N° 1253 |
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N° 516 |
ASSEMBLÉE NATIONALE |
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SÉNAT |
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE |
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SESSION ORDINAIRE 2024 - 2025 |
Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale |
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Enregistré à la présidence du Sénat |
le 3 avril 2025 |
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le 3 avril 2025 |
RAPPORT
au nom de
L’OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
L’agriculture face au réchauffement climatique et aux pertes de biodiversité :
les apports de la science
Compte rendu de l’audition publique du 20 février 2025
et de la présentation des conclusions du 3 avril 2025
par
M. Pierre HENRIET, député
et M. Daniel SALMON, sénateur
VERSION PROVISOIRE
Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale par M. Pierre HENRIET, Premier vice-président de l’Office |
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Déposé sur le Bureau du Sénat par M. Stéphane PIEDNOIR, Président de l’Office |
Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques
Président
M. Stéphane PIEDNOIR, sénateur
Premier vice-président
M. Pierre HENRIET, député
Vice-présidents
M. Jean-Luc FUGIT, député M. Gérard LESEUL, député M. Alexandre SABATOU, député |
Mme Florence LASSARADE, sénatrice Mme Anne-Catherine LOISIER, sénatrice M. David ROS, sénateur |
DÉputés
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SÉnateurs |
M. Alexandre ALLEGRET-PILOT M. Maxime AMBLARD M. Philippe BOLO M. Éric BOTHOREL M. Joël BRUNEAU M. François-Xavier CECCOLI M. Maxime LAISNEY M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI Mme Mereana REID ARBELOT M. Arnaud SAINT-MARTIN M. Jean-Philippe TANGUY Mme Mélanie THOMIN M. Stéphane VOJETTA Mme Dominique VOYNET |
M. Arnaud BAZIN Mme Martine BERTHET Mme Alexandra BORCHIO FONTIMP M. Patrick CHAIZE M. André GUIOL M. Ludovic HAYE M. Olivier HENNO Mme Sonia de LA PROVÔTÉ M. Pierre MÉDEVIELLE Mme Corinne NARASSIGUIN M. Pierre OUZOULIAS M. Daniel SALMON M. Bruno SIDO M. Michaël WEBER |
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SOMMAIRE
Pages
A. Les pratiques agricoles dominantes menacent la durabilité de l’agriculture
1. Le modèle agricole actuel conduit au dépassement de certaines limites planétaires
2. L’agriculture est la première victime des déséquilibres naturels engendrés
par l’activité humaine
2. La génomique au service d’une plus grande résistance au changement climatique
et aux maladies
3. Le numérique au service de l’agroécologie
1. Des obstacles scientifiques et techniques
2. Des obstacles plus structurels
1. Les mécanismes de verrouillage des systèmes de production agricole
2. Les difficultés de diffusion des niches d’innovation
1. La nécessité d’une approche systémique par la mise en place d’innovations couplées
3. La définition d’objectifs clairs
4. Le rôle de la formation des acteurs
III. Les recommandations de l’Office
Troisième axe : soutenir les initiatives du terrain pour déverrouiller les systèmes de production
Quatrième axe : accélérer la formation aux transitions
I. Compte rendu de l’audition publique du 20 février 2025
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L’agriculture, dans ses formes actuelles, contribue au réchauffement climatique.
En 2023, les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française s’élevaient à 76,3 millions de tonnes équivalent CO2 (Mteq CO2), soit 20,4 % des émissions françaises. L’élevage représente 60 % des émissions du secteur agricole. L’agriculture est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre en France derrière les transports et devant l’industrie[1].
Plusieurs travaux de l’Office ont souligné l’impact de l’agriculture dans le déclin de la biodiversité[2].
La note sur le déclin des insectes[3] constatait que « l’agriculture apparaît comme l’un des moteurs principaux du déclin des insectes, notamment à cause de l’usage excessif de pesticides ».
De même, à l’occasion de l’audition publique sur les conséquences du réchauffement climatique sur la biodiversité, plusieurs intervenants ont insisté sur la contribution de l’agriculture – à travers la conversion des milieux naturels et les pollutions qu’elle induit – à l’effondrement de la biodiversité[4].
D’autres causes sont avancées telles que la simplification des paysages agricoles, la réduction des habitats naturels et la transformation des prairies en terres cultivées. Les pratiques actuelles de fertilisation et de protection des plants auraient un impact sur 80 % des espèces, à la fois directement et indirectement par des effets sur les oiseaux et la pollution de l’eau[5]. Par ailleurs, les pesticides constituent une menace pour une grande quantité d’insectes qui rendent des services écosystémiques fondamentaux, tels que la pollinisation ou l’alimentation de nombreux vertébrés.
Aujourd’hui, on estime que 17 % des espèces de faune et de flore sont menacées ou éteintes en France, et leur risque d’extinction a augmenté de 14 % en moins de 10 ans[6].
L’agriculture affecte également la qualité de l’eau par la pollution diffuse qu’entraînent les produits chimiques et les nutriments que sont l’azote et le phosphore[7]. Elle a un impact négatif non seulement sur la qualité du sol en raison d’une gestion non durable des terres, mais également sur la qualité de l’air[8].
Simultanément, l’agriculture est l’une des principales victimes du dérèglement climatique et de la perte de biodiversité.
Les inondations impressionnantes en Ille-et-Vilaine ainsi qu’en Loire‑Atlantique au début de l’année 2025, l’intensité du cyclone Chido en décembre 2024 à Mayotte suivi de la tempête tropicale Dikeledi en janvier 2025 rappellent qu’avec le changement climatique, ces phénomènes météorologiques seront de plus en plus courants et violents[9], de même que les vagues de chaleur ou encore les sécheresses, les variations imprévisibles de la pluviométrie et la prolifération des parasites et des maladies.
Selon le ministère de l’agriculture, en raison des fortes chaleurs, les céréaliers français ont enregistré en 2024 des volumes de production en baisse de 22 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. Dans le Sud, la vigne a particulièrement souffert en raison du manque d’eau, avec des volumes en baisse de 11 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. La production d’abricots a, elle, reculé de plus de 30 % par rapport à 2023.
Dans ce contexte, à l’initiative du sénateur Daniel Salmon, l’Office a décidé d’organiser une audition publique pour faire un point sur les apports de la science à l’adaptation des politiques agricoles. Il a désigné deux rapporteurs, Pierre Henriet, député, et Daniel Salmon, sénateur, pour animer cette audition publique qui s’est tenue le 20 février 2025 sous forme de deux tables rondes, dans l’objectif de dresser un état des lieux des apports de la science pour permettre à l’agriculture d’affronter les défis liés au réchauffement climatique et aux pertes de biodiversité.
La première table ronde a présenté des avancées scientifiques prometteuses pour une agriculture performante adaptée au changement climatique et respectueuse de la biodiversité.
La seconde table ronde a mis en avant les modifications à apporter au système de production pour apporter des solutions durables au monde agricole.
Les intervenants étaient :
- Christian Huyghe, ancien directeur scientifique Agriculture d’Inrae ;
- Ené Leppik, fondatrice et directrice scientifique (CTO) d’Agriodor ;
- Corinne Vacher, directrice de recherche à Inrae et directrice adjointe de l’UMR Santé et agroécologie du vignoble, spécialiste du microbiote des plantes ;
- Jacques Sainte-Marie, directeur de recherche à l’Inria, responsable du programme Numérique et environnement d’Inria, co-pilote du Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) « Agroécologie et numérique » ;
- Didier Boichard, directeur de recherche à Inrae, spécialiste de génétique bovine ;
- Marie-Benoît Magrini, chercheur en sciences économiques au département ACT d’Inrae dans l’unité AGIR (UMR Agroécologie, innovations, territoires) du centre Inrae-Occitanie de Toulouse ;
- Mireille Navarrete, directrice de recherche en agronomie à Inrae et directrice de l’unité de recherche Écodéveloppement ;
- Hervé Guyomard, directeur de recherche en économie à Inrae ;
- Thierry Langouët, directeur de l’appui à l’enseignement technique agricole (Eduter) à l’Institut Agro.
La vie sur Terre est conditionnée par les interactions entre des processus biologiques, physiques et chimiques. Christian Huyghe a rappelé que les chercheurs du Stockholm Resilience Center (SRC) ont défini en 2009 des seuils au-delà desquels les équilibres naturels terrestres pourraient être déstabilisés et les conditions de vie devenir défavorables à l’humanité. Ces seuils correspondent à neuf limites planétaires[10].
L’agriculture fait partie des activités humaines qui contribuent au dépassement de certaines de ces limites planétaires, telles que le réchauffement climatique – Jacques Sainte-Marie a rappelé que l’agriculture représente 20 % du bilan carbone de la France – ou l’érosion de la biodiversité. Les pesticides constituent une menace pour de nombreux insectes. Christian Huyghe a cité une étude allemande[11] selon laquelle 75 % de la biomasse d’insectes ont été perdus dans les zones protégées et près de 95 % dans les surfaces agricoles en Allemagne.
L’agriculture est également largement responsable de la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore. Selon les chiffres cités par Christian Huyghe, l’excès d’azote par hectare et par an ramené aux surfaces cultivées s’élève actuellement à 48 kg au niveau mondial, alors que la limite « soutenable » est estimée à 15 kg.
Si l’agriculture contribue au dépassement des limites planétaires, elle est également l’une des premières victimes des déséquilibres naturels qui en résultent et voit sa durabilité remise en cause.
Ené Leppik a illustré les limites du modèle agricole actuel au Brésil. Elle a fait état de la résistance aux pesticides développée par certains insectes comme le papillon Spodoptera Frugiperda, qui entraîne une perte de rendement du soja, tandis que les pesticides utilisés sont phytotoxiques pour plusieurs cultures. Elle a également signalé que dans ce pays, un insecticide devient inopérant entre deux et quatre ans après sa première utilisation, alors que sa mise au point nécessite environ dix ans et coûte 130 millions d’euros.
La manipulation des paysages olfactifs
Ené Leppik a expliqué comment les paysages olfactifs pouvaient être manipulés pour protéger les cultures des insectes ravageurs. Les organismes vivants évoluent dans des paysages olfactifs formés par une grande diversité de composés organiques libérés dans l’atmosphère à travers le fonctionnement naturel des écosystèmes. Ces odeurs sont essentielles aux insectes pour rechercher de la nourriture, trouver un partenaire ainsi que leur plante hôte ou encore leur site de ponte. C’est la raison pour laquelle les insectes ont développé un système de détection des odeurs extrêmement performant, qui les rend très sensibles aux changements d’odeurs et de signaux sémiochimiques.
Des recherches ont été entreprises sur les odeurs des plantes ayant un effet sur le comportement des insectes. Pour chaque espèce, il existe des odeurs attractives – les kairomones – et des odeurs répulsives – les allomones. Grâce à l’amélioration des performances des machines de détection des odeurs et à la diminution de leur coût de production, il est désormais possible de créer des parfums naturels qui éloignent les insectes indésirables et protègent les cultures.
Ené Leppik a cité l’exemple de la protection des betteraves contre le puceron afin de diminuer les cas de jaunisse, sans utiliser de néonicotinoïdes. En collaboration avec l’Inrae, les odeurs ayant un effet répulsif sur les pucerons ont été identifiées, réduisant ainsi leur capacité à s’alimenter et leur reproduction.
Cette solution présente plusieurs avantages. D’abord, elle ne nuit pas aux pollinisateurs puisqu’elle cible, pour un type d’insecte particulier, les récepteurs qui lui permettent de détecter certaines odeurs. Ensuite, il s’agit d’une approche préventive et non curative : les insectes ne sont pas tués, mais dissuadés de coloniser les cultures pendant leur période de sensibilité.
En outre, cette solution ne crée pas de résistance puisqu’elle ne favorise pas de sélection évolutive chez les insectes. Enfin, le coût et la durée de développement des molécules sont très inférieurs à ceux d’un pesticide. Selon Ené Leppik, une telle solution pourrait être utilisée pour 70 % des insectes ravageurs, à savoir ceux qui sont sensibles aux odeurs et dont on peut manipuler le comportement.
L’utilisation du microbiote des plantes
Corinne Vacher a expliqué que les plantes vivent en association avec de très nombreux micro-organismes qui forment leur microbiote. Ces micro-organismes se trouvent autour des racines, sur les racines, à l’intérieur des feuilles et à leur surface, sur les graines, dans les tiges. Ils confèrent d’importantes capacités aux plantes : en faisant barrage aux agents pathogènes, ils garantissent leur santé ; ils augmentent leur tolérance à des stress abiotiques comme la sécheresse, la température, la salinité et améliorent leur nutrition. Ils protègent également les plantes contre certains insectes ravageurs, contribuant ainsi à une agriculture plus durable, moins dépendante des pesticides, plus résiliente face au changement climatique, tout en restant productive.
Didier Boichard a décrit les progrès réalisés en matière de sélection génomique qui permettent désormais de sélectionner n’importe quel caractère. La génétique pourrait donc être un levier essentiel pour adapter les bovins aux enjeux de demain et assurer une production durable.
Selon lui, l’adaptation au changement climatique passe par des animaux plus thermotolérants à des périodes de plus en plus longues et de plus en plus chaudes. La génétique peut contribuer à répondre à ces défis en favorisant les croisements pour développer des animaux plus résilients.
La génétique est également impliquée dans la réduction des émissions de méthane. Didier Boichard a présenté une technique permettant de prédire les émissions de méthane d’une vache laitière à partir des spectres moyen infrarouge du lait. En effet, les fermentations dans l’estomac de la vache sont à l’origine du méthane et de la composition du lait, qui contient la trace des fermentations à l’origine du méthane.
Pour la quantification du méthane chez les bovins allaitants, une autre technique est en développement à partir de l’analyse des bouses de vache par spectroscopie proche infrarouge.
Didier Boichard a expliqué que la caractérisation du microbiote digestif constitue également une piste prometteuse pour déterminer les quantités de méthane produites et adapter en conséquence la sélection génétique.
La réduction des émissions de méthane peut également être obtenue de manière indirecte, en évitant les émissions inutiles. Didier Boichard a préconisé des mises-bas plus précoces, à deux ans au lieu de trois actuellement, qui permettraient de réduire les émissions de méthane de 10 %. Il a défendu l’amélioration de la longévité afin de diminuer le besoin en élevage de jeunes animaux pour le renouvellement ainsi que la réduction de la taille des bovins. Il a insisté sur la nécessité d’améliorer la santé des animaux dans la mesure où un animal malade n’est pas productif, mais émet quand même du méthane.
À ce sujet, il a fait part des avancées réalisées grâce à la génétique dans le domaine des mammites, des pathologies des pattes, de la paratuberculose et des infections du veau. Il a également évoqué les recherches menées sur la longévité fonctionnelle et sur l’analyse de la réponse immune innée des animaux, qui pourrait leur apporter une protection plus globale.
Didier Boichard s’est inquiété de l’essor des maladies, qu’il s’agisse des maladies actuelles, mais également des maladies nouvelles en provenance des pays du Sud dont la propagation est favorisée par le réchauffement climatique, telles que la MHE (maladie hémorragique épizootique) ou la FCO (fièvre catarrhale ovine). Selon lui, elles ont vocation à devenir endémiques. Il convient donc de construire des outils génétiques pour renforcer la résistance des animaux à ces maladies.
Selon Jacques Sainte-Marie, le numérique pourrait être non seulement un outil d’optimisation, mais surtout un outil de transformation en profondeur de l’agriculture. Il a rappelé qu’un Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) « Agroécologie et numérique » avait été mis en place dans le cadre de France 2030, copiloté par l’Inrae et l’Inria, dont trois axes visent directement le développement de technologies innovantes au service de l’agriculture :
- le premier axe porte sur la caractérisation des ressources génétiques pour évaluer leur potentiel pour l’agroécologie ;
- le deuxième axe vise à concevoir de nouvelles générations d’équipements agricoles ;
- le troisième axe consiste à développer des outils et des méthodes numériques pour le traitement des données et la modélisation en agriculture.
Jacques Sainte-Marie a illustré le rôle du numérique comme outil de transformation de l’agriculture à travers GeoPl@nNet, qui permet d’élaborer des cartographies de biodiversité à une échelle très fine, ou encore de l’intelligence artificielle qui peut fournir de manière très rapide et précise des informations aux agriculteurs.
Corinne Vacher a mentionné le caractère relatif de l’efficacité des biosolutions à base d’une seule souche microbienne pour protéger les plantes contre les maladies et augmenter leur croissance et leur tolérance à la sécheresse, ce qui entraîne une perte de confiance des agriculteurs à l’égard de ces produits. Il apparaît donc nécessaire non seulement d’améliorer les biosolutions existantes, notamment à travers une modification de leurs modalités d’application, mais également de concevoir des biosolutions multisouches, plus efficaces et plus résilientes aux variations environnementales que les produits monosouches.
Elle a également insisté sur la nécessité de promouvoir des programmes d’amélioration variétale pour sélectionner des variétés de plantes capables de mieux s’associer aux micro-organismes bénéfiques.
Selon elle, il est indispensable de développer des capteurs et des outils numériques pour surveiller les microbiotes des plantes et des sols. Actuellement, les diagnostics de microbiotes réalisés ne donnent qu’une image ponctuelle de la santé des sols et de la sensibilité des plantes à certaines maladies. Par ailleurs, des réseaux d’épidémiosurveillance basés sur des capteurs de spores évaluent quotidiennement les risques de maladie. L’enjeu technique est désormais de fusionner les deux approches afin de suivre en temps réel les microbiotes et intégrer ces données dans les programmes d’épidémiosurveillance pour mieux prédire les risques.
Didier Boichard a insisté sur l’urgence à connecter les bases génétiques avec les bases sanitaires afin de construire les outils génétiques permettant de rendre les animaux résistants aux maladies.
Des obstacles structurels auxquels se heurtent les innovations technologiques ont été évoqués.
Les obstacles réglementaires
Selon Ené Leppik, la classification erronée des parfums sous forme de granulés développés par Agriodor dans la catégorie des phytosanitaires alourdit inutilement la procédure d’homologation : les substances sont soumises à des études écotoxicologiques sans rapport avec les modes d’action de cette innovation qui repousse olfactivement l’insecte sans lui porter atteinte. Il en résulte une perte de temps – entre 10 et 12 ans pour obtenir l’homologation – et de ressources puisque l’élaboration du dossier administratif est évaluée à 3 millions d’euros.
Corinne Vacher a également évoqué la nécessité de faire évoluer la réglementation pour faciliter l’homologation des biosolutions sous peine d’empêcher le développement de solutions alternatives aux pesticides.
Des obstacles humains
La diffusion des innovations technologiques se heurte également à une formation insuffisante des acteurs du monde agricole.
Jacques Sainte-Marie a insisté sur le rôle de la formation continue aussi bien pour les jeunes démarrant leur carrière que pour les agriculteurs expérimentés afin qu’ils se familiarisent avec les nouveaux outils numériques.
Thierry Langouët a souligné les efforts entrepris par le ministère de l’agriculture pour former aux transitions à travers les deux plans successifs « Enseigner à produire autrement » mis en œuvre entre 2014 et 2024.
Les référentiels de diplômes ont été rénovés pour mettre l’accent sur les savoirs agronomiques et économiques au service de systèmes agricoles résilients ; les approches systémiques et par compétences ont été privilégiées ; les initiatives des établissements pour les transitions ont été encouragées et valorisées ; les coopérations entre l’enseignement technique, l’enseignement supérieur et la recherche ont été favorisées afin d’adapter la formation des futurs agriculteurs aux innovations scientifiques.
Néanmoins, l’évaluation récente du deuxième plan « Enseigner à produire autrement » conclut à un bilan mitigé. Seul un enseignant sur six a été formé aux transitions, soit 3 000 au total, et les pratiques des enseignants formateurs n’ont pas suffisamment évolué. Les raisons avancées sont des divergences d’engagement selon les enseignants et l’insuffisance des ressources et des outils pédagogiques à leur disposition.
Le rapport d’évaluation relève également que les profils sociologiques des apprenants, la distance entre les savoirs acquis au centre de formation et les « pratiques et discours du terrain », et les incertitudes agronomiques et économiques peuvent constituer de très forts obstacles à l’enseignement des transitions. Il regrette la persistance des cloisonnements entre l’enseignement technique, l’enseignement supérieur, la recherche, les professionnels et les conseils en agriculture qui ne permettent pas d’étayer suffisamment les pratiques et les organisations pédagogiques consacrées aux transitions.
Des obstacles financiers
En revanche, il constitue un réel problème pour d’autres innovations. Ené Leppik a constaté que les innovations en matière d’alternatives aux pesticides s’avèrent trop chères sous la conjonction de deux phénomènes.
D’une part, elles sont en concurrence directe avec les pesticides qui servent de comparaison en matière de coût pour la protection des cultures. Or, ces derniers sont plus abordables financièrement en raison de leur large diffusion depuis des décennies et des économies de gamme résultant de leur large spectre d’action, ce qui a permis de réduire drastiquement leurs coûts marginaux de production.
D’autre part, contrairement à d’autres secteurs comme la santé ou la cosmétique, l’agriculture ne dispose pas de ressources suffisantes pour investir dans les innovations, les consommateurs n’étant pas prêts à en payer le prix. Ené Leppik a mentionné les produits biologiques dont la pertinence est reconnue par tous, mais dont personne ne veut assumer le coût.
Didier Boichard a également insisté sur les coûts qu’auront à supporter les éleveurs engagés dans la sélection génétique pour réduire les émissions de méthane des bovins. Sans politique incitative, cette innovation risque d’être un échec commercial car les agriculteurs n’auront pas d’intérêt financier à adopter cette solution technique.
De même, Corinne Vacher a mis en avant les coûts financiers associés au développement des biosolutions microbiennes.
L’un des défis scientifiques consiste donc à identifier les espèces végétales servant de réservoirs de micro-organismes bénéfiques pour les plantes cultivées, et à déterminer comment les intégrer dans les parcelles pour favoriser les flux de micro-organismes, grâce à la plantation de bandes enherbées, de haies et d’arbres.
Jacques Sainte-Marie a également reconnu que le numérique seul ne permettrait pas de rendre le système agricole plus durable. Il a rappelé que le premier axe du PEPR « Agroécologie et numérique » portait sur la nécessité de façonner un socio-écosytème propice à une recherche et à une innovation responsables. En effet, les innovations technologiques ne sont pas suffisantes pour accompagner les agriculteurs vers une transition réussie ; elles doivent être couplées avec des innovations d’ordre organisationnel, économique, institutionnel et politique.
Marie-Benoît Magrini[12] a décrit les processus qui conduisent au verrouillage du système de production agricole actuel et empêchent l’essor de systèmes alternatifs.
Les choix techniques qui régissent le modèle de production agricole actuel[13] ont leur origine dans la découverte du processus Haber-Bosch au début du siècle dernier qui a permis le développement des engrais de synthèse et des pesticides à partir des énergies fossiles. L’utilisation de ces produits a constitué une rupture avec les pratiques dominantes à l’époque, qui s’appuyaient sur des régulations biologiques et mécaniques internes à l’exploitation agricole. En l’espace de quelques décennies, ces produits ont réussi à s’imposer au point de verrouiller le système de production agricole autour de ces choix initiaux.
Le concept de « rendements croissants d’adoption » explique comment une technologie en vient à dominer les technologies concurrentes en étant adoptée par un nombre croissant d’acteurs. En effet, plus une technique est diffusée, plus sa performance augmente au fil du temps et plus elle devient profitable grâce aux économies d’échelle et de gamme réalisées, qui réduisent considérablement les coûts marginaux de production.
Par conséquent, une technologie n’est pas forcément choisie parce qu’elle est la meilleure, mais elle devient la meilleure parce qu’elle a été choisie initialement et s’est renforcée au cours du temps[14].
D’autres mécanismes renforcent cette domination. Marie-Benoît Magrini a cité les interdépendances technologiques avec le système agroalimentaire qui vont imposer des technologies et des standards de production en lien avec la technologie dominante, ou encore les externalités de réseau autour du conseil agricole qui conduisent à inciter les agriculteurs à adopter la technologie dominante pour bénéficier d’autres services développés en compatibilité avec cette dernière.
Ces mécanismes d’auto-renforcement forment un ensemble de normes, de standards et de réglementations qui vont verrouiller le marché autour des choix techniques initiaux.
Le verrouillage du système de production conduit à un alignement des façons de penser et d’agir entre les producteurs, les industriels et les consommateurs. Marie-Benoît Magrini a illustré la manière dont nos habitudes de consommation se sont alignées avec l’offre agro-industrielle en rappelant que nous n’avons jamais autant consommé d’aliments ultra-transformés et que plus de 75 % de nos achats se font en grande surface, au détriment d’une alimentation qui pourrait être fondée sur une connexion plus directe avec le monde agricole. Les sciences sociales désignent cet alignement progressif par le terme de régime sociotechnique, qui renvoie à un ensemble de règles d’actions collectives qui, aujourd’hui, représentent une force systémique et freinent le changement.
Si ces niches d’innovation arrivent à trouver les conditions de leur développement, elles vont peu à peu s’hybrider avec les composantes du modèle en place et permettre l’instauration d’un nouveau choix technique, par exemple autour de l’agroécologie.
Dans la réalité, elles vont se heurter à de grandes difficultés liées au verrouillage du régime sociotechnique actuel.
D’abord, elles nécessitent une phase d’apprentissage plus ou moins longue, inhérente au développement de toute nouvelle technique. Il faut du temps pour que celle-ci livre les fonctionnalités recherchées à moindre coût, comme en témoignent, dans un autre domaine, la performance et les prix d’achat des premiers ordinateurs. Cette phase d’apprentissage peut être ralentie lorsque les innovations ne sont pas adaptées aux infrastructures et aux réglementations, à l’instar des difficultés rencontrées par les techniques de manipulation des paysages olfactifs et les biosolutions pour leur homologation.
Les récits et les croyances peuvent entraver l’adoption d’innovations comme le mentionne expressément le rapport d’évaluation du plan « Enseigner à produire autrement » qui souligne les obstacles liés aux profils sociologiques des apprenants ainsi qu’à la distance entre les savoirs acquis en centre de formation et les pratiques et discours du terrain.
Mireille Navarrete a également insisté sur la nécessité de se méfier de certaines intuitions qui s’avèrent erronées à l’aune d’études scientifiques. Elle a cité la croyance largement répandue chez certains agriculteurs de la non‑rentabilité liée à l’introduction de légumineuses, qui ne se vérifie pas à long terme. Une expertise collective menée par l’Inrae en 2022 a démontré la profitabilité de cette technique à long terme en raison de l’amélioration de la structure et de la santé du sol. L’enjeu est donc de ne pas considérer uniquement les coûts de l’année en cours, mais d’examiner également les effets cumulatifs sur plusieurs années.
Les innovations ont du mal à enclencher une dynamique de rendements croissants d’adoption et à générer des profits. La concurrence de marché à laquelle elles sont confrontées les empêche de se diffuser suffisamment pour réduire leurs coûts marginaux et être profitables.
Selon Marie-Benoît Magrini, l’agriculture biologique, qui ne représente que 6 % des dépenses alimentaires, est caractéristique de ces niches d’innovation qui n’occupent qu’une part mineure dans nos systèmes de production.
Or, l’innovation aujourd’hui reste principalement le fait d’un acteur particulier. Par exemple, un agriculteur va tenter de développer des innovations techniques sur ses terres tout en étant contraint de s’adapter aux règles de l’aval qu’il considère comme figées. Une telle initiative aboutit souvent à un échec compte tenu du processus de verrouillage décrit précédemment.
Pour dépasser ces contraintes structurelles, il est indispensable de développer des innovations qui combinent de manière cohérente différents domaines du système agrialimentaire et coordonnent plusieurs acteurs de ce système pour résoudre un problème complexe.
Pour illustrer ces propos, Mireille Navarrete a cité l’exemple de l’approvisionnement des cantines des crèches de Paris en légumes 100 % bio, qui a nécessité une étroite coopération entre les producteurs, initialement les céréaliers, la coopérative Bio Île-de-France, un opérateur de restauration collective et la Ville de Paris.
Les efforts ont d’abord porté sur la pomme de terre, qui reste l’un des produits agricoles les plus traités, mais également un aliment essentiel dans les menus des très jeunes enfants. Des céréaliers d’Île‑de‑France ont introduit la pomme de terre dans leur rotation et adopté des modes de production biologiques pour fournir les crèches de Paris. Ils ont créé une coopérative pour regrouper leurs produits ainsi qu’un atelier de transformation des pommes de terre brutes en produits de cinquième gamme, à savoir des pommes de terre précuites et sous vide fournies directement aux cantines. Se posait néanmoins la question du transport des pommes de terre depuis l’atelier de transformation basé en zone rurale jusqu’aux 300 cuisines des crèches de Paris, qui a été résolue par la mise en place par l’opérateur de restauration collective d’une plateforme logistique.
Dans ce dispositif d’innovation, Mireille Navarrete a souligné le rôle central de la Ville de Paris qui, à travers une clause de son marché public, a exigé que 100 % des pommes de terre soient en production biologique.
Le succès de cette innovation a résidé dans la coordination des acteurs et leur capacité à combiner leurs innovations de façon cohérente.
Néanmoins, ce processus de déverrouillage d’un système initialement très verrouillé s’est heurté à plusieurs difficultés et dix ans ont été nécessaires pour que les acteurs apprennent à interagir et à se coordonner.
Marie-Benoît Magrini a rappelé qu’il avait fallu un siècle pour stabiliser nos choix techniques actuels et a estimé qu’un siècle serait probablement nécessaire pour consolider de nouveaux choix techniques.
Les contraintes liées au respect des limites planétaires, à la lutte contre les maladies cardio-vasculaires et métaboliques et à la sensibilité croissante de la population au bien-être animal poussent le modèle agricole à évoluer non seulement dans ses modes de production, mais dans les variétés agricoles produites.
L’agroécologie constitue l’une des voies privilégiées pour garantir la durabilité de l’agriculture à long terme. En raison de sa faible consommation d’intrants, elle est peu émettrice de gaz à effet de serre et préserve la biodiversité.
En revanche, elle exige un bouleversement des modes de production, avec notamment l’introduction d’une biodiversité végétale dans les parcelles et les paysages et d’une rotation plus forte et variée des cultures, qui conduit à l’augmentation de la production de légumineuses.
La prise en compte de la responsabilité de l’élevage, en particulier bovin, dans les émissions de gaz à effet de serre en provenance de l’agriculture, l’accumulation des preuves scientifiques sur les risques qu’une alimentation trop riche en viande rouge fait peser sur la santé[15] et une sensibilité croissante au bien-être animal vont conduire à une réduction des effectifs d’animaux. La production de protéines animales et de lait devrait donc baisser dans l’Hexagone. Il conviendra néanmoins de s’assurer qu’elle ne s’accompagnera pas d’une forte augmentation des importations[16].
Selon Hervé Guyomard, une politique se contentant de jouer uniquement sur l’offre de produits agricoles n’aura pas d’impact sur les préférences et les habitudes alimentaires.
Il a insisté sur la nécessité de mettre en place des politiques cohérentes sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, avec l’adoption d’une stratégie pour changer les comportements des consommateurs en faveur de régimes alimentaires plus sains. Selon lui, au‑delà des comportements, c’est en jouant sur certains mécanismes économiques que les pouvoirs publics pourront changer les préférences.
Christian Huyghe a également souligné l’importance d’intégrer les questions agricoles dans un périmètre plus large, prenant en compte les enjeux liés aux énergies renouvelables, aux régimes alimentaires ainsi qu’aux pertes et gaspillages alimentaires, dont le taux dépasse aujourd’hui 30 % des denrées comestibles.
Il a illustré son propos en présentant l’étude menée par l’Inrae[17] sur les orientations possibles de la politique agricole commune (PAC) après 2027, qui définit un cadre d’analyse à partir des enjeux sociétaux[18] et agricoles[19] de la PAC. Cinq trajectoires alternatives sont proposées selon les priorités politiques retenues, mettant en avant la nécessité des arbitrages.
Les cinq scénarios possibles pour la future PAC
Un premier choix oppose les scénarios centrés sur le maintien, voire l’augmentation de la capacité de production du secteur agricole de l’Union européenne (scénarios A et B) aux scénarios donnant la priorité à la protection de l’environnement (scénarios C, D et E). Selon Hervé Guyomard, au moins à court terme, ces deux objectifs ne sont pas conciliables.
Dans les deux scénarios axés sur la production (scénarios A et B), il existe un deuxième arbitrage à effectuer entre le scénario A, qui prône l’intensification de l’agriculture et les exportations, basé sur la compétitivité des prix, et le scénario B, qui défend le soutien à tous les types d’exploitation, cherchant à maintenir la capacité de production en assurant une aide aux revenus agricoles pour tous les types d’exploitations.
Parmi les trois scénarios axés sur le climat et l’environnement, le scénario C, qui privilégie l’utilisation efficace des ressources grâce à l’optimisation des systèmes de production actuels, contraste avec les scénarios D, de préservation des terres à travers la séparation entre les fonctions productives et environnementales, et E qui prévoit la simultanéité des fonctions productives et écologiques grâce à l’agroécologie, nécessitant des changements sociétaux radicaux, notamment en matière de régime alimentaire.
Aucun des scénarios ne peut garantir à la fois la protection de l’environnement, l’autosuffisance alimentaire, des revenus convenables pour les agriculteurs, des prix alimentaires bas et l’adoption de régimes sains par la population. Les décideurs politiques devront donc faire des choix.
Selon Hervé Guyomard, le nombre d’exploitations agricoles va continuer de diminuer quel que soit le scénario retenu. Toutefois, cette diminution devrait être inférieure dans la trajectoire B qui vise à soutenir tous les types d’exploitation et dans la trajectoire E qui privilégie l’agroécologie.
Les autres acteurs du système agroalimentaire doivent également être formés au concept et aux processus de verrouillage des régimes sociotechniques et à l’importance des innovations combinées pour faire évoluer le régime sociotechnique dominant.
Au cours de l’audition publique, les intervenants ont promu un certain nombre de pistes d’évolution issues de leurs travaux scientifiques et de leurs expériences sur le terrain.
L’Office propose dix recommandations pour encourager le développement des innovations technologiques, fixer un cadre volontariste en faveur d’un système agrialimentaire durable et sain, soutenir les initiatives du terrain pour déverrouiller les modes de production et accélérer la formation aux transitions.
1. Faire évoluer la réglementation pour faciliter l’homologation des innovations technologiques plus respectueuses de l’environnement afin de réduire le coût et les délais de mise sur le marché des produits innovants.
2. Modifier les prix relatifs des différents modèles de production afin de dissuader les pratiques générant de fortes externalités négatives (telles que l’utilisation intensive de pesticides et d’engrais de synthèse) au profit de pratiques moins rentables mais plus durables. Il s’agit de développer des dispositifs permettant de renforcer les incitations tout en compensant les effets revenus[20].
3. Renforcer l’efficacité des outils génétiques pour sélectionner des animaux plus résistants aux maladies en connectant les bases génétiques avec les bases sanitaires.
4. Privilégier une approche systémique qui associe les enjeux de l’agriculture à la problématique des systèmes alimentaires : les enjeux liés à l’agriculture doivent être envisagés dans une réflexion plus large sur nos systèmes alimentaires qu’il convient de faire évoluer pour les rendre plus durables et plus sains. Les actions menées en matière de production agricole doivent donc être articulées avec les autres politiques publiques en relation avec l’ensemble de la chaîne alimentaire pour modifier les préférences et l’offre alimentaires.
5. Mieux hiérarchiser les objectifs de la PAC sans sacrifier l’objectif de protection de l’environnement : les objectifs assignés à la PAC sont nombreux – développement d’une agriculture durable, autonomie alimentaire, garantie de revenus décents pour tous les agriculteurs, prix alimentaires bas pour sauvegarder le pouvoir d’achat des consommateurs et rester compétitifs en dehors des frontières – et difficilement conciliables entre eux, surtout à budget constant. Des arbitrages doivent donc être faits sans pour autant sacrifier la protection de l’environnement au profit de priorités à plus court terme, qui s’avèreraient contreproductives à plus long terme.
6. Développer de nouveaux instruments financiers dans le cadre de la prochaine PAC en passant d’une logique de subvention à une logique de rémunération de services explicites afin d’accompagner les agriculteurs dans la transformation de leur mode de production tout en garantissant leur niveau de revenu.
7. Encourager les innovations combinées associant tous les acteurs en amont et en aval de la production en renforçant le financement de programmes de recherche dédiés à ces initiatives.
8. Décentraliser les initiatives en faveur des transitions afin de tenir compte de la spécificité des territoires sur le plan écologique et socio-économique.
9. Mobiliser davantage les acteurs de terrain – enseignants, formateurs, exploitants, ateliers technologiques, monde professionnel et enseignement supérieur et recherche – et décloisonner les approches pour former aux transitions.
10. Associer pleinement les apprenants dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des actions visant à favoriser les transitions vers de nouveaux modèles de production.
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Les comptes rendus de l’audition publique du 20 février 2025 et de la réunion du 3 avril 2025 seront publiés ultérieurement.
[1] Rapport Secten, édition 2024.
[2] Cf. Jérôme Bignon, Biodiversité : extinction ou effondrement ?, note scientifique de l’OPECST n° 10, janvier 2019 : « De nombreux travaux scientifiques mettent en évidence des pertes de biodiversité considérables et très rapides. La question d’une sixième extinction des espèces est désormais posée. »
[3] Annick Jacquemet, Le déclin des insectes, note scientifique de l’OPECST n° 30, décembre 2021.
[4] Florence Lassarade, Réchauffement climatique et biodiversité – Conception, construction et mise en œuvre de stratégies préventives, rapport n° 181 (2022-2023) fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
[5] IPBES, Évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, 2019.
[6] Cf. liste rouge des espèces menacées en France établie selon les critères internationaux de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
[7] OCDE, Qualité de l’eau et agriculture : un défi pour les politiques publiques, Édition OCDE, « Études de l’OCDE sur l’eau », 2012.
[8] Sur l’ensemble des polluants émis, le secteur agricole représente 94 % des émissions d’ammoniac (trois cinquièmes sont liés aux fertilisants azotés et deux cinquièmes aux effluents d’élevage) ; 55 % des grosses particules émises par les travaux agricoles ; 24 % d’oxyde d’azote causés par les émissions des tracteurs, le chauffage des serres, etc. ;19 % des particules fines PM10 via les labours, les bâtiments d’élevage, etc. ; 6 % des particules fines PM2,5 dus à la récolte des cultures et au brûlage à l’air libre. Source : Citepa, 2024. Rapport Secten : Émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques en France, 1990-2023.
[9] Cf. Organisation météorologique mondiale, État du climat en Asie en 2023, 23 avril 2024.
[10] Les neuf limites planétaires identifiées sont : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, le changement d’usage des sols, les perturbations du cycle de l’eau douce, l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère.
[11] Hallmann et al., « More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas », PLoS ONE 12 (10), 2017.
[12] Au niveau international, Frank Geels est considéré comme la référence scientifique en matière de recherche sur les transitions technologiques. Cf. Geels, « Technological transitions as evolutionary reconfiguration processes: a multi-level perspective and a case-study », Research Policy, Volume 31, Issues 8-9, December 2002.
De nombreux scientifiques français se sont intéressés au concept de verrouillage sociotechnique ; cf. Jean- Marc Meynard, « Innovating in cropping and farming systems » (chapter 5), in Coudel et al., Renewing innovation systems in agriculture and food: how to go towards more sustainability?, 2012 ; ou Laurence Guichard et al., « Le plan écophyto de réduction d’usage des pesticides en France : décryptage d’un échec et raisons d’espérer », Cahiers Agricultures, 2017.
[13] Ce modèle est celui d’une forte spécialisation des systèmes de grandes cultures favorisant les cultures industrielles telles que les céréales, la betterave, le colza, assurant la meilleure profitabilité à court terme au regard des produits développés par l’industrie agroalimentaire.
[14] Cf. Magrini el al. , « Transition vers des systèmes agricole et agroalimentaire durables : quelle place et quantification pour les légumineuses à graines ? », Revue française de Socio-Économie, 2017/1 n° 18.
[15] Antoine Herth, Enjeux sanitaires et environnementaux de la viande rouge, note scientifique de l’OPECST n° 26, avril 2021.
[16] Selon la revue Réussir, le Cniel a publié une note de perspective sur la perte de souveraineté de la France en lait d’ici 2027.
Par ailleurs, le Haut Conseil pour le climat dans son rapport de 2024 rappelle que 20 % de la viande bovine et 30 à 40 % du porc ou de la volaille consommés en France sont importés. En vingt ans, les importations de viandes et de préparations de volailles ont été multipliées par quatre.
[17] Hervé Guyomard et al., Research for the AGRI committee, The next reform of the CAP: The variables in the equation, Inrae et IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), 2025.
[18] Sont mentionnés le changement climatique, la biodiversité, les ressources naturelles, l’environnement et la santé, le bien-être animal, la sécurité alimentaire (production et autonomie) et l’accessibilité alimentaire (prix des aliments et coût des régimes sains).
[19] Sont mentionnés les revenus agricoles, la distribution des revenus, la variabilité des revenus, la résilience, la compétitivité, la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur, le renouvellement des générations.
[20] Ainsi, il peut être envisagé de taxer les pesticides tout en rendant les sommes prélevées aux agriculteurs plus vertueux en matière de protection de l’environnement à travers le découplage des taxes et des remboursements.