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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 février 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à instaurer un dispositif de sanction contraventionnelle pour prévenir
le développement des vignes non cultivées qui représentent une menace sanitaire
pour l’ensemble du vignoble français (n° 822)
PAR M. Hubert Ott
Député
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Voir le numéro : 822.
SOMMAIRE
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Pages
I. la menace identifiée : la prolifération des friches de vignes
B. une lutte entravée par des moyens inadaptés
II. La solution proposée : lever les freins à l’arrachage
A. une solution simple, efficace et crédible
1. Rendre la sanction proportionnée et crédible pour qu’elle soit dissuasive
2. Renforcer et clarifier les mesures de police sanitaire
B. Une solution partielle mais nécessaire
Article 3 (nouveau) Rapport annuel sur le nombre de sanctions prises par l’autorité administrative
Article 4 (nouveau) Rapport sur la création d’un fonds sanitaire viticole
liste des personnes auditionnées
La viticulture française subit une crise majeure sous la pression et le cumul de différents facteurs d’origines économique (hausse des coûts de production et exportations perturbées par la hausse de tarifs douaniers), sociale (baisse de la consommation de vin) et environnementale (dérèglement climatique favorisant les aléas météorologiques et développement de certaines maladies dommageables aux récoltes).
Dans ce contexte, la lutte contre la propagation d’organismes et de maladies nuisibles aux vignes ne peut être qu’encouragée, bien qu’elle ne reste qu’une étape dans l’accompagnement que nécessitent nos viticulteurs. Cette lutte passe notamment par l’application des mesures de prévention sanitaire ou d’arrachage des vignes contaminées ou à l’abandon. Les friches viticoles aggravent en effet la propagation des maladies, obligeant les viticulteurs à intensifier les traitements phytosanitaires, ce qui nuit à leur santé et à l’environnement.
Si la législation actuelle prévoit bien des sanctions envers les détenteurs de vignes qui ne respecteraient l’application de ces mesures sanitaires, ces sanctions sont disproportionnées et inadaptées pour être réellement efficaces.
La présente proposition de loi vise donc à compléter l’arsenal juridique des sanctions pour l’adapter à la réalité des différentes situations sociales et économiques des agriculteurs et détenteurs de végétaux. La sanction de nature délictuelle aujourd’hui prévue en cas de manquement aux mesures sanitaires prescrites dans le cadre de la lutte imposée, largement inappliquée car disproportionnée, se verrait réservée aux seuls cas particulièrement graves et où l’application d’une telle sanction serait justifiée. Jugée plus crédible, la menace d’une contravention de la cinquième classe, dans un premier temps, doit permettre de responsabiliser les propriétaires négligents sans pénaliser les viticulteurs précaires.
En répondant aux attentes des professionnels du secteur, ce texte permet également de rappeler notre engagement commun au service du secteur vitivinicole, qui est une partie de notre patrimoine culturel, territorial et gastronomique et qu’il nous faut absolument accompagner.
I. la menace identifiée : la prolifération des friches de vignes
A. les conséquences désastreuses de la prolifération des vignes non cultivées sur le vignoble français
1. Malgré la diversité des situations, la multiplication des vignes à l’abandon reflète les difficultés d’une filière
Bien que l’établissement d’une estimation à l’échelle nationale reste difficile, les acteurs auditionnés dans le cadre de la préparation du présent texte sont unanimes : le nombre de friches augmente chaque année. Il est estimé à plus de quatre cents hectares en Pays-de-la-Loire et avoisine les deux mille hectares dans la région Provence – Alpes – Côte d’Azur ou en Gironde.
Dans un contexte économique particulièrement difficile pour la filière, cette augmentation n’est pas étonnante. Plusieurs cas de figure peuvent être distingués s’agissant du développement de ces friches :
– le cas le plus fréquent semble être celui de propriétaires non-exploitants qui ne trouvent pas de viticulteurs pour reprendre l’exploitation de leur parcelle. Ce métier peine à attirer les nouvelles générations, alors que la profession est vieillissante à l’image de l’ensemble du secteur agricole. D’après l’organisme de défense et de gestion (ODG) du Muscadet, près de 40 % des exploitants viticoles de la région Pays-de-la-Loire ont plus de 55 ans en 2024 et le taux de renouvellement est de quatre arrivées pour dix départs. Pour peu que les propriétaires n’aient qu’un lien distant au terroir, les parcelles sont laissées à l’abandon et il est même parfois difficile de connaître les propriétaires de ces friches ;
– vient ensuite le cas des viticulteurs ou vignerons en difficulté, qui n’ont pas les ressources pour s’occuper de leurs vignes. Les organisations professionnelles consultées en amont de l’examen du présent texte assurent que de telles friches restent rarement à l’abandon très longtemps : il existe en effet une vraie solidarité au sein de la profession et les ODG s’organisent pour aider ou accompagner ces viticulteurs ;
– il en serait de même dans le cas de viticulteurs qui ne peuvent plus prendre soin de leurs vignes par eux-mêmes pour des raisons personnelles (âge, maladie…) : les professionnels s’organiseraient alors entre eux pour aider à l’arrachage des vignes non cultivées lorsque cela est nécessaire ;
– moins fréquent, mais tout aussi délicat à traiter, est le cas de propriétaires qui laissent délibérément les friches se développer pour des motifs de spéculation ou pour entraîner des modifications des plans locaux d’urbanisme ;
– enfin, il existe aussi des cas de négligence de la part de certains propriétaires ou viticulteurs.
2. Les vignes à l’abandon favorisent la prolifération de maladies et d’organismes nuisibles à la récolte
Les vignes en friche sont des foyers de contamination et présentent à ce titre un réel danger sanitaire et phytosanitaire en favorisant le développement de plusieurs maladies, dont les plus connues sont la flavescence dorée, le mildiou et le black-rot.
La flavescence dorée est un phytoplasme, c'est-à-dire une bactérie transmise par le vecteur de la cicadelle. Les études scientifiques menées par l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) montrent un lien fort et irréfutable entre une parcelle de vignes non gérée et le développement de la maladie.
Cette maladie provoque le dépérissement des ceps contaminés et peut conduire à priver de rendement l’intégralité d’une parcelle. En moins de quatre ans, une parcelle contaminée n’a souvent aucune autre solution que d’être entièrement arrachée, ce qui engendre une perte économique équivalent à sept années de production en moyenne et compromet la pérennité du vignoble.
La flavescence dorée est, de ce fait, considérée au niveau européen comme un organisme nuisible de quarantaine (cf. commentaire de l’article 1er). Cela signifie que des mesures de lutte et de prévention doivent être imposées par chaque État membre pour éviter son arrivée et sa diffusion sur le sol européen.
Quant au mildiou et au black-rot, ce sont des maladies bien plus répandues sur le sol européen et qui causent également des dégâts importants sur les plants de vignes. Ces maladies cryptogamiques ne sont toutefois pas considérées comme des organismes nuisibles réglementés et elles ne peuvent donc pas faire l’objet de mesures de lutte imposées, comme pour la flavescence dorée. Il apparait pourtant que les vignes non gérées favorisent le développement et la propagation de ces maladies.
Dans une étude exploratoire menée en 2024, l’IFV est en effet arrivée à des conclusions convergentes avec les essais menés par certaines chambres d’agriculture, notamment celle des Pays-de-la-Loire (2021) et celle de Gironde (2024). L’IFV reste cependant prudent sur l’attestation d’un lien, renvoyant à d’autres travaux de recherche le soin d’approfondir la pertinence de cette causalité.
Sur le plan économique, les graves difficultés auxquelles font face les vignerons sont décuplées à cause de ces maladies. Les différents ODG auditionnés estiment que l’essentiel de la perte de rendement est bien dû à ces maladies : l’ODG Muscadet met ainsi en avant une chute de rendement de près de 30 % en vingt ans, avec un rendement d’environ 36 hectolitres par hectare (hl/ha) en 2024 contre 55 hl/ha en 2004. En conséquence, les niveaux de stock sont très fluctuants et ils provoquent une baisse dans les parts de marché qu’il est très difficile de reconquérir. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le nombre d’exploitations en difficulté financière dans la région des Pays-de-la-Loire ait été multiplié par trois entre 2022 et 2024.
La lutte contre la propagation de ces maladies et contre les vignes non cultivées laissées à l’abandon est donc un enjeu primordial pour la survie de la filière.
B. une lutte entravée par des moyens inadaptés
1. Le recours aux produits phytosanitaires, nécessaire pour lutter contre les maladies, reste insuffisant et aggrave certaines situations
Les mesures de prévention et de lutte contre les maladies obligent les viticulteurs à multiplier les recours aux produits phytosanitaires, engendrant des externalités négatives, tant du point de vue de leur santé que de leur environnement. À ce titre, des tensions apparaissent régulièrement avec les voisins non agriculteurs, qui ne comprennent pas toujours la nécessité de recourir à ces produits.
Parmi les filières les plus affectées figure l’agriculture biologique. Les produits biologiques ou de biocontrôle perdent en effet leur efficacité au-delà de 15 mm de précipitations, ce qui oblige à retraiter de manière constante, avec une incidence directe sur les coûts de production (coût d’achat des produits, consommation des tracteurs, temps de travail...).
D’après l’ODG Muscadet, en 2024, le nombre d’applications de traitements phytosanitaires chez un viticulteur conventionnel a augmenté d’un tiers, passant de 9 à 12, pour faire face à la menace des maladies endémiques comme le mildiou ou le black-rot. Pour un viticulteur biologique, la même année, le nombre d’applications de traitements de biocontrôle est passé en moyenne de 18 à 24, engendrant une hausse de coût d’environ 5 000 euros pour une exploitation moyenne de vingt-cinq hectares.
La prolifération des maladies est extrêmement difficile à endiguer. Il n’existe aucun traitement contre la flavescence dorée, si ce n’est l’arrachage sanitaire préventif. Pour les autres, les dégâts peuvent être limités au prix de traitements répétitifs et coûteux, dont les modalités contredisent les efforts pour une viticulture plus vertueuse et mettent en danger les exploitations biologiques.
De leur côté, les organisations professionnelles tâchent de s’organiser pour mettre en place des actions de prévention et de surveillance plus efficaces. C’est l’enjeu notamment des veilles sanitaires assurées par les groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON) et les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) pour repérer les foyers de flavescence dorée et endiguer son développement.
D’après la chambre d’agriculture d’Occitanie, grâce à ces engagements, sur ces territoires, les traitements obligatoires ont été réduits et sont passés de trois à deux, voire de trois à un. Les viticulteurs réduisent ainsi leur utilisation d’insecticides. Mais ces efforts sont réduits à néant en présence de friches avoisinantes. Dans une étude menée à l’échelle du Bordelais dans le cadre du plan national de lutte contre le dépérissement de la vigne, l’IFV conclut que « si les traitements obligatoires permettent de maîtriser les populations de vecteurs de la flavescence dorée, le travail du viticulteur est malgré tout saboté s’il y a des vignes mal ou non gérées. Ces vignes constituent des réservoirs de populations de cicadelles capables de se déplacer facilement pour aller vers la vigne ».
Sur le plan social, par ailleurs, les différentes organisations professionnelles auditionnées ont souligné le traumatisme que représente, pour un vigneron ou un viticulteur, la découverte de ces maladies sur ses parcelles. Cette détresse du monde viticole demande de réfléchir aux moyens pour renforcer l’efficacité de la lutte sanitaire.
2. Des mesures de prévention rendues inefficaces devant les difficultés à faire appliquer les mesures d’arrachage
Pour ce qui concerne les organismes nuisibles réglementés (cf. commentaire de l’article 1er) et en l’état actuel de la réglementation, il reste très difficile de contraindre un propriétaire ou un exploitant à arracher ses vignes. Il n’est pas non plus permis à un viticulteur d’arracher les friches d’un voisin, même si celles-ci menacent directement sa propre culture.
Des mesures d’arrachage peuvent être prononcées par les autorités compétentes lorsque des friches sont détectées dans les zones de lutte imposées, mais leur application reste conditionnée à la bonne volonté des propriétaires ou détenteurs des végétaux ciblés par ces mesures. Le non-respect de ces obligations est pourtant censé être puni par une sanction de nature délictuelle, soit une peine de six mois de prison et de 150 000 euros d’amende.
Le problème est que cette peine est disproportionnée et donc inopérante, car elle n’est jamais prononcée. Cette sanction, en plus d’être excessive, tend à stigmatiser les vignerons et à les considérer comme des délinquants. Elle paraît donc injustifiée au regard de certaines situations responsables de l’existence de cette friche (négligence ou difficultés économiques).
II. La solution proposée : lever les freins à l’arrachage
A. une solution simple, efficace et crédible
1. Rendre la sanction proportionnée et crédible pour qu’elle soit dissuasive
L’efficacité de la mesure réside dans son caractère dissuasif. Menacer un propriétaire ou un viticulteur d’une peine de prison qu’il sait inapplicable ne le conduira pas, selon toute probabilité, à changer d’attitude. En revanche, la menace d’une sanction pécuniaire crédible, facile à mettre en œuvre, a de grandes chances de faciliter la prise de conscience et de limiter l’inaction.
C’est pourquoi le dispositif proposé conduit à déclasser le délit actuel en contravention de la cinquième classe. Celle-ci punit le contrevenant d’une amende de 1 500 euros, et peut aller jusqu’à 3 000 euros en cas de récidive.
L’enjeu, à travers l’établissement de cette sanction, est moins de viser la création d’une nouvelle recette que de créer une menace suffisamment crédible pour être dissuasive. Elle est finalement moins pensée comme une mesure répressive que comme un outil permettant de renforcer efficacement l’application des mesures de lutte nécessaires à l’endiguement de certaines maladies comme la flavescence dorée.
2. Renforcer et clarifier les mesures de police sanitaire
Il serait ensuite opportun de compléter les procédures de police administrative applicables dans les domaines de la lutte et de la surveillance phytosanitaires pour les rendre plus opérationnelles. Pour lutter efficacement contre le développement d’organismes nuisibles réglementés (flavescence dorée), l’administration pourrait, par exemple, ordonner à un propriétaire ou un détenteur de végétaux de procéder à un arrachage dans un délai contraint, après une première mise en demeure. Si aucune mesure n’était prise, une sanction de nature délictuelle pourrait alors être envisagée (cf. commentaire de l’article 1er).
B. Une solution partielle mais nécessaire
L’arsenal juridique pourrait être utilement complété en prévoyant des mesures de police sanitaire équivalentes pour lutter contre le développement des maladies cryptogamiques. Il convient cependant de démontrer au préalable, de manière scientifique et irréfutable, le lien entre une vigne en friche et la diffusion de ces maladies. C’est l’objet d’une étude de l’IFV en cours d’élaboration, qui cherche à vérifier plus précisément le rôle des friches dans la transmission de ces maladies.
Les mesures d’arrachage étant par ailleurs source d’incertitudes majeures, il serait opportun de prévoir un cadre sécurisant au maximum les autorisations de replantation. Des mesures réglementaires pourraient être prises en ce sens afin d’en allonger les délais.
Considérant tous les enjeux présentés précédemment (économiques, sanitaires, sociaux et environnementaux), la lutte contre la propagation d’organismes nuisibles réglementés, à l’image de la flavescence dorée, reste donc prioritaire. La solution proposée dans le cadre de la présente proposition de loi ne prétend pas résoudre, à elle seule, toute la crise de la filière, mais elle n’en demeure pas moins une contribution utile et efficace pour venir en aide à nos vignerons et nos viticulteurs.
Article adopté par la commission avec modifications
L’article 1er de la proposition de loi visant à instaurer un dispositif de sanction contraventionnelle pour prévenir le développement des vignes non cultivées qui représentent une menace sanitaire pour l’ensemble du vignoble français est l’articule unique de ce texte. Il prévoit l’instauration d’une contravention de la cinquième classe en cas de non-respect des mesures édictées dans le cadre de lutte imposée contre certaines maladies et organismes nuisibles qui touchent les vignes.
La réglementation de l’Union européenne (UE) relative à la santé des végétaux a pour objectif de protéger le territoire européen face à l’introduction et la dissémination d’organismes nuisibles aux végétaux. Cette protection vise les espèces cultivées et la flore sauvage, quel que soit le milieu (terres cultivées, forêts, espaces publics, environnement naturel…).
Depuis 2016, le règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux prévoit une approche davantage proactive, pour empêcher l’introduction et la dissémination d’organismes nuisibles sur le territoire de l’UE, et pour permettre leur détection et leur éradication rapide en cas de foyers dans les États membres.
Ce règlement introduit une nouvelle classification des organismes nuisibles aux végétaux, ce qui permet une meilleure priorisation des actions et des mesures à prendre contre ces organismes nuisibles. Les deux catégories principales d’organismes réglementés sont les organismes de quarantaine et les organismes réglementés non de quarantaine.
Les premiers, les organismes de quarantaine, correspondent à des organismes nuisibles qui sont soit absents du territoire ou de la zone concernée, soit présents mais non largement disséminés. En revanche, ils sont susceptibles d’entrer, de s’établir ou de se disséminer sur ce territoire ou dans cette zone, et d’y avoir une incidence économique, environnementale ou sociale inacceptable. Par conséquent, des mesures très strictes doivent être prises pour empêcher leur entrée ou leur dissémination sur lesdits territoires. Le phytoplasme de la flavescence dorée, qui s’attaque notamment aux parcelles de vignes, en est un exemple. Lorsque sa présence est détectée ou fortement soupçonnée, l’autorité administrative compétente peut donc exiger l’arrachage de certaines parcelles de vignes, notamment des parcelles en friche qui favorisent son développement et sa transmission.
Les seconds, les organismes réglementés non de quarantaine, sont définis dans le droit de l’UE par trois critères cumulatifs :
– ils sont présents sur le territoire de l’UE ;
– ils se transmettent principalement par des végétaux spécifiques destinés à la plantation ;
– leur présence sur des végétaux a une incidence économique inacceptable sur l’usage prévu de ces végétaux destinés à la plantation.
Les mesures relatives aux organismes nuisibles réglementés issues du droit de l’UE, notamment les mesures de lutte contre ces organismes, sont en partie codifiées, en droit français, au sein du code rural et de la pêche maritime, au chapitre Ier du titre V relatif à la protection des végétaux du livre II de ce code.
L’efficacité des mesures de lutte imposée est régulièrement remise en cause par leur inapplication. Cela s’avère particulièrement vrai dans le domaine viticole, dans un contexte où le nombre de vignes en friche grandit rapidement sur l’ensemble du territoire national.
Le II de l’article L. 251-20 du code rural et de la pêche maritime établit pourtant un régime de sanctions permettant d’incriminer la non-réalisation des mesures de lutte imposées pour les parcelles de vignes plantées. Ce régime de sanction couvre l’ensemble des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers phytosanitaires liés aux organismes. Il est de nature délictuelle, ce qui alourdit les procédures pénales et ne semble pas proportionnée à l’infraction commise.
Il est en effet rare que des condamnations soient prononcées compte tenu de la sévérité de la sanction, à savoir « six mois d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende ».
La nature délictuelle de la sanction tend par ailleurs à traiter les vignerons et viticulteurs comme de vulgaires délinquants. La peine de prison, a fortiori, comporte une connotation infâmante, totalement inappropriée au regard des difficultés qui traversent la filière et du contexte dans lequel ces infractions peuvent survenir. L’enjeu est donc de remplacer le stigmate par une réponse proportionnée et adaptée aux enjeux.
La présente proposition de loi permet d’instaurer une nouvelle mesure de sanction visant à incriminer spécifiquement la non-réalisation des mesures de lutte imposée qui auraient été ordonnées par l’autorité administrative compétente, conformément à l’article L. 251‑10 du code rural et de la pêche maritime. Cet article L. 251‑10 prévoit en effet, en matière d’obligations des propriétaires ou détenteurs de végétaux, que « si [l’un d’eux] refuse d’effectuer dans les délais prescrits et conformément aux arrêtés pris en la matière les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte imposées, un agent habilité prend les mesures nécessaires pour l’exécution de ces arrêtés ».
L’article unique de cette proposition de loi sanctionnerait la méconnaissance des injonctions prévues à l’article L. 251‑10 précité par une contravention de la cinquième classe, c’est-à-dire une amende de 1 500 euros, pouvant monter jusqu’à 3 000 euros en cas de récidive, conformément à l’article L. 131‑13 du code pénal.
L’établissement d’une telle amende permet de doter les services de l’État de leviers plus opérants afin de renforcer l’efficacité de la lutte collective contre les organismes de quarantaine. La sanction apparaîtra en effet plus crédible, et sera donc plus dissuasive, aux yeux des éventuels contrevenants.
Si elle paraît bien plus adaptée et proportionnée à l’infraction qu’elle cherche à sanctionner, cette amende de la cinquième classe vient toutefois s’ajouter à une sanction de nature délictuelle qui punit la même infraction. Comme indiqué ci-dessus, l’infraction qui est aujourd’hui sanctionnée est plus générale, car est fondée sur la méconnaissance des mesures de prévention, de surveillance et de lutte phytosanitaires définies à l’article L. 201‑4 du code rural et de la pêche maritime.
Néanmoins, la même infraction pourrait, le cas échéant, être sanctionnée deux fois, en ajoutant au délit une contravention. Bien que peu probable, cette situation s’avérerait contraire au principe de nécessité des peines développé par le juge constitutionnel, ou au principe dit « non bis in idem » ([1]) .
Ce problème d’articulation avec le droit existant appelle à étudier l’opportunité de clarifier le régime des mesures de police et des sanctions qui s’appliquent dans le cadre des luttes imposées et des mesures de prévention ou de protection des végétaux.
L’amendement CE11 de votre rapporteur, adopté par la commission, vise à sécuriser juridiquement le dispositif proposé, mais aussi à le compléter utilement, sans en changer l'objectif ni la nature.
Tout d'abord, il sécurise le dispositif en évitant le cumul de sanctions pour la même infraction, ce qui est interdit par le principe constitutionnel de nécessité des peines.
La nouvelle rédaction proposée permet de déclasser le délit pour non-respect d’une des mesures mentionnées à l’article L. 201-4 du code rural et de la pêche maritime et relative à la lutte contre un organisme nuisible réglementé afin de créer un régime contraventionnel, qui paraît plus proportionné et plus opérationnel.
Ensuite, cette nouvelle rédaction propose de compléter les procédures de police administrative applicables dans les domaines de la lutte et de la surveillance phytosanitaires pour les rendre plus opérationnelles. Pour cela, une nouvelle mesure de police est créée, à travers le nouvel article L. 250-10 du même code. Pour lutter efficacement contre le développement d'organismes nuisibles réglementés (flavescence dorée), l’administration pourra ordonner à un propriétaire ou un détenteur de végétaux de procéder à un arrachage dans un délai contraint, après une première mise en demeure. Si aucune mesure n’est prise, une sanction de nature délictuelle alors pourra être envisagée.
Le sous-amendement CE12, déposé par notre collègue Mathilde Feld et plusieurs de nos collègues, conditionne l’application de la contravention à la présentation de solutions de financement en amont. Ce sous-amendement a été adopté par la commission contre l’avis de votre rapporteur, qui estime que l’ajout de cette condition serait, d’une part, source de confusion (car sa référence à « l’arrachage » n’est pas adéquate avec l’ensemble des mesures de protection des végétaux ciblées) et, d’autre part, pourrait affaiblir le caractère opérationnel d’un dispositif pensé pour être réactif dans un contexte de pression sanitaire.
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Article créé par la commission
Cet article modifie l’article L. 201‑4 du code rural et de la pêche maritime pour préciser que les mesures de l’autorité administrative compétente en matière de lutte contre les organismes nuisibles réglementés sont prises dans les meilleurs délais au regard de la situation sanitaire.
L’amendement CE1, déposé par notre collègue Pascale Got et plusieurs de nos collègues, vise à modifier le premier alinéa de l’article L. 201-4 du code rural et de la pêche maritime afin de préciser que les mesures de prévention, de surveillance et de lutte sont prises dans les meilleurs délais au regard de la situation sanitaire. Cet amendement a été adopté par la commission contre l’avis de votre rapporteur, qui juge cette précision superfétatoire.
En effet, l’article L. 201-4 dispose que l’autorité administrative met en œuvre les mesures prescrites par la réglementation européenne relative à la santé des végétaux, qui impose déjà une réaction immédiate des autorités et des détenteurs de végétaux en cas de détection d’un organisme de quarantaine (tel que la flavescence dorée). À titre d’exemple, l’article 27 du règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 prévoit que « lorsque la présence d'un organisme de quarantaine prioritaire est confirmée officiellement sur le territoire d’un État membre (…) l’autorité compétente adopte immédiatement un plan (ci-après dénommé “plan d’action”) établissant les mesures d’éradication de cet organisme nuisible ».
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Article créé par la commission
Cet article demande au Gouvernement de remettre chaque année un rapport sur le nombre de sanctions prononcées au regard des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relatives aux dangers sanitaires prises par l’autorité administrative.
L’amendement CE2, déposé par notre collègue Pascale Got et plusieurs de nos collègues, adopté par la commission contre l’avis de son rapporteur, prévoit que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport sur le nombre de sanctions prononcées au regard des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relatives aux dangers sanitaires prises par l’autorité administrative.
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Article créé par la commission
Cet article demande au Gouvernement de remettre un rapport sur la création d’un fonds sanitaire viticole bénéficiant de ressources affectées issues des contraventions prononcées en cas de non-respect des obligations mentionnées à l’article L. 251-10 pour les parcelles plantées en vignes.
L’amendement CE3, déposé par notre collègue Pascale Got et plusieurs de nos collègues, adopté par la commission contre l’avis de votre rapporteur, prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernent remette au Parlement un rapport sur la création d’un fonds sanitaire viticole bénéficiant de ressources affectées issues des contraventions prononcées en cas de non-respect des obligations mentionnées à l’article L. 251-10 pour les parcelles plantées en vignes. Ce rapport évaluera notamment l’équilibre financier du dispositif et les modalités de mise en œuvre à même de répondre aux crises sanitaires et climatiques exceptionnelles subies par la filière viticole.
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Article créé par la commission
Cet article demande au Gouvernement de remettre un rapport sur l’engagement de l’État dans la politique sanitaire de lutte contre les maladies de la vigne.
L’amendement CE6, déposé par notre collègue Sylvain Carrière et plusieurs de nos collègues, adopté par la commission contre l’avis de votre rapporteur, prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’engagement de l’État dans la politique sanitaire de lutte contre les maladies de la vigne, qui inclue notamment une évaluation du coût et de la rentabilité d’une pérennisation à moyen terme des financements publics nécessaires.
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Article créé par la commission
Cet article demande au Gouvernement de remettre un rapport identifiant la typologie et les difficultés des détenteurs de vignes abandonnées vis-à-vis de l’arrachage sanitaire, afin de mieux comprendre les causes du développement de ces vignes abandonnées et d’envisager les évolutions législatives nécessaires.
L’amendement CE7, déposé par notre collègue Mathilde Feld et plusieurs de nos collègues, adopté par la commission contre l’avis de votre rapporteur, prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport identifiant la typologie et les difficultés des détenteurs de vignes abandonnées vis-à-vis de l’arrachage sanitaire, afin de mieux comprendre les causes du développement de ces vignes abandonnées et d’envisager les évolutions législatives nécessaires.
Au cours de sa séance du mercredi 19 février 2025 à 9 heures 30, la commission des affaires économiques examine la proposition de loi visant à instaurer un dispositif de sanction contraventionnelle pour prévenir le développement des vignes non cultivées qui représentent une menace sanitaire pour l’ensemble du vignoble français (n° 822) (M. Hubert Ott, rapporteur).
M. Hubert Ott, rapporteur. La proposition de loi se veut une solution simple et pragmatique à un problème majeur pour les viticulteurs de toutes les régions de France : la prolifération des vignes abandonnées. Si l’on ne fait rien, ce fléau couvrira l’ensemble du territoire national, y compris ma région, l’Alsace, qui est la moins affectée.
Les vignes en friche présentent un réel danger phytosanitaire car elles constituent des foyers de contamination par le mildiou, le black-rot et la flavescence dorée. Cette dernière est un phytoplasme – une bactérie sans paroi cellulaire – qui infecte le liber, présent dans la partie ligneuse des végétaux et composé de canaux permettant à la sève élaborée de circuler – cette dernière, enrichie par la photosynthèse, descend pour nourrir l’ensemble du tissu de la plante, des feuilles jusqu’aux racines.
Cette maladie est transmise par un vecteur. Il s’agit d’un insecte : la cicadelle de la vigne, dont on peut observer les larves cachées dans une sorte de mucus mousseux qu’on appelle vulgairement les « crachats de coucou ». On les trouve sur de nombreuses plantes quand on se promène dans la nature. Les études scientifiques menées par l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) démontrent un lien très fort et irréfutable entre une parcelle de vigne non gérée, donc abandonnée, et le développement de cette maladie qui provoque le dépérissement des ceps contaminés et peut conduire à priver de rendement l’intégralité d’une parcelle. La flavescence dorée est considérée comme un organisme nuisible de quarantaine selon le règlement européen (UE) 2 019/2 072. Cela signifie que des mesures de lutte et de prévention doivent être imposées par chaque État membre pour éviter son arrivée et sa diffusion sur le sol européen.
Selon l’IFV, les traitements permettent de maîtriser les populations de vecteurs de la flavescence dorée. Or, une vigne mal ou non gérée, qui constitue un réservoir de cicadelles capables de se déplacer facilement vers un vignoble voisin, ne fait par définition l’objet d’aucun traitement insecticide. La lutte contre la propagation de cette maladie est une priorité dans le monde viticole.
De leur côté, le mildiou et le black-rot, beaucoup plus répandus, causent également des dégâts dévastateurs dans les plants de vigne. Ces maladies cryptogamiques, causées par des champignons, ne sont toutefois pas considérées comme des organismes nuisibles réglementés et ne peuvent donc pas faire l’objet de mesures de lutte imposées, contrairement à la flavescence dorée. Il apparaît pourtant que les vignes non gérées favorisent leur propagation. Lutter contre la flavescence dorée contribue à limiter les effets des champignons qui prospèrent sur les vignes abandonnées, sans toutefois les faire disparaître, ces organismes endémiques constituant des inoculums présents dans le sol à partir desquels les maladies se développent. Des études complémentaires doivent cependant être menées par l’IFV pour établir ce lien de manière irréfutable ; la prochaine, qui sera réalisée en 2025, vise à caractériser plus précisément l’influence de la friche.
Le renforcement des moyens de lutte contre le développement des vignes abandonnées est d’autant plus légitime que la propagation de ces maladies entraîne des conséquences désastreuses sur les plans économique, social et environnemental. Sur le plan économique, les graves difficultés auxquelles font face les vignerons, dans un contexte de crise multifactorielle, sont décuplées par ces maladies. En extrapolant les résultats des études faites par l’IFV dans certains territoires, on estime à plus de 10 % la perte de productivité due aux seules mesures de lutte contre la flavescence dorée.
De leur côté, les organismes de défense et de gestion (ODG) imputent à ces maladies l’essentiel de la perte de leur rendement, lequel a chuté de près de 30 % en vingt ans pour l’ODG du muscadet. La plupart des producteurs sont exsangues ; le nombre d’exploitations en difficulté financière dans les Pays de la Loire a triplé entre 2022 et 2024. Il devient important de les aider à lutter efficacement contre ces maladies.
Sur le plan environnemental, les mesures de prévention et de lutte contre ces maladies obligent les viticulteurs à utiliser régulièrement des produits phytosanitaires, notamment des insecticides. La présence de friches proches de leurs parcelles les contraint à multiplier les recours à ces produits, ce qui peut entraîner des conséquences sanitaires pour eux et pour l’environnement. C’est en outre une source de tensions très fortes avec les voisins non agriculteurs, alors que la destruction de certaines friches conduirait à réduire considérablement l’usage de ces produits.
Tant que les ceps ne sont pas arrachés, la maladie ne peut pas être éradiquée. Il est dès lors nécessaire de faire une ceinture de protection à l’aide de produits insecticides, qu’il faut sans cesse renouveler. C’est tout à fait contraire à l’esprit de l’évolution du monde viticole – en Alsace, par exemple, l’agriculture biologique représente 36 % de la surface viticole. Si l’on entend utiliser des produits plus indolores pour l’environnement, les moyens d’action contre ces fléaux sont très limités. Les situations induites par ce phénomène sont très graves.
Sur le plan social, les auditions ont permis de mettre en avant le traumatisme que représente pour le viticulteur la découverte de ces maladies sur ses parcelles, dans un contexte particulièrement difficile, alors que les solutions de traitement sont limitées.
Nous devons donc répondre à la détresse qui règne dans le monde viticole. La mesure proposée ne prétend pas régler la crise profonde, mais elle apporte une brique à l’édifice. Elle est d’ailleurs très attendue par la profession, qui souhaite s’en sortir sans solliciter le contribuable, grâce à des évolutions réglementaires qui l’aiderait à gérer les parcelles de façon plus sûre et efficace.
Le dispositif proposé vise à limiter efficacement le développement des vignes abandonnées. Bien qu’il reste difficile d’établir un chiffre à l’échelle nationale, les acteurs que nous avons interrogés sont unanimes : le nombre de friches augmente chaque année. Il est estimé à près de 2 000 hectares en Paca et en Gironde et à plus de 400 hectares en Pays de la Loire. Dans le contexte économique que vous connaissez, cette augmentation n’est pas étonnante.
Plusieurs cas de figure peuvent être distingués. Le cas le plus fréquent semble être celui des propriétaires non exploitants qui ne trouvent pas de viticulteurs pour travailler leurs parcelles. Ce métier peine à attirer de nouvelles générations, surtout lorsque les propriétaires n’ont qu’un lien très distant avec le monde rural ou avec leurs parcelles. Les vignes sont alors laissées à l’abandon. Un cas moins fréquent, mais tout aussi délicat à traiter, est celui des propriétaires qui laissent délibérément les friches se développer dans un but de spéculation et pour entraîner une modification des plans locaux d’urbanisme.
Viennent ensuite les viticulteurs ou vignerons en difficulté, qui n’ont pas les ressources pour s’occuper de leurs vignes. Dans ce cas, les interprofessions que nous avons consultées nous ont assuré que les friches étaient rarement laissées à l’abandon très longtemps. Il existe en effet une solidarité, les ODG s’organisant pour aider ou accompagner les viticulteurs. Il en va de même des viticulteurs qui ne peuvent plus prendre soin de leur vigne eux-mêmes pour des raisons personnelles – âge, maladie. Les professionnels s’organisent entre eux pour aider à l’arrachage.
Enfin, il existe des cas de négligence de la part de certains propriétaires ou viticulteurs. En l’état actuel de la réglementation, il est très difficile de contraindre un propriétaire ou un exploitant à arracher ses vignes. Ce ne serait d’ailleurs possible que dans le cadre de mesures de lutte imposées contre des organismes nuisibles réglementés comme la flavescence dorée. Il existe dans ce cas de nombreuses dispositions relatives au contrôle et à la surveillance des parcelles. Des injonctions d’arrachage peuvent être prises par les autorités compétentes lorsque des friches sont détectées dans ces zones de lutte imposées.
Le non-respect de ces obligations, de nature délictuelle, est puni par une sanction de six mois de prison et de 150 000 euros d’amende. Or, cette peine, disproportionnée, est totalement inopérante car elle n’est quasiment jamais appliquée, à juste titre : dans la plupart des cas, il ne paraît pas justifié de sanctionner aussi sévèrement ce qui peut relever d’une négligence ou de difficultés économiques ou sociales. Le texte a donc pour objet l’établissement d’une peine suffisamment crédible pour jouer son rôle dissuasif et ainsi faciliter la lutte contre les vignes abandonnées. Lorsqu’une mesure de lutte impose un arrachage, le non-respect de cette obligation serait désormais sanctionné d’une simple amende de 1 500 euros et de 3 000 euros en cas de récidive.
L’objet de ce texte très attendu par la profession n’est pas de créer une amende pour toucher les propriétaires au porte-monnaie ou pour engendrer de nouvelles recettes publiques. L’efficacité de la mesure réside dans son caractère dissuasif. Il est improbable qu’en menaçant un propriétaire ou un viticulteur d’une peine de prison qu’il sait inapplicable, on le conduise à changer d’attitude. En revanche, la menace d’une sanction pécuniaire crédible a de grandes chances de favoriser la prise de conscience et de limiter l’inaction.
Je préfère privilégier la sanction administrative pour des infractions mineures : c’est plus rapide et plus clair. On évite la procédure pénale qui donne le sentiment d’être un grand délinquant. Lorsque vous garez mal votre voiture, vous avez une amende ; lorsque vous exécutez mal une procédure, sans impact majeur sur l’intérêt public, vous encourez aussi une amende : cela paraît raisonnable.
Cette simple mesure de bon sens permettra de renforcer la lutte contre la propagation des organismes nuisibles tels que la flavescence dorée.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Patrice Martin (RN). La flavescence dorée s’est propagée comme un véritable fléau dans l’ensemble des vignobles français. Face à cette menace, certaines régions viticoles tentent de s’adapter tandis que d’autres optent pour une stratégie d’éradication rigoureuse en raison de l’aggravation continue de cette maladie.
En Bourgogne, en 2022, la fédération régionale de lutte et de défense contre les organismes nuisibles de Bourgogne-Franche-Comté a rapporté que 11 % des échantillons de vigne analysés étaient contaminés, contre seulement 0,9 % en 2017. Cette évolution alarmante a conduit à l’arrachage de 750 pieds infectés, un chiffre qui a plus que doublé en un an. En Champagne, la situation s’est également détériorée en 2024 : 10 000 pieds atteints ont été recensés, soit 1 000 de plus qu’en 2023. Dans le sud de la Gironde, près de 6 500 pieds infectés ont été identifiés sur plus de 500 parcelles en 2022.
À l’échelle nationale, la propagation fulgurante de cette maladie impose une vigilance accrue et des actions immédiates. Toutes les régions viticoles sont touchées, à des degrés divers, et l’urgence d’une mobilisation collective ne fait plus aucun doute. Depuis des années, de nombreuses fédérations professionnelles alertent sur l’inaction face à cette crise et sur l’absence d’obligation réglementaire pour les propriétaires de vignes non entretenues et laissées à l’abandon, qui deviennent ainsi des foyers de contamination pour les exploitations voisines. L’absence de mesures adaptées et le manque de concertation avec les professionnels du secteur freinent la mise en place d’une réponse législative efficace, pourtant essentielle à la survie de nos vignobles. Malgré l’urgence de la situation, le cadre juridique actuel ne permet qu’une sanction délictuelle, appliquée au cas par cas sous l’autorité du procureur. Ce dispositif individualisé allonge considérablement les délais d’intervention et empêche toute réponse globale et immédiate.
La vigne est bien plus qu’une filière économique : elle est une composante essentielle de notre patrimoine, de notre culture, de nos territoires ; elle façonne nos paysages, fait vivre des milliers de familles et participe activement à l’identité de la France. Peut-on seulement imaginer notre pays sans vignoble, sans vin et sans vigneron ? Face aux difficultés croissantes que traverse le secteur viticole, il est impératif de prendre des mesures fortes et adaptées. Les viticulteurs appellent à l’aide. C’est pourquoi le groupe Rassemblement national soutiendra cette proposition de loi, qui représente une avancée nécessaire pour protéger nos vignobles, garantir l’avenir de l’exploitation et préserver un héritage qui fait la fierté de notre pays.
M. Hubert Ott, rapporteur. Les friches constituent un foyer massif de maladie. Alors que la situation a brutalement changé, la réactivité n’est pas au rendez-vous. La raison d’être de ce texte est de régler le problème et d’enrayer le fléau.
Le vignoble français est non seulement une fierté nationale, mais aussi une force économique majeure. Nous avons le devoir de préserver sa dimension culturelle et de soutenir l’approche qualitative des viticulteurs, fondée sur des pratiques culturales de plus en plus respectueuses des attentes sociétales. Si nous voulons éviter la paralysie, nous devons agir.
M. Jean-Luc Fugit (EPR). La viticulture française traverse une crise profonde en raison des effets du dérèglement climatique. À cela s’ajoute une pression sanitaire de plus en plus forte, marquée par la persistance de maladies bien connues qui affectent nos vignobles dans l’ensemble du territoire, comme le mildiou ou la flavescence dorée. Cette dernière maladie est très présente dans certaines régions comme le Bordelais, mais aussi dans mon département du Rhône, où les vignes du Beaujolais sont durement affectées.
L’un des facteurs aggravants de sa propagation est le développement de nombreuses friches viticoles. Ces parcelles abandonnées, non entretenues, deviennent des foyers de contamination pour les vignes voisines, ce qui détériore leur production. Face à ce risque, les viticulteurs sont contraints d’intensifier les traitements phytosanitaires au détriment de leur santé et de celles des sols. Ce n’est pas l’orientation que nous souhaitons pour notre viticulture.
Dans le cas de la flavescence dorée, la législation impose l’arrachage des pieds isolés contaminés ainsi que des parcelles affectées à plus de 20 %, mais elle n’est pas respectée, car le dispositif manque cruellement d’efficacité. En effet, le régime de sanction couvre l’ensemble des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers phytosanitaires liés aux organismes nuisibles. La sanction de nature délictuelle alourdit les procédures pénales et ne semble pas proportionnée aux obligations d’arrachage des vignes. Il est en effet rare que des condamnations soient prononcées compte tenu de la sévérité de la sanction, à savoir six mois d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Peut-on accepter que celles et ceux qui travaillent dur pour entretenir leurs vignes soient contraints de compenser l’inaction de certains propriétaires ? Pascal Lavergne, député de Gironde jusqu’en 2024, nous avait alertés sur ce sujet à l’occasion du débat sur le projet de loi d’orientation agricole, au printemps dernier, mais son amendement n’avait pas trouvé d’accrochage législatif.
La proposition de loi pallie les manques évoqués en sanctionnant le non-respect des obligations de lutte contre les organismes nuisibles par une contravention de cinquième classe. Nous soutenons cette mesure, car ce n’est ni une sanction aveugle, ni une punition arbitraire, mais un outil indispensable pour responsabiliser les propriétaires. Elle ne vise pas à fragiliser les viticulteurs les plus précaires. Elle s’adresse en priorité aux propriétaires qui ont hérité de parcelles et les laissent à l’abandon, parfois même selon une logique purement spéculative, dans l’espoir d’un reclassement foncier. Quant aux viticulteurs en difficulté, les fédérations viticoles, pleinement conscientes de ces enjeux, œuvrent déjà pour les soutenir financièrement.
Le texte apporte une réponse concrète à une demande explicite des viticulteurs de différentes régions et permet d’agir avec détermination en faveur de nos vignobles. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de cette proposition de loi.
M. Hubert Ott, rapporteur. Monsieur Fugit, je connais votre implication dans la défense du monde viticole. Il est important de définir les causes de cette difficulté et les types de propriétaires ou d’exploitants concernés pour adopter une réponse proportionnée et efficace.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je tiens à remercier M. Ott pour m’avoir permis d’assister aux très instructives auditions de la semaine passée avec différents ODG, l’Institut français du vin ou encore la Confédération nationale des appellations d’origine contrôlées (Cnaoc). Le vignoble girondin, plus spécifiquement celui de l’entre-deux-mers, fait face à une crise gravissime qui détruit les emplois de salariés et d’exploitants agricoles. Je pense aussi à la situation de l’entreprise Yvon Mau à Gironde-Sur-Dropt, dont 80 % des emplois sont menacés.
Cette crise multifactorielle, amplifiée par une déconsommation globale du vin, renvoie surtout à des logiques et à des choix de production guidés par une vision industrielle de la viticulture au sein des gouvernements successifs, aggravés par une absence de planification écologique et sanitaire. Elle témoigne de l’échec des politiques agricoles menées jusqu’ici : les logiques de marché dans lesquelles sont enferrés nos agriculteurs entravent trop souvent la diversification et la reconversion, empêchent la garantie d’une juste rémunération pour les producteurs et ne permettent ni le renouvellement des générations, ni la transmission des exploitations.
Dans un tel contexte, cette proposition de loi nous semble insuffisante. Néanmoins, elle paraît correspondre à la demande d’une grande partie de la filière dans le cadre de la lutte contre la flavescence dorée. Pour éviter la propagation de cette maladie, il est primordial de ne pas laisser les vignes à l’abandon, car cela peut entraîner des externalités négatives pour les exploitants voisins, affectant particulièrement celles et ceux qui ont fait le choix de produire en bio. Le dispositif de sanction contraventionnelle a pour but d’inciter à agir et répond à une revendication des ODG et de la Cnaoc.
Nous proposerons d’amender le dispositif afin de prendre en compte la grande diversité des situations, notamment celle des plus précaires. La contravention ne doit advenir qu’en dernier recours, après que le détenteur a été informé des solutions existantes pour financer l’arrachage. Il faudra tenir compte de ses difficultés financières ou techniques pour accompagner cet arrachage, le cas échéant, et s’assurer que les hectares de vigne seront réattribués à une production agricole.
Contraints par l’article 40 de la Constitution, nous demandons un rapport exhaustif sur les moyens adoptés par l’État pour lutter contre les maladies de la vigne. Ces moyens doivent être pérennisés. Détecter et prévenir est un impératif pour permettre aux viticulteurs de travailler dans des conditions sereines qui ne mettent en danger ni leur récolte ni leur santé. L’État doit jouer son rôle d’accompagnateur et organiser la recherche pour anticiper l’élaboration de solutions aux maladies émergentes qui risquent de provoquer de nouveaux dégâts.
M. Hubert Ott, rapporteur. Je partage votre diagnostic. La crise qui touche la viticulture, autrefois filière de réussite et moteur des exportations françaises, est grave et les réponses ne pourront pas toutes figurer dans ce petit texte à l’objectif bien précis. Il me semble néanmoins que lutter contre les ravages de la flavescence est indispensable pour éviter que les viticulteurs voisins de ceux qui ont abandonné leurs parcelles ne soient frappés par des difficultés nouvelles qui seraient pour eux une double peine. Il faut enrayer ce fléau.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je partage votre préoccupation. Le vin du Bordelais est en pleine crise, car les prix excessivement bas ne permettent pas de couvrir les coûts de production. Cela a des répercussions pour de nombreux agriculteurs, qu’ils soient salariés ou exploitants.
Mme Pascale Got (SOC). Je remercie la commission de m’accueillir en tant que députée de Gironde, plus précisément du Médoc.
La proposition de loi n’est évidemment pas la solution à la crise profonde que traverse la viticulture française, dont les facteurs sont multiples : la baisse des exportations, les évolutions de la consommation et de la commercialisation ou encore le changement climatique.
La majeure partie des vignobles est soumise à un double phénomène : des précipitations de plus en plus abondantes et des températures de plus en plus élevées. Résultat : l’état sanitaire des vignobles se dégrade sous l’effet de maladies diverses comme la flavescence dorée, mais aussi le mildiou, l’oïdium, etc. Ces maladies prolifèrent dans les vignes en friche, qui deviennent des foyers contaminants pour les parcelles à proximité. Les raisons de leur état sont diverses : abandons de fermage, problèmes juridiques de succession, réduction de la taille de la propriété…
La prolifération des maladies est extrêmement difficile à endiguer. Il n’existe aucun traitement contre la flavescence dorée, si ce n’est l’arrachage sanitaire préventif. Pour les autres, les dégâts peuvent être limités au prix de traitements répétitifs et coûteux, dont les modalités contredisent les efforts pour une viticulture plus vertueuse. Elles mettent en danger les exploitations biologiques, détournent ceux qui voudraient opérer une transition et aggravent la crise pour tout le monde. La veille sanitaire assurée par les GDON (groupement de défense contre les organismes nuisibles) et les Fredon (fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles) pour repérer les foyers de flavescence dorée à endiguer est vitale et leurs recommandations doivent être respectées au mieux et au plus vite.
Cependant, ne pas proposer aux propriétaires des parcelles touchées une étape intermédiaire avant la pénalité maximale, c’est méconnaître les raisons de l’existence de vignes en friche. Face au changement climatique et à l’accroissement des maladies dans le vignoble, la veille sanitaire ne peut se résumer à des sanctions ou à des mesures conjoncturelles ; elle nécessite une prise en compte structurelle et une politique nationale. Il est important de maintenir la productivité du vignoble, de poursuivre les efforts de recherche pour mieux anticiper les émergences de maladies, de structurer des données dans le cadre d’un observatoire et d’assurer la pérennité financière des fonds de soutien. C’est le sens de plusieurs amendements que présentera le groupe Socialistes et apparentés.
M. Hubert Ott, rapporteur. Je ne peux que souscrire à ces propositions, qui tendent à améliorer la connaissance et le suivi des phénomènes qui touchent le vignoble.
En complément de la réponse déjà apportée à Madame Feld, je rappelle que l’objectif de la sanction mise en place par ce texte est effectivement de dissuader les propriétaires d’abandonner leur parcelle afin que l’arrachage soit réalisé dans les temps. Ce n’est pas un problème d’information, car la Draaf (direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt) et les ODG les préviennent de l’existence d’un plan de lutte imposée. Il y aura bien évidemment d’autres mesures à prévoir pour accompagner le vignoble.
M. Julien Dive (DR). Le premier objectif de la proposition de loi est de lutter contre les foyers de flavescence dorée. Le second est de réduire l’usage des insecticides pour les raisons liées à l’existence de parcelles laissées en friche.
Les viticulteurs sont confrontés aux aléas climatiques, à des difficultés économiques du fait des négociations commerciales – je suis d’accord avec Mme la présidente pour dire que le prix du vin de Bordeaux est anormalement bas –, aux pressions douanières qui s’annoncent outre-Atlantique et à la pression environnementale. Nous devons leur apporter des solutions adaptées et les accompagner dans la lutte contre les maladies qui menacent leurs exploitations.
La propagation de la flavescence dorée, une maladie qui peut anéantir les récoltes, est liée, entre autres facteurs, à la présence de vignes en friche, abandonnées par négligence ou en raison de problèmes financiers. Les viticulteurs doivent multiplier les efforts pour protéger les vignes, souvent au prix de traitements coûteux et chronophages et au détriment de l’environnement. La lutte contre la flavescence dorée n’est pas seulement une question de traitement, c’est un engagement constant qui pèse lourdement sur les ressources humaines et financières des exploitations viticoles.
Le dispositif actuel de lutte contre cette maladie repose sur un arsenal juridique inadapté. Le non-respect des mesures de lutte est passible d’une amende démesurée de 150 000 euros, assortie d’une peine de prison de six mois. Cette sanction, en plus d’être excessive, témoigne d’un esprit contre-productif qui stigmatise les vignerons et les considère comme des délinquants alors qu’ils sont avant tout des acteurs essentiels qui méritent notre soutien.
Monsieur le rapporteur, vous proposez de changer cette logique en passant d’une approche punitive à une approche incitative : plutôt que de sanctionner à tout prix, responsabiliser les propriétaires des vignes et les encourager à adopter les bonnes pratiques pour lutter au mieux contre la flavescence dorée. Vous proposez une sanction plus juste et plus proportionnée sous la forme d’une contravention de cinquième classe punie d’une amende de 1 500 euros pouvant être majorée en cas de récidive. Outre qu’elle sera plus facilement applicable, cette disposition sera plus dissuasive que l’amende actuelle. Elle conjugue deux impératifs : lutter contre la prolifération des maladies végétales et, surtout, permettre aux services de l’État de disposer d’outils plus adaptés.
Le groupe de la Droite républicaine votera donc pour la proposition de loi, tout en rappelant que la question de la sanction ne doit pas occulter la nécessité d’un accompagnement renforcé des vignerons. Nous devons être à leurs côtés et leur offrir un soutien à la replantation des vignes tout en encourageant la recherche et le développement de solutions innovantes et efficaces pour lutter contre les maladies.
M. Hubert Ott, rapporteur. Je l’ai dit, la seule lutte contre ces fléaux entraîne une baisse de la productivité estimée à 10 %, alors même que les rendements sont tombés à 30 ou 35 hectolitres par hectare – sachant que 50 hectolitres ne suffisent déjà pas à atteindre un objectif économique minimal. Le combat ne s’arrêtera donc pas avec la proposition de loi, mais celle-ci marque une nouvelle étape, qui doit ouvrir la voie à un travail plus approfondi avec les ODG et les services de l’État.
M. Benoît Biteau (EcoS). Le diagnostic est incontestable, de même que l’urgence d’agir. Les productions de nos plus prestigieux vignobles sont menacées.
Alors que la situation économique est difficile, la lutte contre la flavescence dorée dépend des seuls vignerons, sur lesquels elle fait peser de lourdes charges. Dans ces conditions, on ne peut pas laisser perdurer des foyers de maladie. De plus, pour des raisons écologiques, il faut réduire le recours aux insecticides, donc faire disparaître ces foyers.
Mais c’est ce même contexte économique qui conduit des vignerons à abandonner leurs vignobles. Si je ne conteste pas l’idée qu’il faut sanctionner cet abandon, notamment en raison de ses conséquences sanitaires sur ceux qui poursuivent leur activité, je regrette que le texte ne comporte pas de mesures d’incitation à l’arrachage – qui devraient évidemment aller de pair avec l’interdiction de replanter. On peut manier de temps en temps le bâton, mais je préfère la carotte. Un peu d’audace !
M. Hubert Ott, rapporteur. Une proposition de loi ne peut contenir de mesure financière que sous certaines conditions. En revanche, il existe des mesures ponctuelles, et la solidarité, grâce aux ODG et aux interprofessions, permet de limiter les coûts. Mais il manquait un outil pour que le dispositif soit opérationnel.
Des viticulteurs abandonnent leurs parcelles, mais d’autres, qui continuent de tenir leur exploitation à bout de bras, sont victimes de ces abandons et nous devons absolument les accompagner. Le texte constitue le début de cet accompagnement.
Je vous rejoins entièrement en ce qui concerne les effets écologiques délétères de la situation, alors que la viticulture française a fait des efforts significatifs au cours des vingt dernières années pour aller vers des pratiques respectueuses de l’environnement – avec succès, les inventaires de biodiversité montrant la réapparition de certaines plantes commensales. Il faut soutenir ces nouvelles pratiques ; la mesure que nous proposons y contribue.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. La politique européenne de subvention à l’arrachage des vignes, qui a existé jusque dans les années 1990, était très efficace ; elle a hélas disparu avec la vague de libéralisation des marchés et de la politique agricole commune.
M. David Taupiac (LIOT). Le Gers, dont le vin faisait la richesse, est particulièrement affecté par la crise de la filière viticole. La baisse de la demande conduit à une accumulation des stocks qui entraîne une chute des prix et une perte de rentabilité pour les agriculteurs ; à cela s’ajoutent les effets délétères du dérèglement climatique et les menaces sanitaires, dont la flavescence dorée.
Celle-ci, très épizootique, peut contaminer plus de 20 % d’une parcelle en trois ans sans traitement insecticide adéquat ; il faut alors tout arracher. Tout l’enjeu est donc de détecter vite les pieds contaminés. Mais certaines parcelles abandonnées deviennent des foyers infectieux sans que l’on s’en aperçoive et la procédure administrative pour contraindre un propriétaire à arracher ses vignes est complexe et longue, ce qui laisse à la maladie le temps de se propager.
Les outils actuels ne sont évidemment pas efficaces, mais la proposition de loi permettra-t-elle de faire mieux ? Sans doute représentera-t-elle un gain de temps et une piqûre de rappel à l’intention des propriétaires réfractaires, mais elle ne résout pas le problème du repérage des parcelles contaminées ni celui de l’identification du propriétaire. En outre, pour ceux qui ont dû abandonner leur vignoble pour des raisons économiques, ce sera la double peine.
Nous appelons donc à renforcer les mesures d’accompagnement des exploitants en difficulté, pour éviter une contravention punitive sans discernement.
M. Hubert Ott, rapporteur. En effet, le dispositif actuel est inefficace, car trop lent, et il faut accompagner les viticulteurs touchés par ce fléau. Tous nos interlocuteurs sur le terrain en sont conscients. Affaire à suivre, donc, avec la plus grande vigilance.
M. Richard Ramos (Dem). Merci, monsieur le rapporteur, de votre combat constant en faveur de la biodiversité.
Nous voterons évidemment pour la proposition de loi. Les vignobles qui ne sont pas concernés pourraient l’être demain en raison des changements climatiques. Rien de pire qu’une loi inapplicable ; en allégeant les sanctions, vous les rendrez effectives. Il faudra évidemment veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre avec discernement.
M. Hubert Ott, rapporteur. Merci !
Article unique : Instauration d’une contravention de cinquième classe afin de prévenir le développement des vignes non cultivées
Amendement CE11 de M. Hubert Ott et sous-amendement CE12 de Mme Mathilde Feld
M. Hubert Ott, rapporteur. L’amendement vise à sécuriser et à compléter le dispositif, sans en changer l’objectif ni la nature.
D’une part, il évite le cumul de sanctions pour la même infraction, qui est interdit par le principe constitutionnel de nécessité des peines. Il déclasse le délit pour non-respect des mesures prescrites au titre de la lutte contre les organismes réglementés afin d’instaurer un régime contraventionnel, plus proportionné et plus opérationnel.
D’autre part, il est proposé de créer une nouvelle mesure de police pour lutter plus efficacement contre le développement d’organismes nuisibles réglementés, en l’occurrence, la flavescence dorée. En vertu du nouvel article L. 250-10 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), l’administration pourra, après une première mise en demeure, ordonner à un propriétaire ou à un détenteur de végétaux de procéder à un arrachage dans un délai contraint. Si aucune mesure n’est prise, une sanction, de nature délictuelle cette fois, pourra être envisagée. Nous serions alors bien dans le cas où la personne n’aurait répondu ni à la première demande, ni à la mise en demeure, ni à la mesure d’injonction. À ce stade, il ne serait donc plus question de négligence ni de difficultés particulières.
Je réponds à nos collègues Pascale Got et Mathilde Feld dont les amendements tomberont si le mien est adopté. S’agissant de l’amendement CE10, le souhait de substituer « passible » à « puni » est exaucé, puisque les sanctions ne peuvent pas être prononcées sans mise en demeure préalable. En revanche, s’agissant de l’amendement CE4, il ne me semble pas justifié d’affecter le produit des contraventions au seul fonds d’urgence viticole, dès lors que les mesures de protection s’appliquent à tous les végétaux.
En ce qui concerne l’amendement CE5, je comprends le souci d’épargner la « double peine » aux agriculteurs en difficulté, mais il est déjà satisfait : les interprofessions s’organisent sur le terrain pour aider les vignerons et les services de l’État peuvent prendre le relais. En tout état de cause, la sanction se veut avant tout dissuasive, elle n’a pas vocation à s’appliquer systématiquement.
Par ailleurs, l’aide financière que vous proposez de porter à la connaissance des contrevenants profiterait à tous les viticulteurs, qu’ils soient en difficulté ou pas.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Mon amendement CE5 a pour objet non pas d’offrir une aide financière à tous les détenteurs de parcelles qui ne rempliraient pas leurs obligations sanitaires, mais de prendre en compte la diversité de leurs situations.
Les propriétaires aisés, qui négligent leurs terres vouées à la spéculation, doivent évidemment être sanctionnés. En revanche, la sanction pécuniaire n’a aucun sens pour des propriétaires modestes qui n’ont pas les moyens d’arracher leurs vignes porteuses de flavescence. L’amendement vise donc à s’assurer que des solutions pour financer l’arrachage et les accompagner leur sont proposées. À cet égard, vous avez mis en avant la solidarité des organismes de défense et de gestion (ODG) et des chambres d’agriculture, qui peuvent leur venir en aide.
M. Hubert Ott, rapporteur. Les auditions auxquelles vous avez participé ont mis en lumière le fait que les interprofessions sont organisées pour accompagner les vignerons en difficulté – je l’ai aussi constaté en Alsace. La solidarité est une réalité. Encore faut-il que les vignerons fassent part de leur volonté de résoudre le problème.
Les difficultés proviennent surtout des friches détenues par des propriétaires éloignés de l’agriculture. Compte tenu des difficultés actuelles de la filière, il est compliqué de trouver des vignerons pour reprendre les exploitations.
Enfin, il n’existe pas de mécanisme d’accompagnement financier de l’arrachage, hormis le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE).
Votre amendement me semble alourdir inutilement le dispositif et créer des doublons.
Mme Pascale Got (SOC). Comment s’assurer que le délai « raisonnable » imparti pour se mettre en conformité ne sera pas à géométrie variable ? Cette notion me paraît trop vague.
Par ailleurs, si le texte s’inscrit bien dans une logique d’accompagnement, et non de punition, il ne serait pas malvenu de remplacer « puni » par « passible ».
M. Hubert Ott, rapporteur. J’ai déjà répondu sur le changement de vocable. Le dispositif est bien pensé dans une logique de prévention.
Quant au délai, la célérité de l’administration n’est pas en cause. Les ODG se félicitent de la réactivité des services de l’État mais constatent, avec eux, la difficulté à appliquer le dispositif actuel. C’est en le réformant que les actions nécessaires pourront être menées plus rapidement.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé et l’article unique est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CE10, CE4 et CE5 tombent.
Après l’article unique
Amendement CE1 de Mme Pascale Got
Mme Pascale Got (SOC). Face à la propagation de la flavescence dorée, il convient de trouver un juste milieu s’agissant des délais pour agir : il faut à la fois laisser le temps au viticulteur de prendre les dispositions nécessaires et veiller à ce que l’autorité administrative prenne rapidement les mesures propres à préserver le vignoble.
M. Hubert Ott, rapporteur. L’article L. 201-4 que vous souhaitez compléter est suffisamment précis pour permettre une action rapide et appropriée. Il indique que « l’autorité administrative prend toutes mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relatives aux dangers sanitaires. » ; elle doit mettre en œuvre les mesures prescrites par la réglementation européenne relative à la santé des végétaux, qui impose déjà une réaction immédiate des autorités et des détenteurs de végétaux en cas de détection d’un organisme de quarantaine – la flavescence dorée en est un. Demande de retrait, à défaut, avis défavorable.
Mme Pascale Got (SOC). Lors des auditions, les ODG et les représentants des vignobles français ont souligné la lenteur de l’exécution des sanctions, espérant que la proposition de loi permettrait d’y remédier. Mon amendement avait pour but de s’en assurer.
M. Hubert Ott, rapporteur. La proposition de loi répond à votre préoccupation : la sanction associée à la contravention qu’elle introduit est prononcée dans des délais bien plus courts que pour le délit actuel. En outre, le laps de temps entre le constat et la sanction pourra être mis à profit pour convaincre les propriétaires concernés d’agir, d’autant qu’ils ne pourront plus s’abriter derrière les délais de la procédure judiciaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE2 de Mme Pascale Got
Mme Pascale Got (SOC). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport présentant le nombre de sanctions prononcées à la suite des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relatives aux dangers sanitaires, prises par l’autorité administrative. Une évaluation du dispositif de veille sanitaire est indispensable, notamment pour s’assurer de son efficacité dans la préservation du vignoble.
M. Hubert Ott, rapporteur. La proposition de loi cherche précisément à lutter efficacement contre les dangers phytosanitaires de la vigne. Le rapport que vous demandez représente une charge de travail supplémentaire pour les services ; les moyens qui y seront consacrés ne le seront pas à d’autres tâches plus utiles. Il me paraît plus judicieux de faciliter le travail des agents chargés de la protection des végétaux en les dotant d’outils plus simples et opérationnels.
Par ailleurs, un très faible nombre de sanctions pourrait être interprété comme un signe d’inefficacité, alors qu’il pourrait tout simplement refléter le fait que les vignes ont bel et bien été arrachées comme cela était demandé – il serait alors le signe d’une réussite.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous avons déposé des amendements qui auraient gagné à être examinés de façon concomitante, puisqu’ils demandent également un rapport.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE3 de Mme Pascale Got
Mme Pascale Got (SOC). Cette fois, le rapport demandé par l’amendement porte sur la création d’un fonds sanitaire viticole, alimenté par les ressources tirées des contraventions. Ce fonds permettrait de faire face aux aléas sanitaires et climatiques que subit la filière viticole.
L’amendement prolonge la proposition soumise au Sénat, consistant à instaurer un mécanisme pérenne d’aide d’urgence destiné aux producteurs viticoles sinistrés et doté de cent millions d’euros.
M. Hubert Ott, rapporteur. Non seulement la création d’un fonds sanitaire viticole relève de la loi de finances, mais l’affectation de recettes spécifiques à des dépenses particulières est contraire au principe d’universalité budgétaire.
En outre, la création d’un fonds d’aide pérenne ne me semble pas répondre aux attentes prioritaires des professionnels. Enfin, dès lors que les mesures peuvent concerner tous les végétaux, il ne paraît pas opportun de réserver à la vigne le fonds alimenté par le produit des amendes. Les amendes ont vocation à dissuader, davantage qu’à procurer de nouvelles recettes.
M. Romain Daubié (Dem). L’objectif de l’amendement est louable, mais le principe d’universalité fait obstacle à un tel mécanisme. Il est de surcroît de tradition de traiter les aspects budgétaires dans la loi de finances, notamment pour garantir une cohérence en la matière.
Mme Pascale Got (SOC). Cette idée n’est pas sortie d’un quelconque chapeau. Nous avons entendu les organisations de la filière viticole réclamer un fléchage du produit des amendes vers le soutien à la lutte contre les maladies de la vigne.
M. Hubert Ott, rapporteur. J’ai en mémoire les propos du président de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d’origine contrôlées. Il ne demande pas de soutien financier de la part de l’État, mais des outils réglementaires qui permettent d’agir en temps et en heure.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE6 de M. Sylvain Carrière
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il s’agit de demander un rapport permettant de mesurer l’engagement de l’État dans la politique sanitaire de lutte contre les maladies de la vigne et d’évaluer le coût et la rentabilité d’une pérennisation des financements publics nécessaires.
L’État et les collectivités territoriales peuvent contribuer au financement d’organismes, notamment les groupements et fédérations nationales de défense contre les organismes nuisibles (Gdon et Fredon). Néanmoins, le flou sur le maintien des financements publics fragilise la pérennité de ces structures essentielles. Ces moyens, aussi modestes soient-ils, sont d’autant plus importants que la crise viticole pourrait à terme diminuer le montant des cotisations versées par les viticulteurs à une structure telle que le Gdon de Bordeaux. Un flou similaire règne sur les moyens alloués aux services de l’État impliqués dans la prévention, la détection et le traitement des maladies affectant la vigne.
Pourtant, les effets du réchauffement climatique sont déjà là et vont s’intensifier. La propagation de la flavescence dorée est facilitée par le déplacement de la cicadelle, un insecte venu de la région des Grands Lacs et remontant vers le nord. D’autres maladies émergentes sont à nos portes et scrutées de près par les scientifiques, comme la Xylella fastidiosa, qui pourrait très bientôt affecter massivement les vignes françaises.
M. Hubert Ott, rapporteur. Cela fait beaucoup de rapports sur un sujet pourtant très précis…
Votre amendement est en grande partie satisfait. Les dépenses de l’État consacrées aux mesures de prévention, de surveillance et de lutte relatives aux organismes nuisibles aux végétaux sont détaillées chaque année dans le rapport annuel de performance annexé au projet de loi d’approbation des comptes de l’exercice n – 1.
De plus, la réglementation européenne sur la santé des plantes a introduit un principe de responsabilité des opérateurs qui mettent des végétaux sur le marché. Ils sont ainsi tenus de prendre un certain nombre de mesures en cas de non-conformité. Par ailleurs, le code rural et de la pêche maritime prévoit, dans le cas de foyers, que les mesures de lutte sont à la charge des détenteurs de végétaux. L’État intervient en pilotant un dispositif de surveillance nationale sur tout le territoire, en supervisant la gestion des foyers ainsi qu’en réalisant des contrôles de second niveau dans les pépinières, jardineries et lors des importations de végétaux sur le territoire. Lorsque les propriétaires sont défaillants, les services de l’État disposent donc de différents leviers pour faire exécuter les mesures, mais les procédures n’aboutissent pas toujours.
En outre, le régime de sanctions actuel, de nature délictuelle, alourdit les procédures pénales et prive d’une gradation des réponses aux manquements constatés.
Pour améliorer l’application de la réglementation, la simplification des procédures pour les rendre plus opérationnelles semble un levier plus efficace qu’une augmentation des moyens des services de l’État.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). J’ai moi-même regretté que l’examen des amendements ne soit pas groupé pour éviter la multiplication des rapports.
Quant à votre seconde remarque, le rapport doit servir à planifier les moyens à engager, au profit de la recherche notamment, et non à évaluer ce qui a été fait. Il est complémentaire de ce que vous proposez.
M. Hubert Ott, rapporteur. L’interprofession, les ODG et tous les représentants de la filière sont organisés pour établir des diagnostics et faire un travail prospectif. Laissons le principe de subsidiarité s’appliquer. Un rapport n’apportera pas grand-chose, hormis une contrainte supplémentaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE8 de M. Patrice Martin
M. Patrice Martin (RN). Cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport sur le phénomène de déprise viticole.
Le nombre d’exploitations recule sous le coup des difficultés économiques et d’un manque de repreneurs. Au-delà de l’impact économique et territorial, les déprises posent un problème sanitaire. Les parcelles abandonnées deviennent en effet des foyers de contamination de maladies – comme la flavescence dorée – qui se propagent aux vignes encore en activité, d’autant plus rapidement que les viticulteurs doivent réduire drastiquement l’utilisation de produits phytosanitaires sans disposer d’alternatives crédibles. Le rapport analysera les causes de la déprise, les conséquences sur la filière et les risques sanitaires qu’elle engendre. Il évaluera également l’efficacité des produits existants pour la mise en culture de ces terres ou leur reconversion. Il proposera surtout des mesures destinées à limiter l’impact de la déprise. Nous avons besoin d’une vision claire et de solutions concrètes pour préserver notre viticulture.
M. Hubert Ott, rapporteur. Je partage votre constat : la déprise viticole est un enjeu majeur, mais son champ excède largement le périmètre sanitaire et l’objet de la proposition de loi. Une étude d’envergure pourrait être entreprise dans le cadre d’un travail de recherche ou d’une mission d’évaluation que pourrait lancer le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). L’avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE7 de Mme Mathilde Feld
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport identifiant la typologie et les difficultés des détenteurs de vignes abandonnées vis-à-vis de l’arrachage sanitaire, afin de mieux comprendre les causes du développement de l’abandon de vignes et de proposer des évolutions législatives adaptées.
Comme le souligne l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, les causes du délaissement ou de l’absence d’entretien des parcelles de vignes sont très diverses : successions, spéculation, abandons par les fermiers, crise viticole qui plonge certains propriétaires dans le dénuement, manque de volontarisme de certains détenteurs, etc. Cette forte hétérogénéité a été mise en évidence dans le Blayais par une étude de 2021 menée notamment par la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde. Pour la moitié des cas étudiés, les difficultés économiques rencontrées par les détenteurs expliquaient l’absence d’entretien de certaines parcelles.
Les mesures législatives appropriées pour faire face aux maladies de la vigne comme la flavescence dorée doivent prendre en compte la diversité des situations. La création d'une contravention de cinquième classe, proposée par le présent texte, ne peut être qu'un outil parmi d’autres. L’effet dissuasif d’un tel dispositif serait en effet nul pour les détenteurs éprouvant de graves difficultés financières. La variété des cas exige l’élaboration d’une panoplie complète d’outils capables d’affronter ces maladies. L’État doit pleinement jouer son rôle d’accompagnateur et de planificateur, en commençant par poser un diagnostic clair des causes de l’abandon de certaines vignes.
M. Hubert Ott, rapporteur. Les différentes situations menant à l'abandon de vignes sont largement connues, même si certains approfondissements se révéleraient utiles. La publication d’un rapport de ce type serait plus opportune s’il était rédigé par les organisations interprofessionnelles ou par les instituts techniques agricoles plutôt que par le Gouvernement.
L’enjeu prioritaire reste d'apporter des solutions concrètes aux demandes des professionnels. Tel est le but de cette proposition de loi, qui, sans toucher aux causes, vise à limiter l'accentuation des effets néfastes des maladies. Ce n’est pas un nouveau rapport qui aidera à trouver des solutions.
M. Benoît Biteau (EcoS). Il serait important de disposer d’un état des lieux exhaustif de la situation, afin de connaître les causes et l’étendue du phénomène d’abandon de vignes. Il conviendrait de prévoir, plutôt que des sanctions, des enveloppes d’accompagnement des viticulteurs ou de ceux qui ont hérité de vignes, par exemple pour l’arrachage et la suppression des droits de plantation. Comme l’a suggéré la présidente ce matin, il serait opportun d’identifier des outils de régulation propres à mettre un terme à ce phénomène. Lorsque les quantums, associés aux droits de plantation, existaient, les vignes abandonnées étaient beaucoup moins nombreuses.
M. Hubert Ott, rapporteur. Je partage votre constat, mais la tâche est lourde – car il faut analyser l’ensemble du phénomène, de ses multiples causes à ses conséquences complexes. L’élaboration d’un rapport dans le cadre d’un petit texte comme cette proposition de loi n’est pas de bonne méthode. Il serait préférable de lancer un travail exhaustif sur la conjoncture du vignoble français. Ce texte instaure une mesure d’intervention rapide destinée à régler un problème circonscrit et à alléger immédiatement la situation.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE9 de M. Hervé de Lépinau
M. Patrice Martin (RN). La proposition de loi ouvre le débat sur la nécessité de mieux réprimer le non-respect des mesures prises par arrêté de prévention, de surveillance et de lutte sur les parcelles de vignes non cultivées ; elle privilégie la voie contraventionnelle. Si cette méthode est pertinente pour tous les cas où le non-respect est volontaire, il convient de prendre en compte les situations dans lesquelles les exploitants souhaitent respecter les arrêtés sans y parvenir pour des raisons économiques.
Plusieurs facteurs – baisse de la demande, concurrence des vins étrangers, inflation sur les intrants, hausse du coût de la main-d’œuvre liée aux difficultés de recrutement – peuvent rendre l’exploitation d’une parcelle de vigne non rentable, poussant l’exploitant à la laisser en déshérence ou à en envisager l’arrachage. À ces difficultés s’ajoutent l’endettement et le manque de trésorerie, qui limitent la capacité des viticulteurs à financer les travaux indispensables au maintien de la production. En outre, les charges fixes continuent de peser sur les viticulteurs, même lorsque la production est arrêtée. Dans ce contexte, certains professionnels n’ont d’autre choix que de cesser partiellement ou totalement leur activité et de laisser leurs vignes à l’abandon.
La gravité de la situation exige une réforme plus large de la gestion des vignes non cultivées, dont le double objectif serait de traiter efficacement les différentes causes du phénomène et de favoriser la reconversion de certaines parcelles.
M. Hubert Ott, rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait par l’adoption du précédent – auquel j’étais défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
liste des personnes auditionnées
Par ordre chronologique
ODG Association des viticulteurs d’Alsace *
M. Gilles Ehrhart, président
ODG Fédération des grands vins de Bordeaux *
M. Yann Le Goaster, directeur général
ODG Muscadet *
M. Joël Forgeau, président
Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV)
M. Christophe Riou, directeur général
Mme Anastasia Rocque, directrice du Centre de sélection
Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d’Origine Contrôlées (CNAOC) *
M. Jérôme Bauer, président
Ministère de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
M. Guillaume de la Taille Lolainville, directeur des affaires juridiques
Mme Sylvie Marais, sous-directrice du droit des politiques agricoles
M. Emmanuel Koen, sous-directeur de la santé et de la protection des végétaux
M. Nicolas Lenne, chef du bureau de la santé des végétaux
Chambres d’Agriculture France (contribution écrite) *
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
([1]) La règle « non bis in idem » est un principe de la procédure pénale d’après lequel « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits ». Cette règle, qui répond à une double exigence d’équité et de sécurité juridique, figure, en France, à l'article 368 du code de procédure pénale. Ce principe est également consacré par le protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 4) et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 50).