N° 1357
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, adoptée par le sénat, après engagement de la procédure accéléréE, relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur,
M. Pierre HENRIET et Mme Constance LE GRIP,
Députés.
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Voir les numéros :
Sénat : 26, 335, 336 et T.A. 60 (2024‑2025).
Assemblée nationale : 1009.
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SOMMAIRE
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Pages
B. l’« universitÉ » n’est en rien épargnée par cette rÉsurgence de la haine et des prÉjugÉs
1. Des actes antisémites indubitablement sous-évalués
2. Un climat d’« antisémitisme d’atmosphère » aux conséquences inquiétantes
1. Les dispositifs de détection et de traitement des actes discriminatoires
2. Les pouvoirs de police des chefs d’établissement et les réponses disciplinaire et judiciaire
a. L’arsenal juridique à la disposition des chefs d’établissement d’enseignement supérieur
b. Les actions judiciaires et disciplinaires
III. Le contenu de la proposition de loi adoptée par le Sénat
IV. les PRINCIPAUX APPORTS de la commission
Article 4 Application outre-mer
ANNEXE N° 1 : Liste des personnes entendues par les rapporteurs
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Issue d’une initiative sénatoriale, la présente proposition de loi a été adoptée à l’unanimité le 13 février dernier. Elle est la traduction législative des travaux de la mission d’information chargée par la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat de dresser un état des lieux de la diffusion de l’antisémitisme au sein de l’enseignement supérieur et d’évaluer la réponse apportée par les pouvoirs publics, à la suite des incidents survenus dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur après les attaques terroristes islamistes perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023 en Israël.
Adoptées à l’unanimité le 26 juin 2024, les conclusions de cette mission ont pointé « l’inquiétante résurgence d’un climat d’antisémitisme à l’Université, dans le contexte des mobilisations étudiantes en faveur de la Palestine » ([1]).
Le rapport sénatorial fait le constat, préoccupant, de la diffusion au sein des universités et d’autres établissements d’enseignement supérieur, y compris parmi les plus élitistes, d’un « antisémitisme d’atmosphère », se répandant à plus ou moins bas bruit. Son inscription dans une dynamique collective, souvent non frontale, et ses formes d’expression renouvelées rendent son identification difficile. Le rapport observe à cet égard que les instruments à la disposition des présidents ou directeurs d’établissement ne paraissent pas totalement adaptés à la lutte contre cette nouvelle forme d’antisémitisme, plus insidieuse.
La proposition de loi reprend en conséquence certaines des onze recommandations sénatoriales visant à mieux prévenir, en sensibilisant plus encore, l’ensemble des acteurs de la chaine de formation, de l’enseignement primaire à l’université, sur ces menaces (article 1er), à améliorer la détection et le traitement des actes racistes, antisémites et discriminatoires au sein des établissements de l’enseignement supérieur (article 2), et, enfin, à rendre plus efficace la réponse disciplinaire à l’égard des usagers auteurs d’actes ou des propos violents, haineux et discriminatoires, qui, manifestement, ne sont pas toujours sanctionnés à la mesure de la gravité de leurs agissements (article 3).
Elle comporte donc trois articles articulés autour de ces trois axes – prévention, détection, sanction – ainsi qu’un quatrième article relatif à l’application de ces dispositions dans les collectivités d’outre-mer qui ne sont pas soumises au principe de l’identité législative, à savoir Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
Les dispositifs proposés s’inscrivent dans le cadre législatif existant, traitant, au-delà de l’antisémitisme, de la lutte contre le racisme et les autres formes de discrimination, de violence et de haine, à l’instar de la démarche en œuvre pour les politiques publiques de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les autres formes de discrimination liées à l’origine.
La proposition de loi se garde cependant de toute dérive d’« invisibilisation » malvenue de l’antisémitisme, lequel n’est pas entièrement réductible au racisme ou aux pratiques discriminatoires, et occupe une place spécifique dans l’histoire de la société française. Alors que la recrudescence des actes visant les étudiants juifs est réelle, il importe en effet d’identifier la lutte contre l’antisémitisme et d’accroître sa visibilité, afin de prévenir le risque de sa dilution au sein des différentes actions engagées par les établissements.
Le choix est donc fait, par les auteurs de cette proposition de loi, de reconnaître à la lutte contre l’antisémitisme une place singulière dans le combat organisé contre le racisme, la discrimination, les violences et la haine, tout en l’inscrivant pleinement dans le champ des dispositions déjà existantes ainsi que dans les dispositifs concrets présents dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur.
Comme l’appelle de ses vœux le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), M. le Préfet Mathias Ott, auditionné par les rapporteurs, ce projet de texte doit être une première brique d’une plus grande construction, laquelle a vocation à s’étendre bien au-delà du seul volet législatif.
Car au-delà d’être un acte juridique destiné à intégrer le droit positif, la présente proposition de loi est un appel à défendre ce qui est l’essence même du pacte républicain français. L’universalisme républicain, nourri de l’esprit des Lumières, assoiffé de raison, de savoir, de connaissance, d’ouverture, en un mot, d’humanisme, est aujourd’hui, de nouveau, en proie à l’antisémitisme, ce mal ancien, ce poison délétère, protéiforme et plastique, évolutif et persistant, que les dernières générations françaises, depuis celles nées au sortir de la seconde guerre mondiale, pensaient à jamais avoir relégué aux travaux des historiens.
I. Un contexte de recrudescence des actes haineux : une rÉsurgence inquiÉtante d’une dÉsinhibition de l’expression antisÉmite et raciste À l’œuvre au sein des Établissements d’enseignement supÉrieur
« Ce qui se dresse devant nous, ce n’est pas une vague, c’est une lame de fond. C’est la menace d’un réenracinement profond de l’antisémitisme » déclarait le 28 avril 2025 la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations Mme Aurore Bergé, lors de la remise du rapport des assises de lutte contre l’antisémitisme.
A. L’expression antisÉmite dans l’enseignement supÉrieur s’inscrit dans un antisÉmitisme se diffusant dans la sociÉtÉ française depuis plus d’une dÉcennie mais qui connait une recrudescence depuis le 7 octobre 2023
S’il est avéré que les actes antisémites se sont multipliés en France depuis le 7 octobre 2023, force est de constater que les prodromes sont en réalité plus anciens.
On peut dater le début de cette renaissance haineuse et honteuse à l’assassinat à caractère antisémite d’Ilan Halimi ([2]), en 2006, qui a durablement marqué la communauté juive, tant cet acte ignominieux, au-delà de sa cruauté, suintait la crasse ignorance et les préjugés, le choix de la victime du « gang des barbares » se fondant sur l’appartenance du jeune homme à la communauté juive, et donc à sa présumée richesse. Ce furent également, par la suite, les attentats de l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, puis dans le contexte des attentats de Paris et de sa périphérie de novembre 2015, l’attentat de l’Hyper Cacher, et plus récemment les meurtres de Sarah Halimi et Mireille Knoll. Si ce ne sont là que les affaires les plus terribles et les plus emblématiques, elles dissimulent en réalité une vague d’actes antisémites à l’œuvre en France depuis plus d’une dizaine d’années, en grande partie liée aux conflits au Moyen-Orient et plus particulièrement à l’importation des conflits israélo-palestiniens.
En 2014, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) estimait que le nombre d’actes antisémites recensés avait presque doublé par rapport à l’année précédente ([3]). Le lien était alors fait avec la forte hausse du nombre d’aliyah, c’est-à-dire l’immigration des Juifs de France vers Israël, l’année 2015, marquée par les attentats de janvier et de novembre, constituant une année « record », avec presque 8 000 départs.
Selon les données conjointes du ministère de l’intérieur et du Service de protection de la communauté juive (SPCJ), « 1 676 actes antisémites ont été recensés en 2023. Cette année a été marquée par une explosion des actes antisémites à partir du 7 octobre 2023, en lien avec l’attaque terroriste du Hamas contre Israël » ([4]). En 2024, 1 570 actes ont été enregistrés, un chiffre légèrement en baisse mais qui traduit une persistance alarmante du phénomène. « Certains actes ont été d’une extrême violence, comme l’attentat […] contre la synagogue de La Grande-Motte en août 2024, l’incendie criminel de la synagogue de Rouen en mai, ou encore le viol à caractère antisémite d’une fillette de 12 ans à Courbevoie » ([5]).
De son côté, pour 2023, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) souligne le niveau sans précédent des actes à caractère antisémite, lesquels explosent (+ 284 %) selon les données du ministère de l’Intérieur ([6]). De 436 actes recensés en 2022, on est passé à 1 676 actes en 2023, dont les trois quarts ont été enregistrés au cours du dernier trimestre de l’année. La CNCDH souligne que, bien que des pics d’antisémitisme aient été observés lors de précédentes crises au Proche-Orient, le niveau atteint en 2023 est inédit depuis le début des années 2000.
Des chiffres à même de largement susciter une inquiétude légitime face à une montée croissante de l’antisémitisme qui n’est donc pas « résiduel » contrairement à ce que certains peuvent dire. La hausse des actes antisémites résultant des événements d’octobre 2023 ne s’essouffle que très peu : le nombre d’actes reste sur un plateau élevé, avec une moyenne mensuelle inédite de 130 actes antisémites.
Source : https://www.spcj.org/antis%C3%A9mitisme/chiffres-de-l-antis%C3%A9mitisme-2024
B. l’« universitÉ » n’est en rien épargnée par cette rÉsurgence de la haine et des prÉjugÉs
Si l’enseignement supérieur est par essence le lieu d’émancipation, de transmission du savoir et d’esprit critique, les établissements, au cœur de la cité, ne sont pas des « citadelles fermées aux évolutions de la société dans laquelle ils s’inscrivent » ([7]). Selon les responsables de France Universités auditionnés par les rapporteurs, la hausse de l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur « n’est proportionnellement pas supérieure à ce qu’il se passe dans le reste de la société mais c’est évidemment toujours trop dans un environnement où il ne devrait rien se produire de tel ».
Pour d’autres acteurs, à l’inverse, les universités sont sans doute davantage concernées par les manifestations d’antisémitisme constatées ces derniers mois, car l’essence même de l’enseignement supérieur est d’accueillir des jeunes, dont certains sont dans la recherche d’une identité politique. Contrairement à d’autres lieux de socialisation, tels le monde du travail par exemple (entreprise, service, administration…), l’Université reste un espace où la manifestation des « opinions » est plus aisée, en raison de sa vocation naturelle à accueillir et favoriser l’expression.
Dans le contexte de la réponse militaire israélienne aux attaques terroristes d’octobre 2023, la mobilisation en faveur de la cause palestinienne et la critique du Gouvernement d’Israël ont mené « à des dérapages reposant sur l’assignation d’étudiants juifs à Israël » ([8]) et à des actes d’hostilité de toutes sortes. Dévoyées par certains groupes radicaux, la mobilisation en faveur de la cause palestinienne et la critique d’Israël ont mené à une hostilité ambiante dans certaines universités. Des activités militantes, conduisant à des amalgames fréquents associant Juifs, Israël, sionisme et colonisation, ont eu pour effet d’essentialiser les étudiants juifs, assimilés à des « extrémistes génocidaires » en raison de leur judéité, qu’ils ne revendiquaient pas forcément par ailleurs.
De fait, la mission d’information sénatoriale a établi que les établissements d’enseignement supérieur ne sont pas épargnés par la forte augmentation des actes et propos antisémites constatée dans l’ensemble de la société française. Derrière l’apparent retour au calme observé ces derniers temps sur la plupart des campus universitaires, pointe le risque, selon les sénateurs, « d’une certaine banalisation des discours antisémites », avec la manifestation d’un antisémitisme à bas bruit, s’enracinant progressivement.
1. Des actes antisémites indubitablement sous-évalués
Le rapport de la mission sénatoriale a souligné la sous-évaluation du nombre des actes antisémites perpétrés dans le milieu universitaire. Ce phénomène est par ailleurs reconnu par l’ensemble des acteurs entendus par les rapporteurs, notamment France Universités et les représentants du ministère chargé de l’enseignement supérieur.
Le rapport sénatorial sur la proposition de loi mentionne 67 actes antisémites recensés par France Universités entre octobre 2023 et avril 2024. La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur entendue par les rapporteurs a fait état de 74 faits liés à des actes antisémites recensés ([9]) dans les établissements d’enseignement supérieur depuis octobre 2023. Même si ces chiffres représentent le double de ceux enregistrés sur l’année universitaire 2022-2023, ils sont loin de refléter la réalité de l’antisémitisme quotidien dans les universités.
Les facteurs de ce décalage entre la statistique et la réalité du terrain sont identifiés : parmi eux le plus important demeure le silence des victimes et des témoins, dont résulte une sous-déclaration manifeste. Comme en a convenu le ministère chargé de l’enseignement supérieur devant les rapporteurs, « il demeure toutefois possible que certains faits ne parviennent pas à la connaissance des établissements eux-mêmes, notamment en raison de l’autocensure de certaines victimes ».
Les raisons du silence des victimes et/ou des témoins sont éclairantes, et constituent un des domaines où l’autorité publique se doit d’agir en vue de réduire ce phénomène.
Au-delà de la crainte de témoigner en raison des représailles, le motif du silence qui revient le plus souvent parmi les acteurs entendus par les rapporteurs est ce que l’on pourrait qualifier d’« aquoibonisme » : à quoi bon signaler une agression aux autorités de l’établissement si cela ne change rien et que l’« agresseur » n’est pas sanctionné voire ne fait même pas l’objet d’une procédure disciplinaire ? Ce constat est clairement ressorti des auditions menées par les rapporteurs, et sa résolution, si elle nécessite bien évidemment une évolution culturelle qui n’est pas du ressort de la norme, peut cependant reposer sur des actions précises destinées à inciter les victimes à signaler leur agression et leur agresseur.
À cet égard, il est essentiel que les autorités prennent les mesures adéquates, pour démontrer l’utilité de la plainte de la victime, à la fois en systématisant la procédure disciplinaire (« la tolérance zéro », revendiquée par France Universités) dès lors que les faits matériels sont établis, mais aussi en informant mieux les victimes des suites de leur signalement. Si le premier point passe par une refonte de l’organisation disciplinaire telle qu’elle existe actuellement, le second point semble plus aisé à mettre en œuvre. Ainsi, une disposition de la proposition de loi prévoit que les personnes ayant signalé des agissements violents ou à caractère discriminatoire susceptibles de constituer une faute disciplinaire seront désormais informés « de l’engagement des poursuites disciplinaires, de leur déroulement et de leur issue ». Aujourd’hui en effet, la procédure disciplinaire pour des faits de discrimination ou de violence à l’encontre de l’usager auteur des agissements échappe totalement à la victime directe, reléguée au second plan de simple témoin : l’université s’est substituée à elle en qualité de « victime ».
D’autres motifs sont également avancés pour expliquer le silence des victimes :
– les « pratiques hétérogènes des équipes dirigeantes, dont certaines choisissent d’agir a minima pour se prémunir de toute polémique » ([10]) même si France Universités a rappelé aux rapporteurs que « les présidents d’universités pratiquent la « tolérance zéro » et continueront comme ils l’ont toujours fait d’agir avec une extrême fermeté face au délit d’antisémitisme, aux violences et aux discriminations, de quelque nature que ce soit » ;
– la méconnaissance par les usagers victimes d’un acte discriminatoire que la survenance des faits dans un contexte péri-universitaire, à l’extérieur de l’université (soirées étudiantes, lieux de stage) ou sur les réseaux sociaux, relève aussi de la compétence de l’établissement ;
– les difficultés pour les victimes à considérer les micro-atteintes quotidiennes comme relevant d’actes pouvant faire l’objet de sanctions ;
– les difficultés pour les victimes d’identifier, lorsqu’elle existe, la cellule de signalement compétente ; contrairement aux dispositifs de signalement en matière de violences sexistes et sexuelles (VSS), désormais parfaitement identifiables et donc connus des usagers, les dispositifs de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations sont moins visibles ;
– l’insuffisante garantie de l’anonymat ;
– enfin, une possible défiance à l’égard des personnes chargées de recueillir les signalements et d’accompagner les victimes.
2. Un climat d’« antisémitisme d’atmosphère » aux conséquences inquiétantes
En septembre 2023, les signaux d’alarmes étaient allumés : l’antisémitisme était devenu une réalité quotidienne pour une majorité d’étudiants juifs. Dans un sondage IFOP réalisé pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), 91 % des étudiants de confession juive interrogés disaient avoir déjà été victime d’un acte antisémite, de la « lourde blague » antisémite, jusqu’à la menace verbale ou l’agression physique, en passant par les insultes, les remarques pleines de préjugés et de stéréotypes.
La recrudescence des actes antisémites ne se résume pas à des faits isolés. « Ce climat se traduit par la récurrence d’actes anonymes au quotidien, telles que des inscriptions dans les espaces communs, et par une certaine institutionnalisation des thématiques antisionistes, portées par des listes élues de représentants étudiants. » est-il indiqué dans le rapport sénatorial sur la proposition de loi ([11]).
Si les agressions physiques restent heureusement exceptionnelles, les faits, communs à toutes les formes de racisme, sont protéiformes : tags, graffitis, images dégradantes, insultes verbales, affiches, banderoles, marques au sol, diffusion de messages sur des groupes de conversation en ligne, saluts nazis, … sont monnaie courante, et s’adressent aux étudiants juifs dans leur ensemble sans viser un individu en particulier.
Certaines manifestations d’antisémitisme, plus ou moins ostensibles, peuvent également conduire à des situations de harcèlement et d’ostracisation d’étudiants juifs : exclusion de certains étudiants de manifestations ou de débats, refus de saluer un étudiant juif, blagues reposant sur des clichés antisémites, bousculades répétées dans les couloirs, changement de place dans les salles de cours pour ne pas être assis à côté d’un étudiant juif, isolement de certains étudiants dans la constitution de groupes de travail, etc.
Il en résulte une alerte de l’UEJF que les autorités doivent considérer avec gravité et ne pas ignorer, qui met en relief :
– un phénomène d’autocensure : de nombreux étudiants juifs dissimulent leur identité, évitent de porter des signes religieux, d’intervenir dans des débats ou de participer à la vie associative ;
– un environnement anxiogène peu favorable à la sérénité qu’exige la poursuite d’études : des étudiants juifs ont peur de venir à l’université ; certains ne viennent plus qu’aux séances de travaux dirigés et désertent les cours en amphithéâtre ; d’autres interrompent leurs études.
Comme le notent les rapporteurs sénatoriaux de la proposition de loi, ces phénomènes sont « susceptibles de créer une atmosphère pesante pour les étudiants juifs, qui peut les conduire à redouter, voire à éviter la fréquentation des campus » ([12]).
Cela pose clairement la question de la capacité des établissements, et en premier lieu des exécutifs des universités et des établissements publics d’enseignement supérieur, à garantir un environnement sécurisé et respectueux pour tous les étudiants.
II. LES MOYENS À LA DISPOSITION DES EXÉCUTIFS DES ÉTABLISSEMENTS d’enseignement supérieur POUR FAIRE FACE À CES MENACES
Face à ces menaces qui prennent une acuité nouvelle, et s’intercalent dans les frontières poreuses de la liberté d’expression, il apparaît que les dirigeants des établissements d’enseignement supérieur ne sont pas suffisamment outillés. Ils ont cependant à leur disposition un arsenal technique et juridique qui leur permet d’ores-et-déjà d’agir.
A. lES DIFFICULTÉS AUXQUELLES SONT CONFRONTÉS LES EXÉCUTIFS DES ÉTABLISSEMENTS d’enseignement supérieur
Les établissements font face à plusieurs difficultés, qui appellent des solutions différentes.
La première de ces difficultés est liée à la qualification juridique de certains actes, alors que l’université est le lieu des savoirs, des débats contradictoires, et de la liberté académique qui s’y rattache. Les libertés d’opinion et d’expression y sont garantis. L’article L. 811-1 du code de l’éducation pose le principe que les usagers « disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils exercent cette liberté à titre individuel et collectif ». Mais cette liberté n’est pas absolue et est soumise à des limitations : elle ne doit ni porter atteinte aux activités d’enseignement et de recherche ni troubler l’ordre public. Ainsi que l’a rappelé France Universités aux rapporteurs, cette liberté, comme ailleurs dans la société, « ne saurait être invoquée pour justifier une parole ou un acte haineux ou discriminatoire ».
En réalité, la problématique ne concerne pas des actes ou des propos matériellement établis, et un auteur aisément identifiable ; pour cela, comme le rappelle France Universités, « les universités y veillent constamment et ne sauraient en tolérer quelque usage contraire. Le racisme et l’antisémitisme ne sont pas des opinions, mais des délits ». Ce sont généralement ces actes, aisés à prouver, qui font l’objet des signalements.
La réelle difficulté tient à la forme diffuse d’un antisémitisme voilé, se manifestant sous le couvert d’une critique politique. La confusion conceptuelle et juridique qui entoure les nouvelles formes de son expression, le rend ainsi particulièrement difficile à repérer et à combattre. Du fait de l’ambiguïté et du caractère amalgamant du terme, ces difficultés portent notamment sur les prises de position « antisionistes ». La distinction entre une critique politique légitime de l’action du gouvernement israélien, protégée par la liberté d’expression, a fortiori dans le cadre universitaire, et des propos antisémites, constitutifs de délits sanctionnés par le droit pénal, est ainsi souvent difficile à appréhender.
La seconde de ces difficultés est liée à l’attestation de la matérialité des faits, notamment lorsque ces derniers sont commis soit en-dehors de l’établissement (par exemple, soirées étudiantes, lieux de stage, résidences universitaires, etc), soit sur les réseaux sociaux et sur les messageries en ligne. Cela renvoie notamment aux capacités matérielles d’investigation à la disposition des exécutifs des établissements.
Par ailleurs, pour justifier l’engagement d’une procédure disciplinaire, il doit exister un lien suffisant entre l’établissement et le fait répréhensible afin que ce dernier puisse être qualifié de faute disciplinaire. Ce lien n’est pas toujours évident à démontrer.
La dernière de ces difficultés est liée à l’organisation et la mobilisation par les établissements des moyens à leur disposition pour répondre efficacement à ces menaces. C’est essentiellement à ces questions que la proposition de loi s’attache à répondre.
B. les moyens de lutte contre l’antisémitisme, le racisme et les discriminations À la disposition des exÉcutifs des Établissements d’enseignement supérieur
Outre la professionnalisation des membres des commissions disciplinaires, deux autres axes d’amélioration de la lutte contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les autres formes de discrimination, de violence et de haine, sont potentiellement mobilisables à court terme par les chefs des établissements d’enseignement supérieur. Ils concernent :
– la détection et le traitement des actes discriminatoires ;
– les pouvoirs de police des chefs d’établissement, y compris à titre conservatoire, et les réponses disciplinaire et judiciaire pour les auteurs de ces actes.
Un axe complémentaire porte sur les actions de prévention, au moyen, notamment, de la sensibilisation des élèves et des étudiants, à travers les formations intervenant dans le champ des enseignements. Mais les effets de ces mesures, par ailleurs déjà partiellement mises en œuvre dans les programmes d’enseignement, s’inscrivent inévitablement dans le temps long.
1. Les dispositifs de détection et de traitement des actes discriminatoires
Les dispositifs de détection et de traitement des actes de discrimination et de haine sont déjà opérationnels au sein des établissements d’enseignement supérieur. La plupart des universités et des grands établissements ont en effet mis en place, depuis quelques années pour certains, plus récemment pour d’autres, en fonction des priorités qu’ils définissent, des services internes (cellules, missions) chargées des questions de discrimination, le cas échéant traitées avec les questions des VSS.
Cependant, d’une part ces dispositifs d’écoute, d’information et de recueil de la parole des victimes, chargés d’accompagner ces dernières, mais aussi de recenser et signaler les actes aux autorités compétentes, ne sont pas généralisés ; d’autre part leur efficacité souffre d’une grande disparité selon les établissements. Il en est de même pour les référents affectés à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, que la plupart des établissements, suite à une instruction très récente du ministère chargé de l’enseignement supérieur, ont installé.
Un second écueil tient à la visibilité et à l’identification de ces dispositifs par les personnes concernées, loin d’être optimales.
Enfin, en dernier lieu, la question de la confiance, ou de la défiance, des victimes vis-à-vis de ces dispositifs de signalement et d’accompagnement, ou plus largement à l’égard des institutions de l’université, est primordiale.
2. Les pouvoirs de police des chefs d’établissement et les réponses disciplinaire et judiciaire
Les moyens juridiques, dont le volet disciplinaire est un des instruments mobilisables, à la disposition des présidents et directeurs d’établissement à l’encontre des auteurs d’actes de discrimination de toute nature et plus largement des fauteurs de troubles, ont récemment été rappelés par une circulaire du ministre chargé de l’enseignement supérieur Patrick Hetzel ([13]).
a. L’arsenal juridique à la disposition des chefs d’établissement d’enseignement supérieur
La circulaire rappelle aux chefs d’établissement leurs responsabilités et leurs obligations en matière de sécurité et de maintien de l’ordre (article L. 712-2 du code de l’éducation, CE) et les invite à user de leurs prérogatives pour maintenir un climat d’étude et d’enseignement serein. Ils doivent veiller aux principes de laïcité et d’indépendance. Les établissements doivent demeurer un lieu de liberté, laïc, « indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique », qui tend à l’objectivité du savoir et respecte la diversité des opinions (art. L. 141- 6 du CE).
À cet égard, il appartient aux chefs d’établissement de faire usage de leurs pouvoirs de police pour prévenir tout risque de trouble au sein de l’établissement. Lorsqu’un chef d’établissement estime qu’il existe un désordre ou une menace de désordre, des mesures de police peuvent être prises, à titre conservatoire, par le président d’université, notamment à l’encontre des usagers. Cette mesure peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.
L’interdiction temporaire d’accès aux locaux constitue l’une de ces mesures de police, qui ne peut excéder trente jours. Au-delà, il convient d’engager des poursuites disciplinaires ou judiciaires ; en ce cas, l’interdiction peut être prolongée jusqu’à la décision définitive de la juridiction ou de l'instance saisie (art. R. 712- 8 du CE). Cette mesure doit être justifiée par un risque établi de désordre et doit être adaptée, nécessaire et proportionnée. Il est de jurisprudence constante que cette mesure ne peut être prise que si d’autres moyens ne permettent pas d’assurer le maintien de l’ordre ([14]).
Les chefs d’établissement ont également la possibilité de suspendre les enseignements pour une durée maximum de trente jours, ou encore d’encadrer l’organisation d’événements festifs, comme les soirées étudiantes se déroulant au sein de l’université (contrôle des consommations alcoolisées, du nombre de personnes), voire de les interdire si les risques d’atteinte à la sécurité des biens et des personnes ou à la salubrité publique sont trop importants.
Selon France Universités, les chefs d’établissement peuvent aussi encadrer, voire interdire, une manifestation ou une réunion en cas d’atteinte aux valeurs fondamentales du service public : « Si la conférence remet gravement en cause les valeurs républicaines (exemples : incitation à la haine, discrimination, négationnisme, antisémitisme, etc.), cela peut justifier un refus. Le Président peut invoquer la déontologie universitaire, notamment en lien avec la charte de la laïcité ou les textes internes à l’Université. »
La circulaire ministérielle rappelle que les pouvoirs de police des chefs d’établissement ne s’apparentent pas à des pouvoirs de police judiciaire, lesquels incombent aux seules forces de l’ordre investies d’une mission d’investigation et de répression des infractions. Par ailleurs, les mesures de police des chefs d’établissement doivent être motivées par la conservation ou le rétablissement de l’ordre public ; ils perdent tout fondement juridique dès lors que le trouble à l’ordre public disparait.
Plus généralement, les chefs d’établissement prennent appui sur les dispositions du règlement intérieur de l’établissement pour interdire une réunion ou un rassemblement. Par exemple, lorsque les demandes de réservation de salles ne respectent pas les procédures internes, si l’événement n’est pas déclaré dans les délais, ou si l’organisateur n’a pas l’autorisation requise.
Le recours à la force publique au sein de l’enceinte universitaire répond à des règles spécifiques.
Les présidents d’université et directeurs d’établissement peuvent requérir le concours de la force publique (art. L. 712-2, 6° et R. 716-6 du CE), dès lors que des mesures de contrainte (exemples : arrestations, évacuation forcée) doivent être déployées ([15]). Sauf circonstances exceptionnelles, le régime de la franchise universitaire auquel sont soumis les locaux universitaires subordonne l’accès des forces de l’ordre à une requête de l’autorité universitaire ou à l’autorisation écrite du procureur de la République
Le rappel des responsabilités des chefs des établissements d’enseignement supérieur dans la circulaire du 4 octobre 2024
La circulaire détaille les conditions d’exercice de « pouvoirs de police » des présidents d’université et directeurs d’établissements.
Le règlement intérieur de l’université ou de l’établissement peut utilement venir compléter les dispositions réglementaires applicables en la matière.
Le recteur doit être informé dans les meilleurs délais de tout désordre ou menace de désordre.
Le pouvoir des présidents d’université s’exerce dans les enceintes et locaux universitaires pour garantir l’ordre public, à savoir :
– le bon ordre et la sûreté, en limitant les risques de désordres au moyen, par exemple, d’une réglementation concernant les attroupements dans les locaux ;
– la sécurité (par exemple, pour éviter les risques d’accidents ou d’incendie) ;
– la salubrité publique (par exemple, pour éviter les risques de maladie : hygiène, lutte contre le tabagisme etc.).
b. Les actions judiciaires et disciplinaires
Au titre de l’article 40 du code de procédure pénale (CPP), tout agent public qui, « dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements […] qui y sont relatifs. »
Le signalement au procureur de la République, qui permet de porter les faits à la connaissance de l’autorité judiciaire, est une obligation pour l’administration lorsqu’elle constate des faits lui paraissant suffisamment établis et de nature à constituer un crime ou un délit ([16]).
Une série d’infractions doit ainsi donner lieu à des signalements : les faits relevant d’une provocation publique à la haine, à la violence ou à la discrimination notamment à raison de l’origine, l’apologie de crimes, l’apologie du terrorisme ou les injures publiques discriminatoires qui peuvent être véhiculées au moyen des réseaux sociaux, mais également les actes de violences ou de dégradations commis ou simplement projetés dans les locaux universitaires.
Les présidents et directeurs d’établissement ne sont pas des officiers de police judiciaire ; en matière pénale, leur rôle s’arrête au devoir de signalement.
Par ailleurs, la circulaire ministérielle d’octobre 2024 rappelle que les chefs d’établissement, dans le cas de dégradations, peuvent porter plainte et se constituer partie civile en vue d’obtenir réparation. Les choses en revanche sont plus complexes lorsque les infractions, notamment à caractère raciste, antisémite ou plus largement discriminatoire, ne donnent pas lieu à des dégradations matérielles.
La constitution de partie civile par l’État
Interrogé à ce propos par les rapporteurs, le ministère chargé de l’enseignement supérieur considère que l’établissement, qui dispose de la personnalité morale, et « peut se constituer partie civile sans recourir à l’agent judiciaire de l’État (AJE), aurait sans doute une meilleure chance d’obtenir l’indemnisation » d’un préjudice que les services de l’État.
Le recteur de région académique, quant à lui, n’est pas compétent, en l’état des textes, « pour procéder à une constitution de partie civile dans un procès pénal au nom de l’État, dont les compétences en matière juridictionnelle sont au demeurant limitativement définies par les articles D. 222-35 et R. 222-36 du code de l’éducation ».
Les rapporteurs n’ont pas été en mesure de connaître le nombre de signalement effectués au titre de l’article 40 du CPP par les chefs d’établissement.
Dès lors qu’un fait susceptible de poursuites pénales est porté à la connaissance d’un dirigeant d’un établissement, celui-ci doit examiner, indépendamment de la procédure judiciaire, s’il constitue également une faute disciplinaire. La procédure disciplinaire peut donc être engagée en parallèle d’un signalement à l’autorité judiciaire, en particulier si les faits, commis dans le cadre universitaire par un usager, portent atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement, comme le prévoit l’article R. 811-11 du code de l’éducation.
France Universités insiste sur la politique de « tolérance zéro » de la part des dirigeants universitaires, qui agissent en apportant à toute dérive, selon les cas, les sanctions disciplinaires et/ou les suites judiciaires appropriées. Ainsi, dès lors que les éléments matériels le permettent, tous les signalements au titre de l’article 40 du CPP semblent faire systématiquement l’objet, en parallèle, d’une procédure disciplinaire à l’encontre de l’usager concerné.
En pratique, il n’est pas toujours possible d’articuler les deux procédures, ce qui suppose une appréciation circonstanciée, notamment lorsque l’auteur des faits n’est pas identifié, que les éléments sont insuffisants pour engager une procédure contradictoire, ou encore lorsque la procédure judiciaire en cours impose une temporisation.
Les signalements au titre de l’article 40 du CPP par le ministère chargé de l’enseignement supérieur
Le recours direct du ministère ou du recteur de région académique à l’article 40 du code de procédure pénale en substitution des chefs d’établissement demeure rare. Les présidents d’université exercent pleinement leurs responsabilités et assurent eux-mêmes, dans la très grande majorité des cas, le signalement au procureur de la République.
Néanmoins, le ministère peut procéder lui-même à un signalement lorsqu’un fait particulièrement grave le justifie. Ce fut notamment le cas en mars 2024, lorsque la ministre chargée de l’enseignement supérieur a saisi le procureur de la République de Paris à la suite d’un signalement transmis par la section de Sciences Po Paris de l’Union des étudiants Juifs de France, dénonçant des faits discriminatoires à caractère antisémite.
Un autre constat, abordé lors des débats parlementaires au Sénat, a été rappelé par de nombreux acteurs institutionnels lors des auditions : la difficulté pour les présidents d’université, mais également le ministère, d’obtenir un suivi de leurs signalements au titre de l’article 40 du CPP. L’absence, quasi systémique ([17]), de retour de la part des Parquets généraux renforce le sentiment d’impuissance des étudiants victimes d’actes discriminatoires. Le silence de la justice contribue à alimenter le ressenti de signalements demeurant sans effets, et est un des éléments, parmi d’autres, du renforcement de l’« aquoibonisme » mentionné précédemment.
Outre les risques d’alimenter un découragement de la part de victimes, un certain désintérêt pour ces outils, voire, plus globalement, une certaine défiance envers les institutions, y compris, par ricochet, envers l’université, le défaut de retours sur les procédures complique la connaissance de la réalité du nombre d’actes ayant fait l’objet d’une procédure judiciaire.
Pour lutter contre ce manque d’informations, certaines universités, en lien avec les rectorats, ont passé des conventions avec les Parquets pour un meilleur suivi des procédures, afin, notamment, d’être en mesure d’informer les victimes à l’origine du signalement du suivi de leur affaire.
Sur ce sujet, trois points retiennent l’attention :
– France Universités a manifesté aux rapporteurs son souhait d’une pérennisation de ces dispositifs, avec la généralisation des conventions, et le cas échéant, l’instauration d’un référent au sein des Parquets en relation avec les universités, pour organiser efficacement la transparence des suivis procéduraux ;
– même si, en raison de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur, le ministère ne peut imposer la signature d’une telle convention aux universités ([18]), la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) évoque néanmoins la piste d’une convention-cadre nationale entre les ministères de la justice et de l’enseignement supérieure. L’objectif serait de s’inspirer des conventions déjà conclues localement dans le champ des violences sexistes et sexuelles pour les étendre aux faits de racisme, d’antisémitisme et de haine anti-LGBT ([19]) ;
– à ce stade, afin d’améliorer la transmission des remontées de la justice, la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025 du ministre de la justice, alerté à cet effet par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, fait figurer dans les points d’alerte aux procureurs que les dénonciations d’« actes antisémites, antichrétiens et antimusulmans, les faits d’apologie du terrorisme ou de provocation directe à des actes de terrorisme, la radicalisation violente ou la séparatisme […] doivent […], lorsqu’elles s’appuient sur un signalement réalisé en application de l’article 40, faire l’objet d’un suivi auprès des administrations qui en sont à l’origine » ([20]).
III. Le contenu de la proposition de loi adoptée par le Sénat
La présente proposition de loi vise à renforcer la lutte contre l’antisémitisme et le racisme dans l’enseignement supérieur.
Elle a pour objet, dans sa version initiale :
– dans un article 1er relatif à la formation à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, de favoriser la sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme des élèves et des étudiants, ainsi que des stagiaires des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation ;
– dans un article 2 relatif à la prévention, la détection et le signalement des actes antisémites survenant dans l’enseignement supérieur, de renforcer et de pérenniser les dispositifs existant actuellement dans les établissements d’enseignement supérieur (mission « égalité et diversité », référent, dispositif de signalement), en les généralisant, en garantissant l’anonymat des victimes et des témoins et en imposant un suivi statistique des signalements recueillis ;
– dans un article 3 relatif à la procédure disciplinaire, d’une part d’étendre les motifs constitutifs d’une faute disciplinaire aux actes de violence, de racisme, d’antisémitisme et de discrimination, d’autre part d’associer les victimes à la procédure disciplinaire.
En commission, l’examen de la proposition de loi a abouti, pour l’ensemble des articles, à étendre la lutte contre l’antisémitisme et le racisme aux discriminations, aux violences et à la haine.
À l’article 1er, l’adoption de deux amendements a inséré la formation à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine parmi les missions du service public de l’enseignement supérieur et l’a rendue obligatoire pour les élus étudiants membres des différentes instances des établissements publics d’enseignement supérieur. Un autre amendement a créé un nouvel article L. 761-2 dans le code de l’éducation, prévoyant que l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, y compris ceux de l’enseignement privé, mettent en place ces formations.
À l’article 2, un amendement a précisé que le référent « racisme et antisémitisme » doit être qualifié. Deux autres amendements ont imposé, d’une part, que les personnels des dispositifs de signalement des actes discriminatoires et haineux soient formés, qualifiés ou bénéficient d’une expertise adéquate, d’autre part que les signalements recueillis soient transmis au président de l’université.
Deux amendements ont modifié l’article 3 :
– en prévoyant la formation des enseignants-chercheurs et des étudiants membres de section disciplinaire à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine ;
– en substituant à l’association à la procédure disciplinaire des personnes victimes d’actes de discrimination leur simple information quant au déroulement de la procédure engagée contre l’auteur de l’acte.
Un amendement a créé un article 4 pour l’application des dispositions dans les collectivités d’outre-mer.
En séance publique, l’examen de la proposition de loi a permis, à l’article 2, de préciser les conditions d’exercice des dispositifs de lutte contre les discriminations dans les établissements d’enseignement supérieur en matière d’information des usagers et de garantie d’anonymat.
À l’article 3, deux amendements, d’une part ont prévu la création par le recteur de région académique d’une section disciplinaire commune aux établissements d’enseignement supérieur de la région, d’autre part ont élargi la liste des motifs susceptibles de constituer des fautes disciplinaires.
IV. les PRINCIPAUX APPORTS de la commission
L’article 2 a été modifié et complété par la commission sur de nombreux points portant sur la mission « égalité et diversité » et sur le dispositif de signalement des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine.
Deux amendements prévoient la transmission au ministère chargé de l’enseignement supérieur et au Parlement d’un rapport sur l’activité des missions « égalité et diversité » en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Des dispositions relatives aux activités de la même mission en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, supprimées dans la proposition de loi initiale, sont par ailleurs rétablies. Un amendement assure l’adaptation des nouvelles dispositions à la situation spécifique des missions « égalité et diversité » de l’université des Antilles, et un autre étend l’obligation de mise en place de ces dispositifs aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général.
Après l’adoption de plusieurs amendements l’ayant en grande partie vidé de sa substance, l’article 3 relatif à la procédure disciplinaire a été supprimé.
Adopté par la commission avec modifications
L’article 1er de la présente proposition de loi vise à renforcer la sensibilisation des publics scolaires et étudiants, ainsi que des futurs enseignants, à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine, en inscrivant le principe de formations sur ces thématiques :
– dans les objectifs du service public de l’enseignement scolaire et supérieur, mis en œuvre par les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur ;
– dans les missions des établissements publics et privés d’enseignement supérieur ;
– dans les missions des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation.
Des formations sur ces mêmes thématiques sont par ailleurs plus spécifiquement dispensées aux étudiants élus aux différentes instances des établissements publics d’enseignement supérieur dans le cadre de l’exercice de leur mandat.
En commission des affaires culturelles et de l’éducation, l’intitulé du chapitre Ier, auquel est rattaché l’article 1er, a été étendu à la lutte contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine.
Alors que la lutte contre les discriminations de toute nature, notamment celles à caractère raciste, antisémite, ethnique ou religieuse, fait partie intégrante des missions des établissements scolaires, on constate que ses objectifs n’ont pas été formalisés dans le corpus normatif du code de l’éducation. Les dispositions de celui-ci se limitent à des considérations générales, centrées sur le respect d’autrui et, plus récemment, sur le respect des valeurs de la République, sans véritablement cibler des discriminations précises.
Contrairement aux inégalités sociales et plus récemment aux problématiques des inégalités entre les hommes et les femmes et des violences sexistes et sexuelles, qui font l’objet de dispositions législatives spécifiques ([21]), le code de l’éducation ne mentionne pas expressément la lutte contre les discriminations racistes, antisémites ou homophobes. Il établit un cadre général pour l’enseignement des valeurs de la République, ce qui inclut implicitement la promotion de la tolérance et le respect de la diversité, mais la mention de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie est, de facto, absente des objectifs énoncés.
Fixant les objectifs prioritaires de l’éducation, l’article L. 111-1 du code de l’éducation indique, depuis la loi de refondation de l’École de la République de 2013, que « le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains ». L’article L. 121-1 du même code affirme que les missions du service public de l’enseignement (écoles, collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur) « assurent une formation […] au respect des droits de la personne ».
Le droit de l’enfant à l’instruction a pour objet de garantir une éducation lui permettant de partager les valeurs de la République (art. L. 131-1-1 du CE). Ainsi, « l’école, notamment grâce à un enseignement moral et civique, fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences » (art. L. 311- 4 du CE). L’enseignement moral et civique comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République (art. L. 312-15 du CE).
La formation dispensée dans les écoles du premier degré assure « l’acquisition et la compréhension de l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences. […]. Elle assure conjointement avec la famille l’éducation morale et civique qui comprend, pour permettre l’exercice de la citoyenneté, l’apprentissage des valeurs et symboles de la République » (art. L. 321‑3 du CE).
Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture n’intègre pas explicitement la lutte contre les discriminations
Aux termes de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, la scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle commun doit notamment préparer à l’exercice de la citoyenneté.
Décliné à l’article D. 122-1 du même code, le socle commun est composé de cinq domaines de formation qui définissent les grands enjeux de formation. Celui portant sur la formation de la personne et du citoyen, qui « vise un apprentissage de la vie en société, de l’action collective et de la citoyenneté, par une formation morale et civique respectueuse des choix personnels et des responsabilités individuelles », ne mentionne pas la lutte contre les discriminations.
Seule l’annexe aborde modestement « le refus des discriminations », aux côtés de principes tels que la tolérance réciproque, la liberté de conscience ou l’égalité.
On constate que la lutte contre les discriminations, de toutes natures, est en partie esquissée, non dans un des objectifs de l’éducation ([22]), mais, pour ce qui a trait au seul second degré, dans un des instruments mis en place par les chefs d’établissement dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), en lien avec le projet d’établissement. En effet, le comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement « contribue à l’éducation à la citoyenneté, à la transmission des valeurs et des principes de la République, à la promotion du principe de laïcité et au soutien des initiatives de prévention et de lutte contre toutes les formes de discrimination » (art. L. 421-8 du CE) ([23]).
Par ailleurs, il n’existe pas de cadre juridique contraignant spécifique au champ de l’enseignement scolaire, accordant une attention particulière à la lutte contre les discriminations. Si le volet disciplinaire s’est récemment renforcé, à travers les modifications des articles R. 421-10 et R. 511-14 du code de l’éducation apportées par le décret du 16 août 2023 ([24]), c’est sous l’angle des atteintes graves aux principes de la République, notamment au principe de laïcité, mais sans référence explicite à la lutte contre les discriminations. Le vade-mecum « Agir contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine », à la disposition des équipes éducatives (cf. infra ([25])) rappelle à cet égard que les actes racistes et antisémites sont des atteintes aux personnes et aux biens, lesquelles sont passibles des sanctions disciplinaires dont la liste est arrêtée par l’article R. 511-13 du code de l’éducation.
Les circulaires sont plus explicites que le droit positif dans l’expression de la lutte contre toutes les formes de discrimination, en particulier celles à caractère raciste, antisémite et homophobe. En particulier, ces termes y sont employés.
La circulaire du 1er août 2011 sur le règlement intérieur dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) rappelle « le refus de tout propos ou comportement à caractère raciste, antisémite, xénophobe, sexiste et homophobe » et la nécessité que cela soit « explicité dans le règlement intérieur » ([26]).
Les circulaires de rentrée scolaire sont l’occasion pour l’institution de rappeler l’importance de la lutte contre les discriminations, sous toutes ses formes. Le tournant a eu lieu au moment des débats autour du projet de loi pour la refondation de l’école de la République ([27]), avec la circulaire du 10 avril 2013 d’orientation et de préparation de la rentrée 2013 ([28]), laquelle indique que « la politique éducative […] doit combattre toutes les formes de discriminations […]. Trois priorités ont été identifiées : la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, la lutte contre l’homophobie et la promotion de l’égalité entre les filles et les garçons. » La circulaire de préparation de la rentrée 2014, dans un chapitre consacré à la défense et à la promotion des valeurs de la République et à la prévention de toutes les formes de discriminations, met en exergue la culture du respect et de la compréhension de l’autre, qui « permet de combattre toutes les violences et les discriminations, notamment racistes, sexistes et homophobes », et encourage les projets pédagogiques en ce sens ([29]).
S’appuyant sur les valeurs de la République, la plupart des circulaires de préparation de rentrée successives ([30]) mettent au cœur de la vie scolaire, avec plus ou moins de vigueur ([31]), les principes de lutte contre les discriminations, notamment racistes, antisémites, homophobes et transphobes, et, le cas échéant, présentent les différents dispositifs existants.
Le rejet de toutes les discriminations et la prévention du racisme et de l’antisémitisme « doivent fonder les projets éducatifs » est-il rappelé dans la circulaire de 2015 ([32]). L’éducation contre le racisme et l’antisémitisme se matérialise notamment dans les programmes d’enseignements, en particulier l’enseignement moral et civique ([33]) (voir l’encadré et le tableau au point 3). Au-delà des enseignements, la transmission des valeurs de la République transite également par des actions éducatives ainsi que par des situations concrètes de la vie scolaire, par des réflexions et des actions visant à prévenir toute forme de discrimination fondée notamment sur l’origine, l’appartenance religieuse ou l’identité sexuelle, en combattant les expressions et les violences inspirées du racisme et de l’homophobie en milieu scolaire (circulaire de 2016).
Dans une partie consacrée à une « école laïque qui prépare aux enjeux d’une société démocratique », la circulaire de 2017 ([34]) fait de la lutte contre les discriminations un des axes ([35]) de formation des élèves à devenir des citoyens actifs, responsables et engagés dans une société démocratique. Elle souligne la nécessité que les acteurs éducatifs s’emparent de ces questions ; ils disposent pour cela de plans de formation et d’outils pédagogiques adaptés. La « prise en charge interministérielle de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT a conféré un rôle central à l’éducation et à la formation : il est plus que jamais nécessaire d’en assurer l’effectivité au sein de l’École. L’inscription de la lutte contre les discriminations dans les plans académiques de formation doit être poursuivie et les ressources proposées ([36]) […] largement diffusées. La production de ressources et les campagnes d’information sont favorisées. »
Le système éducatif a pour mission de transmettre à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains. La politique de prévention du racisme et de l’antisémitisme repose sur l’inscription de ces thématiques dans les contenus d’enseignement, la promotion d’actions éducatives dédiées, la mise en place de coopérations spécifiques avec des partenaires associatifs ou institutionnels et la formation des personnels.
Le vade-mecum « Agir contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine », susmentionné, est constitué d’un ensemble de fiches permettant de comprendre, analyser, répondre et prévenir les actes racistes et antisémites à l’école. C’est le document de référence pour comprendre les enjeux, répondre à des situations intervenues dans des établissements scolaires et mener un travail pédagogique et éducatif pour prévenir ces situations ([37]). Une partie de ce document est entièrement consacrée aux leviers pédagogiques et éducatifs à disposition des personnels enseignants et d’éducation. Sont ainsi proposées aux enseignants des approches complémentaires, qui articulent des enseignements, des actions éducatives, la participation à des commémorations, avec le concours des partenaires.
Les programmes d’enseignement, notamment ceux d’enseignement moral et civique qui, selon la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) du ministère chargé de l’éducation, entrent progressivement en vigueur depuis la rentrée 2024, intègrent les questions du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations liées à l’origine, ainsi que celles liées aux LGBTphobies.
Les programmes d’enseignement moral et civique mais également d’éducation aux médias et à l’information constituent les instruments privilégiés pour sensibiliser les élèves aux questions des discriminations mais, comme l’a rappelé aux rapporteurs la directrice générale de l’enseignement scolaire Caroline Pascal, d’autres enseignements peuvent également être mobilisés pour prévenir le racisme et l’antisémitisme.
Compte tenu que les notions de racisme, d’antisémitisme et d’homophobie sont inscrites dans les programmes d’enseignement, leur mise en œuvre s’impose également dans l’enseignement privé sous contrat, lequel regroupe plus de deux millions d’élèves, soit 18 % des effectifs scolarisés. La Dgesco constate chaque année une participation de classes d’établissements privés sous contrat aux actions éducatives proposées par le ministère (prix et concours, interventions de partenaires dans les classes, etc).
La lutte contre les discriminations dans les programmes d’enseignement scolaire
L’enseignement moral et civique (EMC) et l’éducation aux médias et à l’information (EMI)
L’inscription de la question du racisme et de l’antisémitisme dans les programmes d’enseignement moral et civique ainsi que dans l’éducation aux médias et à l’information permet de mener un travail sur le respect des pairs et des adultes, sur le respect des différences, sur la conscience de la diversité des croyances et des convictions, en analysant la manière dont les préjugés et les stéréotypes s’élaborent et alimentent des pratiques discriminatoires, voire des violences, en travaillant aussi sur l’histoire des luttes menées pour atteindre l’égalité des droits.
Dans le premier degré :
Les notions de « fraternité », « solidarité », « dignité de la personne humaine », de « stéréotype » et de « préjugé » sont introduites dès le CE1, puis approfondies en CM1, dans la thématique « Faire société ». Mais c’est en CM2 que les contenus d’enseignement (module « Respecter les droits de tous ») citent expressément le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie dans les contenus d’enseignement.
Au collège :
En classe de cinquième, dans le module « Agir pour l’égalité femmes-hommes et lutter contre les discriminations », les notions d’égalité, de discrimination, de racisme, d’antisémitisme, d’antitsiganisme, de xénophobie et de harcèlement sont inscrites au programme. Les mécanismes d’exclusion (stéréotypes, préjugés), au fondement du racisme, de l’antisémitisme et de l’homophobie, sont expliqués.
En classe de troisième, pour aborder les notions d’« information/désinformation », de « complotisme » et de « citoyenneté active », une démarche suggérée est de montrer, notamment en lien avec le racisme et l’antisémitisme, comment la désinformation peut nourrir le complotisme.
Pour le cycle 4 (classes de cinquième, quatrième et troisième), les heures d’EMC sont par ailleurs enrichies de projets d’éducation à la citoyenneté, aux médias et à l’information. Ces projets peuvent porter sur l’éducation contre le racisme, l’antisémitisme et les LGBTphobies.
Au lycée :
En classe de Première, les notions de « discrimination », « racisme », « antisémitisme », « antitsiganisme », « xénophobie » et « haine anti-LGBT » sont à nouveau étudiées et approfondies en lien avec une réflexion sur la cohésion et la diversité dans une société démocratique.
Les autres enseignements
Les programmes d’histoire, en prescrivant l’étude d’événements ou de situations historiques marqués par le racisme ou l’antisémitisme (traite et esclavage, colonisation, génocides, crises politiques, conflits, etc.) contribuent également à la prévention du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations liées à l’origine, en mettant en évidence les mécanismes de domination sur lesquels ils reposent et les conséquences terribles que de telles idéologies ont pu engendrer dans le passé. Cependant, il convient que le traitement de ces événements tragiques ne se limite pas aux seules dimensions mémorielle et morale. La mise en perspective historique et une analyse de la construction et de la permanence des idéologies racistes et antisémites peuvent ouvrir vers un questionnement autour des facteurs de leur prolongement jusqu’au cœur de nos sociétés contemporaines.
En géographie, l’étude des sociétés humaines à l’échelle mondiale, notamment par le biais des études de cas, est l’occasion de confronter les élèves à des formes d’altérité qui peuvent développer leur connaissance de la diversité des sociétés humaines. Plus spécifiquement, l’étude des migrations offre aussi l’occasion de questionner, dans les sociétés d’arrivée, les phénomènes de xénophobie. Dans la mesure du possible, il convient de veiller à ce que les images et les discours étudiés et produits ne véhiculent pas de représentations susceptibles de renforcer les préjugés de nature raciste, sauf à ce qu’ils soient utilisés dans une démarche de déconstruction. Décrire des réalités socio-économiques (l’inégal développement du continent africain, par exemple) ne doit pas alimenter des représentations héritées du passé racialiste, esclavagiste et colonial.
Le vade-mecum « Agir contre le racisme et l’antisémitisme » consacre une fiche aux différentes entrées possibles dans les programmes de nombreuses disciplines : lettres, sciences et vie de la terre, enseignements artistiques, éducation physique et sportive, philosophie, langues vivantes étrangères, sciences économiques et sociales.
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Programme d’enseignement moral et civique du cours prÉparatoire à la classe terminale des voies gÉnÉrale, technologique et professionnelle et des classes prÉparant au certificat d’aptitude professionnelle (cap)
Niveau de classe |
Module |
Notions abordées |
Contenus d’enseignement |
Démarches et situations d’apprentissage possibles |
CM2 |
Vivre en république - respecter les droits de tous |
Discriminations Stéréotypes |
|
Conduire une réflexion avec les élèves sur le respect dans un contexte numérique et, notamment, celui des réseaux sociaux : - étudier le rôle des médias dans la construction et le renforcement des stéréotypes et des préjugés ; - aborder la notion de « haine » ; - questionner le rôle des réseaux sociaux et leur mécanique de diffusion de contenus irrespectueux ; - faire comprendre que la diffusion et la rediffusion de ces contenus constituent des manières de porter atteinte à la dignité et à la sécurité des personnes ; expliquer pourquoi ils sont punis par la loi. Les élèves comprennent le rôle du témoin de situations de discriminations ou de harcèlement et l’importance de signaler celles-ci. Cette démarche peut s’inscrire dans le programme Phare. |
5ème |
Égalité, fraternité et solidarité - agir pour l’égalité femmes-hommes et lutter contre les discriminations |
Racisme, antisémitisme, antitsiganisme, xénophobie, haine anti-LGB |
À la racine des agissements discriminatoires se trouvent des mécanismes d’exclusion (stéréotypes, préjugés, etc.) qui réduisent l’identité d’un individu à son appartenance à un groupe que l’on stigmatise. On retrouve ces stéréotypes dans le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, punis par la loi |
À partir de l’expression de stéréotypes ou de préjugés, montrer qu’ils constituent des mécanismes d’exclusion, parmi d’autres, qui peuvent être à l’origine d’agissements à caractère discriminatoire (injures, harcèlements, violences, etc.) punis par la loi. Cette démarche peut s’inscrire dans les projets d’éducation à la citoyenneté visant à lutter contre les discriminations (concours, interventions de partenaires associatifs, commémorations, visites d’un lieu d’histoire et de mémoire, etc.). |
3ème
|
Faire vivre la démocratie - les acteurs du jeu démocratique et leur engagement : l’opinion |
Information et désinformation - complotisme |
L’information constitue un enjeu essentiel, tout particulièrement à l’ère du numérique et avec l’émergence des « intelligences artificielles ». |
Étudier des exemples de désinformation et d’opérations de déstabilisation en s’appuyant sur la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Montrer comment la désinformation peut nourrir le complotisme, en lien notamment avec le racisme et l’antisémitisme. |
Première |
Cohésion et diversité dans une société démocratique – les valeurs et les principes de la République à l’épreuve de la cohésion sociale |
Racisme, antisémitisme, antitsiganisme, xénophobie, haine anti-LGBT |
Portant atteinte à la cohésion d’une société démocratique, le racisme, l’antisémitisme, l’antitsiganisme, la xénophobie et la haine anti-LGBT sont punis par la loi. |
À partir d’exemples réels ou fictifs d’agissements discriminatoires (paroles, violences, harcèlement, etc), réfléchir aux objectifs et aux contours des normes juridiques qui les punissent (loi dite Pleven du 1er juillet 1972 ; loi dite Gayssot du 13 juillet 1990 ; loi du 30 décembre 2004). |
Classes préparant au certificat d’aptitude professionnelle
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Droits, libertés et responsabilité - cohésion et diversité dans une société démocratique : les valeurs et les principes de la République à l’épreuve de la cohésion sociale |
Racisme, antisémitisme, antitsiganisme, xénophobie et haine anti-LGBT |
Le racisme, l’antisémitisme, l’antitsiganisme, la xénophobie et la haine anti-LGBT sont punis par la loi. |
S’appuyer sur les travaux de la commission nationale consultative des droits de l’homme pour dresser un état des lieux de la question en France. Montrer l’action de la puissance publique, notamment au travers des lois (loi Gayssot, 1990). Ces démarches peuvent s’appuyer sur des temps forts (journée internationale des femmes, journée internationale des personnes handicapées), ou la participation à des concours (prix Ilan Halimi, Nous autres) |
Source : https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/ensel934_annexe_ok.pdf
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En complément des programmes d’enseignement, la sensibilisation aux questions de racisme, d’antisémitisme et d’homophobie passe par la participation des élèves à des actions éducatives dans le champ civique et mémoriel, à l’instar du concours national de la Résistance et de la déportation par exemple.
Plusieurs approches complémentaires sont offertes aux équipes éducatives qui peuvent ainsi articuler des enseignements, des actions éducatives, la participation à des commémorations et la rencontre avec des partenaires, à l’aide de nombreux outils et ressources disponibles.
Les outils éducatifs et pédagogiques à la disposition des enseignants des premier et second degrés
Diverses approches, pour lesquelles les partenaires fournissent d’importantes ressources, sont à la disposition des enseignants :
1° une approche par l’enseignement de l’histoire et le travail de mémoire :
– deux concours scolaires majeurs sont concernés : le Concours national de la Résistance et de la Déportation d’une part, la Flamme de l’égalité d’autre part ;
– les temps forts mémoriels, qui peuvent donner lieu à une réflexion pédagogique dans les établissements scolaires, notamment le 27 janvier, journée de la mémoire des génocides et de la prévention de crimes contre l’humanité, et le 10 mai, journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ;
– un recensement des lieux de mémoire en métropole et dans les outre-mer ;
2° une approche par les préjugés et les stéréotypes :
– la participation au prix Ilan Halimi, organisé par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), est encouragée par le ministère de l’éducation ;
– plusieurs ressources de partenaires sont proposées, notamment par Conspiracy Watch (1) (qui produit des vidéos pour les élèves de collège et lycée, pour comprendre l’origine du préjugé sur les juifs et l’argent) ou par les centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Ceméa), à l’initiative d’un parcours éducatif « Nous et les autres, des préjugés au racisme », par exemple ;
3° une approche par la compréhension des mécanismes de racisme et de haine en ligne, avec les ressources proposées par le centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi), par Conspiracy Watch, ou encore Lumni, une plateforme éducative numérique de l’audiovisuel public français permettant aux élèves de la maternelle à la terminale de consolider les notions des programmes scolaires ;
4° une approche par la compréhension des mécanismes de discrimination, sur le plan juridique, à travers les ressources disponibles du Défenseur des droits, de SOS Racisme, de l’Observatoire des inégalités etc.
(1) Conspiracy Watch est un site web français géré par l’association l’Observatoire du conspirationnisme, dont la ligne éditoriale est axée sur la dénonciation des théories conspirationnistes et antisémites, ainsi que du négationnisme.
La prévention des discriminations fait l’objet de travaux dans les écoles et les EPLE, notamment à l’occasion de journées ou de semaines dédiées, en particulier la semaine autour du 21 mars consacrée à l’éducation et aux actions contre le racisme et l’antisémitisme ([38]). Ces actions s’inscrivent dans une démarche d’engagement des élèves, avec le concours des partenaires de l’éducation nationale ([39]), dans un cadre privilégié pour faire intervenir, dans les classes, les associations concourant à la prévention du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations ([40]).
Le Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026, présenté en janvier 2023 présenté par Mme Elisabeth Borne, alors Première ministre, et piloté par la Dilcrah, contient diverses mesures en direction des jeunes. Un des objectifs est ainsi d’« organiser pour chaque élève au moins une visite d’un site de mémoire et d’histoire relatifs aux questions de racisme et d’antisémitisme au cours de la scolarité obligatoire. » ([41])
Les temps consacrés à la lutte contre les discriminations
La semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme se déroule autour du 21 mars, journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, fédérant l’école et l’ensemble de ses partenaires, institutions républicaines, associations qualifiées, et réservistes de l’éducation nationale.
En 2025, la semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme s’est tenue du 17 au 25 mars. Organisée en partenariat avec la Dilcrah, son objectif est de sensibiliser les élèves des écoles, collèges et lycées, à la prévention du racisme, de l’antisémitisme et de toutes les formes de discriminations. Les manifestations qu’elle favorise concourent à faire acquérir par tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, quelles que soient leurs origines, leur condition ou leurs convictions.
À cette occasion, différents dispositifs sont valorisés, plus particulièrement ceux, très porteurs, fondés sur un travail sur des documents d’archives comme les projets « Par les vivants, parcours sonores » ou « Convoi 77. Transmettre autrement l’histoire de la Shoah », un projet européen qui réunit les enfants, petits-enfants, familles proches ou amis de déportés du convoi 77, afin de connaître et faire connaître les destins des 1 306 hommes, femmes et enfants qui, le 31 juillet 1944, ont quitté Drancy pour Auschwitz dans des wagons à bestiaux, de poursuivre le travail des survivants et prendre une part active dans la transmission de la mémoire de la Shoah, en associant tous ceux qui pensent que le combat contre la discrimination et la haine passe par la connaissance des processus qui ont abouti à la Shoah (1).
(1) https://convoi77.org/.
Les équipes éducatives ont recours à des programmes bâtis par des associations partenaires. Ainsi, reposant sur un travail de déconstruction des préjugés, Coexist est un programme éducatif de prévention et de lutte contre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, la xénophobie ou encore le sexisme en milieu scolaire ([42]). Ce programme intervient dans les classes de quatrième, troisième, seconde et première, par le biais d’un processus pédagogique. Coordonné avec les chefs d’établissement, les conseillers principaux d’éducation et les enseignants, il se caractérise par l’intervention de binômes de médiateurs, recrutés par les associations partenaires, qui animent des modules pédagogiques de deux heures dans des classes.
En dépit de l’engagement des équipes éducatives, de la disponibilité des ressources et de la pluralité des acteurs et des projets, se pose légitimement la question de l’efficacité de la mise en œuvre des contenus d’enseignement et « de la manière dont les apprentissages contribuent à la prévention de comportements racistes, antisémites que l’on observe, parfois dans des proportions inquiétantes, de la part des élèves » ([43]).
L’école n’est pas préservée des dérives que l’on constate dans la société. Pour reprendre les termes exacts de la Dgesco, « au regard des signalements de faits racistes et antisémites, on peut être tenté de dire que la sensibilisation est insuffisante mais une approche par les incidents graves présente un miroir déformant de ce qui fait le quotidien de la plupart des établissements scolaires. Il faut pour autant se garder de tout angélisme car les faits signalés montrent une libération de la parole raciste et antisémite, une résurgence de préjugés, une forme de fascination pour le régime nazi », qui fait craindre aux responsables ministériels entendus le développement de ce que certains qualifient de « pop-culture nazie ».
Selon les données communiquées par la Dgesco, issues des remontées transmises via l’application « Faits établissement » ([44]) (voir l’encadré ci-dessous), plus de 3 600 actes racistes et antisémites (insultes, violences verbales ou physiques et autres inscriptions discriminatoires) ont été commis en 2024 par des élèves au sein des établissements scolaires publics. Sur un an, les actes antisémites ont été multipliés par plus de quatre et les actes racistes par plus de deux : 1 670 actes antisémites et 1 960 actes racistes signalés, contre 400 et 870 en 2022-2023.
Au cours du premier trimestre 2024-2025, le nombre de ces agissements a certes diminué mais reste à un niveau supérieur à celui des années précédentes, sur un plateau haut : 496 faits de racisme et 477 faits d’antisémitisme.
Le ministère de l’éducation nationale admet que les données transmises par les établissements sont en deçà de la réalité. En effet, au sein de leur classe, les enseignants d’histoire-géographie répondent fréquemment, en cours, et sans les signaler, à des contestations, notamment autour du terme de génocide. Et même si les élèves et les personnels qui s’identifient comme juifs ne sont pas directement visés, les faits et propos entendus ont inévitablement sur eux des effets psychologiques (limitation de leur expression, isolement, anxiété, etc.).
Des actes racistes et antisémites dans les écoles et les EPLE déclarés au moyen de l’application « Faits établissement »
L’outil de signalement des actes et propos racistes et antisémites, parmi les autres faits, est l’application « Faits établissement », laquelle concerne les premier et second degrés publics. Tous les événements graves qui affectent la sécurité des personnels, des élèves, des usagers, ou contreviennent aux valeurs de la République, qu’ils surviennent dans l’établissement, à ses abords, à l’extérieur, ou sur des supports numériques, doivent être saisis le plus rapidement possible dans l’application.
Les remontées se font aux niveaux académiques (recteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale) et/ou national (administration centrale du ministère de l’éducation nationale). Les directeurs de cabinet des recteurs d’académie doivent transmettre, par une action spécifique dans l’application, les faits saisis par les établissements qu’ils jugent nécessaire de porter à la connaissance du ministère au niveau central. Les faits sont classés en fonction de leur gravité : niveau 2 (fait grave) et niveau 3 (fait d’une extrême gravité). Les faits de niveau 1, préoccupants, ne nécessitent pas de transmission (mais sont utiles pour l’analyse du climat scolaire de l’établissement).
Dans la rubrique « Atteintes aux valeurs de la République », une catégorie « Actes racistes et antisémites » (qui ne fait pas la distinction entre les deux types d’actes), permet leur signalement. D’autres caractéristiques peuvent être conjointement retenues, dans les rubriques « Atteintes aux personnes » (par exemple des violences verbales, menaces orales ou écrites, harcèlement ou suspicion de harcèlement, violences sexuelles), « Atteintes à la sécurité, au climat de l’établissement » ou encore « Atteintes aux biens ».
La saisine dans l’application « Faits établissement » ne vaut pas signalement au Procureur sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Dans le vade-mecum « Agir contre le racisme et l’antisémitisme », il est précisé que la saisine au titre de l’article 40 est faite par le chef d’établissement dans le second degré et par le directeur d’école dans le premier. En cas de harcèlement à caractère raciste et/ou antisémite, la saisine du procureur est obligatoire.
Une analyse par la Dgesco des données de l’application « Faits établissement » sur un semestre met en lumière :
– une proportion aujourd’hui identique entre les actes racistes et les actes antisémites alors qu’avant octobre 2023, on constatait deux tiers d’actes racistes contre un tiers d’agissements antisémites ;
– que la quasi-totalité des faits sont des actes et propos haineux (signes, gestes, inscriptions), à travers :
* une explosion du nombre de signalements concernant les propos faisant l’apologie du nazisme ainsi que les gestes et signes nazis (salut nazi pour se saluer le matin, salut nazi dans le dos des enseignants, inscription et dessin de croix gammées, d’insignes SS et de drapeau nazi …) ;
* la multiplication des propos qui mêlent plusieurs types de haines (racistes, sexiste, homophobes) ;
* l’augmentation de l’expression de la haine antisémite sur les réseaux sociaux ;
– une polarisation des signalements autour du conflit israélo-palestinien, tant en classe qu’en dehors de la classe, et quelques exemples plus rares de négation ou de distorsions de la Shoah ;
– des situations de violence contre des élèves ou des enseignants identifiés comme juifs : des faits de harcèlement, et des coups et des menaces qui permettent de mettre en évidence un continuum de violence antisémite (des préjugés au harcèlement voire à la violence physique, y compris de groupe) ;
– une manifestation paroxystique de cette violence avec le viol d’une adolescente, aggravé par des motifs antisémites (juin 2024).
Le constat pour le moins alarmant de la direction générale de l’enseignement scolaire, qui met en lumière, pour reprendre les mots de sa directrice, une certaine « désinhibition de l’expression raciste et antisémite » actuellement à l’œuvre, reflète, chez les élèves concernés, une méconnaissance absolument dramatique des affres et des tragédies de l’Histoire récente.
De nombreux établissements d’enseignement supérieur, en coopération avec le ministère, la Dilcrah et plusieurs acteurs associatifs, ont déployé au cours des dernières années, à destination des différents membres de la communauté universitaire, une large palette d’actions de sensibilisation et de formation relatives à la lutte contre les discriminations et les violences. Par exemple, France Universités et le Camp des Milles ont conclu une convention de partenariat prévoyant, dans le champ de la lutte contre l’antisémitisme, des actions de recherche, de sensibilisation des étudiants, de formation des équipes dirigeantes ainsi que l’organisation d’événements spécifiques.
La lutte contre le racisme et l’antisémitisme au sein de l’enseignement supérieur fait l’objet de mesures spécifiques lors des plans nationaux, qu’il s’agisse de la Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République ([45]), ou de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (2018-2020, puis 2023-2026).
Les mesures des plans nationaux pour améliorer la formation de la communauté professorale et étudiante à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine
La mesure 11 de la Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République de 2015 a pour objectif de renforcer la responsabilité sociale des établissements d’enseignement supérieur en :
– améliorant la formation des enseignants du supérieur aux enjeux de laïcité, de lutte contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme, à travers :
• la création sur la plateforme FUN (France Université Numérique) d’une formation en ligne (MOOC) sur la lutte contre les discriminations, le racisme, l’antisémitisme ;
• le développement d’actions de formation continue des personnels de l’enseignement supérieur (notamment les enseignants) sur ces sujets ;
– renforçant les outils à disposition des établissements, par le rappel à l’ensemble des membres de la communauté universitaire des règles applicables dans le supérieur en matière de laïcité et de lutte contre les discriminations, en se fondant notamment sur la Charte de la laïcité.
Le Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2018-2020) se donne pour objectif la mobilisation de l’enseignement supérieur et la recherche pour améliorer la connaissance et contrer les phénomènes racistes et antisémites, notamment à travers deux mesures :
– encourager le développement d’une plateforme dédiée aux travaux de recherche sur le racisme et l’antisémitisme, sous la coordination d’un organisme de recherche et d’enseignement supérieur ;
– développer et diffuser les ressources numériques (MOOC) consacrées à l’éducation contre le racisme et l’antisémitisme.
Dans un « axe 3 : Mieux éduquer et mieux former », le Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine pour 2023-2026 cible expressément les étudiants (point 3.5), avec l’objectif de former tous les étudiants des filières de l’enseignement supérieur, à travers les actions suivantes :
– inviter les autorités compétentes (conférences des doyens) à renforcer les modules d’enseignement pour les étudiants de toutes les filières sur la lutte contre le racisme, l’antitsiganisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine ;
– dans les écoles d’art, d’architecture, de journalisme et tous les établissements publics sous tutelle du ministère de la culture, intégrer des contenus de formation sur la lutte contre les stéréotypes racistes, antisémites et antitsiganes, les discriminations et le rôle de la culture dans l’émancipation et la représentation des citoyens ;
− intégrer dans tous les parcours de formation initiale des étudiants des professions de santé, un module sur la lutte contre le racisme, l’antitsiganisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.
Le contenu des formations dispensées dans le cadre des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) ([46]), parce qu’elles s’adressent aux futurs professeurs de l’enseignement scolaire, est particulièrement important.
Les contenus des enseignements qui sont dispensés relèvent des maquettes pédagogiques définies par le ministère et les établissements d’enseignement supérieur. L’université intervient dans la conception des maquettes de formation des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (master MEEF) qui doivent répondre à un référentiel national de formation fixé par l’État puisqu’il s’agit de former des enseignants du primaire et du secondaire. Les commissions pédagogiques (enseignants-chercheurs, formateurs des Inspé, personnels de l’Éducation nationale) élaborent les maquettes. Les commissions de formation au sein de l’université valident ensuite les propositions. Enfin, le conseil académique ou le conseil d’administration de l’université valide la maquette avant son dépôt auprès du ministère pour accréditation. Les maquettes sont adaptées aux besoins des académies (recrutement, diversité des publics), tout en respectant le cadre national.
La formation à la lutte contre les discriminations est obligatoire dans les maquettes de formation initiale en Inspé dans le cadre de la formation à la laïcité et aux valeurs de la République. Des formations sur les aspects de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les autres formes de discriminations liées à l’origine ou à l’orientation sexuelle, enseignées sous la forme de modules dédiés, sont explicitement prévues par l’arrêté du 16 juillet 2021 ([47]), référentiel de compétences de la formation à la laïcité et aux valeurs de la République (voir encadré ci-après). L’acquisition d’une culture professionnelle autour de la transmission de ces principes et valeurs, de leurs enjeux et de leurs modalités est adossée au référentiel de compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation ([48]), lequel ne mentionne pas explicitement la lutte contre les discriminations à caractère raciste, antisémite ou homophobe.
Les futurs enseignants du primaire et du secondaire formés dans les Inspé suivent donc une formation sur ces sujets. En revanche, ce n’est pas nécessairement le cas des personnels contractuels, dont le nombre a beaucoup augmenté ces dernières années, et qui représentent actuellement plus de 9 % des effectifs d’enseignants de l’enseignement secondaire.
Selon les responsables de France Universités entendus, la réforme en cours visant à inscrire la formation initiale des enseignants dans un parcours en cinq ans, avec un recrutement sur la base de la licence (L3) et deux années de master professionnalisant, est « de nature à donner un peu d’espace pour mieux traiter ces sujets avant l’entrée effective dans le métier ».
Les dispositions de l’arrêté du 16 juillet 2021 fixant le cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d’éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République
L’arrêté du 16 juillet 2021 fixe le cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d’éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République.
Les objectifs et les contenus de formation sont :
– la transmission des principes et des valeurs de la République dans le cadre scolaire, en contribuant à les faire vivre, et du respect d’autrui au sein de la communauté éducative, en promouvant l’engagement des élèves et leur participation à la vie de l’école ou de l’établissement, et en prenant appui sur le calendrier des actions éducatives (journée de la laïcité, journée internationale des droits des femmes, semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme, journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie…) ;
– le respect des principes et des valeurs de la République dans le cadre scolaire, en luttant contre toutes les formes de discrimination et de violence, contre le harcèlement et les haines en ligne.
Les termes de « racisme », « antisémitisme », « dignité et intégrité de la personne humaine », « discriminations », et « sexisme » apparaissent explicitement dans les notions essentielles à aborder, aux côtés de concepts plus englobants tels que : « citoyenneté », « civisme », « démocratie », « fraternité », « République », « respect » etc.
En application des dispositions de l’article L. 11-3-1 du code de l’éducation, les élus étudiants aux différentes instances des établissements publics d’enseignement supérieur bénéficient d’une information et d’actions de formation, le cas échéant qualifiantes, définies par les établissements et leur permettant d’exercer leurs mandats.
Ces formations incluent généralement des modules sur le cadre juridique et réglementaire, le fonctionnement des instances universitaires, les droits et devoirs des élus, ainsi que des compétences transversales utiles à l’exercice du mandat (telles que la communication et la représentation, la gestion de projets, le travail en équipe…). Certaines formations peuvent également porter sur l’engagement et l’éthique (valeurs de l’engagement étudiant, déontologie, responsabilité dans l’exercice du mandat etc).
L’article 1er de la présente proposition de loi entend inscrire la sensibilisation à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toute autre forme de discriminations parmi les missions de formation obligatoirement assurées par les établissements d’enseignement scolaire et supérieur.
L’article 1er de la présente proposition de loi complète l’article L. 121-1 du code de l’éducation, en prévoyant que les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur « assurent une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine ».
Les programmes d’enseignements tant dans le primaire que dans le secondaire abordent plus ou moins directement ces notions depuis longtemps, et les équipes éducatives sont nombreuses à s’emparer de ces questions par des actions en lien avec des partenaires associatifs ou institutionnels de l’éducation nationale. Mais ces enseignements souffrent d’une absence de base législative. La mention expresse dans la loi de ces formations dans les missions du service public de l’enseignement est un signal politique fort pour continuer, en la renforçant, la lutte contre les discriminations raciste, antisémite et homophobe dans le cadre scolaire.
L’objectif est de créer une chaîne de formation tout au long du parcours scolaire, afin que les jeunes adultes rejoignant l’enseignement supérieur, en constante augmentation, aient déjà bénéficié d’une sensibilisation et d’une ouverture sur ces questions.
Les conséquences sur l’enseignement supérieur de la recrudescence des actes racistes, antisémites et homophobes récemment constatée dans l’enseignement scolaire sont identifiées. Le rapport des sénateurs Lévi et Fialaire sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur met en évidence les enjeux pour l’enseignement supérieur de la trajectoire prise au niveau inférieur, dans l’enseignement secondaire. Il fait également état des débats que suscite au sein de la communauté universitaire, la question de la légitimité de l’ajout de la lutte contre les discriminations aux missions de l’université, dès lors que la raison première et essentielle de l’enseignement supérieur réside dans la construction et la transmission des savoirs.
« Le rôle de l’enseignement supérieur dans la poursuite de la formation morale et civique des jeunes, qui relève traditionnellement de l’enseignement primaire et secondaire, ne va pas de soi et constitue une mutation récente de ses missions dont il faut prendre toute la mesure. À ce titre, certains éléments fondamentaux de l’organisation de la lutte contre l’antisémitisme sont encore sujets à débat, notamment en ce qui concerne la place à lui réserver au sein des combats contre les autres formes de violence et de discrimination. » ([49])
En lien avec les insuffisances décelées dans l’enseignement scolaire en matière de lutte contre la résurgence des atteintes aux principes républicains, plusieurs éléments contribuent à la nécessité pour les établissements d’enseignement supérieur de développer des actions de sensibilisation à la lutte contre les discriminations racistes, antisémites et homophobes :
– en premier lieu, « il apparaît que nombre d’élèves n’ont pas acquis les principes de l’enseignement moral et civique lorsqu’ils parviennent à la fin du cycle d’enseignement secondaire » ([50]), en dépit de l’inscription de ces questions dans les programmes d’enseignement ;
– en second lieu, « sous l’effet de l’augmentation du taux d’obtention du baccalauréat, les établissements accueillent une population élargie, parmi laquelle la part des étudiants n’ayant pas acquis ces fondamentaux de l’éducation civique est mécaniquement plus importante » ([51]) ;
– en dernier lieu, l’accroissement notable des actes discriminatoires, sous toutes leurs formes, au sein de la population scolaire, par nature moins politisée du fait, pour une large partie d’entre elle, de son jeune âge, doit alerter sur les suites possibles dans l’enseignement supérieur, où les identités politiques peuvent avoir parfois tendance à se cristalliser, voire à se radicaliser.
Comme le souligne le rapport sénatorial précité, « la formation aux principes républicains d’une masse de trois millions d’étudiants, pour la plupart majeurs et suivant des cursus très hétérogènes dont les contenus sont élaborés conformément au principe fondamental d’indépendance des enseignants-chercheurs, représente un véritable défi » ([52]). Mais, au vu des tendances actuelles, l’intégration d’actions de sensibilisation à divers degrés de la vie universitaire s’impose comme un impératif.
Alors que la proposition sénatoriale se limitait aux formations à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat a élargi le périmètre de la loi, en y ajoutant les questions des discriminations, des violences et des haines, notamment liées à l’orientation sexuelle, afin d’éviter la critique d’un texte alimentant une « concurrence victimaire » inopportune.
L’article 1er de la proposition de loi concerne l’enseignement supérieur à plusieurs titres.
1°Comme vu précédemment, la formation à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine deviendrait un objectif du service public de l’enseignement auquel participent les établissements d’enseignement supérieur (art. L. 121-1 du CE).
2°La lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine deviendrait un objectif explicite du service public de l’enseignement supérieur (art. L. 123-2 du CE) ; par rapport au droit actuel, les discriminations sont expressément mentionnées. Cette évolution a été adoptée par un amendement en commission.
3°La contribution des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation à la lutte contre les discriminations (art. L. 721-2 du CE) est désormais déclinée en lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Cela garantit la pérennité de cette obligation, qui repose aujourd’hui sur un référentiel métier fixé par arrêté ministériel. Pour le président du réseau des Inspé, entendu par les rapporteurs, cette disposition, « par rapport à l’existant, a le mérite de poser les mots, ce qui permettra d’adapter les maquettes en conséquence, avec les mêmes mots ». Il alerte néanmoins sur les risques posés par l’ouverture d’une liste de discriminations dans les référentiels métiers, et sur l’équilibre délicat à trouver entre les discriminations priorisées et celles oubliées, aux fins d’éviter les dangers de « concurrence victimaire » toujours possibles.
4°L’introduction d’un nouvel article L. 761-2 dans le code de l’éducation, dans un chapitre consacré aux dispositions communes aux établissements publics et privés, étend aux établissements privés d’enseignement supérieur l’obligation d’une formation à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Introduite par amendement en commission, cette disposition est notamment justifiée par la part importante, et croissante, que représente actuellement le secteur privé sur le marché de l’enseignement supérieur, avec environ un étudiant sur quatre.
5°Enfin, l’article 1er de la proposition de loi prévoit que les élus étudiants aux différentes instances des établissements publics d’enseignement supérieur, qui peuvent d’ores-et-déjà suivre des actions de formation définies par les établissements leur permettant d’exercer leurs mandats dans de bonnes conditions, bénéficieront à ce titre d’une formation à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine (art. L 811-3-1 du CE). Introduite par amendement en commission, cette mesure a pour objectif d’accroître le niveau de connaissance des élus étudiants siégeant dans les instances de l’établissement, dans une logique de renforcement de la professionnalisation pour l’exercice du mandat.
La commission a adopté trois amendements à l’article 1er.
Outre un amendement rédactionnel des rapporteurs, la commission a adopté deux amendements identiques étendant l’intitulé du chapitre Ier, dont l’article 1er est l’article unique, à la lutte contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans les établissements d’enseignement, afin de le mettre en concordance avec le contenu de l’article 1er.
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* *
Adopté par la commission avec modifications
L’article 2 de la proposition de loi prévoit, dans chaque établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel :
– l’installation obligatoire d’une mission « égalité et diversité » chargée de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, la violence et la haine ;
– la désignation par l’autorité responsable de l’établissement, au sein de la mission, d’un référent, formé et qualifié, dédié à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme ;
– le déploiement systématique au sein de la mission « égalité et diversité » d’un dispositif de signalement des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine garantissant l’anonymat des victimes et des témoins, et permettant un traitement statistique, ainsi que le recueil des signalements par des personnels qualifiés ou formés.
En commission des affaires culturelles et de l’éducation, l’intitulé du chapitre II a été étendu à la lutte contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine.
L’article 2 a été modifié et complété par la commission sur de nombreux points portant sur la mission « égalité et diversité » et sur le dispositif de signalement des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine. Il prévoit par ailleurs désormais l’extension de ces missions aux établisssements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, et applique les nouvelles dispositions à la situation spécifique de l’université des Antilles.
Les dispositifs de prévention, de détection et de signalement des actes racistes, antisémites et homophobes, qui sont actuellement en place dans les établissements d’enseignement supérieur, ne reposent sur aucune norme, ni législative ni réglementaire. Il en découle des disparités importantes entre les établissements quant au périmètre d’intervention des dispositifs mis en place et à leur degré d’implication dans la prise en charge de la lutte contre les actes d’antisémitisme, de racisme, de haine, de violence et de discrimination.
Demeurée un temps à la discrétion des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche, la présence d’une mission « égalité femmes-hommes » en leur sein est devenue une obligation légale pour les universités, à partir de la loi dite Fioraso du 22 juillet 2013 ([53]), qui modifia à cet effet le 10°de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, portant sur les compétences du président d’université. Cet article dispose que le président de l’université installe, sur proposition conjointe du conseil d’administration et du conseil académique, une mission « égalité entre les hommes et les femmes » ([54]).
Plusieurs décrets ont ensuite étendu cette exigence d’une structure en faveur de l’égalité femmes-hommes à d’autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ayant un statut particulier. Il en est ainsi, par exemple, pour le Conservatoire national des arts et métiers ([55]), l’Institut polytechnique de Bordeaux ([56]), l’École normale supérieure Paris-Saclay ([57]), l’Université de Lorraine ([58]), l’Université Paris-Dauphine ([59]), CentraleSupélec ([60]), l’École nationale supérieure d’arts et métiers ([61]), ou encore l’Institut d’études politiques de Paris ([62]).
D’autres établissements, comme l’École pratique des hautes études ([63]), promeuvent l’égalité entre les hommes et les femmes dans leur statut mais sans installer une mission dédiée à cet effet. D’autres enfin, à ce jour, n’ont pas adapté leur statut en conséquence, telle l’École nationale supérieure maritime ([64]).
Les missions « égalité entre les hommes et les femmes » ont été rendues obligatoires dans l’objectif de promouvoir l’égalité entre les deux sexes au sein du milieu académique.
L’obligation de confier à une structure ou une personne dédiée identifiée la défense de la cause des femmes au sein de l’établissement afin que celle-ci ne relève plus seulement d’initiatives ou de revendications individuelles, témoigne de la prise de conscience par les pouvoirs publics de la persistance des inégalités entre les sexes dans le monde académique et de la volonté d’agir du législateur.
Au fil des années, une grande hétérogénéité s’est néanmoins développée dans l’organisation, le périmètre d’intervention et la gouvernance des missions, dès lors parfois désignées sous le nom de missions « égalité » ou « égalité et diversité ». Aujourd’hui en effet, la plupart de ces missions ne se limitent plus à leur objet initial – la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les inégalités entre les deux sexes – et en sont venues à prendre en charge d’autres thématiques, notamment la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ou contre le racisme, l’antisémitisme et d’autres discriminations.
Ainsi, selon le rapport des sénateurs Lévi et Fialaire précité, « l’obligation faite aux établissements d’adopter un plan d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes […] a largement été suivie d’effet au-delà du domaine visé par la loi, jusque dans le champ des discriminations ». Selon les sénateurs, 181 établissements de l’enseignement supérieur avaient adopté un plan « Égalité » en 2022, et selon l’enquête Remede ([65]), 63 % des missions « égalité » installées dans la soixantaine des établissements de l’échantillon de l’enquête intervenaient également en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
A contrario, cela signifie qu’environ un tiers des établissements d’enseignement supérieur, soit n’ont pas confié à la mission « égalité » la lutte contre les autres discriminations, soit n’ont pas mis en place de structures compétentes dans ce domaine.
Contrairement à la structuration des missions « égalité », qui relève d’une obligation législative dans le cadre d’une politique conduite au niveau national, celle du réseau des référents en matière de racisme et d’antisémitisme est plus hétérogène, leur création et leur champ de compétences ayant été laissés à l’appréciation des établissements d’enseignement supérieur, en fonction de leurs priorités et moyens. La désignation de ces référents dans les établissements traduit donc des pratiques hétérogènes, conséquence de l’absence de norme générale.
La mise en place des référents « racisme, antisémitisme » a été initiée par la mesure 11 du plan interministériel Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République mis en œuvre à la suite des attentats à Paris en 2015, au titre du « renforcement de la responsabilité sociale des établissements d’enseignement supérieur » ([66]).
Initié dans ce cadre, le réseau de référents a progressivement émergé en fonction des incitations interministérielles (Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2018-2020 ([67])), des instructions ministérielles et des initiatives des établissements. Dans le contexte de l’augmentation des actes antisémites dans les établissements à la suite des attaques du 7 octobre 2023 en Israël, le déploiement des référents « racisme, antisémitisme » a fait l’objet d’un courrier du 27 octobre 2023 de la ministre de l’enseignement supérieur, puis d’une circulaire de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) du 9 janvier 2024 ([68]), qui ont invité les présidences et directions à désigner un référent au sein de leur établissement.
Les incitations du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
Par un courrier en date du 27 octobre 2023, la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a enjoint les directions et présidences d’établissement à désigner une personne référente « racisme, antisémitisme » parmi les enseignants, chercheurs, enseignants-chercheurs ou autres personnels de l’établissement (personnels pédagogiques, scientifiques, administratifs, techniques et de bibliothèques).
La circulaire de la Dgesip du 9 janvier 2024 vient préciser les contours des missions des référents « racisme, antisémitisme » et les moyens propres à assurer leur mise en visibilité et leur professionnalisation.
Le référent est nommée par le président ou le directeur de l’établissement sur la base d’une lettre de mission qui fixe ses attributions, la durée de sa mission, les mesures d’accompagnement, les conditions permettant d’exercer sa mission, les moyens humains et financiers et l’environnement envisagés pour lui permettre de conduire ses actions. Le référent « racisme, antisémitisme » ne peut pas cumuler ses missions avec celles du référent « radicalisation ».
Des séminaires du réseau de référents sont organisés et animés par le ministère de l’enseignement supérieur ; un prochain séminaire est annoncé pour le courant de l’année 2025.
De nombreux établissements se sont donc dotés de missions « égalité et diversité » et de référents compétents pour le traitement des actes racistes et antisémites, après les attaques du 7 octobre 2023. Alors que le réseau des référents « racisme, antisémitisme » comptait plus de 140 membres répartis dans les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche en 2019 ([69]) et 150 en 2023, le rapport sénatorial précité en dénombrait 222 en 2024, et la Dgesip, lors de son audition en avril 2025, estimait ce nombre à 250. Selon cette même direction, 85 % des universités se sont dotées d’un référent « racisme, antisémitisme » ([70]).
Il appartient au chef d’établissement de veiller à ce que le référent ait la disponibilité nécessaire au bon accomplissement de ses missions et que son positionnement administratif lui garantisse à la fois un accès privilégié aux instances de gouvernance de l’établissement mais aussi une visibilité suffisante pour être suffisamment identifié par les différents acteurs académiques. L’établissement doit également valoriser et reconnaître l’engagement et les compétences développées par la personne référente dans l’exercice de ses missions.
Sa visibilité est essentielle ; à cet égard, la circulaire du 9 janvier 2024 rappelle que l’établissement doit clairement indiquer sur son site Internet, dans le règlement intérieur et le guide de l’étudiant le rôle et les coordonnées du référent « racisme, antisémitisme ».
Le référent doit par ailleurs suivre « une formation à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, adaptée à son profil et à son expérience professionnelle. Cette formation doit notamment permettre aux référents de s’approprier les fondements, notamment juridiques, de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ».
Les fonctions des référents « racisme, antisémitisme » dans les établissements d’enseignement supérieur (circulaire du 9 janvier 2024)
Une lettre de mission précise les missions du référent « racisme, antisémitisme » ainsi que le public relevant de son périmètre d’activité (personnels fonctionnaires, contractuels et vacataires, étudiants, stagiaires et autres usagers de l’établissement, etc.).
Le référent « racisme, antisémitisme » peut être saisi par toutes les personnes relevant de ce périmètre ou par l’administration. Il appartient à cette dernière de prévoir les modalités de la saisine. En particulier, il est systématiquement saisi par les cellules des établissements en charge de recueillir la parole des victimes, pour faciliter l’appréciation des faits et accompagner la prise en charge.
La circulaire du 9 janvier 2024 précise les obligations respectives des chefs d’établissement et du ministère à leur égard. Elle prévoit notamment que les référents participent à la détermination de la politique de leur établissement en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, recensent les actes à caractère antisémite y survenant, sensibilisent ses publics à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, et contribuent aux signalements et aux médiations.
La lettre de mission du chef d’établissement doit notamment préciser que le référent assure les missions suivantes :
– contribuer à déterminer la politique de l’établissement en matière de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (participation à l’écriture du règlement intérieur, structuration d’actions à vocation de prévention de faits à caractère raciste, antisémite ou discriminant etc) ;
– diffuser une culture du droit et une meilleure connaissance de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme auprès des publics relevant de son périmètre d’activité ;
– contribuer au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes mis en place dans l’établissement (qualification des actes, enquête administrative, orientation des personnels et des usagers, etc.) ;
– participer à la mise en place de médiations en vue de faciliter la résolution des conflits pouvant concerner au sein de l’établissement des personnels ou des usagers ;
– proposer, à la demande de la section disciplinaire, une analyse de nature à l’éclairer dans l’instruction de faits à caractère raciste, antisémite, ou discriminant ;
– recenser les actes à caractère raciste, antisémite ou discriminant ;
– établir les éléments de veille permettant d’anticiper et de prévenir des conflits en mettant à disposition des ressources institutionnelles, scientifiques, pédagogiques ;
– établir un rapport d’activité annuel à destination du président ou du directeur de l’établissement ;
– participer, le cas échéant, aux réponses aux enquêtes du ministère ou de l’Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le supérieur (Ondes) ;
– participer au réseau national des personnes référentes « racisme, antisémitisme » ;
– participer à des événements nationaux, notamment aux journées co-animées par le ministère et aux conférences des chefs d’établissement, et valoriser les actions de l’établissement dans ce cadre ;
– construire des collaborations en interne et en externe, d’une part avec les autres personnes référentes au sein de l’établissement (référents « laïcité », « égalité », « intégrité scientifique »), le fonctionnaire sécurité défense (FSD) de l’établissement, le médiateur de l’université, etc et, d’autre part, avec les personnes référentes en charge des mêmes thématiques au sein des rectorats.
Le référent doit systématiquement être informé des actes ou propos à caractère raciste, antisémite ou discriminant tenus au sein de l’établissement. Il communique sans délai au FSD toute information relative à une menace ou à un acte de violence contre les personnes ou les biens.
En pratique cependant, l’instauration d’un référent « racisme, antisémitisme » s’accompagne d’une grande disparité des organisations et des périmètres d’intervention, d’autant que la circulaire qui précise les compétences et les missions du référent, publiée en janvier 2024, est très récente. Même s’ils sont manifestement résiduels, certains établissements ne se sont pas dotés d’un référent compétent en matière d’antisémitisme et de racisme.
Selon les auteurs du rapport sénatorial sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, la structuration du réseau des référents « racisme, antisémitisme », animé par le ministère, est, à ce stade, moins avancée que celle des missions « égalité », qui relèvent d’une obligation législative. Ce constat rend d’autant plus pertinent l’inscription dans la loi de la désignation obligatoire d’un référent « racisme, antisémitisme ».
Le déploiement et l’organisation des dispositifs de signalement des actes de discrimination, de violence ou de haine à destination des usagers de l’enseignement supérieur, principalement les étudiants, ne sont actuellement régis par aucune norme contraignante, et laissés à l’appréciation des équipes dirigeantes des universités et autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP), au regard de leurs priorités et moyens.
Même si elle ne concerne pas spécifiquement les établissements d’enseignement supérieur, la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ([71]), en son article 80, rend obligatoire, dans les administrations et les établissements publics relevant de l’État, la mise en place de dispositifs de recueil de signalements en matière d’atteintes volontaires à l’intégrité physique, d’actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, d’agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d’intimidation de discriminations. Juridiquement, ces dispositions ne concernent toutefois que les agents de la fonction publique ([72]) et les témoins desdits actes et agissements.
Cependant, selon le rapport de la mission sénatoriale d’information relatif à l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur ([73]), ce texte a marqué une nouvelle étape dans la diffusion et la professionnalisation des cellules de signalement des actes au sein des établissements d’enseignement supérieur, ces derniers ayant élargi le périmètre des bénéficiaires du dispositif au-delà de l’obligation légale, en recueillant également les signalements des étudiants.
L’enquête Remede, précédemment citée, montre que la loi de 2019 a joué un rôle d’accélérateur dans le déploiement des cellules de signalement dans l’enseignement supérieur : « si un établissement sur quatre avait déjà mis en place ce type de dispositif avant 2019, plus de la moitié des dispositifs de signalements existant en 2022 ont été instaurés depuis 2021 » ([74]).
Les dispositifs de signalement répondent aux particularités de chaque établissement, offrant ainsi une certaine variété tant dans leurs caractéristiques que dans leurs dénominations, bien que l’appellation la plus répandue soit celle de « cellule de signalement ».
Le dispositif de signalement se compose généralement de deux entités : un réseau de personnes écoutantes et une équipe pluridisciplinaire en charge de l’analyse des situations et des propositions de solutions visant à les résoudre. Selon les établissements, l’équipe interdisciplinaire comprend également les personnes écoutantes ou au contraire, les deux entités sont disjointes.
Le champ et l’intitulé des dispositifs de signalement mis en place sont variables d’un établissement à l’autre. La dénomination des missions des cellules de signalement ne fait pas toujours apparaître la notion de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, y compris lorsqu’elle relève de leur champ de compétence ([75]). Cela produit un problème de visibilité d’une structure dont le premier enjeu est de recueillir la parole et d’accompagner les victimes des actes racistes, antisémites et discriminatoires.
L’organisation des cellules de signalement selon les résultats de l’enquête Remede
D’après l’enquête Remede, « le nombre d’écoutants est en moyenne de 8 par établissements et s’étend de 2 à 26. Le nombre de membres de l’équipe interdisciplinaire est lui aussi en moyenne de 8 et il est compris entre 1 et 24 selon les établissements.»
La plupart des personnes impliquées dans le dispositif de signalement ont suivi une formation d’au moins une journée à l’écoute et à l’appréhension des VSS ; de façon moins fréquente, les écoutants et les membres de l’équipe interdisciplinaire sont parfois également formés à l’appréhension des discriminations, au caractère juridique du signalement et à l’enquête suite à un signalement.
Le dispositif d’écoute ne mobilise pas uniquement les personnes en charge de l’égalité. Dans la moitié des établissements, d’autres personnes sont également sollicitées : référents « racisme, antisémitisme », « discrimination », « handicap », « laïcité », « déontologie », conseiller en charge des risques professionnels, etc.
Selon les établissements, la composition des équipes en charge du dispositif de signalement est variée ; elle peut comprendre des représentants de la gouvernance de l’établissement, de la direction générale des services, des médecins et des psychologues du travail, des médecins des services de santé universitaire, des juristes, des représentants des personnels et des représentants des étudiants.
Pour plus de 70 % des établissements, le dispositif de signalement est complètement interne et ne fait pas appel à un prestataire extérieur. Si aucun établissement n’a décidé de complètement externaliser son dispositif de signalement, plus du quart ont fait le choix d’un dispositif mixte, leur permettant de disposer d’une organisation adaptée à leurs besoins et à leurs capacités. La partie externalisée du dispositif peut concerner tout ou partie de l’accompagnement des victimes, de l’écoute ou du recueil de signalement.
Le nombre de signalement est très variable selon les établissements. Selon les résultats de l’enquête Remede, il semble assez peu corrélé avec le nombre d’étudiants dans l’établissement. Il existe sans doute une corrélation positive entre les deux indicateurs, mais beaucoup d’autres facteurs semblent intervenir pour déterminer le nombre de signalements, notamment l’ampleur des moyens mis en œuvre par les établissements ainsi que la qualité, la visibilité et la notoriété du dispositif de signalement.
Par ailleurs le champ d’intervention des cellules de signalement, lorsqu’il est commun aux agents de l’établissement et aux usagers, n’est pas réduit au seul recueil des actes de discrimination de nature raciste, antisémite ou liée à l’origine ou à l’orientation sexuelle.
Ainsi, toujours selon les résultats de l’enquête Remede, le premier motif de signalement, qui représente la moitié des signalements, est le harcèlement moral, lié aux conditions de travail, en raison des signalements émanant des personnels. Le deuxième motif (avec environ 12 signalements en moyenne par établissement et par an) concerne les violences sexuelles et sexistes (VSS), qui se manifestent principalement parmi la population étudiante. Les autres motifs sont beaucoup moins présents : « les discriminations liées à l’origine et au sentiment religieux, en englobant le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie correspondent à 2,3 signalements par établissement et par an. Les signalements liés à l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre des personnes, l’homophobie et la transphobie, correspondent à 2 signalements en moyenne par établissement et par an » ([76]).
L’article 2 de la proposition de loi vise à rationaliser le cadre juridique des dispositifs de lutte contre les actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine installés au sein des établissements d’enseignement supérieur, en imposant la mise en place de trois instruments : une mission « égalité et diversité » au large périmètre d’action, un référent dédié aux questions de racisme et d’antisémitisme, et un dispositif de détection, de signalement et de traitement de l’ensemble des actes de discrimination.
Il entend améliorer le fonctionnement et l’efficacité des dispositifs de lutte contre les discriminations, en renforçant la professionnalisation des personnels concernés, en sécurisant l’anonymat des victimes et des témoins, en habilitant un membre du personnel dédié à la lutte contre les actes racistes et antisémites, et en assurant une meilleure visibilité de ces dispositifs.
S’appliquant à l’ensemble des EPCSCP, et non aux seules universités, les dispositions de l’article 2 ne sont en revanche pas applicables aux établissements d’enseignement supérieur privés, pas même aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig).
L’évolution juridique se traduirait par :
– une modification du 10°de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, relatif à la compétence du président d’université ;
– la création d’une nouvelle section 4 au chapitre IX du titre Ier du livre VII du même code, intitulée « Lutte contre les actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine », comprenant trois articles (L. 719- 10, L. 719-11 et L. 719-11-1).
Alors que la mise en place des missions « égalité entre les hommes et les femmes » n’était une obligation légale que pour les seules universités, sur le fondement du 10°de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, la nouvelle section 4 introduite dans le code de l’éducation étendrait à l’ensemble des EPCSCP l’obligation d’installer une mission appelée « égalité et diversité ».
Ces missions verraient leurs fonctions explicitement étendues au-delà de la seule promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, pour désormais se consacrer également à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine liée notamment à l’orientation sexuelle, dans un nouvel article L. 719-10 du code de l’éducation.
La volonté des sénateurs à l’initiative de la proposition de loi fut de partir de l’existant, en s’appuyant sur les compétences et le savoir-faire des missions « égalité » implantées dans le paysage universitaire depuis la loi dite Fioraso de 2013, et dont les fonctions se sont progressivement étendues, pour une large partie d’entre elles, à la lutte contre les discriminations, notamment celles à caractère raciste et antisémite.
L’organisation proposée par l’article 2 de la proposition de loi est compatible avec la structuration existante au sein des établissements d’enseignement supérieur, dont elle reprend d’ailleurs l’intitulé (« égalité et diversité ») en cours dans certains établissements. L’objectif est la constitution de services internes à l’établissement prenant en charge l’ensemble des sujets de discrimination, disposant dans la mesure du possible de référents spécialisés sur chaque thématique en même temps que de la possibilité de mutualiser certains dispositifs et expériences acquises.
Mais, ainsi que l’a rappelé le vice-président de France Universités aux rapporteurs, une telle ambition nécessite la mobilisation des emplois budgétaires correspondants, dans un contexte de contrainte budgétaire, et alors que les établissements déploient déjà un volet de mesures (formations, réseaux…) considérable pour répondre aux multiples problématiques « sociétales », extérieures à la fonction originelle de l’enseignement supérieur, de construction des savoirs. La question budgétaire n’est pas ignorée du législateur, lequel demande à cet égard aux EPCSCP de veiller « à ce que la mission “égalité et diversité” dispose des moyens humains et financiers nécessaires à son fonctionnement » (art. L.719- 10 du CE), afin d’éviter de créer une coquille juridique qui ne pourrait pas être pleinement opérationnelle.
En refusant une superposition des structures mais au contraire en fusionnant les nouvelles missions « égalité et diversité » avec celles qui préexistent, le législateur entend prendre en compte la situation budgétaire des établissements et leur difficulté à financer des dispositifs distincts pour chaque type de violence, de haine ou de discrimination. Cette organisation, mutualisée au niveau de la mission (ce qui correspond à celle des politiques publiques nationales, l’action de la Dilcrah, par exemple, ne se limitant pas à l’antisémitisme et au racisme), connait cependant une exception au niveau des référents, avec l’installation d’un interlocuteur dédié au racisme et à l’antisémitisme (cf. infra).
Sujet évoqué à de nombreuses reprises lors des auditions, la question des moyens à mobiliser reste ouverte. Évoquée par les rapporteurs du Sénat ([77]), l’hypothèse d’un financement par une fraction de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), à laquelle France Universités n’est guère favorable, privilégiant « des moyens supplémentaires dont les établissements ont besoin », n’a pas été retenue à ce stade.
Aux termes des dispositions modifiées par la proposition de loi du 10°de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, le président de l’université installera la mission « égalité et diversité ». À l’initiative des rapporteurs, la commission sénatoriale compétente a adopté un amendement visant à rétablir le pouvoir de proposition conjointe du conseil d’administration et du conseil académique pour l’installation de ladite mission, qui n’apparaissait pas dans la version initiale du projet de texte. Cette disposition étant juridiquement limitée aux universités, il reviendra aux mesures réglementaires, telles qu’elles sont actuellement prévues dans les décrets statutaires des EPCSCP, de prévoir les modalités de l’installation des missions « égalité et diversité » par les directeurs des établissements autres que les universités.
Les rapporteurs s’interrogent par ailleurs sur l’opportunité de la suppression, à l’occasion de la modification de ce même alinéa par le Sénat, des dispositions introduites par la loi de programmation de la recherche (LPR) de 2020 ([78]), imposant la présentation par le président d’université du rapport d’exécution du plan « égalité hommes-femmes » devant le conseil d’administration, ainsi que la transmission du même rapport au ministère de l’enseignement supérieur et au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres). Cette suppression est d’autant plus inattendue que, selon le ministère, ces deux mesures « constituent un levier essentiel pour assurer un suivi effectif de la mise en œuvre des plans "égalité" dans les établissements. » Il est notamment prévu la création d’une plateforme numérique dédiée à cet objectif. Parallèlement, un travail est conduit avec le Hcéres, afin d’intégrer dans son référentiel d’évaluation la mise en œuvre des mesures visant à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans les établissements contribuant au service public de l’enseignement supérieur et au service public de la recherche, conformément aux objectifs de la LPR de 2020 ([79]).
Enfin, les rapporteurs considèrent qu’en cohérence avec l’évolution rédactionnelle du 10°de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, il est nécessaire de modifier l’article L. 771-12 du même code, lequel adapte l’organisation de la mission « égalité entre les hommes et les femmes » à la spécificité de l’université des Antilles, partagée entre les deux sites universitaires de Guadeloupe et de Martinique, et bénéficiant, de ce fait, de l’implantation de deux missions.
Le troisième alinéa du nouvel article L. 719-10 prévoit la désignation obligatoire, au sein de la mission « égalité et diversité » de chaque EPCSCP, d’un personnel référent dédié à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, chargé de la prévention, de la détection et du traitement des actes racistes et antisémites.
Au sein de leur établissement, les référents sont des personnes ressources et des interlocuteurs pour les étudiants, enseignants et personnels. Ils transmettent les informations, notamment en cas d’incident, animent la semaine d’éducation et d’action contre le racisme et l’antisémitisme et développent des partenariats avec des associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, des institutions, musées et mémoriaux. La mise à disposition de ressources, l’organisation de formations et de rencontres nationales et le recueil des bonnes pratiques relèvent également de leurs missions.
Si la structuration des missions « égalité entre les hommes et les femmes » relève actuellement d’une obligation législative dans le cadre d’une politique conduite au niveau national, celle du réseau des référents « racisme et antisémitisme » a, quant à elle, été laissée à l’appréciation des établissements, au gré des recommandations ministérielles. En conséquence, sa consécration dans la loi apparait comme une avancée majeure, témoignant de la priorité nationale que revêt désormais la lutte contre les actes racistes et antisémites au sein du monde universitaire et plus généralement du service public de l’enseignement supérieur.
Une seconde différence concerne le champ d’intervention, large, de la « mission » – promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, lutte contre le racisme, l’antisémitisme, les discriminations, la violence et la haine –, et celui du référent, axé sur la lutte contre les discriminations de nature raciste et antisémite.
Il ressort des travaux de la mission d’information menés par les sénateurs Lévi et Fialaire que la définition du périmètre fonctionnel du référent a donné lieu à des débats contradictoires ([80]) entre ceux souhaitant un référent spécialisé dans la seule lutte contre l’antisémitisme, d’autres considérant, à divers titres, qu’il n’était ni pragmatique ([81]), ni pertinent ([82]), ni opportun politiquement ([83]) de dissocier l’antisémitisme du racisme, d’autres encore estimant plus conforme aux principes républicains de faire du référent une composante de la lutte générale contre l’ensemble des discriminations.
Or, « la réponse apportée à cette question emporte des conséquences pratiques importantes pour l’organisation de la lutte contre l’antisémitisme dans les établissements, au premier rang desquelles la possible création de référents dédiés à la lutte contre l’antisémitisme, alors que nombre de référents aujourd’hui installés travaillent à la fois sur le racisme, l’antisémitisme et souvent d’autres types de violences, telles que la lutte anti-LGBT ou les VSS » est-il noté dans le rapport sénatorial.
Les rapporteurs sénatoriaux n’ont pas souhaité « diluer le combat contre l’antisémitisme dans le cadre très large des luttes contre toutes les discriminations et les violences » pour ne pas perdre en pertinence, en visibilité et en efficacité. À cet égard, il a été considéré que la lutte contre l’antisémitisme et le racisme devait, au moins à court terme, le temps d’implanter durablement la réforme organisationnelle, se démarquer de la lutte contre les VSS. D’une part, car ces deux questions n’appellent pas les mêmes compétences, le traitement de l’antisémitisme se heurtant toujours à la question de son repérage et appelant une expertise spécifique, d’autre part car la lutte contre les VSS a pris ces dernières années une ampleur considérable dans les établissements et « a en conséquence acquis une maturité opérationnelle différente », contrairement à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme.
La rédaction adoptée par le Sénat vise par conséquent à éviter les situations dans lesquelles les référents devraient cumuler plusieurs compétences, au probable détriment de leur visibilité, voire de l’accomplissement de leurs missions. Le choix de référents compétents à la fois en matière de racisme et d’antisémitisme, tout en faisant clairement apparaître la notion d’antisémitisme pour mettre en exergue la spécificité de cette discrimination, doit permettre d’incarner la fonction de lutte contre ce type d’actes, en vue de proposer un accompagnement privilégié et identifié, facilitant la prise de parole des victimes et des témoins sur ces sujets.
Alors que la formation des référents « racisme, antisémitisme » repose actuellement sur la circulaire du 9 janvier 2024, un amendement adopté lors de l’examen en commission sénatoriale impose l’obligation pour le référent d’être « qualifié ». Ce qui signifie que l’accès à ce type de fonctions est conditionné par la capitalisation d’une expertise certaine (par exemple les actuels occupants de ces fonctions) et/ou le suivi de formations idoines. Il reviendra aux dispositions réglementaires de préciser les modalités de la qualification exigée.
À l’article 2 de la proposition de loi, deux nouveaux articles L. 719-11 et L. 719-11-1 du code de l’éducation, au sein de la nouvelle section 4 susmentionnée, portent sur les dispositifs de signalement des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine.
En premier lieu, le premier alinéa de l’article L. 719-11 impose aux EPCSCP de mettre en place ce dispositif de signalement des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine, rattaché aux missions « égalité et diversité ». Ces dispositifs pourront utilement prendre appui sur les nombreuses cellules de signalement existant actuellement dans les établissements.
Cette disposition législative obligerait cependant un déploiement de tels dispositifs aux quelques établissements publics qui en seraient encore privés ou à ceux dont les cellules de signalement sont, conformément à l’état du droit, encore exclusivement destinées aux agents publics. Dans un souci de parfaite transparente, France Universités admet que la mise en place effective et la désignation de structures de lutte contre les discriminations puissent varier d’une université à l’autre sur la forme et la temporalité de déploiement : « Certaines universités ont des structures bien établies, tandis que d’autres peuvent être en cours de développement de ces missions. »
Un second point, objet du premier alinéa du nouvel article L. 719-11, est la garantie que le législateur entend apporter à l’anonymat des victimes des actes de discrimination et de violence, mais également des témoins de ces actes. Cette garantie d’anonymat est indissociable de la confiance en l’institution de la part des victimes. Sans confiance, le dispositif de signalement ne pourra véritablement être efficace.
Il ressort des auditions, notamment de SOS Racisme, de la Dilcrah, de l’Union des Étudiants Juifs de France, que, tant pour les victimes que pour les témoins, l’anonymat est un facteur déterminant de la décision de se tourner vers les dispositifs de signalement. Outre des dispositifs techniques idoines (par exemple, via un portail internet/intranet, une adresse mail dédiée…), cette garantie d’anonymat suppose celle de la confidentialité des échanges et de l’étanchéité du fonctionnement de la « cellule d’écoute » vis-à-vis des autres services de l’établissement. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser les modalités d’application de cette volonté claire du législateur. Le rapport de la mission d’information sénatoriale de MM. Levi et Fialaire, déjà cité, alerte cependant sur la potentielle difficulté de concilier l’exigence d’anonymat « avec la nécessité de réagir rapidement et efficacement face à des situations parfois très graves ».
Le troisième point de cet alinéa concerne l’importance de la qualification professionnelle des personnels recueillant les paroles des victimes et des témoins. La question de la formation des personnels des dispositifs de signalement est absolument majeure, compte tenu de la spécificité des sujets, comme cela a été rappelé lors des auditions. Aux termes de la proposition de loi, les personnes concernées doivent disposer « d’une qualification, d’une formation ou d’une expertise adéquate ». Cette formulation laisse la possibilité aux établissements de confier cette mission à des personnels spécifiquement formés ou à des acteurs extérieurs disposant d’une expertise sur ces sujets. Cette disposition a été adoptée par amendement en commission. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser les modalités d’application de cette mesure.
Un quatrième point concerne la transmission systématique des signalements recueillis au président de l’université (ou au directeur de l’établissement), en raison de sa compétence pour saisir la section disciplinaire. Cela établit un lien entre le recueil des signalements et le déclenchement d’une éventuelle procédure de sanction. Cette disposition a été adoptée par amendement en commission.
Enfin, le dernier point de cet alinéa porte sur le traitement statistique de ces signalements. Tant les auditions réalisées par les rapporteurs, au cours desquelles fut déplorée la pluralité des canaux de remontée d’information, que le rapport d’information des sénateurs Lévi et Fialaire, qui fait part d’une « regrettable absence de suivi statistique » ([84]), ont montré qu’il était indispensable d’assurer un traitement statistique robuste, exhaustif et sur la durée du nombre d’actes de discrimination recensés au sein des établissements, en les catégorisant. Cela nécessitera sans doute, d’un point de vue technique, une harmonisation des catégories d’actes au niveau national.
Le second alinéa de l’article L. 719-11 dispose que « tout membre du personnel ayant connaissance d’un acte d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence ou de haine survenu dans l’établissement ou affectant son fonctionnement le signale sans délai » aux personnels, formés à cet effet, du dispositif de signalement ad hoc.
Le projet de texte prévoyait initialement que ce témoignage était effectué auprès du référent « racisme, antisémitisme ». Mais outre que ledit référent n’est pas qualifié pour les actes de discrimination autres que ceux à caractère raciste ou antisémite, il semblait par ailleurs préférable de ne créer qu’un seul canal de remontée d’information. Un amendement adopté en commission a donc modifié le second alinéa de l’article L. 719-11 en ce sens.
Un nouvel article L. 719-11-1 du code de l’éducation, introduit par amendement en séance publique, insiste sur l’indispensable communication autour de l’existence de ces dispositifs de lutte contre les discriminations – à savoir, la mission « égalité et diversité », le référent « racisme, antisémitisme » et le dispositif de signalement – afin de leur assurer la visibilité nécessaire à leur efficacité.
Cet article impose aux EPCSCP de porter à la connaissance des publics concernés – l’ensemble de la communauté des personnels de l’établissement (enseignants, chercheurs, autres) et des usagers (étudiants) – les informations nécessaires à l’accès à ces dispositifs. Comme cela été rappelé lors des auditions, le défaut de connaissance de l’existence des dispositifs d’écoute, de signalement et d’accompagnement, du fait, le plus souvent, d’une absence d’information claire et juste, est la première cause de la relative rareté des signalements.
Il ressort en effet des auditions que la sous-utilisation des dispositifs de signalement dans les établissements d’enseignement supérieur résulte souvent d’un fort déficit de visibilité, voire d’identification par les étudiants, des acteurs chargés de recueillir leurs signalements.
Au même titre que la visibilité du dispositif, la garantie de l’anonymat doit être connue. À cet effet, l’article L. 719-1-1 prévoit expressément que « cette information précise la possibilité pour les victimes et les témoins de bénéficier de l’anonymat ».
La commission a adopté deux amendements identiques étendant l’intitulé du chapitre 2, dont l’article 2 est l’article unique, à la prévention, la détection et le signalement des actes racistes, discriminatoires, de violence et de haine survenant dans l’enseignement supérieur, afin de le mettre en concordance avec le contenu de l’article 2.
Outre les amendements rédactionnels des rapporteurs, la commission a adopté plusieurs amendements portant sur la mission « égalité et diversité ».
À l’initiative des rapporteurs, un amendement complète les dispositions de l’article L. 712-2 du code de l’éducation relatives aux compétences du président d’université, précisant que ce dernier présente au conseil d’administration un rapport d’activité de la mission « égalité et diversité » tant en matière de lutte contre l’antisémitisme et le racisme que d’égalité entre les hommes et les femmes, et transmet ce même rapport aux ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche notamment.
Deux autres amendements modifient les articles L. 719-10 et L. 719-11 du code de l’éducation, prévus à l’article 2, relatifs à la mission « égalité et diversité », laquelle est chargée d’un dispositif de signalement des actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine. Un amendement précise que la mission agit dans le respect des principes de laïcité et de neutralité et des valeurs de la République, tandis qu’un autre prévoit qu’un rapport présentant le bilan quantitatif et qualitatif du dispositif de signalement des actes antisémites, racistes, discriminatoires, de violence et de haine est transmis au Parlement.
Par ailleurs, à l’article L. 719-11-1 du même code prévu à l’article 2, un amendement indique que l’information aux publics de l’établissement d’enseignement supérieur sur le fonctionnement du dispositif de signalement des actes détaille chaque étape du dispositif de signalement et rappelle les actions en justice et voies de recours possibles.
Un amendement des rapporteurs intègre dans le code de l’éducation, dans un nouvel article L.719-11-2, la disposition renvoyant à un décret la détermination des modalités d’application des articles relatifs à la mission « égalité et diversité ».
À l’initiative des rapporteurs, ajoutant à cet effet un nouvel article L. 732-4 dans le code de l’éducation, un amendement étend l’obligation de création d’une mission « égalité et diversité » dans les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, qui concourent au service public de l’enseignement supérieur.
Toujours à l’initiative des rapporteurs, un amendement a mis en cohérence les dispositions de l’article L. 771-12 du code de l’éducation portant sur les deux missions « égalité entre les hommes et les femmes » de l’université des Antilles (en Guadeloupe et en Martinique), devenues des missions « égalité et diversité ».
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Supprimé par la commission
L’article 3 introduit dans le code de l’éducation plusieurs dispositions relatives à la procédure disciplinaire dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel :
– le principe de formations sur les questions de discriminations pour les enseignants-chercheurs, les chercheurs et les étudiants siégeant dans les sections disciplinaires ;
– l’obligation d’information des victimes d’actes de violence, d’antisémitisme, de racisme et de discriminations sur les suites disciplinaires engagées à l’encontre de l’auteur de l’acte ;
– la création de sections disciplinaires communes au niveau de la région académique à l’égard des usagers, qui offrent une nouvelle modalité de « dépaysement » des procédures disciplinaires pour remédier aux actuelles difficultés de fonctionnement des sections disciplinaires ;
– l’extension de la liste, plus complète, des motifs pouvant justifier des poursuites disciplinaires à l’encontre des usagers ;
– des pouvoirs d’investigation du président ou du directeur de l’établissement public d’enseignement supérieur en matière de procédure disciplinaire à l’encontre d’usagers.
Face à une procédure disciplinaire engagée à l’encontre de l’auteur de faits passibles d’une sanction disciplinaire, se pose légitimement la question de l’association de la victime desdits faits à la procédure.
En la matière, on constate que le cadre réglementaire et jurisprudentiel en vigueur accorde une place limitée aux victimes dans la procédure disciplinaire.
Plusieurs dispositions de la partie réglementaire du code de l’éducation prévoient aujourd’hui la possibilité pour les victimes de demander l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre des usagers ou d’être associées à son déroulement, mais les possibilités qui leur sont ouvertes restent mesurées.
Ainsi, l’article R. 811-25 du code de l’éducation prévoit que les poursuites peuvent être engagées par le recteur de région académique « sur saisine de toute personne s’estimant lésée par des faits imputés à l’usager ». Par ailleurs, la victime peut être entendue lors de l’instruction (art. R. 811-29 du CE) ou lors de la séance d’examen de l’affaire, à sa demande (art. R. 811- 33 du CE).
Au niveau jurisprudentiel, le juge administratif a considéré qu’un tiers n’a intérêt à agir ni contre le refus de prononcer une sanction disciplinaire (Conseil d’État, 10 juillet 1995, n° 141 654 ([85])), ni contre la sanction infligée à un fonctionnaire (Conseil d’État, 17 mai 2006, Bellanger, n° 268 938). Il ne reconnaît pas davantage la possibilité pour la victime de rechercher la responsabilité de l’administration en raison de l’absence ou de l’insuffisance de la sanction disciplinaire (Conseil d’État, 2 juillet 2010, n°322 521).
Le « dépaysement » est la possibilité ouverte à un président ou directeur d’un EPCSCP de confier à une section disciplinaire d’un autre établissement que le sien, l’instruction d’une procédure disciplinaire concernant un usager de son établissement.
Aux termes de l’article R. 811-13 du code de l’éducation, les auteurs ou complices de fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université, relèvent de la section disciplinaire de l’établissement où les faits donnant lieu à des poursuites ont été commis.
Cependant, l’article R. 811-23 du code de l’éducation prévoit que « s’il existe une raison objective de mettre en doute l’impartialité de la section disciplinaire initialement saisie dans son ensemble, ou en cas de risque avéré de trouble à l’ordre public ou au bon fonctionnement de l’établissement, l’examen des poursuites peut être attribué à la section disciplinaire d’un autre établissement ».
L’initiative de cette demande de renvoi à une autre section disciplinaire appartient par ailleurs tant au président de l’université qu’à l’usager poursuivi.
Le conseil académique, constitué en section disciplinaire conformément à l’article L. 811-5 du code de l’éducation, est compétent pour prononcer des sanctions à l’encontre des usagers de l’université.
Les articles relatifs à la procédure disciplinaire à l’encontre des usagers des universités (de l’art. R. 811-11 au R. 811-42 du CE) sont également applicables aux usagers des autres EPCSCP par le truchement des articles R. 715-13, R. 716-3, R. 717-11 et R. 718-4 du même code.
Aux termes de l’article R. 811-13 du code de l’éducation, relève du régime disciplinaire tout usager d’un EPCSCP lorsqu’il est auteur ou complice, notamment :
– d’une fraude ou d’une tentative de fraude commise à l’occasion d’une inscription, d’une épreuve de contrôle continu, d’un examen ou d’un concours ;
– de tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université.
Néanmoins, l’adverbe « notamment » permet d’attribuer un caractère non limitatif à cette liste.
On notera enfin que le juge administratif ne conditionne pas la matérialité de l’atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’établissement à des faits se déroulant nécessairement au sein de l’enceinte universitaire. Ainsi, des faits graves commis en dehors de l’établissement par un étudiant inscrit dans ledit établissement peuvent tout-à-fait justifier une sanction disciplinaire ([86]).
À l’exception des modifications apportées à l’article L. 712-6-2 du code de l’éducation, lequel est spécifique aux universités, les dispositions de l’article 3 de la proposition de loi s’appliquent à l’ensembles des EPCSCP.
L’article 3, qui complète à cet effet les articles L. 712- 6-2 et L. 811-5 du code de l’éducation, prévoit une obligation de formation aux enjeux de la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine pour les membres des sections disciplinaires compétentes à l’égard des enseignants-chercheurs et des enseignants pour les premières (article L. 712- 6-2), des usagers pour les secondes (article L. 811-5). Ces deux dispositions sont issues d’un même amendement adopté en commission.
Dans une optique de professionnalisation, ces dispositions visent à renforcer les connaissances des membres des sections disciplinaires, lesquels sont des élus et non des professionnels du droit, de plus en plus confrontés à la complexité de certaines questions, telles que les discriminations racistes, antisémites et homophobes.
En l’absence de technicité juridique des membres des sections disciplinaires, les procédures peuvent en effet parfois être fragilisées et se trouver exposées à un risque d’annulation par le juge administratif.
Un amendement adopté en commission est venu préciser les modalités de suivi, par les victimes, de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre des enseignants et enseignants-chercheurs ou des usagers pour des actes de violence, d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine.
Ainsi, il est prévu que sera informée de l’engagement de poursuites disciplinaires, de leur déroulement et de leur issue, toute personne s’étant fait connaître et s’estimant lésée par les agissements :
– d’enseignants ou enseignants-chercheurs auteurs de faits de violence, d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine (art. L. 712- 6-2 du CE) ;
– d’usagers auteurs de faits de violence, de harcèlement, antisémites, racistes, discriminatoires ou d’incitation à la haine ou à la violence (art. L. 811- 6 du CE).
Dans sa version initiale, la proposition de loi prévoyait d’associer la victime au déroulement de la procédure. Un amendement des rapporteurs, adopté en commission, a remplacé cette association par une simple information, afin de répondre aux difficultés rencontrées dans les établissements sans remettre en cause la nature particulière de la procédure disciplinaire, laquelle se distingue de la procédure judiciaire et a pour fonction de sanctionner les auteurs d’infractions sans apporter de réparation aux victimes.
Les modalités de la prise en compte des victimes de tels agissements dans le cadre de la procédure disciplinaire sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.
Un amendement adopté en séance publique a ajouté au code de l’éducation un nouvel article L. 811-5-1 prévoyant la création, dans chaque région académique, d’une section disciplinaire commune aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel implantés sur le territoire régional.
Cette section disciplinaire commune :
– est créée par le recteur de région académique, compétent en matière d’enseignement supérieur (contrairement au recteur d’académie) ;
– est présidée par un membre de la juridiction administrative ;
– comprend des représentants de l’administration des établissements, des représentants du personnel enseignant et des représentants des usagers ;
– peut être saisie par le président de l’université ou le directeur de l’établissement pour engager les poursuites disciplinaires à l’encontre des usagers d’un EPCSCP de la région académique ; elle exerce alors, en lieu et place de la section disciplinaire prévue à l’article L. 811‑5, le pouvoir disciplinaire à l’égard des usagers. En l’espèce, contrairement aux dispositions de l’article R. 811-23, cette nouvelle possibilité de « dépaysement » n’est pas ouverte par la loi à l’usager poursuivi.
Un décret en Conseil d’État précise notamment la composition de la section disciplinaire commune, les modalités de désignation de ses membres et ses règles de fonctionnement.
Cette disposition importante, attendue par les présidents d’université, est une seconde modalité de « dépaysement » des procédures disciplinaires, complémentaire de celle prévue à l’article R. 811-23 du code de l’éducation.
La section disciplinaire régionale commune aux établissements d’une région académique vient s’ajouter aux sections internes des établissements sans les remplacer. Elle n’a pas vocation à systématiquement se substituer aux sections disciplinaires des établissements. Sa saisine reste à l’initiative de la présidence ou de la direction de l’établissement décidée à engager une procédure disciplinaire ; il n’y a ni saisine automatique de la section disciplinaire régionale, ni possibilité d’auto-saisine par le président de cette dernière.
À cet égard, France Universités a rappelé aux rapporteurs l’importance et l’intérêt que cette saisine demeure de la seule compétence du président ou directeur d’établissement. Ce dernier doit être en capacité d’opter, en fonction de la nature et de la sensibilité de l’affaire en cause, pour la plus efficace des trois options entre la procédure disciplinaire en interne, la saisine d’un autre établissement « pour mettre de la distance et de la sérénité dans le traitement d’un dossier par nature sensible » ou désormais le recours à la section régionale.
Cette mesure revêt de multiples avantages.
En premier lieu, le « dépaysement » à un niveau régional vise à répondre aux difficultés que rencontrent actuellement les présidents ou directeurs d’établissement :
– pour engager une procédure disciplinaire à l’encontre d’usagers, au sein de leur propre établissement, lorsque les sections disciplinaires internes connaissent d’importantes difficultés de fonctionnement, notamment sur les affaires présentant une ampleur ou une sensibilité particulière (par exemple, pour des faits de violence, d’antisémitisme, de racisme etc.), ou, pour des raisons plus pratiques, parce que l’inflation du nombre des procédures place les établissements sous tension et, faute de volontaires, entraîne des difficultés récurrentes de recrutement dans les sections disciplinaires, et par conséquent de fonctionnement ; l’existence de cette nouvelle voie disciplinaire garantira ainsi un examen plus serein des dossiers les plus sensibles en dehors de l’établissement concerné, sans reporter la pression sociale sur les membres de la section disciplinaire d’un autre établissement ;
– pour attribuer l’examen des poursuites à la section disciplinaire d’un autre établissement, en raison des réticences de ce dernier, déjà engorgé, à accepter des dossiers extérieurs, ou de la potentielle pression autour d’une affaire. Parfois, la volonté de recourir à une procédure de dépaysement pour les dossiers les plus sensibles ne rencontre pas le succès escompté.
Un second point important de cette disposition a trait à la volonté de renforcer la professionnalisation des membres des sections disciplinaires.
Actuellement, il est constaté que la procédure disciplinaire tend à se rapprocher du modèle contentieux, sans que ses acteurs ne disposent en réalité ni des outils ni de la formation adéquate. Le modèle disciplinaire traditionnel, fondé sur un jugement par les pairs de l’établissement sur la base de dossiers d’enquête administrative peu étoffés et comportant principalement des témoignages, se heurte en effet à l’évolution des faits examinés et des pratiques des mis en cause, fréquemment assistés par un avocat.
Afin de sécuriser et de professionnaliser le fonctionnement de sections communes régionales, la proposition de loi prévoit donc qu’elles soient présidées par un magistrat administratif, professionnel du droit.
Par ailleurs, la capacité de ces sections à attirer des procédures disciplinaires en provenance des établissements d’enseignement supérieur de la région devrait mécaniquement augmenter le nombre d’instructions à mener, permettant ainsi à ses membres de se familiariser au fil du temps à des questions juridiques et techniques complexes.
En troisième lieu, la mutualisation des sections à l’échelle régionale permettra de soulager les sections existantes en répartissant la charge disciplinaire entre les établissements.
Entendue par les rapporteurs, la Dgesip considère que cette évolution, à laquelle elle est favorable, peut par ailleurs contribuer à diminuer les temps d’instruction disciplinaire, souvent longs, actuellement constatés.
Les auditions ont néanmoins fait état du risque potentiel d’un engorgement de la section disciplinaire francilienne dans l’hypothèse de nombreuses saisines par les présidents ou directeurs d’établissement, en raison de la forte concentration en Île-de-France d’établissements publics d’enseignement supérieur. Les rapporteurs recommandent par conséquent de mettre en place, par décret, une organisation des sections disciplinaires qui soit variable et adaptée aux caractéristiques du territoire régional en matière d’enseignement supérieur, notamment le nombre d’étudiants.
Un amendement adopté en séance publique établit une nouvelle liste des motifs pouvant justifier des poursuites à l’encontre d’usagers des EPCSCP devant les sections disciplinaires compétentes à leur égard, en modifiant à cet effet l’article L. 811-6 du code de l’éducation.
Afin de mieux appréhender, dans leur diversité, les comportements fautifs susceptibles de survenir dans les EPCSCP, cette évolution élargit la liste des motifs, par rapport à la proposition de loi adoptée en commission.
Seraient ainsi passibles d’une sanction disciplinaire tous les faits constitutifs d’une faute disciplinaire, notamment :
– la méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires ou du règlement intérieur de l’établissement ;
– les actes de fraude ou de tentative de fraude ;
– les faits de violence ou de harcèlement ;
– les actes antisémites, racistes, discriminatoires ou d’incitation à la haine ou à la violence ;
– les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités qui y sont organisées.
Cette liste reprend en partie, en les adaptant, les motifs figurant à l’article R. 811-11 du code de l’éducation, à savoir d’une part, la fraude ou tentative de fraude, d’autre part, les faits de nature à porter atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’établissement.
La version issue de la commission ne mentionnait que la fraude, sans envisager les tentatives de fraude, constituant en cela une régression par rapport au droit existant à l’article R. 811-11. L’examen en séance est venu rétablir le motif de tentative de fraude.
Aux faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’établissement, l’amendement adopté en séance publique a ajouté l’atteinte au « bon déroulement des activités » qui sont organisées dans l’établissement, afin d’inclure tout type de perturbations volontaires d’activités qui, sans être à proprement parler essentielles au bon fonctionnement de l’établissement, participent de sa vie normale et habituelle.
En revanche, il est observé, par rapport aux motifs actuellement listés à l’article R. 811-11, que celui tiré de l’atteinte à « la réputation de l’université » n’a pas été repris par la proposition de loi. Cela étant, la présence de l’adverbe « notamment » en introduction de la liste des motifs indique qu’il s’agit d’une liste indicative et non limitative. D’une part le pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge administratif, pourra le cas échéant compléter cette liste. D’autre part, les sections disciplinaires prennent les décisions de sanction de manière souveraine, sur le fondement des éléments portés à leur connaissance et de leurs travaux d’instruction, après avoir examiné l’affaire en séance ; il paraît donc nécessaire de leur préserver, de la sorte, une marge d’appréciation
Alors qu’actuellement les motifs pouvant justifier des poursuites devant une section disciplinaire sont, pour l’essentiel, liés aux fraudes et tentatives de fraude, les nouvelles dispositions législatives entendent donc élargir le périmètre en y ajoutant d’autres faits constitutifs d’une faute disciplinaire et, comme tels, passibles d’une sanction disciplinaire à l’issue de la procédure :
– la méconnaissance des lois et règlements s’appliquant aux usagers ainsi que celle du règlement intérieur de l’établissement ; cette méconnaissance constitue en soi une faute disciplinaire ;
– les faits de violence, de harcèlement, d’antisémitisme, de racisme, de discrimination, d’incitation à la haine ou à la violence, déjà prévus dans le texte issu de la commission. Si ces différents agissements peuvent actuellement faire l’objet de sanctions disciplinaires, ce ne peut être qu’au motif qu’ils portent atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement. L’introduction expresse des actes de violence, de discrimination et de harcèlement à l’article L. 811-16 permettrait de supprimer toute conditionnalité, et d’être en capacité, sur le plan juridique, d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de ces faits pour ce qu’ils sont et non au regard de leurs incidences sur le fonctionnement de l’établissement. Outre la simplification juridique, cela permettrait d’affirmer clairement que ce type d’actes n’ont nullement leur place dans l’enseignement supérieur.
Un nouvel alinéa de l’article L. 811-6 prévoit par ailleurs de clarifier le droit existant en précisant que « sont passibles d’une sanction disciplinaire les faits commis en dehors de l’établissement lorsqu’ils présentent un lien suffisant avec l’établissement ou les activités qu’il organise ».
Cette disposition permet d’intégrer explicitement dans le champ de la compétence des sections disciplinaires des faits survenus en dehors de l’établissement, mais en lien, dont la teneur devra être précisément déterminée par la section disciplinaire saisie, avec ses activités. Ce contexte péri-universitaire – appelé parfois « zone grise » – concerne, notamment, des faits survenus lors d’événements festifs organisés hors de l’enceinte de l’université mais présentant un lien avec elle (par exemple, une soirée étudiante organisée par une association reconnue par l’université) ou sur des lieux de stage.
Les propos racistes, antisémites, discriminatoires et haineux diffusés, parfois sans retenue, sur les multiples messageries privées et réseaux sociaux sont considérés comme des faits survenant hors de l’établissement, et comme tels, sont susceptibles de constituer une faute disciplinaire, sous réserve cependant de démontrer le lien suffisant entre le réseau privé et l’établissement (par exemple, lorsque la messagerie, regroupant une large partie des étudiants qui communiquent entre eux des informations d’ordre pratique, est considérée comme un prolongement du service de formation).
Une adaptation des dispositions de l’article R. 811-11 sera nécessaire, en cohérence avec les nouvelles dispositions législatives.
L’article 3 vient compléter l’article L. 811-6 du code de l’éducation en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les pouvoirs d’investigation dont dispose le président ou le directeur pour l’établissement des faits susceptibles d’être portés à la connaissance du conseil académique constitué en section disciplinaire.
Le fait de disposer de compétences d’investigation élargies ne semble pas faire consensus parmi les responsables d’établissement, notamment en raison des conséquences sur leur positionnement au sein des établissements.
Après avoir adopté plusieurs amendements, la commission a voté en faveur du rejet de l’article 3. Ce dernier est par conséquent supprimé.
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Introduit par la commission
L’article 3 bis est relatif aux modalités d’exercice de leur mandat par les élus étudiants au sein des diverses instances des établissements publics d’enseignement supérieur.
Un amendement crée un nouvel alinéa à l’article L. 811‑3‑1 dans le code de l’éducation, qui prévoit que les élus étudiants siégeant au sein d’une section disciplinaire bénéficient d’un aménagement de leur emploi du temps pendant le temps de l’instruction de l’affaire.
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Adopté par la commission avec modifications
L’article 4 vise à assurer l’application des dispositions des articles 1 à 3 en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
Des amendements ont mis en cohérence l’article 4 avec l’intitulé du titre de la proposition de loi et certaines dispositions de l’article 2.
Afin d’assurer l’application des dispositions de la présente proposition de loi dans les territoires ultramarins soumis au principe de l’exception législative, un amendement adopté en commission au Sénat a créé un article 4.
Deux amendements des rapporteurs ont, d’une part, mis en cohérence les dispositions de l’article 4 avec l’intitulé du titre de la proposition de loi adopté en commission, d’autre part mis en conformité les références aux dispositions de l’article 2 relatives aux missions « égalité et diversité » applicables en outre-mer.
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Introduit par la commission
L’article 5 prévoit la remise au Parlement d’un rapport évaluant les moyens des établissements publics d’enseignement supérieur et leur déploiement en faveur de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre toutes les formes de racisme.
L’article 5 demande la remise d’un rapport du Gouvernement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, dressant un état des lieux des moyens budgétaires et humains affectés par les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre toutes les formes de racisme.
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Introduit par la commission
L’article 6 prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur le fonctionnement des commissions disciplinaires dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.
L’article 6 demande la remise d’un rapport du Gouvernement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, évaluant le fonctionnement des commissions disciplinaires dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, au regard de la réforme de la procédure disciplinaire mise en œuvre par la loi n°°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
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Introduit par la commission
L’article 7 prévoit la remise au Parlement d’un rapport, d’une part, sur les moyens mis en œuvre dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine, d’autre part, sur la diffusion des idées racistes, identitaires et néonazies au sein des établissements d’enseignement supérieur.
L’article 7, issu de deux amendements distincts, demande la remise d’un rapport du Gouvernement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi :
– évaluant les moyens déployés dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (2023‑2026), notamment par le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
– dressant un état des lieux des stratégies d’influence et d’implantation des idées racistes, identitaires et néonazies à l’œuvre dans l’enseignement supérieur et la recherche.
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La commission a enfin adopté deux amendements identiques, dont un des rapporteurs, étendant l’intitulé du titre de la proposition de loi à la lutte contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l’enseignement supérieur, afin de le mettre en concordance avec le contenu de la proposition de loi.
–– 1 ––
Au cours de sa réunion du mercredi 30 avril 2025 à 9 heures 30, la commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur (n° 1009) (M. Pierre Henriet et Mme Constance Le Grip, rapporteurs) ([87]).
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cette proposition de loi (PPL) est transpartisane. Déposée à l’initiative de nos collègues sénateurs Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, elle a été adoptée à l’unanimité par le Sénat le 20 février dernier. Ce moment revêt une certaine gravité, tant cette proposition de loi – courte, dense et composée de quatre articles – va bien au-delà d’un texte législatif. Elle est un véritable appel à défendre l’essence même de notre pacte républicain, cet universalisme républicain nourri de l’esprit des Lumières, assoiffé de raison, de savoir, de connaissance, d’ouverture, en un mot : cet humanisme.
L’universalisme républicain est aux prises avec un mal ancien, un poison insidieux, que plusieurs générations – dont la mienne – pensaient relégué aux heures les plus sombres de notre histoire. Je veux parler du poison de l’antisémitisme. Selon un sondage de l’Ifop réalisé en septembre 2023 pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), 91 % des étudiants de confession juive ont été victimes d’un acte antisémite, allant de la lourde blague antisémite à la menace verbale ou l’agression physique, en passant par les insultes, les remarques pleines de préjugés et de stéréotypes. Les signaux d’alarme étaient donc déjà allumés : l’antisémitisme était devenu le quotidien des étudiants juifs.
Depuis, ils ont peur de venir à l’université. Certains assistent uniquement aux travaux dirigés (TD) et désertent les cours en amphithéâtre. D’autres se cachent, dissimulent leur identité ou abandonnent carrément leurs études. La peur, l’isolement et le sentiment d’abandon les habitent.
Depuis le 7 octobre 2023, les actes antisémites se sont dramatiquement multipliés dans notre pays. Comme l’a dit récemment la ministre déléguée Aurore Bergé, « ce qui se dresse devant nous, ce n’est pas une vague, c’est une lame de fond », laquelle n’épargne pas l’université. Ce constat ô combien navrant a conduit le Sénat à installer, dans un premier temps, une mission d’information sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, confiée aux sénateurs Levi et Fialaire, dont les conclusions ont été adoptées à l’unanimité.
S’est ensuivie la présente PPL, qui repose sur trois piliers : éducation, prévention, sanction. Les dispositifs proposés s’inscrivent dans le cadre législatif existant sur la lutte contre le racisme et d’autres formes de discriminations, de violence et de haine. Cette démarche se situe dans la lignée des plans nationaux de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et autres formes de discriminations liées à l’origine qui caractérisent notre république. Je rappelle que l’actuel plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine – le Prado – couvre la période 2023-2026 et correspond à la rédaction de nombreuses dispositions de notre code pénal.
Les sénateurs ont voulu reconnaître une place singulière à la lutte contre l’antisémitisme – une forme particulière d’hostilité identitaire – dans le débat concernant le racisme, les discriminations, les violences et la haine, en l’inscrivant pleinement dans le champ des dispositions déjà existantes. Cette démarche, que nous avons faite nôtre, allie ainsi préservation, voire renforcement de l’existant et mise en visibilité du combat contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur.
L’article 1er vise à inscrire dans le code de l’éducation la formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine parmi les missions des établissements assurant le service public de l’enseignement – établissements d’enseignement supérieur, écoles, collèges, lycées, instituts nationaux supérieurs du professorat et d’éducation (Inspé). L’objectif est de créer une véritable chaîne de formation tout au long du parcours éducatif. Étonnamment, en effet, les objectifs de lutte contre les discriminations de toute nature, en particulier celles à caractère raciste, antisémite, ethnique ou religieux, ne figurent pas dans la partie législative du code de l’éducation.
L’article 2 porte sur les dispositifs de lutte et de signalement dans les établissements d’enseignement supérieur et dans les universités, dont il vise à rationaliser le fondement législatif, actuellement limité à la création d’une mission dédiée à l’égalité femmes-hommes – l’une des dispositions importantes de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso, de 2013. En pratique, de nombreux établissements se sont progressivement dotés de missions « égalité et diversité », dont le périmètre d’action est plus large que celui fixé par cette loi. Bien des établissements ont également déjà désigné des référents compétents pour la prévention et le traitement des actes antisémites et racistes et des violences sexuelles et sexistes.
En l’absence d’obligation unifiée figurant dans la loi de la République, de grandes disparités existent entre les établissements. Est également posé le sujet de la visibilité des dispositifs existants et de l’identification des référents. La PPL propose donc de généraliser les missions « égalité et diversité », en étendant leur champ d’intervention à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. En outre, est proposée la désignation systématique, en leur sein, d’un référent spécialisé dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Elles auront également l’obligation de déployer un dispositif de signalement garantissant l’anonymat des victimes et des témoins.
J’insiste sur l’importance de ce texte, au regard des situations absolument intolérables et extrêmement douloureuses que vivent beaucoup trop d’étudiants de confession juive dans les établissements d’enseignement supérieur et dans les universités, censés être des lieux de savoir et de transmission de la connaissance : ils doivent être préservés de ce fléau.
M. Pierre Henriet, rapporteur. « Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas » écrivait Jean Zay, ministre de l’éducation nationale et des beaux-arts, dans sa circulaire adressée aux recteurs le 31 décembre 1936. Ces mots, qui résonnent aujourd’hui avec une force singulière, nous rappellent que l’école comme l’université sont bien plus que de simples institutions : elles sont les sanctuaires de la raison, les phares qui éclairent les consciences et forgent les esprits libres.
Si l’antisémitisme a, hélas, traversé l’histoire de la France et de l’Europe, en adoptant des visages toujours renouvelés, les attaques du 7 octobre 2023 ont contribué à libérer, au sein de l’université, une parole et des comportements antisémites, jusqu’alors contenus ou tus. Depuis cette date, soixante-sept actes antisémites ont été recensés dans les universités et les grandes écoles françaises, soit le double de l’année universitaire précédente. Ces chiffres officiels ne révèlent qu’une partie de la réalité. Je le rappelle, selon une enquête de l’Ifop pour l’UEJF, 91 % des étudiants juifs déclarent avoir déjà été victimes d’actes ou de remarques antisémites à l’université, 45 % d’entre eux ayant subi des injures et 7 % été physiquement agressés. Au-delà des actes recensés, un antisémitisme d’atmosphère s’installe sur de nombreux campus : harcèlement insidieux, blagues répétées sur les Juifs ou la Shoah, tags anonymes ou menaces à peine voilées.
Face à ce constat, il est de notre responsabilité politique et morale de franchir une nouvelle étape. Il ne suffit plus de réaffirmer les valeurs de la République. Il faut donner les moyens aux acteurs et aux victimes de transformer l’indignation en action, de briser le silence et l’isolement, et d’opposer à chaque manifestation de haine une riposte ferme, concrète et immédiate.
Ce texte est le fruit d’un travail minutieux. J’ai l’honneur de rapporter pour la commission l’article 3, qui prévoit l’adaptation de la procédure disciplinaire à la poursuite des faits d’antisémitisme, de racisme, de violence, de discrimination, en complétant la liste des faits permettant de déclencher et de renforcer les pouvoirs d’investigation des établissements, ainsi que l’article 4, qui vise à assurer cette application outre-mer.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Roger Chudeau (RN). En prenant connaissance de cette proposition de loi sénatoriale, je n’ai pu m’empêcher de penser à l’audition des présidents et dirigeants d’université l’année dernière : nous avions pu constater un parfait déni du phénomène d’antisémitisme à l’université, par les responsables de celle-ci. Les choses ont changé : depuis l’épisode de Sciences Po Paris, nous assistons à une saine réaction. Mieux vaut tard que jamais.
L’antisémitisme est un délit réprimé par le code pénal. L’université ne dispose en la matière d’aucune franchise universitaire. Combien y a-t-il eu de saisines au titre de l’article 40 du code de procédure pénale pour antisémitisme à l’université ces dernières années ? M. le rapporteur vient d’évoquer le chiffre de soixante-sept signalements de faits antisémites, pour combien de poursuites et de condamnations ? Poser la question, c’est y répondre : il existe seulement six procédures disciplinaires et quatorze signalements au procureur de la République. On peut donc s’interroger quant à la volonté des gouvernements macronistes et des présidents d’université de sévir en la matière.
Cette anomie gangrène littéralement l’université. Les présidents d’université et le gouvernement portent une part de responsabilité dans la dégradation de la situation. En effet, neuf étudiants juifs sur dix déclarent avoir été victimes d’actes antisémites. La peur s’est installée chez les étudiants juifs de France. L’islamo-fascisme a désormais droit de cité dans nos universités. Chacun se souvient de la prise de contrôle de Sciences Po Paris par des éléments pro-Hamas l’an dernier. Le dernier incident est à cet égard particulièrement significatif : à l’université de Lyon-II, un professeur qui avait résisté à l’islamisation de l’espace universitaire a récemment été agressé par une quinzaine d’individus, courageusement cagoulés. Pire, la présidente de l’université, loin de porter secours à son collègue agressé, l’a accablé de reproches, en l’accusant d’islamophobie.
Le groupe Rassemblement national proposera quelques amendements et votera cette proposition de loi, qui constitue un progrès indéniable. Nous considérons toutefois qu’elle reste très en deçà de ce qu’il conviendrait de faire pour lutter effectivement contre cette plaie honteuse qu’est l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Elle traite en effet uniquement des conséquences de la montée de l’antisémitisme, non de ses causes.
L’antisémitisme qui se répand dans la société française et à l’université trouve ses origines dans deux phénomènes intimement liés : une entreprise de prise de contrôle religieux et politique des musulmans en France par l’islamisme radical frériste ; la récupération et l’instrumentalisation politique électorale par la gauche et l’extrême gauche.
M. Christophe Marion (EPR). Alors que nous étions rassemblés dimanche, partout en France, pour rendre hommage aux victimes et au héros de la déportation, que nous prenons connaissance depuis lundi des conclusions des assises dédiées à la lutte contre l’antisémitisme, le hasard du calendrier nous offre l’opportunité de réaffirmer et de mieux protéger nos valeurs fondamentales. Lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement, pilier de notre société, est un combat complexe qui nous oppose à un ennemi insidieux, diffus, millénaire, qui semble ne jamais vouloir déposer les armes. Il faut pourtant le combattre sans relâche car, comme le disait Brecht, « celui qui n’a pas pris part au combat partagera la défaite ». Nous ne la connaissons que trop bien, notre pays a la mémoire tachée et sait à quoi conduit un antisémitisme déchaîné.
À l’heure où le nombre d’actes antisémites augmente dans l’enseignement supérieur, il est de notre responsabilité de nous munir des meilleurs boucliers. Certains sont en cours de déploiement par le gouvernement : je pense au lancement d’un programme de recherche spécifique sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et d’une mission dédiée à la sécurité au sein des établissements, ainsi qu’à la transmission, en janvier dernier, d’une circulaire de politique pénale favorisant la prise en compte des signalements faits par les universités. D’autres sont à venir, notamment par la mise en œuvre des recommandations des assises, tels que le transfert des discours haineux dans le droit pénal général.
Cet arsenal défensif pourrait donc être utilement complété par l’adoption de cette proposition de loi. L’article 1er présente l’avantage de rendre obligatoire et de pérenniser la sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme. Si celle-ci fait, en pratique, déjà partie des missions des établissements, cet article permet de renforcer l’outil le plus efficace pour lutter contre l’antisémitisme : l’éducation. Votre rapport dresse en effet le constat de l’insuffisance des sensibilisations actuelles. Cet article prévoit aussi une formation des enseignants, essentielle tant ils peuvent se sentir démunis et craindre d’être exposés.
L’article 2 impose l’installation de missions Égalité et diversité disposant de référents dédiés à l’antisémitisme dans les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que de dispositifs de signalement. Cet article généralise des procédures jusque-là inégalement déployées : les étudiants ne seront plus isolés et disposeront d’un interlocuteur adapté et formé, qui recevra leur témoignage. Notre connaissance de l’état de l’antisémitisme au sein de l’enseignement supérieur sera meilleure et moins minorée, ce qui favorisera notre vigilance et l’adaptabilité de notre stratégie de lutte.
Enfin, l’article 3 donne les moyens aux établissements d’enseignement supérieur de déclencher des procédures disciplinaires pour des faits d’antisémitisme. Il renforce aussi le droit d’information des victimes sur les suites engagées à l’encontre de l’auteur des faits.
Si cette PPL a le mérite de conforter la lutte contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine, elle permet également de garantir que nos établissements d’enseignement supérieur soient des lieux de respect et d’apprentissage, de débat et de libres expressions. Le groupe Ensemble pour la République votera donc ce texte avec enthousiasme.
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Le racisme, s’il n’avait jamais disparu, se réaffirme à tous les étages, ici même avec l’arrivée en nombre de députés d’extrême droite, des micros tendus à des multirécidivistes en la matière, sur des chaînes d’information en continu, jusqu’au gouvernement qui leur déroule le tapis rouge. Cette situation a inévitablement des répercussions dans nos facultés, avec la montée du racisme et de l’antisémitisme : des personnes juives sont assimilées à la politique de l’État d’Israël ; avec les attaques contre le voile, l’islamophobie vise des jeunes femmes musulmanes.
Heureusement, notre jeunesse ne vous a pas attendu pour se mobiliser face à de telles injustices : à Rouen, les étudiants s’indignent et se révoltent face au racisme subi par l’un des leurs, à cause d’un professeur ; face au génocide à Gaza, ils font vivre contre vents et marées la solidarité internationale. En retour, l’extrême droite veut faire taire violemment les mobilisations, comme aux États-Unis, où Donald Trump contribue à aggraver la situation, notamment en insultant la prestigieuse université d’Harvard et en la qualifiant d’« institution antisémite ». Nous avons connu cette instrumentalisation par des antisémites de la première heure en France, particulièrement après le 7 octobre 2023, pour protéger coûte que coûte la politique génocidaire du gouvernement suprémaciste israélien.
La PPL s’inscrit dans ce contexte. Elle émane d’un gouvernement que l’on a rarement vu dans les mobilisations antiracistes. Les organisations étudiantes font pourtant état de la situation dans les facultés depuis des années. Si les missions dédiées à l’égalité déjà existantes ne traitent pas toutes de la question du racisme, elles manquent cependant toutes de moyens. Cette PPL constitue un bel effet d’annonce, alors que vous enchaînez les coupes budgétaires qui ne permettent pas aux universités de lutter efficacement contre ces phénomènes. Votre mépris à l’égard des mobilisations étudiantes, des professeurs et des présidences d’université en dit long sur vos réelles intentions. La lutte antiraciste est un combat sérieux, qui ne doit pas être instrumentalisé à des fins politiciennes et qui demande des moyens conséquents.
Ce texte réussit l’exploit de parler d’antisémitisme sans aborder une seule fois le déferlement de saluts nazis et de diatribes antisémites qui ont eu lieu ces derniers mois à Lille, à Caen, à Toulouse ou encore à Strasbourg. Vous parlez de racisme, sans nommer l’islamophobie, au moment où, jusqu’au plus haut sommet de l’État, les musulmans sont ciblés comme ennemis de l’intérieur et méprisés, même lorsqu’ils sont victimes d’attentats racistes. Cette PPL pourrait traduire la volonté de lutter contre tous les racismes et formes de discrimination, dont l’antisémitisme, si elle n’était pas entachée de l’instrumentalisation raciste de cette question. À l’heure où Trump attaque violemment les universités, ses chercheurs et ses étudiants, il est plus qu’urgent de protéger les libertés académiques, de réunion et d’association sur nos campus. C’est pourquoi nous serons particulièrement vigilants, afin de garantir un enseignement supérieur émancipateur et l’héritage français des libertés universitaires dans notre pays.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Cette PPL nous offre l’occasion de rappeler notre engagement sans faille à lutter contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les discriminations, dans l’enseignement supérieur et partout dans la société. Il est heureux que les rapporteurs aient choisi une approche qui ne s’applique pas uniquement à la lutte contre l’antisémitisme, ce qui permettra de faire évoluer quelques points qui posent question.
Par ailleurs, le groupe Socialistes et apparentés n’est pas convaincu de l’apport d’un arsenal juridique supplémentaire par ce texte, pour lutter efficacement contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, s’agissant notamment de l’application du droit existant et des moyens qui y sont affectés. Jaurès avait à cet égard une très belle formule : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. » Notre droit comporte des éléments extrêmement puissants pour lutter contre l’antisémitisme, d’ores et déjà illégal, comme le sont toutes les formes de racisme. Il nous faut traiter des raisons pour lesquelles certains étudiants se sentent menacés, alors qu’il existe déjà des sanctions. Deuxièmement, quels moyens permettent d’assurer le suivi des plaintes des victimes de discrimination ou de formes de racisme, en particulier antisémite ?
Il est quelque peu artificiel de vouloir renforcer la loi parce que nous n’assurons pas sa bonne application actuellement. Si nous pouvons empiler autant de textes qui ne seraient que des rappels de principe de notre droit, le risque d’une déception est immense. Le législateur prend lui-même le risque d’être complice d’une passivité de réactivité sociétale, sur l’antisémitisme et sur toutes les formes de racisme. La situation des étudiants risque de ne pas être concrètement améliorée. Interrogeons-nous aussi sur l’efficacité de la loi.
M. Alexandre Portier (DR). L’antisémitisme prolifère jusque dans nos universités, un lieu qui devrait pourtant par essence être consacré au savoir et aux débats respectueux. Soutenir cette proposition de loi, c’est rappeler qu’en France, la haine des Juifs n’a pas sa place, dans la rue ou dans les amphithéâtres. C’est une question d’honneur national. Il s’agit aussi de défendre le pacte républicain, qui unit tous les Français. Prévenir, identifier et sanctionner, telle est la logique de cette PPL. Nous soutenons cette initiative, avec exigence.
Une loi n’est évidemment utile que si elle est claire, efficace et, surtout, appliquée. Je défendrai à cet égard des amendements visant à nous faire regarder en face le vrai visage de l’antisémitisme contemporain, notamment celui qui se dissimule derrière l’antisionisme, proposant que les contenus de formation restent neutres, scientifiques et républicains, sans dérives idéologiques, que chaque université rende des comptes précis sur l’antisémitisme aux parlementaires et aux Français, pour assurer la plus grande rigueur des procédures disciplinaires.
Enfin, cette proposition de loi doit revêtir un message d’autorité. La République doit rester maîtresse chez elle, dans nos universités. Nous refusons que les activistes installent la peur ou le sectarisme, que l’impunité continue à miner la parole républicaine. Lutter contre l’antisémitisme, ce n’est pas céder à la mode des slogans mais restaurer, par des actes, l’ordre, le respect et la fierté d’être français. Nous voterons donc ce texte, en veillant à ce qu’il reste digne et à la hauteur de la gravité de l’enjeu.
M. Steevy Gustave (EcoS). Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, la résurgence du conflit israélo-palestinien s’est accompagnée d’une augmentation alarmante d’actes antisémites. Comme toutes les formes de haine, l’antisémitisme blesse les consciences, divise nos sociétés et fragilise nos idéaux communs. L’enseignement supérieur n’est pas épargné, faisant office de caisse de résonance des tensions géopolitiques. Depuis le 7 octobre, France Universités a recensé plus de soixante-sept actes antisémites dans nos universités, autant d’actes de trop.
L’enseignement supérieur est un haut lieu de savoir, d’émancipation, de liberté, où se forgent les esprits libres de demain. Aucun étudiant ne devrait craindre de s’y rendre, quelle que soit son origine, sa foi ou son identité. Le groupe Écologiste et social soutient cette proposition de loi, en ce qu’elle renforce les mesures de sensibilisation et de formation à la lutte contre le racisme et contre toutes les formes de discrimination, qui n’ont pas leur place dans nos universités.
Cependant, la lutte contre l’antisémitisme ne peut se faire au détriment des libertés académiques dont jouissent nos étudiants. L’article 3 brouille le message de ce texte. La volonté délibérée de professionnaliser la justice disciplinaire des étudiants par le recours à un juge administratif revient à rompre avec l’autonomie universitaire, principe fondateur de notre enseignement supérieur. Ce texte précise les types de sanctions disciplinaires à l’encontre des étudiants plus qu’il n’instaure de mesures concrètes prévenant l’antisémitisme. Nous refusons ces sanctions, dont la plupart sont répressives et liberticides : elles ouvrent grand la porte et les fenêtres à l’instrumentalisation et à la répression des libertés académiques.
Si nous discutons de l’enseignement supérieur, nous nous taisons sur un sujet essentiel : son sous-financement. Depuis plus de deux ans, nos établissements affrontent des baisses budgétaires lourdes. Nos étudiants, nos enseignants manquent de tout, y compris de moyens financiers pour lutter contre le racisme et toutes les formes de discrimination. Si l’accent est mis sur la lutte contre l’antisémitisme, ne perdons jamais de vue qu’il faut combattre le racisme dans son essentialité, y compris l’islamophobie, fléau bien présent au sein de nos universités, qu’il ne faut pas invisibiliser. C’est en refusant de hiérarchiser les formes de racisme et en combattant toutes les discriminations avec la même conviction que nous serons dignes de la confiance que la jeunesse place en nous. Notre groupe défendra donc des amendements visant à renforcer les mesures de sensibilisation et de formation pour lutter contre l’antisémitisme, et à garantir l’autonomie de l’université et la protection des libertés académiques.
Mme Delphine Lingemann (Dem). Je remercie les rapporteurs et les sénateurs Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire pour la qualité de leurs travaux. Depuis le 7 octobre 2023, la France fait face à une recrudescence préoccupante des agressions physiques et verbales à l’encontre des personnes de confession juive. Nos universités ne sont malheureusement pas épargnées par ce fléau. Selon un sondage déjà évoqué de l’Ifop de septembre 2023, neuf étudiants de confession juive sur dix ont été confrontés à un acte antisémite. Ces chiffres sont probablement sous-estimés, tant il est difficile de mesurer l’ampleur réelle de ces phénomènes.
Un tel constat est inacceptable : l’université doit rester un lieu d’apprentissage, de liberté d’expression et de débat. Cette liberté ne saurait s’exercer sans respect de l’autre. La haine n’a pas sa place dans nos établissements. Aucun étudiant en France ne devrait craindre pour sa sécurité sur les bancs de l’université. La France, patrie de la laïcité, a le devoir de protéger chacun de ses citoyens, quelle que soit sa confession. Cette proposition de loi répond à cet objectif, avec l’inscription de la sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme et au racisme parmi les missions de formation des établissements assurant le service public d’enseignement supérieur.
Toutefois, nous le savons, la sensibilisation ne suffit plus. Il est indispensable de doter les universités de moyens renforcés pour lutter contre l’antisémitisme. À cet égard, la généralisation des missions Égalité et diversité et la désignation en leur sein d’un référent dédié à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme constitue une avancée. S’il existe une personne en charge de l’égalité dans la totalité des établissements, seuls 55 % d’entre eux disposent d’une structure dédiée à l’égalité et à la lutte contre les discriminations. L’article 2 vise à corriger ces disparités.
D’autre part, le renforcement de la procédure disciplinaire est nécessaire. Comme l’a rappelé le nouveau directeur de Sciences Po Paris – Luis Vassy – lors de son audition au Sénat, en décembre dernier, les procédures disciplinaires restent trop longues et les actes antisémites sont encore trop rarement sanctionnés. Les dispositions de cette PPL comportent à cet égard plusieurs avancées significatives que le groupe Les Démocrates salue : les actes d’antisémitisme et de racisme figureront désormais parmi les motifs permettant d’engager une procédure disciplinaire ; les présidents d’université seront dotés de pouvoirs d’investigation ; une section disciplinaire commune à plusieurs établissements d’une même région académique sera créée, afin d’assurer un traitement plus serein des dossiers sensibles. Le groupe Les Démocrates apporte donc son plein soutien à ce texte. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire : le rapport remis au gouvernement à l’issue des assises de la lutte contre l’antisémitisme formule de nombreuses recommandations, dont nous gagnerions à nous saisir.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). En m’abstenant de faire de la politique politicienne, je veux dire que j’ai été scandalisé par les propos du collègue du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire. Vos propos, cher collègue, ont été scandaleux. Pendant trois minutes, vous vous êtes abstenu de dénoncer l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et vous avez mélangé, dans une sorte de confusion géante, des sujets importants, comme l’islamophobie et le combat contre la haine, témoignant ainsi de votre incapacité permanente à nommer les choses et à porter un combat. Vous n’êtes pas capable de voir que l’antisionisme est le nouveau visage de l’antisémitisme.
Je donnerai trois exemples, qui montrent que vous êtes complice de ce qui se passe dans nos universités. À Strasbourg, quand des étudiants s’en prennent à des étudiants juifs, ils les traitent de « fascistes » et de « sionistes ». À Tolbiac, l’inscription « à mort Israël » a été retrouvée sur le local de l’UEJF. À Sciences Po, les étudiants s’en prennent à des étudiants juifs et non pas israéliens, en les traitant de « fascistes » et de « sionistes ». Tant que vous n’admettrez pas l’antisionisme est le nouveau visage des antisémites dans notre pays, vous aurez du mal à participer au combat qui doit tous nous réunir.
Le poison de l’antisémitisme qui se déverse dans notre société doit être éradiqué de notre République, en particulier dans nos établissements d’enseignement supérieur. Nous ne pouvons accepter que des étudiants de confession juive soient stigmatisés, ostracisés, attaqués, voire interdits d’accès à un amphithéâtre. Comment accepter que certains étudiants juifs de France renoncent à franchir les murs de nos campus ? Comment tolérer que des étudiants juifs aient peur et se sentent abandonnés ? Un chiffre devrait nous alerter et nous mobiliser : 91 % des étudiants juifs disent avoir été victimes d’antisémitisme à l’université. Ce chiffre est une plaie, une meurtrissure pour notre République.
Cette proposition de loi n’est pas la solution miracle, elle ne résoudra pas tout. Elle apporte néanmoins des avancées importantes, que les députés du groupe Horizons°&°indépendants soutiendront, avec la détermination et la fermeté qu’exige la lutte contre l’antisémitisme. Elle permet de rappeler que la République se tient aux côtés des étudiants juifs de France, comme de l’ensemble des étudiants victimes de la haine, du racisme et des discriminations.
M. Joël Bruneau (LIOT). Cette proposition de loi part du constat alarmant de la montée en puissance de ces actes intolérables d’antisémitisme, en particulier depuis le 7 octobre 2023, même si ce poison existait sans doute déjà de manière latente depuis plusieurs années avant cette date fatidique. Les élus du groupe LIOT soutiendront cette PPL, bien que l’antisémitisme, comme cela a déjà été rappelé, soit déjà puni par la loi – penser qu’il suffit de légiférer pour résoudre un problème devrait faire réfléchir le législateur que nous sommes.
Le texte comporte certaines avancées intéressantes, mais la lutte contre l’antisémitisme doit évidemment se faire dans un cadre plus large de lutte contre toutes les formes de racisme, de discrimination ou de haine, qui sont d’ailleurs déjà réprimées par la loi. Il permettra d’inscrire explicitement une mission de sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme dans tout le parcours éducatif – reste à savoir sous quelle forme.
D’autre part, ce dispositif obligatoire et systématique de prévention, de détection et de signalement peut laisser espérer que les faits seront considérés d’une manière égale d’un établissement à l’autre et qu’il n’y aura pas de grandes disparités entre universités. Les présidents d’établissement, qui sont en première ligne, doivent sans doute être mieux accompagnés, et il n’est du reste pas très normal qu’il n’y ait pas vraiment de suivi ou qu’ils n’y soient pas associés lorsqu’ils procèdent à un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
Le texte prévoit un nouveau cadre disciplinaire, avec des sections disciplinaires communes et un élargissement des motifs constituant des fautes disciplinaires. Je pense qu’une très grande majorité de notre groupe soutiendra cette PPL, mais aucun texte ni aucune affectation de moyens budgétaires supplémentaires ne remplacera la vigilance rigoureuse de tous – présidents d’université, bien sûr, mais aussi enseignants et étudiants, qui doivent faire bloc face à ceux qui instillent ce poison de l’antisémitisme en s’abritant constamment derrière l’antisionisme, comme vient de le démontrer M. Patrier-Leitus.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les communistes, héritiers de la Résistance et de la lutte contre le nazisme, ont toujours participé aux luttes contre l’antisémitisme et toute forme de racisme. Nous portons cet engagement dans notre histoire, dans notre ADN politique et humain. Une proposition de loi portant en son titre l’objectif de lutter contre l’antisémitisme suscite donc bien évidemment chez nous un a priori positif, car il est évident que la lutte contre l’antisémitisme doit rester une priorité, à l’université comme ailleurs.
Cependant, à la lecture du texte, cet a priori pose question. Tout d’abord, en se concentrant exclusivement sur l’antisémitisme, la proposition de loi passe sous silence les autres formes de racisme et de discrimination qui gangrènent malheureusement encore l’enseignement supérieur. Si les spécificités historiques de l’antisémitisme doivent être reconnues, les dissocier des autres formes de haine présente un risque. En isolant l’antisémitisme du combat universel contre toutes les formes de racisme, on fragmente les solidarités indispensables et on affaiblit l’efficacité collective de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Cette première observation suffit à ébranler l’a priori positif que nous pouvions avoir à l’égard de ce texte. Fidèles à notre exigence d’une lutte sans faille contre l’antisémitisme et soucieux d’éviter toute ambiguïté, nous déposerons donc des amendements aux articles 1er et 2, afin de défendre une approche plus universelle de ce combat.
À l’article 3, nous ne voyons ni objectif louable ni simple différence d’approche. Sous couvert d’améliorer la réponse disciplinaire face aux actes discriminatoires, cet article introduit une transformation profonde des procédures, prévoyant la création de sections disciplinaires régionales présidées par un membre de la juridiction administrative, en lieu et place des sections actuelles, composées d’élus universitaires. Ce glissement vers une judiciarisation et une verticalisation des procédures rompt avec un modèle fondé sur la proximité, l’apaisement et le caractère éducatif de la sanction. C’est briser l’équilibre essentiel de la vie universitaire et ouvrir la porte à une conflictualisation permanente du campus. En outre, cet article inscrit dans la loi une définition vague et dangereuse des fautes disciplinaires. Sanctionner des faits portant atteinte à l’ordre et au fonctionnement de l’établissement revient à criminaliser des mobilisations universitaires et des mouvements étudiants, et à menacer la liberté d’expression et de manifestation. Nous donnons donc l’alerte : sous prétexte de lutte contre l’antisémitisme, cet article porte atteinte aux libertés fondamentales. S’il n’est pas supprimé ou profondément réécrit, nous ne pourrons malheureusement pas voter le texte.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des autres députés.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le racisme n’a pas sa place dans la République, ni ceux qui l’entretiennent. La lutte contre l’antisémitisme mérite mieux que des réponses confuses, symboliques ou instrumentalisées. Or je crains, notamment à la lecture du rapport, que l’article 3 de cette proposition de loi n’ouvre la voie à une répression grave des luttes étudiantes sous prétexte de renforcer les procédures disciplinaires. Les mobilisations contre le génocide perpétré par le gouvernement Netanyahou à Gaza ou les occupations contre l’austérité sont ainsi visées par cet article ; or elles me semblent légitimes et indispensables. Quelles autres causes seront frappées demain ?
Avec cette proposition de loi, les présidents auront des pouvoirs d’investigation allant jusqu’à pouvoir fouiller la téléphonie des étudiants et sanctionner tous les faits jugés nuisibles à la réputation de l’université, en interne comme en dehors des campus. Des formulations vagues, subjectives et dangereuses laisseront une place à l’arbitraire et aux abus.
Enfin, le dernier mot en matière de sanction reviendra aux recteurs, nommés par le ministre de l’éducation nationale et le président de la République, c’est-à-dire par l’exécutif, pour des faits internes à des universités pourtant déclarées autonome par la loi et compétentes pour ce qui les concerne. La communauté académique, quant à elle, tient au principe de justice par les pairs.
Mme Frédérique Meunier (DR). L’antisémitisme est un délit et il est de la responsabilité des chefs d’établissement et des présidents d’université de prendre des mesures disciplinaires. Quelles garanties seront mises en place dans l’application de ces procédures disciplinaires pour éviter toute dérive ?
Je m’interroge également sur le coût de certains dispositifs prévus. L’article 2 impose aux établissements d’enseignement supérieur l’obligation de mettre en place des missions Égalité et diversité, avec un référent dédié à l’antisémitisme et au racisme, ainsi qu’un dispositif de signalement. Comment les établissements pourront-ils remplir ces obligations, notamment pour ce qui est des ressources humaines et financières ?
M. Alexis Corbière (EcoS). Il faut, bien sûr, lutter contre l’antisémitisme à l’université, comme il faut y lutter contre le racisme et contre l’homophobie, mais nous pouvons juger de ce texte notamment par son article 3, qui prévoit des motifs de sanctions renforcées pour la perturbation du « bon déroulement des activités qui y sont organisées. » Or, parmi les traditions politiques de la France, le monde universitaire et étudiant a honoré notre pays lorsque les étudiants se sont mobilisés contre la guerre d’Algérie, comme ils l’ont fait contre la guerre du Vietnam et contre la guerre du Golfe. Quiconque est allé à l’université sait que la formation des étudiants passe par les cours, transmis par les enseignants, mais également par l’ambiance politique qui y règne et dont on apprend aussi : grâce aux débats organisés et à la possibilité d’un fait syndical à l’université, on s’émancipe, on s’ouvre, on s’agrandit. Est-ce perturber un cours que de prendre la parole au début de celui-ci pour dénoncer une situation internationale ? Avec votre texte, Daniel Cohn-Bendit serait remis en cause ! Je constate aussi, de la part de certains ici, un grand silence quant aux actes antisémites de l’UNI – Union nationale interuniversitaire – à l’université.
M. Eric Liégeon (DR). « Ne la laissez pas entrer, c’est une sioniste ! » C’est ainsi que, le 12 mars 2024, des militants propalestiniens ont interdit à une étudiante juive l’accès à un amphithéâtre à Sciences Po. Depuis le 7 octobre 2023, on observe une recrudescence significative des actes antisémites dans notre pays, en particulier dans les établissements d’enseignement supérieur. Ces actes sont inacceptables et intolérables. L’antisémitisme est un délit puni par la loi et nous avons le devoir de le combattre collectivement sans relâche, en particulier au sein de nos universités. Je salue donc l’initiative de nos collègues qui ont déposé cette proposition de loi.
Le texte prévoit notamment que tout membre du personnel ayant connaissance d’actes ou de violences visant des personnes juives devra en informer la présidence de l’université. Des sanctions sont-elles envisagées en cas de non-dénonciation de tels faits ?
M. Pierre Henriet, rapporteur. Il me semble unanimement reconnu que cette proposition de loi, dans la rédaction issue de travaux du Sénat, vise à lutter non seulement contre l’antisémitisme, mais également contre l’ensemble des formes de racisme, de haine et de violence. C’est pourquoi, lors de l’examen des amendements, nous reprendrons certains points soulevés par nos collègues pour que la rédaction et les titres du texte correspondent à son objet réel.
L’article 3, à propos duquel des inquiétudes ont été exprimées, prévoit une réforme permettant de mieux lutter contre les faits de violence, d’antisémitisme et de racisme et, surtout, de prendre en compte le sérieux de ces faits, avec l’appui d’experts indépendants spécialisés dans les procédures judiciaires. Il s’agit ainsi de renforcer ce cadre et de permettre à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur et de recherche de disposer de ces moyens tout en garantissant leur liberté de ne les saisir que si le président de l’établissement le souhaite. Si nous voulons renforcer l’autorité et nous assurer que cette loi ne soit pas seulement une loi bavarde qui change des mots, mais qu’elle change les procédures et fasse appliquer le droit, il faut mieux outiller l’ensemble du corps universitaire en lui permettant de s’appuyer sur ces expertises.
Je précise à l’intention particulière de mes collègues de gauche que je ne pense pas que la lecture de l’article 3 révèle une volonté d’empêcher les luttes étudiantes, et encore moins un caractère arbitraire. Au contraire, le dispositif sera appuyé sur une expertise indépendante lorsque les présidents d’université le souhaiteront, pour éviter les conflits d’intérêts ou une trop grande proximité entre l’expertise et les personnes faisant l’objet d’une instruction en section disciplinaire. Pour éviter l’arbitraire, il est donc important de soutenir cet article 3.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Les interventions que nous avons entendues sont éclairantes et je remercie celles et ceux de nos collègues qui ont apporté leur soutien à ce texte, comprenant qu’il n’a pas vocation à régler la question éminemment douloureuse et alarmante de la recrudescence des actes et propos antisémites dans l’enseignement supérieur, mais qu’il apporte quelques pierres à l’édifice et témoigne d’une prise de conscience de ce que c’est dans le dur de la loi, dans le texte même du code de l’éducation, que doivent être affirmés des missions et des objectifs exprimant une ambition forte d’appliquer une tolérance zéro et de lutter fermement et avec détermination contre toutes les discriminations et tous les racismes. De fait, comme l’a souligné hier encore le ministre Philippe Baptiste dans la conférence de presse où il présentait un programme de recherche du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche destiné à mieux comprendre, analyser, mesurer et décrypter les ressorts de l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et la recherche, la progression de l’antisémitisme depuis plusieurs années est un signal d’alerte qui préoccupe les pouvoirs publics.
Pour ce qui concerne les garanties et les financements, que nous avons évoqués durant les nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé et sur lesquels les sénateurs s’étaient également penchés, ce n’est pas dans le cadre de cette proposition de loi que nous pourrons apporter des réponses, et il appartiendra notamment à vos rapporteurs pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche de se mobiliser à ce propos dans le cadre des débats budgétaires à venir et d’interroger l’exécutif. Du reste, de très nombreux établissements ont déjà mis en place les missions « égalité et diversité » et désigné des référents racisme et antisémitisme. Le dispositif existe et fonctionne donc déjà, même s’il n’est pas assez efficace ni assez visible pour les étudiants ou les personnels qui pourraient en avoir besoin. Les établissements qui ont déjà affecté à ces missions les ressources humaines et les moyens nécessaires au titre de l’autonomie des universités sont tout à fait disposés, comme nous le confirment les présidences d’université par l’intermédiaire de France Universités, à prendre le sujet à bras-le-corps et à le traiter avec beaucoup de responsabilité et de gravité, compte tenu de l’impératif politique affirmé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et par le législateur que nous sommes.
Avant l’article 1er
Amendements identiques AC82 de Mme Constance Le Grip et AC52 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Constance Le Grip, rapporteure. L’amendement AC82 vise à insérer dans le titre du chapitre Ier de la proposition de loi, après le mot « antisémitisme », les mots : « , le racisme, les discriminations, les violences et la haine ». Il s’agit, je le répète, de mettre en correspondance ce titre avec le contenu même de l’article 1er et des dispositions votées par les sénateurs. Le combat contre l’antisémitisme s’inscrit en effet dans le combat général contre les racismes, les discriminations, les violences et la haine. Cet universalisme républicain et cette mobilisation universelle sont la marque de fabrique des politiques publiques menées par la puissance publique et les différents acteurs. Les plans nationaux de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les discriminations liées à l’origine se situent clairement dans cet universalisme républicain.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Je ne puis que me féliciter de ce que la rapporteure ait repris notre amendement, qui rend les titres apparaissant dans la proposition de loi plus adéquats à son contenu.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous soutiendrons cet amendement au nom du combat universaliste que vous avez rappelé, madame la rapporteure, mais, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue communiste, pour lutter efficacement contre l’antisémitisme, il faut aussi tenir compte de ses spécificités et de son histoire particulière. Il faut donc, bien entendu, des réponses universelles et un combat universel contre tous les types de haine, mais il ne faudrait pas que ce changement de titre nie ou remette en cause les spécificités de l’antisémitisme dans le contexte d’un antisionisme galopant.
M. Roger Chudeau (RN). Il existe en effet un léger risque d’invisibiliser ou d’atténuer l’objet central de cette PPL, qui est l’antisémitisme. Il faut, bien sûr, lutter contre tous les racismes – la question ne se pose même pas –, mais nous examinons ici une PPL relative à l’antisémitisme, qui n’est pas un racisme ordinaire, car c’est celui de la Shoah. Je crains donc que cet amendement n’affaiblisse la portée du texte. Nous nous abstiendrons.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement. L’antisémitisme a certes des spécificités, mais comme toutes les formes de racisme. Ainsi, le fait que la négrophobie ait des origines spécifiques, comme l’esclavage et la colonisation, ne nous empêche pas d’inclure, par cohérence, la lutte contre ce racisme. Par ailleurs, notre collègue d’extrême droite a parlé de l’antisémitisme lié à la Shoah mais, en Europe et dans le monde, l’antisémitisme a une histoire qui remonte très loin. Il existe en effet un antisémitisme lié à la chrétienté et, malgré des conversions forcées de personnes juives, ces dernières sont restées juives, victimes d’un processus de racialisation qui est une forme spécifique de racisme. Il ne faudrait donc pas raconter n’importe quoi sur les spécificités ! Toutes les formes de racisme ont des spécificités, mais elles s’intègrent dans un combat commun.
M. Steevy Gustave (EcoS). Le terme de « racisme » englobe toutes ces spécificités que sont l’homophobie, la négrophobie et l’antisémitisme. Selon moi, le titre qui conviendrait inscrirait donc d’abord le mot de « racisme », puis celui d’« antisémitisme ».
M. Alexandre Portier (DR). Malgré une bonne intention, cet amendement risque de diluer ce qui était la force et la singularité de cette proposition de loi, qui visait une action ciblée sur l’antisémitisme, mal qui prend aujourd’hui un nouveau visage. Nous nous abstiendrons donc.
Mme Caroline Yadan (EPR). La spécificité de l’antisémitisme repose sur deux choses : la nature et le nombre. La nature, c’est que, depuis quinze ans – depuis l’enlèvement d’Ilan Halimi –, on tue des Juifs en France parce qu’ils sont juifs. Quant au nombre, je rappelle que les actes antisémites représentent plus de 60 % de l’ensemble des actes racistes, alors que la communauté juive représente moins de 1 % de la population française. Il y a donc bien une spécificité. Cela ne signifie nullement que les autres formes de racisme ne sont pas condamnables, mais ne pas voir cette spécificité relève du déni.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je soutiendrai cet amendement, qui vise à ajouter des mots très importants. En effet, mettre l’antisémitisme à part créerait une hiérarchisation entre les discriminations et enverrait le message terrible que certaines souffrances seraient plus graves que d’autres.
La commission adopte les amendements.
Article 1er : Sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine tout au long du parcours éducatif
Amendements AC13 de Mme Marie Mesmeur, AC73 de M. Steevy Gustave, AC10 de Mme Soumya Bourouaha et AC90 de Mme Constance Le Grip (discussion commune)
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le racisme se transforme, adopte de nouvelles formes et évolue avec le temps et la société. Mal définir le terme d’antisémitisme pourrait avoir un impact délétère sur la véritable lutte contre ces formes de racisme. La définition du code pénal permet de rendre cette proposition de loi durable et efficace dans le temps, et de clarifier la portée du texte afin de n’oublier aucune forme de discrimination. Elle seule permet en effet de sanctionner ces actes racistes. Or les termes intégrés dans l’article 1er ne sont pas définis par la loi, ce qui induit une confusion et un risque d’arbitraire, puisque cette définition est mouvante dans l’histoire.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement vise à éviter toutes les formes de hiérarchisation des discriminations et à rappeler l’essence même du texte : la lutte contre toutes les formes de racisme dans l’enseignement supérieur. Chaque racisme a sa spécificité – l’antisémitisme et l’islamophobie en sont des formes – et la lutte contre l’antisémitisme doit s’inscrire dans une démarche globale de lutte contre toutes les formes de racisme.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amendement AC10 vise à substituer aux mots : « l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine » les mots : « toutes les formes de racisme et de discrimination ».
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Mon amendement AC90 est rédactionnel.
Je formule un avis défavorable aux autres amendements, qui invisibiliseraient l’antisémitisme en retirant la référence expresse à celui-ci pour l’englober plus largement dans le terme de « racisme ». Cette hostilité identitaire très particulière et très ancienne qu’est l’antisémitisme a une singularité et n’est pas un racisme comme les autres – je renvoie à ce propos à de très nombreux travaux historiques, à commencer par le récent rapport du groupe de travail demandé par les ministres Aurore Bergé et Élisabeth Borne dans le cadre des assises de lutte contre l’antisémitisme. Le mot : « antisémitisme » doit rester.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Chère collègue du groupe LFI, vous nous dites qu’un mouvement politique réactionnaire redéfinit l’antisionisme comme un antisémitisme et citez la ministre Aurore Bergé, pour qui « l’antisionisme et la haine décomplexée d’Israël sont devenus les masques modernes de la haine antijuive », puis vous nous expliquez noir sur blanc, dans l’exposé sommaire de votre amendement, qu’il s’agit là d’un dévoiement de la lutte contre l’antisémitisme. Pourquoi ne pouvez-vous pas accepter que l’antisionisme soit le nouveau visage de l’antisémitisme ? J’ai cité les exemples de Strasbourg, de Sciences Po Paris et de Tolbiac : c’est, chaque fois, de l’antisionisme qui conduit à de l’antisémitisme et à des actes de violence contre les Juifs. Avec des tags employant le mot « sioniste » et des insultes traitant les gens de « fascistes sionistes », le nouvel antisémitisme est malheureusement, que vous le vouliez ou non, un antisionisme.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). J’espère que nous ne jouerons pas à ce ping-pong chaque fois qu’un député LFI s’adressera à vous. Je me suis référée à la définition du code pénal, mais je peux aussi vous inviter à lire la définition de l’antisémitisme qui figure dans la déclaration de Jérusalem. Cela pourrait faire réfléchir et faire avancer nos travaux.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre ces amendements, car nous considérons, comme Mme la rapporteure, qu’ils relèvent d’une tentative d’invisibilisation du sujet central de cette PPL, qui est l’antisémitisme. Introduire, par exemple, le concept frériste d’islamophobie, qui n’a rien à voir dans l’affaire, nous semble être une pente dangereuse.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Parmi les antisionistes, il y a des antisémites, mais toutes les personnes qui remettent en cause les politiques menées actuellement par l’État d’Israël ne sont pas antisémites. Il existe en la matière une certaine confusion permanente, que recherchent notamment les personnes qui défendent la politique de l’État d’Israël, et c’est bien cela qu’il nous faut clarifier, posément et tranquillement. Notre mobilisation est totale contre l’antisémitisme, mais lutter contre cette confusion permet d’y voir plus clair.
Le mot : « antisémitisme » étant maintenu dans le titre du chapitre, il n’est pas du tout question de l’invisibiliser – nous avons d’ailleurs voté l’amendement d’élargissement du titre proposé par Mme la rapporteure. Ces amendements vont dans le bon sens pour éviter de hiérarchiser les formes de racisme.
Mme Caroline Yadan (EPR). La définition opérationnelle de l’antisémitisme fixée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste et adoptée par l’Assemblée nationale en 2019 rappelle notamment que la comparaison entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis est susceptible de constituer un discours antisémite. Selon cette définition, la critique de tout gouvernement, et en particulier de celui d’une grande démocratie comme Israël, est bienvenue – et elle a lieu tous les jours –, mais la remise en cause de l’existence de cet État s’apparente, quant à elle, à de l’antisémitisme. De fait, aucun pays au monde ne voit la critique prendre la forme d’un appel à sa destruction. Enfin, on tue des Juifs en France au nom de la haine d’Israël.
La commission rejette successivement les amendements AC13, AC73 et AC10.
Elle adopte l’amendement AC90.
Amendement AC76 de M. Alexandre Portier
M. Alexandre Portier (DR). L’antisémitisme actuel ne se limite plus à l’extrême droite classique. Il est temps de sortir du déni et d’actualiser les grilles de lecture du passé. Selon le rapport 2023 du Service de protection de la communauté juive (SPCJ), plus de 1 200 actes antisémites ont été recensés en France en 2023, ce qui représente une hausse de plus de 284 % après les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre. La majorité de ces actes ont été perpétrés dans des contextes mêlant antisionisme radical, islamisme et activisme extrême. Ignorer cette évolution, c’est manquer la cible et fermer les yeux sur la réalité des phénomènes dont nous parlons. L’amendement vise donc à assurer que la formation propose aux étudiants un panorama exhaustif des différentes formes d’antisémitisme. La haine des Juifs est une forme de racisme et aucun motif politique ou religieux ne peut la justifier.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je partage l’esprit que vous avez voulu insuffler à cet amendement, et je comprends l’importance que vous accordez au contenu de la formation à la lutte contre l’antisémitisme et toutes les autres formes de racisme, dont nous souhaitons faire une des missions essentielles des établissements assurant le service public de l’enseignement. Il importe en effet que cette formation soit dense, ajustée, appropriée, adéquate, pertinente, et clairement ciblée tant sur l’histoire – ce besoin est souligné dans le rapport remis ce lundi par le groupe de travail « éducation » formé dans le cadre des assises de lutte contre l’antisémitisme – que sur la sociologie.
Je crains toutefois qu’il soit difficile d’inscrire dans le dur de la loi des considérations quant au contenu des formations, qui relève du domaine réglementaire. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Alexandre Portier (DR). Je le maintiens, d’autant que nous donnerions ainsi un appui supplémentaire aux politiques, mais aussi aux présidents d’université. S’il faut certes, dans bien des cas, éviter que la loi bavarde, nous devons aussi donner des outils et fixer une ligne politique claire, au plus haut niveau, sur des éléments qui sont loin d’être purement symboliques, afin de rééquilibrer les débats.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC37 de Mme Caroline Yadan
Mme Caroline Yadan (EPR). Le rapport du Sénat sur la proposition de loi met l’accent sur le risque de dérives antisémites au sein des universités, précisant « qu’un climat d’antisémitisme à bas bruit [tend] à s’y enraciner, sous l’effet d’une certaine banalisation des discours antisémites », climat qui « se traduit notamment par la récurrence d’actes anonymes au quotidien, telles que des inscriptions dans les espaces communs, et par une certaine institutionnalisation des thématiques antisionistes, portées par des listes élues de représentants étudiants ».
Je propose donc de prévoir que le suivi de la formation à la lutte contre l’antisémitisme conditionne la participation des élus aux instances au sein desquelles ils sont amenés à siéger, afin de garantir que tous les membres de ces organes représentatifs comprennent et respectent les valeurs républicaines auxquelles nous sommes attachés.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Vous prétendez, dans l’exposé sommaire de votre amendement, que les conseils d’administration seraient « instrumentalisés pour relayer des prises de position de haine, de rejet et d’essentialisation des Juifs ». C’est faux. De nombreux établissements d’enseignement supérieur ont simplement pris position contre les crimes de guerre commis à Gaza, à l’image de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a déploré la souffrance inacceptable causée au peuple palestinien par l’intervention de l’armée israélienne, tout en rappelant la nécessité de veiller à ce qu’aucune forme de discrimination, de racisme ou d’antisémitisme ne s’exprime en son sein.
Je vous mets au défi de citer la moindre formule douteuse qui figurerait dans une motion adoptée par le conseil d’administration d’une université. En réalité, cet amendement montre l’intention à peine voilée de cette proposition de loi : porter atteinte à la liberté d’expression au sein de l’enseignement supérieur. Vous utilisez exactement les mêmes arguments que ceux avancés par Trump pour justifier la suppression des financements publics à des universités comme Harvard ou l’interdiction de l’accueil des étudiants étrangers.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. L’amendement est intéressant, car la formation est au cœur des débats qui nous occupent. Tout ce qui concourt au renforcement des instruments de savoir, de formation et de sensibilisation doit être examiné avec attention.
Dans sa rédaction actuelle, il me semble néanmoins contrevenir aux principes qui régissent la présentation à une élection. Je vous propose donc de le retirer et de le retravailler en vue de l’examen en séance.
Mme Caroline Yadan (EPR). L’alinéa 7 prévoit que les élus bénéficient d’une formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine., ce qui est une bonne chose. Je souhaite simplement que cette formation soit préalable à l’exercice du mandat. Je maintiens donc mon amendement, même si nous pourrons effectivement en rediscuter d’ici à l’examen en séance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC75 de M. Alexandre Portier
M. Alexandre Portier (DR). Si la généralisation des formations à la lutte contre l’antisémitisme constitue une évolution positive, il est impératif de garantir leur rigueur et leur neutralité. Le rapport de la mission d’information du Sénat consacrée à l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, remis le 26 juin dernier, a mis en évidence des dérives idéologiques au cours de certaines interventions d’associations, parfois totalement déconnectées des réalités universitaires. Dans plusieurs établissements parisiens, des formations ont ainsi donné lieu à des accusations de partialité ou de militantisme excessif.
Alors qu’on assiste à des dérives hallucinantes, il est essentiel que les formations soient prodiguées par des personnes compétentes, objectives et non militantes, pour limiter les biais idéologiques. Mon amendement se veut, là encore, un outil mis à la disposition des présidents d’université et du politique, pour que le cadre de formation soit le plus républicain possible.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je comprends parfaitement votre souhait de conforter le contenu des différentes formations et de l’asseoir sur un certain nombre de principes, à commencer par le respect des valeurs de la République. Si certaines formations sont dispensées ou cornaquées par la Dilcrah – délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT –, dont l’autorité en la matière est incontestable et ne saurait faire l’objet du moindre soupçon, il est vrai que cette dernière ne pourra pas toutes les assurer si elles venaient à être généralisées comme le prévoit le texte, et qu’il faudra donc veiller au pilotage de tous les organismes, associations ou instances impliqués.
La volonté de mentionner explicitement que ces formations doivent être élaborées sous l’autorité de la puissance publique et respecter les valeurs de la République peut donc s’entendre. Je vous propose toutefois de retirer votre amendement afin d’aboutir, d’ici à la discussion en séance publique, à une rédaction resserrée, plus conforme à la sobriété voulue par nos collègues sénateurs.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Cet amendement me paraît délicat, car il suggère que certaines des formations proposées par la Dilcrah ne respectent pas les principes de neutralité et d’objectivité scientifique, ce qui ne me semble pas être le cas – à moins que vous ayez des exemples précis à nous soumettre. J’émets donc un avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il faut toujours avoir la main qui tremble quand on entend permettre à l’exécutif de s’immiscer dans la vie des universités. D’autres gouvernements, bien plus malveillants que vous ne l’êtes – même si votre politique en la matière est éminemment critiquable –, pourraient vouloir prendre des décisions contre les universités. Sur ces questions, il faut agir avec précaution.
Si elles sont bienvenues, ces formations sont avant tout un aveu d’échec, car c’est en réalité l’école républicaine qui devrait former nos concitoyens à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le sexisme. Seulement, elle n’en a pas les moyens, pas plus que l’université n’aura les moyens d’assurer ces formations, puisque leur budget a baissé de près de 1,5 milliard d’euros depuis votre dernière utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. Il est question ici de formations qui ne pourront peut-être pas être dispensées, faute de moyens, et qui ne sont nécessaires que parce que vous n’avez pas permis à l’école de remplir ses missions, le tout pour favoriser des interventions de l’exécutif dans un domaine qui devrait en être protégé. Vous êtes en pleine dérive !
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je rappelle qu’il est des endroits, en France, où on ne peut pas enseigner la Shoah. Les formations, indispensables, notamment en matière historique, sont bien prévues. Seulement, on ne peut pas les assurer partout. Chaque année, on nous signale des perturbations dans des établissements scolaires au moment d’enseigner la Shoah. Ce phénomène existe, vous ne pouvez pas le nier !
Je salue la proposition de la rapporteure de retravailler cet amendement, car la formation est un enjeu central. Comme le rappelait notre collègue Yadan, les élus qui représentent les étudiants dans les conseils d’administration des établissements d’enseignement supérieur sont formés. Prévoir qu’ils le soient aussi à la lutte contre la haine, les discriminations et l’antisémitisme ne paraît pas totalement absurde.
M. Roger Chudeau (RN). Nous comprenons et partageons le souci de notre collègue d’assurer que les formations soient conçues par les ministères compétents, mais il nous semble que rien ne s’oppose à ce que les deux ministres produisent des arrêtés en définissant le contenu. En outre, l’amendement prévoit que ces contenus seront élaborés « sous l’autorité conjointe des ministres de l’éducation et de l’enseignement supérieur et validés par les ministères ». Je ne crois pas que les ministères valident la production politique des ministres : il y a là, me semble-t-il, un problème rédactionnel.
Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement s’il devait être maintenu.
M. Alexandre Portier (DR). Notre collègue Boyard semble découvrir que former est la première mission de l’université. Qu’il se rassure : les universités sont parfaitement capables d’élaborer des programmes de formation et elles disposent de budgets pour cela. En tout état de cause, élaborer des cadres de formation et défendre des principes républicains n’est pas tant une question de moyens que de volonté et de courage politique – même si nous n’avons visiblement pas tous la même définition de ces notions. Enfin, définir des programmes est précisément la vocation du ministère de l’éducation nationale, qui s’y emploie, sur proposition du Conseil supérieur des programmes (CSP). Nous sommes tout à fait capables de le faire.
J’ai cependant bien entendu les remarques des rapporteurs et retire donc mon amendement, que je retravaillerai d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 1er modifié.
Avant l’article 2
Amendements identiques AC83 de Mme Constance Le Grip et AC53 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit de faire concorder le titre du chapitre II avec le contenu de la proposition de loi issue des travaux du Sénat, en ajoutant, après le mot « antisémites », les mots « racistes, discriminatoires, de violence et de haine ».
La commission adopte les amendements.
Article 2 : Prévention, détection et signalement des actes racistes et antisémites, de discrimination, de violence et de haine, survenant dans les établissements publics d’enseignement supérieur
Amendement AC84 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Nous souhaitons simplifier la rédaction de l’alinéa 4 en faisant clairement référence à l’article L. 719-10 du code de l’éducation qui crée la mission dite Égalité et diversité, en prévoyant que le président de l’université présente chaque année au conseil d’administration un rapport d’activité de ladite mission, incluant un compte rendu spécifique aux actions de lutte contre l’antisémitisme et le racisme, et en rétablissant une disposition supprimée par une réécriture sénatoriale.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AC2, AC14, AC74, AC 26 et AC27 tombent.
Amendement AC107 de M. Roger Chudeau
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement qui tend à remplacer le mot « diversité » par le mot « fraternité » en divers endroits de l’article 2. L’expression « égalité et diversité » existe déjà depuis de nombreuses années. Pour le coup, nous nous contentons de reprendre fidèlement les termes de nos collègues sénateurs.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Voilà un amendement trumpiste par excellence, puisqu’il vise à lutter contre les politiques de promotion de la diversité, et même tout simplement à nier cette notion. Le bilan des cent premiers jours de M. Trump ne peut qu’amener chacun à prendre conscience de la dangerosité de son projet, que vous soutenez même si vous tentez de vous en dissocier.
M. Roger Chudeau (RN). Trump n’a rien à voir dans l’affaire, chère collègue : vous êtes complètement hors sujet. Par ailleurs, accoler le concept de fraternité à celui d’égalité aurait été un beau geste. La diversité renvoie en effet à des assignations diverses et variées, alors que la République ne connaît que des citoyens.
Mon amendement était tout à fait défendable. Vous m’avez donné l’occasion de le faire. Je vous en remercie.
M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Cet amendement révèle tout le ridicule de la position du Rassemblement national sur cette proposition de loi : à l’évidence, il ne se soucie guère de l’antisémitisme, qui fait partie intégrante de son histoire comme de son actualité politique. La seule chose que lui inspire le texte, c’est une critique de prétendues dérives wokistes : voilà qui montre bien le niveau de l’argumentation !
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’amendement AC91, rédactionnel, de Mme Constance Le Grip, rapporteure.
Amendement AC3 de M. Roger Chudeau
M. Roger Chudeau (RN). Nous estimons que la mission « égalité et diversité » doit être placée sous l’autorité directe du président de l’université ou de l’établissement : symboliquement, cela aurait beaucoup plus de force.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. La loi charge le président d’installer la mission, mais son positionnement est laissé à la libre appréciation des équipes dirigeantes. En accord avec France Universités, nous souhaitons conserver cette souplesse dans l’organisation.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). En voulant donner encore plus de pouvoirs à une personne déjà surchargée et qui en centralise déjà trop, vous promouvez une logique qui va à l’encontre de ce qui fonde l’université, à savoir le fonctionnement collégial, la pluralité des voix et la démocratie. La promotion de l’égalité et de l’antiracisme, la lutte contre l’antisémitisme reposent sur la légitimité, l’indépendance et le lien avec la communauté universitaire, et non sur une autorité verticale. Il faut donc confier cette tâche à un membre de la communauté élu et qualifié.
Pour notre part, nous défendons, de façon beaucoup plus cohérente, la création d’une vice-présidence spécifique – une fonction identifiée, visible, dotée des moyens nécessaires, et non une carte de plus dans le portefeuille d’un président déjà à bout de souffle.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC30 de Mme Marie Mesmeur
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous sommes habitués aux effets d’annonce de la Macronie. Il est aisé de se déclarer opposé à l’antisémitisme, au racisme, aux discriminations. Ce qui importe, toutefois, ce sont les actes. En l’occurrence, il suffit d’observer le budget pour 2025 : avec 1,5 milliard d’euros de coupes budgétaires, l’enseignement supérieur est le troisième secteur le plus touché par les baisses. C’est dire l’importance que vous accordez à l’éducation !
Comment les missions Égalité et diversité pourraient-elles fonctionner dans ces conditions ? C’est ce que vous demande l’Union étudiante. Comble du cynisme, vous entendez financer ces missions en piochant dans la CVEC, la contribution de vie étudiante et de campus, c’est-à-dire dans l’argent des étudiants. Ce dévoiement est absolument inacceptable.
C’est pourquoi nous entendons inscrire dans la loi que « la nation se fixe pour objectif de donner aux universités les moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre des missions Égalité et diversité ».
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. Ne mélangeons pas les débats : ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi que de traiter du financement des universités ou de créer une ligne budgétaire spécifique aux missions « égalité et diversité ».
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes tous mobilisés pour lutter contre l’antisémitisme, mais chacun sait que cela nécessite des moyens. Alors que l’université est en grande difficulté – les présidents d’établissement nous en alertent régulièrement –, nous lui demandons de faire vivre une structure supplémentaire, en lui assignant des ambitions fortes, tout en niant le fait qu’elle ne sera pas capable, financièrement, de faire face à cette nouvelle obligation. Il y aurait une forme d’hypocrisie à ne pas soulever ce problème essentiel.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). D’après mes informations, Mme Soudais a signé il y a quelques jours une tribune critiquant cette proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat. Elle y accuse le gouvernement, par le biais des présidents d’université, de mener une politique de répression majeure et massive contre les mobilisations d’étudiants. Je ne crois pas qu’en France, on ait empêché des étudiants de manifester. Je ne crois pas non plus que les présidents d’université soient les bras armés du président de la République ou du gouvernement – respectez-les donc.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC29 de Mme Marie Mesmeur
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). On ne lutte pas efficacement contre l’antisémitisme avec de grandes déclarations tout en saignant les budgets de l’enseignement supérieur. Depuis des années, à coups d’article 49.3, les gouvernements successifs imposent à l’université un régime d’austérité. Résultat : le budget de l’enseignement supérieur est au plus bas depuis vingt ans, amputé de 1,5 milliard d’euros rien que pour le dernier exercice.
Pendant qu’on impose une nouvelle obligation aux universités, on refuse de leur donner les moyens de s’y conformer, ce qui est à la fois irresponsable et hypocrite. L’Union étudiante l’a dit clairement : sans financements publics, les missions Égalité et diversité sont condamnées à l’impuissance. Il n’est pas acceptable de détourner l’argent de la CVEC, donc des étudiants, pour pallier la défaillance de l’État.
Vous voulez écrire une loi dans le vide, sans vous donner les moyens de la faire appliquer. Nous devons imposer au ministère de l’enseignement supérieur de financer les mesures dont il exige le déploiement, sinon tout cela restera de l’affichage. Déjà, pour la période 2018-2020, Édouard Philippe avait lancé un grand plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, sans y associer les moyens correspondants, suivi en cela par Élisabeth Borne pour la période 2023-2026. Voyez où nous en sommes !
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. Encore une fois, ne mélangeons pas les questions budgétaires et le débat de fond sur un sujet aussi grave que le combat contre l’antisémitisme. Surtout, votre amendement méconnaît le principe d’autonomie budgétaire des établissements publics d’enseignement supérieur : la dotation allouée par l’État aux universités n’a pas vocation à être fléchée.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Si le vecteur n’est effectivement pas le bon, il est très important d’évoquer cette question. On pourrait faussement croire qu’il n’y a pas de lien évident entre les moyens budgétaires et la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, mais, en réalité, cet enjeu est au cœur de tous les programmes de prévention. La preuve en est qu’il existe déjà des référents de lutte contre l’antisémitisme et le racisme, mais sans qu’aucune quotité horaire ou disponibilité soient prévues pour leur permettre d’agir. Rien, dans le texte qui nous est proposé, ne permettra de régler ce problème si nous n’y attachons pas les moyens nécessaires. Cet amendement est l’occasion de soulever ce problème. Nous devrons nous en souvenir au moment d’entamer les discussions budgétaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC85 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit de clarifier le fait que les référents sont spécialisés dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AC48, AC49, AC50 et AC61 de M. Steevy Gustave tombent.
Amendement AC38 de Mme Caroline Yadan
Mme Caroline Yadan (EPR). Je propose de prévoir que le référent devra bénéficier d’une formation « incluant les formes renouvelées d’antisémitisme telles que définies par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste » et établira « un rapport annuel d’activité qui rend compte de l’ensemble des actions menées par l’établissement durant l’année écoulée et des signalements recueillis ».
Le fait de bénéficier d’une formation incluant la définition de l’Ihra permettra de mieux qualifier certains propos tenus dans des universités, à Sciences Po ou dans d’autres écoles. Je vous livre un témoignage qui m’a été transmis : « à peine arrivée sur le campus, un étudiant qui me qualifiait de “sioniste colonisatrice” m’a étranglée par-derrière en me disant : “ici, on va te faire comme on leur fait à Gaza” ». Voilà un cas couvert par la définition de l’Ihra.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Le second alinéa de votre amendement, relatif au rapport annuel d’activité, est satisfait par l’adoption de l’amendement AC84, lequel prévoit que le président de l’université présente, chaque année, au conseil d’administration, un rapport qui porte notamment sur l’activité de la mission « égalité et diversité » et inclut un compte rendu spécifique des actions menées par l’université pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme. Ce rapport sera, de fait, public.
Quant à la formation qui doit être dispensée au référent qualifié, il ne me paraît pas opportun de la détailler dans la loi.
Je vous suggère donc de retirer l’amendement.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Puisqu’il est fait référence, dans l’amendement, à la définition de l’antisémitisme par l’Ihra, je tiens à rappeler que, selon la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme – qui se veut une réponse à cette définition et compte parmi ses signataires des chercheurs et chercheuses du monde entier dont les études portent sur l’antisémitisme et des sujets connexes –, sept des onze exemples contemporains d’antisémitisme cités dans la définition de l’Ihra ont essentiellement trait à l’État d’Israël. J’invite tous ceux qui ont pour ambition de lutter contre l’antisémitisme à lire cette déclaration, qui comporte notamment quinze recommandations.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. La définition de l’Ihra a été adoptée par le Parlement européen, en 2017, ainsi que par la quasi-totalité des pays européens, par l’Assemblée nationale, à la suite d’un débat assez vif sur une proposition de résolution, en 2019, par le Sénat, à une très large majorité, en 2021, et elle a été officiellement retenue par le chef de l’État. Par ailleurs, il est clairement indiqué dans le rapport issu des assises de la lutte contre l’antisémitisme que cette définition opérationnelle devra être déclinée, notamment dans des circulaires et des modules de formation.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame Yadan, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Caroline Yadan (EPR). Je vais y retravailler d’ici à l’examen en séance publique. Autant je suis d’accord avec Mme la rapporteure sur le rapport, autant il me paraît absolument nécessaire de prendre en compte la définition de l’Ihra dans la formation du référent, car elle couvre la quasi-intégralité des propos et des actes antisémites actuels.
L’amendement est retiré.
Amendement AC79 de M. Alexandre Portier
M. Alexandre Portier (DR). L’extension du champ d’action des missions « égalité et diversité » est une bonne nouvelle pour la lutte contre l’antisémitisme. Mais il nous semble utile de clarifier leur cadre et leurs objectifs afin d’éviter qu’elles ne deviennent des outils de propagande idéologique qui contrediraient leur vocation initiale. Pour qu’elles ne servent pas de relais à des revendications communautaires mais demeurent un vecteur de la cohésion républicaine, nous proposons de préciser que la « mission “égalité et diversité” agit dans le respect des principes de laïcité, de neutralité et des valeurs de la République ».
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il est déjà précisé, à l’article L. 141-6 du code de l’éducation, que le service public de l’enseignement supérieur est « indépendant de toute emprise politique […] ou idéologique ».
Par ailleurs, il est difficile de sous-entendre que certains des membres des équipes dirigeantes des universités, qui piloteront les missions « égalité et diversité », ne respecteraient pas les principes républicains, notamment la laïcité. Sagesse.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Actuellement, ce sont souvent les vice-présidents chargés du conseil académique qui sont responsables de la mission Égalité et diversité, pour laquelle travaillent des agents de l’État. Or vous laissez entendre par votre amendement que ces agents ou ces élus – qui, je vous l’assure, ne sont pas d’extrême gauche, comme vous semblez le penser – auraient des revendications communautaires. Cet amendement risque de frapper de suspicion des instances essentielles, voire de jeter l’opprobre sur des fonctionnaires qui font très bien leur travail.
M. Alexandre Portier (DR). Si vous lisez bien l’amendement, il ne jette l’opprobre sur personne. Il vise simplement à rappeler des évidences que l’on oublie parfois, hélas. Le respect de la loi ne va plus de soi partout.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC86 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Cet amendement est purement rédactionnel.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Puisque son adoption risque de faire tomber mon amendement AC28, qui porte sur le même alinéa, je tiens à préciser qu’il me paraît important que les personnes chargées de recueillir les signalements disposent d’une qualification, d’une formation et d’une expertise. Ces conditions doivent être cumulatives.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. L’amendement AC28 ne tombera pas, car il ne porte pas sur la même phrase de l’alinéa 12.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC28 de Mme Marie Mesmeur
Mme Constance Le Grip, rapporteure. L’amendement tend à imposer aux personnels des missions « égalité et diversité » de disposer et d’une formation et d’une expertise. Or ces conditions cumulatives me paraissent très restrictives. On peut être formé sans avoir pour autant acquis une expertise, qui est souvent le fruit de plusieurs années d’expérience. Avis défavorable.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Si l’on exige uniquement des personnels de cette mission prestigieuse qu’ils suivent une formation sans se préoccuper de savoir s’ils sont sensibles à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, on limite l’ambition de la proposition de loi ; d’autant que l’université française emploie des chercheurs hyperqualifiés qui ont une véritable expertise en matière de lutte contre les discriminations, de diversité ou en matière pénale. Ce sont des profils de ce type qui doivent être recherchés.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel AC102 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.
En conséquence, l’amendement AC22 de M. Raphaël Arnault tombe.
La commission adopte l’amendement rédactionnel AC101 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.
Amendement AC62 de M. Arnaud Bonnet
Mme Eva Sas (EcoS). En préambule, je tiens à souligner que la proposition de loi a pour mérite de mettre en lumière la recrudescence des actes antisémites à l’université, recrudescence qui s’inscrit dans un contexte plus large de montée de l’antisémitisme – dont témoigne l’augmentation de 284 % du nombre des actes antisémites, selon le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – et des discriminations à raison de la religion. Face à ce phénomène, nous devons être aux côtés de la communauté éducative, la soutenir et non la contrôler, car il faut préserver l’indépendance, les moyens des universités et la liberté académique.
J’en viens à l’amendement. L’alinéa 12 prévoit que les signalements recueillis par la mission « égalité et diversité » font l’objet d’un traitement statistique, sans plus de précisions. Or notre groupe est particulièrement vigilant quant aux statistiques portant sur la couleur de la peau, l’orientation sexuelle, les origines ou les croyances religieuses, réelles ou supposées. Afin d’éviter toute dérive, nous proposons de préciser que ce traitement statistique vise à dresser un état des lieux des discriminations et à éclairer les actions de prévention et de médiation de la mission Égalité et diversité.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il ne me paraît pas judicieux de limiter l’objet du traitement statistique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC63 de M. Arnaud Bonnet
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’obligation faite aux membres du personnel de signaler les actes « affectant le fonctionnement de l’établissement » contribue à diluer l’objet du texte. À quels actes pense-t-on ? Aux mobilisations d’étudiants ou de personnels contre la réforme des retraites ou pour l’augmentation des budgets ? Nous proposons de supprimer les mots : « ou affectant son fonctionnement ».
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Avis défavorable. Nous souhaitons rester fidèles à l’esprit et à la lettre du texte issu des travaux, excellents et très consensuels, de nos collègues sénateurs.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je crois que nous devons rechercher le consensus au sein de notre commission. Or ces termes, parmi d’autres éléments de la proposition, y font obstacle. En effet, nous ne souhaitons pas que les dispositions de ce texte, qui traite d’une question grave, soient utilisées à d’autres fins que la lutte contre l’antisémitisme et permettent, par exemple, d’empêcher des mouvements sociaux au sein de l’université. Ce serait un dévoiement grave. J’appelle donc l’attention des rapporteurs sur nos amendements, dont l’adoption nous permettrait de parvenir à un consensus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC77 de M. Alexandre Portier
M. Alexandre Portier (DR). Nous proposons qu’un rapport annuel présentant le bilan quantitatif et qualitatif du dispositif de signalement soit transmis au Parlement. La transparence est en effet essentielle en la matière. Or, selon une enquête du ministère de l’enseignement supérieur de 2023, seuls 21 % des établissements ont publié un rapport sur les violences ou discriminations internes. L’absence de données nationales nuit à l’évaluation de l’efficacité des dispositifs.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. De manière générale, je ne suis pas favorable aux demandes de rapport. Par ailleurs, nous avons adopté l’amendement AC84, qui prévoit que le président de l’université présente, chaque, année, au conseil d’administration un rapport d’activité incluant un compte rendu des actions menées pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme, rapport qui sera transmis, après son approbation, au ministère.
Il est vrai qu’il est difficile d’avoir une photographie exacte du phénomène dont nous parlons. Mais la proposition de loi permettra de mieux le mesurer, et je suis certaine que le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui partage en partie votre constat, rendra compte à la représentation nationale de l’état des lieux qui lui aura été transmis.
M. Alexandre Portier (DR). Je ne doute pas de votre bonne volonté ni de celle du ministre de l’enseignement supérieur. Du reste, après l’adoption de l’amendement AC84, j’étais près de retirer celui que nous examinons. J’ai finalement décidé de le maintenir car, si le rapport n’est pas validé par le conseil d’administration de l’université, les phénomènes qui nous occupent resteront dans l’obscurité. Or, nous sommes tous d’accord sur un point, les universités ont un devoir de transparence vis-à-vis du Parlement.
M. Roger Chudeau (RN). Je ne comprends pas les réticences de Mme la rapporteure. Il est nécessaire que le Parlement soit tenu informé annuellement de la situation dans les universités. Certes, leurs présidents seront tenus de présenter un rapport. Encore faut-il qu’il soit transmis au ministre et que celui-ci nous le communique à son tour. Cet amendement est donc nécessaire au contrôle démocratique de l’action publique dans l’enseignement supérieur. C’est pourquoi nous le soutiendrons.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Une fois n’est pas coutume, je ne voterai pas contre l’amendement de M. Portier. Il serait en effet pertinent que nous disposions de données concernant la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans les universités, dont l’objet est de réaliser des recherches, de collecter des données et de les analyser.
Par ailleurs, je ne crois pas que les conseils d’administration refuseront d’approuver le rapport présenté par les présidents d’université. En revanche, du fait de leur autonomie, les universités sont libres de choisir les données qui seront recueillies et de les traiter comme elles l’entendent. Il serait donc intéressant de définir une sorte de canevas commun afin que toutes les universités recueillent les mêmes données.
Mme Caroline Yadan (EPR). J’abonde dans le sens de M. Portier. Lorsque nous les avons auditionnés, les responsables de France Universités nous ont bien indiqué que le nombre des actes antisémites – soixante-sept – était largement sous-estimé, comme le confirme un sondage de l’Ifop selon lequel neuf étudiants sur dix ont déjà été confrontés à un acte antisémite. L’existence d’un rapport peut inciter les étudiants à faire un signalement et contribuer à lutter contre la sous-déclaration.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel AC92 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.
Amendement AC39 de Mme Caroline Yadan
Mme Caroline Yadan (EPR). Il s’agit de préciser que l’information relative au dispositif de signalement détaille l’ensemble des étapes de la procédure et rappelle les actions en justice et voies de recours possibles, sur le modèle de la plateforme consacrée aux violences sexistes et sexuelles. En effet, l’usage des dispositifs de signalement actuels demeure limité par une méconnaissance des procédures, internes et externes. De nombreux étudiants victimes ou témoins de faits d’antisémitisme graves n’osent pas engager des démarches formelles, par peur ou faute d’information sur leurs droits et les suites possibles.
Il s’agit donc de renforcer l’efficacité et l’accessibilité du dispositif de signalement tout en favorisant l’information diffusée au sein des établissements.
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Même s’il nous faut veiller à ne pas trop alourdir la loi, qui ne doit pas forcément descendre à ce niveau de détail, je comprends l’intérêt de l’amendement, auquel je suis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement légistique AC87 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.
Amendement AC88 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit d’étendre les missions « égalité et diversité » aux établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (Eespig), lesquels concourent aux missions de service public de l’enseignement supérieur. On estime à un quart de la population estudiantine les étudiants inscrits dans ces établissements.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement de cohérence AC89 de Mme Constance Le Grip, rapporteure.
La commission adopte l’article 2 modifié.
La réunion est suspendue de onze heures cinquante à onze heures cinquante-cinq.
Article 3 : Adaptation de la procédure disciplinaire à la poursuite des faits d’antisémitisme, de racisme, de violence et de discrimination
Amendements de suppression AC6 de Mme Soumya Bourouaha et AC17 de M. Raphaël Arnault
Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’article 3 remet en cause le principe d’autonomie des universités en instaurant une nouvelle section disciplinaire régionale présidée par un membre de la juridiction administrative. Ce faisant il crée, de fait, une juridiction administrative intermédiaire qui affaiblira le rôle des instances universitaires et sera redondante avec le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, seul organe de recours légitime en matière de discipline. Cette disposition marquerait donc une véritable rupture avec le droit actuel.
En outre, cet article tend à inscrire dans la loi une liste de fautes disciplinaires dont le libellé est parfois vague et déconnecté de l’objet de la proposition de loi. Je pense, par exemple, aux « faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement ». Une telle imprécision risque d’ouvrir la voie à une utilisation répressive du dispositif contre les mobilisations étudiantes et de menacer gravement la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Les démocraties ne sont pas infaillibles ; il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis pour le comprendre. Le chantage aux subventions qu’exerce Donald Trump auprès des universités américaines est condamnable, tout comme celui auquel s’est livrée Valérie Pécresse à l’encontre de Sciences Po. Or l’article 3 va plus loin que les mesures prises par Donald Trump !
De fait, il tend à autoriser les recteurs, placés sous l’autorité du gouvernement, à convoquer une commission disciplinaire en dehors du cadre de l’université, commission dont la composition sera définie par décret, donc par le gouvernement, et qui sera compétente pour examiner des faits qui se sont déroulés hors de l’université. Autrement dit, il s’agit de donner au pouvoir exécutif la possibilité de sanctionner des étudiants, voire de les exclure. Même Donald Trump ne va pas jusque-là ! Cette dérive est si grave qu’elle fait sortir les universités du champ de la démocratie.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Avis évidemment défavorable. La proposition de loi vise à lutter contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme ; elle doit donc, pour être efficace, prévoir des sanctions appropriées.
Ainsi les rapporteurs du Sénat ont-ils souhaité que les modalités de formation des membres de la section disciplinaire à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme soient précisées, que l’ensemble des sanctions soient inscrites dans le code de l’éducation et que soit créée une section disciplinaire commune qui puisse faire valoir une expertise en dehors des établissements universitaires.
Vous évoquez une remise en cause du principe d’autonomie des établissements universitaires et une possible immixtion de l’État dans les sections disciplinaires. C’est totalement faux et j’aimerais savoir ce qui, à l’article 3, vous conduit à le penser. C’est le président de l’établissement qui peut faire appel à la section disciplinaire commune. Actuellement, lorsqu’une personne est appelée à comparaître devant une section disciplinaire, elle fait appel à un avocat pour se défendre. La section disciplinaire, elle, est composée d’usagers et d’enseignants qui ne sont pas forcément formés à la procédure judiciaire. C’est pourquoi, dans certains cas graves ou juridiquement complexes, il peut être intéressant de s’appuyer sur une expertise extérieure. D’ailleurs, il existe déjà une possibilité de déport des sections disciplinaires vers d’autres établissements, en cas de conflit d’intérêts ou de pressions locales de nature à dévoyer leur jugement. J’ajoute qu’il n’y a aucune volonté de l’État de s’immiscer dans les affaires des universités : au contraire, le texte leur accorde des moyens techniques puisqu’il prévoit, à l’alinéa 9, que la nouvelle section disciplinaire commune sera présidée par un membre de la juridiction administrative – c’est-à-dire en dehors du champ ministériel. Avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre cet amendement de suppression de l’article, car il serait absurde d’adopter une loi visant à lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur sans l’assortir d’un dispositif de sanctions académiques. N’oubliez pas que l’allégorie de la justice a les yeux bandés et porte un glaive.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Nos débats se sont déroulés jusqu’à présent dans un climat constructif, et nous pouvons nous en réjouir. Toutefois, l’article 3 ne concerne plus directement la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme : il soulève la question d’une possible ingérence dans l’appréciation des cas relevant de la procédure disciplinaire. D’ailleurs, la rédaction de l’article a évolué, ce qui suscite le doute quant à l’utilisation détournée qui pourrait en être faite pour porter atteinte à la liberté d’expression, notamment des mouvements étudiants – c’est pourquoi il suscite un fort émoi au sein des organisations de jeunesse, qui sont elles-mêmes pleinement engagées dans la lutte contre l’antisémitisme et contre le racisme. Nous souhaitons donc rétablir la rédaction initiale adoptée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation du Sénat et voterons en faveur des amendements de suppression.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Vos propos sont injustifiés. C’est dans un souci d’harmonisation que les groupes socialiste et communiste du Sénat ont voté l’article 3 : celui-ci ne fait qu’autoriser le président d’établissement à déporter, s’il le souhaite, l’instruction de la section disciplinaire à une chambre experte en la matière, puisqu’elle s’appuie sur la juridiction administrative.
La commission rejette les amendements.
Amendement AC59 de M. Emmanuel Grégoire
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Cet amendement vise à renouer avec l’esprit initial de l’article 3 qui avait été adopté à l’unanimité en commission au Sénat, mais dont la rédaction a évolué en séance publique, dans des conditions de débat moins sereines. Nous répondrions ainsi à l’émoi suscité et éviterions de gâcher ce très beau texte par un dispositif législatif qui crée le doute et fait peser une menace sur la liberté d’expression dans les universités.
M. Pierre Henriet, rapporteur. La rédaction que nous examinons est celle votée par le Sénat, lequel a voulu transcrire dans la loi l’ensemble des sanctions qui relevaient du domaine réglementaire et mentionner explicitement les actes d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine. Restons-en à l’esprit qui a permis d’obtenir un vote à l’unanimité au Sénat, en espérant qu’il recueillera une majorité de suffrages dans notre commission.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC60 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Cet amendement vise à lever le frein à l’action disciplinaire, en ouvrant la possibilité de saisir une section disciplinaire aux usagers ou aux membres du personnel des services publics d’enseignement supérieur ou de recherche, ainsi qu’aux organisations syndicales et aux associations étudiantes. Leur accorder cette prérogative, jusqu’ici réservée aux présidents d’université, avec un caractère arbitraire, permettra de traiter plus efficacement et plus rapidement les cas de discriminations.
M. Pierre Henriet, rapporteur. L’esprit de l’article 3 est que le président d’un établissement puisse s’appuyer sur une expertise externe ayant la qualité de juridiction administrative. Reproduire le modèle actuel des sections disciplinaires reviendrait à annihiler la disposition introduite par l’article. Avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Une question reste posée : quelle est l’autorité compétente qui pourra saisir la section disciplinaire commune, comme évoqué à l’alinéa 10 ? Est-ce le recteur d’académie ? Il est indiqué, à l’alinéa 11, qu’« un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article ». Vous nous dites par ailleurs que ces dispositions ne concernent que les actes antisémites. Pourtant, aux alinéas 15, 16, 17 et 18, il est fait référence à « la méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires ou du règlement intérieur de l’établissement » ou encore aux « faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités qui y sont organisées ». Ces précisions n’ont-elles pas pour objet de réprimer également les mobilisations étudiantes ?
M. Pierre Henriet, rapporteur. Je n’ai jamais dit que la procédure disciplinaire ne concernait que les actes d’antisémitisme ou de racisme. La procédure créée par le texte doit conserver un caractère général.
La commission rejette l’amendement.
Amendement rédactionnel AC96 de M. Pierre Henriet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Imaginez un monde dystopique, dans lequel M. Chudeau serait chargé de prendre des décrets. En adoptant l’article 3, vous lui donneriez la possibilité de modifier la composition et l’autorité compétente de la section disciplinaire commune ; vous donneriez ainsi les pleins pouvoirs au gouvernement pour convoquer une commission disciplinaire et exclure des étudiants. Si je comprends la bonne volonté sous-jacente, je considère que nous devons légiférer avec la main qui tremble, en particulier lorsqu’il s’agit de la liberté d’expression dans les universités. C’est pourquoi nous nous opposons à cet article, que vous ne pouvez pas soutenir en l’état.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AC15 de Mme Marie Mesmeur et AC72 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Utiliser le mot « antisémitisme » sans le définir clairement, c’est ouvrir la voie à l’arbitraire. C’est pourquoi nous proposons de retenir la définition, très large, du code pénal, qui condamne toute provocation à la haine ou à la discrimination en raison d’une appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion. Le racisme et la haine ont changé de forme et le droit doit rester en mesure d’y répondre, pour jouer son rôle de garde-fou. Par cet amendement nous réaffirmons donc notre approche universelle de la lutte contre toutes les formes de racisme – islamophobie, antitsiganisme, négrophobie, antisémitisme –, ce qui n’est pas le cas de la proposition de loi. Fidèles à l’esprit républicain, nous restons fermes contre toutes les haines, qui ne doivent pas servir d’armes politiques.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Cet amendement ne vise en réalité qu’à invisibiliser l’antisémitisme et je tiens à le dénoncer : vous ne voulez plus en faire mention, alors même que la proposition de loi a pour objet de lutter contre les actes antisémites, qui sont en constante augmentation. Avis défavorable.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je m’inscris en faux contre votre réponse. S’il est vrai que les chiffres relatifs aux actes antisémites sont graves, la proposition de loi vise à lutter contre toutes les formes de racisme et j’espère que vous voulez lutter également contre l’islamophobie, la négrophobie, la sinophobie, etc. La définition du code pénal englobe toutes ces formes, dont l’antisémitisme. Permettez-moi de citer une phrase d’Aurore Bergé, lors des questions au gouvernement hier : « Notre République est universaliste. [Elle] protège l’ensemble des Français. C’est cet universalisme qui doit nous faire tenir : la République, toute la République, rien que la République. » Par conséquent, appliquons le code pénal pour lutter contre tous les racismes et défendre l’ensemble des Français !
Mme Caroline Yadan (EPR). Je m’inscris à mon tour en faux contre les propos de Mme Mesmeur. La France insoumise est dans le déni, alors même que la proposition de loi est issue des travaux d’une mission d’information du Sénat, menés à la suite de l’explosion du nombre d’incidents survenus depuis le 7 octobre 2023 : les étudiants juifs ne se sentent plus les bienvenus à l’université, où ils sont insultés – neuf étudiants sur dix se disent victimes d’actes antisémites. Le code pénal prévoit des sanctions contre toutes les formes de haine. Arrêtons le déni et mettons fin à cette haine des Juifs !
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Notre discussion est orwellienne. Nous vous proposons de retenir la définition du code pénal pour donner à ce texte particulièrement flou une plus grande rigueur juridique et vous nous répondez que le code pénal est antisémite ! Grâce à l’article 3, n’importe quel gouvernement pourra exclure, par décret, un étudiant, sur des fondements juridiques inexistants. Comment ne pas voir que ce texte instrumentalise l’antisémitisme pour réprimer les mouvements étudiants qui luttent contre les massacres perpétrés à Gaza ? Comment ne pas faire le lien avec ce que Donald Trump fait aux États-Unis ? Vous allez même plus loin que lui.
M. Erwan Balanant (Dem). Ce qui est orwellien, c’est que vous mélangez tout. Il nous faut avancer rapidement sur ce texte, tant l’explosion des actes antisémites est indéniable. Votre proposition de se fonder sur le code pénal me semble pertinente – nous pourrions retenir cette base en miroir, comme cela a déjà été fait pour le code de l’éducation ou du travail par exemple. Néanmoins, ne nous livrons pas à un gloubi-boulga intellectuel et prenons le temps d’y réfléchir d’ici à l’examen en séance. Nous avons besoin d’un texte fort et puissant pour lutter contre l’antisémitisme. Cependant, le mettre en regard des politiques absurdes menées par M. Trump n’a aucun sens. N’essayez pas de nous faire passer pour des trumpistes ; vous vous ridiculisez vous-même !
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Il n’est pas possible de maintenir un article aussi flou dans ses intentions et si facile à modifier par voie réglementaire. Sans remettre en cause l’absolue nécessité de soutenir la proposition de loi, vous pouvez profiter des amendements déposés par la gauche pour en limiter les éventuels effets de bord. Permettez-moi de prendre un autre exemple : la lutte contre les LGBTphobies. À quel moment ce texte permet-il de la déployer ? Dans quelle mesure un pouvoir réglementaire pourrait-il décider de faire de tel ou tel type de discrimination une priorité nationale ? Le flou est l’ennemi du bien et nous devons approfondir la réflexion d’ici à la séance publique.
M. Roger Chudeau (RN). Avec cet amendement La France insoumise montre son vrai visage : elle va jusqu’à effacer le terme d’antisémitisme d’un texte qui a précisément pour objet de lutter contre des actes de cette nature. Vous n’avez aucune honte et votre déni systématique ne vise qu’à plaire à vos amis du Hamas et des Frères musulmans !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je ne répondrai pas à l’intervention de M. Chudeau, qui est particulièrement indigne. L’article 3 nous fait craindre le pire, si une situation analogue à celle que vivent les Américains survenait – cela nous pend au nez malheureusement. Personne ne dit que les rapporteurs sont des Trump en puissance. Néanmoins, nous sommes inquiets à l’idée d’adopter des dispositions qui pourraient ensuite être instrumentalisées pour lutter contre les mouvements sociaux et la liberté académique. Ne soyons pas naïfs : c’est déjà à l’œuvre de l’autre côté de l’océan Atlantique. Ne faisons donc pas comme si cette menace n’existait pas. Par sa portée trop générale, le texte est dangereux et nous appelons les rapporteurs à y retravailler d’ici à l’examen en séance.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Quel meilleur moyen que le code pénal, qui réprime toute provocation à la haine ou à la discrimination en raison d’une appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation ou une religion, pour combattre l’antisémitisme ? Croyez-vous vraiment que le code pénal est antisémite parce que ce mot n’y figure pas ? Comme l’a souligné M. Balanant, bien des propositions de loi se fondent sur le code pénal. Ce qui compte, c’est d’avoir une approche universaliste pour lutter contre toutes les formes de racisme et toutes les formes de discrimination, non d’opposer une religion à une autre. Notre République est foncièrement universaliste.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Je rappelle que ces amendements visent à modifier l’alinéa 3, qui porte sur les modalités de formation des membres de la section disciplinaire. La volonté des rapporteurs du Sénat était de reprendre la définition inscrite aux articles 1 et 2 du texte – définition que nous avons également reprise dans le titre de la proposition de loi, grâce à un amendement de M. Grégoire. Le but était donc d’harmoniser les termes dans l’ensemble du texte, et en aucun cas de hiérarchiser les discriminations. Il reviendra à la section disciplinaire commune de conserver l’esprit des lois de la République, qui sont universelles.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AC66 de M. Arnaud Bonnet
M. Alexis Corbière (EcoS). Il a été fait référence, tout à l’heure, à un sondage de l’Ifop, commandé par l’UEJF et réalisé en septembre 2023, selon lequel 90 % des étudiants juifs auraient été agressés à l’université, alors que ce ne sont en réalité que 7 % – chiffre déjà terrible et considérable.
Mme Caroline Yadan (EPR). J’ai indiqué que neuf étudiants sur dix avaient été confrontés à un acte antisémite.
M. Alexis Corbière (EcoS). Dans ce sondage, 67 % des étudiants juifs interrogés – qui sont sensibles, fort heureusement, à toutes les discriminations – ont déclaré avoir constaté des actes racistes à l’université. Si le sondage doit retenir l’attention au vu de la gravité des chiffres, ne l’instrumentalisons pas et ne lui faisons pas dire ce qu’il ne dit pas !
Je souscris à toutes les critiques formulées sur l’article 3, qui risque d’avoir des conséquences terribles. Pour en revenir à mon amendement, il vise à informer de l’état d’avancement de la procédure, non seulement la personne qui a saisi la section disciplinaire, mais aussi celle qui est visée. Ne laissons pas s’engager des procédures contre des personnes sans qu’elles aient la moindre information sur les faits qui leur sont reprochés, donc sans qu’elles puissent y répondre alors même qu’elles encourent de graves sanctions.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Cet amendement vise à élargir aux tiers la saisine de la section disciplinaire et à prévoir une information pour les mis en cause. Sur le premier point, je suis défavorable à un tel élargissement, qui romprait avec l’absence actuellement de saisine directe de la section disciplinaire par une victime ou un tiers. Le second point est satisfait, puisque le mis en cause est déjà associé à la procédure. Avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous aimerions, monsieur le rapporteur, comprendre ce qui relèvera ou non du décret : qui pourra saisir la section disciplinaire commune et sur quels fondements pourra-t-elle décider des sanctions ? La rédaction actuelle de l’article 3 est dangereuse, car nous donnons au gouvernement la possibilité d’exclure des étudiants – je ne sais si telle est votre volonté politique. L’amendement présenté par M. Corbière est pertinent et il est difficile de savoir s’il sera satisfait puisque les modalités seront fixées par décret. Rien ne garantit que les futurs gouvernements resteront dans la même ligne politique que vous, que je suppose de bonne foi. C’est pourquoi je souhaiterais connaître votre opinion sur le sujet.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel AC95 de M. Pierre Henriet, rapporteur.
Amendement AC71 de M. Arnaud Bonnet
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Le manque d’accompagnement et de formation des membres des sections disciplinaires explique diverses lacunes dans le traitement des procédures disciplinaires. Au-delà de la formation à la lutte contre les discriminations, il est nécessaire de les former à leur mission, en particulier sur le plan juridique. Nous proposons d’inscrire cette formation dans le code de l’éducation.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Nous sommes tous attachés au principe d’autonomie des universités, et il ne revient pas au législateur de préciser les contenus des formations. En outre, il ne paraît pas opportun de limiter la formation aux procédures disciplinaires. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel d’harmonisation AC105 de M. Pierre Henriet, rapporteur.
Amendements AC68 de M. Arnaud Bonnet et AC8 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)
M. Pierre Henriet, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer les sections disciplinaires régionales. Il convient plutôt de munir les sections disciplinaires d’expertises plus approfondies, car en l’état, le rapport de force est totalement biaisé lors des instructions : les accusés peuvent recourir à une expertise juridique et à un avocat, tandis que les membres de la section ne peuvent s’appuyer que sur leur propre expérience, alors qu’ils ne sont pas nécessairement juristes. Cela induit une forme d’insécurité. C’est pourquoi les rapporteurs du Sénat, avec l’aval des groupes communiste et socialiste, ont introduit la possibilité de dépayser certaines procédures vers la section régionale lorsque les présidents de l’université et de la section disciplinaire le souhaitent. La section régionale constitue donc un outil complémentaire de la section disciplinaire.
Si l’on ne veut pas de section disciplinaire, si l’on ne veut pas sanctionner et combattre efficacement les faits d’antisémitisme, continuons de priver les enseignants-chercheurs des moyens suffisants ! Je ne crois pas que ce soit votre intention.
La commission adopte l’amendement AC68.
En conséquence, l’amendement AC8 tombe, de même que les amendements AC5 de M. Roger Chudeau, AC42 de M. Steevy Gustave, AC7 de Mme Soumya Bourouaha et AC45 de M. Steevy Gustave.
La commission adopte l’amendement rédactionnel AC93 de M. Pierre Henriet, rapporteur.
Contre l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement AC69 de M. Arnaud Bonnet.
Elle adopte l’amendement rédactionnel AC94 de M. Pierre Henriet, rapporteur.
Amendement AC21 de M. Raphaël Arnault
M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous souhaitez introduire un nouveau motif de sanction relatif aux actes ou faits qui contestent l’existence des crimes contre l’humanité ou qui en font l’apologie. L’intention est parfaitement louable, mais l’amendement est satisfait par l’article 3, qui prévoit que la section disciplinaire puisse sanctionner ces actes. Avis défavorable.
Mme Caroline Yadan (EPR). Il faut apprendre à lire, monsieur Corbière : dans l’étude de l’Ifop que vous avez citée, 91 % des étudiants juifs disent avoir été victimes d’au moins un acte antisémite dans le cadre de leur vie étudiante.
Je regrette par ailleurs que cet amendement ne mentionne pas l’apologie du terrorisme parmi les motifs de sanction. Peut-être est-ce parce que nos collègues de La France insoumise ont déposé une proposition de loi visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme dans le code pénal.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC9 de Mme Soumya Bourouaha, amendements identiques AC18 de Mme Marie Mesmeur, AC43 de M. Steevy Gustave et AC70 de M. Arnaud Bonnet (discussion commune)
M. Pierre Henriet, rapporteur. Notre objectif est de consolider la procédure en inscrivant dans le code de l’éducation des dispositions explicites relatives aux faits d’antisémitisme, de racisme, de discrimination et d’incitation à la haine ou à la violence. Il n’y a pas lieu de retirer de la liste des faits incriminés ceux qui sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités, pas plus que les faits commis en dehors de l’établissement, comme le proposent les amendements, car ces dispositions confortent l’intention de la proposition de loi. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement AC9.
En conséquence, les amendements AC18, AC43 et AC70 tombent, de même que les amendements AC44 de M. Steevy Gustave, AC19 de M. Raphaël Arnault, AC47 de M. Steevy Gustave, AC23 de M. Raphaël Arnault et AC1 de Mme Justine Gruet.
Amendement AC25 de M. Raphaël Arnault
M. Pierre Henriet, rapporteur. L’auteur de l’amendement souhaite compléter l’alinéa 20 relatif aux faits commis en dehors de l’établissement, afin de garantir l’exercice de la liberté d’expression, de réunion et de manifestation des étudiants.
La liberté de manifestation et de réunion des étudiants n’est pas remise en cause. Elle doit s’exercer dans le respect des exigences de sécurité dont le président de l’établissement est garant. L’amendement est donc satisfait ; avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC106 de M. Pierre Henriet
M. Pierre Henriet, rapporteur. Il s’agit d’assurer la protection des personnes visées par des faits de violence ou de haine, ainsi que la sécurité de l’établissement en cas de risque de trouble à l’ordre public. Notez que cet amendement va dans le sens de celui que M. Arnault vient de défendre.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC20 de Mme Marie Mesmeur
M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous ne souhaitez pas que la définition des pouvoirs d’investigation du président ou du directeur d’établissement soit renvoyée à un décret en Conseil d’État. Or je ne doute pas que les services de l’État qui rédigeront ce décret sauront associer les partenaires de l’enseignement supérieur, notamment les exécutifs des établissements mais aussi les syndicats étudiants, pour prévoir toutes les garanties nécessaires. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AC97 et AC99 de M. Pierre Henriet tombent.
Amendement AC40 de Mme Caroline Yadan
Mme Caroline Yadan (EPR). Il s’agit d’imposer aux présidents d’université de retirer les messages racistes, antisémites ou incitant à la haine, à la violence ou à la discrimination dans un délai de soixante-douze heures.
Ces dernières années, et plus encore depuis le 7 octobre, un grand nombre d’inscriptions murales, de tracts et autres affiches incitant à la haine ou faisant l’apologie du terrorisme apparaissent dans les établissements : « Mort aux Juifs » orné d’une croix gammée, « Sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes », « Intifada étudiante », « Gloire au Hamas », etc. Ces messages contribuent à une atmosphère antisémite : les étudiants juifs ne se sentent pas bienvenus à l’université. La présence prolongée de ces inscriptions peut heurter la communauté universitaire.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Si l’intention est parfaitement louable, je crains que cette mesure soit peu opérationnelle, voire contre-productive, car elle pourrait inciter les fauteurs de troubles à multiplier les inscriptions. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme Caroline Yadan (EPR). C’est donc parce qu’on a peur que les inscriptions se multiplient qu’on ne veut pas imposer un délai pour les retirer ! Je ne comprends pas ce raisonnement ; il va à l’encontre d’une lutte véritable, qui passe par la responsabilisation des chefs d’établissement.
M. Pierre Henriet, rapporteur. Nous devrions pouvoir trouver une rédaction permettant de lutter efficacement contre ces inscriptions et de les retirer le plus rapidement possible. Peut-être faut-il s’appuyer sur l’expertise des présidents d’université et de France Universités. Je reste persuadé qu’en l’état, la disposition que vous proposez ne serait pas un gage d’efficacité. Je comprends néanmoins votre intention, ce qui m’incite finalement à m’en remettre à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC41 de Mme Caroline Yadan
Mme Caroline Yadan (EPR). Je souhaite préciser que l’exercice de la liberté d’information et d’expression des usagers du service public de l’enseignement supérieur ne saurait provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées.
Au-delà de la recrudescence des discours antisémites, plusieurs situations récentes ont mis en lumière les limites du droit en vigueur. Je pense à des conférences universitaires, organisées avec l’appui de La France insoumise, invitant Mariam Abu Daqqa, l’une des cheffes de file du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), mouvement terroriste ; je pense aussi à la diffusion du film Fedayin à la gloire de Georges Ibrahim Abdallah, terroriste condamné à perpétuité pour complicité d’assassinat, ou encore à la projection d’un film négationniste dont un protagoniste affirme « Longue vie au 7 octobre ». Les dirigeants d’université doivent avoir davantage de moyens pour interdire ce genre de manifestations.
M. Pierre Henriet, rapporteur. L’université n’est pas un sanctuaire, et la liberté académique n’exonère pas du respect de la loi de 1881 sur la liberté de la presse ni du code pénal qui encadre la liberté d’expression. Votre amendement est donc satisfait. Je vous demande de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme Caroline Yadan (EPR). Mon amendement permettrait d’élargir les fondements juridiques qui encadrent la liberté d’expression, et surtout d’introduire explicitement les notions de provocation à la haine ou à la violence à l’égard de certaines personnes. Cette disposition serait plus protectrice et permettrait aux chefs d’établissement d’agir plus efficacement.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’article 3.
Après l’article 3
Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement AC46 de M. Steevy Gustave.
Article 4 : Application outre-mer
Amendements AC16 de Mme Marie Mesmeur et AC98 de M. Pierre Henriet (discussion commune)
M. Pierre Henriet, rapporteur. Mon amendement vise à mettre en cohérence l’article 4 avec le nouvel intitulé de la loi. J’appelle l’attention de nos collègues socialistes, qui ont voté un amendement de modification du titre n’allant pas dans le sens de la rédaction actuelle.
Je suis par ailleurs défavorable à l’amendement AC16.
Mme Caroline Yadan (EPR). L’amendement de Mme Mesmeur tend à invisibiliser l’antisémitisme, alors qu’il est précisément l’objet de la proposition de loi. Vous niez une fois de plus la souffrance absolue d’étudiants victimes de tags anonymes, de messages insultants sur les groupes de conversation en ligne et d’un ostracisme qui les prive de tout contact avec leurs camarades. Vous déposez un amendement pour dire que cela n’existe pas ! Comment pouvez-vous agir de la sorte ? Cela vous ressemble bien, cela dit.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je précise que par cohérence avec ce qui a été voté précédemment, il est utile de voter l’amendement AC98.
La commission rejette l’amendement AC16.
Elle adopte l’amendement AC98.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels et de coordination AC80, AC104 et AC103 de M. Pierre Henriet, rapporteur.
Elle adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement AC31 de Mme Marie Mesmeur
M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous sollicitez un rapport du gouvernement évaluant le financement des missions Égalité et diversité. Nous avons eu ce débat : il revient au Parlement, notamment à la commission des finances, d’effectuer ce contrôle – qui aura de surcroît le mérite d’être indépendant. Avis très défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC32 de Mme Marie Mesmeur
M. Pierre Henriet, rapporteur. Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme Caroline Yadan (EPR). Cet amendement témoigne encore une fois du déni de la haine des Juifs de la part de l’extrême gauche, puisqu’il sollicite un rapport « évaluant les stratégies d’influence et d’implantation des idées racistes, identitaires et néonazies dans l’enseignement supérieur et la recherche ». Hop ! la haine des Juifs a subrepticement disparu. Hop ! l’antisémitisme a disparu. On gomme le mot qui fâche. C’est dommage, car nous devons continuer à identifier les situations de harcèlement et d’ostracisation des étudiants juifs : bousculades répétées dans les couloirs, changements de place dans les salles de cours, blagues reposant sur des clichés antisémites, isolement lors de la constitution de groupes de travail… Je ne fais là que citer le rapport du Sénat.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC33 de M. Raphaël Arnault
M. Pierre Henriet, rapporteur. Vous demandez un rapport d’évaluation sur les moyens que les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel consacrent à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre toutes les formes de racisme. C’est au Parlement qu’il revient d’effectuer ce contrôle en toute indépendance, dans le cadre des lois de finances ou du Printemps de l’évaluation, par exemple. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Contre les avis du rapporteur, elle adopte successivement les amendements AC34 de M. Raphaël Arnault et AC35 de Mme Danièle Obono.
Titre
Amendement AC12 de M. Raphaël Arnault
M. Pierre Henriet, rapporteur. Nous devons assurer une cohérence et une unité entre le titre de la proposition de loi et son contenu. Avis très défavorable.
Mme Caroline Yadan (EPR). Encore un amendement qui illustre la volonté de nier l’antisémitisme en effaçant purement et simplement ce mot ! Venant de LFI, cela ne m’étonne absolument pas.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AC81 de Mme Constance Le Grip et AC51 de M. Emmanuel Grégoire, amendement AC64 de M. Arnaud Bonnet (discussion commune)
Mme Constance Le Grip, rapporteure. Il s’agit de mettre en cohérence l’intitulé de la proposition de loi avec les titres de ses chapitres.
L’amendement AC64 est retiré.
La commission adopte les amendements AC81 et AC51.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/KMRfmy
– Texte comparatif : https://assnat.fr/AjqGW2
–– 1 ––
ANNEXE N° 1 :
Liste des personnes entendues par les rapporteurs
(Par ordre chronologique)
France Universités* – M. Jean-François Huchet, vice-président, et M. Antoine Guery, chargé des relations parlementaires et institutionnelles
Audition commune :
– Union des étudiants juifs de France (UEJF) – M. Yossef Murciano, président
– Union des lycéens juifs de France (ULJF) – M. Liam Szlamfmyc, président
Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) – M. Mathias Ott, délégué interministériel, M. Mathias Dreyfuss, délégué adjoint, Mme Elise Fajgeles, secrétaire générale
Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche - Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGSIP) – M. Benjamin Leperchey, chef de service, adjoint au directeur général, M. Sébastien Chevalier, chef du service de la coordination des stratégies de l’enseignement supérieur et de la recherche, et M. Louis Buyssens, directeur de cabinet du directeur général
Audition commune :
– Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) –Mme Caroline Pascal, directrice générale, et M. Marc Pelletier, sous-directeur de l’action éducative
– Réseau des Inspé* – M. Alain Frugière, président
Association SOS racisme – M. Dominique Sopo, président
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
–– 1 ––
Annexe N° 2 :
textes susceptibles d’être abrogÉs ou modifiÉs à l’occasion de l’examen de la proposition de loi
Proposition de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
Articles |
Codes et lois |
Numéros d’article |
1er |
Code de l’éducation |
L. 121‑1 |
1er |
Code de l’éducation |
L. 123‑2 |
1er |
Code de l’éducation |
L. 721‑2 |
1er |
Code de l’éducation |
L. 761‑2 (nouveau) |
1er |
Code de l’éducation |
L. 811‑3‑1 |
2 |
Code de l’éducation |
L. 712‑2 |
2 |
Code de l’éducation |
Section 4 du chapitre IX du titre Ier du livre VII de la troisième partie (rétablie) [L. 719‑10, L. 719‑11, L. 719‑11‑1 (nouveau), L 719-11-2 (nouveau)] |
2 |
Code de l’éducation |
L. 732-4 |
2 |
Code de l’éducation |
L. 771-12 |
3 bis |
Code de l’éducation |
L. 811‑3‑1 |
4 |
Code de l’éducation |
L. 165‑1 |
4 |
Code de l’éducation |
L. 166‑1 et L. 167‑1 |
4 |
Code de l’éducation |
L. 775‑1 |
4 |
Code de l’éducation |
L. 776‑1 et L. 777‑1 |
([1]) Sénat, rapport n° 335 (2024-2025) fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport sur la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, MM. Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, sénateurs, 2025, p. 5.
([2]) Le Prix Ilan Halimi a été créé en 2018 par la Dilcrah dans le cadre du Plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Ce prix met à l'honneur l'engagement de la jeunesse contre l'ignorance et les stéréotypes. Il vise à valoriser la mobilisation de la jeunesse contre les actes et les discours de haine par des projets de terrain très concrets, dans les champs culturel, sportif, numérique ou d’interventions auprès du public.
([3]) Environ 530 actions ou menaces antisémites avaient été enregistrées lors du premier semestre 2014 contre 280 sur la même période de 2013.
([5]) https://www.spcj.org/antis%C3%A9mitisme/chiffres-de-l-antis%C3%A9mitisme-2024; voir aussi la question du sénateur Maurey, https://www.senat.fr/questions/base/2025/qSEQ250203097.html
([6]) Données issues de la Direction nationale du renseignement territorial (DNRT),
https://www.cncdh.fr/sites/default/files/2024-06/CNCDH_Les_Essentiels_Rapport_Racisme_2023.pdf
([7]) Sénat, rapport d’information n° 705 (2023-2024) fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport relatif à l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, MM. Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, sénateurs, juin 2024, p. 14.
([8]) Sénat, rapport n° 335 (2024-2025), op. cit., p. 7.
([9]) Dont 48 inscriptions, 15 injures, 10 menaces, 1 violence.
([10]) Sénat, rapport n° 335 (2024-2025), op. cit., p. 7.
([11]) Ibidem
([12]) Ibidem, p. 8
([13]) Circulaire du 4 octobre 2024. Cette circulaire est intervenue suite aux manifestations et prises de position de nature politique survenus dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur, en lien avec le conflit au Proche-Orient.
([14]) Conseil d’État, 26 octobre 2005, n° 275 512.
([15]) Seuls des agents des forces de l’ordre sont autorisés à recourir à des mesures de contrainte.
([16]) La circulaire ministérielle rappelle à cet égard que la méconnaissance de cette obligation par un agent ayant connaissance des faits délictueux ou criminels mais qui ne les dénonce pas au procureur de la République peut être sanctionné sur le plan disciplinaire. Cette obligation de signalement est par ailleurs répétée dans le code de la fonction publique (article L. 121-11).
([17]) Selon la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip), la transmission d’informations entre les universités et les Parquets à la suite d’un signalement au titre de l’article 40 reste inégale selon les territoires, en raison notamment du secret de l’enquête et de l’absence de cadre formalisé.
([18]) Aux termes de l’article L. 712-3 du code de l’éducation, le conseil d’administration de l’université doit approuver les conventions signées par le président de l’université.
([19]) Contribution de la Dgesip transmise aux rapporteurs.
([20]) Circulaire de politique pénale générale n° CRIM 2025-02-/E1-27/01/2025 du 27 janvier 2025, https://www.justice.gouv.fr/documentation/bulletin-officiel/circulaire-politique-penale-generale
([21]) Art. L. 121-1 du code de l’éducation : « Les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d’information sur les violences, y compris en ligne, et une éducation à la sexualité ainsi qu’une obligation de sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles ainsi qu’aux mutilations sexuelles féminines et à la formation au respect du non-consentement. »
([22]) La page Eduscol « Agir contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine » ne mentionne comme textes de référence pour l’enseignement scolaire que les articles L. 311-4 et L. 321-3 du code de l’éducation (https://eduscol.education.fr/1692/agir-contre-le-racisme-l-antisemitisme-et-les-discriminations-liees-l-origine).
([23]) On notera que cette disposition, issue de l’article 6 de la loi n° 2021-1104 du 22 aout 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, est très récente.
([24]) Décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l'éducation nationale. Ce décret est venu préciser les compétences du chef d’établissement et du directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) en matière d’engagement de la procédure disciplinaire, « lorsque l'élève commet un acte portant une atteinte grave aux principes de la République ».
([25]) https://eduscol.education.fr/document/1630/download?attachment, p. 41 et suivantes.
([26]) Circulaire n° 2011-112 du 1-8-2011 sur le règlement intérieur dans les établissements publics locaux d’enseignement, https://www.education.gouv.fr/bo/2011/Special6/MENE1120353C.htm. A contrario, il n’y a pas de mention spécifique dans le règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires, texte normatif qui encadre la rédaction des règlements intérieurs des écoles, de l’interdiction d’actes ou de propos racistes, antisémites ou homophobes.
([27]) Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
([28]) Circulaire n° 2013-060 du 10-4-2013 d’orientation et de préparation de la rentrée 2013, https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=36843; la circulaire n° 2012-056 du 27-3-2012 sur les orientations et les instructions pour la préparation de la rentrée 2012 ne mentionne que les discriminations entre les femmes et les hommes, taisant les autres formes, https://www.education.gouv.fr/circulaire-preparation-rentree-2012
([29]) Circulaire n° 2014-068 du 20-5-2014, https://www.education.gouv.fr/bo/14/Hebdo21/MENE1411580C.htm
([30]) Voir notamment les circulaires de rentrée 2015, 2016, 2017, 2020, 2022 et 2023.
([31]) « La lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie, en particulier, sont des priorités tant à l’échelle de la Nation qu’à celle de l’École. », circulaire du 10-7-2020, https://www.education.gouv.fr/bo/20/Hebdo28/MENE2018068C.htm ; « Les discriminations, les paroles et actes de haine raciste, antisémite, ou à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), les violences sexistes ou sexuelles n’ont aucune place à l’école et doivent y être combattus », circulaire du 29-6-2022, https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo26/MENE2219299C.htm ; « Pas plus que dans le reste de la société, le racisme, les discriminations, le sexisme n’ont leur place à l’École : ils doivent y être combattus, et en tant que de besoin, sanctionnés », circulaire du 6-7-2023, https://www.education.gouv.fr/bo/2023/Hebdo27/MENE2318816C.
([32]) Circulaire n° 2015-085 du 3-6-2015 ; https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo22/xxx.htm
([33]) Voir notamment le programme d’enseignement moral et civique du cours préparatoire à la classe terminale des voies générale, technologique et professionnelle et des classes préparant au certificat d’aptitude professionnelle, https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/ensel934_annexe_ok.pdf
([34]) Circulaire n° 2017-045 du 9-3-2017, https://www.education.gouv.fr/bo/17/Hebdo10/MENE1707568C.htm
([35]) Avec la pédagogie de la laïcité, l’enseignement moral et civique, la mise en œuvre du parcours citoyen, le développement de l’éducation aux médias et à l’information et la généralisation de l’éducation au développement durable.
([36]) La circulaire mentionne notamment, sur le portail « Valeurs de la République » de Réseau Canopé, l’outil « Éduquer contre le racisme et l’antisémitisme », https://valeurs-de-la-republique.reseau-canope.fr/theme/eduquer-contre-le-racisme-et-lantisemitisme/selection
([37]) Le Réseau Canopé, sur une page dédiée à l’éducation contre le racisme et l’antisémitisme, propose aux enseignants des outils éducatifs et pédagogiques permettant la découverte, l’approfondissement et la mise en pratique de ces questions, https://valeurs-de-la-republique.reseau-canope.fr/theme/eduquer-contre-le-racisme-et-lantisemitisme/selection
([38]) https://eduscol.education.fr/3535/semaine-d-education-et-d-actions-contre-le-racisme-et-l-antisemitisme
([39]) On peut mentionner notamment le Camp des Milles, le Mémorial de la Shoah, la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, le Musée d’art et d’histoire du judaïsme, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, Remem’beur, SOS Racisme, les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Ceméa), le Musée national pour la mémoire de l’immigration, la Ligue des droits de l’homme, la RevueAlarmer (émanation de l’association de lutte contre l’antisémitisme et les racismes par la mobilisation de l’enseignement et de la recherche, ALARMER).
([40]) Voir la circulaire de rentrée scolaire n°2016-058 du 13-4-2016 ; https://www.education.gouv.fr/bo/16/Hebdo14/MENE1608893C.htm
([41]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-02/plan-national-de-lutte-contre-le-racisme-l-antis-mitisme-et-les-discriminations-li-es-l-origine-2023-2026-26358.pdf,
voir le point 3.4. : Objectif stratégique : « renforcer l’éducation et la formation des jeunes. » p.26.
([42]) Coexist a été créé en 2004 par l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) et les clubs Convergences. C’est aujourd’hui un programme qui réunit l’UEJF, SOS Racisme et la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE). D’après le site de Coexist (https://www.coexist.fr/), le programme concerne 7 500 élèves dans 50 établissements de 15 académies.
([43]) Contribution de la Dgesco transmise aux rapporteurs.
([44]) L’application « Faits établissements » n’est pas réservée au recensement des seuls actes de discrimination. La nomenclature des faits, classés par niveaux de gravité est disponible ici : https://se-unsa67.net/wp-content/uploads/2019/09/FAits-%C3%A9tablissements-01-Nomenclature.pdf
([45]) Annoncé le 22 janvier2015, https://www.clemi.fr/sites/default/files/clemi/Reperes/dossier%20de%20presse-mobilisation%20%C3%A9cole.pdf
([46]) Pour rappel, les Inspé sont des composantes des universités.
([47]) Arrêté du 16 juillet 2021 fixant le cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d’éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République..
([48]) Arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation. Ce référentiel général, s’il ne mentionne pas explicitement la lutte contre les discriminations à caractère raciste, antisémite ou homophobe, met néanmoins en exergue la promotion de la recherche du bien commun, en excluant toute discrimination, la transmission des valeurs de la République, notamment le refus de toutes les discriminations, et la mobilisation des élèves contre les stéréotypes et les discriminations de tout ordre.
([49]) Sénat, rapport d’information n° 705 (2023-2024) fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport relatif à l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, MM. Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, sénateurs, juin 2024, p. 49.
([50]) Ibidem.
([51]) Ibidem.
([52]) Ibidem.
([53]) Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.
([54]) Béatrice Delzangles, « Les « missions égalité entre les hommes et les femmes » dans les universités : quelles évolutions depuis la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013 ? », Revue des droits de l’homme - N° 12, Les « missions égalité entre les hommes et les femmes » dans les universités : quelles évolutions depuis la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013 ?
([55]) Décret n°88-413 du 22 avril 1988 relatif au Conservatoire national des arts et métiers.
([56]) Décret n° 2009-329 du 25 mars 2009 créant l’Institut polytechnique de Bordeaux.
([57]) Décret n° 2011-21 du 5 janvier 2011 relatif à l’École normale supérieure Paris-Saclay.
([58]) Décret n° 2011-1169 du 22 septembre 2011 portant création de l’université de Lorraine.
([59]) Décret n° 2004-186 du 26 février 2004 portant création de l’université Paris-Dauphine.
([60]) Décret n° 2014-1679 du 30 décembre 2014 portant création de CentraleSupélec.
([61]) Décret n° 2012-1223 du 2 novembre 2012 relatif à l’École nationale supérieure d’arts et métiers.
([62]) Décret n° 2016-24 du 18 janvier 2016 relatif à l’Institut d’études politiques de Paris.
([63]) Décret n°2005-1444 du 24 novembre 2005 relatif à l’École pratique des hautes études.
([64]) Décret n° 2010-1129 du 28 septembre 2010 portant création de l’École nationale supérieure maritime (ENSM). Cependant, en juin 2023, la directrice des ressources humaines a été nommée « référente égalité professionnelle de l’ENSM ».
([65]) Réalisée en 2023, cette enquête, conçue par l’Observatoire National des Discriminations et de l’Égalité (Ondes) et la conférence permanente des chargés de mission Égalité et diversité (CPED), avec l’appui de France Universités, avait pour objectif de réaliser un état des lieux national des actions en faveur de l’égalité mises en œuvre par les établissements d’enseignement supérieur. Elle couvre à la fois l’organisation des missions liées à l’égalité ainsi que celle des dispositifs d’écoute et de signalement des situations de violence. https://www.cped-egalite.fr/enquete-remede/ Pour les résultats de l’enquête, voir : https://ondes.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/contributeurs/ONDES/Publications/ONDES-WP-23-03.pdf
([66]) https://www.clemi.fr/sites/default/files/clemi/Reperes/dossier%20de%20presse-mobilisation%20%C3%A9cole.pdf
([67]) Voir l’objectif : « Renforcer la prévention des phénomènes racistes et antisémites dans l’enseignement supérieur », et la mesure « Renforcer le réseau des référents racisme-antisémitisme dans les établissements d’enseignement supérieur.»
([68]) Circulaire du 9-1-2024 relatif au cadre d’intervention des personnes référentes « racisme, antisémitisme » dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/2024/Hebdo2/ESRS2400723C
([69]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/le-reseau-des-referents-racisme-et-antisemitisme-de-l-enseignement-superieur-et-de-la-recherche-46312
([70]) Selon un document de France Universités, plus de 140 personnes composent le réseau des référents « racisme-antisémitisme », présents dans toutes les universités. France Universités anime ce réseau.
([71]) Voir également le décret d’application n° 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique.
([72]) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, intégrée dans le code général de la fonction publique depuis l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique.
([73]) Rapport d’information n° 705, MM. Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, op. cit., p. 33.
([74]) ONDES-CPED, Rapport d’étude n° 23-03. Les actions pour l’égalité des établissements d’enseignement supérieur : un état des lieux, p. 9.
([75]) Rapport d’information sénatorial n° 705 (2023-2024), MM. Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, p. 35.
([76]) ONDES-CPED, Rapport d’étude n° 23-03, op. cit., p. 12.
([78]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.
([79]) Conformément au 7° de l’article L. 114-3-1 du code de la recherche, introduit par la loi de programmation de la recherche de 2020.
([80]) Voir le rapport d’information n° 705, MM. P.A. Levi et B. Fialaire, op. cit., « Quelle place pour l’antisémitisme au sein du cadre général de la lutte contre les discriminations ? » pp. 50 et suivantes.
([81]) « La fragmentation des luttes aboutit à un saupoudrage des actions conduites, qui complique la tâche des référents et des chargés de mission sans parvenir à capter l’attention de la population étudiante dès lors que les actions de sensibilisation sont multipliées. Ce morcellement n’est par ailleurs tout simplement pas toujours compatible avec les moyens humains des établissements », rapport d’information n° 705, MM. P.A. Levi et B. Fialaire, op. cit., p. 51.
([82]) « La professionnalisation des processus mis en œuvre au cours des dernières années pour lutter contre les VSS peut aujourd’hui profiter à la lutte contre l’antisémitisme », cf. ibidem
([83]) « La dissociation des deux combats peut être contre-productive, voire dangereuse dans la mesure où elle peut contribuer à nourrir chez d’autres minorités un sentiment de double standard et donc du ressentiment, ce qui aboutit in fine à créer les conditions d’une concurrence victimaire délétère ». Par ailleurs, « une singularisation de la lutte contre l’antisémitisme risque de fragiliser l’approche républicaine universelle et indivisible du combat antiraciste », cf. ibidem
([84]) Rapport d’information n° 705 (2023-2024), MM. P.A. Levi et B. Fialaire, op. cit., p. 11.
([85]) Cette affaire concernait une sanction à l’encontre d’un élève du second degré, https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007883321
([86]) Conseil d'État, 27/02/2019, 410 644, https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000038179926/