N° 929
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 février 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, modifiée par le Sénat, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (n° 161).
PAR M. Nicolas THIERRY
Député
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1re lecture : 2229, 2408 et T.A. 276 (16e législature).
2e lecture : 161, 929.
Sénat : 514, 619, 620 et T.A. 140 (2023‑2024).
SOMMAIRE
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Pages
COMMENTAIREs DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI
Article 1er Interdiction des substances per- et polyfluoroalkylées
Article 1er bis Trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux contenant des PFAS
Article 2 Introduction d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau
Article 2 bis Mission des agences régionales de santé
Ces dernières années ont été marquées en France par un renouveau de l’attention portée à un certain type de pollution générée par des substances chimiques appelées substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) ou polluants éternels et par des alertes allant croissant sur les dangers que constituent ces molécules, tant en France que dans d’autres pays de l’Union européenne.
Ainsi, un ensemble de journaux européens regroupés dans le « Forever pollution project » a mené une enquête sur la contamination de l’eau, des sols et des organismes vivants par ces substances dans vingt-trois pays européens. Cette enquête a permis de démontrer que de nombreux sites présentaient des concentrations élevées de certaines de ces substances. Les journalistes auteurs de l’enquête estiment que des milliers de sites présentent des concentrations plus élevées de PFAS que les concentrations considérées comme sans danger pour la santé humaine. L’enquête initiale a trouvé de nombreux prolongements et les études se multiplient sur la contamination des milieux par ces substances et en particulier la contamination de l’eau.
Ces substances chimiques sont le produit de la créativité de quelques industriels du XXe siècle. Elles résultent d’une invention qui, à l’échelle de l’humanité, est extrêmement récente, puisque jusque dans les années 1950, nous vivions dans un monde qui ignorait simplement la possibilité de synthétiser des PFAS. Il existe aujourd’hui autour de 12 000 composés de cette famille de polluants éternels. Leur point commun est leur composition : une chaîne d’atomes de carbone et de fluor qui leur confère de nombreuses propriétés recherchées dans l’industrie. Les PFAS sont stables sous de fortes chaleurs, imperméables, repoussent les graisses et ont des propriétés antitaches ou antiadhésives. Elles connaissent des centaines d’applications différentes.
Le revers de ces qualités est d’importance. En effet, ces substances ne se dégradent pas ou très peu dans l’environnement. Elles s’infiltrent dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques, aussi bien humains que dans ceux de la faune et la flore. Dit autrement, les PFAS sont à l’origine d’une pollution systémique et, dans certains cas, éternelle, en raison notamment de leur extrême persistance.
Cette exposition subie, massive, apparaît de plus en plus grave car les scientifiques considèrent que ces substances représentent un sérieux risque pour la santé et que celles-ci ne cessent de s’accumuler. On dispose en effet déjà d’études qui caractérisent le risque sanitaire lié à une exposition à ces substances. Le problème sanitaire auquel les citoyens sont confrontés apparaît donc d’une gravité et d’une portée inédites.
Le texte soumis à votre examen aujourd’hui est le texte issu des travaux du Sénat. La proposition de loi initiale que j’avais rapportée devant vous en avril dernier a subi plusieurs modifications. Son ambition de départ a été amoindrie mais elle constitue une avancée très importante par rapport à l’état du droit actuel et ce sur plusieurs points. Notre initiative s’inscrit toujours dans une démarche qui vise à considérer l’ensemble des substances per- et polyfluoroalkylées pour en interdire à terme l’usage, et non ces mêmes substances une à une.
La nouvelle rédaction de l’article 1er introduit l’interdiction de produire et de commercialiser plusieurs types de produits contenant des PFAS à partir du 1er janvier 2026, à savoir les produits cosmétiques, les produits servant à farter les skis, les vêtements, chaussures et agents imperméabilisants des vêtements et chaussures dès lors que ces produits ne sont pas utilisés à des fins professionnelles pour garantir la protection et la sécurité des personnes, notamment dans les secteurs de la sécurité civile et de la défense nationale.
L’interdiction s’étendra en 2030 à l’ensemble des produits textiles, à l’exception des produits dont l’utilisation apparaît essentielle pour l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas d’alternative et de certains textiles techniques à usage industriel.
La deuxième mesure figurant à l’article 1er concerne le contrôle de l’eau potable. Il est proposé d’inclure les PFAS dans le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable dès la promulgation de cette loi. Cette disposition va au-devant de la réglementation actuelle et de celle prévue par la directive européenne sur l’eau destinée à la consommation humaine. Elle permet de ne pas attendre janvier 2026 et impose la recherche obligatoire de l’ensemble des PFAS pour lesquels il existe une possibilité de détection et de quantification.
L’article 2 de la proposition de loi est relatif à l’introduction d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau pour que les industriels à l’origine de la pollution contribuent financièrement à la dépollution, en vertu du principe pollueur-payeur. Il n’a pas subi de modification importante lors de son examen et de son vote au Sénat. Les recettes supplémentaires induites pour les agences de l’eau et indirectement pour les collectivités territoriales pourront en partie compenser le coût que va représenter la pollution aux PFAS dans nos territoires, pour nos collectivités. Dès l’entrée en vigueur du contrôle de la présence des PFAS dans l’eau, nombre de nos communes pourraient connaître des dépassements de la norme réglementaire. Les collectivités devront alors consentir à des investissements massifs pour traiter l’eau. La redevance est un premier levier pour anticiper ce mur d’investissement à venir.
L’examen au Sénat a confirmé deux autres dispositifs adoptés par l’Assemblée nationale. Notre pays devra se doter d’une trajectoire visant à la disparition progressive des PFAS dans les rejets aqueux des installations industrielles dans un délai de cinq ans suivant la promulgation de la loi. Les agences régionales de santé devront publier leur programme d’analyse des PFAS dans l’eau potable et les résultats obtenus. Enfin nos collègues sénateurs ont souhaité que s’ajoute aux plans d’action élaborés par le Gouvernement sur les PFAS un plan d’action relatif à la prise en charge financière des coûts qui s’annoncent colossaux de dépollution des eaux destinées à la consommation humaine.
La présente proposition de loi vise à limiter les risques pesant sur la santé et l’environnement liés à la présence et à l’exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées.
À cet effet, l’article 1er modifie le code de l’environnement en introduisant un chapitre nouveau relatif à la prévention des risques résultant de l’exposition aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. Les articles de ce chapitre visent à interdire la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de plusieurs types de produits, à savoir les produits cosmétiques, les produits de fart de ski et les produits textiles contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, au-delà d’une certaine concentration, d’ici à 2026 et 2030.
De plus, l’article 1er étend le champ du contrôle sanitaire de l’eau potable réalisé par les autorités compétentes à une liste de substances per- et polyfluoroalkylées déterminée par décret dès l’entrée en vigueur de la loi. Enfin, l’article 1er prévoit également l’établissement par le ministre chargé de la prévention des risques d’une carte répertoriant l’ensemble des sites ayant émis ou émettant des PFAS et si elles sont connues les quantités émises dans l’environnement.
L’article 1er bis introduit un nouvel article L. 523-6-1 au code de l’environnement. Cet article prescrit la détermination d’une trajectoire nationale de réduction progressive de la présence de PFAS dans les rejets aqueux des installations industrielles jusqu’à leur élimination totale dans les cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
L’article 1er ter invite le Gouvernement à élaborer un plan d’action gouvernemental pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales responsables de l’eau et de l’assainissement.
L’article 2 vise à compléter l’article L. 213‑10‑2 du code de l’environnement relatif à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique, afin d’ajouter aux sources de pollution générant le paiement d’une redevance le rejet de PFAS dans l’eau dû à l’activité même de la personne soumise à la redevance et ainsi appliquer le principe pollueur-payeur. Le tarif de la redevance est fixé à 100 euros pour cent grammes.
L’article 2 bis fait obligation aux agences régionales de santé de rendre public leurs programmes d’analyse de la présence de substances per- et polyfluoroalkylées dans l’eau destinée à la consommation humaine et de publier les résultats de ces analyses. À partir de ces résultats, le ministre chargé de la santé publique devra publier chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet.
COMMENTAIREs DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI
Adopté sans modification
L’article 1er modifie le code de l’environnement en introduisant un chapitre nouveau relatif à la prévention des risques résultant de l’exposition aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. Les articles de ce chapitre visent à interdire la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de plusieurs types de produits, à savoir les produits cosmétiques, les produits de fart et les produits textiles contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, au-delà d’une certaine concentration, d’ici à 2026 et 2030.
L’article 1er étend le champ du contrôle sanitaire de l’eau potable réalisé par les autorités compétentes à une liste de substances per- et polyfluoroalkylées déterminée par décret dès l’entrée en vigueur de la loi. Enfin, l’article 1er prévoit également l’établissement par le ministre chargé de la prévention des risques d’une carte répertoriant l’ensemble des sites ayant émis ou émettant des PFAS et si elles sont connues les quantités émises dans l’environnement.
Les PFAS – pour « per- and polyfluoroalkyl substances » – désignent un ensemble de familles de substances chimiques qui regroupent chacune plusieurs combinaisons d’atomes que l’on ne trouve pas à l’état naturel. Autrefois appelées composés perfluorés, les substances perfluoroalkylées sont caractérisées par une chaîne dite alkyle fluorée, c’est-à-dire une chaîne d’atomes de carbone et de fluor. Les substances polyfluoroalkylées sont des substances qui, en sus des atomes de fluor, contiennent des atomes d’hydrogène.
L’OCDE et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) ont donné en 2021 une définition des PFAS : un PFAS se définit comme une substance (polymère ou non-polymère) comportant au moins un groupe méthyle perfluoré (‑CF3) ou un groupe méthylène perfluoré (‑CF2‑), sans que soit lié un composé dit halogène.
Les chaînes d’atomes de carbone et de fluor présentent de nombreuses propriétés intéressantes pour divers types de matériaux. Cette combinaison confère aux PFAS des propriétés très recherchées, notamment un caractère à la fois hydrophobe et lipophobe et une grande résistance à la chaleur. Elle rend les matériaux déperlants, antiadhésifs ou imperméables, aux graisses notamment. Les poêles et casseroles traitées au téflon, polymère composé lui-même de PFAS, et rendues ainsi antiadhésives, constituent un exemple emblématique de l’usage de PFAS.
L’ensemble de ces substances se caractérise par la grande stabilité chimique et thermique de la chaîne carbonée. Cette stabilité ralentit la dégradation de ces substances dans l’environnement et facilite ainsi l’intégration des PFAS dans des milieux où ils ne devraient pas être présents : dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques aussi bien des êtres humains que de la faune et de la flore.
Plus les chaînes sont longues, plus la stabilité du composé est grande. On considère qu’un PFAS a une chaîne longue s’il a plus de six à huit atomes de carbone. Les PFAS à chaîne courte ont, quant à eux, la propriété d’être très mobiles et donc de contaminer plus facilement l’environnement. Cette stabilité chimique conduit donc les PFAS à persister dans l’environnement.
Les substances perfluoroalkylées se divisent en deux grandes familles de substances particulièrement connues et étudiées : les carboxylates d’alkyls perfluorés, dits PFCA (dont fait partie l’acide perfluoro‑octanoïque, aussi appelé PFOA) et les sulfonates d’alkyls perfluorés, dits PFSA (dont fait partie l’acide perfluoro-octanesulfonique, appelé PFOS). Les substances polyfluoralkylées peuvent, elles, en se dégradant, devenir des substances perfluoroalkylées ([1]).
Il existerait plus de 10 000 à 12 000 types de PFAS. De nombreux PFAS se dégradent en d’autres types de PFAS. Les substances polymériques peuvent être, elles, considérées comme des PFAS sans être la synthèse de molécules elles-mêmes considérées comme des PFAS.
Les États membres de l’Union européenne (UE) qui ont déposé en janvier 2023 auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) une proposition de restriction de l’usage des PFAS ont évalué, pour l’année 2020, la quantité globale de PFAS émise à raison de produits nouvellement commercialisés dans l’UE à 18 694 tonnes pour l’estimation basse et à 54 593 tonnes pour l’estimation haute, auxquelles s’ajoutent en stock 38 000 tonnes de gaz fluoré ([2]). Ce sont les secteurs du textile, de l’ameublement et du cuir qui apparaissent les plus émetteurs.
Depuis plusieurs décennies déjà, des PFAS ont été détectés dans divers milieux au niveau mondial et à des niveaux de concentration élevés. La perméabilité des milieux à ces substances chimiques est grande, dans la mesure où ces dernières migrent et peuvent avoir dans l’environnement ou chez l’homme une durée de vie longue avant de se dégrader entièrement ([3]).
La présence de PFAS est ainsi décelée dans tous les compartiments de l’environnement. Par effet de bioaccumulation et de bioamplification (c’est-à-dire de transfert le long de la chaîne trophique), ils ont été retrouvés dans divers tissus animaux et humains. En effet, la pollution des milieux augmente les risques pour la faune de se retrouver contaminée par exposition aux PFAS ou par leur ingestion et ainsi de constituer une source de dissémination de ces substances dans la chaîne trophique. Observés en particulier chez les poissons d’eau douce, les effets nocifs de l’ingestion de PFAS sont importants. Ils peuvent notamment perturber leur système reproductif, de même que leur système thyroïdien.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ou encore Santé publique France conduisent des études à la fois sur la présence de PFAS dans l’environnement et sur les effets potentiels sur la santé humaine de ces substances depuis de nombreuses années. Ces dernières montrent que les femmes enceintes exposées à de telles substances courent elles-mêmes des risques et font courir des risques au fœtus. Elles montrent aussi que le contact avec les PFAS peut affecter le système immunitaire, notamment le fonctionnement de la thyroïde, réduire les effets de certains vaccins ou encore causer des troubles hépatiques ([4]). Certaines substances per- et polyfluoroalkylées sont classées comme des substances cancérogènes ou suspectées de l’être. En décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’homme » (groupe 1) et le PFOS comme « cancérogène possible pour l’homme » (groupe 2B).
La contamination de l’environnement par l’acide trifluoroacétique (TFA)
Début 2024, une source importante de pollution à l’acide trifluoroacétique dans l’environnement immédiat d’une entreprise du groupe Solvay, dans le Gard a été mise à jour. Cette molécule a été détectée à des niveaux très élevés qui laissent penser que la population environnante y est exposée à des niveaux pouvant avoir des effets sur la santé humaine, du moins à des niveaux supérieurs aux valeurs de référence utilisées pour d’autres PFAS. L’entreprise va arrêter de fabriquer cette molécule d’ici à la fin de l’année 2025.
Ce cas a mis en lumière la pollution potentiellement généralisée de l’environnement à ce PFAS à chaîne très courte et très soluble dans l’eau, qui peut être synthétisé mais qui est aussi issu de la décomposition d’autres PFAS. Une catégorie d’herbicides en particulier libère du TFA en se dégradant, mais c’est aussi le cas de certains médicaments, de certains gaz fluorés réfrigérants, etc.
Une étude internationale conduite par un chercheur norvégien, publiée en novembre 2024 dans la revue Environnemental Science and Technlogy, s’est efforcée de compiler de nombreuses études disponibles sur la pollution de différents milieux au TFA ([5]). Il est apparu qu’aucun compartiment de l’environnement n’en était exempt, si ce n’est les fonds marins. Les auteurs de l’étude citent notamment une étude récente du Réseau d’action sur les pesticides (Pesticide Action Network Europe) présentant les résultats de l’analyse de 23 échantillons d’eaux de surface et 6 d’eaux souterraines. Tous les échantillons d’eau analysés contenaient des PFAS, mais surtout plus 98 % du total des PFAS détectés étaient du TFA. 79 % des échantillons présentaient des niveaux de TFA dépassant la limite proposée par la directive européenne sur l’eau potable de 500 ng/l (nanogrammes par litre) pour l’ensemble des PFAS détectés (voir ci-dessous). Ils rappellent également que le TFA lui-même est produit ou importé en quantité importante dans l’Union européenne chaque année (de 100 à 1 000 tonnes).
Un traité international réglemente l’utilisation de certaines de ces substances. Il s’agit de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP) signée en 2001, entrée en vigueur en 2004 et ratifiée par 186 États à ce jour. La convention a été complétée à plusieurs reprises.
Le règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE transpose dans le droit de l’Union les engagements pris dans le cadre de la Convention de Stockholm. Ce règlement interdit, sauf dérogations (annexe I), ou restreint sous conditions (annexe II) la production, la mise sur le marché et l’utilisation de substances qualifiées de polluants organiques persistants.
Depuis mai 2009, le PFOS et les sels qui en sont dérivés font partie des nouvelles substances ajoutées à la liste des substances couvertes par la Convention de Stockholm. Ils ont été inscrits à l’annexe B de la Convention qui liste les composés dont la production et l’utilisation doivent être restreintes au maximum ([6]).
En conséquence, le PFOS et ses dérivés ont été inclus dans l’annexe I du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifié précité ([7]). Leur production, leur mise sur le marché et leur utilisation soit en tant que telles, soit dans des préparations, soit sous forme de constituants d’articles sont interdites. Cependant, des dérogations existent lorsqu’il s’agit d’une substance présente non intentionnellement dans des substances, préparations ou constituants d’articles sous forme de contaminant à l’état de trace.
En 2020, le PFOA et ses dérivés ont été inscrits à l’annexe A de la Convention de Stockholm et en conséquence interdits. Ils ont donc été par la suite intégrés au règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants. Le PFOA et ses dérivés sont dorénavant inscrits à l’annexe I de ce règlement à la suite de l’adoption du règlement délégué (UE) 2020/784 de la Commission modifiant le règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 précité ([8]). L’interdiction est entrée en vigueur le 4 juillet 2020 et fait suite à la décision prise lors de la conférence des parties à la Convention de Stockholm en mai 2019. Y étaient néanmoins prévues des entrées en vigueur différées pour certains usages, notamment dans les mousses anti-incendie avec une suppression totale au 4 juillet 2025. Cette interdiction pourrait être reportée à la fin de l’année 2025 comme l’a proposé la Commission européenne.
Encore plus récemment, les États parties à la Convention de Stockholm ont réglementé l’usage d’une autre substance perfluoroalkylée, l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et les composés apparentés. L’usage de celui-ci est interdit sans dérogation depuis juin 2022 dans le cadre de la convention (inscription à l’annexe A). Cette interdiction a été intégrée définitivement au règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants par un règlement délégué adopté en mai 2023 ([9]).
Le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit « Reach », est l’acte de l’Union européenne le plus approfondi en ce qui concerne la connaissance et la déclaration des substances chimiques importées et utilisées dans l’UE. Ce règlement qui invite tout importateur et utilisateur de substances chimiques au-delà d’une tonne annuelle à démontrer son innocuité et à en documenter les usages ne traite que d’un très petit nombre de PFAS. Comme l’indique l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) sur son site consacré à la substitution de substances perfluorées, 260 substances chimiques sont actuellement considérées comme persistantes, mobiles et toxiques (PMT) ou comme très persistantes et très mobiles (vPvM) et enregistrées à ce titre en application du règlement Reach. S’il s’agit d’une catégorie propre, différente de celle des substances per- et polyfluoroalkylées, de nombreux PFAS sont considérés comme PMT ou vPvM ([10]).
La plupart des PFAS, qu’ils soient des monomères ou des polymères, n’ont donc pas fait l’objet d’un enregistrement et ainsi d’une évaluation des risques pour la santé et l’environnement. Néanmoins, le règlement Reach identifie dans son annexe XIV (relative aux autorisations) des substances dites « extrêmement préoccupantes » (en anglais « substances of very high concern »), au nombre de 240, listées sur le site internet de l’Echa en mars 2024.
Ces substances sont considérées comme extrêmement préoccupantes si elles ont une de ces caractéristiques CMR (cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction), PBT (persistantes dans l’environnement ou les organismes, bioaccumulables et toxiques) ou vPvB (très persistantes et très bioaccumulables). Les PFAS considérés comme extrêmement préoccupants le sont en général en raison de leur caractère PBT ou vPvB (caractères qui rejoignent les caractères PMT et vPvM). Les substances extrêmement préoccupantes ont vocation à être davantage contrôlées pour voir si elles doivent faire l’objet d’une autorisation explicite et non d’un simple enregistrement en raison de leur dangerosité pour l’homme et l’environnement, et à être remplacées à terme par d’autres substances moins nocives.
Par ailleurs, l’annexe XVII du règlement Reach (relative aux restrictions) réglemente de façon très restrictive la vente et l’utilisation du PFOS, depuis le 27 juin 2008. Seules certaines utilisations sont autorisées, par dérogation, pour la photographie, les fluides hydrauliques, l’aviation et le traitement de surface de métaux ([11]).
Le PFOA et ses sels sont également réglementés par cette annexe XVII depuis le 14 juin 2017, avec des restrictions différées à juillet 2022 et 2023 pour des utilisations dans les domaines du textile, de la santé, la sécurité, etc. et au 4 juillet 2032 pour les dispositifs médicaux ([12]). L’interdiction de la fabrication et de l’usage du PFOA est aujourd’hui plus large, en application du règlement de 2019 sur les polluants organiques persistants (POP), que celle résultant de la restriction prévue par le règlement Reach adoptée en 2017 (cf. supra).
Depuis le 23 février 2023, les acides perfluorocarboxyliques d’une longueur de chaîne comprise entre neuf et quatorze atomes de carbone (PFCA en C9‑C14), leurs sels et les substances apparentées aux PFCA en C9-C14 ne peuvent plus être fabriqués ou mis sur le marché en tant que substances. Ils ne peuvent plus, non plus, être utilisés ou mis sur le marché dans une autre substance, en tant que constituants, dans un mélange ou un article, sauf si la concentration dans la substance, le mélange ou l’article est inférieure à 25 parties par milliard (ppm) pour la somme des PFCA en C9-C14. Cette restriction compte quelques dérogations provisoires, notamment pour les mousses anti-incendie.
Depuis le 19 septembre 2024, l’usage de l’acide undecafluorohexanoïque (PFHxA) et de ses dérivés est restreint pour plusieurs types de produits à savoir les textiles, cuirs, fourrures, peaux et chaussures pour le grand public, les papiers et cartons en contact avec des denrées alimentaires, les cosmétiques et mélanges destinés au grand public ([13]). L’interdiction entrera en vigueur au plus tôt en octobre 2026.
Une proposition de restriction de la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation d’environ 10 000 substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) au titre du règlement Reach présentée par les autorités danoises, allemandes, néerlandaises, norvégiennes et suédoises a été enregistrée par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) en janvier 2023.
La restriction repose sur le principe d’une interdiction de l’ensemble des PFAS pour un certain nombre d’usages identifiés et pour lesquels il existe des alternatives ou pour lesquels des alternatives devront être recherchées à terme. Les auteurs de la proposition rappellent qu’il est plus coûteux d’éliminer ces composés de l’environnement que de trouver des substituts en amont, dans les processus de fabrication.
À la suite de l’enregistrement de la proposition, l’Echa a lancé une consultation publique de six mois sur la proposition de restriction. L’agence invitait les parties intéressées ou disposant d’informations sur les PFAS (notamment des informations relatives aux risques, aux aspects socio-économiques et aux substances alternatives) à envoyer des informations scientifiques et techniques sur la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation de ces substances per- et polyfluoroalkylées. À la clôture de la consultation, en septembre 2023, plusieurs milliers de contributions avaient été reçues.
Les comités scientifiques de l’Echa chargés de l’évaluation des risques (RAC) et de l’analyse socio-économique (Seac) ont commencé à étudier les résultats de la consultation pour évaluer la proposition de restriction et rendre leurs avis. Les deux comités n’ont pas encore rendu un avis définitif mais devraient le faire au cours de l’année 2025. Un dernier communiqué de l’agence datant de novembre 2024 réitère la volonté de ces derniers de poursuivre l’étude des contributions. De nouveaux usages qui ne faisaient pas partie de la liste initiale pour lesquels l’utilisation de PFAS pourrait être interdite pourraient être ajoutés.
Néanmoins, en parallèle, de nombreux acteurs craignent un fort recul par rapport à l’ambition de la proposition initiale. Le communiqué mentionne explicitement la possibilité d’introduire des alternatives à l’interdiction immédiate ou l’interdiction différée, passée une certaine date, notamment dans les cas où aucune alternative n’existe pour l’instant ou si les conséquences socio-économiques d’une interdiction paraissaient disproportionnées, les auteurs citant notamment le secteur des équipements médicaux mais aussi plus largement celui des batteries ou des semi-conducteurs. De fait, malgré l’adoption d’un règlement par les institutions de l’UE restreignant l’usage des PFAS, certaines de ces substances pourraient continuer à être légalement fabriquées et utilisées.
Lorsque le RAC et le Seac auront remis leur avis, la proposition de restriction sera soumise par la Commission européenne aux États membres et au Parlement européen. L’ensemble de la procédure pourrait aboutir au mieux d’ici à 2027-2028. De plus, le règlement qui déterminera finalement le champ des restrictions prévoira lui-même des délais de plusieurs années pour que certains secteurs s’adaptent avant une disparition complète des PFAS, reportant le plein effet de la proposition de restriction aux années 2030.
Dans ce cadre et en prévision de la discussion d’autres textes, la Commission européenne a publié en avril 2024 un document qui lui permet de définir le concept d’utilisation essentielle dans le domaine des PFAS et plus généralement des substances chimiques, dans la perspective de l’interdiction d’un certain nombre d’entre elles ([14]). Le document, intitulé « Critères et principes directeurs pour le concept d’utilisation essentielle dans la législation de l’Union traitant des substances chimiques », a pour objectif de fournir à toutes les institutions une définition commune de ce qu’est une utilisation essentielle qui justifierait que des dérogations à des interdictions soient prévues dans les actes législatifs de l’Union européenne. Considérer une utilisation comme essentielle consiste à considérer que bien que la substance chimique incriminée soit particulièrement nocive, aucune autre substance ne peut être utilisée par les fabricants qui permettrait au produit final d’avoir des propriétés équivalentes au produit contenant ladite substance et que le produit est indispensable au bon fonctionnement de la société.
Les utilisations dites essentielles pourraient se rencontrer dans le secteur de la santé et de la sécurité mais aussi dans d’autres domaines jugés essentiels pour garantir la transition écologique en Europe, ou encore pour atteindre des objectifs de sécurité énergétique ou de gestion des risques naturels ou des catastrophes naturelles.
Les mousses anti-incendie pourraient faire l’objet d’une réglementation spécifique dans le cadre du règlement Reach. Une proposition de restriction de l’usage des PFAS dans ces mousses est examinée indépendamment de l’initiative de certains États membres de restreindre l’usage de l’ensemble des PFAS toujours en cours d’examen (voir ci-dessus). L’Echa a ainsi proposé d’interdire tous les PFAS dans les mousses anti-incendie avec une période de transition. En juin 2023, les comités consultatifs de l’agence ont émis un avis favorable à l’interdiction des PFAS dans ces produits. Très récemment, en novembre 2024 la Commission européenne a donné suite à la proposition de l’Echa en rédigeant une proposition de restriction sous forme de proposition de règlement visant à modifier l’annexe XVII du règlement Reach. Cette proposition de règlement est en cours d’examen. Le règlement pourrait entrer en vigueur dans le courant de l’année 2025 ([15]).
L’interdiction de la présence de PFAS dans les mousses anti-incendie serait effective dès l’entrée en application du règlement. Néanmoins, des périodes de transition spécifiques sont proposées pour les différentes applications :
– 12 mois pour la mise sur le marché de mousses anti-incendie dans les extincteurs portatifs ;
– 18 mois pour la mise sur le marché de mousses anti-incendie résistantes à l’alcool dans les extincteurs portatifs ;
– 18 mois pour l’utilisation des mousses à des fins de formation et d’essai et pour les services municipaux de lutte contre l’incendie ;
– jusqu’au 31 décembre 2030 pour l’utilisation dans les extincteurs portatifs ;
– 10 ans pour son utilisation dans les établissements couverts par la directive 2012/18/UE (sites Seveso), pour les installations appartenant à l’industrie pétrolière et gazière offshore, les navires militaires et les navires civils déjà en service ;
– 5 ans pour toutes les autres utilisations notamment pour l’aviation civile, les nouveaux navires et la défense aérienne et terrestre.
Comme le signale le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans un rapport publié en 2020 sur les PFAS : « l’utilisation de mousses (aires d’entraînement anti-incendie et incendie) est la premières causes de présence de PFAS pour les sols, les eaux et autres milieux récepteurs » ([16]).
Après plusieurs années de discussion, l’Union européenne a adopté un règlement général sur les emballages, à savoir le règlement (UE) 2025/40 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2024 relatif aux emballages et aux déchets d’emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE. Comme en dispose l’article 5 du règlement : « À partir du 12 août 2026, les emballages destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires ne sont pas mis sur le marché s’ils contiennent une concentration de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) égale ou supérieure aux valeurs limites suivantes, dans la mesure où la mise sur le marché d’emballages contenant une telle concentration de PFAS n’est pas interdite en vertu d’un autre acte juridique de l’Union » ([17]) . Le texte détaille ensuite les concentrations à ne pas dépasser. Tous les emballages alimentaires sont concernés ainsi que tous les PFAS.
Une attention particulière est portée depuis longtemps à la présence de substances chimiques potentiellement nocives pour l’environnement et la santé, à la fois dans les masses d’eau et dans l’eau destinée à la consommation humaine.
La refonte en 2020 de la directive sur l’eau potable, dite « directive sur l’eau destinée à la consommation humaine » (EDCH), a conduit à renforcer l’attention à certains PFAS ([18]).Ainsi, les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau potable et les personnes chargées du contrôle sanitaire évalueront de manière synthétique la concentration des PFAS détectés dans leur ensemble. Elles rechercheront de manière systématique et mesureront la présence de vingt PFAS particuliers.
Les teneurs maximales à respecter à partir du 12 janvier 2026 pour les eaux potables sont ainsi fixées :
– pour le total des PFAS, à 0,50 μg/l (soit 500 nanogrammes) ;
– ou, pour la somme des vingt PFAS qualifiés de « substances préoccupantes listées à l’annexe III-B-3 » de la directive, à 0,10 μg/l (soit 100 nanogrammes) ([19]).
La transposition de la directive EDCH précitée a été réalisée en France par l’ordonnance n° 2022‑1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et par différents décrets et arrêtés. Ces textes introduisent dans le droit français des dispositions nouvelles importantes. Conformément à la directive EDCH, à partir du 12 janvier 2026, les autorités gestionnaires du service d’eau potable, appelées aussi personnes responsables de la production et de la distribution d’eau (PRPDE) et les agences régionales de santé devront rechercher les substances poly- et perfluoroalkylées listées, réaliser les contrôles et garantir le respect des valeurs limites ([20]). Le contrôle concerne l’eau potable au point de mise en distribution ou au robinet du consommateur et les ressources en eau prélevées dans des nappes d’eau souterraines ou dans des ressources superficielles (fleuve, rivière, lac, barrage) et qui sont utilisées pour la production d’eau potable. Pour respecter la date butoir du 12 janvier 2026 prévue à l’article 25 de la directive, la surveillance sera rendue obligatoire en France à partir du 1er janvier 2026.
Depuis le 1er janvier 2023, les vingt substances prévues par la réglementation européenne ont été introduites dans le droit par voie réglementaire comme pouvant être recherchées lors de campagnes de détection menées localement (voir l’arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique).
Une proposition de révision de la directive-cadre sur l’eau (DCE) ([21]), de la directive fille sur les eaux souterraines ([22]) et de la directive sur les normes de qualité environnementale (NQE) ([23]) a été adoptée par la Commission européenne le 26 octobre 2022. Cette proposition prévoyait d’inclure vingt-trois PFAS supplémentaires à la liste des substances dangereuses prioritaires à surveiller dans les eaux de surface et d’inclure un groupe de vingt-quatre PFAS pour les eaux souterraines (PFOS et les vingt-trois PFAS prévus pour eaux de surface) avec des limites de qualité réglementaire à ne pas dépasser (dites NQE en droit européen).
Le constat est fait, tant par la Commission européenne que par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, que la vigilance sur les eaux souterraines devrait être accrue, l’eau captée pour la production d’eau potable provenant majoritairement des masses d’eau souterraine. Cependant, le Conseil, qui a rendu ses conclusions en juin 2024 sur la proposition de la Commission européenne, propose de modifier les règles concernant la surveillance des eaux souterraines. Ainsi, la surveillance ne pourrait être rendue obligatoire que pour vingt PFAS (les 20 PFAS de la Directive dite EDCH). Le Conseil souligne en même temps que la directive EDCH pourrait elle-même être révisée rapidement pour une inclure une surveillance des PFAS dits à chaîne courte, notamment le TFA.
La révision de la DCE et des deux autres directives précitées qui inclurait la surveillance des PFAS est, à ce jour, toujours en cours de discussion entre le Parlement européen et le Conseil. Une norme de qualité environnementale qui correspond à la somme des vingt-quatre PFAS est proposée pour l’évaluation de l’état chimique des eaux de surface (4,4 ng/L). Elle est exprimée en équivalent PFOA (pondération des PFAS par rapport au PFOA). À titre de comparaison, l’Efsa indique que pour la somme des quatre PFAS considérés comme les plus préoccupants (à savoir le PFOA, le PFOS, le PFHxS et le PFNA), la concentration ne devrait pas dépasser quatre nanogrammes par litre. Pour les eaux souterraines, la norme de qualité environnementale serait celle de la directive relative à l’eau potable (soit 100 ng/l).
Pour répondre notamment à l’inquiétude née d’alertes lancées dès 2022 par différents médias sur des sources de contamination de l’environnement aux PFAS, le Gouvernement a présenté en janvier 2023 un premier plan d’action ministériel afin de mieux prendre en compte cette source de pollution et ses effets en matière de santé publique. Un deuxième plan d’action interministériel a été présenté en avril 2024 et comporte plusieurs axes de développement, dont le premier vise à mobiliser des moyens pour améliorer les connaissances scientifiques et les moyens d’analyse.
Ce plan d’action a également constitué la base du lancement d’une campagne de mesures de la présence de PFAS dans les rejets aqueux, dans l’environnement, des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation. Un arrêté pris en juin 2023 a déterminé les modalités de réalisation des tests par les exploitants des ICPE eux-mêmes pour qu’ils identifient et mesurent la présence des vingt PFAS listés dans la directive EDCH et en informent le ministère chargé de la prévention des risques ([24]). Chaque exploitant d’ICPE doit réaliser les mesures chaque mois sur une période déterminée de trois mois. Environ 5 000 ICPE sont concernées d’ici à 2025. Sur les mesures effectuées dans le premier tiers des ICPE concernées, la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) indiquait en avril 2024 au rapporteur que deux tiers des échantillons analysés contenaient des PFAS recherchés. En octobre 2024, moins de la moitié des industriels concernés par l’obligation de réaliser des tests avaient répondu, soit 2 365 installations pour lesquelles le résultat d’au moins une analyse de campagne a été déclaré, comme l’indique le magazine « Actu environnement » qui a interrogé la DGPR.
Une nouvelle campagne d’analyses sur un périmètre plus restreint a débuté en novembre 2024 pour que les exploitants d’ICPE de traitement et de valorisation de déchets mesurent la présence de quarante-neuf PFAS et de fluorure d’hydrogène dans leurs émissions atmosphériques sur une période s’étalant jusqu’en 2028 ([25]) .
Parallèlement, le cadre réglementaire du contrôle sanitaire de l’eau a été renforcé avec la transposition de la directive EDCH. Ainsi, l’arrêté du 30 décembre 2022 précité a rendu applicable à partir du 1er janvier 2023 la valeur limite de qualité de 0,1 μg/l, inscrite dans la directive EDCH, aux collectivités responsables et aux agences régionales de santé (ARS) qui détecteraient et quantifieraient la présence des vingt PFAS identifiés dans ladite directive. La valeur limite permet aux autorités locales de gérer les situations de présence de ces substances dans l’eau potable voir de dépassement des concentrations limites, dans l’éventualité où elles auraient anticipé le suivi de ces substances dans le contrôle sanitaire de l’eau potable compte tenu du contexte local (suspicion de contamination par exemple). Pour ces composés poly- et perfluoroalkylées, ces nouvelles limites de qualité françaises sont de 0,1 µg/l dans l’eau potable (au robinet) et de 2 µg/l dans les eaux brutes (à la source de captage, avant traitement) et s’appliquent pour la somme de vingt PFAS. Seule la première limite de qualité (sur l’eau du robinet) découle directement de la directive EDCH.
Aujourd’hui, dans au moins sept régions hexagonales, les ARS ont commencé à inclure dans leur contrôle de l’eau potable la détection de PFAS dans l’eau potable (en général des vingt PFAS listés par la directive européenne) en menant des campagnes ponctuelles et exploratoires en fonction de la présence déjà constatée de PFAS ou soupçonnée. C’est le cas dans la région Auvergne‑Rhône-Alpes où l’ARS a fait réaliser en 2022 près de 560 prélèvements et analyses dans près de quatre-vingt-huit points destinés à alimenter les réseaux d’eau potable, et a publié les résultats en mars 2024. Ce n’est néanmoins qu’à partir du 1er janvier 2026 que le contrôle de la présence de ces vingt substances et le calcul de leur niveau de concentration seront obligatoires (voir ci-dessus).
De plus, des travaux importants ont été engagés en amont et à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive sur l’eau potable par l’Union européenne et en France. Pour affiner la valeur limite de qualité établie pour l’instant à 0,1 μg/l, la directive EDCH laisse aux États membres la possibilité de déterminer eux-mêmes des valeurs réglementaires ou toxicologiques de référence, c’est-à-dire ayant une portée sanitaire. En France, l’Anses est chargée de déterminer des valeurs réglementaires ou toxicologiques de référence pour au moins les vingt PFAS listés, valeurs au-delà desquelles les concentrations mesurées dans l’eau potable présentent des risques pour la santé. Ce travail devrait être réalisé d’ici à 2025.
La Commission européenne, avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a publié en août 2024 les : « Lignes directrices techniques relatives aux méthodes d’analyse pour la surveillance des substances alkylées per- et polyfluorées (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine » pour encadrer dans l’ensemble de l’Union les techniques d’analyse des PFAS visés par la directive EDCH afin d’en garantir la fiabilité ([26]).
Conformément à l’article 13 de la directive EDCH et après avoir consulté les États membres, la Commission a établi dans ce document des lignes directrices techniques sur les méthodes d’analyse pour la surveillance des PFAS pour les paramètres « Total PFAS » et la somme des vingt PFAS définis par la directive. Ces lignes directrices techniques comprennent une sélection des méthodes d’analyse et des approches considérées comme les plus appropriées pour le suivi de ces paramètres, sur la base d’une évaluation technique et socio-économique.
La contamination de l’eau par le TFA suscite particulièrement l’inquiétude
Il existe encore très peu d’études scientifiques et épidémiologiques sur la toxicité pour l’homme du TFA et aucune limite de qualité réglementaire spécifique pour cette substance. Le TFA ne fait pas partie des vingt PFAS qui devront être recherchés systématiquement dans l’eau potable à partir du 1er janvier 2026.
Néanmoins, une révision, à l’initiative de l’Allemagne, du règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 concernant la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses, dit « CLP », pourrait conduire à classer ce PFAS comme toxique pour la reproduction.
Par ailleurs, le TFA n’est pas encore considéré comme un métabolite de pesticide dit pertinent au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Cependant, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a classé fin 2024 l’herbicide Flufénacet, qui se décompose en TFA, comme un perturbateur endocrinien. De fait, l’Anses devrait être amenée à considérer le TFA comme un métabolite de pesticide dit pertinent et l’État à appliquer une limite de qualité à ne pas dépasser dans l’eau potable de 100 nanogrammes par litre, qui est la limite de qualité à ne pas dépasser pour les métabolites de pesticides pertinents dans l’eau potable ([27]) .
La présence probablement massive de TFA dans l’eau destinée à la consommation humaine inquiète donc les autorités de plusieurs pays européens et des associations.
Plusieurs enquêtes ont mis ces derniers mois en lumière des concentrations élevées en TFA retrouvées dans des échantillons d’eau du robinet et même d’eaux minérales.
Sur dix-neuf échantillons d’eaux minérales prélevés dans sept pays européens, dix présentent des traces de TFA, selon les résultats d’analyses publiés le 3 décembre 2024 par le réseau Pesticide Action Network Europe. Pour sept échantillons, les niveaux dépassent le seuil réglementaire des métabolites de pesticides jugés « pertinents », fixé à 100 nanogrammes par litre.
Début janvier 2025, les résultats d’une enquête conduite par Générations futures et le magazine « UFC–Que Choisir » sur l’eau potable ont été révélés. L’eau au robinet de trente communes françaises a été analysée pour 33 PFAS. Le TFA a été détecté dans vingt-quatre prélèvements sur trente. Les concentrations de TFA mesurées, excéderaient la limite applicable aux métabolites de pesticides dans l’eau potable dans vingt prélèvements sur trente. L’analyse de l’eau à Paris a montré une concentration de 6 200 nanogrammes. À titre de comparaison en 2020, les autorités allemandes considéraient qu’il fallait viser à terme des concentrations ne dépassant pas 10 000 nanogrammes par litre, valeur au-delà desquelles des risques pour la santé pouvaient apparaître et les Pays-Bas en 2023 une concentration de 2 200 nanogrammes.
L’article 1er de la proposition de loi comportait plusieurs dispositions modifiant le code de l’environnement et le code de la santé publique
À la nouvelle section 2 du chapitre III du titre II du livre V du code de l’environnement créée et intitulée « Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées », était introduit un nouvel article L. 523‑6‑1.
Le I de cet article L. 523‑6‑1 disposait qu’à compter du 1er juillet 2025, seraient interdites la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées. L’interdiction concernait les produits entrant en contact avec les denrées alimentaires, les produits cosmétiques, le fart utilisé pour améliorer les performances des skis, et les produits textiles, à l’exception des vêtements de protection à usage professionnel qui sont utilisés dans les domaines de la sécurité et de la sécurité civile.
Pour ces différents produits qui, jusqu’à récemment, contenaient, ou qui pour certains, contiennent encore des PFAS, des alternatives techniques ou des substances chimiques de substitution existent. C’est pourquoi le texte de la proposition de loi a fait le choix de ne pas prévoir de dérogation générale à ces interdictions. Est seulement prévue une exception pour les textiles qui seraient utilisés à des fins professionnelles et constituent des protections, comme on peut en trouver dans le domaine de la sécurité civile.
Le 1° du I de l’article L. 523‑6‑1 concernait un champ assez large de produits destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, plus couramment appelés en droit européen « matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires ». Parmi ces produits, on trouve des emballages alimentaires, mais aussi la vaisselle et les ustensiles de cuisine, les biberons et tétines de biberons ou encore les matériels et équipements utilisés dans la production, la transformation, le stockage ou le transport de denrées alimentaires. Ces produits, parce qu’ils sont en contact avec des denrées alimentaires et des boissons, constituent une source de contamination non négligeable.
Le règlement (UE) n° 10/2011 du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires est un règlement sectoriel qui concerne spécifiquement à la fois les emballages alimentaires et les ustensiles de cuisine en plastique. Conformément au règlement, les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires ne peuvent contenir uniquement les PFAS qui sont explicitement mentionnés dans le règlement. Pour l’ensemble des matériaux et objets entrant en contact avec des denrées alimentaires qui ne sont pas en plastique, aucune réglementation limitant la présence des PFAS en général n’existe pour l’instant en Europe ou en France. Or, de nombreux contenants dans la restauration et la grande distribution sont en carton ou encore en métal.
Les emballages alimentaires pouvant présenter des PFAS dans leur composition ont été particulièrement utilisés dans la restauration rapide. L’absence de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans ces produits a été jusqu’ici le résultat d’initiatives prises par les entreprises clientes pour obliger les entreprises fournisseuses d’emballages à exclure les PFAS. C’est le cas dans l’industrie agro‑alimentaire où des marques et des entreprises de distribution décident avec quel type d’emballages elles commercialisent leurs produits. Le cadre législatif européen s’appliquera à partir d’août 2026 à toutes les entreprises fabriquant des emballages dits alimentaires qui devront ne pas dépasser les seuils prévus par le règlement (UE) 2025/40 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2024 précité sur les emballages.
Le secteur des ustensiles de cuisine, qui regroupe de nombreuses entreprises représentées par l’Union des fabricants d’équipements et d’ustensiles pour la restauration et les arts culinaires, est aussi utilisateur de certains PFAS, en particulier de polymères de PFAS qui rendent les objets antiadhésifs. Ces polymères présentent des caractéristiques différentes des monomères de PFAS et leur inertie dans l’environnement limite les possibilités de contamination des milieux, mais ils ont tendance à se décomposer en substances plus dangereuses. Des alternatives aux PFAS sont recherchées, mais les personnes auditionnées lors de la première lecture du texte avaient souligné la nécessité de disposer de prévisibilité pour orienter les investissements des entreprises.
Le 2° du I de l’article L. 523-6-1 concernait tous les produits cosmétiques. Les produits cosmétiques font déjà l’objet d’une attention particulière dans le cadre de l’étude de la proposition de certains pays européens de restriction du règlement Reach ([28]). Les représentants du secteur des produits cosmétiques conventionnels et des produits dits « biologiques » auditionnés ont indiqué que l’utilisation de PFAS était de plus en plus rare et qu’il était possible de s’en passer sans dégrader la qualité des produits ([29]). En 2021, selon la Fédération professionnelle des entreprises de la beauté, quarante-deux PFAS étaient encore utilisés dans les cosmétiques. En octobre 2023, la Fédération européenne des cosmétiques (Cosmetic Europe) a conseillé à tous ses adhérents d’arrêter complètement l’utilisation de PFAS d’ici à fin 2025.
Le 3° du I de l’article L. 523-6-1 concernait les produits de fart, défini comme une substance que l’on applique sur la semelle d’une planche de neige ou d’un ski pour améliorer ses propriétés de glisse ou d’adhérence à la neige. Après avoir été constituées de paraffine, les substances utilisées pour farter les skis ont été traitées avec des PFAS, ce qui a amélioré leur efficacité. Il y a plusieurs années déjà, en 2019, une initiative a été prise par la Fédération internationale de ski pour interdire l’utilisation du fart fluoré dans toutes les compétitions internationales de ski alpin et ski nordique, initiative que la Fédération internationale de biathlon a rejointe. Cette interdiction est effective depuis 2023. Le 3° du I de l’article L. 523‑6‑1 aurait pour sa part une portée beaucoup plus large, en interdisant l’usage de produits de fartage contenant des PFAS à tous les utilisateurs, amateurs comme professionnels en France.
Enfin, le 4° du I de l’article L. 523-6-1 concernait tous les produits textiles, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. La présence de PFAS dans les textiles d’habillement s’explique facilement du fait des propriétés de ces composés qui permettent par exemple d’empêcher les taches, d’imperméabiliser les vêtements ou de les rendre plus résistants. On peut en trouver en particulier dans les vêtements sportifs. Le secteur textile constitue actuellement une source de dissémination importante de PFAS dans l’environnement. Néanmoins, dans le secteur de l’habillement non professionnel, des alternatives à l’utilisation de PFAS sont recherchées, et plusieurs fabricants s’engagent à de plus en utiliser.
Pour l’ensemble de ces produits, il est proposé d’interdire l’ensemble des PFAS, et non des substances en particulier ni des familles de substances. C’est aussi le choix qui est fait dans la proposition de restriction de l’usage des PFAS déposée par certains pays européens en 2023 (voir ci-dessus). En interdisant seulement certaines substances, une opportunité serait en effet laissée de substituer à ces substances interdites d’autres types de PFAS, potentiellement aussi dangereux. C’est par exemple le cas d’un PFAS appelé communément GenX qui a commencé à remplacer le PFOA à partir de 2009, à mesure que ce dernier était interdit aux États-Unis et en Europe.
Le II de l’article L. 523‑6‑1 prévoyait l’entrée en vigueur d’une interdiction générale de fabrication, d’importation, d’exportation et de mise sur le marché de tout produit contenant des PFAS au 1er juillet 2027. Il était précisé qu’un décret pris en Conseil d’État devait établir une liste de dérogations pour déterminer strictement les usages de PFAS considérés comme essentiels, c’est-à-dire les types de produits dont l’usage est essentiel et pour lesquels on ne peut pour l’instant pas exclure la présence de PFAS sans compromettre leur efficacité. Les produits envisagés étaient certains médicaments et dispositifs médicaux, des matériaux utilisés dans le cadre d’activités de défense, etc. La logique est similaire à celle du règlement européen Reach qui, lorsqu’il prévoit des restrictions à l’usage des PFAS, inclut des exceptions précises pour permettre l’usage de PFAS dans certains produits.
L’article 1er de la proposition de loi créait également l’article L. 1321‑5‑11 au chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’environnement relatif à l’eau potable. Cet article prévoyait que le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable inclut le contrôle de tous les PFAS connus. Afin que les analyses des échantillons puissent être réalisées par des laboratoires de manière fiable et harmonisée, un décret pris par le ministre chargé de la santé après avis de l’Anses devait harmoniser les conditions d’échantillonnage. L’ambition était d’aller au-devant de la réglementation actuelle et de celle prévue par la directive européenne sur l’eau destinée à la consommation humaine. Elle permettait de ne pas attendre le 1er janvier 2026, c’est-à-dire de respecter les obligations qui s’imposeront à partir du 12 janvier 2026, et imposait la recherche obligatoire de l’ensemble des PFAS pour lesquels il existe une possibilité de détection (voir ci-dessus). Elle pourrait également inciter les laboratoires d’analyse à approfondir les techniques pour détecter de nouveaux PFAS.
La volonté du rapporteur, à travers ce nouvel article, était de systématiser la recherche des PFAS dans l’eau potable et de permettre aux autorités sanitaires de mieux informer la population et de prendre des mesures appropriées. En effet, les mesures nouvellement effectuées dans certaines régions mettent en lumière des situations de non-conformité, c’est-à-dire de dépassement de la valeur limite de qualité, relativement inquiétantes en ce qu’elles remettent en question la potabilité de l’eau ([30]). D’ores et déjà, en application de la directive EDCH et des textes réglementaires pris pour sa transposition, un dépassement de la limite de qualité ouvre une période de deux fois trois ans pour que la personne responsable de l’eau potable prenne des mesures pour revenir sous les valeurs limites.
Le dernier alinéa de l’article 1er prévoyait enfin que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la loi, pour proposer des normes sanitaires actualisées qui pourraient servir de référence pour le contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine.
L’article 1er a été modifié par plusieurs amendements adoptés en commission et en séance publique.
En commission, l’amendement CD85 du rapporteur a modifié les alinéas 1 à 13 de l’article 1er pour introduire les dispositions initiales dans un nouveau chapitre IV au sein du titre II du livre V du code de l’environnement spécifiquement consacré à la prévention des risques liés à l’exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées, comportant un nouvel article L. 524‑1.
Ce nouvel article L. 524‑1 prévoyait donc dans un premier temps que sont interdites la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché, à partir du 1er janvier 2026, d’un certain nombre de produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées. La date initialement fixée pour l’application de l’interdiction par la proposition de loi a été décalée de six mois pour être portée au 1er janvier 2026. Un tel délai est apparu plus raisonnable afin que les entreprises puissent s’organiser pour se passer des PFAS et trouver des solutions alternatives.
Dans le texte issu de la commission, étaient concernés par l’interdiction les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, les produits de fart et les produits textiles d’habillement, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.
Le secteur des emballages alimentaires, qui a été intégré à un règlement européen adopté en décembre 2024 sur les emballages et les déchets d’emballage n’est plus visé par l’interdiction (voir ci-dessus). Restaient concernés les ustensiles de cuisine qui représentent une source importante d’exposition de la population et de contamination.
Des amendements adoptés en séance publique sont venus à nouveau modifier l’article devenu l’article L. 524‑1 du code de l’environnement. Par l’adoption de cinq amendements identiques, n° 1 de M. Pierre Meurin (Rassemblement national), n° 7 de M. Pierre Vatin (Les Républicains), n° 18 de Mme Nathalie Serre (Les Républicains), n° 30 de Mme Danielle Brulebois (Renaissance) et n° 93 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizons), l’interdiction qui devait s’appliquer aux ustensiles de cuisine a été supprimée. Ainsi, aucune interdiction ne portera sur l’importation, la fabrication, la mise sur le marché ou l’exportation d’ustensiles de cuisine comportant des PFAS.
Dans un second temps, le nouvel article L. 524‑1 disposait que seront interdites à partir du 1er janvier 2030 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de l’ensemble des produits textiles comportant des substances per- et polyfluoroalkylées. L’examen en séance publique a confirmé cette disposition.
L’interdiction générale de tous les produits contenant des PFAS, à l’exception de produits considérés comme strictement essentiels et pour lesquels l’usage de PFAS demeurerait indispensable, présente dans le texte initial, est supprimée. Le choix a ainsi été fait de ne pas légiférer sur l’interdiction de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout produit contenant des PFAS à l’horizon de l’année 2027, dans la perspective d’un aboutissement de l’initiative européenne de restriction, ce qui permettra une harmonisation dans l’Union européenne.
La commission a ensuite confirmé la volonté d’inclure dans le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable le contrôle de la présence de PFAS. Elle a adopté l’amendement CD78 du rapporteur renumérotant l’article L. 132-5-11 qui devient l’article L. 1321‑9‑1 et l’amendement CD69 de M. Cyrille Isaac‑Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants) qui complète l’objet du décret prévu à cet article. Ce décret devra établir la liste non limitative des substances per- et polyfluoroalkylées qui devront être contrôlées par les autorités sanitaires.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission a en outre adopté l’amendement CD11 de Mme Chantal Jourdan (Socialistes et apparentés), pour également compléter le nouvel article L. 1321‑9‑1 du code de la santé publique. Est ainsi prévu, pour compléter les obligations en termes de contrôle sanitaire de l’eau potable, que les ministres chargés de la prévention des risques et de la santé établissent conjointement une carte des sites qui ont pu émettre ou émettent des substances perfluoroalkylées. La carte doit être révisée tous les trois ans et être mise à la disposition du public. L’amendement prévoit également qu’un arrêté détermine les actions de dépollution à mettre en œuvre et les plafonds de rejet de substances perfluoroalkylées pour chaque site.
Il est par ailleurs prévu que la carte serve de fondement à l’établissement par arrêté d’une liste des communes exposées à un danger élevé ou très élevé d’exposition au PFAS.
Trois amendements adoptés en séance publique, les amendements n° 94 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizons), n° 102 de Mme Claire Colomb-Pitollat (Renaissance) et n° 112 de M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants) ont introduit l’obligation de rendre publique la liste des communes exposées à un danger élevé ou très élevé. Ils ont également donné pour mission aux agences régionales de santé de formuler des recommandations à l’intention des habitants des communes concernées, en termes de mesures de prévention à appliquer.
Les sénateurs ont modifié l’article 1er et précisé certains éléments de cet article.
En commission, les sénateurs ont adopté l’amendement COM-4 rect. bis de MM. Rochette et Chevalier (Les Républicains) modifiant l’article L. 524‑1 nouveau du code de l’environnement pour préciser que les dispositions sur l’interdiction de la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de tout produit textile d’habillement contenant des PFAS s’appliquaient également aux chaussures et aux produits imperméabilisant les vêtements et les chaussures.
Le II de l’article L. 524‑1 concernant l’interdiction de la fabrication, l’importation, l’exportation et de la mise sur le marché de tout produit textile contenant des PFAS à partir du 1er janvier 2030 a également été modifié en commission suite à l’adoption de l’amendement COM-29 du rapporteur M. Pillefer (Union centriste). Plusieurs exceptions à cette interdiction sont prévues. La première concerne les textiles nécessaires à des utilisations essentielles dans le sens qui a été donné par la Commission européenne au moment de l’examen de la proposition de loi en séance publique au Sénat (voir ci-dessus la communication du 26 avril 2024 relative aux critères et principes directeurs pour le concept d’utilisation essentielle dans la législation de l’Union traitant des substances chimiques).
La deuxième concerne les produits textiles qui contribuent à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution. Comme l’a remarqué le rapporteur au Sénat, le concept d’utilisation essentielle entendu par la Commission européenne qui justifierait des dérogations n’inclut pas de référence spécifique à des missions liées à l’exercice ou garantissant la souveraineté nationale (mais uniquement à la sécurité).
Un amendement adopté en séance publique, n° 2 rect. de M. Rietmann et plusieurs de ses collègues (Les Républicains), à ce même II a introduit une autre exception relative aux produits textiles techniques à usage industriel.
L’Union des industries textiles consultée par les sénateurs lors de l’examen du texte avait soutenu ces dispositions, assurant que le secteur des fibres textiles qui fournit l’industrie de l’habillement et plus généralement des produits textiles et représente plus de 2 200 entreprises en France, pouvait garantir la fabrication de matières textiles sans PFAS. Elle a réitéré auprès du rapporteur son soutien à ces deux mesures d’interdiction, assorties des exceptions indiquées, d’ici à 2026 et 2030.
Dans les deux cas, la liste des produits concernés par ces exceptions devra être prise par décret.
Les sénateurs ont également ajouté une nouvelle disposition complétant l’article L. 524‑1 pour indiquer que les interdictions prévues aux I et II de cet article ne s’appliquaient pas aux produits contenant des PFAS à une concentration inférieure ou égale à une valeur définie par décret (amendement COM-28 du rapporteur M. Pillefer). Comme le précise le rapporteur du Sénat, cette disposition permettra d’exclure du champ des interdictions les produits contenant des traces de PFAS, en raison, par exemple, d’une contamination des eaux prélevées et utilisées dans les processus de fabrication.
La logique consistant à introduire des seuils de concentration résiduelle en deçà desquels les restrictions ne s’appliquent pas est la logique qui prévaut dans la législation européenne. C’est notamment le principe qui a été choisi par le règlement récemment adopté sur les emballages et les déchets d’emballage (voir ci-dessus).
Un deuxième article, L. 524‑2, a été ajouté au chapitre IV relatif à la prévention des risques résultant de l’exposition aux substances perfluroalkylées et polyfluoroalkylées créé par l’article 1er de la proposition de loi, suite à l’adoption de l’amendement COM‑30 du rapporteur M. Pillefer. Le premier alinéa de l’article dispose qu’afin de pouvoir rechercher les infractions aux dispositions du chapitre IV, à savoir la présence éventuelle de PFAS dans les produits cités à l’article L. 524‑1 au-delà de la concentration autorisée et de pouvoir prononcer des sanctions administratives, les dispositions des articles L. 521‑12 à L. 521‑20 du code de l’environnement s’appliquent.
Le deuxième alinéa de l’article L. 524‑2 précise que les agents habilités sur le fondement de l’article L. 512‑12 du code de l’environnement peuvent procéder à la recherche et à la constatation des manquements dans les conditions prévues à l’article L. 521‑11‑1.
L’article L. 1321‑9-1 nouveau du code de la santé publique a été modifié en commission et en séance publique par trois amendements du rapporteur M. Pillefer.
L’amendement COM-31 modifie le premier alinéa de l’article L. 1321‑9. À l’inverse de ce qui avait été décidé à l’Assemblée nationale, le contrôle sanitaire de la présence des PFAS dans l’eau destinée à la consommation humaine devra porter sur un nombre limité de PFAS précisés par décret. Il est cependant ajouté que les autorités devront contrôler la présence d’autres PFAS non listés par le décret dès lors que ces substances sont quantifiables par les laboratoires d’analyse et que « leur contrôle est justifié au regard des circonstances locales ».
La carte qui doit être établie pour répertorier l’ensemble des sites ayant émis ou émettant des PFAS devra comporter lorsqu’elles sont disponibles, des mesures quantitatives des émissions de ces substances dans les milieux (amendement COM‑32).
Les dispositions relatives à l’établissement par les ministres chargés de la prévention des risques et de la santé d’une liste des communes exposées à un danger élevé ou très élevé d’exposition aux PFAS ont été supprimées (amendement COM‑32).
En séance publique, un amendement du rapporteur M. Pillefer (n° 31) a permis de préciser que la carte devait être mise à la disposition du public par voie électronique.
Les sénateurs n’ont pas modifié l’alinéa tendant à demander un rapport au Gouvernement qui devra proposer des normes sanitaires actualisées pour les substances poly- et perfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article sans y apporter de modification.
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Maintien de la suppression
L’article 1er bis A a été introduit en séance publique à l’Assemblée nationale, par un amendement de M. Gabriel Amard (La France insoumise ‑ Nupes) adopté avec un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement. Cet article prévoit de compléter l’article L. 521-6 (nouveau) du code de l’environnement par un nouveau paragraphe (III) disposant qu’en application de l’article 129 du règlement Reach, et dans la mesure où les PFAS présentent des dangers graves ou des risques non valablement maîtrisés pour les travailleurs, la santé humaine ou l’environnement, ces substances sont interdites sur l’ensemble du territoire français. Des dérogations strictement proportionnées au caractère essentiel des usages, notamment dans le domaine médical, peuvent toutefois être prévues.
L’article 129 du règlement Reach prévoit la possibilité pour un État membre de recourir à une clause de sauvegarde, c’est-à-dire de prendre des mesures provisoires appropriées lorsqu’il est fondé à estimer qu’une action urgente est indispensable pour protéger la santé humaine ou l’environnement en ce qui concerne une substance (telle quelle ou contenue dans un mélange) ou un article, et ce bien qu’elle satisfasse aux prescriptions du règlement Reach. Si un État membre choisit d’activer cette clause, il doit en informer la Commission européenne, l’Agence européenne des produits chimiques ainsi que les autres États membres, en précisant les motifs justifiant sa décision et les informations scientifiques ou techniques sur le fondement desquelles il s’est appuyé pour prendre ces mesures provisoires.
Dès lors, la Commission dispose de soixante jours pour arrêter une décision, consistant :
– soit à autoriser ces mesures provisoires pour une période qu’elle définit ;
– soit à inviter l’État membre à annuler ces mesures provisoires.
Une procédure spécifique complémentaire est prévue lorsque les mesures provisoires prises par l’État membre et autorisées par la Commission consistent en une restriction à la mise sur le marché ou à l’utilisation d’une substance. Dans ce cas, l’État membre doit engager une procédure communautaire de restriction en présentant à l’Echa un dossier dans les trois mois suivant la date de la décision de la Commission. La Commission doit quant à elle examiner s’il y a lieu d’adapter le règlement REACH.
Les sénateurs ont supprimé en commission cet article en adoptant les amendements identiques COM-33 du rapporteur M. Pillefer (Union centriste), COM-3 rect. de M. Rochette (Les Républicains), COM-15 de Saïd Omar Oili (Socialiste, Écologiste et Républicain) et COM-19 rect. de M. Michallet (Les Républicains). Plusieurs raisons ont motivé cette suppression.
Le principe même de l’article 1er bis A, qui prévoit une interdiction de portée générale de l’ensemble des PFAS, et ce dans les tous secteurs et pour tous les produits, est apparu contradictoire avec les dispositions de l’article 1er, qui propose d’agir, de façon prioritaire, sur certains produits et usages bien ciblés. En tout état de cause, l’article 1er bis A conduit à priver d’intérêt l’article 1er de la proposition de loi.
Les sénateurs ont estimé de plus que l’activation de la clause de sauvegarde par cet article 1er bis A ne serait pas opérante et n’apporterait, in fine, aucune amélioration d’un point de vue sanitaire et environnemental. En effet, compte tenu de la liberté de circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, la France ne serait pas en capacité d’assurer le contrôle de la présence de PFAS dans l’ensemble des produits mis sur le marché. Il en résulterait donc que la mesure manquerait son objectif, en ce qu’elle se traduirait par l’importation de produits contenant des PFAS. Enfin, l’article 129 du règlement REACH prévoit que la Commission européenne dispose de soixante jours pour se prononcer sur un projet national de restriction. Compte tenu de l’absence de proportionnalité de l’interdiction générale proposée par l’article 1er bis A, il est probable que, si cet article venait à entrer en vigueur, la Commission européenne demanderait la suspension de son application.
La commission a confirmé la suppression de l’article 1er bis A par les députés.
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Adopté sans modification
L’article 1er bis, introduit en commission et modifié en séance publique à l’Assemblée nationale, introduit un nouvel article L. 523-6-1 au code de l’environnement. Cet article prescrit la détermination d’une trajectoire nationale de réduction progressive de la présence de PFAS dans les rejets aqueux des installations industrielles jusqu’à leur élimination totale dans les cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), définies à l’article L. 511‑1 du code de l’environnement, font l’objet d’un encadrement juridique visant à maîtriser les risques qu’elles présentent pour la santé et l’environnement en raison de leur fonctionnement, des matériaux qu’elles produisent et des activités qu’elles réalisent. Deux types de risques coexistent : ceux liés à des accidents non prévisibles et les risques chroniques liés au rejet de substances dangereuses dans l’environnement. Lorsqu’une ICPE est autorisée par arrêté préfectoral, le préfet peut fixer un certain nombre de prescriptions, notamment relatives à la surveillance de certaines substances chimiques dangereuses, et éventuellement fixer des limites d’émission ou de rejet.
Pour les ICPE soumises au régime de l’autorisation, un seul texte réglementaire d’ordre général mentionne un type particulier de PFAS : le PFOS. Il s’agit de l’arrêté du 2 février 1998 modifié, relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation.
Cet arrêté a été modifié à de nombreuses reprises, notamment par l’arrêté du 24 août 2017 dit « arrêté RSDE » pour « rejets de substances dangereuses dans l’eau ». Ce dernier prescrit la recherche et la surveillance du PFOS dans les rejets aqueux. À partir du 1er janvier 2023, la concentration de PFOS dans les eaux rejetées dans le milieu naturel ne peut dépasser la valeur limite de concentration de 25 μg/l.
Les limites imposées pour le PFOS qui serait toujours présent dans ces installations et pas totalement éliminé visent à protéger les milieux naturels, notamment aquatiques, d’une contamination par cette substance.
Par ailleurs, des réglementations spécifiques à certains types d’installations classées autorisées et à certains secteurs d’activité traduisent des exigences fixées au niveau européen quant à la surveillance de certaines substances dangereuses.
Cette surveillance des substances chimiques et parfois la fixation de valeurs limites d’émission sont déterminées par secteur d’activité dans des documents appelés « MTD » pour « meilleures technologies disponibles » (en anglais « BREF » pour « best references »). L’objectif de ces documents est également d’indiquer les substances et procédés de fabrication disponibles qui seraient le moins émetteurs de PFAS dans l’environnement.
Par rapport aux connaissances sur les PFAS et à l’ampleur potentielle de la pollution de l’environnement par les substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées, la réglementation ne concerne donc que quelques substances qui doivent être recherchées et seule la concentration en PFOS est limitée.
Néanmoins, au-delà de la réglementation générale et des actes régissant le fonctionnement des ICPE par catégorie d’installation, des mesures peuvent être prises par arrêté préfectoral pour limiter les rejets de substances chimiques préoccupantes telles que les PFAS, au nom à la fois du principe constitutionnel de précaution et des différents intérêts protégés par la loi, telle la protection de la santé et de l’environnement. Des entreprises peuvent ainsi se voir imposer la surveillance de certains PFAS déjà détectés, au-delà du seul PFOS, ou font l’objet de contrôles de la part des inspecteurs chargés des installations classées, des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dréal) ou des agences régionales de santé. Des normes limites de rejet ou de concentration peuvent être imposées.
À ce jour, il n’existe aucune interdiction générale pour les ICPE de rejeter des PFAS via leurs effluents aqueux.
L’article 1er bis, créé par l’amendement CD70 de M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants), disposait qu’un certain nombre d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation étaient tenues de cesser de rejeter des substances per- et polyfluoroalkylées sous forme aqueuse.
L’article définissait également les rejets aqueux dans lesquels les PFAS doivent cesser d’être présents. Il s’agit des effluents issus de l’activité industrielle de l’installation, rejetés directement ou indirectement dans le milieu naturel, et des rejets d’eaux pluviales susceptibles d’être polluées.
Cet article a été modifié en séance publique suite à l’adoption des amendements identiques n° 95 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizons), n° 103 de Mme Claire Colomb-Pitollat (Renaissance) et n° 115 de M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants) et du sous-amendement n° 122 de M. Pierre Cazeneuve (Renaissance). En effet, le champ de l’article adopté en commission était limité à certaines catégories d’installations classées et aucune date butoir n’avait été fixée pour la disparition des PFAS dans les rejets aqueux.
L’article 1er bis dans sa version issue de l’Assemblée nationale prescrit la mise en place d’une trajectoire nationale conduisant de manière progressive à la disparition totale des substances des rejets aqueux des installations industrielles dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
Le deuxième alinéa de l’article précise que la trajectoire ainsi que les modalités de mise en œuvre de la trajectoire seront déterminées par décret.
La commission a adopté l’amendement COM-34 de son rapporteur M. Pillefer, visant à préciser au deuxième alinéa de l’article que la liste des substances concernées par cette trajectoire est précisée par décret, afin d’ajuster la trajectoire de réduction des rejets de PFAS par les ICPE à la capacité d’analyse des laboratoires.
Les sénateurs ont relevé que la rédaction de l’article 1er bis issue des travaux de l’Assemblée mentionnait l’ensemble des PFAS, alors même que les laboratoires ne sont pas en capacité de mesurer la présence de chacune des milliers de substances concernées. À l’heure actuelle, vingt substances PFAS, visées par la directive européenne sur les eaux destinées à la consommation humaine, sont obligatoirement analysées dans les rejets aqueux des ICPE soumises à autorisation, en application d’un arrêté du 20 juin 2023, ainsi que l’ensemble des PFAS « techniquement quantifiables » susceptibles d’avoir été utilisés, produits ou traités par le site industriel.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article sans y apporter de modification.
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Adopté sans modification
L’article 1er ter, introduit par le Sénat, invite le Gouvernement à élaborer un plan d’action gouvernemental pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales responsables de l’eau et de l’assainissement.
Il n’existe pas de réglementation particulière en matière de dépollution de l’eau destinée à la consommation humaine contaminée par les substances poly- et perfluoroalkylées ni de financement spécifique. Les obligations de dépollution sont encore minimes. Néanmoins, les obligations de respect des limites de qualité pour garantir la conformité de l’eau ont déjà commencé à produire leur effet et cet effet sera total à partir du 1er janvier 2026. Il reviendra alors aux personnes responsables de la distribution de l’eau, c’est-à-dire très souvent directement ou indirectement les collectivités territoriales, de garantir la bonne qualité de l’eau et donc la limitation de la présence des vingt PFAS surveillés sous les limites de qualité réglementaires.
Si l’évaluation des coûts associés à la dépollution n’est pas aisée, tant parce que les techniques de dépollution ne sont pas nombreuses que parce que les quantités de PFAS qu’il faudrait éliminer ne sont pas facilement évaluables, des estimations ont été réalisées par des journalistes réunis dans le Forever lobbying project et des associations sur le coût de la dépollution ([31]). Le consortium de journalistes et enquêteurs du Forever lobbying project a interrogé des chercheurs américains et européens sur le coût de la dépollution de l’eau, des sols pollués les plus susceptibles de contaminer l’eau et de certains déchets. Les estimations les plus optimistes faisaient état d’un coût de 4,8 milliards d’euros par an pour décontaminer l’eau des vingt PFAS qui devront être recherchés à partir de 2026 dans l’hypothèse où les émissions nouvelles de PFAS seraient drastiquement réduites. Avec un champ plus large de PFAS, d’autres estimations vont jusqu’à 100 milliards d’euros par an. En ce qui concerne les techniques de dépollution, celles consistant à fixer par adsorption les PFAS sur des filtres de charbon actif est la plus développée à ce jour. La technique de l’osmose inversée qui permet également de filtrer un grand nombre de polluants plus gros que les molécules d’eau en amont d’une membrane est également utilisée.
Les PFAS sont normalement aussi dégradés par exposition à de très fortes températures (au moins 1 000 degrés), mais il ne s’agit pas nécessairement de la meilleure technique pour la décontamination de l’eau. La thermodégradation paraît plus adaptée pour les déchets contenant des PFAS.
L’article 1er ter a été introduit au Sénat en commission suite à l’adoption de l’amendement COM-18 rect. de M. Michallet (Les Républicains) et plusieurs de ses collègues portant article additionnel après l’article 1er..Les sénateurs auteurs de l’amendement ont rappelé l’existence du plan d’action PFAS 2023-2027 piloté par le ministère de la transition écologique et qui repose sur six axes d’actions stratégiques, visant notamment à réduire les risques à la source, à poursuivre la surveillance des milieux, à accélérer la production des connaissances scientifiques et à faciliter l’accès à l’information pour les citoyens. Le sujet de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine et de son financement n’était pas abordé par ce plan. Il ne l’est pas non plus par le plan d’action interministériel d’avril 2024 qui comporte lui cinq axes de développement.
Le coût de la dépollution va rapidement représenter, pour certaines collectivités chargées de la gestion des services publics d’eau potable et d’assainissement qui détectent des PFAS, une charge financière très importante. « Le coût total du traitement des eaux potables et usées pour éliminer les PFAS a été estimé à plusieurs dizaines ou centaines de milliards d’euros par an dans l’UE » comme l’indiquait le Bureau européen pour l’environnement dans un rapport publié en octobre 2023 ([32]). Dans une étude présentée en mai 2022 au congrès annuel de la Société de toxicologie et de chimie environnementale, le chercheur norvégien Hans Peter H. Arp, auteur de l’étude, a évalué à 238 milliards d’euros la somme nécessaire pour dépolluer l’eau potable et les eaux résiduelles de l’industrie des PFAS et des autres substances chimiques jugées PMT et vMvP (à raison d’un euro par m3).
C’est pourquoi un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités qui compléterait éventuellement celui existant a été proposé par les sénateurs. Le plan devra faire état des différentes ressources à la disposition des collectivités, du rôle des agences de l’eau et de l’État et déterminer un calendrier prévisionnel.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article sans y apporter de modification.
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Adopté sans modification
L’article 2 vise à compléter l’article L. 213‑10‑2 du code de l’environnement relatif à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique, afin d’ajouter aux sources de pollution générant le paiement d’une redevance le rejet de substances poly- et perfluoralakylées dans l’eau. Le taux de la redevance est fixé à 100 euros par cent grammes.
Les différentes redevances pesant sur l’eau sont dans l’ensemble affectées aux agences de l’eau, qui sont au nombre de six dans l’Hexagone et de cinq dans les outre-mer, et dont le périmètre est déterminé en fonction de bassins hydrographiques. Le produit de ces redevances constitue une part très importante du budget des agences de l’eau.
Les redevances sont perçues auprès des différents usagers de l’eau. Il existe plusieurs types de redevances sur l’eau. Parmi l’ensemble des redevances, plusieurs sont établies afin de faire contribuer les usagers de l’eau et notamment les personnes pouvant être à l’origine de pollutions chimiques, et de contribuer in fine à la prise en charge des coûts liés à la pollution de l’eau.
L’article L. 213‑10‑3 du code de l’environnement détermine le principe de la redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique, tandis que l’article L. 213‑10‑2 détermine le principe de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique.
La redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique est directement proportionnelle à la consommation d’eau des usagers domestiques et assimilés. Elle est due par les particuliers et par les acteurs économiques dont la pollution est de même nature que la pollution domestique, ou dont l’importance des rejets est trop faible pour faire l’objet du calcul utilisé pour les « activités industrielles ».
La redevance est calculée sur la base du volume d’eau facturé à toute personne abonnée à un service d’eau potable, auquel est ajouté, en cas de prélèvement dans le milieu naturel, le volume d’eau prélevé dans celui-ci. Son taux est modulé en fonction des pollutions constatées dans les territoires et des efforts nécessaires pour les réduire, les éliminer et atteindre le bon état écologique des eaux.
Ce sont les agences de l’eau qui déterminent les tarifs de la redevance, le législateur déterminant dans la loi le tarif maximal. La redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique est souvent rapprochée de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte dont s’acquittent aussi les particuliers (article L. 213-10-6 du code de l’environnement) ([33]).
Les redevances « pollution de l’eau d’origine domestique » (1 069,5 millions d’euros en 2021) et « modernisation des réseaux de collecte » (528 millions d’euros, dont 511,2 millions d’euros payés par les ménages également en 2021) représentent la plus grande part des recettes perçues par les agences de l’eau : 1 597,5 millions d’euros. Elles constituent 70,7 % du total des redevances encaissées ([34]).
Les entreprises dont les activités conduisent à rejeter des éléments polluants dans le milieu naturel directement ou par un réseau de collecte sont pour leur part assujetties à la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique, également appelée redevance pour pollution de l’eau d’origine industrielle.
Cette redevance est due par les entreprises dont les activités entraînent un rejet d’au moins un élément constitutif de la pollution, supérieur au seuil de redevabilité défini par l’article L. 213-10-2 du code de l’environnement. Parmi ces éléments, on compte le phosphore, l’azote oxydé, les nitrites et les nitrates, de même qu’un ensemble de substances dont la toxicité est considérée comme aiguë. La redevance porte sur le flux net rejeté dans le milieu naturel, pour chaque élément constitutif de la pollution. Au-delà d’un certain seuil de matières ou composés rejetés, défini par décret, les entreprises sont obligées de mettre en œuvre un suivi régulier de leurs rejets.
Une grande partie des entreprises rejetant des substances polluantes, en particulier les installations classées pour la protection de l’environnement, sont concernées par la redevance pour pollution d’origine non domestique parce qu’elles rejettent ces substances directement dans l’environnement sans passer par un réseau public de collecte. Cela n’empêche pas ces entreprises de disposer parfois d’un système interne de traitement des eaux usées.
Néanmoins, certaines entreprises concernées par la redevance pour pollution d’origine non domestique doivent également s’acquitter de la redevance pour modernisation du réseau de collecte dans la mesure où leurs activités entraînent des rejets d’eaux usées dans un réseau public de collecte et donc leur traitement dans des stations d’épuration des eaux usées (article L. 213-10-5 du code de l’environnement).
Les redevances « pollution de l’eau d’origine industrielle » (54,3 millions d’euros) et « modernisation des réseaux de collecte » acquittée par les usagers (16,9 millions d’euros) s’élèvent en 2021 à 71,2 millions d’euros, soit 3,2 % du total des redevances ([35]).
Le montant des redevances qui ont alimenté le budget des agences de l’eau s’élevait à 2,2 milliards d’euros en 2022 ([36]).
Sur ces 2,2 milliards d’euros de recettes annuelles, la part des taxes et redevances prélevées au titre de l’usage domestique représente à ce jour près de 83 % des recettes des agences. L’essentiel du financement de la politique de l’eau repose donc davantage sur les usagers domestiques, c’est-à-dire les particuliers, que sur les entreprises.
Chaque agence de l’eau détermine la manière dont elle utilisera les recettes perçues sur une période de cinq à six ans (période constituant le programme pluriannuel d’intervention). Elle a néanmoins des missions à remplir déterminées par la loi. En application de l’article L. 213‑8‑1 du code de l’environnement, les agences de l’eau doivent notamment assurer une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques et l’alimentation en eau potable. Ainsi, les agences de l’eau peuvent aider techniquement et financièrement les collectivités territoriales et leurs groupements pour la protection des captages, la production de l’eau potable, la réduction des fuites dans les réseaux et l’amélioration des dispositifs d’assainissement des eaux usées, qu’ils soient collectifs ou individuels. Elles ont donc un rôle à jouer pour aider les collectivités territoriales à limiter les sources de pollution de l’eau qui a vocation à devenir de l’eau potable, et à décontaminer les eaux usées.
Comme l’avait précisé l’agence de l’eau Rhône‑Méditerranée‑Corse au rapporteur, les agences de l’eau ne sont pas en charge du contrôle sanitaire de l’eau potable. Cependant, par leurs actions de surveillance de la qualité des masses d’eau, par les mesures prises pour limiter les pollutions d’origine agricole et la protection des aires de captage d’eau potable, et par les aides financières apportées aux collectivités pour les réseaux d’assainissement, elles contribuent à lutter contre la pollution du cycle de l’eau par des substances chimiques.
L’article 2 a pour objet de compléter l’article L. 213‑10‑2 du code de l’environnement en introduisant, dans un nouveau paragraphe V, un nouveau fait générateur impliquant le paiement de la redevance pour pollution non domestique de l’eau, à savoir le rejet d’une certaine quantité de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans le milieu naturel, directement ou par un réseau de collecte.
Ce dispositif vise à renforcer le principe de pollueur-payeur afin que les agences de l’eau disposent de moyens supplémentaires pour faire face aux coûts engendrés par la pollution de l’environnement et plus particulièrement de l’eau par les PFAS. La disposition visant à générer des ressources supplémentaires s’inscrit dans une perspective d’aide aux collectivités territoriales, responsables à la fois de la production et de la distribution d’eau potable et des réseaux d’assainissement. Ces collectivités vont devoir faire face à des coûts croissants pour maintenir la potabilité de l’eau pour les usagers dans un avenir proche.
Le principe de la redevance est double : en seront redevables les personnes physiques ou morales qui rejettent dans le milieu ou un réseau de collecte plus d’un kilogramme de PFAS par an, et le tarif est fixé en fonction de la quantité émise. La proposition de loi fixe ce tarif à 1 000 euros par kilogramme.
Par renvoi au II de l’article L. 213‑10‑2, l’assiette de la redevance nouvellement créée par l’article 2 est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte.
Il n’est pas proposé de se fonder sur une concentration de PFAS rejetés par les entreprises, mais sur une quantité considérée pour une période donnée. Ce choix a été fait pour considérer une quantité potentiellement nocive pour l’environnement en elle‑même, indépendamment de sa concentration dans l’eau et donc de l’état de la ressource en eau. La redevance est due à partir d’un seuil de rejet dans le milieu naturel ou dans un réseau de collecte, comme c’est le cas pour la redevance due en raison du rejet d’autres substances. S’il est difficile d’évaluer le nombre de personnes ou d’entreprises concernées par le seuil, les entreprises qui elles-mêmes synthétisent des substances PFAS émettent des quantités bien supérieures à un kilogramme par an. Le rapporteur a pu demander une estimation du produit annuel de cette nouvelle redevance aux services du ministère de la transition écologique lors des auditions. Ces derniers ont évalué le produit à un montant d’environ 2 millions d’euros.
Les auditions menées par le rapporteur lors de la première lecture ont parallèlement permis d’évaluer la pertinence du seuil au-delà duquel la redevance est due. Si des entreprises qui produisent des substances per- et polyfluoroalkylées peuvent rejeter dans l’environnement plusieurs dizaines de kilogrammes, beaucoup d’entreprises utilisatrices de PFAS dans leurs produits pourraient être en dessous de ce seuil, tout en rejetant des quantités qui représentent déjà un risque en termes de contamination des milieux. Les services du ministère de la transition écologique auditionnés ont estimé qu’un seuil à 100 grammes permettrait d’inclure un plus grand nombre d’entreprises.
Le tarif de la redevance est fixé au niveau national et ne sera donc pas déterminé librement par chaque agence de l’eau. En conséquence, il ne s’agit pas d’un tarif maximal mais d’un tarif unique et égal qui sera appliqué par toutes les agences.
La commission a modifié cet article par l’adoption des amendements CD80 et CD83 du rapporteur.
L’amendement CD83 abaisse le seuil de perception de la redevance et adapte son taux. Afin de rendre effective la participation des entreprises à la prise en charge du coût de la dépollution, le seuil de perception de la redevance est fixé à cent grammes rejetés annuellement. Ainsi, davantage de personnes seront concernées par le paiement de la redevance.
En conséquence, le taux de la redevance est adapté et est fixé à 100 euros par cent grammes, ce qui correspond au taux initial de 1 000 euros par kilogramme.
L’amendement CD80 est de nature rédactionnelle.
En séance publique, suite à l’adoption des amendements identiques n° 77 du rapporteur et n° 117 de M. Cyrille Isaac-Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants) et plusieurs de ses collègues, le champ des personnes assujetties à la nouvelle redevance a été restreint et précisé. Il s’agit des personnes exploitant une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation.
L’examen en commission et en séance publique au Sénat a apporté quelques modifications à l’article 2 sans revenir sur son principe.
En commission, l’adoption de l’amendement COM-35 du rapporteur, M. Pillefer, a conduit à préciser que les rejets de PFAS dans le milieu naturel devaient être dus aux activités de l’installation elle-même. Cette formulation a été retenue pour permettre un calcul des rejets nets de PFAS dans le milieu, qui seraient présents du fait de l’activité des installations assujetties qui fabriquent ou utilisent des PFAS et qui ne seraient pas éliminés afin que ces mêmes installations ne soient pas pénalisées si elles-mêmes utilisent dans leur processus de fabrication de l’eau contenant déjà des PFAS.
En séance publique, le terme « milieu naturel » a été remplacé par « l’eau » pour indiquer que ce qui était mesurable et devait donc être pris en compte était les rejets de PFAS dans l’eau par les personnes concernées par cette fraction de la redevance pour pollution d’origine non domestique (amendement COM-24 rect. de Mme Berthet – (Les Républicains)).
Un nouvel alinéa a été ajouté en commission pour préciser qu’une liste déterminée par décret viendrait préciser lesquels des PFAS devaient être pris en compte dans les rejets aqueux pour asseoir la redevance pour pollution diffuse nouvellement définie (amendement COM-36 du rapporteur M. Pillefer).
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article sans y apporter de modification.
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Adopté sans modification
L’article 2 bis, introduit en commission à l’Assemblée nationale, fait obligation aux agences régionales de santé de rendre publics leurs programmes d’analyse de la présence de substances per- et polyfluoroalkylées dans l’eau destinée à la consommation humaine et de publier les résultats de ces analyses. À partir de ces résultats le ministre chargé de la santé publique devra publier chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet.
Comme il a été précisé ci-dessus, les agences régionales de santé sont déjà habilitées à rechercher des PFAS lors de leur contrôle de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine (voir l’arrêté précité du 30 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine).
De nombreuses agences effectuent donc déjà des campagnes de mesure de ces PFAS. Ces résultats apparaissent souvent sur les sites internet des agences.
Avant même l’échéance du 1er janvier 2026, les ARS sont déjà susceptibles de détecter des situations de non-conformité de l’eau destinée à la consommation humaine si les analyses montrent que la concentration de la somme des vingt PFAS dépasse les 100 nanogrammes par litre. Dans cette situation, la personne responsable de la production et de la distribution d’eau est invitée à améliorer la qualité de l’eau dans les meilleurs délais et à informer la population. À ce stade, l’eau bien que non-conforme d’un point de vue réglementaire reste consommable et des mesures de restriction de la consommation d’eau n’ont pas encore été mises en œuvre.
L’eau ne serait plus consommable si des valeurs sanitaires étaient dépassées. Ces valeurs sont définies par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) ou recommandées par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Ces valeurs, déterminées sur la base de travaux scientifiques et toxicologiques, précisent les niveaux au-delà desquels l’exposition des populations peut présenter un risque pour la santé. Actuellement, il n’existe pas de valeur sanitaire nationale pour les PFAS. La direction générale de la santé a saisi l’Anses et le Haut Conseil de la santé publique afin qu’ils établissent des modalités nationales de gestion adaptées. Ces expertises sont en cours. Le HCSP a remis ses conclusions au ministère de la santé en juillet 2024 et elles ont été publiées en décembre 2024. Le Haut Conseil renvoie à l’Anses la mission principale de définir des valeurs sanitaires (dites valeurs toxicologiques de référence), mais indique que tant que de telles valeurs ne sont pas définies, il serait souhaitable en terme de limite de qualité réglementaire d’appliquer une concentration maximale de 20 ng/L pour quatre PFAS particulièrement nocifs (à savoir le PFOA, le PFOS, le PFHxS et le PFNA) s’ils sont mesurés dans l’eau destinée à la consommation humaine ([37]).
L’article 2 bis, introduit en commission par l’amendement CD16 de M. David Taupiac (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), donnait pour mission aux agences régionales de santé de réunir leur commission de coordination dans les domaines de la prévention et de la promotion de la santé, de la santé scolaire, de la santé au travail et de la protection maternelle et infantile et de présenter le niveau d’exposition de la population de leur région aux substances per- et polyfluoroalkylées, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.
Cet article a été modifié en séance publique par l’adoption des amendements identiques n° 96 de Mme Anne-Cécile Violland (Horizons), n° 104 de Mme Claire Colomb-Pitollat (Renaissance) et n° 118 M. Cyrille Isaac‑Sibille (Démocrate – MoDem et Indépendants).
Les agences régionales se voient confier le soin, suite à l’adoption de ces amendements, de rendre publics le programme des analyses de substances poly- et perfluoroalkylées qu’elles vont mener ainsi que les résultats de ces analyses sous la forme d’un bilan annuel régional. En consolidant ces données, la proposition de loi donne pour mission au ministre chargé de la santé publique de publier chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet.
L’article 2 bis donne ainsi un fondement législatif et donc national à une pratique qui semble effective sans que l’on puisse savoir si la publication des résultats est actuellement exhaustive.
L’examen de cet article en commission et en séance publique au Sénat n’a pas substantiellement modifié son contenu. Deux amendements adoptés en séance publique au Sénat (n° 5 et n° 17 de M. Gillé et de Mme Souyris – groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) ont ajouté que la publicité faite par les agences régionales de santé de leur programme de contrôle de la présence de PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine devait également concerner les eaux conditionnées en bouteille, ce qui comprend en France essentiellement les eaux de source et les eaux minérales de source mises en bouteille.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article sans y apporter de modification.
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Lors de sa réunion du mercredi 12 février 2025, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Nicolas Thierry, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (n° 161).
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Conformément à la demande du groupe Écologiste et social, la proposition de loi (PPL) sur les PFAS est examinée selon la procédure de législation en commission, qui s’applique sur l’ensemble du texte. Les articles ne pourront être amendés en séance que pour assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination en cours ou corriger une erreur matérielle.
Je rappelle que ce texte est le fruit d’un travail important, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et que la volonté est qu’il soit adopté conforme à l’issue de l’examen par cette commission.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. J’ai l’honneur de revenir devant notre commission ce matin pour vous soumettre à nouveau ma proposition de loi qui vise à protéger la population des risques liés aux PFAS.
Certains d’entre vous le savent, mon activité de parlementaire se concentre depuis de longs mois sur cette pollution chimique insidieuse, invisible mais omniprésente, que nul ne peut plus ignorer.
Mes chers collègues, aucune de vos circonscriptions, aucun territoire, aucun cours d’eau ni réseau d’eau potable n’échappe à ce fléau, à cette menace de contamination généralisée, comme l’attestent notamment les récentes enquêtes sur la qualité de l’eau du robinet, parues dans la presse.
Même si beaucoup d’entre vous étaient présents au sein de notre commission lors de la première lecture de cette proposition de loi, il y a près d’un an, d’autres nous ont rejoints depuis. Aussi, permettez-moi de revenir brièvement sur les défis soulevés par la pollution aux PFAS, même si je vous sais très nombreux à en connaître les enjeux.
Ces PFAS, que l’on appelle aussi « polluants éternels », sont une invention humaine. Produits de la créativité de quelques industriels du XXe siècle, ces molécules sont, à l’échelle de l’humanité, extrêmement récentes. Jusque dans les années 1950, nous vivions dans un monde qui ignorait tout de la synthèse des PFAS.
Ces substances chimiques forment une famille de près de 12 000 composés. Leur caractéristique commune est une chaîne d’atomes de carbone et de fluor, qui leur confère de nombreuses propriétés : elles sont stables sous de fortes chaleurs ; elles sont imperméables et antiadhésives ; elles repoussent les graisses et sont antitaches. Revers de ces multiples qualités : ces composés ne se dégradent pas, ou très peu, dans l’environnement. Ils s’infiltrent dans les sols, l’eau, l’air et les tissus organiques. Ils sont ainsi à l’origine d’une pollution systémique, parfois éternelle en raison de leur extrême persistance. Cette imprégnation généralisée est telle que le coût de la dépollution se chiffrerait, à l’échelle du continent et selon une récente enquête parue dans la presse, en centaines de milliards d’euros.
Il est impossible aux humains et à tout être vivant d’échapper aux PFAS. Et une fois ces molécules dans un organisme, il est difficile de les en déloger, car leurs propriétés chimiques les préservent de l’action des enzymes qui devraient les dégrader.
Or cette exposition subie et massive est grave. Les scientifiques considèrent que ces substances représentent des risques sérieux pour la santé et de nombreuses études les caractérisent. Les plus documentés sont, notamment, l’altération de la fertilité, les maladies thyroïdiennes, les taux élevés de cholestérol, les lésions au foie, les cancers du rein et des testicules, la réponse moins importante aux vaccins ou encore le poids réduit des enfants à la naissance.
Nous sommes donc bel et bien face à un désastre sanitaire, de l’ordre des scandales du chlordécone ou de l’amiante pour ce qui est de la portée et de la gravité.
Ce constat étant posé, venons-en à la proposition de loi qui nous occupe ce matin. Avant d’en détailler les mesures, je souhaiterais souligner l’occasion que nous avons, grâce à l’intérêt collectif que nous avons su manifester, de poser aujourd’hui, puis la semaine prochaine en séance, les premiers jalons de la lutte contre les polluants éternels. Peu nombreuses sont en effet les propositions – surtout lorsqu’elles émanent des oppositions – qui franchissent les méandres de la navette parlementaire pour aboutir à une éventuelle adoption définitive. Et c’est bien avec cet objectif que je me présente à vous.
Aussi, je veux avoir un mot de remerciement pour nos collègues du Sénat, qui ont bien voulu considérer ce texte et l’adopter dans de délais brefs, pour nous permettre d’en discuter aujourd’hui. Je rappelle que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité, d’abord à l’Assemblée, puis au Sénat. Gageons qu’elle rencontrera le même enthousiasme pour cette deuxième lecture.
Je vous propose d’adopter cette PPL à l’identique, dans sa version issue du Sénat. À cet égard, je vous remercie d’avoir été économes en propositions d’amendements et de permettre ainsi, je l’espère, une adoption conforme.
Cette proposition, dont je suis l’auteur, a été modifiée depuis son dépôt. Son contenu a été amendé ici même, puis au Sénat. Autant le dire et cela n’échappera à personne, le texte tel qu’il nous parvient n’est pas celui que j’ai déposé ; il ne correspond pas, en tout point, à l’ambition initiale que je souhaitais donner à cette loi. Néanmoins, conscient des équilibres de notre assemblée et de l’urgence qu’il y a à agir contre les polluants éternels, je souhaite tout de même son adoption définitive, car il comporte des avancées majeures, dont il serait impensable de se priver, compte tenu de l’urgence de la situation.
Avec cette PPL, je vous propose de doter la France de sa toute première loi de lutte contre les polluants éternels. Et par la même occasion de faire de notre pays l’un des pionniers en Europe en la matière.
La première mesure vise à limiter la pollution aux PFAS à la source, en prenant des restrictions échelonnées dans le temps, selon la disponibilité des solutions de remplacement. Je vous propose d’agir dès 2026 sur des usages pour lesquels ces solutions existent déjà – les cosmétiques, les farts de ski, les vêtements et les chaussures –, puis en 2030 sur l’ensemble des produits textiles. Ce calendrier, fruit de nos débats, a été complété par les sénateurs, qui ont jugé bon d’ajouter certaines exceptions. Si le périmètre de celles-ci est défini dans le texte, leur liste devra faire l’objet d’un décret.
Ces restrictions apparaissent plus que jamais essentielles. En effet, s’il existe un projet européen en ce sens, il semble « avoir du plomb dans l’aile ». J’ai d’ailleurs exprimé mes doutes à ce sujet devant vous, il y a plusieurs mois ; l’année écoulée m’aura malheureusement donné raison : la procédure européenne de restriction des PFAS sera plus longue et plus incertaine que prévu. Dès lors, adopter au niveau national les restrictions que je défends enverra à nos partenaires européens un signal ambitieux qui, je l’espère aussi, conduira à renforcer notre ambition commune.
Concernant ces premières restrictions, je veux évoquer les ustensiles de cuisine qui, vous vous en souvenez sans doute, nous avaient divisés en première lecture. Je reste convaincu qu’ils ne devraient pas contenir de PFAS, car d’autres options existent. Sur cette question, je n’ai pas trouvé de majorité parlementaire ; j’ai en revanche, il me semble, remporté une bataille culturelle. À défaut d’établir une norme, nous aurons mis en lumière un enjeu majeur. Je ne rouvrirai donc pas le débat sur ces ustensiles, car je sais qu’il condamnerait toute possibilité d’adoption définitive.
La deuxième mesure de cette PPL concerne le contrôle de l’eau potable. Je vous propose, dès la promulgation de cette loi, d’inclure les PFAS dans le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable. Cette disposition va au-delà de la réglementation actuelle et de celle prévue par le droit européen. Elle instaure une recherche obligatoire des PFAS, sans délai, et concerne une liste de substances plus large que celle du droit européen. Pour rappel, une directive européenne nous obligera à rechercher vingt PFAS seulement, parmi lesquelles ne figure pas le TFA (acide trifluoroacétique), pourtant retrouvé massivement dans les eaux de nombreuses communes françaises. La disposition que je propose est assortie d’une obligation pour le gouvernement de publier une carte des sites ayant pu émettre ou émettant des PFAS dans l’environnement. Cette carte apportera une transparence bienvenue quant à la réalité de la pollution de nos territoires.
Je propose ensuite, dans deux articles ajoutés au cours de la discussion, de doter la France d’une trajectoire nationale de réduction des rejets aqueux de PFAS depuis les installations industrielles, et d’établir un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux potables.
Je souhaite également faire inscrire dans notre loi le principe pollueur-payeur. Cette inscription prendra la forme d’une redevance, assise sur les rejets de PFAS dans l’eau. Son objectif est de faire contribuer financièrement les industriels à l’origine de la pollution. J’insiste sur le coût que va représenter la pollution aux PFAS dans nos territoires, pour nos collectivités. Dès l’entrée en vigueur du contrôle de la présence des PFAS dans l’eau, nombre de nos communes connaîtront des dépassements de la norme réglementaire. Nos collectivités devront alors consentir des investissements massifs pour traiter l’eau. La redevance que je propose est un premier levier pour anticiper ce mur d’investissement. Elle a été précisée en première lecture et je suis heureux qu’elle ait été soutenue, à l’Assemblée puis chez nos collègues du Sénat, qui sont particulièrement sensibles aux contraintes qui pèseront bientôt sur nos collectivités.
Le dernier point de cette PPL permet de préciser notre approche concernant les eaux potables. Il crée une obligation de transparence pour les autorités sanitaires, qui devront rendre publics les programmes d’analyse des PFAS dans l’eau potable et dresser des bilans réguliers. Le Sénat a souhaité préciser que ces contrôles cibleraient aussi les eaux en bouteilles, précision dont l’actualité a prouvé toute la pertinence.
Pour conclure, je rappelle que nous avons aujourd’hui la possibilité de marquer une avancée majeure et d’être, collectivement, au rendez-vous pour lutter contre les toxiques qui empoisonnent nos vies. Nous sommes observés et certains voient dans cette proposition de loi des mesures concrètes et un signal fort pour répondre à leurs préoccupations. J’espère que nous saurons être à la hauteur.
L’enjeu est simple : il faut adopter cette PPL sans modification. Car sur ces sujets, chaque année de perdue se compte, hélas, en vies humaines.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Pierre Meurin (RN). Je souhaite débuter mon intervention par une rapide présentation. Je suis le député de la circonscription de Salindres. J’habite à cinq minutes de cette commune et je me promène tous les week-ends, avec mes enfants, au bord de l’Avène, qui serait, paraît-il la rivière la plus polluée au monde. Je suis donc vaguement concerné par le problème sanitaire dont nous traitons aujourd’hui.
Mais je suis aussi le député qui subit, à cause de l’effroi lié aux PFAS, la casse sociale provoquée par la fermeture de l’usine Solvay de Salindres. J’ai une pensée pour les soixante-douze salariés qui vont être licenciés dans les prochains mois – et qui devront continuer de rembourser leur crédit immobilier –, en raison de cet effroi créé par le législateur et de sa précipitation à légiférer. En effet, considérant la versatilité de ce même législateur, les industriels anticipent la future incorporation des TFA dans la législation relative aux PFAS et ferment leurs usines.
Ce matin, j’aurais aimé pouvoir saluer Mme Agnès Pannier-Runacher, mais avec cette procédure de législation en commission, toute cette deuxième lecture se déroulera sans la présence de la ministre, qui ne pourra donc pas donner son avis sur les amendements examinés. Je trouve cela regrettable et pas sérieux de la part du gouvernement. Cette discussion aurait mérité une présence gouvernementale afin d’éviter une adoption à la va-vite. Mon collègue Frédéric-Pierre Vos a, par exemple, proposé un amendement pour classer les PFAS en trois catégories, selon le danger qu’elles présentent : verte pour les non dangereuses ; grise lorsqu’il n’y a pas d’avis fondé en matière de dangerosité ; rouge en cas d’avis scientifiques qui confirment la dangerosité. Si un ministre était présent, nous aurions pu obtenir une réponse quant à cet amendement.
À la suite d’auditions que j’ai menées à titre personnel, j’ai quant à moi déposé un amendement visant à exclure les textiles à usage industriel. L’avis du rapporteur est certes très intéressant à cet égard, mais nous aurions aimé avoir une réponse du gouvernement.
Je m’interroge également sur le bien-fondé d’une cartographie où figureront tous les sites qui produisent ou ont produit des PFAS. Cela ressemble à une chasse à l’entreprise et à une stigmatisation alors que, dans le même temps, le président de la République souhaite réindustrialiser le pays.
Notre position est globalement bienveillante au regard des enjeux sanitaires que vous évoquez, Monsieur le rapporteur. Certaines de nos inquiétudes demeurent cependant et nous considérons que la peur n’est pas bonne conseillère lorsqu’il s’agit de légiférer. La situation dans ma circonscription en est un très bon exemple.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Pour rappel, la présence des ministres en commission n’est ni constitutionnellement ni réglementairement obligatoire. Plusieurs textes, et non des moindres – projet de loi sur le nouveau pacte ferroviaire et sur la collectivité européenne d’Alsace ; proposition de loi de M. Serva sur la continuité territoriale en outre-mer ou encore celle de M. Taupiac sur les PFAS –, ont déjà été examinés en commission le mercredi matin, sans présence d’un ministre. En outre, celui qui nous occupe a été largement débattu à l’Assemblée, que ce soit en commission ou en séance publique, ainsi qu’au Sénat, en commission et en séance publique également. La ministre a donc pu largement s’exprimer.
M. Anthony Brosse (EPR). Nous nous retrouvons ce matin pour examiner de nouveau la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées, de retour après son adoption, au printemps dernier, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Fruit d’un travail transpartisan, sa réécriture avec le gouvernement et les différents groupes politiques a, en effet, permis d’aboutir à une version adoptée à l’unanimité par nos deux assemblées.
Les dates d’interdiction et les produits concernés ont fait débat – et c’est normal –, mais nous avons su trouver un consensus, salué à la fois par les représentants de la nation que nous sommes, par les associations de consommateurs et de protection de l’environnement et par la majorité des industriels producteurs de PFAS affectés par ces interdictions. Certes, les ustensiles de cuisine n’ont pas été retenus. Les entreprises impliquées et leurs salariés voient donc leur outil de production et leurs emplois préservés, l’évolution de ce secteur d’activité étant cependant nécessaire face à un législateur prompt à infléchir la réglementation sur les PFAS. En effet, la révision du règlement européen Reach sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques utilisés sur le continent démontre la volonté des parlementaires de poursuivre l’action européenne en faveur d’une plus grande protection environnementale et sanitaire.
Ces mesures ne signifient pas l’arrêt de la production de PFAS ni de leur rejet dans l’environnement, mais le texte que nous examinons présente l’avantage d’inscrire dans la loi de premières dispositions importantes et engageantes pour l’avenir.
Nous pourrions également envisager de nous doter de la liste de l’ensemble des PFAS existantes – 15 000 environ –, identifier celles dont la dangerosité est avérée et prendre des mesures à leur encontre. En attendant que ce travail titanesque – qui n’est pas du ressort de la loi – soit effectué, le groupe EPR appelle à une adoption conforme de cette proposition de loi.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous examinons aujourd’hui un texte qui marquera une étape cruciale dans le combat contre les PFAS, contre leur prolifération massive et leurs conséquences gravissimes sur la santé des Françaises et des Français. À cet égard, il faut saluer le travail mené sans relâche par des associations et des lanceurs d’alerte, par des élus, des journalistes et des scientifiques. Il faut aussi entendre la voix des victimes, qui se comptent par millions, puisque chacune et chacun d’entre nous sont concernés.
Nous devons garder à l’esprit la mesure de ce scandale, puisque les PFAS sont partout, que ce soit dans nos vêtements, nos cosmétiques, nos ustensiles de cuisine, dans l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons. C’est tout notre quotidien qui est contaminé et qui, insidieusement, nous met en danger.
Les eaux de surface de trois des cinq villes de ma circonscription – Athis-Mons, Savigny-sur-Orge et Viry-Châtillon – figurent parmi les 900 hotpots de contamination du territoire français. Ce sont au total des millions de nos concitoyens qui boivent une eau contenant des niveaux de PFAS supérieurs aux normes européennes. De même, des milliers de travailleurs – dont ceux de l’usine Solvay – sont surexposés à ces molécules. Et il en sera ainsi à l’avenir si la législation n’évolue pas.
Ces quatre lettres sont devenues synonymes d’intoxication à très grande échelle, imputable en l’occurrence à la voracité et au cynisme des industriels et à la docilité, voire à la complaisance de certains décideurs politiques qui, en responsabilité, ont choisi de ne rien faire.
Ce texte est une étape nécessaire, mais qui reste, comme M. le rapporteur l’a souligné, largement insuffisante. En effet, la poêle antiadhésive, symbole de ce quotidien qui intoxique, en est exclue. Or si les PFAS sont toxiques dans nos vêtements ou nos cosmétiques, ils le sont tout autant, et sans doute davantage, lorsqu’ils servent à notre alimentation. Il faut également mentionner les reculs consentis pour faire adopter cette PPL, notamment l’interdiction totale des PFAS en 2027 qui devient une interdiction limitée à certaines substances en 2030.
En outre, dans sa version initiale, l’article 3 de la PPL prévoyait un gage sur le tabac et une taxe additionnelle de 1 % sur les bénéfices réalisés par les industries qui rejettent des PFAS dans l’environnement. Ces éléments ont disparu de la nouvelle mouture du texte, mais la question du financement demeure. En Europe, la fourchette des coûts en matière de santé après l’exposition aux PFAS est de l’ordre de 52 à 84 milliards d’euros chaque année. Quant aux coûts des traitements des eaux potables et usées nécessaires à l’élimination des PFAS, ils sont estimés à 238 milliards d’euros par an, à l’échelle de l’Union européenne. Ces montants sont colossaux. Qui va payer ?
Tant que les pollueurs ne paient pas, ce sont les pollués qui le font, deux fois, par leurs impôts et par leur santé. Ils paient même, parfois, de leur vie.
Nous saluons ce texte et nous soutiendrons son adoption en conformité, mais c’est un salut au milieu d’une bataille qui ne fait que commencer.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’ensemble du groupe Socialistes et apparentés se félicite de voir ce texte de nos partenaires écologistes revenir en deuxième lecture devant notre commission, un peu plus de dix mois après son adoption en première lecture.
De quoi parlons-nous exactement lorsque l’on évoque les PFAS ? Indestructibles dans la nature et capables de se disperser sur de très grandes distances, ces substances sont considérées comme des polluants éternels. Présents dans nombre d’objets de la vie courante – tapis, peintures, emballages alimentaires, traitements contre l’acné, gainages de circuits électriques dans les avions, prothèses de hanche, fil dentaire, cordes de guitare, batteries de véhicules électriques…–, ils continuent d’être largement produits et utilisés, en raison notamment de leurs qualités antiadhésives et imperméabilisantes.
Pourtant, ces produits posent deux problèmes très concrets, qui ont fait l’objet d’une large attention médiatique ces derniers mois, ce dont je ne peux que me féliciter. Premier problème : ces substances sont partout dans notre environnement, comme l’ont prouvé les rapports du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) et du Forever Pollution Project, qui ont recensé près de 17 000 sites contaminés dans toute l’Europe, dont 2 000 environ qui présentent des niveaux de pollution particulièrement inquiétants pour la santé des riverains. Des effets nocifs et toxiques de plusieurs PFAS sur le métabolisme humain ont été observés et le caractère cancérigène de ces produits est avéré.
Leur présence dans l’eau, l’air et dans certaines poussières n’est pas anodine, tandis que le coût de la dépollution se chiffre à 2 000 milliards d’euros sur vingt ans pour l’Europe, selon les dernières estimations. Concrètement, ne pas agir aujourd’hui signifie voir augmenter encore cette facture vertigineuse, alors que d’autres investissements sont nécessaires pour relever les défis de la transition écologique. Nous sommes, dans cette commission, particulièrement bien placés pour le savoir.
Aussi la proposition de loi du groupe Écologiste et social – qui vise à interdire les PFAS dans les produits cosmétiques, les emballages alimentaires et les farts – est-elle la bienvenue, comme le prouve le large consensus obtenu en première lecture, à l’Assemblée comme au Sénat. Et bien que la version du texte examinée aujourd’hui soit moins ambitieuse que celle d’origine, nous ne pouvons que nous satisfaire que le législateur s’empare de ce sujet écologique et sociétal majeur.
Nous soutiendrons donc cette PPL et nous nous joignons à l’appel de notre collègue rapporteur pour un vote conforme.
M. Vincent Descoeur (DR). Le texte que nous examinons ce matin traite d’un sujet particulièrement préoccupant, souvent soulevé, souvent montré du doigt, mais qui, à ce jour, n’a jamais fait l’objet d’une réponse législative. Il s’agit des risques environnementaux et sanitaires qui découlent de la présence en nombre de PFAS, tristement connus sous le nom de polluants éternels en raison de leur persistance dans l’environnement.
Si ces PFAS présentent des propriétés particulières qui ont incité les industriels à les développer – on en recense aujourd’hui plus de 12 000 –, elles se caractérisent aussi par un inconvénient majeur : leur persistance dans la nature, où ils ne cessent de s’accumuler. On les retrouve désormais en quantité dans le sol, dans l’air et dans l’eau, en particulier dans celle destinée à la consommation humaine. Ce qui suffit à justifier que l’on se préoccupe, sans délai, de cette question de santé publique en introduisant le principe de recherche systématique et sans délai de la présence de ces PFAS dans l’eau potable.
Au-delà de cette disposition, l’article 2 de cette proposition de loi introduit le principe d’une redevance acquittée par les producteurs de ces molécules. Ils contribueront ainsi à la dépollution de l’eau destinée à la consommation humaine, en accompagnant les collectivités – par l’intermédiaire des agences de l’eau – qui devront, immanquablement, engager des investissements massifs. Je souscris pleinement à ce principe à titre personnel, cela d’autant plus que dans le rapport d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique, et parmi les propositions que mon collègue Yannick Haury et moi-même avions faites, figurait en bonne place l’élargissement aux PFAS de la redevance pour pollution diffuse, sur le principe pollueur-payeur.
Ce texte, adopté en première lecture à l’Assemblée, est le fruit d’un compromis avec le Sénat, ce qui mérite d’être souligné. Son objectif est de protéger nos concitoyens contre les risques pour la santé inhérents aux rejets de ces substances, désormais très présentes dans notre environnement quotidien, et d’en interdire à terme l’utilisation dans un certain nombre de domaines, en raison de leur caractère persistant.
Résultat d’une prise de conscience salutaire, cette PPL est une première réponse à un problème de santé publique très préoccupant. Il s’agit d’un premier pas, auquel notre groupe s’associera.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous avons tous du poison dans le sang. Les PFAS, ces polluants éternels, sont partout : dans l’eau que nous buvons, dans l’air que nous respirons, dans la nourriture que nous mangeons. Et ils ne disparaissent jamais. L’an dernier, avec treize autres députés de mon groupe, j’ai fait analyser mes cheveux. Résultat : un taux de contamination aux PFAS bien supérieur à la moyenne nationale. Cela me concerne moi, mais aussi les habitants de ma circonscription et du sud de Lyon, autour de Pierre-Bénite, l’un des territoires les plus pollués d’Europe, à cause des rejets de l’industrie chimique.
Nous savons que les PFAS provoquent des troubles hormonaux, des cancers et d’autres maladies graves. Nous savons aussi qui sont les premières victimes : les travailleurs des usines de l’industrie chimique. Ces mêmes ouvriers qu’on a laissés sans protection face à l’amiante, que l’on a sacrifiés au nom du profit. Nous leur devons la vérité ; nous leur devons des solutions pour sortir de cette industrie toxique.
Le consensus scientifique est clair. La raison de notre inaction l’est moins. Pourquoi perdons-nous tant de temps, alors que nous disposons de tous les éléments pour agir ? Peut-être parce que face à cette proposition de loi, l’industrie chimique a sorti l’artillerie lourde. BASF, Bayer, Syensqo (ex-Solvay) et tous les grands pollueurs ont mobilisé leur lobby. Il y a un an, en Belgique, ils ont réuni soixante‑treize PDG pour signer un pacte contre l’interdiction de PFAS. Ils nous parlent de pacte industriel, mais un pacte pour qui ? Certainement pas pour nous, qui avons déjà perdu trop de temps.
Chaque année, la contamination s’étend, le nombre des victimes et les coûts de dépollution explosent : jusqu’à 100 milliards d’euros par an en Europe. Alors qui va payer ? Pas les pollueurs, alors ce sera nous, nos collectivités, nos hôpitaux, nos familles, nos corps.
Face à ce sabotage organisé, des voix s’élèvent heureusement et refusent de se taire. Celles de scientifiques qui voient leurs travaux ignorés ou minimisés sous la pression des industriels ; celles de journalistes qui mettent en lumière la vérité ; celles de collectivités qui prennent leurs responsabilités ; celles d’associations et de militants qui, partout en France, se battent sans relâche pour la transparence et la justice environnementale.
J’étais, pas plus tard qu’hier, aux côtés de militants attaqués en justice pour avoir dénoncé le scandale des PFAS produits par Arkema, dans le Rhône. Ces citoyens analysent l’air, l’eau, les corps et révèlent ce que d’autres préfèrent cacher. Ils interpellent les pouvoirs publics, exposent les responsabilités, demandent des comptes aux pollueurs et organisent des actions en justice, pour que l’empoisonnement de nos territoires ne soit pas une fatalité.
Pour ne pas les trahir, je vous invite à voter cette proposition de loi de mon collègue Nicolas Thierry, sur laquelle il travaille depuis deux ans. Et à la voter telle quelle, sans amendement, afin qu’elle puisse s’appliquer au plus vite.
Bien sûr, nous devrons aller plus loin dans cette bataille, mais en demander davantage aujourd’hui, ce serait prendre le risque de perdre ce précieux texte dans les méandres des échanges parlementaires et, finalement, de ne jamais voir adoptées les avancées obtenues. Ce serait au fond faire un cadeau aux lobbies. Ce serait dire aux Français : « Oui, nous savons que vous buvez de l’eau contaminée, mais laissez‑nous encore quelques années pour agir. » Ce n’est pas notre choix. Défendons la santé des gens et ne laissons pas les pollueurs dicter la loi.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il y a trois ans était révélée la pollution aux PFAS dans ma circonscription, à Pierre-Bénite, au sud de la métropole de Lyon. Le groupe Les Démocrates soutient pleinement ce texte, qui reprend les recommandations du rapport « PFAS, pollution et dépendance : comment faire marche arrière ? », que m’avait confié le gouvernement. On y retrouve ainsi l’interdiction d’usages non essentiels de PFAS dans les farts, les cosmétiques et certains textiles, dès 2026, le renforcement du contrôle des eaux potables, pour inclure celui des PFAS, comme c’est inscrit dans la directive-cadre sur l’eau, l’interdiction des rejets des PFAS dans les milieux naturels, à la suite d’un amendement du groupe Les Démocrates adopté lors de la première lecture, la définition, dans le plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine, un ajout opportun du Sénat au regard de l’estimation proposée par le Forever Pollution Project. Il reprend aussi une redevance pollueur-payeur assise sur les rejets aqueux des PFAS, qui deviendra rapidement obsolète je l’espère, car il n’y aura plus de rejets.
Nous souhaitons un vote conforme du texte du Sénat, afin qu’il soit promulgué le plus rapidement possible. Il s’agit, en effet, d’un message fort envoyé aux industriels pour qu’ils anticipent la fin de l’utilisation des PFAS dans leur processus de fabrication – comme ont déjà su le faire les producteurs de cosmétiques – et qu’ils participent financièrement à la dépollution. Il s’agit aussi d’envoyer un message à l’Europe, car la vraie réponse sera européenne. Il y a un an, l’Europe a ainsi interdit l’usage des PFAS dans les emballages alimentaires. La France prend de l’avance aujourd’hui et anticipe les décisions que l’Europe devra prendre rapidement, de manière harmonisée, sur l’ensemble du continent.
Mais cette PPL n’est qu’une première pierre et nous devrons aller plus loin. Plusieurs pays d’Asie s’emparent du sujet, tandis que des états américains interdisent déjà d’autres usages des PFAS, comme dans les textiles d’ameublement et les jouets. Il nous faudra également traiter la question des rejets atmosphériques et de l’air ambiant et insister auprès de certains acteurs qui ont pris du retard – industriels, armée, compagnies aériennes – pour qu’ils débutent des campagnes de prélèvement et d’analyse et mettent en place des mesures contre les rejets de PFAS.
Enfin, nous avons interdit certains usages et c’est une très bonne chose. Dès à présent, les autorités publiques doivent prévoir des contrôles – car il ne suffit pas d’interdire, il faut ensuite contrôler –, afin que les produits importés ne contiennent plus de PFAS.
Des décisions restent à prendre pour protéger durablement notre environnement et la santé de nos concitoyens. Le groupe Les Démocrates soutient cette avancée législative, coconstruite par nos collègues ici – je me souviens de la première proposition de loi de M. Taupiac – et au Sénat. Nous devrons également suivre collectivement la progression du plan interministériel que le gouvernement a mis en place il y a un an.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Tout d’abord merci, Monsieur le rapporteur, d’avoir remis cette question essentielle au centre de nos préoccupations.
En 2023, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, présentait un plan d’action ministérielle pour la période 2023-2027, qui prévoyait notamment la surveillance des milieux naturels, l’accélération des recherches scientifiques pour trouver des produits de remplacement ainsi qu’un accès facilité à l’information pour les citoyens. L’idée était de rappeler l’importance d’une action coordonnée à l’échelle européenne pour supprimer les risques liés à l’utilisation des PFAS.
Le texte examiné aujourd’hui, travaillé par nos deux assemblées en première lecture, confirme la volonté de réduire la source d’exposition et les risques sanitaires associés à ces PFAS. Il prévoit notamment des interdictions de mises sur le marché, dès 2026, pour certains produits comme les cosmétiques, les farts, les textiles d’habillement et de chaussures – hors vêtements industriels et de protection –, pour lesquels il existe déjà des solutions de remplacement.
Lors de la première lecture, nous avons trouvé un consensus entre notre obligation de supprimer les risques sanitaires et la nécessaire transformation des industries qui utilisent ces produits, pour leur permettre de trouver des alternatives et préserver ainsi l’économie.
Le groupe Horizons & indépendants confirme – après déjà deux votes – vouloir interdire l’ensemble de ces substances, de manière coordonnée et harmonisée à l’échelle européenne, sauf dérogations proportionnées que nous avons pu prévoir et qui ont été reprises par le Sénat. Force est de constater que les négociations européennes sur le sujet ont pris du retard, même si le travail de consultation continue, par le biais notamment de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa). C’est pourquoi, en tant que législateur, il nous incombe d’agir sans attendre, en particulier lorsque des produits de substitution opérationnels existent déjà, pour envoyer un message à nos partenaires européens.
Nous soutenons également l’amendement introduit par les sénateurs qui prévoit que les interdictions voulues dans cette PPL soient soumises à un régime de contrôles et de sanctions, au même titre que le prévoit le règlement Reach, qui permet d’harmoniser la réglementation à l’échelle européenne.
Nous soutenons aussi les politiques visant à mobiliser les connaissances scientifiques, pour aider la R&D (recherche et développement) de l’industrie à trouver des alternatives pour l’ensemble des PFAS, quand bien même tous n’auraient pas le même impact sur la santé. Il est temps de cesser d’opposer le respect de notre environnement et le développement économique.
Nous ne pouvons enfin que soutenir le renforcement des contrôles de l’eau potable et la mise en place d’une trajectoire nationale visant à réduire les rejets de PFAS par les installations industrielles, en amont de leur interdiction, planifiée cinq ans après la promulgation de la loi pour permettre aux industriels de s’adapter et retrouver des alternatives durables. Nous avions déjà soutenu cette position en première lecture.
Par ailleurs, j’ai déjà souligné, lors de la précédente discussion de cette PPL, le coût exorbitant de la dépollution de l’air, de l’eau et des sols pour les collectivités territoriales, qui seront incapables d’en supporter la totalité.
Ce texte, qui est un compromis de nos deux assemblées – j’en profite pour remercier Cyrille Isaac-Sibille pour le travail essentiel qu’il a accompli –, est une première réponse à une préoccupation majeure de santé environnement.
Le groupe Horizons & indépendants appelle, par conséquent, à un vote conforme de ce texte.
M. David Taupiac (LIOT). Nous allons acter la semaine prochaine, je l’espère, une première étape dans la lutte contre les substances per- et polyfluoroalkylées. C’est l’aboutissement d’un long parcours parlementaire, débuté lors de la XVIe législature avec l’audition, en avril 2023, de l’association Générations futures, du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et de la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Cette audition nous avait alertés quant à la pollution massive des PFAS et à leur impact environnemental et sanitaire. J’ai par la suite défendu, dans le cadre de la niche parlementaire réservée au groupe LIOT une proposition de loi interdisant ces substances dans les emballages alimentaires et imposant des normes limites de rejets aux ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement). Ce texte n’avait pas été voté, mais cela n’avait pas mis fin au travail parlementaire. Sur presque tous les bancs de l’Assemblée, des députés ont continué à se mobiliser. Je pense par exemple à Jimmy Pahun, à Cyrille Isaac-Sibille et, surtout, à Nicolas Thierry, que je remercie pour son travail.
Dans le même temps, les ONG et la presse n’ont cessé de jouer leur rôle de lanceurs d’alerte, essentiel pour faire bouger les choses.
Nous examinons aujourd’hui un texte de compromis ; certains y verront des renoncements, d’autres des contraintes excessives. J’y vois pour ma part des mesures utiles, qui tiennent compte de l’état des connaissances et de la science, et une première étape pour faire entrer la question des PFAS dans la loi. Ainsi, le calendrier d’interdiction d’utilisation des PFAS concerne certaines applications – les farts, les cosmétiques et le textile – pour lesquelles il existe d’autres solutions que ces substances. À cela s’ajoutent des mesures de réduction de pollution à la source, par la mise en place de normes de rejets industriels. C’est une démarche nécessaire pour que nos sols et nos eaux, déjà contaminés, ne le soient pas davantage. Quant à l’ajout de PFAS à la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau, il constitue une première étape vers le financement de la dépollution.
Il y a bien sûr quelques bémols : la proposition de loi issue du Sénat renvoie une grande partie des mesures à des décrets, ménageant ainsi autant de voies de sortie pour les industriels. En outre, elle ne concerne qu’un nombre très limité d’usages, qu’il conviendra d’élargir en travaillant avec les industriels concernés.
Le groupe LIOT ne déposera pas d’amendement pour faciliter l’adoption conforme, à laquelle nous sommes favorables, en commission et dans l’hémicycle.
M. Éric Michoux (UDR). Comme Pierre Meurin, j’ai dans ma circonscription un site industriel, l’usine Tefal, qui utilise ces produits et au sein duquel travaillent 1 800 personnes, qui fabriquent des poêles antiadhésives. Je me balade, moi aussi, au bord de l’eau, avec ma fille de sept ans ; je n’ignore rien des problèmes sur la santé et l’environnement que posent les PFAS. L’UDR comprend la préoccupation des Français, qui est évidemment tout à fait légitime.
Vous avez eu raison, Monsieur le rapporteur, de porter un regard particulier sur les ustensiles de cuisine, qui sont aujourd’hui un des fleurons de notre industrie, d’autant que les industriels sont déjà contraints par la norme Reach, qui encadre l’utilisation de ce type de produits. Et si, demain, il était interdit de les fabriquer, nous devrions, de toute façon, faire face à des importations de pays moins regardants quant à la qualité de leurs produits. On retrouverait ainsi, en Europe et en France, des produits chinois largement plus polluants.
Il faut donc protéger notre industrie, avec sérieux et sérénité, en contrôlant la pollution et ses effets sur la population. Ne cassons pas nos fleurons à cause de dogmes
écolo-socialo. C’est ce qu’on a fait dans l’automobile et, aujourd’hui, on importe des voitures électriques plus polluantes. C’est ce qu’on a fait pour notre agriculture, détruite par un système de surtransposition des directives européennes, ce qui nous conduit à importer des poulets ukrainiens immangeables ou de mauvaises oranges espagnoles.
Ne détruisons pas à nouveau notre industrie à cause de dogmes écolos. (Protestations.) Je voulais dire d’extrême gauche.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Merci, mes chers collègues, pour votre soutien quasi unanime.
Je souhaite revenir sur le TFA, afin que tout le monde comprenne bien de quoi l’on parle. Le TFA est un PFAS à chaîne courte qui, de ce fait, est particulièrement mobile. Par ailleurs, il peut aussi apparaître dans l’environnement parce que certains PFAS, lorsqu’ils se dégradent, deviennent des métabolites du TFA. C’est ce qui explique qu’on le retrouve dans de nombreux endroits, à des taux très élevés. Cela inquiète beaucoup les autorités, car, à lui seul, le TFA pourrait faire dépasser les seuils de réglementation qui vont être proposés. C’est un sujet de préoccupation en Europe, en particulier au sein de l’AEPC (ou Echa), qui déborde largement le cadre de cette PPL. Ainsi, l’agence de l’environnement allemande vient, par exemple, de classer le TFA comme reprotoxique. Cela va concerner nombre d’industries, la filière et beaucoup de collectivités, car lorsqu’il sera classé comme toxique – ce qui arrivera à un moment ou à un autre –, ce sera un réel problème. Retenez bien ces trois lettres, car le TFA risque d’être un sujet majeur dans les prochaines années.
S’agissant de la dépollution, évoquée par Claire Lejeune notamment, nous devrons nous en préoccuper collectivement après cette proposition de loi. Certes, nous allons faire en sorte de fermer le robinet, mais il subsistera la pollution historique. Comment allons-nous dépolluer ce qui est contaminé depuis des décennies ? Il existe des technologies, comme celle de l’osmose inverse ou celle du charbon actif, mais elles sont extrêmement coûteuses. Les journalistes ont d’ailleurs souligné le coût que cette dépollution allait représenter. C’est l’un des premiers chantiers que nous devrons ouvrir, une fois cette PPL adoptée : comment s’attaquer à cette pollution historique sans mettre les collectivités dans d’immenses difficultés ?
Je ne m’étends pas davantage, car les autres questions seront abordées dans le cadre de l’examen des amendements.
Article 1er : Interdiction des substances per- et polyfluoroalkylées
Amendement de suppression CD10 de Mme Danielle Brulebois
Mme Danielle Brulebois (EPR). Oui, les PFAS sont préoccupants. C’est pour cette raison qu’un plan ministériel a été engagé, que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC, ou Echa) travaillent sur cette question et qu’existe la réglementation Reach (enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances) – réglementation que la proposition de loi tend d’ailleurs non à surtransposer, mais à « avant-transposer ».
Les industriels ont été traités de grands pollueurs, voire de grands criminels au titre de l’incidence de leurs produits sur la santé. Il convient de rétablir certaines vérités. Car si on retrouve effectivement des PFAS dans nos cheveux, ils font aussi partie des composants des pacemakers, des stents, des implants dentaires, des prothèses de hanche, ou encore de médicaments contre le cholestérol. Réfléchissons donc avant de renoncer à tout cela.
Par ailleurs, je rappelle que la proposition de loi n’est pas assortie d’une étude d’impact. L’article 1er, particulièrement, ne distingue pas les PFAS préoccupants pour la santé humaine et l’environnement de ceux qui sont par nature non solubles et non biodisponibles. Tous les PFAS – et heureusement, vu qu’il en existe 11 000 – ne sont pas dangereux pour la santé !
C’est notamment le cas du polyfluorure de vinylidène (PVDF), polymère produit sans fluorosurfactant dans plusieurs sites français, dont celui de Solvay à Tavaux. Très utile à nos médicaments, mais aussi à nos batteries lithium-ion, cette substance est stratégique pour notre souveraineté en matière de transition écologique.
J’appelle donc à faire la part des choses et à éviter les discours populistes. De ce que j’ai entendu, on agite les peurs, on fait peur aux gens, alors que la chimie n’est pas toujours dangereuse pour l’homme. Du point de vue sanitaire, je le répète, les PFAS ont constitué un progrès et favorisé l’allongement de la vie de nos concitoyens. Il faut être un peu rationnel.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je vous répondrai de manière très rationnelle, comme vous m’y invitez.
D’abord, vous souhaitez distinguer les PFAS utilisés dans le secteur de la santé : c’est justement ce que nous faisons, ainsi que l’Union européenne. Nous nous efforçons de séparer les usages essentiels des usages non-essentiels. C’est pourquoi les pacemakers et les prothèses ne sont évidemment pas concernés par la proposition de loi et que l’Echa ne prévoit pas de délai pour la substitution de cette substance pour ces dispositifs, pour lesquels le bénéfice des PFAS est plus important que le risque. À l’inverse, la balance penche clairement du côté du risque s’agissant des usages des industries textile et cosmétique, ou encore pour la fabrication des farts de ski ; c’est ce à quoi je propose de renoncer.
Par ailleurs, vous faites valoir que le texte n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. C’est vrai de toutes les propositions de loi – contrairement aux projets de loi. Nous avons néanmoins mené des auditions. Nous nous sommes appuyés sur le rapport très complet que notre collègue Cyrille Isaac-Sibille a rendu en janvier 2024. Et nous disposons de très nombreuses études décrivant les dangers potentiels de ces substances chimiques persistantes pour l’environnement et pour la santé. Dit autrement, une large bibliographie scientifique et des travaux parlementaires fouillés viennent étayer le texte. L’argument selon lequel nous manquerions de données n’est donc absolument pas recevable.
Vous avez également indiqué que l’Union européenne évaluait actuellement une proposition de restriction universelle, qui a été déposée il y a deux ans par cinq États membres. C’est exact, mais le processus n’aboutira dans le meilleur des cas que dans plusieurs années, alors que nous faisons face à un risque sanitaire établi. À cet égard, je rappelle que certains PFAS sont en passe d’être interdits dans l’ensemble de l’Union européenne, à l’instar de ceux utilisés pour les emballages alimentaires, et que certains pays comme le Danemark ont déjà imposé des restrictions d’utilisation pour certains produits.
C’est précisément la visée de la proposition de loi. De manière très rationnelle, nous réfléchissons en fonction des usages et proposons de limiter le plus rapidement possible la diffusion de ces polluants éternels dans l’environnement dans les secteurs de consommation courante où des solutions de substitution existent déjà. Mon avis est donc évidemment défavorable sur cet amendement.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Cet amendement n’est pas sérieux ! Nous sommes réunis pour traiter le cas de polluants dits éternels, des composés chimiques qui ne se dégradent pas de manière naturelle et qui s’accumulent dans nos organismes, et nous ne devrions pas agir ?
Pour ne citer qu’une étude, celle conduite l’an dernier par l’UFC-Que choisir et l’association Générations Futures fait apparaître que la quasi-totalité des Français sont exposés aux PFAS par l’eau potable qu’ils consomment au quotidien. Il s’agit d’une pollution mondiale, ces substances étant extrêmement mobiles et se propageant tout au long de la chaîne alimentaire, selon le phénomène de bio‑amplification. Des dizaines de ces composés ont ainsi été retrouvées sur des ours polaires qui, par définition, vivent loin de toute source de pollution.
Répétons-le, les PFAS sont reprotoxiques et à l’origine de lésions hépatiques, de cancers, de pathologies de la thyroïde, ou encore d’obésité, et diminuent les réponses immunitaires, notamment à la suite de vaccins. Mais à vous écouter, pour favoriser l’allongement de la vie de nos concitoyens, il faudrait surtout ne rien faire ! Ce n’est pas entendable. Alors que les scientifiques s’accordent justement à dire que nous ne protégeons pas suffisamment les Français contre ce fléau, vous nous expliquez qu’il est urgent d’attendre, de réfléchir davantage. Par cet amendement – et les autres que vous avez déposés –, vous renvoyez à une éventuelle interdiction au niveau européen, mais nous ne pouvons pas attendre.
Enfin, je rappelle qu’en première lecture l’Assemblée avait adopté un amendement visant à activer la clause de sauvegarde prévue à l’article 129 du règlement Reach, qui dispose que « lorsqu’un État membre est fondé à estimer qu’une action d’urgence est indispensable pour protéger la santé humaine ou l’environnement en ce qui concerne une substance […], il peut prendre des mesures provisoires appropriées ». Nous sommes précisément dans cette situation, aussi pouvons-nous et devons-nous agir maintenant et sans attendre l’Europe.
M. Pierre Meurin (RN). Je ne retirerai pas un mot de l’intervention de Mme Brulebois. Les industriels sont très inquiets, pas tant en raison de la proposition de loi à proprement parler, mais des conséquences qu’ils anticipent pour leur activité.
Comme souvent, il y a une forme d’hypocrisie derrière de tels textes écolos. Nous adoptons des réglementations environnementales, sanitaires, sociales, mais comme nous participons à la mondialisation, nous importons ensuite les produits que nous ne fabriquons plus chez nous, ceux-ci étant d’autant plus compétitifs que leur élaboration n’obéit à aucune de nos normes.
Pour reprendre l’exemple de l’usine Solvay à Salindres, l’acide trifluoroacétique (TFA) qui y est produit est indispensable à la fabrication, entre autres, de traitements antiviraux et contre le cancer. Et pour un court laps de temps encore, cette usine est la seule d’Europe à fabriquer cette molécule. Or si elle ferme alors que nous aurons toujours besoin de TFA, nous serons amenés à l’importer de Chine, où elle est produite sans normes environnementales et sanitaires.
Pour reprendre la fameuse citation, « il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt ». L’écologie et les droits humains, c’est bien chez nous, mais ce qui se passe à des milliers de kilomètres, tout le monde s’en fiche ! Cette hypocrisie m’agace très fortement et porte atteinte à la compétitivité de nos entreprises.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je rappelle que les PFAS ont été développés lors de la dernière guerre mondiale à des fins militaires mais leurs propriétés sont si exceptionnelles qu’ils ont été utilisés dans de nombreuses autres productions.
Je ferai un parallèle avec le nucléaire. La radioactivité existe à l’état naturel et personne ne pourrait se passer du nucléaire dans le domaine de la santé, notamment pour les scanners, mais nous contrôlons cette filière. Il doit en aller de même des PFAS, dont nous devons reprendre le contrôle. Nous ne remettons pas en cause ses usages essentiels, pour la médecine ou pour la transition énergétique, mais seulement ses usages considérés comme futiles. Dans les domaines des cosmétiques, du textile, ou encore du fart, nous pouvons nous en passer. Et pour les avoir rencontrés, je peux vous dire que les représentants de ces filières ont compris l’enjeu et suppriment d’ores et déjà les PFAS de leurs productions.
Quant à l’étude d’impact, elle a eu lieu sur le terrain. Par ce texte, nous envoyons un signal aux industriels, dans l’attente d’une réponse européenne, voire mondiale. Nous affirmons que la France est prête à avancer. De nombreuses années seront nécessaires à l’émergence de cette filière et l’un des enjeux sera effectivement de contrôler les produits fabriqués hors de l’Union européenne.
Mme Justine Gruet (DR). Je remercie ma collègue du Jura pour son engagement et apporte mon soutien à la plateforme Syensqo de Tavaux, qui a montré, en mesurant les taux de polluants éternels en amont et en aval, que le site ne produisait pas de PFAS à chaîne courte.
On ne peut pas ranger tous les PFAS dans une même catégorie : ceux à chaîne longue, par définition, ne pénètrent pas dans l’organisme et ne sont pas mobiles, contrairement à ceux à chaînes courtes qui sont très perméables, mobiles et impossibles à détruire. Il faut absolument faire cette distinction au sein des douze molécules de PFAS.
Grâce à ce site jurassien, la France a su se doter d’une production de PVDF, substance nécessaire à la fabrication de nombreux produits du quotidien, sans utilisation de PFAS à chaîne courte, et au service de notre transition énergétique. J’aimerais que chacun reconnaisse cette différence, plutôt que de participer à une démagogie écologique qui mettra nécessairement notre industrie en grande difficulté.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Prenons garde au message que nous adressons aux industriels. Certains ont prévu d’importants investissements, à l’instar de Solvay à Tavaux, en faveur des PVDF, qui, je le rappelle, sont nécessaires à la production de batteries lithium, elles-mêmes indispensables à la production de voitures électriques en Europe. Quant à l’intelligence artificielle qui enchante tout le monde, en témoigne le sommet qui se tenait à Paris, elle conduira à utiliser encore un peu plus de PVDF. Dans sa grande sagesse, le Sénat, heureusement, a laissé une grande latitude au gouvernement pour la rédaction des décrets d’application.
De plus, alors que Solvay a été présenté par les journaux comme un grand pollueur des sols, je tiens à rassurer, car si les gens ont des PFAS dans les cheveux, une récente étude épidémiologique a montré que, ni Tavaux ni le Jura dans son ensemble, ne présentaient une surmortalité ou un nombre de cancers supérieur à la moyenne.
M. Sylvain Berrios (HOR). Le groupe Horizons & indépendants ne soutiendra pas cet amendement.
Tout d’abord, le texte ne vise pas l’ensemble de l’industrie et distingue les usages essentiels et non-essentiels.
Ensuite, eu égard à cette méthode, des contacts ont été pris avec les industriels concernés pour s’assurer que leur adaptation sera réelle et immédiate et que les substances alternatives ne présentent pas de risques plus importants.
Enfin, et c’est au cœur de notre positionnement, personne ici ne peut ignorer les risques sanitaires latents que comportent les PFAS. Le procédé d’osmose inverse a été évoqué, certains industriels le proposant d’ailleurs dans leur réponse à des appels d’offres, mais recourir à une telle pratique pour obtenir une eau pure demanderait des sommes colossales.
Au fond, ce texte est assez modeste ; ne croyons pas qu’il révolutionnera l’ordre européen ou mondial. Mais il permet de faire savoir aux Français et à l’Union européenne que nous prenons ce sujet en main, dans le cadre d’un partenariat avec les industriels qui me semble être la bonne méthode. S’il faut bien sûr être attentifs à l’emploi et à l’économie, il faut l’être aussi à la santé de nos concitoyens, ainsi qu’à la santé environnementale, qui est absolument essentielle.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Soyons raisonnables : il ne s’agit pas de diaboliser toute l’industrie de la chimie, mais simplement d’organiser sa transition et de protéger nos concitoyens. Je ne peux vous laisser dire, collègue Brulebois, que les PFAS allongent la durée de vie des Français quand, à Pierre‑Bénite, au sud de Lyon, dans la vallée de la chimie, les habitants nous expliquent qu’ils ne peuvent plus manger leurs légumes ni leurs œufs, et que leur eau est contaminée – sachant que des études récentes montrent que l’air l’est également. Les cancers, même pédiatriques se multiplient – j’ai récemment rencontré un jeune de quatorze ans souffrant d’un cancer des testicules – et la fertilité est altérée.
La Ligue contre le cancer et les scientifiques sont unanimes : il faut couper le robinet de la pollution à la source. En tant que législateurs, notre devoir est de nous préoccuper de la santé des Français, motivation qu’aucun lobby ne doit pouvoir affaiblir. C’est dans cet esprit-là que nous voterons ce texte et que nous repousserons cet amendement.
M. Xavier Roseren (HOR). Ma position sera légèrement différente de celle de mon groupe, car si la lutte contre les PFAS, substances dangereuses pour la santé, est une nécessité, j’estime que la date d’entrée en vigueur des dispositions de cette proposition de loi, fixée à 2026, est inappropriée. Des règlements européens ainsi que des études doivent en effet aboutir en 2027. Reportons donc à 2028 l’interdiction de l’utilisation des PFAS pour assurer la cohérence de notre législation avec les normes européennes. Ainsi, s’il est préférable de ne pas supprimer cet article, je serai favorable à l’amendement suivant de Mme Brulebois.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Je retire mon amendement. Mon but est de rationaliser une proposition de loi dont l’exposé des motifs agite des peurs et fait du populisme.
Il ne faut pas tout jeter. Je rappelle à nouveau les bénéfices des PFAS pour la santé et pour l’allongement de la vie. Les personnes qui ont des stents ou des prothèses de hanche en savent quelque chose.
Je fais confiance au gouvernement pour que les décrets d’application prennent bien en compte les domaines dans lesquelles les PFAS sont nécessaires : la santé, les batteries au lithium et le numérique avec le polyfluorure de vynilidène (PVDF), et les textiles puisque ces molécules servent à traiter les sièges antifeu des avions. Ils devront faire la distinction entre les PFAS nocifs pour la santé et ceux qui ne le sont pas.
L’amendement est retiré.
Amendement CD11 de Mme Danielle Brulebois
Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement vise à coordonner l’interdiction française avec la potentielle interdiction européenne.
L’introduction de restrictions nationales ciblées avant celles qui seront adoptées au niveau européen présente un risque important de non-conformité de la loi française aux règles européennes, de fragmentation du marché intérieur européen et de non-conformité des produits mis sur le marché national. Le contrôle de la présence de PFAS dans les nombreux produits importés sur le territoire national sera extrêmement difficile pour les autorités de surveillance du marché. Dans ces conditions, le délai de 2026 me paraît irréaliste.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Le PVDF, utilisé notamment dans les batteries, n’entre pas dans le champ de la proposition de loi. Il en va de même pour la santé. Ces usages sont en effet considérés comme essentiels.
Par ailleurs, le niveau de dangerosité des PFAS à chaîne longue n’est pas moins élevé. Je rappelle que l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), premier PFAS à avoir été classé comme produit cancérigène en 2009, est précisément à chaîne longue.
En outre, tous les PFAS ont comme point commun d’être persistants, ce qui suffit à la communauté scientifique pour les considérer tous comme étant très préoccupants. La différence entre les PFAS à chaîne longue et ceux à chaîne courte peut être faite sur des critères de mobilité, mais pas de dangerosité.
Les PFAS constituent aujourd’hui une menace sanitaire comparable à celle représentée par l’amiante ou le chlordécone. Ces scandales nous ont instruits sur les dangers de l’immobilisme. Prenons donc garde à ne pas répéter les erreurs du passé. Il faut agir au plus vite, surtout quand les substitutions sont possibles. L’Union des industries textiles est d’ailleurs favorable à une interdiction des PFAS dans les produits textiles, notamment pour l’habillement. à l’instar de la filière cosmétique et de celle des produits de fart pour les skis.
Que nous faut-il de plus pour agir alors que l’attente citoyenne est grande ?
M. Pierre Meurin (RN). Nous soutenons cet amendement de bon sens. L’effroi n’est jamais bon conseiller et l’effroi écolo l’est encore moins. Aucun principe ne nous oblige à voter ce texte conforme. Nous pourrons avoir un débat en séance.
L’application en 2026 nous semble irréaliste et la plupart des industriels que nous avons reçus partagent cet avis. Ils ont peur que le législateur ponde encore quelque chose pour les gonfler.
Je regrette de voir la conversion des Républicains – dont la position a surpris de nombreux industriels – et du centre à l’effroi écologiste
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je m’étonne de la légèreté avec laquelle certains collègues traitent un sujet majeur de santé publique, qui concerne tous nos concitoyens. Les victimes de cancer seront ravies d’entendre M. Meurin parler d’une égratignure au doigt. Je m’étonne aussi d’entendre le RN se mettre à défendre les droits humains en Chine. Peut-être détestent-ils plus l’écologie que les étrangers.
Madame Brulebois, pourquoi reporter l’application de ces mesures si nous avons toutes les raisons, notamment scientifiques, de voter ce texte de façon conforme ?
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit ici de l’interdiction des PFAS pour un usage futile – textiles, cosmétique, fart – que les industriels ont anticipé. La reporter ne servirait donc à rien.
Toutefois, il ne suffit pas d’interdire, il faut également contrôler le respect de l’interdiction et notamment veiller à ce que des produits importés ne contiennent pas de PFAS. Il faut également se mettre d’accord sur les usages qui sont futiles et ceux qui sont essentiels, car les PFAS sont nécessaires pour la transition énergétique, puisqu’ils sont notamment utilisés dans les batteries, les éoliennes et les hydrolyseurs.
M. Hubert Ott (Dem). Nous sommes face à un devoir moral. Nous savons en effet que les PFAS présentent une dangerosité inédite et qu’ils sont indestructibles. Reporter leur interdiction serait se rendre coupable de laisser une menace pour la santé publique se développer.
L’extrême droite lance des accusations contre nos collègues écolos et socialos, mais, ce faisant, elle leur rend grâce d’une chose : ils seraient les seuls à se préoccuper de la santé des Français, alors que nous sommes tous là pour cela. Nous vous invitons d’ailleurs à nous rejoindre. Prenez garde : vos positions indéfendables pourraient vous exposer aux accusations de nos concitoyens de mépriser leur santé.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Comment peut-on imaginer supprimer l’article 1er ou reporter la date d’interdiction ? J’ai le sentiment qu’il y a une méconnaissance du texte de cette proposition de loi, qui fait consensus sur tous les points et qui n’oppose pas l’écologie à l’économie. Assimiler l’interdiction des PFAS à une opposition au développement économique me semble très binaire. Si l’on ne contraint pas les entreprises, elles n’avanceront pas dans leur recherche et développement. Cette interdiction favorisera par ailleurs les entreprises honnêtes qui, déjà, n’utilisent pas de PFAS.
La gauche n’a effectivement pas le monopole de l’écologie. Nous sommes des partis de droite et nous soutenons cette proposition de loi afin de préserver la santé de l’homme, mais aussi celle des animaux et de l’environnement. Il n’y a qu’une seule santé, One Health.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Monsieur Meurin, je respecte toutes les convictions politiques, même celles que je ne partage pas. Il revient aux Français de choisir. J’ajoute que personne ne peut me convertir, car j’ai des convictions. Je suis favorable à ce texte et je souhaite que nous le votions conforme, car notre seul objectif, qui devrait être un objectif unanimement partagé, est la préservation de la santé de nos concitoyens.
L’hémicycle donne parfois une image lamentable du travail parlementaire. Le travail en commission doit être l’occasion de faire les choses différemment, dans le respect des convictions que nous ne partageons pas.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Je suis inquiet : si on interdit le revêtement des ustensiles de cuisine, par quoi le remplacer ? Les poêles en fer sont cancérigènes et les poêles en inox sont très chères.
M. Julien Guibert (RN). Je veux dénoncer l’hypocrisie de certains de nos collègues. Deux industriels de ma circonscription m’ont dit, les yeux dans les yeux, qu’en cas d’interdiction, ils ne changeraient pas leurs méthodes de fabrication et délocaliseraient en deux ou trois ans leur production en Asie, où l’utilisation de PFAS moins vertueux est autorisée. Nous n’avons bien sûr aucun mépris pour la santé, mais nous craignons la fermeture de nos usines et la casse sociale qu’elle pourrait entraîner. Nul doute que vous viendrez alors, le poing en l’air, soutenir les salariés, alors que ce sont les textes que vous votez ici qui génèrent du chômage dans nos circonscriptions rurales. Je soutiens tous les salariés de Solvay à Clamecy, qui risquent demain de se retrouver sans travail. Bien sûr, il faut que la recherche et développement progresse. Mais on ne peut pas voter au pied levé des dispositions aussi importantes.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Madame Violland, je m’abstiens quant à moi de juger les amendements de mes collègues ou leur capacité à comprendre un texte. Je peux vous assurer que je lis les textes et que je connais bien le contexte industriel et sanitaire.
Mon amendement est motivé par le souhait de laisser du temps aux industriels. Eux aussi ont des valeurs et n’ont aucune volonté d’empoisonner les gens. Au contraire, ils veulent trouver des produits de substitution, mais la recherche et le développement de nouvelles solutions ne se fait pas en un claquement de doigts.
Il est également motivé par la question du contrôle, dans un cadre hors de la réglementation européenne. Avez-vous pensé au système de contrôle des produits importés d’autres pays européens ?
Je souhaitais que nous ayons ce débat. Il a eu lieu et je retire donc mon amendement.
M. Pierre Meurin (RN). Je reprends l’amendement.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Vous avez déjà retiré l’amendement identique CD13.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Je l’ai retiré car Mme Brulebois avait déposé un amendement identique.
M. Hubert Ott (Dem). Les industriels sont conscients de leur obligation de procéder à une transition face à la dangerosité avérée des PFAS.
S’agissant des risques de délocalisation et de l’importation de produits contenant des PFAS, nous devons expliquer à nos concitoyens sur quels produits ils doivent orienter leur consommation pour éviter de se mettre en danger. Il faut modifier le marché.
Mme Marie Pochon (EcoS). Comme tous les groupes, nous ne disposons que d’une seule journée pour débattre de nos propositions de loi. Je ne comprends pas pourquoi plusieurs orateurs de chaque groupe s’expriment sur chaque amendement alors que, d’habitude, une seule prise de parole suffit. Aujourd’hui, les débats durent et, parfois, s’enveniment alors que nous les avons déjà eus l’an dernier dans l’hémicycle et en commission.
J’aimerais donc que nous en revenions à la procédure habituelle, où un seul avis est exprimé par groupe.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Il est normal que nous laissions le débat se dérouler en commission. J’espère néanmoins que, chacun ayant pu s’exprimer, nous pourrons désormais avancer plus vite dans l’examen des autres amendements.
Monsieur Meurin, vous pouvez en effet reprendre l’amendement.
M. Vincent Thiébaut (HOR). Notre groupe votera contre cet amendement. Je remercie le rapporteur de nous avoir rassurés sur le travail effectué. Les filières visées sont prêtes, mais nous sommes tous soumis à des injonctions contradictoires, car il nous faut préserver l’emploi et l’économie sur nos territoires et, en même temps, permettre l’avenir en luttant contre les pollutions.
Je rappelle à cet égard que l’interdiction du dioxyde de titane par la loi Egalim avait suscité une avalanche de réactions de la part des industriels, mais que ceux-ci, en moins de deux ans, ont su trouver une solution et supprimer cette substance. Nous devons donc envoyer des signaux à l’industrie afin qu’elle puisse engager investissements et recherche pour trouver des solutions qui satisferont tout le monde et répondront aux enjeux environnementaux et sanitaires.
M. Pierre Meurin (RN). Mme Pochon est un peu gonflée de se plaindre du traitement de sa niche, alors que la gauche a l’habitude de pourrir celles des autres groupes, comme elle l’a encore fait jeudi dernier.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Monsieur Meurin, vous aviez la parole pour vous exprimer sur l’amendement.
M. Pierre Meurin (RN). Je le défends, Madame la présidente. Il est toujours très confortable moralement d’appartenir au camp du bien, mais c’est parfois aussi de la paresse intellectuelle. Vous parlez de devoir moral et nous accusez de mépriser la santé des Français, mais ce n’est absolument pas le cas. Simplement nous dénonçons aussi l’hypocrisie des importations, comme l’a fait tout à l’heure mon collègue Julien Guibert.
Une phrase de Mme Violland m’a fait bondir : « Si on ne contraint pas les entreprises, elles n’avanceront pas dans leur recherche et développement. » Je ne savais pas qu’à droite, on ne croyait pas à l’entreprise ! Cet amendement est nécessaire pour donner une respiration à nos entreprises et à nos industriels.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD2 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Il tend à ce que le décret prévu soit pris en concertation avec les acteurs visés.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. L’article 1er prévoit un renvoi à un décret. Il reviendra alors au ministre compétent d’établir par décret une liste de produits textiles d’habillement et de chaussures qui, parce qu’ils servent à la protection et à la sécurité des personnes, notamment dans des missions de sécurité civile ou de défense nationale, pourront continuer à contenir des PFAS. Le décret sera éventuellement soumis à consultation du public et les entreprises pourront faire valoir leur avis et apporter des informations, mais il n’est pas de coutume de prévoir de concertation dans la loi. C’est au pouvoir réglementaire de déterminer les exceptions par décret en réunissant les informations nécessaires. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD3 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à nous assurer que, pour ce qui concerne les textiles, le dispositif ne s’applique qu’aux produits d’habillement et de chaussures.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CD4 de M. Pierre Meurin, CD18 de Mme Danielle Brulebois et CD5 de M. Pierre Meurin.
Amendement CD6 de M. Pierre Meurin
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Le Rassemblement national veut empêcher l’établissement d’une carte qui recense les sites émetteurs de PFAS ou, si cette carte est dressée, empêcher qu’elle soit rendue publique. Alors qu’il est question d’une pollution massive, porteuse de risques avérés pour la santé, vous dites qu’il vaut mieux que les gens ne sachent pas – vous écrivez même : « pourquoi rendre publique cette carte ? », ajoutant qu’« aujourd’hui, les entreprises ont conscience de la dangerosité de certains produits et font tout pour empêcher la contamination ». Toujours est-il que nous avons appris, par exemple, à la fin de l’année dernière que l’usine Daikin lançait la production d’un nouveau produit comportant des polymères fluorés. Cela suscite un doute et il y a intérêt à légiférer pour réglementer ces questions. Vous êtes les tenants de l’obscurantisme et votre haine irraisonnée de l’écologie vous conduit à nier un enjeu majeur de la santé humaine.
M. Pierre Meurin (RN). Tenants de l’obscurantisme ? Il n’est pas sérieux d’employer ce langage religieux dans un débat technique sur les PFAS ! Toujours est-il que nous pouvons aller vite : inutile, donc, de chouiner en déplorant le traitement de votre niche parlementaire.
Quant à la carte, elle n’aura pas seulement pour effet d’imposer des contraintes à nos entreprises, mais aussi de les stigmatiser. Il faut cesser de légiférer dans l’urgence sous le coup de l’effroi public, qui n’est jamais bon conseiller en la matière. Il faut nous donner du temps et laisser aux entreprises celui de s’adapter, sans les stigmatiser, mais en les accompagnant. Il faut aussi leur faire confiance, car la recherche et développement fonctionne. Il faut croire en nos entreprises, même s’il est de notoriété publique qu’à gauche – et notamment les Écolos –, vous êtes depuis toujours les ennemis de l’entreprise.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Pendant un an, j’ai fait un tour de France pour étudier la question des PFAS, participant à des débats publics en milieu tant rural qu’urbain ou périurbain, qui réunissaient des personnes de tous horizons et de 7 à 77 ans. Sur les milliers de personnes que j’ai ainsi eu la chance de rencontrer, aucune ne m’a dit que la transparence des données était un problème pour son territoire. Bien au contraire, toutes ressentaient de l’inquiétude face au manque d’information. La transparence bénéficie à tous, aux citoyens comme aux entreprises. Elle est ce qui crée la confiance et permet d’avancer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD12 de M. Frédéric-Pierre Vos
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Les principes juridiques ne s’accommodent pas d’une interdiction totale lorsque l’exception est possible. Or le texte ne distingue pas les produits suspectés d’être dangereux de ceux qui sont inoffensifs. Le rôle du législateur est donc d’éviter que cette question soit renvoyée à la Cour de cassation, qui fera de jurisprudence après de longs procès et, fatalement, dans l’intervalle, de la casse industrielle. L’amendement vise donc à établir une liste distinguant trois catégories de produits, selon qu’ils sont inoffensifs, suspects de ne pas l’être ou qu’ils ne le sont pas.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Il est difficile d’affirmer que certains PFAS ne présentent aucun danger pour la santé humaine. Dans tous les cas, tous les PFAS sont considérés comme persistants dans l’environnement et bioaccumulables, et un grand nombre d’entre eux se dégradent en d’autres substances à chaîne de carbone plus courte possédant les mêmes caractéristiques. Il serait dangereux de laisser penser, même à titre d’information, que certains PFAS sont inoffensifs. Je le répète, leur dénominateur commun à tous est leur persistance. Pour la communauté scientifique cette caractéristique suffit à les considérer comme très problématiques pour la santé et les écosystèmes naturels. Avis défavorable.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends l’esprit de cet amendement, mais il serait difficile à appliquer. Je rappelle en effet que le parti qu’ont pris les États-Unis d’examiner chaque PFAS pour savoir s’il est ou non néfaste pour la santé est une tâche pratiquement impossible, compte tenu du nombre de ces substances. L’Europe a d’ailleurs opté pour une autre stratégie, prenant en compte l’ensemble de la famille.
L’important est que, comme le prévoit le plan interministériel de Christophe Béchu, l’Anses indique les valeurs toxicologiques de référence (VTR) de chaque PFAS. C’est en cours et l’Anses devrait communiquer ses premiers résultats au mois d’avril. Dans l’attente de ces valeurs, nous nous inspirons de chiffres réglementaires, comme celui de 100 nanogrammes par litre qui est prescrit pour la consommation humaine ou comme la valeur toxicologique allemande retenue pour l’acide trifluoroacétique (TFA), mais il faut que la France et l’ensemble des agences européennes puissent définir les valeurs toxicologiques de référence, à partir de quoi nous pourrons définir quels sont les PFAS qui sont véritablement dangereux, sachant par ailleurs qu’il est de toute façon difficile de dire qu’un PFAS ne l’est pas.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). En la matière, il faut être très prudents et séquencer les questions, sous peine de vrais problèmes. C’est la raison pour laquelle il fallait retarder l’application du texte jusqu’à ce que la recherche et développement puisse éclairer le législateur, y compris pour ce qui concerne la toxicité. Aujourd’hui, en effet, nous pêchons au chalut. Je rappelle en outre que l’adoption de ce texte sur les PFAS imposera un coup d’arrêt immédiat au programme des éoliennes.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On sait que ces produits sont mauvais, mais la question est de savoir à quelle dose ils le sont. Nous attendons donc d’en connaître la valeur toxicologique de référence que nous communiquera l’Anses à partir du mois d’avril.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 1er non modifié.
Article 1er bis : Trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux contenant des PFAS
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CD7 de M. Pierre Meurin.
Elle adopte l’article 1er bis non modifié.
Article 1er ter (nouveau) : Élaboration d’un plan d’action gouvernemental pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine
La commission adopte l’article 1er ter non modifié.
Article 2 : Introduction d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau
Amendement CD1 de M. Emmanuel Blairy
M. Emmanuel Blairy (RN). Comment le montant de la redevance de 100 euros par 100 grammes a-t-il été fixé ? J’ai l’impression que c’est au pifomètre ! Je rappelle par ailleurs qu’en l’état du droit, les entreprises financent déjà la dépollution.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. La proposition de loi prévoit en effet une nouvelle redevance, fondée sur le principe pollueur-payeur. Cette redevance, même modeste, permettra d’aider les collectivités locales à faire face au mur d’investissement qu’elles vont rencontrer à très court terme. Le montant de 100 euros pour 100 grammes a été calibré avec le ministère de la transition écologique et a été confirmé par le Sénat au terme des auditions auxquelles il a procédé. Ce chiffre n’a donc en aucun cas été défini au doigt mouillé. Du reste, c’est bien au législateur qu’il revient de définir un montant, comme c’est d’ailleurs le cas pour les autres redevances pour pollution diffuse d’origine non domestique.
M. Emmanuel Blairy (RN). Si ce montant a été calibré par le ministère compétent, il conviendrait, dans un souci d’efficacité, de l’appliquer par décret plutôt que de l’inscrire dans le marbre de la loi, afin de pouvoir déplacer le curseur.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Comme l’a dit le rapporteur, cette taxe est vouée à disparaître lorsque – le plus rapidement possible – les industriels ne rejetteront plus de PFAS dans le milieu naturel, notamment dans l’eau. Il existe en effet des outils qui permettent de l’éviter, dont l’osmose inverse, comme nous l’avons vu faire par Arkema dans le sud de Lyon, et une campagne est en cours pour identifier les rejets et les industriels qui en sont les auteurs.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Monsieur Blairy, je le répète, c’est bien au législateur qu’il revient de fixer un tarif ou des bornes pour les agences de l’eau, comme c’est notamment le cas pour toutes les pollutions diffuses d’origine non domestique.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CD8 de M. Pierre Meurin.
Amendement CD14 de M. David Magnier
M. David Magnier (RN). Les PFAS, polluants éternels, ne disparaissent pas, non plus que notre habitude de légiférer avec des demi-mesures. On nous propose une redevance uniforme de 100 euros tous les 100 grammes, sans faire de distinction entre un PFAS hautement toxique et un autre, moins nocif mais persistant. C’est une approche simpliste, inefficace et irresponsable. Alors que nous savons que certains de ces polluants sont déjà interdits, que d’autres vont l’être et que tous n’ont pas le même impact sur la santé et l’environnement, on applique la même taxe, sans différenciation ni prise en compte des disques réels. C’est un passe‑droit offert aux pollueurs, qui n’auront aucun intérêt à modifier leurs pratiques. Pendant ce temps, le coût des dépollutions explose : 847 milliards d’euros sur plusieurs décennies pour nos seules eaux souterraines. Qui paiera ? Les pollueurs ou les Français ?
L’amendement propose une réponse simple : il vise à instaurer une réponse modulée selon la dangerosité réelle des substances en fonction de trois critères objectifs : la bioaccumulation, la persistance et la toxicité. Nos voisins européens l’ont compris : l’Allemagne et la Suède appliquent déjà une tarification différenciée en fonction du danger réel des substances polluantes.
Nous proposons une redevance efficace et dissuasive car une taxation uniforme ne fera qu’entériner l’idée qu’un pollueur peut continuer à polluer tant qu’il paie son écot, ce qui est inacceptable. Ne votons pas un barème paresseux avec cette taxe symbolique, mais une redevance intelligente, fondée sur la science et l’équité
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je le redis encore : il est inexact de laisser penser que certains PFAS ne seraient pas problématiques, car tous ont un point commun : leur persistance. Toute la communauté scientifique tire la sonnette d’alarme en dénonçant le risque de ne pas aborder les PFAS comme une famille unique. Considérer substance par substance 12 000 polluants éternels et tous persistants, comme ont voulu le faire les États-Unis, qui sont empêtrés dans ce scandale depuis vingt-cinq ans, est la garantie de l’inaction et de l’enlisement.
Même d’un montant modeste, la redevance sera précieuse pour les collectivités et il n’y a pas lieu de moduler son montant, puisque tous les PFAS sont problématiques. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 2 non modifié.
Article 2 bis : Mission des agences régionales de santé
La commission adopte l’article 2 bis non modifié.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi non modifiée.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Un grand merci pour votre soutien. Ce texte est le fruit de deux ans de travail et je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord et que nous ayons été à la hauteur de l’enjeu. J’espère que nous le confirmerons la semaine prochaine dans l’hémicycle.
([1]) Voir notamment, pour plus d’informations, le rapport public remis au Premier ministre par le député M. Cyrille Isaac-Sibille, « Per- et polyfluoroalkylés (PFAS), pollution et dépendance : comment faire marche arrière ? », en janvier 2024.
([2]) En application de l’annexe XV du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, les États membres peuvent déposer un dossier de restriction à la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation d’une ou de plusieurs substances chimiques.
([3]) La demi-vie de certaines de ces substances, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que la moitié d’une substance se soit désintégrée dans l’environnement, se compte en mois ou en années.
([4]) À la demande la Commission européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a demandé à un panel de scientifiques d’étudier le lien entre l’exposition à des PFAS et la réponse immunitaire aux vaccins : « Risk to human health related to the presence of perfluoroalkyl substances in food », EFSA Journal, 2020.
([5]) The Global Threat from the Irreversible Accumulation of Trifluoroacetic Acid (TFA), Hans Peter H. Arp et alii, Environ. Sci. Technol. 2024, 58, 19925−19935.
([6]) L’utilisation de PFOS et de ses dérivés est interdite, sauf pour des utilisations dites « dans un but acceptable » listées à l’annexe B.
([7]) Il est à noter que le règlement (CE) n° 850/2004 précité a été refondu. Il s’agit désormais du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants.
([8]) Règlement délégué (UE) 2020/784 de la Commission du 8 avril 2020 modifiant l’annexe I du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil aux fins d’y inscrire l’acide perfluoro-octanoïque (PFOA), ses sels et les composés apparentés au PFOA. Des dérogations spécifiques à l’interdiction sont énumérées pour le PFOA et ses dérivés : dispositifs médicaux invasifs, revêtements photographiques, textiles hydrofuges, certaines mousses anti-incendie, etc.
([9]) Règlement délégué (UE) 2023/1608 du 30 mai 2023 modifiant l’annexe I du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil aux fins d’y inscrire l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et les composés apparentés au PFHxS.
([11]) Règlement (CE) n° 552/2009 de la Commission du 22 juin 2009 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 (REACH) relative aux restrictions applicables à certaines substances dangereuses (point 30 : substances figurant à l’annexe VI du règlement CLP et classées toxiques pour la reproduction 1A ou 1B).
([12]) Règlement du 13 juin 2017 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne l’acide pentadécafluorooctanoïque (PFOA), ses sels et les substances apparentées au PFOA.
([13]) Règlement (UE) 2024/2462 de la Commission du 19 septembre 2024 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’acide undécafluorohexanoïque (PFHxA), ses sels et les substances apparentées au PFHxA.
([14]) C/2024/2894 – Communication de la commission : « Critères et principes directeurs pour le concept d’utilisation essentielle dans la législation de l’Union traitant des substances chimiques ».
([15]) Projet de règlement de la Commission modifiant l’annexe XVII du Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les mousses extinctrices.
([16]) Les composés alkyls poly/per fluorés : État de l’art et enjeux dans un contexte SSP, BRGM/RP-69594-FR, décembre 2020.
([17]) Les limites sont exprimées en partie par million ou par milliard.
([18]) Directive (UE) n° 2020/2184 du 16/12/20 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
([19]) Article 25 de la directive précitée pour l’entrée en vigueur.
([20]) La date limite pour les États membres en vertu de la directive est fixée au 12 janvier 2026.
([21]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
([22]) Directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration.
([23]) Directive 2008/105/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de la politique de l’eau.
([24]) Arrêté du 20 juin 2023 relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de l’autorisation.
([25]) Arrêté du 31 octobre 2024 relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les émissions atmosphériques des installations d’incinération, de co-incinération et d’autres traitements thermiques de déchets.
([27]) En ce qui concerne la qualité de l’eau potable dans le cadre de la directive EDCH, ce sont les autorités de chaque État membre qui doivent déterminer si un métabolite de pesticide est considéré comme pertinent et s’il doit donc faire l’objet d’une surveillance prioritaire.
([28]) Il s’agit d’un des secteurs qui va être examiné en priorité par le comité d’évaluation des risques de l’Echa, conformément au calendrier publié par cette agence pour l’étude de la proposition de restriction.
([29]) La Fédération professionnelle des entreprises de la beauté et Cosmébio.
([30]) Ainsi, dans le Rhône, à l’été 2023, comme le signale la Direction générale de la santé, où 200 000 personnes étaient alimentées par une eau potable qui dépassait la valeur limite de qualité de 0,1 μg/l pour le total des vingt PFAS identifiés.
([31]) Le « Forever lobbying project » a pris la suite du « Forever pollution project ».
([32]) « Toxic tide rising: time to tackle PFAS : National approaches to address PFAS in drinking water across Europe », Bureau européen de l’environnement, 12 octobre 2023.
([33]) Cette redevance, comme la redevance pour modernisation des réseaux de collecte non domestique, est modifiée à partir du 1er janvier 2025 en application de l’article 101 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([34]) Avis du Conseil économique, social et environnemental, « Comment favoriser une gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) en France face aux changements climatiques ? », avril 2023.
([35]) Avis du CESE précité.
([36]) Le dernier document budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2024, relatif aux agences de l’eau, indiquait que pour l’année 2022, les redevances perçues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022 s’élevaient à 2 233,9 millions d’euros.
([37]) Haut Conseil de la santé publique – « Avis relatif à la gestion des risques sanitaires liés à la présence de composés per- et polyfluoroalkylés (PFAS) dans les eaux destinées à la consommation humaine et les eaux minérales naturelles à usage de boisson. »