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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mars 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,
visant à assouplir la gestion des compétences « eau »
et « assainissement »,
PAR M. Jean-Luc WARSMANN
Député
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Voir les numéros :
Sénat : 556, 665, 666 (2023‑2024) et T.A. 7 (2024-2025).
Assemblée nationale : 466
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION.................................................... 5
commentaire des articles de la proposition de loi
Depuis son adoption dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes a fait l’objet de débats nombreux, réguliers et nourris. S’opposant à la liberté des communes, source de complexités, ce transfert obligatoire a été critiqué sans relâche par les élus locaux et les parlementaires de nombreux bancs.
Si l’on peut considérer que le meilleur échelon pour exercer les compétences « eau » et « assainissement » reste très souvent celui d’une coopération entre communes, il apparaît tout à fait contre-productif d’obliger les communes à s’organiser ainsi, sans tenir compte des spécificités de certains territoires, notamment ceux situés dans des zones rurales.
Il est important de rappeler qu’une gestion optimale de l’eau repose sur une logique de bassins-versants, qui ne recoupent pas toujours les périmètres administratifs des intercommunalités.
Le législateur a très vite perçu les limites du caractère impératif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes puisqu’il a, d’une part, repoussé l’échéance du transfert au 1er janvier 2026 pour les communes réunissant une minorité de blocage ([1]) et, d’autre part, en a progressivement assoupli les modalités en prévoyant la possibilité, pour la communauté de communes, de déléguer la compétence à des syndicats infracommunautaires ([2]).
Ces divers aménagements se sont révélés très insuffisants : d’après les enquêtes menées par la direction générale des collectivités locales (DGCL), seules 29 % des communes membres d’une communauté de communes (soit 7 575 communes) avaient transféré l’exercice de la compétence « eau » à leur communauté de communes au 1er octobre 2022.
Cette faible mutualisation à l’échelle intercommunale a plusieurs facteurs d’explication. En premier lieu, la crainte d’une hausse substantielle des prix de l’eau a souvent été mise en avant et elle est d’autant plus forte dans le contexte économique actuel. Des difficultés techniques au transfert peuvent également exister : celui-ci implique souvent le regroupement de services différents en raison de la diversité des modes de gestion du service mis en place par les communes, des durées de contrats et des pratiques tarifaires. De plus, la qualité des infrastructures est hétérogène et les investissements sont inégalement répartis sur le territoire, ce qui implique que certaines communes bénéficient d’une prise en charge, par l’intercommunalité, des investissements urgents nécessaires qui n’ont pas été réalisés, ce qui n’est pas le cas des communes les plus vertueuses.
Enfin, dans les territoires ruraux, la connaissance du terrain en matière d’eau et d’assainissement est bien souvent détenue par la commune, ce qui est moins le cas dans les territoires urbains. Ainsi, le transfert de la compétence entraîne une perte de connaissance des réseaux et un affaiblissement du lien entre les maires et les administrés. Cet effet est d’autant plus fort que l’intercommunalité comprend un grand nombre de communes, avec un pouvoir des maires de facto limité en son sein. Garantir la liberté de choix des communes apparaît alors nécessaire pour assurer le principe de subsidiarité, consacré au deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution, selon lequel les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux-être mis en œuvre à leur échelon.
Après des années à chercher une solution adéquate, le Premier ministre, Michel Barnier, a annoncé lors des questions d’actualité au Gouvernement au Sénat le 9 octobre 2024, sa volonté de mettre fin au transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » vers les communautés de communes pour les communes qui n’ont pas déjà transféré ces compétences. Le Gouvernement souhaitait ainsi s’engager pleinement auprès des communes, dans un esprit de responsabilité : il rend aux communes leur liberté de choix et assure, à la fois, la stabilité du droit existant en sécurisant les transferts déjà effectués.
La censure du Gouvernement Barnier le 4 décembre dernier n’a pas permis à l’Assemblée nationale d’examiner dans les délais initialement prévus le texte issu du Sénat rétablissant le caractère facultatif du transfert de ces compétences. Cette proposition de loi, déposée le 29 avril 2024 par M. Jean-Michel Arnaud et adoptée par le Sénat le 17 octobre dernier après son rejet en commission, avait fait l’objet d’une réécriture quasi complète en séance publique.
Malgré l’intention du Premier ministre François Bayrou de poursuivre l’examen de ce texte, réaffirmée dans sa déclaration de politique générale du 14 janvier 2025, l’ordre du jour des dernières semaines n’a pas permis au Gouvernement de concrétiser sa promesse. Ainsi, à l’initiative du groupe LIOT et de votre rapporteur, la présente proposition de loi a été inscrite en séance à l’ordre du jour transpartisan du mercredi 12 mars 2025.
C’est une proposition de loi de cinq articles qui a été transmise à l’Assemblée nationale par le Sénat. Compte tenu de l’urgence à sécuriser le droit existant pour les communes n’ayant pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » mais qui s’apprêtaient à le faire d’ici la fin de l’année, la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement.
Cette proposition de loi a été largement adoptée par la commission des lois le 3 mars 2025.
Son article 1er rétablit le caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » pour les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas encore transféré ces compétences à l’intercommunalité. Cet article prévoyait initialement une disposition similaire pour les communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération dont tout ou partie du territoire est situé en zone de montagne. Il créait également une faculté de restitution des compétences, qui n’est plus envisagée dans la version actuelle de l’article 1er. La commission des lois a adopté un amendement de votre rapporteur qui permet que le transfert de la compétence « assainissement » se fasse pour partie seulement, laissant ainsi le choix aux communes qui le souhaitent de ne transférer que la partie assainissement collectif (ou non collectif) à l’intercommunalité. Cette capacité de transfert partiel répond à une demande très concrète des territoires puisqu’au 1er octobre 2022, si 73 % des communes avaient transféré la compétence « assainissement non collectif » à leur communauté de commune, seules 42 % l’avaient fait pour la partie « assainissement collectif ».
Par cohérence, les articles 2 et 3, qui prévoyaient des mécanismes d’assouplissement des modalités de délégation et de transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux syndicats infracommunautaires pour aménager le transfert de compétences prévu au 1er janvier 2026, ont été supprimés en séance publique au Sénat. Cette suppression a été confirmée en commission des lois à l’Assemblée nationale.
Un article 3 bis a été ajouté en séance publique au Sénat pour organiser, dans le cadre de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), un dialogue annuel sur l’organisation de l’exercice des compétences « eau » et « assainissement ». À l’initiative de votre rapporteur, la commission des lois de l’Assemblée nationale a réécrit cet article pour prévoir les conditions d’une discussion effective sur les enjeux relatifs à la qualité et à la quantité de la ressource en eau à l’échelle de chaque commune et à l’échelle du département, qui aura lieu au sein des conseils municipaux et de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. La discussion au sein de la CDCI est maintenue une fois tous les six ans pour ne pas alourdir inutilement l’ordre du jour de cette commission.
Enfin, l’article 4 donne de nouvelles possibilités d’intervention aux départements en matière de gestion et d’approvisionnement en eau, lorsqu’un mandat de maîtrise d’ouvrage leur est confié par l’intercommunalité ou le syndicat mixte ou lorsqu’ils adhèrent à un syndicat mixte ouvert. Cet article a été supprimé en commission à l’Assemblée nationale.
Conscient de l’opportunité que constitue la possibilité d’examiner un texte dont l’objet traite de l’eau et de l’assainissement, enjeux primordiaux s’il en est dans le contexte actuel du dérèglement climatique, votre rapporteur a souhaité adopter une vision plus large des problématiques liées à ces sujets, qui ne se concentre pas exclusivement sur l’exercice de la compétence.
Ainsi, il a proposé deux amendements opérationnels, adoptés par la commission des lois, pour améliorer le droit existant sur l’effectivité des contrôles effectués par les services publics d’assainissement non collectif et pour organiser la solidarité territoriale en cas de pénurie d’eau dans une commune.
Ces différentes propositions d’amélioration du texte devraient permettre, en séance, de convaincre l’ensemble des groupes du bien-fondé du caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » pour les communes qui ont toujours ces compétences. Cette liberté s’accompagnera d’une information précise des élus locaux, qui passe notamment par les débats prévus par l’article 3 bis tel qu’envisagé par votre rapporteur.
Plus largement, votre rapporteur souhaite rappeler l’importance des questions de gestion de l’eau. Il est essentiel de garantir la qualité de notre eau et d’adapter la solidarité territoriale face aux épisodes de plus en plus réguliers et de plus en plus violents de sécheresses et d’inondations causés par le dérèglement climatique.
Enfin, une action optimale des pouvoirs publics, nationaux et locaux, ne peut s’appuyer que sur des études précises et rigoureuses dressant le bilan quantitatif et qualitatif de nos ressources en eau et effectuant des projections dans le futur, par bassin et sous-bassin.
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commentaire des articles de la proposition de loi
Article 1er A (nouveau)
Création de syndicats de communes ou de syndicats mixtes compétents en matière d’eau potable ou d’assainissement non compatibles avec le schéma départemental de coopération intercommunale
(art. L. 5111-6 du code général des collectivités territoriales)
Introduit par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Introduit par un amendement CL1 de M. Vincent Descoeur et adopté avec un avis favorable du rapporteur, cet amendement ouvre la possibilité de créer des syndicats de communes ou des syndicats mixtes compétents en matière d’eau potable ou d’assainissement même lorsqu’ils ne sont pas compatibles avec le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI).
L’article 44 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, codifié à l’article L. 5111-6 du CGCT, a prévu que toute création d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte ne peut être autorisée par le représentant de l’État dans le département que si elle est compatible avec le schéma départemental de coopération intercommunale ou avec les orientations en matière de rationalisation prises en compte par ce schéma.
La loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale a introduit des exceptions pour les syndicats compétents en matière de construction ou de fonctionnement d’école préélémentaire ou élémentaire, en matière d’accueil de la petite enfance ou en matière d’action sociale.
Alors que la présente proposition de loi vise à donner à certaines communes la possibilité de s’organiser librement dans la gestion de leurs compétences « eau » et « assainissement », notamment en mutualisant cette gestion à l’échelle d’un syndicat supra-communal si elles le souhaitent, cet article crée une nouvelle exception en prévoyant que de nouveaux syndicats de communes ou mixtes puissent être créés dans le domaine de l’eau et de l’assainissement même s’ils ne sont pas compatibles avec le SDCI ou les orientations prises en compte par ce schéma.
Article 1er
(art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences
eau et assainissement aux communautés de communes, art. 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, art. 30 de la loi n° 2022-17 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de
l’action publique locale)
Caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article met fin au transfert obligatoire avant le 1er janvier 2026 des compétences « eau » et « assainissement » pour les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas déjà transféré ces compétences.
Modifications apportées par le Sénat
Prévoyant initialement un dispositif réservé aux communautés de communes et d’agglomération situées en montagne, l’article 1er a été entièrement réécrit en séance au Sénat afin de permettre à toutes les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » de conserver ces compétences. Contrairement à la version initiale de l’article, aucun mécanisme de restitution des compétences n’est prévu par la version de l’article 1er adoptée par le Sénat en première lecture.
Modifications apportées par la commission
Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement de votre rapporteur qui précise que la compétence « assainissement » est sécable. Ainsi, les communes qui ont transféré à la communauté de communes une partie de cette compétence seulement (c’est-à-dire soit l’assainissement collectif, soit l’assainissement non collectif), pourront conserver l’autre partie de la compétence après la promulgation de la présente proposition de loi, celle-ci ayant désormais le caractère de compétence facultative pour la communauté de communes.
En outre, la commission a adopté un amendement de Mme Pochon qui permet aux communes ayant conservé la compétence « eau » et « assainissement » de mener, avec l’EPCI et les communes du bassin versant, des études sur la gestion de la ressource en eau et la sécurité du service.
Dernières modifications intervenues
Les articles 64 et 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale dite loi « NOTRe » ont prévu l’obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les communautés de communes et les communautés d’agglomération au 1er janvier 2020.
L’article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a repoussé au 1er janvier 2026 le transfert obligatoire de ces compétences pour les communes membres d’une communauté de communes réunissant une minorité de blocage.
L’article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi « Engagement et proximité », a, d’une part, facilité les modalités permettant le report du transfert des compétences « eau » et « assainissement » et, d’autre part, permis à une communauté de communes de déléguer tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » à l’une de ses communes membres ou à un syndicat existant au 1er janvier 2019.
L’article 30 de la loi n° 2022-17 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS », a prévu que, lorsque le transfert de compétences s’effectue au 1er janvier 2026, les syndicats infracommunautaires sont maintenus de façon automatique, sauf si la communauté de communes délibère contre ce maintien.
Les compétences « eau », c’est-à-dire la distribution de l’eau potable, et « assainissement des eaux usées » relèvent du bloc communal ([3]) ([4]). Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite loi « NOTRe », ces deux compétences relevaient de deux régimes distincts :
– pour les communautés de communes, la compétence « eau » était une compétence facultative ou supplémentaire, qui n’était pas rattachée au groupe de compétences obligatoires ou à celui des compétences optionnelles tandis que la compétence « assainissement » était une compétence optionnelle qui pouvait être exercée dans son ensemble ou en partie seulement par les communautés de communes. Les communautés de communes devaient choisir d’exercer au moins trois compétences optionnelles dans une liste de sept groupes de compétences ;
– pour les communautés d’agglomération, les compétences « eau » et « assainissement » étaient optionnelles. Les communautés d’agglomération devaient choisir d’exercer au moins trois compétences optionnelles dans une liste de six groupes de compétences proposées.
La loi NOTRe du 7 août 2015 a prévu le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les communautés de communes et les communautés d’agglomération, au plus tard le 1er janvier 2020 ([5]).
L’article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a créé une possibilité de report au 1er janvier 2026 du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes. Deux conditions cumulatives devaient être remplies :
– la communauté de communes n’exerçait pas, à titre optionnel ou facultatif, les compétences « eau » ou « assainissement » ou exerçait, à titre facultatif seulement, la compétence « assainissement non collectif », à la date de publication de la loi (soit le 5 août 2018) ;
– au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes représentant au moins 20 % de la population devaient se prononcer pour le report du transfert de l’un ou l’autre ou des deux compétences (introduction d’une « minorité de blocage ») avant le 1er juillet 2019.
Cet article prévoit que l’organe délibérant de la communauté de communes peut également, à tout moment, se prononcer par un vote sur l’exercice de plein droit de ces compétences par l’intercommunalité. Les communes membres peuvent s’opposer à la délibération dans les trois mois si elles réunissent la minorité de blocage susmentionnée.
La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi « Engagement et proximité » a allégé les modalités requises pour la mise en œuvre du mécanisme de minorité de blocage permettant de reporter au plus tard au 1er janvier 2026 le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes ([6]) :
– elle a étendu la minorité de blocage aux cas où la communauté de communes n’exerce que partiellement la compétence, c’est-à-dire « en partie seulement » ou « sur tout ou partie du territoire » des communes ;
– elle a repoussé au 1er janvier 2020 l’échéance de la délibération sur le transfert de compétence.
Il est important de souligner que dans l’état du droit actuel, les communautés de communes qui exercent aujourd’hui les compétences « eau » ou « assainissement » le font de plein droit. Ces compétences constituent en effet des compétences obligatoires depuis le 1er janvier 2020 pour les communautés de communes dont les communes membres n’ont pas activé de minorité de blocage ou ont choisi, après avoir utilisé cette minorité de blocage, de transférer les compétences de façon anticipée, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2026.
L’article 14 de la loi « Engagement et proximité » a également institué un mécanisme de délégation de tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » de la communauté de communes au profit de l’une de ses communes membres ou d’un syndicat de communes existant au 1er janvier 2019 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes.
Il ne s’agit toutefois pas d’un transfert, mais d’une délégation temporaire par convention : ces compétences sont exercées au nom et pour le compte de la communauté de communes délégante.
Cette délégation est effectuée par une convention, conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes, qui précise la durée de la délégation ainsi que ses modalités d’exécution (périmètre, moyens financiers et humains). Lorsqu’une commune demande à bénéficier d’une délégation, le conseil de la communauté de communes statue sur cette demande dans un délai de trois mois et motive tout refus éventuel.
L’organe délibérant des communautés de communes doit se prononcer dans les neuf mois ([7]) suivant la prise de compétence pour décider si la délégation au syndicat est maintenue. En cas de refus ou d’absence de choix explicite, le transfert de compétences est effectué au profit de la communauté de communes.
L’article 30 de la loi n° 2022-17 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi « 3DS », a prévu que lorsque le transfert de compétences s’effectue à partir du 1er janvier 2026 les syndicats d’eau infracommunautaires existants au 1er janvier 2019 sont maintenus, sauf si la communauté de communes délibère contre ce maintien. Les syndicats exercent alors les compétences à la place de la communauté de communes.
En pratique, les intercommunalités se sont peu saisies de ces possibilités de délégations, qui sont apparues peu lisibles (confusion avec les délégations de service public) et assez complexes à établir.
D’après les données communiquées par la direction générale des collectivités locale (DGCL) à votre rapporteur, une minorité de communautés de communes exerçaient les compétences « eau » et « assainissement » au mois de novembre 2024 :
– 365 communautés de communes exerçaient la compétence « eau », ce qui représentait 36 % d’entre-elles (+ 3 points depuis le 1er octobre 2022) ;
– 465 communautés de communes exerçaient la compétence « assainissement collectif » (soit 47 % d’entre-elles ; + 5 points depuis le 1er octobre 2022) et 723 la compétence « assainissement non collectif » (75 % d’entre-elles ; + 2 points depuis le 1er octobre 2022).
En outre, une enquête menée par la DGCL à la même période a montré que seules 30 % des communes membres d’une communauté de communes (+ 1 point depuis le 1er octobre 2022), soient environ 7 800 communes avaient transféré l’exercice de la compétence « eau » à leur communauté de communes d’appartenance.
Cette même enquête met en évidence le fait que 56 % des communes membres d’une communauté de communes (- 1 point depuis le 1er octobre 2022), soient 14 400 communes, avaient transféré la compétence à un syndicat ([8]). Ces chiffres montrent que la majorité des communes membres d’une communauté de communes ont cependant choisi une forme de mutualisation pour exercer la compétence « eau », via le transfert de la compétence à un syndicat. Dans l’état actuel du droit, ces communes doivent transférer cette compétence à la communauté de communes au 1er janvier 2026. Le syndicat pourrait conserver la compétence, qu’il soit supra communautaire et maintenu par le mécanisme de représentation-substitution ou infracommunautaire et maintenu par voie de délégation de compétence, sauf décision défavorable de la communauté de communes. En revanche, la communauté de communes se substitue dans les deux cas aux communes membres au sein du syndicat.
Enfin 14 % des communes membres d’une communauté de communes exerçaient la compétence « eau » et « assainissement » sans aucune mutualisation, ce qui représentait 3 600 communes regroupant 3 millions d’habitants dans toute la France, pour une moyenne de 848 habitants par commune. Ces chiffres sont identiques à ceux relevés au 1er octobre 2022. Si ces petites communes, qui se situent très majoritairement dans des territoires ruraux, ont choisi de ne pas transférer la compétence à un an de l’échéance, c’est qu’elles connaissent des spécificités propres qui justifient une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » sur leur territoire.
Dans sa version initiale, l’article premier de la présente proposition de loi prévoyait de mettre fin au transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et d’agglomération uniquement situées en zone de montagne.
Il créait, de plus, une faculté de restitution de ces compétences pour les communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération situées en zone de montagne, qui avaient déjà procédé au transfert de ces compétences à l’intercommunalité et souhaitaient en récupérer l’exercice.
La commission des lois du Sénat a rejeté cet article considérant qu’il n’était pas opportun de créer une dérogation spécifique aux zones de montagne.
En séance publique, le Sénat a adopté quatre amendements identiques de réécriture de l’article 1er.
● En premier lieu, l’article 1er ainsi rédigé prévoit que la communauté de communes exerce de plein droit la compétence « eau » ou la compétence « assainissement » si l’ensemble des communes membres de l’intercommunalité lui ont transféré cette compétence à la date de promulgation de la présente loi (alinéa 2 à 5). Ainsi, les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas encore transféré la compétence « eau » ou la compétence « assainissement » à l’intercommunalité à cette date pourront en conserver l’exercice. L’article prévoit donc que ces compétences sont ajoutées à la liste des compétences facultatives de la communauté de communes (alinéas 10 à 13).
Les communes qui n’ont pas encore transféré les compétences « eau » ou « assainissement » pourront donc librement confier, en tout ou partie, ces compétences à un syndicat ou à leur communauté de communes (transfert facultatif), ou continuer à les exercer seules. Une communauté de communes pourra exercer ces compétences seulement pour une partie de ses communes membres, si celle-ci n’exerçait pas déjà la compétence « eau » et/ou « assainissement » à la date de la promulgation de la présente proposition de loi.
En revanche, l’article ne prévoit pas la possibilité de restitution des compétences qui auraient déjà été transférées. Ainsi, les transferts déjà réalisés ne sont pas remis en cause et une communauté de communes qui exerce déjà la compétence « eau » ou « assainissement » de plein droit en conservera l’exercice.
Caractère facultatif ou obligatoire de la compétence « eau » et « assainissement » pour les communautés de communes : cas types
• Une communauté de communes qui exerce les compétences « eau » et/ou « assainissement » depuis le 1er janvier 2020 conserve ces compétences qui ont un caractère obligatoire.
• Une communauté de commune qui a reporté la prise de compétence obligatoire des compétences « eau » et/ou « assainissement » au 1er janvier 2026 mais réalise un transfert anticipé de ces compétences devient compétente de manière obligatoire le jour de la prise de compétence prévue par la délibération de la communauté de communes et constatée par l’arrêté préfectoral. Ainsi, le caractère obligatoire ou facultatif des compétences varie en fonction de la date du transfert :
– si la communauté de communes exerce effectivement les compétences « eau » et/ou « assainissement » actuellement, ces compétences ont un caractère obligatoire ;
– si la délibération prévoit une date de transfert de la compétence qui n’est pas encore entrée en vigueur mais qui le sera avant la promulgation de la présente proposition de loi, la communauté de communes peut prendre une nouvelle délibération pour reporter le transfert au 1er janvier 2026 ou renoncer à la prise de compétence et solliciter, auprès du préfet, le retrait de l’arrêté préfectoral. Le transfert de compétences anticipé sera ainsi annulé ;
– si la date de transfert prévue par la délibération et arrêtée par le préfet est postérieure à la date de la promulgation de la loi, alors les compétences « eau » et/ou « assainissement » deviennent facultatives pour la communauté de communes qui peut, si elle le souhaite, les restituer à ses communes membres.
Une communauté de communes qui a reporté le transfert obligatoire des compétences « eau » et/ou « assainissement » au 1er janvier 2026 pourra exercer ces compétences de façon facultative si les communes membres décident volontairement de les lui transférer. Les communes membres pourront continuer d’exercer ces compétences après le 1er janvier 2026.
Il convient de préciser que les communes qui, alors qu’elles ont fait le choix de repousser le transfert des compétences « eau » et « assainissement » au 1er janvier 2026, ont engagé ou ont été associées à des études visant à préparer ce transfert, ne sont pas considérées comme ayant transféré ces compétences à leur communauté de communes, et conservent donc leur liberté. En effet, c’est bien l’arrêté préfectoral qui constate le transfert de la compétence à la date prévue par la délibération de la communauté de communes et non les actes préparatoires au transfert que sont, par exemple, ces études.
● En deuxième lieu, l’amendement prévoit que la communauté de communes peut déléguer, par convention, tout ou partie des compétences « eau » et « assainissement » ainsi que la « gestion des eaux pluviales urbaines » à l’une de ses communes membres ou à un syndicat (alinéas 6 à 9 et 14 à 17). Les modalités de conclusion de ces nouvelles conventions de délégation diffèrent légèrement du droit existant :
– lorsqu’une commune demande à bénéficier d’une délégation, la communauté de commune doit statuer sur la demande dans un délai de deux mois (contre trois mois dans le droit existant), mais n’a pas à motiver son refus éventuel ;
– comme dans le droit existant, le syndicat délégataire doit être inclus en totalité dans le périmètre de la commune, mais la condition relative à son existence avant le 1er janvier 2019 est supprimée ;
– la convention conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes prévoit la durée de la délégation et ses modalités d’exécution. Elle doit aussi, de façon nouvelle, préciser les conditions tarifaires des services d’eau et d’assainissement sur le territoire de la communauté de communes.
● Enfin, les II, III et IV du présent article (alinéas 18 à 20) procèdent aux coordinations nécessaires avec la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (abrogation de l’article 1er), la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (modification de l’article 14) et la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (modification de l’article 30).
Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement CL20 de votre rapporteur qui précise que la compétence « assainissement » est sécable. Ainsi, les communautés de communes qui exercent seulement une partie de la compétence « assainissement », c’est-à-dire la partie collective ou non collective de celle-ci, n’auront pas l’obligation d’exercer l’autre partie de la compétence une fois la présente proposition de loi promulguée. Les communes pourront choisir de transférer ou de conserver la partie non transférée de la compétence.
En outre, la commission a adopté, avec un avis de sagesse du rapporteur, un amendement CL16 de Mme Pochon qui permet aux communes ayant conservé la compétence « eau » et « assainissement » de mener, avec l’EPCI et les communes du bassin versant, des études sur la gestion de la ressource en eau et la sécurité du service.
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Article 2 (suppression maintenue)
(art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, art. 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique)
Assouplissement des modalités de délégation, par les communautés de communes, des compétences « eau » et « assainissement » à des syndicats infracommunautaires
Suppression maintenue par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 2 facilite la délégation des compétences « eau » et « assainissement » par les communautés de communes aux syndicats de communes inclus en totalité dans le périmètre de l’intercommunalité. Il ouvre ainsi cette délégation aux syndicats créés entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2026 alors que seuls les syndicats infracommunautaires existants au 1er janvier 2019 ont aujourd’hui la possibilité de se voir déléguer ces compétences.
Modifications apportées par le Sénat
En cohérence avec le dispositif adopté à l’article 1er qui rétablit le caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » pour les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas déjà transféré ces compétences, le Sénat a supprimé l’article 2 en séance publique. Ces communes pourront en effet déléguer ces compétences à un syndicat, qu’il soit infracommunautaire et créé avant le 1er janvier 2019, supra communautaire ou mixte, les exercer elles-mêmes ou les transférer à leur intercommunalité.
Modifications apportées par la commission
La commission a maintenu la suppression de cet article.
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Article 3 (suppression maintenue)
(art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes)
Faculté de transfert direct des compétences « eau » et « assainissement » à un syndicat infracommunautaire avant le 1er janvier 2026
Suppression maintenue par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 3 autorise explicitement les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » à l’intercommunalité de transférer ces compétences à un syndicat infracommunautaire, avant le 1er janvier 2026.
Les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas encore transféré les compétences « eau » et « assainissement » peuvent aujourd’hui transférer ces compétences à un syndicat infracommunautaire existant selon une interprétation de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL).
Modifications apportées par le Sénat
En cohérence avec le dispositif adopté à l’article 1er qui rétablit le caractère facultatif du transfert des compétences « eau » et « assainissement » pour les communes membres d’une communauté de communes qui n’ont pas déjà transféré ces compétences, le Sénat a supprimé l’article 3 en séance publique. Ces communes pourront en effet déléguer ces compétences à un syndicat, les exercer elles-mêmes ou les transférer à leur intercommunalité.
Modifications apportées par la commission
La commission a maintenu la suppression de cet article.
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Article 3 bis
(art. L. 5111-45-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Dialogue sur l’organisation de l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » dans le cadre de la commission départementale de coopération intercommunale
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 3 bis prévoit que la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) se réunisse chaque année pour évoquer l’organisation de l’exercice des compétences « eau » et « assainissement ». Elle pourrait formuler des propositions visant à renforcer la mutualisation de l’exercice de ces compétences à l’échelle du département.
Modifications apportées par le Sénat
Cet article a été introduit en séance publique au Sénat par un amendement de M. Alain Marc, rapporteur de la proposition de loi.
Modifications apportées par la commission
À l’initiative du rapporteur, la commission a entièrement réécrit le présent article. D’une part, cette rédaction réduit à une fois tous les six ans le nombre de réunions de la CDCI consacrées à l’organisation territoriale des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement. D’autre part, elle prévoit que le conseil municipal et l’organe délibérant de l’intercommunalité se réunissent, après chaque renouvellement général et une fois publié le compte rendu de la réunion de la CDCI, pour évoquer les enjeux relatifs à la ressource en eau à l’échelle de chaque commune et à celle du département.
Une commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) est instituée dans chaque département, dont la composition, les modalités de fonctionnement et les attributions sont prévues par les articles L. 5211-42 et suivants du CGCT.
Ainsi, cette commission est présidée par le préfet et composée :
– à 50 % de représentants des communes du département ;
– à 30 % de représentants des EPCI à fiscalité propre ;
– à 5 % de représentants des syndicats mixtes et des syndicats de communes ;
– à 10 % de représentants du conseil départemental ;
– à 5 % de représentants du conseil régional dans la circonscription départementale.
De plus, dans les départements dont le territoire comprend des zones de montagne, la composition du collège des représentants des communes et des EPCI est déterminée à la représentation propositionnelle des communes et des EPCI situés, en tout ou partie, dans ces zones. Ces collèges doivent comprendre au moins un représentant d’une commune et un représentant d’un EPCI situés, en tout ou partie, dans ces zones de montagne.
Sont associés aux travaux de la commission, sans voix délibérative, l’ensemble des députés et sénateurs élus dans le département lorsque celui-ci compte moins de cinq parlementaires ou deux députés et deux sénateurs élus dans le département dans le cas contraire.
L’article R. 5211-19 du CGCT fixe à 40 le nombre des membres des CDCI. Ce nombre est augmenté d’un siège supplémentaire :
– à partir d’un seuil de 600 000 habitants dans le département, puis par tranche de 300 000 habitants ;
– par commune de plus de 100 000 habitants dans le département ;
– à partir d’un seuil de 400 communes dans le département, puis par tranche de 100 communes ;
– par EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants dans le département ;
– à partir d’un seuil de vingt-cinq EPCI à fiscalité propre dans le département, puis par tranche de dix établissements.
La CDCI établit et tient à jour un état de la coopération intercommunale dans le département. Elle peut formuler toute proposition tendant à renforcer la coopération intercommunale.
Elle est consultée par le préfet sur tout projet :
– de création d’un EPCI ;
– de création d’un syndicat mixte ;
– de modification du périmètre ou de fusion d’un EPCI qui diffère des propositions du schéma départemental de la coopération intercommunale ;
– d’association de communes en vue de l’élaboration d’une charte intercommunale de développement et d’aménagement ;
– de retrait d’une commune d’un syndicat de communes, d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération.
Introduit par amendement en séance publique à l’initiative du rapporteur, M. Alain Marc, l’article 3 bis pose les modalités d’un dialogue sur l’organisation de l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » lors de la réunion de la CDCI.
Ainsi, il prévoit que la CDCI se réunit au moins une fois par an pour évoquer l’organisation territoriale des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement.
La convocation adressée par le préfet du département est accompagnée d’un rapport sur l’exercice de ces compétences à l’échelle du département, présentant notamment les enjeux liés à la qualité et la quantité de la ressource ainsi qu’à la performance des services et l’efficacité des interconnexions.
Au regard de ces enjeux, la commission apprécie la cohérence de l’exercice de ces mêmes compétences dans le département, eu égard aux contraintes géographiques, organisationnelles, techniques, administratives et financières propres au territoire concerné. Elle formule, le cas échéant, des propositions visant à renforcer la mutualisation desdites compétences à l’échelle du département.
La commission a adopté un amendement CL21 de réécriture globale de l’article pour réduire le nombre de réunions de la CDCI consacrées à l’organisation territoriale des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement. Afin d’éviter d’alourdir inutilement son ordre du jour, cet amendement propose donc que cette réunion ait lieu une fois tous les six ans.
De plus, l’amendement prévoit que le conseil municipal et l’organe délibérant de l’intercommunalité se réunissent, après chaque renouvellement général et une fois publié le compte rendu de la réunion de la CDCI, pour évoquer les enjeux relatifs à la ressource en eau à l’échelle de chaque commune et à celle du département. Cette disposition permettra une information pleine et entière des élus locaux et des citoyens sur l’état de la ressource en eau sur le territoire.
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Article 4 (supprimé)
(art. L. 2224-7-8 et L. 2224-7-9 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales)
Capacité d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine et en eau brute
Supprimé par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 4 étend les possibilités d’intervention des départements en matière de gestion et d’approvisionnement en eau potable et permet la création de syndicats mixtes ouverts en matière de production, de transport et de stockage d’eau potable.
Modifications apportées par le Sénat
Cet article a été modifié par deux amendements identiques en séance publique au Sénat qui alignent sa rédaction avec celle de l’article 18 du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, adoptée en première lecture le 28 mai 2024 par l’Assemblée nationale en première lecture et le 18 février 2025 au Sénat.
Modifications apportées par la commission
La commission a supprimé l’article 4.
Si la gestion du service de l’eau potable et de l’assainissement des eaux usées est une compétence exclusive du bloc communal (article L. 2224-7-1 du CGCT), les départements peuvent intervenir, de façon limitée, en matière de gestion de l’eau potable :
– comme toutes les autres catégories de collectivités territoriales, les départements peuvent entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux, s’il existe, et visant notamment l’approvisionnement en eau brute (c’est-à-dire n’ayant subi aucun traitement) ;
– ils peuvent fournir un appui financier au bloc communal, au titre de la solidarité et de la cohésion territoriales (article L. 3211-1 du CGCT) et notamment participer, à leur demande, au financement de projets dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes, leurs groupements, les établissements publics qui leur sont rattachés (article L. 1111-10 du CGCT). Les départements peuvent ainsi participer au financement de projets relatifs à l’eau potable portés par le bloc communal ;
– ils peuvent mettre à disposition des communes ou des EPCI qui ne bénéficient pas des moyens suffisants pour l'exercice de leurs compétences une assistance technique dans le domaine de l’assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l’entretien des milieux aquatiques (article L. 3232-1-1 du CGCT) ;
Au-delà de ces facultés limitées dans leur objet et dans leur portée, les départements ne peuvent pas intervenir en matière de gestion de l’eau destinée à la consommation humaine et de l’eau brute.
L’article 4 de la présente proposition de loi étend les capacités d’intervention des départements en matière de gestion d’eau potable et d’approvisionnement en eau brute. Une gestion de l’approvisionnement en eau à une échelle dépassant les frontières de l’intercommunalité peut en effet se révéler pertinente dans certains territoires, notamment dans un contexte de tensions liées aux impacts du réchauffement climatique.
D’une part, il autorise les EPCI et les syndicats mixtes compétents à confier aux départements, à titre gratuit, un mandat de maîtrise d’ouvrage en vue de la production, du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l’approvisionnement en eau.
D’autre part, il permet la création de syndicats mixtes ouverts associant, d’une part, des syndicats mixtes fermés ou des EPCI et, d’autre part, un ou plusieurs départements limitrophes, en vue d’exercer tout ou partie des compétences relatives à la production, au transport et au stockage d’eau destinée à la consommation humaine.
Ces deux dispositions sont bien des possibilités nouvelles confiées aux départements et non des obligations.
En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements identiques visant à aligner la rédaction de l’article 4 sur celle de l’article 18 du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, adoptée le 28 mai 2024 par l’Assemblée nationale en première lecture. Il a ainsi supprimé la condition selon laquelle l’EPCI ou le syndicat mixte devait être expressément autorisé par ses statuts à confier au département un mandat de maîtrise d’ouvrage pour un projet destiné à la production, au transport ou au stockage d’eau potable, prévue dans la proposition de loi initiale.
L’article 18 du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 18 février 2025 et ce texte a été définitivement adopté le 19 février 2025.
Par l’adoption d’un amendement CL6 de M. René Pilato, la commission a choisi de supprimer l’article 4. Cette suppression n’a aucun effet juridique compte tenu de l’adoption définitive de l’article 18 ([9]) du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
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Article 5 (nouveau)
Don d’eau potable en cas de pénurie dans une commune
(art. L. 2224-7-1-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Introduit par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Introduit par un amendement CL25 du rapporteur, cet article permet d’organiser la solidarité territoriale en cas de pénurie d’eau dans une commune. Cette solidarité a vocation à s’exercer avant le déclenchement du plan Orsec « eau potable » qui permet au préfet de mettre en place des mesures de réquisition et d’acheminement de l’eau potable aux populations lorsqu’un réseau d’adduction et de distribution est affecté par des ruptures qualitatives ou quantitatives.
Ainsi, il prévoit, à un article L. 2224-7-1-1 nouveau du code général des collectivités territoriales, que lorsque le service public d’eau potable d’une commune connaît pour la première fois depuis cinq ans une pénurie d’eau potable, le maire peut demander à une commune voisine qui connaît un excédent d’eau potable la mise à disposition d’une partie de cette eau. La ressource en eau est fournie gratuitement par la commune excédentaire et la commune déficitaire finance son acheminement. La commune donatrice est exemptée de toute contribution sur l’eau faisant l’objet du transfert gratuit.
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Article 6 (nouveau)
Modalités de contrôle effectués par les services publics d’assainissement non collectif
(art. L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales)
Introduit par la commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Introduit par un amendement CL23 du rapporteur, cet article supprime les contrôles effectués par les services publics d’assainissement collectif (SPANC) sur les installations anciennes qui ne sont pas aux normes et qui ont toutes déjà fait l’objet d’un contrôle avant le 31 décembre 2012. De plus, il renforce la fréquence des contrôles sur les installations neuves qui ont besoin d’un entretien régulier. Enfin, il réaffirme, à l’article L. 2224-8 du CGCT, l’existence de contrôles sur les installations d’assainissement non collectif qui font l’objet d’une vente immobilière.
Aux termes de l’article L. 2224‑8 du CGCT, les communes assurent aujourd’hui le contrôle des installations d’assainissement non collectif. Ce contrôle est réalisé par le service public d’assainissement non collectif (SPANC) dans trois situations différentes.
En premier lieu, il est effectué préalablement à la conception puis lors de l’exécution d’une installation neuve ou à réhabiliter.
En deuxième lieu, le contrôle a été réalisé, avant le 31 décembre 2012 puis, de façon régulière, selon une périodicité qui ne peut pas excéder dix ans, pour vérifier le fonctionnement et l’entretien de l’installation. À l’issue du contrôle, la commune établit un document précisant les travaux à réaliser pour éliminer les dangers pour la santé des personnes et les risques avérés de pollution de l’environnement. Ce contrôle est facturé sous la forme d’une redevance annuelle ou après chaque contrôle au propriétaire de l’installation. Lorsque l’installation d’assainissement non collectif n’est pas aux normes, le SPANC accroît la fréquence des contrôles sans qu’il lui soit possible de rendre effective la mise aux normes de l’installation.
Enfin, l’article L. 1331-11-1 du code de la santé publique prévoit que ce contrôle est effectué préalablement à une vente immobilière. Il donne lieu à un diagnostic, intégré aux différents diagnostics compris dans le diagnostic technique et remis à l’acquéreur. Ce diagnostic doit être daté de moins de trois ans au moment de la signature de l’acte de vente. En cas de non-conformité de l’installation, le vendeur peut décider ou non de faire les travaux. En cas de non-conformité de l’installation d’assainissement non collectif lors de la signature de l’acte authentique de vente, l’acquéreur fait procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d’un an après l’acte de vente (article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation). L’acquéreur qui n’a pas réalisé les travaux est sanctionné conformément à l’article L. 1331-8 du code de la santé publique : ainsi, il est astreint au paiement d’une somme au moins équivalente à la redevance qu’il aurait payée au service public d’assainissement si son immeuble avait été raccordé au réseau ou équipé d’une installation d’assainissement autonome réglementaire, et qui peut être majorée dans une proportion fixée par le conseil municipal dans la limite de 400 %. Cette somme n’est pas recouvrée si la mise aux normes est effectuée dans un délai de douze mois à compter de la date d’envoi de la notification de la pénalité.
Face aux difficultés observées pour mettre aux normes les installations d’assainissement non collectif malgré des contrôles fréquents, le présent article, introduit à l’initiative du rapporteur, propose :
– de fixer la fréquence des contrôles sur les installations neuves qui nécessitent un entretien régulier en prévoyant que cette vérification ait lieu selon une périodicité allant de 5 à 10 ans ;
– de supprimer les contrôles effectués sur les installations anciennes qui ne sont pas aux normes et qui ont toutes déjà fait l’objet d’un contrôle avant le 31 décembre 2012. Le maire conserverait son pouvoir d’agir en cas de pollution au titre de ses pouvoirs de police municipale prévus par l’article L. 2212‑2 du CGCT, qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques et comprend notamment « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature ». Ainsi, dans un esprit de bonne gestion des deniers publics, l’article supprime des contrôles inefficaces ;
– de confirmer, à l’article L. 2224‑8 du CGCT, l’existence des contrôles sur les installations d’assainissement non collectif qui font l’objet d’une vente immobilière, dans l’objectif de rendre effective la mise aux normes de ces installations. Le rapporteur considère qu’une réflexion ultérieure pourrait être menée afin de vérifier l’effectivité de cette mise aux normes lors de la vente.
Enfin, l’amendement prévoit une entrée en vigueur différée au 1er janvier 2026 pour donner aux SPANC le temps de s’adapter à la nouvelle législation.
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Lors de sa réunion du lundi 3 mars 2025, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » (n° 466) (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur).
Lien vidéo : https://assnat.fr/sUbdKm
Mme Pascale Bordes, présidente. La proposition de loi, adoptée par le Sénat le 17 octobre 2024, est très attendue. Inscrit à l’ordre du jour de la commission au mois de décembre, son examen a été ajourné en raison de la censure du gouvernement de Michel Barnier.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Souffrant aujourd’hui d’une extinction de voix, je vais résumer mon propos : ce texte en effet très attendu vise d’abord à restaurer la liberté des communes tout en garantissant le respect des élus et leur responsabilité. Je proposerai également de préserver le pouvoir d’achat des habitants, en supprimant les contrôles systématiques du service public d’assainissement non collectif (Spanc) lorsqu’ils sont inefficaces.
Mme Pascale Bordes, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Philippe Schreck (RN). La rédaction initiale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) ne prévoyait pas de transfert automatique des compétences eau et assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Des amendements dépourvus d’étude d’impact et n’ayant fait l’objet d’aucune concertation, qui visaient à prévoir un transfert obligatoire dans certains cas, ont été adoptés lors de la discussion du texte. Certes, le bilan est parfois positif, mais souvent, ce transfert à marche forcée a suscité de l’incompréhension et s’est accompagné d’une bureaucratie accrue et d’une hausse du budget de fonctionnement. Il s’est révélé inadapté aux contraintes ou aux caractéristiques de certaines communes rurales.
À plusieurs reprises, on a tenté d’assouplir ce dispositif pour rendre une part de liberté aux communes en leur redonnant de l’autonomie dans la gestion de l’eau et de l’assainissement. Le transfert automatique a été reporté au 1er janvier 2026.
Dans un premier temps, le Sénat a adopté un texte revenant sur l’automaticité du transfert, qui devenait optionnel et réversible. En raison de notre fort attachement au principe de libre administration des collectivités territoriales, nous avons soutenu le texte inscrit à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe LIOT, qui a été détricoté lors de son examen en commission. Du reste, en séance, certains ont joué la montre pour éviter son adoption. Il en a résulté une perte de temps et un report de certains investissements, car l’attribution des financements et des subventions était, de manière plus ou moins avouée, liée au transfert de compétences au profit des communautés de communes.
La proposition de loi assouplit le droit en vigueur, répondant aux demandes légitimes et aux attentes de nombreux élus, notamment de communes rurales. Elle reconnaît le rôle central des maires et du conseil municipal dans la gestion des politiques publiques et dans l’aménagement du territoire. Ils gèrent les ressources depuis des décennies et connaissent les sources, les lieux de captage, les réseaux, les écosystèmes, ainsi que les besoins des agriculteurs, des entrepreneurs et des industriels. Les élus des communes rurales ou des petites communes sont les plus à même d’apprécier s’ils doivent transférer certaines compétences, si leur commune doit rester membre d’une communauté de communes ou s’ils doivent récupérer leurs compétences eau et assainissement au cas où le transfert serait un échec.
En l’état, la proposition de loi ne permet pas aux communes qui ont transféré ces compétences de les récupérer ; elle s’arrête aux deux tiers du gué. Nous soutiendrons donc les amendements qui visent à subordonner la restitution des compétences à l’absence d’investissements significatifs dans les réseaux, notamment par les communautés de communes. Cela dit, nous voterons en faveur de ce texte, car il est temps de cesser d’affaiblir les communes et les maires, et de leur envoyer un message de confiance.
M. Christophe Marion (EPR). Nous sommes enfin sur le point d’apaiser l’inquiétude ressentie depuis dix ans par les élus locaux, née du transfert des compétences eau et assainissement des communes vers les communautés de communes et d’agglomération.
L’intercommunalisation obligatoire fait débat depuis longtemps au Sénat comme dans notre assemblée. La commission des lois s’est déjà exprimée à ce sujet en mai 2023, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi du sénateur Jean-Yves Roux. Les députés du groupe EPR ont toujours été très impliqués dans ces discussions, car ils entendent dans leurs circonscriptions, encore aujourd’hui, les craintes des élus locaux qui les alertent sur la spécificité de certains territoires.
Nous demeurons toutefois convaincus que le transfert aux intercommunalités des compétences eau et assainissement est souvent bénéfique : il permet d’assurer un meilleur entretien des réseaux, de préserver la ressource en eau et de garantir sa qualité. L’intercommunalisation permet la mutualisation des moyens humains, techniques et financiers que, seules, les communes, notamment rurales, ne peuvent réunir. Or la gestion de l’eau se complique alors même que le dérèglement climatique nous impose de réagir. Nous nous devons d’améliorer le rendement des réseaux, parfois anciens et fuyards, et de mettre un terme à la distribution d’eau non conforme. Les investissements nécessaires pour répondre à ces besoins sont colossaux. La mutualisation des compétences et des moyens est une première réponse efficace, que complète sensiblement le plan Eau, doté de 180 millions d’euros par an pour lutter contre les fuites.
De nombreux élus locaux partagent ce point de vue : la compétence eau est déjà exercée par 50 % des intercommunalités, couvrant plus de 80 % de la population française, et la compétence assainissement par 56 % d’entre elles, qui en couvrent 84 %. Néanmoins, les inquiétudes qui subsistent sont légitimes. Les territoires ne se ressemblent pas et la mutualisation à marche forcée des communes classées en zone de montagne, initialement visées par la proposition de loi, ne serait pas pertinente. Il est indispensable d’écouter les élus locaux, qui connaissent finement leur territoire et leur réseau, ainsi que le niveau de coopération locale – intercommunalité ou bassin de vie – qui assurera la meilleure gestion de l’eau et de l’assainissement.
Les députés du groupe EPR l’ont toujours fait, en adoptant plusieurs assouplissements au principe du transfert obligatoire. En 2018, nous avons soutenu la loi Ferrand, qui a permis de repousser le transfert du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2026, à condition de réunir une minorité de blocage. Lors de l’examen de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, nous avons voté l’introduction d’un mécanisme de délégation de tout ou partie des compétences d’une intercommunalité à l’une de ses communes membres ou à un syndicat infracommunautaire. Puis nous avons voté en faveur des améliorations apportées par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (loi « 3DS »), telles que la pérennisation des syndicats de gestion des eaux existants.
Cependant, ces assouplissements n’ont pas dissipé toutes les appréhensions et ont même parfois suscité de la confusion, à l’instar des conventions de délégation. C’est pourquoi le président de la République et le gouvernement se sont engagés à faire un nouveau pas. Notre groupe y est favorable et soutiendra la proposition de loi, qui garantit l’équilibre entre mutualisation et différenciation.
L’article 1er ne remet pas en cause le transfert des compétences eau et assainissement lorsqu’il a eu lieu et évite donc un retour en arrière déstabilisateur et juridiquement problématique. En rétablissant le caractère facultatif de l’intercommunalisation de ces compétences, il redonne aux élus le choix de l’organisation la plus adaptée à leur territoire.
Par son article 3 bis, qui impose une réunion annuelle de la CDCI (commission départementale de coopération intercommunale), le texte assouplit l’organisation des compétences sans les fragmenter, en prévoyant une évaluation et une coordination de la gestion de l’eau et de l’assainissement. Enfin, l’article 4 permet à un autre échelon – les départements – d’intervenir en matière de gestion et d’approvisionnement en eau potable et autorise la création de syndicats mixtes associant les intercommunalités et les départements.
L’examen de cette proposition de loi nous donne l’occasion de remercier les communes et les intercommunalités qui, depuis dix ans, ont réalisé avec succès le transfert de leurs compétences. En ma qualité d’ancien maire et vice-président d’agglomération chargé de la mutualisation, je sais l’énergie qu’il a fallu déployer pour relever ce défi. Il est indispensable que les élus locaux qui appliqueront les mesures de souplesse introduites dans ce texte poursuivent le travail entamé ces dernières années, en réalisant notamment des études patrimoniales pour préparer pour après-demain un transfert de compétences de plus en plus essentiel.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Mieux vaut tard que jamais. Cela fait dix ans que les communes, notamment rurales, entendent faire respecter leur connaissance des sources, des réseaux, des captages, de la distribution de l’eau dans leur bassin de vie. Dans un contexte de dérèglement climatique et de sécheresse, elles ne souhaitent pas transférer leurs compétences eau et assainissement à une intercommunalité toujours plus éloignée. Au lieu de lutter contre la pollution émergente du bassin de vie, celle-ci propose parfois des réponses techniques coûteuses, notamment pour les usagers, consistant à puiser de l’eau plus loin.
La proposition de loi est examinée avant l’échéance fatidique du 1er janvier 2026. L’Association des maires ruraux de France a bataillé pour garantir la souveraineté communale en la matière. Chaque fois qu’un texte propose une mesure de souplesse, le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, qui est attaché à la libre administration des communes, veille à ce que la liberté communale soit respectée.
L’approche est petit bras. L’Assemblée doit être plus ambitieuse eu égard aux nombreux enjeux en matière d’eau et d’assainissement auxquels sont confrontées les communes tant urbaines que rurales, qu’il s’agisse de la gestion de l’eau, qui, lorsqu’elle est déléguée à des opérateurs privés gourmands, est plus coûteuse pour les usagers, des fuites ou du renouvellement des réseaux d’eau potable. Il faut accompagner, et non se contenter d’assommer, les usagers qui subissent des opérations de renouvellement plus régulières compte tenu du gaspillage d’eau lors de son transport dans des réseaux fuyards ; notre commission des finances devrait s’en préoccuper.
Par ailleurs, au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-Michel Brard et moi-même menons une mission flash sur les conséquences pour les collectivités territoriales de la transposition et de la mise en œuvre de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. En effet, tant la pollution aux PFAS (substances per- ou polyfluoroalkylées) que les difficultés d’accès à l’eau représenteront des enjeux financiers considérables pour les autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement ; nous devons donc nous saisir de ces sujets et accompagner les collectivités.
Les réponses apportées à l’échelle communale sont souvent moins coûteuses et plus adaptées. Par ce texte, restaurons la souveraineté de la commune s’agissant de ce commun, indispensable à la vie et au vivant, qui peut aisément être protégé à l’échelle communale !
Mme Marie-José Allemand (SOC). La proposition de loi suscite une forte attente des élus locaux, particulièrement dans le département des Hautes-Alpes. Voilà maintenant près de dix ans que la loi Notre a été votée. Pas une année ne s’écoule sans que le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes ne fasse l’objet de nombreux débats parlementaires et de vives contestations de la part des élus locaux.
Les difficultés sont connues : de nombreux territoires, notamment ruraux, font valoir que l’échelon intercommunal ne serait pas le plus adapté eu égard aux caractéristiques de la ressource, à la répartition de la population, au périmètre des infrastructures, aux contraintes financières ou à l’absence de correspondance entre les périmètres intercommunaux et les bassins hydrographiques.
Face à ces difficultés, le législateur a adapté le dispositif pour les communautés de communes. D’une part, il a reporté l’échéance du transfert au 1er janvier 2026 pour les communes réunissant une minorité de blocage et, d’autre part, il a autorisé les communautés de communes à déléguer les deux compétences à un syndicat infracommunautaire.
Malgré ces adaptations, la situation actuelle démontre l’ampleur du blocage. D’après les derniers chiffres communiqués par la DGCL – direction générale des collectivités locales –, au 1er octobre 2022, seules 29 % des communes avaient transféré la compétence eau à leur communauté de communes tandis que 71 % d’entre elles exerçaient la compétence seule ou dans le cadre d’une structure syndicale. Dans les Hautes-Alpes, ce sont même 78 % des communes qui ont conservé l’exercice de la compétence eau – un record.
Par ailleurs, ni ce texte ni la loi Notre de 2015 ne répondent à court terme à certains enjeux, tels que l’anticipation de la raréfaction de la ressource en raison de l’accélération du changement climatique, le coût croissant du traitement et de la dépollution, notamment du fait des intrants agricoles et des PFAS. Alors que la date butoir du 1er janvier 2026 approche à grands pas, nous devons répondre à une question très simple : voulons-nous obliger les communes à transférer coûte que coûte ces deux compétences à leur intercommunalité ? Dans les années à venir, nous devrons mener une réflexion plus large pour y répondre.
Le groupe Socialistes et apparentés défendra une position pragmatique. Si la mutualisation à l’échelon intercommunal est efficace dans de nombreux cas, il serait contre-productif de l’imposer à l’ensemble des communes. Nous sommes donc ouverts à des adaptations spécifiques dans la mesure où l’architecture de la loi Notre est préservée. La proposition de loi a été largement modifiée lors de son examen au Sénat. En l’état, elle mettrait fin au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement vers les communautés de communes pour les seules communes qui n’ont pas encore transféré ses compétences. Pour celles qui, en revanche, ont déjà procédé au transfert, aucun retour en arrière ne serait possible.
Dans le département des Hautes-Alpes, de nombreuses communes – à l’exception de celles qui composent la communauté d’agglomération Gap-Tallard-Durance – n’ont pas transféré ces compétences et pourraient donc bénéficier de cette dérogation. Si nous préférons voter un texte conforme pour débloquer rapidement la situation, les modifications rédactionnelles et la refonte de l’article 3 bis proposées par le rapporteur sont les bienvenues. Par conséquent, notre groupe soutiendra cette proposition de loi.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Cela fait dix ans qu’une partie des communes attendent ce texte : 3 600 communes et certains syndicats exercent seuls ces compétences. Il est la conclusion d’un long combat mené par les élus locaux, les sénateurs et les députés.
De très nombreuses propositions de loi, à l’initiative de groupes politiques différents, ont été déposées ces dix dernières années afin de supprimer l’obligation de transfert des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités. Cette disposition avait été introduite dans le projet de loi Notre par voie d’amendement de manière cavalière, en pleine nuit. Lorsqu’une erreur est commise, il convient de la corriger.
Je tiens ainsi à remercier Michel Barnier qui, à l’écoute des maires, a mis ce sujet à l’ordre du jour cet automne. Les attentes sont très fortes car la date butoir du 1er janvier 2026 approche. Je remercie le rapporteur et le gouvernement qui ont fait droit à cette nécessaire évolution.
La proposition de loi du sénateur Jean-Michel Arnaud, rapportée par Alain Marc, permet de répondre à la diversité des territoires, de respecter le choix des élus locaux sans toutefois remettre en cause ce qui a été fait. En effet, cela fragiliserait le tissu des collectivités territoriales – les communes et intercommunalités. La force de ce texte de compromis est qu’il repose sur trois principes fondamentaux.
Premier principe : un cours d’eau ne se limite pas à un périmètre administratif. Il relève de l’hydrographie et de l’organisation des bassins versants qui existe depuis des décennies. L’égalité n’est pas l’uniformité territoriale. La gestion de l’eau est différente en Savoie, dans les Landes ou en Île-de-France. Pour garantir une gestion optimale de la ressource, la loi doit tenir compte de la réalité territoriale du bassin-versant et également de l’historique de la gestion.
Deuxième principe : respecter la démocratie locale. Pour garantir la gestion la plus pertinente possible de la ressource, l’État doit faire davantage confiance aux élus et à l’intelligence collective locale, qui prennent des décisions bien plus éclairées que ne le sont les décisions bureaucratiques centralisées. Dans ma circonscription de montagne, il y a autant de maires, de situations, de communes que d’avis sur le transfert des compétences dont nous parlons ; celui-ci est parfois nécessaire, parfois opportun, et parfois pas du tout. Chacun a pour partie raison. Le présent texte permet de respecter cette diversité, de laisser la liberté aux maires et aux communes de transférer ou non ces compétences aux intercommunalités.
Troisième principe : éviter les augmentations de prix constatées lors du transfert qui ne se sont pas traduites par une amélioration du service. Le cœur du sujet, ce sont les investissements en matière d’eau et d’assainissement nécessaires à la modernisation des réseaux ; et, en cette matière, nous devons mettre fin à la politique du bâton : à l’heure où les communes, notamment rurales, font face à un mur d’investissement, on les menace d’être privées des subventions de l’agence de l’eau si elles ne transfèrent pas les compétences. Nous devons être unanimement contre cette infantilisation insupportable des acteurs de la démocratie locale.
Nous devrons aussi débattre du financement des réseaux. Les agences de l’eau doivent avoir pour priorité le financement du renouvellement des réseaux, la création de raccordements aux réseaux d’assainissement existants, quelle que soit la collectivité compétente – commune, syndicat ou intercommunalité ; il ne peut y avoir de politique de financement à deux vitesses. Les communes ne doivent pas consentir seules à ces investissements.
Notre vote en faveur du texte dépendra du rétablissement de l’article 2 qui, supprimé par le Sénat, prévoyait la création de nouveaux syndicats infracommunautaires compétents en matière d’eau et d’assainissement.
Mme Marie Pochon (EcoS). Dans ma circonscription – 240 communes aux confins du Vercors et des baronnies provençales – comme dans les vôtres, la grande majorité des petites communes réclament depuis des années une modification de la loi Notre afin de conserver, si elles le souhaitent, les compétences eau et assainissement. Par la voix de leurs élus, elles expriment la volonté d’avoir le choix à l’heure où, souvent, les transferts de compétences ne s’accompagnent pas d’une juste compensation, où les sources de financement et d’autonomie communale ont été recentralisées, et où la verticalité jupitérienne a abîmé tant de corps intermédiaires.
Ces communes demandent de la cohérence : la compétence eau serait obligatoirement transférée aux communautés de communes alors même que les périmètres intercommunaux ne correspondraient pas aux bassins versants. Par exemple, dans la communauté de communes des Baronnies en Drôme provençale, on compte soixante-sept communes, cinq vallées et trois bassins versants.
Elles demandent de la maîtrise et de la constance pour relever l’un des plus grands défis auxquels notre génération et celles à venir feront face : l’inégalité d’accès à une eau de qualité, dans un contexte de bouleversement climatique inédit et de niveau de pollution des eaux très élevé.
Alors que nous examinons cette proposition de loi quelques mois seulement avant le transfert obligatoire des compétences, il y a urgence. Je pourrais évoquer la politique de l’eau sous-financée, les réseaux vieillissants et usagés, les budgets des agences de l’eau qui diminuent alors que les besoins augmentent. Je pourrais vous parler de ce quart du territoire métropolitain dont les systèmes aquifères contiennent, de manière chronique, une quantité d’eau insuffisante eu égard aux besoins.
Dans un contexte où la ressource devient rare alors que la demande s’accroît, nous avons déposé deux amendements qui visent à accompagner les communes dans l’élaboration d’un diagnostic et en cas de dysfonctionnement de la gestion de l’eau.
Derrière cette proposition de loi, le véritable enjeu est celui de la confiance entre les assemblées qui votent les lois de la République et les élus locaux – celles et ceux qui les appliquent dans ces petites républiques. Il faut parler du temps perdu, de la confiance qui s’étiole, des craintes immenses sur les compétences qui se perdent, de la voracité d’acteurs privés qui s’approprient l’eau, ce bien commun.
Nous, écologistes, sommes profondément attachés au fédéralisme et au principe de subsidiarité qui place l’action publique au plus près de celles et ceux qu’elle concerne. Les élus locaux doivent pouvoir agir en toute autonomie et dans un esprit de responsabilité. Or la fracture entre la République et les élus des territoires fragilise notre capacité à répondre collectivement aux crises sociales et environnementales. Telle est la question démocratique que soulève cette proposition de loi.
Nous, écologistes, sommes également profondément convaincus que demain, nous devrons mutualiser et œuvrer de manière concertée et collective pour faire face aux défis de ce siècle. Telle est la question de solidarité que soulève cette proposition de loi.
Démocratie, solidarité, subsidiarité : ces dynamiques existent déjà dans les territoires. Au sein des syndicats des eaux et des syndicats de rivières, les élus locaux s’organisent et coopèrent. Les moyens sont déjà mutualisés. Par exemple, dans la communauté de communes du Diois, il existe des espaces de concertation et d’aide à la décision sur la base du volontariat qui préservent la liberté de chaque territoire. Démocratie, solidarité, subsidiarité : il y aurait tant à faire, il y aura encore tant à faire après cette proposition de loi. Au nom de ces enjeux, nous la voterons.
Mme Anne Bergantz (Dem). L’eau et l’assainissement sont des compétences essentielles pour nos territoires. Leur gestion conditionne l’accès de nos concitoyens à des services de qualité, la préservation de l’environnement et l’organisation même des collectivités.
Le texte garantit aux élus locaux la possibilité d’organiser cette gestion au plus près des réalités du terrain, tout en assurant une stabilité nécessaire à son bon fonctionnement. Le groupe Les Démocrates soutient pleinement cette avancée car elle repose sur un principe essentiel, la confiance dans les élus locaux.
Il est juste et nécessaire que chaque commune puisse décider, selon ses spécificités et ses besoins, de conserver ou non ses compétences. Cette souplesse est une réponse pragmatique aux attentes des élus et des habitants qui connaissent mieux que quiconque les réalités de leur territoire. Nous devons reconnaître la diversité des communes et leur donner les moyens d’adapter leur organisation en fonction des enjeux locaux.
Toutefois, nous devons être cohérents et responsables. Revenir en arrière n’aurait aucun sens en ce qui concerne les collectivités qui ont déjà transféré les compétences ici visées. Cela créerait de l’instabilité, complexifierait l’organisation des services et fragiliserait l’action publique. Nous savons à quel point la gestion de l’eau et de l’assainissement repose sur des investissements de long terme, une planification rigoureuse et des infrastructures qui ne peuvent être ballottées au gré d’allers et retours institutionnels. Notre responsabilité est donc double : garantir aux communes qui le souhaitent la liberté de choix, tout en assurant une stabilité indispensable pour celles qui ont déjà transféré ces compétences au bloc intercommunal.
Ce texte est un compromis équilibré qui respecte la diversité des territoires tout en garantissant une gestion stable et efficace des services de l’eau et de l’assainissement. C’est une approche pragmatique et responsable que nous devons défendre. Le groupe Les Démocrates votera donc en faveur de ce texte et restera vigilant à ce que son équilibre soit préservé tout au long des débats. Nous serons particulièrement attentifs à ce qu’aucun amendement ne vienne remettre en cause cette avancée qui concilie souplesse et stabilité au bénéfice des collectivités et de nos concitoyens.
M. Jean-Michel Brard (HOR). La question de la gestion de l’eau est essentielle à l’heure où le réchauffement climatique s’accélère. L’épisode de sécheresse sans précédent de l’été 2022 en témoigne : plus de 1 000 communes ont connu une rupture complète d’approvisionnement en eau potable, environ 2 000 communes ont été en tension et sur le point de connaître une rupture. Dans ce contexte, une réflexion sur la répartition des compétences eau et assainissement est indispensable pour instaurer un cadre permettant une gestion efficace de ces services publics.
Le groupe Horizons & Indépendants a conscience qu’en établissant une répartition des compétences eau et assainissement le législateur est conduit à mettre différents intérêts en balance. D’une part, certains élus soutiennent la nécessité d’un transfert obligatoire de ces compétences aux communautés de communes et d’agglomération. Selon eux, une telle mutualisation permettrait non seulement de réduire les coûts grâce à des économies d’échelle, mais également d’assurer les investissements nécessaires à l’entretien et à la pérennité du réseau, estimés à 10 milliards d’euros par an durant les trente prochaines années. Ce mur d’investissement est nécessaire pour sécuriser les installations existantes et éviter de graves problèmes d’épuisement de la ressource et de sécurité sanitaire dans les années à venir.
D’autre part, certains élus, notamment ruraux, craignent d’importants effets de bord en cas de transfert obligatoire : outre l’augmentation du coût pour les usagers et la hausse parallèle des dépenses de fonctionnement des communes, ils redoutent à juste titre l’affaiblissement du lien entre le maire et ses administrés ainsi qu’une absence de correspondance entre les périmètres intercommunaux et les bassins hydrographiques.
Enfin, il paraît indispensable de ne pas permettre le retour en arrière des territoires ayant mutualisé les compétences eau et assainissement. Il faut conforter les structures existantes en encourageant la création ou le maintien de syndicats départementaux.
Le législateur doit être à l’écoute des intérêts, craintes et objections de chacun pour trouver une solution qui réponde à tous les enjeux. Des assouplissements successifs ont été adoptés après la loi du 3 août 2018, qui a ouvert une possibilité de report au 1er janvier 2026 dont les modalités ont été facilitées par la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019. Toutefois, la superposition des mesures a créé une complexité qui satisfait peu les élus locaux, quelle que soit leur position. De plus, ces textes ne proposent pas de solution pérenne. Alors que l’échéance du 1er janvier 2026 se rapproche, une réflexion s’impose en vue de trouver un point d’équilibre.
Le groupe Horizons & Indépendants salue les nombreux travaux parlementaires réalisés en vue de trouver ce point d’équilibre, notamment au Sénat. Ils ont rassuré les maires des communes rurales et de montagne en indiquant que le législateur ne cherche pas à les déposséder de leurs compétences essentielles, mais bien à créer un cadre permettant de s’adapter aux évolutions du cycle de l’eau. Nous sommes convaincus que les travaux de notre assemblée permettront d’aboutir à ce point d’équilibre tout en restant à l’écoute des élus locaux, et notamment des maires ruraux.
M. Paul Molac (LIOT). Au pays de la centralisation, la vieille pyramide bonapartiste consiste à définir la règle en haut pour l’appliquer ensuite de manière uniforme sur tout le territoire. C’est bien gentil, en théorie, mais la France est sans doute le pays le plus divers qu’il y ait en Europe. De ce fait, traiter de façon uniforme des situations différentes revient tout simplement à créer des inégalités.
Le groupe LIOT propose une autre méthode : faire confiance aux maires et aux élus municipaux. Pour une fois, la proposition de loi va leur demander leur avis, et c’est tant mieux. Nous avions inscrit le sujet à l’ordre du jour de notre niche parlementaire à deux reprises ; malheureusement, pour des raisons ne dépendant pas de notre volonté, mais tenant à des questions de censure et de dissolution, l’examen des textes n’a pas pu aller à son terme. Ce nouveau texte prévoit un dispositif équilibré qui permettra de sortir de l’impasse et d’offrir aux élus locaux une solution à la hauteur des enjeux de la gestion de l’eau dans notre territoire.
La question du transfert des compétences eau et assainissement n’a que trop duré. Ne nous y trompons pas : sous l’apparence d’un sujet technique, ces compétences touchent à des questions du quotidien pour les élus et pour les citoyens telles que l’efficacité de la gestion de l’eau ou le maintien d’une tarification acceptable. Depuis 2015, les communes sont contraintes de céder leurs compétences dans ce domaine aux communautés de communes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce transfert forcé n’a pas emporté l’adhésion : la résistance locale s’est organisée et l’on a attendu en traînant les pieds et en essayant de faire changer les choses.
Depuis la loi Notre, on entend régulièrement parler de ce problème dans les régions de montagne. Dans d’autres territoires, la chose est déjà réglée : dans le mien, par exemple, le transfert aux communautés de communes a déjà été effectué car cela nous convient. Mais la Bretagne n’est pas le Dauphiné, ni Savoie ou le Jura, où certaines communes estiment devoir garder pour elles cette compétence – je pourrais aussi parler des Baronnies ou du Vercors.
Seulement 239 communautés de communes sur 992, soit 33 % au total, exercent la compétence eau. C’est bien la preuve que ce transfert obligatoire a du mal à se mettre en place. À plusieurs reprises, les parlementaires ont tenté de revenir sur cette contrainte en reportant la date butoir à 2026 et en apportant de la souplesse aux communes. Notre groupe estime qu’il faut aller plus loin : la seule manière de mettre fin à ce débat en répondant aux attentes des élus locaux est de rendre le transfert optionnel. Derrière ce dossier se trouve la préservation du principe de libre administration des communes. Le transfert de compétences n’a pas vocation à instaurer une tutelle entre les collectivités. C’est pourquoi l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) s’est opposée avec constance au transfert obligatoire.
Notre groupe considère que le consentement plein et entier des élus municipaux est nécessaire pour qu’une intercommunalité réussisse. Cette proposition de loi, en replaçant les compétences eau et assainissement au niveau des transferts optionnels, garantira la liberté de choix. De plus, en refusant d’ouvrir la faculté d’un retour en arrière et d’une redistribution des compétences, le texte évite de déstabiliser ce qui existe déjà. Nous le soutiendrons.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Alors que s’ouvre ce débat sur la gestion de l’eau et de son assainissement, ma première pensée va à mon île, La Réunion, qui a connu la semaine dernière le passage d’un cyclone dévastateur qui a coûté la vie à cinq personnes et a durement frappé les habitations et les réseaux, notamment les réseaux d’eau potable. Dans les territoires d’outre-mer, où l’accès à l’eau potable n’est pas toujours garanti – je pense à Mayotte, à la Guyane et à la Guadeloupe –, la gestion des compétences eau et assainissement revêt une importance primordiale. La proposition de loi, qui freine le dispositif prévu par la loi Notre du 7 août 2015, y a donc fait l’objet d’une attention particulière.
La loi Notre a imposé le transfert de la gestion des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités, puis des communes aux communautés d’agglomération. Ce transfert avait fait l’objet de vives contestations au sein du Parlement, puisqu’il avait été décidé à la seule initiative du gouvernement, par voie d’amendement et sans aucune étude d’impact, rompant avec une tradition de municipalisation de l’eau qui avait vu le jour en 1890. Les communes ont ainsi été privées des compétences eau et assainissement. La contestation était donc compréhensible et fondée.
Plusieurs initiatives parlementaires ont tenté de revenir sur cette compétence arrachée dès 2017, puis en 2018, 2022 et 2023 par des propositions de loi qui ont permis quelques assouplissements du dispositif mais dont la superposition a conduit à une véritable confusion, à une complexification importante de la gestion de l’eau et à l’affaiblissement du lien entre le maire et les administrés, qui ne comprennent plus qui gère quoi. Beaucoup y voient également une des raisons de l’augmentation des factures pour les usagers.
Dans les communes où le transfert a déjà eu lieu, souvent le couteau sous la gorge, on interroge l’efficacité du transfert de compétences. À La Réunion, par exemple, la topographie du territoire implique la captation de l’eau dans les hauteurs de l’île pour une redistribution vers l’ensemble des communes en aval et un basculement de l’eau de l’est vers l’ouest. Chaque commune est donc tributaire de l’autre. Pourquoi pas un transfert de compétences, me direz-vous ? Eh bien, il suffit d’un seul différend politique dans une seule intercommunalité – et l’île en compte plusieurs – pour que la gestion de l’eau devienne un véritable périple pour chaque commune et pour les citoyens. Un exemple supplémentaire que le ruissellement ne fonctionne pas toujours !
Le dispositif de la loi Notre n’a pas emporté l’adhésion escomptée par le gouvernement. Peu de communes ont transféré leurs compétences. Nous saluons donc cette initiative qui, en revenant sur le transfert automatique, constitue un premier pas. Un jour, peut-être, nous reviendrons totalement sur la loi Notre, que de nombreuses communes ne se sont pas appropriée. Ce sera complexe, car réparer une erreur est souvent plus compliqué que de la commettre.
M. Sacha Houlié (NI). S’il est un serpent de mer législatif, c’est bien la question de la gestion des compétences eau et assainissement. Et s’il faut à la commission des lois un défenseur de la loi Notre et du transfert de ces compétences aux intercommunalités, je serai celui-là.
Chers collègues, j’ai entendu vos arguments, mais je ne les partage pas. Ils ne se vérifient pas, en grande partie, dans mon territoire et dans d’autres. Les compétences eau et assainissement ont été mutualisées à l’échelle départementale il y a cent ans dans la Vienne, avec des résultats extrêmement probants sur la gestion de l’eau, sa qualité et sa distribution pour les populations, y compris par la réduction des fuites du réseau. La mutualisation fonctionne aussi pour les territoires en difficulté : c’est la raison qui a poussé le législateur à créer une société avec la collectivité de Guadeloupe pour se substituer aux communes, confrontées à d’énormes problèmes de captage et de distribution de l’eau en raison d’un mauvais entretien du réseau.
La mutualisation du bien commun qu’est l’eau est une bonne solution. Elle a connu plusieurs aménagements : en 2018, avec un report en 2026 du transfert obligatoire des compétences, et en 2019, avec la possibilité de déléguer la compétence transférée à un syndicat infracommunautaire qui réglait de nombreux problèmes. Cette possibilité a été maintenue dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, de 2022.
Le Sénat a pris acte de la spécificité des zones de montagne, qui nécessitent peut-être une nouvelle intervention. En effet, les bassins versants n’ont pas été pris en compte lors de la construction des intercommunalités. La proposition de loi vise donc à revenir sur le transfert obligatoire pour les communes de montagne qui l’auraient effectué par un mécanisme de restitution des compétences, ce qui se justifie totalement. En revanche, je ne vois pas pourquoi cette possibilité serait ouverte à toutes les communes, comme cela a été proposé en séance au Sénat, sachant que des mécanismes de sous-délégation étaient prévus aux articles 2 et 3, eux aussi supprimés en séance par le Sénat. La volonté de revenir sur ce dispositif me semble dogmatique. Je suis bien triste que tous les parlementaires y souscrivent sous la pression des élus locaux.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Plusieurs amendements visent à permettre aux communes de reprendre leurs compétences. Ce n’est pas l’équilibre prévu par le Sénat. C’est pourquoi je vous appellerai à repousser tous les amendements qui proposent de faire marche arrière. Il n’est pas question de retirer leurs compétences aux métropoles et aux communautés urbaines qui les ont toujours exercées, aux communautés d’agglomération qui les exercent depuis 2020 ou aux communautés de communes qui les exercent déjà, parfois depuis le 1er janvier 2020 ; ce serait une source d’instabilité. Je propose de rendre la liberté aux communes qui n’auraient pas transféré leurs compétences et par mon amendement, de leur permettre de choisir de transférer, totalement ou partiellement, la compétence « assainissement ». Je n’aurai donc pas d’objection à l’amendement CL1 de M. Descoeur qui permet la création de syndicats intercommunaux dérogatoires au schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI).
Avant l’article 1er
Amendement CL1 de M. Vincent Descoeur
M. Vincent Descoeur (DR). Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission. L’amendement tend à réintroduire expressément la possibilité de créer des syndicats intercommunaux infracommunautaires en matière d’eau et d’assainissement. La proposition de loi initiale déposée au Sénat prévoyait cette possibilité à l’article 2, mais celui-ci a été supprimé au cours des débats.
Un certain nombre de communes réfléchissent à la mutualisation de leurs services d’eau potable ou d’assainissement dans le cadre de syndicats infracommunautaires, mais il subsiste une incertitude juridique quant à la possibilité de créer de tels syndicats. Deux conditions cumulatives sont posées à l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales pour toute création de syndicat : l’autorisation des services préfectoraux et la compatibilité avec les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), lesquels peuvent proposer la suppression, la transformation ainsi que la fusion de syndicats sans prévoir la possibilité de créer des syndicats intercommunautaires, hormis dans les domaines du scolaire, de la petite enfance et de l’action sociale.
L’amendement vise à ajouter les domaines de l’eau et de l’assainissement à ces exceptions. La référence explicite à la possibilité de créer des syndicats d’eau et d’assainissement lèverait les incertitudes juridiques et éviterait que les communes ne se trouvent demain dans l’incapacité de mutualiser leurs moyens pour mener à bien des opérations indispensables de sécurisation de leur ressource en eau.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis favorable.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire votera pour cet amendement qui respecte la souveraineté communale et la communauté de projet : les communes conservent leurs compétences, mais celles qui le souhaitent pourront constituer puis adhérer à un syndicat pour un projet en commun dans le bassin de vie. Nous y sommes totalement favorables.
Je souhaite cependant répondre à M. le rapporteur qu’il n’est pas normal d’employer le terme de « marche arrière ». Dans bien des cas, les communes qui ont transféré leurs compétences en respectant le calendrier, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2020 – la dérogation permettant un report en 2026, obtenue par l’Association des maires ruraux de France, étant arrivée tardivement –, l’ont fait pour respecter une obligation légale. Au nom de quoi leur refuserait-on soudain la faculté de créer une communauté de projet dont jouirait la commune voisine ? Conservons cette belle idée qu’est la liberté communale en matière d’eau et d’assainissement.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Je me réjouis de l’avis de M. le rapporteur et j’espère qu’il sera suivi par le gouvernement. Comme l’a dit Vincent Descoeur, le texte créait une distorsion. Les syndicats infracommunautaires existants ont la possibilité de garder leurs compétences ; pour les communes qui n’auraient pas transféré les leurs et qui souhaiteraient se regrouper en syndicat, la possibilité d’en créer un était nécessaire. La mutualisation va dans le sens de l’histoire, mais encore faut-il qu’elle soit pertinente. L’amendement permet de traiter les communes de façon identique en fonction de leur situation. C’est positif.
Par ailleurs je m’interroge sur l’article 4, qui donne l’impression de forcer la départementalisation de la gestion de l’eau. Les départements sont-ils au courant de la nouvelle charge qui leur est ainsi transférée ?
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Comme on l’a vu dans le débat sur les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), la gestion de l’eau est un enjeu de souveraineté nationale, mais aussi de souveraineté populaire. Après des siècles d’industrialisation accélérée, on a dépassé la simple construction de voies de canalisation ou d’assainissement pour traiter de la santé publique. Il est bien normal que l’État, c’est-à-dire non seulement la représentation nationale, mais aussi les collectivités concernées par ces infrastructures au plus près des habitants, décident de la façon dont elles souhaitent que celles-ci soient gouvernées.
Il ne s’agit pas simplement d’une loi technique. Bien sûr, il est nécessaire de clarifier le schéma avant le 1er janvier 2026. Vous entendez ici donner suite à une demande des communes qui, n’ayant pas transféré leurs compétences à la communauté à laquelle elles adhèrent, souhaitent s’administrer librement. Or la libre administration, c’est aussi la libre association des communes. Je souscris donc pleinement à cette proposition qui permettra une gestion communalisée par voie d’association syndicale, a fortiori si les compétences eau et assainissement ne sont pas transférées par défaut.
Tout l’enjeu est de ne pas laisser aussi les communes livrées à elles-mêmes. Je rappelle que le président du conseil général des Landes, Henri Emmanuelli, avait décidé, en précurseur, de conditionner une partie des aides publiques aux communes à un mouvement de municipalisation de l’eau. Cette décision avait été contestée en justice. Heureusement, le département des Landes a obtenu gain de cause. Le tribunal a considéré qu’il était tout à fait fondé à prendre ce genre de disposition de salut public – je pèse mes mots – et que cela ne faussait absolument pas la concurrence, contrairement à ce que prétendent certains opérateurs privés de gestion de l’eau. La démonstration a été faite à Lyon, à Montpellier, à Grenoble, à Paris et dans d’autres villes que la gestion municipalisée de l’eau est une vertu.
M. André Chassaigne (GDR). Depuis 2015, on a entendu dans l’hémicycle de nombreuses interventions laissant penser que les élus locaux, autrement dit les maires des petites communes, n’ont pas l’intelligence suffisante pour élaborer des réponses en matière d’alimentation en eau, qu’ils ont pas le sens des responsabilités ou encore qu’ils manquent de connaissance de leur territoire. On l’entend même quelquefois en commission. Un peu de respect pour les élus des petites communes, qui auraient beaucoup de leçons à donner à d’autres !
Qu’est-ce qui justifie cet amendement ? Précisément les réponses que peuvent apporter les élus qui connaissent le territoire. J’ai une certaine expérience dans la circonscription dans laquelle je suis élu et où des solutions sont trouvées dans la finesse en tenant compte de la gravité, de l’altitude et de l’alimentation en eau des communes. Certaines communes ont beaucoup d’eau ; en dessous, une autre en manque ; finalement, la connexion se fait et l’eau se vend, quelquefois se donne entre les communes. Elles pourront désormais créer un syndicat, ce qui fonctionnera bien mieux qu’un regroupement informel.
La politique de transfert des compétences est actuellement conduite à marche forcée. Je pourrais citer certains propos tenus par les représentants de l’État, qui ne sont pas loin de considérer que les élus sont incapables de remplir leurs responsabilités, mais cela me mettrait en colère. Pour l’heure, reconnaissons à chacun la faculté de trouver les meilleures solutions en votant cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er (art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, art. 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, art. 30 de la loi n° 2022-17 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale) : Caractère facultatif du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes
Amendements CL7 et CL8 de Mme Sophie Pantel, amendement CL2 de M. René Pilato et amendement CL11 de M. Sacha Houlié (discussion commune)
M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement CL7 reprend pour partie le dispositif proposé par le Sénat dans sa version initiale qui permet, sous conditions, de revenir sur le transfert des compétences eau et assainissement déjà opéré. Cette faculté serait réservée, sous certaines conditions, aux communes, aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération n’ayant pas encore engagé de dépenses relatives à des investissements structurants permettant le transfert, lesquels seraient définis par décret. La restitution des compétences eau et assainissement, qui pourraient être considérées indépendamment l’une de l’autre, se ferait avec l’accord des conseils municipaux et communautaires.
M. René Pilato (LFI-NFP). Notre amendement vise à revenir à la réaction initiale de la proposition de loi n° 954 défendue par le groupe LIOT lors de sa journée de niche parlementaire en 2023. La rédaction de la proposition de loi actuelle diffère de la version votée en commission en 2023, laquelle prévoyait l’abrogation pure et simple du transfert de compétences. L’article 1er prévoit que la communauté de communes exerce de plein droit, en lieu et place des communes, les compétences eau et assainissement. Les députés du groupe LFI-NFP sont favorables au transfert optionnel de ces compétences. C’est pourquoi ils proposent de revenir à la version adoptée à l’Assemblée en juin 2023 afin de garantir une plus grande liberté aux communes.
Par ailleurs, il paraît nécessaire de rendre possible la restitution des compétences eau et assainissement aux communes qui les auraient transférées, puisque la loi Notre prévoyait leur transfert obligatoire aux établissements publics de coopération intercommunale.
M. Sacha Houlié (NI). Mon amendement vise à rétablir le texte initial du Sénat pour limiter la restitution des compétences eau et assainissement aux communes de montagne, où les bassins-versants ne coïncident pas avec les communautés de communes. Leur restitution généralisée enverrait aux élus locaux le signal qu’il ne faut pas respecter la loi dans le temps imparti. Ce serait une prime aux mauvais élèves.
Par ailleurs, je veux répondre à André Chassaigne que tous les élus connaissent leur territoire, mais que les réalités sont différentes de l’un à l’autre. Si le Sénat a étendu la maîtrise d’ouvrage pour les départements à l’article 4, c’est précisément parce que la mutualisation de la compétence eau à l’échelle supracommunale a un sens du point de vue de l’économie, de la répartition de l’eau et de la transition écologique. Je pense sincèrement que nous ferions une erreur en adoptant le texte issu de la séance publique du Sénat. C’est la raison pour laquelle je propose de revenir à la version de la commission.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par réalisme, le Sénat propose de ne pas faire marche arrière et de ne pas permettre la restitution des compétences déjà transférées. Il n’est pas question de remettre à plat l’organisation des communautés d’agglomération qui exercent ces compétences depuis 2020. L’intérêt général veut que nous votions cette loi le plus rapidement possible. La ligne de crête que nous avons trouvée consiste à laisser aux communes qui ne l’auraient pas encore fait la liberté de ne pas transférer ces compétences. J’émets donc un avis défavorable à ces quatre amendements dont l’adoption ferait tomber le mien, qui donne la liberté aux communes qui n’ont transféré qu’une partie de la compétence « assainissement » de transférer ou non l’autre partie.
M. Philippe Schreck (RN). L’adoption de l’amendement CL7 n’aboutirait nullement à retirer une compétence aux communautés de communes. La restitution ne concernerait que quelques cas car une condition est posée : aucune dépense relative à des investissements structurants permettant le transfert ne devra avoir été engagée. Cela limite les effets d’aubaine consistant, pour les communes, à profiter d’un investissement financé par l’EPCI pour reprendre ensuite leur compétence. Si l’on veut favoriser la liberté d’administration des collectivités territoriales – au cœur, me semble-t-il, de la proposition de loi du groupe LIOT – et éviter toute intercommunalisation à marche forcée, nous devons adopter le principe de réversibilité des transferts.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Dans l’amendement CL2, il ne s’agit pas de remettre en cause le transfert des compétences tel qu’il a été prévu dans la loi de 2020 pour les communautés d’agglomération. La question de la liberté d’exercice de ces compétences se pose surtout pour les communes rurales et je demande au rapporteur si, dans la perspective de la séance, nous ne pourrions pas travailler de manière transpartisane à un assouplissement pour les communautés de communes.
M. André Chassaigne (GDR). Pour que le transfert d’une compétence soit considéré comme effectif, il faut que toutes les communes formant l’intercommunalité l’aient approuvé. Si tel est le cas, il me semble compliqué d’ouvrir la voie à une possible restitution de la compétence. Cela créerait tensions et déséquilibres au sein des EPCI, même si certaines communes ont donné leur accord le couteau sous la gorge. En revanche, j’aimerais savoir ce qu’il en est quand une partie seulement des communes s’est prononcée en faveur du transfert.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous avons la confirmation que les communautés de communes ayant déjà mené des études préalables au transfert sans qu’il y ait eu de décision unanime en faveur du transfert ne sont pas considérées comme ayant transféré la compétence.
Quant à l’amendement CL7, il concerne non pas les communautés de communes mais les communautés d’agglomération, qui n’entrent pas dans le champ de la proposition de loi. C’est la raison pour laquelle j’y suis défavorable.
Sur le reste, intellectuellement, je n’ai pas de blocage : je veux bien que nous recherchions une solution ensemble. André Chassaigne a avancé un bon argument : les élus savent ce qu’ils font quand ils votent. Il me semble que nous pouvons partir du point d’équilibre suivant : ouvrir aux communes n’ayant pas donné leur accord pour le transfert à la communauté de communes la possibilité de reprendre l’exercice des compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement ou bien celle de ne transférer qu’une partie de ces compétences. Elles auraient la faculté, par exemple, de transférer seulement la compétence eau à une communauté de communes ou à un syndicat, ou bien encore de distinguer assainissement collectif et assainissement non collectif.
Cette proposition de loi entend donner de la liberté aux communes sans pour autant opérer de marche arrière en revenant sur les transferts vers les communautés d’agglomération.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL20 de M. Jean-Luc Warsmann
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’établir la liberté de transfert pour partie de la compétence « assainissement ».
M. André Chassaigne (GDR). Une commune pourra donc soit conserver sa régie, soit intégrer un syndicat intercommunal, soit transférer sa compétence à un EPCI. Nous espérons que ces changements législatifs contribueront à lever les blocages actuels. Certains préfets refusent à des communes de rejoindre des syndicats intercommunaux et les agences de l’eau menacent des petites communes de les priver de subventions si elles conservent leur régie.
M. Sacha Houlié (NI). Ces blocages sont en partie artificiels. La loi de 2019 a donné la possibilité aux communes ayant opté pour un transfert à une intercommunalité de sous-déléguer à des syndicats intercommunaux.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL18 et CL19 de M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur.
Amendement CL16 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Dans un contexte de dérèglement climatique et de fragilisation de la ressource, anticiper est souvent la clef d’une gestion fine, adaptée aux besoins locaux. Cet amendement, en donnant aux communes ayant conservé la gestion des compétences eau et assainissement la possibilité de mener des études conjointes avec les EPCI et les autres communes de leur bassin versant, leur permettra de mieux comprendre l’évolution de la ressource en eau sur le plan tant qualitatif que quantitatif, d’évaluer les risques et de sécuriser l’accès aux financements intercommunaux. Cette mutualisation contribuera à prévenir les crises et à garantir un approvisionnement aux habitants.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement me semble largement satisfait par l’amendement CL21 que j’ai déposé à l’article 3 bis. Dans les six mois suivant les élections municipales, il rend obligatoire au sein de chaque conseil municipal, de chaque organe délibérant d’EPCI, de chaque commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) l’organisation d’un débat, fondé sur une étude fournie par l’État, sur les enjeux relatifs à la qualité et à la quantité de la ressource en eau à l’échelle de la commune et du département et sur les perspectives d’évolution sur dix ans. Les élus seront donc pleinement informés, notamment en matière de risques, et pourront prendre chacun position – un simple conseiller municipal d’une commune de cent habitants est bien capable de comprendre quelles menaces pèsent sur son captage d’eau. Ils pourront alors user de la liberté qui leur est donnée et faire des choix : conserver la compétence, la transférer à l’intercommunalité ou bien rejoindre le syndicat intercommunal avec d’autres communes du bassin versant. Cette solution puissante va dans le sens de l’intérêt général. Sur l’amendement CL16, je m’en remettrai à la sagesse de notre commission.
M. André Chassaigne (GDR). Dans la perspective du transfert obligatoire au 1er janvier 2026, on peut penser que la totalité des EPCI ont déjà mené des études. Nous devons toutefois veiller à ce que les dispositions que nous adoptons ne créent pas de clivages entre communes ayant accepté le transfert à l’EPCI et communes l’ayant refusé ou ayant préféré l’adhésion à des syndicats intercommunaux. Il ne faudrait pas que celles-ci soient montrées du doigt comme des brebis galeuses et qu’on leur demande de se débrouiller pour leurs études. Il importe d’assurer que chaque commune dispose d’une vision globale de la ressource en eau à l’échelle du bassin versant et de favoriser une réflexion collective et des apports mutuels. Nous voterons donc pour cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL3 de M. Gabriel Amard
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous n’avez répondu ni à André Chassaigne ni à moi sur les communautés de communes dont les membres n’ont pas tous accepté le transfert, cas qui ne semble pas pris en compte par votre dispositif. Il faudrait prévoir des assouplissements supplémentaires pour les communes n’ayant pas encore délibéré.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je serai défavorable à votre amendement CL3 qui tend à rétablir le caractère optionnel du transfert pour tous les EPCI, y compris les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles.
Quant à votre question, je vais regarder plus précisément d’ici la séance.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 1er modifié.
M. André Chassaigne (GDR). Monsieur le rapporteur, s’il n’y a pas de vote conforme, je crains que ce texte ne soit jeté aux oubliettes. Pouvez-vous nous assurer que l’adoption par notre assemblée d’une rédaction différente de celle retenue par le Sénat donnera lieu à une commission mixte paritaire dans des délais rapprochés ? Un « tiens » me paraît toujours mieux que deux « tu l’auras ».
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avec tout le respect que je dois à nos collègues sénateurs, des amendements étaient nécessaires : la rédaction qu’ils ont adoptée méritait d’être un peu perfectionnée. Toutefois, nous pourrons aboutir très rapidement à une version finale grâce à une CMP. Il n’y aura pas de nouvelle lecture car le gouvernement a engagé la procédure accélérée.
Après l’article 1er
Amendement CL4 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Nous demandons que le gouvernement remette un rapport au Parlement sur les modalités de suppression des délégations de service public relatives aux compétences eau et assainissement.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je me suis toujours opposé aux amendements portant sur des demandes de rapport, y compris lorsque j’étais président de la commission des lois.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL5 de M. Gabriel Amard
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Tous les usages de l’eau ne se valent pas, et c’est ce qui justifie la mise en place d’une tarification progressive et différenciée. M. Macron l’avait même fait figurer dans son plan Eau mais, depuis son lancement, il y a eu peu d’avancées. Nous proposons que le gouvernement remette au Parlement un rapport à ce sujet.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Article 2 (supprimé) (art. L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, art. 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique) : Assouplissement des modalités de délégation, par les communautés de communes, des compétences eau et assainissement à des syndicats infracommunautaires
La commission maintient la suppression de l’article 2.
Article 3 (supprimé) (art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes) : Faculté de transfert direct des compétences eau et assainissement à un syndicat infracommunautaire avant le 1er janvier 2026
La commission maintient la suppression de l’article 3.
Article 3 bis (art. L. 5111-45-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Dialogue sur l’organisation de l’exercice des compétences eau et assainissement dans le cadre de la commission départementale de coopération intercommunale
Amendement CL21 de M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’ai déjà présenté cet amendement qui porte sur les réunions de la CDCI, des conseils municipaux et communautaires.
La commission adopte l’amendement et l’article 3 bis est ainsi rédigé.
En conséquence, l’amendement CL15 de Mme Marie Pochon tombe.
Article 4 (art. L. 2224-7-8 et L. 2224-7-9 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Capacité d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine et en eau brute
Amendement de suppression CL6 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Les députés du groupe LFI-NFP demandent la suppression de l’article 4, reprise de l’article 18 du projet de loi d’orientation agricole, car il va à l’encontre de l’objectif de la proposition de loi : donner davantage de liberté aux communes dans la gestion de l’eau et de l’assainissement.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’article 4 reprend en effet le texte de l’article 18 du projet de loi d’orientation agricole, que nous proposons de modifier dans notre amendement CL26 à des fins de coordination légistique. Je serai défavorable aux amendements CL6 et CL9.
Mme Émilie Bonnivard (DR). L’article 4 donne aux départements de nouvelles missions : « Les départements peuvent recevoir un mandat, conclu à titre gratuit, de maîtrise d’ouvrage en vue de la production, du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l’approvisionnement en eau. » En sont-ils informés ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oui, cela a été voté dans le cadre de la CMP sur le projet de loi d’orientation d’agricole. Celle-ci a procédé rapidement et des coordinations s’imposaient.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Pourquoi un texte de loi ne pourrait-il pas défaire un autre texte de loi ? À quoi servirait, sinon, d’avoir un débat ici ?
Nous sommes favorables à ce que la CDCI se réunisse aussi souvent que nécessaire pour débattre, sous l’autorité du préfet, des enjeux liés à la quantité et la qualité de l’eau. En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi vous tenez à faire figurer dans ce texte le niveau départemental. Rappelons qu’il existe des syndicats mixtes dans lesquels les départements siègent et que des syndicats départementaux participent déjà à des maîtrises d’ouvrage. Ont été cités le syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle et le syndicat des Landes. Ce dernier ne couvre pas la totalité du département car certaines communes n’ont pas souhaité participer à la départementalisation de la politique de l’eau et leur souveraineté a été respectée.
L’article 4 va à l’encontre des assouplissements que doit favoriser la liberté communale, selon le principe qui a motivé le dépôt de cette proposition de loi.
Mme Marie Pochon (EcoS). Le groupe Écologiste et social votera pour cet amendement de suppression de l’article 4, lequel s’oppose à l’esprit de la proposition de loi du Sénat. Ce serait aussi pour nous l’occasion de revenir sur l’un des écueils du projet de loi d’orientation agricole, dont nous avons débattu très rapidement dans le cadre de la CMP, après seulement une lecture devant notre assemblée.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La suppression de l’article 4 ne changerait rien. Les dispositions de l’article 18 sont désormais inscrites dans notre droit positif.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements CL26 de M. Jean-Luc Warsmann et CL9 de Mme Sophie Pantel tombent.
Après l’article 4
Amendement CL25 de M. Jean-Luc Warsmann et sous-amendement CL27 de M. Philippe Schreck
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement prévoit que le maire d’une commune confrontée à une pénurie d’eau puisse demander au maire de la commune voisine de lui fournir gratuitement une partie de son eau, si elle est excédentaire. La commune déficitaire supporterait les frais d’acheminement et la commune donatrice serait exemptée de toute contribution sur l’eau ainsi transférée.
Pour répondre aux objections soulevées pendant les auditions, notamment celle de l’AMF, nous posons une limite : ce don ne saurait être un bonus offert aux communes irresponsables ; il ne doit intervenir qu’une fois tous les cinq ans pour traduire une véritable solidarité intercommunale.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Rappelons que les préfets sont responsables de la quantité et de la qualité de l’eau distribuée. Quant aux maires, ils ont une responsabilité en tant que représentants de l’État, et non en tant que présidents ou présidentes du conseil municipal. Le pouvoir de réquisition existe donc déjà.
Il n’existe pas de bassin de vie où un voisin pourrait refuser de partager ses ressources en eau, même si j’en ai repéré un en Martinique qui s’amuse à cela. Il est regrettable que l’État local ne fasse pas pleinement usage de son pouvoir de réquisition pour contraindre un opérateur ou une autorité organisatrice voisine à assurer l’approvisionnement en eau. Trois jours sans eau et tout le monde est mort.
M. Philippe Schreck (RN). Il me semble pertinent de réaffirmer le principe de solidarité intercommunale, même si la gratuité de l’approvisionnement est relative, car la commune bénéficiaire doit tout de même payer les frais de transport de l’eau.
Dans ma circonscription, nous avons connu des épisodes de stress hydrique majeurs, notamment en 2023. Les collectivités qui ont dû y faire face ne sont pas de mauvaises élèves puisque l’eau manquait totalement. Il n’y avait rien à faire. Bien que ces situations, que peuvent connaître l’arc méditerranéen et l’outre-mer, ne représentent qu’un volume marginal, il faut les prendre en compte et ne pas limiter cette solidarité intercommunale à une seule occurrence tous les cinq ans.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement a pour objectif de construire les bases d’une étape intermédiaire avant d’en arriver à une réquisition préfectorale.
Il envoie un beau signal aux collectivités en réaffirmant la solidarité dans la gestion de l’eau sans les inciter à compter sur cette solidarité ad vitam aeternam. La mise à disposition de l’eau est gratuite en soi, hormis les coûts liés au pompage. Il n’y a pas de taxe additionnelle. Cependant, si une commune connaît des difficultés récurrentes en matière de captage, il faut trouver une solution durable. L’amendement me paraît donc équilibré.
Avis défavorable au sous-amendement.
Mme Émilie Bonnivard (DR). Je voterai contre cet amendement car il risque de favoriser des conflits d’usage au niveau territorial.
Par exemple, dans ma région, certaines stations de montagne disposent de retenues collinaires. Celles-ci font l’objet d’une instrumentalisation politique qui crée des tensions très fortes. Grâce à cet amendement, les autorités de l’État, les associations et les juridictions disposeraient d’arguments supplémentaires pour soutenir des recours contre les retenues collinaires.
Je pense qu’il est préférable d’être prudent et de conserver la situation actuelle. Introduire une nouvelle réglementation risquerait d’alimenter des conflits sur l’utilisation de la ressource en eau et de fragiliser des écosystèmes économiques entiers.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement ne crée aucune obligation. Il prévoit simplement qu’un maire, en cas de pénurie, puisse solliciter une commune voisine disposant d’une ressource suffisante. Celle-ci peut choisir de ne pas la taxer, mais la commune bénéficiaire doit payer le coût du transport. Ce dispositif ne peut être activé qu’une fois tous les cinq ans. L’objectif est d’instaurer une étape intermédiaire avant que le préfet ne doive prendre une décision de réquisition.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je suis favorable à la solidarité pour l’eau, et d’ailleurs elle est déjà largement pratiquée. Je comprends les inquiétudes concernant les abus sur les tarifs, mais la formulation de l’amendement me pose question. Il est indiqué que la commune déficitaire « peut demander » de l’eau à une commune voisine, qui la fournit gratuitement. Cela laisse entendre que la commune sollicitée est obligée de répondre favorablement à la demande, sans préciser à partir de quel niveau d’excédent. De plus, la notion de gratuité est à interroger, car rien n’est jamais totalement gratuit, même en l’absence de taxe.
Le dispositif ne me paraît donc pas abouti.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Si besoin, nous pourrons ajuster la rédaction en séance publique pour clarifier ce point.
Successivement, la commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.
Amendement CL23 de M. Jean-Luc Warsmann.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une disposition législative qui ne fonctionne pas.
La loi prévoit qu’en cas de vente d’un bien immobilier situé dans une zone sans assainissement collectif, où l’eau est gérée par un Spanc, l’acheteur doit effectuer une mise aux normes dans l’année qui suit l’acquisition. Cependant, pour les autres biens immobiliers, il n’existe aucune obligation similaire.
Actuellement, les Spanc peuvent décider de contrôler les installations à une fréquence variable, mais dans un délai qui ne peut excéder dix ans. Ces contrôles sont facturés aux usagers, mais sans réelle obligation de mise en conformité. Certains y voient – j’ai entendu ce mot sur le terrain – du « racket ».
Nous devons respecter l’intention du législateur et instaurer un contrôle effectif de la mise aux normes en cas de vente, même si cela prendra des années ; mais un contrôle non assorti d’une mise aux normes obligatoire n’a guère de sens ; d’où cet amendement de simplification et de pouvoir d’achat au profit des habitants des zones rurales.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Vous avez tort de vouloir respecter l’esprit initial du législateur lorsqu’il a créé les Spanc. Il faut plutôt tout faire pour que le caractère commun du sol et des nappes soit reconnu, que le bassin de vie soit desservi par un assainissement collectif ou non collectif. Pourquoi n’est-il pas possible aujourd’hui, au nom de ce caractère commun, qu’une seule redevance ou un même budget annexe puisse embrasser toute la question de l’assainissement en général ?
Je rappelle que 12 millions de nos concitoyens et 5 millions de foyers ne sont pas raccordés à un réseau collectif. On leur dit que les coûts sont trop élevés et on les laisse se débrouiller avec un Spanc, qui peut les assommer avec un diagnostic qui leur sera facturé. En l’absence de terrain dans la commune, ils devront se doter d’un dispositif de phytoépuration à 5 000 euros voire d’une mini-station d’épuration particulière qui peut coûter jusqu’à 15 000 euros et se retrouver avec un reste à charge important car les subventions ne sont pas suffisantes. Souvent, les choses ne se font donc pas et la pollution continue à se répandre.
Vous proposez cet amendement pour éviter que les propriétaires continuent à se refiler la patate chaude, mais il est pénalisant pour des personnes qui n’ont pas les moyens de faire face aux enjeux écologiques et sanitaires.
Je propose que nous menions un travail transpartisan afin que l’assainissement en général soit pris en charge par une même autorité organisatrice financée par une seule redevance.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » (n° 466) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
M. Régis Banquet, président de l’agglomération de Carcassonne
Mme Oriane Cébile, conseillère Eau à Intercommunalités
Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement
Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales
M. Stéphane Brunot, directeur, Adjoint à la directrice générale des collectivités locales
Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et des institutions locales
Mme Sarah George, adjointe à la sous-directrice des compétences et des institutions locales
Mme Marie Cornet, cheffe du bureau des services publics locaux,
Mme Elise Dassonville, adjointe à la cheffe du bureau des services publics locaux
M. Denis Durand, maire de Bengy-sur-Craon
M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation et nutrition
M. Benjamin Recher, chargé de missions Relations institutionnelles
M. Martial Saddier, président du groupe de travail Biodiversité et Eau de Départements de France, président du département de la Haute-Savoie
Mme Delphine Metz, directrice de cabinet
M. Edouard Guillot, Conseiller DF Environnement, Transition énergétique, Agriculture
M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement
Mme Isabelle Kamil, sous-directrice de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques de la direction de l’eau et de la biodiversité
M. Philippe Gouteyron, adjoint à la sous-directrice
M. André Laignel, 1er vice-président
Mme Romane Lacroix, collaboratrice du 1er vice-président
Mme Marie-Cécile Georges, responsable du département « Intercommunalité et organisation territoriale »
M. Valentin Kuznik, conseiller technique « Intercommunalité et organisation territoriale »
Mme Charlotte de Fontaines, responsable des relations avec le Parlement
([1]) Loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.
([2]) La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi « Engagement et proximité ».
([3]) Articles L. 2224-7-1 et L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales.
([4]) Le secteur communal comprend les communes et les groupements à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines et métropoles).
([5]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (article 64).
([6]) Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (article 14).
([7]) Cette durée a été modifiée par l’article 30 de la loi n° 2022-17 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. La loi « Engagement et proximité » prévoyait une durée initiale de six mois.
([8]) On note donc que depuis deux ans, si le niveau de mutualisation de la compétence « eau » n’a pas évolué, le transfert de la compétence au profit des communautés de communes a légèrement progressé, au détriment des transferts directs à un syndicat.
([9]) L’article 18 correspond à l’article 50 dans le texte définitivement adopté.