N° 910
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, adoptée par le sénat, pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves,
Par Mme Josiane CORNELOUP,
Députée.
——
Voir les numéros :
Sénat : 542, 669, 670 et T.A. 2 (2024‑2025).
Assemblée nationale : 456.
___
Pages
Article 3 Concours financier de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
ANNEXE N°1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR La RAPPORTEURe
La sclérose latérale amyotrophique, aussi connue sous le nom de maladie de Charcot, est une pathologie neurologique qui affecte le système nerveux central et périphérique. Maladie neurodégénérative grave, elle se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire. Elle affecte peu à peu la phonation, la déglutition et les muscles respiratoires des personnes atteintes. Elle se caractérise par une survenue imprévisible et une évolution rapide. Les handicaps sévères et irréversibles liés à cette maladie sont propres à chaque malade et empêchent donc toute anticipation des besoins de compensation du handicap. Elle touche environ 6 000 de nos concitoyens. L’espérance de vie est en moyenne de deux ans après le diagnostic : 10 à 15 % des malades ont une durée de vie supérieure à cinq ans après le diagnostic, 5 % ont une durée de vie supérieure à dix ans.
La prise en charge sanitaire des patients est organisée autour de centres maladies rares labellisés. Une filière nationale de santé maladies rares sclérose latérale amyotrophique et maladies du neurone moteur (FilSLAN), articulée autour de vingt‑deux centres de référence, a été créée en 2014 dans le cadre du deuxième plan national Maladies rares afin de les coordonner et de faciliter la prise en charge des personnes atteintes. Dans chaque centre, les patients sont accompagnés par une équipe pluridisciplinaire qui suit l’évolution des déficiences causées par la maladie.
Au regard des handicaps sévères et irréversibles que la sclérose latérale amyotrophique entraîne et de son évolution rapide, les personnes atteintes par cette maladie peuvent bénéficier selon les cas, de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Toutefois, une prise en charge de droit commun n’est pas adaptée au caractère très évolutif de la maladie. Au terme de ses travaux, la rapporteure constate le caractère insatisfaisant de la procédure d’attribution des droits et prestations, comme des adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap pour ces personnes. Les patients interrogés ont en effet fait connaître leurs difficultés, avérées, à faire évaluer les conséquences des handicaps auxquelles ils sont confrontés, pour envisager la mise en place d’un plan personnalisé de compensation et pour mobiliser les aides humaines et techniques, dans des délais décents. Certaines personnes sont décédées avant de connaître la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
En complément de la prise en charge à 100 % de leurs frais de santé par l’assurance maladie, les personnes dont la sclérose latérale amyotrophique a été diagnostiquée avant l’âge de 60 ans s’adressent à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Si la réglementation donne un délai de quatre mois à la CDAPH pour statuer, ce délai est variable selon les départements en pratique et peut s’élever à six voire neuf mois. Or le protocole national de diagnostic et de soins sur la sclérose latérale amyotrophique recommande des bilans réguliers adaptatifs tous les trois mois. Des adaptations plus fréquentes peuvent même être nécessaires dans certains cas. Qu’il s’agisse de l’ouverture des droits ou de leur actualisation, les délais de traitement des demandes par les MDPH apparaissent difficilement compatibles avec une maladie aussi rapidement évolutive que la sclérose latérale amyotrophique.
Lorsque le diagnostic de la sclérose latérale amyotrophique intervient au‑delà de 60 ans, la personne atteinte de la maladie ne peut pas bénéficier de la PCH. Elle peut alors demander l’APA. Il existe toutefois des différences majeures de prise en charge entre les deux prestations.
En effet, l’ensemble des aides attribuées au titre de l’APA est rattaché à un plan d’aide global dont le montant est déterminé dans la limite d’un plafond mensuel pour chaque groupe iso-ressources (GIR). Dans ce cas, non seulement, le plan d’aide ne permet généralement pas de financer la présence continue d’intervenants auprès du malade, mais il couvre difficilement les nombreuses aides techniques dont ce dernier a besoin. Or la prise en charge dans le cadre de l’APA concerne la majorité des personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique : 21 % de patients incidents de moins de 60 ans et 79 % de patients incidents de 60 ans et plus.
Si certains traitements expérimentaux contre la maladie de Charcot sont aujourd’hui porteurs d’espoir pour les patients et leurs proches – à l’image de l’essai clinique actuellement conduit aux Hospices civils de Lyon avec la société lyonnaise Axoltis Pharma –, il appartient au législateur d’apporter sans attendre des solutions concrètes aux difficultés rencontrées.
La présente proposition de loi, déposée par les sénateurs Gilbert Boucher et Philippe Mouiller, a fait l’objet d’un soutien exceptionnellement large. Elle a été cosignée par 318 sénateurs et a été adoptée à l’unanimité en première lecture au Sénat. Elle vise à pallier les lacunes de notre système de protection sociale pour accompagner les personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique. Ces lacunes peuvent en effet laisser dans le désarroi des familles, déjà choquées par le diagnostic et frappées par les conséquences de la maladie. La proposition de loi vise en outre à aménager pour les personnes concernées les procédures et les conditions d’accès à la PCH.
Par ailleurs, d’autres pathologies pourraient entrer dans le champ des pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles retenues dans la proposition de loi et dont il appartiendra au pouvoir réglementaire de dresser la liste. Elles présentent des caractéristiques communes reposant sur une dégradation rapide de l’autonomie de la personne ainsi que l’apparition de handicaps sévères et irréversibles.
Article 1er
Création d’une procédure dérogatoire devant la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées en cas de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles
Adopté par la commission sans modification
L’article 1er, modifié en commission et séance publique au Sénat, crée une procédure dérogatoire accélérée devant la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées pour les demandes d’attribution des droits et prestations, ainsi que les demandes d’adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap, pour les personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles, dont la liste est établie par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées.
Au sein du code de l’action sociale et des familles est décrite la procédure de demande et d’instruction des droits auxquels les personnes handicapées peuvent prétendre. Elle est conduite au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) par une pluralité d’acteurs.
Aux termes de l’article L. 146‑8 dudit code, une équipe pluridisciplinaire est chargée d’évaluer les besoins de compensation des personnes handicapées et d’établir un plan personnalisé de compensation du handicap. Pour ce faire, le dispositif prévoit que cette équipe entende la personne demandeuse ou son représentant, de même qu’elle se rende sur son lieu de vie.
Pour cette évaluation, le deuxième alinéa du même article autorise l’équipe pluridisciplinaire à solliciter le concours des centres de référence pour une maladie rare ou groupe de maladies rares rattachés à un centre hospitalier universitaire.
La filière FilSLAN
Depuis 2014, dans le cadre du deuxième plan national Maladies rares, la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) est organisée au travers de la filière nationale de santé maladies rares SLA et maladies du neurone moteur (FilSLAN) qui en rassemble les principaux acteurs. Ainsi, dix centres hospitaliers universitaires ont notamment été labellisés centres de référence maladies rares et douze centres hospitaliers et universitaires, centres de ressources et de compétence maladies rares sur l’ensemble du territoire. Ces centres ont pour mission de confirmer le diagnostic de la maladie avant de prendre en charge les patients de façon pluridisciplinaire, le cas échéant en évaluant les besoins d’aide humaine et technique des patients.
Sur la base de cette évaluation, l’article L. 146‑9 du même code charge une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de prendre les décisions relatives à l’ensemble des droits de la personne handicapée, notamment pour la prestation de compensation du handicap (PCH) prévue au chapitre V du titre IV du livre II dudit code.
Aux termes de l’article L. 241‑5 du même code et sauf opposition de la personne concernée, la commission peut siéger en formation restreinte et statuer selon une procédure simplifiée. Aussi, une procédure d’urgence est prévue à l’article L. 245‑2, qui prévoit que le président du conseil départemental puisse, en cas d’urgence attestée, attribuer la prestation de compensation à titre provisoire avant de régulariser sa décision dans un délai de deux mois.
Des procédures longues et inadaptées à la temporalité de certaines pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles
à l’image de la sclérose latérale amyotrophique
Aux termes de l’article R. 241‑33 du code de l’action sociale et des familles, la CDAPH dispose de quatre mois pour statuer sur la demande de la personne handicapée, sans quoi son silence vaut rejet. Dans les faits, le délai d’instruction est « variable » ([1]) d’un département à l’autre et peut s’élever à six voire neuf mois. En moyenne, il était de près de six mois au quatrième trimestre de l’année 2023 selon le baromètre des MDPH publié par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Ces délais d’instruction sont d’autant plus contraignants lorsqu’il s’agit de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles, qui entraînent sans cesse des besoins nouveaux. C’est particulièrement le cas de la sclérose latérale amyotrophique dont l’évolution est constante, rapide et unique à chaque patient. En tout état de cause, la maladie entrave tous les actes de la vie des personnes atteintes, y compris les plus essentiels comme la déglutition. Elle suscite ainsi nombre de besoins nouveaux, souvent vitaux.
Dans ce contexte, même la procédure d’urgence prévue par le code de l’action sociale et des familles ne semble pas apporter un cadre suffisamment sécurisant pour les personnes qui souffrent de ce type de maladies évolutives et graves. En effet, elle est « inégalement appliquée et ne permet pas toujours d’apporter une réponse rapide et adéquate au besoin » ([2]).
À titre d’exemple, les auditions préparatoires ont rappelé qu’il n’est pas rare que l’administration statue sur une demande alors que celle-ci est devenue obsolète du fait de l’évolution de la maladie ou, pire, du décès de la personne.
L’article 1er de la proposition de loi modifie la section 2 du chapitre VI du titre IV du livre 1er du code de l’action sociale et des familles relatif aux maisons départementales des personnes handicapées.
Dans sa rédaction initiale, l’article 1er de la proposition de loi prévoit un unique dispositif de traitement dérogatoire des demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap liées à une maladie évolutive grave, dont un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées établit la liste.
Par l’ajout d’un alinéa avant le dernier alinéa de l’article L. 146‑8 du code de l’action sociale et des familles, la proposition de loi amène un membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH à proposer à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées les adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap déterminées par la prescription d’un médecin ou d’un ergothérapeute.
En outre, l’article 1er prévoit que la commission statue sur ces adaptations lors de sa première réunion suivant la réception de la demande, afin de réduire effectivement les délais d’instruction pour les pathologies concernées.
Au cours de l’examen en commission des affaires sociales, trois amendements des rapporteures, Mmes Laurence Muller‑Bronn et Corinne Féret, ont été adoptés.
● Le premier amendement adopté a inséré trois alinéas au 1° qui complètent la procédure dérogatoire envisagée. Le premier alinéa du 1° insère ainsi un nouvel article L. 146‑7‑1 après l’article L. 146‑7 du code de l’action sociale et des familles.
Le deuxième alinéa du 1° prévoit que les MDPH identifient au stade de leur dépôt les demandes émises par des personnes atteintes de certaines pathologies, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées, qui répondent à deux spécificités cumulatives :
– d’une part, la demande est déposée par une personne atteinte d’une pathologie d’évolution rapide ;
– d’autre part, cette pathologie cause des handicaps sévères et irréversibles.
La sclérose latérale amyotrophique et trois autres pathologies susceptibles d’entrer dans la définition retenue par le Sénat
Selon la direction générale de la cohésion sociale, les pathologies pouvant répondre à cette définition seraient les suivantes :
– la sclérose latérale amyotrophique, qui toucherait environ 6 000 personnes, dont 3 500 diagnostiquées après 60 ans et non éligibles à la PCH à ce jour ;
– la dégénérescence fronto-temporale, qui toucherait environ 5 000 personnes et qui survient principalement entre 45 et 65 ans ;
– l’atrophie multisystématisée, qui toucherait également 5 000 personnes et qui survient en majorité entre 50 et 70 ans ;
– la maladie de Creutzfeldt-Jakob, dont aucun cas n’a été recensé en France depuis 2019.
Le troisième alinéa du 1° ordonne que les demandes émises par les personnes atteintes par une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles et identifiées par la MDPH fassent l’objet d’un traitement partenarial avec les centres de référence pour maladies rares ou groupe de maladies rares spécialisés dans les pathologies concernées.
Par ailleurs, l’amendement substitue aux mots « maladie évolutive grave dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées » les mots « pathologie mentionnée à l’article L. 146‑7‑1 », en conséquence de l’article nouvellement créé par le 1°.
● Les deuxième et troisième amendements adoptés en commission des affaires sociales modifient le dispositif initialement prévu et correspondant au 2°.
D’une part, « l’attribution des droits et prestations » auxquels la personne atteinte peut prétendre complète les adaptations du plan personnalisé de compensation du handicap proposées à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapés.
D’autre part, est ajoutée à la prescription médicale ou à la prescription d’un ergothérapeute, « l’évaluation d’un centre désigné en qualité de centre de référence pour une maladie rare ou groupe de maladies rares » comme appui pour les propositions qu’effectue le membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.
● En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de M. Daniel Chasseing ayant reçu un avis favorable du Gouvernement. Outre les demandes d’adaptation sur lesquelles la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées doit statuer au cours de sa première réunion suivant la réception de la demande tel que prévu à l’article 1er, l’amendement commande qu’elle statue selon le même calendrier sur les demandes d’attribution des droits et prestations ouvertes par la rédaction adoptée en commission des affaires sociales.
*
* *
Article 2
Extension après l’âge de 60 ans de la prestation de compensation du handicap aux personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles
Adopté par la commission sans modification
L’article 2, tel que modifié en commission et séance publique lors de la première lecture au Sénat, étend le bénéfice de la prestation de compensation du handicap (PCH) aux personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles après l’âge de 60 ans par dérogation au droit commun.
Créée par la loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la prestation de compensation du handicap (PCH) concrétise le droit à la compensation des conséquences du handicap prévu à l’article L. 114‑1‑1 du code de l’action sociale et des familles. Attribuée selon la procédure décrite à l’article 1er, elle est servie par les conseils départementaux. Elle peut contribuer à financer une grande diversité de charges à l’image de besoins d’aides humaines, d’aides techniques ou d’aménagement du logement.
Conformément à l’annexe 2‑5 du code de l’action sociale et des familles, la prestation de compensation du handicap est ouverte aux personnes handicapées présentant une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités. Ces difficultés doivent être définitives ou d’une durée prévisible d’au moins un an selon l’article D. 245‑4 du code de l’action sociale et des familles.
Pour autant, l’article L. 245‑1 du même code limite le bénéficie de la PCH aux personnes handicapées dont l’âge est inférieur à une limite fixée par décret ([3]) à 60 ans. Néanmoins, deux exceptions sont prévues :
– les personnes d’un âge supérieur à 60 ans mais qui répondaient aux critères susmentionnés avant cet âge ;
– les personnes d’un âge supérieur à 60 ans mais qui exercent une activité professionnelle et dont le handicap répond aux critères susmentionnés.
Les personnes dont la sclérose latérale amyotrophique est diagnostiquée avant 60 ans continuent de percevoir la PCH après cet âge.
Lorsqu’une personne est diagnostiquée d’une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles telle que la sclérose latérale amyotrophique après l’âge de 60 ans, elle ne peut plus prétendre à la PCH. Elle peut cependant percevoir l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Toutefois, les personnes atteintes d’une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles sont confrontées à deux principales difficultés :
– d’une part, le versement requiert d’être classé dans l’un des quatre premiers groupes iso-ressources (GIR), catégorisation qui détermine le montant de l’APA en fonction du degré de dépendance et du niveau de ressources. S’agissant des personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique, elles sont rarement catégorisées GIR 1, soit le plus haut niveau de perte d’autonomie. Cela s’explique notamment par l’absence d’altération des fonctions mentales par cette pathologie ;
– d’autre part, les montants perçus par la personne handicapée sont rattachés à un plan d’aide global, regroupant des dépenses de toutes natures, plafonné mensuellement pour chaque niveau de GIR. Toutefois, l’APA ne peut servir à financer des dépenses de même nature que la PCH. À titre d’exemple, contrairement à la PCH, elle ne permet pas de salarier son conjoint en tant qu’aide à domicile.
Pour ces raisons, la rapporteure estime insatisfaisant l’accompagnement au travers de l’APA des personnes atteintes, après 60 ans, d’une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles, et en particulier de la sclérose latérale amyotrophique. En tout état de cause, ce dispositif est moins favorable que la prise en charge que procure la PCH s’agissant du reste à charge supporté par les assurés. À titre d’illustration, l’association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (Arsla) a évalué sur quatre ans à plus de 8 000 euros la différence de reste à charge entre deux personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique : l’une, bénéficiaire de la PCH, assumait un reste à charge de 8 005 euros contre16 069 euros pour l’autre, bénéficiaire de l’APA ([4]).
L’âge des personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique
Selon les données communiquées par la filière FilSLAN, l’incidence de la sclérose latérale amyotrophique laisse penser qu’une minorité de personnes seraient atteintes avant l’âge de 60 ans.
En effet, près de quatre personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique sur cinq a plus de 60 ans. De ce fait, la plupart de ces patients serait éligible à l’allocation personnalisée d’autonomie et non à la prestation de compensation du handicap.
L’article 2 de la proposition de loi modifie le II de l’article L. 245‑1 du code de l’action sociale et des familles relatif aux dérogations à l’âge limite fixé pour bénéficier de la PCH.
Est ainsi ajouté un troisième cas dérogatoire au bénéfice des personnes ayant atteint un âge supérieur à 60 ans, mais dont les besoins de compensation sont les conséquences d’une maladie évolutive grave, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et des personnes handicapées conformément à l’article L. 146‑8 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction issue de l’article 1er de la présente proposition de loi.
Deux amendements des rapporteures, Mmes Laurence Muller-Bronn et Corinne Féret, ont été adoptés au cours de l’examen en commission des affaires sociales.
Si le premier amendement est rédactionnel, le second retient, en coordination avec l’article 1er, l’expression de « pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles ». Il procède également à une modification de conséquence en modifiant une référence au sein du code de l’action sociale et des familles.
Aucun amendement n’a ensuite été déposé lors de l’examen de l’article 2 en séance publique.
*
* *
Article 3
Concours financier de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
Adopté par la commission sans modification
L’article 3, qui n’a fait l’objet d’aucune modification en première lecture par le Sénat, met à la charge de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie le montant des dépenses supplémentaires engendrées à l’article 2 par l’ouverture d’un droit à la prestation de compensation du handicap aux personnes atteintes, après l’âge de 60 ans, de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles.
Aux termes de l’article L. 223‑8 du code de la sécurité sociale, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie assure le financement des concours versés aux départements, destinés à couvrir une partie de la prestation de compensation du handicap (PCH).
En pratique, alors que les dépenses liées à la PCH n’ont eu de cesse de croître depuis sa création en 2005, les montants versés aux conseils départementaux par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ont été limités à une certaine fraction définie à l’article L. 223‑9 du code de la sécurité sociale.
Le taux de couverture de ces dépenses est ainsi passé de 60,4 % en 2009 à 26,9 % en 2021 selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
● L’article 3 de la présente proposition de loi complète par un g le 3° de l’article L. 223‑8 du code de la sécurité sociale relatif au financement des concours versés aux départements et aux prestations qu’ils délivrent.
Est ainsi ajouté le surcroît du coût engendré par la nouvelle dérogation créée à l’article 2, qui ouvre le bénéfice de la PCH aux personnes atteintes par certaines pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles. Dans un objectif de simplification, la rapporteure estime que cette compensation devra idéalement être portée sur l’un des concours financiers existants de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux conseils départementaux.
Selon la direction générale de la cohésion sociale, l’impact financier annuel de la mesure pour la seule sclérose latérale amyotrophique, lié à la hausse des dépenses de PCH nette des économies effectuées sur l’APA, se situerait entre 58 et 88 millions d’euros. Si les autres pathologies précédemment mentionnées étaient incluses dans le dispositif, le surcoût estimé atteindrait 82 à 123 millions d’euros, pour un montant total variant entre 140 et 211 millions d’euros.
Les rapporteures de la proposition de loi au Sénat, Mmes Laurence Muller‑Bronn et Corinne Féret, avancent pour leur part un chiffre « proche de 30 millions d’euros par an au total » ([5]).
● Les sénateurs ont adopté l’article 3 sans modification.
*
* *
Suppression maintenue par la commission
L’article 4 de la proposition de loi gageait la charge résultant des dispositions des articles 1er à 3 pour l’État et les organismes de sécurité sociale par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs. Il a été supprimé lors de la première lecture au Sénat par un amendement présenté par le Gouvernement.
L’article 4 prévoyait une compensation des coûts engendrés par la présente proposition de loi au moyen de la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.
Ce gage a été levé au cours de l’examen en séance publique au Sénat, « au regard du soutien apporté par le Gouvernement à la proposition de loi » ([6]).
En commission des affaires sociales, les députés ont pris acte de la levée du gage.
*
* *
Lors de sa première réunion du mercredi 5 février 2025, la commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves (n° 456) (Mme Josiane Corneloup, rapporteure) ([7]).
Mme Josiane Corneloup, rapporteure. Cette proposition de loi adoptée par le Sénat, que nous aurions dû examiner au début du mois de décembre si la censure n’était venue ajourner nos travaux, est porteuse de progrès réels pour un nombre non négligeable de malades. Permettez-moi d’avoir une pensée pour notre collègue sénateur de la Drôme Gilbert Bouchet, qui a coécrit cette proposition de loi et qui souffre lui-même de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Beaucoup reste à faire pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Charcot et d’autres pathologies d’évolution rapide, qui causent des handicaps sévères et irréversibles.
La SLA est une pathologie neurodégénérative grave affectant le système nerveux central et périphérique. Elle se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire et affecte peu à peu la phonation, la déglutition et les muscles respiratoires. Toutefois, la chronologie et le rythme de progression de l’atteinte motrice sont spécifiques à chaque patient, ce qui empêche toute anticipation des besoins de compensation du handicap. En France, cette maladie, qui évolue très rapidement, touche près de 6 000 individus, dont l’espérance de vie après le diagnostic est en moyenne de deux ans.
Certains traitements expérimentaux suscitent d’immenses espoirs pour les patients et leurs proches. Un essai clinique vient ainsi d’être lancé aux Hospices civils de Lyon par la société Axoltis Pharma. Il appartient à la puissance publique non seulement d’accompagner cette dynamique, mais aussi d’apporter sans attendre des solutions concrètes aux difficultés de prise en charge qui persistent malgré l’investissement de tous les acteurs, notamment ceux de la filière nationale de santé maladies rares pour la SLA et les maladies du neurone moteur (FilSLAN) ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
La première difficulté concerne les délais d’instruction des demandes d’attribution des droits et prestations ainsi que des demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap, qui sont totalement inadaptés à la situation des malades. Les demandes sont déposées auprès des MDPH, notamment en vue de l’obtention de la prestation de compensation du handicap (PCH). Une équipe pluridisciplinaire est chargée d’évaluer les besoins et, le cas échéant, de transmettre le dossier à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), qui prend alors les décisions d’attribution et d’adaptation.
Si le code de l’action sociale et des familles prévoit que les CDAPH statuent sous quatre mois, les délais, variables d’un département à l’autre, s’établissent en réalité à six mois en moyenne – ils peuvent même atteindre neuf mois. Une procédure d’urgence existe bien, mais elle est inégalement appliquée et se limite à une case à cocher. Les dossiers restent traités au fil de l’eau, ce qui ne permet pas une réponse rapide et adéquate.
Pour les personnes atteintes des pathologies qui nous occupent aujourd’hui, de tels délais sont dramatiques. Plus de la moitié des malades atteints de SLA décèdent dans les deux années qui suivent le diagnostic. Leur imposer une attente de neuf mois revient à les priver d’un équipement et d’un accompagnement adéquats pendant près de la moitié de leurs derniers moments de vie. Il n’est ainsi pas rare que la réponse soit déjà obsolète au moment où elle leur parvient ou, pire, que les patients décèdent avant même de l’avoir reçue.
La seconde difficulté tient à la prise en charge des dépenses liées à l’accompagnement humain et technique des patients. Les personnes handicapées ne sont plus éligibles à la PCH après 60 ans, sauf si la pathologie s’est déclarée avant cet âge ou si la personne exerce toujours une activité professionnelle. Cette barrière semble tout à fait inadaptée dans le cas de la maladie de Charcot et d’autres pathologies similaires. D’après les personnes auditionnées, près de quatre malades sur cinq sont diagnostiqués après 60 ans. En lieu et place de la PCH, à laquelle ils ne sont pas éligibles, ils perçoivent l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui n’est pas adaptée à leur pathologie – son montant étant défini en fonction du groupe iso-ressources du patient, les personnes atteintes de SLA, qui ne subissent que très rarement des pertes de fonctions cognitives, ne peuvent prétendre qu’à une faible allocation.
L’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (Arsla) estime ainsi le reste à charge d’un bénéficiaire de l’APA à 16 000 euros, contre 8 000 euros pour une personne percevant la PCH. Une trentaine d’aides techniques étant nécessaires au malade à compter du diagnostic, un tel écart a des conséquences directes sur les conditions de vie des patients et leurs choix thérapeutiques. Il est urgent de supprimer cette iniquité.
Face à ces constats, nous devons agir. Cette proposition de loi le permet.
L’article 1er prévoit une procédure dérogatoire pour les demandes d’attribution des droits et prestations ainsi que pour les demandes d’adaptation du plan personnalisé de compensation du handicap devant les MDPH, plus adaptée à la temporalité des maladies concernées. Les demandes liées à ces pathologies seraient identifiées dès le stade du dépôt et les CDAPH seraient tenues de rendre une décision au cours de leur première réunion suivant la réception de la demande.
L’article 2 tend à créer une nouvelle dérogation à la barrière d’âge de 60 ans, qui conditionne actuellement l’éligibilité à la PCH pour les personnes atteintes d’une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles. Les patients pourraient ainsi bénéficier du régime de compensation de la PCH, plus favorable que celui de l’APA, ce qui diminuerait leur reste à charge et leur garantirait surtout un accompagnement permanent.
Enfin, l’article 3 prévoit que les dépenses supplémentaires créées par l’article 2 soient prises en charge par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Au vu des dépenses sociales très élevées dont s’acquittent déjà les départements, cela semble juste.
Certains d’entre vous s’interrogent sur divers aspects de ce texte, qu’ils jugent perfectible. Je partage en partie ces constats. Néanmoins, cette proposition de loi, que le Sénat a déjà sensiblement améliorée en complétant l’article 1er et en définissant plus précisément les pathologies concernées, est une occasion que nous pouvons saisir dès maintenant, comme nous le demandent la majorité des acteurs sanitaires et associatifs auditionnés. Je fais mienne leur volonté, car il y a urgence. Si la navette parlementaire devait se poursuivre, nul ne sait quand – ni même si – le texte nous reviendrait. Nos collègues sénateurs ont montré la voie le 15 octobre dernier en l’adoptant à l’unanimité. Récemment, notre assemblée a elle aussi su trouver de larges consensus, notamment s’agissant de textes dont notre commission était saisie. J’ai confiance en notre capacité à faire de même pour ce texte, dont je défendrai l’adoption en des termes identiques à ceux retenus par le Sénat, car c’est ainsi que nous pourrons améliorer la vie des malades et de leurs proches.
Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les patients atteints de la maladie de Charcot doivent être pris en charge le plus rapidement possible une fois le diagnostic posé. Ce texte est un premier pas dans cette direction. Il est d’autant plus nécessaire que, dans un contexte de désertification médicale, les familles sont très isolées pour faire face à une maladie qu’elles ne connaissent pas. Nous déplorons une réelle carence en matière de soins et de services à domicile.
Les malades espèrent vivre au mieux jusqu’au bout, être bien accompagnés tout au long de leur pathologie et voir leur dignité reconnue. Seuls 35 % des patients atteints de SLA sont pris en charge dans des unités de soins palliatifs. Il faut une véritable politique de développement de ces soins, afin que tous les malades qui en ont besoin puissent en bénéficier.
Alors que notre société devrait répondre au mieux aux besoins de ces patients, les procédures de prise en charge sont complètement décalées par rapport à ces derniers. Les malades atteints de SLA, en particulier, n’ont pas accès aux équipements adéquats dans les temps et sont parfois contraints de les acheter eux-mêmes, sans aucune aide. La création d’une procédure d’examen prioritaire de leurs dossiers serait une bonne chose, mais je demande instamment au Gouvernement de dégager les moyens nécessaires pour réduire les délais d’instruction de toutes les demandes par les MDPH, lesquelles infligent des délais d’attente beaucoup trop long aux personnes handicapées.
Nous voterons bien évidemment en faveur de ce texte.
Mme Sophie Panonacle (EPR). Merci, madame la rapporteure, pour votre parfaite analyse. Il y a encore quelques mois, je n’avais qu’une connaissance très limitée de la maladie de Charcot. J’ai depuis rencontré Lorène Vivier, 36 ans, frappée par cette maladie et dont l’histoire m’a profondément émue. Le temps que lui laisse cette « nouvelle aventure », pour reprendre ses termes, elle entend en profiter pleinement et cela lui donne une force inépuisable pour soutenir chaque jour la recherche.
J’ai pris contact avec l’Arsla pour mettre mon mandat de députée au service de cette cause. En l’absence de traitement, les malades ne peuvent compter que sur des dispositifs techniques et humains pour améliorer leur confort de vie. L’examen de leur dossier par les MDPH n’étant pas prioritaire et les délais d’instruction étant beaucoup trop longs, les matériels, prescrits tardivement, se révèlent souvent inutiles. Autre problème : après 60 ans, le malade ne peut pas bénéficier de la PCH.
Cette proposition de loi est le fruit d’un travail conjoint des parlementaires et de l’Arsla. Elle a été déposée, avec le soutien du Gouvernement, par les sénateurs Philippe Mouiller et Gilbert Bouchet, lui-même touché par la maladie. Adoptée le 15 octobre, elle nous est soumise dans l’espoir d’une adoption en des termes conformes à ceux retenus par le Sénat. L’urgence nous impose un vote en ce sens. Nous devons dépasser nos sensibilités respectives pour servir la cause de tous les malades et de leurs proches. Vous pouvez compter sur le groupe EPR, qui associera ses voix aux vôtres, pour porter les couleurs de l’espoir et de la solidarité.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Je dédie cette intervention à Charly, militant de ma circonscription atteint par la maladie de Charcot et engagé dans la lutte pour une plus grande reconnaissance et une meilleure prise en charge de cette pathologie. Chaque année, environ 1 000 nouveaux cas de SLA, touchant principalement des personnes âgées de 50 à 70 ans, sont diagnostiqués en France. Environ 8 000 personnes vivent avec cette maladie incurable.
Le sénateur Bouchet, lui-même touché par cette pathologie, a souligné les difficultés rencontrées par les malades, notamment le coût exorbitant du matériel médical – un fauteuil électrique coûte 35 000 euros –, ou encore les délais interminables pour obtenir une aide de la MDPH. Trop souvent, la décision de l’équipe pluridisciplinaire intervient alors que l’état des patients a déjà évolué, rendant le matériel prescrit obsolète avant même d’avoir été utilisé.
La proposition de loi vise à accélérer le versement de la PCH en instaurant une procédure dérogatoire. Or les délais inégaux de traitement des dossiers sont avant tout la conséquence de la faiblesse des moyens humains et financiers accordés aux MDPH par les gouvernements successifs. Une procédure accélérée constituerait certes une avancée pour les patients atteints de SLA, mais elle risquerait, à budget constant, de s’appliquer au détriment des autres demandeurs. C’est l’ensemble du dispositif d’accompagnement des personnes en situation de handicap qu’il faut renforcer et harmoniser.
Le texte prévoit aussi de déroger au critère d’âge à satisfaire pour percevoir la PCH. Mon groupe plaide pour sa suppression totale.
Nous voterons en faveur de cette proposition de loi. Nous aurions toutefois préféré y inscrire le principe selon lequel le silence de la MDPH vaut accord, afin de contraindre l’État et les départements à investir davantage dans le traitement des demandes, au bénéfice de tous, plutôt que de créer un coupe-file favorisant certains malades au détriment des autres.
Nos débats résonnent avec l’actualité : la semaine dernière, Charles Biétry, ancien journaliste sportif, a livré un témoignage bouleversant sur son combat contre la SLA, appelant les parlementaires à consacrer le droit à mourir dans la dignité. Que le Gouvernement entende ces cris du cœur et du corps, qu’il prenne la mesure de ces drames humains, et qu’il agisse ! C’est notre devoir d’humanité.
M. Arnaud Simion (SOC). La maladie de Charcot est considérée comme une des maladies rares les plus fréquentes – quatre à cinq nouveaux cas sont diagnostiqués chaque jour. La proposition de loi vise à améliorer sa prise en charge en accélérant le traitement des dossiers, en permettant aux malades de bénéficier de la PCH à tout âge et en prévoyant un concours de la CNSA aux départements afin de compenser le surcroît de dépense occasionné. Mon groupe ne peut que soutenir de telles évolutions consensuelles et transpartisanes.
Il convient néanmoins de s’interroger plus globalement sur les raisons de l’engorgement des dossiers déposés devant les MDPH. Je vous invite, à ce sujet, à lire le rapport « Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers », publié par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) en juin dernier. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, dans le cadre des travaux qu’il conduit à l’occasion des vingt ans de la loi du 11 février 2005, a d’ailleurs insisté sur la nécessité de réconcilier les Français avec les MDPH.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Les mesures prévues dans la présente proposition de loi sont essentielles pour adapter la prise en charge aux spécificités de la SLA et donner aux patients une chance de vivre dignement le temps de leur combat. Elles permettront de répondre aux attentes des personnes atteintes et de leurs familles. Le groupe Droite Républicaine les soutient pleinement. Le texte qui nous est présenté est équilibré et ne fait pas peser la charge financière du dispositif sur les départements. Nous défendons donc un vote conforme à la version du Sénat, dans l’espoir d’une entrée en vigueur la plus rapide possible. Nous le devons à toutes celles et tous ceux qui sont frappés par cette terrible maladie.
Mme Marie Pochon (EcoS). C’est avec émotion que je salue notre collègue parlementaire Gilbert Bouchet, qui mène un combat terrible contre la maladie et qui, malgré ce qu’il endure, a décidé de se battre pour tous les autres en déposant cette proposition de loi. Je lui renouvelle, au nom du groupe Écologiste, en tant que collègue drômoise et en notre nom à tous, l’expression de notre soutien.
Combattre pour tous les autres, c’est désormais à nous qu’il revient de le faire. Ce texte est porteur d’espoir pour les malades et leurs familles, car il permettra de réduire les délais de prise en charge, de renforcer le suivi par les MDPH et de supprimer la barrière d’âge actuellement en vigueur pour accéder à la PCH.
Mon groupe votera bien évidemment cette proposition de loi. Elle n’est toutefois que la première étape d’un projet global en vue de mieux aider les personnes atteintes de maladies évolutives graves et ceux qui les accompagnent, aidants comme soignants. Il nous faudra renforcer le soutien public à la recherche et à l’innovation, aux associations et aux aidants. Il nous faudra réduire les délais de traitement, faciliter l’accompagnement des personnes en situation de handicap, garantir l’accès aux soins, notamment dans les zones rurales, et assurer la disponibilité des médicaments. C’est seulement alors que nous aurons été à la hauteur de ce combat.
M. Olivier Falorni (Dem). Je tiens moi aussi à saluer le courage et la détermination de notre collègue sénateur Gilbert Bouchet, qui a fait adopter à l’unanimité une proposition de loi permettant de mettre en lumière une maladie incurable, décrite par l’Organisation mondiale de la santé comme une des plus cruelles qui soient. Face à la réalité de cette maladie, notre système de santé doit s’adapter. C’est l’objet de ce texte et de ses deux mesures-clefs, déjà décrites par mes collègues. Il obéit à une exigence de dignité et de solidarité. C’est pourquoi nous y sommes favorables.
Il nous faut plus que jamais lutter contre les inégalités. Cette proposition de loi, si elle tend à corriger une situation injuste, ne règle pas le problème plus large de la distinction opérée entre les personnes handicapées selon leur âge. Il est temps d’appliquer pleinement l’article 13 de la loi du 11 février 2005, qui prévoit d’y mettre fin. Nous devons aussi aller plus loin en œuvrant à la création d’une prestation unique d’autonomie, applicable aussi bien aux personnes en situation de handicap qu’aux personnes âgées.
Notre groupe votera cette proposition de loi, qui constitue un progrès indéniable, dans les termes retenus par le Sénat.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Nous voterons bien entendu cette proposition de loi, car il est de notre devoir d’apporter une réponse concrète et rapide aux personnes atteintes de la maladie de Charcot, tout en veillant à maintenir un cadre équitable pour toutes les personnes en situation de handicap ou souffrant d’autres pathologies. Il conviendra sans doute de réfléchir à une réforme plus globale de l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie, afin de préserver la cohérence de notre système de protection sociale.
M. Stéphane Viry (LIOT). Mon groupe soutiendra avec conviction cette proposition de loi. Chaque jour compte dans le combat, à la fois psychique et physique, contre cette maladie brutale mais aussi contre le sentiment d’abandon face aux limites de notre système de santé, à la bureaucratie, aux lourdeurs administratives.
Il faut en effet clarifier nos procédures afin d’accélérer le traitement des dossiers.
Nous voterons cette proposition de loi conforme par souci d’efficacité, mais il est nécessaire d’aller plus loin. Il doit être possible de demander la PCH lorsque la maladie se déclare après 60 ans : 80 % des patients sont diagnostiqués après cet âge et sont aujourd’hui renvoyés vers l’APA. Il faut aussi soutenir la recherche, renforcer le dépistage, notamment néonatal, et autoriser des traitements innovants – trop de freins nous interdisent de tester des solutions nouvelles comme le font d’autres pays.
M. Yannick Monnet (GDR). Le groupe des élus communistes et des territoires dits d’outre-mer votera cette proposition de loi utile et attendue des malades comme de leur entourage.
Dans une tribune parue dans Le Monde en juin 2023, Valérie Goutines Caramel, présidente de l’Arsla, souligne que le temps de l’administration n’est pas compatible avec celui des malades : le temps de traitement des dossiers est en moyenne de six mois. La procédure dérogatoire prévue par ce texte est donc un progrès, comme l’exception prévue afin que les malades puissent bénéficier de la PCH après 60 ans.
Nous espérons qu’il sera possible d’aller plus loin en supprimant pour tous cette condition d’âge. C’est ce que prévoit l’article 13 de la loi du 11 février 2005, ni plus ni moins.
Il est aussi urgent de diminuer le reste à charge des patients – élevé même pour les malades qui reçoivent la PCH –, de renforcer le financement de la recherche, mais aussi des MDPH, et de mieux accompagner les aidants.
Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux interventions des autres députés.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Cette proposition de loi va dans le bon sens. Ses bonnes intentions devront être concrétisées : quelles seront les conséquences de cette procédure dérogatoire pour les MDPH, notamment celles éloignées des centres de référence, alors le protocole de diagnostic relatif à la sclérose latérale amyotrophique recommande des bilans réguliers adaptatifs ?
Mme Justine Gruet (DR). J’ai une pensée pour notre collègue Gilbert Bouchet et pour toutes les personnes touchées par cette maladie.
L’accompagnement pluridisciplinaire doit permettre la mise en réseau rapide de l’ensemble des personnes qui peuvent accompagner les malades et les aidants. Cette facilitation des procédures devrait valoir pour tous. Certes, cette maladie évolue très vite ; mais, de manière générale, le poids de la lutte contre la maladie ne doit pas être encore aggravé par des freins administratifs.
Je souligne aussi l’importance d’un accompagnement en soins palliatifs qui concerne aussi les aidants.
La mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005 commencera bientôt ses travaux. Le rôle premier des MDPH est de facilitation ; leur analyse des dossiers doit inspirer la confiance.
Je salue le consensus qui se dessine au sujet de ce texte : dans l’intérêt des patients, nous devons agir vite.
M. Jean-François Rousset (EPR). Le groupe d’études sur la maladie d’Alzheimer et les autres maladies dégénératives, dont je suis coprésident, commence ses travaux. Sur ces sujets méconnus, nous entendons être très actifs et nous pencher sur les avancées des traitements mais aussi sur les conditions de vie des aidants et sur la fin de vie des patients. Je vous invite tous à nous rejoindre.
Mme la rapporteure. Les MDPH effectuent un travail remarquable, mais le nombre de dossiers qu’elles reçoivent s’est considérablement accru. Or ils sont traités à mesure de leur arrivée. Il est indispensable d’identifier ceux qui sont urgents, notamment ceux concernant des malades de la SLA. Loin de nous l’idée d’un traitement à deux vitesses : cette priorité ne doit pas nuire au traitement des autres dossiers. On pourrait imaginer, par exemple, des formulaires de couleurs différentes.
Les centres de référence, très actifs, et procèdent à de nouvelles évaluations tous les trois mois. Le problème concerne vraiment le traitement administratif par la MDPH. J’ai bon espoir que nous réussissions à diminuer les délais. Grâce à la feuille de route MDPH 2022, la CNSA a fourni des efforts en matière d’harmonisation des pratiques et de protocoles de traitement des dossiers ; elle a créé des formations transversales et spécifiques. Certaines reconductions sont maintenant accordées de façon systématique ; ce sont autant de dossiers en moins.
S’agissant de l’article 13 de la loi du 11 février 2005, qui prévoyait notamment la disparition sous cinq ans des critères d’âge en matière de compensation du handicap, je vous rejoins, monsieur Falorni, pour regretter qu’il ne soit pas appliqué. C’est un dossier que nous devrons rouvrir.
En ce qui concerne la prévention, certaines SLA sont d’origine génétique, d’autres pas du tout. C’est donc une maladie difficile à prévenir dans l’état actuel de nos connaissances.
Nous saurons bientôt si les essais cliniques en cours aux Hospices civils de Lyon sont porteurs d’espoir.
Nous devons aller plus loin pour soutenir les aidants, qui sont souvent très fatigués, car les malades ont besoin d’un accompagnement permanent. Il faut réfléchir à leur formation. Nous souffrons aussi d’une pénurie de soignants, notamment de kinésithérapeutes.
Article 1er : Création d’une procédure dérogatoire devant la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées en cas de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles
Amendement AS1 de Mme Joëlle Mélin
Mme Joëlle Mélin (RN). Il y a un problème à la porte des MDPH : le rapport de 2018 sur le sujet, celui de l’Igas comme les sites des MDPH elles-mêmes en témoignent. Il faut trouver une solution pour identifier les dossiers prioritaires, ainsi que pour traiter les très nombreux recours.
Je suggère donc que le texte prévoie la possibilité d’imposer un protocole spécifique pour que les dossiers concernés soient repérés au plus tôt.
Mme la rapporteure. Je comprends votre demande d’une procédure à l’échelle nationale, mais il me semble préférable d’attendre l’application de la loi que nous allons voter pour déterminer si c’est utile. Il me paraît aussi important de voter cette proposition de loi conforme.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS6 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Tous nos territoires ne sont pas couverts par un centre de référence pour les maladies rares. Pour les patients qui en sont éloignés, l’avis du médecin traitant ou du médecin spécialiste qui les traite doit suffire.
En réalité, nous allons demander un effort supplémentaire aux MDPH tout en leur allouant les mêmes moyens, c’est-à-dire rien : toujours plus de bureaucratie, alors qu’il est urgent de diminuer les délais pour tous. Dans l’Eure, il faut aujourd’hui attendre un an pour qu’un dossier soit traité.
Mme la rapporteure. Votre amendement est satisfait. L’équipe pluridisciplinaire du centre de référence pose le diagnostic, mais un avis détaillé du médecin traitant figure dans le dossier MDPH.
Avis défavorable.
M. le rapporteur général. Vous parlez de simplification, mais votre amendement ne va pas dans ce sens, puisqu’il ajoute des avis supplémentaires. Et les centres de référence ne sont pas le problème : ils rendent leur avis en temps et en heure.
Mme la rapporteure. Au quotidien, c’est bien le médecin traitant qui suit le patient, et il est en lien avec le centre de référence pour les évaluations périodiques.
Mme Christine Loir (RN). L’article 1er n’est pas clair sur ces points.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 1ernon modifié.
Après l’article 1er
Amendement AS3 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement tend à demander un rapport sur les capacités de prise en charge de nouveaux patients. Il y a, cela a été dit, un problème de maillage territorial : un tiers des patientes et des patients n’ont pas de centre de référence proche de chez eux. Il faut donc en développer de nouveaux. Cela correspond aux conclusions du rapport de l’Igas, qui constatait une massification des demandes et une difficulté d’évaluation des besoins individuels.
Mme la rapporteure. Il existe un grand nombre de centres de référence ; ils sont tout à fait réactifs et la nécessité de les multiplier n’est pas apparue au cours des auditions.
En outre, il me paraît important de voter ce texte conforme.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). C’est pourtant un élément important du rapport de l’Igas. Je suis étonné qu’il ne vous ait pas été signalé.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 : Extension après l’âge de 60 ans de la prestation de compensation du handicap aux personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles
La commission adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 : Concours financier de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Article 4 (supprimé) : Gage
La commission maintient la suppression de l’article 4.
Après l’article 4
Amendement AS5 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les délais réels de traitement des dossiers par les MDPH sont de six à neuf mois. Nous demandons un rapport pour comprendre les causes de ce phénomène et trouver des solutions.
Mme la rapporteure. Des avancées ont été réalisées. Nous disposons par ailleurs du rapport solide et récent de l’Igas, qui formule un grand nombre de recommandations.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.
Mme la rapporteure. Merci de cette unanimité. Cette proposition de loi sera une avancée pour les patients.
*
* *
En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/m5cw2q
–Texte comparatif : https://assnat.fr/IhNVc6
ANNEXE N°1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR La RAPPORTEURe
(par ordre chronologique)
Table ronde avec les associations :
– Association Une vie, un combat contre la SLA – Mme Fabienne Demeure, présidente
– Association pour la recherche sur la SLA – Mme Sabine Turgeman, directrice générale, et Mme Bettina Ramelet, directrice générale adjointe
Table ronde avec les acteurs institutionnels :
– Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Arnaud Flanquart, sous-directeur du service des personnes handicapées et des personnes âgées
– Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – Mme Bénédicte Autier, directrice à la direction de l’accès aux droits et des parcours, et M. Étienne Deguelle, directeur adjoint de la direction de l’accès aux droits et des parcours
Audition :
– Pr Philippe Couratier, neurologue au CHU de Limoges, animateur national de la filière FilSLAN
La rapporteure a par ailleurs reçu une contribution écrite de Départements de France, de l’Association des directeurs de maison départementale pour les personnes handicapées (ADMDPH) et de l’Alliance maladies rares.
Annexe N° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen DE LA PROPOSITION DE LOI
Projet de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
Article |
Codes et lois |
Numéro d’article |
1er |
Code de l’action sociale |
L. 146‑7‑1 [nouveau] et L. 146-8 |
2 |
Code de l’action sociale |
L. 245-1 |
3 |
Code de la sécurité sociale |
L. 223-8 |
([1]) Contribution écrite de la direction générale de la cohésion sociale transmise le 13 décembre 2024.
([2]) Ibid.
([3]) Décret n° 2006-1311 du 25 octobre 2006 modifiant diverses dispositions relatives à la prestation de compensation.
([4]) Contribution écrite de l’association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique transmise le 3 janvier 2025.
([5]) Rapport n° 669 (2023-2024) de Mmes Laurence Muller‑Bronn et Corinne Féret sur la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves, 5 juin 2024.
([6]) Amendement n° 4 du Gouvernement sur la proposition de loi, séance du 15 octobre 2024.