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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (n° 1285)
TOME I
EXPOSÉ GÉNÉRAL ET EXAMEN DES ARTICLES
PAR M. Charles DE COURSON,
Rapporteur général,
Député
——
SOMMAIRE
___
Pages
fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2024
I. Le dÉficit de l’État peut Être mesurÉ de plusieurs maniÈres
D. Les clÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État
1. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale
2. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale
A. Un solde très dégradé, inédit hors période de crise
B. un dÉficit public atteignant, en 2024, son plus haut niveau depuis la fin de la crise sanitaire
C. un dÉficit public de nature essentiellement structurelle
1. Les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel
2. Le déficit structurel représente 90 % du déficit public
fiche 2 : Les recettes de l’État En 2024
A. le montant global des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État
1. Une hausse limitée de 0,9 %
a. Un nouveau recul spontané des recettes fiscales
b. Un rendement qui progresse sous l’effet d’un alourdissement de la fiscalité
1. La taxe sur la valeur ajoutée
a. Une faible hausse de 1,2 % du produit de la TVA
a. Un léger rétablissement des recettes d’impôt sur les sociétés, à hauteur de 0,6 milliard d’euros
4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
a. Une nouvelle régression des recettes de TICPE, à hauteur de 4,8 %
5. Les autres recettes fiscales
II. après deux années de hausse, des recettes non fiscales en baisse de 7,6 % en 2024
B. d’autres recettes non fiscales en baisse de 2,8 milliards d’euros
1. Des produits du domaine de l’État en progression de 0,6 milliard d’euros
2. Des produits de la vente de biens et services en baisse de 0,6 milliard d’euros
4. Des amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite en hausse de 0,2 milliard d’euros
5. Des recettes diverses en baisse de 3,5 milliards d’euros
Fiche 3 : les dÉpenses De l’État
A. L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire
1. Les missions dont le niveau d’exécution des crédits est inférieur à celui observé en 2023
2. Les missions dont les crédits exécutés augmentent en 2024 par rapport à 2023
C. L’Évolution des dÉpenses de personnel
II. La norme de dÉpenses de l’État a ÉtÉ respectÉe
III. Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques
fiche 4 : les modifications de crÉdits intervenues au cours de l’exercice 2024
I. Les modifications apportÉes au cours de l’annÉe 2024
A. la loi de finances de fin de gestion a pour consÉquence des annulations nettes de crÉdits
ii. Les annulations de crédits
2. Des budgets annexes et des comptes spéciaux peu mobilisés
B. Les mouvements rÉglementaires
2. Un niveau d’annulation par décret inédit afin de contenir la dégradation du déficit
3. Un niveau encore important de reports de crédits en 2024
a. Un encadrement organique de la possibilité de reports
b. Malgré un léger reflux, les reports restent importants en 2024
4. Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas le niveau des crédits ouverts
II. Les modifications proposÉes par le projet de loi
A. Les ouvertures portant sur le budget gÉnÉral
B. Les annulations portant sur le budget gÉNÉral
C. Les mouvements de crÉdits relatifs aux budgets annexes et comptes spÉciaux
I. Le rythme d’augmentation de l’endettement de l’État demeure hors de contrÔle en 2024
A. Un encours de la dette de l’État proche de 2 602 milliards d’euros
1. Un encours de la dette des administrations publiques durablement orienté à la hausse
2. L’accroissement continu de l’encours total de la dette négociable de l’État
3. La composition de la dette négociable
a. Une stabilisation de la durée de vie de la dette négociable
b. La poursuite de la remontée de la part de dette détenue par les non‑résidents
C. Les ressources de financement de l’État
II. Un ralentissement de la charge de la dette en trompe‑l’Œil
A. Des facteurs temporaires expliquent la baisse de la charge de la dette de l’État en 2024
FICHE 6 : La comptabilité générale de l’État
A. Une augmentation de 6 milliards d’euros des charges nettes (+1,4 %)
B. Une augmentation des produits régaliens nets
II. Le bilan de l’État : la poursuite de la dégradation de la situation nette patrimoniale
1. Des immobilisations en hausse de 13,5 milliards d’euros
2. Un actif circulant en très légère augmentation de 2,5 milliards d’euros
3. Une légère augmentation du niveau de trésorerie active
1. Une croissance des dettes financières qui ralentit
2. Des dettes non financières de nouveau en recul, à hauteur de 4,5 milliards d’euros
3. Une diminution des provisions pour risques et charges en baisse de 24,5 milliards d’euros
4. Une trésorerie passive en recul de 5,9 milliards d’euros
III. Les engagements hors bilan
A. Une baisse de 200 milliards d’euros des engagements hors bilan relatifs aux retraites
Article 1er Résultats du budget de l’année 2024
Article 2 Tableau de financement de l’année 2024
Article 3 Résultat de l’exercice 2024 – Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe
Article 10 Règlement du compte spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce
Article 1er Résultats du budget de l’année 2024
Article 2 Tableau de financement de l’année 2024
Article 3 Résultat de l’exercice 2024 – Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe
Article 10 Règlement du compte spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce
Après l’année 2023, 2024 est ainsi une deuxième « année noire » pour les finances publiques, pour reprendre l’expression du Premier président de la Cour des comptes. Elle se caractérise par un dérapage du déficit d’une ampleur inédite hors période de crise, alors même que les effets des crises sanitaire, énergétique et inflationniste se dissipent et que les autres pays européens ont engagé le redressement de leurs finances publiques. L’écart de 1,5 point de PIB du déficit structurel à la trajectoire qui avait été fixée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a conduit au déclenchement au mois d’avril dernier par le Haut Conseil des finances publiques du mécanisme de correction prévu par l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances.
Le déficit budgétaire de l’État, bien qu’en baisse par rapport à 2023, est supérieur de 9 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances pour 2024 : les mesures de régulation budgétaire massives prises dès le mois de février, avec des annulations de crédits de 10 milliards d’euros, n’ont pas permis de compenser les moins-values très élevées, d’un montant de 22,8 milliards d’euros, constatées sur les recettes fiscales, et dont le rapporteur général a analysé les ressorts dans une communication publiée au mois d’avril dernier.
● Au regard des deux années qui viennent de s’écouler, le rapporteur général s’inquiète de la tenue et de la crédibilité de notre trajectoire budgétaire. Si la France s’est engagée, dans le cadre du plan budgétaire et structurel de moyen terme pour les années 2025 à 2029 (PSMT) présenté au mois d’octobre 2024 et actualisé en avril 2025, à ramener son déficit sous le seuil de 3 % du PIB d’ici à 2029, la trajectoire qui a été définie se révèle très ambitieuse et repose sur l’hypothèse d’un ajustement structurel primaire annuel de 0,8 point de PIB chaque année. Or les dépenses de l’État sont de plus en plus rigides : selon la Cour des comptes, environ 77 % des dépenses de l’État peuvent être ainsi qualifiées en raison de l’absence de levier efficace pour freiner leur progression ; les restes à payer demeurent très élevés (217 milliards d’euros en 2024, soit presque trois années de dépenses ministérielles hors masse salariale) et les programmations pluriannuelles de dépenses, notamment dans les domaines de la défense, de la sécurité, de la justice et de la recherche, limitent les marges de manœuvre. Les dépenses sociales et des collectivités locales sont quant à elles difficilement pilotables, ce qui fragilise les prévisions d’exécution.
● Aux termes de l’article 41 de la loi organique relative aux lois de finances, « le projet de loi de finances de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année afférents à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances ». Comme l’a relevé le Conseil constitutionnel, « il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu’elles subordonnent la mise en discussion du projet de loi de finances de l'année devant une assemblée non à l’adoption du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes afférents à l’année précédente, mais à son vote en première lecture » ([1]).
Ainsi, si l’examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 est requis par la loi organique, le rejet de ce texte par le Parlement n’entraverait en rien la procédure budgétaire ni ne ferait obstacle à l’examen du projet de loi de finances pour 2026. Sur le plan comptable, des solutions adaptées ont pu être trouvées à la suite des rejets successifs des projets de loi de règlement des exercices 2021 et 2022 et du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour 2023 ([2]) – rejets par ailleurs inédits, hors le précédent que constituait, en 1833, celui de la proposition de loi pour le règlement définitif du budget de l’exercice 1830 ([3]).
Par un vote négatif, l’Assemblée nationale signifierait clairement qu’elle désavoue la gestion budgétaire de l’année 2024, dont les résultats sont pour le moins insatisfaisants. Le rapporteur général appelle donc au rejet du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
LE DÉFICIT PUBLIC EN 2024
● Selon la comptabilité nationale, le déficit de l’État s’établit à 152,3 milliards d’euros au 31 décembre 2024 ; le déficit public atteint pour sa part 169,6 milliards d’euros.
Le dÉficit depuis 2022
(en milliards d’euros)
|
2022 |
2023 |
2024 |
Déficit public toutes administrations publiques |
125,8 |
151,7 |
169,6 |
Déficit de l’État en comptabilité budgétaire |
151,4 |
173 |
155,9 |
Déficit de l’État en comptabilité générale |
157,9 |
125,5 |
123,7 |
Déficit de l’État en comptabilité nationale |
148,1 |
151,9 |
152,3 |
Source : projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (PLR 2022), projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLRG 2023) et projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024).
● En comptabilité budgétaire, le déficit de l’État atteint en 2024 un montant de 155,9 milliards d’euros, se réduisant de 17,1 milliards d’euros par rapport à 2023.
Combinée à une sensible diminution des dépenses (– 11,2 milliards d’euros) par rapport à 2023, la légère hausse des recettes du budget général de l’État (+ 3,1 milliards d’euros) entraîne une réduction de 14,3 milliards d’euros du déficit du budget général. S’y ajoute une amélioration, à hauteur de 2,8 milliards d’euros, du solde des budgets annexes et comptes spéciaux.
Le déficit de l’État est toutefois supérieur de 9 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale, qui était de 146,9 milliards d’euros. Plus prononcé encore qu’en 2023, année où il avait atteint 8,1 milliards d’euros, cet écart procède de recettes inférieures de 22,8 milliards d’euros à leur estimation initiale, qu’une tenue des dépenses meilleure que prévu (– 9,8 milliards d’euros) n’a pas suffi à compenser.
Évolution du solde budgÉtaire
(en milliards d’euros)
Composantes |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
LFG 2024 |
Exécution 2024 |
Écart entre les prévisions de LFI 2024 et l’exécution |
Recettes fiscales nettes |
322,9 |
348,5 |
323,3 |
325,7 |
– 22,8 |
Recettes non fiscales |
25,1 |
22,7 |
23,7 |
23,2 |
+ 0,5 |
Fonds de concours et attribution de produits |
6,5 |
7,4 |
7,4 |
8,3 |
+ 0,9 |
PSR au profit de l’Union européenne (à déduire) |
– 23,9 |
– 21,6 |
– 22,3 |
– 22,3 |
– 0,7 |
PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire) |
– 44,3 |
– 45,1 |
– 44,9 |
– 45,5 |
– 0,4 |
Recettes nettes |
286,4 |
311,9 |
287,1 |
289,5 |
– 22,4 |
Dépenses nettes |
454,6 |
453,2 |
445,9 |
443,4 |
– 9,8 |
Solde du budget général |
– 168,2 |
– 141,3 |
– 158,7 |
– 153,9 |
– 12,6 |
Solde des budgets annexes |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,4 |
+ 0,2 |
Solde des comptes spéciaux |
– 5,1 |
– 5,7 |
– 3,9 |
– 2,4 |
+ 3,3 |
Solde budgétaire de l’État |
– 173,0 |
– 146,9 |
– 162,4 |
– 155,9 |
– 9 |
Source : commission des finances d’après le RBDE 2024 et le PLRG 2024.
● Le déficit public représente 5,8 points de produit intérieur brut (PIB), montant relatif supérieur de 0,4 point à son niveau au 31 décembre 2023 et de 1,4 point aux prévisions de la loi de finances initiale et de la loi de programmation des finances publiques.
Solde public par sous-secteur d’administrationS publiques
en valeur relative
(en points de PIB)
Sous-secteur |
2022 |
2023 |
Prévision 2024 de la LFI2024 |
Exécution 2024 |
Administrations publiques centrales |
– 5,0 |
– 5,4 |
– 4,8 |
– 5,3 |
Administrations publiques locales |
0,0 |
– 0,3 |
– 0,2 |
– 0,6 |
Administrations de sécurité sociale |
0,3 |
0,4 |
0,6 |
0,0 |
Solde effectif toutes APU |
– 4,8 |
– 5,4 |
– 4,4 |
– 5,8 |
Source : PLRG 2024.
Comme les années précédentes, le déficit public se concentre sur le secteur des administrations publiques centrales (APUC), mais le solde relatif de celles-ci s’améliore de 0,1 point – celui de l’État se redresse même de 0,2 point –, tandis que celui des administrations de sécurité sociale (ASSO) se dégrade de 0,4 point. S’aggravant en 2024 de 0,3 point, le déficit des administrations publiques locales (APUL) contribue également négativement au solde public.
● L’essentiel de ce déficit est de nature structurelle (5,2 points de PIB potentiel), la composante conjoncturelle pesant pour 0,5 point de PIB, tandis que l’effet des mesures ponctuelles et temporaires sur le déficit reste marginal (0,1 point de PIB potentiel).
Le solde structurel est inférieur de 1,5 point aux prévisions de la loi de finances pour 2024 et aux projections de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP). Cet écart étant supérieur de plus 0,5 point de PIB, il constitue un « écart important » au sens de l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances, ce qui justifie le déclenchement par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) du mécanisme de correction prévu au même article.
Le HCFP invite ainsi le Gouvernement « à présenter les mesures permettant de retourner aux orientations de la LPFP, ou à tout le moins à présenter une nouvelle loi de programmation conforme à la trajectoire du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) entérinée par le Conseil en janvier 2025 ».
Selon les informations transmises au rapporteur général, l’effort de redressement des comptes publics évoqué par le Gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi, d’un montant de 50 milliards d’euros pour l’année 2025, serait réparti entre l’État et ses opérateurs (22,6 milliards d’euros), les administrations de sécurité sociale (6,8 milliards), les collectivités locales (2,2 milliards d’euros), les prélèvements fiscaux sur les entreprises (12,2 milliards d’euros) et sur les particuliers (3,2 milliards d’euros) – auxquels s’ajoute le versement de dividendes par EDF à hauteur de 2 milliards d’euros.
LES RECETTES DE L’ÉTAT EN 2024
● Alors qu’en 2023, les recettes fiscales s’étaient révélées inférieures de 5,3 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale ([4]), l’année 2024 s’est donc caractérisée par une forte aggravation des moins-values : l’écart entre l’exécution (325,7 milliards d’euros) et les prévisions de la loi de finances initiale (348,5 milliards d’euros) s’est élevé à 22,8 milliards d’euros, imputable pour près des deux tiers aux moindres recettes constatées pour l’impôt sur les sociétés (– 14,6 milliards d’euros).
Recettes nettes du budget gÉnÉral de l’État en 2024
(en milliards d’euros)
Impôt |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
LFG 2024 |
Exécution 2024 |
Évolution par rapport à 2023 |
Écart de l’exécution |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
||||||
Impôt sur le revenu |
88,6 |
93,4 |
88,2 |
88,0 |
– 0,6 |
– 5,4 |
– 0,2 |
Impôt sur les sociétés |
56,8 |
72,0 |
57,7 |
57,4 |
0,6 |
– 14,6 |
– 0,3 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
95,2 |
100,8 |
95,6 |
96,8 |
1,6 |
– 4 |
1,2 |
TICPE* |
16,8 |
15,4 |
15,9 |
16,0 |
– 0,8 |
0,6 |
0,1 |
Autres recettes fiscales nettes |
65,5 |
66,9 |
65,8 |
67,5 |
2 |
0,6 |
1,7 |
Recettes fiscales nettes |
322,9 |
348,5 |
323,3 |
325,7 |
2,8 |
– 22,8 |
2,4 |
Recettes non fiscales |
25,1 |
22,7 |
23,7 |
23,2 |
– 1,9 |
0,5 |
– 0,5 |
Total |
348,0 |
371,2 |
347,0 |
348,9 |
0,9 |
– 22,3 |
1,9 |
* : la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons, demeure le plus souvent désignée dans les documents budgétaires et dans les commentaires des textes financiers sous son appellation de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), antérieure à l’ordonnance du 22 décembre 2021.
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024).
L’écart entre la prévision de la loi de finances initiale et l’exécution des recettes fiscales nettes, qui fait plus que quadrupler par rapport à l’exercice 2023, s’explique à hauteur de 9,2 milliards d’euros par des recettes de l’exercice 2023 moins élevées qu’attendu lors de la préparation de la loi de finances pour 2024 (effet de « report en base ») et de 13,6 milliards d’euros par un manque à gagner supplémentaire enregistré en 2024.
● Si, en 2023, un biais optimiste avait présidé à la détermination des hypothèses retenues, pour l’année 2023, au titre de certaines composantes du produit intérieur brut et de leurs contributions respectives à une croissance qui aura finalement plus procédé du commerce extérieur que d’une reprise de la consommation, ces mêmes erreurs se sont renouvelées en 2024 et se sont doublées d’une substantielle et précoce révision à la baisse du niveau global de la croissance ([5]).
L’écart entre l’exécution et la prévision initiale a été en outre aggravé par l’effet de base défavorable qu’ont représenté les moindres recettes – par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 – de l’exercice 2023. C’est ainsi l’ensemble de la prévision macroéconomique et de finances publiques qui a reposé en 2024 sur un scénario d’emblée frappé de caducité.
● Les recettes de TVA revenant à l’État sont en hausse de 1,6 milliard d’euros par rapport à 2023, pour atteindre 96,8 milliards d’euros, mais les encaissements sont sensiblement en retrait des prévisions de la loi de finances initiale, qui atteignaient 100,8 milliards d’euros.
Après une légère diminution en 2023 (– 0,4 milliard d’euros), le rendement de l’impôt sur le revenu poursuit sa décrue en 2024 (– 0,6 milliard d’euros) pour atteindre 88 milliards d’euros. Les recettes enregistrées en 2024 se situent par ailleurs à un niveau sensiblement inférieur (– 5,8 %) à la prévision de la LFI (93,4 milliards d’euros).
Après une baisse de 5,3 milliards d’euros en 2023, le rendement net de l’impôt sur les sociétés ne connaît qu’une progression minime de 0,6 milliard d’euros en 2024, pour s’établir à 57,4 milliards d’euros. Le rendement de l’IS aura été en 2024 inférieur de 14,6 milliards d’euros à la prévision initiale de 72 milliards d’euros.
● Avec 23,2 milliards d’euros en 2024, les recettes non fiscales représentent environ 6,6 % des recettes totales du budget général de l’État. Elles connaissent une baisse de 7,6 % (– 1,9 milliard d’euros).
LES DÉPENSES DE L’ÉTAT EN 2024
● La consommation de crédits de paiement en 2024, sur l’ensemble du budget de l’État, a atteint 666,5 milliards d’euros, après 675,8 milliards d’euros en 2023 (hors le programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État), soit 7,3 milliards de moins que l’ensemble des crédits ouverts en lois de finances et de fin de gestion pour 2024.
Sur le budget général, l’exécution des dépenses de l’année 2024 se caractérise par une diminution des crédits consommés pour la première fois depuis 2020, marquant la fin d’une période de croissance soutenue sous les effets de la crise sanitaire et de la hausse de l’inflation. Le taux d’exécution des CP par rapport aux crédits ouverts en 2024 est de 97,3 %.
Les dépenses nettes du budget général incluant les fonds de concours, hors programme 200 relatif aux impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements, ont diminué de 11,2 milliards d’euros en 2024 par rapport à 2023, pour atteindre 443,4 milliards d’euros, soit 14,5 milliards d’euros en deçà des crédits ouverts.
Cette baisse s’explique notamment par l’extinction de dispositifs mis en place pour répondre aux crises et d’importantes mesures de régulation budgétaire en cours de gestion. Ainsi, hors la baisse de 18,8 milliards d’euros liée à la fin des mesures exceptionnelles, les dépenses de l’État progressent de 7,6 milliards d’euros (+ 1,7 %).
Évolution de l’exÉcution des crÉdits budgÉtaires depuis 2019
(en milliards d’euros et en crédits de paiement)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Évolution annuelle moyenne 2024/2019 |
Évolution 2023/2024 |
Budget général |
336,1 |
389,7 |
426,7 |
445,7 |
454,6 |
443,4 |
+ 5,9 % |
– 2,5 % |
Budgets annexes |
2,3 |
2,2 |
2,4 |
2,5 |
2,2 |
2,4 |
+ 1,2 % |
+ 9,1 % |
Comptes spéciaux |
191,1 |
205,2 |
191,7 |
205,8 |
219,0 |
220,7 |
+ 3,1 % |
+ 0,8 % |
TOTAL |
529,5 |
597,1 |
620,8 |
654,0 |
675,8 |
666,5 |
+ 4,8 % |
– 1,4 % |
Note : hors programme 200 de la mission Remboursements et dégrèvements.
Source : commission des finances, d’après les projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2023 et 2024.
● Les dépenses de personnel continuent d’augmenter (+ 6,8 % hors compte d’affectation spéciale Pensions), à un rythme plus soutenu qu’en 2023 (+ 5,5 %), notamment en raison de l’effet des mesures salariales décidées en 2023 et de schémas d’emplois dynamiques. Le total des dépenses de personnel du budget général de l’État, nettes des rattachements de fonds de concours et des attributions de produits, s’élève à 152,8 milliards d’euros (+ 8 milliards d’euros par rapport à 2023).
Ce montant se décompose entre 105,9 milliards d’euros de dépenses de rémunération et 46,9 milliards d’euros de contributions au CAS Pensions, ces dernières représentant 44,3 % des dépenses de rémunération. Une analyse détaillée de ce taux, en apparence élevé, sera réalisée en 2025 par le rapporteur général.
Depuis 2016, la consommation d’emplois sur une année a toujours été supérieure à celle de l’année précédente. L’année 2024 confirme cette tendance à la progression des effectifs de l’État, qui se sont établis à 1 965 630 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une hausse de + 41 160 emplois par rapport à l’exécution 2023 et un niveau inférieur de – 19 677 ETPT au plafond fixé par la LFI pour 2024 (– 1 %).
● L’année 2024 est le second exercice budgétaire mettant en œuvre la nouvelle norme des dépenses de l’État prévue par l’article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, appelée « périmètre des dépenses de l’État » (PDE).
Les dépenses sous norme ont atteint 484,7 milliards d’euros en 2023 : elles ont été inférieures de 7,2 milliards d’euros à la prévision de la LFI pour 2024 (– 1,5 %). Sur ce même périmètre, 489,1 milliards d’euros avaient été dépensés en 2023 : l’exécution 2024 représente donc une baisse de 4,4 milliards d’euros en valeur (soit – 0,9 %, pour – 2,8 % en volume).
Évolution du pÉRIMÈtre des dÉpenses de l’État entre 2023 et 2024
(en milliards d’euros)
Composition du PDE |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Écart LFI/Exécution |
Dépenses du budget général |
585,1 |
582,0 |
577,0 |
– 5,0 |
Charge de la dette |
– 54,8 |
– 54,3 |
– 50,1 |
4,2 |
Amortissement de la dette liée à la covid-19 |
– 6,6 |
– 6,5 |
– 6,5 |
0,0 |
Contributions directes au CAS Pensions |
– 45,5 |
– 45,7 |
– 46,9 |
– 1,2 |
Remboursements et dégrèvements |
– 142,4 |
– 140,5 |
– 146,5 |
– 6,0 |
Dépenses des ministères |
335,8 |
335,0 |
327,0 |
– 8,0 |
Taxes et recettes affectées |
20,5 |
21,9 |
21,5 |
– 0,4 |
Comptes spéciaux sous norme |
68,7 |
74,3 |
72,4 |
– 1,9 |
Budgets annexes sous normes |
1,9 |
2,0 |
2,0 |
|
Retraitement des flux internes à l’État |
– 6,0 |
– 6,0 |
– 6,0 |
0,0 |
Prélèvements sur recettes |
68,1 |
66,7 |
67,7 |
1,0 |
Total PDE * |
489,1 |
491,9 |
484,7 |
– 7,2 |
* effets d’arrondi à 0,1 près.
Source : commission des finances, d’après les projets de loi de règlement et relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2023 et 2024.
*
* *
● La gestion 2024 a été caractérisée par d’importants mouvements réglementaires visant à contenir la dégradation du déficit budgétaire.
Afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini à – 4,4 % du PIB par la loi de finances pour 2024 (LFI 2024), le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a procédé à l’annulation de 10 milliards d’euros en AE et de 10,2 milliards d’euros en CP sur le budget de l’État, soit un niveau proche mais inférieur au plafond fixé par la LOLF ([6]).
La réserve de précaution, dont l’usage avait été assaini malgré la crise, a été fortement utilisée en 2024 pour éviter le dépassement de la norme de dépense : une telle mobilisation n’avait jamais été réalisée sur la période récente. Après une mise en réserve de 14,4 milliards d’euros en CP en 2023, le montant de crédits gelés en 2024 a atteint 28,2 milliards d’euros de CP. Sur la totalité de la réserve, 10,8 milliards ont été dégelés en cours d’année et utilisés par les ministères (38,3 % des crédits mis en réserve), 13,7 milliards d’euros ont été définitivement annulés et 3,7 milliards d’euros ont été reportés sur 2025.
Les mouvements de crédits opérés par la loi de finances de fin de gestion (LFG) pour 2024 ont principalement porté sur le budget général de l’État, qui enregistre des annulations nettes des ouvertures à hauteur de – 3,3 milliards d’euros en AE et – 1,9 milliard d’euros en CP hors le programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.
Le rapporteur général souligne que la maîtrise de la dépense a surtout été réalisée en 2024 à l’aide d’un « rabot » budgétaire transversal, se substituant à une véritable stratégie de réduction de la dépense publique reposant sur des économies ciblées et durables. Il s’interroge donc sur la solidité de la dynamique à la baisse de la dépense de l’État au regard de l’absence de mesures structurelles.
● Malgré leur reflux, les reports de crédits de 2023 vers 2024 et de 2024 vers 2025 se maintiennent à un niveau élevé. Bien qu’en diminution par rapport aux années précédentes, le montant des reports de 2023 vers 2024 s’était établi à un niveau élevé de 23,5 milliards d’euros en CP. La décrue se poursuit entre 2024 et 2025 puisque les crédits reportés s’élèvent à 16,8 milliards d’euros répartis entre le budget général à hauteur de 11,6 milliards d’euros et les comptes spéciaux et budgets annexes pour 5,2 milliards d’euros.
Si le Gouvernement avance une « rationalisation des reports » dans l’exposé des motifs du PLRG pour 2024, le rapporteur général observe que le montant des crédits reportés, bien qu’en diminution, représente encore le double de leur niveau avant la crise sanitaire et, s’agissant des crédits du budget général hors mission Plan de relance, le quadruple de leur niveau pré‑crise. La pratique actuelle altère l’autorisation parlementaire et nuit à la lisibilité des comptes. Le rapporteur général invite le Gouvernement à poursuivre la réduction des reports de crédits pour les ramener à un niveau conforme à l’esprit de la LOLF.
● Enfin, l’article 4 du projet de loi prévoit l’annulation de 7,2 milliards d’euros en AE et de 3 milliards d’euros en CP (hors programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État). Ces annulations s’élèvent à 1,7 % des AE et 0,7 % des CP, soit un niveau similaire à la moyenne d’annulations de crédits en loi de règlement entre 2018 et 2023 (1,5 % des AE et 0,6 % des CP).
LA DETTE DE L’ÉTAT EN 2024
● L’encours de la dette de l’État a poursuivi son envol en 2024, atteignant 2 602 milliards d’euros, soit une hausse de 172 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023. Le rythme annuel de progression de la dette négociable de l’État a doublé entre la période 2014‑2019 et la période 2020‑2024, passant de 3,6 % à 7,4 %.
La hausse de l’encours de la dette de l’État s’inscrit dans une trajectoire dégradée du niveau d’endettement des administrations publiques, qui a atteint 113 points de PIB en 2024, en hausse de 3,2 points sur un an. Le niveau de dette publique devrait demeurer orienté à la hausse jusqu’en 2027, où il culminerait à 118,1 points de PIB, soit un écart de 10 points par rapport à la LPFP 2023‑2027.
La hausse de l’encours de dette négociable de l’État est le résultat d’un besoin de financement de l’État de 305,7 milliards d’euros en 2024, soit un niveau supérieur de 8,5 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale. La hausse du besoin de financement par rapport aux prévisions a été principalement couverte par une augmentation des émissions de dette de court terme de 31,9 milliards d’euros, soit un écart de 26,7 milliards d’euros à la prévision initiale.
● Malgré la hausse continue du niveau d’endettement de l’État, la charge de la dette et de la trésorerie de l’État s’est située à 49,3 milliards d’euros en 2024, en baisse de 4,6 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023. Cette baisse est toutefois en trompe‑l’œil, puisqu’elle est portée par une diminution de la provision pour indexation du capital des titres indexés de 8,8 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent, alors que la charge d’intérêt des titres nominaux de long terme a augmenté de 3,1 milliards d’euros en 2024 en raison de la hausse du volume de dette de l’État.
Sur le long terme, l’augmentation soutenue du volume de dette de l’État orienterait la charge de la dette de l’État durablement à la hausse, atteignant 69 milliards d’euros en 2027.
Évolution de la charge de la dette et de la trÉsorerie de l’État
(en milliards d’euros)
Source : lois de règlement de 2007 à 2020, projets de lois de règlement de 2021 et 2022, projets de lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de 2023 et 2024 et projet de loi de finances pour 2025.
Sur le périmètre des administrations publiques, la charge de la dette atteindrait 87,8 milliards d’euros en 2027, soit 2,8 points de PIB, et continuerait à croître à horizon 2031, où elle s’élèverait à 3,5 points de PIB.
LA COMPTABILITÉ GÉNÉRALE DE L’ÉTAT EN 2024
● Le projet de loi relative aux résultats de la gestion 2024 (PLRG 2024) est accompagné du compte général de l’État. En matière de comptabilité de l’État, le résultat patrimonial connaît une moindre dégradation en 2024 et s’établit ainsi à – 123,7 milliards d’euros, contre – 125,5 milliards d’euros en 2023.
Cette moindre dégradation est due à une hausse des produits régaliens nets (+ 7,7 milliards d’euros), et à une baisse des charges d’intervention nettes (− 23,3 milliards d’euros), eux-mêmes amoindris par une augmentation des charges de fonctionnement nettes (+ 19,1 milliards d’euros) et des charges financières nettes (+ 10,2 milliards d’euros).
Aussi, si l’actif total atteint 1 317,9 milliards d’euros en 2024, le passif de l’État atteint quant à lui 3 305,1 milliards d’euros. La situation nette patrimoniale de l’État s’établit à – 1 987,2 milliards d’euros au 31 décembre 2024, en détérioration de 118,7 milliards d’euros par rapport à 2023, du fait d’une plus forte croissance du passif (+ 137,8 milliards d’euros) que de l’actif (+ 19,1 milliards d’euros). Enfin, les engagements hors bilan de l’État diminuent en passant de 4 138 milliards d’euros en 2023 à 3 861 milliards d’euros en 2024.
● En matière de certification des comptes de l’État, la Cour des comptes certifie une nouvelle fois les comptes avec réserves pour l’année 2024. La Cour constate en effet cinq anomalies significatives et onze postes des états financiers pour lesquels elle met en évidence l’absence d’éléments probants suffisants et appropriés pour fonder son opinion.
Face à l’absence d’améliorations significatives au cours des dernières années, le Premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a évoqué, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, la possibilité d’un refus de certification pour les comptes de l’année 2025 si la situation n’évoluait pas.
fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2024
La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes – anciennement loi de règlement du budget et d’approbation des comptes – arrête le déficit public, toutes administrations publiques confondues, ainsi que le déficit de l’État. Le premier est mesuré selon les principes de la comptabilité nationale, le second selon ceux des comptabilités budgétaire et générale. Ces trois types de comptabilité ont des objets différents.
Alors que la comptabilité budgétaire, comptabilité dite de caisse, retrace les flux budgétaires entrants et sortants constatés, les comptabilités générale et nationale sont fondées sur la constatation des droits et obligations nés au cours de l’exercice concerné.
les mesures du dÉficit en 2024
Déficit public (toutes administrations publiques) |
Comptabilité nationale |
169,6 milliards d’euros soit 5,8 points de PIB |
|
||
Déficit de l’État |
Comptabilité budgétaire |
155,9 milliards d’euros |
Comptabilité générale |
123,7 milliards d’euros |
|
Comptabilité nationale |
152,3 milliards d’euros |
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024).
Évolution des mesures de dÉficit depuis 2022
(en milliards d’euros)
|
2022 |
2023 |
2024 |
Déficit public toutes administrations publiques |
125,8 |
151,7 |
169,6 |
Déficit de l’État en comptabilité budgétaire |
151,4 |
173 |
155,9 |
Déficit de l’État en comptabilité générale |
157,9 |
125,5 |
123,7 |
Déficit de l’État en comptabilité nationale |
148,1 |
151,9 |
152,3 |
Source : projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (PLR 2022), projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLRG 2023) et projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024).
I. Le dÉficit de l’État peut Être mesurÉ de plusieurs maniÈres
● Historiquement, les lois de règlement ont d’abord porté sur la comptabilité budgétaire, qui est une comptabilité de trésorerie. La mesure du solde de l’État selon les principes de la comptabilité budgétaire permet d’appréhender son besoin de financement annuel résultant des encaissements et des décaissements.
● Plus récente, la comptabilité générale fournit une approche davantage économique de la situation financière et patrimoniale de l’État. Elle permet de déterminer la part de la variation annuelle du patrimoine de l’État qui résulte de la différence entre ses produits et ses charges comptables. En comptabilité générale, les charges et les produits sont rattachés à l’exercice durant lequel les droits et obligations sont nés.
● Enfin, en comptabilité nationale dite « maastrichtienne », la mesure du solde public, exprimé en points de produit intérieur brut (PIB), permet une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques (en agrégeant le solde de l’État avec celui des administrations publiques locales et de sécurité sociale) et du respect par la France de ses engagements européens, dans une approche harmonisée avec les autres États membres.
Traditionnellement, l’examen de la loi de règlement a eu pour but de permettre de débattre de l’exécution du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Cette comptabilité demeure très commentée car elle permet de constater le niveau des recettes, en particulier fiscales, et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépense.
La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([7]). L’article 28 précise que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).
Les résultats du budget de l’État pour 2024 sont arrêtés par l’article 1er du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (PLRG). Le déficit budgétaire forme, avec l’amortissement de la dette, le besoin de financement de l’État arrêté à l’article 2. Le suivi des autorisations de dépenses et des éventuels reports du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux est assuré par les articles 4, 5 et 6.
Depuis 2006, une comptabilité générale de l’État est annexée au projet de loi de règlement – puis, depuis l’exercice 2023, au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année. Cette comptabilité dite d’engagements est tenue selon les mêmes principes qu’une comptabilité d’entreprise : un compte de résultat de l’année en cours est rattaché au bilan de l’État, et une annexe est également prévue pour détailler et justifier la nomenclature comptable. Les charges et les produits sont rattachés à l’exercice durant lequel les droits et obligations sont nés, indépendamment de la date de paiement ou d’encaissement effective.
Article 30 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
« La comptabilité générale de l’État est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement.
« Les règles applicables à la comptabilité générale de l’État ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action.
« Elles sont arrêtées après avis d’un comité de personnalités qualifiées publiques et privées dans les conditions prévues par la loi de finances. Cet avis est communiqué aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et publié. »
La comptabilité générale permet d’appréhender également des produits et charges qui ne donnent pas lieu à des flux de trésorerie, et qui ne sont donc pas retracés par la comptabilité budgétaire, comme les dotations aux amortissements et aux provisions ou l’état des stocks. Elle retrace aussi les opérations de nature patrimoniale (immobilisations, créances, dettes, etc.), qui ne sont pas décrites par les lois de finances, et qui n’ont pas d’impact sur le solde public en comptabilité nationale. La comptabilité générale offre ainsi la possibilité de mesurer les variations annuelles du patrimoine de l’État.
Elle fait généralement l’objet de peu de commentaires dans le débat public, malgré l’enrichissement de l’information qu’elle représente.
Les résultats des comptes de l’État pour 2024 sont arrêtés par l’article 3 du PLRG pour 2024.
La comptabilité générale de l’État est analysée de façon plus détaillée dans la fiche 6 du présent rapport. Seul est rappelé ici le résultat patrimonial, c’est-à-dire la différence entre les produits et les charges.
Le rÉsultat de l’État depuis 2022
(en milliards d’euros)
Poste |
Exercice 2022 |
Exercice 2023 |
Exercice 2024 |
|||
|
|
|||||
Cycle de fonctionnement |
Charges (a) |
305,5 |
305,7 |
322,3 |
||
Produits (b) |
79,5 |
88,1 |
85,5 |
|||
Charges nettes (I = a-b) |
225,9* |
217,7 |
236,8 |
|||
|
|
|||||
Cycle d’intervention |
Charges (a) |
254,2 |
271,0 |
259,8 |
||
Produits (b) |
56,5 |
76,6 |
88,7 |
|||
Charges nettes (II = a-b) |
197,7 |
194,4 |
171,1 |
|||
|
|
|||||
Cycle financier |
Charges (a) |
77,5 |
60,6 |
62,9 |
||
Produits (b) |
26,3 |
31,6 |
23,7 |
|||
Charges nettes (III = a-b) |
51,2 |
29,0 |
39,2 |
|||
|
|
|||||
Total des charges nettes (A = I + II + III) |
474,9 |
441,1 |
447,1 |
|||
|
|
|||||
Produits régaliens nets (B) |
316,9 |
315,6 |
323,4 |
|||
|
|
|||||
Résultat (B-A) |
– 158,0 |
– 125,5 |
– 123,7 |
|||
* : Effet d’arrondi au dixième.
Source : projet de loi de règlement (PLR) pour 2022, PLRG pour 2023 et 2024.
Depuis 2013, l’article liminaire du projet de loi de règlement – désormais, celui du projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes – permet de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).
La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.
Les résultats de la comptabilité nationale présentés dans l’article liminaire sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en points de PIB, qui joue un rôle toujours essentiel dans le cadre de l’examen et de la comparaison des finances publiques au niveau européen.
D. Les clÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État
1. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale
Selon la comptabilité nationale, en 2024, le déficit de l’État s’établit à 152,3 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros en dessous du déficit budgétaire qui atteint – hors opérations monétaires avec le Fonds monétaire international (FMI) et budgets annexes – 156,3 milliards d’euros.
Cet écart s’explique par trois effets principaux.
● Premièrement, certaines dépenses et recettes budgétaires sont comptabilisées en opérations financières au sens de la comptabilité nationale et sont placées ainsi hors du périmètre retenu pour le calcul du déficit dit maastrichtien, utilisé pour le calcul du déficit public. Au total, en 2024, la prise en compte différenciée de ces opérations par les comptabilités nationale et budgétaire améliore de 5,1 milliards d’euros le solde de comptabilité nationale par rapport au solde budgétaire. Les décaissements, d’un montant de 6,5 milliards d’euros, au titre de l’amortissement de la dette de l’État liée à la Covid-19 sont la principale dépense budgétaire concernée, améliorant le solde en comptabilité nationale, et l’encaissement au titre du remboursement par la Grèce de prêts consentis par l’État, pour un montant de 1,7 milliard d’euros, est la principale recette budgétaire concernée jouant en sens inverse.
● Deuxièmement, le rattachement comptable de droits constatés à l’exercice 2024 détériore le solde en comptabilité nationale de 7 milliards d’euros. L’écart provient en partie de la façon dont les recettes issues du financement européen du plan de relance français sont comptabilisées – ce décalage comptable dégrade le solde en comptabilité nationale de 3,3 milliards d’euros. Par ailleurs, les mesures liées à l’énergie impliquent plusieurs corrections significatives, qui dégradent le solde en comptabilité nationale de 2,5 milliards d’euros (cf. encadré ci‑après). En outre, les recettes budgétaires de TVA ont été plus élevées que les recettes de TVA enregistrées en comptabilité nationale, ce qui dégrade le solde de comptabilité nationale de 2,1 milliards d’euros, tandis qu’un retraitement au titre des recettes liées aux quotas carbone améliore le solde de comptabilité nationale de 1,3 milliard d’euros.
● Troisièmement, les différences dans l’enregistrement de la dépense d’intérêts améliorent le solde en comptabilité nationale de 5,7 milliards d’euros. En particulier, l’enregistrement de la charge d’indexation des titres indexés sur l’inflation diffère entre comptabilités nationale et budgétaire du fait de l’utilisation de dates de référence différentes pour le glissement annuel de l’inflation.
Les corrections au titre des droits constatés
induites par les mesures liées à l’énergie
Plusieurs corrections induites par les mesures liées à l’énergie affectent en sens opposés le solde de comptabilité nationale :
– les décaissements au profit des fournisseurs d’électricité au titre de la compensation de leurs pertes résultant de l’application du bouclier tarifaire sur l’électricité sont inférieurs à la dépense retenue en comptabilité nationale, l’ajustement comptable dégradant le solde de comptabilité nationale par rapport au solde budgétaire à hauteur de 2,6 milliards d’euros ;
– les décaissements relatifs aux charges de service public de l’énergie ont été plus faibles que la dépense en comptabilité nationale, l’ajustement comptable dégradant le solde de comptabilité nationale de 1,7 milliard d’euros ;
– la dépense de comptabilité nationale relative au « guichet électricité » ([8]) a été plus faible que la dépense budgétaire à hauteur de 0,9 milliard d’euros ;
– la recette de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques retenue en comptabilité nationale a été plus élevée que la recette en comptabilité budgétaire à hauteur de 0,9 milliard d’euros.
Au total, le solde de comptabilité nationale se trouve ainsi dégradé de 2,5 milliards d’euros par rapport au solde de comptabilité budgétaire s’agissant de l’énergie.
Le tableau ci-après retrace les clés de passage entre le solde en comptabilité budgétaire et celui en comptabilité nationale.
Passage de la comptabilitÉ budgÉtaire
À la comptabilitÉ nationale en 2024
(en milliards d’euros)
Solde d’exécution budgétaire hors budgets annexes |
– 156,3 |
Opérations budgétaires traitées en opérations financières |
+ 5,1 |
Corrections en droits constatés |
– 7 |
Intérêts courus non échus (y compris différence d’indexation) |
+ 5,7 |
Opérations non budgétaires affectant le besoin de financement |
+ 0,2 |
Solde des budgets annexes |
+ 0,1 |
Déficit de l’État en comptabilité nationale |
– 152,3 |
Source : PLRG 2024.
2. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale
Selon la comptabilité générale, le résultat patrimonial de l’État, qui est la différence entre ses produits et ses charges mesurés dans le compte de résultat, s’établit à – 123,7 milliards d’euros, soit une amélioration de 32,2 milliards d’euros par rapport au déficit budgétaire (solde des budgets annexes compris). Le solde patrimonial de l’État est donc bien moins dégradé que son solde budgétaire.
L’écart entre les deux soldes s’explique en grande partie par :
– un effort d’investissement important, notamment en matière d’immobilisations corporelles et incorporelles sur la mission Défense (6,2 milliards d’euros sur un total de 9,8 milliards d’euros) et, dans une moindre mesure, sur les immobilisations financières ([9]) ;
– des décalages entre produits et recettes (11,2 milliards d’euros), les produits à recevoir augmentant en raison de la hausse des créances liées à l’impôt, notamment celles relatives aux taxes intérieures de consommation sur l’électricité et le gaz, à la suite de la fin des boucliers tarifaires, et aux droits de mutation à titre gratuit, les produits à recevoir au titre du service public de l’énergie étant également en hausse puisque les fournisseurs d’énergies renouvelables bénéficiant de mesures de soutien doivent reverser à l’État une partie de leurs bénéfices exceptionnels ;
– le produit financier net résultant de l’étalement des primes et décotes sur obligations assimilables du Trésor (OAT).
Le tableau ci-après retrace les clés de passage entre le solde en comptabilité budgétaire et celui en comptabilité générale.
Passage de la comptabilitÉ budgÉtaire
À la comptabilitÉ gÉNÉrale en 2024
(en milliards d’euros)
Solde d’exécution des lois de finances |
– 155,9 |
Opérations de trésorerie |
+ 6,8 |
Immobilisations incorporelles, corporelles et stocks |
+ 9,8 |
Immobilisations financières |
+ 4,6 |
Opérations sur comptes de tiers et autres opérations |
– 0,5 |
Décalage en matière de recettes |
+ 11,2 |
Décalage en matière de dépenses |
+ 0,3 |
Déficit de l’État en comptabilité générale |
– 123,7 |
Source : PLRG 2024.
II. Le dÉficit de l’État diminue par rapport à 2023, tout en étant nettement supérieur aux prévisions de la lFI pour 2024
Le déficit budgétaire de l’État s’établit à 155,9 milliards d’euros, en baisse de 17,1 milliards d’euros par rapport au niveau enregistré en 2023.
Le dÉficit budgÉtaire de l’État depuis 2009
(en milliards d’euros)
Année |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Montant |
– 138,0 |
– 113,8* |
– 90,7 |
– 87,2 |
– 74,9 |
– 73,6* |
– 70,5 |
– 69,1 |
– 67,7 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
|
|
– 76,0 |
– 92,7 |
– 178,1 |
– 170,7 |
– 151,4 |
– 173,0 |
- 155,9 |
|
|
|
* : hors programmes d’investissements d’avenir (PIA).
Source : lois de règlement de 2009 à 2020, PLR pour 2021 et 2022, PLRG pour 2023 et 2024.
A. un déficit budgétaire supérieur de 9 milliards d’euros à la prévision, du fait de moindres recettes fiscales à hauteur de 22,8 milliards d’euros, compensées pour partie par de moindres dépenses pour 10 milliards d’euros et par une réduction de plus de 3 milliards d’euros du déficit des comptes spéciaux
Le tableau d’équilibre ci-dessous détaille la formation du solde budgétaire et son évolution.
Évolution du solde budgÉtaire
(en milliards d’euros)
Composantes |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
LFG 2024 |
Exécution 2024 |
Écart entre les prévisions de LFI 2024 et l’exécution |
Recettes fiscales nettes |
322,9 |
348,5 |
323,3 |
325,7 |
- 22,8 |
Recettes non fiscales |
25,1 |
22,7 |
23,7 |
23,2 |
+ 0,5 |
Fonds de concours et attribution de produits |
6,5 |
7,4 |
7,4 |
8,3 |
+ 0,9 |
PSR au profit de l’Union européenne (à déduire) |
- 23,9 |
- 21,6 |
- 22,3 |
- 22,3 |
- 0,7 |
PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire) |
- 44,3 |
- 45,1 |
- 44,9 |
- 45,5 |
- 0,4 |
Recettes nettes |
286,4 |
311,9 |
287,1 |
289,5 |
- 22,4 |
Dépenses nettes |
454,6 |
453,2 |
445,9 |
443,4 |
- 9,8 |
Solde du budget général |
- 168,2 |
- 141,3 |
- 158,7 |
- 153,9 |
- 12,6 |
Solde des budgets annexes |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,4 |
+ 0,2 |
Solde des comptes spéciaux |
- 5,1 |
- 5,7 |
- 3,9 |
- 2,4 |
+ 3,3 |
Solde budgétaire de l’État |
- 173,0 |
- 146,9 |
- 162,4 |
- 155,9 |
- 9 |
Source : commission des finances d’après le RBDE 2024 et le PLRG 2024.
Le déficit de l’État en 2024 est sensiblement supérieur à la prévision initiale, qui était de 146,9 milliards d’euros. Plus prononcé encore qu’en 2023, année où il avait atteint 8,1 milliards d’euros, cet écart procède de recettes inférieures de 22,5 milliards d’euros à leur estimation initiale, qu’une tenue des dépenses meilleure que prévu (– 9,8 milliards d’euros) n’a pas suffi à compenser.
Le niveau du déficit budgétaire en 2024 résulte, in fine :
– de dépenses nettes du budget général qui se sont élevées à 443,4 milliards d’euros, soit une baisse de 11,2 milliards d’euros par rapport à 2023 ;
– de recettes nettes du budget général qui ressortent à 289,5 milliards d’euros, soit une hausse de 2,8 milliards d’euros par rapport à 2023 ;
– du solde des budgets annexes et comptes spéciaux qui s’établit à – 2 milliards d’euros, soit une amélioration de 2,8 milliards d’euros par rapport à 2023.
B. une réduction du déficit de l’état de 17 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023, grâce à une légère hausse de 3,1 milliards d’euros des recettes, à une baisse des dépenses de 11,2 milliards d’euros et à une amélioration du solde des comptes spéciaux de 2,8 milliards d’euros
Le déficit budgétaire de l’État s’établit à 155,9 milliards d’euros en 2024, après 173 milliards d’euros en 2023.
passage du solde 2023 au solde 2024
(en milliards d’euros)
Composantes |
2023 |
Évolution |
2024 |
Recettes du budget général (I) |
286,4 |
+ 3,1 |
289,5 |
Recettes fiscales nettes |
322,9 |
+ 2,8 |
325,7 |
Recettes non fiscales |
25,1 |
- 1,9 |
23,2 |
Fonds de concours et attribution de produits |
6,5 |
+ 1,8 |
8,3 |
PSR au profit de l’Union européenne (à déduire) |
23,9 |
- 1,6 |
22,3 |
PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire) |
44,3 |
+ 1,2 |
45,5 |
Dépenses du budget général (II) |
454,6 |
- 11,2 |
443,4 |
Solde des budgets annexes et des comptes spéciaux (III) |
- 4,8 |
+ 2,8 |
- 2,0 |
Déficit à financer (II-I-III) |
- 173 |
+ 17,1 |
- 155,9 |
Source : commission des finances d’après le RBDE 2024 et le PLRG 2024.
La légère hausse des recettes du budget général de l’État (+ 3,1 milliards d’euros) procède en grande part de la hausse des recettes fiscales (+2,8 milliards d’euros), dont l’effet a été amplifié par de moindres prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales (– 0,4 milliard d’euros) et une hausse du montant des fonds de concours et autres produits (+1,8 milliard d’euros), évolution partiellement atténuée par la baisse des recettes non fiscales (– 1,9 milliard d’euros). Combinée à une sensible diminution des dépenses (– 11,2 milliards d’euros), elle entraîne une réduction de 14,3 milliards d’euros du déficit du budget général.
S’y ajoute une amélioration, à hauteur de 2,8 milliards d’euros du solde des budgets annexes et comptes spéciaux, notamment sous l’effet de la disparition progressive du bouclier tarifaire en 2024, qui a fortement rehaussé les recettes d’accise sur l’électricité sur l’année, améliorant de 2,5 milliards d’euros par rapport à la prévision et de 3,7 milliards d’euros par rapport à l’exercice antérieur le solde annuel du compte de concours financiers (CCF) Avances aux collectivités territoriales. Il convient également de noter l’amélioration, à hauteur de 0,6 milliard d’euros, du solde du CCF Prêts à des étrangers en raison de moindres octrois de tels prêts, le solde dudit compte étant en outre supérieur de 2,3 milliards d’euros à la prévision de la LFI, principalement du fait de la décision de la Grèce de rembourser par anticipation les échéances au titre du capital de prêts qui lui ont été accordés par la France. En revanche, les soldes respectifs du compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État et du CAS Pensions se dégradent respectivement de 1,5 milliard d’euros, en raison du financement d’opérations en capital par le solde cumulé du compte sans nouvel abondement en cours d’année, et de 0,7 milliard d’euros.
Solde des comptes spéciaux
(en milliards d’euros)
|
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
LFG 2024 |
Exécution 2024 |
Écart LFI / exécution 2024 |
Écart LFG / exécution 2024 |
Écart exécution 2023/2024 |
Comptes d’affectation spéciale |
– 3,3 |
– 2,5 |
– 4,9 |
– 4,5 |
– 2,1 |
0,3 |
– 1,2 |
Comptes de concours financiers |
– 2,1 |
– 3,2 |
0,9 |
1,7 |
4,9 |
0,8 |
3,8 |
Comptes de commerce |
0,3 |
– 0,2 |
0,0 |
0,4 |
0,6 |
0,4 |
0,1 |
Comptes d’opérations monétaires (hors FMI) |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Solde des comptes spéciaux (hors FMI) |
– 5,1 |
– 5,7 |
– 3,9 |
– 2,3 |
3,4 |
1,6 |
2,8 |
Source : PLRG 2024
Au total, le déficit de l’État se réduit ainsi de 17 milliards d’euros.
III. un déficit public toujours plus important qui atteint 5,8 points de PIB, soit un niveau supérieur de 1,4 point aux prévisions de la LFI pour 2024 et de 0,4 point au déficit enregistré en 2023
A. Un solde très dégradé, inédit hors période de crise
L’article liminaire du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes établit le déficit public pour 2024, en comptabilité nationale, à 5,8 points de PIB. Ce résultat marque une nouvelle aggravation du déficit public, après 5,4 points de PIB en 2023, ce qui a conduit le Premier président de la Cour des comptes à qualifier les années 2023 et 2024 d’« années noires pour les finances publiques », alors même que les effets de la crise sanitaire et de la crise énergétique se dissipaient et que les autres pays européens engageaient le redressement de leurs comptes publics.
Évolution du SOLDE public en points de PIB depuis 1974
(en points de PIB)
Année |
1974 |
1975 |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
Solde |
+ 0,1 |
- 2,9 |
- 1,6 |
- 1,1 |
- 1,8 |
- 0,5 |
- 0,4 |
- 2,4 |
- 2,9 |
- 2,6 |
- 2,8 |
|
|||||||||||
1985 |
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
- 3,0 |
- 3,2 |
- 2,0 |
- 2,6 |
- 1,8 |
- 2,5 |
- 2,9 |
- 4,6 |
- 6,4 |
- 5,5 |
- 5,1 |
- 3,9 |
|
|||||||||||
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
- 3,7 |
- 2,4 |
- 1,5 |
- 1,3 |
- 1,4 |
- 3,2 |
- 4,1 |
- 3,6 |
- 3,5 |
- 2,7 |
- 3,0 |
- 3,5 |
|
|||||||||||
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
- 7,4 |
- 7,2 |
- 5,3 |
- 5,2 |
- 4,9 |
- 4,6 |
- 3,9 |
- 3,8 |
- 3,4 |
- 2,3 |
- 2,4 |
- 8,9 |
|
|||||||||||
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
|
|
|
|
|
|
|
- 6,6 |
- 4,7 |
- 5,4 |
- 5,8 |
|
|
|
|
|
|
|
|
En grisé, les déficits supérieurs à 3 points de PIB.
Source : Insee (base 2020), mars 2025.
● L’année 1974 est la dernière pour laquelle le solde public a été excédentaire. Les années 1993 et 2009 ont enregistré des pics de déficit, respectivement à 6,4 et 7,4 points de PIB. La France a ensuite connu dix années consécutives de déficit supérieur à 3 points de PIB entre 2008 et 2017.
L’année 2017 avait marqué un retour du déficit en base 2014 sous la barre des 3 points de PIB, ce qui a permis au Conseil de l’Union européenne de clôturer lors de sa réunion du 22 juin 2018 la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet. En base 2020 (cf. encadré ci-après), ce retour du déficit sous le seuil de 3 points de PIB n’est toutefois intervenu qu’en 2018.
Le passage des comptes nationaux en base 2020
À l’occasion de la publication, le 31 mai 2024, des comptes nationaux 2023, l’Insee a mis en œuvre la nouvelle base 2020, en remplacement de la base 2014 en usage depuis mai 2018. Conformément aux préconisations d’Eurostat, les changements de base interviennent à un rythme quinquennal et de manière coordonnée.
Selon l’Insee, le changement de base permet de recaler l’intégralité des séries des comptes nationaux sur de meilleures sources et de modifier certaines méthodes afin de mieux décrire le fonctionnement de l’économie. Les périmètres des différents secteurs institutionnels sont par ailleurs actualisés, y compris celui des administrations publiques. Ces changements peuvent conduire à des révisions parfois significatives du niveau de certains agrégats macroéconomiques. L’ensemble des données de la période couverte par les comptes nationaux (1949-2023) a été révisé en conséquence. Les recettes et les dépenses des administrations publiques ont notamment été révisées à la hausse du fait de l’intégration complète des activités de l’audiovisuel public et de SNCF Réseau dans leur champ. La dette publique a également été revue à la hausse à la suite de la sortie de l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) du champ des administrations publiques.
Source : Insee, communiqué de presse du 15 février 2024.
● L’année 2023 a cependant été marquée par un fort ressaut de 0,7 point de PIB du déficit public, remonté à 5,4 points de PIB à la fin de l’année 2023, alors que la loi de finances initiale pour 2023 (LFI 2023) ([10]) prévoyait un déficit public de 5 points de PIB. Cette prévision initiale avait elle-même été révisée à la baisse à 4,9 points à l’automne 2023 ([11]).
B. un dÉficit public atteignant, en 2024, son plus haut niveau depuis la fin de la crise sanitaire
Le solde public a été déficitaire de 5,8 points de PIB en 2024. L’essentiel de ce déficit est de nature structurelle (5,2 points de PIB potentiel), la composante conjoncturelle pesant pour 0,5 point de PIB, tandis que l’effet des mesures ponctuelles et temporaires sur le déficit reste marginal (0,1 point de PIB potentiel).
1. Un déficit public supérieur de 1,4 point aux prévisions initiales mais inférieur de 0,3 point aux estimations de la loi de finances de fin de gestion pour 2024
La loi de finances initiale pour 2024 (LFI 2024) ([12]) prévoyait un déficit public de 4,4 points de PIB. Cette prévision avait été révisée à 6,1 points au mois d’octobre 2024, lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) ([13]), nouvelle prévision confirmée dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion pour 2024 (LFG 2024) ([14]).
Par rapport à la prévision initiale, la LFG 2024 et le texte déposé du PLF 2025 dégradaient la prévision de solde structurel de 2 points de PIB, évolution que ne suffisait pas à compenser l’amélioration de 0,1 point du solde conjoncturel, la prévision de solde des mesures ponctuelles et temporaires demeurant pour sa part inchangée.
Si l’exécution se trouve finalement moins éloignée de la prévision initiale que ne le suggéraient les dernières prévisions, le solde structurel n’en est pas moins inférieur de 1,5 point aux prévisions de la loi de finances pour 2024, qui étaient elles-mêmes conformes aux projections de la LPFP.
Cet écart s’explique, d’une part, par la reprise en base de l’écart de solde structurel de l’année 2023 (– 0,8 point de PIB), et par un moindre ajustement (– 1 point) entre 2023 et 2024 par rapport aux projections de la LPFP, que ne suffit pas à compenser l’effort (+ 0,2 point) en dépenses lié notamment à l’annulation par décret du mois de février 2024 de 10 milliards d’euros de crédits.
Selon l’exposé des motifs du PLRG, sont notamment identifiés comme facteurs de ce moindre ajustement :
– à hauteur de – 0,6 point une croissance des prélèvements obligatoires inférieure aux prévisions ;
– à hauteur de – 0,1 point le dynamisme des prestations vieillesse, en lien avec la revalorisation plus forte que prévue induite par l’inflation ;
– à hauteur de – 0,1 point des dépenses d’assurance chômage plus élevées que prévu ;
– à hauteur de – 0,1 point le dynamisme des dépenses de fonctionnement des collectivités locales ;
– à hauteur de – 0,1 point une sortie moins rapide que prévu des mesures exceptionnelles prises pour protéger ménages et entreprises face à la hausse des prix de l’énergie.
le solde public en 2024, de la prévision initiale à l’Exécution
(en points de PIB)
Composantes |
LFI 2024 |
LFG 2024 |
LPFP 2023-2027 |
Exécution |
Écarts |
||
Exécution/ |
Exécution/ |
Exécution/ |
|||||
Solde structurel* |
- 3,7 |
- 5,7 |
- 3,7 |
- 5,2 |
- 1,5 |
0,5 |
- 1,5 |
Solde conjoncturel |
- 0,6 |
- 0,4 |
- 0,6 |
- 0,5 |
0,1 |
- 0,1 |
0,1 |
Solde des mesures ponctuelles et temporaires* |
- 0,1 |
- 0,1 |
- 0,1 |
- 0,1 |
0 |
0 |
0 |
Solde effectif |
- 4,4 |
- 6,1 |
- 4,4 |
- 5,8 |
- 1,4 |
0,3 |
- 1,4 |
N.B. : en raison d’effets d’arrondi, le solde total peut différer de la somme des termes qui le compose.
* : en points de PIB potentiel.
Source : LFI 2024, LFG 2024, LPFP 2023-2027 et PLRG 2024.
2. Si le déficit de l’État reste prépondérant parmi les administrations publiques, il diminue en 2024 tandis que celui des administrations publiques locales se creuse et que l’excédent passé des administrations de sécurité sociale disparaît
● Le déficit de l’État, qui est l’objet principal d’un projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, n’est pas la seule composante du déficit public en comptabilité nationale : celle-ci prend en compte le solde de l’ensemble des administrations publiques, en y incluant ceux des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales.
Solde public par sous-secteur d’administrationS publiques
en valeur relative
(en points de PIB)
Sous-secteur |
2022 |
2023 (1) |
Prévision 2024 de la LFI2024 |
Exécution 2024 (2) |
Écart (2)-(1) |
Administrations publiques centrales |
- 5,0 |
- 5,4 |
- 4,8 |
- 5,3 |
+ 0,1 |
dont État |
- 5,6 |
- 5,4 |
- 4,7 |
- 5,2 |
+ 0,2 |
dont organismes divers d’administration centrale |
0,6 |
- 0,1 |
- 0,1 |
- 0,1 |
0 |
Administrations publiques locales |
0,0 |
- 0,3 |
- 0,2 |
- 0,6 |
- 0,3 |
Administrations de sécurité sociale |
0,3 |
0,4 |
0,6 |
0,0 |
- 0,4 |
Solde effectif toutes APU |
- 4,8 |
- 5,4 |
- 4,4 |
- 5,8 |
- 0,4 |
N.B. : en raison d’effets d’arrondi, le montant d’une somme peut différer du résultat l’addition des termes.
Source : PLRG 2024.
Le déficit public se concentre, en 2024 comme les années précédentes, sur le secteur des administrations publiques centrales (APUC), mais il convient de noter que leur solde relatif s’améliore de 0,1 point – celui de l’État se redresse même de 0,2 point –, tandis que celui des administrations de sécurité sociale (ASSO) se dégrade de 0,4 point. S’aggravant en 2024 de 0,3 point, le déficit des administrations publiques locales (APUL) contribue également négativement au solde public.
évolution du Solde public par sous-secteur d’administrations publiques
en euros courants
(en milliards d’euros)
Sous-secteur |
2022 |
2023 |
Prévisions 2024 |
Exécution 2024 |
Administrations publiques centrales |
- 133,0 |
- 153,7 |
- 140,6 |
- 154,1 |
dont État |
- 148,4 |
- 151,9 |
- 137,1 |
- 152,3 |
dont organismes divers d’administration centrale |
15,5 |
- 1,8 |
- 3,4 |
- 1,8 |
Administrations publiques locales |
- 1,1 |
- 9,5 |
- 6,9 |
- 16,7 |
Administrations de sécurité sociale |
8,2 |
11,5 |
17,5 |
1,3 |
Solde effectif toutes APU |
- 125,8 |
- 151,7 |
- 130 |
- 169,6 |
Source : PLRG 2024 et réponses transmises au rapporteur général par le Gouvernement
● Le déficit des administrations publiques locales s’est ainsi établi à 16,7 milliards d’euros en 2024, contre 9,5 milliards d’euros en 2023. Interrogé par le rapporteur général, le Gouvernement indique que ce creusement, à hauteur de 7,2 milliards d’euros, du déficit des APUL procède en particulier d’une nouvelle baisse des recettes de droits de mutation à titre onéreux affectées aux communes et départements, en lien avec le recul du nombre de transactions immobilières. Les dépenses, bien qu’en ralentissement (+ 4,4 % en 2024 après + 7 % en 2023), restent par ailleurs dynamiques, en particulier celles d’investissement (+ 8,2 % en 2024 après + 10 % en 2023), en lien avec le cycle électoral. Alors que les prévisions de dépenses des APUL en LFI pour 2024 s’élevaient à 322 milliards d’euros, contre 316 milliards d’euros en 2023, elles ont finalement atteint 330 milliards d’euros (+ 6 milliards d’euros prévus pour une hausse réalisée de + 14 milliards d’euros par rapport à 2023, soit un « dérapage » de 8 milliards d’euros par rapport aux prévisions pour 2024, lesquelles prévisions étaient par ailleurs fondées sur les hypothèses peu réalistes définies par la LPFP).
● La dépense des administrations publiques centrales (APUC) augmente d’environ 5 milliards d’euros par rapport à 2023 et s’élève à 651 milliards d’euros. Comme détaillé dans les fiches 3 et 4 du présent rapport, les dépenses entrant dans le périmètre des dépenses de l’État (PDE) tel que défini par l’article 10 de la LPFP 2023-2027 ont pu être minorées de plus de 7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, ce qui se traduit par une baisse en volume des dépenses des APUC à hauteur de 0,7 %.
● L’excédent récurrent des ASSO ([15]) diminue fortement entre 2023 et 2024, passant de 11,5 milliards d’euros à 1,3 milliard d’euros. La dégradation du solde des ASSO s’explique pour sa part principalement par une accélération des dépenses (+ 5,5 % en 2024, après + 4,3 % en 2023), portée par les prestations sociales et les dépenses de santé. Les dépenses des ASSO se sont ainsi établies à 777 milliards d’euros en 2024, contre 736 milliards d’euros en 2023 – alors que les prévisions de dépenses en LFI pour 2024 atteignaient 762 milliards d’euros (+ 27 milliards d’euros prévus pour une hausse réalisée de + 41 milliards d’euros par rapport à 2023, soit un « dérapage » de 14 milliards d’euros).
Les prestations sociales ont ainsi augmenté de 6 % en 2024, après + 3,9 % en 2023, ce dynamisme s’expliquant largement par celui des prestations vieillesse (+6,9 %), en raison de l’application des règles de revalorisation sur l’inflation ([16]). L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été dépassé de 1,5 milliard d’euros, soit une croissance de 3,3 % par rapport à 2023 contre 2,9 % prévu initialement en loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, et a atteint 256,4 milliards d’euros. Les recettes des ASSO connaissent pour leur part une progression plus modérée et ralentissent dans le sillage de la masse salariale (+ 4 % après + 4,6 %) ; elles augmentent plus modérément que les dépenses.
C. un dÉficit public de nature essentiellement structurelle
Le déficit structurel se situe à un niveau élevé en 2024, se creusant de 1,5 point de PIB par rapport à 2023. La composante conjoncturelle explique à hauteur de 0,3 point de PIB la hausse du déficit public, s’écartant moins des prévisions retenues pour la LFI 2024 et la LPFP 2023-2027.
1. Les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel
● Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique et des événements exceptionnels. Le déficit conjoncturel correspond, lui, au déficit lié à la conjoncture. La composante structurelle du déficit a fait l’objet d’un encadrement européen renforcé une dizaine d’années, la composante conjoncturelle étant pour sa part censée se résorber d’elle-même en période favorable.
Il convient de noter que le solde structurel est une construction macroéconomique et non budgétaire, qui repose sur des conventions et sur un certain nombre d’hypothèses concernant le PIB potentiel et l’écart de production – qui sont également des notions macroéconomiques.
Ainsi, l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 points de PIB, et à 1 point de PIB pour les autres États membres. Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([17]), récemment réformé dans le cadre du réexamen de la gouvernance économique européenne ([18]).
Méthode de calcul des composantes structurelle et conjoncturelle du déficit public
Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit public fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.
L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.
Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques comme en comptabilité nationale. Il s’agit d’un concept macroéconomique sujet à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » (1).
Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon des modalités complexes définies dans l’annexe 2 au rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de l’écart de production. Cela s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture tendent à représenter, dans notre pays, près de la moitié du PIB, et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB serait, en moyenne, de l’ordre de 1.
Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.
Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Aussi, un écart de production négatif surestimé conduit à une surévaluation de la composante conjoncturelle du déficit et à une sous-estimation de sa composante structurelle.
L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.
Ainsi, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser l’écart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minimiser l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.
(1) : Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.
● Le calcul du solde structurel repose sur des hypothèses de croissance potentielle qui ont été fixées dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027, inchangées par rapport à celles du texte initialement déposé du projet de loi de programmation des finances publiques 2023‑2027 (PLPFP), et conservées par le programme de stabilité publié au mois d’avril 2024. Cependant, les hypothèses d’écart de production ont connu plusieurs révisions (cf. tableau infra).
Les hypothèses d’écart de production et de croissance potentielle du PLPFP puis du LPFP ont été jugées « optimistes » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans ses avis successifs ([19]).
Dans son avis sur le RAA ([20]), le HCFP relève que « l’estimation de croissance potentielle du Gouvernement pour la période 2024-2029 [qui] se situe à 1,2 % par an (1,0 % en 2029), inchangée par rapport à celle retenue dans le PSMT 2025-2029 d’octobre 2024 […], se situe plutôt dans le haut de la fourchette des estimations retenues par les organisations internationales et les organismes auditionnés par le Haut Conseil [et] suppose le maintien et la poursuite des réformes ». Quant à l’estimation d’écart de production du Gouvernement, désormais de 0,7 point de PIB potentiel en 2024, elle « est un peu plus creusée que celle de la majorité des autres organismes mais n’est pas la plus creusée et elle reste plausible ». Selon le HCFP, « au total, le scénario de PIB potentiel est raisonnable sous l’hypothèse cruciale que les réformes favorables à la croissance et au plein emploi soient poursuivies ».
Il convient toutefois de rappeler que, nonobstant ces actualisations ultérieures dans le cadre du PSMT et du RAA, c’est le scénario potentiel de la LPFP qui doit, en application de l’article 62 de la LOLF, être retenu pour le calcul du solde structurel dans le cadre des textes financiers (cf. encadré ci-après).
HypothÈses d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle selon les différents scÉnarios
(en points de PIB potentiel pour la croissance potentielle, en points de PIB pour l’écart de production)
Année |
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
LPFP 2023-2027
|
Croissance potentielle |
1,35 |
1,35 |
1,35 |
1,35 |
1,35 |
Écart de production |
- 1,2 |
- 1,1 |
- 0,8 |
- 0,4 |
0,0 |
|
PSMT 2025 |
Croissance potentielle |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
Écart de production |
- 0,6 |
- 0,6 |
- 0,7 |
- 0,5 |
- 0,3 |
|
RAA 2025 |
Croissance potentielle |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
Écart de production |
- 0,6 |
- 0,7 |
- 1,2 |
- 1,1 |
- 0,9 |
Source : commission des finances, d’après la LPFP 2023-2027, le PSMT 2025 et le Rapport d’avancement annuel (RAA) 2025.
2. Le déficit structurel représente 90 % du déficit public
Le déficit structurel des administrations publiques atteint en 2024 le niveau de 5,2 points de PIB potentiel, soit près de 0,3 point de PIB de plus qu’à la fin de l’année 2023. La composante conjoncturelle du déficit s’établit pour sa part à 0,5 point de PIB, tandis que la composante relative aux mesures ponctuelles et temporaires s’élève à 0,1 point de PIB, ratio stable par rapport à 2023.
3. Le déclenchement du mécanisme de correction par le Haut Conseil des finances publiques, du fait d’un « écart important » du solde structurel par rapport à la trajectoire prévue par LPFP 2023-2027
● Constatant que le solde public en 2024 est estimé à – 5,8 points du PIB, soit un niveau inférieur de 1,4 point de PIB à la prévision de la loi de finance initiale, le HCFP souligne ([21]) que c’est là « un écart particulièrement élevé en l’absence de crise », estimant que cette nouvelle dégradation de nos finances publiques « traduit avant tout les fragilités de la construction de la loi de finances et l’insuffisance des mécanismes de rappel ».
Par ailleurs, l’évaluation du déficit structurel présentée par le PLRG 2024 est supérieure de 1,5 point à la prévision de la LPFP, à laquelle le HCFP est tenu de se référer malgré son caractère obsolète. Cet écart de solde structurel est supérieur à 0,5 point de PIB et constitue donc un « écart important » au sens du II de l’article 62 de la LOLF, entre les résultats de l’exécution et les orientations pluriannuelles de solde structurel. Par conséquent, sur le fondement de ces dispositions organiques, le HCFP déclenche le mécanisme de correction prévu au III du même article et invite le Gouvernement, comme prévu par la loi organique, « à présenter les mesures permettant de retourner aux orientations de la LPFP, ou à tout le moins à présenter une nouvelle loi de programmation conforme à la trajectoire du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) entérinée par le Conseil en janvier 2025 ». En outre, il souligne que « le niveau élevé du déficit structurel retarde en effet la nécessaire réduction du poids de la dette dans le PIB et obère la capacité de la France à faire face aux chocs économiques et aux investissements nécessaires notamment en matière de défense et de transition écologique ».
● En application des I et III de l’article 62 précité de la LOLF, le Gouvernement présente dans l’exposé des motifs du projet de loi les raisons de cet écart – retracées dans le B du présent II – et présente les mesures de corrections envisagées, c’est-à-dire les mesures de redressement qu’il a engagées pour l’année 2025, dont le montant est estimé à environ 50 milliards d’euros.
Selon les informations transmises au rapporteur général, cet effort de 50 milliards d’euros pour l’année 2025 serait réparti entre l’État et ses opérateurs (22,6 milliards d’euros), les administrations de sécurité sociale (6,8 milliards), les collectivités locales (2,2 milliards d’euros), les prélèvements fiscaux sur les entreprises (12,2 milliards d’euros) et sur les particuliers (3,2 milliards d’euros) – auxquels s’ajoute le versement de dividendes par EDF à hauteur de 2 milliards d’euros, soit une augmentation des recettes de 17,4 milliards d’euros et une réduction des dépenses de 31,6 milliards d’euros. Il convient toutefois de noter que la répartition de l’effort communiquée par le Gouvernement au rapporteur général comptabilise parmi les mesures de rétablissement de l’équilibre des comptes sociaux des dispositions tendant en réalité à augmenter les recettes, telles la réduction des niches sociales ou le reprofilage des allègements généraux.
RÉpartition de l’effort de redressement de 50 milliards d’euros en 2025 présenté par le gouvernement
(en milliards d’euros)
Économies sur les dépenses de l’État et de ses opérateurs |
22,6 |
|
Fiscalité des entreprises |
12,2 |
État |
20,4 |
|
Surtaxe temporaire d’impôt sur les sociétés (+ mesure fret maritime) |
8,5 |
Opérateurs |
2,2 |
|
Suspension de la baisse de la CVAE |
1,1 |
|
|
|
Taxe sur les billets d’avion ; malus auto |
0,9 |
Mesures sur le champ de la sécurité sociale |
6,8 |
|
Fiscalisation des rachats d’actions |
0,4 |
Mesures de rétablissement de l’équilibre des comptes sociaux |
4,0 |
|
Abaissement du seuil de franchise TVA |
0,4 |
Mise en œuvre de l’accord des partenaires sociaux sur l’assurance chômage |
0,3 |
|
Rationalisation niche CIR |
0,4 |
Réduction du déficit de la CNRACL |
1,7 |
|
Hausse de la taxe sur les transactions financières |
0,5 |
Réduction des niches sociales |
0,2 |
|
|
|
Prise en compte de la PPV dans les allègements généraux |
0,2 |
|
Dividendes EDF |
2,0 |
Reprofilage des allègements généraux |
1,6 |
|
|
|
Mesures d’efficience pour les dépenses d’assurance maladie |
2,8 |
|
Fiscalité des particuliers |
3,2 |
dont économies transverses sur les produits de santé |
1,3 |
|
Mesures de justice fiscale pour les particuliers |
1,9 |
dont mesures d’efficience sur les achats |
0,4 |
|
Contribution différentielle sur les plus hauts revenus |
1,4 |
dont baisse du plafond des indemnités journalières |
0,4 |
|
Taxation des attributions gratuites d’action |
0,5 |
dont régulation des soins de ville |
0,7 |
|
Fiscalité de l’énergie et fiscalité environnementale |
0,5 |
|
|
|
TVA chaudière à gaz |
0,2 |
Modération des dépenses des collectivités locales |
2,2 |
|
Avantage en nature véhicules thermiques |
0,3 |
Création d’un fonds de précaution |
1,0 |
|
Fiscalité locale |
0,5 |
Gel de la fiscalité affectée aux collectivités sur les niveaux de 2024 |
1,2 |
|
Faculté de hausse des droits de mutation à titres onéreux |
0,5 |
|
|
|
Fiscalité comportementale |
0,3 |
|
|
|
Taxes sur les boissons et sur les jeux |
0,3 |
Source : réponses transmises au rapporteur général par le Gouvernement
Par ailleurs, selon l’exposé général du projet de loi, le Gouvernement « annexera un rapport au prochain projet de loi de finances de l’année ou au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, qui analysera les mesures de correction envisagées et justifiera les différences apparaissant et le calendrier de ces mesures de corrections. »
Le mécanisme de correction
L’article 62 – relatif au rôle du HCFP – de la LOLF dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques est entré en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2023 et s’applique pour la première fois aux lois de finances afférentes à l’année 2023. Toutefois, les dispositions suivantes, relatives au mécanisme de correction, codifient simplement – réserve faite de la substitution de la nouvelle dénomination du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année à chaque occurrence de l’expression « projet de loi de règlement » et de modifications rédactionnelles – dans la LOLF celles de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques :
« I. ― En vue du dépôt du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Cette comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi.
« Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.
« Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement en expose les raisons et indique les mesures de correction envisagées lors de l’examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année par chaque assemblée.
« II. ― Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.
« III. ― Le Gouvernement tient compte d’un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année et dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.
« Un rapport, annexé au prochain projet de loi de finances de l’année ou au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, analyse les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l’ensemble des administrations publiques ou seulement sur certains de leurs sous-secteurs, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques. Le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant, dans l’ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques en application du 6° de l’article 1er B.
L’avis du Haut Conseil des finances publiques mentionné au IV de l’article 61 comporte une appréciation de ces mesures de correction et, le cas échéant, de ces différences. »
IV. l’ouverture de la procédure de déficit excessif à l’encontre de la France en 2024, l’engagement de celle-ci de ramener son déficit sous le seuil de 3 % en 2029, dans le cadre d’une trajectoire d’ajustement structurel très ambitieuse dont la crédibilité peut être interrogée
● Le 26 juillet 2024, le Conseil de l’Union européenne a approuvé la recommandation de la Commission européenne d’ouvrir des procédures de déficit excessif à l’encontre de sept pays, dont la France ([22]).
Depuis 2020, s’appliquait la clause dérogatoire générale introduite lors de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance par le « six-pack » ([23]), qui permettait aux États membres de s’écarter temporairement des exigences normales des règles budgétaires européennes, en cas de crise généralisée provoquée par une grave récession économique dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’Union. En effet, le 23 mars 2020, dans le contexte de la pandémie de covid-19, le Conseil de l’Union européenne avait décidé, sur la recommandation de la Commission européenne, la mise en œuvre de cette clause. Son application a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023. Dans sa communication sur les orientations pour la politique budgétaire en 2024 ([24]), la Commission a estimé que les conditions de désactivation de la clause seraient considérées comme remplies à partir de 2024. Dès lors, les exigences du droit européen et, partant, les sanctions et procédures afférentes aux dépassements des normes de déficit et de dette étaient de nouveau susceptibles d’être appliquées.
La réforme de la gouvernance économique et budgétaire européenne
mise en œuvre en 2024
● Le cadre de la gouvernance économique et budgétaire européenne a été réformé en 2024, substituant au programme de stabilité (PSTAB) et au programme national de réforme (PNR), le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT), assorti de rapports annuels d’avancement. Ce nouveau cadre européen, défini par une directive et deux règlements européens ([25]), repose sur la réforme des volets préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance (PSC), tout en maintenant la procédure de déficit excessif et les indicateurs de référence issus du traité de Maastricht, à savoir un niveau de dette publique inférieur à 60 points de PIB et un déficit public inférieur à 3 points de PIB.
Ce cadre européen repose sur le dialogue entre la Commission européenne et les États membres, ainsi que sur l’individualisation des périodes d’ajustement et des trajectoires de retour à l’équilibre de ces derniers. Ce cadre se fonde sur un indicateur opérationnel unique, les dépenses primaires nettes (DPN) ou dépenses nettes, définies comme « les dépenses publiques, déduction faite des dépenses d’intérêts, des mesures discrétionnaires en matière de recettes, des dépenses relatives aux programmes de l’Union entièrement compensées par des recettes provenant de fonds de l’Union, des dépenses nationales de cofinancement des programmes financés par l’Union, des éléments cycliques des dépenses liées aux indemnités de chômage et des mesures ponctuelles et autres mesures temporaires ».
● Le PSMT est élaboré par chaque État membre pour une période d’ajustement de 4 ou 5 ans selon la durée ordinaire de la législature et doit comporter les éléments suivants :
– une trajectoire de DPN, assortie des hypothèses macroéconomiques sous‑jacentes.
– les investissements et réformes structurelles prévus par l’État membre sur la durée du plan ;
– le détail des réformes et investissements sous-tendant une demande de prolongation de la période d’ajustement jusqu’à 7 ans, décidée par le Conseil.
En ce sens, dans sa recommandation du 21 janvier 2025 ([26]), le Conseil a autorisé la prolongation de 4 à 7 ans de la période d’ajustement budgétaire de la France.
● Un rapport d’avancement annuel (RAA) est ensuite présenté chaque année, avant le 30 avril, par l’État membre à la Commission ; il présente un bilan de la trajectoire de dépenses nettes et des réformes structurelles et investissements prévus dans le PSMT.
Les éventuelles déviations par rapport à la trajectoire inscrite dans le PSMT sont enregistrées par la Commission européenne dans un compte de contrôle, où sont enregistrés les écarts cumulés, à la hausse et à la baisse, des dépenses nettes constatées par rapport à la trajectoire de dépenses nettes fixée par le Conseil. Le seuil maximal pour une déviation annuelle est de 0,3 points de PIB et de 0,6 points de PIB en cumulé sur toute la durée du plan.
● Le volet correctif du PSC, qui s’applique aux États faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif (PDE), a été simplifié et mis en cohérence avec le nouvel indicateur de dépense primaires nette par le règlement (UE) 2024/1264 du Conseil du 29 avril 2024. En effet, la PDE peut être ouverte par le Conseil sur avis de la Commission, suivant deux critères de dépassement des seuils de déficit public de 3 points de PIB et de dette publique de 60 points de PIB :
– la PDE fondée sur un dépassement d’un seuil de déficit public de 3 % du PIB est ouverte dès lors que ce dépassement n’est ni temporaire ni exceptionnel. Le 26 juillet 2024, le Conseil a ainsi constaté le non-respect du critère de déficit par la France (déficit public de 5,4 points de PIB en 2023). La PDE sur critère de déficit impose à l’État membre un ajustement annuel du solde structurel de 0,5 point de PIB, ainsi que la mise en cohérence de son PSMT avec cet objectif ([27]).
– la PDE fondée sur le dépassement d’un seuil de dette publique correspondant à 60 % du PIB est désormais ouverte dans le seul cas où l’État membre dont le niveau de dette publique dépasse 60 points de PIB ne respecte pas la trajectoire de dépenses nettes fixée dans son PSMT.
● Pour les États dépassant les niveaux de référence de déficit ou de dette publique du traité de Maastricht, la Commission établit une trajectoire de référence des DPN. Celle-ci doit garantir, au titre des exigences du volet préventif du PSC :
– un niveau de dette publique placé, à la fin de la période d’ajustement, sur une trajectoire descendante ou à un niveau inférieur à 60 points de PIB à moyen terme. Pour les États dont le ratio de dette publique/PIB dépasse 90 %, ce ratio doit en outre diminuer annuellement de 1 point de PIB ; il doit diminuer de 0,5 point de PIB pour les États dont le ratio de dette publique/PIB est compris entre 60 % et 90 % ;
– un niveau de déficit public inférieur à 3 points de PIB à la fin de la période d’ajustement, et maintenu sous ce seuil à moyen terme à politique inchangée. Par ailleurs, l’ajustement budgétaire se poursuit jusqu’à ce que le déficit structurel soit inférieur à 1,5 point de PIB : l’amélioration annuelle du solde structurel primaire, ou ajustement structurel primaire annuel (ASP), doit atteindre 0,4 point de PIB, ou 0,25 point de PIB lorsque la période d’ajustement prévue au PSMT est prolongée par le Conseil (voir supra).
La plausibilité de la trajectoire d’ajustement de la Commission est analysée par cette dernière via un outil d’analyse de la soutenabilité de la dette (debt sustainability monitor) : elle établit des projections à moyen terme (à horizon 10 ans) selon différents scénarios (scénario à politique budgétaire inchangée, scénario basé sur le solde primaire structurel historique de l’État membre) et répondant à différents chocs macroéconomiques (dégradation du solde structurel primaire, stress financier, taux d’intérêt réels structurellement plus élevés que la croissance).
● Dans le cadre du PSMT présenté en octobre dernier puis actualisé par le rapport annuel d’avancement remis en avril dernier, le Gouvernement s’engage à mettre en œuvre une trajectoire de réduction du déficit permettant de passer sous le seuil de 3 % de déficit à l’horizon 2029.
Le tableau ci-après permet de constater les modifications successives apportées à la trajectoire de réduction du déficit public entre la loi de programmation des finances publiques adoptée en décembre 2023 et le rapport annuel d’avancement présenté en avril 2025, soit seulement dix-huit mois d’écart. Pour la période 2024 à 2027, le déficit public annuel prévu dans le RAA est en moyenne supérieur de 1,5 point de PIB à celui prévu par la LPFP 2023-2027, et d’environ un point de PIB par rapport au programme de stabilité de 2024.
Trajectoire pluriannuelle du déficit public, de la loi de programmation des finances publiques au Rapport d’avancement annuel 2025
(en points de PIB)
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
Solde des administrations publiques |
||||||
Solde public |
||||||
LPFP (décembre 2023) |
-4,4 |
-3,7 |
-3,2 |
-2,7 |
|
|
PSTAB 2024 (avril 2024) |
- 5,1 |
-4,1 |
-3,6 |
-2,9 |
|
|
PSMT (octobre 2024) |
-6,1 |
-5,0 |
-4,6 |
-4,0 |
-3,3 |
-2,8 |
RAA (avril 2025) |
-5,8 |
-5,4 |
-4,6 |
-4,1 |
-3,4 |
-2,8 |
Écart (RAA-PSMT) |
0,3 |
-0,4 |
0 |
-0,1 |
-0,1 |
0 |
Écart (RAA-LPFP) |
-1,4 |
-1,7 |
-1,4 |
-1,4 |
|
|
Source : commission des finances d’après la LPFP, le PSMT et le RAA.
● Ces réajustements successifs posent nécessairement la question de la crédibilité de la trajectoire de réduction des déficits présentée en avril dernier par le Gouvernement. Cette trajectoire s’avère très ambitieuse, avec notamment la volonté de ramener le déficit public de 5,8 points en 2024 à 4,6 points de déficit en 2026. Selon le rapport annuel d’avancement, un tel objectif correspond à un effort d’environ 40 milliards d’euros, tandis que celui de revenir sous le seuil de 3 points de PIB de déficit en 2029 correspond à un effort cumulé de l’ordre de 110 milliards d’euros, selon les hypothèses sous-jacentes à cette trajectoire.
Entre 2026 et 2029, le déficit devrait être ainsi réduit de 2,6 points de PIB, passant de 5,4 points de PIB en 2025 à 2,8 points de PIB en 2029. Le RAA indique que cette réduction serait portée par :
– un ajustement structurel cumulé de 2,1 points de PIB potentiel, parallèlement à un renchérissement du coût de la charge d’intérêt de la dette de 1 point de PIB, soit un ajustement structurel primaire (ASP) de 3,1 points, ou encore 0,8 point d’ASP annuel sur la période 2026-2029.
Le RAA se borne à indiquer que « cet ajustement sera permis par des mesures qui ont vocation à être élaborées et présentées dans les textes financiers des années concernées ».
– une amélioration de 0,4 point de PIB du solde conjoncturel, la croissance effective étant supposée être plus dynamique que la croissance potentielle jusqu’en 2029.
Dans son avis sur le rapport annuel d’avancement, le HCFP ne manque pas de relever que « la trajectoire de finances publiques au-delà de 2025, qui n’est qu’esquissée dans les documents présentés, reste entièrement à préciser et crédibiliser ». Relevant que « l’effort de redressement envisagé est une réduction de 0,9 point de PIB du déficit structurel primaire en 2026, de l’ordre de 0,7 point de PIB par an ensuite », il souligne « qu’un tel ajustement est impératif pour respecter l’objectif d’un retour du déficit sous 3 points de PIB en 2029 ».
fiche 2 : Les recettes de l’État En 2024
Les recettes alimentant le budget de l’État se décomposent en recettes fiscales et recettes non fiscales, complétées par les fonds de concours et attributions de produits. Les recettes nettes s’entendent des recettes brutes sous déduction des remboursements et dégrèvements.
Recettes nettes du budget gÉnÉral de l’État en 2024
(en milliards d’euros)
Impôt |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
LFG 2024 |
Exécution 2024 |
Évolution par rapport à 2023 |
Écart de l’exécution |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
||||||
Impôt sur le revenu |
88,6 |
93,4 |
88,2 |
88,0 |
– 0,6 |
– 5,4 |
– 0,2 |
Impôt sur les sociétés |
56,8 |
72,0 |
57,7 |
57,4 |
0,6 |
– 14,6 |
– 0,3 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
95,2 |
100,8 |
95,6 |
96,8 |
1,6 |
– 4 |
1,2 |
TICPE* |
16,8 |
15,4 |
15,9 |
16,0 |
– 0,8 |
0,6 |
0,1 |
Autres recettes fiscales nettes |
65,5 |
66,9 |
65,8 |
67,5 |
2 |
0,6 |
1,7 |
Recettes fiscales nettes |
322,9 |
348,5 |
323,3 |
325,7 |
2,8 |
– 22,8 |
2,4 |
Recettes non fiscales |
25,1 |
22,7 |
23,7 |
23,2 |
– 1,9 |
0,5 |
– 0,5 |
Total |
348,0 |
371,2 |
347,0 |
348,9 |
0,9 |
– 22,3 |
1,9 |
* : la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons, de l’accise sur les énergies demeure le plus souvent désignée dans les documents budgétaires et dans les commentaires des textes financiers sous son appellation de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), antérieure à l’ordonnance du 22 décembre 2021.
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024).
Alors qu’en 2023, les recettes fiscales s’étaient révélées inférieures de 5,3 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale ([28]), l’année 2024 s’est caractérisée par une forte aggravation des moins-values sur les recettes : l’écart de l’exécution aux prévisions de la loi de finances initiale s’est élevé à 22,8 milliards d’euros, imputable pour près des deux tiers aux moindres recettes constatées pour l’impôt sur les sociétés (– 14,6 milliards d’euros).
Toutefois, si les recettes fiscales avaient nettement diminué entre 2022 et 2023, passant de 330,3 à 322,9 milliards d’euros (– 7,4 milliards d’euros, soit – 2,2 %), elles ont augmenté de 2,8 milliards d’euros en 2024 par rapport à 2023, soit une hausse de 0,9 %.
I. Des recettes fiscales de l’État en légère hausse en 2024, mais inférieures de 22,8 milliards d’euros aux prévisions initiales
Les 325,7 milliards d’euros de recettes fiscales nettes représentent, en 2024, plus de la moitié des ressources de financement de l’État, une autre part essentielle de celles-ci étant constituée des émissions de dette d’un montant, net des rachats, de 285 milliards d’euros, les recettes non fiscales représentant pour leur part 23,2 milliards d’euros.
A. le montant global des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État
La chronique du montant des recettes fiscales nettes est présentée dans le tableau ci-dessous.
Recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État depuis 2008
(en milliards d’euros)
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
260,0 |
214,3 |
237,0* |
255,0 |
268,4 |
284,0 |
274,3 |
280,1 |
284,1 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
295,6 |
295,4 |
281,3 |
278,9 |
303,8 |
330,3 |
322,9 |
325,7 |
|
N.B. : en application des dispositions de la loi organique du 21 décembre 2021 entrées en vigueur en 2023, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux sont considérés comme des dépenses et non comme de moindres recettes. Pour faciliter les comparaisons sur les derniers exercices, les montants de l’année 2022 ont également été retraités, mais non ceux des années précédentes ; identiques à ceux inscrits dans les lois de règlement successives, ils sont nets de l’ensemble des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux et d’État.
* Le montant de l’année 2010 n’inclut pas le rendement de 16,6 milliards d’euros des impôts locaux alors affectés transitoirement à l’État.
Source : commission des finances.
Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État (141,57 milliards d’euros). Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général.
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État
En 2024, le montant des recettes fiscales brutes du budget général a été de 467,2 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État se sont élevés à 141,6 milliards d’euros en 2024, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général se sont établies à 325,7 milliards d’euros.
L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop-versés lorsqu’un contribuable a payé un montant d’acomptes supérieur à celui de l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible, les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.
Les remboursements et dégrèvements sur impôts d’État intervenus en 2024 se décomposent notamment en :
– 108 milliards au titre de la mécanique de certains impôts, dont 75,3 milliards d’euros au titre des crédits de TVA, 18 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés (IS) et 13,5 milliards d’euros de restitutions et compensations de trop-versés d’impôt sur le revenu (IR) ;
– 17,9 milliards d’euros au titre du soutien à des politiques publiques via des remboursements de crédits d’impôt qui excèdent l’impôt dû, notamment 6,6 milliards d’euros au titre de l’IS, 2,2 milliards d’euros au titre de l’IR et 2 milliards d’euros au titre de la TICPE, auxquels s’ajoutent 5,8 milliards d’euros pour les acomptes de réductions et crédits d’impôt sur le revenu ;
– 15,7 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales).
Le montant de ces remboursements et dégrèvements est supérieur de 5,38 milliards d’euros (+ 4 %) aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI), essentiellement du fait de remboursements d’excédents d’IS supérieurs de 6,6 milliards d’euros à la prévision ; les restitutions au titre de l’IR sont supérieures de 1,6 milliard d’euros aux montants attendus, écart plus que compensé par des crédits de TVA inférieurs de 4 milliards d’euros aux prévisions de la LFI.
B. une prÉsentation dont demeurent écartÉes les recettes fiscales affectÉes aux budgets annexes et comptes spÉciaux
Le montant de 325,7 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses et à l’article 1er du projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024).
La réforme ([29]) de la loi organique relative aux lois de finances ([30]), à la suite de recommandations récurrentes de la Cour des comptes, a permis de résoudre une difficulté relative à la présentation des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux. En effet, alors que la présentation budgétaire antérieure déduisait du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux, dorénavant, l’article 10 de la LOLF, dans sa version entrée en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2023 et s’appliquant pour la première fois aux lois de finances afférentes à 2023, dispose que « les crédits relatifs aux remboursements, restitutions et dégrèvements des impositions de toutes natures revenant à l’État ne sont pas pris en compte pour l’évaluation des recettes et la présentation du tableau d’équilibre prévues à l’article 34 ».
Toutefois, la nouvelle présentation budgétaire des recettes nettes demeure incomplète en ce qu’elle écarte les recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État.
C. des recettes fiscales nettes en hausse de 2,8 milliards d’euros par rapport à 2023 mais très en deçà des prévisions de la loi de finances initiale
Les développements ci-après analysent les recettes fiscales nettes du budget général de l’État par rapport à l’exécution constatée en 2023 ainsi que par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI) et de la loi de finances de fin de gestion (LFG) de l’année 2024.
1. Une hausse limitée de 0,9 %
Après un exercice 2023 caractérisé par une régression (– 2,2 %) des recettes fiscales nettes, celles-ci connaissent une hausse limitée en 2024 (+ 0,9 %).
Évolution des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral
(en milliards d’euros)
Exécution 2023 |
Évolution spontanée |
Mesures fiscales nouvelles |
Mesures |
Exécution 2024 |
322,9 |
– 0,8 |
+ 6,4 |
– 2,8 |
325,7 |
Source : commission des finances, d’après le Rapport sur le budget de l’État en 2024 (RBDE 2024) de la Cour des comptes.
L’évolution d’une année sur l’autre des recettes fiscales dépend de trois facteurs : l’évolution spontanée, les mesures fiscales nouvelles et les mesures de périmètre et de transfert.
L’évolution spontanée
L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative n’était intervenue au cours de l’année considérée.
Les mesures fiscales
Les mesures fiscales sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances. Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures fiscales ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.
L’examen du rendement des mesures fiscales permet de mesurer l’impact des réformes décidées par le Parlement.
Les mesures de périmètre et de transfert
Les mesures dites de périmètre ou de transfert peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.
a. Un nouveau recul spontané des recettes fiscales
Après deux années 2021 et 2022 marquées par un important rebond spontané à la suite de la récession de l’année 2020 et une baisse spontanée de 1,1 % en 2023, les recettes fiscales nettes connaissent en 2024 un nouveau repli spontané, de moindre ampleur toutefois que l’année précédente (0,8 milliard d’euros), le taux d’évolution spontanée s’établissant à – 0,2 % en 2024.
L’élasticité des recettes fiscales nettes au produit intérieur brut en valeur s’établit ainsi à – 0,1, très en deçà de sa valeur de long terme proche de l’unité, mais identique à celle enregistré en 2023 ; la persistance de cette élasticité négative intervient après deux années 2021 et 2022 marquées à l’inverse par des élasticités très élevées (2,2 en 2021 et 2,1 en 2022).
Notion d’élasticité
L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du PIB en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.
La structure de notre législation fiscale fait qu’en période de faible croissance l’élasticité a tendance à être inférieure ou égale à 1, voire négative, tandis qu’en période de reprise l’élasticité est supérieure à l’unité. En effet, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse proportionnellement plus que l’évolution des revenus et de l’activité économique.
Le rapporteur général rappelle que l’élasticité n’est pas un outil approprié à la prévision. N’entrant pas à titre d’hypothèse ou de paramètre dans le calcul d’une estimation de recettes mais calculée a posteriori, elle résulte des prévisions détaillées par impôt. L’écart entre les élasticités observées et les élasticités anticipées confirment d’ailleurs qu’une hypothèse de rendement de l’impôt ne saurait être forgée par l’application d’une élasticité prédéfinie, même conforme à une moyenne historique, au rendement de l’année antérieure.
b. Un rendement qui progresse sous l’effet d’un alourdissement de la fiscalité
Les mesures fiscales nouvelles, qui entraînent une hausse de 6,4 milliards d’euros du rendement des impôts en 2024, peuvent être réparties en trois catégories :
– les mesures nouvelles prises dans le cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, d’un effet net de 4,8 milliards d’euros, consistant essentiellement en des hausses d’impôts, à hauteur de 6,2 milliards d’euros, notamment la normalisation des accises sur l’électricité et les gaz naturels (+ 5,9 milliards d’euros), partiellement compensées par des baisses d’impôts, d’un montant global de 1,5 milliard d’euros, notamment la trajectoire de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (– 1,1 milliard d’euros), ces mesures produisant des « effets retour » sur d’autres recettes fiscales à hauteur de 0,1 milliard d’euros ;
– les mesures prises dans le cadre de lois de finances antérieures, qui ont continué à produire des effets en 2024, à hauteur de 1,3 milliard d’euros ;
– les contentieux dits de série, opposant l’administration à des contribuables, dont l’incidence est de 0,3 milliard d’euros.
c. Des recettes encore affaiblies par de nouveaux transferts de fiscalité à hauteur de 2,8 milliards d’euros
En 2024, les mesures de périmètre et de transfert contribuent à diminuer de 2,8 milliards d’euros les recettes fiscales nettes. Les principaux facteurs sont le versement d’une fraction de l’accise sur les énergies aux régions pour l’exercice de leur compétence en matière de formation professionnelle continue et la compensation versée aux collectivités territoriales en contrepartie de la budgétisation des taxes locales de fourniture d’électricité, ces deux mesures réduisant respectivement les recettes de l’État de 0,7 et 2,4 milliards d’euros.
mesures de transfert en 2024 et effets sur les recettes fiscales nettes
(en milliards d’euros)
Impôt |
Mesure |
Montant |
TVA |
Moindre transfert de TVA à l’Unedic |
+ 0,6 |
Transfert de TVA en compensation de la baisse des cotisations sur les travailleurs indépendants |
+ 0,3 |
|
Autres transferts à la Sécurité sociale |
– 0,9 |
|
Hausse du transfert de TVA à l’audiovisuel public |
– 0,2 |
|
Transfert aux collectivités territoriales |
+ 0,5 |
|
Fraction « produits énergétiques » (ex-TICPE) de l’accise sur les énergies |
Affectation d’une fraction de cette imposition aux collectivités dans le cadre du financement de la formation professionnelle |
– 0,7 |
Diminution de la fraction de cette imposition affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) |
+ 0,3 |
|
Autres transferts |
– 0,3 |
|
Autres recettes fiscales nettes |
Compensation, versée aux collectivités territoriales, au titre de la budgétisation des taxes locales d’électricité |
– 2,4 |
Total |
– 2,8 |
Source : Cour des comptes d’après la direction du budget
2. Des recettes fiscales nettes en retrait de 22,8 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales, soit un écart entre la prévision et l’exécution quatre fois supérieur pour l’exercice 2024 à celui de l’exercice 2023
Les recettes fiscales nettes du budget général atteignent, en 2024, un niveau sensiblement inférieur à la prévision de la loi de finances initiale (325,7 milliards contre 348,5 milliards d’euros prévus, soit – 6,5 %). Elles sont en revanche très légèrement supérieures aux prévisions de la loi de finances de fin de gestion (+ 2,4 milliards d’euros, soit + 0,7 %), qui s’élevaient à 323,3 milliards d’euros.
ÉVALUATIONS SUCCESSIVES DES RECETTES FISCALES NETTES EN 2024
(en milliards d’euros)
Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2024, Recettes fiscales de l’État, avril 2025, d’après le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
En valeur, l’écart entre la prévision de la loi de finances initiale et l’exécution des recettes fiscales nettes, faisant plus que quadrupler par rapport à l’exercice 2023, atteint 22,8 milliards d’euros en 2024, après 5,3 milliards d’euros l’année précédente ([31]). Il s’explique à hauteur de 9,2 milliards d’euros par des recettes de l’exercice 2023 moins élevées qu’attendu lors de la préparation de la loi de finances pour 2024 (effet de « report en base ») et de 13,6 milliards d’euros par un manque à gagner supplémentaire enregistré en 2024.
Si, en 2023, un biais optimiste avait présidé à la détermination des hypothèses retenues, pour l’année 2023, au titre de certaines composantes du produit intérieur brut et de leurs contributions respectives à une croissance qui aura finalement plus procédé du commerce extérieur que d’une reprise de la consommation, ces mêmes erreurs se sont renouvelées en 2024 et se sont doublées d’une substantielle et précoce révision à la baisse du niveau global de la croissance ([32])([33]) ; l’écart entre l’exécution et la prévision initiale a été en outre aggravé par l’effet de base défavorable qu’ont représenté les moindres recettes – par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 – de l’exercice 2023. C’est ainsi l’ensemble de la prévision macroéconomique et de finances publiques qui a reposé en 2024 sur un scénario d’emblée frappé de caducité.
La prévision n’a ensuite pu que s’améliorer au cours de l’année : l’écart entre les recettes constatées et la prévision de la loi de finances de fin de gestion est de 2,4 milliards d’euros en 2024 – après 7,7 milliards d’euros en 2023.
Écart des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral aux prÉvisions
(en milliards d’euros)
Exécution 2024 |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
|
Écart exécution / LFI |
Écart exécution / LFG |
325,7 |
348,5 |
323,3 |
– 22,8 |
2,4 |
Source : PLRG 2024.
Si le rendement de chacun des principaux impôts s’écarte de la prévision initiale, la différence est particulièrement nette en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.
Produit net par impÔt
(en milliards d’euros et en pourcentage de la prévision de LFI)
Impôt |
LFI |
Exécution |
Écart |
Écart |
Impôt sur le revenu |
93,4 |
88,0 |
– 5,4 |
– 5,8 |
Impôt sur les sociétés |
72,0 |
57,4 |
– 14,6 |
– 20,3 |
TVA |
100,8 |
96,8 |
– 4,0 |
– 4,0 |
TICPE |
15,4 |
16,0 |
0,6 |
3,9 |
Autres recettes fiscales nettes |
66,9 |
67,5 |
0,6 |
0,9 |
Total des recettes fiscales nettes |
348,5 |
325,7 |
– 22,8 |
- 6,5 |
Source : PLRG 2024.
Les quatre principaux impôts revenant à l’État (TVA, IR, IS, TICPE) représentent à eux seuls un rendement net de 258,2 milliards d’euros, soit 79,3 % des recettes fiscales nettes du budget général de l’État.
Ils sont présentés par ordre d’importance sur le plan du rendement budgétaire. Le rendement de chaque impôt pour 2024 est analysé par rapport à l’exécution constatée en 2023 ainsi que par rapport aux prévisions des lois de finances relatives à l’année 2024.
1. La taxe sur la valeur ajoutée
La TVA est un impôt d’État dont le produit est partagé avec la sécurité sociale, certaines collectivités territoriales et les organismes du secteur public de l’audiovisuel. Elle joue un rôle croissant dans les transferts entre l’État et les autres administrations publiques, administrations de sécurité sociale (ASSO), administrations publiques locales (APUL) et organismes de l’audiovisuel public. Aussi, le produit de TVA qui revient à l’État a fortement diminué, alors que son rendement a nettement crû au cours des dix dernières années. L’État perçoit aujourd’hui environ 46 % du produit net total de l’impôt.
Rendement net de la TVA depuis 2014
(en milliards d’euros)
Année |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
État |
138,3 |
141,8 |
144,4 |
152,4 |
156,7 |
129,0 |
113,8 |
95,5 |
100,8 |
95,2 |
96,8 |
ASSO |
12,7 |
11,8 |
11,2 |
11,5 |
10,3 |
41,5 |
45,4 |
53,8 |
57,4 |
57,3 |
57,9 |
APUL |
– |
– |
– |
– |
4,2 |
4,3 |
4,0 |
37,4 |
40,9 |
52,1 |
52,1 |
Audiovisuel public |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
3,6 |
3,8 |
4,0 |
Total |
151,0 |
153,6 |
155,6 |
163,9 |
171,2 |
174,7 |
163,2 |
186,7 |
202,7 |
208,4 |
210,7 |
Source : commission des finances.
a. Une faible hausse de 1,2 % du produit de la TVA
Les recettes de TVA revenant à l’État sont en hausse de 1,6 milliard d’euros par rapport à 2023. Cette légère hausse résulte de deux mouvements : d’une part, une évolution spontanée qui augmente le rendement de 0,9 milliard d’euros et, d’autre part, des mesures nouvelles – essentiellement un effet retour de la normalisation de la fiscalité énergétique – ayant un effet total de 0,7 milliard d’euros.
Des recettes nettes de TVA 2023 aux recettes nettes de tva 2024 (part État)
(en milliards d’euros)
Exécution 2023 |
Évolution spontanée |
Mesures fiscales |
Exécution 2024 |
Écart |
95,2 |
+ 0,9 |
+ 0,7 |
96,8 |
+ 1,6 |
Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2024 : recettes fiscales de l’État, avril 2025.
L’évolution spontanée faiblement positive (+ 0,9 %) s’explique par l’effet d’une modeste croissance des emplois taxables à hauteur de 1,9 %, notamment en raison de l’atonie de la demande intérieure et d’une désinflation rapide. Il convient en outre de noter une croissance des remboursements par l’État des crédits de TVA (+ 1,7 %) supérieure à la croissance de la TVA brute (+ 1,1 %).
Depuis 2021, les montants des remboursements de TVA ont connu une forte de progression de près de 24,2 % (cf. tableau ci-après). Après avoir progressé de 10 % entre 2021 et 2022, atteignant un montant d’environ 68,7 milliards d’euros, ils ont encore progressé de plus de 11,5 % de 2022 à 2023, pour s’établir à près de 76,6 milliards d’euros. Si la hausse a connu une décélération en 2024, dépassant légèrement le taux de 1,1 %, les remboursements atteignent près de 77,5 milliards d’euros, soit leur plus haut niveau.
évolution des remboursements de TVA depuis 2021
|
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Nombre de demandes |
1 927 221 |
1 890 421 |
1 977 190 |
1 993 263 |
Montant demandé (en milliards d’euros) |
64,21 |
71,18 |
79,57 |
79,92 |
Montant remboursé (en milliards d’euros) |
62,37 |
68,67 |
76,58 |
77,45 |
Source : réponses transmises au rapporteur général par le Gouvernement.
b. Des recettes de TVA supérieures de 1,3 % à la prévision de la loi de finances de fin de gestion mais inférieures de 4 % à la prévision initiale
● Les encaissements de TVA sont sensiblement en retrait des prévisions de la loi de finances initiale. Ils sont en revanche légèrement supérieurs aux estimations de la loi de finances de fin de gestion.
Écart des recettes nettes de TVA 2024 aux prÉvisions (PART État)
(en milliards d’euros)
Exécution 2024 |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
|
Écart exécution / LFI |
Écart exécution / LFG 2024 |
96,8 |
100,8 |
95,6 |
– 4 |
1,2 |
Source : lois de finances relatives à l’année 2024 et PLRG 2024.
Hors l’effet de base défavorable associé à l’année 2023, d’un montant de 1,1 milliard d’euros, l’écart aux prévisions initiales s’établit à 2,9 milliards d’euros, en raison d’une hausse des emplois taxables moindre qu’anticipé sous l’effet d’une désinflation rapide et d’une composition de la croissance moins favorable aux recettes de TVA. Au total, cette moindre progression des emplois taxables contribuerait au manque à gagner à hauteur de 1,8 milliard d’euros.
Il convient de souligner que la moins-value enregistrée sur l’ensemble des recettes de TVA en 2024, au-delà de la seule part État, s’élève à pas moins de 9 milliards d’euros, soit des recettes de 210,7 milliards d’euros contre des prévisions de 219,7 milliards d’euros – ce qui représente une surévaluation de 4 %. Par rapport au produit de la TVA en 2023 (208,4 milliards d’euros), l’estimation de la LFI pour 2024 (219,7 milliards d’euros) correspondait à une hausse de 11,3 milliards d’euros, soit + 5,4 %, qui s’est avérée irréaliste.
Les recettes nettes totales de TVA en 2024
de la prÉvision à l’exécution
(en milliards d’euros)
|
Exécution 2023 |
Prévision 2024 du PLF2024 |
Exécution 2024 |
État (hors audiovisuel public) |
95,2 |
100,4 |
96,8 |
Compensation de la contribution à l’audiovisuel public |
3,8 |
4,0 |
4,0 |
ASSO |
57,3 |
60,3 |
57,9 |
APUL |
52,1 |
55,0 |
52,1 |
Total |
208,4 |
219,7 |
210,7 |
Source : réponses transmises au rapporteur général par le Gouvernement.
● Le rapporteur général craint que les prévisions de TVA nette pour l’année 2025 ne souffrent du même biais optimiste. Quoique celles de la loi de finances promulguée ([34]) (101,4 milliards d’euros) soient moins irréalistes que celles du texte déposé, au mois d’octobre 2024, du projet de loi de finances (106,2 milliards d’euros, soit une révision à la baisse de 4,8 milliards d’euros ([35])), elles n’en supposent pas moins une progression de 4,8 % de la TVA nette. La décélération de l’inflation et le maintien, insuffisamment anticipé par le modèle économétrique keynésien Opale utilisé par la direction générale du Trésor, du taux d’épargne à un niveau élevé – il a atteint pas moins de 18,8 % au premier trimestre 2025 – laissent craindre une nouvelle déconvenue, qui pourrait encore être aggravée par une croissance du PIB et une inflation encore inférieures aux dernières hypothèses du Gouvernement (respectivement + 0,7 % et + 1,3 %).
Le rapporteur général rappelle qu’il recommande, entre autres préconisations, d’anticiper les conséquences sur les recettes fiscales, en particulier la TVA, des changements structurels de comportement des acteurs économiques en modifiant les paramètres du modèle Opale. Il recommande également de mieux associer les acteurs de la grande et de la moyenne distribution à l’élaboration des prévisions de consommation des ménages et de TVA.
L’impôt sur le revenu, contrairement à la TVA ou à la TICPE, est intégralement affecté à l’État, dont il représente plus de 27 % des recettes fiscales nettes. Son rendement a progressé de près de 37 milliards d’euros depuis 2008 et de près de 19 milliards d’euros au cours des dix dernières années.
Rendement net de l’IR depuis 2008
(en milliards d’euros)
Année |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
Rendement net |
51,2 |
46,7 |
47,4 |
51,5 |
59,8 |
67,0 |
69,2 |
69,3 |
71,8 |
73,0 |
73,0 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Année |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
|
|
|
|
Rendement net |
71,7 |
74 |
78,7 |
89,0 |
88,6 |
88,0 |
|
|
|
|
|
Source : lois de règlement et PLRG 2024.
a. Un exercice 2024 marqué par une légère baisse des recettes d’impôt sur le revenu, à hauteur de 0,6 milliard d’euros, par rapport à 2023
Après une forte progression en 2022 (+ 10,3 milliards d’euros) et une légère diminution en 2023 (– 0,4 milliard d’euros) sous l’effet des mesures nouvelles, le rendement de l’impôt sur le revenu poursuit sa décrue en 2024 (– 0,6 milliard d’euros).
La dynamique spontanée de l’impôt aurait été contenue par l’indexation de son barème sur la forte inflation de l’année précédente, tandis que le recours à des dispositifs de réduction et crédit d’impôt a été plus important. En outre, le prélèvement à la source recouvré en 2024 a été affecté par une moindre progression de la masse salariale et les recettes d’impôt sur les plus-values immobilières ont diminué de 0,3 milliard d’euros.
Des recettes nettes d’IR 2023 aux recettes nettes d’IR 2024
(en milliards d’euros)
Exécution 2023 |
Évolution spontanée |
Mesures nouvelles et de transfert |
Exécution 2024 |
Écart 2023-2024 |
88,6 |
– 0,6 |
0 |
88,0 |
– 0,6 |
Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2024 : recettes fiscales de l’État, avril 2025.
b. Des recettes constatées d’impôt sur le revenu inférieures de près de 6 % aux prévisions de la loi de finances initiale
● Les recettes d’IR enregistrées en 2024 se situent à un niveau sensiblement inférieur aux prévisions de la LFI (– 5,8 %). L’écart aux prévisions de la loi de finances de fin de gestion est en revanche minime (– 0,2 %).
La prévision de rendement de l’IR a notamment pâti, elle aussi, d’hypothèses volontaristes de progression en 2023 de la masse salariale des branches marchandes non agricoles (+ 6,5 % dans le scénario sous-jacent à la loi de finances pour 2024, contre 5,3 % finalement réalisé) du salaire moyen par tête (+ 5,3 % prévu initialement, + 4,1 % finalement réalisé).
Écart des recettes nettes d’IR 2024 par rapport aux prÉvisions
(en milliards d’euros)
Exécution 2024 |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
|
Écart exécution / LFI |
Écart exécution / LFG 2024 |
88,0 |
93,4 |
88,2 |
– 5,4 |
– 0,2 |
Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2024 et PLRG 2024.
● Il est à craindre qu’en matière d’IR non plus l’exercice 2025 ne soit pas l’occasion de réconcilier la prévision et l’exécution.
Le texte déposé au mois d’octobre 2024 du PLF pour 2025 estimait à 93,8 milliards d’euros le montant qu’atteindraient les recettes de l’IR en 2025, soit une hausse de 6,6 % par rapport au rendement effectif de cet impôt en 2024. Cette prévision a en outre été rehaussée à 94,5 milliards d’euros par un amendement du Gouvernement à l’article d’équilibre lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le PLF pour 2025 ([36]), portant ainsi l’écart avec 2024 à 7,4 %. Une telle estimation peut inspirer quelque scepticisme, d’autant que la progression anticipée est, une nouvelle fois, supposée procéder de la progression de la masse salariale, hypothèse qui paraît fragilisée par une inflation faible et une hausse du nombre de demandeurs d’emploi.
Selon les informations transmises au rapporteur général, les prévisions de recettes d’IR en 2025 ont par ailleurs été rehaussées à nouveau en avril, dans le cadre des travaux sur le rapport annuel d’avancement (RAA) du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT), pour être portées à 95,4 milliards d’euros – la révision à la hausse de 0,9 milliard d’euros étant justifiée par le dynamisme des dividendes enregistrés en janvier 2025.
En tout état de cause, s’agissant des prévisions d’IR, le rapporteur général estime particulièrement nécessaire que les prévisions de masse salariale puissent être ajustées rapidement, notamment en fonction des recettes de cotisations sociales collectées chaque mois par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF).
L’impôt sur les sociétés (IS) présente un rendement volatil. Après une période de baisse entre 2013 et 2018, liée à la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), transformé à partir de 2019 en allègements de cotisations sociales, son rendement a tendu à remonter de 2018 à 2022 mais a régressé en 2023. Il représente 17,6 % des recettes fiscales nettes de l’État.
Rendement net de l’IS depuis 2008
(en milliards d’euros)
Année |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
Rendement net |
49,3 |
20,9 |
32,9 |
39,1 |
40,8 |
47,2 |
35,3 |
33,5 |
30,0 |
35,7 |
27,4 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Année |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
|
|
|
|
Rendement net |
33,5 |
36,3 |
46,3 |
62,1 |
56,8 |
57,4 |
|
|
|
|
|
Source : lois de règlement et PLRG 2024.
a. Un léger rétablissement des recettes d’impôt sur les sociétés, à hauteur de 0,6 milliard d’euros
Après une baisse de 5,3 milliards d’euros en 2023, le rendement net de l’IS ne connaît qu’une progression minime de 0,6 milliard d’euros en 2024 pour s’établir à 57,4 milliards d’euros, soit une hausse de 1,1 %.
Des recettes nettes d’IS 2023 aux recettes nettes d’IS 2024
(en milliards d’euros)
Exécution 2023 |
Évolution spontanée |
Mesures nouvelles et de transfert |
Exécution 2024 |
Écart 2023-2024 |
56,8 |
- 0,1 |
+ 0,7 |
57,4 |
+ 0,6 |
Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2024 : recettes fiscales de l’État, avril 2025.
Le rendement de l’impôt sur les sociétés connaît en 2024, hors mesures nouvelles, un léger repli spontané (– 0,2 %), qui succède au fort repli de plus forte ampleur de l’année 2023 (– 15,9 %). Le bénéfice fiscal connaîtrait un recul en 2024, notamment en raison de la hausse du coût réel du travail, tandis que, selon la direction générale du trésor, les entreprises auraient limité les acomptes versés à l’État pour protéger leur trésorerie.
b. Des recettes d’impôt sur les sociétés inférieures de 14,6 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale, soit un écart considérable de 20,3 %
Le rendement de l’IS aura été en 2024 inférieur de 14,6 milliards d’euros à la prévision initiale de 72 milliards d’euros. Hors l’effet de base lié à l’exercice 2023, d’un montant de 4,5 milliards d’euros, l’écart entre la prévision initiale et l’exécution des recettes d’impôt sur les sociétés s’élève à 10,2 milliards d’euros. La Cour des comptes relève qu’« au-delà des effets associés à la révision du bénéfice fiscal estimé en 2023 et prévu en 2024, les acomptes d’impôt sur les sociétés versés par les entreprises semblent avoir été limités dans un contexte de dégradation de leur situation financière » et estime que « l’exercice 2024 confirme […] la nécessité d’étudier les comportements des entreprises vis-à-vis de l’autolimitation et du cinquième acompte d’impôt sur les sociétés, afin de mieux les anticiper » ([37]).
Le rapporteur général a pour sa part déjà appelé l’attention sur d’importantes faiblesses méthodologiques et un défaut structurel du modèle de prévision de la direction générale du Trésor, qui repose sur un indicateur – l’excédent brut d’exploitation – dont le lien avec l’assiette du bénéfice fiscal des entreprises n’est pas suffisamment stable pour anticiper l’évolution de ce bénéfice. Il conviendrait d’adapter la méthode de prévision du produit de l’IS en collectant les résultats trimestriels nationaux des grandes entreprises et en recueillant leurs anticipations s’agissant de l’évolution de leurs bénéfices et de compléter les prévisions grâce à un échantillon de petites et moyennes entreprises.
Écart des recettes nettes d’IS 2024 par rapport aux prÉvisions
(en milliards d’euros)
Exécution 2024 |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
|
Écart exécution / LFI |
Écart exécution / LFG |
57,4 |
72,0 |
57,7 |
– 14,6 |
– 0,3 |
Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2024 et PLRG 2024.
4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
Le produit de la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons – ou, selon son appellation antérieure à l’ordonnance du 22 décembre 2021 ([38]), encore couramment employée, y compris dans les documents budgétaires, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – est partagé entre le budget général de l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent, pour l’essentiel, de compenser des transferts de compétences.
La TICPE représente 5,2 % des recettes fiscales nettes de l’État.
a. Une nouvelle régression des recettes de TICPE, à hauteur de 4,8 %
Comme en 2023, les recettes de TICPE connaissent une légère régression en montant absolu en 2024. En valeur relative, elles n’en diminuent pas moins de 4,8 %, baisse de leur produit certes inférieure à celle de l’exercice 2023 (– 6,7 %).
Si, contrairement à l’évolution constatée en 2023, elles connaissent une hausse spontanée de 0,1 milliard d’euros, celle-ci est plus que compensée par l’effet des mesures nouvelles et de transfert, notamment les aménagements des tarifs en matière de gazole non routier agricole et le versement d’une fraction de l’accise sur les énergies aux régions pour l’exercice de leur compétence en matière de formation professionnelle continue.
Des recettes nettes de TICPE 2023 aux recettes nettes de TICPE 2024
(en milliards d’euros)
Exécution 2023 |
Évolution spontanée |
Mesures nouvelles et de transfert |
Exécution 2024 |
Écart 2023-2024 |
16,8 |
+ 0,1 |
– 0,9 |
16,0 |
- 0,8 |
N.B. : en raison d’effets d’arrondi, le montant d’une somme peut différer du résultat l’addition des termes.
Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2024 : recettes fiscales de l’État, avril 2025.
b. Une exécution supérieure de 3,9 % à la prévision initiale et de 0,6 % à la prévision de la loi de finances de fin de gestion
En 2024 comme en 2023, l’exécution des recettes de TICPE revenant à l’État se distingue de celle des autres recettes fiscales nettes car elle est légèrement supérieure tant à la prévision initiale qu’à la prévision associée à la loi de finances de fin de gestion. L’écart avec la prévision de la LFI s’accroît, passant de 0,2 milliard d’euros en 2023 à 0,6 milliard d’euros en 2024, mais l’écart avec la prévision de la LFG se réduit, passant de 0,4 milliard d’euros en 2023 à 0,1 milliard d’euros en 2024.
Écart des recettes nettes de TICPE 2024 par rapport aux prÉvisions
(en milliards d’euros)
Exécution 2024 |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
|
Écart exécution / LFI |
Écart exécution / LFG 2024 |
16,0 |
15,4 |
15,9 |
0,6 |
0,1 |
Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2024 et PLRG 2024.
5. Les autres recettes fiscales
Les autres recettes fiscales, qui se composent d’impositions variées, progressent de 2 milliards d’euros, soit 3,1 %, entre 2023 et 2024.
les autres recettes fiscales nettes de 2023 à 2024
(en milliards d’euros)
Exécution 2023 |
Évolution spontanée |
Mesures nouvelles et de transfert |
Exécution 2024 |
Écart 2023-2024 |
65,5 |
– 1,1 |
+ 3,1 |
67,5 |
+ 2,0 |
Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2024 et PLRG 2024.
L’évolution spontanée (– 1,6 %) résulte notamment de la baisse de 0,3 % des droits de mutation à titre gratuit, après une hausse de 14,1 % en 2023, en raison de la contraction du marché immobilier en 2023 et 2024 et de la baisse de la mortalité en 2023.
En ce qui concerne les mesures nouvelles, qui entraînent une progression de ces autres recettes de 4,7 %, l’évolution des boucliers tarifaires portant sur les accises sur l’électricité et le gaz, le renforcement de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme, dite malus CO2, la contribution sur la rente inframarginale des producteurs d’électricité et les contentieux font plus que compenser les mesures de baisse d’impôt, notamment la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Peuvent notamment être relevés un rendement de la contribution sur la rente infra-marginale de la production d’électricité supérieur à la prévision initiale ([39]) et les effets de l’extinction du bouclier tarifaire sur le gaz naturel ([40]) et de celle, partielle, du bouclier tarifaire sur l’électricité ([41]), lesquels boucliers avaient été mis en place lors de la crise énergétique ; cette mise en extinction se traduit en 2024 pour l’État par une hausse des recettes de l’accise sur l’électricité (+ 1,1 milliard d’euros) et de l’accise sur le gaz (+ 0,9 milliard d’euros), sans qu’elles retrouvent leur niveau d’avant-crise, surtout pour la TICFE.
Évolution de recettes des accises sur l’électricité et sur le gaz
(en millions d’euros)
|
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Écart 2023/2024 |
Accise sur l’électricité (TICFE) |
7 381 |
2 513 |
499 |
1 596 |
+ 1 097 |
Accise sur le gaz (TICGN) |
2 298 |
2 269 |
1 893 |
2 802 |
+ 909 |
Total |
9 679 |
4 782 |
2 392 |
4 398 |
+ 2 006 |
Source : réponses transmises au rapporteur général par le Gouvernement.
Alors que l’exercice 2023 s’était caractérisé par un rendement des autres recettes fiscales nettes sensiblement inférieur (– 8,8 milliards d’euros) à la prévision initiale, essentiellement en raison de la surestimation des recettes attendues de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, l’exécution s’est révélée légèrement supérieure à la prévision initiale en 2024 (+ 0,6 milliard d’euros). L’écart est plus net encore par rapport à la prévision associée à la loi de finances de fin de gestion (+ 1,7 milliard d’euros).
Écart des autres recettes fiscales en 2024 par rapport aux prÉvisions
(en milliards d’euros)
Exécution 2024 |
|
LFI 2024 |
LFG 2024 |
|
Écart exécution / LFI |
Écart exécution / LFG 2024 |
67,5 |
66,9 |
65,8 |
0,6 |
1,7 |
Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2024 et PLRG 2024.
II. après deux années de hausse, des recettes non fiscales en baisse de 7,6 % en 2024
Avec 23,2 milliards d’euros en 2024, les recettes non fiscales représentent environ 6,6 % des recettes totales du budget général de l’État (avant déduction des prélèvements sur recettes). Après deux années de forte augmentation en 2021 (+ 43,9 %) et en 2022 (+ 12,2 %) et une année de hausse plus modérée en 2023 (+ 5 %), elles connaissent une baisse de 7,6 % (– 1,9 milliard d’euros).
Recettes non fiscales du budget gÉnÉral de l’État en 2024
(en milliards d’euros)
Recette |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Évolution 2024/2023 |
Dividendes et recettes assimilées |
3,9 |
3,2 |
4,8 |
0,9 |
Produits du domaine de l’État |
1,2 |
1,7 |
1,8 |
0,6 |
Produits de la vente de biens et services |
3,1 |
3,5 |
2,5 |
- 0,6 |
Remboursement des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières |
0,7 |
1,2 |
1,1 |
0,4 |
Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite |
2,2 |
2,9 |
2,4 |
0,3 |
Divers |
14,0 |
10,2 |
10,6 |
- 3,5 |
Total |
25,1 |
22,7 |
23,2 |
- 1,9 |
Source : PLRG 2024.
A. des dividendes et recettes assimilÉes en hausse de 23,1 % et supérieurs de 50 % à la prévision initiale
Les dividendes et recettes assimilées représentent 20,7 % des recettes non fiscales du budget général de l’État en 2024 avec 4,8 milliards d’euros, un montant et une proportion en hausse par rapport à 2023.
L’affectation des recettes des opérations patrimoniales de l’État
Les dividendes sont affectés au budget général de l’État. En revanche, les opérations patrimoniales – c’est-à-dire essentiellement les ventes et les achats de titres, ainsi que l’affectation des produits de cession – relèvent du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.
Après deux années de forte réduction de son dividende (passé de 3,4 milliards d’euros en 2020 à 1,9 milliard d’euros en 2021, puis à 0,6 milliard d’euros en 2022) en raison de son moindre bénéfice, la Banque de France n’en a pas versé à l’État en 2023 ni en 2024. Elle n’a effectivement pas dégagé de résultat en 2022 et en 2023, ce qui a entraîné l’absence de dividende distribuable l’année suivante. En revanche, la caisse de réserve des employés de la Banque de France a présenté un excédent de couverture de 844 millions d’euros, reversé à l’État.
La Caisse des dépôts et consignations a versé 1,4 milliard d’euros de dividendes à l’État, soit une légère baisse de 0,2 milliard d’euros par rapport à 2023. Ce montant est très inférieur à celui de l’exercice 2022 (2,2 milliards d’euros). Il demeure toutefois sensiblement supérieur à celui des années précédentes (666 millions d’euros en 2020 et 907 millions d’euros en 2021). Ces dividendes se répartissent entre un versement au titre des résultats de l’année N-1 (591 millions d’euros pour l’année 2023) et un acompte versé au titre des résultats de l’année N (779 millions d’euros pour 2024).
Enfin, les dividendes versés par les entreprises non financières du portefeuille de l’État actionnaire poursuivent leur progression en 2024 pour atteindre 2,5 milliards d’euros, après 2,2 milliards d’euros en 2023.
Les dividendes les plus élevés sont versés par Engie (825 millions d’euros), Orange (256 milliards d’euros) et l’établissement public à caractère industriel et commercial qui porte la participation de l’État au capital de Bpifrance (EPIC Bpifrance) (194 millions d’euros).
B. d’autres recettes non fiscales en baisse de 2,8 milliards d’euros
Les autres recettes non fiscales connaissent en 2024 une baisse de 2,8 milliards d’euros, soit 13,2 %. Cette évolution est essentiellement le fait de moindres versements en provenance de l’Union européenne.
1. Des produits du domaine de l’État en progression de 0,6 milliard d’euros
Les produits du domaine de l’État connaissent une hausse de moitié, s’élevant à 1,8 milliard d’euros en 2024 après 1,2 milliard d’euros en 2023. La progression de la redevance hydraulique versée par la Compagnie nationale du Rhône, qui a atteint 0,9 milliard d’euros en 2024, explique à elle seule la hausse des produits du domaine de l’État, les autres recettes composant cette catégorie demeurant stables.
2. Des produits de la vente de biens et services en baisse de 0,6 milliard d’euros
Les produits de la vente de biens et services connaissent une nouvelle baisse, de 0,6 milliard d’euros, en 2024, après 0,2 milliard d’euros en 2023, pour s’établir à 2,5 milliards d’euros. Cette évolution s’explique essentiellement par la baisse des recettes non affectées des enchères des actifs carbone, dont le montant s’est élevé à 0,8 milliard d’euros à la fin de l’année 2024, après 1,4 milliard d’euros en 2023, en raison de la contraction du marché du carbone et de la chute du prix de marché des quotas carbone au début de l’exercice.
3. Des remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières en hausse de 0,4 milliard d’euros
Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières ont rapporté 1,1 milliard d’euros en 2024, contre 0,7 milliard d’euros en 2023.
Les recettes procurées par les intérêts des prêts accordés à des banques et à des États étrangers, par les prêts au fonds de développement économique et social ainsi qu’à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics étant demeurées stables, la progression constatée en 2024 s’explique par la hausse des recettes d’intérêts des autres prêts et avances consentis à des entités non contrôlées.
4. Des amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite en hausse de 0,2 milliard d’euros
Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite s’établissent à 2,4 milliards d’euros en 2024, contre 2,2 milliards d’euros en 2023, la progression de 0,4 milliard d’euros des amendes procurées par les autorités de la concurrence faisant plus que compenser le recul du produit des sanctions pécuniaires prononcées par les autres autorités administratives indépendantes.
5. Des recettes diverses en baisse de 3,5 milliards d’euros
Cette catégorie, qui comprend un grand nombre de types de recettes de faible montant, connaît une baisse sensible de 3,5 milliards d’euros, soit 24,8 %, par rapport à 2023 pour s’établir à 10,6 milliards d’euros.
La principale origine de ces recettes est européenne. Après un premier versement de 5,1 milliards d’euros en 2021, la France a touché, au titre de la mise en œuvre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) 7,4 milliards d’euros en 2022. En 2023, ce montant a progressé de 3,5 milliards d’euros, pour atteindre 10,9 milliards d’euros. En 2024, il a régressé de 3,4 milliards d’euros pour atteindre 7,5 milliards d’euros ([42]).
Les autres recettes diverses sont restées globalement stables, se maintenant à 3,1 milliards d’euros. Elles incluent notamment la rémunération de la garantie que l’État apporte au livret A (0,5 milliard d’euros en 2024, après 0,6 milliard d’euros en 2023), et les reversements au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur (0,3 milliard d’euros en 2024, contre 0,5 milliard d’euros en 2023).
Fiche 3 : les dÉpenses De l’État
L’exécution des dépenses de l’année 2024 se caractérise par une diminution des crédits consommés pour la première fois depuis 2020, marquant la fin d’une période de croissance soutenue sous les effets de la crise sanitaire et de la hausse de l’inflation. Le taux d’exécution des CP par rapport aux crédits ouverts en 2024 est de 97,3 %.
Les dépenses de l’État sont en diminution de – 1,4 % en 2024 par rapport à 2023 en raison de la diminution des crédits exécutés sur le budget général (I). Dans ce contexte, la norme de dépenses de l’État a été respectée (II). L’analyse des dépenses de l’État ne peut néanmoins se réduire aux crédits budgétaires, qui ne représentent que les trois quarts de l’ensemble des moyens consacrés aux politiques publiques (III).
Évolution de l’exÉcution des crÉdits budgÉtaires depuis 2019
(en milliards d’euros et en crédits de paiement)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Évolution annuelle moyenne 2024/2019 |
Évolution 2023/2024 |
Budget général |
336,1 |
389,7 |
426,7 |
445,7 |
454,6 |
443,4 |
+ 5,9 % |
– 2,5 % |
Budgets annexes |
2,3 |
2,2 |
2,4 |
2,5 |
2,2 |
2,4 |
+ 1,2 % |
+ 9,1 % |
Comptes spéciaux |
191,1 |
205,2 |
191,7 |
205,8 |
219,0 |
220,7 |
+ 3,1 % |
+ 0,8 % |
TOTAL |
529,5 |
597,1 |
620,8 |
654,0 |
675,8 |
666,5 |
+ 4,8 % |
– 1,4 % |
Note : hors programme 200 de la mission Remboursements et dégrèvements.
Source : commission des finances, d’après les projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2023 et 2024.
I. Des dÉpenses de l’État en diminution par rapport À 2023, marquant un frein À leur progression continue depuis 2019
Les dépenses nettes du budget général incluant les fonds de concours, hors programme 200 relatif aux impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements, ont diminué de 11,2 milliards d’euros en 2024, pour atteindre 443,4 milliards d’euros, soit un niveau inférieur à l’exécution 2022. Cette baisse marque un arrêt dans la progression continue des dépenses par rapport aux années 2020 à 2023, marquées par des hausses successives de 53,6 milliards d’euros, 37,1 milliards d’euros, 18,9 milliards d’euros et 8,9 milliards d’euros.
La diminution observée entre 2023 et 2024 s’explique par la baisse des dépenses du budget général de l’État, portée par l’extinction de dispositifs mis en place pour répondre aux crises et d’importantes mesures de régulation budgétaire en cours de gestion, cette diminution étant supérieure à l’augmentation des dépenses sur certaines missions sous l’effet notamment des lois de programmation (A). Ainsi, hors la baisse de 18,8 milliards d’euros des mesures exceptionnelles, les dépenses de l’État progressent de 7,6 milliards d’euros (+ 1,7 %).
Le plafond des dépenses autorisées en LFI pour 2024 s’est révélé trop élevé et une sous‑consommation des crédits de 3,1 milliards d’euros est constatée (B).
Enfin, les dépenses de personnel continuent d’augmenter (+ 6,8 % hors compte d’affectation spéciale Pensions), à un rythme plus soutenu qu’en 2023 (+ 5,5 %), notamment en raison de l’effet des mesures salariales décidées en 2023 et de schémas d’emplois dynamiques (C).
A. L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire
Hors fonds de concours, l’exécution 2024 des crédits de paiement des missions du budget général a mobilisé au total 585 milliards d’euros en CP, soit 6,9 milliards d’euros de moins que l’exécution 2023 (– 1,2 %). Cette baisse est principalement portée par l’extinction des dispositifs d’aide aux consommateurs face à la hausse des prix de l’énergie financés par le programme 345 Service public de l’énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables (– 14,5 milliards d’euros de crédits d’intervention).
Au total, la baisse de – 24,4 milliards d’euros des crédits exécutés par rapport à 2023 est répartie sur quinze missions du budget général (1). À l’inverse, l’exécution 2024 conduit à l’augmentation de la consommation des crédits de dix‑sept autres missions pour un montant de 17,5 milliards d’euros en CP, et de 13,4 milliards d’euros hors la mission Remboursements et dégrèvements (2).
Évolution des dÉpenses des missions (pÉRIMÈtre courant)
(en millions d’euros et en crédits de paiement)
Missions |
Exécution 2023 |
Ouvertures 2024 |
Exécution 2024 |
Évolution de l’exécution 2024/2023 |
Évolution de l’exécution (en %) |
Action extérieure de l’État |
3 114 |
3 375 |
3 289 |
+ 175 |
5,60 % |
Administration générale et territoriale de l’État |
4 613 |
4 746 |
4 662 |
+ 49 |
1,10 % |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
4 709 |
4 962 |
4 498 |
– 211 |
– 4,50 % |
Aide publique au développement |
5 577 |
4 946 |
4 822 |
– 755 |
– 13,50 % |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation |
1 948 |
1 986 |
1 959 |
+ 11 |
0,60 % |
Cohésion des territoires |
18 511 |
19 535 |
18 497 |
– 14 |
– 0,10 % |
Conseil et contrôle de l’État |
793 |
867 |
861 |
+ 68 |
8,60 % |
Crédits non répartis* |
110 |
265 |
196 |
+ 86 |
+ 78 % |
Culture |
3 866 |
3 956 |
3 865 |
– 1 |
– |
Défense |
54 813 |
59 667 |
58 428 |
+ 3 615 |
6,60 % |
Direction de l’action du Gouvernement |
895 |
1 126 |
1 017 |
+ 122 |
13,60 % |
Écologie, développement et mobilité durables |
40 285 |
25 206 |
24 232 |
– 16 053 |
– 39,80 % |
Économie |
5 056 |
7 033 |
5 104 |
+ 48 |
0,90 % |
Engagements financiers de l’État |
62 377 |
59 557 |
58 765 |
– 3 612 |
– 5,80 % |
Enseignement scolaire |
82 028 |
86 468 |
86 397 |
+ 4 369 |
5,30 % |
Gestion des finances publiques |
10 449 |
10 729 |
10 595 |
+ 146 |
1,40 % |
Immigration, asile et intégration |
2 268 |
2 270 |
2 191 |
– 77 |
– 3,40 % |
Investir pour la France de 2030 |
5 994 |
6 297 |
6 271 |
+ 277 |
4,60 % |
Justice |
11 312 |
11 872 |
11 827 |
+ 515 |
4,60 % |
Médias, livre et industries culturelles |
726 |
715 |
712 |
– 14 |
– 1,90 % |
Outre-mer |
2 980 |
2 988 |
2 917 |
– 63 |
– 2,10 % |
Plan de relance |
4 126 |
6 579 |
2 236 |
– 1 890 |
– 45,80 % |
Pouvoirs publics |
1 077 |
1 157 |
1 157 |
+ 80 |
7,40 % |
Recherche et enseignement supérieur |
31 071 |
31 067 |
30 986 |
– 85 |
– 0,30 % |
Régimes sociaux et de retraite |
5 932 |
6 066 |
6 064 |
+ 132 |
2,20 % |
Relations avec les collectivités territoriales |
4 432 |
4 138 |
3 895 |
– 537 |
– 12,10 % |
Remboursements et dégrèvements |
142 445 |
148 174 |
146 523 |
+ 4 078 |
2,90 % |
Santé |
3 610 |
2 904 |
2 803 |
– 807 |
– 22,40 % |
Sécurités |
23 243 |
25 519 |
25 486 |
+ 2 243 |
9,70 % |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
29 991 |
31 102 |
31 031 |
+ 1 040 |
3,50 % |
Sport, jeunesse et vie associative |
1 723 |
1 755 |
1 548 |
– 175 |
– 10,20 % |
Transformation et fonction publiques |
985 |
1 056 |
914 |
– 71 |
– 7,20 % |
Travail et emploi |
20 940 |
22 942 |
21 432 |
+ 492 |
2,30 % |
Total |
591 887 |
601 025 |
584 982 |
– 6 905 |
– 1,2 % |
Total hors Remboursements et dégrèvements |
449 442 |
452 851 |
438 458 |
– 10 984 |
– 2,4 % |
Note : le tableau correspond à la consommation de l’ensemble des crédits au titre de ces missions, hors fonds de concours et attributions de produits.
* les crédits exécutés pour la mission Crédits non répartis correspondent aux crédits annulés et transférés sur d’autres missions (cf. fiche 4 du présent rapport) : ils ne sont donc pas décomptés dans le total des crédits exécutés.
Source : commission des finances, d’après les annexes Développement des opérations constatées au budget général aux projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2023 et 2024.
1. Les missions dont le niveau d’exécution des crédits est inférieur à celui observé en 2023
Sur les trente-trois missions du budget général, quinze d’entre elles présentent un niveau de dépenses en 2024 inférieur à celui constaté l’année précédente. La baisse des CP correspondants s’élève à 24,4 milliards d’euros.
● Plusieurs dispositifs mis en place depuis 2020 durant les crises successives s’éteignent au moins en partie, entraînant une baisse des dépenses de 18,8 milliards d’euros sur les missions concernées.
La mission Écologie, développement et mobilité durables voit ses crédits diminuer de 16,1 milliards d’euros par rapport à 2023, soit une baisse de 40 % de ses CP, qui s’explique par l’extinction du financement des mesures exceptionnelles en lien avec la crise énergétique sur le programme 345 Service public de l’énergie en LFI pour 2024 : les crédits d’intervention de ce programme passent ainsi de 20,2 milliards d’euros à 5,7 milliards d’euros. Sur le programme 174 Énergie, climat et après-mines, la baisse de 24 % des crédits d’intervention en CP est principalement liée à la forte sous-exécution des aides MaPrimeRénov’, dans la continuité de la sous-exécution constatée en 2023, ainsi qu’à l’extinction des chèques énergie exceptionnels et des aides à l’achat de carburant. En sens inverse, les crédits d’intervention du programme 380 relatifs au fonds vert, créé en 2023, augmentent de 92 % en CP mais avec un taux d’exécution de moins de 51 % par rapport à la LFI pour 2024.
Les dépenses de la mission Plan de relance diminuent également fortement (de – 45,8 %) et s’établissent à 2,2 milliards d’euros en 2024 ([43]), contre 4,1 milliards d’euros en 2023 (– 1,9 milliard d’euros). En revanche, il convient de souligner que cette mission a bénéficié d’un volume inédit de reports de 2023, à hauteur de 5,69 milliards d’euros, et que 4,34 milliards d’euros ont été reportés sur l’année 2025, dans un contexte d’extinction de la mission. Les CP consommés représentent donc 158 % des CP ouverts en LFI pour 2024, mais 34,1 % des crédits disponibles.
Les crédits consommés de la mission Santé diminuent de 807 millions d’euros (– 22,4 %), en raison de la diminution des crédits relatifs au volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) porté par le programme 379 en LFI pour 2024.
● Sept missions connaissent une diminution totale de leurs crédits de 5,4 milliards d’euros en 2024, pour des raisons diverses.
En 2024, la mission Engagements financiers de l’État, qui assure le remboursement de la dette de l’État, a mobilisé 3,6 milliards d’euros de crédits de paiement en moins par rapport à l’année 2023 (– 5,8 %) pour une consommation de 58,8 milliards d’euros. Malgré la hausse de la charge d’intérêt, tirée par le volume de la dette, cette diminution globale des dépenses tient à la baisse de l’inflation, qui entraîne également celle de la charge d’indexation du capital des obligations indexées (– 8,8 milliards d’euros par rapport à 2023), qui représentent 11,1 % de l’encours de la dette négociable de l’État.
Les crédits consommés de la mission Aide publique au développement diminuent de 755 millions d’euros en 2024 (– 13,5 %) par rapport à 2023 et atteignent 4,8 milliards d’euros. Cette réduction marque un arrêt net de la dynamique engagée pour cette mission, qui avait vu ses crédits exécutés plus que doubler entre 2017 et 2023. La mission a connu des ajustements budgétaires d’ampleur en cours de gestion (– 1,1 milliard d’euros par rapport à la LFI pour 2024), avec une réduction des contributions multilatérales et un recentrage en matière bilatérale sur les pays les moins avancés.
La mission Relations avec les collectivités territoriales voit sa consommation de crédits être réduite de 12,1 %, soit une moindre dépense à hauteur de 537 millions d’euros. Cette diminution en CP s’explique par la diminution des dotations d’investissement sur le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements (– 126 millions d’euros, soit – 6,6 %), tandis que les décaissements en CP sur le programme 122 Concours spécifiques et administration sont en repli en raison de la non reconduction de la dotation exceptionnelle au profit de la collectivité territoriale de Corse et de la clôture du fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE) pour la tempête Alex.
L’exécution 2024 de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales est marquée par une réduction des dépenses de 211 millions d’euros (– 4,5 %) par rapport à la gestion précédente, en raison de la baisse des dépenses d’intervention sur le seul programme 149 Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, principalement au titre des dispositifs exceptionnels destinés à répondre aux crises agricoles et sanitaires.
Les CP consommés sur la mission Sport, jeunesse et vie associative diminuent de – 10,2 %, soit – 175 millions d’euros par rapport aux crédits consommés en 2023, ce qui s’explique pour l’essentiel par la diminution des dépenses du programme 350 Jeux olympiques et paralympiques 2024.
Concernant la mission Immigration, asile et intégration, une sous‑consommation de 77 millions d’euros (– 3,4 %) est observée à la suite de la baisse des dépenses en faveur des bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) ukrainiens.
Enfin, la mission Transformation et fonction publiques voit ses crédits consommés diminuer de 71 millions d’euros par rapport à l’année 2023. Cette baisse de – 7,2 % s’explique par une diminution des crédits ouverts en LFI pour 2024 (à hauteur de 64 millions d’euros par rapport à 2023) portant principalement sur le programme 349 Transformation publique et des décaissements moins rapides que prévus sur les programmes 348 Performance et résilience du parc immobilier de l’État et 352 Innovation et transformation numériques.
● Pour cinq missions (Recherche et enseignement supérieur, Outre-mer, Cohésion des territoires, Médias, livre et industrie culturelles et Culture), les crédits consommés en 2024 diminuent dans une proportion inférieure à – 2 % de leur exécution en 2023, pour un total de 177 millions d’euros. Il convient néanmoins de relever que la légère diminution des crédits exécutés sur la mission Recherche et enseignement supérieur ne respecte pas la trajectoire en CP fixée par la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche ([44]), ni pour les trois programmes concernés (150 Formations supérieures hors CAS Pensions, 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, 193 Recherche spatiale), ni pour les hausses d’AE prévues pour l’Agence nationale de la recherche (ANR).
2. Les missions dont les crédits exécutés augmentent en 2024 par rapport à 2023
L’augmentation des crédits consommés en 2024 par rapport à 2023 pour dix-sept missions du budget général, pour un total de 17,5 milliards d’euros, est le reflet du soutien aux politiques publiques faisant l’objet d’une loi de programmation et à la dynamique de la dépense de personnel sur la mission Enseignement scolaire.
L’exécution 2024 de la mission Remboursements et dégrèvements s’est traduite par une hausse des crédits de paiement de 4,1 milliards d’euros par rapport à 2023 (+ 2,9 %), après une hausse de 9,7 milliards d’euros en 2023 par rapport à 2022. Le dynamisme de ces dépenses est le fait des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, en hausse de + 4,2 milliards d’euros (+ 3,1 %) sous l’effet de la croissance des restitutions d’excédents d’impôt sur le revenu et des remboursements de crédits de TVA. En 2024, les crédits consommés sur cette mission se sont élevés à 146,5 milliards d’euros, soit un taux de consommation des crédits s’établissant à 104,3 % de ceux votés en LFI pour 2024.
● Les crédits des missions couvertes par des lois de programmation ont connu une augmentation de 5,1 milliards d’euros en 2024 par rapport à 2023 : à l’exception de la mission Recherche et enseignement supérieur, toutes les missions concernées ont vu leurs crédits consommés augmenter. En 2023, deux nouvelles lois de programmation ont été adoptées et ont pris la suite de lois de programmation antérieures sur des périmètres identiques ([45]). La part des crédits relevant d’une loi de programmation représente au total 22 % des dépenses nettes du budget général de l’État ([46]).
crÉdits de paiement exÉcutÉs dans les champS des lois de programmation sectorielles
(en milliards d’euros)
|
2023 |
2024 |
Évolution |
Loi n° 2020-1674 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 |
14,0 |
13,4 |
– 3,8 % |
Loi n° 2023-22 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur |
22,7 |
24,2 |
+ 6,6 % |
Loi n° 2023-703 de programmation militaire 2024-2030 |
45,9 |
49,3 |
+ 7,2 % |
Loi n° 2023-1059 d’orientation et de programmation du ministère de la justice |
11,0 |
11,8 |
+ 7,6 % |
TOTAL |
93,6 |
98,7 |
5,4 % |
Part des dépenses nettes du budget général sous loi de programmation |
20,6 % |
22,3 % |
+ 1,7 |
Note : la loi n° 2021-1031 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ne prévoyant pas de trajectoire budgétaire en valeur au-delà de 2022, elle n’a pas été comptabilisée.
Source : Cour des comptes, Le budget de l’État en 2024, avril 2025 (lien).
Par rapport à 2023, les crédits de paiement consommés sur la mission Défense progressent de 3,6 milliards d’euros (+ 6,6 %) et atteignent 58,4 milliards d’euros. Les dépenses de personnel hors CAS Pensions sont en hausse de 4,4 %, tandis que les dépenses d’équipement augmentent de 9 %. Cette croissance permet d’assurer le respect de la première annuité de la loi de programmation militaire, qui reflète les priorités du ministère en matière de dissuasion, de renseignement et de modernisation des infrastructures. La hausse de 8,5 % des dépenses de fonctionnement s’explique par l’accroissement des exercices interarmées, nationaux et multinationaux.
Près de 2,2 milliards d’euros supplémentaires ont été consacrés à la mission Sécurités en 2024 (+ 9,7 %) par rapport à l’exécution 2023, qui présente une consommation de crédits de paiement de 25,5 milliards d’euros. Cette augmentation significative est en cohérence avec la trajectoire budgétaire prévue par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) ([47]). Les dépenses de masse salariale ont augmenté de 7,2 % (contre + 5,5 % en 2023) et s’élèvent à 20,8 milliards d’euros. Les dépenses de fonctionnement exécutées sont également en très forte hausse (+ 22 %), en raison d’une activité opérationnelle élevée des forces de sécurité mobilisées pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et la crise en Nouvelle-Calédonie.
La mission Justice connaît une progression des crédits consommés en 2024 de 4,6 % par rapport à 2023 pour s’établir à 11,8 milliards d’euros. Cette dynamique des dépenses est attribuable à la hausse de 6,4 % des dépenses de personnel. Elles s’élèvent à 7 milliards d’euros, avec un plafond d’emplois exécutés en hausse de + 1 950 équivalents temps plein travaillés (ETPT), un niveau qui reste néanmoins inférieur à la trajectoire prévue par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et confirme la tendance de sous-exécution du plafond d’emplois de la mission.
● Les augmentations de crédits exécutés sur les missions du budget général non couvertes par des lois de programmations traduisent également la dynamique de la masse salariale de l’État et de certaines dépenses de guichet.
L’augmentation des crédits de la mission Enseignement scolaire se poursuit, avec 4,4 milliards d’euros supplémentaires en 2024 (+ 5,3 %), portée par la hausse de la dépense sur le titre 2 de 4,8 milliards d’euros (+ 6,3 %). La dépense hors titre 2 est marquée par une baisse de 396 millions d’euros en raison du transfert sur les dépenses de titre 2 de la rémunération des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et d’une partie des assistants d’éducation (AED).
Les CP de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances augmentent de 1 milliard d’euros en 2024 (+ 3,5 %). Cette hausse résulte essentiellement de l’évolution tendancielle importante des dépenses de guichet versées par la mission, avec au premier plan l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui augmente à hauteur de + 1,3 milliard d’euros.
La mission Travail et emploi connait une augmentation de ses CP de 492 millions d’euros (+ 2,3 %), en raison d’une forte hausse des crédits alloués en programmation initiale (+ 1,8 milliard d’euros par rapport à la LFI 2023) avec l’augmentation des subventions pour charge de service public à destination des opérateurs France Compétences et France Travail.
Enfin, les crédits consommés de la mission Investir pour la France de 2030 augmentent de 277 millions d’euros (+ 4,6 %) entre 2023 et 2024 et s’établissent à 6,3 milliards d’euros, marquant une accélération du décaissement des CP pour un taux d’exécution de 99,6 % des crédits ouverts mais de 81 % des CP ouverts en LFI pour 2024.
● D’autres missions connaissent une progression notable de leurs crédits en 2024 par rapport à l’année précédente :
– la mission Direction de l’action du Gouvernement (+ 13,6 %), avec le transfert de la subvention pour charges de service public allouée à l’Institut national du service public (INSP) en provenance du programme Fonction publique de la mission Transformation et fonction publiques, la mise en service de nouveaux locaux pour le groupement interministériel de contrôle (GIC) et la hausse du plafond d’emplois du programme 129 Coordination du travail gouvernemental ;
– la mission Conseil et contrôle de l’État (+ 8,6 %), en raison de l’augmentation de ses dépenses de personnel sous l’effet des mesures générales, du reclassement indiciaire des magistrats des juridictions administratives et financières dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique et de schémas d’emploi dynamiques, ainsi que du démarrage des travaux relatifs au relogement de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et du tribunal administratif de Montreuil ;
– la mission Pouvoirs publics (+ 7,4 %), qui a financé la revalorisation des dotations à la hauteur de l’inflation prévisionnelle en 2024, ainsi que le coût de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 ;
– ou encore la mission Action extérieure de l’État (+ 5,6 %) afin de mettre en œuvre l’agenda de transformation du ministère et renforcer la diplomatie française, en accord avec les nouvelles priorités définies par le président de la République lors des États généraux de la diplomatie en mars 2023.
B. En 2024, la consommation des crÉdits est infÉrieure aux ouvertures pour l’intÉgralitÉ des missions
Le taux d’exécution des crédits continue de s’améliorer en 2024 sans retrouver les niveaux constatés avant la crise sanitaire. L’exécution budgétaire 2024 est marquée par une sous-consommation des crédits inférieure à 2023 (– 2,7 % par rapport aux crédits ouverts, contre – 3,3 %), qui demeure toutefois supérieure aux niveaux constatés avant la crise sanitaire.
Les crédits consommés s’élèvent à 585 milliards d’euros, soit 16 milliards d’euros en deçà des crédits ouverts ([48]). Hors programme 200 relatif aux impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements, les crédits consommés atteignent alors 443,4 milliards d’euros, soit 14,5 milliards d’euros en‑deçà du plafond précité.
Écarts entre le montant des crÉdits de paiement ouverts
en fin de gestion et l’exÉcution
(en milliards d’euros)
Agrégat |
Ouvertures 2020 |
Exécution 2020 |
Ouvertures 2021 |
Exécution 2021 |
Ouvertures 2022 |
Exécution 2022 |
Ouvertures 2023 |
Exécution 2023 |
Ouvertures 2024 |
Exécution 2024 |
Dépenses brutes |
579,4 |
540,7 |
582,1 |
557,1 |
606,8 |
578,4 |
614,1 |
591,9 |
601,0 |
585,0 |
Remboursements et dégrèvements (à déduire) |
152,2 |
151,0 |
130,7 |
130,4 |
136,6 |
132,8 |
139,5 |
137,3 |
143,1 |
141,6 |
Dépenses nettes |
427,2 |
389,7 |
451,4 |
426,7 |
470,3 |
445,7 |
474,6 |
454,6 |
457,9 |
443,4 |
Écart en valeur |
|
– 37,5 |
|
– 24,6 |
|
– 24,6 |
|
– 20,0 |
|
– 14,5 |
Écart en % |
|
– 8,8 % |
|
– 5,5 % |
|
– 5,2 % |
|
– 4,2 % |
|
– 3,2 % |
Source : commission des finances, d’après les annexes Développement des opérations constatées au budget général aux projets de loi de règlement et relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2020 à 2024.
● Cette sous-exécution de 16 milliards d’euros est en partie imputable aux missions Plan de relance et Remboursements et dégrèvements, qui concentrent respectivement 4,3 et 1,7 milliards d’euros de crédits disponibles non consommés en 2024, soit 38 % du total.
Écarts entre le montant des crÉdits de paiement ouverts
et l’exÉcution 2024
(en millions d’euros)
Missions |
Ouvertures 2024 |
Exécution 2024 |
Écart en valeur |
Écart |
Plan de relance |
6 579 |
2 236 |
– 4 343 |
– 66,0 % |
Remboursements et dégrèvements |
148 174 |
146 523 |
– 1 651 |
– 1,1 % |
Autres hors Remboursements et dégrèvement |
446 272 |
436 222 |
– 10 049 |
– 2,3 % |
Total |
601 025 |
584 982 |
– 16 043 |
– 2,7 % |
Source : commission des finances, d’après l’annexe Développement des opérations constatées au budget général au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
Hors missions Plan de relance et Remboursements et dégrèvements, l’écart entre les crédits ouverts et consommés en 2024 est de 10 milliards d’euros, soit une sous-exécution de – 2,3 % par rapport aux crédits ouverts, concentrée sur quelques missions.
Missions dont l’ExÉcution s’Écarte le plus de l’autorisation budgÉtaire
(en millions d’euros de crédits de paiement)
Missions |
Ouvertures 2024 |
Exécution 2024 |
Écart |
En % des ouvertures |
Économie |
7 033 |
5 104 |
– 1 929 |
– 27,4 % |
Travail et emploi |
22 492 |
21 432 |
– 1 510 |
– 6,6 % |
Défense |
59 667 |
58 428 |
– 1 239 |
– 2,1 % |
Cohésion des territoires |
19 535 |
18 497 |
– 1 038 |
– 5,3 % |
Écologie, développement et mobilité durables |
25 206 |
24 232 |
– 974 |
– 3,9 % |
Note : les montants incluent les fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances, d’après l’annexe Développement des opérations constatées au budget général au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
La sous-exécution de la mission Économie atteint 1,9 milliard d’euros et s’explique par des reports massifs de 2023 à hauteur de 3,1 milliards d’euros, soit 72 % des CP votés en LFI, sans que des opérations ne soient programmées sur ces crédits qui sont « budgétisés selon une logique de provision » afin de financer des opérations susceptibles d’intervenir en cours d’année, heurtant ainsi le principe de spécialité, comme le relève la Cour des comptes ([49]).
L’écart observé entre la prévision et la consommation sur le champ de la mission Travail et emploi s’élève à 1,5 milliard d’euros. Il est dû à une sous‑consommation des crédits destinés aux actions de formation des demandeurs d’emploi et aux aides à l’apprentissage dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC).
Le niveau de consommation des crédits de la mission Défense (97,9 % en 2024) est similaire à celui des années précédentes. Les 1,2 milliard d’euros autorisés mais non consommés, qui sont reportés sur l’exercice 2025, proviennent pour 715 millions d’euros du gel d’une partie des crédits de paiement ouverts en fin de gestion 2023 ([50]) puis reportés en 2024, ainsi que pour 311 millions d’euros de rattachements tardifs de fonds de concours non consommés en 2024 et reportés sur 2025.
Les crédits de la mission Cohésion des territoires ont été consommés à hauteur de 18,5 milliards d’euros en 2024. La forte sous-exécution des crédits alloués aux dispositifs d’intervention de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) sur le programme 135 et, dans une moindre mesure, de dépenses pluriannuelles sur le programme 162 relatives aux interventions territoriales de l’État, expliquent cette sous-exécution de – 5,3 % par rapport aux crédits disponibles.
La sous-exécution de la mission Écologie, développement et mobilités durables s’élève à 974 millions d’euros : elle résulte principalement des décaissements moindres qu’anticipés au titre des aides MaPrimeRénov’ et du niveau de sous-consommation récurrent des crédits de fonds de concours sur le programme 203 Infrastructures et services de transports.
Pour une analyse détaillée des écarts à l’exécution, il est renvoyé au volume du présent rapport rassemblant les analyses par mission et par programme de chacun des rapporteurs spéciaux sur l’exécution budgétaire.
C. L’Évolution des dÉpenses de personnel
Les dépenses de personnel continuent de progresser en 2024 (+ 6,8 % hors CAS Pensions), à un rythme plus soutenu qu’en 2023 (+ 5,1 %), sous l’effet notamment des mesures salariales décidées en 2023. Les dépenses de personnel représentent 34,5 % des dépenses du budget général (+ 2,3 points par rapport à 2023). Les emplois consommés augmentent de 2,1 % en 2024 (+ 41 160 ETPT), pour un coût supplémentaire de 0,5 milliard d’euros.
● Le total des dépenses de personnel du budget général de l’État, nettes des rattachements de fonds de concours et des attributions de produits, a augmenté de 8 milliards d’euros en 2024 (+ 5,5 %) pour s’élever à 152,8 milliards d’euros après 144,8 milliards d’euros en 2023. Ce montant se décompose entre 105,9 milliards d’euros de dépenses de rémunération et des contributions au CAS Pensions à hauteur de 46,9 milliards d’euros, ces dernières étant en hausse de l’ordre de 1,3 milliard d’euros par an depuis 2022 et représentant 44,3 % des dépenses de rémunération. Une analyse détaillée de ce taux, en apparence élevé, sera réalisée en 2025 par le rapporteur général.
Évolution des dépenses de personnel entre 2022 et 2024
(en milliards d’euros)
|
2022 |
2023 |
2024 |
Évolution 2024/2023 en valeur absolue |
Évolution 2024/2023 (en %) |
Dépenses de rémunération |
94,5 |
99,2 |
105,9 |
+ 6,6 |
+ 6,7 % |
Contributions de l’État au CAS Pensions |
44,4 |
45,6 |
46,9 |
+ 1,4 |
+ 3,1 % |
Total pour les dépenses de personnel |
138,9 |
144,8 |
152,8 |
+ 8 |
+ 5,5 % |
Source : commission des finances, d’après les projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2023 et 2024.
L’augmentation des dépenses de personnel (y compris CAS Pensions) est portée principalement par le ministère de l’éducation nationale (+ 4,7 milliards d’euros, soit + 6,3 %), le ministère de l’intérieur (+ 1,4 milliard d’euros, soit + 6,5 %), le ministère des armées (+ 0,9 milliard d’euros, soit + 3,9 %) et le ministère de la justice (+ 0,5 milliard d’euros, soit + 6,8 %).
La dynamique d’augmentation des coûts salariaux moyens s’explique notamment par l’effet des mesures salariales décidées en 2023, dont la revalorisation générale de 1,5 % du point d’indice de la fonction publique intervenue au 1er juillet 2023 (+ 0,7 milliard d’euros en année pleine) et les mesures catégorielles pour 3,6 milliards d’euros. Les mesures indemnitaires exceptionnelles liées à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques et à la gestion des événements en Nouvelle-Calédonie représentent 615 millions d’euros.
Les dépenses de personnel ont été légèrement inférieures aux crédits prévus par la LFI pour 2024. Ce résultat est imputable aux moindres dépenses de contribution au CAS Pensions (– 0,93 milliard d’euros), les dépenses de rémunérations ayant été conformes au montant prévu par l’autorisation initiale (+ 0,03 milliard d’euros). Les sous-consommations concernent surtout les ministères du budget et des comptes publics (– 0,17 milliard d’euros) et de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt (– 0,07 milliard d’euros), tandis que les dépassements sont principalement portés par le ministère de l’intérieur (+ 0,28 milliard d’euros).
comparaison des dÉpenses de personnel en 2024 par rapport À la prÉvision et À l’exÉcution 2023 (hors cas Pensions)
(en millions d’euros)
Ministère |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Évolution de l’exécution 2024/2023 |
Évolution de l’exécution (en %) |
Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt |
1 604 |
1 776 |
1 706 |
+ 102 |
+ 6,4 % |
Armées et anciens combattants |
13 166 |
13 666 |
13 718 |
+ 552 |
+ 4,2 % |
Budget et comptes publics |
6 593 |
6 877 |
6 710 |
+ 117 |
+ 1,8 % |
Culture |
519 |
540 |
539 |
+ 20 |
+ 3,9 % |
Éducation nationale |
53 134 |
57 278 |
57 349 |
+ 4 215 |
+ 7,9 % |
Enseignement supérieur et recherche |
298 |
308 |
305 |
+ 7 |
+ 2,3 % |
Europe et affaires étrangères |
1 054 |
1 138 |
1 100 |
+ 46 |
+ 4,4 % |
Fonction publique, simplification et transformation de l’action publique |
36 |
41 |
40 |
+ 4 |
+ 11,1 % |
Intérieur |
14 232 |
14 986 |
15 264 |
+ 1 032 |
+ 7,3 % |
Justice |
4 639 |
5 053 |
4 997 |
+ 358 |
+ 7,7 % |
Services du Premier ministre |
778 |
846 |
831 |
+ 53 |
+ 6,8 % |
Solidarités, autonomie et égalité entre les femmes et les hommes |
330 |
349 |
337 |
+ 7 |
+ 2,1 % |
Sports, jeunesse et vie associative |
84 |
92 |
94 |
+ 10 |
+ 11,9 % |
Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques |
1 924 |
2 007 |
1 990 |
+ 66 |
+ 3,4 % |
Travail et emploi |
428 |
438 |
443 |
+ 15 |
+ 3,5 % |
Santé et accès aux soins |
1 |
1 |
1 |
0 |
0,0 |
Total |
98 820 |
105 396 |
105 423 |
6 603 |
7 |
(*) Hors fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances, d’après les projets de lois relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2023 et 2024.
● Depuis 2016, la consommation d’emplois sur une année a toujours été supérieure à celle de l’année précédente. L’année 2024 confirme cette tendance à la progression des effectifs de l’État, qui se sont établis à 1 965 630 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une hausse de + 41 160 emplois par rapport à l’exécution 2023 et un niveau inférieur de – 19 677 ETPT au plafond fixé par la LFI pour 2024 (soit – 1 %).
Évolution de la consommation d’emplois par rapport À l’exercice prÉcÉdent
(en ETPT)
Source : commission des finances, d’après les projets de lois de règlement et relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2007 à 2024.
Cette augmentation des effectifs est portée à 72 % par des mesures de périmètre et de corrections techniques portant sur le ministère de l’éducation nationale. Ainsi, la rémunération sur le titre 2 du ministère des AESH, auparavant financés sur des crédits hors titre 2 par les établissements scolaires, représente une hausse de 25 340 ETPT, tandis qu’une correction technique relative aux assistants d’éducation a entraîné une augmentation de 4 092 ETPT.
La situation de la consommation d’emplois est très variable pour le reste des ministères : seulement quatre ministères sur les quinze du budget général connaissent des baisses, avec – 233 ETPT pour le ministère du budget et des comptes publics. Comme en 2023, les ministères de l’intérieur (+ 2 685 ETPT) et de la justice (+ 1 951 ETPT) connaissent une progression de leurs effectifs. Enfin, le schéma d’emplois réalisé ([51]) s’élève à 6 728 équivalents temps plein (ETP), un niveau légèrement supérieur de 33 ETP à celui prévu par la LFI pour 2024.
Consommation d’emplois par ministÈre en 2023 et 2024
(en ETPT)
Ministère |
Consommation des emplois 2023 |
Consommation des emplois 2024 |
Écart 2024/2023 |
Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt |
29 417 |
29 875 |
+ 458 |
Armées et anciens combattants |
264 475 |
265 458 |
+ 983 |
Budget et comptes publics |
123 376 |
123 144 |
– 233 |
Culture |
8 959 |
8 997 |
+ 38 |
Éducation nationale |
1 019 708 |
1 054 460 |
+ 34 752 |
Enseignement supérieur et recherche |
5 137 |
5 084 |
– 53 |
Europe et affaires étrangères |
13 574 |
13 684 |
+ 110 |
Fonction publique, simplification et transformation de l’action publique |
433 |
474 |
+ 42 |
Intérieur |
298 402 |
301 087 |
+ 2 685 |
Justice |
91 176 |
93 127 |
+ 1 951 |
Services du Premier ministre |
9 742 |
10 150 |
+ 408 |
Solidarités, autonomie et égalité entre les femmes et les hommes |
5 070 |
5 062 |
– 8 |
Sports, jeunesse et vie associative |
1 428 |
1 436 |
+ 8 |
Transition écologique, énergie, climat et prévention des risques |
35 162 |
35 154 |
– 8 |
Travail et emploi |
7 717 |
7 730 |
+ 13 |
Total budget général |
1 913 776 |
1 954 922 |
+ 41 146 |
Contrôle et exploitation aériens |
10 215 |
10 251 |
+ 36 |
Publications officielles et information administrative |
479 |
456 |
– 22 |
Total budget annexes |
10 694 |
10 707 |
+ 14 |
Total général |
1 924 470 |
1 965 630 |
+ 41 160 |
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
● Cette vision n’est toutefois pas exhaustive puisqu’elle n’inclut pas les emplois des opérateurs, qui s’élèvent à plus de 400 000 ETPT. Depuis 2009, un plafond d’autorisations d’emplois des opérateurs est voté au niveau des programmes de chaque mission et réparti entre les opérateurs par le responsable de programme, conformément à l’article 64 de la loi de finances initiale pour 2008 ([52]). En 2024, ce plafond s’est élevé à 404 930 ETPT ([53]), soit – 2 056 ETPT par rapport à 2023. Le rapporteur général regrette qu’une information systématique sur l’exécution de ces plafonds d’emplois ne soit pas fournie au niveau agrégé à l’occasion du dépôt du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.
II. La norme de dÉpenses de l’État a ÉtÉ respectÉe
L’année 2024 est le second exercice budgétaire mettant en œuvre la nouvelle norme des dépenses de l’État prévue par l’article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ([54]). Appelée « périmètre des dépenses de l’État » (PDE), cette norme regroupe :
– les crédits du budget général, à l’exception de ceux relatifs à la charge de la dette, à l’amortissement de la dette liée à la covid‑19, aux remboursements et dégrèvements d’impôts, ainsi qu’aux dépenses de contribution au CAS Pensions ;
– les taxes affectées plafonnées ;
– les crédits des budgets annexes ;
– les dépenses des comptes d’affectation spéciale, à l’exception de celles liées au désendettement, aux participations financières de l’État et aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ;
– les dépenses du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public ;
– les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne.
Le PDE constitue un agrégat plus global que les précédentes normes de dépenses ([55]) . Il intègre des dépenses considérées jusqu’alors comme exceptionnelles ou « non pilotables », comme les crédits affectés à la relance, l’abondement du CAS Participations financières de l’État, les dépenses de la mission Investir pour la France de 2030 et les prélèvements sur recettes.
Les dépenses sous norme ont atteint 484,7 milliards d’euros en 2024 : elles ont été inférieures de 4,4 milliards d’euros à la dépense de 2023 (– 0,9 %) et de 7,2 milliards d’euros à la prévision de la LFI pour 2024 (– 1,5 %), principalement grâce à des économies de 5 milliards d’euros constatées sur les missions du budget général. Sur ce même périmètre, 489,1 milliards d’euros avaient été dépensés en 2023 : l’exécution 2024 représente donc une baisse de 4,4 milliards d’euros en valeur (soit – 0,9 %, pour – 2,8 % en volume). Alors que les normes de dépenses prévues par l’article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n’avaient plus été observées lors des exercices 2020 à 2022 inclus, la trajectoire du PDE définie par la LPFP 2023-2027 est suivie entre 2023 et 2024 (respectivement – 6,9 milliards d’euros et – 6,3 milliards d’euros par rapport à la cible). Ce respect est toutefois à relativiser au regard du « caractère obsolète » de la LPFP 2023-2027 relevé par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis relatif au PLRG 2024 ([56]).
Évolution du pÉRIMÈtre des dÉpenses de l’État entre 2023 et 2024
(en milliards d’euros)
Composition du PDE |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Écart LFI/Exécution |
Dépenses du budget général |
585,1 |
582,0 |
577,0 |
– 5,0 |
Charge de la dette |
– 54,8 |
– 54,3 |
– 50,1 |
4,2 |
Amortissement de la dette liée à la covid-19 |
– 6,6 |
– 6,5 |
– 6,5 |
0,0 |
Contributions directes au CAS Pensions |
– 45,5 |
– 45,7 |
– 46,9 |
– 1,2 |
Remboursements et dégrèvements |
– 142,4 |
– 140,5 |
– 146,5 |
– 6,0 |
Dépenses des ministères |
335,8 |
335,0 |
327,0 |
– 8,0 |
Taxes et recettes affectées |
20,5 |
21,9 |
21,5 |
– 0,4 |
Comptes spéciaux sous norme |
68,7 |
74,3 |
72,4 |
– 1,9 |
Budgets annexes sous normes |
1,9 |
2,0 |
2,0 |
|
Retraitement des flux internes à l’État |
– 6,0 |
– 6,0 |
– 6,0 |
0,0 |
Prélèvements sur recettes |
68,1 |
66,7 |
67,7 |
1,0 |
Total PDE * |
489,1 |
491,9 |
484,7 |
– 7,2 |
* effets d’arrondi à 0,1 près.
Source : commission des finances, d’après les projets de loi de règlement et relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années 2023 et 2024.
III. Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques
● Lors de la XVème législature, la mission d’information sur l’application de la LOLF avait plaidé pour élargir l’analyse des dépenses de l’État à l’ensemble des moyens mobilisés pour la mise en œuvre des politiques publiques ([57]) et pour un encadrement plus strict des instruments concourant à affaiblir le principe d’unité budgétaire.
Principe fondamental du droit budgétaire, l’unité budgétaire suppose le regroupement dans un texte unique de l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État. Ce principe conditionne la clarté du budget et la portée du vote annuel du budget par les parlementaires. Il implique donc qu’il existe un texte de loi unique avec un compte unique qui récapitule la totalité des recettes et des dépenses, que les recettes et les dépenses soient présentées de façon homogène et qu’elles ne soient pas contractées.
● Les moyens de l’État au service des politiques publiques représentent 611,1 milliards d’euros en 2024, qui comprennent :
– des dépenses budgétaires nettes qui se répartissent entre le budget général (438,5 milliards d’euros en 2024 hors mission Remboursements et dégrèvements, après 449,4 milliards en 2023), les comptes spéciaux ([58]) (11,8 milliards d’euros, après 12,4 milliards d’euros en 2023) et les budgets annexes (2,3 milliards d’euros après 2,2 milliards en 2023) ;
– d’autres moyens, qui se répartissent entre les dépenses fiscales (83,3 milliards d’euros ([59]) après 81,3 milliards d’euros en 2023), les taxes affectées qui financent des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale (75,2 milliards d’euros après 70,9 milliards d’euros en 2023 ([60])) et les fonds sans personnalité juridique (dont le montant de dépenses n’a pas été estimé depuis 2017 ([61])).
Les moyens de l’État au service des politiques publiques en 2024
(en milliards d’euros)
Note : la surface des cases n’est pas représentative des enjeux financiers.
Source : commission des finances, d’après les annexes au PLF pour 2025 et au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
● Par ailleurs, la révision de la loi organique relative aux lois de finances ([62]) a introduit deux avancées en faveur de l’unité du budget de l’État :
– son article 3 resserre les possibilités de recours aux taxes affectées en excluant, en particulier, leur affectation à des fonds sans personnalité juridique. Ces dispositions sont entrées en vigueur avec le dépôt du projet de loi de finances pour 2025 ;
– son article 15, qui s’est appliqué pour la première fois au projet de loi de finances pour 2023, prévoit que les documents budgétaires associés aux missions sont complétés par le montant des dépenses fiscales, des ressources affectées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en œuvre des politiques publiques financées par la mission concernée. L’objectif recherché est d’obtenir une vision plus intégrée des moyens consacrés aux politiques publiques concernées.
fiche 4 : les modifications de crÉdits intervenues
au cours de l’exercice 2024
La consommation de crédits de paiement en 2024, sur l’ensemble du budget de l’État, a atteint 666,5 milliards d’euros après 675,8 milliards d’euros en 2023 (hors le programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État) ([63]), soit 7,3 milliards de moins que l’ensemble des crédits ouverts en lois de finances et de fin de gestion pour 2024. Malgré leur reflux, les reports de crédits de 2023 vers 2024 et de 2024 vers 2025 se maintiennent à un niveau élevé. La gestion 2024 a été caractérisée par d’importants mouvements réglementaires visant à contenir la dégradation du déficit budgétaire (I). En outre, le projet de loi propose des annulations de crédits en diminution par rapport à 2023 (II).
Mouvements affectant les plafonds de crÉdits de paiement
ouverts par des lois de finances
(en milliards d’euros)
Hors mission Remboursements et dégrèvements. Fdc et AP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances.
Sur le périmètre du seul budget général, la consommation de crédits de paiement en 2024 a atteint 443,4 milliards d’euros, après 454,6 milliards d’euros en 2023 (hors programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État).
bilan des ouvertures et annulations au sein du budget gÉnÉral pour l’ExÉcution 2024
(en milliards d’euros)
|
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Loi de finances initiale pour 2024 |
450,4 |
445,8 |
Reports de la gestion précédente |
+ 47,6 |
+ 16,1 |
Fonds de concours et attributions de produits |
+ 8,5 |
+ 8,0 |
Décret d’annulation du 21 février 2024 |
– 10,0 |
– 10,1 |
Loi de finances de fin de gestion du 6 décembre 2024 |
– 3,3 |
– 1,9 |
Dont ouvertures brutes |
+ 3,7 |
+ 4,6 |
Dont annulations brutes |
– 7,0 |
– 6,5 |
Total des crédits ouverts |
493,2 |
457,9 |
Total des crédits consommés |
433,5 |
443,4 |
Reports à la gestion suivante |
– 52,5 |
– 11,5 |
Projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de 2024 |
– 7,2 |
– 3,0 |
Dont ouvertures brutes |
0 |
0 |
Dont annulations brutes |
– 7,2 |
– 3,0 |
Note : hors remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.
Source : commission des finances.
I. Les modifications apportÉes au cours de l’annÉe 2024
Le législateur n’est intervenu qu’à l’occasion de la loi de finances de fin de gestion pour modifier les crédits ouverts en loi de finances initiale (A). Afin de contenir la forte dégradation du déficit, la gestion budgétaire 2024 a été marquée par des ajustements réglementaires visant à réduire les dépenses de l’État et opérer des reports de crédits à un niveau encore élevé (B), ainsi que par une très importante augmentation des crédits gelés (C).
Comme en 2023, le législateur n’est intervenu qu’une seule fois en 2024 pour rectifier les crédits ouverts en loi de finances initiale.
● Depuis la crise sanitaire de 2020, plusieurs lois de finances rectificatives avaient conduit en cours d’année à des modifications importantes des crédits ouverts par la loi de finances initiale :
– en 2022, en réponse notamment à la hausse des prix, deux lois de finances rectificatives ont ouvert 68,1 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 61,8 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) ;
– en réponse notamment à la crise sanitaire, deux lois de finances rectificatives ont ouvert en 2021 17,9 milliards d’euros d’AE et 16,2 milliards d’euros de CP ;
– en 2020, au plus fort de la crise sanitaire, quatre lois de finances rectificatives avaient ouvert 98 milliards d’AE et 94 milliards de CP en cours de gestion.
La loi de finances de fin de gestion pour 2023 avait conduit à des ouvertures de moindre ampleur à hauteur de 5,8 milliards d’euros en AE et 4 milliards d’euros en CP sur l’ensemble du budget de l’État.
● Les mouvements de crédits opérés par la loi de finances de fin de gestion (LFG) pour 2024 portent principalement sur le budget général de l’État, qui enregistre des annulations nettes des ouvertures à hauteur de – 3,3 milliards d’euros en AE et – 1,9 milliard d’euros en CP hors le programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (1). Les budgets annexes et comptes spéciaux sont marqués par des mouvements de moindre ampleur, avec des annulations nettes de 1,7 milliard d’euros en AE et en CP (2).
Le détail de ces modifications de crédits intervenues par voie législative est retracé dans les deux tableaux suivants.
Ouvertures et annulations des autorisations d’engagement et des crÉdits de paiement en Lois de finances en 2024
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 |
Loi de finances de fin de gestion n° 2023-1167 du 6 décembre 2024 |
Total des lois de finances |
||
Ouvertures |
Annulations |
Total net |
|||
Budget général |
|
|
|
|
|
Dépenses brutes |
586 621 |
10 621 |
6 976 |
3 645 |
590 265 |
À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État |
136 189 |
6 927 |
|
6 927 |
143 116 |
Dépenses nettes |
450 431 |
3 694 |
6 976 |
– 3 282 |
447 150 |
Fonds de concours |
7 163 |
|
|
|
7 163 |
Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours |
457 594 |
3 694 |
6 976 |
– 3 282 |
454 313 |
Budgets annexes |
|
|
|
|
|
Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours |
2 635 |
|
25 |
– 25 |
2 610 |
Comptes spéciaux |
|
|
|
|
|
Comptes d’affectation spéciale |
79 952 |
134 |
71 |
64 |
80 016 |
Comptes de concours financiers |
149 122 |
232 |
2 003 |
– 1 771 |
147 352 |
Total des dépenses des comptes spéciaux |
229 074 |
366 |
2 073 |
– 1 707 |
227 367 |
Total général |
689 304 |
4 060 |
9 074 |
– 5 014 |
684 290 |
Crédits de paiement |
Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 |
Loi de finances de fin de gestion |
Total des lois de finances |
||
n° 2023-1114 du 6 décembre 2024 |
|||||
Ouvertures |
Annulations |
Total net |
|||
Budget général |
|
|
|
|
|
Dépenses brutes |
582 031 |
11 504 |
6 476 |
5 029 |
587 060 |
À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État |
136 189 |
6 927 |
|
6 927 |
143 116 |
Dépenses nettes |
445 842 |
4 578 |
6 476 |
– 1 898 |
443 944 |
Fonds de concours |
7 399 |
|
|
|
7 399 |
Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours |
453 241 |
4 578 |
6 476 |
– 1 898 |
451 343 |
Budgets annexes |
|
|
|
|
|
Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours |
2 439 |
|
38 |
– 38 |
2 402 |
Comptes spéciaux |
|
|
|
|
|
Comptes d’affectation spéciale |
79 952 |
134 |
41 |
94 |
80 045 |
Comptes de concours financiers |
149 113 |
232 |
2 016 |
– 1 784 |
147 328 |
Comptes de commerce (solde) |
173 |
|
|
|
173 |
Comptes d’opérations monétaires (solde) |
– 110 |
|
|
|
– 110 |
Total des dépenses des comptes spéciaux |
229 127 |
366 |
2 057 |
– 1 691 |
227 437 |
Total général |
684 808 |
4 944 |
8 570 |
– 3 626 |
681 181 |
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2024.
1. Une loi de finances de fin de gestion marquée par des annulations nettes pour la première fois depuis 2019
a. Les annulations de crédits portées par la loi de finances de fin de gestion visent à réduire la dépense de l’État en 2024
Les ouvertures de crédits votées à l’occasion du LFG pour 2024, à hauteur de 4,6 milliards d’euros en CP hors programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, excèdent le niveau moyen d’ouvertures constaté avant la crise sanitaire (3,1 milliards d’euros entre 2012 et 2019). Le niveau des annulations de crédits, de 6,5 milliards d’euros en CP, représente plus du double de la moyenne observée avant crise (2,7 milliards d’euros entre 2012 et 2019).
Ouvertures et annulations de crÉdits sur le budget général
en LFR de fin d’année ou en LFG
(en millions d’euros de crédits de paiement)
Mouvements |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Ouvertures |
+ 3 439 |
+ 2 130 |
+ 2 778 |
+ 22 899 |
+ 9 136 |
+ 10 170 |
+ 9 613 |
+ 4 578 |
Annulations |
– 85 |
– 2 050 |
– 4 297 |
– 4 158 |
– 7 346 |
– 5 769 |
– 5 166 |
– 6 476 |
Écart plafonds LFR/LFI |
+ 3 354 |
+ 80 |
– 1 519 |
+ 18 741 |
+ 1 790 |
+ 4 401 |
+ 4 447 |
– 1 898 |
Note : hors mission Remboursements et dégrèvements.
Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2017 à 2022 et lois de finances de fin de gestion pour les années 2023 et 2024.
Le solde des ouvertures et des annulations de crédits de la loi de finances de fin de gestion s’élève ainsi à – 1,9 milliard d’euros, hors programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, soit le niveau le plus bas depuis l’année 2013. L’ampleur des mouvements observés traduit le fait que le collectif de fin d’année continue de permettre d’apporter des réponses budgétaires dans un contexte instable et ne se cantonne pas à opérer de simples ajustements de fin de gestion.
Solde des ouvertures et annulations de crÉdits en collectif de fin d’annÉe
(en millions d’euros)
Note : hors mission Remboursements et dégrèvements.
Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2012 à 2022 et lois de finances de fin de gestion pour les années 2023 et 2024.
b. Le budget général de l’État a été mobilisé en fin d’année pour répondre à plusieurs difficultés survenues au cours de la gestion
Les ouvertures et annulations de crédits portées par la loi de fin de gestion sont concentrées sur certaines missions.
Les crédits supplémentaires autorisés, de l’ordre de 4,6 milliards d’euros en CP hors programme Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, répondent à des besoins au titre des surcoûts liés à la crise en Nouvelle-Calédonie, de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, du versement de prestations de solidarité et des aides à l’apprentissage (i).
Les annulations de crédits à hauteur de 6,5 milliards d’euros en CP résultent principalement d’annulations sur la réserve de précaution, de la mise à contribution de la trésorerie d’opérateurs et de la prise en compte du niveau de décaissement de certaines aides liées à la conjoncture économique (ii). Le détail des ouvertures et annulations par mission est présenté dans les deux tableaux suivants.
Ouvertures et annulations des autorisations d’engagement par mission par les LFI et LFG pour 2024
(en millions d’euros)
Mission |
LFI 2024 (A) |
LFG 2024 |
Total lois de finances (A+D) |
||
Ouvertures (B) |
Annulations (C) |
Solde (D=B-C) |
|||
Action extérieure de l’État |
3 509 |
|
59 |
– 59 |
3 450 |
Administration générale et territoriale de l’État |
5 596 |
140 |
46 |
94 |
5 690 |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
5 338 |
20 |
201 |
– 181 |
5 157 |
Aide publique au développement |
6 293 |
|
320 |
– 320 |
5 973 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
1 918 |
52 |
3 |
49 |
1 967 |
Cohésion des territoires |
19 593 |
250 |
601 |
– 351 |
19 242 |
Conseil et contrôle de l’État |
819 |
2 |
15 |
– 13 |
806 |
Crédits non répartis |
811 |
|
50 |
– 50 |
761 |
Culture |
4 188 |
2 |
30 |
– 28 |
4 160 |
Défense |
67 841 |
677 |
806 |
– 129 |
67 712 |
Direction de l’action du Gouvernement |
1 021 |
4 |
19 |
– 15 |
1 006 |
Écologie, développement et mobilité durables |
24 103 |
50 |
947 |
– 897 |
23 206 |
Économie |
4 233 |
196 |
186 |
10 |
4 243 |
Engagements financiers de l’État |
54 156 |
149 |
537 |
– 388 |
53 768 |
Enseignement scolaire |
87 106 |
356 |
461 |
– 105 |
87 001 |
Gestion des finances publiques |
10 811 |
|
144 |
– 144 |
10 667 |
Immigration, asile et intégration |
1 765 |
32 |
26 |
6 |
1 771 |
Investir pour la France de 2030 |
0 |
|
|
0 |
0 |
Justice |
14 238 |
|
697 |
– 697 |
13 541 |
Médias, livre et industries culturelles |
742 |
|
33 |
– 33 |
709 |
Outre-mer |
3 181 |
56 |
91 |
– 35 |
3 146 |
Plan de relance |
0 |
|
|
0 |
0 |
Pouvoirs publics |
1 138 |
20 |
|
20 |
1 158 |
Recherche et enseignement supérieur |
32 339 |
100 |
315 |
– 215 |
32 124 |
Régimes sociaux et de retraite |
6 229 |
|
163 |
– 163 |
6 066 |
Relations avec les collectivités territoriales |
4 096 |
|
58 |
– 58 |
4 038 |
Remboursements et dégrèvements |
140 480 |
7 693 |
|
7 693 |
148 173 |
Santé |
2 732 |
14 |
|
14 |
2 746 |
Sécurités |
25 406 |
556 |
374 |
182 |
25 588 |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
31 001 |
248 |
19 |
229 |
31 230 |
Sport, jeunesse et vie associative |
1 719 |
3 |
28 |
– 25 |
1 694 |
Transformation et fonction publiques |
1 254 |
|
100 |
– 100 |
1 154 |
Travail et emploi |
22 967 |
|
556 |
– 556 |
22 411 |
Total |
586 621 |
10 621 |
6 976 |
3 645 |
590 266 |
Total hors remboursements et dégrèvements d’impôts d’État |
450 432 |
3 695 |
6 976 |
– 3 281 |
447 151 |
Ouvertures et annulations des crÉdits de paiement par mission par les LFI et LFG pour 2024
(en millions d’euros)
Mission |
LFI 2024 (A) |
LFG 2024 |
Total lois de finances (A+D) |
||
Ouvertures (B) |
Annulations (C) |
Solde (D=B-C) |
|||
Action extérieure de l’État |
3 507 |
|
59 |
– 59 |
3 448 |
Administration générale et territoriale de l’État |
4 657 |
144 |
113 |
31 |
4 688 |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
4 747 |
39 |
145 |
– 106 |
4 641 |
Aide publique au développement |
5 929 |
|
275 |
– 275 |
5 654 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
1 927 |
49 |
3 |
46 |
1 973 |
Cohésion des territoires |
19 187 |
250 |
685 |
– 435 |
18 752 |
Conseil et contrôle de l’État |
884 |
2 |
10 |
– 8 |
876 |
Crédits non répartis |
511 |
|
50 |
– 50 |
461 |
Culture |
3 905 |
2 |
33 |
– 31 |
3 874 |
Défense |
56 756 |
677 |
803 |
– 126 |
56 630 |
Direction de l’action du Gouvernement |
1 053 |
6 |
13 |
– 7 |
1 046 |
Écologie, développement et mobilité durables |
21 618 |
251 |
338 |
– 87 |
21 531 |
Économie |
4 293 |
211 |
271 |
– 60 |
4 233 |
Engagements financiers de l’État |
60 818 |
149 |
559 |
– 410 |
60 408 |
Enseignement scolaire |
87 002 |
350 |
479 |
– 129 |
86 873 |
Gestion des finances publiques |
10 900 |
1 |
96 |
– 95 |
10 805 |
Immigration, asile et intégration |
2 157 |
65 |
17 |
48 |
2 205 |
Investir pour la France de 2030 |
7 702 |
|
1 305 |
– 1 305 |
6 397 |
Justice |
12 162 |
|
61 |
– 61 |
12 101 |
Médias, livre et industries culturelles |
736 |
|
20 |
– 20 |
716 |
Outre-mer |
2 804 |
33 |
1 |
32 |
2 836 |
Plan de relance |
1 414 |
|
150 |
– 150 |
1 264 |
Pouvoirs publics |
1 138 |
20 |
|
20 |
1 158 |
Recherche et enseignement supérieur |
31 839 |
102 |
318 |
– 216 |
31 623 |
Régimes sociaux et de retraite |
6 229 |
|
163 |
– 163 |
6 066 |
Relations avec les collectivités territoriales |
3 961 |
|
90 |
– 90 |
3 871 |
Remboursements et dégrèvements |
140 480 |
7 693 |
|
7 693 |
148 173 |
Santé |
2 736 |
14 |
|
14 |
2 750 |
Sécurités |
24 315 |
848 |
23 |
825 |
25 140 |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
31 099 |
246 |
42 |
204 |
31 303 |
Sport, jeunesse et vie associative |
1 810 |
3 |
28 |
– 25 |
1 785 |
Transformation et fonction publiques |
1 096 |
|
42 |
– 42 |
1 054 |
Travail et emploi |
22 661 |
350 |
285 |
65 |
22 726 |
Total |
582 031 |
11 504 |
6 476 |
5 028 |
587 059 |
Total hors remboursements et dégrèvements d’impôts d’État |
445 842 |
4 577 |
6 476 |
– 1 899 |
443 943 |
Source : loi de finances de fin de gestion pour 2024.
La LFG pour 2024 a procédé à des ouvertures de crédits pour 11,5 milliards d’euros en CP, dont 4,6 milliards d’euros hors remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.
Ces ouvertures ont principalement porté sur les missions suivantes :
– Remboursements et dégrèvements (+ 7,7 milliards d’euros) afin de couvrir la restitution de trop-versés d’impôt sur le revenu et l’augmentation des restitutions d’excédents d’impôt sur les sociétés ;
– Sécurités (+ 847,5 millions d’euros ([64])), dans l’objectif de financer la mobilisation d’effectifs à la suite de la crise en Nouvelle-Calédonie, ainsi que le surcoût lié à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ;
– Solidarité, insertion et égalité des chances (+ 245,6 millions d’euros ([65])), afin de couvrir des besoins en gestion relatifs à la prime d’activité, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’aide universelle d’urgence aux victimes de violences conjugales (AUVVC) ;
– Travail, emploi et administration des ministères sociaux (+ 350,2 millions d’euros ([66])), afin d’ajuster les versements au rythme et au niveau des décaissements effectifs des aides aux employeurs d’apprentis, qui ne peuvent être entièrement absorbés par la mobilisation de la réserve de précaution.
ii. Les annulations de crédits
La LFG pour 2024 a également annulé près de 6,5 milliards d’euros de CP. Les annulations qui ne portaient pas sur la partie de la réserve de précaution qui n’avait pas été dégelée concernaient principalement :
– la mission Investir pour la France de 2030 (– 1,2 milliard d’euros), avec des prélèvements sur la trésorerie des opérateurs de la mission, dont l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et l’Agence nationale de la recherche (ANR) ;
– la mission Cohésion des territoires (– 684,9 millions d’euros ([67])), en raison d’une réduction du nombre de demandeurs d’aides au logement et de crédits alloués à la rénovation énergétique du parc social reportés sur 2025 ;
– la mission Engagements financiers de l’État (– 558,8 millions d’euros ([68])), afin de tirer les conséquences du reflux de l’inflation plus rapide que prévu en loi de finances initiale pour 2024, entraînant une réduction de la provision d’indexation des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation ;
– la mission Aide publique au développement (– 275,1 millions d’euros), ce qui porte le total des CP annulés sur cette mission en 2024 à 1 017,2 millions d’euros, soit 17 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.
2. Des budgets annexes et des comptes spéciaux peu mobilisés
L’autorisation budgétaire concernant les budgets annexes et les comptes spéciaux a peu varié dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion, comme le retrace le tableau ci-dessous.
Solde des mouvements de crÉdits des budgets annexes
et des comptes spÉciaux en 2024
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI |
LFG |
Total des lois de finances |
LFI |
LFG |
Total des lois de finances |
|
Total des dépenses des budgets annexes, y compris fonds de concours |
2 635 |
– 25 |
2 610 |
2 439 |
– 38 |
2 402 |
Comptes spéciaux |
||||||
Comptes d’affectation spéciale |
79 952 |
64 |
80 016 |
79 952 |
94 |
80 045 |
Comptes de concours financiers |
149 122 |
– 1 771 |
147 352 |
149 113 |
– 1 784 |
147 328 |
Comptes de commerce (solde) |
|
|
|
173 |
|
173 |
Comptes d’opérations monétaires (solde) |
|
|
|
– 110 |
|
– 110 |
Total des dépenses des comptes spéciaux |
229 074 |
– 1 707 |
227 367 |
229 127 |
– 1 691 |
227 437 |
Source : commission des finances, projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2024.
● Les crédits des budgets annexes ont été modifiés de manière résiduelle par la LFG pour 2024 qui a donné lieu à une annulation de 25 millions d’euros en AE et de 38 millions d’euros en CP, principalement sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens du fait d’une diminution des dépenses de personnel.
● Au titre des comptes d’affectation spéciale (CAS), la loi de finances de fin de gestion a autorisé les mouvements suivants :
– l’ouverture de 134,3 millions d’euros en AE et en CP sur le programme Désendettement de l’État du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, visant à tirer les conséquences de l’ajustement à la hausse de la prévision des recettes du CAS ;
– l’annulation de 70,5 millions d’euros en AE et 40,7 millions d’euros en CP sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, afin de tenir compte des projections de décaissement au titre des opérations immobilières.
● Concernant les comptes de concours financiers (CCF), la loi de finances de fin de gestion a conduit à des mouvements de crédits sur quatre des six comptes de concours financiers, pour des montants d’ouvertures de 231,7 millions d’euros en AE et en CP et d’annulations de 2 002,7 millions d’euros en AE et de 2 016,1 millions d’euros en CP – essentiellement du fait de l’actualisation de la prévision d’exécution des crédits liés au préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune. Les deux comptes non concernés par ces mouvements sont le CCF Accords monétaires internationaux, qui n’avait pas été abondé par la loi de finances initiale ([69]), et le CCF Prêts à des États étrangers. Au total, les comptes de concours financiers ont fait l’objet d’annulations nettes d’un montant de 1 771 millions d’euros en AE et de 1 784,4 millions d’euros en CP.
La modification des crédits en cours d’année n’est pas l’apanage des lois de finances. Sous certaines conditions encadrées par la LOLF, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement adoptés en loi de finances peuvent faire l’objet de modifications par voie réglementaire, par reports de crédits d’un exercice à l’autre, par décrets de transfert, de virement, de répartition et par l’affectation de fonds de concours ou l’attribution de produits. Les deux tableaux suivants présentent une vision exhaustive de l’ensemble de ces modifications réglementaires intervenues au cours de l’exercice 2024. Ils présentent également les ajustements du projet de loi compte tenu des consommations constatées.
En 2024, les fonds de concours sont en hausse après une tendance à la diminution depuis le niveau exceptionnel atteint en 2020 (1). Pour limiter la dégradation du déficit en cours d’année, le Gouvernement a eu recours à des annulations par décrets pour des montants inédits (2), tandis que des niveaux importants de reports de crédits sont une nouvelle fois enregistrés sur l’ensemble du budget de l’État (3). Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas les crédits ouverts (4).
Modifications apportÉes aux lois de finances initiale et de fin de gestion
par les mesures réglementaires et le projet de loi
(en millions d’euros)
AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Budget ou compte |
Décret d’annulation du 21 février 2024 |
Virements |
Transferts |
Répartitions |
Crédits ouverts |
Situation avant l’intervention du projet de loi |
Projet de loi |
||||||||||||||||||||||||||||||
Ajustements de crédits |
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Budget général |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||||||||||
Dépenses brutes |
590 265 |
– 9 953 |
47 568 |
344 |
– 344 |
573 |
– 573 |
366 |
– 366 |
8 455 |
|
|
636 336 |
– 52 220 |
583 815 |
575 104 |
1 |
– 8 712 |
|||||||||||||||||||
À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État |
143 116 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
143 116 |
|
143 116 |
141 574 |
|
– 1 542 |
|||||||||||||||||||
Total des dépenses du budget général |
447 150 |
– 9 953 |
47 568 |
344 |
– 344 |
573 |
– 573 |
366 |
– 366 |
8 455 |
– |
|
493 220 |
– 52 220 |
440 700 |
433 531 |
1 |
– 7 170 |
|||||||||||||||||||
Budgets annexes |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||||||||||
Total des dépenses des budgets annexes |
2 585 |
– 27 |
92 |
|
|
– |
– |
– |
– |
24 |
– |
5 |
2 679 |
– 205 |
2 473 |
2 460 |
– |
– 13 |
|||||||||||||||||||
Comptes spéciaux |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||||||||||
Comptes d’affectation spéciale |
80 016 |
|
6 511 |
3 |
– 3 |
|
|
|
|
18 |
– |
|
86 544 |
– 4 646 |
81 899 |
79 984 |
|
– 1 914 |
|||||||||||||||||||
Comptes de concours financiers |
147 352 |
– 20 |
613 |
1 |
– 1 |
|
|
|
|
|
|
|
147 945 |
– 175 |
147 770 |
141 205 |
|
– 6 564 |
|||||||||||||||||||
Total des dépenses des comptes spéciaux |
227 367 |
– 20 |
7 124 |
4 |
– 4 |
– |
– |
– |
– |
18 |
– |
– |
234 489 |
– 4 821 |
229 668 |
221 189 |
– |
– 8 479 |
|||||||||||||||||||
Total général |
677 102 |
– 10 000 |
54 784 |
349 |
– 349 |
573 |
– 573 |
366 |
– 366 |
8 496 |
– |
5 |
730 388 |
– 57 546 |
672 841 |
657 180 |
1 |
– 15 662 |
|||||||||||||||||||
CRÉDITS DE PAIEMENT |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Budget ou compte |
Décret d’annulation du 21 février 2024 |
Virements |
Transferts |
Répartitions |
Crédits ouverts |
Situation avant l’intervention du projet de loi |
Projet de loi |
||||||||||||||||||||||||||||||
Ajustements de crédits |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Budget général |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||
Dépenses brutes |
587 060 |
– 10 115 |
16 079 |
413 |
– 413 |
896 |
– 896 |
196 |
– 196 |
8 001 |
|
601 025 |
– 11 534 |
589 491 |
584 982 |
1 |
– 4 511 |
||||||||||||||||||||
À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État |
143 116 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
143 116 |
|
143 116 |
141 568 |
|
– 1 547 |
||||||||||||||||||||
Total des dépenses du budget général |
443 944 |
– 10 115 |
16 079 |
413 |
– 413 |
896 |
– 896 |
196 |
– 196 |
8 001 |
|
457 909 |
– 11 534 |
446 375 |
443 413 |
1 |
– 2 963 |
||||||||||||||||||||
Budgets annexes |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||
Total des dépenses des budgets annexes |
2 377 |
– 27 |
30 |
|
|
|
|
|
|
24 |
|
2 404 |
– 21 |
2 383 |
2 360 |
– |
– 23 |
||||||||||||||||||||
Comptes spéciaux |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||
Comptes d’affectation spéciale |
80 045 |
|
6 922 |
3 |
– 3 |
|
|
|
|
18 |
– |
86 985 |
– 5 073 |
81 912 |
80 003 |
|
– 1 909 |
||||||||||||||||||||
Comptes de concours financiers |
147 328 |
– 34 |
474 |
1 |
– 1 |
|
|
|
|
|
|
147 769 |
– 175 |
147 594 |
141 181 |
|
– 6 412 |
||||||||||||||||||||
Comptes de commerce (solde) |
173 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
173 |
|
173 |
– 411 |
|
|
||||||||||||||||||||
Comptes d’opérations monétaires (solde) |
– 110 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
– 110 |
|
– 110 |
– 82 |
|
|
||||||||||||||||||||
Total des dépenses des comptes spéciaux |
227 437 |
– 34 |
7 396 |
4 |
– 4 |
– |
– |
|
|
18 |
– |
234 817 |
– 5 248 |
229 569 |
220 692 |
– |
– 8 321 |
||||||||||||||||||||
Total général |
673 758 |
– 10 176 |
23 505 |
417 |
– 417 |
896 |
– 896 |
196 |
– 196 |
8 043 |
0 |
695 130 |
– 16 803 |
678 327 |
666 465 |
1 |
– 11 307 |
||||||||||||||||||||
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2024.
1. Les fonds de concours et attributions de produits complètent les crédits budgétaires à un niveau important
Les crédits ouverts en LFI sont majorés des crédits ouverts par voie de fonds de concours et d’attributions de produits, qui ont atteint 8 milliards d’euros en crédits de paiement pour le budget général en 2024. Ce montant, en nette diminution par rapport à 2020 (12 milliards d’euros) ([70]), reste supérieur à celui observé en 2019 (5,3 milliards d’euros) et à la moyenne des années précédentes (7,1 milliards d’années pour les années 2021 à 2023).
De même que la Cour des comptes, le rapporteur général observe que le contrôle des fonds de concours présente des marges d’amélioration ([71]). Le suivi est rendu complexe par le grand nombre de fonds de concours et d’attributions de produits, au nombre de 486 en 2024, dont 93 n’ont reçu aucune recette lors des deux derniers exercices.
Le rapporteur général souligne le cas du programme 203 Infrastructures et services de transport de la mission Écologie, développement et mobilité durables : les AE versées par fonds de concours représentent 42 % des ouvertures du programme et font l’objet d’une sous-exécution récurrente qui alimente le stock des autorisations d’engagement affectées non engagées (AENE) ([72]). La forte progression du montant des AENE sur ce programme depuis 2019, désormais porté à 1,8 milliard d’euros, soulève des questions sur les calendriers d’engagement des opérations et la persistance des besoins de financement.
2. Un niveau d’annulation par décret inédit afin de contenir la dégradation du déficit
En application de l’article 14 de la LOLF, des annulations de crédits peuvent être décidées par décret lorsque des crédits sont devenus sans objet ou en cas de nécessité de préserver l’équilibre budgétaire de l’année en cours tel que défini par la dernière loi de finances. Avant les années 2023 et 2024, dans la pratique, les annulations constatées lors des exercices précédents avaient un caractère technique et concernaient des crédits devenus sans objet. Alors qu’un décret exceptionnel annulant 4,8 milliards d’euros en AE et 5 milliards d’euros en CP avait été pris en septembre 2023 ([73]), l’année 2024 a été marquée dès le début de sa gestion par l’annulation de plus de 10 milliards d’euros de crédits par décret.
annulations de crÉdits par dÉcrets d’annulation sur le budget de l’État
(en millions d’euros)
|
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
AE |
45 |
30 |
121 |
99 |
295 |
154 |
4 800 |
10 000 |
CP |
10 |
16 |
74 |
91 |
109 |
205 |
5 000 |
10 176 |
Source : commission des finances.
● Afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini à – 4,4 % du PIB par la loi de finances pour 2024 (LFI 2024) ([74]), le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a procédé à l’annulation de 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 10,2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) sur le budget de l’État, soit un niveau proche mais inférieur au plafond fixé par la LOLF ([75]).
5 milliards d’euros d’annulations environ correspondent à des mesures ciblées, concernant notamment :
– MaPrimeRénov’ et les aides distribuées par l’Anah (– 1 milliard d’euros environ sur les programmes 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie et 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat de la mission Cohésion des territoires) ;
– l’aide publique au développement (– 742 millions d’euros sur la mission Aide publique au développement) ;
– la formation et de l’apprentissage (– 500 millions d’euros environ sur la mission Travail et emploi, qui porte au total 1,1 milliard d’euros d’annulations) ;
– les opérateurs de l’État (– 1 milliard d’euros environ), dont des prélèvements sur la trésorerie de l’Agence nationale de la recherche ;
– les dépenses de personnel (– 781 millions d’euros), ces annulations correspondant essentiellement à la réserve de précaution ;
– la charge de la dette de l’État (– 800 millions d’euros), en raison principalement de taux d’intérêts, notamment de court terme, plus faibles qu’anticipé en LFI.
Environ 5 milliards d’euros d’annulations résultent d’un « rabot » transversal, portant en particulier sur la réserve de précaution, notamment au regard des montants consommés en 2023.
En outre, trois décrets d’annulation ([76]) ont été justifiés par des motifs techniques conduisant à l’annulation d’environ 0,4 milliard d’euros en AE et en CP sur des crédits de fonds de concours et attributions de produits.
Le rapporteur général souligne que la maîtrise de la dépense a surtout été réalisée en 2024 à l’aide d’un « rabot » budgétaire transversal, se substituant à une véritable stratégie de réduction de la dépense publique reposant sur des économies ciblées et durables. Il s’interroge donc sur la solidité de la dynamique à la baisse de la dépense de l’État au regard de l’absence de mesures structurelles.
Il relève également des mouvements contradictoires en cours de gestion. En raison de prévisions de consommation peu réalistes, des annulations ou des gels ont été effectués sur des dispositifs qui ont dû faire ensuite l’objet d’ouvertures par la LFG pour 2024 pour couvrir les besoins, comme par exemple pour le programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie. En sens inverse, certains programmes ont fait l’objet d’ouvertures en LFG pour finalement présenter des taux d’exécution très faibles : le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé présente ainsi une consommation de seulement 79,3 % des crédits disponibles. En outre, la Cour des comptes fait valoir dans son rapport sur le budget l’État en 2024 que le calendrier erratique des annulations et ouvertures de crédits a « contribué à compliquer la gestion opérationnelle de la dépense par les ministères » et à affecter la qualité du service rendu aux usagers.
3. Un niveau encore important de reports de crédits en 2024
a. Un encadrement organique de la possibilité de reports
Les reports de crédits sont prévus par l’article 15 de la LOLF. Pris par arrêtés, ils constituent un aménagement au principe d’annualité en permettant d’assouplir le cadre temporel de la gestion. Aux termes de cet article, au titre de l’exercice 2022, les reports de crédits de paiement (CP) sont toutefois plafonnés par une double limite :
– « les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés » ;
– « les crédits inscrits sur les autres titres du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite globale de 3 % de l’ensemble des crédits initiaux sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés. » Une loi de finances peut néanmoins déroger à ce second plafond.
À compter de l’exercice 2023, ces conditions ont été durcies par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([77]). D’une part, quel que soit le titre d’où ils proviennent, les reports de CP ne peuvent désormais plus majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel, hors procédure de fonds de concours ([78]). D’autre part, sur les autres titres, les majorations doivent être dûment motivées en loi de finances et le montant total des CP reportés ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année, sauf en cas de nécessité impérieuse d’intérêt national.
Cette dérogation est en pratique utilisée dans chaque loi de finances : un article situé dans la seconde partie autorise une majoration du plafond, voire la suppression de tout plafond, pour un certain nombre de programmes. Alors qu’elle était utilisée de manière parcimonieuse avant 2010, cette clause a été étendue à un nombre de programmes compris entre 15 et 30 au cours des années 2010, puis supérieur à 35 depuis la loi de finances initiale pour 2021 et jusqu’à la loi de finances initiale pour 2024.
L’article 148 de la LFI pour 2025 ([79]) prévoit un déplafonnement des reports de crédits pour 28 programmes ([80]), soit un niveau similaire à 2020 (23 programmes) et en nette diminution par rapport aux années précédentes (43 programmes en LFI pour 2024 et 46 en LFI pour 2023).
b. Malgré un léger reflux, les reports restent importants en 2024
Bien qu’en diminution par rapport aux années précédentes, le montant des reports de 2023 vers 2024 s’était établi à un niveau élevé de 23,5 milliards d’euros en CP. La décrue se poursuit entre 2024 et 2025 puisque les crédits reportés s’élèvent à 16,8 milliards d’euros répartis entre le budget général à hauteur de 11,6 milliards d’euros et les comptes spéciaux et budgets annexes pour 5,2 milliards d’euros.
Évolution des reports de crÉdits de paiement
(en milliards d’euros)
Source : commission des finances, d’après le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2024.
En incluant les fonds de concours et en excluant la mission Plan de relance, qui, marquée par des reports massifs récurrents, a vocation à disparaître en 2026, cinq missions du budget général concentrent 86 % des reports de crédits de 2024 vers 2025 : il s’agit des missions Économie (2 milliards d’euros), Défense (1,2 milliard d’euros), Travail, emploi et administration des ministères sociaux (1,1 milliard d’euros), Cohésion des territoires (1,1 milliard d’euros) et Écologie, développement et mobilité durables (0,8 milliard d’euros).
Au regard de l’importance des montants reportés, la Cour des comptes renouvelle ses critiques sur le niveau des reports entre deux exercices qui « ne peuvent plus être justifiés par la gestion des crises » ([81]). Elle relève également la nécessité de « vérifier la nécessité des reports et d’apurer les autorisations d’engagement devenues sans objet » afin d’éviter de perpétuer le cycle de sous‑consommations suivies de reports massifs.
Si le Gouvernement avance une « rationalisation des reports » dans l’exposé des motifs du PLRG pour 2024, le rapporteur général observe que le montant des crédits reportés, bien qu’en diminution, représente encore le double de leur niveau avant la crise sanitaire et, s’agissant des crédits du budget général hors mission Plan de relance, le quadruple de leur niveau pré‑crise. Il rappelle que le principe d’annualité budgétaire est prévu par l’article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose dans son premier alinéa que « les crédits ouverts et les plafonds des autorisations d’emplois fixés au titre d’une année ne créent aucun droit au titre des années suivantes ». Les crédits non consommés en fin d’exercice doivent donc en principe être annulés, seuls les crédits de paiement hors dépenses de personnel pouvant être exceptionnellement reportés, dans la limite de 3 % des crédits initiaux du programme concerné. La pratique actuelle altère l’autorisation parlementaire et nuit à la lisibilité des comptes. Le rapporteur général invite le Gouvernement à poursuivre la réduction des reports de crédits pour les ramener à un niveau conforme à l’esprit de la LOLF, ou, à défaut, à en présenter une estimation globale et par mission dès la loi de finances initiale.
Des contraintes pèsent sur la dépense publique et limitent les leviers pour freiner sa progression
Dans son rapport sur le budget de l’État 2024, la Cour des comptes estime que 77 % des dépenses de l’État sont « rigides », c’est-à-dire qu’il n’existe pas de mécanismes pour contenir leur dynamique. Ainsi, plusieurs postes de dépenses ne pourront voir leur évolution maîtrisée sans des réformes structurelles : la Cour énumère « la masse salariale (35 %), des dépenses non pilotables incluant les prélèvements sur recettes versés à l’Union européenne et aux collectivités territoriales (18 %), les dépenses d’intervention de guichet regroupant les prestations sociales (17 %) et les concours aux opérateurs (7 %). » Cette rigidité est appelée à s’accentuer en raison du poids croissant :
– des restes à payer (c’est-à-dire les AE consommées qui n’ont pas encore fait l’objet de décaissements) qui demeurent très élevés (217 milliards d’euros en 2024, hors amortissement de la dette covid, soit le double du montant de 2018 malgré une légère baisse de – 2,6 milliards d’euros par rapport à 2023), c’est-à-dire presque trois années de dépenses ministérielles hors masse salariale ;
– des autorisations d’engagement affectées non engagées (AENE), qui représentent les AE réservées à des projets identifiés mais non consommées, à hauteur d’environ 37 milliards d’euros (+ 2,9 milliards d’euros), portées à 88 % par la mission Défense ;
– les programmations pluriannuelles de dépenses ([82]), à la portée juridique variable mais qui limitent les marges de manœuvre de l’État en dépense s’il répond aux engagements correspondants, pour un montant compris entre 225 et 280 milliards d’euros. Sur les exercices 2025 à 2027, les lois de programmation nécessiteront environ 35 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires, dont 19,5 milliards d’euros pour la mission Défense.
4. Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas le niveau des crédits ouverts
D’autres dispositifs de régulation budgétaire peuvent modifier la destination des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année considérée sans changer le plafond global des crédits autorisés.
Les virements, prévus à l’article 12 de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère, dans la limite de 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année pour chacun des programmes concernés. En 2024, onze décrets de virement ont été pris : leur niveau est resté faible, avec des montants qui s’établissent à 344 millions d’euros en AE et 413 millions d’euros en CP.
Les transferts, prévus au même article de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où l’emploi des crédits correspond à des actions du programme d’origine. Ils représentent par définition une altération de l’autorisation parlementaire moins marquée que les virements. En 2024, ils se sont établis à 896 millions d’euros en CP (soit deux fois moins qu’en 2022 où ils avaient atteint 2 185 millions d’euros de CP).
Les crédits globaux, définis aux articles 7 et 11 de la LOLF, constituent des autorisations de dépenses dont la destination n’est pas connue au moment du vote de la loi de finances initiale. L’objet de ces crédits globaux est limité à deux catégories de dépenses par la loi organique : les dépenses accidentelles et imprévisibles et les mesures générales en matière de rémunérations. Ces deux catégories de dépenses sont regroupées au sein de la mission Crédits non répartis. La mission avait fait l’objet d’une mobilisation importante en tant qu’outil de gestion budgétaire face à la crise en 2020.
En 2024, deux opérations de répartition de crédits ont été effectuées à partir de la dotation pour mesures générales en matière de rémunération pour 76 millions d’euros en AE et en CP. La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a été utilisée à six reprises pour un total de 290 millions d’euros en AE et 120 millions d’euros en CP, dont 49 millions d’euros en AE et en CP pour la mission Administration générale et territoriale de l’État à la suite des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.
C. Une mobilisation trÈs prononcÉe des gels de crÉdits pour Éviter une dÉgradation trop importante du dÉficit
La réserve de précaution est un dispositif prévu par le III de l’article 14 et le 4° bis de l’article 51 de la LOLF. Elle consiste à rendre indisponibles des crédits pour le responsable de programme. On parle de « gels » de crédits, voire de « surgels » lors de mises en réserve intervenues en cours de gestion, après la mise en réserve initiale.
La réserve de précaution répond à une double logique :
– une logique « d’auto-assurance » destinée à responsabiliser les gestionnaires en cas d’aléas de gestion ;
– et une logique de modération du rythme de consommation de crédits.
À la suite de la critique formulée par la Cour des comptes sur l’utilisation que faisait le Gouvernement de la réserve de précaution, considérant qu’elle avait été « détournée de son objectif au profit de la couverture, en exécution, de sous‑budgétisations » ([83]), une démarche de sincérisation budgétaire avait été entamée en 2017. Elle s’appuyait notamment sur un abaissement de la mise en réserve de crédits, hors titre 2, de 8 à 3 %. Ce taux de 3 %, appliqué à partir de 2018, avait pour objet de rendre à la réserve de précaution son rôle premier d’assurance contre les aléas de gestion.
Tout en maintenant un niveau moyen de gel initial de 3 %, hors dépenses de personnel, une méthode plus sophistiquée de calcul de la mise en réserve a été annoncée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2020 ([84]). Un taux réduit de 0,5 % est désormais appliqué à certaines dépenses particulièrement contraintes telles que les prestations sociales ([85]). Pour conserver un taux moyen de 3 %, le taux de mise en réserve est porté à 4 % sur les programmes dont les dépenses hors titre 2 sont jugées plus modulables. L’application de cette méthode a été poursuivie en 2021 et en 2022. Lors de la mise en réserve initiale pour 2024, la circulaire de la direction du budget prévoyait un taux uniforme de mise en réserve hors crédits de personnel de 4 % (contre 3,5 % en 2023), et un taux réduit de 0,5 % pour les crédits de titre 2.
Taux de mise en réserve initiale applicable aux AE et CP
selon la circulaire annuelle du ministre chargé du budget
(en pourcentage)
Exercices budgétaires |
2015 |
2018 |
2020 |
2023 |
2024 |
Taux moyen de mise en réserve hors titre 2 |
8 % |
3 % |
3,5 % |
4 % |
|
Taux de réserve réduit (dépenses contraintes) |
|
0,5 % |
|||
Taux de réserve majoré (dépenses modulables) |
|
4 % |
5 % |
5,5 % |
|
Taux de mise en réserve pour le titre 2 |
0,5 % |
||||
Programme dont les crédits sont évaluatifs et exemptés de mise en réserve |
Pas de mise en réserve |
Note : Le taux réduit de mise en réserve est applicable aux programmes 109 Aide à l’accès au logement (mission Cohésion des territoires), 157 Handicap et dépendance et 304 Inclusion sociale et protection des personnes (mission Solidarité, insertion et égalité des chances).
Sont exclus de l’assiette et exemptés de mise en réserve :
– les programmes dont les crédits sont évaluatifs ;
– les missions Crédits non répartis, Pouvoirs publics, Plan de relance et Investir pour la France de 2030 ;
– les programmes 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement, 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 et 379 Compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR).
Source : commission des finances, d’après la documentation budgétaire et la circulaire du ministre délégué chargé des comptes publics du 21 novembre 2023 relative au lancement de la gestion budgétaire 2024 et à la mise en place de la réserve de précaution.
● La réserve de précaution, dont l’usage avait été assaini malgré la crise, a été fortement utilisée en 2024 pour éviter le dépassement de la norme de dépense : une telle mobilisation n’avait jamais été réalisée sur la période récente. Après une mise en réserve de 14,4 milliards d’euros en CP en 2023, le montant de crédits gelés en 2024 a atteint 28,2 milliards d’euros de CP. La mise en œuvre de la réserve de précaution en 2024 résulte de plusieurs mouvements :
– une mise en réserve initiale en début d’année s’élevant à 8,9 milliards d’euros (1,9 % des crédits hors masse salariale et 0,5 % des crédits de masse salariale) ;
– un surgel transversal en juillet 2024 pour 7,2 milliards d’euros (1,7 % des crédits hors masse salariale et 3,3 millions d’euros sur le titre 2) ;
– des surgels en gestion pour 11,8 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros sur le titre 2 ;
– enfin, un surgel de 272,9 millions d’euros réalisé au dernier trimestre 2024.
Sur la totalité de la réserve, 10,8 milliards ont été dégelés en cours d’année et utilisés par les ministères (38,3 % des crédits mis en réserve), 13,7 milliards d’euros ont été définitivement annulés en loi de fin de gestion pour 2024 et 3,7 milliards d’euros ont été reportés sur 2025.
Évolution de l’utilisation de la rÉserve de prÉcaution
(en millions d’euros et en CP)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Réserve initiale * [A] |
4 520 |
5 103 |
5 514 |
8 783 |
8 936 |
« Surgels » (y compris fin de gestion) [B] |
1 738 |
120 |
222 |
5 627 |
19 247 |
Réserve après « surgels » [C] = [A] + [B] |
6 258 |
5 223 |
5 736 |
14 410 |
28 183 |
Dégels : crédits rendus disponibles (y compris fin de gestion) [D] |
3 291 |
3 654 |
4 113 |
6 547 |
10 775 |
Crédits conservés en réserve ou définitivement annulés [E] = [C] – [D] |
2 967 |
1 570 |
1 623 |
7 863 |
17 408 |
Pourcentage de crédits de la réserve de précaution rendus disponibles [D] / [C] |
53 % |
70 % |
72 % |
45 % |
38 % |
(*) La réserve initiale correspond à la réserve théorique, déduction faite des dégels systématiques de début de gestion.
Source : commission des finances, d’après les réponses au questionnaire du rapporteur général.
Comme en 2023 mais de manière bien plus marquée, le montant des crédits gelés a fortement augmenté en cours d’année du fait de surgels successifs, atteignant 28,2 milliards d’euros, soit près du double du niveau de l’année précédente. Cette hausse a concerné à 94 % la réserve appliquée aux crédits hors masse salariale. Hors mission Plan de relance, 24 programmes se sont vus appliquer un taux de mise en réserve sur leurs crédits hors masse salariale supérieur ou égal à 15 % des crédits votés en LFI pour 2024. Le montant des surgels en gestion est très élevé sur certains programmes : ils représentent jusqu’à 58 % de la prévision initiale sur le programme 352 Innovation et transformation numériques et 46 % sur le programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat. La Cour des comptes relève que si cet usage massif de la réserve a permis de respecter la cible du périmètre de dépenses de l’État (PDE), il a aussi « contribué au manque de transparence » de la gestion 2024 en raison d’une répartition entre ministères « laissée à la discrétion des cabinets ministériels sans formalisation explicite des arbitrages ».
II. Les modifications proposÉes par le projet de loi
En vertu du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le projet de loi ouvre pour chaque programme « les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».
L’article 4 du projet de loi arrête les montants consommés sur le budget général au titre de 2024 et procède aux ouvertures (A) et annulations nécessaires (B).
Les articles 5 et 6 du projet de loi arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement respectivement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2024 et procèdent aux ajustements nécessaires (C).
Ces mouvements sont analysés dans le détail dans le volume du présent rapport qui décrit l’exécution budgétaire par mission et par programme.
L’article 4 propose l’ouverture de 1,1 million d’euros en AE et en CP complémentaires, correspondant à une réévaluation à la hausse du montant de la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État.
L’ouverture de crédits en loi de règlement demeure peu fréquente et porte régulièrement sur des crédits évaluatifs :
– le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2023 avait proposé l’ouverture de 523,4 millions d’euros d’AE et de 522,5 millions d’euros de CP de crédits complémentaires, correspondant à une réévaluation à la hausse du montant des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements ;
– le projet de loi de règlement pour 2022 avait proposé l’ouverture de 209,1 millions d’euros d’AE et de 183,1 millions de CP de crédits complémentaires sur la mission Engagements financiers de l’État ;
– le projet de loi de règlement pour 2021 avait proposé l’ouverture de 600,2 millions d’euros d’AE et de 600,6 millions de CP de crédits complémentaires au titre de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux et de la charge de la dette de l’État.
En ce qui concerne les exercices antérieurs, la dernière loi de règlement ayant procédé à l’ouverture de crédits est celle relative à 2016, sur la mission Engagements financiers de l’État.
Le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2024 procède à des ajustements de crédits sur le budget de l’État. Le tableau ci-dessous permet de comparer les taux d’annulation de crédits au regard de la consommation sur le budget général, hors Remboursements et dégrèvements.
Taux d’annulation des crÉdits en loi de règlement
(en milliards d’euros, hors Remboursements et dégrèvements)
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
AE consommées |
331 106 |
345 623 |
396 697 |
486 092 |
512 456 |
453 461 |
433 531 |
Annulations d’AE en loi de règlement |
6 615 |
4 168 |
5 815 |
5 682 |
7 802 |
9 675 |
7 170 |
Taux d’annulation des AE |
2,0 % |
1,2 % |
1,5 % |
0,9 % |
1,2 % |
2,1 % |
1,7 % |
CP consommés |
329 722 |
336 069 |
389 678 |
426 732 |
445 672 |
454 565 |
443 414 |
Annulations de CP en loi de règlement |
877 |
935 |
911 |
1 704 |
6 026 |
4 460 |
2 964 |
Taux d’annulation des CP |
0,3 % |
0,3 % |
0,2 % |
0,4 % |
1,4 % |
1,0 % |
0,7 % |
Source : lois de règlement des années 2017 à 2022 et projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour les années 2023 et 2024.
Les annulations s’élèvent à 1,7 % des AE et 0,7 % des CP, soit un niveau similaire à la moyenne d’annulations de crédits en loi de règlement entre 2018 et 2023 (1,5 % des AE et 0,6 % des CP).
● Le projet de loi prévoit l’annulation de 7,2 milliards d’euros en AE et de 3 milliards d’euros en CP (hors programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État). Le tableau ci-après retrace les annulations opérées par mission.
— 1 —
Missions concernÉes par les annulations PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI
(en millions d’euros, arrondis à l’unité supérieure)
Missions |
Annulations |
Consommation |
Part (en %) |
|||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
Action extérieure de l’État |
27 |
39 |
3 302 |
3 289 |
0,8 |
1,2 |
Administration générale et territoriale de l’État |
206 |
44 |
5 297 |
4 662 |
3,9 |
0,9 |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
133 |
205 |
5 172 |
4 498 |
2,6 |
4,6 |
Aide publique au développement |
626 |
111 |
4 758 |
4 822 |
13,2 |
2,3 |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
4 |
4 |
1 973 |
1 959 |
0,2 |
0,2 |
Cohésion des territoires |
122 |
56 |
18 696 |
18 497 |
0,7 |
0,3 |
Conseil et contrôle de l’État |
10 |
6 |
817 |
861 |
1,2 |
0,7 |
Crédits non répartis |
394 |
265 |
0 |
0 |
s.o |
s.o |
Culture |
75 |
9 |
4 117 |
3 865 |
1,8 |
0,2 |
Défense |
478 |
2 |
60 211 |
58 428 |
0,8 |
0,0 |
Direction de l’action du Gouvernement |
13 |
8 |
976 |
1 017 |
1,3 |
0,8 |
Écologie, développement et mobilité durables |
194 |
150 |
25 895 |
24 232 |
0,7 |
0,6 |
Économie |
19 |
54 |
5 163 |
5 104 |
0,4 |
1,1 |
Engagements financiers de l’État |
803 |
792 |
52 113 |
58 765 |
1,5 |
1,3 |
Enseignement scolaire |
41 |
39 |
86 564 |
86 397 |
0,0 |
0,0 |
Gestion des finances publiques |
41 |
58 |
10 655 |
10 595 |
0,4 |
0,5 |
Immigration, asile et intégration |
18 |
11 |
1 869 |
2 191 |
1,0 |
0,5 |
Investir pour la France de 2030 |
0 |
27 |
652 |
6 271 |
0,0 |
0,4 |
Justice |
666 |
38 |
12 876 |
11 827 |
5,2 |
0,3 |
Médias, livre et industries culturelles |
1 |
3 |
708 |
712 |
0,1 |
0,4 |
Outre-mer |
69 |
3 |
3 117 |
2 917 |
2,2 |
0,1 |
Plan de relance |
1 613 |
0 |
– 1 273 |
2 236 |
|
0,0 |
Pouvoirs publics |
0 |
0 |
1 157 |
1 157 |
0,0 |
0,0 |
Recherche et enseignement supérieur |
226 |
29 |
31 496 |
30 986 |
0,7 |
0,1 |
Régimes sociaux et de retraite |
2 |
2 |
6 064 |
6 064 |
0,0 |
0,0 |
Relations avec les collectivités territoriales |
256 |
101 |
3 929 |
3 895 |
6,5 |
2,6 |
Remboursements et dégrèvements |
1 645 |
1 650 |
146 529 |
146 523 |
1,1 |
1,1 |
Santé |
11 |
16 |
2 843 |
2 803 |
0,4 |
0,6 |
Sécurités |
618 |
5 |
25 449 |
25 486 |
2,4 |
0,0 |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
5 |
27 |
30 960 |
31 031 |
0,0 |
0,1 |
Sport, jeunesse et vie associative |
64 |
202 |
1 483 |
1 548 |
4,3 |
13,0 |
Transformation et fonction publiques |
70 |
108 |
780 |
914 |
9,0 |
11,8 |
Travail et emploi |
263 |
445 |
20 759 |
21 432 |
1,3 |
2,1 |
Total |
8 712 |
4 511 |
575 104 |
584 982 |
1,5 |
0,8 |
Total hors remboursements et dégrèvements d’impôts d’État |
7 170 |
2 964 |
433 531 |
443 414 |
1,7 |
0,7 |
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2024.
— 1 —
Les montants totaux d’annulations en AE et en CP hors mission Remboursements et dégrèvements, qui portent sur les crédits qui n’auront été ni consommés en cours d’année ni reportés sur l’exercice suivant, sont en diminution de respectivement 2,5 milliards d’euros et de 1,5 milliard d’euros. Ils demeurent néanmoins à des niveaux particulièrement élevés en CP, où ils sont près de quatre fois plus élevés que leur moyenne sur les années 2014 à 2021.
Annulations d’autorisations d’engagement en loiS de rÈglement
(en millions d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements)
Source : lois de règlement des années 2014 à 2022 et projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour les années 2023 et 2024.
Annulations de crÉdits de paiement en lois de rÈglement
(en millions d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements)
Source : lois de règlement des années 2014 à 2022 et projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour les années 2023 et 2024.
Les articles 5 et 6 du projet de loi arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2024 et procèdent aux ajustements nécessaires.
MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LES BUDGETS ANNEXES ET LES COMPTES SPÉCIAUX
(en millions d’euros)
Budget ou compte |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
Ouvertures |
Annulations d’autorisations non engagées et non reportées |
Ouvertures |
Annulations de crédits non consommés et non reportés |
|
Budgets annexes |
− |
13,4 |
– |
23,1 |
Comptes d’affectation spéciale |
− |
1 914,4 |
− |
1 908,5 |
Comptes de concours financiers |
− |
6 564,4 |
− |
6 412,5 |
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l’année 2024.
Les annulations de crédits proposées sur les comptes d’affectation spéciale portent à hauteur de 1,8 milliard d’euros sur le programme Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État du compte Participations financières de l’État en raison d’opérations qui n’ont pas été réalisées par l’Agence des participations de l’État (APE).
Les annulations réalisées sur les comptes de concours financiers à hauteur de 6,4 milliards d’euros se répartissent principalement entre les comptes :
– Avances aux collectivités territoriales (5 milliards d’euros) ;
– Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics (732,8 millions d’euros) ;
– Prêts à des États étrangers (573,9 millions d’euros).
— 1 —
L’encours de la dette de l’État s’est élevé à 2 602 milliards d’euros en valeur actualisée ([86]) au terme de l’année 2024, après 2 430 milliards d’euros à la fin de l’année 2023, soit une augmentation de 172 milliards d’euros. Alors qu’entre 2014 et 2019 la progression annuelle de l’encours de dette de l’État était en moyenne de 3,6 %, le rythme de progression a doublé entre 2019 et 2024, s’élevant en moyenne à 7,4 %. Si le rythme de progression de l’encours de dette de l’État était en décélération jusqu’en 2022 (6,2 %), les années 2023 et 2024 ont connu une accélération de l’endettement de l’État, avec des progressions de respectivement 6,7 % et 7,1 %.
Après trois exercices consécutifs de hausse, la charge d’intérêts de la dette et le coût de la trésorerie de l’État diminuent de 4,6 milliards d’euros en 2024 pour s’établir à 49,3 milliards d’euros. Il s’agit toutefois d’une diminution temporaire, portée entièrement par la baisse du niveau d’inflation, alors que le volume et le taux de la dette de long terme continuent à augmenter.
I. Le rythme d’augmentation de l’endettement de l’État demeure hors de contrÔle en 2024
L’encours de la dette négociable de l’État progresse plus fortement qu’en 2023 (+ 172 milliards d’euros d’une année sur l’autre) et s’élève à 2 602 milliards d’euros au 31 décembre 2024. Cette progression est liée à un besoin de financement qui atteint 305,7 milliards d’euros en 2024, en baisse de 8,9 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023. Ce besoin de financement est couvert principalement par de l’endettement à moyen et long terme à hauteur de 285 milliards d’euros, mais l’exécution 2024 se caractérise, comme l’exercice précédent, par une progression massive des émissions de dette à court terme.
A. Un encours de la dette de l’État proche de 2 602 milliards d’euros
1. Un encours de la dette des administrations publiques durablement orienté à la hausse
D’après l’Insee, la dette des administrations publiques au sens de Maastricht augmente de 202,7 milliards d’euros en 2024 pour s’établir à 3 305,3 milliards d’euros. Exprimée en pourcentage du PIB, la dette publique augmente à 113,0 % – à un niveau proche de celui constaté en 2021 – après 109,8 % fin 2023. Elle se répartit entre l’État et les organismes divers d’administration centrale à hauteur de 2 756,8 milliards d’euros, les administrations publiques locales pour 261,9 milliards d’euros et les administrations de sécurité sociale pour un montant de 286,6 milliards d’euros.
Évolution rÉcente de la dette des administrations publiques en comptabilitÉ nationale
(en milliards d’euros)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Dette de l’État et des organismes divers d’administration centrale |
1 984,8 |
2 162,9 |
2 310,4 |
2 440,8 |
2 589,5 |
2 756,8 |
Dette des administrations publiques locales |
208,3 |
227,5 |
242,9 |
242,9 |
248,1 |
261,9 |
Dette des administrations de sécurité sociale |
194,4 |
273,3 |
275,5 |
272,0 |
264,9 |
286,6 |
Total : dette des administrations publiques |
2 387,5 |
2 663,7 |
2 828,8 |
2 955,6 |
3 102,6 |
3 305,3 |
Ratio de dette publique en point de PIB |
98,2 % |
114,9 % |
113,1 % |
111,4 % |
109,8 % |
113,0 % |
Source : Insee, comptes nationaux des administrations publiques, année 2024 (lien).
La hausse du niveau de la dette publique devrait se poursuivre jusqu’en 2027. En effet, la trajectoire d’évolution de l’endettement public a été successivement revue à la hausse depuis l’adoption de la LPFP 2023‑2027, du fait des dégradations successives du déficit public.
Les dernières prévisions du Gouvernement, issues du rapport d’avancement annuel 2025 du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025‑2029 anticipent un niveau de dette publique culminant à 118,1 points de PIB en 2027. Dès la fin de l’année 2025, la dette des administrations publiques dépasserait le pic atteint durant la crise sanitaire. Les dernières prévisions de la Commission européenne ([87]) anticipent une trajectoire d’endettement plus dégradée encore, avec un niveau de dette publique atteignant 118,4 points de PIB à la fin de l’année 2026.
PrÉvision de l’Évolution de la TRAJECTOIRE DE l’endettement public 2024-2031
(en points de PIB)
Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025‑2029 et rapport d’avancement annuel 2025.
2. L’accroissement continu de l’encours total de la dette négociable de l’État
L’encours de dette négociable de l’État ([88]) s’établit à 2 602 milliards d’euros au 31 décembre 2024, en progression de 172 milliards d’euros d’une année sur l’autre.
Le rythme d’augmentation en valeur de la dette négociable de l’État, relativement homogène pour la période 2014‑2019 (+ 3,6 % en moyenne par an), a connu une rupture de tendance en 2020 et 2021, avec des augmentations successives de 9,8 % et 7,2 % de l’encours de dette. Le rythme de croissance du niveau d’endettement est demeuré élevé en 2022 et 2023 (+ 6,2 % et + 6,7 %), et connaît une accélération en 2024 (+ 7,1 %) avec la décrue de l’inflation.
Évolution de l’encours de la dette nÉgociable de l’État
(en valeur actualisée, en milliards d’euros)
Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État annexés aux projets de lois de règlement et aux projets de lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.
3. La composition de la dette négociable
a. Une stabilisation de la durée de vie de la dette négociable
La part des titres à moyen et long termes (obligations assimilables du Trésor – OAT) est très majoritaire dans la composition de la dette négociable de l’État ; elle s’élève à 92,3 % à la fin de l’année 2024. Le niveau de l’encours d’OAT augmente significativement, à hauteur de 6,2 % en 2024, soit au même rythme que l’exercice précédent, tandis que le niveau de l’encours de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) connaît, pour la deuxième année consécutive, une explosion, progressant à hauteur de 18,9 % en 2024 après 14 % en 2023 ([89]).
En outre, l’encours de la dette négociable de l’État est constitué pour 11,1 %, soit 289,1 milliards d’euros, de titres indexés sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi) ou dans la zone euro (OAT€i).
Composition de la dette nÉgociable de l’État
(sauf indication contraire, en millions d’euros)
Encours |
Fin 2023 |
Fin 2024 |
Évolution 2023/2024 |
Part de l’encours 2024 |
Ensemble de la dette en valeur actualisée |
2 429 973 |
2 601 637 |
+ 7,1 % |
100 % |
Obligations assimilables du Trésor – OAT |
2 260 756 |
2 400 474 |
+ 6,2 % |
92,3 % |
dont titres indexés |
271 362 |
289 057 |
+ 6,5 % |
11,1 % |
Bons du Trésor à taux fixe – BTF |
169 217 |
201 163 |
+ 18,9 % |
7,7 % |
Source : Agence France Trésor.
Après un allongement significatif entre 2014 et 2021, dans un contexte de taux d’intérêt faibles voire négatifs, la durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État s’est stabilisée depuis 2022 et atteint 8 ans et 172 jours en 2024.
Évolution de la durÉe de vie moyenne de la dette nÉgociable de l’État
|
Fin 2014 |
Fin 2015 |
Fin 2016 |
Fin 2017 |
Fin 2018 |
Fin 2019 |
Fin 2020 |
Fin 2021 |
Fin 2022 |
Fin 2023 |
Fin 2024 |
Durée de vie moyenne de la dette négociable |
6 ans et 362 jours |
7 ans et 47 jours |
7 ans et 195 jours |
7 ans et 296 jours |
7 ans et 336 jours |
8 ans et 63 jours |
8 ans et 73 jours |
8 ans et 153 jours |
8 ans et 184 jours |
8 ans et 168 jours |
8 ans et 172 jours |
Source : Agence France Trésor
b. La poursuite de la remontée de la part de dette détenue par les non‑résidents
La part de la dette de l’État détenue par les non‑résidents a poursuivi en 2024 son augmentation, atteignant 54,6 % et dépassant son niveau de la fin de l’année 2017. La tendance à la baisse de la part de la dette détenue par les non‑résidents jusqu’en 2021 était portée par la politique de rachats d’actifs de la Banque centrale européenne (BCE). La fin des achats nets à partir de juillet 2022 et la fin des réinvestissements des titres détenus par la BCE annoncée en mars 2023 ont accéléré la hausse de la part de non‑résidents parmi les détenteurs de la dette négociable de l’État.
DÉtention par les non‑rÉsidents de la dette n֮Égociable de l’État
(en pourcentage)
Date |
Fin 2015 |
Fin 2016 |
Fin 2017 |
Fin 2018 |
Fin 2019 |
Fin 2020 |
Fin 2021 |
Fin 2022 |
Fin 2023 |
Fin 2024 |
Part de la dette négociable détenue par des non‑résidents |
61,9 % |
58,3 % |
54,6 % |
52,7 % |
53,6 % |
50,1 % |
47,8 % |
50,1 % |
53,2 % |
54,6 % |
Source : Agence France Trésor.
B. Le besoin de financement de l’État est en baisse par rapport À l’exercice 2023 mais demeure à un niveau historiquement ÉlevÉ
Le besoin de financement de l’État pour l’année 2024 s’est élevé à 305,7 milliards d’euros contre 314,6 milliards d’euros en 2023. S’il s’établit en baisse de 8,9 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023, son niveau s’est accru structurellement depuis 2020 : alors qu’entre 2011 et 2019, le besoin de financement de l’État avait assez peu varié, s’établissant à 191 milliards d’euros en moyenne sur la période, il s’est établi à 299 milliards d’euros en moyenne sur la période 2020‑2024.
Niveau du besoin de financement de l’État
(en milliards d’euros)
Source : rapports annuels de performance Engagements financiers de l’État.
En 2024, le besoin de financement résulte principalement :
– d’un déficit de l’État de 155,9 milliards d’euros, inférieur de 17,1 milliards d’euros à celui de 2023, après une augmentation de 21,5 milliards d’euros entre 2023 et 2022 ;
– de l’amortissement des titres de moyen et long terme qui s’établit à 155,1 milliards d’euros, en hausse de 5,5 milliards d’euros par rapport à 2023, après une augmentation de 3,9 milliards d’euros en 2023 par rapport à 2022.
Le besoin de financement en 2024 est supérieur de 8,5 milliards d’euros par rapport à la prévision en LFI pour 2024, essentiellement en raison d’un déficit plus élevé que prévu – ce dernier a atteint 155,9 milliards d’euros, contre une prévision initiale de 146,9 milliards d’euros.
Évolution du besoin et des ressources de financement de l’État
(en milliards d’euros)
|
Exécution 2021 |
Exécution 2022 |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Écart exécution 2024/2023 |
Écart Exécution / LFI |
Besoin de financement |
285,3 |
280,0 |
314,6 |
297,2 |
305,7 |
– 8,9 |
+ 8,5 |
Amortissement de titres d’État à moyen et long terme |
118,3 |
145,7 |
149,6 |
155,3 |
155,1 |
+ 5,5 |
– 0,2 |
Amortissement des dettes reprises par l’État |
1,3 |
3,0 |
3,0 |
2,7 |
2,7 |
– 0,3 |
+ 0,0 |
Déficit à financer (*) |
170,7 |
151,5 |
173,0 |
146,9 |
155,9 |
– 17,1 |
+ 9,0 |
Autres besoins de financement |
– 5,0 |
– 20,2 |
– 11,0 |
– 7,7 |
– 8,1 |
+ 2,9 |
– 0,4 |
Ressources de financement |
285,3 |
280,0 |
314,6 |
297,2 |
305,7 |
– 8,9 |
+ 8,5 |
Émissions à moyen et long terme (OAT) nettes des rachats |
260,0 |
260,0 |
270,0 |
285,0 |
285,0 |
+ 15,0 |
+ 0,0 |
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement |
– |
1,9 |
6,6 |
6,5 |
6,5 |
– 0,1 |
+ 0,0 |
Variation des BTF (+ si augmentation de l’encours ; – sinon) |
– 6,2 |
– 6,9 |
20,8 |
5,2 |
31,9 |
+ 11,1 |
+ 26,7 |
Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation de l’encours ; – sinon) |
18,7 |
1,2 |
– 11,5 |
0,0 |
– 5,9 |
+ 5,6 |
– 5,9 |
Variation des disponibilités (+ si diminution ; – sinon) |
– 4,4 |
35,2 |
47,6 |
0,0 |
– 3,4 |
– 51,0 |
– 3,4 |
Autres ressources de trésorerie |
17,2 |
– 11,4 |
– 18,8 |
0,5 |
– 8,4 |
+ 10,4 |
– 8,9 |
Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État.
C. Les ressources de financement de l’État
Le besoin de financement de 305,7 milliards d’euros a été couvert par plusieurs instruments.
En premier lieu, les émissions nettes de dette à moyen et long termes ont permis de lever 285 milliards d’euros, conformément à l’autorisation de la loi de finances initiale.
Par ailleurs, dans la continuité de l’exercice 2023, l’AFT a procédé à une augmentation des émissions de la dette de court terme en 2024 (bons du Trésor à taux fixes et intérêts précomptés – BTF ; + 31,9 milliards d’euros) pour répondre à la progression du besoin de financement en cours d’année dans un contexte de dégradation de la situation des finances publiques.
En parallèle, alors que le niveau de trésorerie du compte du Trésor tenu par la Banque de France s’était fortement réduit en 2022 et 2023 dans un contexte de hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, le niveau de trésorerie de l’État s’est accru de 3,4 milliards d’euros en 2024.
En dernier lieu, le montant des autres ressources de trésorerie s’est établi à – 8,4 milliards d’euros, en hausse de + 10,4 milliards d’euros par rapport à 2023. Ces ressources sont composées, d’une part, des suppléments d’indexation perçus à la réémission de souches de titres indexés sur l’inflation, qui s’élèvent à 5,1 milliards d’euros, et d’autre part des primes nettes des décotes à l’émission, qui atteignent – 13,6 milliards d’euros. Pour la troisième année consécutive, le montant des décotes a dépassé celui des primes à l’émission, ce qui n’avait pas été observé depuis 2008. Ce fort repli s’explique essentiellement par la hausse des taux d’intérêt constatée depuis 2023, alors que certaines souches anciennes conservent des taux de coupon très faibles.
Évolution du solde des primes et des dÉcotes À l’Émission de titres À moyen et long termes
(en milliards d’euros)
Année |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Solde des primes nettes des décotes à l’émission et aux rachats |
22,7 |
20,8 |
10,5 |
11,3 |
21,2 |
30,1 |
16,5 |
– 13,6 |
– 21,2 |
– 13,6 |
Étalement des primes et décotes (effet en comptabilité générale) |
|
|
|
|
– 8,0 |
– 9,8 |
– 11,8 |
– 11,5 |
– 8,6 |
– 6,1 |
Source : compte général de l’État 2024.
Les primes et décotes à l’émission
Les émissions de titres donnent lieu à des primes (ou décotes), lorsque le taux facial de l’obligation (ou taux de coupon) est différent du taux de marché. Ainsi, si le taux facial est supérieur au taux de marché à l’émission du titre, les souscripteurs paient à l’émission un prix d’achat supérieur à la somme qui sera remboursée à l’échéance : une prime à l’émission est alors enregistrée. Dans la situation contraire, une décote à l’émission est enregistrée.
Cette situation résulte en premier lieu de l’émission de titres sur des souches dites anciennes. Si celles-ci étaient porteuses en 2021 de taux supérieurs aux taux de marché restés à des niveaux historiquement bas, cette tendance s’est inversée en 2022, de sorte que des décotes nettes ont été enregistrées à l’émission de titres sur souches anciennes.
L’émission de titres à partir de souches anciennes reflète la méthode d’émission ayant recours à la technique d’assimilation, qui consiste à abonder une même « ligne » ou « souche » de dette à plusieurs reprises pour améliorer la liquidité de la dette en répondant aux attentes de taux et de maturité des investisseurs.
D’un point de vue de coût actuariel, il est équivalent d’émettre un titre au taux du marché et d’émettre un titre à partir d’une souche ancienne à un taux différent de celui de marché avec une prime ou une décote à l’émission.
II. Un ralentissement de la charge de la dette en trompe‑l’Œil
A. Des facteurs temporaires expliquent la baisse de la charge de la dette de l’État en 2024
En 2024, la charge de la dette de l’État s’est élevée à 49,3 milliards d’euros, à un niveau inférieur de 4,6 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023 et de 2,1 milliards d’euros par rapport à la prévision de la LFI pour 2024.
La charge de la dette et de la trésorerie de l’État est constituée d’intérêts, à hauteur de 42,4 milliards d’euros et de la provision pour charge d’indexation du capital des titres indexés, à hauteur de 6,9 milliards d’euros ([90]), dont sont déduites des recettes de trésorerie pour 0,1 milliard d’euros.
Malgré les baisses de plus de 175 points de base des taux directeurs de la BCE depuis septembre 2023, la France bénéficie de conditions de financement stables en 2024 par rapport à l’exercice précédent, bien que celles‑ci demeurent plus avantageuses qu’anticipé lors du PLF pour 2024.
Taux d’emprunt moyen de l’É֤tat par annÉe depuis 2020
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
PLF 2024* |
2024 |
Court terme |
– 0,56 % |
– 0,67 % |
+ 0,19 % |
+ 3,33 % |
+ 3,50 % |
+ 3,39 % |
Long terme |
– 0,13 % |
– 0,05 % |
+ 1,43 % |
+ 3,03 % |
+ 3,50 % |
+ 2,91 % |
* Hypothèses de taux des BTF à 3 mois et des OAT à 10 ans retenues à l’occasion du projet de loi de finances pour 2024.
Source : rapports annuels de performance Engagements financiers de l’État.
La charge de la dette négociable (OAT et BTF, hors trésorerie et charges de reprises et de gestion) s’établit à 49,4 milliards d’euros en 2024. Sa baisse par rapport à 2023 (– 5 milliards d’euros) résulte de facteurs temporaires et révèle une situation contrastée :
– la totalité de la baisse de la charge de la dette négociable en 2024 s’explique par une diminution de la provision pour indexation du capital des titres indexés de – 8,8 milliards d’euros par rapport à 2023 ;
– la charge de la dette de long terme connaît une augmentation de 3,1 milliards d’euros d’une année sur l’autre, portée par un effet volume lié à l’accroissement du stock de dette ;
– la charge d’intérêt de la dette de court terme progresse de 0,8 milliard d’euros entre 2023 et 2024, en raison de l’effet volume dû à l’accroissement de l’encours de dette de court terme en 2024.
Évolution de la charge de la dette et de la trÉsorerie de l’État
(en milliards d’euros)
Source : lois de règlement de 2007 à 2020, projets de lois de règlement de 2021 et 2022, projets de lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de 2023 et 2024 et projet de loi de finances pour 2025.
B. La charge de la dette des administrations publiques continuerait À augmenter au cours des prochaines annÉes
L’accroissement continu du stock de dette, conjugué à la hausse structurelle des taux d’intérêt par rapport à la décennie précédente, entraînerait une hausse durable de la charge de la dette de l’État et de celle des administrations publiques.
D’une part, la charge de la dette et de la trésorerie de l’État devrait dépasser en 2025 son maximum historique de l’année 2023, s’élevant à 54,2 milliards d’euros, et demeurerait orientée à la hausse pour atteindre 69 milliards d’euros en 2027.
D’autre part, la charge de la dette des administrations publiques augmenterait durablement à horizon 2031 : malgré l’inflexion du niveau d’endettement public à partir de 2028, la charge de la dette publique continuerait à augmenter pour atteindre 107,7 milliards d’euros en 2029, soit 3,2 points de PIB, et pourrait s’établir à 3,5 points de PIB en 2031, selon le RAA 2025. La Commission européenne estime quant à elle que la charge d’intérêts de la dette publique pourrait atteindre 2,5 points de PIB dès la fin de l’année 2025 et 2,9 points de PIB fin 2026.
Évolution des dÉpenses d’intÉrÊts des administrations publiques en points de PIB
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
2031 |
PSMT 2025‑2029 (en points de PIB) – octobre 2024 |
2,1 |
2,3 |
2,6 |
2,8 |
3 |
3,2 |
3,3 |
3,5 |
RAA 2025 (en points de PIB) – avril 2025 |
2,1 |
2,3 |
2,4 |
2,8 |
3 |
3,2 |
|
|
Commission européenne (en points de PIB) – mai 2025 |
2,1 |
2,5 |
2,9 |
|
|
|
|
|
Source : commission des finances d’après les réponses du Gouvernement.
Évolution des dÉpenses d’intÉrÊts des administrations publiques en milliards d’euros
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
2031 |
Prévisions du Gouvernement dans le cadre du RAA 2025 (en milliards d’euros) – avril 2025 |
60,3 |
66,5 |
75,1 |
87,8 |
98,8 |
107,7 |
|
|
Source : commission des finances d’après les réponses du Gouvernement.
— 1 —
FICHE 6 : La comptabilité générale de l’État
Le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024) est accompagné du compte général de l’État prévu au 7° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances ([91]) (LOLF). Le compte général de l’État comporte un bilan, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie et une annexe. Il se rapproche en cela de la comptabilité d’une entreprise et ne s’en distingue qu’à raison des spécificités de l’action de l’État.
L’article 3 du PLRG 2024 a pour objet, conformément au III de l’article 37 de la LOLF, d’approuver le compte de résultat de l’exercice 2024, d’affecter ce résultat comptable au bilan, d’arrêter le bilan, puis d’approuver l’annexe du compte général de l’État.
La comptabilité générale permet de rendre compte des résultats de l’exercice (I) et de l’ensemble de la situation financière et patrimoniale de l’État (II). Si le résultat patrimonial de 2024 reste proche de celui de 2023, marquant une légère amélioration en s’établissant à − 123,7 milliards d’euros, contre – 125,5 milliards d’euros l’année précédente, la situation nette patrimoniale de l’État continue de se dégrader, en raison d’un accroissement du passif plus rapide que celui de l’actif. La situation nette de l’État s’établit ainsi à – 1 987,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2024, contre – 1 868,5 milliards d’euros à la fin de l’année 2023, confirmant une détérioration structurelle.
La comptabilité générale a aussi pour fonction de retracer les engagements hors bilan de l’État, notamment ceux résultant des engagements de retraite et des garanties octroyées à des entités publiques ou privées. La valeur des engagements hors bilan donnés par l’État a baissé, notamment en raison d’une hausse des taux d’actualisation : à la fin de l’année 2024, ils atteignent 3 861 milliards d’euros, contre 4 138 milliards d’euros au 31 décembre 2023 ([92]) (III).
Afin de s’assurer de la fiabilité des informations comptables, le législateur organique, au 5° de l’article 58 de la LOLF, a confié à la Cour des comptes la mission de certifier les comptes de l’État (IV). La Cour a ainsi certifié que « le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé, ainsi que la situation financière et du patrimoine de l’État à la clôture de l’exercice », sous réserve de cinq « anomalies significatives », ainsi que de onze autres cas pour lesquels elle ne dispose pas de « suffisamment d’éléments probants » pour pouvoir se prononcer, avec une assurance raisonnable, sur l’absence d’anomalies significatives. Toutefois, lors de son audition devant la commission des finances le 16 avril dernier, le premier Président de la Cour des comptes a déploré en termes vifs la récurrence de certaines anomalies significatives, estimant que leur absence de résolution résultait d’une forme d’inertie de l’administration, et a souligné le risque qu’en l’absence d’amélioration de la situation, la Cour ne soit conduite à refuser de certifier les comptes de l’État de 2025.
I. Le compte de résultat de l’État : un résultat patrimonial marqué par une légère atténuation de la dégradation de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2023
Le résultat patrimonial de 2024 s’établit à − 123,7 milliards d’euros, soit une baisse de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2023. Le résultat patrimonial demeure ainsi éloigné des niveaux historiquement bas atteints en 2020 (− 165,7 milliards d’euros) et atteint, une année de plus, son meilleur niveau depuis la crise sanitaire.
La très légère atténuation de la dégradation du résultat patrimonial observée en 2024 est essentiellement portée par la hausse des produits régaliens nets (+ 7,7 milliards d’euros), qui atteignent ainsi 323,4 milliards d’euros, et la baisse des charges d’intervention nettes (− 23,3 milliards d’euros). Les effets sur le résultat patrimonial de ces deux évolutions sont sensiblement amoindris par une augmentation des charges de fonctionnement nettes (+ 19,1 milliards d’euros) et des charges financières nettes (+ 10,2 milliards d’euros).
Évolution de la formation du résultat de l’État depuis 2022
(en milliards d’euros)
Poste |
Exercice 2022 |
Exercice 2023 |
Exercice 2024 |
|
|
||||
Cycle de fonctionnement |
Charges (a) |
305,5 |
305,7 |
322,3 |
Produits (b) |
79,5 |
88,1 |
85,5 |
|
Charges nettes (I =a-b) |
225,9* |
217,7 |
236,8 |
|
|
||||
Cycle d’intervention |
Charges (a) |
254,2 |
271,0 |
259,8 |
Produits (b) |
56,5 |
76,6 |
88,7 |
|
Charges nettes (II = a-b) |
197,7 |
194,4 |
171,1 |
|
|
||||
Cycle financier |
Charges (a) |
77,5 |
60,6 |
62,9 |
Produits (b) |
26,3 |
31,6 |
23,7 |
|
Charges nettes (III =a-b) |
51,2 |
29,0 |
39,2 |
|
|
||||
Total des charges nettes (A = I + II + III) |
474,9 |
441,1 |
447,1 |
|
|
||||
Produits régaliens nets (B) |
316,9 |
315,6 |
323,4 |
|
|
||||
Résultat (B-A) |
-158,0 |
-125,5 |
- 123,7 |
* : Effet d’arrondi au dixième.
Source : PLRG 2022, PLRG 2023 et PLRG 2024.
A. Une augmentation de 6 milliards d’euros des charges nettes (+1,4 %)
Après s’être établies à 474,9 milliards d’euros en 2022, puis à 441,1 milliards d’euros en 2023, les charges nettes s’élèvent à 447,1 milliards d’euros en 2024.
Les charges financières nettes augmentent de 10,2 milliards d’euros par rapport à 2023, pour s’établir à 39,2 milliards d’euros. Elles correspondent à la différence entre les charges financières ([93]) et les produits financiers ([94]).
D’après le compte général de l’État annexé au PLRG, cette augmentation s’explique, d’abord, par une augmentation des charges financières de 2,3 milliards d’euros. Dans le détail, la charge nette de la dette négociable augmente de 5,6 milliards d’euros, en raison de la hausse de 4,5 milliards d’euros de la charge d’intérêts sur les obligations assimilables du Trésor (OAT). Ensuite, les produits financiers diminuent de 7,9 milliards d’euros, principalement en raison de la baisse des produits des immobilisations financières dont le produit était particulièrement élevé en 2023 ([95]). Enfin, les dotations nettes des reprises aux amortissements, provisions et dépréciations s’élèvent à – 4,2 milliards d’euros en 2024, principalement en raison de l’amortissement des décotes net de l’étalement des primes à l’émission (− 6,1 milliards d’euros).
Les charges de fonctionnement nettes ([96]) augmentent de 19,1 milliards d’euros en 2024 pour s’établir à 236,8 milliards d’euros.
D’après le compte général de l’État 2024, cette augmentation tient principalement à la hausse des charges de personnel (+ 10,8 milliards d’euros). Dans le même temps, les produits de fonctionnement (hors reprises sur provisions et dépréciations) s’élèvent à 29,8 milliards d’euros en 2024, en légère hausse par rapport à 2023 (+ 238 millions d’euros). Aussi, les dotations aux provisions et dépréciations nettes des reprises du cycle de fonctionnement augmentent de 6,9 milliards d’euros en 2024, essentiellement en raison de la hausse des dotations nettes des reprises des provisions pour risques (+ 6,3 milliards d’euros).
Les charges d’intervention nettes ([97]) décroissent de 23,3 milliards d’euros en 2024 par rapport à 2023 – faisant du cycle d’intervention le seul cycle dont les charges nettes diminuent en 2024 – pour s’établir à 171,1 milliards d’euros.
D’après le compte général de l’État, cette diminution est principalement liée à la diminution des dotations nettes des reprises relatives au service public de l’énergie à la suite de l’arrêt des dispositifs des boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité.
B. Une augmentation des produits régaliens nets
Les produits régaliens nets sont la somme des produits fiscaux nets et des amendes et pénalités, déduction faite des ressources propres du budget de l’Union européenne. Ils s’élèvent à 323,4 milliards d’euros en 2024, enregistrant ainsi une hausse de 7,7 milliards d’euros par rapport à l’année 2023 (soit une hausse de 2,4 %).
Cette augmentation est en grande partie due à une augmentation des produits fiscaux nets, compte tenu notamment de la hausse des recettes de certains impôts et d’une diminution du prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne (– 1,6 milliard d’euros).
Elle résulte également d’une augmentation du produit net des amendes, prélèvements et autres pénalités (+ 1,9 milliard d’euros), en lien avec la hausse du nombre de sanctions prononcées par l’Autorité de la concurrence.
Les produits régaliens nets
(en milliards d’euros)
Catégorie de produits |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Produits fiscaux nets |
306,2 |
330,7 |
328,5 |
332,8 |
Amendes, prélèvements divers et autres pénalités |
10,6 |
10,4 |
11,0 |
12,9 |
Ressources propres du budget de l’Union européenne |
- 26,4 |
- 24,2 |
- 23,9 |
- 22,3 |
Total |
290,4 |
316,9 |
315,6 |
323,4 |
Source : loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (PLR 2022), PLRG 2023 et PLRG 2024.
II. Le bilan de l’État : la poursuite de la dégradation de la situation nette patrimoniale
La situation nette patrimoniale est égale à la différence entre l’actif de l’État, évalué à 1 317,9 milliards d’euros, et son passif, évalué à 3 305,1 milliards d’euros au 31 décembre 2024.
Cette situation nette est donc négative à hauteur de 1 987,2 milliards d’euros au 31 décembre 2024, contre 1 868,5 milliards d’euros à la fin de l’année 2023.
Cette dégradation d’un montant de 118,7 milliards d’euros (après une dégradation de 110,5 milliards d’euros en 2023) s’explique par une détérioration du passif de l’État (+ 137,8 milliards d’euros) plus rapide que la hausse de l’actif de l’État (+ 19,1 milliards d’euros).
Pour la quatrième année consécutive, le passif de l’État connaît une augmentation significative, quoique moindre qu’en 2021 et 2022. Cette progression s’explique principalement par la forte hausse des dettes financières (+ 171,5 milliards d’euros), les dettes non financières étant quant à elles en léger recul par rapport à 2023 (- 4,5 milliards d’euros), principalement sous l’effet de la forte baisse des primes constatées sur les émissions d’obligations assimilables du Trésor (OAT). S’agissant des provisions pour risques et charges, elles diminuent de 24,5 milliards d’euros, essentiellement en raison de la fin des boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité.
L’actif de l’État a continué à augmenter (+ 19,1 milliards d’euros), à un rythme plus important qu’en 2023 (+ 16,1 milliards d’euros), mais à un rythme nettement moins soutenu qu’en 2022 (+ 61,8 milliards d’euros). Cette croissance résulte notamment de la hausse des actifs immobilisés (+ 13,5 milliards d’euros) et une augmentation des charges constatées (+ 13,1 milliards d’euros).
Il convient toutefois de rappeler que la situation nette de l’État n’est pas comparable à celle d’une entreprise, puisqu’il ne dispose pas, à l’actif, d’un capital social ou équivalent. En outre, l’État dispose d’un actif incorporel particulier, qui n’est pas valorisé dans ses comptes : sa souveraineté et sa capacité à lever l’impôt. Enfin, il comptabilise des charges qui pourraient être considérées comme des investissements pour la collectivité, comme les dépenses de recherche et d’enseignement supérieur.
Au 31 décembre 2024, l’actif de l’État était de 1 317,9 milliards d’euros, tandis qu’il était évalué à un montant d’environ 500 milliards d’euros dans la première édition de la comptabilité générale en 2006. Dans l’intervalle, la connaissance du patrimoine de l’État a été améliorée et enrichie, notamment par la valorisation des infrastructures. Comme pour un bilan d’entreprise, l’actif de l’État est ventilé en immobilisations, actif circulant (stocks et créances) et trésorerie.
Actif de l’État
(en milliards d’euros)
Catégorie d’actifs nets |
2023 retraité* |
2024 |
Immobilisations incorporelles et corporelles |
631,5 |
638,3 |
Immobilisations financières |
431,1 |
437,8 |
Stocks |
28,1 |
28,7 |
Créances |
126,8 |
115,7 |
Trésorerie active |
34,9 |
38,0 |
Autres |
46,4 |
59,5 |
Total |
1 298,8 |
1 317,9 |
* : les retraitements, qui peuvent procéder de changements de méthodes comptables ou consister en des corrections d’erreurs intervenues en 2024 sur les états financiers de l’exercice 2023, sont présentés par la note 2 du compte général de l’État.
N.B. : En raison d’effets d’arrondi, le résultat d’une somme peut différer de l’addition des termes.
Source : PLRG 2024.
Les immobilisations incorporelles et corporelles de l’État et les immobilisations financières de l’État sont respectivement évaluées, à la clôture de l’exercice 2024, à 638,3 milliards d’euros et à 437,8 milliards d’euros. À elles seules, elles constituent un peu plus de 81 % de l’actif de l’État.
Cette hausse des immobilisations de 13,5 milliards d’euros s’explique notamment par l’acquisition et la valorisation de constructions, et de matériels et encours de développements militaires.
Les stocks, les créances et les charges constatées d’avance s’élèvent au 31 décembre 2024, respectivement à 28,7 milliards d’euros, 115,7 milliards d’euros et 59,1 milliards d’euros ([98]).
L’actif circulant hors trésorerie ([99]), somme de ces trois catégories, est ainsi évalué à 203,5 milliards d’euros au 31 décembre 2024 contre 201,0 milliards d’euros au 31 décembre 2023, soit une progression de 2,5 milliards d’euros.
Cette hausse est en partie portée par une progression des charges constatées de 13,1 milliards d’euros, principalement sous l’effet de la forte hausse des décotes constatées sur les émissions d’OAT (+ 13,7 milliards d’euros).
La trésorerie active ([100]) s’élève à 38 milliards d’euros au 31 décembre 2024, en légère augmentation par rapport à 2023 (+ 3,1 milliards d’euros). Cela s’explique par la forte hausse des créances résultant des opérations à court terme de l’État (+ 16,4 milliards d’euros), elle-même partiellement compensée par une baisse des fonds bancaires et fonds de caisse (– 12,6 milliards d’euros) qui traduisent la position du compte courant du Trésor à la Banque de France.
Évolution du passif de l’État
(en milliards d’euros)
Catégorie de passif |
2023 retraité |
2024 |
Dettes financières |
2 476,9 |
2 648,4 |
Dettes non financières |
279,7 |
275,2 |
Provisions pour risques et charges |
186,0 |
161,5 |
Trésorerie passive |
164,6 |
158,6 |
Autres (régularisation et autres passifs) |
60,1 |
61,4 |
Total |
3 167,3 |
3 305,1 |
N.B. : En raison d’effets d’arrondi, le résultat d’une somme peut différer de l’addition des termes.
Source : PLRG 2024.
Le passif de l’État, constitué de dettes financières, augmente de 137,8 milliards d’euros en 2024.
Le niveau des dettes financières ([101]) s’établit à 2 648,4 milliards d’euros au 31 décembre 2024, en hausse de 171,5 milliards d’euros par rapport à 2023.
L’augmentation des dettes financières résulte essentiellement de l’augmentation des titres négociables (+ 174,6 milliards d’euros), très légèrement atténuée par une variation à la baisse des emprunts repris de tiers (– 2,7 milliards d’euros).
Situation nette et poids de la dette financière de l’état depuis 2014
Source : exposé général des motifs du PLRG 2024.
Les dettes non financières ([102]) s’élèvent à 275,2 milliards d’euros au 31 décembre 2024, enregistrant une diminution de 4,5 milliards d’euros par rapport à leur montant du 31 décembre 2023. Cette évolution est le solde de plusieurs effets, en particulier :
– la baisse des produits constatés d’avance (– 6,1 milliards d’euros) liée à la forte baisse des primes constatées sur les émissions d’obligations assimilables du Trésor (OAT) ;
– l’augmentation des dettes de fonctionnement (+ 1,2 milliard d’euros), comprenant les dettes à l’égard de fournisseurs.
Les provisions pour risques et charges ([103]) diminuent de 24,5 milliards d’euros par rapport à 2023, pour s’établir à 161,5 milliards d’euros. Les années 2022 et 2023 avaient été marquées par une augmentation de ces provisions. La diminution au cours de l’exercice 2024 s’explique essentiellement par la baisse des provisions pour transferts (– 25,8 milliards d’euros), presque intégralement portée par l’extinction graduelle des boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité (– 25,5 milliards d’euros).
La trésorerie passive correspond aux dépôts des correspondants du Trésor et assimilés, c’est-à-dire des organismes tenus de déposer leurs fonds auprès de l’État ou autorisés à le faire. Elle est de 158,6 milliards d’euros au 31 décembre 2024, en diminution de – 5,9 milliards d’euros par rapport à la fin de l’exercice 2023.
III. Les engagements hors bilan
Les engagements hors bilan donnés par l’État sont constitués de l’ensemble des obligations potentielles qui, sans réunir les critères d’inscription au bilan ou au compte de résultat, s’imposent à l’État et sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur sa situation financière.
Leur valeur a baissé en 2024 pour s’élever à 3 861 milliards d’euros à la fin de l’année 2024, contre 4 138 milliards d’euros au 31 décembre 2023. Ils se divisent en trois grandes catégories traitées par ordre d’importance ci-après.
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (p. 18).
Les engagements hors bilan relatifs aux retraites (1 641 milliards d’euros) sont en baisse de 200 milliards par rapport à 2023, à la suite de la hausse du taux d’actualisation indexé sur l’inflation. Leur évaluation est en effet très sensible au taux d’actualisation retenu – qui correspond à la valeur des OAT indexées sur l’indice des prix de la zone euro (OAT€i) de long terme – pour évaluer le besoin de financement pluriannuel au titre des régimes de retraite entrant dans ce périmètre.
Les engagements pris dans le cadre d’accords bien définis ([104]) s’élèvent à 1 559 milliards d’euros, soit une diminution de 14 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023.
Cette évolution trouve son origine dans la baisse des engagements financiers de l’État (- 31,5 milliards d’euros), et de celle de l’encours de la dette garantie par l’État (- 23,7 milliards d’euros). Cette baisse se trouve toutefois atténuée par la hausse de 48,5 milliards d’euros de l’encours de l’épargne garantie par l’État.
Enfin, les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l’État ([105]) diminuent de 74,3 milliards d’euros, principalement en raison de la baisse de 48,6 milliards d’euros de l’engagement relatif aux régimes spéciaux de retraite, dont SNCF et RATP.
IV. une certification des comptes soulignant des anomalies et assortie de réserves, dont la cour des comptes déplore la récurrence et l’absence de prise en compte par le gouvernement
● Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 47-2 de la Constitution dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères » et qu’« ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Le troisième alinéa de l’article 27 de la LOLF prévoit que « les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».
Le législateur organique a ainsi confié à la Cour des comptes la mission de certifier la légalité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, les comptes de l’État ont été systématiquement certifiés, même si cette certification a toujours été assortie de réserves. Les premières années ont été marquées par des progrès significatifs, ce qui a permis, en dix ans, la levée de quatorze réserves.
● À partir de l’exercice 2016, les comptes de l’État ont été certifiés réguliers et sincères, sous quatre réserves substantielles invariantes :
– les limites générales dans l’étendue des vérifications ;
– les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles ;
– les anomalies relatives aux immobilisations financières ;
– les anomalies relatives aux charges et aux produits régaliens.
Dans un effort de lisibilité, la Cour des comptes a choisi, à partir de la certification des comptes de l’année 2021, de modifier la présentation de son rapport. Ainsi, elle a reclassé les vingt-deux constats d’audits, regroupés en quatre réserves en 2020, en observations, au sein desquelles sont distinguées, d’une part, « les anomalies significatives » et, d’autre part, les « insuffisances d’éléments probants ».
● Ainsi, dans son rapport intitulé Acte de certification, la Cour a émis une opinion « avec réserves » sur le compte général de l’État 2024 et relève à nouveau, comme pour l’exercice 2023, cinq anomalies ([106]) significatives :
– la sous-évaluation des provisions et dépréciations liées aux matériels militaires : selon la Cour, alors que les performances opérationnelles de ces matériels sont manifestement inférieures à leur niveau nominal, la perte de potentiel de service correspondante n’est qu’en partie traduite dans les comptes de l’État, ce qui représente une surévaluation d’au moins 3 milliards d’euros (sur 46 milliards d’euros) ; par ailleurs, les charges de « gros entretien » et de « grandes visites » les concernant (au moins 3 milliards d’euros) ne sont pas provisionnées ;
– la surévaluation de la participation de l’État dans EDF à hauteur de 11 milliards d’euros (sur 71 milliards d’euros) ;
– la sous-évaluation à hauteur de 29 milliards d’euros de la participation de l’État dans la Caisse des dépôts et consignations ainsi que la classification, à tort, du Fonds d’épargne de celle-ci parmi les participations financières de l’État (8 milliards d’euros) ;
– l’absence de mention de certains engagements hors bilan pris par l’État actionnaire, notamment celui de garantir la dette de Bpifrance à hauteur de 54 milliards d’euros ;
– l’absence de prise en compte dans la liste des engagements hors bilan de l’engagement pris par l’État pour le remboursement de l’emprunt émis par l’Union européenne pour financer le plan de relance (75 milliards d’euros), tout comme pour l’engagement pris au titre du soutien financier européen à l’Ukraine (9 milliards d’euros).
La Cour met également en évidence l’absence d’éléments probants suffisants et appropriés pour fonder son option sur onze postes des états financiers – soit le même nombre qu’en 2023 –, pour lesquels on ne peut exclure le risque qu’ils comportent des anomalies significatives dans les comptes de l’État pour l’exercice 2024. Si leur nombre est identique par rapport à l’exercice 2023, deux incertitudes ont disparu ([107]) et deux nouvelles sont apparues. Ces postes sont les suivants :
– la valeur du patrimoine immobilier ;
– la valeur du réseau routier ;
– la valeur des actifs liés aux programmes d’armement ;
– la valeur des stocks militaires ;
– la valeur de certaines entités contrôlées par l’État ;
– la valeur des créances fiscales ;
– le provisionnement des obligations de dépollution et de désamiantage ;
– le montant des charges payées par des opérateurs pour le compte de l’État ;
– le montant des produits fiscaux ;
– l’absence de mention des engagements pris dans le domaine de la formation professionnelle (nouvelle incertitude) ;
– la surévaluation des engagements pris par l’État envers les régimes spéciaux de retraite (nouvelle incertitude).
● Faisant le constat qu’aucune amélioration significative n’a vu le jour au cours des dernières années, le Premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Moscovici, auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 16 avril 2025, s’est dit « désolé et, pour être honnête, franchement agacé que, pour la dix-neuvième année consécutive, les comptes de l’État ne soient pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives » ([108]).
Il a ajouté que « les points qui fondent l’opinion avec réserves de la Cour peuvent se répartir en deux catégories : ceux pour lesquels la fiabilisation des chiffres requiert d’importants travaux de l’administration, et ceux qui correspondent à un refus persistant de l’administration d’appliquer les principes et les normes comptables communément acceptés » en précisant qu’« il est compréhensible que l’administration ne puisse pas mener de front tous les travaux qui permettent d’améliorer la fiabilité des chiffres, mais il est anormal qu’elle se refuse à corriger des anomalies de comptabilisation ».
Le Premier président de la Cour des comptes a souligné que, si la Cour a toujours certifié les comptes jusqu’à présent, compte tenu de « l’absence systématique de suites données à la certification que nous publions annuellement », elle « s’interroge sur l’évolution de sa position à l’occasion des comptes de 2025 » : « En l’absence de progrès significatifs en 2025, notamment concernant la résolution des anomalies significatives, la Cour pourrait être amenée à tirer des conclusions, dans son opinion, en cohérence avec les normes internationales auxquelles elle se réfère. Autrement dit, elle pourrait refuser de certifier les comptes de l’État et de la sécurité sociale ([109]) ».
La conséquence d’un refus de certification serait d’ordre réputationnel, par la perte de crédibilité financière de l’État auprès des marchés financiers, et pourrait se matérialiser, entre autres, par une baisse de la note de l’État attribuée par les agences de notation, rendant plus coûteux les emprunts sur les marchés.
Si le Gouvernement n’a pas fait publiquement mention des suites qu’il entend donner au constat formulé par le Premier président, ni à la lettre adressée par celui-ci au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ainsi qu’à la ministre chargée des comptes publics, le Premier président de la Cour des comptes a indiqué, dans un entretien accordé au journal La Tribune publiée le 20 mai 2025, qu’il estimait que « le message [avait été] entendu ».
— 1 —
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article liminaire.
L’article liminaire du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 met en œuvre l’article 1er I de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([110]), lequel a été introduit par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([111]). Avant l’exercice 2023, les dispositions applicables à l’article liminaire des lois alors dites de règlement figuraient à l’article 8 de la loi du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([112]).
● Outre la codification dans la LOLF de ces dispositions, la loi organique du 28 décembre 2021 a prévu un enrichissement de l’information fournie par l’article liminaire.
Article 1er I de la loi organique relative aux lois de finances
La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année à laquelle elle se rapporte :
1° Le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution ;
2° Les dépenses des administrations publiques résultant de l’exécution, exprimées en milliards d’euros courants, ainsi que l’évolution des dépenses publiques sur l’année, exprimée en volume ;
3° Les prélèvements obligatoires, les dépenses et l’endettement de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution, exprimés en pourcentage du produit intérieur brut.
L’article liminaire présente également, pour l’année en question, les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E.
Le cas échéant, l’écart par rapport aux prévisions de soldes de la loi de finances de l’année et de la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer, pour cette même année, dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.
Ainsi, sur le modèle du tableau de synthèse figurant à l’article liminaire des projets de loi de règlement afférents aux exercices antérieurs à 2023, un tableau de synthèse retrace le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année 2024, les soldes prévus par la loi du 29 décembre 2023 de finances initiale (LFI) pour 2024 ([113]) et par la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 ([114]), ainsi que l’écart aux soldes prévus.
solde des administrations publiques
(en points de PIB)
Solde |
Exécution 2024 |
LFI 2024 |
LPFP 2023-2027 (année 2024) |
||
Prévision |
Écart |
Prévision |
Écart |
||
Solde structurel (en points de PIB potentiel) |
– 5,2 |
– 3,7 |
– 1,5 |
– 3,7 |
– 1,5 |
Solde conjoncturel |
– 0,5 |
– 0,6 |
+ 0,1 |
– 0,6 |
+ 0,1 |
Mesures ponctuelles et temporaires |
– 0,1 |
– 0,1 |
0,0 |
– 0,1 |
0,0 |
Solde effectif |
– 5,8 |
– 4,4 |
– 1,4 |
– 4,4 |
– 1,4 |
Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (PLRG 2024).
Les différentes composantes du déficit public de 2024 sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 1).
● Aux termes de la LOLF dans sa rédaction issue de la loi organique du 28 décembre 2021 précitée, le tableau de synthèse présente également le niveau, en 2024, de :
– la dette au sens de Maastricht, exprimée en pourcentage de produit intérieur brut ;
– le taux de prélèvements obligatoires, exprimé en pourcentage de produit intérieur brut ;
– la dépense publique (hors crédits d’impôt) en pourcentage de produit intérieur brut et en valeur ;
– l’évolution de la dépense publique (hors crédits d’impôt) en pourcentage ;
– l’investissement, exprimé en valeur.
Chacune de ces données est complétée par l’indication des prévisions respectives de la loi de finances initiale pour 2024 et de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que des écarts à ces prévisions.
Dette, prélèvements obligatoires et dépense publique en 2024
(en points de PIB sauf mention contraire)
|
Exécution 2024 |
LFI 2024 |
LPFP 2023-2027 (année 2024) |
||
Prévision |
Écart |
Prévision |
Écart |
||
Dette au sens de Maastricht |
113,0 |
109,7 |
+ 3,3 |
109,7 |
+ 3,3 |
Taux de prélèvements obligatoires |
42,8 |
44,1 |
– 1,3 |
44,1 |
– 1,3 |
Dépense publique hors CI |
56,4 |
55,4 |
+ 1,0 |
55,3 |
+ 1,1 |
Dépense publique hors CI (en milliards d’euros) |
1 650 |
1 624 |
+ 26 |
1 622 |
+ 28 |
Évolution de la dépense publique hors CI (en %) |
+ 2,0 |
+ 0,7 |
+ 1,3 |
+ 0,5 |
+ 1,5 |
Principales dépenses d’investissement |
26 |
30 |
– 4 |
30 |
– 4 |
Source : PLRG 2024.
●
Le taux de prélèvements obligatoires atteint, en 2024, 42,8 %, niveau en retrait de 1,3 point par rapport à la prévision de la loi de finances initiale et de 0,4 point par rapport à l’année 2023. L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) indique que « la croissance spontanée – c’est-à-dire la croissance effective corrigée des mesures nouvelles – des prélèvements obligatoires s’établit plus bas que l’activité en valeur (+ 2,1 % contre +3,3 %, en euros courants), principalement grevée par une composition de la croissance davantage tirée par le commerce extérieur que la demande intérieure et une croissance spontanée de la TVA très en deçà de son assiette macro-économique ». Si « les recettes des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), l’impôt sur le revenu ainsi que l’impôt sur les sociétés sont aussi moins dynamiques que l’activité […], […] les cotisations et les prélèvements sociaux sur le capital […] croissent plus fortement que l’activité ». Les mesures nouvelles, pour leur part « ont un effet positif à hauteur de 3,6 milliards d’euros, porté essentiellement par la fin partiellement anticipée du bouclier tarifaire sur l’électricité et la hausse de l’accise sur le gaz naturel », mais « ces hausses sont en partie compensées par la chute, en 2024, du rendement de certaines recettes en lien avec les prix élevés de l’énergie (contribution sur les rentes infra-marginales, recettes issues du soutien aux énergies renouvelables) » ([115]).
Le ratio de dépense publique s’établit à 56,4 % du PIB, soit une hausse d’un point par rapport à la prévision initiale. Si le montant des dépenses publiques est supérieur de 26 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale et de 28 milliards d’euros à l’objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques, en base 2014, il convient de noter que le seul passage en base 2020 des comptes nationaux ([116]) a pour conséquence de rehausser le niveau des dépenses publiques d’environ 14 milliards d’euros, notamment en raison de l’intégration du compte complet de SNCF Réseau dans les comptes nationaux, avec un effet d’environ 10 milliards d’euros, et d’un nouveau traitement des corrections liées à la recherche et développement dans la sphère publique, avec un effet d’environ 4 milliards d’euros.
● La hausse de 2 % en volume de la dépense publique (hors crédits d’impôt et hors transferts à champ constant), par rapport à 2023, traduit une évolution contrastée entre sous-secteurs. Elle est marquée par une meilleure maîtrise que prévu des dépenses de l’État et une progression plus dynamique des dépenses des administrations publiques locales et de sécurité sociale.
– La dépense des collectivités locales pour 2024, qui a augmenté en volume de 3,1 %, a été globalement plus élevée que la prévision du PLF pour 2024, pour un effet sur le solde public de – 6,9 milliards d’euros partagé entre – 6,3 milliards d’euros au titre des dépenses de fonctionnement (+ 3,5 %) et – 0,5 milliard d’euros pour l’investissement (+ 7,3 %) ;
– Les dépenses sociales ont également été revues à la hausse, notamment en raison du dépassement de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour 1,5 milliard d’euros, soit une évolution de + 3,3 % contre + 2,9 % anticipé en loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, et de la hausse des dépenses d’assurance chômage pour un total de + 3,3 milliards d’euros ; l’augmentation des dépenses des administrations de sécurité sociale atteint ainsi 3,6 % en volume ;
– Comme détaillé dans les fiches 3 et 4 du présent rapport, les dépenses entrant dans le périmètre des dépenses de l’État (PDE) tel que défini par l’article 10 de la LPFP 2023-2027 ont pu être minorées de plus de 7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, ce qui se traduit par une baisse en volume des dépenses des administrations centrales, à hauteur de 0,7 %.
Taux d’évolution de la dépense publique en volume (hors CRÉdits d’impôt, hors transferts à champ constant)
(en %)
|
Évolution de la dépense publique en 2023 |
Prévision d’évolution de la dépense publique en 2024 par la LFI 2024* |
Évolution de la dépense publique en 2024 |
Administrations publiques centrales |
– 4,0 |
– 1,0 |
– 0,7 |
Administrations publiques locales |
2,4 |
0,9 |
3,1 |
Administrations de sécurité sociale |
– 0,1 |
1,9 |
3,6 |
Toutes administrations publiques |
– 1,1 |
0,7 |
2,0 |
(*) Les données relatives à la LFI 2024 sont en base 2014.
Source : réponses transmises au rapporteur général par le Gouvernement.
En définitive, la hausse en valeur de la dépense publique entre 2023 et 2024 a atteint environ 61 milliards d’euros, dont près des deux tiers sont imputables aux dépenses des administrations de sécurité sociale (+ 41 milliards d’euros), un peu moins d’un quart aux collectivités territoriales (+ 14 milliards d’euros), tandis que la dépense des administrations publiques centrales a augmenté d’environ 5 milliards d’euros.
Évolution de la dÉpense publique en valeur (hors crÉdits d’impôt)
(en milliards d’euros)
|
Dépense publique en 2023 |
Dépense publique en 2024 |
Évolution de la dépense entre 2023 et 2024 |
Administrations publiques centrales |
646 |
651 |
+ 5 |
Administrations publiques locales |
316 |
330 |
+ 14 |
Administrations de sécurité sociale |
736 |
777 |
+ 41 |
Toutes administrations publiques |
1 589 |
1 650 |
+ 61 |
Note : Les données relatives à la LFI 2024 sont en base 2014. La somme des dépenses des différents sous-secteurs des administrations est supérieure à l’agrégat des dépenses de toutes les administrations publiques, de fait de flux et retraitements entre les sous-secteurs.
Source : commission des finances, d’après les réponses transmises au rapporteur général par le Gouvernement.
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 1er.
Conformément au I de l’article 37 de la LOLF ([117]), l’article 1er du projet de loi relative aux résultats de la gestion et d’approbation des comptes de l’année arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État en 2024, duquel découle le résultat budgétaire ou le solde d’exécution des lois de finances.
Le I arrête le résultat budgétaire de l’État en 2024 à – 155,9 milliards d’euros ; le déficit budgétaire est ainsi supérieur de 9 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances pour 2024 mais inférieur de 17 milliards d’euros au déficit constaté pour l’exercice 2023.
Le II arrête, dans un tableau, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux de l’année 2024. Les données présentées sont calculées hors opérations avec le Fonds monétaire international (FMI) ([118]).
Le montant net des recettes, y compris les fonds de concours et après déduction des prélèvements sur recettes pour l’Union européenne et les collectivités territoriales, atteint 289,5 milliards d’euros, contre 286,4 milliards d’euros en 2023 (+ 3,1 milliards d’euros).
Les dépenses du budget général s’élèvent quant à elles à 443,4 milliards d’euros, contre 454,6 milliards d’euros en 2023 (– 11,2 milliards d’euros), tandis que les soldes des comptes spéciaux hors opérations avec le FMI s’améliorent par rapport à 2023, passant de – 5,1 milliards d’euros à – 2,35 milliards d’euros (soit une amélioration de 2,75 milliards d’euros).
Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport.
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 2.
Conformément au II de l’article 37 de la LOLF, l’article 2 du projet de loi arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année 2024. Le besoin et les ressources de financement sont ainsi arrêtés à 305,7 milliards d’euros.
Ressources et charges de trÉsorerie de l’annÉe 2024
(en milliards d’euros)
Besoin et ressources de financement de l’État |
Exécution 2024 |
Besoin de financement |
305,7 |
Amortissement de la dette à moyen et long termes |
155,1 |
dont remboursement du nominal à valeur faciale |
151,1 |
dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés) |
4,0 |
Amortissement SNCF réseau |
2,7 |
Amortissement des autres dettes |
0,0 |
Déficit à financer |
155,9 |
Autres besoins de trésorerie |
– 8,1 |
Ressources de financement |
305,7 |
Émissions de dette à moyen et long termes, nettes des rachats |
285,0 |
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement |
6,5 |
Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme |
31,9 |
Variation des dépôts des correspondants |
– 5,9 |
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État |
– 3,4 |
Autres ressources de trésorerie |
– 8,4 |
Source : article 2 du projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes de l’année 2024.
Cet article présente les flux de trésorerie ayant concouru à l’équilibre financier de l’État et non à son équilibre comptable, défini en comptabilité générale et budgétaire de l’État.
Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 5).
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 3.
L’article 3 du projet de loi soumet à l’approbation du Parlement les états financiers de l’État. Aux termes du paragraphe III de l’article 37 de la LOLF, « la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année approuve le compte de résultat de l’exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées » et « elle affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes ».
Le I approuve le compte de résultat de l’exercice relatif à l’année 2024, lequel fait ressortir un résultat patrimonial de – 123,7 milliards d’euros, en amélioration de 1,8 milliard d’euros par rapport à l’exercice 2023, et mentionne dans un tableau les charges et produits de l’État.
Le II affecte au bilan ce résultat à la ligne « report des exercices antérieurs ».
Le III approuve le bilan après affectation du résultat comptable. La situation nette du bilan de l’État s’établit ainsi à – 1 987,2 milliards d’euros au 31 décembre 2024, contre – 1 875,1 milliards d’euros en 2023.
Le IV approuve les informations complémentaires figurant à l’annexe du compte général de l’État.
Par ailleurs, l’article 47-2 de la Constitution, issu de sa révision du 23 juillet 2008, prévoit que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».
Sur ce fondement, la Cour des comptes est chargée de procéder à la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État en application du 5° de l’article 58 de la LOLF. Au mois d’avril 2025 ([119]), la Cour a certifié que « sous réserve des incidences des problèmes décrits dans la section « Fondements de l’opinion avec réserve », le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l’État à la clôture de l’exercice ».
La Cour des comptes formule, dans son rapport sur la certification des comptes de l’État, seize observations, dont cinq relatives à des « anomalies significatives » et onze à des « insuffisances d’éléments probants ».
Auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 16 avril 2025, le Premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Moscovici, s’est dit « désolé et, pour être honnête, franchement agacé que pour la dix-neuvième année consécutive, les comptes de l’État ne soient pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives », précisant qu’« en l’absence de progrès significatifs en 2025, notamment concernant la résolution des anomalies significatives, [la Cour] pourrait refuser de certifier les comptes de l’État et de la sécurité sociale » ([120]).
Par ailleurs, si le nombre des anomalies significatives relevées et celui des observations relatives à des insuffisances d’éléments probants sont inchangés, il convient de noter que, par rapport aux observations formulées en 2024 par la Cour à propos des comptes de l’année 2023, deux incertitudes ont disparu et deux nouvelles sont apparues.
Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 6).
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 4.
L’article 4 arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés sur le budget général.
Aux termes du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF ([121]), cet article « ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».
À ce titre, il ouvre des crédits complémentaires pour un montant de 1,13 million d’euros en AE et en CP, destinés quasi intégralement au programme Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État, ainsi que, de façon très marginale, au financement du programme relatif aux impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements. Il convient de souligner le niveau très faible de ces ouvertures complémentaires par rapport aux projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour les années 2022 et 2023, où l’ouverture en CP de 183,1 millions d’euros puis de 522,5 millions d’euros avait été demandée.
L’article 4 procède également à l’annulation de crédits non consommés et non reportés à hauteur de 8,7 milliards d’euros en AE et 4,5 milliards d’euros en CP, dont 1,6 milliard d’euros en AE sur la mission Plan de relance, 1,5 milliard d’euros en AE et en CP au titre du programme relatif aux impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements, ainsi que 803,5 millions d’euros en AE et 792,4 millions d’euros en CP sur la mission Engagements financiers de l’État.
L’annexe au projet de loi intitulée « Développement des opérations constatées au budget général » ([122]) a pour objet de détailler la situation définitive des ouvertures en AE et en CP, les dépenses constatées sur le budget général et les modifications demandées en loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.
Les données retracées par l’article 4, relatives aux dépenses de l’État et aux modifications de crédits intervenues au cours de l’exercice 2024, sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiches 3 et 4).
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 5.
L’article 5 du projet de loi arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés en 2024 sur les budgets annexes.
Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens présente un niveau de consommation de 2,3 milliards d’euros en AE et 2,2 milliards d’euros en CP au titre de l’exercice 2024. Le budget annexe Publications officielles et information administrative présente un niveau de consommation de 141,4 millions d’euros en AE et 138,7 millions d’euros en CP.
En application du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, l’article procède également à l’annulation d’AE non engagées et non reportées au titre de l’exercice 2024 sur :
– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 7,5 millions d’euros ;
– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 5,9 millions d’euros.
Parallèlement, il annule les CP non consommés et non reportés sur :
– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 18,5 millions d’euros ;
– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 4,7 millions d’euros.
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 6.
Le I de l’article 6 du projet de loi arrête dans un tableau le montant des autorisations d’engagement consommées sur les comptes spéciaux, au 31 décembre 2024, par mission et programme.
Autorisations d’engagement ouvertes et consommÉes des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers
(en milliards d’euros)
Année |
Autorisations d’engagement ouvertes |
Autorisations d’engagement consommées |
Écart |
2017 |
204,3 |
200,4 |
– 3,9 |
2018 |
207,3 |
198,7 |
– 8,6 |
2019 |
210,1 |
189,7 |
– 20,4 |
2020 |
228,0 |
204,9 |
– 23,1 |
2021 |
199,6 |
192,0 |
– 7,6 |
2022 |
215,5 |
206,2 |
– 9,3 |
2023 |
224,8 |
218,6 |
– 6,2 |
2024 |
229,1 |
221.2 |
– 7,9 |
Source : lois de finances, lois de règlement, projets de lois de règlement et projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année successifs.
Le II arrête dans un tableau les résultats des comptes spéciaux en crédits de paiement, au 31 décembre 2024, par mission et programme.
crÉdits de paiement ouverts et consommÉs
des comptes d’affectation spÉciale
et comptes de concours financiers
(en milliards d’euros)
Année |
Crédits de paiement ouverts |
Crédits de paiement consommés |
Écart |
2017 |
203,0 |
198,1 |
– 4,9 |
2018 |
205,8 |
198,6 |
– 7,2 |
2019 |
210,0 |
191,2 |
– 18,8 |
2020 |
228,2 |
205,3 |
– 22,9 |
2021 |
199,8 |
192,2 |
– 7,6 |
2022 |
214,8 |
206,2 |
– 8,6 |
2023 |
224,9 |
219,3 |
– 5,5 |
2024 |
229,1 |
221,2 |
– 7,9 |
Source : lois de finances, lois de règlement, projets de loi de règlement et projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année successifs.
Le III arrête, dans un tableau, à la date du 31 décembre 2024, les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2025.
Le IV reporte à la gestion 2025 les soldes arrêtés au III à l’exception de ceux présentés dans le tableau ci-dessous.
Soldes non reportÉs sur la gestion 2025
(en millions d’euros)
Compte |
Solde non reporté |
Compte de concours financiers Prêts à des États étrangers |
– 377,8 |
Compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
– 24 |
Compte de commerce Opérations commerciales des domaines |
211,9 |
Compte d’opérations monétaires Émission des monnaies métalliques |
395,3 |
Compte d’opérations monétaires Pertes et bénéfices de change |
– 141,1 |
Source : PLRG 2024.
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 7.
L’article 7 du projet de loi affecte le résultat patrimonial de l’exercice 2021 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État.
Aux termes du III de l’article 37 de la LOLF, la loi de règlement jusqu’en 2022 et la loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes à compter de l’année 2023 « affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice ». Comme l’indique la présentation des états de synthèse comptables du compte général de l’État, « cette affectation se traduit par une écriture spécifique donnant au résultat de l’exercice approuvé son imputation définitive dans les comptes, qui, dans la situation nette au bilan, est retracée dans le poste “Report des exercices antérieurs” » ([123]).
Le rejet du projet de loi de règlement de l’exercice 2021 (PLR 2021) ayant empêché la réalisation de cette opération au cours de l’exercice 2022, une procédure spécifique d’imputation du résultat 2021 dans les comptes 2022 a été définie, consistant à intégrer au plan comptable de l’État un nouveau compte, le compte 88 Solde d’exercices antérieurs en attente d’affectation, sur lequel le résultat de l’exercice 2021 a été imputé dans l’attente de son affectation définitive. Afin de donner au lecteur des états financiers la meilleure information sur cette situation sans précédent, un poste supplémentaire a en conséquence été créé dans la situation nette du bilan. À la suite d’un deuxième rejet du PLR 2021 par le Parlement en 2023, le résultat comptable de l’exercice 2021 demeure imputé sur le poste Solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation.
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 8.
L’article 8 du projet de loi affecte le résultat patrimonial de l’exercice 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État.
Le rejet du projet de loi de règlement de l’exercice 2022 (PLR 2022) ayant empêché cette affectation définitive au cours de l’exercice 2023, le résultat patrimonial de l’exercice 2022, suivant une logique similaire à celle qui avait été retenue pour le résultat patrimonial de l’année précédente ([124]), a été imputé dans les comptes sur le poste Solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation.
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 9.
L’article 9 du projet de loi affecte le résultat patrimonial de l’exercice 2023 au report des exercices antérieurs du bilan de l’État.
Le rejet du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLRG 2023) ayant empêché cette affectation définitive au cours de l’exercice 2024, le résultat patrimonial de l’exercice 2023, suivant une logique similaire à celle qui avait été retenue pour le résultat patrimonial des deux années précédentes ([125]), a été imputé dans les comptes sur le poste Solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation.
*
* *
Position de la commission des finances
Avant d’adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, la commission a supprimé l’article 10.
Les 4° et 5° du IV de l’article 37 de la LOLF prévoient que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année – ou, dans la rédaction de cet article 37 antérieure à la loi organique du 28 décembre 2021 ([126]) article, la loi de règlement –, d’une part, « arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l’exercice suivant » et, d’autre part, « apure les profits et pertes survenus sur chaque compte spécial ».
En application de ces dispositions, l’article 7 du projet de loi de règlement pour 2022 (PLR 2022) avait pour objet d’arrêter le solde du compte spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce à un montant créditeur, apuré, de 799,8 millions d’euros, le compte ayant été clos au 1er janvier 2023. L’opération n’a pu être réalisée en raison du rejet de ce texte ainsi que du rejet ultérieur du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (PLRG 2023), dont l’article 9 reprenait à l’identique l’article 7 du PLR 2022.
Le même dispositif figure donc à l’article 10 du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
Le compte d’affectation spéciale (CAS) Participation de la France au désendettement de la Grèce a été créé par l’article 21 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, afin de mettre en œuvre les engagements pris par la France concernant le reversement à la Grèce des revenus tirés des titres de dette grecque détenus par la Banque de France. Les États membres de la zone euro devaient ainsi participer à la réduction de la dette publique grecque. Les versements, qui étaient conditionnés au respect par la Grèce d’engagements pour renforcer la soutenabilité de sa dette, ont été suspendus entre 2015 et 2019.
Ce compte, qui devait initialement être clôturé au 31 décembre 2020, retraçait :
– en recettes, le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France à l’État au titre de la restitution des revenus qu’elle avait perçus sur les titres grecs ;
– en dépenses, les versements de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur ses titres, ainsi que des rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France.
L’article 91 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 en a repoussé la clôture au 31 décembre 2022 pour tenir compte des suspensions et décalages de paiement intervenus. À cette date, le solde des opérations antérieurement enregistrées sur ce compte est affecté au budget général de l’État.
Il convient de rappeler le caractère purement comptable de l’opération qui est l’objet de l’article.
Sur le plan budgétaire, le solde de ce compte a été incorporé, chaque année, à la ligne Compte d’affectation spéciale du tableau récapitulatif du budget de l’État figurant à l’article 1er de chaque loi de règlement. Tantôt débiteur tantôt créditeur au gré des exercices, le solde du CAS a donc alimenté le résultat budgétaire de l’État chaque année entre 2012 à 2022, cette période correspondant à la durée de vie du CAS. Lorsque le solde du compte était créditeur, il améliorait le résultat budgétaire de l’État, tandis qu’il le diminuait lorsqu’il était débiteur. L’addition des soldes annuels du CAS durant toute sa durée de vie totalise un solde créditeur de 800 millions d’euros, ce qui signifie qu’il a amélioré d’autant les résultats budgétaires cumulés entre 2012 et 2022.
Le montant dont il est question constitue donc non pas une réserve de trésorerie inutilisée mais le solde comptable définitif du CAS agrégeant la différence entre les intérêts perçus et ceux rétrocédés à la Grèce entre 2012 et 2022. L’essentiel des profits a été rétrocédé à la Grèce, soit 2 milliards d’euros, à l’exception de ceux dégagés au titre des années 2015 et 2016 en raison de l’arrêt du deuxième programme d’assistance financière en Grèce en 2015.
La portée de cet article est ainsi celle d’une opération de régularisation comptable dépourvue de tout impact sur le déficit budgétaire.
*
* *
— 1 —
I. Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut conseil des finances publiques, sur le rapport sur le budget de l’État en 2024 et sur les avis du Haut conseil des finances publiques relatifs au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 et au rapport annuel d’avancement du plan budgétaire et structurel à moyen terme
M. le président Éric Coquerel. M. Pierre Moscovici, que nous auditionnons en sa double qualité de président du Haut conseil des finances publiques (HCFP) et de premier président de la Cour des comptes, est entendu à la fois sur :
– le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de l’État pour 2024 ;
– la certification des comptes de l’État par la Cour des comptes ;
– l’avis du Haut conseil des finances publiques sur le rapport annuel d’avancement relatif au plan budgétaire et structurel national à moyen terme, que le Gouvernement va présenter aux institutions européennes ;
– l’avis du Haut conseil sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
Dans l’avis sur le projet de loi de règlement, le Haut conseil identifie un écart important entre le résultat de l’exécution et les orientations pluriannuelles de solde structurel. Il déclenche, en conséquence, le mécanisme de correction prévu à l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), ce qui devrait conduire le gouvernement à présenter soit les mesures permettant de retourner aux orientations de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), soit une nouvelle loi de programmation conforme à la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme.
Cette audition sera suivie de celle des deux ministres, Éric Lombard et Amélie de Montchalin. Ces travaux permettront de préparer le débat en séance publique relatif au plan budgétaire et structurel à moyen terme, qui aura lieu le mardi 29 avril.
M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, président du Haut conseil des finances publiques. Je m’apprête à vous présenter deux rapports de la Cour des comptes et de deux avis du Haut conseil. J’appelle votre attention sur un point : si le rapport sur le budget de l’État (RBDE) et la certification des comptes de l’État portent uniquement sur les finances de l’État, les deux avis du HCFP portent sur celles de toutes les administrations, donc sur un périmètre plus large. Cela peut donner, non pas des confusions dans les chiffres, mais l’impression que les conclusions sont légèrement différentes.
Nous tenons beaucoup à la publication de ces rapports et avis et à leur présentation devant vous, mesdames et messieurs les députés. C’est un moment important pour les débats publics.
Il y a quelques jours, le ministre de l’économie a annoncé une révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2025, de 0,9 à 0,7 point de PIB. En outre, les turbulences au niveau international pourraient connaître de nouvelles évolutions, comme l’a indiqué hier le premier ministre. Ces éléments s’ajoutent aux fragilités initiales de notre trajectoire de moyen terme, déjà soulignées par la Cour et par le HCFP, mais ne doivent pas nous en faire dévier.
Si je n’avais qu'un mot à dire, c’est qu’il est impératif de respecter le programme structurel à moyen terme, le PSMT, à commencer par l’objectif de déficit de 5,4 % en 2025. C’est une question de crédibilité, de souveraineté et de soutenabilité.
Je remercie toutes les personnes qui ont participé à la confection de ces avis et rapports, en particulier la présidente de la première chambre, Carine Camby, et Nicolas Carnot qui est le nouveau rapporteur général du Haut conseil des finances publiques.
Je commencerai mon propos par la présentation du RBDE, qui porte uniquement sur le budget de l’État. En février, je vous présentais notre rapport sur la situation d’ensemble des finances publiques. Il qualifiait l’année 2024 comme celle d’une dérive inédite des finances publiques, principalement en raison d’une forte dynamique des dépenses des collectivités locales et des dépenses sociales. Le constat était un peu plus nuancé s’agissant de l’État, et notre rapport publié ce jour le confirme.
Le RBDE revient sur le déficit budgétaire toujours très élevé de l’État, qui accroît le besoin de financement et la dette au terme d’un exercice 2024 chaotique. En l’occurrence, ce déficit a atteint 156 milliards. C’est un mauvais résultat. Il est supérieur de 9 milliards à l’objectif fixé en loi de finances initiale pour 2024. Certes, il s’améliore de 17,1 milliards par rapport à 2023. Mais c’est vraiment le minimum, car la quasi-extinction des mesures exceptionnelles prises pour faire face à la hausse des prix de l’énergie représente une moindre dépense de 17 milliards. Il reste très élevé et éloigné du niveau constaté avant la crise sanitaire, puisque je rappelle qu’en 2019, le déficit budgétaire était de 92 milliards. Il est aussi supérieur à celui de 2022, marqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine et la montée de l’inflation au lendemain de la crise du covid.
Ce niveau toujours très élevé de déficit a plusieurs causes. Il est principalement imputable à la conception même du projet de loi de finances pour 2024, lequel était établi sur des bases peu réalistes. Nous avions jugé que la prévision de croissance initiale de 1,4 % était élevée. C’était le moins que nous puissions dire, puisque le consensus des économistes était alors de 0,8 %.
La partie « recettes » reposait sur ces prévisions de croissance surestimées. Elle a été abaissée de 0,4 point dès février 2024. Elle reposait sur des prévisions, élaborées à l’été 2023, nettement trop optimistes quant à l’évolution spontanée des grands impôts – une sorte de double surestimation de la croissance et de son effet mécanique sur l’assiette des impôts, qui a entraîné un écart majeur entre prévisions et réalisation.
Dans sa partie « dépenses », la loi de finances initiale (LFI) manquait singulièrement d’ambition. À part la fin de quelques mesures exceptionnelles, aucune réforme structurelle n’était inscrite dans le projet de loi de finances en dépit des revues de dépenses qui avaient commencé dès le début 2023.
À ces deux faiblesses de la LFI, s’est ajoutée l’ombre portée des très mauvais résultats de l’exercice 2023. La dégradation n’a été pleinement mesurée qu’en fin d'année, ce qui explique que l’effet de base qu’elle a engendré ne pouvait être que partiellement anticipé. Cela a eu pour effet de rendre inatteignables les objectifs de la LFI pour 2024 avant même que commence l’exercice.
Dans ces conditions, une loi de finances rectificative, en février ou en mars 2024, eût été non seulement logique, mais nécessaire pour tirer les leçons des résultats de 2023 et sauver le solde de 2024 – et, avec lui, la crédibilité de notre trajectoire.
En faisant le choix de ne pas déposer de projet de loi de finances rectificative (PLFR) – choix que je n’ai pas à discuter et qui était peut-être contraint par une situation politique –, le gouvernement s’est privé du seul vecteur qui eût permis un réel ajustement des recettes. À la place, il a incontestablement engagé une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères. Il a même pris deux décisions contradictoires : d’un côté, en février, l’annulation de 10 milliards de crédits et de l’autre, en mars, le report entrant de 16 milliards de crédits. C’est ce qui nous fait caractériser la gestion d’erratique et souligner le pilotage à vue en matière de crédits budgétaires.
Par la suite, la succession de reports, de gels, de surgels et de « rabots » a donné, c’est vrai, des résultats visibles en matière de maîtrise des dépenses. Mais l’économie in fine n’est pas pérenne.
La conséquence de ce déficit très élevé est un besoin de financement et une dette de l’État qui continuent d’augmenter et atteignent des niveaux toujours plus préoccupants.
À 305 milliards en 2024, le besoin de financement de l’État est supérieur de 85 milliards au niveau d’avant la crise sanitaire. Dans ce contexte, l’encours de dette continue d’augmenter – c’est mécanique, avec un déficit permanent et croissant à financer –, pour atteindre 2 602 milliards en fin d’exercice. Il a ainsi progressé de 1 075 milliards en dix ans, et de près de 780 milliards depuis 2019. C’est colossal, et cela pose la question du coût de la dette dans un contexte de taux d’intérêt plus élevés. Est intervenue, de surcroît, une dissolution de l’Assemblée qui a été sanctionnée par les marchés avec une augmentation des intérêts décaissés de près de 5 milliards, pour atteindre 46,5 milliards – je ne parle que de l’État.
Je rappelle, à cet égard, que la dernière mesure des taux français à dix ans était de 3,26 % et que le spread avec l’Allemagne est toujours à près de 80 points de base. Nous ne sommes plus dans une décennie miraculeuse, quand les taux baissaient tellement que la dette augmentait sans que son coût se ressente. C’est tout l’inverse, et cela va aller en s’accélérant. Je mets cela dans votre viseur, mesdames et messieurs les députés : on en parle moins que du déficit, qui correspond à la nouvelle dette, mais d’ici 2030, l’État devra avoir renouvelé 50 % de son encours, soit 1 300 milliards. Il le fera à un taux d’intérêt très supérieur à celui qui avait été émis il y a dix ans, ce qui aura sans aucun doute un impact sur le service de la dette.
Notre rapport analyse ensuite plus finement les composantes de ce solde.
Je débuterai par les recettes fiscales. Après une nette baisse de plus de 7 milliards en 2023, elles augmentent légèrement en 2024, ce qui les porte à 325,7 milliards. Cette progression est à relativiser. Elle est d’abord très modeste, puisqu’elle est inférieure à la croissance du PIB. Elle est ensuite uniquement tirée par des hausses d’impôts, et non par une dynamique d’ensemble.
Au-delà de cette relative progression par rapport à 2023, le plus frappant est que les recettes fiscales en 2024 sont, je ne vous apprends rien, très nettement inférieures aux prévisions de la loi de finances. Depuis cinq ans environ, des écarts importants sont constatés entre les prévisions et l’exécution des recettes fiscales, mais les mauvaises surprises en matière de recettes ont particulièrement marqué ces deux dernières années. L’écart considérable constaté en 2024 provient de multiples facteurs. Selon notre estimation, il s’explique aux deux cinquièmes par l’effet de base des mauvais résultats de 2023, les trois cinquièmes restants provenant de l’optimisme des prévisions en LFI pour 2024.
L’évolution spontanée, plus faible que prévu, a pesé sur les recettes fiscales nettes à hauteur de 19,2 milliards, dont 10,2 milliards sur le seul impôt sur les sociétés pour n’en citer qu’un. L’écart de prévision concernant cet impôt est considérable. Il représente 17,8 % de son produit final. En miroir, les mesures nouvelles de périmètre et de transfert de fiscalité ont permis d’augmenter les recettes fiscales nettes de 3,6 milliards, soit 5,6 milliards au-dessus de la prévision de la LFI pour 2024.
Comme je l’ai précisé devant votre commission d’enquête, dont les résultats ont été dévoilés hier, il est inconcevable de conserver de telles incertitudes dans les prévisions qui sous-tendent nos trajectoires de finances publiques. Il faut impérativement revoir notre façon d’élaborer nos prévisions. J’y reviendrai dans la présentation de l’avis du HCFP.
Une exigence de réalisme et une forme de prudence doivent guider les prévisions macroéconomiques. On sait toujours que faire d’une bonne surprise, tandis que les mauvaises surprises sont de plus en plus complexes à absorber. C’est une question de lucidité et de volonté politique. La volonté politique, c’est peut-être ce que l’on cherche pour réduire effectivement et durablement les dépenses de l’État en 2024. La normalisation du contexte économique, à l’automne 2023, aurait dû conduire à une action résolue pour retrouver des marges de manœuvre budgétaires et intégrer les économies structurelles inspirées par les revues de dépenses déjà lancées par le gouvernement. Force est de constater que cela n’a pas eu lieu. Les dépenses de l’État ont certes diminué de 11,3 milliards, pour s’établir à 443,4 milliards. Mais cette baisse s’explique d’abord par la résorption des dispositifs exceptionnels de soutien face à la hausse des prix de l’énergie, pour 17,3 milliards, ensuite par de bonnes surprises, notamment la diminution de la charge de la dette grâce à l’inflation.
En parallèle, les autres dépenses ont augmenté de 10,6 milliards, presque autant qu’en 2023. Pour être clair, concernant le cœur de la dépense, ce n’est pas bon.
Au-delà de ces grandes masses, le pilotage que nous qualifions à vue du gouvernement et la gestion erratique des dépenses ont permis d’annuler un total de 17,8 milliards de crédits sur l’année. Mais ces annulations ont en partie servi à compenser le dépassement de certaines dépenses, à hauteur de 8 milliards. Seule la différence, soit près de 10 milliards, a permis de limiter l’ampleur du dérapage, sans toutefois l’empêcher.
Nos analyses convergent vers un impératif – toujours le même, que je ne cesserai de répéter et de marteler jusqu’à ce qu’il soit pris en compte : il est urgent que l’exercice des revues de dépenses engagé début 2023 prenne enfin l’ampleur et la portée nécessaires pour enclencher une véritable révolution, en tout cas une profonde évolution de la dépense publique, qu’il permette de renforcer la qualité de cette dépense, et qu’il étaye de manière crédible le projet de loi de finances pour 2026 dont la préparation, si j’ai bien compris, commence maintenant.
Nous faisons une recommandation en ce sens, dans notre rapport. Dans le contexte du plan d’action pour améliorer le pilotage des finances publiques annoncé par le gouvernement en mars, il serait utile d’inclure dans les documents budgétaires, pour chaque mission, un tableau qui récapitulerait l’évolution de la dépense entre la loi de finances initiale de l’exercice et le projet de loi de finances pour l’exercice suivant, avec trois facteurs : l’évolution tendancielle des dépenses, les dépenses nouvelles et les économies proposées. Cela semble simple, mais aurait le mérite de la lisibilité de la politique budgétaire, qui doit reposer sur des choix explicites et transparents. Ce serait très utile à la représentation nationale.
J’en viens à la certification des comptes de l’État.
La certification consiste à donner une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. C’est une prérogative de puissance publique déterminante pour apprécier la situation financière réelle de l’État et de la sécurité sociale. La Cour dédie des moyens importants à cette mission consacrée par la LOLF. Elle donne l’assurance au Parlement, et plus largement aux citoyens, que les comptes de l’État sont réguliers, sincères et fidèles, comme exigé par l’article 47.2 de la Constitution. C’est une mission au service de la transparence des chiffres pour les citoyens.
Je suis désolé et, pour être honnête, franchement agacé que pour la dix-neuvième année consécutive, les comptes de l’État ne soient pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives. Notre rapport, intitulé « Acte de certification », mentionne cinq anomalies significatives, c’est-à-dire des points pour lesquels nous estimons que les comptes sont sous-évalués ou surévalués de plusieurs milliards. Il mentionne également onze insuffisances d’éléments probants ou des incertitudes – c’est-à-dire des points pour lesquels nous sommes incapables de réconcilier les chiffres qui figurent dans les comptes avec ce que nous savons, par ailleurs, des finances de l’État. Il y a, au total, plusieurs dizaines de milliards de différences. Deux incertitudes ont disparu par rapport à l’opinion de 2023, mais deux nouvelles sont apparues.
Les points qui fondent l’opinion avec réserves de la Cour peuvent se répartir en deux catégories : ceux pour lesquels la fiabilisation des chiffres requiert d’importants travaux de l’administration, et ceux qui correspondent à un refus persistant de l’administration d’appliquer les principes et les normes comptables communément acceptés. Il est compréhensible que l’administration ne puisse pas mener de front tous les travaux qui permettent d’améliorer la fiabilité des chiffres, mais il est anormal qu’elle se refuse à corriger des anomalies de comptabilisation.
J’aimerais vous faire part, mesdames et messieurs les députés, non pas de ma mauvaise humeur, mais de ma très mauvaise humeur s’agissant des suites, ou plutôt de l’absence systématique de suites données à la certification que nous publions annuellement. Les réserves formulées par la Cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées. Elles devraient, au contraire, faire l’objet de toute l’attention de l’administration pour les faire disparaître. Nous jouons le rôle de commissaire aux comptes de l’État de la sécurité sociale. Je n’ai pas eu une longue expérience dans le privé, mais j’ai fréquenté suffisamment d’entreprises pour imaginer une grosse entreprise – nous en sommes une – dont le commissaire aux comptes refuserait de certifier les comptes ou le ferait avec des réserves importantes, et dans laquelle les organes de gouvernance de la boîte diraient « on s’en fiche » – c’est bien ce qui se passe là. Ce n’est pas possible !
Dans ces conditions, la Cour s’interroge sur l’évolution de sa position à l’occasion des comptes de 2025. La logique d’accompagnement des efforts de l’administration, qui a été la sienne depuis la première publication des comptes de l’État en 2006, a peut-être – et même sans doute – atteint ses limites. En l’absence de progrès significatifs en 2025, notamment concernant la résolution des anomalies significatives, la Cour pourrait être amenée à tirer des conclusions, dans son opinion, en cohérence avec les normes internationales auxquelles elle se réfère. Autrement dit, elle pourrait refuser de certifier les comptes de l’État et de la sécurité sociale. J’ai écrit, hier, une lettre en ce sens aux deux ministres chargés de l’économie et des comptes publics. Franchement, pardonnez-moi ce « mauvais poil », cela suffit ! Ce n’est pas possible. Nous nous consacrons à cette mission, qui nous vient de la Constitution et de la loi, des moyens significatifs. Nous produisons des états sérieux. Cela doit être respecté.
Parallèlement à ces deux rapports, le Haut conseil des finances publiques a rendu aujourd’hui même deux avis.
Je débuterai par celui relatif au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, le PLRG. Dans cet avis, je me permets de dégager trois messages.
D’abord, je reviens sur l’ampleur de la dégradation des comptes publics en 2024 qui constitue, je le redis, une année noire pour nos finances publiques. Le déficit public de toutes les administrations a continué de se creuser. Il a augmenté de 0,4 point de PIB, pour s'établir à 5,8 points, soit presque 170 milliards à la fin de l’année 2024. Pour mémoire, il était de 5,4 points de PIB en 2023 et de 2,4 points de PIB avant la crise sanitaire. Dans le détail, les dépenses publiques ont connu une hausse de 3,9 % en valeur. En volume, le cœur de la dépense, c’est-à-dire la dépense hors charges d’intérêts et hors mesures exceptionnelles de soutien de crise, a connu sa plus forte progression des dix dernières années. En parallèle, la croissance des prélèvements obligatoires de 2,4 % est moins forte et moins rapide que celle du PIB. In fine, la dette grimpe de 3 points et s’établit à 113 points de PIB – pendant une période où, au contraire, tous nos partenaires, y compris les plus proches comme l’Allemagne qui avait des comptes très sains et l’Italie qui est en train d’assainir les siens, ont consenti des efforts considérables. Nous avons continué comme si le « quoiqu’il en coûte » se poursuivait après les crises – la crise sanitaire, où il était entièrement justifié, puis la crise énergétique et inflationniste, où il était pour nous moins justifié. Bien que nous soyons hors crise, la dette continue à filer et elle file plus que jamais.
Notre alerte tient en quelques mots : le PLF pour 2024, qui avait vocation à amortir cette dégradation, est une occasion manquée.
Le Haut conseil a examiné les facteurs qui expliquent cet écart considérable hors période de crise. Il tient avant tout aux prélèvements obligatoires. L’écart avec les prévisions en matière fiscale est de 40 milliards, dont plus de 20 milliards pour les recettes fiscales nettes de l’État que j’évoquais tout à l’heure. Il s’explique pour moitié par le résultat dégradé en 2023, plus attendu qu’en PLF pour 2024, mais aussi, pour l’autre moitié, par des rendements plus faibles que prévu.
Ce phénomène est particulièrement marqué pour deux impôts : l’impôt sur les sociétés (IS), avec un écart de 15 milliards, et la TVA, avec une différence de 12 milliards. Le HCFP avait déjà donné l’alerte sur les hypothèses particulièrement optimistes du gouvernement concernant la TVA, tant en progression spontanée que pour les hypothèses de croissance. L’écart en matière d’IS n’était pas prévisible. Néanmoins, on peut constater – j’imagine que cela fait partie de vos travaux – que l’on a perdu contact avec le rendement de l’IS. Il faut absolument améliorer la prévision en la matière et trouver des signaux de la situation des entreprises qui permettent d’anticiper ce type de dégradation.
L’autre facteur tient aux dépenses, plus élevées qu’anticipées, avec un écart de plus de 13 milliards par rapport au PLF pour 2024. Sur ces 13 milliards, plus de 7 milliards résultent du dynamisme des dépenses locales, dont la quasi-totalité concerne les dépenses de fonctionnement – même si j’entends souvent le côté local affirmer, et c’est vrai, qu’il est le premier investisseur du pays. Le Haut conseil avait noté, dans son avis, que les prévisions d’une baisse de 0,5 % pour 2024 étaient optimistes et n’étaient pas fondées sur des mécanismes de concertation ou contraignants avec les collectivités locales. Si l’on veut que celles-ci soient vraiment incitées à réduire leurs dépenses, il faut trouver les voies et moyens pour que des mécanismes le garantissent. Sinon, il n’y a pas de garde-fou.
En résumé, l’aggravation très préoccupante de nos finances publiques nous retarde dans le redressement de nos trajectoires, malgré la gravité de la situation et l’entrée de la France en procédure pour déficit excessif au titre de 2023.
Le second message concerne le déclenchement du mécanisme de correction prévu par la loi organique sur les lois de finances. Lorsque le déficit structurel au cours de l’exercice est supérieur de plus de 0,5 point de PIB à la cible prévu par la LPFP, l’écart doit être considéré comme important au sens de la LOLF et le mécanisme de correction doit être activé. C’est manifestement le cas pour l’exercice 2024, puisque l’écart entre le déficit structurel réalisé de 5,2 points de PIB et le déficit structurel prévu par la LPFP de 3,7 points s’élève à 1,5 point.
Par ailleurs, en 2024, les circonstances exceptionnelles reconnues par le pacte de stabilité et de croissance et qui prévalaient après la crise ne s’appliquaient plus. C’est ce qui explique l’entrée de la France en procédure pour déficit excessif. L’activation de ce mécanisme de correction contraint théoriquement le gouvernement à présenter des mesures pour réduire de façon significative le déficit structurel et revenir aux objectifs de la LPFP. Or on est obligé de constater que sa trajectoire est devenue obsolète dès sa première année d’entrée en vigueur, compte tenu du dérapage majeur des finances publiques en 2023. Les effets de ce mécanisme risquent donc d’être virtuels, ce qui montre une faille dans notre gouvernance.
Ce n’est pas du côté du mécanisme de correction qu’il faut trouver des voies et moyens. Il serait utile que le gouvernement présente une nouvelle loi de programmation, conforme à la trajectoire du PSMT. Je ne méconnais pas les difficultés pour ce faire, mais je suis là pour remplir notre mission selon les termes de la loi organique.
J’en viens au troisième message important de notre avis sur ce PLRG. Le Haut conseil a examiné pour la première fois la présence de biais dans les prévisions macroéconomiques et de finances publiques, en application de la loi organique modifiée en 2021 et de la loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut conseil des finances publiques que vous avez votées. Nous avons apprécié les écarts aux prévisions sur vingt ans.
Le premier constat est celui d’un biais positif dans les prévisions de croissance du gouvernement, notamment concernant la consommation des ménages. En moyenne, hors les années de crise 2009, 2020 et 2021, la prévision de croissance du gouvernement est supérieure de 0,4 point de PIB à la croissance réalisée. Je me félicite que ce biais soit légèrement réduit, depuis la création du HCFP, à 0,3 point de PIB. Cela incite le gouvernement à plus de réalisme dans ses prévisions. Mais ces prévisions restent malgré tout un peu optimistes en moyenne, ce qui montre qu’on ne peut pas en rester là et qu’il faut améliorer les conditions de prévision. C’est d’ailleurs l’objet de votre commission d’enquête.
S’agissant des seules années 2021-2024, sur lesquelles nous avons mis une focale plus précise, le Haut conseil observe que la prévision de croissance a eu tendance à excéder la réalisation. Il note, cependant, que le début de cette période a été marqué par les crises sanitaires puis énergétiques, ce qui justifiait le maintien de la clause de circonstances exceptionnelles. Dans ce contexte, le Haut conseil ne conclut pas à une distorsion importante des prévisions de croissance sur ces quatre années. Nous ne pouvions pas faire le même constat pour la prévision de croissance pour 2024, compte tenu du fait qu’elle était exagérément optimiste dès la base.
S’agissant des prévisions de finances publiques, les écarts entre prévisions et réalisation sont moins marqués sur la longue durée. Les prévisions de solde public du gouvernement se situent en moyenne, hors années de crise, à un niveau proche de leur réalisation. En incluant les années de crise, l’écart moyen entre prévisions et réalisation du solde public est de 0,6 point de PIB. Toutefois, en l’absence de crise majeure, l’écart a été très élevé ces deux dernières années, à 0,5 point de PIB en 2023 et 1,4 point de PIB en 2024, ce qui montre leur caractère extraordinaire, au sens propre du terme.
Face à ces constats, nous avons le devoir collectif d’être plus lucides, plus responsables et plus réalistes dans l’établissement des prévisions. C’est un exercice difficile, personne ne le nie. Nous devons « ouvrir le capot » des mécanismes que nous utilisons, pour nous interroger sur la performance et sur l’adaptation au contexte particulier des dernières années. A minima, il faudrait engager des études pour consolider les modèles de prévision, non seulement en matière d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de TVA, mais aussi pour les autres recettes fiscales de l’État. Le poids de ces dernières augmente, alors que l’État ne perçoit désormais qu’une part minoritaire des recettes de TVA, le reste étant transféré.
Mais cela n’explique pas tout. L’indépendance des prévisions doit aussi être mieux garantie de manière systémique. J’ai cru comprendre que telle n’est pas totalement la conclusion de la commission d’enquête et la vôtre, monsieur le président. Je me permets d’exprimer l’opinion du Haut conseil. Étant très informé de ce sujet, puisqu’au cours des douze dernières années, j’en ai passé deux à Bercy comme ministre des finances, cinq à la Commission européenne comme commissaire en charge et cinq à la Cour des comptes, je crois qu’il faut libérer cet exercice de tout volontarisme excessif du gouvernement – et de tout gouvernement, car c’est une tendance assez naturelle que de croire en ce qu’on fait et de vouloir le pousser en avant.
Cela rendra à l’administration sa capacité à travailler de façon sereine et objective. Dans l’Union européenne, c’est le rôle précis des institutions budgétaires indépendantes, donc du HCFP en France, de garantir la qualité des prévisions et de les tenir éloignées d’une forme d’hubris du politique, plus ou moins poussée, mais toujours un peu naturelle.
C’est la raison pour laquelle nous préconisons de renforcer le rôle du HCFP, pour le rendre plus contraignant. Un éventail de solutions existe. Je suis convaincu qu’un processus de validation des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du gouvernement par le HCFP devrait être instauré, a minima selon un mécanisme de comply or explain, c’est‑à‑dire appliquer ou expliquer. Ainsi, en cas de réserve du Haut conseil concernant une prévision, le gouvernement serait tenu de la rectifier ou d’expliquer pourquoi il ne la modifie pas, notamment devant vous et dans un délai compatible avec les délais parlementaires. On pourrait aller plus loin, mais c’est le minimum.
Il conviendrait également d’élargir et de renforcer le mandat du HCFP, ainsi que son accès à l’information. Il est nécessaire de lui laisser des délais réalistes pour rendre ses avis et de supprimer son interdiction d’autosaisine, qui restreint son accès aux informations les plus utiles. Je crois d’ailleurs que, sur ce point, votre commission d’enquête est arrivée aux mêmes conclusions en préconisant de renforcer l’information du Haut conseil et du Parlement et de supprimer l’interdiction d’autosaisine du HCFP.
Le Haut conseil est avant tout un allié du Parlement. S’appuyer sur lui permet d’avoir l’avis objectif d’un tiers de confiance. Je ne comprends pas pourquoi garder le monopole à Bercy serait, en la circonstance, la solution la plus appropriée. Je plaide, par ailleurs, depuis plusieurs années pour étendre le mandat du HCFP à une compétence d’analyse de la soutenabilité de la dette. Cela contribuerait à renforcer la crédibilité du cadre des finances publiques, et serait en ligne avec la nouvelle gouvernance européenne, laquelle repose précisément sur cette analyse de soutenabilité.
J’en termine par l’avis sur le rapport d’avancement annuel (RAA) du PSMT adopté en Conseil. Le Haut conseil a été saisi le 21 janvier de ce document qui remplace l’ancien programme de stabilité. Je salue le choix du gouvernement d’avoir saisi le Haut conseil pour avis sur ce rapport, alors que les règles européennes ne l’imposaient pas. Ce choix de transparence est salutaire. De la même manière, je m’étais félicité d’être saisi du PSMT initial en octobre. Toutefois, je regrette les conditions très dégradées dans lesquelles nous avons été sollicités pour rendre cet avis, dans le délai extrêmement réduit de six jours, inférieurs au délai minimal de sept jours pour d’autres avis, avec des changements de calendrier de dernière minute. Cela fragilise l’exercice de la mission du Haut conseil, qui a besoin de bonnes conditions de travail pour être pleinement utile.
Avant d’aborder le cœur des messages du Haut conseil dans cet avis, je souligne que le PSMT fixe la trajectoire de dépenses primaires nettes, dont le respect doit nous permettre de ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB pour la période 2025-2029, tandis que les programmes de stabilité entérinaient, année après année, les déviations constatées – ce qui manquait de crédibilité. Cela signifie que le RAA est centré sur le suivi de l’exercice passé et que les quelques informations pour 2025 sont limitées.
Nous avons quatre messages.
D’abord, dans un environnement macroéconomique international incertain, la prévision de croissance abaissée de 0,9 % à 0,7 % n’est pas hors d’atteinte, même si nous soulignons l’accumulation du risque à la baisse. Le réalisme des prévisions macroéconomiques du gouvernement doit, en effet, être apprécié au regard d’un haut niveau d’incertitude, avec les annonces tarifaires, le contexte en Ukraine ou l’escalade entre les États-Unis et la Chine. Je ne formule donc pas la même observation que l’an dernier, quand cette prévision était de 1,4 %. Pour autant, le taux de 0,7 % dépasse les prévisions de certains organismes comme Rexecode et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que nous avons auditionnés, ainsi que celles du consensus des économistes.
Par ailleurs, la croissance française est exposée à une accumulation de risques à la baisse en 2025, ce qui pourrait la fragiliser. D’autres hypothèses qui composent ces prévisions macroéconomiques pour 2025 apparaissent, elles aussi, légèrement teintées d’optimisme, en particulier celles d’une inflation à 1,4 %, d’une croissance de la masse salariale de 2 % et d’une évolution du salaire moyen de 2,4 %. On a corrigé les biais massifs, mais ces prévisions restent un peu hautes. Or quand les prévisions sont un peu optimistes, le résultat risque d’être un peu dépassé. Il serait bon qu’à un moment donné, on soit vraiment réaliste, voire prudent.
Ensuite, notre deuxième message porte sur les prévisions de finances publiques.
L’objectif de déficit de 5,4 points de PIB peut être tenu, mais il est loin d’être acquis. Concernant les prélèvements obligatoires, le gouvernement prévoit une hausse de recettes de 2,1 %, qui repose pour près de la moitié sur des mesures nouvelles à instaurer cette année, à hauteur de 23 milliards, dont certaines sont réputées temporaires. L’autre moitié repose sur une prévision d’évolution spontanée des recettes un peu élevée et l’abandon d’hypothèses de prudence s’agissant du rendement de certains prélèvements. Nous estimons que les marges de prévision en recettes apparaissent limitées et que les rendements des prélèvements obligatoires seraient directement exposés en cas de concrétisation de risques macroéconomiques ou de mauvaises surprises. Elles ont été mieux évaluées que l’an dernier, mais elles restent un peu optimistes.
La prévision des dépenses table sur une progression de 1,3 % en volume. Bien que moins élevée qu’en 2024, elle ne permettrait pas de réduire le poids des dépenses publiques dans le PIB. On est obligé de constater que les dépenses ne seraient vraiment contenues que pour l’État, à 0,5 point en volume – ce qui sera renforcé avec la loi de finances et les mesures de gel annoncées. Cela laisse peu de marge de manœuvre pour le financement de dépenses imprévues, par exemple dans le secteur de la défense pour lequel le premier ministre a annoncé un effort de quelque 3 milliards supplémentaires pour l’an prochain.
En résumé, l’ajustement du déficit public de 5,8 à 5,4 % requiert une stricte maîtrise des dépenses directement pilotables par l’État et des dépenses sociales, mais aussi la poursuite du ralentissement récent des dépenses locales. Il est donc un peu optimiste. En tout cas, c’est tenable, même s’il y a des risques là aussi.
En conséquence, la dette publique progresserait encore de 3 points de PIB, pour atteindre le ratio de plus de 116 points de PIB, qui est économiquement et moralement insoutenable. Comme le disait le premier ministre hier, on ne peut pas faire supporter nos dépenses quotidiennes aux générations actuelles et futures.
J’en arrive au troisième message de notre avis. Il porte sur le respect, ou plutôt le non-respect, de la trajectoire de croissance de la dépense primaire nette – lequel est un engagement à l’égard de l’Europe. Le taux de croissance de la dépense primaire nette est prévu à 0,9 point en valeur, tandis que le Conseil plafonnait cette hausse à 0,8. C’est un peu plus. Or il nous semble que le gouvernement devrait respecter strictement la limite d’évolution annuelle.
Enfin, le Haut conseil s’est penché sur la trajectoire du PSMT pour les années 2026-2029, malgré les informations assez logiquement limitées dont nous disposons. Nous faisons un double constat. D’une part, la trajectoire de diminution des déficits sous le seuil des 3 % du PIB à l’horizon 2029 requiert des efforts qui devront être répartis entre les administrations publiques. D’autre part, le respect de ces trajectoires nécessite l’application de réformes et d’investissements nécessaires au soutien de la croissance et de l’emploi.
Compte tenu des nombreuses alertes que j’ai mentionnées, l’exercice de prévision économique appelle beaucoup de modestie, a fortiori à un horizon de moyen terme. Le scénario de PIB potentiel qui est présenté – 1,2 % jusqu’en 2028 puis 1 % en 2029 – nous apparaît raisonnable. En théorie, nous n’avons d’autre choix que de poursuivre les réformes, car elles sont la condition d’une certaine flexibilité dont la France bénéficie pour son PSMT actuel, notamment la période étendue à sept ans pour lisser les efforts.
S’agissant du scénario de finances publiques, le déficit continuerait de baisser jusqu’à moins de 3 % en 2029. En revanche, le ratio d’endettement continuerait de s’accroître en 2026 et 2027, et son infléchissement ne débuterait qu’à partir de 2028. Cela permettrait de garder à peu près le contrôle des finances publiques tout en finançant des investissements prioritaires, sans affecter notre potentiel de croissance. Mais, le Haut conseil réitère ses précédentes alertes : les mesures nécessaires à l’atteinte de ces objectifs particulièrement exigeants restent entièrement à préciser et crédibiliser. Compte tenu de l’ampleur des économies nécessaires, ne vous y trompez pas, mesdames et messieurs les députés, des efforts doivent être continus et renouvelés chaque année. Les ajustements structurels à effectuer sont considérables : 0,9 point en 2026 et 0,7 point par an jusqu’à la fin de la période. Pensez aux efforts qui sont faits pour passer de 5,8 à 5,4 % cette année. C’est un défi !
Mais, je ne cesserai de le marteler et de le répéter, nous n’avons pas le choix. Cette trajectoire, que je sais compliquée et que nous savons fragile à plusieurs égards, doit impérativement être respectée. Il faut en franchir chaque marche, année après année, bien que chacune d’entre elles soit très abrupte.
Je voudrais rappeler quelques principes qui peuvent guider notre action collective – étant entendu qu’en démocratie, ce n’est pas à une institution indépendante, mais à vous, mesdames et messieurs les parlementaires, de fixer les objectifs, les voies et les moyens pour respecter notre trajectoire budgétaire, en lien avec le gouvernement. Ces principes sont les suivants : la lucidité quant à notre situation, la nécessaire volonté politique de la traiter – qui semble réelle, enfin ! –, l’alliance du réalisme et de la prudence s’agissant des prévisions économiques de notre trajectoire, et l’indispensable révolution de la dépense publique, qui requiert des économies intelligentes et structurelles. Ni « tronçonneuse » ni « rabot » – les coups de rabot sont rarement efficaces et jamais constructifs.
M. le président Éric Coquerel. Vos commentaires concernant la certification des comptes de 2024 ne sont pas étonnants. Vous constatez, en partie, les écarts que nous avons analysés en commission d’enquête.
Je ne nie pas le rôle du politique dans les prévisions que je trouve optimistes. En revanche, je n’en tire pas les mêmes conclusions que vous. C’est surtout le fait que le politique se soit trompé quant aux effets de sa politique économique qui explique ces écarts. Certes, peut s’y ajouter le fait d’avoir voulu enjoliver la situation en fonction de telle échéance électorale, ou de tel examen du budget à l’Assemblée. Mais c’est principalement la politique économique menée qu’il faut interroger. En tout cas, c’est mon interprétation et j’en conclus que la politique économique doit être mise à l’épreuve. À partir du moment où les chiffres constatés ne correspondent pas à ceux avancés par le gouvernement, le HCFP et l’Assemblée devraient pouvoir interpeller ce dernier de manière presque réglementaire et obtenir des réponses. Cela me semble nécessaire.
Le fait que les chiffres soient fournis par une institution indépendante n’abrite pas de tout biais idéologique. Certes, le gouvernement interprète les chiffres en fonction de sa croyance dans sa politique. Mais personne n’en est exempté – pas même l’Assemblée ou le HCFP. Il n’existe pas d’objectivité, en la matière.
J’en viens à mes questions.
Pour l’exercice 2024, la Cour des comptes rappelle, dans son rapport sur le budget de l’État, que le dérapage du déficit s’explique par la politique de baisse des prélèvements obligatoires. Vous notez une chute des recettes de l’État, en précisant que « cette configuration est rendue possible par le poids des transferts de TVA, alors qu’elle constitue le principal impôt de rendement indexé sur la croissance économique : ces transferts fragilisent les recettes fiscales de l’État ». En effet, la dynamique des recettes de l’État (+ 0,9 %) est plus faible en euros courants que celle de l’activité économique (+ 3,5 %). Elle est même en deçà de l’inflation. Ce constat est préoccupant. La croissance ne permet plus d’augmenter le niveau des recettes. Pire, elle baisse après la prise en compte de l’inflation.
En parallèle, vous pointez le niveau alarmant des dépenses fiscales, à 90 milliards, et soulignez « l’urgence impérieuse de restaurer les mécanismes de frein » et « d’intégrer pleinement les mesures fiscales aux revues de dépenses ». Ne pouvons-nous pas considérer que les mesures fiscales de ces dernières années sont responsables de ce décrochage entre les recettes et la croissance ?
Depuis 2017, une succession de mesures ont été appliquées en faveur des plus riches, pour diminuer leur niveau de prélèvement. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) indique, par exemple, que 90 % du bénéfice du prélèvement forfaitaire unique (PFU) est concentré sur le 1 % des plus riches. Finalement, la dégradation du déficit ne s’explique-t-elle pas par l’absence des effets de ruissellement attendus ?
Par ailleurs, votre rapport est clair : en 2024, le gouvernement aurait dû déposer un PLFR. Je suis d’accord avec vous. En l’absence d’un tel texte, la Cour considère que « le gouvernement s’est privé du seul vecteur qui eût permis un ajustement des recettes et a déployé, à défaut, une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères ». Le contenu du rapport sur ce point est intéressant, puisque la semaine dernière, la ministre chargée des comptes publics a annoncé recourir en 2025 à ce même choix que vous regrettez. Ainsi, 3 milliards d’euros de crédits devraient être prochainement annulés et un surgel de 2 milliards sera appliqué en plus de la mise en réserve initiale de 8,7 milliards. Alors qu’une fois encore, nous avons un problème de recettes, estimez-vous que ce choix risque de conduire de nouveau à un pilotage erratique des crédits, sans analyse des marges de manœuvre disponibles et au prix de décisions parfois contradictoires ? Le gouvernement n’aurait-il pas intérêt à présenter un texte au Parlement, pour éviter un nouveau dérapage des finances publiques ? Je suis assez inquiet face à l’idée qui consiste à geler, geler, geler – ce ne sont pas des annulations en tant que telles –, puis à regarder dans le rétroviseur avec la loi de fin de gestion. La situation mériterait plutôt d’être éclairée par un PLFR.
Par ailleurs, dans son avis sur le RAA du PSMT, le HCFP a été moins sévère qu’en avril. Pour autant, vous continuez de noter un optimisme, alors même que les travaux de la commission d’enquête, présentés hier, ont montré le rôle de cet optimisme dans la dégradation des comptes. Si la croissance a été révisée à 0,7 %, vous indiquez qu’elle conserve, comme celle du PLF amendé, un caractère légèrement optimiste. « La cohérence de cette hypothèse avec le fort ajustement budgétaire envisagé (+ 0,7 point de PIB et même + 0,9 point de PIB en matière de solde structurel primaire) peut être questionnée. La prévision du gouvernement table en contrepartie sur une nette accélération de la demande intérieure privée, non détaillée dans les éléments présentés, et un effet multiplicateur de l’ajustement de l’ordre de deux tiers. Bien que concevables, ces hypothèses, qui ne sont pas élaborées dans les éléments fournis, sont loin d'être acquises. » Devons-nous comprendre que le gouvernement n’a pas complètement retenu les leçons des exercices 2023 et 2024 et que de nouveaux écarts risquent d’être constatés ?
Enfin, l’avis du HCFP sur le RAA relève que pour respecter le plan budgétaire et structurel national à moyen terme adopté pour la France, qui repose sur une période d’ajustement étendue à sept ans, la contrainte sur le taux de croissance maximale de la dépense primaire nette devra être resserrée en 2026 à seulement 0,7 % et qu’à l’inverse, l’évolution de la dépense primaire nette en 2025 sera légèrement supérieure à celle requise par la Commission, à + 0,9 % contre un plafond de + 0,8 %. Il s’inquiète, en conséquence, du fait que ce léger dépassement en 2025 réduise la marge de précaution de la France vis-à-vis de ces nouvelles règles. Au-delà de cette inquiétude, faut-il en déduire que la France pourrait être, à court terme, susceptible de méconnaître les exigences de la procédure pour déficit excessif dans laquelle elle est placée ?
Ma dernière question sort du champ de notre discussion, et concerne votre passage, hier, sur BFM TV. Vous avez appelé à lutter contre la fraude sociale en affirmant qu’il n’y a « pas grand-chose à gratter » du côté de la fraude fiscale. J’en suis étonné, compte tenu du prorata entre la fraude sociale et la fraude fiscale. Pouvez-vous m’éclairer sur cette affirmation qui me laisse dubitatif ?
M. Pierre Moscovici. Je serai bref concernant votre première question, car j’obéirai à votre propre injonction d’éviter tout biais idéologique, qui n’est pas dans la fonction du Haut conseil et de la Cour des comptes. On a assisté à un décrochage très fort en matière de recettes, pour la TVA comme pour l’impôt sur les sociétés. Dans le cas de la TVA, il n’était pas complètement imprévisible. Quant à l’impôt sur les sociétés, il faut rétablir le lien avec sa prévisibilité, ce qui n'est pas totalement impossible en prenant un certain nombre de mesures – ce que, je crois, le gouvernement s’apprête à faire. Pour le reste, les choix fiscaux appartiennent au gouvernement et sont validés, ou non, par la représentation nationale. Je n’ai pas de commentaire à faire au titre du HCFP ou de la Cour des comptes.
Pour ce qui est d’un PLFR, nous estimons que c’était le seul vecteur possible pour permettre un ajustement structurel, en particulier pour les recettes. C’est pour cela que nous nous permettons de l’écrire. Il eût vraiment fallu un PLFR en février ou en mars 2024. C’était indispensable, dès lors que l’on a connu le résultat de la gestion en 2023. Pour la suite, nous parlons de gestion erratique et de pilotage à vue. Il y a incontestablement eu un pilotage serré de la dépense publique. C’est l’argumentation du gouvernement, elle se défend. Ce pilotage a été fait à coup de gels, de surgels, d’annulations ou d’utilisation du « rabot », ce qui n’est jamais le plus intelligent, et surtout, ne permet pas de dégager des économies pérennes in fine.
Vous demandez aussi si le gouvernement a pris en compte les leçons des années passées. En très grande partie, oui. Notre avis n’a pas la même tonalité qu’il y a un an, quand nous soulignions l’absence de crédibilité et même l’incohérence des prévisions de l’époque. Elles ne tenaient pas la route. Cette fois, on peut considérer que le gouvernement se rapproche d’exigences plus importantes de réalisme et fait preuve de davantage de prudence. Mais, comme je l’ai indiqué, on n’y est pas encore tout à fait. Les prévisions restent à chaque fois « un tout petit peu » élevées, » un tout petit peu » optimistes, « un tout petit peu » ceci, « un tout petit peu » cela. Et l’addition de ces « tout petit peu » crée quelques risques, sur la croissance, sur les prévisions, sur les recettes et donc sur les déficits. À ce stade, quoi qu’il en soit, je ne peux pas préconiser un nouveau projet de loi de finances rectificative. Il n’y a plus, sur votre table, les éléments objectifs qui existaient il y a un an et qui auraient dû être suivis par le gouvernement, lequel aurait dû vous présenter un PLFR. Je ne lance pas le même message.
Concernant la procédure pour déficit excessif, un dialogue se tient systématiquement avec la Commission européenne, qui est en général « bonne fille » et assez compréhensive, contrairement à ce qu’on pense. J’observe que par rapport au PSMT qui a été adopté, on est un chouïa au-dessus, pour cette année comme pour l’année suivante. Ce sera à la Commission européenne d’estimer, dans sa discussion avec le gouvernement français, si c’est acceptable ou pas. Les dépassements ne sont pas massifs, me semble-t-il.
J’en viens à votre dernière question. Dans une émission de télévision, on est toujours un peu cursif. Voici ce que j’ai voulu dire, et que je dis devant vous. J’ai vu des chiffres circuler de la part de certains syndicats de Bercy et j’attends des sources plus officielles. La lutte contre la fraude fiscale est sérieuse, et je veux rendre hommage à la direction générale des finances publiques (DGFIP), une direction remarquable. Heureusement, nous avons une bonne administration fiscale. Les programmes successifs de lutte contre la fraude fiscale, lancés depuis une dizaine d’années, ont produit des effets certains. Mais on ne peut pas éviter toute fraude.
Une demande réitérée de la Cour consiste à chiffrer l’écart fiscal – nous ne confondons pas la fraude et l’optimisation. Le travail de la Cour relatif à la lutte contre la fraude fiscale engagé à la suite d’une consultation citoyenne sera publié à la fin 2025. D’importants progrès ont été enregistrés en matière de détection de la fraude fiscale, et c’est un fantasme d’imaginer que l’on pourra tout récupérer.
En revanche, la lutte contre la fraude sociale est balbutiante. Nous estimons cette fraude à 4,5 milliards pour la seule assurance maladie. On récupérait jusqu’à 423 millions par le passé, 600 millions cette année. Si l’on dédiait des moyens, à commencer par des contrôleurs – nous proposons d’ailleurs des embauches –, on pourrait renforcer le contrôle de la fraude sociale et, d’après nos estimations, assez facilement récupérer 1,5 milliard. On pourrait même monter à 2 milliards. Ce serait la moitié. Après, c’est un peu plus compliqué.
M. le président Éric Coquerel. Il est étonnant de penser qu’il n’y a plus de grain à moudre avec les 100 milliards de fraude fiscale et d’optimisation grise, montant avancé par Sud et peu contredit par les gens qui connaissent le dossier.
M. Pierre Moscovici. Il y a peu de grain à moudre. Je le dis et je l’assume.
M. le président Éric Coquerel. Nous sommes en désaccord sur ce point.
M. Charles de Courson, rapporteur général. C’est la première fois que nous vous auditionnons depuis que la commission des finances dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête a publié son rapport sur les causes et les variations des écarts de prévisions des recettes dans les budgets pour 2023 et 2024. Un certain nombre de membres et de personnalités auditionnés ont émis le souhait d’un renforcement des pouvoirs du Haut conseil.
Avec de nombreux collègues de la commission des finances, j’ai proposé d’associer le Haut conseil à la prévision macroéconomique, soit en l’impliquant dans l’élaboration des hypothèses retenues par le gouvernement, par exemple par la production ou la validation de certaines, soit en instaurant un mécanisme de type comply or explain qui permettrait au gouvernement de rectifier les prévisions jugées trop optimistes ou pessimistes ou, à défaut, d’expliquer pourquoi il ne les modifie pas. Vous avez indiqué y être favorable, mais en avez-vous parlé au gouvernement ?
M. Pierre Moscovici. Oui. J’exprime cette proposition depuis l’automne, compte tenu des dérapages constatés. Je le fais, non par je ne sais quelle frénésie bureaucratique ou par une volonté de pouvoir du Haut conseil, mais parce qu’elle est nécessaire.
J’observe ce qui se passe dans d’autres pays et je pense sincèrement, pour l’avoir pratiquée comme haut fonctionnaire et ministre des finances et pour avoir porté un regard extérieur, que la dynamique parfois naturelle entre le politique et l’administratif peut être vicieuse, au sens d’un cercle vicieux.
D’un côté, un bon politique croit toujours en ce qu’il fait. Vous avez tous vos convictions. Vous y croyez. Tout politique pense que ce qu’il fait produira des effets positifs, un peu plus positifs que la réalité, voire parfois bien plus. C’est la différence qui sépare l’optimisme de l’insincérité. Il ne faut pas que ce soit trop positif.
De l’autre côté, l’administration est loyale. Aussi entre-t-elle souvent dans une interaction proactive avec le politique.
Je pense qu’il faut faire entrer un troisième élément. Ce peut être un cercle des prévisionnistes, comme le propose Bercy. Ce doit aussi être le Haut conseil, car c’est son rôle. En l’occurrence, nous serions à votre service, à votre aide. Imaginez une situation dans laquelle un gouvernement présenterait une prévision très élevée, par exemple à 1,4 % quand le consensus serait à 0,8 %. Le 1,4 % est une prévision « au doigt mouillé ». Mais je n’ai jamais entendu une explication rationnelle et objective sur la manière de l’atteindre. Nous en avons d’ailleurs été froissés.
Nous aurions pu dire que le consensus était à 0,8 % et que la prévision pouvait aller jusqu’à 1 % – je fais de la politique-fiction, en me fondant malgré tout sur une situation assez concrète. Je serais venu devant vous et j’aurais indiqué qu’une prévision à 1,4 % était irréaliste. Vous vous seriez alors tourné vers le gouvernement, dans le cadre du débat parlementaire, pour lui demander des explications. Il aurait été en peine de l’expliquer à des spécialistes aussi aigus que vous, en particulier vous monsieur le rapporteur général, parce que cette prévision ne se tient pas.
C’est ainsi que peut fonctionner ce mécanisme, qui est de bon sens.
J’en ai parlé au gouvernement, lequel ne semble pas en avoir totalement tenu compte à ce stade, puisqu’il privilégie plutôt, et c’est utile, l’amélioration des prévisions à Bercy. Nous en voyons d’ailleurs les premiers effets dans notre avis, je ne veux pas le nier. Mais je pense qu’une approche endogène n’est pas suffisante. Il faut une approche exogène. Or une institution budgétaire indépendante est précisément faite pour cela.
Voilà pourquoi j’appuie votre proposition, monsieur le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’analyse de l’exécution budgétaire de l’exercice 2023 a donné lieu à la formulation de 181 recommandations au sein des 66 notes d’exécution budgétaire, soit presque 3 recommandations par note. Parmi celles formulées en 2023, 25 ont fait l’objet d’une mise en œuvre totale, et 60 d’une mise en œuvre partielle. A contrario, 52 % des recommandations n’ont pas été appliquées. Les recommandations devenues sans objet représentent 1 % du total. La Cour des comptes livre ces chiffres dans le rapport sur le budget de l’État pour 2024, sans en faire le moindre commentaire. Le gouvernement envisage-t-il de retenir tout ou partie de la moitié de ces recommandations ?
Par ailleurs, vous révélez qu’environ 77 % des dépenses de l’État peuvent être qualifiées de rigides, en raison de l’absence de leviers efficaces pour freiner leur progression. Avez-vous des éléments concernant leur progression ?
Vous soulignez également que les restes à payer, c’est-à-dire les autorisations d’engagement n’ayant pas fait l’objet de décaissements, ont atteint 217 milliards fin 2024, auxquels il faut ajouter 37 milliards d’autorisations d’engagement affectées, mais non engagées, soit 254 milliards au total. Cette situation ne traduit-elle pas une fuite en avant devant la gestion des finances publiques ?
Ensuite, dans son avis sur le projet de loi relative aux résultats de gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, le Haut conseil annonce activer le mécanisme de correction prévu par la LOLF et invite le gouvernement à présenter des mesures permettant de réduire de façon significative le déficit structurel, ou à déposer une nouvelle loi de programmation des finances publiques. Pensez-vous que ce mécanisme soit efficace et suffisamment incitatif pour contribuer au redressement des finances publiques ? En tant que président du Haut conseil, des évolutions vous semblent-elles souhaitables ? Connaissez-vous la position du gouvernement ?
J’en viens à ma question suivante. L’avis du Haut conseil sur le RAA souligne que le gouvernement ne propose qu’une « esquisse » de trajectoire de finances publiques au-delà de 2025 et indique que « l’insuffisance des mécanismes permettant de piloter l’ensemble de la dépense publique fragilise la prévision d’exécution ». Je regrette qu’une fois encore, les trajectoires d’économie ne soient pas documentées. Quel crédit le Haut conseil accorde-t-il à l’effort en matière de dépenses présenté par le gouvernement ?
Enfin, la Cour des comptes souligne que les dépenses fiscales sont globalement sous-évaluées, en particulier en matière de TVA. En effet, celles-ci ont été réduites de 9 milliards, passant de 20 milliards à 11 milliards, avec une proratisation en fonction de la part de la sécurité sociale et des collectivités locales dans le produit de la TVA – laquelle part est devenue majoritaire. D’après vos informations, le gouvernement envisage-t-il de modifier le projet de loi de finances pour 2026 afin de tenir compte de ces observations de la Cour ?
M. Pierre Moscovici. Concernant les non-exécutions budgétaires (NEB), il n’y a pas de retour global sur les recommandations émises par le gouvernement. En revanche, les NEB sont suivies par chaque ministère et la Cour en assure le suivi pour elle-même. Cette dialectique entre la Cour et le gouvernement est plutôt sérieuse, même si je suis obligé de constater que notre analyse des finances publiques n’a pas été suivie d’effet ces dernières années – nous ne sommes donc pas cocomptables de ce qui s’est produit.
Votre deuxième question porte sur rigidification des dépenses de l’État. Nous n’avons pas fait de suivi détaillé en la matière.
Quant à la fuite en avant devant la gestion des finances publiques, elle est incontestable. La réponse était contenue dans votre question.
Par ailleurs, il est clair que le mécanisme de correction n’est pas effectif. Nous remplissons notre rôle, puisque nous le déclenchons en constatant que l’écart est très supérieur à 0,5 point de PIB, puisqu’il est de 1,5 point en l’absence de circonstances exceptionnelles. En revanche, nous ne pouvons pas demander au gouvernement de s’y conformer, sans quoi ce serait un « coup de patin » monstrueux. La solution est à trouver ailleurs, du côté de la loi de programmation des finances publiques. Il faut arrêter de voter des lois de programmation des finances publiques dont on sait d’emblée qu’elles ne sont pas crédibles. Il faut les corriger dès que l’on constate qu’elles ne le sont pas. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec l’actuelle LPFP : elle a été « frappée en plein vol » quelques mois après son adoption. Nous vivons avec. Cela fait cinq ans que je viens devant vous, comme président du Haut conseil, et cinq ans que je constate que les lois de programmation de finances publiques ne sont pas opérationnelles. C’est de ce côté-là qu’il faut trouver le réalisme et la volonté. Tant que les LPFP ne seront pas réalistes, nous constaterons des écarts et nous agiterons le mécanisme de correction tout en sachant que, non seulement on ne peut pas l’utiliser, mais, d’une certaine façon, il ne le faut pas.
C’est la trajectoire qui est obsolète. Je constate d’ailleurs qu’elle a été ajustée dans le PSMT, mais pas dans la LPFP. Nous avons donc deux trajectoires contradictoires. Toutes deux sont difficiles, mais la seconde est malgré tout plus réaliste que la première. La LPFP n’est plus qu’un souvenir.
Quant aux dépenses fiscales, jusqu’en 2023 elles n’étaient pas proratisées en fonction en fonction de la part des bénéficiaires dans le produit de la TVA. Depuis deux ans, le souhait est de revenir à la situation initiale, mais Bercy oppose son refus. Par ailleurs, votre question conduit à parler de fiscalité – car parler des dépenses fiscales, c’est parler de la fiscalité. J’entends bien que c’est un tabou, mais il est contourné d’emblée.
Enfin, concernant le budget pour 2026, nous n’avons pas encore proposé d’ajustement, puisque la discussion commence juste.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.
M. Matthias Renault (RN). Vous avez constaté, à juste titre, qu’il aurait fallu un PLFR pour 2024 en février ou mars – raison pour laquelle nous avions déposé une motion de censure spontanée sur ce sujet. En faut-il un en 2025 et si oui, à quelle échéance ?
Par ailleurs, votre rapport montre que le montant des intérêts est passé de 41,5 milliards en 2023 à 46,5 milliards en 2024, avec une alerte particulière concernant les emprunts à court terme (BTF) qui sont passés de 500 millions en 2022 à 6,4 milliards en 2024, ce qui est considérable. Ne serait-il pas pertinent, pour la Cour des comptes, de faire une projection de l’évolution des charges d’intérêt en cours d’année ?
Ensuite, vous constatez que les prévisions de croissance sont systématiquement surévaluées depuis vingt ans. En 2026, si cela se poursuit, ne faudra-t-il pas employer le terme « insincérité », même s’il est banni ?
Enfin, le Haut conseil serait-il preneur d’une transmission obligatoire et systématique des prévisions de la direction générale du Trésor lors du budget économique d’été ? Cela participerait-il de sa meilleure prise en compte dans le travail de préparation budgétaire que vous avez évoqué ?
M. Pierre Moscovici. J’ai déjà répondu concernant le PLFR. Pour 2024, la nécessité d’un PLFR était évidente dès le mois de février ou mars. En proposer un, ou pas, relevait d’une décision politique. Un débat avait d’ailleurs eu lieu, avant que cette piste ne soit écartée. Pour 2025, à ce stade, l’évidence n’est pas la même. Nous ne sommes pas dans une situation objective de cette nature et j’ignore si nous y serons – je ne l’espère pas. Je ne préconise donc pas de PLFR.
Concernant les prévisions d’évolution des charges d’intérêt, je répète que je suis preneur d’une analyse de soutenabilité de la dette par le HCFP. Celle-ci permettrait d’établir une projection non seulement pour l’année en cours, mais aussi à moyen terme.
Avant d’en venir à votre question sur l’insincérité, je complèterai mes réponses à M. le rapporteur général en indiquant qu’il n’est pas illogique que les prévisions pour 2026 et les années suivantes soient moins détaillées dans le PSMT que dans le programme de stabilité. Pour autant, celles qui y figurent pour 2026 nous amènent à constater que la trajectoire est entièrement à crédibiliser et à préciser, et que la pente est très forte. Nous le notons dans notre avis : il faut faire 0,9 point d’ajustement structurel en 2026 si l’on tient les 4,6 et il faudra faire 0,7 par an jusqu’au bout. Il faut donc s’attendre à devoir accomplir des efforts. Savoir comment s’y prendre, c’est votre affaire, mesdames et messieurs les députés. C’est le jeu démocratique.
Depuis cinq ans, je vous affirme que je suis très prudent, voire réservé, concernant l’utilisation de la notion d’insincérité, qui suppose l’intention de tromper et entraîne quasiment ipso facto l’inconstitutionnalité du projet de loi de finances. Nous ne l’avons jamais évoquée, même si le débat est allé loin, et je pense que nous n’avons pas eu tort. Pour que l’insincérité soit caractérisée, il faudrait avoir constaté des choses scandaleuses.
Enfin, la communication des budgets économiques d’été à la Cour n’est pas systématique. La Cour a demandé à l’administration que tel soit le cas. Malgré la réticence de Bercy, le travail est en cours et je ne désespère pas que la transparence des informations soit améliorée, à l’égard tant de la Cour que du HCFP. Je note qu’il s’agit aussi d’une recommandation consensuelle dans le rapport de votre commission d’enquête. C’est indispensable : nous informer, c’est vous informer.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je commencerai par exprimer deux remarques. La première concerne la prudence et la modestie qu’il faut avoir compte tenu du contexte international, que je partage. Certes, il y a des aléas. Mais le gouvernement n’est pas complètement démuni, puisque des réserves sont prévues en début d’année. On peut toujours discuter de leur niveau, mais ce dispositif existe.
Ma deuxième remarque porte sur l’analyse de l’écart entre le prévisionnel et le constat pour 2024. Je lis toujours avec attention les rapports de la Cour des comptes, et je vous encourage à relire précisément le rapport de la commission d’enquête. Les deux rapporteurs, pourtant de bords différents, affirment qu’une défaillance technique lourde est à l’origine de ces écarts et que rien ne conduit à y voir une faute politique. D’ailleurs, le volontarisme politique ne fonctionne pas systématiquement. Ainsi, en 2021-2022, les prélèvements obligatoires et le rendement des impôts avaient été sous-estimés.
Votre avis témoigne de la gravité de la situation, avec un déficit de 5,8 % du PIB en 2024, une dette qui franchit le seuil de 113 % et une dynamique des dépenses qui reste soutenue malgré la fin des mesures exceptionnelles. Le diagnostic est clair. Nous le partageons. C’est le sens de la réunion d’hier tenue par le premier ministre. La France doit rétablir impérativement ses finances publiques, sous peine de compromettre sa capacité à agir sur les priorités collectives.
Le gouvernement a engagé un plan structurel à moyen terme ambitieux, validé au niveau européen en janvier, qui prévoit une réduction du déficit structurel primaire de 0,9 point du PIB dès 2026, puis de 0,7 point par an, en maîtrisant strictement les dépenses de l’État et en abaissant ses prévisions de croissance et de recettes pour renforcer la sincérité budgétaire. Ces efforts ont été reconnus et salués par le Haut conseil. Toutefois, ils ne pourront porter leurs fruits que si toutes les administrations publiques sont concernées.
Au cours des cinq dernières années, les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté de 25 %, celles de la sécurité sociale de 20 % et celles de l’État de 10 %. Avez-vous une idée du poids respectif des trois pans de l’administration publique dans l’effort demandé pour les prochaines années ?
M. Pierre Moscovici. Je n’ai jamais parlé de faute politique. Je connais trop l’exercice de gouverner, sa difficulté et l’engagement de ceux qui s’y consacrent pour utiliser ce type de mot. Et si je le faisais un jour, ce serait pour souligner une défaillance personnelle et volontaire – auquel cas, la notion de sincérité pourrait être brandie. Mon avis était plus systémique.
Je n’ai pas pu lire dans le détail le rapport de la commission d’enquête, qui est paru hier soir. Je le ferai, car ce sujet m’intéresse au premier chef. J’ai quand même cru noter que les rapporteurs portaient chacun un regard différent quant à la responsabilité respective de l’administration et du politique. Je considère, pour ma part, qu’il existe une dialectique entre les deux. C’est la raison pour laquelle je propose l’intervention d’un tiers.
Les tentations du politique et les contraintes de l’administration peuvent entraîner une logique procyclique ou proactive. Pour avoir occupé diverses fonctions, je peine à penser que l’on peut tout mettre sur le dos de l’administration ou sur celui du politique. Fatalement, la responsabilité est partagée par une entité, en l’occurrence le ministère de l’économie et des finances. C’est la raison pour laquelle ma réflexion est systémique. Je ne participe à aucun procès. Je n’en veux à personne. Je ne nourris aucune forme de règlement de comptes à l’égard de quiconque, a fortiori d’un successeur. On affirme trop souvent : « Mes successeurs sont des crétins et mes prédécesseurs sont des imbéciles ! » Je n’ai jamais cédé à cela, parce que je sais que c’est systématiquement faux.
Pour répondre à votre autre question, nous n’avons pas d’évaluation des contributions respectives de chaque administration publique. Ce sujet relève de la préparation du budget et du débat entre les parlementaires et l’exécutif – avec, si j’ai bien compris, une nouvelle méthode qui doit associer les partenaires sociaux et les collectivités locales, dont le comité d’alerte qui s’est tenu hier, auquel j’étais invité mais ne participe pas, tandis que le rapporteur général du Haut conseil et le président de la section concernée de la Cour des comptes étaient présents comme observateurs. C’est à vous de définir les parts respectives des administrations.
En revanche, mon message est clair : contrairement à ce qui s’est passé ces dernières années, l’effort ne peut ni ne doit porter uniquement sur l’État, en particulier sur ses dépenses de fonctionnement. Il doit être davantage partagé et toucher aussi les dépenses d’intervention. Nous ne parviendrons pas à la maîtrise de nos finances publiques sans que toutes les administrations publiques soient concernées – dans des proportions dont vous aurez l’occasion de débattre.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Vous avez fait part de votre « très mauvaise humeur ». Nous sommes deux ! Je suis, moi aussi, de mauvaise humeur lorsque je vous entends parler des comptes de l’État. Le bilan économique du macronisme est, certes, une catastrophe pour la nation. Mais, face au déficit des comptes publics, vous communiquez sur les économies et les sacrifices que doivent faire les Français – sauf en matière de fraude fiscale. Ainsi que l’a rappelé le président Coquerel, vous avez affirmé hier, sur BFM TV, qu’il n’y a « rien à gratter » de ce côté-là. C’est étonnant, d’autant qu’un rapport de la Cour des comptes, dont vous êtes le président, indiquait fin 2023 : « La France ne dispose d’aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale. » Sur quelle étude précise vous fondez-vous pour affirmer publiquement et avec autant de sérénité qu’il n’y a rien à gratter du côté de la fraude fiscale ? Bref, vous parlez de beaucoup de choses, sauf de « l’éléphant dans la pièce », à savoir les 100 milliards de TVA, premier impôt du pays, douloureux pour les Français des classes moyennes et populaires, qui ne vont plus dans le budget de l’État, mais dans ceux de la sécurité sociale et des collectivités pour compenser des suppressions d’impôts et des cotisations pour les plus riches et les grandes boîtes. Lorsque le président Coquerel vous a interrogé sur ce point, vous avez répondu que vous souhaitiez « éviter tout biais idéologique ». Hier, sur BFM TV, vous ne vous êtes pourtant pas gêné pour affirmer qu’il fallait réduire les coûts des transports médicaux ou passer aux médicaments génériques.
Ainsi, concernant le budget de l’État, vous pouvez dire qu’il faut mettre le paquet sur les 2 milliards de la fraude sociale, mais vous semblez n’avoir plus rien à dire concernant les 100 milliards de TVA détournés du budget de l’État. Vous n’avez rien à contrôler, rien à évaluer. Il n’y a pas un abus, pas une fraude. Il n’y a pas d’utilisation de l’argent public mauvaise ou pas très saine. Il n’y a rien !
Vous faites une recommandation dans ce domaine, dans votre rapport : « Réintégrer l’ensemble des dépenses fiscales relatives à la TVA, y compris pour les parts attribuées à d’autres administrations publiques que l’État, dans le montant total des dépenses fiscales figurant dans le projet de loi de finances. » Ce serait utile, parce que cela permettrait aux Français de se rendre compte des sommes en jeu, c’est-à-dire les plus de 100 milliards qui sont détournés.
Quand vous dites aux Français, notamment sur les chaînes publiques, qu’ils doivent se préparer à faire des efforts, il faut commencer par vos services.
M. Pierre Moscovici. J’allais dire que je suis de bonne humeur, parce que pour la première fois, je ne vous vois pas de dos. Cela me fait plaisir. Depuis des années, je considère que tourner systématiquement le dos pour poser des questions est d’une grossièreté sans nom.
M. le président Éric Coquerel. C’est sa place.
M. Pierre Moscovici. Certes, mais quand on veut poser une question, on se tourne. J’exprimais à M. Guiraud un motif de bonne humeur de ma part : je suis content de le voir de face, car quand on me contredit ou on m’interroge, je préfère avoir un interlocuteur plutôt que quelqu’un qui me tourne le dos.
M. le président Éric Coquerel. En général, David Guiraud ne se cache pas pour poser des questions.
M. Pierre Moscovici. Je vais être d’un peu moins mauvaise humeur en ne reprenant pas vos propos selon lesquels il faut mettre de l’ordre dans nos services. Mais il faut apprendre, quelle que soit sa sensibilité politique, à respecter les institutions indépendantes du pays.
Quand je parlais des dépenses d’assurance maladie, je m’appuyais précisément sur les rapports qui ont été rendus publics lundi. Il existe des rapports de la Cour des comptes sur tous ces sujets. J’ai indiqué que nous avions un rapport sur la lutte contre la fraude fiscale en cours de préparation, qui sortira fin 2025.
Je peux aussi corriger le propos que j’ai tenu sur BFM TV, qui était sûrement un peu rapide. Ce que je voulais dire, c’est qu’il est fantasmatique d’imaginer qu’on va réduire les déficits en combattant uniquement la fraude fiscale, car beaucoup ont été fait en la matière. Je voulais surtout souligner qu’en matière de fraude sociale, nous sommes loin d’avoir la même performance.
Je vous invite à lire les rapports de la Cour des comptes. Ils ne sont pas la vérité, je sais qu’un rapport est toujours réfutable. Mais ils présentent l’avantage d’être objectifs. C’est la raison pour laquelle ils devraient être respectés, au-delà de telle ou telle personne. Le premier président, en l’occurrence, n’est que le porte-parole de l’institution. Ces rapports reposent systématiquement sur des faits et des chiffres, et procèdent d’une collégialité faite d’hommes et de femmes dont je puis vous assurer qu’ils ont des sensibilités politiques et des regards sur le monde différent. C’est ce qui fait le sel de cette maison, et j’entends que cela soit respecté.
Concernant la TVA, nous sommes exprimés à plusieurs reprises. Il y a des rapports du CPO à ce sujet, dont celui de l’an dernier que je vous invite à lire. J’ai moi-même observé que nous avions, l’an dernier, fait état de l’optimisme des prévisions en la matière et critiqué à plusieurs reprises le fait que la TVA était de plus en plus déconnectée des ressources et des recettes de l’État. Là encore, je vous invite à lire le très intéressant rapport de la Cour.
M. le président Éric Coquerel. Je suis satisfait de cette réponse, qui montre que le sujet n’est pas idéologique et que l’on peut donc aussi parler des recettes.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les documents nous sont parvenus trop tard pour permettre à la commission de travailler dans des conditions optimales. Je n’ai pas eu le temps de les lire. Vous avez disposé de six jours, mais nous de seulement quelques heures.
L’un des défauts dans l’élaboration des prévisions tient au fait que les deux documents prospectifs que sont la loi de programmation et le PSMT ne distinguent pas les catégories d’acteurs, notamment celle des collectivités locales. À aucun moment de l’élaboration des trajectoires pluriannuelles, l’avis des collectivités n’est obligatoire. Ne faudrait-il pas qu’il le soit ?
Par ailleurs, vous avez évoqué avec force les efforts et les réformes structurelles à engager pour tenir la trajectoire. C’est, en effet, préférable à la « tronçonneuse » ou au « coup de rabot ». Mais, en parallèle, ne devrait-on pas faire des réformes structurelles en matière fiscale ? Ne pourrait-on pas, par exemple, à recettes égales, faire davantage peser les recettes sur l’héritage et les hauts patrimoines plutôt que sur le travail ? Selon moi, une reconfiguration structurelle de l’impôt serait plus efficace qu’une taxe exceptionnelle.
Enfin, plutôt que d’envisager l’augmentation de certains taux d’impôt, ne vaut-il pas mieux envisager la fin de certaines niches fiscales ? Plusieurs rapports, dont certains de la Cour des comptes, en pointent quelques-unes.
M. Pierre Moscovici. S’agissant des collectivités locales, je répète que ce n’est pas à nous de dire quelle est la proportion des efforts des unes et des autres. En revanche, nous avons souligné à plusieurs reprises, et nous le soulignons à nouveau, que les estimations de la baisse des dépenses des collectivités sont effectuées sans qu’il existe le moindre mécanisme de concertation ou de contrainte. L’évolution de la dépense locale doit donc être discutée avec les collectivités, pour les convaincre. Sinon, on est dans le domaine du normatif et cette évolution risque de rester fictive pour une large part.
Pour ce qui est du délai d’envoi des documents, je connais la difficulté du travail des parlementaires. Je vous informe de celle du travail du Haut conseil. L’information, sa qualité, sa transparence et sa circulation sont des éléments fondamentaux pour améliorer le débat public.
Quant au débat fiscal, il est par définition devant nous, puisque commence la préparation du projet de loi de finances pour 2026. C’est une option politique que de le clore. Vous parlerez nécessairement des dépenses fiscales. J’entendais, ce matin, que Mme de Montchalin envisageait de les réduire de façon significative. En pratique, les mesures sur les dépenses fiscales portent aussi sur les recettes.
Je ne le dis pas par concession idéologique. Dans son avis sur le RAA, le Haut conseil des finances publiques conclut que pour réduire les déficits, il faudra combiner de manière intelligente – cela dépend de vous – une action structurelle sur les dépenses et l’évolution des prélèvements obligatoires.
À cet égard, il faut arrêter de considérer que nous proposons de l’austérité. Refuser l’effort aujourd’hui, c’est avoir de l’austérité demain. C’est s’exposer à un incident de finances publiques. Nous sommes sur une ligne de crête. Il faut faire des efforts – ce n’est pas de l’austérité – qui devront être partagés. Le Haut conseil estime aussi qu’il est légitime de parler de l’évolution des prélèvements obligatoires. Nous avons ce débat entre nous, raison pour laquelle nous le mentionnons. Le débat fiscal n’est pas clos, il commence.
M. le président Éric Coquerel. Vous me permettrez de penser qu’interpréter 40 milliards d’économies comme un effort au lieu de l’austérité, c’est une optique idéologique.
M. Pierre Moscovici. Je ne le crois vraiment pas. Les dépenses publiques représentent 57 % du PIB. De surcroît, je préfère parler de stabilité de la croissance des dépenses en volume. Quand on parle de 40 milliards, je me demande toujours sur quoi cela se centre. C’est d’ailleurs ce qui conduit à des écarts d’appréciation entre le Haut conseil et le gouvernement, comme cela s’est passé lors de la discussion initiale sur le PLF pour 2025.
M. Nicolas Ray (DR). Monsieur le premier président de la Cour des comptes, vous présentez une photographie dégradée de nos finances publiques, mais une photographie réaliste, que nous partageons, avec un déficit record de 5,8 %, un dérapage de 1,4 point par rapport aux prévisions initiales, une dette en hausse de 3 points en un an, pour se situer à 113 % du PIB, et la plus forte hausse des dépenses publiques depuis dix ans en l’absence de période exceptionnelle comme celles que nous avons connues lors de la crise du covid ou de la lutte contre l’inflation. Comme vous, nous regrettons qu’il n’y ait pas eu de projet de loi de finances rectificative, que notre groupe avait réclamé. Un PLFR aurait pourtant été plus utile au pays que la dissolution.
Dans son avis sur le PLF pour 2024, le Haut conseil estimait que la prévision de croissance était élevée ; que, pour la totalité des postes de demande, le gouvernement était plus optimiste que ses organismes ; que la prévision de déficit public apparaissait plus optimiste. En langage de la Cour des comptes, ces propos étaient déjà assez courageux. Mais ne croyez-vous pas que ces formulations mériteraient d’être plus directes, moins balancées et qu’ainsi, elles auraient un impact plus fort pour alerter le grand public sur la situation des finances publiques ?
Par ailleurs, les perturbations internationales ne sont-elles pas sous-estimées en matière de croissance et d’impact pour nos finances publiques ?
Les mesures d’annulation de 4 milliards de crédits qui ont été annoncées cette semaine sont-elles suffisantes pour atteindre les 5,4 % de déficit ?
Enfin, pour résorber le déficit et améliorer la trajectoire, quelle devrait être la juste répartition de l’effort entre les trois sphères – État, collectivités territoriales et sphère sociale ? Pour les collectivités territoriales, comment l’État peut-il mieux piloter nos comptes locaux, de concert avec les élus ? Pensez-vous que la contractualisation soit le bon outil ?
M. Pierre Moscovici. Je suis conscient que nos formulations sont balancées. Il y a toute une sémantique – « atteignable », « plausible », « optimiste », « élevé » – qui mériterait d’être étudiée. Ce serait un joli sujet pour un étudiant. En tout état de cause, il est nécessaire que nous restions dans ce balancement, précisément parce que nous ne sommes pas au-dessus du politique et parce que nous ne prétendons pas avoir une vérité révélée. Parce que notre parole vous est livrée, elle doit être une parole experte et elle ne saurait être une parole d’autorité. Je ne crois pas au gouvernement du juge et des experts. Je respecte trop la politique et la démocratie pour savoir que c’est vous qui faites la loi et que c’est à vous d’exprimer des opinions plus fortes.
Néanmoins, ce que nous disons est lisible et je m’efforce de le communiquer de façon claire. Les messages sont là. Si l’on veut bien les lire en détail, on voit que le Haut conseil a joué son rôle d’alerte de manière pertinente depuis plusieurs années, dans la mesure de l’information dont il disposait. Il continuera à le faire, en essayant d’être plus anguleux. C’est un débat que nous avons entre nous, mais dans lequel je ne peux pas entrer en public.
Par ailleurs, il est trop tôt pour répondre à votre deuxième question. Pour procéder à nos avis, nous auditionnons systématiquement deux instituts de prévision, Rexecode et l’OFCE – de sensibilité différente, l’un plus patronal, l’autre plus keynésien –, la Banque de France, l’Insee et les administrations. Sans entrer dans les détails de nos délibérations, il nous a semblé que les administrations prenaient en compte la dégradation de la situation du commerce international à la date des auditions. C’est la raison pour laquelle nous estimons que les prévisions ne sont pas hors d’atteinte, et que la révision de la prévision à 0,7 n’a pas été faite « au doigt mouillé ». Elle n’est pas dans l’hubris, cette fois-ci, mais résulte d’une analyse objective. Néanmoins, notre avis le souligne aussi, nous sommes dans un contexte de fortes incertitudes. Nous avons auditionné les administrations le lendemain du jour où Donald Trump a décidé de différer ses décisions tarifaires de quatre-vingt-dix jours. C’était un bon jour. Personne ne sait de quoi demain sera fait. Les incertitudes économiques et géopolitiques peuvent entraîner une dégradation des chiffres. C’est pourquoi nous disons que les prévisions ne sont pas hors d’atteinte, mais que les risques à la baisse sont élevés.
C’est balancé, mais cela veut dire que la prévision de croissance pourrait être ajustée in fine. François Bayrou l’a d’ailleurs indiqué hier, lors des réunions qu’il a animées, précisant qu’il faudrait prendre des mesures en conséquence. Cela ne me permet pas de dire si les 5 milliards sont suffisants ou non. Ils sont sans doute proportionnés à la situation que nous sommes capables d’enregistrer, ni plus ni moins. Mais il faut être vigilant. La prévision de croissance est fragile. Nous sommes vulnérables. Nous sommes sur une ligne de crête et nous devons être extrêmement réalistes et prudents.
Concernant la répartition des efforts, j’ai répondu que ce n’est pas à nous d’en décider. En revanche, je redis qu’il faut que toutes les sphères de l’administration publique soient concernées et que l’effort ne repose pas exclusivement ou même quasiment exclusivement sur l’État et son fonctionnement, comme ce fut le cas jusqu’à présent.
M. Tristan Lahais (EcoS). Nous partageons vos interrogations sur le besoin d’une meilleure prévisibilité de nos recettes fiscales, neutralisation faite des erreurs d’estimation – en particulier de croissance. Des questions se posent aussi sur l’élasticité entre celle-ci et les recettes fiscales.
Vos préconisations en matière d’association plus étroite du Haut conseil aux finances publiques avec le Parlement doivent être mises au service d’un renforcement de la démocratie parlementaire, qui a cruellement manqué avec l’absence d’un PLFR, et qui pourrait à nouveau manquer. Il est d’ailleurs curieux d’adopter un budget en sachant pertinemment qu'on annulera au maximum les crédits, comme la LOLF l’autorise. Ce problème de transparence démocratique se répète d’année en année et est déjà annoncé pour l’exercice en cours.
Vous évoquez le dérapage en dépenses publiques pour l’année 2024, qui serait de la responsabilité des collectivités territoriales. Avez-vous évalué la part de la dépense contrainte liée à des mesures prises par l’État ? Je pense à l’augmentation des allocations individuelles de solidarité (AIS), à celle du point d’indice ou au Ségur, qui pèsent mécaniquement sur les dépenses des collectivités et biaisent l’analyse. Ainsi, ce qui est interprété comme un dérapage incontrôlé serait en réalité le fait de décisions prises par l’État. Je rejoins les propos du président Coquerel : en dépit de considérations techniques, le dérapage budgétaire provient de l’échec des politiques de l’offre, qui n’ont pas provoqué l’élargissement de l’assiette attendu, en raison d’une croissance systémiquement plus faible que prévu ces dernières années et qui pourrait persister ainsi.
Concernant les perspectives pluriannuelles, je partage votre alerte sur l’ampleur des déficits et la charge de la dette. Je note avec préoccupation ce que vous dites quant à la nécessité de recontractualiser, en tout cas de renégocier nos encours de dette de 50 % à horizon 2030. Cela doit préoccuper l’ensemble des parlementaires, quels que soient les groupes politiques. En outre, on peut légitimement poser la question des recettes, outre celle des dépenses.
Enfin, on évoque avec pertinence le débat sur la fiscalité du patrimoine, qui est très inégalitaire. Mais on pourrait aussi interroger la fiscalité locale. Pour faire suite à l’intervention de M. Guirault, 50 milliards de TVA pour compenser les pertes de fiscalité locale générées par les décisions gouvernementales peuvent légitimement interroger la refondation d’une fiscalité locale à proprement parler.
M. Pierre Moscovici. Je ne peux pas faire de commentaire sur les questions d’essence politique, qui vous appartiennent. En revanche, je veux répondre à deux points.
D’abord, je ne dis pas que les collectivités locales sont responsables de l’évolution de la dépense pour 2024, mais leur part représente 7 milliards sur 13 milliards, qui proviennent pour la plupart de dépenses de fonctionnement.
Il faudrait évaluer la part de dépenses contraintes et la part choisie. Nous n’avons pas d’analyse de la rigidification de la dépense locale – question à laquelle j’ai insuffisamment répondu tout à l’heure, monsieur le rapporteur général –, mais le budget de l’État est rigide aux trois quarts, avec 35 % de masse salariale, 18 % de dépenses non pilotables, 17 % de dépenses d’intervention et de guichet et 7 % de concours aux opérateurs. Il peut donc se transférer, en partie, vers les collectivités locales. Ce n’est pas une question de responsabilité, mais il faut réfléchir collectivement à la manière dont on maîtrise la dépense locale. Il n’est pas juste de considérer que les collectivités locales n’y sont pour rien au motif qu’elles investissent – en l’occurrence, c’est du fonctionnement. Pour autant, cela ne signifie pas que la situation peut être résolue d’un coup de baguette magique. Il faut y travailler ensemble. Sinon, sans les moyens de les faire suivre d’effet, les chiffres que l’on nous donne sont purement normatifs.
Je ne peux pas faire de commentaire sur la politique de l’offre. Quoi qu’il en soit, on voit que la croissance potentielle s’est plutôt tassée au fil des ans. Si les prévisions étaient de 1,35 % il y a quelques années, nous estimons qu’elles sont plus réalistes, à 1,2 % aujourd’hui et à 1 % 2029. Cela signifie que, malheureusement, nous n’allons pas transformer la France en « tigre asiatique ».
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Merci pour votre sincérité. Ce discours de vérité nous fait prendre conscience de la situation de notre pays.
Vous avez évoqué les conséquences de la dissolution. Avez-vous également examiné les conséquences de la motion de censure, en particulier le fait que le PLF pour 2024 ait été adopté en 2025 et les effets rétroactifs de certaines mesures, comme celle sur la contribution différentielle ?
Vous avez également exprimé votre étonnement concernant certaines recettes en moins et les 14 milliards d’impôts sur les sociétés de décrochage par rapport aux prévisions. La commission d’enquête a analysé les moyens dont dispose Bercy pour évaluer les recettes de l’IS, notamment la technique de l’excédent brut d’exploitation (EBE). Cette méthode est assez décalée par rapport au monde de l’entreprise, puisque l’EBE n’est pas toujours une valeur fiable. D’autres éléments, comme les résultats financiers, méritent d’être étudiés quand on analyse un compte de résultat. Quelles seraient les pistes d’amélioration de la fiabilité des recettes fiscales ? Quels prélèvements complémentaires pourraient être envisagés comme des mesures de justice fiscale, sans briser la croissance de nos entreprises ? Quelles pistes pourrions-nous suivre dans le cadre de nos travaux parlementaires ?
Enfin, n’avez-vous pas constaté des formes d’évitement lorsqu’on limite dans le temps certaines mesures et recettes fiscales ? Je pense à la contribution différentielle d’un an, qu’il serait question de proroger, ou à la contribution des grandes entreprises. Leur limitation dans le temps ne produit-elle pas un effet pervers d’évitement, visant à attendre que le temps passe pour bénéficier de meilleures conditions fiscales ?
M. Pierre Moscovici. Je ne répondrai pas à toutes vos questions, dont certaines sont spéculatives et dépassent mon rôle.
Je me suis permis de faire une incursion ponctuelle dans le domaine politique en évoquant la dissolution, parce que nous avons immédiatement constaté que l’instabilité qui en résultait avait un fort impact sur les taux d’intérêt. Nos spreads ont été multipliés quasiment par deux, ce qui a eu une incidence sur notre dette. S’agissant de la motion de censure, l’impact de l’adoption tardive du PLF pour 2025 sera étudié dans nos prochains rapports. Une chose est sûre, le PLF adopté n’est pas le même que celui qui avait été initialement proposé. Le premier était à 5 %, le second est à 5,4 %. Or, c’est une lapalissade, est qu’il est plus compliqué de faire 4,6 % quand on part de 5,4 % que lorsqu’on part de 5 %. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais un simple constat.
Pour ce qui est des impôts, il y a un travail à faire sur le cinquième acompte de l’IS. Il est envisagé d’interroger les entreprises pour connaître plus tôt le montant des rendements et l’ajuster. C’est une bonne chose, car l’an dernier, nous avons perdu le contact avec les entreprises – ce qui a eu un impact dramatique. Ce sera ensuite à vous, mesdames et messieurs les députés, d’examiner les différentes mesures fiscales. La seule chose que j’ai voulu dire tout à l’heure, c’est que je ne crois pas, en toute sincérité, que le débat fiscal soit prohibé ou derrière nous. Il est devant nous, avec une préoccupation que vous avez exprimée et que je partage, car elle est générale dans nos travaux : on ne peut pas se permettre de casser la croissance. Il ne faut pas casser la croissance. Si l’on perd de ce côté-là, ce qui est fragile, vulnérable et sur la ligne de crête verse dans le fossé.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres orateurs.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je reviens sur ce que vous avez dit sur BFM TV hier, concernant la fraude sociale et fiscale, car ce n’est pas un détail. Vous avez indiqué qu’il n’y avait « pas des masses à gratter » dans la lutte contre la fraude fiscale et que l’enjeu portait sur la lutte contre la fraude sociale.
Concernant la fraude fiscale, le président Coquerel a évoqué la question de l’optimisation grise, à savoir la délocalisation des profits. À combien évaluez-vous ce qu’elle pourrait représenter ? Que pensez-vous de l’instauration d’une taxe de type Zucman pour fiscaliser en France les profits enregistrés en France ?
Par ailleurs, comment estimez-vous la composition de la fraude sociale ? On laisse donner le sentiment médiatique qu’elle provient principalement des fraudes au revenu de solidarité active (RSA) ou commises par les plus pauvres, alors qu’il s’agit à 80 % de fraudes aux cotisations émanant des employeurs.
Enfin, vous estimez qu’il est possible de récupérer 2 milliards sur les 3 milliards estimés de la fraude sociale, c’est-à-dire 66 % du total. Si la proportion était la même pour les 100 milliards estimés de la fraude fiscale, on pourrait récupérer 66 milliards là où la ministre Amélie de Montchalin annonçait que l’on en avait récupéré 16,7 milliards l’année dernière. Ce sont donc 50 milliards supplémentaires qui pourraient être à aller chercher si l’on y mettait les moyens, en particulier en embauchant à la DGFIP. Quand on cherche 40 milliards pour le budget, j’ai du mal à comprendre qu’on puisse dire qu’il n’y a « pas grand-chose à gratter » du côté de la fraude fiscale alors qu’il y a 50 milliards à récupérer, contre 1,5 milliard du côté de la fraude sociale.
M. Pierre Moscovici. Je remercie le président, vous-même et M. Guiraud de m’avoir permis de rectifier ou corriger une expression trop rapide employée dans une émission de télévision. Je voulais simplement dire qu’il ne faut pas croire que la lutte contre la fraude fiscale est la recette magique, qui évite de se poser la question des économies en dépenses. Ce n’est pas vrai. Vous avez mentionné le montant de 16,6 milliards. Je peux vous assurer qu’il est déjà considérable.
Il ne faut pas non plus confondre la lutte contre la fraude fiscale et celle contre l’évasion fiscale. Vous parliez de délocalisations d’entreprises internationales, c’est un autre sujet.
Par ailleurs, nous n’en sommes qu’aux balbutiements en matière de fraude sociale. Ce ne sont pas 3 milliards, mais 4,5 milliards uniquement pour les fraudes à l’assurance maladie. Aussi faut-il déployer un plan qui permette assez vite d’augmenter ce rendement. Voilà ce que je voulais dire et je suis heureux que vous me fournissiez l’occasion de le préciser.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je voudrais revenir sur l’inquiétante progression du volume des dépenses au cours des dix dernières années. Vous indiquez, dans votre rapport, que la hausse des prestations sociales en explique 60 %. Comment se répartissent les 40 % restants ? Quelles seraient les deux mesures les plus urgentes pour maîtriser cette progression de la dépense, au-delà du remboursement des intérêts de la dette ?
M. Pierre Moscovici. Dans une approche large et rapide, on peut noter les augmentations salariales – ce n’est pas un jugement de valeur – et celle du nombre d’agents en équivalent temps plein (ETP), qui jouent beaucoup sur la hausse des dépenses de fonctionnement.
Pour le reste, je me garderai de citer deux mesures. Je pourrais vous renvoyer aux cent quatre-vingts rapports de la Cour des comptes déposés chaque année.
M. le président Éric Coquerel. Merci.
II. Audition de M. Éric LOMBARD, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et de Mme Amélie de MONTCHALIN, ministre chargée des comptes publics, sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 et sur le rapport annuel d’avancement du plan budgétaire et structurel à moyen terme
La Commission entend M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 et sur le rapport annuel d’avancement du plan budgétaire et structurel à moyen terme
M. le président Éric Coquerel. Je remercie les ministres d’avoir répondu à l’invitation de notre commission pour venir présenter le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (PLRG) de l’année 2024, et le rapport annuel d’avancement (RAA) relatif au plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT), qui doit être transmis d’ici la fin du mois d’avril aux institutions communautaires.
Après cette audition, la séquence relative aux orientations et à la programmation des finances publiques se poursuivra par un débat en séance publique le mardi 29 avril, comme le permet l’article 1er K de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Le rapport annuel d’avancement est établi conformément au nouveau cadre européen de gouvernance économique entré en vigueur l’an dernier. Il permet de faire état de nos prévisions macroéconomiques et de nos finances publiques pour 2025. Son indicateur principal, qui est à la fois notre ancre et notre priorité absolue, est le niveau de la dépense primaire nette. Ce nouvel outil vise à suivre d’une année sur l’autre la croissance en valeur de la dépense publique, déduction faite notamment de la charge d’intérêt, des mesures discrétionnaires en recettes et des mesures temporaires liées à des programmes de financement européens. Cet indicateur est évidemment moins sensible que le déficit aux aléas de la conjoncture et nous permet de nous concentrer sur ce qui est à la main du gouvernement et peut être piloté.
Dans une situation géopolitique tourmentée – pour ne pas dire plus –, nos prévisions de croissance ont été revues, même si le scénario de croissance est finalement relativement proche de celui du projet de loi de finances (PLF) de janvier. Comme attendu, et comme le montrent les dernières enquêtes de conjoncture ainsi que la bonne tenue relative de la consommation des ménages, l’adoption du budget pour 2025 a permis de réduire l’incertitude nationale. Cependant, la dégradation de l’environnement international nous conduit à revoir à la baisse notre prévision de croissance pour 2025 à + 0,7 %, c’est-à-dire – 0,2 % par rapport au scénario du PLF que nous avions déjà révisé au mois de janvier. C’est à la fois une conséquence de la politique tarifaire américaine, intégrée pour ce que nous en savons, des contre-mesures que l’Union européenne a prises ou se prépare à prendre, et plus généralement de l’aléa que provoque la nouvelle politique des États-Unis d’Amérique. L’incertitude économique affecte également nos entreprises, dégradant non seulement leurs exportations mais aussi le niveau de leurs investissements. Au total, l’environnement international aurait pour effet de diminuer la croissance de 0,3 point, contre 0,1 point anticipé en janvier. Cette incertitude engendre également une aversion accrue au risque qui entraîne une baisse de nos taux, nos bons du Trésor devenant une valeur refuge, malgré une hausse de l’écart avec l’Allemagne en début de période.
Notre trajectoire de dépenses primaires nette a été amendée par rapport à celle proposée par la France dans son PSMT d’octobre 2024. Il s’agissait de tenir compte de la cible de déficit du gouvernement pour 2025, qui a été revue – passant de 5 % dans le projet de loi de finances initiale à 5,4 % quand nous en avons repris la responsabilité –, ainsi que de la recommandation émise par le Conseil de l’Union européenne en janvier, qui était compatible avec cette nouvelle cible de déficit.
Le taux de croissance cumulé de nos dépenses primaires nettes reste identique sur la période 2024-2029 à celui proposé dans le PSMT ; c’est un point important. Au total, sur 2024 et 2025, la dépense primaire naître croîtrait de 4,2 %, un niveau inférieur au maximum fixé par le Conseil, qui s’établit à 4,6 %. Ainsi, la trajectoire prévue dans le nouveau cadre de gouvernance européen est bien suivie.
Nous réitérons donc notre engagement à faire passer notre déficit sous la barre des 3 % en 2029 – un seuil que le Premier ministre a qualifié hier de seuil d’indépendance. C’est bien le rétablissement de nos finances publiques, en effet, qui permet de garantir notre indépendance et notre souveraineté. Pour satisfaire cet engagement, nous devons piloter nos dépenses publiques de près afin d’apprécier les risques de dépassements éventuels. Nous avons à ce titre présenté hier 5 milliards d’euros d’économies et donnons rendez-vous en juin pour un second comité d’alerte, afin de respecter les engagements que nous avons pris – celui notamment de la transparence, en matière d’exécution du budget, vis-à-vis de la représentation nationale et de l’ensemble des partenaires sociaux.
L’effort de redressement devra être poursuivi et amplifié dans les années à venir, avec une cible de déficit public de 4,6 % en 2026, avant le retour sous les 3 % en 2029. C’est un objectif très exigeant mais atteignable – et qui doit être atteint.
Dans sa conférence de presse, le Premier ministre a confirmé hier une nouvelle méthode, celle d’un dialogue poussé entre le gouvernement, la représentation nationale, la commission des finances, les représentants des élus, les partenaires sociaux et toutes les parties prenantes. Cette méthode doit nous permettre de partager l’exigence de redressement des comptes publics et d’identifier ensemble les moyens de la réaliser. Vous pouvez compter sur la ministre chargée des comptes publics et sur moi-même pour mener à bien cette mission, dans un dialogue confiant et transparent avec la représentation nationale.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics. Après l’audition d’hier, je veux moi aussi vous remercier et saluer la qualité des travaux menés par votre commission sur les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires. Votre rapport a constaté la grande difficulté technique des prévisions ainsi que les aléas exacerbés auxquels notre économie et nos finances publiques font face. Ces aléas et ces risques sont décuplés par la crise, dont nous constatons chaque jour qu’elle est aussi bien géopolitique que commerciale.
L’adoption en commission mixte paritaire (CMP) du PLF pour 2025 a fait de ce texte une loi de finances initiale de compromis. Cette méthode nous oblige à vous informer de l’exécution du budget en toute transparence et avec réactivité.
Vous nous auditionnez aujourd’hui sur deux textes de nature très différente – l’un constate le passé, l’autre prépare l’avenir –, à la fois complémentaires et nécessaires au redressement de nos finances publiques, qui est notre impératif commun. Le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour 2024 est un texte technique, à vocation comptable, qui n’en est pas moins essentiel puisqu’il traduit la réalité des choses. Rendre compte de la gestion, c’est notre devoir d’exécutif auprès de vous, représentation nationale. Plus généralement, c’est le devoir de l’État auprès de nos concitoyens qui, en tant que contribuables, doivent être informés en toute transparence de la façon dont leur argent a été utilisé et de ce à quoi il a servi. Nous avons pour objectif d’établir un constat comptable partagé, afin de pouvoir mieux nous projeter. Je sais que les projets de loi d’approbation des comptes ont été rejetés les trois dernières années. Ce texte reste toutefois une étape incontournable pour retrouver une gestion politique et budgétaire qui soit à la fois efficace et apaisée.
C’est un texte court, qui ne compte que dix articles plus un article liminaire, répartis en quatre parties. Les articles liminaire et premier sont relatifs au solde public en comptabilité nationale, qui s’établit à – 5,8 % selon l’Insee, et au solde budgétaire de l’État, qui s’établit à – 55,9 milliards d’euros pour l’année 2024. Les articles 2 et 3 font état du tableau de financement, c’est-à-dire du recours à l’endettement – avec un besoin de financement atteignant 305 milliards d’euros –, et du résultat patrimonial de l’État dont le solde, présenté dans le compte général de l’État, s’établit à – 123,7 milliards d’euros.
Les articles 4 à 6 soldent les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) non consommés sur le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux : n’ayant pas été reportés à l’échéance organique du 15 mars, ils deviennent sans objet et sont annulés, conformément au principe d’annualité. Ce sont 8,7 milliards d’euros d’AE et 4,5 milliards de CP qui sont clos sur le budget général. Nous nous sommes efforcés de remettre la pratique des reports en ligne avec celle qui prévalait avant la crise du covid.
Les articles 7 à 10 sont plus exceptionnels. Ils visent à pallier l’absence de loi de règlement adoptée selon les formes depuis 2021, et affectent officiellement le résultat patrimonial des années 2021 à 2023 dans le bilan de l’État. Le dernier article arrête le solde du compte spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce, clos au 1er janvier 2021, à + 800 millions d’euros.
Il s’agit d’assurer, comme préalable à notre vie en tant que nation, que nos comptes sont tenus. Il est donc souhaitable que ce PLRG soit adopté et qu’il referme ainsi les exceptions qui handicapent l’annualité de nos finances publiques et la sincérité des débats.
Plus concrètement, vous savez que dès le début 2024 et tout au long de l’année, des mesures de correction de la trajectoire ont été prises pour tenir compte de la dégradation de la conjoncture et de l’inflation mais également d’un déficit 2023 revu à la hausse. Puis à la fin de l’année, les débats ont été marqués par la préparation de l’entrée inédite, en 2025, en régime de services votés avec l’adoption de la loi spéciale. Je ne m’étendrai pas plus sur la gestion 2024, qui a fait l’objet d’une commission d’enquête dont nous avons discuté les conclusions hier. Je tiens néanmoins à rappeler que si la dégradation a été réelle en 2024, l’effort en gestion sur les dépenses de l’État est tout aussi substantiel : à la fin de l’année 2024, les dépenses de l’État ont été inférieures de 7 milliards d’euros au volume voté en loi de finances initiale.
Si ce texte dresse un constat, c’est bien celui de la gravité de la situation de nos finances publiques fin 2024. Le déficit de 5,8 % est certes en légère amélioration par rapport aux 6 % prévus par la loi de finances de fin de gestion mais il est largement supérieur aux 4,4 % prévus en loi de finances initiale. Il s’écarte également de la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027, qu’il dépasse de 0,5 point de PIB. Comme l’a constaté le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et comme le prévoit la Lolf, il est fait appel à un mécanisme de correction. En présentant ce projet de loi, nous détaillons les raisons de l’écart entre la prévision et l’exécution de l’année 2024 ; nous indiquons aussi que des mesures de correction seront présentées dans les prochains textes budgétaires. Il est essentiel en effet que nous puissions montrer aux Français la façon dont nous tenons la trajectoire qui nous permettra d’arriver à 3 % en 2029.
Je voudrais revenir, pour conclure, sur la pertinence de la méthode qui est la nôtre depuis que nous avons pris nos fonctions le 23 décembre : le « quoi qu’il arrive ». La loi de finances initiale pour 2025 a déjà engagé un effort courageux. L’objectif de 5,4 % est, selon les mots du HCFP, à la fois impératif, ambitieux et atteignable. C’est pourquoi notre gestion est renforcée, avec des reports de crédits strictement réduits, une réserve de précaution sanctuarisée au niveau interministériel, une réserve prudentielle dans le cadre de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) et une révision des dotations en fonction des trésoreries des opérateurs notamment. Il faut que les euros publics dépensés soient d’abord efficaces et déclencheurs plutôt qu’automatiques et porteurs d’effets d’aubaine.
Nous faisons donc preuve de transparence et de réactivité. Face aux nombreux aléas liés à la croissance ou au contexte international, nous prenons des décisions : ont ainsi été annoncés 5 milliards d’euros de mesures de redressement, avec 3 milliards d’annulations sur les dépenses qui avaient été mises en réserve et 2 milliards de gels complémentaires pour remonter les crédits gelés à 7,7 milliards d’euros. Cette opération est essentielle pour que nous puissions tenir notre objectif. L’effort est significatif mais soutenable dans les programmations des ministères, qui conservent des capacités de couverture et de redéploiement. Dans la sphère maladie, 1,1 milliard d’euros mis en réserve pourra être mobilisé en cas d’aléas.
Notre souhait, avec Éric Lombard, est de travailler avec vous pour nous attacher chaque jour davantage ensemble à mieux identifier et anticiper les aléas et les risques, en associant toutes les parties prenantes et les gestionnaires publics. Avec le comité d’alerte inauguré ensemble hier, avec le plan d’action de pilotage des finances publiques, nous voulons ouvrir ce que certains appellent la boîte noire, qui n’a rien d’une boîte ni de noir, pour la partager avec les Français et avec ceux qui veulent y travailler.
M. le président Éric Coquerel. La présentation du rapport d’avancement annuel du PSMT, dont certains chiffres ont servi de base à la conférence de presse du Premier ministre, me permet de poser les questions que je n’ai pu poser hier. Je suis assez d’accord avec lui pour employer les termes d’ouragan ou de tsunami. Je considère en effet que nous changeons de période économique : alors que le système capitaliste s’appuyait sur le libre-échange, il s’appuiera désormais sur une confrontation commerciale qui, par certains aspects, ressemble à la situation d’avant 1914 ; c’est dire que le moment est grave. Or, pour affronter ce changement de période, vous nous proposez de rester sur la même barque à rames : vous envisagez, pour réagir notamment aux évolutions du contexte liées aux décisions de Donald Trump, de poursuivre une politique qui a échoué.
Depuis des années et singulièrement depuis 2017, la politique menée – et assumée comme telle, notamment par Bruno Le Maire – visait à attirer les capitaux en France pour favoriser l’investissement et l’emploi, en instaurant des conditions fiscales avantageuses. Il en a résulté une baisse importante des recettes qui, par rapport au PIB, ont chuté de 3 points depuis 2021 – les tableaux que vous nous avez distribués hier sont à cet égard très éclairants – quand les dépenses publiques sont restées stables. Ces recettes perdues, au profit notamment des plus riches détenteurs du capital, n’ont pas ruisselé. Le déficit a augmenté alors que le macronisme s’était fixé comme premier défi de le réduire. La faible industrialisation, les taux de chômage et de pauvreté, la productivité qui ne progresse plus et le niveau de la demande – qui constitue le premier problème des entreprises – attestent également l’échec de la politique du ruissellement.
Or ce que l’on nous propose, pour les années à venir, c’est surtout de réduire les dépenses publiques, notamment les dépenses sociales et celles des collectivités territoriales. Les pistes évoquées, qui ne sont certes pas actées, m’inquiètent : j’entends dire que l’on remettrait en question le système assurantiel universel et que les plus riches seraient moins bien remboursés. Je m’inquiète aussi du niveau des dépenses par rapport aux besoins dans de nombreux domaines, notamment l’écologie : l’an dernier, le budget consacré aux politiques environnementales a baissé de 2 milliards d’euros alors que l’ensemble des rapports estiment qu’il faudrait des investissements publics supplémentaires de l’ordre de 37 à 50 milliards d’euros par an d’ici 2030. De surcroît, la baisse des dépenses publiques a un effet récessif que l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a évalué l’an dernier à 0,8 %. Avez-vous, à ce sujet, une estimation de l’effet récessif des baisses de dépenses que vous proposez, ne serait-ce que pour 2026 ?
Manifestement, vous n’allez pas régler le problème qui nous est posé, c’est-à-dire la baisse des recettes. Ce n’est pas la taxe Zucman que vous envisagez d’instaurer sur le patrimoine – à un taux de 0,5 % au lieu de 2 %, et sur une assiette réduite – qui rapportera les 50 à 60 milliards d’euros dont la politique fiscale prive l’État chaque année depuis 2023. Il y a une contradiction à faire ce qu’a expliqué Gabriel Attal devant nous, c’est-à-dire à s’attaquer principalement aux dépenses publiques lorsque l’on constate que les recettes baissent. De surcroît, vous remettez au premier plan l’urgence budgétaire, en dramatisant les chiffres. Sans nier son importance, je rappelle qu’on nous disait il y a quelques semaines que l’urgence concernait la défense et, il y a peu de temps, la politique commerciale.
Tout cela m’inquiète car je pense que l’heure est venue de soutenir notre souveraineté industrielle et agricole, en instaurant une forme de protectionnisme mais aussi en investissant massivement. Les Allemands vont ainsi investir à hauteur de 500 milliards d’euros, et je vois peu de plans de la même ampleur en France. La défense n’est certes pas le domaine dans lequel les investissements sont les plus nécessaires, mais la loi de programmation militaire (LPM) va être respectée et, lorsque vous avez rencontré la base industrielle et technologique de défense (BITD) à Bercy, monsieur le ministre, vous n’avez évoqué que 1,7 milliard d’euros d’investissements. On me rétorquera que les Allemands, eux, peuvent se le permettre. Mais si nous n’en faisons pas autant, le décrochage de notre production industrielle par rapport à la leur risque de s’aggraver au cours des vingt prochaines années.
Vous savez que, constatant l’écart important entre l’exécution et les orientations pluriannuelles de solde structurel, le HCFP a déclenché le mécanisme de correction prévu par le III de l’article 62 de la Lolf. Quelle option allez-vous retenir : adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques, ou proposer des mesures correctives dans les prochains PLF et projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ?
Des gels de 8,7 milliards d’euros ont été appliqués et vous avez annoncé, madame la ministre, une annulation de crédits de 3 milliards d’euros, ainsi que des surgels à hauteur de 2 milliards d’euros. Correspondent-ils à ceux que vous avez évoqués hier comme étant en discussion, ou en prévoyez-vous d’autres ? Accumuler des gels, n’est-ce pas une façon d’éviter un projet de loi de finances rectificative (PLFR) – et, conséquemment, le passage devant le Parlement et le recours à de nouvelles possibilités de recettes ? Autrement dit, n’est-ce pas reculer pour mieux sauter, en évitant que le Parlement puisse s’exprimer ? Vous l’aurez compris : un PLFR sera selon moi nécessaire, surtout si la croissance diminue davantage que prévu.
M. Éric Lombard, ministre. Vous avez raison : notre pays et notre continent sont à un tournant historique. Nous changeons de période économique mais aussi, plus fondamentalement, de période historique. Le capitalisme mondial est en plein bouleversement. Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à l’émergence de la puissance chinoise – dont certains moyens, contestables, appelleront sans doute un renforcement de nos réponses. Nous constatons aussi le pouvoir conquérant croissant de la Russie et la menace qu’elle constitue pour la paix, dans le Caucase et désormais en Europe. Avec l’agression contre l’Ukraine, notre continent connaît une guerre d’une ampleur qu’il n’avait pas connue depuis la deuxième guerre mondiale. Enfin, la nouvelle administration américaine mène une politique radicalement différente de celle qui, depuis quatre-vingts ans, consistait à réduire les tarifs douaniers pour développer l’économie mondiale et abaisser le coût des produits.
Si nous avons un certain nombre de points d’accord et de convergence sur cette analyse, monsieur le président, nous divergeons sur les conséquences à en tirer. Je voudrais d’abord revenir sur l’orientation générale de notre politique en soulignant d’abord que, dans ce monde en difficulté, notre continent est un espace de démocratie totale et sans limitation. C’est une excellente chose : des élections régulières permettent aux peuples de désigner leurs représentants et leurs gouvernements. C’est un point essentiel, sur lequel j’espère que nous serons d’accord.
J’aimerais ensuite rappeler notre ambition écologique. Après le conseil de planification écologique tenu il y a quinze jours, nous demeurons dans la trajectoire de l’accord de Paris : l’objectif d’une économie décarbonée d’ici à 2050 est au cœur de notre politique énergétique et de notre démarche de réindustrialisation. Il détermine nombre de nos politiques publiques à l’échelle territoriale comme nationale et vis-à-vis des entreprises. Cela nous distingue, encore une fois, de ce que l’on observe sur d’autres continents. Nous déployons enfin des politiques – dont on peut évidemment débattre de l’intensité – visant à lutter contre les inégalités, grâce à des redistributions importantes. Notre modèle social très ambitieux est un avantage mais aussi sans doute un inconvénient, dans la mesure où les dépenses publiques atteignent 57 % du PIB.
Ce modèle, nous voulons l’améliorer ; c’est sur la méthode que nous divergeons. Le monde et l’Europe sont de plus en plus concurrentiels. L’Allemagne vient de mettre un terme au frein à la dette, et l’accord de coalition qui a été signé donnera des marges de manœuvre considérables au futur gouvernement pour soutenir les entreprises. Dans ce contexte, il nous semble que notre projet politique doit également soutenir la production : c’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas augmenter les impôts et les charges auxquels les entreprises sont soumises. Nous devons améliorer la productivité de notre économie pour réindustrialiser notre pays et garantir sa souveraineté. Pardon de vous contredire sur ce point, monsieur le président, mais lorsqu’avec Sébastien Lecornu nous avons réuni les industriels et les financeurs, c’est pour mobiliser l’investissement privé autour de l’effort de défense, au-delà de l’investissement public. Notre objectif, tout à fait central, est d’être ainsi au rendez-vous du maintien de la paix en Europe.
L’effort que nous défendons vise à poursuivre la lutte contre le chômage, après les réussites enregistrées ces dernières années, et à maintenir l’attractivité de notre pays. Ce sont en effet l’investissement, l’innovation et l’industrialisation qui nous permettront de relever les défis.
Vu le niveau de dépense publique, et compte tenu de l’impératif de productivité et de compétitivité, nous pensons qu’il existe des marges importantes pour réduire cette dépense sans dégrader la qualité des services publics ni celle de notre protection sociale, à laquelle nous sommes tous attachés. En réalité, cette réduction sera assez modeste : la trajectoire que nous vous avons présentée prévoit une baisse de 6 % en cinq ans – soit, compte tenu de l’effet de cumul, moins de 1 % par an en volume, sur 1 700 milliards d’euros de dépenses. Grâce à une efficacité accrue et à une plus grande sélectivité, nous pourrons réaliser cet effort sans mettre en cause notre modèle démocratique. Celui-ci vise à assurer la transformation écologique et à lutter contre les inégalités ; la politique économique que nous prônons nous permettra, me semble-t-il, de mieux le défendre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Dans de nombreux pays, les effets récessifs qui ont été évoqués viennent de l’incertitude. Le gouverneur de la Banque de France a rappelé hier qu’il était difficile, compte tenu du niveau d’épargne actuel en France – lequel résulte notamment de la crainte de futures hausses d’impôts –, de mesurer les effets keynésiens. C’est la raison pour laquelle nous privilégions les baisses de dépenses de fonctionnement plutôt que d’investissement. C’est aussi pourquoi nous voulons engager un travail sur les niches fiscales et, d’une façon générale, sur l’efficacité des dépenses. Certaines n’ont pas d’effet sur la croissance, en dépit de leur coût élevé : c’est le cas notamment de celles qui découlent de la désorganisation de l’État, ou de celles qui sont liées à certains arrêts maladie. Certaines incitations, mal calibrées, provoquent des effets d’aubaine plutôt que des effets déclencheurs.
J’en viens à vos deux questions. Le Haut Conseil des finances publiques active effectivement le mécanisme de correction. Dans un esprit de pragmatisme, compte tenu de la situation politique, du calendrier et du travail qui est devant nous, nous privilégions une présentation des mesures de correction dans le cadre du prochain budget, c’est-à-dire du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Nous lancer dans la rédaction d’une nouvelle trajectoire, alors que nous venons de la présenter dans le cadre de ce rapport annuel d’avancement du PSMT, nous semble aujourd’hui difficile au vu des perspectives d’adoption de cette nouvelle trajectoire. Totale transparence, donc, et mesures de correction dans le PLF, mais aussi pragmatisme.
Pour 2025, il n’y a aucune stratégie d’évitement, mais une stratégie pragmatique. Dans le cadre de la Lolf, le gouvernement dispose d’outils lui permettant de procéder à des ajustements infra-annuels, qu’il faut utiliser pleinement et en toute transparence vis-à-vis de vous. De fait, dès que nous activons ces outils, nous vous en rendons compte par écrit en temps réel ou nous vous appelons. Il n’y a rien de caché.
Nous pouvons, dans le cadre de la Lolf, annuler jusqu’à 12 milliards d’euros de crédits et prendre jusqu’à 8 milliards d’euros de décrets d’avance. Les quantums que j’évoque – pour l’instant, 3 milliards d’annulations et 2 milliards de gels supplémentaires, qui porteront la réserve à 7,7 milliards après annulation –, sont très loin des plafonds permis par la Lolf. Alors que nous disposons d’outils qui nous permettent de continuer à bien piloter nos dépenses face à des aléas, on voit bien le coût macroéconomique qu’aurait l’incertitude générée par l’ouverture d’un nouveau débat budgétaire en pleine année, alors que la loi de finances initiale pour 2025 a été promulguée le 14 février.
Dans un monde d’incertitudes, notre responsabilité et notre devoir sont évidemment de tenir les objectifs, mais pas de rajouter de l’incertitude pour les acteurs économiques qui, comme vous l’avez dit très justement, monsieur le président, cherchent à savoir où l’on va. Nous leur devons cette forme de stabilité – toute relative, au demeurant, dans un pays qui a tout de même commencé l’année sans budget.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La commission des finances, dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, a publié hier son rapport sur les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024. Certains membres de la commission et certaines personnalités auditionnées ont émis le souhait d’un renforcement des pouvoirs du Haut Conseil des finances publiques. Pour ma part, et avec de nombreux collègues de la commission des finances, j’ai proposé d’associer le Haut Conseil à la prévision macroéconomique, soit en l’impliquant dans l’élaboration des hypothèses retenues par le gouvernement, par exemple pour la production ou la validation de certaines d’entre elles, soit en instaurant un mécanisme du type comply or explain qui permettrait au gouvernement de rectifier les prévisions jugées trop optimistes ou trop pessimistes par le Haut Conseil ou, à défaut, d’expliquer pourquoi il ne les modifie pas. Quelle est la position du gouvernement à cet égard ?
Vous envisagez, en 2025, une progression de la consommation de 1,2 % en volume, soit une hausse supérieure à celle du scénario du PLF amendé, qui n’était que de 0,7 %, et une légère baisse du taux d’épargne, qui passerait de 18,2 % en 2024 à 17,9 %, tout en restant nettement plus élevé que sa moyenne d’avant la crise sanitaire, qui était de 14,6 %. Le HCFP note : « Ces évolutions sont plausibles, […], mais la hausse de la consommation sur laquelle le gouvernement table semble encore légèrement optimiste au vu des indicateurs les plus récents et des inquiétudes possibles des ménages dans le climat actuel. » En 2023 et 2024, l’écart entre le volume prévu de la consommation des ménages et ce qui a été réalisé était de 1 à 2, voire de 1 à 3.
J’abonde donc dans le sens du Haut Conseil. Selon les enquêtes de conjoncture, le solde d’opinions favorables des ménages sur l’opportunité d’épargner n’a jamais été aussi élevé, et il ne baisse pas. L’hypothèse d’une légère baisse du taux d’épargne et d’une augmentation, de 1 % ou 2 % en volume, de la consommation des ménages, ne paraît pas cohérente avec ces données. Comment justifiez-vous ce choix ?
Sur quoi se fondent vos prévisions macroéconomiques pour les années 2026 et suivantes ? Pourquoi la composition de la croissance et les méthodes selon lesquelles vous parvenez à vos estimations de croissance ne sont-elles pas détaillées dans le RAA ? J’ajoute que la composition de la croissance, très différente des prévisions, explique une bonne partie des écarts de recettes entre 2023 et 2024.
Dans son rapport sur Le Budget de l’État en 2024, la Cour des comptes déplore une « augmentation constante des dépenses fiscales, qui atteignent désormais le quart des recettes fiscales ». Les dépenses fiscales progressent effectivement de 4,6 milliards d’euros, soit de près de 6 %, pour atteindre 83,3 milliards d’euros. Ce phénomène, écrit la Cour, « met à mal la lisibilité des principaux impôts », et « laisse se multiplier [des] dispositifs dont la pertinence peut être interrogée au vu du gain pour chaque usager. » Ainsi, « douze dépenses fiscales procurent un gain inférieur à 100 euros par ménage pour un coût de 2,2 milliards d’euros. » Ne faudrait-il pas enfin envisager une rationalisation du maquis des dépenses fiscales ?
La Cour des comptes conteste particulièrement le retraitement des dépenses fiscales relatives à la TVA. Depuis le PLF pour 2024, le gouvernement présente le coût des dépenses fiscales liées à la TVA en fonction de la part de TVA nette revenant au seul État, soit 47 % ou 48 % actuellement. Le montant des dépenses fiscales assises sur la TVA s’en trouve ainsi artificiellement réduit de près de moitié – 11 milliards d’euros au lieu de 20, selon la Cour des comptes. Pourquoi ne pas revenir sur cette nouvelle convention de traitement de ces dépenses fiscales, qui les minore artificiellement dans la documentation budgétaire ?
Si les reports de crédits de 2024 vers 2025 sont en nette diminution par rapport à l’année précédente, leur niveau est toujours très significativement supérieur à celui d’avant la crise sanitaire, où il était de l’ordre de 4 milliards d’euros. Conformément à votre volonté de maîtriser la dépense, comptez-vous mettre enfin un terme, en 2026, à ces reports massifs qui nuisent notamment au principe d’annualité budgétaire et à la clarté de nos débats lors de l’examen des lois de finances ? En outre, je suis préoccupé par le niveau très élevé des restes à payer, qui représentent 217 milliards d’euros à la fin 2024, sans compter 37 milliards d’euros d’autorisations d’engagement affectées, mais non engagées. Quelle est votre stratégie de réduction de ce stock, qui pèse sur le pilotage des dépenses de l’État ?
Le rapport annuel d’avancement du PSMT évoque un objectif cumulé d’économies permanentes de 8 milliards d’euros sur la période 2025-2027 grâce aux revues de dépenses. Quelles sont les pistes étudiées, au-delà des mesures déjà prévues par la loi de finances pour 2025 ?
J’imagine que la trajectoire des dépenses primaires nettes figurant dans le rapport annuel d’avancement intègre les 40 milliards d’euros d’économies que vous souhaiteriez trouver, monsieur le ministre, pour l’année 2026. Toutefois, ces mesures, comme le souligne le Haut Conseil, ne sont pas documentées. Quelle est donc la valeur d’une telle trajectoire ?
Enfin, dans son avis sur le rapport annuel d’avancement, le Haut Conseil des finances publiques signale que « la trajectoire d’endettement est légèrement dégradée par rapport à celle du PSMT […] du fait d’un endettement plus élevé que prévu en 2024 et d’une consolidation plus tardive ». Alors que le PSMT prévoyait un point culminant du ratio de dette sur PIB de 116,5 % en 2027, le document que vous nous avez transmis prévoit une augmentation de ce ratio jusqu’à 118,1 % la même année, soit un écart de 1,6 point. Pouvez-vous présenter les différentes composantes expliquant cet écart ? Par ailleurs, avez-vous estimé l’effet de cette hausse de la trajectoire d’endettement sur la charge de la dette ?
M. Éric Lombard, ministre. Le gouvernement ne souhaite pas transférer au Haut Conseil des finances publiques ni à quiconque le soin de déterminer la trajectoire de croissance et la trajectoire économique, ni même aller vers la règle du comply or explain. En revanche, nous avons décidé d’avoir un dialogue ouvert et transparent avec un comité d’experts qui comptera les meilleurs spécialistes de la place, mais auquel le Haut Conseil des finances publiques ne souhaite pas se joindre – ce qui, du reste, est logique puisque ce n’est pas son rôle. Nous avons déjà établi cette année avec le Haut Conseil un dialogue beaucoup plus étroit, que nous voulons transparent.
Pour ce qui est de la trajectoire de consommation, notre hypothèse est que le niveau historiquement élevé de notre taux d’épargne, qui est de l’ordre de 18 %, est lié aux incertitudes considérables que le président Coquerel évoquait à juste titre. Le cessez-le-feu en Ukraine, que nous espérons, tarde à venir et des incertitudes fortes se font sentir quant au dialogue qui s’engage depuis lundi à Washington avec les Américains. L’incertitude ambiante se traduit, en toute logique, par une baisse de la consommation et une hausse du taux d’épargne.
Nous faisons tous nos efforts pour parvenir à un accord avec les États-Unis d’Amérique dans le délai de quatre-vingt-dix jours fixé par le président Trump, et plus vite si nous le pouvons. Nous faisons l’hypothèse que la levée d’autres incertitudes, avec notamment, l’établissement d’une trajectoire de finances publiques – la ministre a rappelé, à cet égard, le caractère non keynésien de la dépense publique –, rassurera les différents acteurs. L’une des raisons de l’épargne étant que les Français sont inquiets pour leur retraite, un accord entre les partenaires sociaux sera également un élément rassurant qui pourra se traduire par une baisse du taux d’épargne, et donc par une augmentation bienvenue de la consommation.
Pour ce qui concerne les prévisions macroéconomiques, le rapport qui vous est soumis porte sur 2025 et tous les éléments documentant la trajectoire économique pourront vous être fournis dans des travaux ultérieurs.
Enfin, l’évolution de la trajectoire de dette résulte tout simplement du fait que le déficit de l’année 2024 a été supérieur à ce qui était prévu dans la trajectoire initiale, cet endettement supplémentaire entretenant lui-même, de façon cumulative, les taux d’intérêt y afférents, d’où, au bout de trois ou quatre ans, cet écart de 1 % pour le taux d’endettement et le report du moment où ce taux baissera à nouveau – ce qui est un objectif d’importance stratégique.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Sur la composition de la croissance, nous pourrons vous communiquer des chiffres. La révision qui a fait passer la hausse attendue de 0,9 % à 0,7 % n’est pas liée à une réduction homothétique de chacun des postes. Des changements assez substantiels ont été apportés au modèle économique, en retenant une croissance de la consommation des ménages à 1,2 %, la Banque de France retenant quant à elle le chiffre de 1 %. Nous avons opéré, en revanche, une forte révision des enjeux en matière de balance commerciale et d’investissement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ma question ne portait pas sur 2025, mais sur 2026-2027.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je voulais revenir sur les chiffres de 2025, pour procéder avec méthode.
Les dépenses fiscales, à propos desquelles j’ai lu comme vous les observations de la Cour des comptes, sont un sujet nous voulons examiner de près avec vous, parlementaires, car elles soulèvent des questions d’équité, certains contribuables – ménages ou entreprises – pouvant bénéficier de réductions très substantielles. C’est aussi un important enjeu budgétaire. Les chiffres dont nous parlons – quelque 85 milliards d’euros, pour 467 dispositions fiscales – atteignent, en montant comme en nombre, un record qui doit nous interroger.
Avec le ministre et sous l’autorité du Premier ministre, nous voulons faire œuvre double. Nous voulons d’abord supprimer les dispositions qui bénéficient à très peu de ménages ou ont des rendements totaux très faibles : 67 dispositions ou niches fiscales coûtent – ou rapportent, selon la manière dont on voudra les présenter – moins de 500 000 euros. Le travail que nous avions mené avec Joël Giraud dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 avait montré que des dizaines de niches bénéficient à moins de cent contribuables. Vous avez souligné vous-même, avec la Cour des comptes, que douze dépenses fiscales rapportent moins de 100 euros à chaque ménage concerné alors qu’elles coûtent, au total, 2,2 milliards d’euros aux finances publiques. Il y a là un gisement d’efficacité collective, d’équité et de soutien à la croissance. L’objectif que nous poursuivons, avec le ministre, en supprimant de nombreuses niches, est de rendre l’argent aux Français en baissant les impôts pour tous. Cette mécanique, dont nous devrons définir la proportion, permettrait de recréer un soutien à l’équité, une forme de justice fiscale et un soutien à la croissance, tout permettant, plus prosaïquement, aux agents de la direction générale des finances publiques de consacrer moins de travail au contrôle de dispositions très complexes concernant un très petit nombre contribuables ou produisant des gains très limités pour chaque ménage. Nous souhaitons mener ce travail avec vous qui, en tant que rapporteurs spéciaux, connaissez ces dépenses et, avec vos collègues du Sénat, maîtrisez pleinement les éléments constitutifs des grands impôts. Je déplore avec la Cour des comptes la subsistance de niches fiscales très anciennes qui n’ont plus de comptabilité d’évaluation – nous ne savons parfois même pas combien de contribuables en bénéficient. Nous devons faire un grand ménage dans ces niches fiscales, car il y va de l’équité, de la lisibilité et de la croissance.
Pour ce qui est de la TVA, je tiens à la transparence à votre égard. Normalement, les dépenses fiscales sont attachées à leur bénéficiaire – en l’occurrence, l’État, qui ne perçoit pas les rendements attendus en raison de la moindre collecte de la TVA et de dispositions d’exception ou d’exemption. La Cour des comptes a raison de nous demander d’indiquer clairement quelque part et sous une forme consolidée, tout en respectant la formulation normale, l’ensemble des exemptions à la TVA, même si un peu plus d’un tiers de cette taxe est destiné à financer la sécurité sociale et 20 % les collectivités locales. C’est là une information que, pour des raisons de méthode et de transparence, nous devons vous communiquer.
Quant aux reports, nous avons cherché à les réduire fortement. C’est là une demande légitime des parlementaires. Après des années de très forte augmentation, pour lesquelles les données figurent notamment dans les différents documents remis au Parlement, nous avons réduit les reports des dépenses ministérielles de 7,8 milliards d’euros au début 2024 à 4,4 milliards d’euros en 2025. Le montant total, en incluant les reports du plan de relance, passés de 5,7 à 4,3 milliards d’euros, et en incluant les fonds de concours et les comptes spéciaux – mécanismes pour lesquels il est plus difficile de procéder d’autorité à des baisses, puisque les reports y sont de droit – s’élève à 16,8 milliards d’euros, contre 23,5 en 2024. Mon objectif est de revenir d’ici 2026, en fin de gestion, aux pratiques d’avant la crise de la covid‑19, où les reports ministériels d’une année sur l’autre étaient au maximum de 800 ou 900 millions d’euros, éventuellement de 1 milliard d’euros. Ce chiffre atteint aujourd’hui 4,4 milliards d’euros. Nous l’avons quasiment divisé par deux l’an dernier et, en le divisant à nouveau deux fois par deux, nous en serons revenus à une pratique normalisée.
La même logique s’applique pour les restes à payer, même si le mécanisme est plus complexe. Une partie de ces montants tient aux lois de programmation portant sur l’équipement, comme la loi de programmation militaire, et sur l’investissement, notamment immobilier, comme celles qui concernent la justice ou l’intérieur. Une autre partie des restes à payer provient de mécanismes budgétaires comme les grands programmes d’investissement, où nous pouvons rebudgétiser certains éléments pour éviter la logique d’autorisations d’engagement sur des termes très longs, qui vont au-delà de 2028-2029.
Afin de dérigidifier la dépense publique – pour employer un terme un peu techno qu’utilise aussi la Cour des comptes –, nous voudrions éviter des volumes d’autorisations d’engagement aussi substantiels qui ne soient pas totalement justifiés. Ce travail que nous menons avec la direction du budget et mes équipes répond à un enjeu démocratique. En effet, vous devez voter la loi, mais de nombreuses dépenses sont contraintes, voire obligatoires, or il est normal que, démocratiquement, vous en ayez la maîtrise pleine et entière et que nous revenions donc – hors lois de programmation, qui sont des cadres budgétaires très spécifiques – à une budgétisation respectant davantage l’annualité.
Enfin, les revues de dépenses continuent. Michel Barnier en avait lancé quatre, portant respectivement sur l’hébergement d’urgence, sur les mécanismes de soutien à l’ingénierie locale, marqués par des redondances, ou du moins par la perception de doublons entre certains dispositifs à la fois locaux et nationaux, sur le soutien aux associations, dont nous devrions notamment examiner avec plus de vigilance les problèmes de trésorerie, et sur les frais de justice. Nous avons, quant à nous, lancé quatre nouvelles revues de dépenses, consacrées respectivement au logement social, aux prescriptions en ville et à l’hôpital, à la fraude des professionnels de santé et à la rationalisation des soutiens publics à l’investissement des collectivités.
Je tiens aussi à vous signaler deux missions communes de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances, portant sur les gains d’efficience à l’hôpital et sur les écarts entre territoires pour les aides sociales, peu compréhensibles pour nos concitoyens dans les domaines du handicap ou du vieillissement.
Nous continuons donc de mener ces revues de dépenses, dont les propositions nous permettent de faire des réformes. C’est bien ainsi, par un processus factualisé, rationalisé et porteur de sens, et non pas par des coups de rabot ou des coupes sombres, que nous voulons réduire la dépense publique et en assurer l’efficacité.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme chaque année depuis que je suis élu, nous recevons les documents très tardivement. Ce n’est pas sérieux et nous ne pouvons pas travailler dans des conditions pareilles. D’ailleurs, la manière dont Bercy traite le Parlement depuis des années est très éloquente. Nous n’avons donc eu que quelques heures pour lire ces documents, qui sont complets et intéressants.
Comment vous allez faire pour augmenter la contribution à l’Union européenne de 6 milliards d’euros ? Le rapport de la Cour des comptes confirme en effet qu’il faut trouver 6 milliards pour l’année prochaine, puis encore 2 milliards d’ici 2027 : où allez-vous trouver ces montants ? Le document montre aussi que la charge de la dette va augmenter de 9 milliards d’euros, soit 15 milliards d’euros de dépenses obligatoires à financer. Ce montant est-il inclus dans les 40 milliards d’euros d’économies que vous avez annoncés ou s’y ajoute-t-il ?
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi vous annoncez dans les médias un chiffre compris entre 40 et 50 milliards d’euros, puisqu’on lit à la page 44, pour 2025, qu’il s’agira de 50 milliards. Quel est le bon chiffre ?
La stratégie de rétablissement des finances publiques que vous annoncez à la Commission européenne – ou à je ne sais qui – m’inquiète, car elle ne contient pas grand‑chose. Elle promet une démarche rénovée et ambitieuse de revue des dépenses, mais les questions que je vous ai posées hier sur les revues portant sur le logement ainsi que sur la formation professionnelle et l’apprentissage n’ont pas eu de suite. Vous avez annoncé des réponses aujourd’hui, et j’espère donc que je les aurai. Le cas échéant, quelles autres revues de dépenses allez-vous lancer et qu’allez-vous faire de toutes celles que je n’ai pas eu le temps de citer ?
Vous consacrez deux pages de généralités à dire que le modèle social sera plus efficient et plus efficace – tout ira bien, madame la marquise ! – mais qu’est-ce que cela signifie ? Je n’ai pas le temps de les lire ici, mais ce ne serait pas piqué des vers !
Le pompon va à la politique énergétique et à l’environnement, page 50 – après quoi vient encore un bla-bla. On nous y explique qu’accélérer la transition écologique et énergétique contribue au redressement des finances publiques, mais j’aimerais savoir comment cela peut se faire. Qu’il s’agisse en effet de la stratégie nationale bas-carbone n° 3 (SNBC 3), du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc 3) ou de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3), il n’est question que de dépenses : en quoi cela peut-il contribuer à l’amélioration des comptes publics ? Cela représente en effet au moins 300 milliards d’euros de dépenses, dont au moins, selon la PPE 3, 120 milliards de nouvelles subventions aux énergies renouvelables, qui s’ajoutent à la centaine de milliards déjà dépensés. Qu’est-ce que cela vient faire parmi les économies et les recettes ? Et je ne parle même pas des coûts du réseau ni de la taxe de 23 centimes sur le carburant également prévue dans la PPE – 15 centimes au titre des crédits carbone européens et 8 centimes à celui des nouveaux certificats d’économies d’énergie (C2E).
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Pour ce qui est des délais de transmission des documents, il est de tradition que votre commission, où j’ai siégé voilà quelques années, auditionne les ministres dès qu’ils sortent du Conseil des ministres. Nous avons ainsi eu un quart d’heure pour venir de l’Élysée, où nous étions autour du Président de la République et du Premier ministre pour la présentation et la validation du rapport. Nous nous prêtons aux invitations et aux convocations de votre président et de votre rapporteur général, mais c’est à vous, si vous le souhaitez, qu’il appartient d’adopter une autre organisation. La réunion du Conseil des ministres a commencé à onze heures et s’est achevée à midi trente, tandis que nous étions auditionnés à treize heures trente.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai reçu le rapport hier !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous l’avez eu sous embargo avant le Conseil des ministres, puisqu’il a été présenté ce matin.
M. le président Éric Coquerel. En effet, avec mon autorisation. Je remarque, par ailleurs, que d’autres rapports sont envoyés à la presse alors qu’ils sont encore sous embargo.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Est-il normal de n’avoir qu’un jour pour lire le rapport ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le député, c’est à vous de voir cela avec le président de la commission. Nous ne vous cachons pas des choses, mais nous venons quand nous sommes invités. C’est la tradition que tous les projets de loi de finances et toutes les communications budgétaires soient abordés dans la foulée du Conseil des ministres.
Le prélèvement sur recettes de l’Union européenne et la charge de la dette, dépenses sur lesquelles nous n’avons, par définition, pas de capacité de pilotage, sont inclus dans ce qu’on appelle le « tendanciel », et c’est bien par rapport à cette trajectoire à politique inchangée que nous prévoyons de prendre les mesures qui s’imposent pour tenir l’objectif de 4,6 % de déficit.
Pour ce qui concerne le prélèvement sur recettes de l’Union européenne, nous devons avoir pour objectif collectif – et je m’adresse aussi aux régions et aux autorités qui ont la délégation de ces fonds – de mieux consacrer les fonds européens à ce pour quoi ils ont été pensés. Selon les régions, en effet, les taux de retour sont très différents. De fait, si les régions Grand Est et Île-de-France affichent des taux de consommation et de programmation tout à fait en ligne avec ce qui doit leur revenir, c’est beaucoup moins vrai dans certaines autres régions. La question est donc moins celle des fonds européens eux-mêmes que celle de notre capacité à faire passer les projets des territoires par le biais des autorités de gestion déléguée, et à les faire advenir. C’est pour moi une très grande priorité car, si nous ne le faisons pas, les fonds européens ne seront pas assez activés et nous créerons des fonds français qui feront exactement la même chose, ce qui n’est pas acceptable pour les contribuables. Il ne peut pas y avoir deux mécanismes financés par leurs impôts et finançant la même chose. Je serais ravie de revenir longuement avec vous sur ces bons mécanismes européens qui permettent d’assurer une forme de concurrence loyale entre les pays, pour autant que nous puissions les attirer sur notre sol.
Je viens de faire, en réponse à une question du rapporteur général, la liste de toutes les revues de dépenses en cours et prévues, à partir desquelles nous avons porté à 2,5 milliards d’euros le montant des économies en 2025, dont 200 millions d’euros sur le plan d’investissement dans les compétences (PIC), conformément à une recommandation de la revue de dépenses sur le travail, qui s’intéressait aussi aux emplois francs et aux contrats aidés. Nous pourrons évidemment aller plus loin. Nous avons, par exemple, procédé à des prélèvements sur la trésorerie des agences de l’eau et de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), en conformité avec les revues de dépenses réalisées. Selon le même mécanisme, nous avons également prélevé 500 millions d’euros au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et supprimé le mécanisme Pinel, conformément aux recommandations de la revue de dépenses sur le logement, pour 1,4 milliard d’euros. Je m’attacherai, là aussi, à vous assurer une totale transparence et suis prête à partager avec votre commission les recommandations et les conclusions de ces travaux, d’ailleurs très cohérentes avec celles du Printemps de l’évaluation que vous avez mené.
M. Éric Lombard, ministre. Pour ce qui est, enfin, de la trajectoire énergétique, qui suscite de votre part un vif intérêt, nous souhaitons, comme je l’ai dit, décarboner l’économie, notamment en faisant évoluer notre mix énergétique vers un mix durable au moyen du nucléaire et des énergies renouvelables. Cela demande effectivement un peu de dépense publique, notamment pour développer les énergies renouvelables. Comme vous l’avez constaté, nous faisons des économies, mais à l’intérieur d’une enveloppe de dépenses de l’ordre de 1 700 milliards d’euros, de telle sorte qu’il reste des ressources pour cet objectif très important qu’est la préparation d’un avenir décarboné.
M. le président Éric Coquerel. Je reviens sur la question des délais. J’ai pris sur moi de vous envoyer hier soir les documents qui m’avaient été transmis par les cabinets des ministres sous embargo, car cela me semble normal, mais il restait en effet peu de temps entre cette transmission et l’audition. Je rappelle toutefois que le débat en commission est une sorte d’échauffement, de défrichage, car nous y reviendrons plus longuement en séance publique le 29 avril.
M. David Amiel (EPR). Je note, car cela a fait l’objet de nombreux débats, durant les travaux de notre commission exerçant les prérogatives d’une commission d’enquête, à propos des années 2023 et 2024, que les chiffres qui figurent dans le projet sont en ligne avec les prédictions formulées à l’automne en matière tant de croissance que de déficit – ce dernier, avec 5,8 %, étant même inférieur. Il ne s’agit bien évidemment pas de l’immaculée réduction des déficits publics, mais du fruit des mesures prises l’année dernière. Si ces mesures, dont le montant a été chiffré à près de 30 milliards d’euros par la commission d’enquête, n’avaient pas été prises par le gouvernement, le déficit serait sans doute aujourd’hui plus proche de 7 %.
Je voudrais aussi évoquer les risques pour l’année 2025, à la lumière de ceux qui sont présentés pour 2024. Vous avez mentionné les 5 milliards d’euros d’annulations destinées à compenser les aléas touchant les dépenses de l’État. Avez-vous un chiffrage des aléas possibles en matière de dépenses sociales et de dépenses des collectivités locales ? Comment le gouvernement assurerait-il, le cas échéant, la tenue de l’objectif global de déficit ?
Pour ce qui est encore des aléas, quel est votre éclairage quant à la situation du marché de l’emploi. Vous avez évoqué la révision des chiffres de croissance, de 0,9 % à 0,7 % : qu’en est-il pour le marché du travail ? Cela a, en effet, un impact direct pour nos concitoyens, ainsi qu’un effet induit sur les finances publiques, ne serait-ce qu’au titre de l’indemnisation des demandeurs d’emploi.
Troisième et dernière question : le chiffre de 3 milliards d’euros supplémentaires pour la défense par rapport à la loi de programmation militaire a été annoncé hier pour l’année 2026. Quelle est la destination de ces 3 milliards et comment s’articulent-ils avec les initiatives prises pour renforcer le niveau européen de coordination de nos politiques de défense ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Certains aléas incombent majoritairement à l’État, qui transfère des dotations ou des dotations d’équilibre à la sécurité sociale et aux collectivités, mais certains autres se répercutent directement sur les collectivités elles-mêmes ou sur la sécurité sociale. Une baisse de l’emploi ou de la croissance se répercute ainsi sur les cotisations, ce qui peut se répercuter sur les comptes sociaux. Il en va de même pour les collectivités.
Le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a publié hier un avis soulignant le « dynamisme », c’est-à-dire la croissance, des dépenses de soins de ville – médicaments, arrêts maladie et honoraires – qui explique une partie du décalage en 2024. Pour 2025, le comité souligne que les économies prévues sont, pour les trois quarts, déjà acquises. Le quart restant est à sécuriser et concerne notamment les médicaments, à la fois en prix et en volume. La convention médicale prévoit des objectifs de réduction du volume des prescriptions, ce qui demande de regarder les médicaments les moins onéreux parmi ceux qui sont les plus prescrits.
Si ce sont surtout les soins de ville qui posent problème, nous apportons aussi un soin particulier au déficit des hôpitaux. Le Premier ministre enverra ainsi, dans les prochaines heures, une circulaire sur l’efficience de la gestion des comptes hospitaliers.
Face à cette situation, nous avons innové. Catherine Vautrin, Yannick Neuder et les services des ministères sociaux ont établi une réserve de 1,1 milliard sur l’Ondam. Cette réserve était jusqu’à présent très décentralisée et se trouvait donc difficile à activer en cas d’aléas liés à une épidémie ou à une autre crise sanitaire. Ce montant peut paraître faible au regard des 285 milliards d’euros de dépenses de l’Ondam, ce que le comité d’alerte souligne, mais il salue ces réserves comme constituant un très grand progrès car elles permettent un pilotage infra-annuel des dépenses sociales. Il faudra poursuivre les années suivantes.
Le chiffre cité par le Premier ministre sur les dépenses de la défense est relatif à la marche de la LPM qui prévoit un accroissement des dépenses de 3,6 milliards d’euros entre 2025 et 2026. Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des armées et moi-même travaillons pour déterminer s’il existe des besoins supplémentaires. Les enjeux liés à notre souveraineté demandent en effet une très grande lucidité.
M. Éric Lombard, ministre. Je voudrais partager une bonne nouvelle sur l’emploi : les salaires nets progressent grâce aux efforts réalisés depuis des années pour améliorer la productivité. Nous observons malheureusement un recul de l’emploi marchand, mais nous anticipons que le progrès de l’emploi des non-salariés permettra de maintenir l’emploi à un niveau stable dans les mois qui viennent.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Vous avez parlé de démocratie et de la capacité du peuple français à désigner ses représentants, ce qui est fort discutable dans le cas qui nous occupe. Vous avez prononcé de nombreuses fois les mots « transparence » et « dialogue », mais nous aurions préféré avoir ce débat en séance avant de voter le budget plutôt que de le voir passer par un 49.3.
Le rapport de la Cour des comptes n’est pas très flatteur à votre égard. Depuis 2019, la dette a augmenté de 780 milliards d’euros et, pour l’année 2024, les recettes de l’impôt sur les sociétés (IS) sont inférieures de plus de 10 milliards d’euros aux prévisions. Votre politique de l’offre connaît un échec cuisant. Les cadeaux fiscaux, exonérations et autres abaissements du coût du travail n’entraînent ni hausse de la compétitivité ni ruissellement. Les prévisions de recettes et de déficit sont, selon la Cour des comptes, inatteignables, mais vous avez refusé de faire une loi de finances rectificative, comme le demandait la Cour des comptes et notre groupe politique.
Plutôt que d’affronter ses responsabilités face à cet échec, le président a préféré dissoudre l’Assemblée nationale avant de refuser l’alternance politique qui en découlait. Ce fut ensuite la panique générale, qui s’est traduite par des annulations, des gels et des surgels de crédits, à tel point que la Cour des comptes a dit que vous gouverniez sans analyse.
Monsieur Lombard, vous affirmez qu’il faut à nouveau tailler dans les dépenses à hauteur de 40 ou de 50 milliards d’euros, selon les documents. Pourquoi ne remettez-vous pas plutôt en cause votre politique de l’offre qui gave les plus riches au détriment des plus pauvres, tout en étant inefficace ? Pour réduire le déficit, M. Ferracci a annoncé hier que tout était possible, – s’en prendre aux retraités, à notre modèle social ou à nos collectivités
territoriales –, mais rien ne semble possible quand il s’agit des multimillionnaires.
Pourquoi refusez-vous toujours un impôt plancher à 2 % sur les multimillionnaires alors qu’il a été adopté à l’Assemblée et qu’il pourrait rapporter 20 milliards d’euros ? Que répondez-vous – vous qui vous dites pro-entreprise –à ces millions de microentrepreneurs que vous avez jetés en pâture en abaissant les seuils de franchise de TVA dans le dernier projet de loi de finances ? Allez-vous continuer à tuer nos petites entreprises pour pouvoir continuer à régaler les grandes ?
M. Éric Lombard, ministre. Dans un environnement très chahuté et difficile, la situation relative de l’Union européenne est assez bonne, mais nous allons continuer à lutter contre le chômage et à veiller à l’équilibre territorial de notre développement par un mécanisme de soutien des activités sur l’ensemble des territoires.
Les 50 milliards d’euros d’ajustement que vous évoquez sont une estimation par rapport à la tendance qui a présidé à l’élaboration de la loi de finances pour 2025. Cet ajustement s’inscrit dans la trajectoire vers l’objectif de réduction du déficit à hauteur de 3 % du PIB et sera réduit en 2026 puis en 2027.
Avec des dépenses publiques représentant 57 % du PIB, le salut ne peut venir de leur augmentation pas plus que de l’augmentation des impôts et charges sociales puisque nous détenons le record européen de pression fiscale et sociale. Ce ne serait pas une bonne façon de résister à la concurrence, tant internationale qu’à l’intérieur de l’Union européenne. Nos voisins sont très engagés dans le soutien à leurs entreprises. Nous devons être compétitifs en veillant à ce que les fruits du développement des entreprises soient le mieux partagés possible.
Après une concertation menée par Véronique Louwagie, nous avons trouvé un équilibre permettant de protéger les microentrepreneurs ainsi que les petites entreprises soumises à la TVA qui se retrouvent, dans certains segments, en compétition inégale en raison d’un écart important de tarifs dû à l’application de la TVA. Nous avons ainsi réduit le nombre de seuils pour aboutir à un seuil général de 37 500 euros, sauf pour le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) qui se voit appliquer un seuil de 25 000 euros et pour certaines professions qui se trouvent exonérées de TVA. Nous verrons par quel support législatif nous pourrons soumettre ces mesures à votre vote. Nous n’avons bien sûr aucun désir de tuer les microentrepreneurs et les entreprises. Nous cherchons au contraire un équilibre entre ces deux modalités d’action, qui sont également importantes pour notre développement économique.
La taxe dite Zucman a fait l’objet d’un débat sur une proposition de loi auquel la ministre a participé. Les grandes fortunes sont en général détenues par des personnes possédant de grandes entreprises et une taxe de 2 % sur leur fortune les obligerait à vendre chaque année leur participation à cette même hauteur. Au bout de quelques années, ces entreprises se retrouveraient donc entre les mains d’investisseurs non français et non européens puisque la masse d’investissements possibles en France se trouve limitée par l’absence de fonds de pension. L’avantage, c’est que nous n’aurions plus besoin de cette taxation, mais nous n’aurions plus la propriété de nos entreprises. Nous préférons donc travailler, dans une volonté d’équité, sur un mécanisme de lutte contre la sur-optimisation tout en protégeant nos entreprises car nous avons besoin que nos entrepreneurs puissent développer leurs entreprises chez nous.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous n’avons aucun impensé sur la fiscalité des grandes entreprises. Nous allons appliquer le taux minimum d’imposition mondiale de 15 % prévu par l’accord de l’OCDE d’octobre 2021, qui a été signé grâce à un engagement très fort d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire. Les plus grandes entreprises françaises concernées le savent, ce taux devrait permettre un rendement supplémentaire de l’IS de 1,5 milliard d’euros en 2026. Ne nous faites donc pas de mauvais procès.
Nous avons débattu au cours d’une très longue soirée sur le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et sur celui de l’exit tax, mais la taxe Zucman conduirait à ce que la France perde la propriété de ses entreprises dans un délai de cinq ans. Pour résoudre le problème, il nous semble préférable de protéger l’innovation, les entrepreneurs et les familles qui détiennent les entreprises sur le temps long tout en luttant contre la sur-optimisation. Elle consiste à utiliser des montages fiscaux complexes pour se soustraire au pacte républicain qui exige le paiement des impôts existants.
M. le président Éric Coquerel. J’ai peur que l’accord de l’OCDE soit mort-né une fois que les États-Unis seront revenus dessus.
M. Corentin Le Fur (DR). Le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes est un exercice essentiellement technique, mais il n’interdit pas – je sais que c’est également votre philosophie – de tirer des enseignements dans la perspective de la préparation d’un projet de loi de finances dans des conditions particulièrement préoccupantes. En effet, nous connaissons un déficit public de 5,8 % et une dette de 113 %. La France est désormais le troisième pays le plus endetté d’Europe et le pays qui s’est le plus endetté au cours des dix dernières années. Le projet de loi de finances pour 2026 sera d’autant plus déterminant que le dernier a été préparé dans la précipitation à la suite de la dissolution.
Le redressement des comptes doit être une priorité. Les moindres recettes et les écarts de prévision ne doivent pas masquer le fond du problème, qui est l’excès de dépenses. Je rappelle que nos taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires sont les plus élevés d’Europe. Depuis des années, nous avons du mal à réduire les dépenses publiques. Le travail de Véronique Louwagie pour trouver des gisements d’économies parmi les agences et les opérateurs de l’État sans déplumer les services publics est donc essentiel.
Vous avez parlé d’une trajectoire de baisse modeste, ce qui est le cas jusqu’à présent. Il nous faut pourtant montrer plus d’ambition. Quelles sont vos prévisions d’économies ?
M. Éric Lombard, ministre. Le Premier ministre a lancé une revue des politiques publiques afin de vérifier la bonne utilisation des fonds de l’État en s’assurant notamment que les robinets ont bien été fermés après le fort engagement de l’État pendant le covid pour soutenir les Français et les entreprises.
Toutefois, les dépenses publiques viennent, pour l’essentiel, de la sécurité sociale et des collectivités locales. Elles sont utiles, mais nous devons nous assurer que leur évolution est maîtrisée. Nous avons mis en place un accord de méthode et le Premier ministre a lancé hier plusieurs chantiers avec les collectivités locales. Un des représentants d’une grande association de collectivités locales a suggéré hier que soient passés des contrats entre l’État et les collectivités locales pour qu’elles participent à cet effort de maîtrise tout en respectant leur liberté d’administration, garantie par notre Constitution et par nos valeurs. C’est la prochaine étape avec François Rebsamen.
Dans la sphère sociale, nous visons un accord avec les partenaires sociaux qui en ont la responsabilité première depuis la création de la sécurité sociale dont nous fêterons bientôt les 80 ans. Nous nous appuierons sur les conclusions du conclave sur les retraites. Un dialogue du même type sur la santé et les politiques familiales devrait permettre d’aboutir à un accord sur la façon de partager les efforts pour maintenir la dépense publique ou la réduire très légèrement sur la durée, tout comme le font la plupart des entreprises et beaucoup de ménages qui ne voient plus leurs revenus augmenter de 3 % ou 4 % par an.
En clair, notre objectif est de maintenir la qualité des services publics et de la protection sociale en étant économes des deniers publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons présenté lors de la conférence quatre principes qui nous aideront à bâtir le budget.
Le premier est que les dépenses de fonctionnement n’augmentent pas plus vite que la croissance. Aujourd’hui, il n’est pas respecté dans de très nombreux cadres.
Le deuxième est que l’État se concentre sur une action régalienne de planification plutôt que de continuer à agir comme un État guichet. Nous allons donc nous livrer à une revue très exhaustive des mécanismes d’aides et de subventions dont certains – Pierre Moscovici l’a souligné devant vous ce matin – sont toujours en vigueur alors qu’ils sont liés aux crises que nous avons traversées.
Le troisième principe est que l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers. Les dépenses fiscales sont pour l’État une dépense de facto et nous devons mettre fin à celles que nous ne pouvons plus nous permettre ou qui sont injustifiées. Je pense aux doublons, à l’enchevêtrement entre l’État et les collectivités, aux arrêts maladie ou à la commande publique. Sur ce dernier point, on observe que, dans certains domaines, une entité publique achète plus cher qu’une entreprise ou un ménage. Nous devons donc changer certaines règles ou certaines pratiques de la commande publique.
Le quatrième principe vise à mettre fin à la gratuité qui déresponsabilise. Les services publics sont gratuits, mais ils ont un coût. Il est utile que l’école soit gratuite mais il est aussi utile de savoir – nous n’avons pas honte de le dire – qu’un élève de primaire et un élève du collège coûtent respectivement 8 000 et 10 000 euros par an, qu’un accouchement coûte de quelques centaines d’euros à plusieurs dizaines de milliers d’euros ou qu’un trajet en ambulance coûte en moyenne 115 euros. J’ai coutume de dire qu’il n’y a pas d’argent public : il n’y a que l’argent des Français que nous mettons en commun. Savoir concrètement comment cet argent entre dans nos vies est une manière d’accroître le consentement à l’impôt, mais aussi d’évaluer l’efficacité et la pertinence de la dépense publique.
M. Christian Baptiste (SOC). En ma qualité de rapporteur spécial des crédits consacrés aux outre-mer, je me dois de porter la voix des territoires ultramarins avec responsabilité, mais aussi avec exigence. À ce titre, je ne peux que souligner, avec une vive préoccupation, les annulations d’autorisations d’engagement non consommées et non reportées dans ce projet de loi d’approbation des comptes 2024.
Près de 69 millions d’euros, dont 11,5 millions destinés à l’emploi outre-mer et 57,3 millions aux conditions de vie dans les territoires ont disparu des radars de l’action publique. Alors que les défis économiques, sociaux et culturels de nos outre-mer sont bien connus, ces crédits ont été laissés en jachère puis annulés. Ces sommes ne sont pas abstraites. Elles représentent des opportunités perdues pour nos jeunes en recherche d’emploi, pour les familles en attente d’un logement décent et pour les collectivités confrontées à des retards d’infrastructure. Ce sont autant de promesses non tenues.
Au-delà de l’insuffisance budgétaire, ce qui inquiète, c’est la question de l’exécution. Je vous pose une question simple mais essentielle : qu’est-ce qui a empêché la consommation de ces crédits ? Était-ce une défaillance technique dans la chaîne de dépenses, un arbitrage politique délibéré ou un manque d’ambition dans la mise en œuvre des priorités pour nos territoires ? Surtout, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour que ces situations ne se reproduisent pas en 2025, afin que les crédits votés pour les outre-mer se traduisent en actions tangibles et visibles ?
Nous notons les efforts que vous déployez pour la transparence et les prévisions et nous vous en remercions. Vous avez communiqué sur votre volonté d’aller chercher 40 milliards d’euros d’économies. Êtes-vous prêts à coconstruire cette démarche avec le Parlement ? Nous avons de nombreuses propositions, par exemple sur les dispositions permettant aux grands groupes de domicilier leurs cadres en Suisse.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. En raison des grandes incertitudes économiques et de la situation en Nouvelle-Calédonie et dans d’autres territoires, certains projets qui avaient été budgétés n’ont finalement pas été lancés et leurs crédits n’ont pas pu être utilisés. Je rappelle que dans le budget 2025, le débat parlementaire a eu pour effet une augmentation de 760 millions en autorisations d’engagement et de 450 millions en crédits de paiement pour soutenir les territoires ultramarins. Le budget de l’outre-mer est le seul qui ait connu une forte hausse depuis l’arrivée du nouveau gouvernement à la fin décembre.
Notre présentation des comptes publics ne comprend pas les mesures d’urgence. Pour avoir une vision complète de la mission consacrée à l’outre-mer, il faudrait donc y inclure les mesures d’urgence pour Mayotte et la Nouvelle-Calédonie, qui dépendent d’autres ministères – logement, emploi, éducation nationale ou intérieur.
S’agissant des niches fiscales, mes équipes et moi-même sommes à la disposition des députés ultramarins souhaitant engager avec nous un travail de revue des dispositions concernant leurs territoires afin d’évaluer leur efficacité et leur utilité.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Monsieur le ministre, vous avez souligné que notre économie et notre continent se trouvent à un tournant marqué par un contexte géostratégique bouleversé et incertain. Vous continuez pourtant à mener la même politique, qui a augmenté la dette et creusé les inégalités. Bref, il faut que tout change pour que rien ne change. Vous louez notre modèle social ambitieux, mais vous n’avez de cesse de vous y attaquer, qu’il s’agisse des retraites ou de l’assurance chômage. Vous vous attaquez aussi à l’État de droit, que vous démantelez avec votre projet de loi dit de simplification, mais qui est en vérité de dérégulation.
Madame la ministre, nous vous remercions pour vos engagements de transparence, qui nous changent de ce que nous avons connu jusqu’à présent. Toutefois, je vous rappelle que, depuis plusieurs années, le Parlement ne vote plus le budget. Nous ne pouvons donc porter la voix de ceux et celles qui nous ont élus et qui souhaitent une autre politique.
Une budgétisation qui respecte davantage l’annualité est un enjeu démocratique, mais, au-delà, c’est la compréhension même des orientations fortes du gouvernement qui est en question. Vous êtes en effet passé d’un investissement massif dans le ferroviaire, puis dans le spatial, puis dans la réindustrialisation, puis dans l’intelligence artificielle (IA).
Vous souhaitez coconstruire le redressement budgétaire avec les collectivités territoriales, notamment grâce à une contractualisation non contraignante. Comment pourra‑t‑elle être établie, dans quelles conditions et avec quelles garanties de respect de l’autonomie locale ? Surtout, comment comptez-vous compenser les pertes durables de recettes fiscales des collectivités, consécutives à vos choix fiscaux unilatéraux, tout en leur imposant un effort supplémentaire de maîtrise de la dette ?
Quelles sont vos intentions concernant la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité (Crim), dont les recettes ont été une déconvenue majeure ? Comptez-vous la réformer, la reconduire ou la supprimer ?
M. Éric Lombard, ministre. Avec tout le respect que je vous dois, nous accuser de nous attaquer à l’État de droit est très excessif et complètement injustifié. Dans le cadre du débat sur les lois de finances, nous soumettons des textes au vote du Parlement de la République. Je n’y vois aucune atteinte à l’État de droit. Si ce que nous faisons est une atteinte à l’État de droit, comment définissez-vous ce qui se passe en ce moment dans d’autres parties du monde ? Je ne voulais pas laisser passer cela.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La seule attaque du modèle social, c’est le déficit de la sécurité sociale, qui est de 22 milliards d’euros. Si on ne le réduit pas, je suis prête à parier que, dans quelques années, il n’y aura plus de sécurité sociale. Elle n’est pas faite pour générer de la dette. Nous ne pouvons léguer à nos enfants et à nos petits-enfants la charge du remboursement de nos soins hospitaliers, de nos médicaments et de nos retraites. Le Premier ministre l’a dit, ce serait « intolérable ». Ce n’est pas le contrat passé il y a quatre-vingts ans, à une époque où notre pays était jeune et comptait avec un salariat important dont la situation était stable. Depuis, notre pays a vieilli, le salariat dans l’emploi public est moins important et les carrières sont moins stables.
Nous devons donc être lucides et ne pas faire l’autruche en considérant que la situation va se résoudre d’elle-même. Catherine Vautrin a montré hier, avec beaucoup de clarté, que ce ne sera pas le cas. Les ratios entre actifs et retraités sont tels que l’équilibre même du financement est remis en question. Notre pays compte chaque jour, en moyenne, 2 400 personnes fêtant leurs 60 ans mais 1 800 naissances seulement. Ces chiffres doivent nous faire réfléchir à l’équilibre démographique, et donc financier, de la sécurité sociale.
Si nous voulions attaquer notre modèle social, nous ne ferions rien, mais nous avons choisi exactement l’inverse pour le préserver, le réformer et lui rendre sa stabilité et sa force. C’est ce sur quoi nos débats doivent porter.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’audition de ce jour nous permet à la fois de revenir sur l’exécution 2024 et de se projeter pour les exercices à venir. Je me réjouis que nous puissions amorcer, dès aujourd’hui, des échanges autour du PLF pour 2026. La situation politique que nous vivons ensemble nécessite qu’un travail soit engagé entre les parlementaires – j’en profite pour lancer un appel à notre président concernant les dialogues de l’Assemblée, que nous avions essayé d’engager avant la dissolution – et le gouvernement pour aboutir à un budget de consensus, au moins sur certains points.
La question du maintien des contributions exceptionnelles mises en place dans le budget 2025 se pose. Celle concernant les grandes entreprises ne doit pas être maintenue, car elle grèverait lourdement notre capacité productive – et l’instauration du fameux impôt Zucman me semble contraire aux principes de notre droit. En revanche, la pérennisation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) devrait être envisagée, car la justice fiscale s’inscrit dans le temps long. Nous avons d’ailleurs travaillé avec le gouvernement précédent afin de la maintenir tant que le déficit ne sera pas passé sous la barre des 4 % du PIB. Qu’en pensez-vous ? Pouvez-vous nous communiquer les premières remontées comptables sur le fonctionnement de ces contributions exceptionnelles ? Ne doit-on pas redouter des comportements d’évitement fiscal qui auraient des répercussions sur les recettes espérées ?
L’objectif du redressement des comptes publics, qui doit occuper une place centrale dans la construction des textes financiers, ne doit pas nous exonérer de continuer à réformer en profondeur notre système fiscal pour apporter des solutions efficaces aux défis actuels. La crise persistante que subit le secteur du logement nécessite que nous continuions de réfléchir à des mesures innovantes pour libérer et stimuler les investissements responsables et écologiques. Quelle est votre philosophie et votre programme de travail pour relancer ce secteur essentiel, véritable moteur de croissance pour notre pays ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. S’agissant de la contribution différentielle sur les hauts revenus, nous sommes assez prudents quant à l’idée de garder dans le système fiscal un taux implicite de prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 37 % – c’est en effet la réalité sous-jacente. Nous réfléchissons plutôt à un mécanisme pérenne de lutte contre la sur‑optimisation qui protégerait nos entreprises, les entrepreneurs, les biens professionnels, l’investissement dans les jeunes PME et, au fond, qui soutiendrait l’économie, tout en évitant des phénomènes très contestables pour lesquels nous manquons d’outils, notamment en matière de contrôle fiscal. Un débat aura lieu sur ce point d’une manière tout à fait transparente et ouverte. Le taux implicite est de 34 % quand vous cumulez le PFU et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Il nous semble que c’est déjà un seuil très élevé dans un monde de concurrence et de mobilité, notamment du capital.
Pour ce qui est des aléas du rendement de la CDHR, la baisse du CAC40, de près de 10 % depuis un mois, peut peser sur les revenus du capital, notamment les plus-values et dividendes. Selon des estimations techniques, le rendement ne serait donc pas de 2 milliards d’euros mais plutôt autour de 1,5 ou 1,4 milliard d’euros. Cet aléa est notamment ce qui nous conduit à souhaiter une gestion très précise de certaines dépenses.
Quant au rendement de l’impôt sur les sociétés et de la surtaxe, le bénéfice fiscal serait en baisse de 2,5 % en 2024, d’après les dernières remontées comptables, alors que le budget pour 2025 intègre une baisse de 3,9 %. Ce n’est pas mirobolant, mais certains diraient que c’est « moins pire ». Cela nous amène tout de même à être très prudents. Nous avons ainsi inclus dans les comptes présentés au HCFP en janvier dernier une marge de prudence de 1 milliard d’euros sur le rendement de l’impôt sur les sociétés et de la surtaxe, afin de nous prémunir contre les aléas.
Quant au logement, je rappelle simplement que Marc-Philippe Daubresse et votre collègue Mickaël Cosson travaillent sur la fiscalité de ce secteur.
M. Éric Lombard, ministre. Nous avons veillé à ce que les mécanismes de soutien au logement soient relativement protégés dans le budget pour 2025, alors que nous avons dû être très attentifs à la dépense publique. Il faut néanmoins reconnaître, sans chercher à se défausser de ses responsabilités, du côté du gouvernement, que la question du logement relève largement des politiques locales de développement menées par les élus, notamment les maires, qui délivrent les permis de construire et mènent des projets pour les territoires.
Le rythme de construction a ralenti pour deux raisons. La première est liée au cycle économique, dont les effets ont été plus graves dans le secteur du logement, et à la hausse des taux d’intérêt. Ces derniers ont baissé et le cycle économique s’est stabilisé, mais le logement social, bien que 2024 ait été une assez bonne année, ne repart pas suffisamment. La fin du cycle municipal a également joué : on arrive en fin de mandat, ce qui signifie, logiquement, que les programmes conduits par les élus sont en train de se terminer. On constate aussi une réticence à construire, à accueillir de nouvelles personnes dans les territoires, pour des raisons que le rapport d’Éric Woerth a bien documentées et qui poussent à introduire plus de souplesse dans les ressources des collectivités locales. Avoir de nouveaux habitants implique de nouvelles charges pour les collectivités, alors que ces dernières sont un peu contraintes et le seront sans doute encore un peu plus dans les temps à venir.
La principale raison est plus politique, au sens général du terme, que financière. Pour le reste, nous avons décidé, avec le gouverneur de la Banque de France, une baisse du taux du livret A, ce qui est un élément de soutien très puissant à la construction de logements sociaux. Par ailleurs, quelques mécanismes fiscaux qui doivent permettre au logement dit libre de repartir ont été protégés. Ces mécanismes méritent d’être encouragés, mais je ne suis pas sûr que le logement soit un problème budgétaire ou fiscal ; c’est plutôt une question de volonté de construire plus ou non, de la part de l’ensemble des collectivités.
M. François Jolivet (HOR). Selon la page 92 du rapport, vous pariez sur une hausse des cotisations sociales en 2025 et donc sur une baisse du chômage, alors que vous prenez acte, par ailleurs, du ralentissement de l’économie. Je n’ai donc pas bien compris ce tableau. Qu’en est-il exactement ?
La contribution exceptionnelle des grandes entreprises aura sans doute pour conséquence une baisse des dividendes distribués aux actionnaires. Comme la loi de finances pour 2025 tablait malgré tout sur une hausse des dividendes distribués, cela signifie qu’on anticipait une très forte croissance des résultats des entreprises, ou en tout cas des grands groupes. Or ce n’est pas ce qu’on retrouve dans le tableau.
Par ailleurs, les cotisations sociales sont en hausse et vous faites un pari sur le taux de chômage : qu’en est-il ?
S’agissant de l’impôt sur le revenu, le Conseil des prélèvements obligatoires, la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques insistent sur la nécessité de mieux évaluer les niches existantes – j’en profite pour répondre aux propos de Mme Feld. La retraite par capitalisation s’est déjà beaucoup développée dans le cadre du plan d’épargne retraite (PER) et de l’épargne salariale : 22 millions de foyers font le pari d’économiser pour leur retraite future. Près de 260 milliards d’euros ont ainsi été placés, par des concitoyens qui pouvaient le faire, dans l’épargne retraite. Mais comment évalue-t-on les différentes niches en matière d’IR ? Apparemment, même vos services disent que l’impact du PER est très difficile à anticiper. Les contribuables qui le peuvent placent un peu d’argent pour réduire leur impôt sur le revenu et les montants investis seront mobilisables beaucoup plus tard, ce qui conduit à un décalage très important dans le temps.
Pour ce qui est des revues de dépenses, je suggère de s’interroger sur les C2E, qui échappent à de nombreuses règles, et sur les conditions d’utilisation des taxes de recyclage et de réemploi – il a été question de 20 milliards d’euros de coût de gestion des déchets.
On pourrait également s’intéresser à ce que devient l’épargne des Français. Elle est actuellement investie à 60 % dans l’économie d’un pays qui nous attaque. Je pense en particulier aux fonds d’assurance vie américains.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’élasticité des prélèvements obligatoires par rapport à l’évolution du PIB, qui ne relève pas du maquillage, est un des éléments qui nous posent beaucoup de difficulté depuis 2022. Cette année-là, l’élasticité était montée à 1,4, ce qui était historiquement très élevé et avait conduit à constater en fin d’exercice ce qu’on a pu appeler une petite cagnotte budgétaire. En 2023, l’élasticité est tombée à 0,4. En 2024, même si les calculs ne sont pas terminés, nous devrions être autour de 0,6. Des cycles existent en matière d’élasticité et il serait très étrange de ne pas revenir à une sorte de moyenne. Le budget pour 2025 a ainsi été construit sur la base d’une élasticité de 0,9. On peut raisonnablement avoir l’espoir, dans un monde où la croissance nominale serait de 2,1 %, d’une sorte de normalisation. L’inflation, si l’on regarde 2024 et 2025, est elle-même en train de revenir à une forme de normalité.
Ce qui a beaucoup joué en matière d’impôt sur le revenu, c’est qu’on applique des mécanismes au cours de l’année n alors qu’on constate l’impôt au titre de l’année n - 1. Les décalages qui se sont produits étaient inhabituels dans un monde marqué par une inflation assez stable et prévisible. Compte tenu de l’écart entre 2025 et 2024 et du cycle de l’élasticité, nous avons, là encore, une espérance raisonnable d’une forme de normalisation.
Nous suivons tous les mois le rendement de l’ensemble des impôts – nous en avons encore parlé hier au sein du comité d’alerte sur les finances publiques – pour voir si une déviation se reproduit, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.
Je rappelle aussi que les mesures adoptées dans la loi de finances initiale en matière de prélèvements obligatoires représentent 17 milliards d’euros. L’instauration de la CDHR conduit ainsi à augmenter le rendement des impôts sur les personnes. Si l’on arrive à 1,4 milliard d’euros supplémentaire, cela devrait se voir dans les tableaux, sinon l’impact serait doublement négatif.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). S’agissant de l’exécution budgétaire, les efforts qui ont été réalisés dans la sphère de l’État conduisent à s’interroger – il en a aussi été question hier – sur la capacité de pilotage en cours d’année, y compris du côté des collectivités et des administrations de sécurité sociale.
Vous venez d’évoquer une baisse du rendement attendu de la CDHR, qui passerait de 2 à 1,5 ou 1,4 milliard d’euros. Pourriez-vous nous indiquer les encaissements réalisés à ce jour et le nombre de foyers fiscaux imposables ? L’étude d’impact évoquait un peu plus de 24 000 foyers fiscaux entrant dans le barème et dont le taux d’imposition était inférieur à 20 %.
Où en est la réflexion sur l’abaissement du seuil d’assujettissement des autoentrepreneurs à la TVA ? La réforme a été suspendue jusqu’au mois de juin : quel sera l’impact sur les finances publiques ? Il me semble que la mesure prévue devait rapporter de l’ordre de 800 millions d’euros en année pleine.
S’agissant des dépenses d’assurance maladie, la Cour des comptes a souligné l’existence de fortes disparités régionales, les montants pouvant varier de 1 à 1,7. Pensez-vous que l’instauration d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie serait de nature à améliorer la situation en faisant converger les dépenses ou, à tout le moins, en assurant une harmonisation au niveau national ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La CDHR, qui s’appliquera aux revenus de 2025, fera l’objet d’un acompte à verser par les ménages concernés en décembre – ils auront alors une meilleure estimation de leurs revenus. Si ces ménages se sont acquittés du PFU, la CDHR aura peut-être un rendement beaucoup plus faible, mais celui du PFU sera supérieur. Tous les détails concernant le mode de déclaration et de calcul seront précisés en septembre, mais la loi est très claire. De nombreux ménages, parmi ceux concernés – un peu plus de 20 000 –, ont déjà largement connaissance du mécanisme en question.
Pour ce qui est des divergences territoriales qui peuvent apparaître en matière de dépenses, de contrôle ou de prescription, vous savez que les principes fondateurs de la sécurité sociale établis en 1945 n’étaient pas seulement l’absence de dette et la gestion paritaire, mais aussi la gestion au niveau du département. Il est très intéressant que cette question ressorte des travaux du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. Si l’on a procédé à une harmonisation au niveau national en ce qui concerne les cartes Vitale ou les remboursements, il reste des divergences. Le PLFSS prévoyait d’harmoniser les services médicaux de la Caisse nationale d’assurance maladie au niveau régional afin d’aboutir à des pratiques plus cohérentes ou en tout cas plus convergentes, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. Nous travaillerons, en lien avec Catherine Vautrin et Yannick Neuder, sur ce sujet tout à fait important en matière d’efficacité, ou d’efficience, et de bonnes pratiques à exporter d’un département à un autre.
M. Éric Lombard, ministre. S’agissant de la TVA, une concertation a été conduite à Bercy par Véronique Louwagie. Nous sommes très attachés au régime des autoentrepreneurs, qui concerne plus de 2,5 millions de personnes, mais aussi à la liberté de concurrence des petites entreprises, dont la plupart sont soumises à la TVA. La proposition du gouvernement à l’issue de la concertation est de réduire le nombre de seuils de franchise, pour n’en garder qu’un à 37 500 euros et un autre, plus bas, au niveau initialement prévu dans le projet de loi de finances pour 2025, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, où la concurrence est très vive. Nous envisageons par ailleurs des exceptions pour des professions particulières dans lesquelles les revenus sont peu élevés et la question du prix importante pour l’existence même des métiers concernés. Cette solution, que nous pensons équilibrée, sera soumise au Parlement dès que nous aurons trouvé le support législatif qui le permettra.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). L’effort annoncé de 40 milliards d’euros pour le budget 2026 me rappelle la somme de 60 milliards d’euros sur laquelle le précédent gouvernement, censuré, avait axé toute sa communication à l’automne dernier. Le chiffre était bidon et comprenait bien plus de hausses d’impôt que des baisses de dépenses. Comme je vous veux du bien, je ne voudrais pas que nous que nous réitérions l’exercice dans quelques mois. Je souhaite donc m’assurer qu’il s’agira bien de 40 milliards d’euros d’efforts réels.
J’ai entendu, madame la ministre, que les crédits issus de la suppression de niches fiscales seront décomptés de cette somme. Y aura-t-il bien d’importantes baisses de dépenses publiques, fondées sur l’exécution 2025 et non sur des indicateurs poussés à l’extrême, donc de façon théorique et exubérante, comme cela a pu être le cas il y a quelques mois ?
M. Éric Lombard, ministre. Nous avons deux objectifs. Le premier est la baisse, en termes réels, de la dépense publique, dans toute son acception. C’est l’engagement que nous avons pris devant les Français et l’Union européenne et que le Premier ministre a confirmé hier. Cette baisse s’élèvera à 6 % sur cinq ans et à un petit peu moins de 1 % l’an prochain.
Le second, qui s’appuie sur une hypothèse de croissance de 0,7 % cette année, est de tenir notre engagement de ramener notre déficit à 5,4 % du PIB en 2025, avant de l’abaisser à 4,6 % en 2026, cette fois dans l’hypothèse d’une croissance un petit peu plus élevée.
Ces deux ancres permettront d’apprécier la véracité des chiffres et d’attester que la dépense publique est tenue, étant rappelé que nous avons pris des engagements fiscaux par ailleurs.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les milliards sont calculés sur le fondement des fameux budgets tendanciels, c’est-à-dire comme si nous n’avions pas de loi de finances. En l’occurrence, prendre des mesures est nécessaire pour atteindre le chiffre de 4,6 % de déficit en 2026. Éric Lombard l’a dit clairement : des baisses de dépenses devront avoir lieu, car nous avons le montant de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe. La solution ne se trouve donc pas de ce côté.
Chaque ligne de dépense fait l’objet d’une évolution tendancielle et nous nous efforçons de rendre ces chiffres plus compréhensibles, car il est très difficile de saisir à quoi se rapportent les milliards dont nous parlons. Hors PLF, quel sera le montant du déficit ? Quel niveau voulons-nous atteindre ? Quelles mesures devons-nous prendre pour combler la différence et tenir nos objectifs de 4,6 % en 2026 et de 3 % en 2029 ?
M. le président Éric Coquerel. Je ne suis pas certain que votre explication ait convaincu Charles Sitzenstuhl qui, je le sais, s’appuie sur les tendanciels.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Pour crédibiliser l’objectif de 4,6 % de déficit en 2026, ne faudrait-il pas faire un peu mieux que ce qui est prévu pour cette année ? Je reconnais que ma question est provocatrice, mais ne devrions-nous pas nous mettre en ordre de bataille pour freiner plus rapidement la dépense, car si nous gagnons 0,1 ou 0,2 point de PIB dès 2025, ce serait toujours cela de moins à accomplir l’an prochain ?
Par ailleurs, je me félicite que vous ayez engagé une concertation avec les collectivités territoriales pour l’année 2026 et regrette la politique de la chaise vide menée par l’Association des maires de France des présidents d’intercommunalité (AMF). En 2025, le déficit qui les concerne ne devrait pas s’améliorer, s’établissant autour de 16 milliards d’euros. Or nous n’avons aucun contrôle. Quels sont les aléas dont vous avez connaissance ?
M. le président Éric Coquerel. À l’inverse de Jean-René Cazeneuve, Christine Arrighi demandait comment les collectivités pourraient supporter un effort supplémentaire en 2026 alors qu’elles sont déjà à l’os.
M. Éric Lombard, ministre. L’avantage, c’est que tout le monde à est à l’os. Dans ce domaine, il y a une égalité très républicaine !
Monsieur Cazeneuve, 4,6 % de déficit en 2026 est un objectif ambitieux et celui de 5,4 % cette année ne l’est pas moins. Nous serions ravis de faire mieux, quoiqu’il convient, ainsi que le gouverneur de la Banque de France en convenait hier, de trouver un équilibre keynésien – veuillez excuser ce langage technocratique. La réduction des dépenses ne doit pas être trop forte pour ne pas peser sur la croissance, mais l’être suffisamment pour atteindre notre objectif de 3 %. C’est ainsi que nous avons fixé, grâce à des études très sophistiquées, nos cibles pour 2025 et les années suivantes, qui nous semblent constituer le bon équilibre.
Cela étant, nous serons très attentifs à la situation. En 2024, alors que nous pensions que le déficit atteindrait le chiffre de 6,1 % du PIB, il s’est finalement élevé à 5,8 % grâce aux mesures prises en fin d’exercice par nos prédécesseurs. Ainsi, pourquoi pas faire mieux que prévu ! Et dans la mesure où nous avons surtout eu de mauvaises nouvelles économiques et macroéconomiques depuis que nous sommes aux responsabilités, nous pouvons aussi espérer que de meilleures arriveront – vous reconnaîtrez mon irrémédiable optimisme – en ce qui concerne la croissance.
Quant aux collectivités locales, notre principal levier est de partager les difficultés que rencontrent nos finances publiques. À la fin de l’année 2024, elles ont accompli un effort considérable de maîtrise des dépenses ; cette année, elles partagent l’objectif poursuivi. L’AMF était absente hier lors du comité d’alerte, mais d’autres groupements de collectivités très représentatifs étaient présents et ont tenu un discours tout à fait responsable. Certains de vos collègues pourront en témoigner.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il ne serait pas juste de dire que toutes les collectivités sont actuellement dans une situation financière dégradée. Hier, lors du comité d’alerte, nous avons indiqué que les dépenses totales des collectivités ont crû de 4,5 % l’an dernier – alors que de premiers chiffres portaient à croire, peut-être de manière erronée, c’est à définir, que cette progression serait deux fois plus importante.
Par ailleurs, la capacité d’autofinancement brute des communes s’élève à 14,193 milliards d’euros, soit un niveau très stable depuis 2022. Celle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) se situe entre 6 et 7 milliards d’euros, en hausse par rapport à cette même année 2022. Celle des départements, elle, est passée de 12 à 5 milliards d’euros entre 2022 et 2024, ce qui constitue une vraie difficulté vis-à-vis de laquelle nous devons être collectivement lucides. Quant à celle des régions, elle est stable, étant passée de 6,2 à 5,9 milliards d’euros au cours des trois dernières années.
Si certaines régions, certains EPCI et certaines communes connaissent des difficultés et sont moins avantagés que d’autres – c’est tout à fait vrai –, la situation est donc globalement stable pour la plupart de ces collectivités. Celle des départements, en revanche, est très dégradée, leurs recettes étant en forte baisse et leurs dépenses en forte hausse. Passé le diagnostic, il nous faut conduire un travail collectif, trouver un compromis et établir une prévisibilité, plutôt que de prononcer de grandes phrases qui ne font ni honneur, ni justice au travail des dizaines de milliers d’élus, qui sont des acteurs responsables et qui, eu égard à leur autonomie de gestion que nous devons respecter, ne sont pas des filiales de l’État. J’insiste : nous devons créer un cadre de prévisibilité pluriannuel.
M. le président Éric Coquerel. Je précise que le passage de 6,1 à 5,8 % de déficit, chiffres qui figuraient également dans les tableaux présentés par François Rebsamen hier, n’est pas tant le fruit d’un effort accru que de prévisions problématiques – cela a été largement documenté. En juillet dernier, le déficit des collectivités devait atteindre 16 milliards d’euros, un chiffre qui ne voulait rien dire, mais il ne s’est finalement élevé qu’à 7 milliards d’euros.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les Français sont inquiets pour leur retraite. C’est vrai, mais ils le sont aussi au sujet des conditions dans lesquelles ils vieilliront. Ce qui les rassurerait aussi, c’est de bénéficier d’un modèle économique et social leur permettant de vieillir à domicile ou en Ehpad.
Vous avez également reconnu que le logement social avait du mal à repartir. Aux éléments d’explication que vous avez donnés, j’ajouterai celui, tout simple, de la suppression de la taxe d’habitation. Désormais, un maire préfère avoir des zones économiques et des propriétaires dans sa commune plutôt que des locataires qui ne payent pas d’impôts locaux.
Troisièmement, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir dit que les dépenses fiscales sont avant tout des dépenses. Nous sommes plusieurs, depuis quelques années, à déposer des amendements relatifs à certaines niches dont bénéficient les entreprises ou les ménages. Rapporteure de la mission Remboursements et dégrèvements, je documente assez bien certains crédits d’impôt tels que ceux relatifs à la recherche ou à l’emploi à domicile, me fondant sur les rapports de la Cour des comptes, du Conseil des prélèvements obligatoires et de France Stratégie, qui vont tous dans le même sens. Sur les 467 niches fiscales existantes, certaines sont inefficientes et je ne comprends pas pourquoi nous ne parvenons pas à revoir le plafond de certaines, comme le font tous les autres pays. Comment, par exemple, le montant du crédit d’impôt recherche est-il passé de 2,7 à 8 milliards d’euros en quelques années ? S’agissant de l’emploi à domicile, le crédit d’impôt s’élève à 50 % des dépenses engagées. Je défends bec et ongles sa conservation pour la garde d’enfant ou les personnes âgées, mais je m’étonne que nous ne puissions pas l’abaisser ne serait-ce qu’à 40 % pour l’entretien des espaces verts, par exemple. J’avais déposé un amendement en ce sens, car une telle niche est incompréhensible dans notre situation budgétaire.
Enfin, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Lombard, la concertation sur le seuil de franchise de TVA pour les microentrepreneurs n’a pas abouti et un équilibre n’a pas été trouvé. La ministre déléguée Véronique Louwagie devait nous réunir au sujet de l’amendement déposé au projet de loi de simplification économique et qui a été déclaré irrecevable, comme tous ceux d’ailleurs que nous avions déposés – nous sommes plus de 200 à l’avoir fait – pour revenir à la situation antérieure au 1er janvier 2025. Le Sénat, qui vient de conclure une mission flash, dit lui-même que la situation est intenable. Comme vous n’aurez pas de véhicule législatif approprié d’ici au 1er juin pour y remédier, annoncez aux autoentrepreneurs qui sont dans l’attente que nous réglerons le problème lors de l’examen du PLF pour 2026.
M. Éric Lombard, ministre. Pour faire court, car notre réunion touche à sa fin, je partage largement vos propos au sujet du vieillissement, je vous ai entendue en ce qui concerne le logement social, je laisserai Mme la ministre répondre sur les dépenses fiscales et j’ai noté votre appel concernant les microentreprises et les mesures à prendre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. En un mot, sachez que je serai ravie de travailler avec vous à l’évaluation détaillée des dépenses fiscales, afin que nous concentrions l’argent, qui n’est pas de l’argent public mais l’argent des Français, sur des mécanismes incitatifs, redistributifs et efficaces. Il faut que nous conservions les dispositifs qui bénéficient à beaucoup et que nous nous assurions de l’efficacité de ceux qui ne bénéficient qu’à quelques‑uns.
M. le président Éric Coquerel. Christine Pirès Beaune a raison de rappeler que les travaux des rapporteurs spéciaux et des missions d’information contiennent souvent des éléments très intéressants, dont nous ne tenons pas suffisamment compte.
III. examen des articles
La commission examine le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 (n° 1285) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
M. François Jolivet, président. Nous examinons le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (PLRG) de l’année 2024, au sujet duquel nous avons auditionné les ministres Éric Lombard et Amélie de Montchalin le 16 avril dernier ainsi que la plupart des autres ministres dans le cadre du Printemps de l’évaluation.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Trois constats doivent nous alerter sur la situation des finances publiques.
Premier constat, le déficit public atteint un niveau particulièrement préoccupant et s’aggrave dangereusement : il s’élève à 5,8 % du PIB, à comparer à l’objectif de 4,4 % affiché dans la loi de finances pour 2024. Ce n’est pas un simple écart conjoncturel, mais le signe d’une dégradation profonde et continue de notre trajectoire budgétaire.
La France s’est installée dans une spirale de déficit – je le dis depuis des années. Le déficit public frôle 170 milliards d’euros en 2024, dont plus de 150 milliards pour le seul budget de l’État. Nous dépassons désormais 3 300 milliards d’euros de dette publique. Pendant que nos partenaires européens engagent des réformes structurelles pour redresser leurs finances, nous suivons la trajectoire inverse sans plan crédible de rééquilibrage. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), constatant un écart important du solde structurel, supérieur à 0,5 point de PIB, a d’ailleurs déclenché le mécanisme de correction prévu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ce déséquilibre est contenu par des annulations de crédits massives, parfois tardives ; plus de 10 milliards d’euros ont été annulés dès le mois de février.
L’exécution budgétaire elle-même révèle de profondes difficultés. Nombre de crédits votés ne sont pas consommés, ce qui signifie que l’État ne parvient pas à appliquer correctement les politiques publiques votées par le Parlement. Dans l’éducation par exemple, les performances se dégradent : les recrutements ne sont que partiellement réalisés, souvent faute de candidats d’un bon niveau, et les métiers peinent à attirer. Dans le domaine environnemental, les objectifs ne sont pas atteints, les indicateurs sont très flous et les résultats sont difficilement mesurables. Dans le logement social, les tensions s’aggravent. Nous avons affaire à un budget de façade : les crédits sont affichés mais le pilotage est défaillant et les effets peinent à se concrétiser.
Deuxième constat, nous manquons de visibilité sur les trajectoires budgétaires à venir. Depuis la précédente législature, tous les textes financiers, hors lois de fin de gestion, ont été adoptés en recourant à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Nous avons été systématiquement privés de débat parlementaire sur les choix budgétaires fondamentaux. Le budget pour 2024 n’a pas échappé à cette logique : il a été imposé sans vote après avoir été largement modifié par le Gouvernement et le Sénat. Il reposait de surcroît sur des hypothèses économiques manifestement irréalistes, comme l’avait signalé le HCFP et comme je l’avais rappelé en commission et en séance. J’en ai exposé les raisons dans le cadre de la commission d’enquête chargée d’étudier les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires pour les années 2023 et 2024 : les recettes fiscales ont été surestimées de près de 23 milliards d’euros. De surcroît, les dépenses sont de plus en plus rigides : selon la Cour des comptes, 77 % des dépenses de l’État échappent à toute maîtrise réelle. Le stock des restes à payer atteint 217 milliards, soit presque trois années de dépenses ministérielles hors masse salariale. Nous engageons des dépenses que nous ne savons pas financer dans un cadre pluriannuel cohérent.
Je vous le dis solennellement : nous avançons à l’aveugle. Nous n’avons pas de trajectoire budgétaire sincère ni de visibilité sur les années à venir, ce qui est contraire aux principes de la loi organique relative aux lois de finances. Cela affaiblit le Parlement et aggrave la perte de confiance de nos concitoyens dans les institutions.
Troisième et dernier constat, le rejet de ce projet de loi n’entraînerait aucun blocage institutionnel. En effet, le texte n’a pas d’effet normatif direct ; il ne conditionne ni l’exécution du budget en cours, ni le financement de l’État. En revanche, son rejet adresserait un signal politique fort au Gouvernement, à l’exécutif et à nos concitoyens : nous ne pouvons cautionner cette dérive des finances publiques. Pour la dix-neuvième année consécutive, la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État avec cinq réserves majeures. Le Premier président lui-même nous a alertés sur le risque d’un refus pur et simple de certification si rien ne change en 2025. Dans ce contexte, je considère qu’il serait irresponsable d’approuver ce projet de loi. Notre responsabilité collective est de garantir la sincérité budgétaire, de défendre le rôle du Parlement et d’exiger un véritable redressement des finances publiques. Par exigence de vérité et de responsabilité, je vous invite à voter contre le texte.
Amendements de suppression CF2 de M. Jean-Philippe Tanguy, CF27 de M. David Guiraud et CF57 de M. Laurent Baumel
M. Matthias Renault (RN). Disons-le d’emblée, les chiffres de 2024 sont catastrophiques : le déficit public atteint 169 milliards d’euros, soit 5,8 % du PIB contre 4,4 % annoncés. Sous la gestion d’Emmanuel Macron, la France est devenue le plus mauvais élève de l’Europe ; son déficit public dépasse de 0,5 point celui de la Slovaquie et de 2,7 points la moyenne de la zone euro. À l’inverse, certains de nos voisins ont dégagé un excédent budgétaire ; c’est le cas de l’Irlande, du Portugal, de la Grèce, du Luxembourg et de Chypre. Quant à l’Italie, qui était le plus mauvais élève jusqu’à peu, elle a redressé la barre de manière spectaculaire sous Giorgia Meloni : elle a réussi à baisser ses dépenses publiques et va engager des réductions d’impôts de 30 milliards en 2025.
La situation financière de la France est d’autant plus catastrophique que sa croissance est faible en 2025 – à 0,5 % contre 0,9 % initialement annoncé par le Gouvernement – et qu’elle le restera, tandis que la charge des intérêts de la dette explose, pour s’établir à 58 milliards d’euros, et devrait atteindre 70 milliards d’euros en 2025.
Les dépenses de l’État n’ont été stabilisées que grâce à l’arrêt progressif des dépenses exceptionnelles de soutien à l’énergie. Comme l’a souligné la Cour des comptes, aucune mesure d’économie pérenne n’a été engagée. Les dépenses de personnel suivent un dérapage inquiétant de 8 milliards d’euros. Surtout, les dépenses publiques toutes administrations confondues ont augmenté de 3,9 %.
Nous souhaitons supprimer l’article liminaire qui reprend les grands équilibres financiers, de même que nous sommes opposés au projet de loi, non seulement parce que l’exécution budgétaire a été catastrophique, mais aussi parce que, comme en 2023, le Gouvernement a fait des prévisions macroéconomiques insincères et n’a aucunement réagi.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous dressons le bilan de l’année 2024, celle du chaos budgétaire absolu. La Macronie a atteint le paroxysme du désastre qu’elle sème autour d’elle. C’est simple : rien ne va. Le déficit a explosé de manière incontrôlée pour atteindre 5,8 % du PIB, contre 4,4 % prévus ; la différence représente 40 milliards d’euros. Pourquoi ? Parce que les recettes se sont effondrées en raison des cadeaux fiscaux en tout genre faits aux plus riches ; elles sont inférieures de 22,8 milliards d’euros aux prévisions, ce qui est absolument colossal.
La réponse fut une austérité généralisée, à hauteur de 30 milliards d’euros si l’on additionne la loi de finances initiale, le rabot de 10 milliards d’euros de février et les 7 milliards d’euros de coupes dans les dépenses en fin d’année. Bref, on a mis à mal nos services publics, qui ont été durement amputés, pour essayer de corriger le tir. Dans le même temps, les cadeaux fiscaux ont explosé, à tel point qu’il a fallu abonder l’enveloppe des remboursements et dégrèvements en fin d’année.
Face à des chiffres aussi mauvais, le Gouvernement aurait pu reconnaître avec sincérité l’échec de sa politique. Bien au contraire, il a obstinément poursuivi dans la même voie, accumulant les mensonges tout au long de l’année 2024 – à commencer par ceux de Bruno Le Maire qui, en dépit de toutes les alertes, a maintenu des objectifs qu’il savait faux et irréalisables. Le mépris de la Macronie pour la démocratie parlementaire a atteint son paroxysme, puisque ce très mauvais exercice n’a pas été corrigé par un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Faut-il rappeler, enfin, que 60 000 entreprises ont fait faillite. Nous voterons donc en faveur de la suppression de cet article.
M. Laurent Baumel (SOC). Se prononcer pour la suppression de l’article liminaire, c’est se prononcer contre le projet de loi. L’Assemblée nationale n’est pas une simple commission de certification des comptes. Nous ne saurions examiner une loi de règlement sans exprimer une appréciation politique sur la logique qui sous-tend l’évolution des finances publiques. En l’espèce, la question des déficits publics est appréhendée par le prisme exclusif de la baisse des dépenses publiques, sans jamais remettre en cause le totem macroniste de la baisse des impôts des plus riches et des plus grandes entreprises.
L’exécution même de la loi de finances laisse à désirer – les mensonges ou les omissions du Gouvernement concernant la baisse des recettes ont d’ailleurs donné lieu à une commission d’enquête, et la sous-exécution volontaire des crédits budgétaires est très élevée. Le Gouvernement a certes le droit de ne pas consommer tous les crédits budgétaires votés par le Parlement, mais dans de telles proportions, nous pouvons nous interroger sur le respect de l’esprit même de la loi de finances.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à ces amendements. Le déficit public atteint 5,8 % du PIB, à 0,4 point de plus qu’en 2023 et 1,4 point de plus qu’annoncé dans la loi de finances initiale et la loi de programmation des finances publiques. Pour expliquer cette dégradation, rien ou presque n’est à mettre sur le compte de la conjoncture puisque les prévisions de croissance du Gouvernement, d’environ 1 %, se sont réalisées. En revanche, différentes composantes du budget ont présenté de nets écarts entre les prévisions et les réalisations. La consommation, par exemple, a crû moitié moins vite que prévu.
Il n’est donc pas étonnant qu’après l’ouverture, le 26 juillet dernier, d’une procédure de déficit excessif par le Conseil de l’Union européenne, le Haut Conseil des finances publiques ait déclenché le mécanisme de correction prévu par la loi organique relative aux lois de finances.
À 156 milliards d’euros, le déficit de l’État est sensiblement supérieur à la prévision initiale de 147 milliards d’euros. L’écart est plus prononcé encore qu’en 2023, année où il avait atteint 8,1 milliards d’euros. Il s’explique notamment par des recettes inférieures de 22,8 milliards d’euros à leur estimation initiale. De tels errements dans nos prévisions de recettes ne sont pas acceptables – je vous renvoie au travail que j’ai mené dans le cadre de la commission d’enquête.
Si l’examen de ce projet de loi est requis par la loi organique relative aux lois de finances, il est loisible au Parlement de le rejeter. Je vous appelle à le faire, pour signifier clairement que nous désapprouvons une gestion aux résultats pour le moins médiocres.
En cohérence avec cette position de principe, je vous appelle à adopter les amendements de suppression des différents articles, à commencer par l’article liminaire qui brosse le tableau de cette situation peu reluisante.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je voterai contre ces amendements. Est-il sérieux de supprimer l’article liminaire d’un PLRG ? Cela a-t-il du sens, ou n’est-ce pas plutôt un déni de réalité ? On peut supprimer tout ce que l’on veut, mais les chiffres sont là et ils sont têtus. Certes, le résultat est loin d’être satisfaisant, mais supprimer l’article liminaire, c’est refuser de reconnaître la réalité.
Le rapporteur général a rappelé que les budgets avaient été adoptés en recourant à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, mais quelle autre solution avaient les gouvernements successifs, vu la configuration de l’Assemblée nationale ?
Je rappelle aux signataires des amendements de suppression – le Rassemblement national, LFI et le groupe Socialistes – que chaque fois que des économies supplémentaires ont été proposées, concernant les retraites ou tout autre sujet, ils s’y sont opposés. Il est facile de dénoncer une politique d’austérité quand on a soi-même voulu des dépenses supplémentaires, et de rejeter la réalité des chiffres qui, j’en conviens, n’est pas satisfaisante. Je note pour finir que ? Les travaux menés dans le cadre de notre enquête n’ont pas démontré son efficacité quand il s’est agi d’expliquer la situation.
M. Matthias Renault (RN). Vous ne pouvez pas parler d’austérité budgétaire, monsieur Le Coq. Nous en sommes très loin : les dépenses publiques sont passées de 1 550 milliards d’euros en 2022 à 1 607 milliards d’euros en 2023 et 1 670 milliards d’euros en 2024. Les dépenses de fonctionnement ne traduisent pas non plus une quelconque austérité, puisqu’elles sont passées de 488 milliards d’euros en 2022 à 519 milliards d’euros en 2023, puis 539 milliards d’euros en 2024.
L’Assemblée nationale a déjà rejeté des projets de loi de règlement, madame Dalloz ; de même, le rejet du compte administratif est assez courant dans les collectivités locales.
Enfin, nous présentons chaque année un contre-budget très précis comportant des propositions d’économies. Pour ne plus avoir à supporter la charge du bouclier énergétique, nous avons ainsi proposé de sortir du marché européen de l’électricité pour retrouver la maîtrise des prix. Il faut sortir de la dinguerie budgétaire consistant à subventionner toutes les factures d’électricité des ménages et des entreprises, pis-aller qui a coûté extrêmement cher aux finances publiques.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Chaque année, nous avons ce débat de dupes. La loi de règlement est la photographie de ce qui s’est passé. On peut la commenter et mesurer les écarts, mais voter contre n’a pas de sens ; cela a pour seul effet de gêner l’administration qui doit jongler avec des reports. Je suis choqué par les propos du rapporteur général. Il peut évidemment exprimer son désaccord avec les politiques qui ont été menées et avec les prévisions qui n’étaient pas les bonnes, mais, une fois encore, voter contre une loi de règlement n’a pas de sens. Ce n’est pas le lieu pour s’opposer à la politique gouvernementale ; il y a beaucoup d’autres occasions de le faire.
M. Tristan Lahais (EcoS). Il s’agit certes d’une photographie, mais, comme celui du compte administratif d’une collectivité, le rejet d’un tel texte a une portée grave : nous pointons le défaut de sincérité de l’exercice 2024. L’écart substantiel entre la cible et l’exécution est problématique, à tel point qu’une commission d’enquête a dû être créée pour investiguer les responsabilités de chacun. La représentation nationale aurait dû être associée à l’exercice pour rectifier les trajectoires budgétaires, que ce soit par un PLFR ou en participant plus étroitement aux décisions de gel et d’annulation de crédits. Ce défaut de sincérité est donc aussi un défaut démocratique vis-à-vis de la représentation nationale. Enfin, le projet de loi témoigne de l’échec de politiques qui confondent avec entêtement développement économique et moins-disant fiscal.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons ces amendements et nous voterons contre le projet de loi.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Vous dites que le projet de loi est une photographie de la situation, monsieur Cazeneuve : c’est effectivement une photographie du désastre de la politique que vous soutenez. Vous voulez le voter des deux mains, ce qui revient à expliquer que la politique d’Emmanuel Macron et des gouvernements successifs est désastreuse. Pour notre part, nous la refusons et nous voterons contre le texte.
En réponse au Rassemblement national qui ne voit aucune austérité, je rappellerai qu’entre la loi de finances pour 2024 et le PLRG, les dépenses ont baissé de 7,2 milliards d’euros. Ces chiffres bruts ne donnent pas toute la mesure de l’austérité : il faut aussi tenir compte de l’inflation et du poids que représentent les dépenses. Quand le prix de l’énergie augmente, les écoles n’ont plus la même capacité à chauffer les classes. Quand le prix des équipements et du matériel augmente, les hôpitaux ou la police ne peuvent plus répondre à leurs besoins. Cela s’appelle de l’austérité, même si les montants augmentent légèrement, à cause de ce facteur qu’on appelle inflation.
M. Emmanuel Mandon (Dem). Nous sommes réunis pour un rituel immuable, l’approbation des comptes de l’année écoulée, et nous sommes confrontés au même dilemme que l’année dernière : prendre la procédure au pied de la lettre ou faire de ce débat une joute politique.
En toute rigueur, quel choix avons-nous sinon d’approuver un texte qui est une photographie des faits et des chiffres ? Nous ne pourrions voter différemment que si nous étions convaincus que le projet de loi comporte des erreurs significatives ; or rien ne permet de le penser.
Autre possibilité, la plus probable, nous pouvons transformer ce débat technique en une joute pour ou contre la politique du Gouvernement – ce ne serait guère constructif.
Si une majorité exprime son opposition, le projet de loi sera rejeté, mais nous savons tous que ce geste n’a aucune portée. À quoi bon s’y livrer en public ? Une réunion à huis clos aurait peut-être suffi.
Le groupe Les Démocrates n’a rien à redire sur le constat budgétaire et financier dressé par le projet de loi. Vous ne serez pas surpris d’apprendre que nous soutenons le Gouvernement. Aussi, nous voterons le projet de loi. Chers collègues, si vous pensez qu’on peut changer les choses, qu’attendons-nous pour travailler ensemble ?
M. Emmanuel Maurel (GDR). Si le projet de loi est une photographie, c’est une photographie assez floue. Autant j’aime ce courant artistique dans les musées, autant il est problématique en matière de finances publiques. Au-delà de notre désaccord classique avec les politiques qui ont été menées, nous sommes en désaccord avec la façon dont les choses ont été présentées. Derrière sa rédaction très neutre, le texte passe sous silence non pas des erreurs de prévision, mais de véritables dissimulations à l’égard d’une situation connue dès l’automne 2023 – c’est ce qu’a révélé l’enquête de notre commission.
Quant à ceux qui appellent au compromis et au travail en commun, il semble que nous n’ayons pas vécu le même épisode. Nous avons fait des propositions tout au long du débat budgétaire, notamment sur les recettes ; elles ont été adoptées majoritairement à plusieurs reprises mais obstinément repoussées par le Gouvernement et ses soutiens. Ce dogmatisme et cette obstination expliquent la situation actuelle.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article liminaire est supprimé.
Amendement CF37 de M. Aurélien Le Coq
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous souhaitons qu’un rapport explique comment le solde s’est à ce point dégradé depuis 2017. À lire le projet de loi, nous semblons assister à un mea culpa de la Macronie, qui nous dit : « Cette dégradation du solde structurel résulte d’un dynamisme des recettes des prélèvements obligatoires moindre […]. » Après nous avoir expliqué pendant des mois que c’était un problème de dépenses publiques, vous nous présentez un projet de loi au solde totalement dégradé, en nous disant que c’est un problème de recettes. Nous vous avions pourtant alertés sur le déficit de recettes qu’occasionnerait votre politique consistant, depuis 2017, à baisser les impôts des plus riches et des entreprises les plus profitables.
À nous de faire notre mea culpa : nous avons trop souvent dit que la Macronie passait son temps à baisser les impôts. Ce n’est pas tout à fait vrai : en réalité, vous ne baissez les impôts que des plus riches. La preuve en est que vous parlez maintenant de TVA sociale : votre seul projet est de continuer à réduire les impôts des plus fortunés et des entreprises les plus profitables, en espérant que la hausse des prix – et donc la hausse mécanique du produit de la TVA payée par tous les Français – le compensera. Bien plus qu’une photo, vous nous présentez le constat d’un échec budgétaire – il manque 22 milliards d’euros, sans qu’on sache où ils sont passés –, d’un échec social – les Français n’arrivent pas à s’en sortir et les services publics se dégradent – et d’un échec démocratique – les budgets sont adoptés à coup de 49 3 et un collègue estime même que nous aurions pu examiner ce texte à huis clos. Nous demandons un rapport pour y voir plus clair.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je demande le retrait de l’amendement, car les réponses figurent dans mon rapport sur le projet de loi que nous examinons, dont la publication est imminente. Pour les mêmes raisons, je demanderai le retrait des autres amendements sollicitant un rapport.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je suis contre cet amendement et je conseille à mon collègue du groupe La France insoumise de venir en commission des finances et de lire les documents disponibles : toutes les informations y sont. Vous demandez un rapport qui détaille le solde structurel et le solde conjoncturel : vous plaisantez ! Une enquête menée par notre commission a creusé la question pendant cinq mois, et vous voudriez un rapport supplémentaire. On marche sur la tête !
Contrairement à ce qu’affirme notre collègue, les conclusions de l’enquête sont très claires – je les résume en saluant le travail accompli par Mathieu Lefèvre : il n’y a ni faute politique, ni insincérité, mais des erreurs techniques majeures. Nous avons travaillé pendant six mois, et nous avons adopté le rapport ; vous pouvez toujours nier les chiffres et la réalité, d’ailleurs, c’est votre spécialité ! Continuez, cela fera avancer le pays !
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression CF3 de M. Jean-Philippe Tanguy, CF26 de Mme Gabrielle Cathala et CF65 de M. Nicolas Sansu
M. Matthias Renault (RN). Nous proposons de supprimer l’article 1er pour les mêmes raisons que l’article liminaire.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). À en croire nos collègues, le projet de loi n’est qu’une photographie de la situation. Dans ce cas, pourquoi se réunir et le voter ? En réalité, il s’agit de valider ou non une politique comptable qui a été imposée par le recours à l’article 49, alinéa 3 en 2022, en 2023 et en 2024, et par décrets, puisque le Gouvernement a annulé 3 milliards d’euros de crédits pour les services publics au mois d’avril dernier– au mois de février de l’année dernière, il avait déjà annulé 10 milliards d’euros. Il est hors de question pour nous de donner un blanc-seing à une politique budgétaire qui a été imposée sans vote.
Le temps manque pour citer tous vos échecs : 1 000 milliards d’euros de dette supplémentaire depuis 2017, explosion des inégalités, estimations mensongères sur le déficit… Comme l’ont dit mes collègues Maudet et Lecoq, il manque 7 milliards d’euros par rapport au budget prévu par la loi de finances. Ce manque s’ajoute à l’austérité imposée par les lois de finances successives : l’année dernière, le budget pour 2024 était en baisse de 25 milliards ; cette année, celui de M. Bayrou, imposé par le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, prévoyait 30 milliards en moins. C’est la politique la plus violente depuis trente ans.
Ces amendements de suppression visent à montrer que nous sommes contre le projet de loi. Nous invitons tous nos collègues à les voter.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Notre collègue Cazeneuve a décidément un problème persistant avec la réalité. Vous chaussez de bien curieuses lunettes ! Moi aussi, j’ai lu le rapport de la commission d’enquête et j’ai assisté à toutes les auditions ; votre version optimiste – c’est une habitude – ne correspond pas à ce qui a été dit par le rapporteur général du budget.
L’exposé des motifs de l’article 1er parle d’une « amélioration » – là encore, c’est en décalage avec la réalité : on se targue d’un déficit moins grave que prévu, quand la situation catastrophique invite à une modestie dont vous êtes manifestement dépourvus.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis favorable à ces amendements de suppression pour les raisons exposées dans mon propos liminaire. Si l’on suit la thèse de Jean-René Cazeneuve, il ne sert à rien de voter ; mais si, cela a un sens politique. Je rappelle que nous avons voté contre les projets de loi de règlement et de loi relative aux résultats de la gestion des années 2021, 2022 et 2023.
M. David Amiel (EPR). Un acte politique n’est pas un acte de pure communication. La loi de règlement existe dans tous les parlements modernes pour vérifier que les comptes ont été tenus de manière transparente. C’est la raison pour laquelle ils sont certifiés de manière indépendante par la Cour des comptes, or celle-ci n’a pas fait état d’un maquillage des comptes. Il ne s’agit pas de donner quitus à la politique économique du Gouvernement, mais à l’administration. Ce que nous vérifions aujourd’hui, c’est que les finances publiques fonctionnent d’une manière normale, démocratique et transparente ; le débat sur les causes du déficit a sa place dans le projet de loi de finances.
En outre, contrairement à ce qui a été dit, le travail d’enquête de notre commission a été transpartisan, sous la présidence de notre président et avec deux rapporteurs, l’un appartenant à la majorité et l’autre à l’opposition – et Éric Ciotti n’appartient pas à l’opposition la plus tendre à l’égard du Gouvernement. Tous deux ont conclu qu’il n’y avait eu aucun maquillage de la réalité ni aucune perte de contrôle des dépenses, mais qu’il y avait eu un problème technique concernant la prévision des recettes.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Amendement de suppression CF4 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Matthias Renault (RN). Je me contenterai de rappeler quelques chiffres indiqués à l’article 2 : un déficit de 156 milliards d’euros en 2024 ; 285 milliards d’euros d’émissions de dette à moyen et long terme, nets des rachats ; au total, un besoin de financement de 305 milliards d’euros. C’est contre cette gestion catastrophique de la dette que nous proposons cet amendement de suppression.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable à la suppression.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement CF21 de M. Matthias Renault tombe.
Amendement CF44 de M. Anthony Boulogne
M. Anthony Boulogne (RN). L’amendement demande un rapport consacré aux besoins de trésorerie de court terme de l’État.
À la fin de l’année 2024, l’encours de la dette française a atteint 2 602 milliards d’euros, dont 2 400 milliards d’euros pour les obligations assimilables du Trésor (OAT) et 201 milliards d’euros pour les bons du trésor à taux fixe et intérêts précomptés (BTF). La Cour des comptes note que l’encours de la dette de l’État affiche une augmentation de 1 075 milliards d’euros en dix ans, dont près de 780 milliards d’euros depuis 2019. Concrètement, l’encours des titres de court terme est passé de 169 milliards d’euros en 2023 à 201 milliards d’euros à la fin de l’année 2024. Les conséquences financières sont lourdes. Selon les magistrats financiers, « les charges d’intérêts des BTF sont passées de moins de 500 millions d’euros en 2022 à 6,66 milliards d’euros en 2024 ».
Le Gouvernement se doit d’apporter des éléments détaillés à la commission des finances concernant la progression spectaculaire des intérêts à payer sur les titres de court terme, eu égard à leur coût financier croissant.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je demande le retrait de cet amendement. Les informations relatives à l’encours des bons du Trésor à taux fixe et intérêt précomptés figurent dans les bulletins mensuels de l’Agence France Trésor ainsi que dans le rapport annuel de celle-ci. Ces informations sont donc publiques, et il est inutile de demander un rapport.
La hausse de l’endettement de court terme en 2023 et en 2024 est essentiellement due à la dégradation du déficit public en cours d’année, comme l’a montré l’enquête sur les écarts aux prévisions des finances publiques. La dégradation du déficit a créé un besoin de financement supplémentaire qui a été couvert par des émissions de court terme, puisque l’article d’équilibre de la loi de finances fixe un plafond annuel de variation de l’endettement de moyen et long terme de l’État qui ne peut être dépassé. Le Gouvernement et l’Agence France Trésor n’avaient pas le choix.
L’amendement est retiré.
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Amendements CF7, CF8 et CF9 de M. Kévin Mauvieux
M. Kévin Mauvieux (RN). Par l’amendement CF7, je demande un rapport sur l’état précis de la dette indexée sur l’inflation, sa proportion et l’impact de l’inflation sur les coûts de financement de l’État. Je vous entends déjà dire que c’est mon travail, en tant que rapporteur spécial sur les engagements financiers de l’État. C’est vrai. L’amendement a en réalité pour objectif d’alerter sur l’usage de la dette indexée sur l’inflation, dont on sait qu’elle est toxique, dangereuse et qu’elle peut nous mettre en péril, comme je l’ai démontré dans mes trois précédents rapports.
Les amendements CF8 et CF9 concernent la détention de la dette française par les non-résidents. C’est une information que l’on ne peut pas me reprocher de n’avoir pas obtenue en tant que rapporteur spécial. Les deux amendements visent précisément à vous alerter sur le fait que nous ne savons pas exactement à qui nous empruntons car nous nous interdisons de le savoir par la loi ; c’est grave et dangereux. L’amendement CF8 demande des informations sur la nationalité des créanciers étrangers tandis que l’amendement CF9 vise à déterminer la catégorie d’investisseur à laquelle ils appartiennent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage votre interrogation au sujet des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi), dont l’émission n’a pas cessé depuis une décennie alors que les taux d’intérêt étaient négatifs. Il faudrait interroger le Gouvernement sur les raisons de ce choix. Toutefois, les informations que vous demandez à l’amendement CF7 sont déjà publiées par le Gouvernement. L’encours d’OATi s’élève à 289 milliards d’euros fin 2024, soit 11,1 % de la dette négociable de l’État. Pour rappel, le niveau le plus élevé avait été atteint en 2008, avec 15 % de la dette négociable. Les effets d’une variation de l’inflation sur l’encours des OAT et la charge de la dette sont publiés dans le rapport annuel sur la dette des administrations publiques prévu par l’article 48 de la LOLF. Une variation durable de 0,1 point d’inflation à la hausse ou à la baisse entraîne une variation de la provision pour charges d’indexation de l’ordre de 280 millions d’euros. Je vous invite à retirer l’amendement CF7.
Les amendements CF8 et CF9 ravivent un vieux débat qui appelle quelques précisions. À la fin de 2024, la dette négociable de l’État, soit 2 602 milliards d’euros, était détenue à 54,6 % par des non-résidents, c’est-à-dire des investisseurs non français. Ce pourcentage est en hausse depuis deux ans à la suite de l’arrêt de la politique d’achat d’obligations souveraines par la Banque centrale européenne. La part de la détention par des résidents implantés hors zone euro s’élève à 30 % environ. Les principaux détenteurs de la dette sont des banques centrales, des banques, des gestionnaires de fonds, des fonds de pension et des fonds souverains.
L’article L. 228-2 du code de commerce interdit aux personnes morales de droit public de connaître l’identité des détenteurs de leurs titres de dette. L’éventuelle modification de cet article en faveur de davantage de transparence sur les détenteurs de la dette publique devrait mettre en balance plusieurs considérations. Certes, la transparence sur l’identité des détenteurs des titres de dette publique permettrait d’anticiper une concentration trop importante de ceux-ci et limiterait le risque d’opérations malveillantes sur la dette publique française. Mais d’un autre côté, l’affaiblissement du secret des affaires et la limitation de l’accès des investisseurs étrangers à la dette publique française, qui provoqueraient une réduction de la demande de dette publique française, entraîneraient une perte d’attractivité et un renchérissement de la dette publique.
Je demande donc le retrait des amendements CF8 et CF9 ; à défaut, avis défavorable.
M. Kévin Mauvieux (RN). Il faudrait, nous dit le rapporteur général, demander au Gouvernement pourquoi on a continué d’émettre de la dette indexée alors que les taux étaient négatifs ces dix dernières années. Je ne cesse de poser la question. La réponse est toujours la même, et je la trouve inquiétante : « Les marchés financiers le demandent. » Mais nous ne sommes pas là pour gaver les marchés financiers, nous sommes là pour financer l’État avec les deniers publics ! L’argent du contribuable ne doit pas engraisser la finance. L’État a continué à émettre des OATi sous prétexte que nous ne pourrions pas lever de dette sans elles, faute d’offre. En réalité, le taux de couverture pour les OAT classiques est compris entre 2 et 3, ce qui signifie qu’il y a deux à trois fois plus de demande que d’obligations émises sur les marchés. Le recours aux OATi n’est donc pas justifié.
Comme je le disais, et comme vous l’avez confirmé en citant l’article précis du code, nous nous interdisons de savoir qui détient notre dette. On marche sur la tête ! Vous dites qu’il y a un risque à connaître les détenteurs. Nous ne demandons pas que leur nom soit rendu public, nous voulons simplement connaître leur nationalité ainsi que la structure des organisations concernées pour savoir où est détenue notre dette. Je maintiens mes amendements.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il y a un débat concernant le recours aux OATi. Nos collègues allemands l’ont interdit à lafin de l’année 2023 et j’ai dit publiquement que je partageais leur position. La réponse de la direction générale du Trésor, sur ce point comme sur d’autres, est qu’elle répond à la demande, mais nous pouvons financer notre dette autrement que par des OATi. Je partage votre diagnostic. Toutefois, ce n’est pas dans la loi de règlement qu’on résoudra le problème.
La deuxième question est encore plus complexe. Le créancier final n’est pas toujours celui qui apparaît en première détention : un fonds qatari peut être domicilié au Qatar et être alimenté par des fonds saoudiens ou américains. Ce qui est important, c’est que la part détenue par les étrangers a recommencé à croître : de 60 %, elle était tombée à 48 % avant de remonter à 55 %. C’est un facteur de fragilité. Les finances françaises étant plus que difficiles, le risque – donc le coût – est croissant et le financement de la dette est plus aléatoire.
Je vous demande néanmoins de retirer les trois amendements.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). On demande un nouveau rapport… Pour en faire quoi ? Nous n’avons techniquement pas accès à tous les éléments. Il sera facile d’identifier le détenteur initial des titres. Mais le marché secondaire existe, et il va très vite ; nous n’aurons jamais l’information à l’instant t. Un nouveau rapport sur le sujet n’a pas de sens dans le cadre de la loi de règlement.
La commission adopte successivement les amendements CF7, CF8 et CF9.
Amendement CF58 de M. Laurent Baumel
M. Laurent Baumel (SOC). Nous demandons au Gouvernement un rapport comparant l’évolution de la dette publique à celle de la dette privée et du patrimoine des ménages.
La dette fait l’objet d’une appréhension légitime liée à des doutes sur la pérennité de la capacité d’emprunt de l’État. Elle fait aussi l’objet d’une stigmatisation morale, dont le Premier ministre actuel – qui parle aux Français d’économies, comme si nous étions tous des enfants – s’est fait une spécialité. Comparer la dette publique avec la dette privée et la mettre en perspective avec le stock d’épargne et le patrimoine des ménages complèterait notre vision de la dette sous un angle intéressant.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous remercie pour cet amendement qui pose la question intéressante à laquelle, hélas, peu de nos collègues s’intéressent.
Les informations que vous demandez figurent dans les comptes de patrimoine de l’Insee. Pour l’année 2023, les actifs de l’État se sont élevés à 1 072 milliards d’euros, tandis que ses passifs financiers atteignaient 2 732 milliards d’euros, soit un actif net négatif de 1 660 milliards. Cela tient au fait que le déficit français est pour l’essentiel un déficit de fonctionnement : sur 155 milliards d’euros de déficit pour 2024, il y a un peu plus de 120 milliards d’euros de déficit de fonctionnement ; les investissements sont faibles, de l’ordre d’une trentaine de milliards d’euros. À l’inverse, les administrations publiques locales disposent d’actifs évalués à 2 076,5 milliards d’euros tandis que leurs dettes s’élèvent à 308 milliards d’euros, soit un actif sept fois supérieur au passif. En clair, l’actif net positif des collectivités territoriales est du même ordre de grandeur que l’actif net négatif de l’État. Quant aux ménages français, ils disposent d’un patrimoine de 16 469 milliards d’euros pour un passif de 2 095 milliards d’euros, soit un actif net positif de plus de 14 000 milliards d’euros. Je demande le retrait de cet amendement.
M. Laurent Baumel (SOC). Je vous remercie pour ces chiffres. Il serait toutefois intéressant de connaître leur évolution dans un rapport plus consistant.
M. Philippe Brun (SOC). Puisque nous avons parlé des OATi, je me rappelle que M. le rapporteur général, à l’époque simple commissaire aux finances, avait déposé plusieurs amendements sur la loi de règlement de 2022 ou de 2023 pour demander des éclaircissements sur les primes d’émission de l’Agence France Trésor. A-t-il obtenu des réponses ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous trouverez tous les chiffres sur les primes d’émission, en flux et en stock, dans mon rapport ; de mémoire, les primes d’émission sont en très forte croissance. Je précise à l’attention de nos collègues que ces primes portent sur les obligations réémises : un titre d’une valeur initiale de 100 verra sa valeur diminuer à 90 ou 92 si les taux d’intérêt augmentent ; inversement, si les taux baissent, sa valeur pourra atteindre 110.
La commission adopte l’amendement.
Amendement de suppression CF5 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Matthias Renault (RN). Je me contenterai de donner quelques chiffres sur cet article, dont nous discuterons de manière plus détaillée en séance. En 2023, les charges de personnel de l’État étaient de 164 milliards d’euros ; en 2024, elles étaient de 175 milliards d’euros. Les charges de fonctionnement étaient de 305 milliards d’euros en 2023 et de 322 milliards d’euros en 2024. Les dettes financières étaient de 2 480 milliards d’euros en 2023 et de 2 650 milliards d’euros en 2024. Il va de soi que nous ne pouvons approuver ni ce bilan ni cette gestion.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis favorable. Le résultat comptable, qui correspond au déficit de fonctionnement de l’État, est de – 123,7 milliards d’euros. Les collectivités territoriales n’ont aucun déficit de fonctionnement, elles sont même en excédent et elles investissent, d’où les résultats patrimoniaux que j’ai rappelés tout à l’heure.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 3 est supprimé.
Amendement CF39 de M. Anthony Boulogne
M. Anthony Boulogne (RN). L'amendement demande la remise d’un rapport établissant une trajectoire annuelle de réduction de la contribution française au budget de l’Union européenne qui soit cohérente avec les efforts exigés pour le redressement des comptes de la Nation.
La stratégie pluriannuelle des finances publiques pour les années 2026 à 2029, fixée par le Gouvernement, prévoit un effort cumulé de 110 milliards d’euros, dont 40 milliards d’euros dès l’année prochaine. Les efforts qui seront consentis pour redresser nos comptes publics doivent être justement répartis. Il est temps de s’attaquer aussi aux postes de dépense tabous de l’État, à commencer par la contribution française au budget de l’Union européenne qui passera de 23 milliards d’euros en 2025 à 30 milliards d’euros en 2026 et à 32 milliards d’euros en 2027, soit près de 10 milliards d’euros supplémentaires en seulement trois ans. Le Rassemblement national en a assez que la France soit la vache à lait de Bruxelles en finançant le rabais des autres pays.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Avis défavorable. La contribution française au budget de l’Union européenne est le fruit d’une négociation entre les États membres et son montant est fixé dans un accord international. Les amendements déposés sur le sujet n’ont donc pas de sens.
M. Philippe Juvin (DR). L’amendement doit être rejeté pour plusieurs raisons. La première est que la France a conclu des accords internationaux et qu’elle doit honorer sa signature. La seconde est qu’il accrédite auprès de l’opinion l’idée fausse selon laquelle l’appartenance à l’Union européenne serait une charge, alors que de nombreux rapports ont établi que la non-appartenance à l’Union européenne, plus particulièrement l’absence de marché intérieur, pèserait très fortement sur notre économie, chiffres à l’appui. Troisièmement, alors que les nouveaux emprunts communs de l’Union européenne permettent désormais à celle-ci d’emprunter pour la France, il est cocasse de proposer de ne pas les rembourser.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement de suppression CF6 de M. Jean-Philippe Tanguy.
En conséquence, l’article 4 est supprimé.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF13 de M. Matthias Renault.
Amendement CF11 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Le montant des restes à payer est un élément intéressant de ce projet de loi de règlement, puisqu’il a doublé en six ans pour atteindre 217 milliards d’euros en 2024. Ce dérapage mérite des explications, que nous ne manquerons pas de demander au ministre de l’économie lors de l’examen du texte en séance.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les restes à payer s’établissaient en effet à 217 milliards d’euros en fin d’année 2024, un montant d’autant plus élevé que la Cour des comptes estime que les dépenses de l’État sont rigides à hauteur d’environ 77 %. Cela signifie que nous accumulons autant de dettes potentielles pour l’avenir. Vous trouverez ces éléments d’analyse dans mon rapport à paraître.
Il ne me semble toutefois pas utile de demander un rapport sur la dynamique et la soutenabilité des restes à payer de l’État : chacun sait que leur niveau actuel n’est pas soutenable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF55 de M. Laurent Baumel
M. Laurent Baumel (SOC). Contrairement à ce qu’a affirmé notre collègue Jean-René Cazeneuve, ce projet de loi n’est pas une simple photographie, puisqu’il fait apparaître une sous-exécution délibérée, par l’État, des crédits de la mission Aide publique au développement : il reflète un choix politique, sur lequel nous sommes en droit de porter une appréciation. Nous demandons donc que soient explicitées, dans un rapport, les raisons ayant conduit l’État à estimer qu’il était en droit de consommer moins que ce que le Parlement lui avait demandé dans ce domaine tout sauf secondaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La mission Aide publique au développement a fait l’objet, en 2024, de fortes mesures de régulation budgétaire qui interrogent sur le pilotage de l’aide internationale française et se sont traduites par des autorisations d’engagement sans objet en fin de gestion.
Il me semble toutefois préférable de laisser le rapporteur spécial compétent, notre collègue Corentin Le Fur, de se saisir de ce sujet plutôt que d’attendre un rapport du Gouvernement. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF16.
Amendement CF19 de M. Matthias Renault.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Même argument que précédemment : les restes à payer de la mission Défense devraient faire l’objet d’un travail du rapporteur spécial compétent plutôt que d’un rapport du Gouvernement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CF14 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Nous souhaitons que le Gouvernement remette un rapport détaillant l’emploi, par les anciens premiers ministres, des crédits qui leur sont attribués. Mme Dalloz a certes produit, dans le cadre du Printemps de l’évaluation, un excellent rapport détaillant ces crédits, mais il serait souhaitable que le Gouvernement lui-même fasse la transparence sur cette question. Rappelons que la suppression de certains avantages avait été votée à l’occasion de l’examen du budget, avant de disparaître du texte en commission mixte paritaire, malgré les amendements soutenus par le RN et – l’honnêteté intellectuelle m’oblige à le reconnaître – par LFI.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Nous sommes nombreux à partager votre préoccupation. Le détail des crédits alloués aux anciens premiers ministres figure effectivement déjà dans les travaux de notre collègue Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la mission Direction de l’action du Gouvernement.
Quant à savoir s’il serait opportun de supprimer ce dispositif, il appartient au législateur de se prononcer plutôt que d’attendre que le Gouvernement donne son avis dans un rapport qui n’apporterait pas grand-chose au débat. J’ai d’ailleurs moi-même déposé une proposition de loi en ce sens.
Je vous propose donc de retirer votre amendement, quitte à interroger le Gouvernement sur sa position en séance. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF15 de M. Matthias Renault.
Amendement CF45 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Alors que les difficultés d’application du dispositif MaPrimeRénov’ sont particulièrement d’actualité – puisque le Gouvernement vient d’annoncer qu’il envisage sa suspension à compter de juillet –, nous souhaitons éclairer les raisons de la sous-consommation des crédits qui lui étaient alloués en 2024 et qui n’ont été dépensés qu’à hauteur de 70 %. On peut subodorer que ce phénomène s’explique par des démarches administratives kafkaïennes, un reste à charge trop élevé, un accès aux prêts complexe, ou encore un nombre insuffisant d’artisans reconnus garants de l’environnement (RGE).
Au-delà de ce rapport, toutefois, nous avons surtout besoin, en matière de rénovation énergétique, d’une politique cohérente, plutôt que d’à-coups incessants. Or le manque de constance et l’absence d’orientation claire ne font qu’empirer avec le temps : on change les critères, on modifie le montant des crédits alloués, et voilà qu’on annonce une suspension du dispositif. Notre commission doit se saisir de ces questions et inciter le Gouvernement à faire preuve de constance dans ce domaine.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage votre constat : la sous-consommation des crédits alloués à MaPrimeRénov’ est récurrente, pour les raisons que vous évoquez et qui sont déjà bien documentées. De nombreux rapports récents ont été produits sur la trajectoire budgétaire du dispositif. À l’Assemblée nationale, les travaux de nos collègues David Amiel et François Jolivet retracent l’évolution des crédits qui lui sont consacrés, malgré leur morcellement entre plusieurs programmes.
Décrire la trajectoire budgétaire du dispositif étant à la portée des rapporteurs spéciaux, il ne me semble pas nécessaire de demander un rapport au Gouvernement sur ce sujet. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CF46 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Le dispositif de leasing social fait quant à lui l’objet d’une surconsommation des crédits qui lui sont alloués, mais il est soumis à la même logique de bricolage. Depuis maintenant deux ans, il repose sur un financement de bric et de broc : en 2024, des crédits ont dû être prélevés sur la partie non consommée de l’enveloppe dédiée à MaPrimeRénov’ ; cette année, on annonce qu’il sera financé par les certificats d’économie d’énergie (C2E).
Sur cette question importante non seulement d’un point de vue écologique, mais aussi en matière d’accès à la mobilité, particulièrement en milieu rural, nous avons besoin de constance et d’un financement pérenne, à travers lequel l’État s’engage sur plusieurs années.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Vous n’avez pas tort : le dispositif a dû être interrompu car son succès était tel qu’il n’était plus possible de le financer. Ce travail d’analyse relève cependant du rapporteur spécial, davantage que du Gouvernement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF40 de M. Anthony Boulogne
M. Charles de Courson, rapporteur général. En tant que rapporteur spécial de la mission Enseignement scolaire, notre collègue Anthony Boulogne a les moyens d’obtenir directement les informations qu’il requiert en application de l’article 57 de la LOLF. Plutôt que de demander un rapport au Gouvernement, utilisons les pouvoirs dont nous disposons en tant que parlementaires. Avis défavorable.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF40.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF42
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF41.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF43.
Amendement CF17 de M. Matthias Renault
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il me semble que la question que vous soulevez, à savoir « les causes des dysfonctionnements observés dans la mise en œuvre budgétaire de la politique migratoire en 2024 », doit être traitée dans le cadre du débat avec le Gouvernement en séance plutôt que dans un rapport. En tout état de cause, les rapporteurs spéciaux Mathieu Lefèvre et Charles Rodwell sont pleinement en mesure de se saisir de ce sujet. N’affaiblissons pas leur travail.
La commission adopte l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF56 de M. Laurent Baumel.
Amendement CF35 de Mme Gabrielle Cathala
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous voulons aider le Gouvernement et nos collègues macronistes. Puisque vous cherchez à couper à tout-va dans les dépenses, nous vous proposons une piste : les dépenses fiscales. Il s’agit ici d’obtenir un rapport sur la mission Remboursements et dégrèvements, qui finance la quasi-totalité des niches et cadeaux fiscaux ainsi que des aides aux grandes entreprises.
S’il est des dépenses de l’État qui augmentent, ce sont bien celles-là : depuis l’arrivée de Macron, ces cadeaux aux plus riches sont passés de 103 milliards d’euros à 146 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 40 milliards d’euros. Le phénomène est tel que les remboursements et dégrèvements représentent 40 % des recettes de l’État. Les sommes que vous allez faire payer aux plus pauvres par la hausse de la TVA permettront ainsi d’offrir des dizaines de milliards, voire plus, aux plus riches de ce pays.
Nous alertons également sur votre capacité à anticiper ces dépenses. Vos budgets sont construits de manière particulièrement insincère, puisque vous ne parvenez pas à estimer le montant de ces cadeaux fiscaux, qui semble complètement incontrôlé : la différence entre les prévisions et l’exécution a atteint 10 milliards d’euros en 2024 et vous avez dû, au cours des deux dernières années, consentir des rallonges importantes – 12,5 milliards d’euros en fin d’année 2023 et 7,7 milliards d’euros en 2024. Visiblement, l’improvisation et le dérapage ne vous posent pas de problème lorsqu’il s’agit d’aider les plus riches.
Ces dépenses n’ont en outre, aucune efficacité économique : l’année dernière, alors qu’elles dérapaient, plus de 60 000 entreprises ont fermé et les emplois industriels ont reculé, ne représentant plus que 15 % de l’emploi total, contre 16 % en 2018.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Les données que vous demandez sont déjà disponibles dans la documentation budgétaire. En tant que rapporteure spéciale, notre collègue Christine Pirès Beaune réalise par ailleurs chaque année, à l’occasion du Printemps de l’évaluation, un travail très intéressant pour expliquer les écarts que vous avez relevés. Ses analyses me semblent plus utiles qu’un énième rapport du Gouvernement.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Quand on évoque les remboursements et dégrèvements, il faut garder à l’esprit qu’ils sont en partie liés à la mécanique de l’impôt. Lorsque la TVA s’applique, il peut arriver que la somme à collecter soit inférieure au montant de TVA déductible. Les entreprises concernées bénéficient alors d’un crédit, dont elles peuvent demander le remboursement : c’est un dû, et il n’y a rien à creuser de ce côté.
En revanche, si certains points n’ont pas encore fait l’objet d’investigations, je suis prête à les examiner. Je me suis déjà penchée, il y a quelques années, sur le crédit d’impôt recherche (CIR) ainsi que sur le crédit d’impôt au titre des services à la personne (CISAP). Peut-être pourrions-nous aussi faire un focus sur les règlements d’ensemble ou sur certains règlements contentieux, mais les principaux crédits d’impôts ont été expertisés. Il me semble que nous disposons déjà d’assez nombreux éléments sur le sujet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF12 de M. Matthias Renault
M. Charles de Courson, rapporteur général. Notre ancienne collègue Véronique Louwagie avait conduit des travaux sur les dépenses liées à l’aide médicale de l’État (AME). Cette question doit être traitée dans le cadre du débat en séance avec le Gouvernement plutôt que dans un nouveau rapport.
La commission adopte l’amendement.
Présidence de M. Éric Coquerel, président de la commission
La commission rejette l’article 5.
La commission rejette l’article 6.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements CF24, CF23 et CF25 de M. Matthias Renault.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF61 de M. Laurent Baumel.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF22 de M. Matthias Renault.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements de suppression CF28 de M. David Guiraud et CF52 de M. Laurent Baumel.
En conséquence, l’article 7 est supprimé.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements de suppression CF29 de Mme Gabrielle Cathala et CF53 de M. Laurent Baumel.
En conséquence, l’article 8 est supprimé.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements de suppression CF30 de M. David Guiraud et CF54 de M. Laurent Baumel.
En conséquence, l’article 9 est supprimé.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement de suppression CF20 de M. Matthias Renault.
En conséquence, l’article 10 est supprimé.
À la demande du rapporteur général, l’amendement CF60 de M. Laurent Baumel est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements CF51 de Mme Eva Sas, CF59 de M. Laurent Baumel, CF48 de Mme Eva Sas, CF32 de M. Aurélien Le Coq, CF49 et CF50 de Mme Eva Sas, CF31 de Mme Gabrielle Cathala, CF36 de M. David Guiraud, CF34 de M. Aurélien Le Coq, CF38 de Mme Gabrielle Cathala, CF33 de M. David Guiraud et CF47 de Mme Eva Sas.
La commission adopte l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.
([1]) Décision n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022.
([2]) Aux termes du III de l’article 37 de la loi organique relative aux lois de finances, la loi de règlement jusqu’en 2022 et la loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes à compter de l’année 2023 « affecte[nt] au bilan le résultat comptable de l’exercice ». Comme l’indique la présentation des états de synthèse comptables du compte général de l’État, « cette affectation se traduit par une écriture spécifique donnant au résultat de l’exercice approuvé son imputation définitive dans les comptes, qui, dans la situation nette au bilan, est retracée dans le poste “Report des exercices antérieurs” ». Le rejet du projet de loi de règlement de l’exercice 2021 (PLR 2021) ayant empêché la réalisation de cette opération au cours de l’exercice 2022, une procédure spécifique d’imputation du résultat 2021 dans les comptes 2022 a été définie, consistant à intégrer au plan comptable de l’État un nouveau compte, le compte 88 Solde d’exercices antérieurs en attente d’affectation, sur lequel le résultat de l’exercice 2021 a été imputé. À la suite d’un deuxième rejet du PLR 2021 par le Parlement en 2023, le résultat comptable de l’exercice 2021 demeure imputé sur le poste Solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation du bilan au 31 décembre 2023. Suivant la même logique, le rejet du projet de loi de règlement de l’exercice 2022 (PLR 2022) puis celui du projet de loi relative aux résultats de la gestion pour 2023 ayant empêché cette affectation définitive au cours des exercices 2023 et 2024, le résultat patrimonial des exercices 2022 puis 2023 a été imputé dans les comptes sur ce même poste Solde des opérations d’exercices antérieurs en attente d’affectation.
([3]) Le Parlement avait refusé de ratifier les dépenses engagées en 1830 par le baron de Montbel, alors ministre de l’intérieur, pour inciter les troupes à combattre les insurgés des Trois Glorieuses.
([4]) Et inférieures de 7,7 milliards d’euros aux prévisions actualisées à l’automne 2023 par la loi de fin de gestion pour 2023.
([5]) Dès le mois de février 2024, l’hypothèse d’une croissance de 1,4 % a été révisée de 0,4 point à la baisse, avant d’être rehaussée de 0,1 point lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2024, pour s’établir à 1,1 %. La croissance effective s’est révélée conforme à cette dernière hypothèse.
([6]) En vertu de l’article 14 de la LOLF, le montant total des annulations « ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours », soit 12,2 milliards d’euros en AE et en CP en vertu de la LFI pour 2024.
([7]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
([8]) Instituée par le décret n° 2024-251 du 22 mars 2024, cette aide vise à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine pour l’année 2024. Son bénéfice est ouvert aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) énergo-intensives, disposant d’un contrat de fourniture d’électricité encore en vigueur en 2024, signé ou renouvelé avant le 30 juin 2023.
([9]) Sont sans incidence sur le résultat patrimonial les opérations budgétaires inscrites en immobilisations financières, qui concernent notamment des dépenses et recettes relatives aux participations, dont le versement d’une dotation en capital de 6,4 milliards d’euros à la Caisse de la dette publique pour l’amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 et d’autres dépenses et recettes relatives aux immobilisations financières, en particulier le remboursement anticipé en capital reçu au titre des prêts consentis par la France à la Grèce, pour un montant de 1,7 milliard d’euros. En outre, des opérations comptables à l’incidence négative sur le résultat patrimonial, tels des décaissements de subventions réalisés par Bpifrance dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir (PIA) ou la hausse des dépréciations, sont sans incidence sur le solde budgétaire.
([10]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
([11]) Lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de programmation de finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027, puis lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024). Ce niveau a été confirmé dans la loi de finances de fin de gestion pour 2023 et dans la loi de programmation de finances publiques.
([12]) Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([13]) Projet de loi de finances pour 2025, n° 324, déposé le jeudi 10 octobre 2024.
([14]) Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
([15]) Cet excédent résulte de la prise en compte du solde de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), structurellement excédentaire en raison de la non-prise en compte de ses dépenses en comptabilité nationale.
([16]) Soit + 5,3 % au 1er janvier 2024 pour les pensions de base et + 4,9 % au 1er novembre 2023 pour les pensions complémentaires.
([17]) Règlement (CE) 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.
([18]) Règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2024 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil.
([19]) Avis n° HCFP-2022-5 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 21 septembre 2022, et Avis n° HCFP-2023-7 relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 22 septembre 2023.
([20]) Avis n° HCFP-2025-3 relatif au rapport d’avancement annuel 2025 du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029, 30 avril 2025.
([21]) Avis n° HCFP-2025-2 relatif au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024.
([22]) Sont également concernés la Belgique, l’Italie, la Hongrie, Malte, la Pologne et la Slovaquie. En outre, le Conseil a approuvé le maintien de la procédure de déficit excessif concernant la Roumanie.
([23]) Ensemble de cinq règlements et d’une directive entrés en vigueur le 13 décembre 2011 pour l’ensemble des États membres de l'Union européenne, le « six-pack ».
([24]) Communication de la Commission au Conseil – Orientations en matière de politique budgétaire pour 2024.
([25]) Directive (UE) 2024/1265 du Conseil du 29 avril 2024 modifiant la directive 2011/85/UE sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres ; règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2024 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil ; règlement (UE) 2024/1264 du Conseil du 29 avril 2024 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.
([26]) Recommandation C/2024/659 du Conseil du 21 janvier 2025 approuvant le plan budgétaire et structurel national à moyen terme de la France.
([27]) À titre exceptionnel, et en contrepartie d’un engagement de l’État membre sur des réformes et investissements significatifs, la Commission européenne peut abaisser la référence d’ajustement structurel et la ramener en deçà de 0,5 point, pour les seules années 2025 à 2027, pour tenir compte de la hausse de la charge d’intérêt.
([28]) Et inférieures de 7,7 milliards d’euros aux prévisions actualisées à l’automne 2023 par la loi de fin de gestion pour 2023.
([29]) Cf. loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
([30]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([31]) L’écart de prévisions avait même atteint 7,7 milliards d’euros entre la prévision des recettes de la LFG pour 2023 et l’exécution 2023.
([32]) Dès le mois de février 2024, l’hypothèse d’une croissance de 1,4 % a été révisée de 0,4 point à la baisse, avant d’être rehaussée de 0,1 point lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2024, pour s’établir à 1,1 %. La croissance effective s’est révélée conforme à cette dernière hypothèse.
([33]) Si de substantiels éléments de l’analyse par le rapporteur général des écarts entre l’exécution des recettes et les prévisions faites pour les années 2023, 2024 et 2025 sont repris dans les développements de la présente fiche, le lecteur désireux d’en avoir une vue plus exhaustive pourra se reporter à sa contribution publiée en annexe du rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale afin d’étudier et de rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 (rapport n° 1274, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2025, tome I, pp. 241-291).
([34]) Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
([35]) Le niveau élevé de la prévision initiale de la part État de TVA de 106,2 milliards d’euros résultait toutefois pour partie de l’absence d’affectation d’une part de TVA à l’audiovisuel, comme entre 2022 et 2024, du fait de l’impossibilité, au-delà du 31 décembre 2024, d’affecter une imposition de toute nature à un tiers autre que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Après l’adoption de la loi organique du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l’audiovisuel public, l’affectation d’une fraction de TVA à l’audiovisuel a été rendue possible. La prévision de la part État de TVA a donc été minorée de 3,96 milliards d’euros en janvier 2025 dans le cadre des débats parlementaires, parallèlement à l’affectation de cette même somme au compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public. Hors ce changement de périmètre, la prévision pour 2024 de la part État de TVA a donc été revue à la baisse de 0,8 milliard d’euros.
([36]) Notamment afin de tenir compte de la baisse du taux d’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, passé de 2 % dans le projet de loi initial à 1,8 % dans le texte adopté, compte tenu de la révision à la baisse de l’inflation en 2024.
([37]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2024 : recettes fiscales de l’État, avril 2025, p. 39.
([38]) Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l’Union européenne.
([39]) La Cour des comptes relève qu’ont joué le maintien de la CRI décidé lors de l’examen de la loi de finances pour 2024 et une erreur de prévision sur le solde des versements au titre de 2023 dus au mois de juillet 2024.
([40]) Augmentation de l’accise sur les gaz naturels par l’arrêté du 29 décembre 2023 fixant le tarif normal d'accise sur les gaz naturels, pris sur le fondement de l’article 92 de la LFI pour 2024.
([41]) Augmentation de l’accise sur l’électricité par l’arrêté du 25 janvier 2024, pris sur le fondement de l’article 92 de la LFI pour 2024.
([42]) Le montant global des versements à la France devrait être de 40,3 milliards d’euros. Il est subordonné au respect des cibles et jalons prévus dans le Plan national de relance et de résilience (PNRR) présenté par le Gouvernement pour la période 2021-2022 et mis à jour au mois d’avril 2023 pour intégrer de nouveaux investissements en faveur de la souveraineté et de l’indépendance énergétiques de la France, lesquels pourront bénéficier des subventions de l’instrument REPowerEU pour un montant de 2,8 milliards d’euros.
([43]) En LFI pour 2024, la mission n’était dotée d’aucune autorisation d’engagement, l’effort budgétaire de l’État ayant été concentré sur les deux premières années de mise en œuvre du plan.
([44]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.
([45]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM) et loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice.
([47]) La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur couvre les crédits des missions et programmes suivants : mission Sécurités (152, 161, 176, 207), une partie de la mission Administration générale et territoriale de l’État (programmes 216 et 354), mission Immigration, asile et intégration (programmes 104 et 303) et une partie du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers (programmes 751 et 753).
([48]) Les crédits disponibles correspondent ici aux crédits ouverts par des lois de finances (LFI et LFG pour l’année 2024) auxquels s’ajoutent les reports entrants. Sont retirés de ce montant les fonds de concours (et les attributions de produits) et les annulations réalisées en cours de gestion. Au niveau de chaque mission, sont également prises en compte les mesures de transferts, de virements et de périmètre réalisées pendant l’année.
([49]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2024 de la mission Économie, avril 2025 (lien).
([50]) Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion.
([51]) Le schéma d’emplois réalisé correspond au solde des entrées et des sorties d’ETP entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année.
([52]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.
([53]) Article 137 de la loi de finances initiale pour 2023.
([54]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Cette norme de dépenses avait été mise en place par le Gouvernement dès 2023, malgré le rejet du texte par l’Assemblée nationale en première lecture, en octobre 2022.
([55]) L’article 9 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 définissait une norme de dépense intitulée « objectif de dépenses totales de l’État » (ODETE).
([57]) M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019.
([58]) Commission des finances, d’après l’annexe 2 au projet de loi (développement des opérations constatées aux comptes spéciaux et budgets annexes). Comme pour le calcul réalisé pour 2021 par la Cour des comptes, huit comptes spéciaux sont exclus du champ d’analyse : deux retracent des flux financiers temporaires (Avances aux collectivités territoriales, Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes chargés d’un service public), quatre sont très majoritairement financés par le budget général (Pensions, Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État, Participations financières de l’État et Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État) et deux ne peuvent être considérés comme retraçant de véritables dépenses (Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire et Opérations avec le Fonds monétaire international).
([59]) Estimation dans le cadre du PLF pour 2025 et rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2024 (p. 75).
([60]) Commission des finances d’après l’annexe voies et moyens annexée au PLF pour 2025. Les données pour 2024 sont prévisionnelles.
([61]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, p. 147. Au 31 décembre 2016, ces fonds représentaient au moins 11,8 milliards d’euros dans les comptes de l’État (mais tous les fonds n’y étaient pas intégrés) et au moins 31,2 milliards d’euros au total, sachant que la moitié de ce volume concernait le fonds national d’aide au logement (16,3 milliards d’euros).
([62]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
([63]) À l’issue de la réforme de la LOLF de 2021 qui a modifié la présentation de l’article d’équilibre des lois de finances, le périmètre des dépenses de l’État intègre désormais les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, tandis que les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont comptabilisés en moindres recettes. Hors contributions de l’État au CAS Pensions, qui s’élèvent à 46,9 milliards d’euros, la consommation de CP en 2024 est de 619,6 milliards d’euros, contre 630,2 milliards d’euros en 2023.
([64]) Soit 824,4 millions d’euros d’ouvertures nettes, compte tenu des 23,1 millions d’euros annulés parallèlement.
([65]) Soit 203,3 millions d’euros d’ouvertures nettes, compte tenu des 42,3 millions d’euros annulés parallèlement.
([66]) Soit 65,5 millions d’euros d’ouvertures nettes, compte tenu des 284,6 millions d’euros annulés parallèlement.
([67]) Soit 434,9 millions d’euros d’annulations nettes, compte tenu des 250 millions d’euros ouverts parallèlement.
([68]) Soit 409,7 millions d’euros d’annulations nettes, compte tenu des 149,1 millions d’euros ouverts parallèlement.
([69]) Destiné à garantir l’ancrage de la parité du taux de change du franc CFA sur l’euro, ainsi que la convertibilité illimitée en euros des francs CFA d’Afrique de l’Ouest, des francs CFA d’Afrique centrale et des francs comoriens, le compte, en raison du niveau important des réserves détenues par les banques centrales de la zone franc, et à la très faible probabilité d’appel en garantie de la France qui en résulte, n’est pas doté en crédits.
([70]) Le niveau exceptionnel de fonds de concours et d’attributions de produits constaté en 2020 était lié à l’opération de recapitalisation du groupe SNCF (4,1 milliards d’euros imputés au budget de l’État en décembre 2020 et donnant lieu depuis à des versements progressifs).
([71]) Analyse de l’exécution budgétaire 2024 « Recettes non fiscales, fonds de concours et attributions de produits », avril 2025 (lien).
([72]) Analyse de l’exécution budgétaire 2024 de la mission Écologie, développement et mobilités durables, avril 2025 (lien).
([73]) Décret n° 2023-883 du 18 septembre 2023 portant annulation de crédits.
([74]) Lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale le 6 mars 2024, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique avait déclaré qu’ « en raison de la situation géopolitique et du ralentissement de la croissance début 2024, notre déficit public sera significativement supérieur à 4,9 % en 2023. » (lien).
([75]) En vertu de l’article 14 de la LOLF, le montant total des annulations « ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours », soit 12,2 milliards d’euros en AE et en CP en vertu de la LFI pour 2024.
([76]) Les décrets n° 2024-685 du 5 juillet 2024 et n° 2024-1164 du 4 décembre 2024 ont porté sur des annulations relatives aux fonds de concours non consommés. Le décret n° 2025-103 du 4 février 2025 a procédé à des annulations techniques relatives aux fonds de concours et attributions de produits ouverts en excédent.
([77]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, articles 10 et 11.
([78]) Les règles applicables aux reports d’autorisations d’engagement (AE) n’ont pas été modifiées. Les reports d’AE, qui ne sont pas plafonnés, ne peuvent majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel.
([79]) Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
([80]) Dont six programmes bénéficiant en 2025 des crédits du programme Cohésion de la mission Plan de relance mise en extinction.
([82]) Contractualisations avec des tiers – opérateurs de l’État, audiovisuel public ou encore collectivités ; lois de programmation pour la recherche, la sécurité, la défense, la justice ; stratégies et autres programmations pluriannuelle (énergie, transition écologique, intelligence économique…).
([83]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, mai 2018, p. 187.
([85]) Cette réduction du taux concerne les programmes 109 Aide à l’accès au logement, 157 Handicap et dépendance et 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui financent principalement l’aide personnalisée au logement, l’allocation aux adultes handicapés et la prime d’activité.
([86]) La valeur actualisée de l’encours correspond à la valeur nominale pour les titres à taux fixe et à la valeur nominale multipliée par le coefficient d’indexation à la date considérée pour les titres indexés.
([88]) La dette négociable de l’État désigne la dette contractée sous forme d’instruments financiers échangeables sur les marchés financiers (obligations et bons du Trésor). Il existe une dette non négociable, correspondant aux dépôts de certains organismes (collectivités territoriales, établissements publics…) sur le compte du Trésor et qui constitue aussi un moyen de financement de l’État.
([89]) Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont des valeurs assimilables du Trésor à moyen et long terme, de maturité de deux à cinquante ans. Les bons du Trésor à taux fixe (BTF) sont des titres assimilables du Trésor à court terme, de maturité initiale inférieure ou égale à un an (généralement 13, 26 et 52 semaines).
([90]) Lors de l’arrivée à maturité d’un titre indexé sur l’inflation, le montant de capital remboursé est calculé en multipliant le montant nominal du titre par un coefficient d’indexation dépendant de l’évolution de l’inflation sur la période de vie de l’obligation. Afin d’anticiper ce différentiel, une provision pour charge d’indexation est enregistrée annuellement pour évaluer la charge budgétaire potentielle sur la totalité de l’encours de titres indexés, quand bien même il n’y a pas encore de décaissement effectif.
([91]) Loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([92]) Données issues de l’annexe n° 2 du rapport Le budget de l’État en 2024, Cour des comptes, avril 2025.
([93]) Les charges financières correspondent aux charges résultant des dettes financières, des instruments financiers à terme, de la trésorerie et des immobilisations financières.
([94]) Les produits financiers sont les produits issus des immobilisations financières, de la trésorerie, des dettes financières, des instruments financiers à terme et des garanties accordées par l’État.
([95]) Le niveau élevé des immobilisations financières 2023 était lié à des opérations exceptionnelles telles que la plus-value de cession EDF et le rachat de titres par Air France KLM.
([96]) Les charges et les produits de fonctionnement résultent de l’activité ordinaire de l’État. Les charges de fonctionnement reflètent les coûts supportés par l’État dans le cadre des missions de service public qu’il remplit. Les produits de fonctionnement sont issus des prestations de service rendues par l’État ; ce sont notamment ceux retracés par les budgets annexes – actuellement Contrôle et exploitation aériens et Publications officielles et information administrative.
([97]) Les charges et les produits d’intervention sont une spécificité comptable de l’État, liée à sa mission de régulateur économique et social. Les charges d’intervention nettes s’obtiennent en retranchant des charges brutes d’intervention, qui reflètent l’activité de redistribution de l’État, les produits d’intervention – reprises sur provisions et dépréciations, participations de tiers à des dépenses d’intérêt public.
(1) Cette donnée est présente dans le compte général de l’État 2024.
([99]) L’actif circulant hors trésorerie regroupe les stocks, les créances (sommes dues par des tiers à l’État) et les charges constatées d’avance (charges dont le paiement est intervenu au cours de l’exercice mais pour lesquelles le service fait interviendra sur l’exercice suivant).
([100]) La trésorerie active est constituée de l’ensemble des disponibilités mobilisables à court terme. Pour l’État, ce poste reflète la position du compte courant de la Banque de France au Trésor et enregistre les opérations liées à la gestion de la dette ou de la trésorerie de l’État.
([101]) Les dettes financières de l’État représentent l’ensemble des engagements financiers de l’État qui résultent du cumul de ses besoins de financement année après année et de la prise en charge des dettes d’organismes tiers.
([102]) Les dettes non financières de l’État correspondent à des dettes nées à l’occasion d’opérations non financières. Ce sont des passifs certains dont l’échéance et le montant sont fixés de façon précise.
([103]) Les provisions représentent les charges rendues probables par des évènements survenus au cours de l’année ou par le passé mais dont la réalisation ou le montant sont incertains.
([104]) Les engagements pris dans le cadre d’accords bien définis sont des garanties explicitement accordées par l’État dans le cadre de conventions avec des tiers. Celles-ci doivent être autorisées par le Parlement dans la loi de finances et sont facturées aux bénéficiaires.
([105]) Ces engagements recouvrent le coût actualisé (prenant en compte l’inflation) des subventions d’équilibres apportées par l’État aux régimes spéciaux de retraite, les engagements pris au titre du service public de l’énergie mais aussi les engagements pris à l’égard des bénéficiaires actuels de prestations sociales financées par l’État.
([106]) Au sens de la Cour des comptes, une anomalie est un écart entre le montant, le classement ou la présentation d’un élément dans les comptes audités ou les informations qui y sont fournies à son sujet et le montant, le classement, la présentation ou les informations exigés pour cet élément selon les normes comptables applicables.
([107]) Il s’agit, d’une part, de l’incertitude portant sur le montant de l’engagement de l’État au titre des prêts garantis par l’État (PGE). Les travaux de la Cour des comptes ont en effet permis de rapprocher les chiffres de l’État avec ceux de la Banque de France. Il s’agit, d’autre part, de l’incertitude sur le montant des charges relatives aux dispositifs d’intervention dans le domaine de l’énergie (boucliers tarifaires).
([108]) Compte rendu n° 102 du mercredi 16 avril 2025 de l’audition devant la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut conseil des finances publiques, sur le rapport sur le budget de l’État en 2024, sur l’acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2024 et sur les avis du Haut conseil des finances publiques relatifs au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 et au rapport annuel d’avancement du plan budgétaire et structurel à moyen terme.
([109]) Les quatre types d’opinion que peut exprimer le certificateur sont : la certification sans réserve, la certification avec réserves (lorsque le certificateur identifie des désaccords ou limitations sans que ceux-ci soient suffisants pour empêcher le certificateur d’émettre une opinion ou remettre en cause la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes), l’impossibilité de certifier (lorsque les limitations sont trop importantes et empêchent le certificateur d’émettre une opinion) et le refus de certification (lorsque les limitations et désaccords sont tels qu’ils entachent la sincérité, la régularité et l’image fidèle des comptes de l’État). Si seule l’opinion consistant en la certification avec réserves a été utilisée depuis 2006 pour les comptes de l’État, la Cour a déjà refusé de certifier les comptes, à titre d’exemple, de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, de la branche famille et de la Caisse nationale d’allocation familiales, pour l’exercice 2011.
([110]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([111]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
([112]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
([113]) Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([114]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
([115]) Insee Première, n° 2054, mai 2025.
([116]) La documentation relative à la méthodologie de ce changement de base est disponible sur le site de l’INSEE (lien).
([117]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
([118]) Comme le rappelle l’exposé des motifs de l’article 6, cette convention tient au fait que le compte d’opérations monétaires Opérations avec le FMI retrace le montant de la créance de la France sur le FMI (correspondant à sa quote-part dans le capital de l’institution). Les crédits de ce compte sont adoptés sans découvert autorisé lors de l’examen de la loi de finances initiale puis la loi relative aux résultats de la gestion et à l’approbation des comptes prévoit une autorisation de découvert, à hauteur du montant de la créance (17,24 milliards d’euros au début de l’année 2024, montant auquel s’ajoute la valeur absolue du solde débiteur des opérations de l’année 2024 de – 0,77 milliard d’euros). Au total, le découvert complémentaire demandé par le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 correspond à la balance de sortie de compte, débitrice à hauteur de 18,02 milliards d’euros – l’écart de 0,01 milliard d’euros avec la somme des deux termes qui composent ce montant tenant à un effet d’arrondi. L’importance du montant justifie que le solde de ce compte soit exclu des résultats budgétaires de l’année, afin d’éviter tout biais comptable.
([119]) Cour des comptes, Acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2024, avril 2025.
([120]) Compte rendu n° 102 du mercredi 16 avril 2025 de l’audition devant la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut conseil des finances publiques, sur le rapport sur le budget de l’État en 2024, sur l’acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2024 et sur les avis du Haut conseil des finances publiques relatifs au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 et au rapport annuel d’avancement du plan budgétaire et structurel à moyen terme.
([121]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
([122]) Cette annexe est prévue par le 2° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
([123]) Cf. Compte général de l’État 2023, p. 16.
([124]) Cf. commentaire de l’article 7, supra.
([125]) Cf. commentaires des articles 7 et 8, supra.
([126]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.