N° 909

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 février 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,


visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle
en cas de conseil municipal incomplet,

PAR M. Philippe LATOMBE

Député

——

 

 

 

 


Voir les numéros :

 Sénat :  551 rect., 661, 662 et T.A. 3 (20232024).

Assemblée nationale :  457

 


—  1  —

 

 

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 5

Commentaire de l’article unique

Article unique (art. L. 2113-8-1 A du code général des collectivités territoriales) Élection du maire et des adjoints au maire d’une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

 

La présente proposition de loi tend à assouplir le régime juridique applicable aux modalités d’élection du maire et des adjoints dans les communes nouvelles, en cas de conseil municipal incomplet.

En effet, en cas de vacance du maire nouvellement élu dans la période qui suit la création d’une commune nouvelle, les règles en vigueur conduisent généralement au renouvellement intégral du conseil municipal de la commune.

En l’état du droit, une telle vacance est susceptible de diminuer immédiatement, brutalement, et de manière imprévue, les effectifs de son conseil municipal.

Cette hypothèse n’est pas théorique : elle correspond très exactement à la situation dans laquelle s’est trouvée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, dans le département de la Vendée, à la suite du décès du maire nouvellement élu, quelques mois à peine après la création de la commune nouvelle.

Une telle situation fragilise les communes nouvelles concernées, et nuit à l’attractivité du modèle dans son ensemble. Elle s’oppose par ailleurs à l’intention poursuivie par le législateur, qui avait souhaité prévoir un retour progressif au droit commun afin d’assurer une transition harmonieuse au cours de la mise en œuvre de la réforme territoriale.

L’objet de ce texte court, technique et pragmatique, est donc de corriger une imperfection du cadre juridique actuel, sans pour autant ouvrir l’important débat, au demeurant légitime, sur l’organisation et le fonctionnement des communes nouvelles.

 

 

 

 


   Commentaire de l’article unique

Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Par dérogation au droit commun, l’article unique de la proposition de loi tend à autoriser l’élection du maire d’une commune nouvelle et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet, jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, à moins qu’un tiers des sièges ou plus soient vacants.

Ce dispositif serait applicable aux communes nouvelles dont le conseil municipal n’a pas fait l’objet d’un renouvellement à la date de publication de la présente loi, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

       Dernières modifications législatives intervenues

Créé par l’article 3 de la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, l’article L. 2113-8-1 A du code général des collectivités territoriales autorise l’élection du maire et des adjoints au maire d’une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet jusqu’à la première réunion du conseil municipal suivant la création de cette commune, à moins qu’un tiers des sièges ou plus soient vacants.

       Modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, Mme Nadine Bellurot, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement rédactionnel.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

  1.   L’état du droit
    1.   Les règles générales applicables aux communes
      1.   Le principe de complétude du conseil municipal

Aux termes de l’article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le conseil municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres, au scrutin secret.

L’article L. 2122-8 du même code dispose par ailleurs qu’avant la convocation de la séance du conseil municipal au cours de laquelle le maire et les adjoints doivent être élus, il est procédé aux élections qui peuvent être nécessaires lorsque le conseil municipal est incomplet.

Cet article pose ainsi le principe de complétude du conseil municipal : pour procéder à l’élection du maire et des adjoints, le conseil municipal doit être complet au moment de l’élection, sous peine d’annulation par le juge administratif ([1]).

Ce principe garantit que la commune soit administrée par un conseil municipal suffisamment nombreux, et que le maire, dont les pouvoirs propres sont importants, soit élu par un conseil qui reflète fidèlement la volonté des électeurs de la commune exprimée lors du dernier scrutin.

Une exception temporelle est néanmoins prévue : lorsqu’une vacance du maire ou des adjoints intervient après le 1er janvier de l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, il n’est procédé aux élections nécessaires avant l’élection du maire ou des adjoints que si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres, ou s’il compte moins de quatre membres.

En dehors de cette situation, dès lors qu’un siège devient vacant au sein d’un conseil municipal avant l’élection d’un maire ou d’adjoints au maire (et sous réserve des exceptions qui seront présentées infra), le conseil municipal doit être complété.

Deux hypothèses doivent alors être distinguées, selon que la commune compte plus ou moins de 1 000 habitants.

 Dans les communes de 1 000 habitants et plus

Dans les communes 1 000 habitants et plus, dans lesquelles s’applique le scrutin proportionnel de liste ([2]), il est fait appel au « suivant de liste » lorsqu’un siège devient vacant.

L’article L. 270 du code électoral prévoit en effet que « le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit ».

Ce même article prévoit explicitement que lorsque la liste est épuisée, il est procédé au renouvellement intégral du conseil municipal dans deux situations :

– si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres : l’élection doit alors être organisée un délai de trois mois après la dernière vacance (sauf à partir du 1er janvier de l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux : dans ce cas, les élections complémentaires ne sont obligatoires qu’au cas où le conseil municipal a perdu la moitié ou plus de ses membres ou qu’il compte moins de quatre membres) ;

– ou s’il est nécessaire de compléter le conseil avant l’élection d’un nouveau maire.

 Dans les communes de moins de 1 000 habitants

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles s’applique le scrutin majoritaire plurinominal ([3]), la pratique du « suivant de liste » n’est pas possible : une élection partielle complémentaire doit donc être organisée afin de pourvoir aux seuls sièges devenus vacants.

L’article L. 258 du code électoral prévoit qu’une telle élection est prévue lorsque le conseil municipal a perdu, par l’effet des vacances survenues, le tiers ou plus de ses membres, ou qu’il compte moins de cinq membres (sauf, là encore, à partir du 1er janvier de l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux : à partir de cette date, les élections complémentaires ne sont obligatoires qu’au cas où le conseil municipal a perdu la moitié ou plus de ses membres ou qu’il compte moins de quatre membres).

Une élection doit également être organisée lorsqu’il est nécessaire de compléter le conseil municipal avant l’élection d’un nouveau maire ([4]).

  1.   Les exceptions au principe de complétude du conseil municipal

Le législateur a cependant prévu plusieurs dérogations à l’obligation de disposer d’un conseil municipal complet pour élire un maire ou des adjoints au maire, et ainsi éviter l’organisation d’élections complémentaires trop fréquentes.

Certaines dérogations sont applicables à l’ensemble des communes, d’autres dépendent du nombre d’habitants de la commune (selon qu’elles comptent moins de 500 habitants, ou 1 000 habitants et plus).

 Dans l’ensemble des communes

L’article L. 2122-8 du CGCT prévoit deux dérogations applicables à l’ensemble des communes :

– si de nouvelles vacances se produisent après les élections, le conseil municipal procède à l’élection du maire et des adjoints, à moins qu’il n’ait perdu le tiers ou plus de ses membres, ou compte moins de cinq membres. Le juge administratif en a déduit que lorsque l’élection du maire et des adjoints suit immédiatement le renouvellement intégral du conseil municipal, il peut y être légalement procédé alors même que conseil ne serait pas au complet ([5]) ;

– lorsqu’il n’y a lieu de procéder à l’élection que d’un seul adjoint, le conseil municipal peut décider, sur la proposition du maire, qu’il y sera procédé sans élections complémentaires préalables, sauf dans le cas où le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de son effectif légal ou compte moins de cinq membres.

● Dans les communes de 1 000 habitants et plus

Par ailleurs, dans les communes de 1 000 habitants et plus, l’article L. 2122-9 du CGCT prévoit que, lorsqu’il y a lieu de procéder à l’élection d’un nouveau maire, le conseil municipal est réputé complet si les seules vacances qui existent en son sein sont la conséquence :

– soit de démissions données lorsque le maire a cessé ses fonctions et avant l’élection de son successeur ;

– soit d’une décision de la juridiction administrative devenue définitive annulant l’élection de conseillers municipaux sans proclamation concomitante d’autres élus.

● Dans les communes de moins de 500 habitants

Enfin, l’article L. 2121-2-1 du CGCT, créé par la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019 ([6]), prévoit des dérogations concernant les communes de moins de 500 habitants :

– dans les communes de moins de 100 habitants, dont l’effectif légal est de sept membres, le conseil municipal est réputé complet dès lors qu’il compte au moins cinq membres à l’issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire ;

– dans les communes de 100 à 499 habitants, dont l’effectif légal est de onze membres, il en va de même dès lors que le conseil municipal compte au moins neuf membres.

  1.   Les spécificités applicables aux communes nouvelles
    1.   Les règles applicables à l’élection du maire et des adjoints dans les communes nouvelles

 L’application aux communes nouvelles des règles générales relatives aux communes

Aux termes de l’article L. 2113-1 du CGCT, les communes nouvelles sont soumises aux règles générales applicables aux communes, sous réserve des dispositions législatives qui leur sont propres.

En l’absence de dispositions législatives spécifiques en matière d’élection du maire dans les communes nouvelles, le cadre juridique applicable aux communes, présenté supra, l’est également aux communes nouvelles.

 La mise en place de mesures transitoires pour accompagner la création d’une commune nouvelle

Le législateur a néanmoins prévu un régime transitoire, qui permet une diminution progressive de l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles, afin d’accompagner la réforme territoriale et de faciliter l’établissement de la commune nouvelle.

Selon l’exposé des motifs de la proposition ayant conduit à l’adoption de la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, cette mesure avait pour objectifs de « permettre aux élus, qui portent le projet de regroupement, de participer à sa mise en œuvre et à son suivi technique et politique » et de « ne pas bouleverser la composition des conseils municipaux élus […] et qui se seront impliqués dans le projet de regroupement ».

Cette dérogation « exceptionnelle, facultative et limitée dans le temps » se justifiait par « l’urgence et l’intérêt général de mener une réforme des structures communales dès le début du mandat prochain en y associant l’ensemble des conseillers municipaux ».

Les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT précisent ainsi les règles applicables à la composition du conseil municipal d’une commune nouvelle après sa création et les modalités d’évolution du nombre de ses membres dans le temps.

Le conseil municipal d’une commune nouvelle est ainsi composé :

– au moment de sa création, et jusqu’au prochain renouvellement suivant cette création, de l’ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes prises avant la création de la commune nouvelle (article L. 2113-7 du CGCT).

Cette possibilité reste facultative : en l’absence de délibérations concordantes, le préfet attribue à chaque ancienne commune un nombre de sièges en application de la représentation proportionnelle au plus fort reste des populations municipales ;

– à partir du premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, et jusqu’au deuxième renouvellement général des conseils municipaux, d’un nombre de conseillers égal à celui prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure (premier alinéa de l’article L. 2113‑8 du CGCT) ;

– à partir du deuxième renouvellement général suivant la création de la commune nouvelle, de l’effectif légal correspondant à la strate démographique de la commune nouvelle (deuxième alinéa du même article L. 2113‑8).

  1.   L’existence de difficultés spécifiques aux communes nouvelles

Si les principes généraux qui régissent l’élection du maire et de ses adjoints dans les communes sont également applicables aux communes nouvelles, celles-ci sont néanmoins confrontées à deux difficultés particulières en cas de vacance du maire ou d’un ou plusieurs adjoints.

D’une part, il n’est pas possible de faire appel aux « suivants de liste » dans les communes nouvelles de plus de 1 000 habitants pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, ainsi que l’a explicitement jugé le Conseil d’État ([7]).

D’autre part, il n’est pas non plus possible de procéder à des élections complémentaires pour remplacer les conseillers élus dans les communes historiques de moins de 1 000 habitants. Comme le rappelait Mme Agnès Canayer, rapporteure de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, « cela conduirait à organiser un scrutin sur une partie seulement du territoire communal, comme s’il s’agissait d’une section électorale » ([8]).

Les communes nouvelles sont donc plus susceptibles que les autres communes de devoir procéder à un renouvellement intégral de leur conseil municipal en cas de vacance du maire ou d’un ou de plusieurs adjoints.

Surtout, dans les communes nouvelles qui ont été constituées récemment, le fait de devoir procéder à un tel renouvellement du conseil municipal a des conséquences particulièrement importantes sur l’effectif de ce conseil municipal.

En effet, le terme de « renouvellement », employé à l’article L. 2113-7 et au premier alinéa de L. 2113-8 du CGCT pour renvoyer au premier renouvellement qui suit la création de la commune nouvelle, fait référence à tout renouvellement du conseil municipal, qu’il intervienne dans le cadre d’une élection partielle ou d’élections générales, par opposition aux termes de « renouvellement général », mentionnés au deuxième alinéa du même article L. 2113‑8 ([9]).

Ainsi, tout premier renouvellement du conseil municipal, qu’il s’agisse d’élections partielles ou générales, entraîne l’application des articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT, et conduit mécaniquement à une baisse immédiate du nombre de conseillers municipaux au sein du conseil municipal.

Comme le rappelle la DGCL dans la contribution écrite transmise à votre rapporteur, cette baisse peut conduire à un renouvellement important au sein de l’équipe d’élus, et écarter rapidement les élus des anciennes communes qui ont pourtant porté le projet de création de la commune nouvelle.

Une telle évolution semble par ailleurs s’opposer à l’intention poursuivie par le législateur qui, en introduisant les dispositions de l’article L. 2113-8 du CGCT, souhaitait prévoir un retour progressif au droit commun afin d’assurer une transition harmonieuse au cours de la mise en œuvre de la réforme territoriale.

Si l’on prend l’exemple d’une commune nouvelle de 1 800 habitants, issue de la fusion de trois communes de 400, 450 et 950 habitants chacune, une vacance soudaine du maire qui interviendrait après la création de la commune nouvelle conduirait, après application des mécanismes précités, à une baisse de près de 40 % de l’effectif du conseil municipal.

exemple d’Évolution du nombre de membres du conseil municipal
dans une commune nouvelle de 1 800 habitants

Effectif après la création de la commune nouvelle (et jusqu’au premier renouvellement)

Effectif après le premier renouvellement (et jusqu’au deuxième renouvellement général)

Effectif à partir du deuxième renouvellement général

37 conseillers municipaux

(400 habitants : 11 conseillers

+ 450 habitants : 11 conseillers

+ 950 habitants : 15 conseillers)

23 conseillers municipaux
(effectif légal d’une commune de 2 500 à 3 499 habitants)

19 conseillers municipaux

(effectif légal d’une commune de 1 500 à 2499 habitants)

Une difficulté supplémentaire a été portée à la connaissance de votre rapporteur au cours de l’audition qu’il a conduite : dans le cas d’une commune nouvelle de plus de 1 000 habitants issus du rapprochement de plusieurs communes de moins de 1 000 habitants, les nouvelles élections doivent avoir lieu au scrutin de liste paritaire, même si les anciennes communes étaient jusque-là élues au scrutin majoritaire, et alors que le caractère soudain et inattendu de la vacance peut rendre plus difficile le respect des obligations en matière de parité.

  1.   L’introduction d’une exception en 2019, très encadrée

Afin d’éviter une baisse trop rapide du nombre de conseillers municipaux dans les communes nouvelles tout juste créées, la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires a prévu une exception au principe de complétude du conseil municipal, lorsque la vacance d’un ou de plusieurs conseillers municipaux se produit juste après la création d’une commune nouvelle.

Le nouvel article L. 2113-8-1 A du CGCT prévoit ainsi que, si le siège d’un ou de plusieurs conseillers municipaux devient vacant, pour quelque cause que ce soit, entre la date de publication de l’arrêté du représentant de l’État dans le département prononçant la création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal, celui-ci procède à l’élection du maire et des adjoints, sans que tous les sièges soient pourvus, à moins qu’un tiers des sièges ou plus soient vacants.

Cette dérogation, bienvenue, reste toutefois très encadrée, puisqu’elle reste limitée à la courte période qui s’étend de la création de la commune nouvelle à la première réunion de son conseil municipal.

Comme le relève la rapporteure de la présente proposition de loi au Sénat, Mme Nadine Bellurot, « la dérogation introduite à l’article L. 2113-8-1 A du CGCT en 2019 ne permet pas de résoudre l’intégralité des difficultés liées à la diminution progressive de l’effectif du conseil municipal des communes nouvelles », notamment dans le cas où « une vacance surviendrait peu de temps après la première réunion du conseil municipal ».

Dans cette situation, si une élection du maire ou d’adjoints au maire devait être organisée, il serait nécessaire de procéder à un renouvellement intégral du conseil municipal, impliquant ainsi une baisse du nombre de conseillers municipaux.

Votre rapporteur rappelle que cette hypothèse n’est pas théorique, mais correspond très exactement à la situation dans laquelle s’est trouvée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, située dans le département de la Vendée.

La création de la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais

La commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, située dans le département de la Vendée, a été créée le 1er janvier 2024 à partir de la fusion de trois communes de moins de 1 000 habitants : Cezais (300 habitants), Saint-Sulpice-en-Pareds (440 habitants) et Thouarsais-Bouildroux (780 habitants).

En application des dispositions de l’article L. 2113-7 du CGCT, à la demande des anciens conseils municipaux, le conseil municipal de la commune nouvelle a réuni le 5 janvier 2024, date de la première réunion du conseil, l’ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes.

Ces conseils étaient toutefois incomplets dans la mesure où les membres présents lors de la première réunion du conseil municipal ne correspondaient pas à la somme des effectifs légaux de l’ensemble des conseils municipaux, puisque deux démissions étaient intervenues avant la création de la commune nouvelle.

À l’occasion de cette première réunion, le conseil municipal a procédé à l’élection du maire sur le fondement de l’article L. 2113-8-1 A du CGCT, qui permet l’élection du maire et des adjoints malgré l’incomplétude du conseil entre la création de la commune nouvelle et la première réunion du conseil.

Toutefois, le maire nouvellement élu est décédé le 20 mars 2024. En application de l’article L. 2122-8 du CGCT, applicable aux communes nouvelles, le préfet a indiqué que l’organisation d’une élection partielle intégrale était nécessaire afin de compléter le conseil municipal avant de procéder à l’élection du nouveau maire : devant l’impossibilité de faire appel au « suivant de liste », l’article L. 270 du code électoral imposait l’organisation d’une élection intégrale.

Or, en application de l’article L. 2113-8 du CGCT, dès le premier renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle, le conseil doit comporter un nombre égal de membres correspondant à la strate démographique immédiatement supérieure, ce qui impliquait pour ce conseil municipal de passer de 37 à 23 membres.

L’arrêté portant convocation des électeurs de Rives-du-Fougerais pour des élections municipales les 9 et 16 juin a finalement été retiré par le Préfet le 3 mai 2024, dans l’attente de l’adoption de la présente proposition de loi par le Parlement. Malgré son examen par la commission des Lois du Sénat dès le 5 juin 2024, la dissolution de l’Assemblée nationale, puis la censure du précédent Gouvernement, a toutefois ralenti le calendrier d’examen du texte.

Source : DGCL.

  1.   Le dispositif proposé

L’article unique de la proposition de loi propose d’étendre la dérogation prévue à l’article L. 2113-8-1 A du CGCT précité.

Le I permet de procéder à l’élection du maire d’une commune nouvelle et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet, et ce jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle (et non plus jusqu’à la première réunion du conseil municipal comme c’est le cas actuellement), à moins qu’un tiers des sièges ou plus soient vacants.

Il complète pour cela l’article L. 2113-8-1 A du CGCT précité.

Le II prévoit que le I n’est applicable qu’aux communes nouvelles dont le conseil municipal n’a pas fait l’objet d’un renouvellement à la date de publication de la présente loi, sous réserve des décisions de justice ayant force de chose jugée.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Considérant que « cette mesure, bienvenue, garantirait une continuité dans la gouvernance des communes nouvelles en évitant l’organisation prématurée d’élections complémentaires et la diminution de l’effectif des conseils municipaux subséquente », la commission des Lois du Sénat a approuvé l’extension de la dérogation actuellement prévue par l’article L. 2113‑8‑1 A du CGCT.

Sur proposition de sa rapporteure, elle a adopté un amendement rédactionnel ([10]).

En séance publique, le Sénat a ensuite adopté le texte sans modification.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Reconnaissant la nécessité de la mesure proposée, et souhaitant favoriser une adoption rapide de la proposition de loi, la Commission a adopté ce texte sans modification, suivant ainsi l’avis de votre rapporteur.

 

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 5 février 2025, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet (n° 457) (M. Philippe Latombe, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/636RcJ

Mme Pascale Bordes, présidente. Cette proposition de loi (PPL) a été déposée le 25 avril 2024 par les sénateurs Annick Billon, Bruno Retailleau et Françoise Gatel, puis adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, le 15 juin. Elle est inscrite à l’ordre du jour de la séance publique de l’Assemblée le lundi 10 février prochain.

M. Philippe Latombe, rapporteur. Ce texte technique, court et pragmatique, propose d’assouplir le régime juridique applicable aux modalités d’élection du maire et des adjoints dans les communes nouvelles, en cas de conseil municipal incomplet. Il s’agit d’éviter que la vacance du maire dans une commune nouvelle venant d’être créée ne conduise nécessairement à une chute brutale de l’effectif du conseil municipal.

En effet, en vertu du code général des collectivités territoriales (CGCT), le conseil municipal doit être complet pour procéder à l’élection du maire et des adjoints, sous peine d’annulation par le juge administratif. Ce principe garantit que la commune soit administrée par un conseil municipal suffisamment nombreux et que le maire soit élu par un conseil qui reflète fidèlement la volonté des électeurs.

Dans les communes, la loi prévoit des procédures qui permettent de compléter le conseil municipal lorsque quelques sièges seulement sont vacants – organisation d’élections complémentaires, recours au suivant de liste – afin d’éviter de devoir procéder au renouvellement intégral du conseil municipal en cours de mandat pour élire un nouveau maire. Ces procédures ne sont toutefois pas envisageables dans une commune nouvelle venant tout juste d’être créée. Ainsi, en cas de vacance du maire nouvellement élu dans la période qui suit la création d’une commune nouvelle, les règles en vigueur conduisent généralement au renouvellement intégral de son conseil municipal.

Or, dans les communes nouvelles, l’effectif du conseil municipal dans la période qui suit la fusion obéit à des règles dérogatoires. Juste après la fusion, le conseil municipal est composé de l’ensemble des conseillers municipaux des communes fusionnées. Il diminue ensuite après le premier renouvellement, pour atteindre un effectif de droit commun à l’issue du deuxième renouvellement général qui suit la fusion. Cette règle doit assurer une transition harmonieuse et permettre aux élus qui ont porté le projet de regroupement territorial de participer à sa mise en œuvre et à son suivi technique et politique.

La complétude des conseils municipaux est essentielle dans le contexte actuel, puisqu’ils vont devoir procéder à une mise en conformité de la sécurité de leurs systèmes d’information, suite à la transposition de la directive NIS 2 sur la cybersécurité. Les appels d’offres et les décisions qui en découlent doivent être pris par un conseil municipal complet, dans le respect des choix des électeurs. Or, en précipitant le renouvellement intégral du conseil municipal, une vacance inattendue conduit à diminuer immédiatement et brutalement les effectifs du conseil municipal et à évincer une partie des équipes en place, pourtant à l’origine du rapprochement territorial.

Afin d’éviter cet écueil, la loi du 1er août 2019 avait prévu une première exception au principe de complétude du conseil municipal dans les communes nouvelles, lorsque la vacance d’un ou de plusieurs conseillers municipaux se produit juste après leur création. Cette dérogation, limitée à la très courte période qui s’étend de la date de publication de l’arrêté du préfet prononçant la création de la commune nouvelle jusqu’à la première réunion de son conseil municipal, s’est avérée trop restrictive : elle ne couvre pas le cas où une vacance surviendrait peu de temps après la première réunion du conseil municipal. Si cette hypothèse n’est pas la plus fréquente, elle est bien réelle. C’est dans cette situation que s’est retrouvée la commune nouvelle de Rives-du-Fougerais, située dans mon département, la Vendée, à la suite du décès du maire nouvellement élu quelques mois à peine après sa création.

Le texte que nous nous apprêtons à examiner répond à ces difficultés pratiques. Il propose d’étendre la dérogation déjà prévue autorisant l’élection du maire d’une commune nouvelle et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, et non plus jusqu’à la première réunion du conseil municipal. Utile et bienvenu, il répond ainsi à un besoin exprimé sur le terrain en corrigeant une imperfection juridique qui fragilise les conseils municipaux et nuit à l’attractivité du modèle de la commune nouvelle.

J’ajouterai qu’il est important d’encourager une adoption rapide de cette proposition de loi, dont l’examen a déjà été ralenti par la dissolution de juin dernier, puis par la censure du précédent gouvernement. Les amendements déposés dépassent l’objet de la PPL, très ciblée. Afin d’aller vite, il ne me semble donc pas opportun d’ouvrir de nouveaux sujets. Je vous invite à adopter ce texte sans modification.

Mme Pascale Bordes, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Monique Griseti (RN). Notre pays regroupe 40 % des communes de l’Union européenne. L’échelon local que représente la commune constitue une singularité par rapport à nos voisins européens et un témoignage de notre histoire administrative. La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a créé une forme originale de regroupement communal, les communes nouvelles, dans le but de rationaliser l’organisation territoriale. Le groupe Rassemblement national soutient ce dispositif lorsqu’il répond au souhait de la majorité des administrés consultés par voie référendaire.

Il existe 845 communes nouvelles, fusionnant plus de 2 500 communes. Elles sont soumises aux mêmes règles de fonctionnement que les communes traditionnelles, y compris le principe de complétude du conseil municipal, qui impose que le maire et les adjoints ne peuvent être élus que lorsque le conseil municipal est complet. La loi du 1er août 2019 a introduit une dérogation à ce principe pour les communes nouvelles, en permettant l’élection du maire et des adjoints en cas de vacance de sièges au conseil municipal inférieure à un tiers des conseillers municipaux, dès lors qu’elle intervient avant la première réunion du conseil municipal de la nouvelle commune.

La mesure proposée par les sénateurs élargit cette dérogation au cas où la vacance surviendrait peu après la première réunion du conseil municipal. La modification de l’article L. 2113-8-1 A du CGCT permettrait l’élection du maire d’une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet jusqu’au premier renouvellement des conseils municipaux. L’objectif est de prévenir le renouvellement prématuré du conseil municipal, qui serait susceptible de compliquer l’action de la commune nouvelle alors que les conseillers municipaux en place ont porté le projet de sa création.

Le groupe Rassemblement national est favorable à cette proposition de loi qui permet d’assurer la continuité dans la gouvernance des communes nouvelles et apporte une réponse fonctionnelle à des problématiques et enjeux locaux. Pour pouvoir déployer pleinement leurs projets, les communes fusionnées doivent bénéficier d’un régime dérogatoire au principe de complétude du conseil municipal. L’originalité des communes nouvelles justifie qu’elles disposent d’un régime lui-même original, même si les dispositions relatives à la composition des conseils municipaux doivent être transitoires.

M. Vincent Caure (EPR). L’article unique de cette proposition de loi donne la possibilité à un conseil municipal incomplet d’élire le maire d’une commune nouvelle avant le premier renouvellement suivant sa création. Vous l’avez rappelé, en vertu de l’article L. 2122‑8 du CGCT, le maire et les adjoints d’une commune ne peuvent être élus que par un conseil municipal complet. Dans les communes anciennes et installées, des règles existent afin de pourvoir les sièges vacants. Elles dépendent de la taille de la commune et sont fonctionnelles, mais perfectibles. Elles doivent être adaptées s’agissant des communes nouvelles.

Dans celles-ci en effet, il ne peut être fait appel à un suivant de liste pour compléter le conseil municipal, puisqu’il est composé jusqu’au prochain renouvellement de l’ensemble des membres en exercice à la date de la création de la commune nouvelle. La situation est encore plus complexe pour les petites communes de moins de 1 000 habitants, puisqu’il n’existe pas de suivant de liste.

Afin d’y remédier, le législateur a légitimement introduit, par la loi du 1er août 2019, une dérogation visant à rapprocher le droit de la réalité du terrain : l’exécutif d’une commune nouvelle récemment créée peut être élu par un conseil municipal incomplet en cas de vacance de sièges intervenant avant la première réunion de son conseil municipal. Ce premier pas est toutefois insuffisant, le régime dérogatoire ne couvrant qu’une courte période, allant jusqu’à la première réunion du conseil municipal.

Pour donner une plus grande stabilité et une meilleure sécurité juridique aux communes nouvelles, l’article unique procède à une extension de l’exception introduite par la loi de 2019 : la dérogation est étendue au prochain renouvellement complet du conseil municipal. Il me semble que nous pouvons tous nous accorder sur la nécessité d’encourager le nombre de communes nouvelles. Sachant que la moitié de nos communes comptent moins de 500 habitants et qu’il existe 10 000 communes au Royaume-Uni et 300 en Suède, une rationalisation peut être envisagée !

Le groupe Ensemble pour la République est donc favorable à ce texte, qui vise à faciliter la transition des anciennes communes vers les communes nouvelles et à garantir l’attractivité de leur modèle. Nous le voterons conforme, afin d’accélérer son adoption après un calendrier retardé.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Malgré son caractère technique, cette PPL revêt une réelle importance, en particulier sur le plan démocratique. Elle permet de déroger au principe de complétude du conseil municipal d’une commune nouvelle pour élire le maire et les adjoints.

Nous considérons les communes nouvelles comme une marque de l’intercommunalité à marche forcée, qui soulève la question de la libre administration des collectivités. Depuis longtemps, nous sommes tout à fait défavorables aux intercommunalités d’opportunité, visant à répondre au manque criant de moyens mais qui ne reposent pas sur un projet. Leur création s’accompagne souvent d’une carotte financière dont il ne reste très vite que les fanes. Les métropoles sont les pires, appuyées sur des logiques de fusion-absorption, qui éloignent les citoyens des décisions – cet éloignement joue d’ailleurs quelle que soit l’échelle de la commune. L’idée sous-jacente est qu’il faut toujours faire mieux avec moins, ce qui n’est pas possible.

Ces intercommunalités d’opportunité posent un problème démocratique. Nous voulons préserver le triptyque commune, département, État, face aux intercommunalités à marche forcée, aux grandes régions qui n’ont pas beaucoup de sens et à un État rabougri par l’austérité et le libéralisme voulus par la Macronie. Les termes de « fusion » et de « rationalisation » sont les autres visages de l’austérité et de la rétractation de l’action publique.

Tout cela explique sans doute le peu d’enthousiasme pour la commune nouvelle – trente-trois créations entre 2019 et 2024, un peu plus en 2025. Un rapport de l’Inspection générale de l’administration intitulé « Les communes nouvelles : un bilan décevant, des perspectives incertaines » indique que ce dispositif n’est « ni une priorité, ni une nécessité absolue » pour les élus locaux, déçus de son bilan qualitatif qu’ils qualifient eux-mêmes d’« incertain ».

Par ailleurs, nous sommes gênés par les mots « quelles que soient les raisons de la démission » : lorsque les élus démissionnent pour des raisons politiques, la démocratie implique que les habitants soient consultés ! C’est d’autant plus vrai qu’ils ont rarement été associés à la décision de fusionner. Organiser des élections générales paraît s’imposer dans ce cas.

Les élus locaux réclament quant à eux des moyens, des services de l’État sur lesquels s’appuyer et des ressources humaines, notamment des secrétaires de mairie.

M. Hervé Saulignac (SOC). La présente PPL a pour objet de lever une contrainte précise, que le législateur n’a pas traitée au moment de l’élaboration de la loi. Le rapporteur l’a dit, il est extrêmement difficile, pour une commune nouvelle dont le conseil municipal n’est pas complet, de procéder à l’élection d’un nouveau maire en cas de vacance du poste. La législationg actuelle impose en effet la tenue d’une élection municipale intégrale, sans alternative possible.

Or il n’est pas rare que le conseil municipal d’une commune nouvelle soit incomplet avant le premier renouvellement, dès lors qu’il est composé de l’ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes. De plus, il est impossible, pour les communes de moins de 1 000 habitants – les plus concernées par les dispositifs de fusion de communes – d’avoir recours aux suivants de liste en cas de démission.

Afin de limiter la multiplication d’élections partielles dans la période qui suit la création d’une commune nouvelle et, surtout, de ne pas décourager les élus intéressés par ce dispositif, il apparaît nécessaire de régler cette situation. La proposition de loi venant du Sénat y contribue.

J’appelle cependant votre attention sur un autre sujet méritant un dispositif législatif. Stéphane Delautrette, qui préside la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a été alerté par des élus sur la nécessité de prolonger d’un mandat la phase transitoire qui permet à une commune nouvelle, composée de communes déléguées, de disposer, lors du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant sa création, d’un nombre de conseillers municipaux égal à celui applicable pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure. L’objectif est de garantir qu’aucune commune déléguée ne soit lésée dans la composition du conseil municipal.

La mission flash de Stéphane Delautrette et Stella Dupont a démontré qu’il serait effectivement opportun d’étendre ce régime dérogatoire au deuxième renouvellement général des conseils municipaux, la mise en place d’une commune nouvelle nécessitant du temps. Nos collègues ont déposé un amendement d’appel en ce sens. Nous avons toutefois entendu la volonté du rapporteur d’obtenir une adoption conforme et nous renouvellerons cette demande auprès de la ministre concernée en séance, pour obtenir une réponse de sa part sur ce point.

M. Patrick Hetzel (DR). La constitution d’une commune nouvelle soulève des défis spécifiques, s’agissant notamment de l’élection du maire et des adjoints dans les premières années. Une situation de conseil municipal incomplet peut freiner la mise en œuvre des projets municipaux. Un renouvellement intégral du conseil municipal serait totalement inapproprié et engendrerait des coûts importants, des démarches administratives lourdes et des délais significatifs. Une telle situation paralyserait la gestion de la commune nouvelle, avec des conséquences directes et négatives pour les habitants.

Le problème avait été identifié dès 2019 et des dérogations ont été introduites pour permettre d’élire un maire, même en cas de vacance de sièges, avant l’installation initiale du conseil municipal. En effet, la jurisprudence du Conseil d’État ne permet pas de faire appel au suivant de la liste pour compléter le conseil municipal d’une commune nouvelle.

La présente PPL propose d’aller plus loin, en permettant l’élection du maire par un conseil incomplet jusqu’au premier renouvellement général. Cette mesure préserve la continuité institutionnelle et garantit la stabilité nécessaire au bon fonctionnement des communes nouvelles. Elle permet de ne pas évincer trop rapidement les élus locaux à l’origine du projet de création de la commune nouvelle – les artisans du projet de territoire commun.

En renforçant l’adaptabilité des communes nouvelles, nous affirmons notre engagement vers une organisation territoriale basée sur la proximité, la responsabilité et l’efficacité. Ce modèle est une preuve supplémentaire que les territoires sont les mieux adaptés pour répondre aux défis locaux, contrairement à une gestion centralisée ou trop verticale. Notre groupe votera pour cette PPL et espère un vote conforme.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous légiférons sur la base du cas particulier de la commune vendéenne de Rives-du-Fougerais, créée il y a environ un an grâce à la fusion de trois communes de 1 000 habitants. Le décès du maire ayant eu lieu deux mois après sa première réunion, elle a l’obligation de renouveler intégralement son conseil municipal, ce qui aura pour conséquence de ramener son effectif de trente-sept membres à vingt-trois et d’évincer une partie des élus ayant participé à la création de la commune nouvelle.

La proposition de loi permet la désignation d’un nouveau maire sans réélection totale, de sorte que les élus qui ont porté la création de la commune nouvelle puissent œuvrer à son développement pendant quelque temps. Cette orientation nous semble pertinente. C’est pourquoi nous voterons conforme ce texte, pour qu’il puisse être appliqué rapidement.

Je profite de l’occasion pour rappeler la difficulté à créer des vocations et à permettre le renouvellement des conseils municipaux, notamment dans les communes rurales. Je salue à cet égard le travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sous l’égide de son président Stéphane Delautrette, sur une réforme du statut des élus locaux, afin de sécuriser l’exercice de leurs fonctions et de garantir des moyens et des formations suffisants pour les rendre plus attractives.

Par ailleurs, à un peu plus d’un an des futures élections municipales, la presse se fait l’écho d’une volonté de réforme des modes de scrutin, notamment à Paris, Lyon et Marseille. Changer les règles de désignation des conseils municipaux à la veille d’élections semble hasardeux : il faut s’y prendre plusieurs années avant. Mais la présente PPL est trop circonscrite pour souffrir de cette objection.

Mme Blandine Brocard (Dem). Pour qu’un conseil municipal puisse élire son maire et ses adjoints, il est requis qu’il soit complet, qu’aucun de ses membres n’ait démissionné ou qu’un démissionnaire ait été remplacé préalablement par son suivant de liste. Ces dispositions peuvent poser un problème technique lors de la fusion de communes car il n’est pas possible de remplacer un démissionnaire par son suivant de liste, le conseil municipal de la commune nouvelle étant issu de plusieurs élections distinctes. Dès lors, pour une seule démission peut survenir une situation de blocage : la commune nouvelle est obligée de repasser par les urnes pour élire son maire.

Dans l’état actuel de la législation, pour pouvoir élire son maire ou ses adjoints, le conseil municipal d’une commune nouvelle doit être complet à partir de la première réunion qui suit la fusion des communes : une démission ou un décès peuvent intervenir avant cette réunion, mais après, il faut procéder à de nouvelles élections. Or l’esprit de la loi est que les dispositions relatives aux communes nouvelles visent avant tout à assurer une continuité, en réunissant dans le même conseil tous les membres des conseils des communes fusionnées, puis en étalant sur deux mandats la décroissance du nombre de conseillers, pour aboutir au droit commun.

Cette proposition de loi vise donc à permettre de procéder à l’élection du maire et des adjoints même si le conseil municipal est incomplet, à condition qu’il n’ait pas perdu plus du tiers de ses membres – auquel cas, comme dans toutes les communes, de nouvelles élections auront lieu. Il s’agit d’une mesure technique, de bon sens, destinée à assurer la continuité et la stabilité. Le groupe Les Démocrates la soutient, puisqu’elle respecte à la fois l’esprit de la démocratie locale et les impératifs de gestion territoriale. En permettant une transition plus fluide, elle garantit la continuité de la gouvernance municipale et préserve ainsi l’équilibre institutionnel des communes nouvelles.

M. Xavier Albertini (HOR). Depuis près de cinquante ans, le législateur cherche à lutter contre l’éparpillement des communes en les incitant à se regrouper. Réduire le nombre des communes, tout particulièrement dans cette période budgétaire complexe, revient, de manière pragmatique, à encourager les collectivités territoriales à réduire leurs coûts de gestion. Je rappelle que l’on compte environ 12 000 communes en Allemagne, entre 8 000 et 9 000  en Italie et en Espagne, tandis que la France se distingue par ses presque 35 000 communes, dont 83 % ont moins de 2 000 habitants.

Il est donc opportun d’encourager concrètement la création des communes nouvelles. La formule rencontre un certain succès, voire un succès certain. Pour autant, des obstacles juridiques sont à lever et c’est l’objet de la présente proposition de loi. Ses dispositions techniques visent à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, en étendant une dérogation déjà existante au principe de complétude du conseil municipal.

Nous sommes beaucoup, au sein de cette assemblée, à occuper ou à avoir occupé un mandat d’élu local. Nous savons donc que les imprévus peuvent être nombreux – notamment en cas de décès, mais également de démission, malheureusement de plus en plus fréquentes en raison des difficultés auxquelles les élus locaux font face. Les élus des anciennes communes, qui ont pourtant initié la création de la commune nouvelle, peuvent ainsi être écartés rapidement, en raison de la baisse de ses effectifs liée à l’organisation d’élections complémentaires. Cette situation constitue une désincitation directe aux fusions de communes.

La proposition de loi trouve l’équilibre entre la nécessaire préservation de la démocratie locale et la dérogation au droit commun, afin d’encourager indirectement les fusions de communes. Elle vise en effet à autoriser le conseil municipal incomplet d’une commune nouvelle à élire le maire et les adjoints sans procéder au préalable à un renouvellement intégral jusqu’au premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle.

La démocratie locale sera préservée puisque le nouveau régime ne concerne que les communes nouvelles créées postérieurement au renouvellement général des conseils municipaux de 2020, n’ayant pas encore procédé à des élections complémentaires. Le groupe Horizons et indépendants votera donc en faveur de ce texte, qui donne des solutions concrètes à des difficultés de terrain tout en encourageant davantage les fusions de communes.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Nous voterons en faveur de cette proposition de loi, qui revêt un caractère technique. Si les questions de l’opportunité de la création de communes nouvelles, de leur bon fonctionnement et des améliorations à y apporter se posent, le but de ce texte est simplement de revoir les règles concernant l’élection du maire, en tendant la dérogation concernant les conseils municipaux incomplets.

Plusieurs l’ont dit, il s’agit d’un texte nécessaire. Je regrette toutefois que nous n’en ayons pas profité pour dépasser ces considérations purement techniques. La mission flash de Stéphane Delautrette et Stella Dupont, en octobre 2023, avait émis un certain nombre de recommandations concernant les communes nouvelles, les plus importantes portant sur leur mode de financement. En effet, ces communes ne sont pas suffisamment dotées pour répondre aux missions qui leur sont confiées, souvent nouvelles. L’objectif politique de la création des communes nouvelles était avant tout de réduire la multiplicité des communes et les dépenses qu’elle engendre. Sous prétexte de faire des économies, elles ont donc été paupérisées. À commune nouvelle, problème nouveau : je ne doute pas que nous reparlerons de ce sujet.

Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Le groupe UDR soutient la complétude des conseils municipaux lors de la création des communes nouvelles. Cette mesure technique et pragmatique vise à garantir une gouvernance locale plus stable.

Nous ne saurions toutefois ignorer les difficultés croissantes des élus locaux, en particulier en milieu rural. Elles sont multiples : le manque d’engagement, de moins en moins de citoyens acceptant des mandats locaux, en raison de la charge de travail et des contraintes administratives ; la gestion municipale, de plus en plus lourde, avec des réglementations toujours plus complexes ; le transfert de responsabilités aux communes par l’État sans assurer le financement suffisant ; la baisse des dotations, qui pèse sur les budgets locaux ; et enfin la responsabilité pénale des maires et des conseillers municipaux, qui peut être dissuasive.

Si la complétude des conseils municipaux est une solution partielle pour stabiliser les équipes municipales, elle ne résout pas les causes profondes du désengagement des élus.

M. Philippe Latombe, rapporteur. Je me réjouis que vous souhaitiez en majorité voter conforme ce texte très technique. Plusieurs d’entre vous regrettent qu’il n’intègre pas certaines recommandations de la mission flash conduite par M. Delautrette et Mme Dupont, mais il est essentiel qu’il soit adopté rapidement dans les mêmes termes qu’au Sénat. Nous poursuivrons notre réflexion avec la ministre Mme Gatel pour trouver un véhicule adapté à ces dispositions – la proposition de loi de Mme Jacquier-Laforge visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, par exemple – ainsi qu’une place dans le calendrier législatif. Ces questions méritent d’être étudiées de façon plus approfondie qu’au détour d’amendements, en abordant notamment le volet du financement. Je vous demanderai donc de retirer vos amendements d’appel.

Certaines communes nouvelles, comme celle de Rives-du-Fougerais, qui regroupe trois communes de moins de 1 000 habitants, sont le fruit d’un véritable projet. C’est moins le cas pour d’autres ; en Vendée, celle d’Essarts-en-Bocage a ainsi été défusionnée à la suite de consultations publiques – preuve, madame Martin, que la volonté de la population est prise en considération, dans un sens comme dans l’autre.

D’ailleurs, les communes nouvelles ne sont pas uniquement mues par des motifs financiers ; certaines fonctionnent très bien et mènent des projets qui profitent à toutes leurs composantes. Il faut encourager leur création quand c’est possible. Elles ont aussi besoin de continuité lorsque le conseil municipal devient incomplet du fait d’un décès ou d’un départ, sans devoir systématiquement convoquer des élections générales.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de préserver le caractère technique du texte et de le voter conforme, afin de combler au plus vite les carences du dispositif actuel.

Article unique (article L. 2113-8-1 A du code général des collectivités territoriales) : Élection du maire et des adjoints au maire d’une commune nouvelle par un conseil municipal incomplet

La commission adopte l’article unique non modifié.

Après l’article unique

Amendements identiques CL2 de Mme Nicole Dubré-Chirat et CL3 de Mme Stella Dupont, et amendement CL4 de Mme Stella Dupont (discussion commune)

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous souhaitons étendre le système dérogatoire relatif aux effectifs des conseils municipaux des communes nouvelles au-delà du deuxième renouvellement général qui suit leur création. La plupart d’entre elles ont été créées en 2016 – ma circonscription par exemple en compte quatre, regroupant chacune huit à douze communes rurales. Pour assurer leur pérennité, nous devons lever les difficultés qu’elles peuvent rencontrer à leurs débuts en matière de gouvernance et de composition du conseil municipal.

La loi de 2019, dont j’ai été la rapporteure, fixe le terme du régime dérogatoire aux élections de 2026. Sa prorogation garantirait une transition plus longue et plus adaptée à la situation particulière de ces communes et à leur superficie importante.

Les fusions ont déjà significativement réduit le nombre d’élus municipaux lors du premier renouvellement général en 2020 : dans les communes nouvelles ayant plus de quatre communes déléguées, leur nombre a chuté d’environ 60 %. Le retour au droit commun en 2026 accentuerait encore cette diminution, ce qui serait difficilement compatible avec l’organisation en communes déléguées.

Nous proposons de maintenir l’effectif des conseils municipaux pour un mandat supplémentaire afin de préserver le maillage d’élus dans les communes nouvelles, au plus près des habitants et des associations. Chaque commune déléguée garderait ainsi un maire délégué pendant la période transitoire étendue.

Mme Stella Dupont (NI). J’illustrerai la situation par un exemple et quelques chiffres. Dans ma circonscription, la commune nouvelle de Chemillé-en-Anjou, plus de 20 000 habitants, regroupe treize communes rurales historiques mobilisées autour de projets de territoire cohérents. Son large périmètre lui confère une force et une capacité à agir indéniables. Elle construit par exemple un réseau de gaz alimenté par de petites exploitations agricoles, qui lui permettra de devenir autonome.

La démocratie locale est un sujet majeur qui préoccupe grandement les élus, madame Martin. Lors de notre mission flash, ils nous ont tous fait part de leurs craintes quant à l’échéance de 2026. Ainsi, pour Chemillé-en-Anjou, le nombre de conseillers municipaux, qui est passé de 218 lors de la fusion à 73 pendant la phase transitoire, tomberait en l’état à 35 en 2026. Cela ne laisse pas la certitude que chaque commune déléguée soit représentée au conseil municipal. C’est pourquoi il faut prolonger le régime dérogatoire.

Je comprends que M. le rapporteur souhaite un vote conforme et rapide, mais cette proposition de loi est le seul véhicule législatif dont nous disposons pour acter la prolongation du régime transitoire, petite mesure technique qui nous laissera le temps de trouver des solutions. Nous n’avons trouvé aucune autre possibilité dans les calendriers du Sénat et de l’Assemblée. Soyez conscients que sinon, certaines communes déléguées risquent de ne pas être représentées au conseil municipal en 2026, ce qui fragilisera la démocratie locale. Nous pouvons certainement trouver un terrain d’entente avec le Sénat pour introduire cette disposition dans la procédure accélérée.

M. Philippe Latombe, rapporteur. Je comprends vos arguments, mais nous devons en débattre dans un autre cadre, de façon plus approfondie, d’autant que des questions constitutionnelles se posent. Le Conseil constitutionnel estime en effet que les assemblées élues au suffrage universel le soient sur des bases essentiellement démographiques. Cela requiert une expertise.

La proposition de loi se contente d’apporter une réponse juridique à un petit problème. Les sujets qui vous occupent ont une portée plus large et doivent être examinés à l’occasion d’un autre texte – la proposition de loi de M. Delautrette et de Mme Dupont visant à améliorer la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles a d’ailleurs été publiée hier. Nous ferons notre possible avec Mme Gatel pour trouver le véhicule ad hoc et l’inscrire rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée et du Sénat. Je vous demande donc de retirer vos amendements.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je retire le mien afin que la proposition de loi soit votée conforme, mais nous continuerons de travailler avec Mme Gatel pour trouver un véhicule législatif pour ces dispositions.

Mme Stella Dupont (NI). Croyez bien que Stéphane Delautrette et moi-même avons étudié toutes les possibilités, y compris avec Mme Gatel et ses services, et qu’il n’y a pas d’autre fenêtre pour faire voter nos amendements. J’accepte de retirer les miens, mais comprenez l’inquiétude des élus des communes déléguées qui risquent de ne plus être représentées. J’ajoute que nous ne proposons pas d’examiner le sujet au fond, mais simplement de proroger le régime dérogatoire.

Les amendements sont retirés.

Amendement CL1 de Mme Nicole Dubré-Chirat

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il s’agit d’assurer une meilleure représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles regroupant au moins cinq entités historiques, à compter du deuxième renouvellement général des conseils municipaux. L’application du droit commun réduit trop fortement le nombre d’élus. Nous souhaitons permettre aux communes de désigner un maire délégué assisté d’adjoints. Il est essentiel d’assurer un maillage sur l’ensemble du territoire pour préserver la proximité avec les habitants et soutenir la dynamique de création de communes nouvelles.

M. Philippe Latombe, rapporteur. Ce sujet a fait l’objet d’un amendement sénatorial en commission, et le rapporteur a demandé son retrait pour les mêmes raisons que celles que j’ai exprimées. Cela prouve que les sénateurs se préoccupent de la question ; nous trouverons donc certainement avec eux le moyen d’y répondre rapidement. Une proposition de loi d’initiative parlementaire pourrait par exemple être déposée à l’Assemblée ou au Sénat puis reprise dans une niche – le calendrier le permet. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nos échanges montrent que le problème se trouve dans la loi elle-même. Elle institue en effet un fonctionnement adémocratique. Le recul des élus locaux devrait nous encourager à suspendre le dispositif pour mener une réflexion approfondie avec les premiers intéressés. Il est d’ailleurs étonnant qu’une telle proposition de loi provienne du Sénat, qui est censé représenter les territoires et entretenir un dialogue permanent avec les élus locaux.

M. Nicolas Turquois (Dem). La loi instituant les communes nouvelles ressemble comme deux gouttes d’eau à la loi Marcellin de 1971 sur les fusions et regroupements de communes. J’ai d’ailleurs été maire délégué d’une petite commune qui s’était associée avec trois autres. Au nord de mon département, dans le Maine-et-Loire, j’ai en revanche vu apparaître des ovnis regroupant dix à douze communes, voire davantage, avec des maires qui se retrouvent assez rapidement hors du jeu. Il me semble important que les communes puissent fusionner lorsqu’elles défendent un projet de territoire, mais que chacune soit représentée dans la gouvernance de la nouvelle entité. J’entends la volonté du rapporteur d’obtenir un vote conforme pour résoudre une question technique, mais je serais favorable à ce qu’une proposition de loi corrige les problèmes de représentation dans les grands regroupements.

M. Hervé Saulignac (SOC).  Nos débats montrent combien nous avons du mal à penser le territoire autrement que comme la somme de clochers. Une représentation trop faible n’est évidemment pas souhaitable, mais le sacro-saint principe « une commune, un représentant » induit une logique de guichet : on siège dans une intercommunalité pour tirer le chèque de sa commune. Au risque d’être politiquement incorrect, j’affirme que moins d’élus ne signifie pas forcément moins de démocratie. Il faut trouver une juste mesure. Il serait préjudiciable de passer de 218 élus à 35, pour reprendre l’exemple de Mme Dupont, mais si 35 élus, c’est trop peu, 218, c’est trop.

Nous avons entendu les arguments du rapporteur, mais il serait souhaitable qu’il demande à Mme Gatel de nous donner des garanties en séance sur la prise en compte rapide de ces questions.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je retire mon amendement. Rassurez-vous, madame Martin, les communes nouvelles ne sont pas toutes déficitaires, voire des associations de malfaiteurs ! Elles s’unissent pour défendre leur territoire, selon un principe de solidarité. Nos amendements relaient d’ailleurs les demandes des maires, qui souhaitent pouvoir mieux gérer leur territoire et mener des projets communs. Ils ont besoin que nous travaillions avec eux et pour eux. Or les corrections qu’ils appellent de leurs vœux doivent intervenir un an avant les élections municipales de 2026.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à visant à permettre l’élection du maire d’une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet (n° 457) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


   Personnes entendues

   Mme Annick Billon, sénatrice de Vendée

   M. Gérard Gavory, préfet de Vendée

 

 

 

CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES

 

 

 

 


([1])  Conseil d’État, 19 janvier 2007, Élection des adjoints au maire de Maurepas, n° 289431.

([2])  Article L. 260 du code électoral.

([3])  Articles L. 252 et suivants du code électoral.

([4])  Bien que l’article L. 258 du code électoral ne fasse pas explicitement référence à la nécessité de procéder au renouvellement du conseil municipal incomplet pour l’élection d’un nouveau maire (à l’inverse de l’article L. 270 du même code), la direction générale des collectivités locales (DGCL) a confirmé à votre rapporteur que l’article L. 2122-8 du CGCT a toujours été lu comme impliquant de compléter le conseil municipal des communes avant de procéder à l’élection du maire, sauf à compter du 1er janvier de l’année qui précède les élections. Cette position n’a jamais été remise en cause par les juridictions. Voir notamment la réponse à la question écrite n° 12145 de Mme Esther Sittler, sénatrice, publiée le 26 décembre 2019.

([5])  Conseil d’État, 19 janvier 1990, Élections dans la commune du Moule, nos 108778 et 109848.

([6])  Article 38 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

([7])  Conseil d’État, 24 avril 2019, n° 426468 : « 5. Il résulte des dispositions de l’article L. 2113-7 du code des collectivités territoriales que, si les anciens conseils municipaux l’ont décidé par délibérations concordantes, le conseil municipal d’une commune nouvelle issue de la fusion de plusieurs communes est composé, à titre transitoire jusqu’au premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, des seuls conseillers municipaux en exercice lors de la fusion. Ces dispositions font obstacle, pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, à l’application des dispositions de l’article L. 270 du code électoral permettant, pour les communes de plus de 1 000 habitants, le remplacement des conseillers municipaux dont le siège devient vacant par les suivants de liste. 6. Il résulte de ce qui précède que lorsqu’un siège de conseiller municipal devient vacant après la création d’une commune nouvelle et avant le premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, il ne peut être pourvu au remplacement par le suivant de liste. »

([8])  Rapport Mme Agnès Canayer fait au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, 5 décembre 2018, n° 179 (2018-2019).

([9])  Les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 du CGCT ont d’ailleurs été modifiés sur ce point lors de la commission mixte paritaire réunie sur la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes. La rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, Mme Christine Pirès Beaune, présentait les modifications apportées par la commission de la manière suivante : « une des modifications proposées permet de prévoir qu’en cas de dissolution du conseil municipal, la modification de la composition du conseil municipal intervient lors de son renouvellement et non lors du renouvellement général des conseils municipaux suivant ». Voir le rapport n° 248 (2014-2015) de M. Michel Mercier, sénateur et Mme Christine Pirès Beaune, députée, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 27 janvier 2015.

([10])  Amendement COM-2 de Mme Bellurot, rapporteure.