N° 777

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 janvier 2025.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier

(Procédure accélérée)

 

PAR Mme Brigitte KLINKERT,

Députée

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

Voir les numéros :

 Assemblée nationale : 566.

 Sénat : 426, 599, 600 et T.A. 133 (2023‑2024).


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. UN ACCORD QUI CONSTITUE LA PREMIÈRE CONCRÉTISATION DE LA RÉFORME DE L’APPRENTISSAGE INTRODUITE EN 2022

A. Un dispositif d’apprentissage transfrontalier remis en cause par la loi du 5 septembre 2018

1. Une coopération transfrontalière franco-allemande ancienne fondée, en matière d’apprentissage, sur des conventions régionales

2. Un dispositif fragilisé par la réforme de l’apprentissage de 2018

B. L’introduction d’un nouveau cadre légal applicable à l’apprentissage transfrontalier par la loi dite « 3DS »

1. L’apport de l’expérience de coopération transfrontalière francoallemande

2. L’inscription de la notion d’apprentissage transfrontalier dans le droit français par la loi « 3DS » et son ordonnance en 2022

II. UN ACCORD QUI RÉPOND AUX ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET PARTICIPE À LA CONSTRUCTION D’UN ESPACE EUROPÉEN DE L’ÉDUCATION

A. La première traduction du nouveau cadre juridique posé par la loi dite « 3DS »

B. Un accord au service du développement de la formation professionnelle dans un cadre européen qui pourra servir de référence pour l’avenir

1. Un accord qui renforce la formation professionnelle et l’insertion des jeunes dans l’emploi

2. Un accord qui participe à la fondation d’un véritable espace européen de l’éducation

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE 1 : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE


   Introduction

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 566 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier. Cet accord a été signé respectivement par les ministres chargés des affaires étrangères français et allemand, Catherine Colonna et Annalena Baerbock, le 21 juillet 2023 à Lauterbourg et a déjà été approuvé par la partie allemande, le 13 juin 2024. Le Bundestag s’est d’ailleurs prononcé à l’unanimité des députés présents en faveur de l’accord.

Cet accord constitue un jalon essentiel pour le développement de l’apprentissage transfrontalier en offrant aux apprentis l’opportunité d’effectuer une partie de leur formation professionnelle, pratique ou théorique, en France ou en République fédérale d’Allemagne. Il s’inscrit à la rencontre de deux ambitions : d’une part, la promotion d’une relation bilatérale franco-allemande forte, conformément aux objectifs des traités de l’Élysée (1963) et d’Aix‑la‑Chapelle (2019) ; d’autre part, la prise en compte des enjeux de la formation professionnelle et de l’insertion des jeunes en territoires transfrontaliers. Il participe ainsi à la fondation d’un espace européen de l’éducation déjà encouragé par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2023‑1267 du 27 décembre 2023 visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage ». Il s’agit donc d’une déclinaison concrète et opérationnelle de l’ambition affichée par la France et affirmée par le président de la République dans son discours de la Sorbonne, le 26 septembre 2017, de développer les échanges des jeunes européens et d’étendre, au-delà des étudiants, ce type de dispositifs aux apprentis.

L’accord de Lauterbourg constitue, plus précisément, la première concrétisation des dispositions prévues à l’article 186 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS ». Cet article offre, en effet, la possibilité aux étudiants d’effectuer une partie de leur apprentissage dans un État frontalier de la France à la condition que soit conclu un accord bilatéral en définissant les modalités de mise en œuvre.

L’accord du 21 juillet 2023, qui s’inspire de plusieurs initiatives de coopérations bilatérales entre la France et la République fédérale d’Allemagne, devrait permettre de relancer et de sécuriser les dispositifs d’apprentissage transfrontalier franco‑allemand et pourrait ainsi servir de modèle à la conclusion de prochains accords bilatéraux sur ce même sujet avec le Luxembourg, la Belgique, la Suisse ou encore l’Italie.


I.   UN ACCORD QUI CONSTITUE LA PREMIÈRE CONCRÉTISATION DE LA RÉFORME DE L’APPRENTISSAGE INTRODUITE EN 2022

A.   Un dispositif d’apprentissage transfrontalier remis en cause par la loi du 5 septembre 2018

1.   Une coopération transfrontalière franco-allemande ancienne fondée, en matière d’apprentissage, sur des conventions régionales

L’accord de Lauterbourg s’inscrit dans la lignée de plusieurs initiatives de coopération transfrontalière. En 1980 déjà, sous l’égide du Conseil de l’Europe, est rédigée la convention-cadre dite « de Madrid » sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales ([1]). Ce texte fondateur, complété par trois protocoles additionnels, a servi de base à la signature d’accords bilatéraux entre la France et certains de ses États frontaliers, tels que l’accord de Karlsruhe en 1995 ([2]). Ce dernier permet de mettre en place des conventions de coopération transfrontalière, outils qui engagent les collectivités et autorités signataires à entreprendre un projet ou une démarche transfrontalière.

Ces coopérations transfrontalières se sont particulièrement développées entre les Länder allemands et les collectivités territoriales françaises, et ce, dès les années 1960. Plus récemment, en 2010, des initiatives en matière d’apprentissage ont vu le jour entre la France et deux Länder allemands dans le cadre d’un projet pilote porté par la conférence du Rhin supérieur, qui réunit les départements français du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, une partie des Länder allemands de Bade‑Wurtemberg et de la Rhénanie‑Palatinat, ainsi que de la région de la Suisse du Nord‑Ouest. Cette conférence s’est notamment fixée pour objectif la promotion de la mobilité en matière de formation et d’emploi sur le marché du travail transfrontalier, marquant ainsi une première étape dans la structuration de la coopération transfrontalière en matière de formation professionnelle. Ses membres se sont engagés à respecter plusieurs grands principes, tels que la réciprocité de leurs échanges, la possibilité, par le biais du contrat d’apprentissage, d’accéder à une qualification reconnue dans le pays partenaire, la mise en place de modalités spécifiques d’alternance et l’accompagnement des acteurs impliqués dans l’apprentissage transfrontalier. Le 28 juin 2013, l’Alsace a également promu avec ces mêmes Länder le développement de l’apprentissage transfrontalier dans le cadre de son plan régional pour l’activité et l’emploi.

territoires couverts par la conférence du rhin supérieur

Source : https://eurhena.eu/comprendre/les-acteurs-institutionnels-de-la-cooperation-transfrontaliere/

Ces efforts ont abouti à la conclusion de deux conventions régionales importantes, consolidant et élargissant les principes précités : d’une part, l’accord‑cadre relatif à l’apprentissage transfrontalier dans le Rhin supérieur du 12 septembre 2013, conclu à l’initiative du conseil régional d’Alsace et de la conférence du Rhin supérieur ; d’autre part, l’accord-cadre pour la coopération transfrontalière en formation professionnelle initiale et continue Sarre‑Lorraine du 20 juin 2014, qui s’inspire de l’accord de 2013 mais se concentre sur la coopération transfrontalière en matière de formation professionnelle initiale et continue pour une liste spécifique et limitative de qualifications éligibles.

Si seule la région Grand Est est concernée par ce type d’accords, elle a multiplié les initiatives de coopérations transfrontalières : elle a ainsi signé, le 3 juillet 2017, un protocole d’accord pour la mise en œuvre de l’expérimentation d’une coopération dans le domaine de l’apprentissage avec le Grand‑duché du Luxembourg, déjà objet d’une déclaration d’intention en 2015. Des projets d’apprentissage transfrontalier ont également été envisagés par les régions Hauts‑de-France et Auvergne‑Rhône‑Alpes, sans toutefois aboutir.

Ces accords, complémentaires dans leur approche, témoignent de la volonté de créer des ponts entre les économies et les systèmes éducatifs des régions frontalières pour favoriser la mobilité et la formation des jeunes, ainsi que le développement de compétences adaptées au contexte transfrontalier. En région Grand Est, le dispositif mis en place permet aux jeunes sous contrat d’apprentissage de réaliser la partie théorique de leur formation dans leur pays d’origine et leur formation pratique au sein d’une entreprise installée dans un pays voisin. À l’issue de leur formation, les étudiants obtiennent le diplôme prévu par leur contrat d’apprentissage dans le pays où s’est déroulée leur formation théorique. Ils peuvent aussi se porter candidat à un examen du pays partenaire et ainsi obtenir une double qualification franco‑allemande ou franco‑luxembourgeoise.

Ces initiatives ont unanimement été jugées positives par les différentes parties même si le nombre de bénéficiaires est resté modeste. Selon un bilan réalisé par la région Grand Est en 2019 pour la période 2010‑2018 et sur les territoires couverts par les deux accords transfrontaliers franco-allemands de 2013 et 2014, 445 jeunes de moins de 26 ans ont bénéficié d’un tel dispositif pour 481 contrats signés ([3]). Cette évaluation concorde avec celle de l’inspection générale des affaires sociales qui dénombre, pour l’ensemble de la région Grand Est, la conclusion de 500 contrats d’apprentissage transfrontalier auprès d’environ 300 entreprises entre 2010 et 2019 ([4]).

2.   Un dispositif fragilisé par la réforme de l’apprentissage de 2018

Malgré le succès de ces dispositifs, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales, publié en avril 2021 ([5]), a mis en lumière la fragilité juridique des accords existants. En effet, la notion d’apprentissage transfrontalier ne correspond à aucune norme commune au niveau européen et ne fait l’objet d’aucune définition par les instances de l’Union européenne. Quant au cadre légal en vigueur, il ne permettait pas explicitement aux apprentis de réaliser la partie pratique ou théorique de leur formation en dehors du territoire français ; la notion d’apprentissage transfrontalier ne figure alors dans aucun code. Il existait donc, selon le rapport précité, « des incompatibilités entre les normes françaises en vigueur et l’apprentissage transfrontalier ».

En outre, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a retiré aux régions françaises la compétence d’organisation et de financement principal des formations par apprentissage, mettant de facto fin aux accords-cadres conclus ; leurs compétences sont reprises par l’État et France compétences ([6]).

Le 19 janvier 2022, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a publié un rapport d’information analysant l’évolution des compétences régionales en matière d’apprentissage à la suite de la réforme introduite par la loi du 5 septembre 2018 ([7]). Ce rapport constate que les représentants régionaux ont été progressivement réassociés à la gouvernance des politiques d’apprentissage au sein de France compétences. Les régions conservent également une capacité de financement propre, alimentée par des fonds dits « alternance » alloués par France compétences. En outre, une somme exceptionnelle de 268 millions d’euros leur a été versée en 2020 pour garantir la neutralité financière de la réforme. Par ailleurs, en dépit de la réforme de 2018, des mesures transitoires ont été mises en place pour garantir la continuité des dispositifs applicables jusqu’alors, notamment pour l’apprentissage transfrontalier entre la France et la République fédérale d’Allemagne. Ainsi, 121 apprentis ont pu bénéficier de ce système depuis l’adoption de la loi du 5 septembre 2018, qui garantit la stabilité du financement de l’apprentissage transfrontalier, confié à des opérateurs de compétences nouvellement créés, dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’accord du 21 juillet 2023. Toutefois, ce dispositif transitoire était appelé à prendre fin le 31 décembre 2024 ([8]).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

nombre et caractéristiques des contrats d’apprentissage TRANSFRONTALIER FRANCo-allemand conclus à parTir de 2020

 

Année de référence

Nombre de contrats impliquant une école de formation d’apprentis en France

Nombre de contrats impliquant une école de formation d’apprentis en Allemagne

 

Nombre total de contrats d’apprentissage transfrontalier

Niveau d’études infrabac concerné

Niveau d’études postbac concerné

2020

4

13

17

12 %

88 %

2021

2

22

24

17 %

83 %

2022

37

7

44

31 %

69 %

2023

34

2

36

33 %

66 %

Source : audition du ministère du travail et de l’emploi.

B.   L’introduction d’un nouveau cadre légal applicable à l’apprentissage transfrontalier par la loi dite « 3DS »

1.   L’apport de l’expérience de coopération transfrontalière franco‑allemande

Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier 2019, est une étape importante pour relancer la coopération transfrontalière franco-allemande. Parmi les quinze priorités identifiées, figure la création d’un comité de coopération transfrontalière (CCT) prévu par son article 14. Ce comité a été formellement constitué un an plus tard, le 22 janvier 2020. Depuis, le CCT se réunit au moins deux fois par an. Il a pour mission principale de répondre aux enjeux spécifiques auxquels sont confrontés les populations et les territoires frontaliers : il assure ainsi un pilotage des projets de coopération transfrontalière au plus près des réalités locales. Pour ce faire, il s’attache à définir une stratégie commune, à suivre les difficultés rencontrées dans les zones frontalières et à formuler des propositions de projets de développement prioritaires pour y apporter des solutions.

Cette démarche repose sur l’implication active de l’ensemble des acteurs, à savoir les représentants des collectivités locales, des États et des entités transfrontalières des territoires concernés, et ce aux niveaux fédéraux et administratifs de part et d’autre de la frontière. Elle inclut, côté français, des personnalités telles que le préfet de la région Grand Est, un parlementaire, le président de la collectivité européenne d’Alsace, le président du conseil départemental de la Moselle et le président de l’Eurométropole de Strasbourg ainsi que, côté allemand, des représentants des Länder voisins, la Sarre, le Bade‑Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat. Ces acteurs collaborent avec d’autres entités transfrontalières, à l’instar des eurodistricts et des eurorégions intéressées.

Depuis sa constitution officielle en 2020, le CCT a identifié et travaillé sur diverses problématiques transfrontalières, telles que le développement du réseau ferroviaire, la coopération sanitaire ou encore l’apprentissage. Le comité a ainsi fait part, dans son avis du 31 mai 2021, du souhait des acteurs et élus locaux que le dispositif d’apprentissage transfrontalier créé au niveau de la région Grand Est soit pérennisé tant son impact positif sur la mobilité et l’insertion professionnelles des jeunes dans les zones frontalières a été apprécié. Sa poursuite constituait ainsi une priorité pour les collectivités et institutions concernées. Lors du conseil des ministres franco-allemand du 22 janvier 2023, le développement de l’apprentissage transfrontalier a enfin été reconnu comme l’un des objectifs de la coopération bilatérale en matière de formation professionnelle.

territoires concernés par les échanges transfrontaliers franco‑allemands

Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/grand-est-nos-voisins-europeens-1165379.html

2.   L’inscription de la notion d’apprentissage transfrontalier dans le droit français par la loi « 3DS » et son ordonnance en 2022

La loi « 3DS » a finalement permis d’inscrire la notion d’apprentissage transfrontalier dans le droit français. La rapporteure, alors ministre déléguée chargée de l’insertion et ancienne présidente du conseil départemental du Haut‑Rhin, s’est mobilisée en ce sens de juillet 2020 à mai 2022. Le gouvernement a ainsi déposé devant l’Assemblée nationale un amendement au projet de loi « 3DS » visant à encadrer juridiquement l’apprentissage transfrontalier. Cette proposition s’appuyait sur les recommandations formulées dans le rapport de l’inspection générale des affaires sociales précité, qui soulignait l’importance de sécuriser ce dispositif et d’en clarifier les modalités pour répondre aux besoins des territoires frontaliers. Sylvain Waserman, alors député de la deuxième circonscription du Bas-Rhin, avait également déposé un amendement relatif à l’apprentissage transfrontalier lors de l’examen du même projet de loi avec le soutien de la majorité. Cette mobilisation a abouti à l’insertion de dispositions relatives au développement de l’apprentissage transfrontalier à l’article 186.

La loi « 3DS » octroie au gouvernement la faculté de prendre, par voie d’ordonnance, toute mesure nécessaire pour préciser l’organisation, la mise en œuvre et le financement de l’apprentissage transfrontalier. L’ordonnance n° 2022‑1607 du 22 décembre 2022 introduit de nouvelles dispositions dans le code du travail au sein des articles L. 6235-3 à L. 6235-6. Elle confie la gestion exclusive des contrats d’apprentissage transfrontaliers, dans un cadre dérogatoire, à un opérateur de compétences unique dont la mission est de soutenir la formation professionnelle et de financer l’apprentissage. L’arrêté du 29 mars 2019 portant agrément d’un opérateur de compétences octroie la gestion de ces contrats à l’opérateur de compétences des entreprises de proximité (OPCO EP) désigné par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) pertinente.

Les règles relatives à l’apprentissage transfrontalier définies par le code du travail varient en fonction de la localisation de la formation réalisée. Si l’apprenti suit une formation théorique dans un pays frontalier, la plupart des dispositions encadrant, en temps normal, le contrat d’apprentissage demeurent applicables. En revanche, lorsque la formation pratique se déroule dans un pays frontalier, des règles dérogatoires s’appliquent pour tenir compte du caractère international de l’apprentissage, à l’exception des mesures permettant à l’apprenti de continuer sa formation théorique en centre de formation durant une période de six mois suivant une éventuelle rupture anticipée du contrat, qui demeurent inchangées.

S’agissant des règles de financement mises en œuvre, lorsque la formation théorique a lieu dans un pays voisin, celui-ci en assume les frais, selon les modalités définies par un accord bilatéral entre la France et le pays partenaire frontalier dans lequel est réalisée la partie pratique de la formation par apprentissage. Inversement, si la formation pratique se déroule dans un pays frontalier, l’opérateur de compétences unique prend en charge les frais supportés par le centre de formation des apprentis ainsi que les dépenses annexes et d’investissement assumées par ce centre dans le cadre de la réalisation des formations concernées, selon des montants fixés par arrêté.

Enfin, l’ordonnance précise les modalités d’application de ces dispositions dans les collectivités d’outre-mer.


II.   UN ACCORD QUI RÉPOND AUX ENJEUX DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET PARTICIPE À LA CONSTRUCTION D’UN ESPACE EUROPÉEN DE L’ÉDUCATION

A.   La première traduction du nouveau cadre juridique posé par la loi dite « 3DS »

Suite à l’adoption de la loi « 3DS », le 21 février 2022, des discussions ont été engagées au printemps de la même année entre le ministère français du travail, du plein-emploi et de l’insertion, et ses homologues allemands, notamment les ministères fédéraux du travail, des affaires sociales, de l’éducation et de la recherche. Ces échanges se sont intensifiés durant le second semestre 2022, aboutissant à la signature de l’accord de Lauterbourg, le premier conclu depuis l’entrée en vigueur du nouveau cadre législatif. Ce dernier se compose d’un préambule et de dix articles.

Le préambule définit le cadre dans lequel s’inscrit l’accord. Il constitue un exemple de coopération franco-allemande prônée par le traité d’Aix‑la‑Chapelle. Il tient compte de la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité, ainsi que de l’apport des accords-cadres relatif à l’apprentissage transfrontalier dans le Rhin supérieur du 12 septembre 2013 et pour la coopération transfrontalière en formation professionnelle initiale et continue Sarre-Lorraine du 20 juin 2014. Il vise à reprendre et à sécuriser les coopérations initiées en matière d’apprentissage transfrontalier entre la région Grand Est et des Länder frontaliers, afin de mieux répondre aux défis en matière de formation et d’insertion professionnelles, notamment chez les jeunes.

L’article 1er précise l’objet de l’accord, à savoir la définition des modalités de mise en œuvre de l’apprentissage transfrontalier entre la France et la République fédérale d’Allemagne. Il fixe également son champ d’application, soit l’ensemble de la France métropolitaine et les trois Länder allemands frontaliers du Bade-Wurtemberg, de la Rhénanie-Palatinat et de la Sarre. Dans le cas de la France, il stipule que toutes les certifications professionnelles sanctionnées par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles établi par France compétences et pouvant être préparées par la voie de l’apprentissage sont éligibles à l’apprentissage transfrontalier. En République fédérale d’Allemagne, sont concernés les diplômes professionnels obtenus par une formation professionnelle faisant l’objet d’un contrat d’apprentissage entre l’entreprise et un apprenti et figurant sur la liste des métiers reconnus par l’institut fédéral de la formation professionnelle (BIBB). En revanche, l’apprentissage transfrontalier n’a pas été étendu à l’enseignement supérieur, malgré la proposition faite par le ministère fédéral de l’éducation en ce sens ([9]).

L’extension du champ d’application de l’accord de Lauterbourg à l’ensemble de la France métropolitaine devrait contribuer à augmenter le nombre de bénéficiaires des dispositifs d’apprentissage transfrontalier. La restriction de son application au seul territoire métropolitain découle de la définition donnée à l’apprentissage transfrontalier dans les territoires ultramarins, établie à l’article L. 6522-5 du code du travail, qui identifie de manière distincte les États avec lesquels ces territoires peuvent envisager des partenariats.

Dans le cas allemand, l’application du dispositif à d’autres Länder que ceux prévus par l’accord aurait nécessité des négociations élargies à un grand nombre d’acteurs au regard de l’organisation de l’apprentissage dans le pays (rôle des Länder, des chambres de commerce et d’industrie et des partenaires sociaux). Par ailleurs, l’apprentissage délivré en dehors de l’enseignement supérieur donne lieu à une alternance au cours d’une même semaine, compliquant sa mise en œuvre au sein de territoires éloignés de la zone frontalière. Les ministères fédéraux ont donc souhaité limiter l’application de l’accord aux trois Länder frontaliers pour ne pas en ralentir les négociations. Seule la Rhénanie‑du‑Nord‑Westphalie a été sollicitée mais a préféré ne pas intégrer le dispositif.

L’article 2 définit les règles relatives à la conclusion, à l’enregistrement et au dépôt du contrat d’apprentissage transfrontalier. Lorsque l’employeur est établi en France, le contrat a pour objectif de former l’apprenti en vue de l’obtention d’un diplôme professionnel en République fédérale d’Allemagne respectant les exigences du droit allemand et pour une durée fixée conformément au règlement de formation allemand. Inversement, lorsque l’entreprise formatrice est établie en République fédérale d’Allemagne, le contrat d’apprentissage conclu prépare à une certification professionnelle compatible avec les règles d’apprentissage applicables dans notre pays. Dans les deux hypothèses, les contrats respectent des modèles standardisés et bilingues. Enfin, cet article prévoit la mise en place de procédures de contrôle de la conformité et d’enregistrement ou de dépôt des contrats dans les deux pays, ainsi que l’accompagnement des entreprises de formation dans la réalisation de ces démarches.

L’article 3 fixe les modalités de mise en œuvre des formations prodiguées et des examens associés. Il stipule que la formation théorique et les épreuves associées sont organisées selon les normes du pays délivrant le diplôme ou la certification professionnelle. Il établit les conditions de réalisation de la formation pratique dispensée, en précisant que cette dernière doit nécessairement garantir aux apprentis d’obtenir la certification ou le diplôme visé. Il rappelle, enfin, que la reconnaissance des qualifications relève des organismes compétents de chaque pays. En France, le dépôt des contrats d’apprentissage se fait après contrôle dudit contrat par les opérateurs de compétences (OPCO) sur la plateforme dite DECA ([10]). Dans le cas de l’apprentissage transfrontalier, les employeurs transmettront le contrat d’apprentissage à l’OPCO de proximité en vue de son dépôt, lequel éditera ensuite les certificats d’enregistrement, l’attestation de dépôt et les accords de prise en charge des contrats. Il développera une expertise et des procédures en partie dématérialisées pour l’ensemble des dispositifs d’apprentissage transfrontalier, qui s’inscrivent dans la continuité des accords‑cadres précédents : seront seulement nécessaires des ajustements mineurs des modèles français de contrats d’apprentissage transfrontalier et de conventions de formation. Par conséquent, l’article 3 garantit une qualité équivalente et une reconnaissance mutuelle des certifications et diplômes obtenus dans le cadre transfrontalier. Les apprentis bénéficieront d’une formation adaptée qui répondra aux exigences des deux systèmes éducatifs, renforçant ainsi leur employabilité.

L’article 4 prévoit que le financement de l’apprentissage transfrontalier est assuré dans le respect des règles en vigueur dans chaque pays. Un rapport annuel, réalisé par le comité de suivi, présentera une analyse quantitative et qualitative de la mise en œuvre de l’accord portant également sur ses aspects financiers. Trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord, une nouvelle négociation des règles de financement pourra être initiée à la demande de l’une des parties.

L’article 5 renvoie aux dispositions nationales de protection sociale assurée par l’État membre compétent en vertu des conventions et règlements portant sur la coordination des systèmes de Sécurité sociale. La législation applicable aux bénéficiaires d’un contrat d’apprentissage transfrontalier sera en principe celle de l’État où est dispensée la formation pratique.

La rédaction de l’article 5 assure le respect du droit européen et des engagements internationaux de la France. Il fait notamment référence au règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de Sécurité sociale, lequel prévoit que les personnes ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre, la règle étant l’application de la législation sociale de l’État d’activité ou, à défaut, celle de l’État de résidence (article 11, paragraphe 3).

L’article 6 définit les modalités de contrôle des contrats d’apprentissage par les services compétents de chaque pays. Il précise que, le cas échéant, ces contrôles peuvent avoir pour origine une demande des autorités de l’autre pays. Il stipule que les autorités allemandes et françaises coopèrent étroitement pour vérifier l’exécution des contrats d’apprentissage et que les contrôleurs d’un pays peuvent solliciter l’assistance de leurs homologues issus du pays partenaire pour assurer une surveillance efficace. Les contrôles concernent entre autres la conformité aux référentiels de certification et aux règlements de formation.

L’article 7 établit que les entreprises et les apprentis devront trouver une solution à l’amiable en cas de litige relatif à la formation par apprentissage. Il prévoit diverses procédures de médiation et de conciliation auxquelles les parties concernées peuvent recourir et précise que la voie judiciaire demeure ouverte quelle que soit la procédure de règlement des conflits retenue.

L’article 8 souligne que les deux États s’engagent à promouvoir l’apprentissage transfrontalier en lien avec l’ensemble des acteurs concernés, ainsi qu’une action de renforcement linguistique à l’attention des apprentis et des entreprises de formation sur l’apprentissage transfrontalier et le placement en apprentissage. Il énonce plusieurs mesures d’accompagnement, telles que la diffusion d’informations ciblées ou la mise en place d’un suivi statistique de l’apprentissage dans chaque territoire concerné. Les États veilleront à ce que les diplômes ou les certifications professionnelles obtenus dans le cadre de cet accord soient reconnus selon la législation en vigueur dans le pays partenaire. Enfin, l’article prévoit une évaluation de l’accord cinq ans après sa mise en œuvre, puis au moins tous les cinq ans.

L’article 9 établit un comité de suivi composé d’un nombre égal de représentants des ministères compétents en France et en République fédérale d’Allemagne, se réunissant au moins une fois par an. Ce comité peut, sur proposition de ses membres, solliciter d’autres acteurs de l’apprentissage, notamment des représentants des Länder et des organismes régionaux et consultatifs existants. Outre la production d’un rapport annuel, le comité est chargé de discuter des défis rencontrés dans la mise en œuvre de l’accord et de formuler des recommandations dans l’objectif de l’améliorer. Le secrétariat du comité est assuré, chaque année et alternativement, par chacune des deux parties.

Enfin, l’article 10 présente les dispositions finales de l’accord, incluant un mécanisme simplifié pour étendre son application à de nouveaux Länder. Celui-ci repose sur la voie diplomatique par échange de notes verbales entre les signataires. L’accord entre en vigueur après notification des procédures internes par chaque partie. Il est conclu pour une durée de trois ans et est prolongé pour des périodes successives de trois ans par reconduction tacite.

B.   Un accord au service du développement de la formation professionnelle dans un cadre européen qui pourra servir de référence pour l’avenir

1.   Un accord qui renforce la formation professionnelle et l’insertion des jeunes dans l’emploi

Selon un avis du 12 juin 2023 du comité de coopération transfrontalière ([11]), l’apprentissage transfrontalier est un levier essentiel pour dynamiser le marché de l’emploi et l’intégration économique entre les régions frontalières de la France et de la République fédérale d’Allemagne. Les dispositifs mis en œuvre entre 2011 et 2018, notamment sur le fondement de l’accord-cadre sur l’apprentissage transfrontalier dans le Rhin supérieur du 12 septembre 2013 et de l’accord relatif à l’apprentissage Sarre-Lorraine du 20 juin 2014, ont mis en lumière l’impact positif de l’internationalisation des parcours pour l’économie nationale et la coopération économique transfrontalière. En effet, ces dispositifs permettent aux apprentis d’acquérir les compétences nécessaires pour s’insérer professionnellement aussi bien dans l’État transfrontalier qu’à l’international.

La dimension internationale des trajectoires professionnelles représente, à long terme, un atout précieux pour l’économie française et peut participer à l’amélioration durable de la qualité des collaborations et des échanges entre les acteurs économiques. Ainsi, selon une enquête citée par l’étude d’impact du projet de loi et menée par la région Grand Est auprès d’apprentis ayant bénéficié d’un dispositif d’apprentissage transfrontalier avant 2018, les jeunes accèdent plus rapidement à un premier emploi : un sur deux dispose d’un emploi dès la fin de son contrat, deux sur trois dans le mois suivant et 80 % dans les trois mois. Ce sont même 80 % des répondants qui disposent d’un contrat à durée indéterminée à l’été 2018. Par comparaison, en janvier 2022, six mois après leur sortie d’études, seuls 65 % des apprentis de niveau allant du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au brevet de technicien supérieur (BTS) décrochent un emploi salarié dans le secteur privé.

Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, l’intégration d’apprentis transfrontaliers revêt une triple importance pour les entreprises françaises. Elle renforce leur aptitude à évoluer dans un cadre professionnel diversifié, tout en mettant en avant leur capacité à accueillir des talents issus d’horizons variés, renforçant ainsi leur attractivité auprès de potentiels collaborateurs et apprentis. Elle favorise l’enrichissement des échanges professionnels grâce au développement de compétences linguistiques, ce qui contribue à promouvoir le plurilinguisme et le multiculturalisme au sein de leurs équipes. Elle leur permet enfin de constituer un vivier de travailleurs qualifiés, dotés d’une double culture et d’une connaissance approfondie des environnements économiques voisins. Cette approche stratégique améliore ainsi leurs capacités d’adaptation et leur compétitivité.

L’accord du 21 juillet 2023 se révèle plus favorable à l’apprentissage transfrontalier que les précédents accords-cadres et devrait conduire à une augmentation du nombre de bénéficiaires par rapport à la période 2010-2018 grâce à la réforme de l’apprentissage introduite en 2018 ([12]). Celle-ci porte notamment la limite d’âge d’entrée en apprentissage à 29 ans révolus en France, introduit l’extension du champ d’application territorial de l’apprentissage transfrontalier à toute la métropole et sécurise les initiatives transfrontalières.

Sur le plan financier, l’accord stipule que le financement de l’apprentissage transfrontalier doit respecter les dispositions en vigueur dans chaque pays concerné : en France, ces règles sont précisées par les articles L. 6235-1 et suivants du code du travail. Son impact financier devrait être limité eu égard au nombre de contrats concernés. Selon le rapport de l’inspection générale des affaires sociales d’avril 2021 ([13]), le potentiel de développement de l’apprentissage transfrontalier dans la région Grand Est est de 0,6 %, soit environ 300 entrées annuelles en contrat d’apprentissage transfrontalier franco-allemand à périmètre géographique constant, auxquelles s’ajouteront les apprentis transfrontaliers issus des autres régions de France métropolitaine, sans qu’il soit possible pour l’heure d’en prédire le nombre. Après la montée en charge du dispositif, on pourrait compter jusqu’à 1 000 apprentis transfrontaliers français chaque année.

Les perspectives de projection pour le territoire allemand sont plus difficiles à évaluer, le nombre d’apprentis transfrontaliers inscrits dans les écoles de formation en Allemagne étant faible jusqu’à présent. Il s’agit là d’un point d’attention pour la mise en œuvre de ce dispositif.

Selon l’ordonnance sur l’apprentissage transfrontalier précitée, l’OPCO désigné pour la gestion des contrats d’apprentissage transfrontaliers est chargé de couvrir les frais engagés par les centres de formation d’apprentis (CFA) à un montant déterminé par un arrêté conjoint des ministères chargés de la formation professionnelle et du budget. À titre d’exemple, le coût moyen annuel d’une formation par apprentissage est estimé à 8 519 euros (niveau de prise en charge non pondéré par le niveau de formation).

Les projections indiquent que le dispositif d’apprentissage transfrontalier franco‑allemand n’aura pas de répercussions significatives sur la structure actuelle du financement de l’apprentissage ([14]). Les fonds alloués restent déterminés par les spécificités et caractéristiques des entreprises établies en France. Enfin, la réalisation de la formation pratique par un apprenti au sein d’une entreprise étrangère ne modifie pas le périmètre des prélèvements effectués. En ce qui concerne les coûts supportés par les entreprises, ces dernières appliqueront, lorsqu’elles sont établies en France et embauchent des apprentis transfrontaliers, les règles de rémunération prévues par la législation française. Ainsi, l’apprentissage transfrontalier n’entraînera aucun surcoût supplémentaire pour ces employeurs.

Quant aux employeurs français du secteur non industriel et commercial, les formations théoriques de leurs apprentis seront prises en charge financièrement par le pays frontalier, ce qui devrait générer des économies pour les collectivités territoriales.

2.   Un accord qui participe à la fondation d’un véritable espace européen de l’éducation

L’apprentissage transfrontalier joue un rôle majeur dans la construction d’un espace européen de l’apprentissage, dont le président de la République a réaffirmé l’importance, en avril 2024, lors de son second discours de la Sorbonne : il a ainsi fixé pour objectif d’atteindre 15 % des apprentis en mobilité européenne d’ici à 2030. La rapporteure souligne que les coopérations existantes entre la France et l’Allemagne ainsi que le dynamisme du marché du travail des deux côtés du Rhin font naturellement d’un accord entre ces deux partenaires un pilier essentiel pour atteindre cet objectif. Cet accord représente ainsi une initiative bilatérale concrète, intégrée aux efforts de la Commission européenne pour bâtir un espace européen de l’éducation d’ici à 2025. Il crée un cadre juridique stable et clair, adapté aux besoins des acteurs locaux comme les entreprises, les centres de formation et les jeunes apprentis.

Plusieurs initiatives existent en ce sens. L’association Euro App Mobility (EAM), fondée en 2020 par Jean Arthuis, œuvre, par exemple, au développement de la mobilité internationale des alternants à travers le projet Mon apprentissage en Europe (MONA). Dotée d’un budget de 25 millions d’euros, dont 17 millions d’euros de financements de l’État dans le cadre du plan France 2030 ([15]), cette expérimentation de quatre ans regroupe aujourd’hui plus de quarante centres de formation des apprentis volontaires pour construire et développer des programmes de jumelage au sein de l’Union européenne. On peut également penser au rôle de l’Alliance européenne pour l’apprentissage (EAfA), lancée en juillet 2013 et renouvelée en juillet 2020, qui réunit les autorités nationales et les principaux acteurs concernés par l’apprentissage dans le but de renforcer la qualité, l’offre et l’image globale de l’apprentissage en Europe, tout en promouvant la mobilité des apprentis.

 

L’articulation de l’accord de Lauterbourg avec le droit interne français ne présente aucune difficulté, des adaptations de ce dernier ayant été réalisées en amont de sa signature par le biais de l’article 186 de la loi « 3DS ». L’étude d’impact du projet de loi souligne néanmoins qu’un décret d’application reste attendu pour préciser certains points, tels que les modalités de financement des contrats d’apprentissage transfrontalier, en conformité avec l’article L. 623-6 du code du travail, ainsi que les conditions relatives au dépôt des contrats auprès des OPCO. Les services compétents du ministère du travail et de l’emploi auditionnés ont toutefois souligné que ces textes réglementaires étaient désormais prêts.

De même, cet accord est pleinement conforme au droit européen selon lequel l’Union européenne intervient au seul titre d’appui des États membres dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle, de la jeunesse et du sport, ce qui confère un caractère non contraignant à ses actions, en vertu des articles 165 et 166 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En cohérence avec cette approche, l’accord s’inscrit dans le cadre des orientations définies par la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité, visée dans son préambule.

Ce texte pourrait enfin inspirer d’autres accords du même type. Plusieurs pays ont fait part de leur intérêt pour la mise en place de programmes d’apprentissage transfrontalier. C’est le cas de Monaco et de la Belgique, où des échanges se tiennent avec les trois communautés linguistiques constitutives du pays (française, néerlandaise et allemande). Le Luxembourg, qui finance déjà des formations en France pour les ressortissants de son territoire dans des secteurs où il ne possède pas de filière de formation, souhaite également aboutir rapidement à la conclusion d’un accord bilatéral. En Suisse, les autorités centrales consultent actuellement leurs cantons en vue d’une possible négociation en 2025 d’un projet pilote limité à quelques secteurs et certifications où la coopération franco-suisse est consensuelle. Enfin, le comité de coopération transfrontalière franco-italien institué par le traité du Virginal ([16]) a évoqué cette question lors de sa première session.

    


   EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 15 janvier 2025, à 11 heures, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier (n° 566).

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Le premier des textes que nous avons à examiner aujourd’hui est le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier.

L’accord dont nous devons autoriser l’approbation s’inscrit dans le cadre de la politique de coopération avec l’Allemagne, particulièrement depuis la signature du traité d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019, qui approfondit les liens bilatéraux en matière transfrontalière, d’éducation, de recherche, de climat ou encore de politique étrangère.

L’accord franco-allemand relatif à l’apprentissage transfrontalier, signé le 21 juillet 2023 à Lauterbourg, est le premier accord conclu dans le cadre de l’article 186 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS ».

Précédemment, la région Grand Est avait institué un dispositif d’apprentissage transfrontalier sur la base de conventions régionales avec plusieurs territoires frontaliers allemands. Cependant, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait retiré aux régions la compétence de financement principal des formations par l’apprentissage. Le comité franco-allemand de coopération transfrontalière a relayé, dans son avis du 31 mai 2021, le souhait des acteurs locaux que soit pérennisé le dispositif d’apprentissage transfrontalier créé par la région Grand Est.

Le développement de l’apprentissage transfrontalier a par la suite été identifié comme objectif de coopération bilatérale en matière de formation professionnelle lors du conseil des ministres franco-allemand du 22 janvier 2023.

Ce projet de loi paraît donc bienvenu et donnerait une traduction concrète à la coopération franco-allemande. Le Sénat l’a adopté le 22 mai 2024.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Ce projet de loi, qui a été examiné et voté par le Sénat l’an dernier, a achevé son processus d’approbation par la partie allemande le 13 juin 2024 ; le Bundestag l’a d’ailleurs adopté à l’unanimité des membres présents, signe de sa nécessité pour nos partenaires.

L’accord dont nous devons autoriser l’approbation témoigne de la rencontre de deux ambitions.

Il s’agit, d’une part, de promouvoir et de consolider une relation bilatérale franco‑allemande forte dans tous les domaines, conformément aux objectifs des traités de l’Élysée et d’Aix-la-Chapelle. La coopération transfrontalière joue naturellement, à cet égard, un rôle central : nos concitoyens des territoires frontaliers sont bien placés pour le savoir, eux qui expérimentent au quotidien la richesse de cette relation.

Il s’agit, d’autre part, de concrétiser un espace européen de l’éducation auquel notre Assemblée contribue activement. L’adoption de la loi du 27 décembre 2023, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants pour un « Erasmus de l’apprentissage », rappelle le rôle constructif qu’a joué le Parlement dans le prolongement du discours de la Sorbonne de 2017, à l’occasion duquel le président de la République avait affirmé la volonté française d’étendre aux apprentis les opportunités d’échanges entre jeunes Européens. Ce projet de loi est une pierre supplémentaire de l’édifice de l’espace européen de l’éducation, qui offre à tous les jeunes Européens la chance de pouvoir effectuer des échanges.

Cet accord prolonge par ailleurs plusieurs initiatives transfrontalières menées par la France et l’Allemagne, d’abord à l’échelle régionale du Grand Est. Le Haut-Rhin et le Bas-Rhin ont œuvré à la promotion de la mobilité transfrontalière en matière de formation et d’emploi avec les Länder allemands du Bade-Wurtemberg et de la Rhénanie-Palatinat, dès 2010, dans le cadre de la conférence du Rhin supérieur. L’Alsace a également promu avec ces mêmes Länder le développement de l’apprentissage transfrontalier dans le cadre de son plan régional pour l’activité et l’emploi, il y a quinze ans. Deux conventions régionales, signées en 2013 et en 2014, ont ensuite renforcé cette coopération ; elles concernent respectivement le Rhin supérieur, à l’initiative du conseil régional d’Alsace, et la Lorraine et la Sarre. L’accord du 21 juillet 2023 s’inspire d’ailleurs largement de ces deux accords-cadres, qui donnaient satisfaction aux deux parties.

Pourtant, comme l’a souligné un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en avril 2021, ces coopérations étaient fragilisées, en France, par l’absence de cadre légal national bien établi, la notion d’apprentissage transfrontalier ne figurant alors dans aucun code. Par ailleurs, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a retiré aux régions la compétence en matière d’organisation et de financement principal de l’apprentissage pour la confier à l’État et à France Compétences.

Vous connaissez mon attachement à l’insertion par l’apprentissage – une politique que j’ai eu l’honneur de conduire au sein du gouvernement – et mon engagement pour les relations franco-allemandes. En tant que ministre, j’avais souhaité que nous disposions d’un cadre légal pour relancer l’apprentissage transfrontalier et donner une réalité concrète à l’espace européen de l’apprentissage. La loi dite « 3DS » du 21 février 2022 a permis de résoudre la double difficulté que j’évoquais : l’Assemblée a adopté un amendement que j’avais défendu au nom du gouvernement et qui inscrivait la notion d’apprentissage transfrontalier dans le droit français. Notre ancien collègue Sylvain Waserman a lui aussi été très actif à ce sujet ; je tiens à saluer son travail fructueux. Grâce à cette mobilisation, l’article 186 de la loi 3DS offre désormais la possibilité aux étudiants d’effectuer une partie de leur apprentissage dans un État frontalier de la France à la condition qu’un accord bilatéral en définisse les modalités de mise en œuvre.

L’accord de Lauterbourg constitue la première traduction de ce nouveau cadre juridique national. L’objectif de l’accord est, plus précisément, de permettre aux apprentis issus de l’ensemble du territoire métropolitain de réaliser une partie de leur formation, pratique ou théorique, dans l’un des trois Länder allemands frontaliers que sont le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et la Sarre, et réciproquement pour les apprentis issus de ces Länder. Toutes les certifications éligibles à l’apprentissage en France pourront faire l’objet d’un dispositif d’apprentissage transfrontalier ; tous les diplômes professionnels allemands pouvant être obtenus par apprentissage, hors enseignement supérieur, seront également concernés.

Contrairement aux accords-cadres de 2013 et de 2014, le présent accord s’appliquera à l’ensemble du territoire de la France métropolitaine, conformément au principe d’égalité, à l’exception des territoires d’outre-mer. L’exclusion des territoires ultramarins résulte de l’article L. 6522-5 du code du travail, qui identifie les États avec lesquels ces territoires peuvent instaurer un apprentissage transfrontalier sous réserve de la conclusion d’un accord bilatéral en ce sens. En revanche, côté allemand, seuls les trois Länder précités seront concernés, même si une clause d’extension simplifiée à d’autres Länder est prévue à l’article 10 de l’accord.

Le financement de ces nouveaux dispositifs sera assuré conformément aux dispositions en vigueur dans chaque pays. En France, il sera confié à l’opérateur de compétences des entreprises de proximité désigné pour gérer l’ensemble des contrats d’apprentissage transfrontalier. L’accord ne prévoit pas de mécanisme de compensation car il ne doit pas modifier les grands équilibres relatifs au financement de l’apprentissage.

On attend des effets très positifs de son application : outre une sécurisation des initiatives menées, elle devrait se traduire par une augmentation du nombre d’apprentis transfrontaliers grâce à la mise en œuvre des dispositions de la loi 3DS. Cette dernière a porté à 29 ans l’âge limite d’entrée dans un dispositif d’apprentissage et s’applique à l’ensemble du territoire métropolitain. Près de 300 contrats d’apprentissage transfrontalier pourraient être conclus chaque année dans ce cadre entre les régions frontalières franco-allemandes, auxquels s’ajouteront les apprentis issus des autres régions de France métropolitaine, sans qu’il soit possible pour l’heure d’en prédire le nombre exact. Une fois que le dispositif sera monté en puissance, on pourrait compter jusqu’à 1 000 apprentis transfrontaliers français chaque année.

Or les dispositifs d’apprentissage transfrontaliers favorisent l’insertion dans l’emploi. Selon une enquête menée par la région Grand Est auprès d’apprentis ayant bénéficié d’une formation de cette nature avant 2018, la proportion de jeunes occupant un emploi était d’un sur deux à la fin de leur contrat, de deux sur trois au cours du mois suivant et de 80 % dans les trois mois ; enfin, 80 % des répondants occupaient un contrat à durée indéterminée à l’été 2018. En comparaison, en janvier 2022, six mois après leur sortie d’études, seuls 65 % des apprentis ayant un diplôme allant du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au brevet de technicien supérieur (BTS) occupaient un emploi salarié dans le secteur privé.

Par ailleurs, l’intégration d’apprentis transfrontaliers revêt une triple importance pour les entreprises françaises. D’abord, elle renforce leur aptitude à évoluer dans un environnement professionnel diversifié, tout en mettant en avant leur capacité à accueillir des talents issus d’horizons variés, ce qui renforce leur attractivité auprès de potentiels collaborateurs et apprentis. Ensuite, elle favorise l’enrichissement des échanges professionnels grâce au développement de compétences linguistiques, ce qui contribue à promouvoir le plurilinguisme et le multiculturalisme au sein de leurs équipes. Enfin, l’accueil d’apprentis transfrontaliers permet de constituer un vivier de travailleurs qualifiés, dotés d’une double culture et d’une connaissance approfondie de l’environnement économique du pays voisin. Cette approche stratégique améliore non seulement les capacités d’adaptation des entreprises mais aussi leur compétitivité.

Ce texte pourrait inspirer d’autres accords du même type. Plusieurs pays ont fait part de leur intérêt pour l’apprentissage transfrontalier. C’est le cas de Monaco et de la Belgique, où des échanges ont lieu avec les trois communautés linguistiques du pays. Le Luxembourg souhaite aboutir rapidement à la conclusion d’un accord bilatéral pour structurer sa coopération avec notre pays. En Suisse, les autorités centrales consultent leurs cantons en vue de la possible négociation, en 2025, d’un projet pilote limité à quelques certifications et secteurs où la coopération franco-suisse est consensuelle. Enfin, le comité de coopération transfrontalière franco-italien institué par le traité du Quirinal a évoqué cette question dès sa première session.

Pour toutes ces raisons, je vous invite sans réserve à autoriser l’approbation de cet accord. Je forme le vœu qu’il entre en vigueur rapidement, ce qui permettrait son application dès la prochaine campagne de recrutement des apprentis, laquelle commence en février ou mars en Allemagne et au printemps en France.

Cette approbation marquera une étape supplémentaire, dans un domaine particulier, de notre coopération avec l’Allemagne, vitale pour notre pays. C’est en partenaires ambitieux et exigeants que la France et l’Allemagne pourront continuer de donner le cap et de promouvoir une Europe plus unie, souveraine et démocratique.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.

M. Stéphane Hablot (SOC). Cet accord s’inscrit dans le cadre d’une longue relation qui a commencé après la seconde guerre mondiale et qui a visé à réconcilier nos deux pays. Elle s’est muée, au fil du temps, en une coopération économique dont nous mesurons l’importance pour la jeunesse et l’intégration européenne. Le texte permettra à des apprentis français et allemands de bénéficier d’une formation qui leur apportera non seulement des compétences professionnelles mais aussi un enrichissement culturel et une maîtrise de la langue du pays voisin, donc une meilleure connaissance de celui-ci.

C’est une belle initiative, dans l’esprit des traités de l’Élysée et d’Aix-la-Chapelle, qui vise à promouvoir l’Europe de la proximité et des opportunités pour nos jeunes.

Notre groupe soutient le texte mais nous sommes vigilants sur deux points.

L’accessibilité, d’abord : le dispositif doit profiter à tous les jeunes, y compris ceux issus de milieux populaires, qui résident dans des villes pauvres – je pense à des communes comme Behren-lès-Forbach, en Moselle – ou dans des zones rurales. La mobilité internationale demeure un privilège. Il convient d’accompagner socialement les bénéficiaires de ces formations pour leur offrir des perspectives d’avenir dans les grandes entreprises du territoire voisin.

Nous sommes également attentifs à la gouvernance. Les régions ont mené des initiatives transfrontalières ; elles sont au cœur des dispositifs. Cela mérite d’être mieux valorisé.

Il serait donc souhaitable que l’accord franco-allemand favorise une gouvernance partagée et une répartition équitable des moyens pour éviter des déséquilibres territoriaux.

Bref, cet accord marque une très belle étape mais nous devons veiller à ce qu’il satisfasse aux exigences d’équité, de proximité et d’efficacité. Nous serons très attentifs à son application.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je partage en grande partie votre point de vue. Le texte a pour objectif de favoriser l’apprentissage transfrontalier de jeunes qui n’iraient pas naturellement se former dans un autre pays. Ce dispositif n’est pas comparable à l’Erasmus de l’apprentissage, lequel concerne la mobilité internationale. Il s’agit ici d’offrir la possibilité à des jeunes en CAP ou en brevet professionnel de suivre une formation théorique en France et une formation pratique en Allemagne : en général à proximité de leur lieu d’origine, mais pas seulement puisque le dispositif concerne l’ensemble du territoire national. Cela leur donnera des atouts supplémentaires, qu’il s’agisse de l’expérience multiculturelle, du bilinguisme ou de l’enrichissement de leurs connaissances professionnelles. Cela étant, il faut veiller, comme vous l’avez dit, à éviter l’inégalité territoriale.

De plus, ce premier accord sur l’apprentissage transfrontalier doit aussi s’étendre à d’autres pays intéressés.

M. Michel Guiniot (RN). L’apprentissage permet à des jeunes de découvrir des métiers et un environnement professionnel dans le cadre d’une formation adaptée et, souvent, efficace. On peut regretter que l’accord en discussion ne s’applique pas à l’enseignement supérieur, malgré la proposition faite en ce sens par les Allemands. Il sera donc mis fin en 2025 à la possibilité d’effectuer un apprentissage transfrontalier à ce niveau d’enseignement, ce qui est regrettable.

Jusqu’à la réforme de 2018, près de 100 jeunes étaient concernés, chaque année, par cette forme d’apprentissage particulièrement adaptée au marché du travail transfrontalier. Si l’accord vise explicitement l’apprentissage transfrontalier, le (2) de son article 1er précise qu’il s’applique, d’une part, à l’ensemble de la France métropolitaine et, d’autre part, aux trois Landër frontaliers. Un habitant de la Sarre pourra donc faire son apprentissage à Brest, et réciproquement. Le (3) de l’article 10 précise que les parties peuvent convenir par voie diplomatique d’étendre le champ d’application à d’autres Länder.

L’étude d’impact indique que l’accord a été conclu côté allemand au niveau des ministères fédéraux, qui ont travaillé avec les Länder concernés. Savez-vous si le gouvernement français a entrepris des démarches pour impliquer particulièrement les territoires transfrontaliers intéressés, notamment l’Alsace et la Lorraine ?

Cet accord corrige les conséquences d’un choix politique fait pendant le premier mandat de M. Macron : la réforme de la formation professionnelle de 2018, qui a ôté aux régions la compétence en matière d’organisation et de financement principal de la formation par l’apprentissage, un recul par rapport à des coopérations locales qui remontent aux années 1960.

Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la composition du comité de suivi ? L’article 9 indique que cette instance doit être composée d’un nombre égal de représentants des ministères compétents. Or le gouvernement Scholz comprend quatorze ministres, contre trente-cinq pour le gouvernement Bayrou. Avez-vous connaissance du nombre de personnes qui pourraient le constituer ?

Compte tenu du débat sur le financement de l’apprentissage, nous nous abstiendrons lors du vote.

 

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Côté français, l’enseignement supérieur est inclus dans le dispositif. L’Allemagne a, en revanche, décidé de l’extraire du champ de l’accord car la compétence en matière d’enseignement supérieur appartient aux Länder et il semble que l’un d’entre eux s’opposait à son inclusion. L’extension du champ de l’accord aurait nécessité l’implication d’acteurs supplémentaires, ce qui aurait encore compliqué les négociations et l’application du texte.

J’ai commencé à mettre ce projet dans les tuyaux lorsque j’étais ministre déléguée chargée de l’insertion, en juillet 2020. Voyez le temps qu’il a fallu pour faire aboutir un projet somme toute assez simple ! Cela étant, il n’est pas figé : d’autres Länder pourront rejoindre les premiers signataires. En tout état de cause, l’accord accroîtra l’attractivité de l’apprentissage grâce à des séjours intégrés à l’étranger.

L’Alsace et la Lorraine nourrissent en effet de grandes attentes ; c’est là que la demande est la plus forte et que le nombre d’apprentis est le plus élevé. L’ambition du texte est néanmoins que l’ensemble du territoire métropolitain soit concerné.

Enfin, nous ne savons pas, pour l’instant, qui composera le comité de suivi mais je suis à votre écoute à ce sujet.

Mme Liliana Tanguy (EPR). En 2020, madame Klinkert, en votre qualité de ministre déléguée chargée de l’insertion, vous aviez défendu le projet qui voit aujourd’hui le jour. Au nom de notre groupe, je salue votre engagement et vous félicite de cette concrétisation.

Le projet de loi relève d’une dynamique ambitieuse de structuration d’un espace européen de l’éducation et de la formation professionnelle. Il incarne une volonté politique claire : renforcer l’intégration économique et sociale dans les régions frontalières. L’apprentissage transfrontalier est bien plus qu’un levier d’insertion professionnelle pour nos jeunes. En permettant à des apprentis de suivre une formation alternée dans deux pays, ce dispositif développe des compétences techniques spécifiques mais aussi une maîtrise linguistique et des capacités d’adaptation interculturelle particulièrement valorisées sur le marché du travail. Cela répond aux besoins des entreprises implantées dans des écosystèmes transfrontaliers où la mobilité des compétences est un facteur-clé de compétitivité et de succès.

Au-delà de ces aspects pratiques, l’accord ouvre des perspectives inédites. Il pourrait servir de modèle à des accords similaires avec d’autres pays frontaliers, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteure. À ce propos, j’aurais aimé savoir où en sont les négociations avec d’autres pays.

 

Soutenir ce projet, c’est aussi répondre à une demande des acteurs locaux. Depuis 2021, les régions frontalières plaident pour une pérennisation du cadre juridique afin de sécuriser ce parcours pour les jeunes et les entreprises. Avec un potentiel de 300 apprentis par an pour la région Grand Est et des perspectives d’extension à d’autres régions, nous avons là l’occasion de consolider l’attractivité économique de nos territoires tout en renforçant nos liens historiques et stratégiques avec l’Allemagne.

Des défis restent néanmoins à relever, notamment en matière de transfert de données et d’harmonisation des droits sociaux, ainsi que dans le domaine du droit des affaires. Sur ce dernier sujet, j’ai participé dans le cadre de l’Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA) à des travaux ayant conduit à l’adoption d’une proposition de résolution dont notre Assemblée pourrait se saisir.

Cet accord représente une avancée majeure et envoie un signal fort à la jeunesse européenne. Il promeut une Europe plus unie et une coopération transfrontalière renforcée. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe EPR soutient le projet de loi.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je salue votre participation aux travaux de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, au sujet desquels je suis en discussion avec la présidente de l’Assemblée nationale. Je plaide en effet pour que nous consacrions une ou deux journées par an à l’examen et à la ratification des textes que l’APFA adopte, parfois à l’unanimité.

Les pays frontaliers de la France au sein de l’Union européenne, ainsi que la Suisse, ont manifesté leur intérêt pour ce dispositif. Des discussions ont été entamées, à ce jour, avec la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ; nous envisageons que les négociations aient lieu cette année. La principauté de Monaco est également désireuse d’engager des négociations dès que possible. Le comité de coopération transfrontalière franco-italien créé par le traité du Quirinal a évoqué cette question dès sa première session.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Cet accord est le premier conclu dans le cadre fixé par l’article 186 de la loi 3DS, lequel permet d’effectuer une partie de son apprentissage dans un pays frontalier de la France. Cette loi nous pose un problème de fond.

Si nous sommes évidemment favorables à davantage d’échanges internationaux, notamment dans le cadre des formations universitaires, ce n’est pas exactement ce dont il s’agit ici. Nous ne souhaitons pas assouplir toujours plus les conditions d’emploi des apprentis. Rien n’est prévu dans le texte pour améliorer les formations, ni en matière de logement. Ainsi, seuls les jeunes qui le peuvent feront leur apprentissage en Allemagne. Nous n’avons pas de garantie concernant les écarts de traitement entre les apprentis selon leur pays, alors que ce mode de formation est nettement plus développé en Allemagne. Le comité de suivi ne nous semble pas à même de vraiment contrôler et orienter les pratiques.

Par ailleurs, on nous parle de renforcement linguistique mais vous n’ignorez pas que l’enseignement de l’allemand a été massacré dans notre pays. C’est une langue en péril, le nombre de professeurs ayant été divisé par deux en une quinzaine d’années et les effectifs d’élèves ayant chuté. Ce n’est pas le renforcement de l’apprentissage qui y remédiera.

Quant à Erasmus, le programme a été attaqué ces dernières années sans que le gouvernement français ait vraiment réagi.

Aussi ce texte ne nous convient-il pas en l’état. La généralisation de l’apprentissage dans de telles conditions, que ce soit en France ou dans un pays frontalier, ne correspond pas aux besoins de notre industrie. Celle-ci a besoin d’ouvriers spécialisés polyvalents de très haut niveau tels que l’enseignement professionnel classique les formait, l’apprentissage venant compléter cette formation, non s’y substituer. Un apprenti n’est pas un travailleur comme un autre : c’est un jeune en formation. Nous nous abstiendrons donc.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Il est clair que nous ne pourrons pas nous mettre d’accord. J’ai pu mesurer, au ministère de l’insertion comme en Alsace, où il existe une vraie culture de l’apprentissage, combien ce mode de formation peut être important pour un jeune. Il est enrichissant d’alterner formation théorique et formation pratique en entreprise, d’autant que le recrutement à l’issue du contrat est quasiment assuré si les choses se sont bien passées. Je répète les résultats de l’enquête déjà citée sur l’apprentissage transfrontalier : un jeune sur deux disposait d’un emploi dès la fin de son contrat, deux sur trois dans le mois qui suit et 80 % dans les trois mois.

Certes, il reste des choses à faire. En matière de logement, il convient effectivement de mieux accompagner les apprentis qui n’habitent pas en zone frontalière. Il faut aussi développer dans notre pays l’apprentissage de l’allemand, en chute libre, et je compte sur vous pour m’y aider. Il est évidemment nécessaire d’apprendre l’anglais et l’espagnol mais sans oublier l’allemand, qui a beaucoup de locuteurs à travers le monde.

M. Frédéric Petit (Dem). Madame la rapporteure, tout le monde connaît votre engagement en faveur de la relation franco-allemande et de l’insertion. Je suis attaché pour ma part à ce que j’appelle le « franco-allemand profond », c’est-à-dire qui dépasse le cadre transfrontalier. Ce texte, dont je me réjouis, est une occasion à saisir en la matière. Son examen a été repoussé par la dissolution ; il a été adopté par le Bundestag en mai et si nos homologues allemands sont actuellement en campagne, ils n’en sont pas moins impatients que nous le votions. Le groupe Les Démocrates le soutiendra.

En matière d’apprentissage, la compétence est partagée entre État fédéral et Länder. Ce qui est dit dans l’article de l’accord relatif au comité de suivi concerne davantage les ministères des Länder que le niveau fédéral.

La mention du comité de coopération transfrontalière signifie que nous nous inscrivons dans la continuité du traité d’Aix-la-Chapelle.

Je citerai aussi l’association transfrontalière ProTandem : au-delà des problèmes logistiques, elle a pour objet de casser le premier écueil linguistique en montrant que l’allemand n’est pas une torture et qu’on peut débuter par de petits séjours.

Enfin, ce texte, qui découle de la loi 3DS, prouve que nous n’avons pas fait que des choses idiotes depuis 2017.

Vous avez parlé de cet accord comme d’une première étape avant une extension au sein de l’Union européenne. Cependant, en matière d’apprentissage, au problème de la compétence éducative s’ajoute celui de la compétence employeurs. Comment faire pour occuper un emploi qui n’est pas reconnu par sa formation ? Voilà ce qui coince au niveau européen.

À cet égard, je tiens à citer le travail réalisé par les conseillers du commerce extérieur qui, depuis des années, vont à la rencontre des entreprises allemandes. Ainsi, comment pourrions-nous étendre les compétences en matière de droit des entreprises, sujet également évoqué par Liliana Tanguy ? Un jeune de 16 ans qui s’inscrit dans un accord d’apprentissage dual en France – pour reprendre le terme employé en Allemagne – doit pouvoir être recruté par une entreprise qui n’est pas reconnue par l’organisme français.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Vous le savez, les entreprises allemandes sont très demandeuses de personnel français ; vous l’avez dit, le vote de l’Assemblée nationale est attendu côté allemand. C’était déjà le cas lors de la période 2010-2018, lorsque le taux de chômage en France était plus élevé. Aujourd’hui, en tant qu’élue alsacienne, lorsqu’une chambre de commerce allemande m’indique vouloir recruter des salariés dans la région, je tempère ses attentes car nous sommes quasiment au plein emploi dans certains bassins d’emploi.

L’accord concernera les jeunes Français souhaitant faire leur apprentissage en Allemagne, l’objectif étant bien sûr que la réciproque soit vraie. Jusqu’à présent, je reconnais qu’il y a eu moins d’Allemands pour venir faire leur apprentissage en France ; il faut parvenir à un certain équilibre.

Pour le reste, je compte sur votre aide, ainsi que sur celles des conseillers du commerce extérieur de la France, pour améliorer la coordination et bâtir des accords branche par branche, là où ils n’existent pas encore.

M. Michel Herbillon (DR). Je félicite la rapporteure pour ce texte, ainsi que pour son engagement au service de la coopération franco-allemande, de la formation et de l’insertion des jeunes. Ce projet de loi, qui aura nécessité quatre ans et demi d’efforts, a de nombreuses vertus.

D’abord pour la relation franco-allemande. Vous savez combien je suis attaché, comme vous, au sein de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, à donner un contenu concret, appréhensible et lisible à nos concitoyens, de part et d’autre du Rhin, à la coopération entre nos deux pays, dans la continuité du traité d’Aix-la-Chapelle.

Ce texte est vertueux aussi pour l’apprentissage de la langue du pays partenaire, un domaine dans lequel nous avons de grands efforts à fournir, de part et d’autre : il faudra que des initiatives soient prises au sein de l’APFA mais également de notre hémicycle. On se contente d’en parler de manière incantatoire en répétant que l’apprentissage de l’allemand recule ; il faut agir concrètement.

Le projet de loi est enfin vertueux pour la relation transfrontalière et l’apprentissage des jeunes, dont on ne dira jamais assez qu’il s’agit d’un extraordinaire passeport pour l’emploi. Les apprentis trouvent nombre d’avantages à bénéficier d’une formation pratique, et non seulement théorique. Sur ce plan, nous avons à apprendre de l’Allemagne, qui a bien plus développé que nous ce mode de formation. Beaucoup de jeunes Allemands que j’ai rencontrés dans des entreprises étaient certains d’obtenir un emploi à l’issue de leur apprentissage.

Bien entendu, il faudra suivre l’exécution de cet accord, dans l’optique d’atteindre un équilibre entre le nombre d’apprentis français et allemands et d’observer la situation au niveau des différentes branches. Je souhaite que, sur cette base, nous puissions étendre le dispositif à l’ensemble du territoire.

Vous aurez compris que mon groupe soutiendra le texte.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Vos paroles auraient pu être les miennes. Vous avez raison, la coopération franco-allemande est un engagement de tous les instants. Il faut qu’elle soit concrète et qu’elle touche la vie des gens dans leur quotidien. Grâce à ce texte, ce sera le cas et il faut se féliciter que ses dispositions concernent les jeunes et leur avenir.

J’adhère aussi à 150 % au fait que l’apprentissage représente un passeport pour l’emploi. En Alsace, mais aussi dans d’autres territoires où des entreprises allemandes ou d’origine allemande sont implantées, d’anciens apprentis sont devenus grands patrons. C’est un parcours vertueux : on peut démarrer avec un CAP et terminer chef d’entreprise.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Je m’exprimerai ici au nom du groupe Horizons. Pour avoir été rapporteure de la proposition de résolution relative au traité d’Aix-la-Chapelle, je plaide moi aussi pour le rapprochement concret des sociétés civiles. Le franco-allemand n’est pas simplement une question de choix politiques mais aussi de rapprochement à hauteur d’homme.

Dans cette perspective, pourra-t-on s’appuyer sur le fonds citoyen franco-allemand pour étendre l’accord à des jeunes éloignés des zones frontalières ? Comment résoudre certaines difficultés que rencontre ce fonds ?

Par ailleurs, quel est le nombre de contrats en cours et quels sont les objectifs en la matière ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Le franco-allemand à hauteur d’homme : voilà le meilleur résumé possible de ce texte ! Nos relations avec les autres pays doivent concerner les chefs d’État, les gouvernements, les Parlements – car je crois à la diplomatie parlementaire – mais aussi les citoyens, qu’il ne faut jamais oublier. De ce point de vue, l’instauration, à la suite du traité d’Aix-la-Chapelle, du fonds citoyen franco-allemand est une chose extraordinaire. Il nécessite d’ailleurs des financements supplémentaires tant il fonctionne bien. C’est également le cas de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj), qui n’a jamais enregistré autant de demandes de déplacements et de projets avec l’Allemagne que ces dernières années.

Le nombre de contrats était d’environ 450 au cours des années 2010-2018. Ce chiffre peut paraître faible – c’est en tout cas ce que j’entendais au ministère du travail – mais le dispositif ne faisait pas l’objet d’une grande publicité et n’était guère encouragé, faute de cadre juridique précis. Après le vote de ce texte, nous espérons dans un premier temps atteindre un chiffre comparable côté français, avant de rapidement doubler les effectifs. Je rappelle que l’accord ne concerne pas seulement les zones frontalières mais l’ensemble de la métropole.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons à présent aux interventions et questions à titre individuel.

M. Alain David (SOC). À mon tour, je salue ce projet de loi, qui renforce la coopération franco-allemande et offre à nos jeunes apprentis une ouverture professionnelle et culturelle précieuse. Cet accord est d’autant plus essentiel que l’Allemagne est notre premier partenaire commercial.

Un obstacle majeur pourrait toutefois limiter son succès : la forte baisse de l’enseignement de l’allemand en France. Selon l’association pour le développement de l’allemand en France, le nombre d’élèves apprenant cette langue a été divisé par quatre en trente ans. Alors que 22,9 % des élèves l’étudiaient en 1995, ils n’étaient plus que 14 % en 2022. Moins de 150 000 élèves ont choisi l’allemand comme première langue vivante (LV1) en 2021, contre 600 000 en 1994. Quant au nombre de professeurs, il est passé de 10 000 en 2006 à moins de 6 000 aujourd’hui.

Pour que cet accord tienne toutes ses promesses, il est essentiel de relancer l’apprentissage de l’allemand dès le collège, grâce à des mesures fortes et ambitieuses qui redonnent envie d’apprendre cette langue et qui soutiennent nos professeurs.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Avec 100 millions de locuteurs natifs, l’allemand est la langue la plus parlée en Europe. En outre, 15,4 millions de personnes l’apprennent. Elle ouvre des portes pour l’emploi, ainsi que pour apprendre d’autres langues, souvent bien plus difficiles, car elle structure le raisonnement. Je vous remercie de votre soutien au développement de son apprentissage.

M. Kévin Pfeffer (RN). Des accords-cadres intéressants, aux niveaux régional et frontalier, avaient été adoptés en 2013 entre l’Alsace et la conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur et en 2014 entre la Lorraine et la Sarre. Cependant, la réforme de l’apprentissage voulue par Emmanuel Macron en 2018 a recentralisé l’apprentissage, mettant fin à ces accords.

Cette réforme centralisatrice était mauvaise et les régions ont été progressivement réintégrées dans la gouvernance, conservant certains moyens financiers. En 2020, elles ont même perçu une somme exceptionnelle de 268 millions d’euros afin de neutraliser les effets préjudiciables de la réforme.

L’accord de Lauterbourg concerne les Länder allemands frontaliers et l’ensemble de la France métropolitaine. Comment justifiez-vous ce va-et-vient entre centralisation et décentralisation de l’apprentissage, entre exécution régionale et exécution nationale ? N’eût-il pas été préférable que l’accord ne concerne que la région Grand Est ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Pour bien connaître l’Allemagne – comme vous –, je sais que les choses ne sont pas nécessairement plus simples dans ce pays, justement en raison du partage des compétences entre l’État fédéral et les Länder. Ici, c’est d’ailleurs apparemment l’un des Länder concernés qui a bloqué l’extension du texte aux apprentis allemands de l’enseignement supérieur.

Je ne reviendrai pas sur la réforme des régions : c’est un grand débat et vous connaissez certainement mon opinion. Pour ma part, je suis très heureuse que l’accord concerne l’ensemble des apprentis français. Je crois d’ailleurs qu’un tel dispositif incitera les jeunes, quelle que soit leur région d’origine, à apprendre l’allemand. L’apprentissage transfrontalier est une pépite : il faut l’expliquer et en faire la publicité.

M. Frédéric Petit (Dem). C’est peut-être contre-intuitif mais il faut œuvrer en faveur de l’apprentissage de l’allemand première langue. L’anglais, nos jeunes l’apprendront toujours alors que ce n’est pas une langue structurante comme l’allemand – vous l’avez dit. Ma mère, agrégée d’anglais, a incité ses fils à choisir l’allemand en LV1 car elle savait que cela pourrait leur apporter autant que l’apprentissage des mathématiques. Il ne faut pas se dire que l’enjeu est déjà de sauver la deuxième langue. Sans être nécessairement dans les arcanes des associations ni du ministère de l’éducation, faisons passer le message, expliquons aux parents d’enfants scolarisés en primaire que l’allemand première langue est intellectuellement structurant.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je suis à 150 % d’accord avec vous et j’espère que tous les collègues nous aideront dans cette entreprise.

*

Article unique (autorisation de l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier, signé à Lauterbourg le 21 juillet 2023)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.


   ANNEXE 1 : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier, signé à Lauterbourg le 21 juillet 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 


   ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

 

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

-          M. Pierre Dousset, conseiller juridique à la mission des accords et traités, direction des affaires juridiques ;

-          Mme Aude-Line Ferrand, adjointe au chef de la mission de l’Allemagne et de l’Europe alpine et adriatique et cheffe du pôle franco-allemand, direction de l’Union européenne ;

-          M. Corentin Santilli, rédacteur chargé des questions transfrontalières franco‑allemandes à la mission de l’Allemagne et de l’Europe alpine et adriatique, direction de l’Union européenne.

Ministère du travail et de l’emploi

-          Mme Marianne Koszul, chargée de mission sur le développement de l’apprentissage, délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle ;

-          Mme Laetitia Leroy, adjointe à la cheffe de la mission de l’alternance et de l’accès aux qualifications, délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.


([1]) Voir : https://rm.coe.int/1680078b15.

([2]) Accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne, le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse agissant au nom des cantons de Soleure, de Bâle-ville, de Bâle-campagne, d’Argovie et du Jura, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux.

([3]) Cf. étude d’impact du projet de loi n° 566.

([4]) Rapport sur l’évaluation de l’apprentissage transfrontalier, Béatrice Buguet-Degletagne et Bruno Drolez, inspection générale des affaires sociales, tome I, avril 2021.

([5]) Ibid.

([6]) Créée le 1er janvier 2019 par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, France compétences a pour missions d’assurer le financement, la régulation et l’amélioration du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Cette institution prend la forme d’un établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, placé sous la tutelle du ministère en charge de la formation professionnelle.

([7]) Rapport d’information n° 4922 sur l’évaluation de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, Catherine Fabre, Gérard Cherpion, Sylvain Maillard, Joël Aviragnet, Carole Grandjean et Michèle de Vaucouleurs, commission des affaires sociales, 19 janvier 2022.

([8]) Reconductible par simple lettre du ministre chargé de l’apprentissage, il a subi les aléas et conséquences de la censure du gouvernement le 4 décembre 2024.

([9]) Jusqu’alors, les alternants qui effectuaient leur formation théorique en Allemagne et leur formation pratique en France étaient en majeure partie issus du Bachelor of Arts en Business Management Trinational de la Duale Hochschule Baden-Württemberg (DHBW), c’est-à-dire d’une formation de l’enseignement supérieur. Il sera mis fin à cette possibilité en 2025.

([10]) La plateforme DECA, pour dépôts des contrats d’alternance, est gérée par le ministère en charge du travail. Une entreprise qui signe un contrat d’apprentissage doit le transmettre à son opérateur de compétences pour instruction, prise en charge financière et dépôt de ces contrats auprès des services du ministère.

([11]) Voir : https://agz-cct.diplo.de/resource/blob/2602348/264d328674eb0bdc91dcdd231ac14598/avis-apprentissage-transfrontalier-data.pdf

([12]) Selon Pôle emploi, le nombre de contrats d’apprentissage des secteurs public et privé est passé de 368 276 en 2019 à plus de 850 378 en 2023.

([13]) Rapport sur l’évaluation de l’apprentissage transfrontalier déjà mentionné.

([14]) Cf. étude d’impact du projet de loi n° 566.

([15]) Ce plan d’investissement de 54 milliards d’euros s’inscrit dans la lignée du plan France Relance. Il doit permettre de rattraper le retard de la France dans certains secteurs historiques à travers la création de nouvelles filières industrielles et technologiques.

([16]) Le traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée – dit « traité du Virginal » –  a été signé, le 26 novembre 2021, à Rome par le président du Conseil italien, Mario Draghi, et le président de la République française, Emmanuel Macron.