N° 1107
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mars 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense
(Procédure accélérée)
PAR Mme Pascale GOT
Députée
——
AVIS
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
PAR Mme Valérie BAZIN-MALGRAS
Députée
AVEC
LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 536.
Sénat : 545, 721, 722 (2023-2024) et T.A. 18 (2024-2025).
SOMMAIRE
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Pages
I. L’Indonésie, un partenaire incontournable dans la zone indopacifique
A. Un « géant » en voie de modernisation
1. Une puissance géographique et démographique
2. Présentation générale de la vie politique indonésienne
3. Une économie florissante mais confrontée au défi environnemental
4. Deux points d’attention : la situation des droits humains et l’écologie
5. Une modernisation des forces armées
B. Un pays convoité qui a choisi une diplomatie multi‑partenaires
1. Une participation active dans les enceintes multilatérales
2. L’Indonésie, moteur de l’ASEAN
3. Une multiplication des partenariats bilatéraux
C. Un « partenariat de souveraineté » entre la France et l’indonésie
1. Un partenariat reconnu comme stratégique
2. Une coopération économique et industrielle dynamique
3. Une coopération militaire modeste mais croissante
A. Les dispositions de l’accord
2. Une coopération de défense en progression mais dont le cadre devra encore être affermi
3. Les autres dispositions particulières
5. Un texte complété par un échange de lettres
B. Un texte dont la portée dépendra de nouveaux engagements bilatéraux
1. Un accord qui favorise la coopération de défense
2. Un complément nécessaire : un accord sur le statut des forces
Avis fait au nom de la commission de la DÉfense nationale et des forces armÉes
TRAVAUx de la COMMISSION des affaIres étrangères
TRAVAUX DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES SAISIE POUR AVIS
ANNEXE 1 : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
ANNEXE 3 : ACCORDS BILATÉRAUX SIGNÉS PAR LA FRANCE AVEC DES PAYS DE LA ZONE INDOPACIFIQUE
ANNEXE 4 : CARTE DES FORCES ARMÉES FRANÇAISES DANS LA ZONE INDOPACIFIQUE
La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 536 autorisant la ratification d’un accord entre la France et l’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense. Cet accord a été signé par la ministre des armées, Mme Florence Parly, et le ministre de la défense indonésien, M. Prabowo Subianto, le 28 juin 2021, à Paris, et complété par un échange de lettres les 18 août et 9 novembre 2023.
Cet accord de coopération marque une nouvelle étape dans la dynamique d’approfondissement des relations franco-indonésiennes, initiée depuis seulement quelques années et qui bénéficient aux deux partenaires.
Il permet de disposer d’un cadre juridique plus complet, ce qui favorisera nécessairement les activités de coopération bilatérale en matière de défense. Il institutionnalise également des instances de consultation et de dialogue.
La rapporteure regrette que ce texte ne s’accompagne pas d’un accord sur le statut des forces armées, du fait de la volonté de l’Indonésie de séquencer ses engagements. Cet accord représente toutefois un premier pas vers un renforcement du partenariat stratégique, qu’il convient de saluer.
Après le Sénat, le 5 novembre 2024, l’Assemblée est invitée à autoriser l’approbation de ce texte en adoptant le projet de loi à cet effet. L’Indonésie a, pour sa part, notifié à la France l’accomplissement de ses procédures internes d’approbation du texte le 6 décembre 2024.
I. L’Indonésie, un partenaire incontournable dans la zone indopacifique
A. Un « géant » en voie de modernisation
1. Une puissance géographique et démographique
L’Indonésie, située au Sud-Est du continent asiatique, se distingue par ses caractéristiques exceptionnelles. Elle est tout d’abord le plus grand pays d’Asie de la zone (1,9 million de kilomètres carrés) : un État archipel composé d’environ 17 000 îles, qui s’étend sur 5 271 kilomètres d’Est en Ouest et 2 210 kilomètres du Nord au Sud, de part et d’autre de l’équateur ([1]).
L’Indonésie est également le quatrième pays le plus peuplé au monde (285 millions d’habitants), même si la population y est très inégalement répartie ([2]). Les autorités ont décidé en 2019 de déplacer progressivement la capitale Jakarta
− située sur l’île de Java et confrontée à une très forte densité urbaine et aux dérèglements climatiques − à Nussantra, soit à plus de 1 000 kilomètres, sur l’île de Bornéo.
Enfin, l’archipel indonésien occupe une position particulièrement stratégique en Asie en étant situé au carrefour des océans Indien et Pacifique et en bénéficiant de détroits majeurs, dont celui de Malacca par lequel transitent par exemple deux-tiers du transport maritime mondial de pétrole et de gaz.
2. Présentation générale de la vie politique indonésienne
L’Indonésie est une République démocratique (article 1er de la Constitution du 18 août 1945) et un régime présidentiel : elle est dirigée par un président élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois et qui cumule les fonctions de chef de l’État et de chef du gouvernement (articles 6A, 7 et 17 de la Constitution) ([3]).
Depuis son investiture le 20 octobre 2024, Prabowo Subianto, auparavant ministre de la défense, occupe le poste de président de la République ([4]). L’élection, organisée le 14 février 2024, s’était caractérisée par une participation record de 80 %.
Si l’Indonésie est souvent considérée comme la troisième plus grande démocratie du monde, elle se place à la 115e place de l’indice de perception de la corruption édité par Transparency International, malgré de nombreux efforts liés à la création de la Commission d’éradication de la corruption (Komisi Pemberantasan Korupsi, KPK) en 2003 ([5]).
3. Une économie florissante mais confrontée au défi environnemental
Depuis la crise asiatique de 1997, l’Indonésie a enregistré une hausse annuelle moyenne de son produit intérieur brut (PIB) de 5,3 %. Cette forte croissance économique lui a permis de devenir la première économie de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et la 16e économie mondiale (direction générale du Trésor, 2023) ([6]). Elle est également le seul pays d’Asie du Sud-Est membre du G20 et a déposé sa candidature pour rejoindre l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle ambitionne d’atteindre la catégorie des pays à revenu élevé en 2045, pour le centenaire de son indépendance.
L’économie indonésienne bénéficie de ressources naturelles stratégiques : nickel (1er pays producteur, au moins 1/4 des réserves mondiales), huile de palme (1er producteur et 1er exportateur), cuivre (7e producteur), pétrole (22e producteur), gaz naturel (12e producteur), etc. Le pays est le 2e producteur mondial de poissons, de crustacés et d’algues grâce à sa zone économique exclusive très étendue, la 6e au monde.
L’économie est également portée par un marché intérieur très dynamique. La population indonésienne est jeune et le PIB par habitant a été multiplié par six en vingt ans, atteignant 4 920 dollars en 2024 (environ 4 550 euros). Cette hausse significative des revenus a favorisé l’émergence d’une classe moyenne importante, laquelle a contribué à réduire le taux de pauvreté du pays ([7]).
Enfin, les finances publiques indonésiennes sont stables. Grâce à des mesures de consolidation budgétaire post-pandémie, le déficit public est descendu sous la limite officielle de 3 % du PIB en 2022, pour s’établir à 1,65 % en 2023, tandis que la dette publique a été ramenée à 38,1 % du PIB en 2023 (contre 41,1 % en 2021). Toutefois, selon le ministère de l’Europe et des affaires étrangères français, la faible pression fiscale dans le pays contraint fortement le budget de l’État et limite donc sa capacité à investir dans les infrastructures publiques (3 % du PIB) ou dans le capital humain.
4. Deux points d’attention : la situation des droits humains et l’écologie
L’Indonésie fait face à plusieurs défis significatifs en matière de droits humains. Une quinzaine d’articles du nouveau code pénal adopté par le Parlement indonésien le 6 décembre 2022 ont fait l’objet de vives critiques de la société civile et de la communauté internationale au regard des restrictions qu’ils induiraient en matière de respect des libertés publiques et du droit à la vie privée.
De plus, en Papouasie occidentale, l’armée continue à s’opposer au mouvement indépendantiste de manière violente. Plus généralement, l’Indonésie ne reconnaît pas les peuples autochtones vivant sur son territoire, ce qui est dénoncé par le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ([8]).
L’Indonésie communique sur son engagement pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Le pays a notamment ratifié la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (convention on the elimination of all forms of discrimination against women, CEDAW) en 1984 et a participé à la 68e session de la Commission de la condition de la femme (Commission on the status of women, CSW) à New York en mars 2024. De plus, en 2022, il a adopté une loi visant à lutter contre les violences sexuelles. Cependant, les inégalités demeurent importantes. La représentation féminine reste par exemple faible dans les sphères publiques et politiques ([9]) et seules 53 % des femmes ont accès à l’emploi, contre 82 % des hommes (Banque mondiale, 2024 ([10])).
La législation indonésienne n’interdit pas l’homosexualité au plan national mais n’apporte aucune protection aux personnes LGBTQ+. Celles-ci sont alors vulnérables aux discriminations et aux violences.
En parallèle, l’Indonésie fait aussi face à des défis environnementaux majeurs. Le pays abrite des écosystèmes exceptionnels − dont plus de 90 millions d’hectares de forêts tropicales (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – FAO, 2020), 15 millions d’hectares de tourbières et 3,3 millions d’hectares de mangroves, soit 20 % des mangroves du monde (Banque mondiale, 2021) – et ces derniers jouent un rôle essentiel pour la biodiversité et la régulation du climat. Toutefois, ils sont menacés par la déforestation et les dérèglements climatiques − auxquels le pays contribue directement puisqu’il était le 7e émetteur mondial de gaz à effet de serre en 2023 ([11]).
Des efforts ont été entrepris : l’Indonésie s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060 et a renforcé ses objectifs de réduction des émissions, réduisant le rythme de déforestation de 1,3 million d’hectares par an (entre 1990 et 2010) à environ 110 000 hectares par an (2019–2022) ([12]).
5. Une modernisation des forces armées
Les forces armées nationales indonésiennes (Tentara nasional Indonesia, TNI) sont composées d’environ 420 000 militaires d’active dont 300 000 militaires pour l’armée de terre, 75 000 dans la marine et 35 000 dans l’armée de l’air.
Si elles constituent la première force militaire en Asie du Sud-Est, ces armées ont longtemps souffert d’un sous-investissement structurel dans leurs équipements et plus spécifiquement dans la marine et l’armée de l’air.
Plus généralement, l’Indonésie consacrait seulement 0,7 % de son PIB aux dépenses militaires en 2023 ([13]) alors que le pays est confronté à des défis régionaux importants, tels que le réarmement de la région Indopacifique et l’augmentation des tensions en mer de Chine.
Conscient de la situation, le président Prabowo Subianto a fait de la modernisation des forces armées l’une des priorités de son mandat et souhaite concentrer les investissements sur la marine et l’armée de l’air ([14]). Le Livre blanc sur la défense de 2015 avait déjà défini une politique de « pivot maritime mondial », plaidant pour le développement de capacités maritimes, satellitaires et de drones.
Le pays cherche également à renforcer sa base industrielle et technologique de défense (BITD) ([15]), avec un accent mis sur la production de sous-marins.
B. Un pays convoité qui a choisi une diplomatie multi‑partenaires
Acteur clé du groupe de Colombo et organisatrice de la conférence de Bandung du 18 au 25 avril 1955, l’Indonésie a marqué l’histoire du mouvement des pays non-alignés. Elle continue encore à promouvoir le non-alignement et cherche à diversifier au maximum ses partenariats, dans le cadre d’une diplomatie ouverte mais aussi de plus en plus active sur la scène internationale.
1. Une participation active dans les enceintes multilatérales
L’Indonésie est active dans les enceintes multilatérales, et en particulier au sein de l’ONU et de l’ASEAN. Parmi ses priorités figurent la préservation de la stabilité régionale ainsi que la défense du « Sud global » au sein du groupe G77 et, depuis janvier 2025, en tant que membre permanent du groupe des BRICS+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Iran, Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Éthiopie).
Le pays a occupé un siège de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à quatre reprises et s’est porté candidat pour la période 2029-2030 ([16]). Il siège également au Conseil des droits de l’homme depuis 2020.
L’Indonésie est le cinquième pays contributeur aux opérations de maintien de la paix avec près de 2 800 soldats et policiers indonésiens déployés au 31 décembre 2024. Ces derniers participent par exemple à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) avec 1 250 personnels (1er pays contributeur).
L’Indonésie œuvre en faveur de l’apaisement dans les crises internationales. Sa présidence du G20, en 2022, s’est ainsi illustrée par une mission de paix menée en Ukraine et en Russie au mois de juin cette année-là.
2. L’Indonésie, moteur de l’ASEAN
L’Indonésie est considérée comme le principal moteur de l’ASEAN, une organisation dont elle est membre fondateur et dont elle abrite le siège à Jakarta.
Elle a joué un rôle clé pour l’élaboration des Perspectives de l’ASEAN sur l’Indopacifique (ASEAN Outlook on the Indo-Pacific, AOIP) en 2019 ([17]), un document qui reflète largement sa vision de la région.
Lors de sa présidence de l’ASEAN en 2023, l’Indonésie a cherché à renforcer l’unité de l’organisation mais aussi à affirmer davantage le rôle central que celle-ci joue dans les domaines économique et politique dans la région Indopacifique ([18]).
3. Une multiplication des partenariats bilatéraux
Dans la logique de non-alignement et de diplomatie ouverte, l’Indonésie multiplie et intensifie ses partenariats bilatéraux.
Liées par un partenariat stratégique global depuis 2013, la Chine et l’Indonésie ont récemment accentué leur coopération, en particulier en matière économique mais aussi plus récemment dans le domaine militaire. Depuis 2011, Pékin est le premier partenaire commercial de Jakarta et sa deuxième source d’investissements directs étrangers après Singapour. La Chine a récupéré la plupart des grands projets d’infrastructures du pays, dont un train à grande vitesse ([19]).
De même, dans le cadre du pivot vers l’Asie initié sous la présidence de Barack Obama, les États-Unis et l’Indonésie ont conclu un partenariat stratégique en 2015. Washington est le deuxième partenaire économique de Jakarta et la coopération en matière de défense est importante (acquisition de matériels militaires américains, lutte contre le terrorisme).
L’Australie et l’Indonésie sont liées par un partenariat stratégique depuis 2010, élevé au rang de partenariat stratégique global en 2018, et les deux pays ont signé un accord de défense en août 2024. Ils entretiennent notamment une coopération étroite en matière de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration illégale, ainsi qu’en matière de sécurité maritime. L’Australie est le 13e partenaire commercial de l’Indonésie ([20]).
Enfin, les relations entre l’Union européenne et l’Indonésie reposent quant à elles sur un accord de partenariat et de coopération, signé en 2009 et entré en vigueur en 2014, couvrant des secteurs stratégiques tels que le commerce (l’Union européenne est le 5e partenaire commercial de l’Indonésie), l’environnement, l’énergie, les migrations et la lutte contre le terrorisme. Toutefois, des tensions ont pu apparaître sur les sujets des droits de l’homme et de l’environnement.
Ainsi, l’Indonésie privilégie un positionnement d’équilibre, défendant ses intérêts nationaux tout en maintenant de bonnes relations avec les États-Unis et la Chine, considérés comme des partenaires stratégiques. Jakarta veille également à entretenir des relations constructives avec d’autres puissances régionales, dont l’Australie, l’Inde, le Japon ([21]) et la Corée du Sud.
De même, elle maintient un dialogue politique discret mais régulier avec la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine : Jakarta et Moscou sont liées par un partenariat stratégique depuis 2003 et la Russie est le 23e investisseur en Indonésie. Leur coopération comprend également une dimension militaire, qui inclut l’acquisition d’armements et des exercices conjoints, le dernier ayant eu lieu en novembre 2024 en mer de Java orientale.
C. Un « partenariat de souveraineté » entre la France et l’indonésie
Si les relations diplomatiques franco-indonésiennes ont fêté leur soixante‑dixième anniversaire en 2020, elles connaissent une nouvelle dynamique depuis quelques années. Les deux pays désirent renforcer leur influence dans la région mais aussi bénéficier d’un véritable « partenariat de souveraineté », pour reprendre l’expression utilisée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) lors des auditions de la rapporteure. La France comme l’Indonésie cherchent à éviter toute dépendance excessive envers les États-Unis ou la Chine, surtout dans le domaine militaire.
1. Un partenariat reconnu comme stratégique
La relation franco-indonésienne est encadrée depuis juillet 2011 par un partenariat stratégique, qui s’est progressivement concrétisé et diversifié grâce à des échanges politiques de haut niveau. La visite officielle du président François Hollande en Indonésie en mars 2017 ─ la première visite d’un chef d’État français depuis celle de François Mitterrand, en 1986 ─ s’était par exemple traduite par la signature de nombreux contrats et par l’annonce de coopérations dans les domaines maritime et numérique.
Le 28 juin 2021, la signature de l’accord de coopération dans le domaine de la défense, a formalisé le renforcement de la relation bilatérale, la France devenant un partenaire stratégique reconnu directement par l’Indonésie ([22]).
Ce rapprochement s’intègre parfaitement dans la stratégie française dans l’Indopacifique, laquelle vise à maintenir un espace ouvert, libéré de toute forme de coercition et fondé sur le respect du droit international et du multilatéralisme ([23]). Cette stratégie, publiée en 2018, mise à jour en février 2022 et composée de quatre piliers − la sécurité et la défense, l’économie, le multilatéralisme et le respect du droit, le changement climatique et l’environnement − rappelle que l’Indonésie est l’un des trois partenaires stratégiques de la France en Asie du Sud-Est, aux côtés de Singapour et du Vietnam, mais aussi l’importance du partenariat avec l’ASEAN « compte tenu de la place centrale qu’occupe [celle-ci] dans l’espace Indopacifique ».
De même, le rapport d’information sur la place de la France dans l’Indopacifique présenté par M. Michel Herbillon au nom de la commission des affaires étrangères et publié le 20 février 2025, identifie l’Indonésie comme un « partenaire stratégique prometteur ». D’après le rapport, « la France et l’Indonésie entretiennent une relation bilatérale marquée par une convergence croissante de leurs intérêts stratégiques, économiques et environnementaux. En tant que plus grande économie de l’ASEAN et acteur clé en Indopacifique, l’Indonésie occupe une place centrale dans la coopération de la France avec l’Asie du Sud-Est. Ce partenariat, fondé sur des valeurs partagées telles que la promotion du multilatéralisme et le respect du droit international, s’étend à des domaines variés allant de la défense à la transition énergétique (…) » ([24]).
Selon l’ambassade d’Indonésie à Paris, au niveau politique et académique, la France est vue en Indonésie comme un partenaire stratégique, partageant des valeurs communes en matière de démocratie et de droits de l’homme. L’engagement de la France en faveur de la stabilité régionale et son implication active dans l’Indopacifique sont particulièrement appréciés. De plus, la France est perçue comme un partenaire respectueux de la centralité de l’ASEAN et de l’autonomie stratégique de l’Indonésie. Son approche est en accord avec les principes indonésiens de non-alignement et sa vision d’un équilibre des pouvoirs dans la région.
2. Une coopération économique et industrielle dynamique
Parmi les domaines de coopération bilatérale, figure l’aide au développement. L’Agence française de développement (AFD), implantée en Indonésie depuis 2007, gère un portefeuille de projets de 3 milliards d’euros, concentrés sur l’énergie, les transports, la biodiversité et la mer.
Dans le domaine commercial, la France est le 14e fournisseur et le 16e client de l’Indonésie. Les échanges ont plus que doublé en dix ans, atteignant 1,3 milliard d’euros d’exportations en 2023 (direction générale du Trésor), même si celles-ci sont avant tout portées par l’aéronautique − 30 à 80 % des exportations selon les années.
Plus de 200 filiales d’entreprises françaises sont implantées en Indonésie dont celles de Danone, L’Oréal, Michelin, AXA-Mandiri et Eramet (entreprise minière et métallurgique). Ces entreprises emploient près de 54 000 personnes et génèrent un chiffre d’affaires local d’environ 3,8 milliards d’euros.
Les acteurs économiques français ont réalisé des investissements directs à l’étranger dans l’archipel à hauteur de 3,8 milliards d’euros en 2023. Des efforts restent à accomplir pour encourager les investissements indonésiens en France, encore limités.
Enfin, dans la zone Asie-Pacifique, l’Indonésie est le 2e client de la France pour son industrie de défense. Sur la période 2013˗2024, les prises de commandes dépassent 10 milliards d’euros. Parmi ces contrats figurent notamment l’acquisition d’hélicoptères Airbus H225M, d’avions de transport A400M, de canons Caesar, de radars GM 200 et GM400 de Thales et de missiles MBDA (Mistral, Exocet MM40, VL-MICA). Des étapes majeures ont été franchies avec l’achat de 42 avions de combat Rafale de Dassault Aviation en 2022, puis de deux sous-marins Scorpène de Naval Group en 2024.
3. Une coopération militaire modeste mais croissante
Depuis 2019, la relation bilatérale de défense connaît une nouvelle dynamique, grâce notamment à des entretiens ministériels plus réguliers et à l’IFDD ([25]), piloté la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des armées.
Initialement centrée sur le domaine de l’armement, la relation bilatérale de défense se diversifie : elle comprend désormais davantage d’interactions militaires, avec des propositions d’exercices conjoints et des escales aériennes (mission Pégase) et navales, dont pour la première fois l’accueil du groupe aéronaval (GAN) à Lombok à la fin du mois de janvier 2025. À cette occasion, M. Sébastien Lecornu, le ministre des armées, s’est entretenu avec le président indonésien Prabowo Subianto. De plus, le ministre a accueilli son homologue indonésien, M. Sjafrie Sjamsoeddin à bord du GAN, présenté la mission Clemenceau 2025 et annoncé la participation de la France à l’exercice naval multilatéral Komodo ([26]).
La coopération se traduit également par la formation de militaires indonésiens à la langue française, la formation d’officiers indonésiens à l’École de guerre ou la participation à des stages techniques dans le domaine de l’artillerie, à la suite de l’acquisition des canons Caesar.
Dans le cadre du dialogue de défense conjoint, l’Indonésie a fait connaître son souhait d’engager un dialogue au niveau des chefs d’états-majors des armées (CEMA) et d’élargir le champ des formations aux domaines spatial et cyber.
Ainsi, la ratification de l’accord du 28 juin 2021 permettrait de poursuivre cette dynamique et d’approfondir une relation de défense encore modeste entre les deux pays.
II. L’accord du 28 juin 2021 : une première étape pour approfondir la coopération de défense franco‑indonésienne
À la suite de la publication de la stratégie Indopacifique de la France et dans le contexte évoqué précédemment, le cadre juridique de la coopération franco‑indonésienne nécessitait une actualisation et un approfondissement. Celui-ci repose en effet sur un arrangement technique signé le 29 février 2012 entre les ministères de la défense de chacun des États.
Les 9 et 10 juillet 2019, lors de la septième édition de l’IFDD qui se tenait à Jakarta, les deux États ont pris la décision d’engager des négociations pour la conclusion d’un accord de coopération dans le domaine de la défense. Celles-ci ont débuté en janvier 2020 avec une première proposition indonésienne, suivie en mars 2020 par une contre-proposition française. Après plusieurs échanges, une version consolidée a été obtenue en février 2021 et l’accord a pu être signé le 28 juin 2021 à Paris.
Alors que la France souhaite un accord relatif au statut des forces depuis 2010, elle n’a pas obtenu satisfaction cette fois-ci.
A. Les dispositions de l’accord
L’accord comporte un préambule ([27]), douze articles et une annexe. S’il comprend des clauses classiques figurant dans les accords et traités de coopération en matière de défense signés par la France, il se démarque par sa brièveté, qui résulte notamment de l’absence de clause relative au statut des forces.
En outre, il se distingue également par un échange de deux lettres officielles en 2023.
L’article 1er présente deux définitions : celles des « forces armées » et des « membres du personnel ». En comparaison, le traité franco-espagnol sur la coopération dans le domaine de la défense signé à Barcelone le 19 janvier 2023 en comportait sept ([28]).
L’article 2 définit ensuite l’objet de l’accord : « [établir] les domaines et formes de coopération entre les parties dans le domaine de la défense. Si nécessaire, le présent accord peut être complété par des stipulations sur le statut des forces telles que celles prévues à l’article 7 ». Il ajoute que l’accord repose sur le principe de réciprocité et d’intérêt mutuel.
L’article 3 précise les « autorités compétentes, responsables pour la mise en œuvre de l’accord » : les ministres de la défense de chacun des États.
2. Une coopération de défense en progression mais dont le cadre devra encore être affermi
L’article 4 liste les domaines de coopération potentiels entre les parties : le renseignement, la formation, la science et la technologie dans le secteur de l’industrie de défense, le maintien de la paix, l’aide humanitaire, la lutte contre la piraterie et le terrorisme, l’équipement de défense et la production commune. De plus, il ajoute que la coopération peut s’étendre à tout autre domaine sur lequel les parties s’accorderaient.
L’article précise ensuite que la coopération peut prendre la forme de dialogues et de consultations stratégiques, de voyages d’échanges, d’exercices ou « de toute autre activité de coopération liée à la défense, définie par accord mutuel entre les parties ». Les exercices ne pourront toutefois se dérouler qu’en-dehors du territoire indonésien conformément à la volonté des deux parties exprimée par l’échange de lettres des 18 août et 9 novembre 2023 (cf. infra).
Ces domaines et les formes de coopération sont moins décrits que dans certains autres accords bilatéraux du même type signés par la France, même s’ils s’avèrent extensibles.
Les modalités de la coopération peuvent être précisées par les instruments pertinents (accord, arrangement technique).
L’article 5 institutionnalise un cadre de gouvernance. Les sessions annuelles de l’IFDD (créé par l’arrangement technique de 2012) jouaient jusqu’ici un rôle essentiel pour l’organisation de la coopération.
Un comité conjoint est institué afin de « gérer la mise en œuvre de cet accord ». Coprésidé par le directeur général des relations internationales et de la stratégie pour la partie française et le directeur général pour la stratégie de défense pour la partie indonésienne, ou leurs représentants respectifs, celui-ci se réunit au moins annuellement. Il donne de grandes orientations stratégiques à la coopération et peut organiser directement la mise en œuvre des activités de coopération et leur évaluation. Il peut être assisté par des sous-comités binationaux, définis en annexe de l’accord : le sous-comité des affaires stratégiques, le sous-comité de la coopération militaire et le sous-comité de l’équipement de défense ([29]). Ces sous‑comités binationaux peuvent eux-mêmes s’appuyer sur des groupes de travail, si cela s’avère nécessaire.
Interrogé sur ce point en audition par la rapporteure, le ministère des armées a affirmé que ce type de cadre de gouvernance était classique : la plupart des accords de coopération dans le domaine de la défense établissent un comité conjoint chargé de la mise en œuvre de celui-ci et du suivi de ses activités. Des sous-comités peuvent également être précisés dès l’accord ([30]).
Si l’organisation de ce comité ne nécessitait pas son inscription dans un accord de niveau intergouvernemental, celle-ci permet de l’institutionnaliser et de prévoir le principe d’une réunion annuelle.
L’article 7 est stratégique pour l’évolution de la coopération de défense : il comporte une clause d’effort pour aboutir à un SOFA : « les parties s’efforcent de conclure un accord bilatéral sur le statut des membres de leur personnel et de leurs personnes à charge ». Selon le ministère des armées, il a été convenu avec le partenaire indonésien d’attendre que les procédures françaises et indonésiennes d’entrée en vigueur de l’accord du 28 juin 2021 soient finalisées avant d’ouvrir les négociations d’un accord sur le statut des forces.
De même, l’article 10 prévoit une clause d’effort pour aboutir à un accord de sécurité dédié à l’échange et à la protection réciproque des informations et matériels classifiés ([31]). Selon le ministère des armées, les négociations sont en cours. Les deux pays ont déjà échangé plusieurs propositions écrites de texte.
En attendant la conclusion de ce nouvel accord, « chaque partie peut demander à l’autre partie de lui fournir la protection nécessaire des informations classifiées échangées dans le cadre de la mise en œuvre du présent accord ».
3. Les autres dispositions particulières
L’article 6 porte sur le financement de la coopération : il pose le principe selon lequel chaque partie supporte ses propres coûts relatifs à la mise en œuvre de l’accord, « sauf accord contraire entre les parties ».
L’article 8 concerne le règlement des éventuels dommages. Il décrit tout d’abord le régime applicable pour les dommages réalisés aux membres du personnel ou aux biens d’une partie par les membres du personnel de l’autre partie ([32]), puis celui des dommages causés à un tiers ou à ses biens par le membre du personnel d’une partie sur le territoire de l’autre partie.
L’article 9 prévoit que les droits de propriété intellectuelle relatifs aux activités de coopération prévus par l’accord nécessitent des accords ou arrangements subséquents. À la date de publication du rapport, aucun accord ou arrangement dans ce domaine n’a été conclu sur le fondement de cet article.
L’article 11, classique dans sa rédaction, prévoit que tout différend relatif à l’interprétation ou à l’application de l’accord est réglé par voie de consultations et de négociations diplomatiques directes entre les parties.
L’article 12 comprend les stipulations finales. Il précise que les parties doivent se notifier l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord. Il indique également que le texte prendra effet à la date de réception de la dernière des deux notifications.
Le 6 décembre 2024, l’Indonésie a notifié l’accomplissement de ses procédures internes au ministère de l’Europe et des affaires étrangères par note verbale. L’approbation de l’accord par la France permettrait donc sa mise en œuvre.
L’article précise ensuite que l’accord est conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de même durée.
L’accord du 28 juin 2021 pourra être modifié par un accord écrit et être dénoncé par les parties par voie diplomatique. La dénonciation prendra effet six mois après la réception de la notification écrite par l’autre partie.
Enfin, à la date de son entrée en vigueur, l’accord met fin à l’arrangement technique relatif à des activités de coopération en matière de défense signé le 29 février 2012.
5. Un texte complété par un échange de lettres
L’accord du 28 juin 2021 a été complété par un échange de lettres entre les deux parties. Dans la première lettre, signée le 18 août 2023, le ministre de la défense indonésien a demandé que les exercices mentionnés au c) du 2 de l’article 4 de l’accord ne puissent se dérouler, dans l’attente de la conclusion d’un accord sur le statut des forces, qu’en dehors du territoire indonésien, sauf conclusion d’un accord propre à l’exercice concerné. M. Sébastien Lecornu a ensuite donné son agrément, par une lettre datée du 9 novembre 2023.
La section des finances du Conseil d’État a donné un avis favorable à la production de cet accord sous forme d’échange de lettres. Pour le Conseil d’État, il s’agissait d’un complément indispensable car l’accord de défense ne comportait pas les garanties essentielles permettant d’assurer la protection effective du personnel français déployé en Indonésie dans le cadre de l’accord du 28 juin 2021, notamment vis-à-vis du prononcé de peines incompatibles avec les principes constitutionnels français et les engagements conventionnels de la France.
Les dispositions convenues sous forme d’échange de lettres entreront en vigueur au même moment que l’accord de coopération lui-même.
B. Un texte dont la portée dépendra de nouveaux engagements bilatéraux
1. Un accord qui favorise la coopération de défense
L’accord du 28 juin 2021 permet aux forces armées des deux pays de disposer d’un cadre juridique plus complet. Il renforce ainsi la sécurité juridique des activités de coopération et apparaît donc comme une étape indispensable pour les encourager. Surtout, il permet aux deux pays de se reconnaître comme partenaires stratégiques.
En outre, selon l’étude d’impact du projet de loi, son approbation « ne crée pas de charges nouvelles pour les finances publiques ».
Il est intéressant de noter que la France a récemment signé des accords de coopération dans le domaine de la défense avec d’autres États de la zone Indopacifique tels que les Fidji (6 décembre 2023, à Nouméa) ou Djibouti (24 juillet 2024, à Paris).
2. Un complément nécessaire : un accord sur le statut des forces
L’Indonésie n’a pour l’heure signé qu’un seul accord relatif au statut des forces, avec l’un de ses voisins directs : la Papouasie Nouvelle Guinée.
Selon l’étude d’impact du projet de loi, « elle se montre réticente à en conclure avec d’autres États. En effet, les clauses relatives au statut des forces sont perçues par l’Indonésie comme une limitation de sa souveraineté : celles-ci mettent en place un statut juridique particulier et dérogatoire au droit commun pour les membres du personnel des deux forces durant la mise en œuvre des activités de coopération » ([33]).
Cependant, comme l’a indiqué le ministère des armées à la rapporteure, la conclusion d’un accord de statut des forces réciproque constitue une priorité pour la France. Un tel accord apporterait une protection juridictionnelle aux armées françaises et leur permettrait de disposer de facilités organisationnelles et logistiques. Il faciliterait le séjour des personnels de la partie d’envoi, définirait les compétences des juridictions pénales de l’État d’envoi et de l’État d’accueil et pourrait régler les questions relatives à l’importation de matériels en exonération de droits de douane et de taxes.
La France devra maintenir son ambition dans ce domaine et convaincre le partenaire indonésien, ce qui n’est pas garanti à ce stade.
Avis fait au nom de la commission de la DÉfense nationale et des forces armÉes
La commission de la Défense nationale et des forces armées s’est saisie pour avis du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris le 28 juin 2021, complété par l’échange de lettres des 18 août 2023 et 9 novembre 2023.
Cet accord a pour objet de renforcer et de pérenniser le cadre juridique de la relation bilatérale de défense entre la France et l’Indonésie. Il permet à la France d’accéder au statut de partenaire stratégique reconnu par l’Indonésie, puissance régionale majeure dans la région indopacifique.
L’accord relatif à la coopération dans le domaine de la défense s’inscrit dans une volonté conjointe des Parties d’« améliorer leurs relations bilatérales actuelles au moyen d’activités de coopération dans le domaine de la Défense, reposant sur des principes d’égalité, de confiance mutuelle et de dialogue » et de « renforcer leurs relations amicales et leur coopération technique existantes, sur la base du respect total du droit à la souveraineté, de l’intégrité territoriale et des principes d’égalité, de non-ingérence dans les affaires internes et d’intérêt mutuel ([34]) ».
Ainsi que le résume l’étude d’impact jointe au projet de loi, « La situation de pivot de l’Indonésie entre les océans Indien et Pacifique confère à ce pays une position clé dans la stratégie de la France dans l’Indopacifique, laquelle vise à maintenir un espace ouvert, libéré de toute forme de coercition et fondé sur le respect du droit international et du multilatéralisme ».
Le premier pilier de la stratégie de la France dans l’Indopacifique est d’ailleurs un pilier « sécurité et défense ». La diplomatie française se fixe plusieurs objectifs dans ce cadre : contribuer à la stabilité des espaces régionaux par la promotion de coopérations militaires et de sécurité, préserver l’accès aux espaces communs dans un contexte de compétition stratégique et de durcissement des environnements militaires, promouvoir le multilatéralisme et anticiper les risques sécuritaires induits par le changement climatique. La poursuite de ces objectifs est au cœur du partenariat stratégique avec l’Indonésie.
La mise en œuvre du pilier « sécurité et défense » de la stratégie de la France dans l’Indopacifique repose en grande partie sur la présence militaire française dans la région, détaillée sur la carte ci-après :
Situé à l’épicentre d’une région au sein de laquelle la compétition sino‑américaine ne cesse de s’accroître, l’Indonésie s’est construite sur le modèle d’une puissance régionale « non alignée » en développant des partenariats « à 360° ». Conformément aux principes énoncés lors de la conférence de Bandung en 1955 ([35]), l’Indonésie poursuit une politique étrangère « libre et active » selon la « stratégie des mille amis et des zéro ennemis ». Cette stratégie vise le maintien primordial de la stabilité régionale au moyen d’une multiplication des alliances afin de se prémunir contre l’ensemble des menaces de théâtre.
Cette position explique notamment le fait que l’Indonésie maintienne un dialogue politico-militaire régulier avec la Fédération de Russie, bien que ce dialogue se soit fait plus discret depuis le déclenchement de l’agression russe en Ukraine. Un premier exercice naval conjoint s’est ainsi tenu en novembre 2024 en mer de Java.
Elle-même concernée par des différends territoriaux avec la Chine ([36]), l’Indonésie privilégie le règlement diplomatique des contentieux par le biais de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), une organisation régionale dont l’Indonésie prône la centralité dans la résolution des conflits de la zone. À cet égard, il convient de noter que se sont tenus en 2023 les exercices ASEX-23, premiers exercices militaires communs à l’ensemble des dix pays membres de l’ASEAN.
Le théâtre indopacifique se caractérise par une multiplication des champs de la contestation dans une logique d’hybridité croissante. En outre, l’usage d’une rhétorique nucléaire offensive de la part de la Corée du Nord ainsi que la croissance quantitative et qualitative de l’arsenal nucléaire chinois accroissent le risque de crise de prolifération régionale et alimentent la course aux armements en Asie de l’Est. La perspective d’un conflit de haute intensité dans le détroit de Taïwan constitue à présent une menace crédible.
Par ailleurs, au-delà des seules menaces de nature géopolitiques, l’espace indopacifique est régulièrement confronté à de violentes catastrophes naturelles. En 2004, l’Indonésie a été meurtrie par un tsunami ayant causé près de 170 000 victimes dans la population civile.
Dans ce contexte, le budget consacré aux forces armées indonésiennes connaît une croissance significative.
Les forces armées indonésiennes
Les forces armées nationales indonésiennes (Tentara Nasional Indonesia, « TNI ») sont constituées d’une composante terre, air et marine. En 2023, elles comprenaient environ 420 000 militaires, faisant de l’Indonésie la première force militaire d’Asie du Sud-Est.
L’armée de Terre indonésienne constitue l’essentiel des effectifs de la TNI avec environ 300 000 militaires.
Premier État archipélagique mondial, l’Indonésie bénéficie d’une vaste zone économique exclusive (ZEE) ne comprenant pas moins de six détroits majeurs. Sa Marine dispose d’un total de 148 bâtiments (parmi lesquels des frégates néerlandaises récemment acquises) et de 76 aéronefs ; pour environ 75 000 marins. D’après les éléments communiqués à votre rapporteure, l’étroitesse des moyens de cette Marine ne lui permet pas encore de réaliser de manière satisfaisante des actions de sauvetage en mer, ni de faire face aux activités de pêche illicite ou de piraterie.
L’armée de l’Air indonésienne comprend quant à elle environ 35 000 aviateurs pour environ 205 aéronefs.
Les forces indonésiennes sont par ailleurs les plus engagées d’Asie du Sud-Est dans les opérations de maintien de la paix onusiennes.
L’effort budgétaire indonésien en faveur de la défense est régulier depuis dix ans. En 2024, les dépenses publiques de défense ont notamment bénéficié d’une hausse de 5,2 % par rapport au budget 2023. Ces dépenses représentent nonobstant une part toujours inférieure à 1 % de la richesse nationale. Ancien ministre de la Défense élu Président de la République d’Indonésie en février 2024, Prabowo Subianto s’est engagé à porter l’effort de défense indonésien à hauteur d’1,5 % du PIB d’ici à la fin de son mandat en 2029.
La préoccupation historique des forces armées indonésiennes à l’endroit des problématiques de sécurité intérieure a traditionnellement favorisé les investissements capacitaires au profit de l’armée de Terre aux dépens de l’armée de l’Air et de la Marine. Le programme de modernisation indonésien prévoit toutefois des investissements capacitaires importants pour ces deux armées, offrant d’importantes perspectives à l’industrie d’armement française dans le domaine des sous-marins et de l’aviation de chasse notamment.
Par ailleurs, le Gouvernement indonésien ambitionne de renforcer le développement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) indonésienne. Ainsi, les projets d’acquisition d’équipements étrangers majeurs doivent répondre à une large gamme de politiques de compensation au bénéfice de la BITD locale. L’Indonésie demande systématiquement une compensation industrielle pour un montant d’au moins 85 % du contrat et 30 % de « local content ([37]) ». Les sociétés d’État PT LEN, PT Pindad, PT PAL Indonesia, PT Dirgantara Indonsia (PTDI) et PT DAHANA sont les principaux acteurs de l’industrie de défense en Indonésie. Elles sont parties prenantes dans la plupart des « prospects » que les industriels français mènent localement.
D’après les informations transmises à votre rapporteure, l’Indonésie est l’un des trois partenaires stratégiques de la France en Asie du Sud-Est aux côtés de Singapour et du Vietnam. Toutefois, le niveau de coopération militaire bilatérale demeure à ce jour modeste. Cette situation résulte essentiellement de l’éloignement géographique des deux Nations. L’Australie, avec laquelle l’Indonésie aurait conclu un accord de défense à l’été 2024, reste le principal partenaire de défense de l’Indonésie dans la région, qui renforce également ses coopérations avec le Japon.
Il a été cependant précisé à votre rapporteure que les relations bilatérales de défense franco-indonésiennes connaissaient une « dynamique exponentielle » depuis 2019. Ces relations sont fondées sur un partenariat stratégique signé en juillet 2011 ([38]) à l’occasion de la visite du Premier ministre français François Fillon. Ce partenariat stratégique est centré sur la consolidation de la coopération bilatérale dans les domaines politique et de sécurité, économique, du développement, de l’éducation et de la culture, ainsi que sur l’expansion des échanges entre les sociétés civiles.
Plus précisément, la coopération franco-indonésienne dans le domaine de la défense repose sur un arrangement technique relatif à des activités de coopération en matière de défense, signé le 29 février 2012 entre les ministères de la défense de chaque État. Conclu dans la limite des compétences de chacun des ministres signataires, cet arrangement technique ne contient aucune clause relative au statut des forces et se limite à prévoir le développement de leur coopération dans des domaines précis (dialogue stratégique en matière de défense, échange de renseignements, opérations de maintien de la paix, industrie de défense). Dans cette perspective, il a créé le Dialogue de défense France-Indonésie (IFDD), un forum binational piloté la DGRIS qui se réunit tous les ans, alternativement en France et en Indonésie.
À la suite de la visite d’État du Président François Hollande en Indonésie en mars 2017, un partenariat dans le domaine maritime a notamment été annoncé ([39]). La visite du ministre des affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian à Jakarta en novembre 2021 a permis d’initier un format de rencontres « 2 + 2 », entre les ministres des affaires étrangères et ministres de la défense.
D’après les éléments transmis à votre rapporteure, la relation de défense avec l’Indonésie se trouve par ailleurs substantiellement favorisée par la francophilie du Président Prabowo Subianto.
La nécessité pour l’Indonésie de moderniser rapidement les équipements des trois composantes de ses forces armées s’est traduite par l’essor d’une coopération bilatérale en matière d’armement.
D’après les informations transmises à votre rapporteure, les prises de commande cumulées en Indonésie se sont élevées pour les entreprises de la BITD française à plus de 2,5 milliards d’euros sur la période 2013-2022. L’Indonésie est le second client export en matière d’armement dans la zone Asie-Pacifique, 50 % du budget d’acquisition de défense indonésien étant actuellement dirigé vers des achats de matériels français. La capacité française à assurer des transferts de production ou de technologie au profit de la BITD indonésienne constituerait l’un des atouts majeurs de la BITD française.
Les principaux contrats entrés en vigueur ces dix dernières années concernent des hélicoptères d’Airbus Helicopters H225M pour l’Armée de l’air [6 + 8], des H125M (ex Fennec) pour l’Armée de terre [12] et des hélicoptères Panther pour la Marine [11], des canons CAESAR de KNDS, des navires hydrographiques d’OCEA [2] , des radars GM 200 [9] et GM 400 de Thales LAS [13], des missiles de MBDA (Mistral, EXOCET MM40 et VL-MICA), des avions de combat Rafale de Dassault [6+18+18], de l’armement air-sol SAFRAN pour le Rafale (AASM) ainsi que des avions de transport/ravitaillement A400M (Airbus Defence and Space) [2].
À ce sujet, l’annonce de l’acquisition de 42 avions de combat Rafale lors du déplacement de la ministre des Armées Mme Florence Parly à Jakarta en février 2022 a constitué une avancée majeure. Aujourd’hui, l’acquisition des 42 avions de combat Rafale est pleinement confirmée : les contrats sont en vigueur et en cours d’exécution. D’après les informations communiquées à votre rapporteure, les livraisons des avions de chasse s’étaleront entre fin 2025 et 2029 à hauteur d’un par mois en sortie d’usine. Sous toutes réserves, les trois premiers Rafale seront convoyés en Indonésie en janvier 2026. Dans le cas du contrat Rafale, le groupement d’intérêt économique (G.I.E) Rafale mettra en place en Indonésie des capacités de développement logiciel, de maintenance ainsi que des cursus scolaires dans le domaine de l’aéronautique.
Par ailleurs, un contrat pour la fourniture de deux sous-marins Scorpène « Evolved » a été signé en 2024 et son entrée en vigueur est attendue courant 2025. Dans le cas du contrat Scorpène, Naval Group assurera un transfert de savoir-faire et la montée en compétences des Indonésiens intervenant sur le projet ainsi que la modernisation de l’outil de production et l’assistance à l’assemblage des sous-marins.
La demande mondiale croissante, une concurrence exacerbée à l’export, notamment de la part de l’Allemagne et de la Corée du Sud, ainsi que l’adaptation nécessaire des outils de production pourraient à terme obérer la capacité de la BITD française à répondre aux besoins indonésiens dans les délais exigés. La publication du prochain plan financier quinquennal Blue Book 2025-2029 est attendue au 1er semestre 2025. Il définira les besoins prioritaires que l’Indonésie souhaite satisfaire et sur lesquels la France pourra se positionner.
Initialement portée par le domaine de l’armement, la relation de défense est désormais en voie de diversification dans les domaines des relations internationales militaires (escales navales et aériennes de bâtiments français régulièrement valorisées – mission JEANNE D’ARC, mission PEGASE –, exercice bilatéral terrestre Garuda Guerrier etc.). Déployé en Indopacifique dans le cadre de la mission CLEMENCEAU 25, le groupe aéronaval (GAN) français, articulé autour du porte-avions Charles-de-Gaulle, son groupe aérien embarqué et ses escorteurs ont fait pour la première fois de leur histoire escale à Bali et Lombok en janvier 2025 dans le cadre de la 5e édition de l’exercice multinational LA PEROUSE conduit par la France avec d’autres nations riveraines de l’océan Pacifique. Dans ce cadre, l’Indonésie a accueilli deux avions de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) français sur la base aérienne de Kertajati près de Jakarta afin d’effectuer des vols de surveillance maritime. Des observateurs indonésiens ont embarqué à bord des ATL 2 afin de partager les informations collectées, renforçant ainsi la coopération franco-indonésienne. Par ailleurs, le 25 janvier 2025, la frégate de défense aérienne Forbin a conduit un passage conjoint (PASSEX) avec le KRI Martadinata indonésien, dans le détroit de Lombok.
Sur le plan aérien, le passage en Indonésie de la mission Pégase (trois Rafale, un A-400M, un avion ravitailleur KC-135 FR) en août 2018 au retour de sa participation à l’exercice aérien Pitch Black (Darwin, Australie) a donné lieu à des interactions avec les Indonésiens. Au cours de la même période, ces derniers ont apprécié les capacités de l’A-400M lors d’une mission d’assistance à la population de Lombok frappée par un séisme.
Dans une logique de renforcement de la coopération opérationnelle régionale, l’Indonésie est invitée à participer à divers exercices ([40]) conduits sur les territoires français du Pacifique : invitation à engager un détachement dans l’exercice « Croix du Sud » organisé par les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) en 2023 et, pour la première fois, invitation à l’exercice « Marara » organisé par les Forces armées en Polynésie française (FAPF) en mai 2022. Les dernières actions militaires sont marquées par la participation aux exercices multilatéraux MARARA (FR) et SUPER GARUDA GUERRIER (US).
La coopération opérationnelle avec l’Indonésie se traduit également par la formation de militaires indonésiens à la langue française, la formation d’officiers indonésiens dans le cadre de la scolarité à l’École de guerre ainsi que la participation à des stages techniques, notamment dans le domaine de l’artillerie à la suite de l’acquisition de canons Caesar par l’Indonésie.
Dans le cadre du dialogue de défense conjoint, il a été précisé à votre rapporteure que d’autres thèmes de coopération seraient à l’étude, notamment dans le domaine de la santé afin de faciliter l’identification d’un point d’appui médical dans la région. Le partenaire indonésien a également fait connaître son souhait d’engager un dialogue au niveau des chefs d’état-major des armées (CEMA) et d’élargir le champ des formations aux domaines spatial et cyber.
L’accord de défense dont l’approbation est l’objet du présent projet de loi conduira à un renforcement du cadre juridique bilatéral, condition sine qua non pour améliorer la coopération militaire bilatérale entre la France et l’Indonésie. Toutefois, cet approfondissement du cadre juridique bilatéral sera véritablement achevé seulement lors de la conclusion par les Parties d’un accord relatif au statut des forces ainsi que d’un accord de sécurité relatif à l’échange d’informations classifiées, ces deux derniers accords ne figurant pas dans le présent accord.
Dans le domaine de la défense, la France conclut traditionnellement avec ses partenaires des accords de coopération et de statut des forces. Il arrive toutefois que la France conclue des accords de coopération dans le domaine de la défense dépourvu d’accord sur le statut des forces, ces derniers prévoyant le cas échéant une clause d’effort visant la conclusion d’un accord de statut des forces.
Les clauses relatives au statut des forces permettent notamment de traiter de l’articulation entre la compétence des juridictions pénales de l’État d’envoi et de celles de l’État d’accueil, de faciliter l’entrée, le séjour et la sortie du territoire de la Partie d’accueil des personnels de la Partie d’envoi, ou encore l’importation de matériels en exonération de droits de douane et de taxes.
Ainsi, la conclusion d’un accord relatif au statut des forces permettrait aux forces armées françaises présentes sur le territoire indonésien dans le cadre d’une activité prévue par cet accord de bénéficier d’un statut protecteur. À ce titre, une clause de juridiction peut imposer le respect de garanties procédurales conformes aux engagements constitutionnels et conventionnels de la France, telles que la protection contre la peine de mort et contre la torture. Il convient de noter que la peine de mort est toujours applicable en Indonésie, bien qu’on puisse observer de facto depuis 2016 un moratoire sur les exécutions. La peine de mort reste pour autant toujours appliquée pour certains crimes relevant notamment de la lutte contre la drogue. Le nouveau Code pénal indonésien fait de la peine capitale une peine d’exception « prononcée de manière alternative comme l’ultime moyen pour empêcher la commission d’un crime et pour protéger la société ». Il rend également possible la commutation de la peine capitale en peine d’emprisonnement si le condamné a fait preuve d’une bonne conduite. Néanmoins, les critères d’application de cette disposition ne sont pas précisés.
Concernant les droits de la communauté LGBT+, au plan national et d’un point de vue juridique, il a été précisé à votre rapporteure qu’aucun texte ne mentionnait explicitement la question des relations sexuelles entre personnes de même sexe. De facto, l’homosexualité n’est donc pas pénalisée. Mais il n’y a pas de mécanisme de protection des personnes LGBT+ face aux violences et discriminations.
La réticence de la Partie indonésienne à conclure des accords relatifs au statut des forces est une constante qui s’exerce à l’égard de l’ensemble des États. En 2010, à l’initiative du ministère de la Défense de la République française, un projet d’accord de coopération dans le domaine de la défense contenant notamment des stipulations relatives au statut des forces françaises sur le territoire indonésien avait déjà été transmis aux autorités indonésiennes. Ces dernières n’avaient alors pas formellement répondu à ce projet mais avaient transmis en retour un nouveau projet de texte dépourvu de toute clause relative au statut des forces ayant abouti à la signature de l’arrangement technique précité. En 2017, dans la lettre d’intention sur le développement de la coopération de défense signée par les ministres de la défense français et indonésien, ces derniers ont déclaré leur intention « d’encourager davantage la conclusion d’un accord global de coopération en matière de défense ».
L’Indonésie n’est actuellement liée que par un unique accord relatif au statut des forces, conclu avec la Papouasie Nouvelle Guinée. Les clauses relatives au statut des forces sont en effet perçues par l’Indonésie comme une limitation de sa souveraineté, ces accords mettant en place un statut juridique particulier et dérogatoire au droit commun pour les membres du personnel des deux forces durant la mise en œuvre des activités de coopération. L’absence de telles clauses dans le projet d’accord transmis par les autorités indonésiennes en janvier 2020 confirme leurs réticences, déjà constatées en 2010.
Face aux réticences indonésiennes, les négociateurs français ont décidé d’adopter une position ouverte matérialisée par une clause d’effort (article 7) à travers laquelle les Parties conviennent de « s’efforcer » de conclure un accord bilatéral sur le statut des forces. Il ne s’agit là pas d’une obligation mais d’un souhait conjointement exprimé qui pourra ultérieurement donner lieu à l’ouverture de négociations formelles.
Pour autant, le Conseil d’État a considéré que l’accord ne comportait pas les garanties essentielles de nature à assurer la protection effective du personnel français déployé en Indonésie dans le cadre de l’accord, notamment vis-à-vis du prononcé de peines incompatibles avec les principes constitutionnels français et les engagements conventionnels de la France. Le Conseil a par conséquent conditionné son avis favorable à la production d’un accord sous forme d’échange de lettres stipulant que les exercices militaires interalliés mentionnés dans l’accord ne pourront se dérouler, dans l’attente de la conclusion d’un accord sur le statut des forces, qu’en dehors du territoire indonésien, sauf conclusion d’un accord propre à l’exercice concerné contenant les garanties précitées. Le ministre des armées Sébastien Lecornu a donné son agrément, par lettre signée en date du 9 novembre 2023, aux dispositions proposées par la partie indonésienne dans sa lettre du 18 août 2023. Les dispositions convenues par cet accord sous forme d’échange de lettres entreront en vigueur au même moment que l’accord relatif à la coopération dans le domaine de la défense.
D’après les informations communiquées à votre rapporteure, des clauses d’effort signées par la France se sont parfois transformées dans le passé en accord sur le statut des forces. On peut notamment citer le traité de partenariat stratégique entre la République française et la République d’Irak signé le 26 janvier 2023. Ce traité, qui prévoyait une clause d’effort, a débouché sur la signature les 15 et 18 juillet 2024 d’un mémorandum d’entente entre la France et l’Irak relatif à leur coopération militaire prévoyant le statut des forces armées françaises sur le territoire irakien et réciproquement. Par ailleurs, à l’extérieur de la zone Indopacifique, la France a signé des accords de coopération dans le domaine de la défense ne contenant pas de dispositions relatives au statut des forces avec notamment la Bolivie ([41]), le Pérou ([42]) et l’Uruguay ([43]).
Récemment, l’Indonésie a conclu des accords de coopération dans le domaine de la défense avec d’autres pays tels que les Philippines ([44]), la Pologne ([45]). Ces deux accords sont similaires à celui conclu entre la France et l’Indonésie et sont également dépourvus d’accord relatif au statut des forces. L’Indonésie aurait récemment conclu un accord de coopération dans le domaine de la défense avec l’Australie, le 29 août 2024. Cet accord, dont la procédure d’entrée en vigueur serait en cours, n’a pas encore été publié ([46]) mais il est très probable qu’il ne contienne pas non plus d’accord relatif au statut des forces.
Il a été confirmé à votre rapporteure lors de ses auditions que la conclusion d’un accord réciproque relatif au statut des forces demeurait une priorité pour la France. Néanmoins, il a été convenu avec le partenaire indonésien d’attendre que les procédures françaises et indonésiennes d’entrée en vigueur du présent accord soient finalisées avant d’ouvrir les négociations d’un tel accord. L’annonce de l’ouverture prochaine de ces négociations constitue en soi un infléchissement significatif de la position de la Partie indonésienne qu’il convient de saluer. Par ailleurs, l’acceptation récente par les autorités indonésiennes de l’escale précitée du groupe aéronaval français constitue une avancée majeure dans la coopération bilatérale de défense, que d’aucuns interprètent comme un signal positif dans la perspective des négociations relatives à un accord sur le statut des forces.
L’échange d’informations classifiées avec un partenaire étranger doit être encadré par un accord intergouvernemental dédié, qui prévoit l’ensemble des garanties nécessaires à la protection réciproque de ces informations. Ces accords dits « accords de sécurité » sont distincts des accords de statut des forces du fait de leur objet, mais aussi compte tenu des autorités compétentes pour traiter de l’échange d’informations classifiées, qui peuvent différer de celles qui sont compétentes en matière de défense.
Lorsqu’il n’existe pas d’accord de sécurité entre deux États, comme c’est le cas pour la France et l’Indonésie, il est fréquent que l’accord de coopération prévoit une clause d’effort visant à l’ouverture prochaine de négociation d’un accord de sécurité (article 10 du présent accord).
En l’espèce, il a été précisé à votre rapporteure que les négociations d’un tel accord ont été initiées. La France a transmis un premier projet d’accord et a proposé à l’Indonésie d’organiser une visioconférence pour échanger sur ce texte. L’échange de ce type d’informations présente tout particulièrement un intérêt pour mener à bien notre coopération bilatérale dans le domaine de l’armement. Les autorités françaises semblent placer un espoir raisonnable dans le succès prochain de ces négociations.
Il a toutefois été précisé à votre rapporteure que la France n’a pas connaissance d’accords de sécurité conclus entre l’Indonésie et un État tiers. Des négociations seraient actuellement en cours entre l’Indonésie et les États-Unis d’Amérique en vue de la conclusion d’un accord d’échange d’informations militaires.
À l’exception des clauses d’effort prévues respectivement aux articles 7 et 10 du traité, le contenu de cet accord s’inspire des clauses classiques figurant dans les accords relatifs à la coopération en matière de défense signés par la France.
Le présent accord de coopération dans le domaine de la défense couvre un large spectre d’activités possibles sur le territoire des deux parties qui peuvent pleinement être mises en œuvre en l’absence d’accord sur le statut des forces. Il s’agit notamment d’activités de coopération en matière de renseignement, d’enseignement, de formation, de science et de technologie dans le secteur de l’industrie de défense, du maintien de la paix, de l’aide humanitaire, des secours aux sinistrés, de la lutte contre la piraterie et le terrorisme, de l’équipement de défense, de la production commune, de la recherche, du développement et du soutien (article 4).
La coopération militaire franco-indonésienne à l’occasion des catastrophes naturelles
survenues en Indonésie
L’Indonésie est régulièrement frappée par des catastrophes mais a plutôt tendance à privilégier une réponse nationale (avec ses forces armées en lead) pour une raison de posture vis-à-vis de sa population. Il arrive donc régulièrement que l’Indonésie ne sollicite pas d’aide extérieure dans le cadre de cette ligne de conduite.
Toutefois, les grandes catastrophes sont une exception. Par exemple, fin décembre 2004 lors du tremblement de terre et du tsunami en océan Indien qui ont causé plus de 250 000 victimes (dont près de 170 000 en Indonésie) les armées françaises ont été mobilisées quelques jours après la catastrophe pour porter secours à l’Indonésie. Les bâtiments qui se trouvaient en mission dans l’océan Indien, en particulier fin décembre, ont été mobilisés pour réaliser des actions d’urgence. Le dispositif d’assistance humanitaire mis en place, intitulé « opération Beryx », a été opérationnel à compter du 14 janvier 2005 pour les unités déployées à Sumatra, île la plus sinistrée.
Le porte-hélicoptères (PHA) Jeanne d’Arc, stationné à Djibouti le jour du tsunami, a été mobilisé dès début janvier et cette opération était une « première ». Le PHA Jeanne d’Arc et la frégate Le Georges Leygues ont quitté Sumatra le 10 février pour laisser place à une structure plus légère, incluant les hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de Terre ainsi que le bâtiment de commandement et de ravitaillement « Marne », sur lequel peuvent atterrir deux hélicoptères. Les moyens aériens ont été renforcés puis se sont partiellement repliés le 15 février avant un désengagement complet. Au total, 1 096 militaires ont été déployés à Sumatra, en plus des militaires en provenance des bâtiments de la Marine nationale ;
– moyens maritimes : le Groupe École d’application des officiers de marine (EAOM) à bord du porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et de la frégate Georges Leygues devant les côtes à l’ouest de Sumatra, et la frégate Dupleix aux Maldives et au Sri Lanka. Outre 6 hélicoptères et la compagnie du génie, la Jeanne d’Arc a embarqué une équipe chirurgicale, 18 médecins, 5 tonnes de médicaments, 8 000 rations alimentaires, et une capacité de 80 000 litres d’eau par jour ;
– moyens aériens : 12 hélicoptères dont 2 Gazelle, 7 Puma de l’aviation légère de l’armée de Terre et 2 Alouette III en Indonésie, 1 Lynx de la Marine nationale sur la frégate Dupleix ; 3 Cougar de l’armée suisse à Medan ; 2 avions de transport tactique Transall à Medan (province d’Aceh) ;
– moyens terrestres : le matériel du génie débarqué à Sumatra, avec une tractopelle de dix tonnes, 3 véhicules 4 x 4 et leurs remorques, 4 groupes électrogènes, 2 lots de décontamination d’eau, un lot de tronçonneuses ;
– moyens de commandement et de coordination : un poste de commandement embarqué sur la Jeanne d’Arc.
Le présent accord définit en outre le cadre de gouvernance de cette coopération avec la création d’un « comité conjoint » coprésidé par le Directeur Général des Relations Internationales et de la Stratégie (DGRIS) pour la Partie française, et par le Directeur Général pour la Stratégie de défense pour la Partie indonésienne. Ce comité conjoint est chargé de donner des indications stratégiques et des conseils sur toutes les activités liées à la coopération définie dans le cadre de l’accord (article 5).
L’article 6 dispose que chaque Partie prend à sa charge ses propres coûts de participation aux activités de coopération prévues dans le cadre de l’accord, à moins qu’elles n’en conviennent autrement.
L’article 8 précise les modalités du règlement des dommages causés par les Parties ou les membres de leur personnel. Il pose pour principe la renonciation à l’indemnisation des dommages causés aux personnes ou aux biens de l’autre Partie, sauf en cas de faute lourde ou de faute intentionnelle. La Partie dont dépend le membre du personnel mis en cause détermine le caractère lourd ou intentionnel de cette faute.
L’article 9 prévoit que les droits de propriété intellectuelle relatifs aux activités prévues par l’accord seront traités conformément à des accords ou des arrangements subséquents.
L’article 11 prévoit que les différends entre les Parties sont réglés par voie de consultations et de négociations menées par les canaux diplomatiques.
L’article 12 indique que l’accord est conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives de cinq ans. L’accord peut être modifié à tout moment et il peut être dénoncé par les Parties par la voie diplomatique, la dénonciation prenant effet six mois après la réception de la notification écrite par l’autre Partie.
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En définitive, l’Indonésie est un partenaire stratégique pour la France au cœur de l’Indopacifique. Cet accord a vocation à sécuriser et renforcer la coopération bilatérale en matière de défense entre la France et l’Indonésie. En dépit du fait que cet accord ne comporte pas de statut des forces ni d’accord de sécurité, il représente un jalon majeur dans l’approfondissement et la pérennisation des relations de défense entre les deux Parties. Dans le domaine stratégique, la mise en œuvre de cet accord conférera une dimension plus importante aux échanges politico-militaires qui s’y référeront.
La réussite des négociations relative à un accord sur le statut des forces doit cependant demeurer une priorité française. Le succès de cette négociation permettra de franchir une nouvelle dimension dans les projets de coopération bilatérale opérationnelle en rendant possible les exercices militaires conjoints sur le sol indonésien.
L’Indonésie a informé la France, par note verbale du 6 décembre 2024, avoir finalisé ses procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de cet accord. La rapporteure pour avis recommande d’émettre un avis favorable à l’adoption du projet de loi autorisant l’approbation de cet accord.
TRAVAUx de la COMMISSION des affaIres étrangères
Au cours de sa réunion du mercredi 12 mars 2025 à 9 heures 30, la commission a procédé à l’examen, ouvert à la presse, et au vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 536).
M. le président Bruno Fuchs. L’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense a été signé le 28 juin 2021. Il a été complété par un échange de lettres le 18 août et le 9 novembre 2023. Le Sénat a adopté le projet de loi autorisant son approbation le 5 novembre dernier et il sera examiné en séance publique par l’Assemblée nationale le 20 mars au matin.
Au cœur de l’Indopacifique, l’Indonésie est l’un des pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) qui compte. Puissance émergente dynamique, elle nourrit l’ambition de devenir l’une des principales économies mondiales dans deux à trois décennies. Compte tenu de son potentiel, l’intensification de la relation bilatérale constitue un enjeu majeur au sein de cette zone stratégique, d’autant que, partisane d’une politique extérieure résolument non alignée, l’Indonésie cherche à diversifier ses partenariats.
Ce pays est aussi un client très important dans nos exportations d’armes. En 2024, Jakarta a commandé pour 2,6 milliards d’équipements militaires français, confirmant notamment l’achat de dix-huit Rafale dans le cadre d’un contrat signé en 2022 prévoyant d’en livrer quarante-deux. L’accord qui nous est soumis représente certes une première étape, mais une étape importante de notre diplomatie d’influence.
Mme Pascale Got, rapporteure. L’accord franco-indonésien du 28 juin 2021 est une nouvelle étape de l’approfondissement des relations entre les deux pays, qui prend toute son importance dans la situation actuelle.
La France a pris conscience il y a une dizaine d’années que l’Indonésie devenait un partenaire incontournable dans la zone indopacifique, en raison d’abord de sa position géographique, qui lui confère un rôle clé dans la stabilité et la prospérité de la région. Cet État archipélagique de 17 000 îles est le plus grand d’Asie du Sud-Est. Situé au carrefour stratégique des océans Indien et Pacifique, il contrôle des détroits majeurs, notamment celui de Malacca, par lequel transite une part considérable du commerce maritime international.
L’Indonésie est aussi la quatrième puissance démographique au monde, avec plus de 285 millions d’habitants. Sa croissance économique soutenue – avec un produit intérieur brut (PIB) qui augmente en moyenne de 5,3 % par an – lui assure la première place au sein de l’ASEAN et la seizième dans le monde.
Conscient de ses atouts, notamment depuis l’arrivée au pouvoir du président Prabowo Subianto en octobre 2024, le pays affiche de plus en plus clairement ses ambitions internationales et s’engage plus activement encore au sein de l’ASEAN, dont le siège est à Jakarta, ainsi qu’au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU). Depuis le mois de janvier dernier, l’Indonésie est membre du groupe des BRICS+.
L’Indonésie a opté pour une stratégie de non-alignement. Sa diplomatie très active et très ouverte cherche, comme la France d’ailleurs, à multiplier les partenariats autant que faire se peut. Cette diplomatie à 360 degrés l’amène à entretenir des liens sans exclusive avec la Chine, les États-Unis, l’Union européenne, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud : tous des pays qui ont compris l’intérêt stratégique qu’elle revêt. La France peut y trouver son intérêt. Comme l’ont dit les diplomates auditionnés pour la préparation de l’examen de ce texte, il y a aujourd’hui beaucoup plus de « fées autour du berceau ».
L’Indonésie a aussi des aspects moins vertueux. Elle a une marge de progression en matière de droits humains, de droits des femmes – nonobstant les avancées réalisées depuis quelques années –, de peine capitale et de traitement des minorités. En matière d’écologie, la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre y sont significatives.
Il ne faut ni taire ni minimiser ces aspects, sans toutefois négliger le contexte global dans lequel se déploie notre relation bilatérale. L’Indonésie s’inscrit pleinement dans la stratégie française en Indopacifique, qui vise à préserver un espace ouvert, fondé sur le respect du droit international ainsi que du multilatéralisme, et qui identifie l’ASEAN comme un enjeu d’influence.
Dans ce contexte, les échanges politiques de haut niveau entre la France et l’Indonésie se sont intensifiés. Cette dernière apprécie le respect de sa souveraineté, dont nous faisons preuve dans le cadre de notre partenariat en matière de sécurité, de défense et d’équipement. Elle est très sensible à l’engagement constant de la France pour la stabilité régionale. Comme l’a indiqué par écrit son ambassade à Paris, le pays souhaite faire de l’Indopacifique une région de coopération plutôt que de compétition.
Notre coopération bilatérale excède le cadre de la défense et de la sécurité. L’Agence française de développement (AFD), présente dans ce pays depuis 2007, gère un portefeuille de 3 milliards d’euros concentré sur les secteurs de l’énergie, des transports, de la préservation de la biodiversité et de la mer. Sur le plan commercial, nos échanges ont plus que doublé en dix ans, atteignant 1,3 milliard d’euros d’exportations en 2023, au sein desquelles le secteur aéronautique domine.
L’Indonésie est le deuxième client de notre industrie de défense dans la zone Asie-Pacifique. De 2013 à 2024, ses prises de commande ont dépassé 10 milliards d’euros, notamment grâce aux contrats portant sur quarante-deux Rafale et deux sous-marins Scorpène.
La relation bilatérale de défense s’est récemment intensifiée grâce à plusieurs actions. Les échanges ministériels de haut niveau se sont faits plus réguliers. L’Institut français de défense et de diplomatie, piloté par la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des armées, a joué un rôle structurant.
Historiquement, ce partenariat était centré sur l’armement. Il se diversifie de plus en plus pour inclure davantage d’interactions de nature militaire, notamment des propositions d’exercices conjoints et des escales aériennes – dans le cadre de la mission Pégase – et navales – le groupe aéronaval (GAN) français ayant été accueilli pour la première fois à Lombok en janvier 2025. La coopération de défense comprend aussi de la formation, notamment dans le domaine de l’artillerie, depuis que l’Indonésie a fait l’acquisition de camions équipés d'un système d'artillerie Caesar.
Il convenait de consolider durablement cette coopération. Il était devenu indispensable de doter notre partenariat, qui reposait sur un simple arrangement technique conclu en 2012, d’un cadre juridique renforcé. Tel est l’objet de l’accord que nous examinons, qui comporte les clauses figurant habituellement dans les accords de défense conclus par la France, en douze articles et une annexe. Cette brièveté est due à l’absence de clause relative au statut des forces armées.
L’article 4 énumère les nombreux domaines de coopération possibles, de la science et de la technologie dans l’industrie de défense au maintien de la paix, auxquels l’Indonésie tient particulièrement, en passant par l’aide humanitaire, la lutte contre la piraterie et le terrorisme ou des productions communes. Cette coopération pourra prendre la forme de consultations, d’échanges stratégiques et d’exercices conjoints, et inclure toute activité liée à la défense, sous réserve d’un accord mutuel. Conformément à l’échange des lettres des 18 août et 9 novembre 2023 validées par le Conseil d’État, les exercices militaires devront se dérouler hors du territoire indonésien, sauf conclusion d’un accord particulier.
L’article 5 institutionnalise un cadre de gouvernance plus clair et plus structuré. Un comité sera notamment chargé de la mise en œuvre de l’accord, coprésidé par le directeur général de la DGRIS, pour la France, et par le directeur général pour la stratégie de défense pour l’Indonésie. Ce comité se réunira annuellement et fixera les grandes orientations stratégiques tout en supervisant les activités de coopération, dont il évaluera les résultats. L’inscription de ce comité et de sa réunion annuelle dans un accord intergouvernemental institutionnalise la coopération et garantit un cadre pérenne.
L’article 7 ouvre la voie à la négociation d’un accord de statut des forces à l’étranger (SOFA), clé de voûte de l’avenir de notre coopération de défense. Il a été convenu avec l’Indonésie d’attendre la finalisation des procédures d’entrée en vigueur de l’accord du 28 juin 2021 avant d’ouvrir cette négociation.
L’article 10 prévoit une clause d’effort visant à la conclusion d’un accord de sécurité, dédié à l’échange et à la protection réciproque des informations et matériels classifiés. Cette négociation est en cours. La France et l’Indonésie ont échangé plusieurs propositions de texte.
L’accord qui nous est soumis n’est donc, comme l’a indiqué notre ambassadeur en Indonésie, qu’une « première étape » de notre coopération de défense avec l’Indonésie. Il offre un cadre juridique plus complet que l’arrangement de 2012, ce qui renforce la sécurité juridique des activités conjointes des deux pays et servira de base pour construire un véritable partenariat stratégique.
En Indopacifique, nous avons d’ores et déjà signé semblables accords avec les îles Fidji, en décembre 2023, et avec Djibouti en juillet 2024. Le contexte rend indispensable l’approfondissement de ce partenariat encore à l’état d’ébauche, notamment en concluant un SOFA offrant une protection juridictionnelle aux forces armées françaises, facilitant leur séjour et clarifiant les compétences respectives des juridictions pénales de l’État d’envoi et de l’État d’accueil. Il offrira également des avantages logistiques. Il est donc important que la France maintienne intacte cette ambition et convainque le partenaire indonésien de l’importance de ce complément juridique.
Compte tenu de la spécificité de la situation internationale, il importe de diversifier nos accords avec des pays tiers. Je vous invite donc à autoriser l’approbation de cet accord du 28 juin 2021, que l’Indonésie a d’ores et déjà ratifié, pour qu’il puisse ainsi entrer en vigueur.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. La commission de la défense nationale et des forces armées a émis à l’unanimité, le 12 février dernier, un avis favorable sur ce projet de loi. L’approbation de l’accord de défense nous semble nécessaire pour plusieurs raisons.
L’Indonésie est un partenaire stratégique de la France en Indopacifique. L’accord de défense dont nous discutons en est l’illustration concrète. Début février, le GAN, structuré autour du porte-avions Charles de Gaulle, a fait escale pour la première fois de son histoire en Indonésie, à Lombok.
Je salue la décision historique de notre partenaire indonésien d’autoriser cette escale. Elle représente un jalon essentiel de l’approfondissement de notre relation bilatérale de défense, dans une région du monde appelée à devenir l’épicentre des équilibres et des ruptures géopolitiques. Renforcer notre réseau de partenaires en Indopacifique permettra à la France d’asseoir sa stratégie, dont le premier pilier est dédié à la sécurité et à la défense.
Notre coopération bilatérale repose essentiellement sur l’armement. L’Indonésie est notre deuxième client à l’export en matière d’armement dans la zone indopacifique. La moitié du budget d’acquisition de défense indonésien va à des achats de matériels français. L’Indonésie a fait confiance à nos industriels pour lui fournir des capacités militaires de pointe. Elle a notamment signé des contrats visant à l’acquisition de quarante-deux Rafale, en 2022, à la fourniture par Naval Group de deux sous-marins Scorpène, en 2024, et à la fourniture par KNDS de canons Caesar.
Cet accord permettra d’aller plus loin, en renforçant et en pérennisant le cadre juridique de la relation bilatérale de défense entre la France et l’Indonésie. Il constitue un premier jalon essentiel sur la voie d’une pérennisation de nos relations, mais non suffisant.
L’approfondissement du cadre juridique bilatéral sera véritablement achevé lors de la conclusion par les parties d’un SOFA et d’un accord de sécurité relatif à l’échange d’informations classifiées. Le ministère des armées et le Quai d’Orsay, lors de leur audition, ont indiqué que la conclusion d’un SOFA est une priorité pour la France. Cela exige du temps. Nos diplomates en font une priorité.
Mme Got et moi-même avons exactement le même avis sur l’accord. Il incombera à nos deux commissions, dans les mois à venir, de vérifier, dans le cadre de leur mission de contrôle, que la négociation relative à ces deux clauses d’effort progresse et, je l’espère, de vous informer de l’issue favorable de ces négociations.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.
M. Michel Guiniot (RN). L’accord que nous examinons pose des jalons dans la relation militaire que nous entretenons avec l’Indonésie, en particulier dans le domaine de la défense. Ce sujet ressortissait précédemment d’un accord technique de 2012, insuffisamment solide.
Les tractations avec l’Indonésie pour conclure un accord standard, tel celui que nous avons récemment conclu avec l’Espagne, ont suscité des réserves du Conseil d’État au motif qu’il n’offrait pas suffisamment de garanties au personnel militaire français déployé et contrevenait aux engagements conventionnels de la France.
Deux adaptations se sont donc avérées nécessaires. À l’article 7 d’abord, faute de parvenir à la conclusion d’un SOFA, les parties prévoient qu’elles s’efforceront d’en conclure un pour offrir aux personnels déployés un statut juridique particulier et dérogatoire. Faute de SOFA, la protection de nos troupes déployées en Indonésie est insuffisante. En conséquence, il sera impossible de réaliser des exercices sur le territoire indonésien, en raison de législations contraires à notre droit. Par ailleurs, aucune équivalence dans les niveaux de classification des échanges n’étant envisageable, l’accord constate, à l’article 10, l’absence d’accord et la nécessité de conclure une clause prochainement. Des échanges sont en cours pour donner à ces deux clauses leur plein effet.
La ratification de l’accord est rendue nécessaire par la nécessité d’entretenir de bonnes relations commerciales et militaires avec cet État de la zone indopacifique, où il nous faut des alliés. Toutefois, il ne comporte aucune disposition nous permettant d’engager des opérations conjointes sur le territoire indonésien. Il est donc plus un échange d’intentions que la formalisation d’une coopération à venir. Quelles assurances les forces déployées dans le cadre des opérations Clemenceau 25 et La Pérouse 25 ont-elles qu’elles ne feront pas l’objet d’une application stricte de la loi de la charia, comme le relève le site France Diplomatie ?
Mme Pascale Got, rapporteure. Certes, il s’agit d’une première étape. L’Indonésie n’a conclu qu’un accord de défense, à ce jour, avec la Papouasie‑Nouvelle-Guinée. Elle a besoin d’un peu de temps.
S’agissant de l’impossibilité de réaliser un exercice conjoint sur le sol indonésien, elle peut être contournée pour un exercice spécifique par le biais d’une convention à l’objet précis conclue entre les deux pays.
M. Franck Riester (EPR). Le groupe Ensemble pour la République partage l’analyse et les conclusions des rapporteures. Cet accord important pour notre politique de défense et de notre présence en Indopacifique est un beau symbole du renforcement de notre partenariat stratégique avec l’Indonésie, et plus généralement des liens qui nous unissent avec ce pays qui aime la France.
Acteur majeur de la région – les chiffres qui ont été rappelés sont éloquents –, ce pays souhaite ardemment renforcer le partenariat avec la France. Approuver l’accord enverra un signal fort. Notre partenariat de défense a un potentiel de déploiement considérable. Je me réjouis à mon tour de ses aspects positifs et aspire à la réalisation des progrès qui s’imposent.
Le développement de nos relations économiques et commerciales n’est pas moins essentiel, non seulement dans le secteur de la défense mais aussi dans l’économie bleue, l’aéronautique, l’énergie et l’avènement de la ville durable. Pour m’être rendu en Indonésie en tant que ministre du commerce extérieur, je considère que nous devons accélérer notre partenariat et que les entreprises françaises doivent miser sur ce pays.
Notre groupe est favorable à l’approbation de l’accord, qui constitue une étape du renforcement de notre partenariat stratégique et est un signal très fort envoyé aux Indonésiens de notre volonté d’approfondir notre amitié.
Mme Pascale Got, rapporteure. Il faut en effet élargir notre coopération économique par-delà le secteur de la défense. On compte plus de 200 filiales d’entreprises françaises en Indonésie, employant environ 54 000 personnes.
Le nouveau président est très francophile. Dès son élection, nos relations se sont intensifiées, la France étant perçue comme engagée dans une stratégie de maintien de la paix dans la zone, ce qui importe beaucoup à ce pays et favorise le développement de relations, notamment économiques.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je me réjouis que notre commission examine enfin cet accord, quatre ans après sa conclusion. Je me réjouis aussi d’entendre parler d’une politique de non-alignement, ce qui n’est pas si fréquent. Notre groupe essaie de promouvoir cette vision en France.
L’Indonésie est un membre historique du mouvement des non-alignés et l’un des rares grands pays le composant à conserver cette position. Quatrième pays le plus peuplé au monde, seizième économie mondiale, ce pays a conclu des accords de défense bilatéraux avec la Russie et la Chine mais aussi avec l’Australie. Il est l’un des rares à mener des exercices navals conjoints avec les Américains comme avec les Chinois.
Notre groupe soutient l’approbation de l’accord. Nous n’en regrettons pas moins que la politique militaire de la France demeure très éloignée des principes du non-alignement, quoi qu’en ait dit le ministre Lecornu lors de son déplacement en Indonésie. La France est dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ; elle a conclu des alliances dont dépendent très largement ses possibilités d’action. Tel n’est pas le cas de l’Indonésie.
Le lien bilatéral noué avec ce pays est important : il a déjà été question de son président francophile ou de ses achats d’armes auprès de la France, sachant que nous devons encourager les exportations françaises. Le point noir est la Papouasie, qui a rejoint l’Indonésie en 1969 à la suite d’un référendum validé par la communauté internationale mais où les violations des droits des minorités et du pluralisme politique sont inacceptables. La France devra trouver des leviers pour faire évoluer son partenaire indonésien sur ce sujet.
Mme Pascale Got, rapporteure. Le non-alignement de l’Indonésie est un point très important. L’Indonésie siège à l’ONU et elle est membre de l’ASEAN et des BRICS+, ce qui en fait un interlocuteur fort.
Mais j’ai aussi évoqué des points de progression, dont les droits des minorités font évidemment partie. Ce sujet fait partie de ceux qui sont abordés dans les discussions avec la France. Cela reste incontestablement un point très problématique.
M. le président Bruno Fuchs. Je partage vos premiers propos, Monsieur Taché : je me plains régulièrement au gouvernement du délai qui s’écoule entre la signature d’un traité ou accord international et l’examen du projet de loi en autorisant l’approbation ou la ratification par le Parlement : quatre ans en l’espèce. Il faut accélérer, sans quoi les débats n’auront plus guère d’autre utilité que formelle.
M. Stéphane Hablot (SOC). Depuis soixante-dix ans, la France et l’Indonésie entretiennent des relations solides. Cette coopération est censée participer à la stabilité régionale et internationale, dans un contexte où l’Indopacifique est soumis à des tensions croissantes. Les enjeux sont importants : renforcer la sécurité régionale ; pérenniser nos intérêts économiques ; garantir la paix ; lutter contre le terrorisme ; sécuriser les routes maritimes.
Le groupe Socialistes et apparentés approuve cet accord tout en restant vigilant sur trois points. Premièrement, le texte ne définit pas les modalités de la présence et de l’intervention des forces françaises : il constitue une étape et il convient maintenant de renforcer le cadre juridique bilatéral par la conclusion d’un SOFA. Deuxièmement, quel sera l’impact écologique de cet accord, étant donné que la coopération entraînera des conséquences environnementales : pollution maritime, dégradation des écosystèmes ? Enfin, nous ne pouvons fermer les yeux sur la question des droits humains : les garanties en la matière demeurent insuffisantes, bien que des progrès aient été accomplis.
Il est essentiel de faire toute la lumière sur ces points afin de garantir une coopération claire, équilibrée, durable et qui soit à la hauteur des défis du XXIe siècle, y compris en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et de la femme.
Mme Pascale Got, rapporteure. Il s’agit d’une coopération en matière de défense mais j’ai souligné dans le rapport les problèmes relatifs aux droits humains et à l’environnement. Le nouveau président a compris que les pays étrangers avec lesquels il nouera des partenariats, dont fait partie la France, seront attentifs à ces sujets. L’intensification de nos relations au-delà du domaine de la défense permettra certainement d’améliorer la situation. Des efforts ont déjà été entrepris.
M. Michel Herbillon (DR). La coopération avec l’Indonésie, grand pays un peu méconnu bien qu’il soit le deuxième pays musulman au monde, constitue un enjeu majeur.
J’ai souligné dans mon rapport d’information sur la place de la France dans l’Indopacifique l’importance du rôle joué par l’Indonésie dans cette région. Le renforcement des relations entre nos deux pays montre que la France est en mesure de proposer aux pays de cette zone une alternative au choix entre la Chine et les États-Unis.
Les accords de défense entre la France et l’Indonésie sont importants et sont appelés à se renforcer. Cela étant, il convient de développer des coopérations dans d’autres domaines, notamment la culture ou le développement durable, où notre pays a un savoir-faire : par exemple en matière d’assainissement, de traitement des ordures ménagères ou de lutte contre la pêche illégale.
Je salue le travail de grande qualité réalisé par l’équipe diplomatique française sur place, qui développe un tissu de relations entre nos deux pays. La francophilie du nouveau président indonésien est un atout. Nous devons être vigilants en matière d’environnement et de droits humains.
Mme Pascale Got, rapporteure. Je me félicite des relations faciles et courtoises que nous avons entretenues avec la diplomatie indonésienne par écrit. Cela illustre une manière de voir les choses culturellement assez semblable et donne peut-être l’espoir d’une amélioration des points noirs que nous évoquions.
Les pays européens pourraient sans doute faire profiter ce pays de leur savoir-faire dans les domaines de la culture ou de la santé.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’Indonésie, puissance émergente dynamique, est un poids lourd de l’ASEAN. Votre travail démontre l’intérêt d’un renforcement de la relation franco-indonésienne, enjeu important de notre stratégie indopacifique.
La diplomatie indonésienne, soucieuse de n’être vassalisée par aucune puissance étrangère, construit dans le cadre d’une politique extérieure résolument non alignée un équilibre au sein duquel la relation avec la France pourrait trouver une place privilégiée.
Le texte, qui est conforme aux standards juridiques français et internationaux, ne comporte aucune clause relative au statut des forces à l’étranger, en raison d’une sensibilité particulière de l’Indonésie aux enjeux de souveraineté. De ce fait, les exercices visés par l’accord ne pourront se dérouler qu’en dehors du territoire de l’Indonésie. Dans la pratique, cela rend l’accord en grande partie inopérant. Il constitue néanmoins un premier pas dans l’attente de la conclusion d’un SOFA complémentaire, auquel une clause d’effort fait référence. L’absence de ce statut s’explique par le refus du gouvernement indonésien de garantir le respect des garanties procédurales françaises et la non-application de la peine de mort.
Le groupe Écologiste et social est favorable à une coopération renforcée entre la France et l’Indonésie, qui est une puissance de stabilisation dans la région et participe activement aux organisations internationales et aux opérations menées par les casques bleus. Il insiste sur l’importance des conditions nécessaires à une coopération militaire renforcée, rappelées par le Conseil d’État. Il alerte néanmoins sur les atteintes aux droits humains et le recours persistant à la peine de mort ; la France doit rester vigilante en la matière.
Enfin, il appelle à une coopération renforcée dans le domaine maritime, qui se traduirait par des collaborations civilo-militaires pour réaliser des tâches multiples, allant des patrouilles aux opérations de sauvetage en mer et des actions de protection civile à celles menées par des navires de combat en première ligne.
Mme Pascale Got, rapporteure. Nous partageons entièrement votre constat. La coopération maritime s’intensifie, ainsi qu’en témoigne l’escale de notre porte-avions à Lombok. Quant à l’absence d’une clause relative au statut des forces et protégeant les informations classifiées, elle réduit bel et bien la portée de l’accord. Je répète qu’il s’agit d’une première étape mais qu’un accord complémentaire devra être rapidement négocié, sans quoi il restera bancal et fragile.
M. Frédéric Petit (Dem). Cet accord permettra d’ancrer davantage l’influence de la France dans cette région, qui fait souvent l’objet de discussions dans notre commission s’agissant des aspects sécuritaires, bien sûr, mais aussi maritimes. Un accord en matière environnementale a par exemple déjà été conclu à l’Ouest de l’Indopacifique.
L’impact de cet accord sur les accords multilatéraux en vigueur dans la région a-t-il été évalué, dans le domaine environnemental, donc, mais aussi les domaines douanier, sécuritaire, policier ou commercial ? Par ailleurs, la zone d’exclusion maritime fait-elle partie des territoires dans lesquels nous n’avons pas le droit de mener des opérations ?
Mme Pascale Got, rapporteure. Les autres matières sur lesquelles peuvent porter les accords en vigueur n’ont pas été abordées lors des auditions que nous avons menées. Nous nous sommes concentrés sur cet accord de défense, que nous nous sommes appliqués à rendre plus complet.
En vertu du droit coutumier, les escales de bâtiments de la marine sont pour leur part autorisées.
Mme Laetitia Saint-Paul (HOR). Le groupe Horizons & indépendants est très favorable à cet accord, alors que nous fêtons les soixante-quinze ans de la relation franco-indonésienne. Les symboles sont importants. L’accord s’inscrit dans le cadre de la stratégie indopacifique que nous menons depuis 2018, en lien avec nos outre-mer. Le respect de l’accès aux espaces communs, qu’il s’agisse de grands fonds marins ou de haute mer, est de plus en plus contesté. Ils sont désormais des objets de prédation.
Les faits parlent d’eux-mêmes : l’Indonésie est notre deuxième client en matière d’armement derrière l’Inde : quarante-deux Rafale, des A400M, des canons Caesar, des sous-marins. Grâce à cet accord, la coopération en matière de renseignement sera aussi renforcée.
Il y a quelques semaines, le Charles de Gaulle a fait escale pour la toute première fois en Indonésie, ce qu’elle n’a pas l’habitude d’accepter. Cela marque‑t‑il un tournant ?
Mme Pascale Got, rapporteure. Cette escale, qui est un événement important, est de bon augure : elle laisse à penser que nous pourrons renforcer notre coopération, maritime comme terrestre, et démontre l’intérêt de la présence française dans cette zone sensible.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons à présent aux interventions et questions des autres collègues formulées à titre individuel.
Mme Christine Engrand (NI). L’accord de défense entre la France et l’Indonésie marque une étape importante dans notre présence en Indopacifique. Ce travail mérite d’être salué.
Néanmoins, son cadre juridique demeure insuffisant. Si la coopération industrielle est prometteuse, avec plus de 10 milliards d’euros de contrats signés ces dernières années, l’Indonésie reste un partenaire pragmatique, multipliant les alliances et diversifiant ses fournisseurs. La France ne doit pas être un simple acteur commercial mais un partenaire stratégique incontournable. Nous devons donc accélérer notre coopération.
La protection des forces engagées dans cette coopération est-elle garantie ? Quelle est la temporalité en la matière ? Par ailleurs, comment nous assurer que nos intérêts industriels ne seront pas remis en cause par des choix politiques opportunistes de l’Indonésie ?
Mme Pascale Got, rapporteure. Il n’existe aucun risque pour les forces car elles ne seront pas déployées en Indonésie. Quant à l’activité commerciale, la France est déjà le premier fournisseur d’équipement militaire du pays. Cet accord scelle une collaboration intensive en matière commerciale.
M. Alain David (SOC). Dans cette commission, nous évoquons régulièrement la contestation, plutôt effrayante, d’une certaine vision occidentale des relations internationales qu’exprime le « Sud global ». L’Indonésie est désormais membre permanent des BRICS+, groupe auquel appartiennent l’Égypte, l’Iran, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Éthiopie, qui se sont ajoutés au Brésil, à la Russie, à l’Inde, à la Chine et à l’Afrique du Sud.
Pourtant, le 24 février dernier, lors du vote de la résolution de l’ONU réaffirmant le soutien des Nations unies à l’Ukraine qui a tant fait parler, l’Indonésie n’a pas basculé dans le camp des contempteurs du multilatéralisme onusien aux côtés de la Russie et des États-Unis. Elle n’a pas davantage fait partie des pays ambigus, réfugiés dans le confort de l’abstention aux côtés de la Chine et des BRICS. Elle a bel et bien réaffirmé son soutien au droit international en votant avec les pays européens, le Canada et l’Australie. Y voyez-vous une crainte des velléités impérialistes de la Chine dans la zone indopacifique ou simplement un attachement sincère au système multilatéral qui est actuellement menacé ?
Mme Pascale Got, rapporteure. Il ressort de nos auditions que l’Indonésie est réellement attachée au multilatéralisme. Ils pratiquent une diplomatie à 360 degrés : comme ils ne souhaitent pas tomber sous la domination des États-Unis ou de la Chine, ils développent des partenariats avec d’autres pays et sont membres de nombreux organismes, parmi lesquels l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En outre, l’Indonésie est le cinquième contributeur mondial aux opérations de maintien de la paix, avec 2 800 soldats et policiers déployés, dont 1 250 au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). Leur souci d’ouverture se traduit par une participation au niveau international qui ne relève pas de la facétie.
Il me semble que nous avons tous compris l’intérêt d’approuver cet accord. Je remercie Valérie Bazin-Malgras pour son travail en commission de la défense : nous partageons les mêmes arguments.
*
Article unique (autorisation de l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense – ensemble une annexe –, signé à Paris le 28 juin 2021, complété par l’échange de lettres des 18 août 2023 et 9 novembre 2023)
La commission adopte l’article unique non modifié.
L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
TRAVAUX DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE
ET DES FORCES ARMÉES SAISIE POUR AVIS
Au cours de sa réunion du mercredi 12 février 2025 à 10 heures 30, la commission a examiné pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 536).
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je suis très honorée d’avoir été nommée rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense signé à Paris le 29 juin 2021, complété par l’échange de lettres des 18 août 2023 et 9 novembre 2023.
L’Indonésie est un partenaire stratégique de la France en Indo-pacifique. L’accord de défense que nous examinons en est la traduction concrète. La semaine dernière, le groupe aéronaval (GAN), structuré autour du porte-avions Charles de Gaulle, a fait escale pour la première fois de son histoire en Indonésie, à Lombok. Je salue la décision historique de notre partenaire indonésien d’autoriser cette escale. Cette décision constitue un jalon essentiel dans l’approfondissement de notre relation bilatérale de défense.
L’esprit de cet accord de défense s’inscrit dans la stratégie de la France dans l’Indo‑pacifique. Comme l’indique l’étude d’impact jointe au projet de loi, la situation de pivot de l’Indonésie entre les océans Indien et Pacifique confère à ce pays une position clé dans la stratégie de la France dans l’Indo-pacifique, laquelle vise à maintenir un espace ouvert, libre de toute forme de coercition et fondé sur le respect du droit international ainsi que du multilatéralisme.
À l’heure où le théâtre indopacifique se transforme chaque jour davantage en un espace de confrontation entre les États-Unis et la Chine, la France entend s’affirmer comme une puissance pourvoyeuse de stabilité et respectueuse du droit international. La diplomatie française refuse la politique du fait accompli de compétiteurs toujours plus offensifs, qui contestent la liberté de circulation maritime dans des détroits ô combien essentiels à la sécurisation du commerce mondial. Renforcer notre réseau de partenaires en Indo-pacifique permettra à la France d’asseoir sa stratégie dans la région, en apparaissant comme une puissance incontournable dans la zone.
Pour la France, l’espace indopacifique est une réalité géographique. Elle y est présente grâce à ses départements et régions d’outre-mer (Drom) et à ses activités ultramarines à statut particulier, soit une population totale de 1,65 million d’habitants. Ainsi, 93 % de la zone économique exclusive (ZEE) française est située dans les océans Indien et Pacifique.
Par ailleurs, environ 150 000 Français résident dans les pays de la zone, plus de 7 000 filiales d’entreprises y sont implantées et 8 300 militaires y sont en mission au sein de forces prépositionnées et des forces de souveraineté. Le rôle de la France est aussi de protéger ses concitoyens et ses territoires, si éloignés soient-il de l’Hexagone. Le premier pilier de la stratégie de la France dans l’Indo-pacifique est dédié à la sécurité et à la défense. Sa mise en œuvre repose en grande partie sur la présence militaire française et sur les partenariats de défense bilatéraux conclus dans la zone.
Dans ce contexte, l’Indonésie est pour la France un partenaire stratégique. Conformément aux principes énoncés lors de la conférence de Bandung en 1955, l’Indonésie mène une politique étrangère libre et active, sous-tendue par la stratégie « mille amis, zéro ennemi » visant le maintien primordial de la stabilité régionale au moyen d’une multiplication des alliances afin de se prémunir contre les menaces.
Ce faisant, le partenaire indonésien s’inscrit dans la stratégie française en Indo‑pacifique. Lors de sa visite il y a dix jours, le ministre Sébastien Lecornu a déclaré : « Notre diplomatie est celle du non-alignement, du refus des blocs ». L’Indonésie, quatrième pays le plus peuplé au monde, est un partenaire stratégique dans la région. Son président, qui a été ministre de la défense, est francophile. Il refuse délibérément la logique de blocs. L’Indonésie est, avec Singapour et le Vietnam, l’un des trois partenaires stratégiques de la France en Asie du Sud-Est.
Pour l’heure, notre coopération bilatérale repose essentiellement sur l’armement. L’Indonésie est notre deuxième client à l’export en matière d’armement dans la zone Asie‑Pacifique. La moitié de son budget d’acquisition de matériels de défense est allouée à des achats de matériels français.
La capacité française à assurer des transferts de production ou de technologie au profit de la base industrielle et technologique de défense (BITD) indonésienne constitue l’un des atouts majeurs de la BITD française. L’Indonésie a fait confiance à nos industriels pour lui fournir des capacités militaires de pointe. Elle a notamment signé un contrat d’acquisition de quarante-deux Rafale en 2022 et un autre avec Naval Group en 2024 pour la fourniture de deux sous-marins Scorpène. Elle a également acheté à KNDS des canons Caesar.
C’est aussi grâce à l’Indonésie que la voix de la France porte dans la région, car elle nous a permis d’être admis au sein du format de défense de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean). L’Indonésie prône un rôle central de cette organisation régionale dans la résolution des conflits de la zone.
Le présent accord nous permettra d’aller plus loin en renforçant et en pérennisant le cadre juridique de la relation bilatérale de défense entre la France et l’Indonésie. Il permet à la France d’accéder au statut de partenaire stratégique reconnu par l’Indonésie, puissance régionale majeure dans la région indopacifique. Il a vocation à remplacer l’arrangement technique de 2012, signé par les ministres de la défense et régissant jusqu’à présent les relations bilatérales de défense.
Il constitue un premier jalon sur la voie d’une pérennisation de nos relations, essentiel mais non suffisant. L’approfondissement du cadre juridique bilatéral sera véritablement achevé lors de la conclusion par les parties d’un accord relatif au statut des forces et d’un accord de sécurité relatif à l’échange d’informations classifiées, qui ne figurent pas dans le présent accord.
Dans le domaine de la défense, la France conclut traditionnellement avec ses partenaires des accords de coopération et de statut des forces. Toutefois, il arrive à la France de conclure des accords de coopération dans le domaine de la défense dépourvus d’accord sur le statut des forces, ces derniers prévoyant le cas échéant une clause d’effort visant la conclusion d’un accord de statut des forces. Tel est le cas dans le présent traité.
Les clauses relatives au statut des forces permettent notamment de traiter de l’articulation entre la compétence des juridictions pénales de l’État d’envoi et celles de l’État d’accueil, et de faciliter l’entrée, le séjour et la sortie du territoire de la partie d’accueil des personnels de la partie d’envoi, ainsi que l’importation de matériel en exonération de droits de douane et de taxes.
La conclusion d’une telle clause imposerait à la partie indonésienne le respect de garanties procédurales conformes aux engagements constitutionnels et conventionnels de la France, telles que la protection contre la peine de mort et contre la torture. Cette précision est fondamentale concernant notre accord de défense avec l’Indonésie, où la peine de mort est toujours applicable, fût-elle suspendue dans son application par un moratoire sur les exécutions depuis 2016. L’Indonésie est très réticente à conclure des accords de statut des forces, qu’elle considère comme un reniement partiel de sa souveraineté. Elle n’en a conclu qu’un, avec la Papouasie‑Nouvelle-Guinée.
Par ailleurs, le Conseil d’État a considéré que l’accord qui nous est soumis ne comporte pas les garanties sociales essentielles de nature à assurer la protection effective du personnel français déployé en Indonésie, s’agissant notamment du prononcé de peines incompatibles avec les principes constitutionnels et les engagements conventionnels de la France. Il a donc conditionné son avis favorable à la production d’un accord sous forme d’échange de lettres stipulant que les exercices militaires interalliés mentionnés dans l’accord devront se dérouler, dans l’attente de la conclusion d’un accord sur le statut des forces, hors du territoire indonésien, sauf conclusion d’un accord propre à l’exercice concerné contenant les garanties précitées. L’accord de défense est donc complété par deux lettres échangées à cet effet entre la partie française et indonésienne.
Cet échange de lettres permet de protéger nos soldats déployés dans la région en l’absence d’accord sur le statut des forces. Il me semble fondamental que cette clause d’effort aboutisse à tel accord à moyen terme. Le ministère des armées et le Quai d’Orsay, lors de leurs auditions, ont affirmé que la conclusion d’un accord réciproque relatif au statut des forces demeure une priorité pour la France.
Toutefois, il a été convenu avec le partenaire indonésien d’attendre que les procédures françaises et indonésiennes d’entrée en vigueur du présent accord soient finalisées avant d’ouvrir les négociations d’un tel accord. Par ailleurs, l’acceptation récente par les autorités indonésiennes de l’escale du GAN français constitue une avancée majeure dans la coopération bilatérale de défense, que certains interprètent comme un signal positif dans la perspective des négociations relatives à un accord sur le statut des forces.
Enfin, une clause d’effort similaire a été insérée dans l’accord afin de parvenir à un accord de sécurité relatif à l’échange d’informations classifiées. Les négociateurs français semblent relativement optimistes sur leur capacité à parvenir, dans un délai raisonnable, à la signature d’un tel accord. Les négociations ont commencé et progressent relativement bien.
La coopération bilatérale sera véritablement approfondie lorsque ces deux dernières clauses auront été approuvées. Cela demande du temps, mais nos diplomates en font une priorité. Au demeurant, l’accord de coopération dans le domaine de la défense couvre un large spectre d’activités réalisables sur les territoires des deux parties pleinement susceptibles d’être mises en œuvre en l’absence d’accord sur le statut des forces. Il s’agit notamment d’activités de coopération en matière de renseignement, d’enseignement, de formation, de sciences et de technologie, d’industrie de défense, de maintien de la paix, d’aide humanitaire, de secours aux sinistrés, de lutte contre la piraterie et le terrorisme, d’équipement de défense, de production commune, de recherche, de développement et de soutien.
Sur le sujet tristement d’actualité des secours aux sinistrés en cas de catastrophe naturelle, l’accord permettra de faciliter l’assistance des militaires français prépositionnés dans la zone ou projetés depuis l’Hexagone vers l’Indonésie. Les armées françaises ont déjà porté secours à l’Indonésie sinistrée et seront prêtes à le faire encore si l’Indonésie en fait la demande.
En définitive, l’accord a vocation à pérenniser et à renforcer la coopération bilatérale en matière de défense entre la France et l’Indonésie. Même s’il ne comporte pas d’accord sur le statut des forces ni d’accord de sécurité, il représente un jalon majeur dans l’approfondissement et la pérennisation des relations de défense entre les deux parties.
Grâce à lui, la France accède véritablement au rang de partenaire stratégique de l’Indonésie. Le succès des négociations relatives à un accord sur le statut des forces doit demeurer une priorité, car il permettra de franchir un cap dans la coopération en rendant possible les exercices militaires conjoints sur le sol indonésien.
J’émets un avis favorable à l’adoption du projet de loi autorisant l’approbation de cet accord.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Frank Giletti (RN). Le groupe Rassemblement national fait souvent état, notamment dans cette commission, des lacunes de notre diplomatie, notamment en Afrique où notre niveau d’influence n’a jamais été aussi bas, au point de se faire purement et simplement éjecter. Toutefois, nous ne pouvons que saluer les récents efforts de positionnement dans certaines zones clés.
Tel est le cas en Indonésie. La France a tout intérêt à renforcer ses relations avec ce pays jouxtant la mer de Chine méridionale, zone éminemment stratégique. Économiquement, l’Indonésie profite de six détroits majeurs et de son ouverture sur la mer de Chine méridionale, par laquelle transite un tiers du commerce mondial. Militairement, les tensions sino-américaines s’y sont cristallisées dans les dernières années, à tel point que certains y voient l’épicentre d’un futur conflit majeur, voire mondial. La France doit contribuer au maintien des routes maritimes et d’un espace ouvert et libéré de toute forme de coercition, fondé sur le respect du droit international et du multilatéralisme.
Nos contrats industriels avec l’Indonésie se portent bien. Le fort intérêt indonésien pour la qualité des équipements de défense français, notamment les avions de combat Rafale, les avions de transport militaire A400M, les canons Caesar et les sous-marins Scorpène, offre des pistes de partenariat. La conclusion en 2022 d’un contrat d’exportation de quarante-deux Rafale est un franc succès. Sa réalisation est en cours. En 2024, la signature d’un contrat de livraison de deux sous‑marins Scorpène par la France et Naval Group est également un succès.
En matière opérationnelle, grâce à notre coopération dans le cadre des exercices Pégase 2024 et La Pérouse 2025, les forces françaises et indonésiennes, notamment les forces aériennes, sont fréquemment en contact. La mission Clemenceau 2025 a permis au GAN, articulé autour du porte-avions Charles‑de‑Gaulle, de manœuvrer en Indonésie, ce qui constitue un record de projection pour notre porte-avions.
L’accord permet à la France, pays riverain de l’Indo-pacifique, de continuer à œuvrer toujours plus pour un espace libre, ouvert et stable. Il permet d’accentuer notre coopération avec un pays allié et favorise le développement d’accords industriels et commerciaux bénéfiques à nos deux nations. Je tiens à féliciter, au nom de notre groupe, nos diplomates et nos militaires qui ont contribué à sa conclusion. Nous y sommes favorables.
M. Sylvain Maillard (EPR). L’accord de défense dont il nous est demandé d’approuver la ratification, même s’il a vocation à être complété, notamment par la conclusion d’un accord sur le statut des forces, est largement développé. Il renforce nos liens avec ce partenaire stratégique qu’est l’Indonésie.
Il y a quelques mois, je me suis rendu en Nouvelle-Calédonie, où se trouve l’une de nos trois forces de souveraineté de la zone indopacifique. J’ai pu constater à quel point cette région est soumise aux tensions géopolitiques, qu’il importe d’y être et de compter, et combien il est essentiel, pour la France, de s’appuyer sur des partenaires fiables.
À cet égard, notre relation avec l’Indonésie est très complète, et sa confiance dans notre matériel militaire solide. La visite du ministre Sébastien Lecornu en Indonésie au début du mois a rappelé combien cet enjeu de défense s’avérera crucial dans les prochaines années.
L’accord qui nous est soumis va pleinement dans le bon sens. Notre groupe en approuvera la ratification, qui coïncide avec le soixante-quinzième anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre le France et l’Indonésie. Sur quel grand sujet de politique régionale nos deux pays devront-ils plus particulièrement coopérer dans les années à venir ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Parmi les sujets dont j’ai dressé la liste exhaustive, la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de l’environnement devraient occuper une place centrale.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Président du groupe d’amitié France‑Indonésie, je me réjouis que l’accord de défense entre nos deux pays nous soit soumis, non sans déplorer qu’il le soit près de quatre ans après sa signature. Au groupe La France insoumise, nous nous félicitons que le ministre des armées rejoigne enfin nos positions diplomatiques s’agissant de la nécessité du non alignement dans la zone Pacifique. L’importance de la présence française dans cette zone n’est pas à démontrer, en Polynésie et en Kanaky Nouvelle-Calédonie.
À présent, il faut faire coïncider les paroles et les actes. L’Indonésie est ancrée dans la tradition du non alignement, héritée de son histoire. Elle réalise la prouesse diplomatique, dans une zone névralgique, de coopérer avec toutes les parties prenantes tout en restant fidèle à l’histoire du mouvement des non-alignés et à l’esprit de la conférence de Bandung. Ainsi, elle mène des exercices militaires conjoints avec la Chine comme avec les États-Unis.
Ce non-alignement a des conséquences sur les relations entre la France et l’Indonésie. Les Indonésiens font le choix de se fournir en armes françaises ; la BITD française concentre 50 % du budget d’acquisition de défense indonésien. L’accord consacre cette logique d’achat français et accentue la coopération entre nos deux pays, notamment en matière de renseignement. Cela va dans le bon sens. Cependant, nous ne pouvons pas ne pas évoquer le recours à la peine de mort, les menaces à répétition envers la communauté LGBT et la situation en Papouasie.
S’il est acquis, par un échange de lettres visant à la protection de nos soldats, qu’aucune opération ne sera menée en territoire indonésien, quel était le statut de nos soldats lors de l’escale du Charles-de-Gaulle en Indonésie ? Ont-ils été autorisés à quitter le bord ? Si tel est le cas, quel était leur statut de protection vis‑à‑vis du droit indonésien ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je comprends votre impatience concernant la mise en œuvre de l’accord, signé il y a quelques années et complété par des échanges de lettres en raison des garanties nécessaires, mais rien de tout cela n’est exorbitant de la temporalité diplomatique normale.
L’escale du Charles-de-Gaulle a été encadrée par le droit international coutumier, en vertu du principe de libre accès aux eaux intérieures des navires de guerre étrangers et du principe de libre séjour à la durée limitée par l’État côtier. Par ailleurs, le consentement de l’État côtier est recherché par voie diplomatique afin d’assurer les conditions nécessaires à leur bon déroulement. L’absence d’accord de statut des forces n’interdit pas les escales, mais la protection des soldats n’est pas optimale.
Mme Marie Récalde (SOC). L’accord de défense conclu en 2021 entre la France et l’Indonésie remplace un arrangement technique signé en février 2012 – ces choses-là prennent du temps.
Si le renforcement des liens unissant la France et l’Indonésie contribue à crédibiliser la posture de la France en Indo-pacifique en renforçant l’intégration de l’armée française dans la région, des réserves subsistent. Outre les interrogations que suscite la faiblesse des moyens de l’ambition indopacifique française, la situation des droits humains en Indonésie demeure au cœur de nos préoccupations.
La réforme du code pénal de 2023 soulève des questions. Lors de chacun de nos déplacements, nous ne manquons pas de rappeler l’attachement de la France aux droits humains, qui est tout à son honneur. L’Indonésie a encore des progrès à accomplir en la matière. Tel est aussi le cas en matière de réponse au dérèglement climatique. S’assurer un marché d’avenir et renforcer notre partenariat avec cet interlocuteur majeur qu’est l’Indonésie ne saurait le faire oublier.
Du point de vue technique, la particularité de cet accord est de ne pas comporter de clauses relatives au statut des forces armées, ce qui limite la possibilité d’envoyer du personnel français en Indonésie, donc sa portée opérationnelle, comme l’illustre l’escale du GAN. En somme, il s’agit d’un accord permettant de négocier un accord. Par ailleurs, la clause d’effort relative à l’échange d’informations classifiées prévue à l’article 10 ne semble pas satisfaisante.
En dépit de ces réserves, notre groupe votera la ratification de l’accord, notamment pour ne pas entraver les négociations menées par le Quai d’Orsay pour nos ressortissants français.
Conformément à sa politique de non-alignement, l’Indonésie a aussi signé un accord de défense avec la Chine. Il est possible que ces liens se renforcent, s’agissant notamment des garde-côtes. Comment envisageons-nous notre coopération avec l’Indonésie, notamment en matière de partage des données, si la Chine renforce ces liens ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je comprends votre impatience. Nous déplorons tous le décalage entre le temps politique et le temps diplomatique.
S’agissant de l’accord de défense conclu entre la Chine et l’Indonésie en 2011, la France en tiendra compte de façon très scrupuleuse. Elle ne s’alignera pas sur des accords conclus avec un pays tel que la Chine.
Dans l’immédiat, il est possible de travailler avec l’Indonésie, comme l’a démontré l’escale du Charles-de-Gaulle. L’Indonésie est favorable à l’approfondissement de l’accord en matière de statut des forces et d’échange d’informations classifiées. Tous les feux sont au vert. Nous avançons, certes au tempo de la diplomatie, mais l’audition des diplomates concernés a montré que tout le monde travaille pour aboutir dès que possible à un accord pérenne avec l’Indonésie en matière de défense et d’informations classifiées.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Madame la rapporteure, dans votre excellent rapport, vous avez tout dit : cet accord est un jalon et une ambition.
L’Indonésie est un facteur clé dans cette Asie si compliquée, notamment en raison de ses détroits, particulièrement ceux de la Sonde et de Malacca. Dans ces goulots d’étranglement du commerce mondial se joue la liberté des mers. Il faut y être. Ce premier accord est une bonne chose. Il faut aller plus loin, au tempo de la diplomatie. Notre groupe soutiendra tout ce qui ira en ce sens.
S’agissant du statut des troupes éventuellement débarquées, il est certes souhaitable de conclure un accord de statut des forces, mais notre flotte fait escale dans de nombreux pays avec lesquels nous ne sommes pas liés, et c’est heureux, par de tels accords. Le droit coutumier de la mer et la pratique diplomatique des échanges de lettres permettent de faire beaucoup de choses. Notre présence en Indonésie est bien réelle, comme l’illustrent l’escale du Charles-de-Gaulle et les excellents résultats de notre BITD, qui dit toute l’importance du grand export pour une stratégie autonome française.
Notre groupe votera la ratification de l’accord. L’Indonésie a récemment rejoint les Brics. Comment s’inscrit-elle dans la summa divisio entre l’Ouest et le reste ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. L’Indonésie a rejoint les Brics récemment et essaie de travailler au mieux avec tout le monde. Nous ferons preuve de vigilance.
Mme Céline Hervieu (EcoS). Le groupe écologiste et social est favorable à une coopération entre la France et l’Indonésie, qui représente une puissance de stabilisation dans la région et un contributeur de premier plan aux opérations de maintien de la paix des Nations unies et aux organisations internationales. L’accord qui nous est soumis concourt à la mise en œuvre d’une coopération militaire d’intérêt pour nos forces et nos industries de défense.
Toutefois, nous insistons sur l’importance des conditions nécessaires à une coopération militaire renforcée, telles que rappelées par le Conseil d’État, et alertons sur les risques d’atteinte aux droits humains, en raison notamment du recours à la peine de mort. Nous appelons à une coopération renforcée dans le domaine maritime, par le biais de collaborations civilo-militaires variées allant des patrouilles aux capacités de sauvetage en mer et des opérations de protection civile aux navires de combat de première ligne, sans oublier les observations communes des effets du changement climatique qui, dans la région, est immense.
Nous voterons en faveur de l’accord en appelant au respect des droits humains.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). L’Indonésie est une puissance émergente et importante de l’Indo-pacifique au sein de l’Asean, qui est une structure avec laquelle nous devons avoir des liens étroits. En 2012, la France et l’Indonésie ont signé un arrangement technique limité. L’accord de 2021 fait officiellement de la France un partenaire stratégique reconnu par l’Indonésie, ce qui ouvre la voie à un approfondissement de la coopération militaire et industrielle, notamment dans le domaine maritime dans le cadre de nos déploiements en Indo-pacifique. Dans le contexte de tension entre la Chine et les États-Unis, notamment en mer de Chine, et de contestation des voies maritimes commerciales, l’accord permet d’ancrer davantage la France dans cette région et de renforcer notre influence diplomatique et militaire.
Je regrette l’absence d’un accord de statut des forces. Si l’échange de lettres permet de progresser, je forme le vœu que tout cela évolue vers une stabilisation accrue pour nos forces et que ce partenariat soit progressivement de plus en plus structuré. Le groupe démocrate votera en faveur de la ratification de l’accord.
La fragilisation des règles internationales dans cette zone doit nous inquiéter tous. Certains pays, notamment la Chine, ne les respectent plus dans le domaine maritime. Le présent accord permettra de nous ancrer dans la politique de surveillance active de nos espaces maritimes, qui me semble essentielle pour l’avenir du monde.
Mme Lise Magnier (HOR). La France dispose depuis 2018 d’une stratégie en Indo‑pacifique. Nos priorités dans la région sont multiples ; la défense et la sécurité de nos territoires ultramarins ; la promotion et la défense de la règle de droit ; le renforcement de la stabilité régionale ; la prise en compte des effets du changement climatique. Dans ce cadre, nos échanges avec l’Indonésie sont essentiels et nécessitent d’être raffermis.
Si nos échanges commerciaux sont encore limités, les autorités indonésiennes apprécient tout particulièrement la qualité des équipements de défense français. Elles ont d’ores et déjà concrétisé plusieurs commandes de matériel. Sur le plan opérationnel, l’Indonésie et la France ont participé à des exercices conjoints, tels que l’exercice Croix du Sud 2023, ce qui prouve notre volonté conjointe de coopération.
Jusqu’en 2021, le cadre de coopération dans le domaine de la défense n’était qu’un arrangement technique se bornant à définir des domaines de coopération. L’accord qu’il nous est demandé de ratifier permet de définir de nouvelles priorités pour notre défense commune. Il instaure un comité conjoint, co-présidé par le directeur général des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), témoignant d’une réelle volonté d’avancer ensemble.
Toutefois, l’accord ne comporte aucune disposition relative au statut des forces, qui fera l’objet d’une négociation ultérieure. Ces futures dispositions devront notamment permettre de traiter de l’articulation entre les compétences des juridictions pénales, et de faciliter l’entrée, le séjour et la sortie du territoire d’accueil ainsi que l’importation de matériel en exonération de droits de douane et de taxes. Pour l’heure, les exercices conjoints de nos forces armées devront se dérouler hors du territoire indonésien.
Le présent accord prouve l’engagement de la France à raffermir ses échanges avec l’Indonésie et sa position stratégique dans la zone indopacifique. Le groupe Horizons et indépendants votera en faveur du projet de loi.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR). L’accord revêt une importance stratégique majeure pour la France. La région indopacifique reflète désormais les dynamiques géopolitiques mondiales. Véritable carrefour commercial, elle est devenue le marqueur des tensions croissantes entre les puissances mondiales. Dans ce contexte, la France ne peut rester en marge. Elle devra jongler habilement entre les intérêts de ses territoires ultramarins et la consolidation de ses alliances avec les pays partenaires tels que l’Indonésie.
La coopération internationale dans le domaine de la défense doit être fondée sur des bases solides, des garanties claires et une vision stratégique cohérente. Or l’accord qui nous est soumis semble manquer de ces éléments fondamentaux. Le texte ne prévoit ni clause relative à l’échange d’informations classifiées, ni accord bilatéral sur le statut des forces. Nos soldats pourraient donc être soumis à la juridiction indonésienne, dont certains aspects sont incompatibles avec notre système juridique, notamment en ce qui concerne la peine de mort.
La coopération militaire en matière de catastrophes naturelles et de secours aux sinistrés est uniquement abordée sous le prisme du déploiement de moyens maritimes, aériens et terrestres. Or les pays dits du Nord ont une responsabilité dans la lutte contre le réchauffement climatique. Concentrons-nous sur la mise en œuvre rapide des accords pris lors des COP et conformons-nous aux recommandations du GIEC au lieu de déployer a posteriori nos forces armées, qui ont déjà fort à faire, notamment dans le cadre de l’opération Aspides en mer Rouge !
Le fonds de 100 milliards prévu par l’accord de Paris conclu en 2015 visant à soutenir les pays dits du Sud dans leur politique de lutte contre les effets du changement climatique n’a été mis en œuvre qu’en 2023. Soyons dans l’action et non dans la réaction ! Il est essentiel de tenir compte de ces éléments et de s’assurer que nous avons toutes les garanties nécessaires pour protéger les intérêts de la France et ceux de ses soldats.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Certes, l’accord n’est pas pleinement satisfaisant, mais il comporte des clauses d’effort et nous travaillons à l’améliorer, notamment par le biais d’un accord de statut des forces et par des accords de sécurité. Les diplomates travaillent, le ministère des armées travaille, les parlementaires travaillent. Nous sommes tous impatients mais nous avons bon espoir d’aboutir dans les meilleurs délais.
La commission adopte le projet de loi non modifié.
ANNEXE 1 :
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (ensemble une annexe), signé à Paris le 28 juin 2021, complété par l’échange de lettres des 18 août 2023 et 9 novembre 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.
ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE
Ministère de l’Europe et des affaires étrangères
– S.E.M. Fabien Penone, ambassadeur de France en Indonésie ;
– Mme Mathilde Teruya, sous-directrice d’Asie du Sud-Est, direction de l’Asie et de l’Océanie ;
– M. Frédéric Bernard, conseiller politique, sous-direction d’Asie du Sud-Est, direction de l’Asie et de l’Océanie ;
– Mme Célia Schlanser, chargée de mission sur les accords de défense, pôle partenariats et rayonnement, direction de la coopération de sécurité et de défense ;
– M. Pierre Dousset, conseiller juridique à la mission des accords et traités, direction des affaires juridiques.
Ministère des armées
– Colonel Erwan Lintant, attaché de défense de l’ambassade de France en Indonésie ;
– M. Antoine Pavageau, sous-directeur, sous-direction du droit international et européen ;
– M. Yann Rabaud, chef du bureau du droit international public général, sous-direction du droit international et européen ;
– Mme Morgane Coqué, chargée d’études juridiques, sous-direction du droit international et européen.
La rapporteure a également reçu une contribution écrite de l’ambassade d’Indonésie en France.
ANNEXE 3 : ACCORDS BILATÉRAUX SIGNÉS PAR LA FRANCE AVEC DES PAYS DE LA ZONE INDOPACIFIQUE
Dans la zone Indopacifique, la France n’a pas signé d’accords similaires mais elle a signé des accords de statut des forces (SOFAs) réciproques avec les États suivants :
– Singapour (accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour relatif à la coopération de défense et au statut de leurs forces, signé à Paris le 21 octobre 1998 et entré en vigueur le 22 mai 2003) ;
– l’Australie (accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces, signé à Paris le 14 décembre 2006 et entré en vigueur le 7 juillet 2009) ;
– la Nouvelle-Zélande (accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense, signé à Singapour le 31 mai 2014 et entré en vigueur le 1er septembre 2016) ;
– les Fidji (accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Fidji concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces, signé à Nouméa le 6 décembre 2023 et qui n’est pas encore entré en vigueur).
Dans cette même zone, la France a aussi signé des SOFA non réciproques, qui n’encadrent que le statut des forces armées françaises sur le territoire de l’autre partie, avec les États suivants :
– les Tonga (accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Tonga relatif au statut des forces françaises séjournant sur le territoire tongien, signées à Suva et entré en vigueur le 22 février 2010) ;
– le Vanuatu (accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Vanuatu portant statut des forces françaises séjournant sur le territoire de Vanuatu, signées à Port-Vila les 6 et 7 juillet 2011 et entré en vigueur le 7 juillet 2011).
Enfin, dans la zone Indopacifique ou en dehors, la France a signé des accords de coopération dans le domaine de la défense ne contenant pas de dispositions de statut des forces avec notamment les États suivants :
– le Pérou (accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou, signé à Lima le 4 novembre 2013) ;
– la Bolivie (accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État plurinational de Bolivie, signé à Paris le 14 mai 2014) ;
– l’Uruguay (accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de lUruguay relatif à la coopération en matière de défense, signé à Paris le 28 octobre 2015).
([1]) Les zones maritimes environnantes élargissent le territoire indonésien (terrestre et maritime) à environ 5 millions de kilomètres carrés (km²), tandis que le gouvernement revendique une zone économique exclusive de 6 159 032 km².
([2]) 90 % des Indonésiens résident sur les quatre principales îles de l’archipel, en particulier à Java, où la densité de population peut excéder 1 000 habitants par km², contrairement à la Nouvelle-Guinée occidentale qui en compte environ 10 par km². Les densités démographiques élevées observées à Java et à Bali sont d’autant plus remarquables que ces îles se situent sur la ceinture de feu du Pacifique, laquelle recèle plus de 130 volcans, créés par la rencontre entre les plaques eurasienne et australo-indienne.
([3]) Le pouvoir législatif est bicaméral et se compose de la Chambre des représentants (Dewan Perwakilan Rakyat, DPR) et du Conseil des représentants régionaux (Dewan Perwakilan Daerah, DPD). Le DPR, composé de 580 membres élus selon un système de représentation proportionnelle, débat et vote les lois. Le DPD, constitué de 136 représentants des régions, défend les intérêts de celles-ci au sein du Parlement. Ensemble, ces deux chambres forment l’Assemblée délibérative du peuple (Majelis Permusyawaratan Rakyat (MPR)).
([4]) Le tandem constitué par Prabowo Subianto et Gibran Rakabuming Raka, fils du président sortant Joko Widodo et qui a été élu vice-président, a remporté 58,6 % des suffrages.
([5]) Selon le site Internet de Transparency International, cet indice classe 180 pays et territoires du monde entier en fonction de la perception de la corruption dans le secteur public, à l’aide de données provenant de treize sources externes dont la Banque mondiale, le Forum économique mondial, des sociétés privées et des groupes de réflexion.
([6]) Note « Indonésie : Situation économique et financière en 2023 et au 1er semestre 2024 », 4 octobre 2024, site Internet de la direction générale du Trésor.
([7]) Dans ce contexte, la Banque mondiale a reclassé l’Indonésie dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire − tranche supérieure (PRITS).
([8]) Dans ses Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Indonésie, le Comité des droits de l’homme écrit : « Étant donné que l’État partie ne reconnaît pas les peuples autochtones vivant sur son territoire, le Comité note avec préoccupation que les communautés qui se définissent comme autochtones pourraient ne pas être en mesure d’exercer pleinement leurs droits tels qu’ils sont énoncés dans le Pacte [international relatif aux droits civils et politiques]. (…) Il note avec préoccupation que les affrontements de plus en plus violents entre les groupes armés et les forces de sécurité ont fait de nombreuses victimes civiles et entraîné des déplacements de population » (p.44).
([9]) Selon les données publiées sur le site Internet de l’Union interparlementaire (UIP), le Parlement indonésien compte 21,9 % de femmes parmi ses membres (127 sur 580) (consulté le 21 février 2025). De plus, en février 2025, parmi les quarante ministres indonésiens, on ne comptait que cinq femmes.
([10]) « Indonesia Gender Landscape », Banque mondiale, octobre 2024, p. 1.
([11]) Rapport « GHG Emissions of all world countries », p. 7, Commission européenne, 2024. Le secteur énergétique demeure notamment fortement tributaire du charbon.
([12]) Lors de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Glasgow en 2021 (COP26), le pays s’était même engagé à arrêter la déforestation d’ici 2030 mais il est revenu sur cette décision.
([13]) Site Internet de la Banque mondiale à partir des données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) (consulté le 6 mars 2025). L’objectif du président Prabowo Subianto est d’atteindre 1,5 % du PIB d’ici à la fin de son mandat, en 2029.
([14]) Article « How Indonesia will likely manage Indonesia’s defence and foreign policy », Jefferson Ng, Australian Strategic Policy Institute, 16 septembre 2024.
([15]) Les sociétés d’État PT LEN, PT Pindad, PT PAL Indonesia, PT Dirgantara Indonsia (PTDI) et PT DAHANA sont les principaux acteurs de l’industrie de défense en Indonésie. Elles sont parties prenantes dans la plupart des prospects menés par les industriels français.
([16]) Le 28 septembre 2024, la ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, Mme Retno Marsudi, a annoncé la candidature de son pays à l’Assemblée générale des Nations Unies.
([17]) « Asean Outlook on the Indo-Pacific », juin 2019, disponible en ligne : https://asean.org/wp-content/uploads/2021/01/ASEAN-Outlook-on-the-Indo-Pacific_FINAL_22062019.pdf.
([18]) L’Indonésie a mis en avant le thème « ASEAN Matters : Epicentrum of Growth », que l’on peut traduire par « l’ASEAN compte : elle est l’épicentre de la croissance ».
([19]) L’Indonésie souhaite profiter de l’initiative chinoise des « Nouvelles routes de la soie » pour ses infrastructures. La ligne de train à grande vitesse entre Jakarta et Bandung inaugurée en 2023 en est une illustration.
([20]) L’accord de partenariat économique global (Indonesia Australia Comprehensive Economic Partnership Agreement, IA-CEPA), en vigueur depuis le 5 juillet 2020, encadre leur coopération commerciale.
([21]) Le Japon, premier donateur d’aide au développement, a conclu un partenariat stratégique global avec Jakarta en septembre 2023. Très actif en Asie du Sud-Est, il tente d’apparaître comme un partenaire pourvoyeur de souveraineté, de formation et de technologies, et permettant de limiter l’influence chinoise dans la région.
([22]) La France est le seul partenaire stratégique européen de l’État indonésien.
([23]) Stratégie de la France dans l’Indopacifique, Gouvernement de la République française, février 2022, pp. 2-3. Cette stratégie pourrait être actualisée au début de l’année 2025.
([24]) Rapport d’information n° 1005, p. 42 (XVIIe législature).
([25]) La dernière édition a eu lieu les 13 et 14 décembre 2023 à Paris.
([26]) Lancé pour la première fois en 2014, MNEK est un exercice militaire sans combat organisé par la marine indonésienne pour encourager la coopération maritime entre les nations partenaires.
([27]) Le préambule se réfère notamment à la Déclaration commune sur le partenariat stratégique entre la France et l’Indonésie de 2011, ainsi qu’à la Lettre d’intention des ministres de la défense des deux parties sur le développement de la coopération en matière de défense de 2017. Il rappelle les principes de « respect total du droit à la souveraineté, de l’intégrité territoriale et des principes d’égalité, de non-ingérence dans les affaires internes et d’intérêt mutuel ».
([28]) « Aéronef d’État », « forces armées », « membre du personnel », « navire d’État », « partie d’accueil », « partie d’origine », « personne à charge ».
([29]) Le premier est coprésidé par le directeur général de la DGRIS pour la partie française et par le directeur général pour la stratégie de défense pour la partie indonésienne ; le second par le responsable de la division Sud de la coopération bilatérale de l’État-major des armées pour la partie française et par le chef du centre de coopération internationale de l’armée nationale indonésienne ; le dernier par le directeur pour l’Asie Pacifique de la direction internationale du développement de la direction générale de l’armement pour la partie française et par le directeur général du potentiel de défense pour la partie indonésienne.
([30]) Par exemple, l’article 6 de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense, signé à Abou Dabi le 26 mai 2009, prévoit également un dispositif de gouvernance organisé sous la forme de sous-comités
([31]) La France estime que cette thématique nécessite un instrument dédié. Pour sa part, l’Indonésie considère que des clauses peuvent être directement intégrées dans les accords, comme c’est le cas pour son accord passé avec les Philippines.
([32]) Si la faute intervient dans le cadre des activités de coopération, la partie victime du préjudice renonce à demander une indemnité, sauf s’il s’agit d’une faute lourde ou intentionnelle du membre du personnel de l’autre partie.
([33]) Point 1 du B du II de l’étude d’impact accompagnant le projet de loi.
([34]) Texte du préambule de l’accord de défense
([35]) En pleine guerre froide, les participants à la conférence de Bandung promeuvent la volonté de ne pas choisir entre les deux blocs.
([36]) L’Indonésie et la Chine sont en contentieux concernant les îles Natuna, actuellement administrées par la première mais revendiquées par la seconde.
([37]) Contenants locaux.
([38]) Déclaration conjointe de partenariat stratégique entre la France et l’Indonésie, Jakarta, 1er juillet 2011.
([39]) Ce partenariat s’est concrétisé par la tenue de la première édition du Dialogue Maritime Bilatéral, à Jakarta, le 28 mars 2022.
([40]) Ces exercices ont pour thématique la participation des armées à l’aide d’urgence suite à une catastrophe naturelle.
([41]) Accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État plurinational de Bolivie, signé à Paris le 14 mai 2014.
([42]) Accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou, signé à Lima le 4 novembre 2013.
([43]) Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay relatif à la coopération en matière de défense, signé à Paris le 28 octobre 2015.
([44]) Accord entre le Gouvernement de la République des Philippines et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à des activités de coopération en matière de défense et des sécurité, signé à Jakarta le 27 août 1997.