles pour se faire une idée de la réalité de la situation. C’est de là que vient le flou. Si l’on avait cherché, on aurait trouvé. Or, pendant une semaine, le silence a été complet.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Non !

Mme Anchya Bamana (RN). Vous ne pouvez pas le nier : j’étais à Mayotte. Pendant une semaine, personne n’est allé fouiller les gravats et les bidonvilles.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je salue l’amendement de Mme Voynet. Au-delà des problèmes administratifs qui se posent, par exemple, pour la délivrance de certificats de décès, il est important de parler des morts et des disparus.

Nous parlons en réalité ici de la population clandestine, qui fuit les autorités, auxquelles elle ne fait pas confiance, et n’est par définition pas recensée. Cette population s’est montrée réticente à rejoindre les abris. Les migrants étant isolés, coupés de leur famille, ils n’ont pas bénéficié de la présence d’aînés ayant la mémoire des cyclones, qui les auraient incités à prendre au sérieux le risque cyclonique et leur auraient donné des instructions pour affronter pareille situation. Dans les autres familles mahoraises, les plus anciens, forts du souvenir des cyclones ayant traversé la région vingt-cinq ans plus tôt, ont expliqué aux plus jeunes ce qu’il fallait faire. On voit là toute l’importance de la tradition orale.

Deuxièmement, le traumatisme des personnes dont nous ne connaissons pas le destin pèse sur la psyché collective. Il est évident que ces absences nous interrogent tous et mettent en jeu la responsabilité morale, mais aussi pénale – car le rapport que vous demandez, Madame Voynet, vise aussi à établir les responsabilités. Disons les choses clairement : comment a-t-on pu laisser prospérer des bidonvilles dont on savait qu’ils étaient insalubres et dangereux ? J’y insiste, le bilan de la catastrophe est une question à la fois morale, pénale et politique.

Je souligne aussi que personne ne réclame ces disparus, ce qui nous heurte profondément. Ils ont des parents, un État d’origine, mais que personne ne les réclame, voilà qui défie l’entendement.

Enfin et le ministre y a fait allusion, l’éducation nationale pensait compter les enfants absents à l’occasion de la rentrée scolaire. C’est dire l’horreur à laquelle les professeurs se préparent. Or, compte tenu des difficultés qui s’annoncent, la rentrée ayant déjà été reportée et devant se faire dans des tentes, avec des enfants souvent déplacés dans un autre village en raison de la destruction des écoles, ce « recensement en creux » risque de ne pas être possible. En tout état de cause, je m’attends à ce que le bilan du cyclone soit impossible à dresser, ce qui est extrêmement grave. Cela signifie que Mayotte a perdu toute capacité à se compter.

Ce que dit notre collègue Bamana est vrai : en raison de la faiblesse des secours disponibles, les autorités n’ont pas été en mesure d’envoyer des équipes de recherche dans les bidonvilles avant plusieurs jours. Et si tel avait été le cas, j’affirme publiquement que la population mahoraise aurait été scandalisée, étant donné qu’elle n’avait, elle-même, pas encore vu l’ombre d’un service de secours.

La faiblesse des secours sur place nous interroge donc aussi et j’espère qu’une réponse sera donnée à l’occasion du bilan de Chido. Le groupe LFI-NFP a d’ailleurs demandé la conduite d’une enquête sur l’appréhension des risques naturels à Mayotte. Comment l’archipel était-il préparé aux potentielles catastrophes, sachant qu’il est soumis aux risques cyclonique, sismique, volcanique et de tsunami ?

En définitive, il y a une dimension traumatique pour l’ensemble des populations. Nous avons ce sentiment empirique – renforcé par le fait que Mayotte, c’est tout petit – d’être beaucoup moins nombreux qu’avant. Cela se voit : il y a eu de nombreux reportages sur les bidonvilles, qui étaient des zones très densément peuplées. Non seulement ils sont détruits, mais les populations ne sont plus là. Je rappelle d’ailleurs que, contrairement à ce que certains semblent croire, il n’y a plus de végétation. Les gens ne peuvent donc être cachés dans la forêt, car il n’y en a plus. Et il n’y a pas non plus eu de départs massifs, ni en avion, ni en bateau – sachant que des corps n’ont pas été ramenés par la mer dans les jours qui ont suivi. Voilà ce qui nous fait croire que ces personnes ont été tuées ou, à tout le moins, qu’il y a des disparus.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous reviendrons sur cette question en séance et au Sénat, tout comme nous aurons l’occasion de faire le bilan de la catastrophe. J’ai pris mes fonctions de ministre une dizaine de jours après le passage du cyclone et si j’estime que la continuité de l’État a été assurée, j’admets aussi qu’il puisse y avoir des interrogations au sujet de personnes disparues. Je rappellerai simplement que les forces de sécurité civile ont été multipliées par deux dans les heures qui ont suivi la fin de l’alerte « violette ». Je l’ai dit tout à l’heure : il y a effectivement eu un phénomène de sidération ; les bidonvilles étaient détruits, tout comme une partie des toits des Mahorais et de la forêt ; les gens se demandaient où les populations étaient passées ; puis les bidonvilles ont été partiellement reconstruits.

Je suis prêt à tout remettre à plat, à identifier les responsabilités, à comprendre ce qui s’est passé, mais je mets en garde sur les mots que nous utilisons. Je comprends votre analyse de la situation, mais l’usage des mots « disparus », « morts » ou « recensement » peut conduire à certaines extrapolations. Ce n’est pas ce que vous avez fait, Madame la rapporteure, mais certains pourraient être amenés à penser que nous cachons des victimes ou que l’État minimise les choses, alors que ce n’est pas le cas. Je demande simplement de la prudence.

La commission adopte l’amendement CE198.

 

Amendement CE19 de Mme Anchya Bamana

Mme Anchya Bamana (RN). Terrible constat : si, à ce jour, nous ne connaissons pas le nombre de victimes du cyclone Chido, c’est parce que nous n’avons pas de recensement fiable des vivants ! C’est la raison pour laquelle nous demandons, par cet amendement, la remise d’un rapport qui donnerait à l’État et au département une photographie précise de la collectivité. Cela serait très utile pour la reconstruction, mais aussi pour le calcul des dotations, qui est un sujet important à Mayotte.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Le Premier ministre a annoncé que l’Insee, en lien avec les maires, allait procéder à un recensement complet. Votre demande doit donc être honorée et j’espère que cette opération pourra avoir lieu rapidement, mais ce n’est pas son inscription dans la loi qui le garantirait.

Mme Dominique Voynet (EcoS). C’est une question délicate, car les personnes concernées se méfient des uniformes bleu marine. Si nous voulons procéder à un recensement efficace, il faudra nous appuyer sur les personnes de confiance que sont les professionnels de santé, qui gèrent les « carnetti » dont disposent presque tous les Mahorais, les agents de santé communautaires, les enseignants, ou encore les personnes issues des quartiers. Sans ces personnes de confiance, nous n’y arriverons jamais.

Il en va de même s’agissant des dispositifs d’alerte. À cet égard, leur efficacité dépend de l’utilisation de canaux variés. Je pense aux réseaux sociaux, aux sites qui, à Mayotte, permettent de diffuser très rapidement une information, ainsi qu’à la télévision. Nous ne l’avons pas évoqué, mais Mayotte La Première a réalisé un travail extraordinaire pendant les vingt-quatre heures qui ont précédé le cyclone. M. Said Hachim, par exemple, qui a tenu l’antenne pendant des heures pour demander aux gens de se mettre à l’abri, mériterait notre reconnaissance. Quoi qu’il en soit, il faudra que nous réfléchissions aux moyens de lancer l’alerte.

M. Hervé de Lépinau (RN). La boucle est bouclée, Monsieur le ministre : souvenez-vous des observations faites dès l’article 1er ! Si nous ne sommes pas capables de calibrer les travaux de reconstruction – car nous raisonnons toujours en fonction du nombre d’habitants –, qu’il s’agisse de l’assainissement, de l’adduction d’eau, du traitement des déchets ou des établissements scolaires, nous ne remplirons pas notre mission. Or il y a une forme d’hypocrisie à maintenir le flou sur la population réelle de l’archipel, constituée pour partie non négligeable de clandestins. Il va falloir trancher dans le vif ou nous risquons de créer du ressentiment chez les Mahorais qui, alors qu’ils sont installés, qu’ils sont Français et qu’ils payent leurs impôts, se demanderont si des populations qui n’ont rien à faire sur le territoire ne sont pas prioritaires par rapport à eux.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Je suis d’accord avec vous. Je me suis fait rappeler à l’ordre par le directeur général de l’Insee lorsque j’ai émis le chiffre de 500 000 personnes, me fondant sur ce que j’avais entendu, notamment de la part de la rapporteure en qui j’ai grande confiance. Je peux me tromper, mais je demande que l’Insee accomplisse rapidement ce travail, lequel doit être conduit en confiance et avec le soutien des maires, car sinon nous passerons à côté de tout.

La commission rejette l’amendement CE19.

 

Amendement CE78 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Puisque d’autres amendements sur le sujet ont été rejetés, je tente à nouveau ma chance en demandant au Gouvernement de présenter un rapport non pas sur la reconstruction, mais sur la construction d’infrastructures nouvelles – piste longue de l’aéroport, retenue collinaire d’Ourovéni, réseau haut débit et ainsi de suite. Ces projets, parfois de très longue haleine, requièrent un engagement fort de l’État. Le rapport permettra d’enclencher la mécanique.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable. Les élus locaux espèrent en effet que le nouvel établissement public, outre la reconstruction, sera également chargé d’entamer ces grands projets. La tragique tabula rasa qui fait suite au cyclone Chido est l’occasion de redémarrer d’un bon pied en lançant enfin les chantiers structurants que sont notamment la deuxième retenue collinaire, l’aéroport, les routes de contournement et d’autres équipements qui permettront à Mayotte de rattraper son retard.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Défavorable : les rapports s’accumulent déjà et il va de soi que l’examen de ces projets entre dans le champ des travaux de l’établissement public.

La commission rejette l’amendement CE78.

 

Amendement CE80 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). C’est une nouvelle demande de rapport – là encore pour contourner l’obstacle de l’irrecevabilité – sur, cette fois l’égalité sociale. Il s’agit d’évaluer l’écart entre les prestations sociales versées à Mayotte et celles qui sont versées dans d’autres départements, ainsi que ses répercussions sur le niveau de vie.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Favorable.

M. Manuel Valls, ministre d’État. Favorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Il y a notamment des inégalités à résorber dans le domaine agricole. Les territoires ultramarins bénéficient du programme européen d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei), mais il est très inéquitable et il faut le revoir : l’enveloppe est accaparée dans sa totalité ou presque par une poignée de grosses entreprises bananières ou sucrières, tandis que les petits exploitants qui pratiquent une agriculture vivrière pourtant susceptible de renforcer l’autonomie alimentaire de Mayotte voient passer le train des aides sans en profiter.

La commission adopte l’amendement CE80.

 

Amendement CE89 de M. Philippe Gosselin

M. Philippe Gosselin (DR). Cet amendement d’appel vise à envisager la création d’une zone économique spéciale en matière fiscale et douanière. Le moment est venu d’en étudier l’opportunité.

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Favorable, évidemment. Le Premier ministre a annoncé la création d’une zone franche globale ; tous les acteurs économiques attendent de savoir en quoi elle consistera. Compte tenu de la concurrence régionale et de la situation de Mayotte, la question de l’octroi au département d’avantages fiscaux et douaniers se pose en effet avec urgence.

M. Manuel Valls, ministre d’État. J’espère pouvoir donner davantage d’éléments de réponse lors du débat en séance, mais la zone franche globale qui sera établie pour cinq ans est l’un des piliers du plan « Mayotte debout ». Le débat se poursuivra surtout lors de l’examen du futur projet de loi de refondation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE89.

 

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

 

 

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

Organisations syndicales (audition commune)

CGT-Mayotte

– M. Haoussi Boinahedja, secrétaire général de la CGT-Mayotte

– M. Saïd Mcolo, secrétaire confédéral chargé du privé

– M. El-anis Saidi Yahaya, secrétaire confédéral chargé de la vie syndicale

– Mme Anifat Rafion, membre de la commission exécutive

– M. Salim Nahouda, ancien secrétaire général de la CGT-Mayotte

UD UNSA MAYOTTE

– M. Bruno Cossin, secrétaire général

MEDEF Mayotte

– Mme Carla Baltus, présidente

– M. Mohamed Fahardine, vice-président

CCI Mayotte

– Mme Nadine Hafidou, secrétaire du Bureau

Conseil départemental de Mayotte

– Mme Bibi Chanfi, 2e vice-présidente chargée du développement économique et de la coopération décentralisée

– M. Ismaël Zoubert, directeur général administratif chargé du développement économique

– M. Mounirou Ahmed, directeur (intérim) du développement économique et de l’innovation (DDEI)

– M. Mamadou Konate, directeur général de l’agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM)

– Mme Saindou Sandani, conseiller technique au cabinet du département

Préfecture de Mayotte

– M. François-Xavier Bieuville, préfet

– M. Aurélien Diouf, directeur de cabinet du préfet

 


([1]) Dans sa jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel exige que le Gouvernement précise, dans ses demandes d’habilitation, la finalité des mesures qui seront prises ainsi que les matières pour lesquelles le Gouvernement sollicite l’habilitation.

([2]) Article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.

([3]) Voir, par exemple, l’article 7 du décret n°94-3 du 3 janvier 1994 portant création de la Bibliothèque nationale de France, en vigueur jusqu’au 6 mars 2020.

([4]) https://www.lefigaro.fr/politique/mayotte-la-loi-d-urgence-doit-inscrire-l-interdiction-des-bidonvilles-en-tete-de-ses-priorites-demande-le-maire-de-mamoudzou-20241228

([5]) On distingue traditionnellement les travaux de rénovation, qui consistent en une remise à neuf d’une construction, de la réhabilitation, qui procède d’une modification substantielle d’un bâti tout en conservant l’enveloppe.

([6]) L’article L. 101-3 du code de l’urbanisme prévoit, conformément au principe d’identité législative, que « la réglementation de l’urbanisme réglementation de l'urbanisme régit l'utilisation du sol sur l'ensemble du territoire français, à l'exception des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises, conformément aux dispositions spécifiques régissant ces territoires ». Sauf disposition contraire, le droit de l’urbanisme s’applique à Mayotte.

([7]) Pour une présentation des délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme et de la déclaration préalable, voir le commentaire de l’article 8.

([8]) Pour une présentation des spécificités des normes de construction : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/reglementation-technique-construction-outre-mer

([9]) L’étude d’impact évoque les règles de construction relatives à la prévention des risques naturels et d’incendie.

([10]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([11]) Les normes en vigueur imposent des normes de dimensionnement pour garantir l’accès aux parties communes ou privatives des personnes à mobilité réduites dans les bâtiments d’habitation collectifs

([12]) Voir commentaire de l’article 7 du projet de loi.

([13]) Conseil d’État, 6 décembre 1993, n° 103884, « Bohn ». 

([14]) « Les travaux, installations ou aménagements nécessaires à cette reconstruction ou à cette réfection peuvent comporter des adaptations de la construction initiale, dans la limite d’une diminution ou d’une augmentation de 5 % de son gabarit initial.             
« Lorsqu’elle est justifiée par un objectif d’amélioration de la performance énergétique, d’accessibilité ou de sécurité, cette diminution ou cette augmentation peut dépasser 5 % du gabarit initial, à proportion des modifications du bâtiment nécessaires à la réalisation du ou des objectifs invoqués. Ces adaptations et améliorations ne peuvent avoir pour effet de modifier la destination ou la sous-destination initiale du bâtiment. »

([15]) Un bâtiment est un ouvrage fixe et pérenne, comportant ou non des fondations et générant un espace utilisable par l’Homme en sous-sol ou en surface, selon le lexique national d’urbanisme.

([16]) Le Conseil d’État a précisé dans sa jurisprudence qu’il existait une présomption en faveur de la reconstruction en l’absence d’interdiction expresse dans les documents d’urbanisme (Conseil d’État, 8 novembre 2017, n° 403599, « Société Battos »).

([17]) Conseil d’État, 6 décembre 1993, n° 103884, « Bohn ».

([18]) Article R. 423-23 du code de l’urbanisme.

([19]) Cette prolongation est prévue en cas de saisine du préfet suite à un désaccord de l'autorité compétente et de l'architecte des Bâtiments de France (ABF) ou de recours contre un refus d'autorisation nécessaire à l'exploitation commerciale ou à l'exploitation d'un cinéma.

([20]) L’enquête publique environnementale constitue l’une des trois principales catégories d’enquêtes publiques, avec l’enquête prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et l’enquête prévue par les articles L. 134-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration.

([21]) Le terme désigne selon le cas, des fondations superficielles (semelle, radiers), semi-profondes (puits, caissons) ou profondes.

([22]) Il s’agit de principes à valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit). 

([23]) Aux termes de l’article L. 1111-2 du code de la commande publique, les marchés de travaux portent sur la conception et la réalisation d’un ouvrage, de travaux du bâtiment et de génie civil (ponts, routes, ports, barrages, infrastructures urbaines, etc.).

([24]) Aux termes de l’article L. 1111-3 du code de la commande publique, un marché de fournitures a pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits (fournitures de bureau, papier, mobilier, véhicules). Il peut comprendre, à titre accessoire, des travaux de pose et d'installation.

([25])  Définis par l’article L. 1111-4 du code de la commande publique, les marchés de services ont pour objet la fourniture de prestations constitutives d’un service matériel (par exemple, l’entretien de locaux ou d’espaces verts) ou immatériel (conseil juridique, expertise comptable, projet informatique, etc.).

([26]) Article 142 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, modifié par le décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique. 

([27]) Article 1er du décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux. La disposition modifie le décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique, qui avait repoussé du 31 décembre 2022 au 31 décembre 2024 l’échéance initialement fixée par la loi Asap pour l’application de la dispense.

([28]) Article 1er de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

([29]) Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 7, considérant n° 23.

([30]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative aux marchés de travaux.

([31]) Procédant des dispositions de l’article L. 125-1 du code des assurances, le régime de l’état de catastrophe naturelle désigne un mécanisme d’indemnisation des « dommages matériels directs non assurables ayant pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel ou également, pour les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, la succession anormale d’évènement de sécheresse d’ampleur significative, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».

([32]) Le III de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales dispose que « [l]es dépenses éligibles en application de l’article L. 1615-1 réalisées par les bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et visant à réparer les dommages directement causés par des intempéries exceptionnelles reconnues par décret, et situés dans des communes ayant fait l’objet d’une constatation de l’état de catastrophe naturelle, ouvrent droit à des attributions du fonds l’année au cours de laquelle le règlement des travaux est intervenu ».

([33])  Article 1er du décret n° 2018-57 du 31 janvier 2018 pris pour l'application du troisième alinéa de l'article 73 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([34])  Article 2 du décret n° 2018-57 du 31 janvier 2018 pris pour l'application du troisième alinéa de l'article 73 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([35]) La catégorie des marchés publics globaux regroupe toutes les formes de marchés permettant de déroger à l’interdiction de cumul des missions de maîtrise d’œuvre et de travaux ainsi qu’à l’allotissement.

([36])  Article 2 de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

([37]) Pour une définition des notions d’ « équipements publics » et de « bâtiments publics ».

([38]) Article n° 2 de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

([39])  Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 8, considérant n° 25. 

([40])Cf. le commentaire de l’article 11 du projet de loi.

([41])  Le 1° de l’article L. 311-2 du code de la construction et de l’habitation porte sur les aides publiques à l’investissement en faveur du logement locatif, à la construction neuve de logements, à l’acquisition avec amélioration de logements existants et aux opérations de restructuration urbaine.

([42]) Mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation.

([43]) Au sens du II de l'article 7 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

([44]) En application des articles 20 et 20-2 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

([45]) Article 3 de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

([46]) Pour une définition des notions d’ « équipements publics » et de « bâtiments publics ».

([47]) Article n° 2 de l’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

([48])  Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 8, considérant n° 25.

([49]Cf. le commentaire de l’article 11 du projet de loi.

([50])  Article 1er du décret n° 2018-57 du 31 janvier 2018 pris pour l’application du troisième alinéa de l’article 73 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([51])  Article 2 du décret n° 2018-57 du 31 janvier 2018 pris pour l’application du troisième alinéa de l’article 73 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([52]) Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

([53])Article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.             

([54]) Cf. article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, dont le troisième alinéa dispose que les communes, les départements et les régions « concourent avec l'État à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, à la promotion de la santé, à la lutte contre les discriminations, à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'à la protection de l'environnement, à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie, et à l'amélioration du cadre de vie ».

([55]) En dehors de l’article L. 2541-12 du code général des collectivités territoriales relatif aux attributions des conseils municipaux des communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.  

([56]) Conseil d’État, Assemblée, 25 octobre 1957, commune de Bondy, Rec. p. 552 : dans cette affaire, le Conseil d’État exige l’existence d’un « intérêt communal ».

([57]) Conseil d’État, 5 décembre 1941, Sieur Rousseau, Rec. p. 206 : dans cet arrêt, le Conseil souligne la nécessité d’un « caractère d'utilité communale ».

([58]) Conseil d’État, 11 juin 1997, Département de l’Oise, n° 170069, Recueil Lebon.

([59]) Conseil d’État, 25 septembre 1995, Association CIVIC, n° 155970.

([60]) Au sens de l'article L. 2224-13 du CGCT.

([61]) En application du I de l’article L. 1231-1 du code des transports.

([62]) En application du II de l’article L. 1231-1 du code des transports.

([63]) Établissement mentionné à l’article L. 1241-1 du code des transports.

([64]) Hors versement destiné au financement des services de mobilité.

([65])  Articles 2 et 18 à 24 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.

([66]) Règlement (UE) 2023/2831 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([67]) L’article 349 du TFUE habilite le Conseil des ministres de l’Union européenne à prendre des mesures spécifiquement adaptées à la situation des régions ultra périphériques pour l’application du droit européen et des politiques communes spécifiquement. Figurent parmi les collectivités d’outre-mer faisant expressément partie de son champ d’application : la Guadeloupe, la Guyane française, la Martinique, la Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

([68]) Le quatrième alinéa de l’article 10 de la loi DCRA ne s’applique pas aux organismes qui bénéficient de subventions pour l'amélioration, la construction, l'acquisition et l'amélioration des logements locatifs sociaux prévues au livre III du code de la construction et de l'habitation.

([69]) Décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques.

([70])  Cour des comptes, 5 juillet 2006, Port autonome de Marseille : Revue Trésor 2007.523 ; RFDA 2007.874, chron. Lascombe et Vandendriessche.

([71]) Aux termes de l’alinéa 5 de l’article 10-1 de la loi DCRA, les associations agréées au titre de l'article 25-1 de la présente loi, ainsi que les associations et fondations reconnues d'utilité publique, sont présumées remplir cette obligation.

([72])  Article 1er du décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 pris pour l'application de l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et approuvant le contrat d'engagement républicain des associations et fondations bénéficiant de subventions publiques ou d'un agrément de l’État.

([73])  Cf. Étude d’impact sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte ( NOR : PRMX2434906L/Bleue-1), 4 janvier 2025, p. 82-83. Ainsi que le rappelle cette étude d’impact, le ministère de l’Intérieur défend pour sa part une interprétation plus extensive de la compétence des collectivités territoriales en la matière, en considération de pratiques anciennes et reconnues. Dans deux réponses écrites à des parlementaires, il a ainsi estimé que « des subventions ne présentant pas un intérêt direct pour la commune peuvent être accordées dans certains cas. Il en est ainsi notamment des subventions à des associations nationales présentant un intérêt général reconnu, aux victimes d'un cataclysme ». Le ministère de l’Intérieur précise qu’« est ainsi considéré comme juridiquement régulière l’aide apportée par une collectivité quand elle s’inscrit dans le cadre d’un mouvement de solidarité et qu’elle a pour objectif la reconstruction des équipements détruits.» (QE AN, n° 53260 du 9 juillet 1984, publiée au JO de l’AN du 3 septembre 1984 et QE n° 21086 du 4 décembre 1989, publiée au JO de l'AN du 30 avril 1990).

([74]) Ibidem, p. 85.  

([75]) Étude d’impact sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte ( NOR : PRMX2434906L/Bleue-1), 4 janvier 2025, pp. 82-83. Dans les réponses écrites précitées, le ministère de l’Intérieur indique que « les subventions ne présentant pas d'intérêt direct pour la collectivité locale peuvent être admises dès lors que l'organisme bénéficiaire ou l'objet de l'intervention répondent à des préoccupations d'intérêt général, telle l'aide publique apportée par les collectivités locales pour lutter contre les maladies et épidémies ou pour venir en aide aux victimes de cataclysme ».

([76]) Ibidem, p. 84.   

([77]) Le IV  de l’article L. 1611-7 du CGCT accorde aux collectivités territoriales et à leurs groupements la faculté de confier à un organisme public ou privé le paiement des dépenses au moyen d'un instrument de paiement au sens du c de l'article L. 133-4 du code monétaire et financier et autorisé par décret, ou la délivrance de cet instrument de paiement aux bénéficiaires de ces dépenses. Plus globalement et sous réserve du respect de conditions strictes (telles qu’un agrément ou l’emploi d’un comptable public ou habilité), les articles L. 1611-7 et suivants du CGCT permettent la délégation à des structures tierces de certaines procédures relatives à l’octroi de concours financiers et à l’exécution des dépenses y afférentes.

([78])  Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 8, considérant n° 26. 

([79]) Loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

([80]) La création de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam) résulte de l’article 18 de la n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer. Ses missions et son fonctionnement procèdent aujourd’hui des dispositions de l’article L. 321-36-1 du code de l’urbanisme, complétées par celles du décret n° 2017-341 du 15 mars 2017 relatif à l’Établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte.  

([81])  Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 8, considérant n° 26. 

([82]) Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 8, considérant n° 26. 

([83]) Ibidem.

([84]) Voir notamment l’article 238 bis du code général des impôts.

([85]) Au sens de l'article L. 124-1 du code forestier.

([86]) Loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

([87]) Appelé communément « dispositif Coluche ».

([88]) Étude d’impact sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L/Bleue-1), 4 janvier 2025, p. 90.

([89]) Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 9, considérant n° 27.

([90]) Ibidem, p. 9, considérant n° 27.

([91])  Cf. notamment la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et l’article 238 bis du CGI.

([92]) Conseil d’État, Avis sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte (NOR : PRMX2434906L), séance du 22 décembre 2024, p. 9, considérant n° 27.

([93])dont le siège est situé dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, sous réserve que l'État français soit représenté au sein des instances dirigeantes avec voix délibérative.

(1) Article 11 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

(1) Travailleurs indépendants au sens de l’article II de l’article 28-1 de l’ordonnance n° 96-1122.

(2)  Voir I et V de l’article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([97]) Voir I et V de l’article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

(1) Voir le communiqué de presse du CPSTI du 21 octobre 2024.