N° 1174

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mars 2025

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,

visant à renforcer le contrôle du Parlement
en période d’expédition des affaires courantes (n° 960)

PAR Mme Léa BALAGE EL MARIKY ET M. Stéphane MAZARS

Députés

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................ 5

COMMENTAIRE des articles

Article 1er (art. 4 octies [nouveau] de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Octroi d’un intérêt à agir en période d’expédition des affaires courantes

Article 2 (art. 5 quater [nouveau] de l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Renforcement du contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes

COMPTE RENDU DES DÉBATS

personnes entendues

 

 


 

Mesdames, Messieurs,

Notre pays a connu, en 2024, deux périodes d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire d’une durée inédite dans l’histoire de la Ve République.

La première fait suite aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024. Les ministres du Gouvernement de M. Gabriel Attal, lequel avait remis la démission de son Gouvernement au Président de la République le 8 juillet, qui l’a acceptée le 16 juillet, ont expédié les affaires courantes à compter de cette dernière date et jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement le 21 septembre, d’abord sous la direction de M. Gabriel Attal puis, à compter du 5 septembre, sous la direction de M. Michel Barnier. Ils ont ainsi assuré l’expédition des affaires courantes durant une période de soixante-sept jours.

La seconde résulte de l’adoption, le 4 décembre 2024, d’une motion de censure déposée en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Le Gouvernement démissionnaire a alors assuré l’expédition des affaires courantes entre le 5 décembre 2024 et le 23 décembre 2024 – date à laquelle ont été nommés les membres du Gouvernement de M. François Bayrou –, d’abord sous la direction de M. Michel Barnier puis, à compter du 13 décembre, sous celle de M. François Bayrou.

C’est à la suite de la première période d’expédition des affaires courantes que la commission des Lois a décidé, lors de sa réunion du mercredi 2 octobre 2024, de créer une mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire, à la demande du groupe Écologiste et social (ÉcoS) ; Mme Léa Balage El Mariky, députée de Paris, et M. Stéphane Mazars, député de l’Aveyron, en ont été désignés rapporteurs.

Entre les mois d’octobre et de décembre 2024, vos rapporteurs ont conduit treize auditions de personnalités diverses. Ils ont également organisé trois tables rondes d’universitaires, français comme étrangers, et ont réalisé deux déplacements à l’étranger, en Belgique et aux Pays-Bas, dans une perspective de droit comparé.

Vos rapporteurs ont présenté leurs conclusions à la commission des Lois le mercredi 11 décembre 2024, au cœur de la seconde période d’expédition des affaires courantes.

Les auditions de la mission d’information flash leur ont tout d’abord permis d’étudier les périodes durant lesquelles la compétence du Gouvernement est limitée à l’expédition des affaires courantes. Ces périodes résultent de la perte de légitimité du Gouvernement, laquelle, sous la Ve République, est tirée, d’une part, du Président de la République et, d’autre part, de l’Assemblée nationale. Aussi, un gouvernement est limité à l’expédition des affaires courantes à compter :

– de l’acceptation, par le Président de la République, de la démission du Gouvernement présentée par le Premier ministre ;

– de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’une motion de censure dans les conditions prévues à l’alinéa 2 ou à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution – ou du refus de l’Assemblée de voter la confiance à un Premier ministre qui engage la responsabilité de son Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale, en application du premier alinéa de l’article 49 de la Constitution.

Bien qu’un gouvernement démissionnaire ait perdu sa légitimité politique, celui-ci doit toutefois continuer à assurer un fonctionnement minimal de l’État afin d’assurer la continuité du service public. Cet usage, qui remonte aux débuts du régime parlementaire, a été qualifié par le juge administratif de principe traditionnel du droit public, selon lequel « le Gouvernement démissionnaire garde compétence, jusqu’à ce que le Président de la République ait pourvu par une décision officielle à son remplacement, pour procéder à l’expédition des affaires courantes » ([1]).

Les auditions de vos rapporteurs leur ont également permis d’étudier le périmètre des affaires courantes, qui regroupent, en France, deux notions :

– les affaires ordinaires, ou affaires courantes par nature, qui ne nécessitent pas d’appréciation politique et qui relèvent de l’activité quotidienne et continue de l’administration ;

– les affaires urgentes, pour lesquelles l’urgence justifie l’intervention d’un gouvernement démissionnaire qui aurait sinon dû s’abstenir.

Les mesures individuelles, dont la portée est restreinte par nature, entrent pour la quasi-totalité dans le champ des affaires ordinaires que peut expédier un gouvernement démissionnaire. Comme le souligne le secrétariat général du Gouvernement (SGG) dans une note 2 juillet 2024, sont toutefois exclues des affaires courantes les nominations à la discrétion du Gouvernement, qui sont naturellement les plus politiquement sensibles, à savoir celles des directeurs d’administration centrale, des préfets, des recteurs, des ambassadeurs, etc.

À l’inverse, les mesures réglementaires, n’entrent dans le champ des affaires courantes que par exception, si elles sont nécessaires à la continuité de l’État.

À partir de ce cadre jurisprudentiel, les travaux de vos rapporteurs ont mis en avant la réduction importante du nombre d’actes édictés par le Gouvernement démissionnaire à l’été 2024, par rapport aux années précédentes : 340 décrets ont été pris entre le 16 juillet et le 21 septembre, soit la moitié de moins qu’à la même période l’année passée.

Vos rapporteurs ont ainsi estimé que, même si le périmètre des affaires courantes peut parfois être sujet à débat, le Gouvernement démissionnaire de l’été 2024 a globalement respecté le cadre jurisprudentiel établi par Conseil d’État et précisé par le SGG.

Les travaux de vos rapporteurs ont cependant mis en lumière la faiblesse du contrôle parlementaire durant la période d’expédition des affaires courantes de l’été 2024, le Parlement n’ayant que peu mis à profit cette période pour assurer un contrôle de l’action du Gouvernement démissionnaire, en particulier en commission.

En effet, même si le Parlement ne dispose plus de son outil de contrôle le plus puissant – la motion de censure –, il peut – et doit – continuer à contrôler l’action du gouvernement démissionnaire : cela implique évidemment de s’assurer que les actes pris par ce dernier entrent bel et bien dans le périmètre des affaires courantes, mais également que les actions de représentation du Gouvernement démissionnaire (déplacements, communication, etc.) n’excèdent pas le champ de ce qui est indispensable.

Enfin, en particulier si une période d’expédition des affaires courantes devait se prolonger, vos rapporteurs estiment qu’il peut devenir nécessaire de repenser les rapports entre le Parlement et le Gouvernement démissionnaire : le premier doit pouvoir continuer à remplir son rôle afin d’assurer la continuité de l’État et des services publics dans un cadre démocratique et parlementaire.

C’est pourquoi la mission d’information flash a formulé onze recommandations, qui relèvent de deux ordres :

– des recommandations de bonnes pratiques pouvant immédiatement être mises en œuvre en période d’expédition des affaires courantes ;

– des recommandations d’évolutions institutionnelles, aux niveaux législatif, organique et constitutionnel ainsi que du Règlement de l’Assemblée nationale.

À la suite de la présentation du rapport de la mission en commission des Lois le mercredi 11 décembre 2024, le président de la commission, M. Florent Boudié – que vos rapporteurs tiennent particulièrement à remercier – a proposé au bureau de la commission de travailler, de la manière la plus consensuelle possible, à la mise en œuvre des recommandations d’évolutions institutionnelles du rapport de la mission.

À la suite de ce travail, le bureau de la commission du 4 février 2025 a donné son assentiment au dépôt de deux propositions de lois, cosignées par vos rapporteurs et par le président de la commission :

– la présente proposition de loi ordinaire (n° 960) visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes, qui traduit les trois recommandations de nature législative de la mission ;

– la proposition de loi constitutionnelle (n° 915) visant à renforcer le Parlement en période d’expédition des affaires courantes, qui :

● définit, dans la Constitution, les périodes durant lesquelles la compétence du Gouvernement est limitée à l’expédition des affaires courantes ([2]) ;

● traduit deux recommandations d’évolutions constitutionnelles faisant l’objet d’un consensus entre vos rapporteurs ([3]) ;

● constitutionnalise une de leurs recommandations de bonnes pratiques ([4]).

Vos rapporteurs se réjouissent que lors de sa réunion du mardi 11 mars dernier, la Conférence des présidents de l’Assemblée ait décidé d’inscrire leur proposition de loi ordinaire à l’ordre du jour de la séance publique du mardi 1er avril 2025. Cette proposition de loi, qui repose sur le constat que le contrôle parlementaire est nécessairement affaibli en période d’expédition des affaires courantes, du fait de l’impossibilité, pour l’Assemblée nationale, de renverser un gouvernement qui est déjà démissionnaire, comporte deux articles, qui renforcent les outils de contrôle à la disposition du Parlement en période d’affaires courantes :

 l’article 1er octroie un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes pour effectuer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes réglementaires et individuels pris, lorsque le Gouvernement expédie les affaires courantes, par le Président de la République, par le Premier ministre et par les ministres ainsi qu’à l’encontre des décisions préfectorales, prises durant la même période, de dérogation à des normes réglementaires ;

 l’article 2 prévoit, sur le modèle de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, une information du Parlement sur l’activité du Gouvernement en période d’affaires courantes, en permettant à l’Assemblée nationale et au Sénat de pouvoir requérir toute information complémentaire. Il prévoit en outre la remise, par le nouveau Gouvernement, d’un rapport au Parlement établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé.

*

*     *

Au cours de sa réunion du 25 mars 2025, la commission des Lois a adopté cette proposition de loi en y apportant plusieurs modifications.

La Commission a tout d’abord élargi le champ des parlementaires ayant intérêt à agir en période d’affaires courantes aux présidents des groupes parlementaires.

Elle a par ailleurs légèrement modifié le périmètre des actes faisant l’objet d’une transmission obligatoire et sans délai par le Gouvernement, qui est identique à celui des actes pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir initié par des parlementaires.

Outre les actes réglementaires des ministres, la Commission a souhaité y inclure les actes non réglementaires pris par les ministres – et non les seuls actes individuels, comme le prévoyait le dispositif initial –, dans l’objectif d’y inclure les décisions d’espèce.

En parallèle, elle a retiré du périmètre des actes concernés :

– les nominations réalisées par décret du Président de la République ne faisant pas l’objet d’un contreseing ministériel ([5]), celles-ci n’étant par ailleurs pas susceptibles de soulever des difficultés politiques ;

– les décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques ainsi que les décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État, au regard de leur faible nombre.

Enfin, la Commission a supprimé l’information sans délai des déplacements ministériels, des conférences de presse et des communiqués de presse, qui ne constituent pas des actes administratifs justifiant une information obligatoire et sans délai du Parlement.

Vos rapporteurs formulent en conclusion le vœu que ce texte, adopté à l’unanimité par la commission des Lois, permettra de renforcer effectivement le contrôle parlementaire durant les périodes d’expédition des affaires courantes, celles-ci risquant, aux yeux de vos rapporteurs, de se reproduire en l’absence de majorité absolue, impliquant de fait la recherche de coalitions parlementaires.

 


   COMMENTAIRE des articles

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er de la proposition de loi octroie un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes pour effectuer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes réglementaires et individuels pris, lorsque le Gouvernement expédie les affaires courantes, par le Président de la République, par le Premier ministre et par les ministres ainsi qu’à l’encontre des décisions préfectorales, prises durant la même période, de dérogation à des normes réglementaires.

       Dernières modifications législatives intervenues

La dernière modification de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires résulte de l’article 1er de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France, qui a modifié l’article 4 quinquies de l’ordonnance pour étendre, à compter du 1er juillet 2025, le champ des personnes concernées par les obligations relatives aux représentants d’intérêts aux personnes agissant pour le compte d’un mandant étranger qui entrent en relation avec un parlementaire, avec un collaborateur parlementaire ou avec les agents des services des assemblées parlementaires.

       Position de la Commission

La Commission a élargi le champ des parlementaires ayant intérêt à agir aux présidents des groupes parlementaires. Elle a par ailleurs adopté un amendement de coordination avec l’amendement CL17 portant sur l’article 2 de la proposition de loi, lequel retire du champ des actes pouvant faire l’objet d’un recours initié par des parlementaires les décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques ainsi que les décisions préfectorales de dérogation à des normes.

  1.   L’état du droit

Alors que le juge administratif n’a, à ce jour, jamais reconnu d’intérêt à agir à des parlementaires en cette seule qualité pour effectuer un recours pour excès de pouvoir, de nombreuses initiatives émanant de députés et de sénateurs proposent d’octroyer un intérêt à agir à certains parlementaires à l’encontre de certains actes administratifs.

  1.   Un intérêt à agir nécessaire pour effectuer un recours pour excès de pouvoir

Le recours pour excès de pouvoir est, en droit administratif, le recours contentieux « qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité » ([6]). Il se distingue ainsi du recours de plein contentieux (ou de pleine juridiction), qui résulte d’un litige entre l’administration et un administré.

Le recours pour excès de pouvoir n’est pas ouvert à tous les citoyens, bien qu’il soit largement ouvert en pratique. Pour l’introduire, un requérant – qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale – doit disposer d’un intérêt à agir, c’est-à-dire d’un intérêt personnel, direct et certain à contester la décision attaquée.

Les critères définissant cet intérêt à agir sont principalement jurisprudentiels, même s’ils sont parfois inscrits dans la loi : tel est par exemple le cas en matière de contestation du résultat de certaines élections, l’article L. 248 du code électoral disposant par exemple que « tout électeur et tout éligible a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif ».

Il faut en outre avoir capacité à agir, c’est-à-dire être apte à déposer un recours devant un tribunal, ce qui exclut, pour les personnes physiques, les personnes mineures ainsi que celles sous tutelle.

  1.   L’absence d’intérêt à agir ÈS-qualités reconnu aux parlementaires

En l’état actuel de la jurisprudence, le juge administratif ne reconnaît pas un intérêt à agir aux parlementaires en cette seule qualité.

  1.   Des stratégies de contournement et d’évitement adoptées par le juge administratif jusqu’en 2011

Le juge administratif a ponctuellement pu refuser de reconnaître un intérêt à agir à des parlementaires contre certains actes : tel fut par exemple le cas pour des députés contestants, en cette qualité, la nomination du président de la Commission de la concurrence ([7]) ou encore d’un député contestant la légalité d’un décret portant délégation de signature ([8]).

Toutefois, lorsque la contestation par un parlementaire d’un acte reposait sur une atteinte aux prérogatives du Parlement – un empiètement dans le domaine de la loi tel qu’il résulte de l’article 34 de la Constitution, ont encore un défaut de prise des mesures réglementaires d’application d’une loi –, le Conseil d’État s’est refusé, jusqu’en 2011, à se prononcer sur la question de l’intérêt à agir ès-qualités d’un parlementaire. Il a, pour cela, souvent utilisé une stratégie soit de « contournement », soit d’« évitement » de la question :

– la stratégie de contournement consiste à reconnaître au parlementaire requérant un intérêt à agir sur le fondement d’une de ses autres qualités. Ainsi, lorsque M. Didier Migaud, député et ancien rapporteur général du budget, a contesté en 2002 le refus du ministre du budget de mettre en œuvre le mécanisme de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) dite « flottante », le Conseil d’État a estimé « que la qualité de consommateur de produits pétroliers, dont [il se prévalait], [suffisait] à lui conférer un intérêt pour agir » ([9]), sans se prononcer sur sa qualité de parlementaire ;

– la stratégie d’évitement consiste quant à elle à ne pas « statuer sur la recevabilité des requêtes » ([10]) en se prononçant directement sur le fond.

Certains rapporteurs publics ont parfois invité le Conseil d’État à se prononcer sur la question. C’est notamment le cas de Rémi Keller, dans ses conclusions sur l’arrêt de l’Assemblée du Conseil d’État du 9 juillet 2010, Fédération nationale de la libre pensée. Après avoir rappelé que « le parlementaire frappe depuis plusieurs décennies à la porte [du] prétoire [du Conseil] ; il ne sait toujours pas si elle lui est ouverte ou fermée », il avait invité le Conseil à reconnaître un intérêt à agir aux parlementaires lorsque ceux-ci invoquent « une atteinte aux prérogatives du Parlement à l’encontre d’un acte sur lequel le Parlement n’a eu aucune prise » ([11]). Suivant cette logique, devrait en revanche être irrecevable selon lui « tout recours qui reviendrait à rouvrir devant vous un débat qui a eu lieu – ou qui aurait pu avoir lieu – devant le Parlement ».

  1.   Une relative position de fermeté adoptée depuis 2011

Dans sa décision du 23 novembre 2011, Jean-Louis Masson, le Conseil d’État, saisi par le sénateur Masson, a tranché par la négative la question de l’intérêt à agir des parlementaires dans un cas où était invoquée une atteinte aux prérogatives du Parlement, considérant que le sénateur « ne [justifiait] pas d’un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir contre le refus de prendre [un] décret » d’application d’une loi.

Même si le juge administratif continue à appliquer une stratégie d’évitement, trois décisions du Conseil d’État ultérieures ([12]) ont, suivant la même logique, refusé de reconnaître à des parlementaires, en cette seule qualité, un intérêt à agir à l’encontre d’actes même si les requérants invoquaient une atteinte aux prérogatives du Parlement.

Selon le rapporteur public Nicolas Agnoux sur la décision du Conseil d’État du 29 janvier 2025 Université Jean Moulin Lyon-III – laquelle réserve d’ailleurs la question de l’intérêt à agir des parlementaires en se prononçant directement sur le fond de la requête –, cette position de fermeté du Conseil « est principalement motivée par le souci d’éviter que des conflits opposant les pouvoirs publics […] viennent se régler dans le prétoire du juge administratif en concurrençant les leviers de contrôle institutionnels dont dispose le Parlement pour demander au Gouvernement de lui rendre compte de son action ».

À cet égard, vos rapporteurs tiennent à souligner qu’en période d’expédition des affaires courantes, ces leviers de contrôle institutionnels sont fortement limités par l’impossibilité d’adopter, à l’encontre d’un gouvernement démissionnaire, une motion de censure ([13]). Cela justifie, dès lors, l’octroi d’un intérêt à agir aux parlementaires durant cette période.

Enfin, ainsi qu’ils l’ont mis en avant dans le rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire de 2024, vos rapporteurs soulignent avec intérêt l’hypothèse, émise par le secrétariat général du Gouvernement ([14]), d’un assouplissement de la jurisprudence du Conseil d’État relative à l’intérêt à agir des parlementaires pour contester une ordonnance mettant en œuvre les dispositions d’un PLF ou d’un PLFSS au-delà du délai constitutionnel de 70 jours (pour le PLF) ou de 50 jours (pour le PLFSS), « eu égard à l’objet très particulier de l’ordonnance ».

  1.   plusieurs initiatives parlementaires visant à octroyer aux députés et aux sénateurs un intérêt à agir

Plusieurs initiatives parlementaires récentes tendent à octroyer à certains parlementaires, par la loi, un intérêt à agir à l’encontre de certains actes administratifs.

  1.   Une proposition de loi sénatoriale adoptée en 2021

Après le rejet en 2011, par le Sénat, d’une proposition de loi du 23 décembre 2010 tendant à reconnaître une présomption d’intérêt à agir des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière de recours pour excès de pouvoir, dont le champ était particulièrement large, le Sénat a adopté, le 14 octobre 2021, une proposition de loi visant à renforcer le contrôle par le Parlement de l’application des lois. Celle-ci insère un article 4 octies dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, lequel octroie aux présidents des assemblées parlementaires, aux présidents de commission permanente et aux présidents des groupes politiques ([15]) de ces assemblées un intérêt à agir, par la voie du recours pour excès de pouvoir :

– contre le refus de prendre dans un délai raisonnable les mesures réglementaires d’application d’une disposition législative ;

– contre une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution lorsque l’un des moyens soulevés est tiré de ce que cette ordonnance méconnaîtrait le champ de l’habilitation fixé par la loi ;

– contre un acte réglementaire autorisant la ratification ou l’approbation d’un traité lorsque l’unique moyen soulevé est tiré de ce que cette autorisation aurait dû être accordée par la loi en vertu de l’article 53 de la Constitution.

  1.   Un rapport de l’actuelle présidente de l’Assemblée nationale préconisant l’octroi d’un intérêt à agir à la Conférence des présidents de chaque assemblée

Partant du constat que dans le cadre des textes réglementaires d’application des lois, la volonté du législateur était parfois interprétée de façon contestable, la députée Yaël Braun-Pivet, alors présidente de la commission des Lois, avait estimé qu’il fallait « ouvrir au Parlement une voie de saisine du Conseil d’État lorsqu’il [considérait] qu’un décret [était] contraire à l’esprit comme à la lettre de la loi qu’il [avait] votée » ([16]).

Pour l’actuelle présidente de l’Assemblée, cette faculté de saisine du Conseil d’État aurait été confiée à la Conférence des présidents de chaque assemblée, à une majorité qualifiée, à l’encontre :

– du refus de prendre les mesures réglementaires d’application d’une disposition législative ;

– d’un acte réglementaire qui irait à l’encontre de la loi.

  1.   Une proposition de loi de décembre 2024 déposée par le député Jérémie Iordanoff

Le 19 décembre dernier, le député Jérémie Iordanoff a déposé, avec plusieurs de ses collègues de la majorité comme de l’opposition, une proposition de loi n° 756 relative à l’intérêt à agir des parlementaires.

Celle-ci prévoit, au sein d’un nouvel article L. 244 du code des relations entre le public et l’administration, que les parlementaires ont intérêt à agir devant la juridiction administrative contre tout acte administratif qui méconnaîtrait les compétences et prérogatives liées aux fonctions normatives et de contrôle du Parlement. La proposition de loi cite notamment :

– les actes liés à l’exécution de la loi ;

– les actes pris par un gouvernement démissionnaire excédant manifestement les prérogatives d’un tel gouvernement ;

– les actes pris en application de la « LOLF » ([17]).

  1.   Une proposition de loi déposée par le président du Sénat le 12 février 2025

Le 12 février 2025, le président du Sénat Gérard Larcher et la présidente de la délégation du Bureau du Sénat en charge du travail parlementaire et des conditions d’exercice du mandat de sénateur ont déposé une proposition de loi renforçant les pouvoirs de contrôle des assemblées parlementaires.

Son article 1er reprend le contenu de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle par le Parlement de l’application des lois adoptée par le Sénat le 14 octobre 2021, en élargissant le champ des actes pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir introduit par un parlementaire :

– aux actes réglementaires empiétant sur le domaine que la Constitution réserve à la loi ;

– aux actes réglementaires lorsque l’un des moyens soulevés est tiré de ce qu’ils méconnaîtraient la loi pour l’application de laquelle ils ont été pris.

  1.   Une recommandation du rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire

Comme cela a été évoqué supra, en période d’expédition des affaires courantes, le Parlement ne dispose plus de son outil de contrôle le plus puissant, à savoir l’adoption d’une motion de censure : comme le rappelle le constitutionnaliste Marcel Waline, « lorsqu’un gouvernement est déjà démissionnaire, [le contrôle de la représentation nationale] ne peut plus jouer, car sa sanction manquerait : on ne tue pas les morts, on ne renverse pas les gouvernements démissionnaires » ([18]).

Partant de ce constat, vos rapporteurs, dans le cadre du rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire, estiment toutefois que le Parlement doit continuer à contrôler l’action du Gouvernement démissionnaire.

En particulier, vos rapporteurs estiment que des interrogations peuvent survenir quant à la légalité de certains actes administratifs pris dans cette période. Si certaines de ces interrogations pourraient trouver des réponses par le biais des outils de contrôle que conserve le Parlement, en particulier en commission, vos rapporteurs estiment que l’octroi d’un intérêt à agir à certains parlementaires contre un acte réglementaire pris par un gouvernement démissionnaire permettrait de rendre plus effectif ce contrôle.

Vos rapporteurs ont toutefois préconisé que cet intérêt à agir soit limité à certains parlementaires, afin d’éviter l’apparition d’un nombre important de recours visant à prolonger, sur le terrain juridique, des débats menés sur le plan politique.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la présente proposition de loi traduit, au sein d’un nouvel article 4 octies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la recommandation n° 7 de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire.

  1.   Un intérêt à agir limité à certains parlementaires

Ce nouvel article 4 octies octroie ainsi un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes, en cette seule qualité, pour effectuer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de certains actes pris lorsque le Gouvernement expédie les affaires courantes ([19]).

Ainsi, la proposition de loi retient un périmètre similaire à celui de la proposition de loi sénatoriale de 2021, en excluant toutefois les présidents de groupes politiques, dans l’objectif de limiter les recours qui viseraient à prolonger, devant le juge, des débats menés – ou qui devraient être menés – au Parlement.

  1.   Une absence de limitation des moyens susceptibles d’être soulevés

La proposition de loi initiale ne restreint pas le champ des moyens susceptibles d’être soulevés et n’impose pas, non plus, qu’un moyen relatif à la compétence d’un gouvernement démissionnaire soit soulevé, dans la mesure où :

– d’une part, le juge administratif estime de façon constante que l’« intérêt à agir ne dépend pas du sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours, dont l’analyse ne sera faite que dans le cadre de l’examen au fond » ;

– d’autre part, la compétence de l’auteur de l’acte – en l’espèce, celle des membres d’un gouvernement démissionnaire – est un moyen d’ordre public soulevé d’office par le juge administratif.

  1.   Des actes administratifs pouvant faire l’objet d’un recours limité à ceux pouvant avoir une portée politique

S’agissant du périmètre des actes administratifs pouvant faire l’objet d’un tel recours, l’article 1er de la présente proposition de loi octroie aux parlementaires concernés un intérêt à agir pour effectuer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes pris, lorsque le Gouvernement expédie les affaires courantes, par le Président de la République, par le Premier ministre et par les ministres et dont le contentieux relève du Conseil d’État ([20]) en application de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, à savoir :

– les ordonnances et les décrets ;

– les actes réglementaires des ministres ainsi que leurs circulaires et leurs instructions de portée générale ;

– les décrets du Président de la République pris en vertu du troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution et des articles 1er et 2 de l’ordonnance n° 58‑1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État ;

– les décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques.

Cet intérêt à agir serait également octroyé à l’encontre des actes individuels pris par les ministres ([21]), dont le contentieux ne relève pas du Conseil d’État. Il est en effet apparu, au cours de la période d’expédition des affaires courantes de l’été 2024, que l’édiction de certains actes individuels était susceptible de soulever des interrogations, politiques ou juridiques, quant à la possibilité de les prendre en période d’affaires courantes :

– la nomination de membres de cabinets de ministres démissionnaires à des fonctions autres que celles auxquelles il est pourvu en Conseil des ministres ([22]) ;

– la délivrance d’un agrément, en l’espèce celui de l’association Anticor pour se constituer partie civile ([23]) ;

– l’édiction de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), qui, selon le tribunal administratif d’Amiens, relève toutefois du périmètre des affaires courantes ([24]).

Enfin, l’article 1er de la proposition de loi octroie également aux mêmes parlementaires un intérêt à agir à l’encontre des décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État ([25]).

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*     *

Ainsi qu’ils l’expliquaient dans le rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un Gouvernement démissionnaire, vos rapporteurs ne considèrent pas que l’octroi d’un intérêt à agir à certains parlementaires tel qu’il est prévu par la présente proposition de loi porte atteinte à la séparation des pouvoirs.

Ainsi que le souligne le Sénat dans son rapport sur la proposition de loi adoptée par le Sénat le 14 octobre 2021, l’octroi d’un intérêt à agir à certains parlementaires en cette qualité « ne crée pas de nouveaux recours mais aménage un recours existant, déjà largement ouvert par le juge […]et parfois spécifiquement adapté par le législateur pour certaines catégories de requérants » ([26]). Il ne changerait par ailleurs pas l’objet du recours pour excès de pouvoir.

Enfin, dans le silence de la Constitution de 1958 sur les modalités d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire, vos rapporteurs considèrent que l’argument selon lequel les rapports entre le Parlement et le Gouvernement sont exclusivement régis par le titre V de la Constitution Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement ([27]) ne peut être appliqué à un intérêt à agir circonscrit aux actes pris en période d’expédition des affaires courantes.

  1.   La position de la commission

Outre un amendement rédactionnel de vos rapporteurs, la Commission a adopté les amendements identiques CL5 de M. Jean-François Coulomme et CL10 de M. Paul Molac, lesquels octroient un intérêt à agir, en période d’affaires courantes, aux présidents des groupes politiques des assemblées parlementaires.

La Commission a par ailleurs adopté un amendement CL11 de vos rapporteurs, lequel opère une coordination découlant de l’adoption, à l’article 2 de la proposition de loi, de l’amendement CL17 de vos rapporteurs. Celui-ci supprime la transmission obligatoire des décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques ainsi que des décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État, au regard de leur faible nombre. Par renvoi, ces mêmes actes sont ainsi exclus du champ de l’intérêt à agir des parlementaires en période d’affaires courantes.

Enfin, il est à noter que deux amendements portant sur l’article 2 de la proposition de loi modifient le périmètre des actes devant être transmis en période d’affaires courantes et donc, par renvoi, le périmètre des actes à l’encontre desquels les parlementaires ont intérêt à agir. Il s’agit :

– de l’amendement CL15, qui élargit le champ de l’intérêt à agir à l’ensemble des actes non réglementaires pris par les ministres – et non aux seuls actes individuels –  en période d’affaires courantes, dans l’objectif d’y inclure les décisions d’espèce ;

– de l’amendement CL16, qui retire du champ de l’intérêt à agir les nominations prévues à l’article 2 de l’ordonnance du 28 novembre 1958 précitée, dans la mesure où ces nominations du Président de la République, qui ne sont par ailleurs pas politiquement sensibles, ne font pas l’objet d’un contreseing ministériel.

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Sur le modèle de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, l’article 2 de la proposition de loi prévoit une information du Parlement sur l’activité du Gouvernement en période d’affaires courantes, en permettant à l’Assemblée nationale et au Sénat de pouvoir requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle de l’expédition des affaires courantes.

Il prévoit en outre la remise d’un rapport du nouveau Gouvernement au Parlement établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé.

       Dernières modifications législatives intervenues

La dernière modification de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires résulte de l’article 1er de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France, qui a modifié l’article 4 quinquies de l’ordonnance pour étendre, à compter du 1er juillet 2025, le champ des personnes concernées par les obligations relatives aux représentants d’intérêts aux personnes agissant pour le compte d’un mandant étranger qui entrent en relation avec un parlementaire, avec un collaborateur parlementaire ou avec les agents des services des assemblées parlementaires.

       Position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté trois amendements de vos rapporteurs qui modifient légèrement le périmètre des actes faisant l’objet d’une transmission obligatoire et sans délai au Parlement en période d’affaires courantes.

  1.   L’état du droit
    1.   Le constat d’un faible contrôle parlementaire lors des périodes d’affaires courantes en 2024

Alors que la période d’expédition des affaires courantes par le Gouvernement démissionnaire à l’été 2024 a duré 67 jours – une durée inédite sous la Ve République –, le rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire a mis en avant, durant cette période, la faiblesse du contrôle parlementaire, que ce soit lorsque le Parlement ne siégeait pas ou pendant la session de droit ouverte pour quinze jours à compter du 18 juillet 2024.

En effet, même si vos rapporteurs ont constaté que le Gouvernement démissionnaire avait assuré l’expédition des affaires courantes dans le respect de la doctrine élaborée par le Secrétariat général du Gouvernement, elle-même fondée sur la jurisprudence du Conseil d’État, un tel gouvernement conserve des compétences et peut potentiellement les outrepasser. Dès lors, l’existence d’un contrôle parlementaire constitue, aux yeux de vos rapporteurs, une exigence démocratique fondamentale.

  1.   Une activité gouvernementale réduite à l’été 2024

La période d’expédition des affaires courantes à l’été 2024 a vu la publication d’un nombre d’actes réduit de plus de moitié par rapport à la même période au cours des années précédentes. Vos rapporteurs ont ainsi recensé, au Journal officiel, 340 décrets et 1 650 arrêtés publiés entre le 16 juillet et le 22 septembre 2024, contre 774 décrets et 2 540 arrêtés à la même époque en 2023. Les décrets publiés se répartissaient comme suit :

– 62 décrets réglementaires, dont 20 décrets en Conseil d’État ;

– 236 décrets individuels, dont 9 décrets en conseil des ministres pour des nominations d’ambassadeurs ;

– 38 décrets relatifs à des procédures de naturalisation, de dénaturalisation ou de déchéance de nationalité.

Vos rapporteurs ont, à l’époque, constaté une réelle retenue dans les mesures édictées tant en matière règlementaire qu’individuelle par le Gouvernement.

Si les auditions qu’ils ont conduites dans le cadre de la mission les ont ponctuellement conduits à s’interroger sur la compétence d’un gouvernement démissionnaire pour prendre certains actes, vos rapporteurs n’ont pas constaté de violation manifeste ou importante du périmètre des affaires courantes durant cette période.

  1.   Un faible contrôle parlementaire de l’expédition des affaires courantes à l’été 2024

Vos rapporteurs ont, dans le cadre du rapport de la mission d’information flash, documenté le constat d’un faible contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement démissionnaire à l’été 2024.

Certes, l’expédition des affaires courantes s’est intégralement déroulée alors que le Parlement n’était pas réuni en session ordinaire. Bien qu’une session de droit ait été ouverte le 18 juillet 2024 pour une durée de quinze jours, elle n’a pas donné lieu à un contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement démissionnaire, ce qui s’est notamment traduit par l’absence de séances de questions durant la période.

Par ailleurs, à l’issue des élections législatives de 2024, l’Assemblée nationale n’a pas autorisé le dépôt de nouvelles questions écrites tant que le Gouvernement était démissionnaire.

Enfin, vos rapporteurs ont par ailleurs constaté que les commissions se sont peu réunies pendant cette période, ce qui n’a pas permis de réaliser un contrôle satisfaisant de l’action du Gouvernement démissionnaire, malgré la réalisation de quelques auditions pouvant s’apparenter à un contrôle de l’activité du Gouvernement démissionnaire ([28]).

  1.   Une prise de conscience de l’importance du contrôle parlementaire lors de la période d’affaires courantes de décembre 2024

À la suite de l’adoption par l’Assemblée nationale, le 4 décembre 2024, d’une motion de censure déposée en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement démissionnaire a assuré l’expédition des affaires courantes entre le 5 décembre 2024 et le 23 décembre 2024 ([29]), date à laquelle ont été nommés les membres du Gouvernement de François Bayrou, d’abord sous la direction de M. Michel Barnier puis, à compter du 13 décembre, sous celle de M. François Bayrou.

Contrairement à l’été 2024, le Parlement siégeait en session ordinaire durant cette période. Vos rapporteurs estiment que le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement démissionnaire a été plus important qu’à l’été 2024, même s’il pourrait, à leurs yeux, être encore renforcé.

Vos rapporteurs observent avec satisfaction que, contrairement à l’été 2024, le dépôt de questions écrites est resté possible durant l’ensemble de la période d’expédition des affaires courantes.

Par ailleurs, les commissions permanentes ont continué à se réunir, notamment pour contrôler l’action du Gouvernement démissionnaire. Ainsi, en matière de contrôle de l’action gouvernementale :

 la commission des finances a poursuivi, par diverses auditions, ses travaux menés pour étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024. Elle a également auditionné, mercredi 11 décembre, les ministres démissionnaires MM. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, sur le projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la LOLF, qui a d’ailleurs été adopté par l’Assemblée nationale le lundi 16 décembre, alors que le Gouvernement expédiait les affaires courantes ;

 la commission des affaires étrangères a notamment auditionné mercredi 11 décembre, à huis clos, M. Brice Roquefeuil, directeur de l’Europe continentale au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, sur le jour d’après la guerre en Ukraine. Elle a également auditionné, mercredi 18 décembre, M. Jean-Noël Barrot, ministre démissionnaire de l’Europe et des affaires étrangères, sur la situation en Syrie ([30]).

 la commission de la défense nationale et des forces armées a notamment auditionné, le mercredi 18 décembre, M. Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, sur les problématiques d’approvisionnement et de relocalisation dans le cadre d’une économie de guerre.

Outre pour l’examen du projet de loi spéciale, l’Assemblée s’est réunie le mardi 17 décembre, en séance publique, pour une séance de questions au nouveau Premier ministre François Bayrou – même si celui-ci avait été nommé le 13 décembre ([31]), le Gouvernement a continué d’expédier les affaires courantes jusqu’au 23 décembre, date à laquelle ont été nommés les membres de son Gouvernement.

C’est enfin durant cette période que notre commission des Lois a examiné le rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire, dont vos rapporteurs espèrent modestement qu’il a contribué à la réflexion des parlementaires sur le rôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes.

Enfin, vos rapporteurs tiennent à souligner que l’enjeu du contrôle parlementaire de l’expédition des affaires courantes n’a rien de théorique et qu’en décembre 2024, plusieurs questions d’actualité ont justifié un tel contrôle :

 c’est tout d’abord le cas de la chute, le 8 décembre 2024, du régime de Bachar al-Assad, en Syrie. Vos rapporteurs tiennent à saluer l’initiative de la commission des affaires étrangères d’avoir auditionné, le mercredi 18 décembre, le ministre démissionnaire de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Noël Barrot, sur la question (cf. supra). La chute du régime Syrien a toutefois donné lieu à des annonces, par voie de presse, du ministre démissionnaire de l’Intérieur et des Outre-mer, M. Bruno Retailleau, relatives à la suspension de l’examen des demandes d’asile émanant de ressortissants syriens. Ces annonces n’ont pas manqué d’interroger vos rapporteurs pour trois raisons :

 premièrement car il est discutable de considérer qu’elles relèvent du périmètre des affaires courantes ;

 deuxièmement car elles ne semblent pas satisfaire l’exigence de sobriété prônée par le SGG ([32]) ;

 dernièrement car, en tout état de cause, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), compétent pour examiner les demandes d’asile, « exerce en toute impartialité [ses missions] et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction » ([33]) ;

 c’est ensuite le cyclone Chido, qui a touché Mayotte le 14 décembre 2024, sur lequel ont porté six des onze questions posées au Premier ministre François Bayrou en séance publique à l’Assemblée le mardi 17 décembre. L’urgence de la situation a justifié la prise de mesures réglementaires par le Gouvernement démissionnaire, au premier rang desquels le décret n° 2024-1184 du 18 décembre 2024 portant déclaration de l’état de calamité naturelle exceptionnelle à Mayotte. Elle a également justifié la saisine, par le Gouvernement démissionnaire, du Conseil d’État sur un projet de loi d’urgence pour Mayotte. Vos rapporteurs notent ainsi avec intérêt qu’« eu égard à l’urgence qui s’attache à l’adoption des mesures prévues par le projet de loi » et partant du constat « qu’un nouveau Gouvernement n’a pas été nommé à la date à laquelle il adopte son avis », le Conseil d’État a estimé, dans son avis ([34]), « qu’un gouvernement chargé des affaires courantes est compétent pour soumettre à la délibération du conseil des ministres ce projet de loi, le déposer sur le bureau de l’une des assemblées et, le cas échéant, en soutenir la discussion devant les assemblées parlementaires », ainsi qu’il l’avait considéré pour le projet de loi spéciale ([35]).

Enfin, et bien que la note du SGG du 19 juillet 2024 indique aux ministres démissionnaires que « les travaux de préparation de textes ou de dossiers dépassant le cadre des affaires courantes (y compris la tenue de réunions interministérielles ou la saisine d’instances consultatives) peuvent se poursuivre », vos rapporteurs s’interrogent sur la possibilité de maintenir à l’ordre du jour de telles instances l’examen de projets de textes particulièrement sensibles politiquement. La question s’est ainsi posée, en décembre 2024, pour un projet de décret abaissant la rémunération maintenue en congé de maladie pour les agents publics contractuels, que le ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique M. Guillaume Kasbarian souhaitait initialement maintenir – avant de l’en retirer – à l’ordre du jour du Conseil commun de la fonction publique du 11 décembre 2024.

  1.   Un renforcement souhaité du contrôle parlementaire, sur le modèle de l’état d’urgence

Partant du constat, évoqué supra, que les moyens de contrôle de l’action gouvernementale dont dispose le Parlement sont réduits en période d’affaires courantes, vos rapporteurs, dans le cadre du rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire, ont estimé qu’il était utile, au regard de sa souplesse, de renforcer le contrôle en commission afin de s’assurer que le Gouvernement démissionnaire respecte le périmètre des affaires courantes.

Celui-ci peut – et doit – être amélioré et renforcé à droit constant, ainsi que l’ont proposé vos rapporteurs dans le cadre de leur recommandation de bonne pratique n° 2. Vos rapporteurs ont ainsi suggéré que les ministres puissent présenter, en commission, la manière dont ils entendent expédier les affaires courantes, les actes susceptibles d’entrer dans ce cadre et, plus largement, rendre compte de leurs déplacements et de leurs actions de communication. Les commissions pourraient, si nécessaires, se doter des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, comme le permet l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

À moyen terme, vos rapporteurs, par leur recommandation n° 3, ont jugé utile de consacrer dans la loi un droit d’information du Parlement sur l’activité du Gouvernement démissionnaire, sur le modèle du contrôle parlementaire de l’état d’urgence ainsi que de celui, durant l’épidémie de covid-19, de l’état d’urgence sanitaire.

  1.   L’information du Parlement en période d’état d’urgence
    1.   L’obligation d’information du Parlement prévue par la loi du 3 avril 1955

Depuis 2015, le Parlement dispose de prérogatives de contrôle de l’action du Gouvernement renforcées en période d’état d’urgence.

En effet, l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ([36]), créé par la loi du 20 novembre 2015 ([37]) qui a fait suite aux attentats du 13 novembre 2015, prévoit que « l’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence » et qu’ils « peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ». Cet article a été complété par la loi du 21 juillet 2016 ([38]), dont l’article 2 a précisé que « les autorités administratives [transmettent à l’Assemblée nationale et au Sénat] sans délai copie de tous les actes pris en application de la présente loi ».

  1.   La mise en œuvre du contrôle du Parlement lors de l’état d’urgence décrété en 2015

Dès le début de l’état d’urgence décrété le 14 novembre 2015([39]), l’Assemblée nationale et le Sénat et, plus particulièrement en leur sein, leurs commissions des Lois, ont mis en œuvre un contrôle approfondi de l’action du Gouvernement.

Ainsi, le 27 novembre 2015, la commission des Lois du Sénat a créé un comité de suivi de l’état d’urgence. Quelques jours plus tard, le 2 décembre 2015, la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur proposition de son président M. Jean-Jacques Urvoas, a défini les grandes orientations de son contrôle des mesures prises durant l’état d’urgence.

Au sein de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, une mission permanente de suivi a été confiée au président de la commission ([40]), qui avait été rapporteur sur le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence, et à son vice-président issu du groupe Les Républicains M. Jean-Frédéric Poisson. Sur la base de la procédure prévue aux articles 145-1 et 145-3 du Règlement de l’Assemblée nationale ([41]), la commission des Lois a été dotée, à partir du 4 décembre 2015 et pour une durée totale de six mois ([42]), des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour assurer cette mission de contrôle et d’évaluation des mesures prises par l’administration pendant l’état d’urgence.

Dans un premier temps, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a exercé son contrôle en saisissant le ministre de l’Intérieur afin d’obtenir des précisions sur certaines mesures prises. Elle a également saisi le Conseil d’État et le Défenseur des droits afin de croiser les sources d’information, et réalisé des déplacements dans plusieurs départements. Dans un second temps, la commission des Lois a poursuivi son contrôle sur la base de données statistiques et qualitatives relatives aux mesures prises transmises par le Gouvernement. Les travaux de la commission des Lois de l’Assemblée ont fait l’objet d’un rapport d’information, publié le 6 décembre 2016 ([43]).

Au Sénat, le comité de suivi de l’état d’urgence, dont le rapporteur spécial était M. Michel Mercier, a exercé un contrôle similaire à celui de la commission des Lois de l’Assemblée nationale ([44]). Le comité de suivi a ainsi organisé plusieurs auditions et déplacements, et requis des informations auprès du ministre de l’Intérieur. À quatre reprises, entre décembre 2015 et juillet 2017, le Sénat a conféré ([45]) à la commission des Lois les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête.

  1.   La mise en œuvre du contrôle du Parlement lors de l’état d’urgence décrété en mai 2024 en Nouvelle-Calédonie

À la suite de la déclaration de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie le 15 mai 2024 ([46]), l’Assemblée nationale et le Sénat ont été informés par le Gouvernement des mesures et administratives et réglementaires prises dans ce cadre.

Des communications régulières ont été organisées entre le ministère de l’Intérieur et des outre-mer et la commission des Lois de l’Assemblée nationale, qui avait désigné MM. Sacha Houlié et Davy Rimane comme co-rapporteurs. Ces travaux ont donné lieu à une communication sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, qui a été présentée à la commission le mercredi 29 mai 2024.

La commission des Lois du Sénat avait quant à elle annoncé, au cours de sa réunion du mercredi 22 mai 2024, le lancement d’une mission de suivi et de contrôle de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie si celui-ci était prolongé au-delà de douze jours – ce qui n’était possible que par la loi, en application de l’article 2 de la loi du 3 avril 1955. L’état d’urgence ayant duré douze jours – il a été levé le lundi 27 mai –, la mission de suivi sénatoriale n’a pas été constituée.

  1.   L’information du Parlement en période d’état d’urgence sanitaire
    1.   L’obligation d’information du Parlement prévue par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

Durant l’épidémie de covid-19, le Parlement disposait de prérogatives de contrôle renforcées. Ces prérogatives, prévues par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, s’inspiraient de celles prévues par la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Ainsi, l’article 2 de la loi du 23 mars 2020 avait introduit, dans le code de la santé publique, un article L. 1313-13, en vigueur du 24 mars 2020 au 1er août 2022, qui disposait que « l’Assemblée nationale et le Sénat [étaient] informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire ». De la même façon que pour le contrôle parlementaire de l’état d’urgence prévu par la loi de 1955, « l’Assemblée nationale et le Sénat [pouvaient] requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ». Contrairement à la loi de 1955, l’article L. 1313-13 du code de la santé publique ne prévoyait cependant pas d’obligation de transmission au Parlement de la « copie de tous les actes » pris en application de l’état d’urgence sanitaire.

  1.   La mise en œuvre du contrôle du Parlement en période d’état d’urgence sanitaire

Pour assurer le contrôle de l’action du Gouvernement durant l’état d’urgence sanitaire, l’Assemblée nationale et le Sénat ont mobilisé, de façon différente, leurs prérogatives de contrôle.

  1.   À l’Assemblée nationale

À l’Assemblée, la Conférence des présidents a créé, le 17 mars 2020, une mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de covid-19.

Présidée par le président de l’Assemblée nationale M. Richard Ferrand, la mission a confié la fonction de co-rapporteur aux huit présidents des commissions permanentes de l’Assemblée. La mission a bénéficié de la transmission hebdomadaire par le Premier ministre d’informations sur les mesures prises par le Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

La mission d’information a en outre procédé à l’audition des principaux acteurs impliqués dans la gestion de l’état d’urgence sanitaire et exercé son contrôle par le biais de demandes écrites. Enfin, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale ont également été sollicitées afin d’approfondir certaines thématiques. Ainsi, la commission des Lois a notamment concentré ses travaux sur l’utilisation des innovations numériques pour lutter contre l’épidémie, sur les enjeux liés à la sécurité publique et à la justice ainsi que sur le rôle des collectivités territoriales dans la crise. Les travaux de la mission d’information ont fait l’objet d’un premier rapport d’information, publié le 3 juin 2020 ([47]).

À la suite de sa réunion du 3 juin 2020, la mission d’information a entamé une seconde phase dans ses travaux en se dotant des prérogatives d’une commission d’enquête. Désormais présidée par Mme Brigitte Bourguignon et avec comme rapporteur M. Éric Ciotti, la mission d’information a poursuivi ses travaux et effectué 56 auditions durant cette seconde période. Le 2 décembre 2020, la mission d’information a rendu un second rapport en conclusion de ses travaux d’enquête ([48]) avant de mettre fin à ses travaux le 27 janvier 2021.

Après cette date, et en application de l’article L. 1313-13 du code de la santé publique, l’Assemblée a continué à recevoir, de la part du Gouvernement, des documents relatifs à la gestion de la crise sanitaire, tels que les rapports trimestriels relatifs à la gestion de la crise sanitaire, les rapports d’étape hebdomadaires sur les mesures prises dans le cadre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire ainsi qu’un rapport sur l’impact du passe sanitaire.

  1.   Au Sénat

Le Sénat, à la différence de l’Assemblée nationale, a initialement choisi de confier le contrôle des mesures prises par le Gouvernement en application de l’état d’urgence sanitaire à sa commission des Lois, qui a constitué en son sein une mission contrôle et de suivi des mesures prises en application de la loi d’urgence du 23 mars 2020.

Créée en mars 2020, la mission était présidée par le président de la commission des Lois M. Philippe Bas et était composée de 11 sénateurs issus de tous les groupes politiques. La mission a mené 61 auditions entre avril et juin 2020. Ses travaux ont fait l’objet d’un rapport d’information publié le 8 juillet 2020 ([49]).

Le 30 juin 2020, le Sénat a par ailleurs décidé, en séance publique, de créer une commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion. Réunie pour la première fois le 2 juillet 2020, la commission d’enquête a conduit des auditions jusqu’au mois d’octobre 2020 ; son rapport a été rendu public le 8 décembre 2020 ([50]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 2 de la présente proposition de loi traduit, au sein d’un nouvel article 5 quater de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les recommandations nos 3 et 4 du rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire.

  1.   Une information du Parlement sur le modèle de l’état d’urgence

Le I de l’article 2, qui traduit la recommandation n° 3 du rapport de la mission d’information flash, inscrit dans la loi une information du Parlement sur l’activité du Gouvernement en période d’affaires courantes, sur le modèle de l’information prévue à l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. De façon incidente et sans préjudice d’une éventuelle modification de la Constitution élargissant les périodes durant lesquelles la compétence du Gouvernement est limitée aux affaires courantes ([51]), le I définit ces périodes comme celles résultant :

– soit de l’acceptation, par le Président de la République, de la démission du Gouvernement, conformément au premier alinéa de l’article 8 de la Constitution ;

– soit de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’une motion de censure (alinéas 2 et 3 de l’article 49 de la Constitution) ou de la désapprobation du programme ou d’une déclaration de politique générale du Gouvernement (premier alinéa du même article 49), le Premier ministre étant alors dans l’obligation de remettre au Président de la République la démission du Gouvernement, conformément à l’article 50 de la Constitution.

  1.   Une transmission sans délai des actes ayant une portée politique

Le II du présent article prévoit la transmission sans délai à l’Assemblée nationale et au Sénat des actes pouvant faire l’objet, en application de l’article 1er de la proposition de loi, d’un recours pour excès de pouvoir introduit par des parlementaires en cette seule qualité. Il s’agit ainsi :

– des ordonnances et des décrets ;

– des actes réglementaires des ministres ainsi que de leurs circulaires et de leurs instructions de portée générale ;

– des décrets du Président de la République pris en vertu du troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution et des articles 1er et 2 de l’ordonnance n° 58‑1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État ;

– des décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques.

Devront également être transmis les actes individuels pris par les ministres, certains d’entre eux étant susceptibles de soulever des interrogations, politiques ou juridiques, quant à la possibilité de les édicter en période d’affaires courantes ([52]).

Devront par ailleurs être transmises les décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État, le ministre les ayant édictées n’étant plus forcément compétent pour les modifier en période d’affaires courantes.

L’Assemblée nationale et le Sénat devront en outre être informés sans délai des déplacements, des conférences de presse et des communiqués de presse ministériels tenus ou diffusés pendant cette période. En effet, bien qu’ils ne soient a priori pas susceptibles de recours devant le juge administratif, la doctrine gouvernementale élaborée par le secrétariat général du Gouvernement ([53]) :

– tend à limiter les déplacements qui ne s’inscrivent pas dans la conduite des affaires courantes ;

– restreint la communication gouvernementale aux sujets qui ne peuvent pas attendre et proscrit, en principe, les rencontres avec la presse dans l’enceinte des ministères.

Enfin, le II de l’article 2 de la proposition de loi permet à l’Assemblée nationale et au Sénat de pouvoir requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle de l’expédition des affaires courantes.

  1.   La remise d’un rapport au Parlement à l’issue de la période d’affaires courantes

Le III de l’article 2, qui traduit la recommandation n° 4 du rapport de la mission d’information flash, prévoit la remise au Parlement, par le nouveau Gouvernement, d’un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé. Il sous-entend ainsi que la période d’expédition des affaires courantes prend fin à compter de la nomination des membres d’un nouveau Gouvernement – et non à compter de la nomination du nouveau Premier ministre – conformément à la jurisprudence administrative ([54]).

  1.   La position de la commission

Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté trois amendements de vos rapporteurs qui modifient le périmètre des actes faisant l’objet d’une transmission obligatoire et sans délai par le Gouvernement en période d’affaires courantes. Il s’agit :

– de l’amendement CL15, qui élargit le champ des actes devant faire l’objet de cette transmission systématique à l’ensemble des actes, réglementaires et non réglementaires, pris par les ministres – et non aux seuls actes réglementaires et individuels –, dans l’objectif d’y inclure les décisions d’espèce. Tel est par exemple le cas d’un arrêté ministériel délimitant une zone touristique internationale (ZTI), au sein de laquelle il est possible de déroger aux règles relatives au repos dominical, en application de l’article L. 3132-24 du code du travail ;

– de l’amendement CL16, qui retire du champ de cette transmission systématique les nominations prévues à l’article 2 de l’ordonnance n° 58‑1136 du 28 novembre 1958 précitée, dans la mesure où ces nominations du Président de la République ne font pas l’objet d’un contreseing ministériel ([55]) et ne présentent pas, non plus, de caractère politiquement sensible ;

– de l’amendement CL17, qui supprime la transmission obligatoire des décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques ainsi que des décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État, au regard de leur faible nombre. Cet amendement supprime également l’information sans délai des déplacements ministériels, des conférences de presse et des communiqués de presse, qui ne constituent pas des actes administratifs justifiant une information obligatoire et sans délai du Parlement. Ceux-ci devront néanmoins figurer dans le rapport dressant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes prévu au III de l’article 5 quater de l’ordonnance du 17 novembre 1958. Si cela est nécessaire, l’Assemblée nationale et le Sénat conserveront par ailleurs la faculté de requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.

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   COMPTE RENDU DES DÉBATS

Lors de sa réunion du mardi 25 mars 2025, la Commission examine la proposition de loi visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes (n° 960) (Mme Léa Balage El Mariky et M. Stéphane Mazars, rapporteurs)

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M. le président Florent Boudié. La proposition de loi visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes, dont je suis cosignataire, est inscrite à l’ordre du jour transpartisan de la séance du 2 avril. Elle a été déposée à la suite des conclusions de la mission d’information flash sur les actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire. Le bureau de notre commission a en effet souhaité que certaines des préconisations de son rapport, remis le 11 décembre dernier, soient reprises dans une proposition de loi, qui a été confiée aux mêmes rapporteurs, Mme Léa Balage El Mariky et M. Stéphane Mazars.

Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. Notre pays a connu en 2024 deux périodes d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire d’une durée inédite dans l’histoire de la Ve République : la première a eu lieu entre le 16 juillet et le 21 septembre et la seconde entre le 5 et le 23 décembre, après l’adoption d’une motion de censure contre le Gouvernement Barnier. Nous avons présenté, avec un certain sens du timing, les conclusions de notre mission flash le 11 décembre. Ayant constaté la faiblesse du contrôle parlementaire durant la période d’expédition des affaires courantes de l’été 2024, nous avons formulé onze recommandations.

Certaines sont des bonnes pratiques pouvant être mises en œuvre sans modification du cadre institutionnel : renforcement du contrôle par les commissions, possibilité de déposer des questions écrites ou de tenir une séance de questions au Gouvernement. Lors de la seconde période d’expédition des affaires courantes, nous avons pu, de façon inédite, tenir des séances de questions au Premier ministre. Peut-être notre rapport avait-il inspiré la conférence des présidents de l’Assemblée nationale à ce sujet.

D’autres recommandations demandent des évolutions institutionnelles, soit par une loi constitutionnelle, soit par une loi ordinaire. Nous avons donc déposé une proposition de loi constitutionnelle et une proposition de loi ordinaire, celle que nous examinons aujourd’hui.

Son article 1er part du constat que, en période d’expédition des affaires courantes, le Parlement ne peut plus adopter de motion de censure – son outil de contrôle le plus puissant – puisque, de même qu’« on ne tue pas les morts[,] on ne renverse pas les gouvernements démissionnaires ».

Néanmoins, des interrogations peuvent survenir quant à la légalité de certains actes administratifs pris pendant cette période. Certaines de ces questions peuvent trouver des réponses par l’intermédiaire des outils de contrôle que conserve le Parlement, en particulier en commission, mais cela n’est pas toujours le cas. L’octroi à certains parlementaires d’un intérêt à agir à l’encontre d’un acte réglementaire pris par un gouvernement démissionnaire permettrait de rendre ce contrôle plus effectif. L’article 1er octroie ainsi un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes pour intenter un recours pour excès de pouvoir contre des actes pris par le Gouvernement en période d’expédition des affaires courantes. L’intérêt à agir en la seule qualité de parlementaire n’a jamais été reconnu par la jurisprudence pour ne pas concurrencer d’autres leviers institutionnels de contrôle.

Ce mécanisme serait, selon certains, contraire au principe de la séparation des pouvoirs. Il n’est d’ailleurs pas rare que l’exécutif lui-même brandisse ce principe pour tenir en échec le contrôle parlementaire, comme il l’avait fait pour contrer l’obligation d’informer le Parlement lors de l’état d’urgence sanitaire. Pas plus tard que le mois dernier, M. Alexis Kohler l’a lui aussi invoqué pour justifier son refus de déferer à une convocaton de la commission des finances dans le cadre de son enquête pour étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024. Ce principe nous a également été opposé en audition par certains membres de l’administration centrale pour invalider notre proposition. Cette objection a de quoi laisser perplexe. C’est un retournement du principe de séparation des pouvoirs contre lui-même. On ne peut pas laisser l’exécutif sans contrôle et empêcher ainsi que, « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

La proposition de loi tend à reconnaître un intérêt à agir aux mêmes parlementaires qu’une proposition de loi sénatoriale adoptée en 2021, à l’exception des présidents des groupes parlementaires, pour deux raisons. D’une part, pour limiter les recours qui viseraient à prolonger devant le juge des débats menés au Parlement ou qui devraient l’être – d’autant plus que nous souhaitons que le rôle du Parlement soit renforcé durant ces périodes. D’autre part, parce que tant les présidents des assemblées parlementaires que ceux de leurs commissions permanentes ont des rôles institutionnels de nature à leur conférer un intérêt à agir : les présidents d’assemblées représentent leur institution ; les présidents de commission agiraient au nom de leur commission, compétente dans un champ de politiques publiques défini par le règlement de chaque assemblée.

Il s’agit bien ici de renforcer le contrôle du Parlement et, ainsi, la séparation des pouvoirs. J’invite ceux qui, parmi nos collègues, dénoncent un gouvernement des juges à taire leurs critiques à l’égard de la justice administrative, à laquelle nous pourrions avoir recours pour faire valoir nos droits.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Reconnaître l’intérêt des parlementaires à agir au-delà des seuls présidents des assemblées et présidents de commission, comme y tendent plusieurs amendements à l’article 1er, poserait des questions délicates.

L’alignement sur le régime de la saisine du Conseil constitutionnel pose la question du seuil – pourquoi soixante députés auraient-ils intérêt à agir et pas cinquante-neuf ? – et contrevient à l’esprit même de l’intérêt à agir en droit administratif, qui dépend de la qualité de la personne.

L’octroi de l’intérêt à agir à un organe collégial – bureau ou conférence des présidents – signifierait que l’intérêt à agir de l’Assemblée nationale ou du Sénat dépend d’un vote de cet organe.

S’agissant des présidents de groupe politique, certains proposent d’octroyer un intérêt à agir aux seuls présidents d’un groupe d’opposition. En quoi seraient-ils plus légitimes que ceux de la majorité ? Et si on l’étend à tous les présidents de groupe, pourquoi pas aussi aux députés non-inscrits ? Pourquoi faudrait-il rassembler quinze parlementaires à l’Assemblée et seulement dix au Sénat pour constituer l’intérêt à agir ?

Pour toutes ces raisons, il nous semble préférable de s’en tenir sur ce point au texte initial.

L’article 2 est une réponse à l’un des constats que nous avons faits dans le cadre de notre mission flash : la faiblesse du contrôle parlementaire à l’été 2024, que ce soit lorsque le Parlement ne siégeait pas ou pendant la session de droit ouverte pour quinze jours à compter du 18 juillet 2024.

Lors de la période d’expédition des affaires courantes de décembre 2024, nous avons constaté que le contrôle parlementaire avait été un peu plus important qu’à l’été : il était ainsi possible de déposer des questions écrites et, en l’absence de questions au Gouvernement, notre assemblée a tenu une séance de questions au Premier ministre une fois celui-ci nommé et alors que le Gouvernement expédiait encore les affaires courantes – nous avons ainsi pu l’interroger sur la situation à Mayotte après le passage du cyclone Chido. Par ailleurs, les commissions se sont réunies et certaines ont auditionné des ministres démissionnaires lorsque la situation était jugée urgente. La commission des finances a ainsi auditionné les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin sur le projet de loi spéciale et la commission des affaires étrangères a auditionné le ministre Jean-Noël Barrot sur la situation en Syrie à la suite de la chute du régime. Nous tenons à saluer ce travail et ces échanges, qui nous semblent être de bonnes pratiques à mettre en œuvre durant de telles périodes. Ce contrôle doit toutefois être renforcé, car certaines décisions auraient dû faire l’objet d’un contrôle politique renforcé.

L’article 2 prévoit ainsi, sur le modèle de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, une information du Parlement sur l’activité du gouvernement en période d’expédition des affaires courantes. Le gouvernement devrait, dans ce cadre, transmettre sans délai aux deux assemblées les mêmes actes que ceux pouvant faire l’objet d’un recours intenté par des parlementaires en application de l’article 1er – ordonnances, décrets, textes réglementaires et individuels pris par des ministres, nominations sensibles.

L’article 2 permet également à l’Assemblée nationale et au Sénat de requérir toute information complémentaire dans le cadre de ce contrôle.

Il prévoit enfin la remise au Parlement par le nouveau Gouvernement d’un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes par le gouvernement précédent.

Les diverses auditions que nous avons menées la semaine dernière nous conduisent à proposer quelques amendements. Ils sont rédactionnels ou modifient de façon marginale le périmètre des actes administratifs concernés par la proposition de loi.

Nous espérons que le texte fera l’objet d’un large consensus au sein de notre commission, comme cela fut le cas pour les recommandations de notre mission flash.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie-France Lorho (RN). La période inédite que nous avons traversée à l’issue de la démission du Gouvernement méritait qu’une enquête soit menée quant à la place occupée par le Parlement à cette occasion. L’éclairant rapport d’information de Mme Balage El Mariky et M. Mazars a souligné le caractère sans précédent de la situation politique durant laquelle, pendant soixante-sept jours, le Gouvernement démissionnaire a assuré l’expédition des affaires courantes. Cette période, dont la durée n’est pas excessive par rapport à ce qui arrive chez nos voisins, et qui n’a, selon le rapport d’information, pas mené à une violation manifeste ou importante du périmètre des affaires courantes, a toutefois semblé d’autant plus longue que les conséquences de la dissolution du 9 juin pouvaient sembler évidentes.

Si la limitation de cette période par voie constitutionnelle ne nous semble pas judicieuse du fait des opportunités politiques qui pourraient résulter d’un tel encadrement, l’instauration d’un délai raisonnable devrait être encouragée dans la pratique, car elle limiterait les risques de violation du cadre des affaires courantes et la durée de l’inopportune vacance d’un Parlement dont le rôle, surtout de contrôle, est alors réduit à une peau de chagrin. Le terme de vacance ne semble pas outrancier pour qualifier la préoccupante inertie que le Palais‑Bourbon a connue durant près de deux mois.

Le rapport d’information souligne que la session de droit ouverte en juillet 2024 n’a pas donné lieu à un contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement démissionnaire. Les questions écrites n’ont pas pu être déposées avant l’installation du nouveau Gouvernement, alors que, du fait de leur portée juridique et administrative, elles doivent pouvoir s’adresser à tout membre d’un gouvernement à venir, et les commissions permanentes se sont à peine réunies, alors que des auditions en leur sein auraient pu garantir un contrôle de l’action du gouvernement pendant cette période singulière.

C’est la raison pour laquelle le Rassemblement national soutient l’article 1er. Toutefois, la limitation de l’intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes apparaît comme un déni des forces politiques en présence à l’Assemblée nationale. Pourquoi ne pas avoir retenu également les présidents des groupes politiques alors que le rapport d’information envisageait cette possibilité ? Notre amendement CL2 propose de remédier à cette lacune en octroyant un intérêt à agir à soixante députés ou sénateurs. Il serait anormal que l’on ne tienne pas compte de la représentativité de l’Assemblée lorsqu’il s’agit de former un recours dans des situations politiques aussi délicates.

Nous sommes favorables à une meilleure information du Parlement sur les activités du Gouvernement en période d’expédition des affaires courantes, mais il nous semble illégitime qu’il revienne au nouveau Gouvernement de dresser un bilan des actions de son prédécesseur. Par ailleurs, si le contrôle du Parlement est effectivement renforcé par la présente proposition de loi, notre institution aura une connaissance suffisante des activités exercées à cette occasion.

Le rôle du Parlement a été affaibli par la dissolution et par le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cette proposition de loi est donc salutaire et nous la soutiendrons, pourvu que nos réserves soient satisfaites.

M. le président Florent Boudié. N’accusez pas les rapporteurs de n’avoir pas retenu certaines dispositions du rapport d’information. Je rappelle que nous avons souhaité ne retenir que les éléments socles faisant consensus entre les différents groupes. Nous n’avons donc pas retenu ceux qui n’étaient pas partagés par l’ensemble des groupes politiques afin que ce texte puisse être qualifié de transpartisan par la conférence des présidents.

M. Vincent Caure (EPR). Je félicite le groupe Écologiste et social pour son initiative et les rapporteurs pour la qualité de leur rapport d’information, qui contient opportunément une comparaison internationale.

Les circonstances nouvelles de l’été dernier et de la fin d’année ont permis une réflexion saine pour notre démocratie qui honore notre commission. L’objectif principal du rapport d’information était de permettre de renforcer le contrôle de l’exécutif par le Parlement dans des périodes comme celle de l’été dernier. À cet égard, les dispositions de la proposition de loi me semblent proportionnées : elles visent à améliorer l’information du Parlement pour préserver les libertés et encadrer l’action d’un gouvernement démissionnaire, sans ajouter des difficultés à un contexte politiquement complexe.

L’expédition des affaires courantes est un principe traditionnel de notre droit public qui tire son essence même du régime parlementaire, et celle de l’année dernière doit être démystifiée. Les soixante-sept jours de l’été 2024 ont été marqués par une réduction drastique du nombre d’actes administratifs édictés, par le respect de la jurisprudence et par le fait qu’aucun des recours engagés contre ces actes administratifs n’a été couronné de succès. Nos institutions ont donc bien fonctionné dans leur cadre constitutionnel et légal.

Cela dit, rien ne nous interdit d’aller plus loin et de modifier le droit positif pour garantir une meilleure information de notre assemblée et renforcer ses pouvoirs de contrôle. Notre société est mûre pour cela. Notre groupe votera donc en faveur de ce texte.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes est une nécessité que nous avons toutes et tous identifiée.

En effet, lorsqu’un gouvernement est démissionnaire, donc illégitime parce qu'il a été défait aux élections ou censuré, la logique voudrait que, dans une démocratie, le Parlement puisse davantage prendre part aux décisions. Or les deux périodes d’expédition des affaires courantes que nous avons connues depuis le 16 juillet 2024 ont permis de déceler un grave dysfonctionnement de nos institutions : lorsque le gouvernement est démissionnaire, ses pouvoirs sont en réalité plus étendus qu’en temps normal. Nous saluons donc cette initiative, qui va dans le bon sens et corrige cette incohérence.

Les périodes d’expédition des affaires courantes pendant ce quinquennat ont été d’autant plus problématiques que les ministres n’ont pas respecté l’usage républicain en la matière, qui consiste à assurer le fonctionnement minimal de l’État et à ne prendre que des décisions d’une nécessité impérieuse.

Pendant la première période, qui a duré soixante-sept jours, près de 2 000 décrets et arrêtés ont été publiés au Journal officiel, dont certains allaient bien au-delà de l’administration du quotidien. À quelle nécessité impérieuse répondait le décret permettant à certains projets industriels de déroger au code de l’environnement ? Le pays aurait-il été mis en péril si le décret, pris pour plaire au Rassemblement national, visant à priver les travailleurs saisonniers de repos hebdomadaire durant les vendanges, alors que certains meurent de la canicule, n’avait pas été publié ? On peut se poser la même question sur la mise en place du choc des savoirs à la rentrée scolaire par Mme Belloubet, sur l’application de la prime Ségur sans compensation ou sur la suspension de l’examen des dossiers de demandeurs d’asile en provenance de Syrie à la demande de M. Retailleau.

Les gouvernements Attal puis Barnier ont manifestement joué avec un profond cynisme des limites de la Ve République pour faire passer des décrets minoritaires et illégitimes. Pire, le Gouvernement s’est attelé à l’élaboration des budgets de l’État et de la sécurité sociale les plus austéritaires de la Ve République.

Ces décisions politiques ne pouvaient faire l’objet d’aucun recours, puisque le gouvernement démissionnaire ne pouvait pas être censuré et que les capacités de contrôle du Parlement étaient suspendues. Cette situation antidémocratique aurait pu perdurer jusqu’en 2027, car rien n’oblige le Président de la République à nommer un Premier ministre et à mettre fin à un gouvernement démissionnaire. D’ailleurs, si la première période d’expédition des affaires courantes a duré aussi longtemps, c’est parce que M. Macron a remis à plus tard la nomination d’un Premier ministre au prétexte de la trêve olympique, car il n’acceptait pas le résultat des élections. Il a refusé de nommer un Premier ministre issu des rangs du Nouveau Front populaire, pourtant vainqueur des élections, au profit de Michel Barnier et donc des Républicains, qui n’avaient réuni que 6 % des voix aux législatives.

Renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes est donc une nécessité démocratique. Nous voterons donc le texte.

Toutefois, la proposition de loi est trop peu ambitieuse. Elle permet un recours en annulation, mais ne l’ouvre qu’aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes. Nous souhaitons l’étendre à l’ensemble des parlementaires. Elle préserve la capacité du Parlement à être informé, ce qui est bien le minimum, mais ne lui permet pas de débattre ou de contrôler activement l’exécutif pendant une période qui pourrait durer des années, puisque la proposition ne régule en rien ni la durée ni l’étendue des pouvoirs du Gouvernement démissionnaire.

En outre, le texte ne prévoit aucune incompatibilité entre l’exercice de la fonction de ministre et celui du mandat de député. Cela aurait été pourtant bienvenu après la situation inacceptable de l’été dernier : des ministres démissionnaires ont pu participer en tant que députés à l’élection de Mme Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée. Sans leurs dix‑sept voix, elle n’aurait jamais été élue. C’est M. Chassaigne, que je salue, qui aurait dû être notre président.

Enfin, la proposition de loi ne permet pas de donner un cadre législatif à l’expédition des affaires courantes.

C’est sans naïveté que nous voterons en sa faveur. Elle ne fait que colmater les brèches d’une Ve République en fin de vie. Pour sortir des impasses, c’est le mécanisme même des affaires courantes et, plus largement, l’équilibre des pouvoirs qu’il faudrait repenser. Ces derniers mois d’instabilité montrent que nous avons raison depuis des années : comme le demande une majorité de Français, nous devrions nous atteler à l’écriture d’une nouvelle constitution pour passer à une VIe République.

M. Arthur Delaporte (SOC). Au compte rendu du Conseil des ministres du 16 juillet dernier – le jour même où Emmanuel Macron a enfin accepté la démission du Gouvernement Attal après un désaveu massif dans les urnes sept jours plus tôt –, surprise ! Un florilège de nominations : directeur général d’une agence régionale de santé (ARS), directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), directrice générale de l’enseignement scolaire, recteur, conseillers d’État, directrice des affaires civiles et du sceau… Bref, au lendemain de la dissolution et de la défaite électorale la plus cinglante subie sous la Ve République par un président de la République en exercice, le Gouvernement bientôt démissionnaire n’agit pas seulement comme si de rien n’était : il accélère.

Après les élections législatives, le nombre de textes bondit jusqu’à la démission effective du premier ministre. Au 10 juillet, quatre-vingt textes par jour en moyenne avaient été publiés au cours de la semaine précédente, soit quatre fois plus que deux ans auparavant à la même date. Si la situation se stabilise un peu après le 16 juillet, les anomalies perdurent.

Ainsi, à la fin du mois d’août, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur démissionnaire, déclasse le poste de directeur de cabinet du préfet de la région Hauts‑de-France, préfet de la zone de défense et de sécurité Nord, préfet du Nord pour y nommer son chef de cabinet, alors que celui-ci ne justifiait pas de l’expérience requise pour ce poste. Pourquoi, au cours de ce même mois, Gabriel Attal se permet-il d’envoyer une lettre plafond à sa ministre du travail suggérant une baisse de près de 3 milliards du budget de son ministère ? Pourquoi a-t-on vu autant d’annonces et de lettres de cadrage budgétaire par un gouvernement démissionnaire ? On peut aussi citer la baisse des crédits du fonds Vert. Tous ces actes représentaient évidemment un signal politique fort.

Au même moment, de nombreux ministres démissionnaires, élus députés, ont participé aux scrutins les plus importants de notre assemblée, ce qui n’a pas été sans jeter un trouble sur le principe même de séparation des pouvoirs.

La vie de ministre démissionnaire est étonnante. Certains, croisés sur les routes des Jeux olympiques, nous expliquaient que la visite des centres sportifs relevait de la gestion des affaires courantes. Le premier ministre, élu député des Hauts-de-Seine, publiait quant à lui un décret créant un fichier dénommé « Données opérationnelles de cyberdéfense ».

Si un gouvernement démissionnaire doit se cantonner au traitement des affaires courantes et à la gestion des urgences, c’est parce que, l’Assemblée ne pouvant censurer un gouvernement démissionnaire – « on ne tue pas les morts », selon le mot de Marcel Waline –, la capacité politique du pouvoir exécutif doit être réduite à néant.

Ce texte est donc bienvenu pour tenter d’amorcer un rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement et un gouvernement démissionnaire, même si nous regrettons de ne pas pouvoir appliquer davantage des recommandations judicieuses de la mission flash. Nous aurions ainsi pu envisager plusieurs modifications d’importance, comme l’obligation pour un gouvernement démissionnaire de consulter les commissions parlementaires avant de procéder à des nominations. Nous souhaitons aller plus loin en octroyant aussi aux présidents des groupes déclarés d’opposition un intérêt à agir pour contester les actes d’un gouvernement démissionnaire. Des membres de votre groupe, madame la Rapporteure, n’ont-ils pas déposé un amendement pour ouvrir cette possibilité de contestation à l’ensemble des parlementaires ?

Je vous remercie pour la qualité de votre rapport d’information, qui est d’utilité publique – c’est une question de démocratie.

M. Philippe Gosselin (DR). Contrairement à d’autres orateurs, je ne referai pas le match. Je les rejoins toutefois sur l’essentiel : il faut revoir le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes.

Avant même la démission du Gouvernement, présentée le 8 juillet et acceptée le 16 juillet, dès la dissolution, en réalité, le Gouvernement n’a plus pu réunir l’Assemblée nationale pour voter des textes et il s’est retrouvé, en fait sinon en droit, à expédier les affaires courantes. Ce n’est donc pas de soixante-sept jours qu’il convient de parler, mais de cent jours – une référence historique qui illustre le besoin d’encadrement durant une période, la plus longue que l’on ait connue sous la Ve République, qui rappelle la IIIe ou la IVe République. Sauf que nous ne sommes ni sous la IIIe ni sous la IVe République et que, contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Belgique, où il n’est pas rare de passer de longs mois sans gouvernement pour préparer une coalition, nous n’avons pas prévu d’encadrement pour ce moment d’instabilité.

Nous nous réjouissons des conclusions du rapport de nos deux collègues et des droits supplémentaires qu’ils proposent.

L’introduction de l’intérêt à agir pour les présidents des assemblées et des commissions permanentes permettra d’accroître le contrôle parlementaire. Il serait bon de l’étendre à chaque parlementaire, de façon individuelle comme est individuel le droit d’amendement, ou au moins aux présidents de groupe. Toutefois, le critère d’appartenance à l’opposition pose trop de difficultés : pour pouvoir se déclarer dans la majorité ou dans l’opposition, il faut que l’Assemblée ait pu se réunir pour constituer ses instances et que le Gouvernement ait été formé.

L’extension du champ des actes contestables va également dans le bon sens. Elle permettra d’éviter des signatures de décrets controversés, des nominations stratégiques dans la haute administration pour ceux qui quittent le navire, même provisoirement, ou encore l’application de normes réglementaires dérogatoires.

On pourrait aller plus loin. Cependant, à ce stade, il n’est pas possible de toucher à la Constitution ; c’est la limite de l’exercice. Mais entre rien – ou si peu – et ce qui est proposé, il y a moyen de faire œuvre utile puisque nous assistons, pour une fois, à une convergence unanime vers l’amélioration de la démocratie et du contrôle du Gouvernement par le peuple, les parlementaires étant les élus de la nation.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Je salue le travail des rapporteurs sur cette matière importante ; même si le texte proposé est minimaliste et que nous espérons l’améliorer, il vient combler un manque.

L’expérience d’un gouvernement démissionnaire n’était pas inconnue des républiques précédentes, en particulier de la IVe République. Elle est plus rare sous la Ve République, qui donne tout pouvoir au président de la République pour nommer le Premier ministre et former avec lui un Gouvernement. Nous avons pourtant connu en 2024 deux périodes d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire d’une durée inédite, dont la première est sans doute la plus marquante.

À la suite des élections législatives de juin et juillet 2024, provoquées par une dissolution pour le moins baroque, les ministres du gouvernement Attal ont expédié les affaires courantes du 16 juillet jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement, le 21 septembre. C’est donc sous la direction de M. Gabriel Attal d’abord, puis, à compter du 5 septembre, sous la direction de son successeur, M. Michel Barnier, que les affaires courantes ont été expédiées par des gouvernements démissionnaires, soit une période exceptionnelle de soixante-sept jours que rien ne justifiait constitutionnellement. Au lendemain d’élections législatives qu’il avait perdues, il appartenait en effet au président de la République de nommer sans délai un successeur à M. Attal. Au lieu de cela, il a décrété une curieuse et inventive trêve olympique pour se dégager de son devoir et remettre à septembre la nomination du nouveau Premier ministre, en l’occurrence M. Barnier.

Les périodes d’expédition des affaires courantes sont encadrées depuis 1952 par la jurisprudence du Conseil d’État, que l’on peut pour le moins qualifier de compréhensive.

L’article 1er de la proposition de loi octroie un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes pour effectuer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes réglementaires et individuels pris lorsque le gouvernement expédie les affaires courantes. Il semblerait qu’il soit moins-disant par rapport aux propositions formulées par l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État. Je proposerai un amendement visant à étendre son champ.

L’article 2 prévoit l’information du Parlement sur l’activité du Gouvernement en période d’affaires courantes, ainsi que la remise d’un rapport du nouveau Gouvernement au Parlement établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes.

Le groupe Écologiste et social se félicite de ces progrès, même timides, du contrôle du Parlement et il votera en faveur du texte.

Mme Blandine Brocard (Dem). À l’été 2024, notre pays a connu une période exceptionnelle de soixante-sept jours d’expédition des affaires courantes, une durée inédite sous la Ve République qui a mis en lumière la stabilité, mais aussi les fragilités de notre système de contrôle démocratique. Si le Gouvernement démissionnaire a globalement respecté le cadre fixé par le Conseil d’État et le secrétariat général du Gouvernement, un point est apparu incontestable : le contrôle parlementaire pourrait favorablement être renforcé pendant cette période.

La période durant laquelle un gouvernement reste aux manettes en disposant d’une liberté d’action très limitée ne peut pas être anodine. Elle surgit dans un moment de suspension institutionnelle durant lequel le Parlement reste garant du bon fonctionnement démocratique. C’est justement parce que cette période de flottement échappe à la normalité que notre vigilance doit être renforcée.

La proposition de loi est le fruit du travail rigoureux et fort utile de nos deux rapporteurs, nourri par la mission d’information flash lancée à l’automne dernier. Son objectif est clair : garantir que, même dans l’entre-deux gouvernemental, le Parlement ne soit jamais relégué au second plan et assure pleinement son rôle de contrôle.

Le texte comporte deux avancées majeures. Premièrement, il reconnaît aux présidents des assemblées et des commissions permanentes un intérêt à agir pour contester un acte réglementaire pris par un gouvernement démissionnaire en dehors du champ des affaires courantes. Il s’agit là d’un progrès démocratique important : permettre au Parlement de faire valoir ses droits devant le juge administratif quand l’exécutif semble outrepasser ses compétences. L’intérêt à agir est une notion fondamentale du droit que le juge administratif n’a jamais reconnu aux parlementaires en leur seule qualité ; il est donc nécessaire que nous y remédiions, tout en limitant ce droit aux plus hautes instances de nos assemblées pour éviter les situations de blocage total et l’encombrement des tribunaux.

Deuxièmement, le texte prévoit l’information systématique du Parlement sur l’activité gouvernementale durant la période. C’est un principe simple mais fondamental, celui de la transparence, malgré quelques dispositions qui nous semblent outrepasser le nécessaire, comme l’information sur les déplacements, les conférences et communiqués de presse, ainsi que la communication systématique des décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État.

Le groupe Les Démocrates soutiendra pleinement la proposition de loi. Elle ne remet en cause ni la stabilité institutionnelle, ni la continuité de l’État. Elle ne bride pas l’action du Gouvernement démissionnaire là où celle-ci est nécessaire. Elle vise seulement à restaurer un équilibre précieux et vital, celui entre l’exécutif et le législatif, même lorsque le premier est en sursis. Notre démocratie ne saurait s’accorder de zone grise et encore moins de parenthèse.

M. Jean Moulliere (HOR). De manière inédite sous la Ve République, le Gouvernement démissionnaire a expédié les affaires courantes pendant soixante-sept jours à l’été 2024. Il a été capable d’assurer l’expédition des affaires courantes entre le 16 juillet et le 21 septembre en se fondant sur un strict respect de la doctrine élaborée par le secrétariat général du Gouvernement, elle-même fondée sur la jurisprudence du Conseil d’État.

Cette situation inédite a conduit, à la reprise de la session parlementaire, à une mission flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire. C’était un travail nécessaire et le groupe Horizons et indépendants a salué cette initiative transpartisane capable de rassembler les groupes parlementaires à propos d’un thème cher à l’ensemble des forces politiques : le respect de l’État de droit.

Notre groupe s’est également réjoui des conclusions rendues par les rapporteurs en décembre 2024. Le gouvernement démissionnaire à l’été 2024 a globalement respecté le périmètre jurisprudentiel des affaires courantes, comme en témoigne l’absence de suspension ou d’annulation par le juge administratif d’un acte au motif que celui-ci aurait excédé le champ d’action d’un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes. Cette réussite est notable sachant que la pratique quotidienne des affaires courantes n’est, fort heureusement, pas si fréquente en France. Le rapport soulignait toutefois la faiblesse du contrôle parlementaire de l’action du gouvernement démissionnaire, une exigence démocratique pourtant fondamentale.

À l’époque, le groupe Horizons et indépendants avait mis en valeur la qualité de ce rapport riche de ressources juridiques et jurisprudentielles. Il en va de même pour sa traduction législative. Les mesures contenues dans la proposition de loi sont nécessaires : en effet, même et surtout en cas de Gouvernement démissionnaire, le Parlement doit continuer d’exercer son contrôle sur l’activité gouvernementale. Ni la séparation des pouvoirs, ni l’équilibre défini par notre Constitution ne cessent parce que le Gouvernement est démissionnaire. Le Parlement est la vigie constitutionnelle du respect du périmètre des affaires courantes.

Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe soutiendra la proposition de loi, en particulier les dispositions prévoyant la remise au Parlement par le nouveau Gouvernement d’un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes, lequel permettra un contrôle ex post tout à fait utile.

M. Paul Molac (LIOT). Soixante-sept jours de gouvernement démissionnaire, une absence d’information et de contrôle du Parlement : cette période incertaine, un peu opaque, n’a fait que renforcer le sentiment d’affaiblissement de notre démocratie. Alors qu’un gouvernement démissionnaire est avant tout un gouvernement qui a perdu toute légitimité, il peut continuer à agir, certes dans un périmètre restreint, sans avoir à rendre de comptes ni au Parlement ni aux citoyens. Or, dans le même temps, notre assemblée perd son arme principale : la capacité à le censurer. Ce sujet n’est pas négligeable. En 2024, l’expédition des affaires courantes a donné lieu à l’édiction de 340 décrets et de 1 650 arrêtés en seulement trois mois. On peut dire que l’administration centrale n’a pas chômé !

La proposition de loi doit avant tout protéger le Parlement face à l’action de l’exécutif. Notre groupe soutient une logique d’équilibre. Il est nécessaire de permettre la continuité de l’État et des services publics pour ne pas tomber dans l’impuissance, mais il faut également assurer une juste information des parlementaires. Le texte a le mérite de définir plus précisément les périodes durant lesquelles l’action du Gouvernement est limitée : en cas de démission acceptée par le Président de la République, en cas de censure ou en cas de rejet d’une déclaration de politique générale. Notre groupe aurait souhaité inclure également le cas de la dissolution, car le Gouvernement devrait se cantonner aux affaires courantes en cas d’élections anticipées.

Le texte crée un nouveau régime d’information et de contrôle des assemblées en période d’affaires courantes. La liste des actes du Gouvernement concernés, qui s’inspire du régime de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence, redonne toute son utilité au contrôle parlementaire. Nous soutenons également l’article 1er, qui donne intérêt à agir aux présidents des assemblées et des commissions permanentes pour contester la légalité de certains actes devant le juge administratif. Notre groupe a toutefois une réserve : pour préserver les droits des groupes, minoritaires et d’opposition, il est indispensable d’ouvrir l’intérêt à agir à tous les présidents de groupe.

Nous regrettons la modestie du texte en dépit des constats préoccupants de la mission flash. Bien évidemment, nous avons conscience des limites auxquelles sont confrontés les rapporteurs : plusieurs modifications relèvent d’une révision constitutionnelle ou tout simplement de bonnes pratiques. Toutefois, je pense sincèrement qu’il manque un volet sur les devoirs du Gouvernement démissionnaire. Il est bon de rappeler qu’en période d’affaires courantes, les ministres perçoivent toujours leur traitement et qu’ils ne sont pas en vacances. La proposition de loi regarde seulement ce que peut faire un ministre démissionnaire, mais il faudrait aussi s’intéresser à ce qu’il ne doit pas faire. En 2024, de nombreux territoires se sont retrouvés délaissés. Certains députés ultramarins de notre groupe ont alerté sur l’impossibilité d’obtenir ne serait-ce que des informations ou une aide de l’administration centrale pendant cette période. Ce n’est pas acceptable.

Nonobstant ces quelques remarques, notre groupe votera pour le texte.

Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. La définition du Gouvernement démissionnaire est en partie intégrée à l’article 1er, lequel situe le point de départ de la gestion des affaires courantes au moment où la démission du Premier ministre est acceptée ou une motion de censure adoptée. Des voix s’élèvent pour y ajouter la dissolution de l’Assemblée nationale. J’estime que nous pourrions nous pencher sur la question ; sur ce point, je n’ai pas la même approche que Stéphane Mazars. Néanmoins, dans le cas d’élections anticipées, un gouvernement est soumis à la réserve électorale, laquelle n’a pas le même encadrement jurisprudentiel. Il faudrait donc un texte constitutionnel issu d’un dialogue transpartisan pour réformer nos institutions.

À mesure des auditions et de nos déplacements en Belgique et aux Pays-Bas, nous avons acquis la conviction qu’il fallait dédramatiser l’existence d’un gouvernement démissionnaire. En cas de refonte du mode de scrutin incluant l’introduction d’une part de proportionnelle, nous connaîtrons d’autres périodes où le Gouvernement expédie les affaires courantes en attendant la formation d’une coalition plus ou moins majoritaire. Notre rôle n’est pas d’en limiter la durée à quelques jours ou à quelques semaines, ce qui n’aurait pas de sens : ce serait un fusil non chargé que l’on braquerait sur la tempe du Président de la République, puisque celui-ci n’a aucune obligation de nommer un chef de gouvernement dans ce délai. Cela ne renforcerait pas non plus le Parlement. Nous devons surtout mieux accompagner ces périodes afin d’empêcher les actions contraires au principe de séparation des pouvoirs et l’instauration de politiques illibérales en l’absence de contrôle de l’action du Gouvernement.

Concernant ce que peut ou ne peut pas faire un gouvernement démissionnaire, je reprends à mon compte la définition du professeur de droit constitutionnel Denis Baranger, selon qui un gouvernement démissionnaire n’a plus aucune compétence hormis par exception, c’est-à-dire pour la gestion des affaires courantes ou des affaires urgentes. Un gouvernement démissionnaire n’a pas plus de compétences qu’un gouvernement ordinaire ; il a, au contraire, moins de possibilités. En revanche, il était jusqu’à présent soumis à un contrôle parlementaire moindre. Le texte apporte des briques de contrôle supplémentaires.

Au cours de la période entre la démission du Premier ministre et son acceptation, des actes ont été pris qui ne relevaient pas des affaires courantes – et qui, à mon sens, auraient pu en relever, mais c’est un autre débat. De ce fait, les commissions permanentes auraient dû effectuer plus d’auditions et maintenir des relations avec le Gouvernement pour lui demander des comptes. Comme l’a rappelé Stéphane Mazars, des auditions se sont tenues durant la deuxième période de gouvernement démissionnaire, à la fin de l’année 2024, pour tenir compte des recommandations que nous avions formulées.

Le contrôle de la légalité des actes est un volet important de la proposition de loi. Plusieurs amendements proposent de modifier le périmètre de l’intérêt à agir. Selon la jurisprudence, ont intérêt à agir les personnes ayant un lien – ou les associations dont les statuts justifient ce lien – avec l’affaire qu’elles portent devant le juge administratif. La loi est déjà intervenue pour reconnaître l’intérêt à agir ès-qualité de certains acteurs. Si nous adoptions la proposition de loi, il serait également octroyé aux parlementaires dans le cadre d’un régime dérogatoire.

M. Philippe Gosselin rappelait que le droit d’amendement est individuel. Cependant, selon l’article 24 de la Constitution, le contrôle de l’action du Gouvernement relève de l’institution. C’est à elle qu’il revient de défendre l’État de droit et la séparation des pouvoirs ; de ce fait, nous proposons de réserver le contrôle de la légalité des actes administratifs pris par le gouvernement démissionnaire à des acteurs institutionnels. Je suis d’accord pour dire qu’il n’y a pas lieu de distinguer les groupes politiques en fonction de leur appartenance ou non à l’opposition. Si le Gouvernement est démissionnaire, c’est justement parce que l’équilibre politique a changé.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Plusieurs orateurs ont cité les conditions dans lesquelles certains actes ont été pris par des ministres démissionnaires lors de la période écoulée. Même si je ne partage pas toujours le fond de la critique, elle montre la nécessité pour le Parlement d’exercer un contrôle au fil de l’eau.

On nous reproche un texte minimaliste. Je rappelle que le rapport de la mission flash a formulé des propositions de trois ordres : certaines, ambitieuses, relèvent d’une loi constitutionnelle ; d’autres recommandent des bonnes pratiques, dont celle consistant à maintenir les séances de questions au Gouvernement, recommandation qui a été suivie d’effet puisqu’une séance de questions au Premier ministre a eu lieu au mois de décembre ; les dernières figurent dans la proposition de loi ordinaire. Le texte s’inscrit dans un ensemble visant à faire du Parlement un outil de contrôle plus efficace.

Il est inutile de s’enfermer dans un délai, puisque l’article 8 de la Constitution n’en impose pas au Président de la République pour nommer un Premier ministre. Ce serait même contradictoire avec un changement du mode de scrutin qui introduirait une part de proportionnelle. Il faut au contraire faire de cette période un temps utile pour que les groupes politiques de l’Assemblée nationale discutent des coalitions possibles et s’accordent sur un programme afin de parvenir à une démocratie parlementaire plus efficiente, comme l’a rappelé Vincent Caure, sur le modèle de ce que nous avons constaté lors de nos déplacements en Belgique et aux Pays-Bas.

Article 1er : (art. 4 octies [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Octroi d’un intérêt à agir en période d’expédition des affaires courantes

Amendements CL1 de M. Jérémie Iordanoff, CL4 de Mme Gabrielle Cathala, CL2 de Mme Marie-France Lorho, amendements identiques CL5 de M. Jean-François Coulomme et CL10 de M. Paul Molac, amendement CL18 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). L’amendement du groupe Écologiste et social introduit dans le présent texte le dispositif prévu dans la proposition de loi n° 756 relative à l’intérêt à agir des parlementaires. De jurisprudence constante, le Conseil d’État estime qu’un parlementaire n’a pas, en cette seule qualité, intérêt à agir contre les actes administratifs, y compris contre le refus du pouvoir réglementaire d’édicter un décret d’application d’une loi pourtant votée par le Parlement et promulguée par le Président de la République. Citons notamment l’arrêt Masson du 23 novembre 2011.

Alors que les membres d’une assemblée délibérante locale ont intérêt à agir contre les actes de l’exécutif local, alors que soixante députés ou sénateurs peuvent déférer au Conseil constitutionnel une loi votée avant sa promulgation, le prétoire du juge administratif demeure fermé aux parlementaires, à moins de se prévaloir d’une autre qualité, ce qui aboutit soit à des situations ubuesques, soit à un déni de justice. On peut citer à cet égard l’arrêt Dosière du 26 avril 2013 sur un acte inconstitutionnel, car non contresigné, du Président de la République Nicolas Sarkozy.

C’est la raison pour laquelle l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, M. Daniel Labetoulle, avait proposé de faire évoluer la jurisprudence en reconnaissant aux parlementaires un intérêt à agir contre les actes administratifs de nature à méconnaître les compétences et prérogatives liées aux fonctions normatives et de contrôle du Parlement. L’amendement reprend cette proposition, qui donne au dispositif initial une portée plus large.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’amendement CL4 propose d’étendre l’intérêt à agir à l’ensemble des députés et des sénateurs au lieu de le limiter aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents de leurs commissions permanentes. Il faut aussi prendre en compte les députés non-inscrits.

Mme Marie-France Lorho (RN). L’amendement CL2 vise à octroyer un intérêt à agir à soixante députés et soixante sénateurs en plus des personnes déjà prévues. Les exclure de la possibilité de former un recours contrevient au respect de la représentativité de l’Assemblée nationale dans une période politiquement délicate.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’amendement CL5, de repli, ajoute les présidents des groupes politiques des assemblées parlementaires.

M. Paul Molac (LIOT). L’amendement CL10, identique au précédent, entend briser l’entre soi qui risque de prévaloir si nous nous en tenons à la rédaction actuelle. Souvenez-vous : entre 2012 et 2017 comme entre 2017 et 2022, le président de l’Assemblée et les présidents des commissions permanentes – le président de la commission des finances mis à part, bien sûr – étaient tous de la même couleur politique.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement CL18 vise à ajouter les présidents des groupes parlementaires d’opposition, chaque groupe étant libre de se déclarer dans l’opposition ou dans la majorité. Le recours pour excès de pouvoir serait ainsi ouvert à ceux qui contestent la politique menée par le Gouvernement chargé des affaires courantes. Il s’agit d’un amendement de repli – ma préférence va à une extension à l’ensemble des parlementaires, comme le propose M. Iordanoff.

En dehors des périodes d’exécution des affaires courantes, nous devons plus largement nous poser la question de l’intérêt à agir des parlementaires face à des décrets d’application portant sur des dispositions législatives dont ils ont eu l’initiative. Rappelons que Dominique Potier s’est vu opposer une absence d’intérêt à agir alors que son recours devant le Conseil d’État avait pour objet un décret travestissant une disposition législative issue de l’un de ses amendements.

Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. Bien que l’amendement de M. Iordanoff s’appuie sur une proposition de loi que j’ai cosignée, je lui demanderai de bien vouloir le retirer. Il entend faire entrer dans le périmètre des actes administratifs donnant lieu à recours les « actes d’un gouvernement démissionnaire excédant manifestement les prérogatives d’un tel gouvernement ». Or la présente proposition va plus loin : elle ne limite pas ce périmètre de la sorte et ne pose aucune limitation aux moyens susceptibles d’être soulevés ; elle prévoit simplement pour les présidents des assemblées parlementaires et les présidents de leurs commissions permanentes la possibilité d’interroger la légalité de certains actes pris par un gouvernement expédiant les affaires courantes.

L’idée d’ouvrir la possibilité de déposer un recours à soixante députés ou à soixante sénateurs s’inspire des modalités de saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires. Or ce sont deux choses différentes. La possibilité de former un recours dépend ici de la qualité même de parlementaire et non du nombre de requérants. L’intérêt à agir s’apprécie en fonction du lien entre l’acte contesté et l’institution parlementaire.

S’agissant de la possibilité d’intégrer les présidents de groupe dans le champ des parlementaires auxquels serait octroyé un intérêt à agir, je rappellerai que le contrôle de l’action du Gouvernement est une prérogative du Parlement en tant qu’institution et non un pouvoir que détiendraient les députés, contrairement au droit d’amendement dont ils disposent à titre individuel. L’article 24 de la Constitution est clair sur ce point. Nous pourrions toujours le modifier, mais ce n’est pas l’objet de ce texte.

Par ailleurs, j’estime qu’il n’y a pas lieu de restreindre l’intérêt à agir à des groupes appartenant soit à l’opposition, soit à la majorité. Entre 2012 et 2017, les périodes durant lesquelles les gouvernements démissionnaires ont expédié les affaires courantes ont très peu duré. Il faut en outre prendre en compte un angle mort de vos réflexions : au Sénat, les groupes appartenant à l’opposition et à la majorité ne sont pas forcément les mêmes qu’à l’Assemblée.

Je demande donc le retrait de l’amendement CL1 et suis défavorable aux autres.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous avons voulu ouvrir la possibilité de contester certains actes pris par les gouvernements démissionnaires au Parlement en tant qu’institution. C’est la raison pour laquelle nous avons restreint l’intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents de leurs commissions permanentes. Nous sommes défavorables à la prise en compte des présidents de groupe, car nous tenons à écarter toute dimension politique. Il ne faudrait pas rejouer devant la juridiction administrative le match perdu sur le terrain politique. Si les recours sont de nature politique, les décisions de justice seront susceptibles d’être critiquées, ce qui risque d’affaiblir notre État de droit.

M. le président Florent Boudié. Rappelons que le président ou la présidente de la commission des finances appartient à un groupe de l’opposition.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Certes, mon amendement limite le périmètre des actes pouvant faire l’objet d’un recours, mais il octroie l’intérêt à agir à l’ensemble des parlementaires, ce qui nous paraît logique. La rédaction actuelle de l’article 1er me semble très restrictive, notamment parce qu’elle n’intègre pas les actes pris par un gouvernement non démissionnaire. Je suis toutefois prêt à le retirer en vue de la séance, mais voterai pour tout amendement visant un élargissement de la saisine, sauf ceux prévoyant une ouverture aux présidents d’un groupe de l’opposition, notion difficile à déterminer et appelée à varier.

L’amendement CL1 est retiré.

M. le président Florent Boudié. Entre juillet et septembre 2024, les frontières entre l’opposition et la majorité étaient en effet fluctuantes.

M. Arthur Delaporte (SOC). Déterminer si l’on appartient ou non à l’opposition ne relève pas forcément de l’instrumentalisation politique. L’été dernier, les Républicains s’étaient déclarés groupe d’opposition du fait même qu’ils n’appartenaient pas au Gouvernement. Il peut s’agir simplement de marquer une position par rapport à ceux qui prennent des actes administratifs. Élargir l’intérêt à agir à l’ensemble des présidents des groupes parlementaires me semble une bonne solution. Loin de favoriser les guérillas politiques, une telle ouverture renforcerait notre capacité à empêcher les abus et l’arbitraire. Le juge saura apprécier l’intérêt à agir.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Il y a aussi une question de temporalité. Prenons l’exemple du mois de juillet 2024 : les députés ont été élus le 7, la présidente de l’Assemblée et les présidents des commissions le 19 et le 20. Autrement dit, si la rédaction actuelle avait été en vigueur, personne n’aurait déposé de recours avant le 20 juillet. Il est en effet fort peu probable que Mme Braun-Pivet et M. Larcher, du fait de leur appartenance à la majorité – on ne peut pas dire que les LR soient dans l’opposition –, eussent fait droit aux demandes émanant des parlementaires de saisir le Conseil d’État. Je suis donc favorable à une extension à l’ensemble des parlementaires, qui permet en outre de prendre en compte les députés non-inscrits – si M. Sacha Houlié était là, ce serait intéressant.

M. le président Florent Boudié. Votre remarque sur les délais est très juste.

M. Paul Molac (LIOT). La rédaction actuelle risque de laisser prédominer la monochromie : si le président ou la présidente de l’Assemblée et les présidents des diverses commissions appartiennent à la majorité, seul le président – ou la présidente – de la commission des finances sera enclin à effectuer un recours. Cela dit, l’extension à tous les présidents des groupes politiques ne serait pas forcément de nature à favoriser la saisine, car en cas de dissolution, il n’y a plus de députés, donc plus de groupes politiques !

M. le président Florent Boudié. L’ajout des présidents de groupe rapprocherait le périmètre de la composition de la conférence des présidents.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je vous remercie, monsieur Iordanoff, d’avoir retiré votre amendement.

Monsieur Delaporte, qui peut le plus peut le moins : si l’octroi de l’intérêt à agir est étendu à l’ensemble des présidents des groupes parlementaires, ceux de l’opposition seront forcément pris en compte et les difficultés liées à cette notion fluctuante ne se poseront pas.

Madame Cathala, vous signalez un angle mort dans la réflexion sur les délais. Si les délais de recours pour excès de pouvoir s’élèvent à deux mois après la publication de l’acte contesté, il arrive qu’il faille intervenir dans un temps plus court pour obtenir la suspension d’un acte illégal pris par un gouvernement démissionnaire qui aurait outrepassé ses prérogatives. Je tiens à vous rassurer : ce n’est pas parce que l’intérêt à agir n’est pas octroyé à l’ensemble des parlementaires que les actes en cause ne peuvent faire l’objet d’un contentieux devant le juge administratif. Les citoyens lésés ou des associations sont autorisés à déposer des recours en faisant valoir leur intérêt à agir. Nous sommes dans un État de droit et un acte manifestement illégal pourra toujours faire l’objet de recours déposés par des citoyens et des citoyennes – s’agissant de recours initiés par des parlementaires il est même arrivé que le Conseil d’État, par une série de circonvolutions, s’attache directement à traiter du fond.

M. le président Florent Boudié. Si je résume vos positions sur les amendements, madame la rapporteure, vous vous en remettez à la sagesse de la commission sur les amendements identiques CL5 et CL10 et vous demandez le retrait des autres amendements.

La commission rejette successivement les amendements CL4 et CL2.

Puis elle adopte les amendements identiques CL5 et CL10.

En conséquence, l’amendement CL18 tombe.

La commission adopte successivement les amendements CL11, de coordination, et CL12, de précision, de Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure.

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

Article 2 : (art. 5 quater [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Renforcement du contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes

Amendements CL13 de M. Stéphane Mazars et CL9 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune)

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’amendement CL13 est rédactionnel.

La commission adopte l’amendement CL13.

En conséquence, l’amendement CL9 tombe.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL14 et CL15 ainsi que l’amendement de précision CL16 de M. Stéphane Mazars, rapporteur.

Amendement CL17 de M. Stéphane Mazars et CL3 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’amendement CL17 est le pendant de l’amendement CL11 adopté à l’article 1er. Il supprime la transmission obligatoire et sans délai de certains types de document.

Mme Marie-France Lorho (RN). L’amendement CL3 prévoit de supprimer l’obligation faite au nouveau Gouvernement de remettre au Parlement un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé. Il n’a pas à être tenu responsable des actions entreprises par le Gouvernement démissionnaire.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Nous tenons au maintien de ce rapport. Un gouvernement démissionnaire, par définition, ne peut le transmettre puisqu’il n’a plus d’existence dès lors qu’est formé un nouveau Gouvernement. Celui-ci sera aidé dans sa tâche par le secrétariat général du Gouvernement.

La commission adopte l’amendement CL17.

En conséquence, l’amendement CL3 tombe.

Amendement CL7 de M. Jean-François Coulomme

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Nous souhaitons garantir la possibilité pour les députés et les sénateurs de poser des questions écrites et orales à un gouvernement démissionnaire pendant la période d’expédition des affaires courantes. L’été dernier, alors que cette période a duré plus de soixante jours, il était impossible d’accéder à l’interface des questions écrites ; il aurait pourtant été légitime d’interroger le Gouvernement sur la gestion des Jeux olympiques et l’actualité internationale. Ce Gouvernement démissionnaire a même exercé des compétences ne relevant pas de l’expédition des affaires courantes : outre certaines nominations importantes et certains décrets, citons la préparation du budget le plus austéritaire qu’ait connu notre pays depuis plus de trente ans.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le maintien du dépôt des questions écrites et des séances de questions au Gouvernement pendant la période d’expédition des affaires courantes faisait partie des recommandations de notre mission flash. Nous pouvons penser que cela n’a pas été sans influence sur l’organisation quelques jours plus tard d’une séance inédite de questions au Premier ministre, en l’occurrence M. François Bayrou, qui venait d’être nommé mais n’avait pas encore formé son Gouvernement. Toutefois, le principe d’autonomie des assemblées parlementaires nous empêche de procéder à de telles modifications par la loi. Il faudrait passer par une réforme du règlement des assemblées parlementaires. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président Florent Boudié. L’organisation d’une séance de questions au Premier ministre a été le fruit d’une décision de la conférence des présidents, décision formelle mais qui n’était pas encadrée par une règle.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je maintiens cet amendement : c’est l’un des seuls que nous ayons déposés à avoir échappé à l’irrecevabilité.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous ne pouvons que souscrire au principe posé dans cet amendement. Il importe qu’un gouvernement démissionnaire puisse rendre des comptes en temps réel sur son action, notamment devant le Parlement, ne serait-ce que sous la forme minimale de réponses aux questions écrites et orales. Je note que, l’année dernière, entre les deux législatures de notre assemblée, le Gouvernement en exercice n’est pas venu devant le Sénat pour répondre aux questions des sénateurs, dont le mandat était pourtant toujours en cours. L’adoption de cet amendement serait un signal : nous verrions bien si le Conseil constitutionnel le censure.

Mme Elsa Faucillon (GDR). L’exigence d’un contrôle de l’action du Gouvernement démissionnaire est d’autant plus forte que la période d’expédition des affaires courantes est longue. Plus elle dure, plus il est amené à prendre des décisions importantes. Il faut, à mon sens, donner la priorité à une limitation de cette période, sans aller toutefois jusqu’aux cinq jours précédemment proposés dans l’amendement CL9 de nos collègues. Toutefois, je voterai pour cet amendement, car c’est la seule possibilité qu’il nous reste.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Si, demain, le mode de scrutin aux élections législatives comporte une part de proportionnelle et que, à l’issue des élections, la composition de l’Assemblée est, peu ou prou, la même qu’aujourd’hui, il faudra laisser aux groupes le temps de discuter d’une éventuelle coalition et de son programme. Il paraît donc difficile de limiter la durée de la période d’expédition des affaires courantes. En tout état de cause, dans sa rédaction actuelle, l’article 8 de la Constitution n’impose aucun délai au Président de la République pour nommer le Premier ministre.

Quant à la possibilité pour les parlementaires de poser des questions au Gouvernement durant cette période, elle est prévue à l’article 4 de notre proposition de loi constitutionnelle visant à renforcer le Parlement en période d’expédition des affaires courantes. Je ne peux donc que vous inviter à demander à vos groupes respectifs de réclamer l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée.

Avis défavorable.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Dans son dernier alinéa, l’article 48 de la Constitution dispose : « Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. » L’amendement CL7 ne me semble donc pas inconstitutionnel.

Au demeurant, il est assez piquant de m’opposer cet argument après avoir adopté, sans que cela gêne personne, des dispositions inconstitutionnelles dans le cadre du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ou de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Je maintiens donc l’amendement et, s’il est adopté, je laisserai soixante sénateurs LR saisir M. Ferrand pour vérifier sa constitutionnalité.

Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. Il ne faudrait pas que la proposition de loi contrevienne au principe d’autonomie des assemblées en interférant avec l’organisation du Sénat.

L’article 48 dispose bien que les parlementaires doivent pouvoir interroger le Gouvernement, quand bien même celui-ci serait démissionnaire. Nous avons donc choisi d’aborder cette question dans l’article 4 de notre proposition de loi constitutionnelle afin que chaque assemblée puisse s’organiser comme elle l’entend.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes (n° 960) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


   personnes entendues

   Mme Claire Landais, secrétaire générale du Gouvernement

   M. Julien Autret, directeur de cabinet

   Mme Valérie Delnaud, directrice

   M. Clément Henry, chef du bureau du droit constitutionnel et du droit public général

Tables rondes d’universitaires

   M. Denis Baranger, professeur des universités en droit public à l’Université Panthéon-Assas

   M. Philippe Coleman, professeur des universités en droit public à l’université Bretagne-Sud

   M. Fabrice Melleray, professeur des universités en droit public à Sciences Po Paris

 

 

 

CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES

 

 

 


([1])  Conseil d’État, Assemblée, 19 octobre 1962, Brocas.

([2])  Il s’agit :

– d’une part, de la période allant de l’acceptation de la démission du Gouvernement par le Président de la République jusqu’à la nomination des membres du nouveau Gouvernement ;

– d’autre part, de la période allant de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’une motion de censure ou de la désapprobation, par cette même assemblée, du programme ou d’une déclaration de politique générale du Gouvernement jusqu’à la nomination des membres du nouveau Gouvernement.

([3])  Il s’agit :

– de la recommandation n° 8 du rapport de la mission d’information flash, afin de prévoir la réunion du Parlement de plein droit lorsqu’une période d’expédition des affaires courantes dépasse quinze jours ;

– de la recommandation n° 10 du rapport, qui vise à supprimer, à l’article 34‑1 de la Constitution, l’irrecevabilité que peut opposer le Gouvernement à l’inscription à l’ordre du jour de propositions de résolution en période d’expédition des affaires courantes.

([4])  L’article 4 de la proposition de loi constitutionnelle inscrit, à l’article 48 de la Constitution, la recommandation de bonne pratique n° 6 du rapport de la mission, afin de préciser qu’en période d’expédition des affaires courantes, la Conférence des présidents de chaque assemblée peut organiser une séance par semaine au moins de questions au Gouvernement.

([5])  Il s’agit :

– des membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes ;

– des magistrats de l’ordre judiciaire ;

– des professeurs de l’enseignement supérieur, les officiers des armées de terre, de mer et de l’air ;

– à leur entrée dans leurs corps respectifs, des membres des corps dont le recrutement est normalement assuré par l’Institut national du service public (INSP), des membres du corps préfectoral ainsi que des ingénieurs des corps techniques dont le recrutement est en partie assuré conformément au tableau de classement de sortie de l’école Polytechnique.

([6])  Conseil d’État, Assemblée, 17 février 1950, Dame Lamotte.

([7])  Conseil d’État, 20 novembre 1981, Schwartz et Martin.

([8])  Conseil d’État, 27 février 1987, Noir.

([9])  Conseil d’État, 14 mars 2003, Migaud.

([10])  Conseil d’État, Assemblée, 9 juillet 2010, Fédération nationale de la libre pensée.

([11])  Ibid.

([12])  Conseil d’État, 26 avril 2013, M. DO..., n° 358456 ; Conseil d’État, 1er juin 2016, M. MA..., n°389095 ; Conseil d’État, 31 décembre 2020, M. P..., n° 430925.

([13])  Voir le D du présent I.

([14])  Note relative au projet de loi de finances (PLF) et au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 émanant du secrétariat général du Gouvernement et diffusée par la presse.

([15])  Cet ajout des présidents de groupes politiques résulte de l’adoption, en séance publique, d’un amendement des membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ayant fait l’objet d’un avis défavorable de la commission des Lois et d’un avis de sagesse du Gouvernement.

([16])  Yaël Braun-Pivet, Plaidoyer pour un Parlement renforcé, 25 propositions concrètes pour rééquilibrer les pouvoirs, Éditions de la Fondation Jean Jaurès, décembre 2021.

([17])  Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([18])  Marcel Waline, Notes de jurisprudence sur l’arrêt du Conseil d’État du 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie, in Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, direction Gaston Jèze, 1952.

([19])  Les périodes durant lesquelles le Gouvernement expédie les affaires courantes sont inscrites dans la loi par le nouvel article 5 quater de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, créé par l’article 2 de la présente proposition de loi.

([20])  1° à 4° du II de l’article 5 quater de l’ordonnance du 17 novembre 1958, créé par l’article 2 de la présente proposition de loi.

([21])  2° du II du même article 5 quater.

([22])  Rapport de la mission d’information flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire, pp. 41 et 42.

([23])  Ibid, pp. 40 et 41.

([24])  Ibid, pp. 45 et 46.

([25])  5° du II dudit article 5 quater.

([26])  Rapport n° 25, enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi tendant à reconnaître aux membres de l’Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir, par Mme Maryse Carrère, sénatrice.

([27])  Cet argument a notamment été soulevé par le sénateur Jean-René Lecerf, dans son rapport n° 278 enregistré à la Présidence du Sénat le 2 février 2011, fait au nom de commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi tendant à reconnaître une présomption d’intérêt à agir des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière de recours pour excès de pouvoir.

([28])  Vos rapporteurs ont relevé les auditions suivantes :

– l’audition, par la commission des finances de l’Assemblée nationale le lundi 9 septembre 2024, des ministres démissionnaires MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des comptes publics, sur la situation budgétaire de l’année 2024. Il s’agit, aux yeux de vos rapporteurs, de la seule audition au cours de laquelle la compétence du Gouvernement démissionnaire a explicitement fait l’objet de questions des parlementaires ;

– les tables rondes, organisées par la commission des affaires culturelles et de l’éducation le mercredi 11 septembre, sur la rentrée scolaire, réunissant des représentants des syndicats représentatifs d’enseignants ;

– l’audition, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation le mercredi 18 septembre, de Mme Caroline Pascal, directrice générale de l’enseignement scolaire, sur la rentrée scolaire ;

– l’audition, par la commission des affaires étrangères le mercredi 18 septembre, de M. Pierre Heilbronn, envoyé spécial du président de la République française pour l’aide et la reconstruction de l’Ukraine.

Notre commission des Lois avait également été convoquée, dans les derniers jours de la période d’affaires courantes, pour auditionner M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Cette audition s’est toutefois déroulée le mercredi 25 septembre, une fois le nouveau Gouvernement nommé.

([29])  Décret du 23 décembre 2024 relatif à la composition du Gouvernement.

([30])  Cf. infra.

([31])  Décret du 13 décembre 2024 portant nomination du Premier ministre.

([32])  Note du secrétariat général du Gouvernement du 19 juillet 2024.

([33])  Article L. 121-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([34])  Avis du Conseil d’État du 22 décembre 2024 sur un projet de loi d’urgence pour Mayotte.

([35])  Avis du Conseil d’État du 10 décembre 2024 relatif à l’interprétation de l’article 45 de la LOLF, pris pour l’application du quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution.

([36])  Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

([37])  Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.

([38])  Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1995 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

([39])  Décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

([40])  Travaux parlementaires du contrôle de l’état d’urgence par la commission des Lois de l’Assemblée nationale : https://www2.assemblee-nationale.fr/14/commissions-permanentes/commission-des-lois/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence

([41])  Articles du Règlement de l’Assemblée nationale précisant les modalités d’application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

([42])  La commission des Lois de l’Assemblée nationale a été dotée des prérogatives d’une commission d’enquête pour une période initiale de trois mois, renouvelée une fois.

([43])  Rapport d’information n° 4281, enregistré à la Présidence du Sénat le 6 décembre 2015, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, par MM. Dominique Raimbourg et Jean-Frédéric Poisson, députés.

([44])  Travaux parlementaires du comité de suivi de l’état d’urgence du Sénat : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/commissions/commission-des-lois/archives-1/comite-de-suivi-de-letat-durgence.html

([45])  En application de l’article 5 ter de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

([46])  Décret n° 2024-436 du 15 mai 2024 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

([47])  Rapport d’information n° 3053, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2020, fait au nom de la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19, par M. Richard Ferrand, député.

([48])  Rapport d’information n° 3633, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2020, fait au nom de la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19 (dotée des pouvoirs d’enquête), par M. Éric Ciotti, député.

([49])  Rapport d’information n° 608, enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2020, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la mise en œuvre de l’état d’urgence, par MM. Philippe Bas, François-Noël Buffet et Pierre-Yves Collombat, sénateurs, Mmes Nathalie Delattre, Jacqueline Eustache-Brinio et Françoise Gatel, sénatrices, et MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Alain Richard et Jean-Pierre Sueur et Dany Wattebled, sénateurs.

([50])  Rapport n° 199, enregistré à la Présidence du Sénat le 8 décembre 2020, fait au nom de la commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, par Mme Catherine Deroche, sénatrice, M. Bernard Jomier, sénateur et Mme Sylvie Vermeillet, sénatrices.

([51])  Votre rapporteure Léa Balage El Mariky, ainsi qu’elle l’expliquait dans le rapport de la mission d’information flash, estime que le déclenchement d’une dissolution ôte la légitimité du Gouvernement en fonction au moment de la dissolution et préconise, en conséquence, de préciser, à l’article 12 de la Constitution, qu’en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, le Gouvernement assure l’expédition des affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement à l’issue des élections législatives.

([52])  Voir le commentaire de l’article 1er de la proposition de loi.

([53])  Note du secrétariat général du Gouvernement du 19 juillet 2024.

([54])  Conseil d’État, 27 juillet 2001, Association de droit allemand « Stiftung Jean Arp und Sophie Taeuber ».

([55])  Il s’agit :

– des membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes ;

– des magistrats de l’ordre judiciaire ;

– des professeurs de l’enseignement supérieur, les officiers des armées de terre, de mer et de l’air ;

– à leur entrée dans leurs corps respectifs, des membres des corps dont le recrutement est normalement assuré par l’Institut national du service public (INSP), des membres du corps préfectoral ainsi que des ingénieurs des corps techniques dont le recrutement est en partie assuré conformément au tableau de classement de sortie de l’école Polytechnique.