Nos 1573 et 1574
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 juin 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
de programmation pour la refondation de Mayotte,
ET SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
relatif au Département-Région de Mayotte,
PAR M. Philippe VIGIER, Mme Agnès FIRMIN LE BODO,
M. Philippe GOSSELIN et Mme Estelle YOUSSOUFFA
Députés
——
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
par M. Frantz GUMBS
Député
——
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES
par M. Charles de COURSON
Député
——
Voir les numéros :
Sénat : 544, 545, 612, 613 rect., 614, 609, 610, 611 et T.A. 128, 129 (2024-2025).
Assemblée nationale : 1470, 1471.
SOMMAIRE
___
Pages
introduction................................................ 9
I. Synthèse des travaux de la commission des lois
A. présentation synthétique du projet de loi et du projet de loi organique
B. les modifications apportées par le sénat
C. les principaux apports de la commission des lois de l’assemblée nationale
1. La Commission a jugé nécessaire de supprimer certains dispositifs
2. Plusieurs ajustements de dispositifs initiaux
3. L’insertion de nouvelles dispositions
II. Synthèse des travaux de la commission des affaires économiques
B. Les modifications apportées par le Sénat
C. Les principaux apports de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale
III. SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA COMMISSION DES FINANCES
A. Présentation synthÉtique de l’article du projet de loi examiné par la commission des finances
B. Les modifications apportÉes par le sÉnat
C. les principaux apports de la commission des finances DE l’assemblÉe nationale
COMMENTAIRE DES ARTICLES DU PROJET DE LOI
TITRE IER OBJECTIFS DE L’ACTION DE L’ÉTAT POUR MAYOTTE
Article 1er Approbation du rapport annexé
TITRE II LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE ET L’HABITAT ILLÉGAL
Chapitre III Mieux lutter contre l’immigration irrégulière et faciliter l’éloignement
Chapitre IV Renforcer la lutte contre l’habitat informel
Article 10 Facilitation des opérations de résorption de l’habitat informel
TITRE III PROTÉGER LES MAHORAIS
Chapitre Ier Renforcer le contrôle des armes
Chapitre II Renforcer la lutte contre l’emploi des étrangers sans titre
TITRE IV FAÇONNER L’AVENIR DE MAYOTTE
Chapitre Ier Garantir aux Mahorais l’accès aux biens et aux ressources essentiels
Article 16 (art. 23-8 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002) Extension de l’IRCANTEC à Mayotte
Article 17 bis A (nouveau) Schéma réalisé par l’agence régionale de la santé de Mayotte
Chapitre II Favoriser l’aménagement durable de Mayotte
Article 20 Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété
Chapitre III Créer les conditions du développement de Mayotte
Chapitre IV Accompagner la jeunesse de Mayotte
Article 27 Fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte
Chapitre V Favoriser l’attractivité du territoire
TITRE V MODERNISER LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COLLECTIVITÉ
Chapitre Ier Dispositions concernant le code général des collectivités territoriales
Chapitre II Dispositions modifiant le code électoral
Article 33 Modalités d’entrée en vigueur de la réforme électorale
TITRE VI DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 34 Mesures de mise en cohérence rédactionnelle de certains codes et lois
Article 35 (nouveau) Demande de rapport relatif à l’aide médicale de l’État
Article 36 (nouveau) Demande de rapport sur le centre hospitalier de Mayotte
Article 37 (nouveau) Demande de rapport relatif au transfert de compétences
Article 38 (nouveau) Demande de rapport sur les plans stratégiques applicables à Mayotte
Article 39 (nouveau) Demande de rapport sur le recensement des entreprises à Mayotte
Article 40 (nouveau) Demande de rapport sur la distribution des médicaments
Article 41 (nouveau) Demande de rapport sur les logements disponibles pour les fonctionnaires
COMMENTAIRE DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
AUDITION DE M. MANUEL VALLS, MINISTRE D’ÉTAT, MINISTRE DES OUTRE-MER, ET DISCUSSION GÉNÉRALE
Réunion du mardi 10 juin à 2025 à 16 heures 30
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS
I. Examen des articles du projet de loi
1. Première réunion du mercredi 11 juin à 2025 à 9 heures
2. Deuxième réunion du mercredi 11 juin 2025 à 15 heures
3. Troisième réunion du mercredi 11 juin 2025 à 21 heures
4. Réunion du jeudi 12 juin 2025 à 9 heures
II. Examen des articles du projet de loi organique
Réunion du jeudi 12 juin 2025 à 9 heures
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Réunion du mercredi 11 juin 2025 à 9 heures 30
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES FINANCES
Réunion du mercredi 11 juin 2025 à 9 heures
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS DE LA COMMISSION DES LOIS
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Le territoire de Mayotte est le département le plus densément peuplé, mais aussi le plus jeune de France, dans lequel 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
Le cyclone Chido, puis la tempête tropicale Dikeledi ont fait des dégâts considérables sur ce territoire, aggravés par la fragilité et la densité des constructions. La mission inter-inspections, chargée d’estimer les dégâts, a évalué les pertes d’activité économique à 484 millions d’euros et les dégâts causés sur les infrastructures, les biens et les milieux naturels à 3,4 milliards d’euros.
Outre les crédits débloqués en urgence par les ministères tout au long du mois de janvier, la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte a permis d’engager les premiers chantiers, en prévoyant notamment la transformation de l’actuel établissement public foncier et d’aménagement en un établissement public pour coordonner les travaux de reconstruction de l’archipel.
Il faut maintenant accélérer les changements structurels pour doter le territoire d’infrastructures fonctionnelles et lui permettre d’accélérer son développement économique.
*
Ce projet de loi de programmation est une innovation pour un territoire ultramarin. Il repose sur quatre piliers : un renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière, le chantier de la convergence des droits économiques et sociaux, une réforme institutionnelle et un affichage clair des moyens financiers mobilisés.
Le rapport annexé expose à la fois la stratégie et les engagements de l’État sur les prochaines années, mais aussi les moyens financiers qu’il s’engage à mobiliser pour les réaliser. À l’issue de la discussion du texte au Sénat, le Gouvernement a inscrit dans le texte les autorisations d’engagement nécessaires pour réaliser les différents projets structurants pour le territoire.
Des projets d’infrastructures majeurs sont concernés : le choix du site de Bouyouni pour le nouvel aéroport, l’évolution du port de Longoni, la construction d’un deuxième hôpital sont autant de projets qui doivent débuter le plus rapidement possible pour améliorer la qualité de vie des Mahorais.
Un fonds de soutien de 300 millions d’euros est fléché vers les collectivités territoriales spécifiquement pour la reconstruction des bâtiments détruits. À ce soutien financier doit s’ajouter un renfort en ingénierie, pour construire une stratégie de développement sur le long terme.
En outre, ce projet de loi comporte des dispositions fortement attendues par nos concitoyens mahorais pour lutter contre l’immigration irrégulière qui pèse sur le développement de l’archipel. Ainsi, en plus des moyens opérationnels et humains supplémentaires afin de prévenir les entrées illégales, le projet de loi renforce l’encadrement de la délivrance des titres de séjour pour motifs familiaux. Il améliore les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité et favorise la mise en œuvre des mesures d’éloignement.
Ces dispositions doivent permettre, en renforçant la maîtrise des migrations vers l’archipel, d’envisager la fin de certaines mesures dérogatoires telle que la territorialisation des titres de séjour.
Ce texte est également porteur d’une exigence d’égalité sociale. Il s’agit en effet de concrétiser des promesses formulées il y a des années : la convergence des prestations sociales, mais aussi l’alignement du niveau du SMIC net à l’horizon 2031. Bien que cela ne puisse être réalisé en quelques mois, il reste urgent que l’État poursuive la convergence des droits et des obligations. Il s’engage donc dans le présent projet de loi à modifier en conséquence sous le contrôle du Parlement le cadre législatif et à adapter le cadre réglementaire afin que toutes les prestations sociales soient accessibles aux Mahorais et à terme soient portées aux mêmes niveaux que dans le reste du territoire français. Il s’engage également à accompagner les employeurs pour que ces derniers puissent assumer la hausse progressive du Smic.
Il poursuit également le renforcement du statut institutionnel de Mayotte qui devient le Département-Région de Mayotte. Cela explique notamment pourquoi il est examiné conjointement avec le projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte.
Le recensement exhaustif prévu par le texte est une réponse à la demande forte des élus : il est indispensable que les communes soient accompagnées dans la conduite de ce recensement qui sera déterminant pour calibrer les infrastructures et proportionner les dotations financières versées par l’État aux collectivités.
Ce texte est un texte de pragmatisme, qui marque l’engagement de l’État aux côtés des collectivités et des Mahorais.
Au cours de leurs travaux, conduits dans des délais contraints, les rapporteurs se sont attachés à formuler des propositions réalistes, tout en soutenant toutes les mesures de nature à améliorer concrètement la vie des Mahorais.
I. Synthèse des travaux de la commission des lois
A. présentation synthétique du projet de loi et du projet de loi organique
Le projet de loi comptait, à son dépôt, 34 articles dont 27 ont été examinés par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, répartis en six titres ([1]).
L’article 1er approuve le rapport annexé au projet de loi.
L’article 2 durcit les conditions d’obtention des titres de séjour « parent d’enfant français » et « liens privés et familiaux » à Mayotte.
L’article 3 centralise auprès de la commune de Mamoudzou l’établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité effectués à Mayotte et prévoit que l’officier d’état civil doit informer l’auteur d’une reconnaissance des obligations liées à celle-ci ainsi que des peines encourues en cas de manquement.
L’article 4 allonge la durée du sursis à l’enregistrement d’une reconnaissance de paternité ou de maternité, qui peut être prononcé par le procureur de la République en cas de suspicion de reconnaissance frauduleuse, lorsque l’enfant est né à Mayotte.
L’article 5 durcit la peine d’amende encourue en cas de mariage frauduleux ou de reconnaissance frauduleuse d’un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou d’acquérir la nationalité française.
L’article 6 étend à Mayotte le dispositif de l’aide au retour tout en le subordonnant à l’existence de circonstances exceptionnelles.
L’article 7 autorise, à Mayotte, le placement des mineurs accompagnant un adulte dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des familles en vue de leur éloignement.
L’article 8 permet, à Mayotte, de procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger majeur exerçant l’autorité parentale sur un mineur, lorsque le comportement de ce dernier constitue une menace à l’ordre public et est directement lié à la soustraction du parent à ses obligations légales.
L’article 9 impose aux prestataires de services de paiement de procéder à la vérification de la régularité du séjour d’un client non ressortissant de l’Union européenne avant de procéder, à Mayotte, à toute opération de transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces.
L’article 11 crée à Mayotte un régime de visite domiciliaire aux fins de recherche d’armes.
L’article 12 créé à Mayotte un mécanisme à caractère général de remise d’armes à l’autorité administrative, pour une durée limitée et lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public sous la menace ou avec une arme.
L’article 13 crée un régime dérogatoire pour le département de Mayotte en ce qui concerne la visite de locaux aux fins de recherche de travail illégal. Il vise à autoriser, sur réquisition du procureur de la République et après autorisation du juge des libertés et de la détention, les officiers et agents de police judiciaire à traverser les lieux privés constitués par les locaux et installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel, y compris lorsqu’ils sont affectés à un usage d’habitation.
L’article 14 adapte les dispositions relatives au recensement de la population à la situation particulière de Mayotte. Il prévoit donc la réalisation d’enquêtes exhaustives pour toutes les communes de Mayotte en 2025 et la publication des données en 2026.
L’article 15 habilite le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances les mesures tendant à rendre applicable à Mayotte, sous réserve d’adaptations, la législation en vigueur dans les matières relatives aux prestations sociales, à l’aide sociale, aux cotisations et dispositifs fiscaux contribuant à la compétitivité et l’emploi, à l’organisation et la gestion des régimes de sécurité sociale, et aux règles applicables à l’offre de soins, aux contrôles et lutte contre la fraude.
L’article 16 prévoit la mise en place à Mayotte du régime complémentaire IRCANTEC au bénéfice des agents publics contractuels au plus tard dans les deux ans suivant la date de promulgation de la loi.
L’article 17 modifie les dispositions du code de la santé publique propres à Mayotte concernant les critères démographiques devant être réunis pour que l’ouverture d’une officine de pharmacie soit autorisée. Il est proposé de prendre en compte non plus seulement la population communale déterminée lors du dernier recensement mais également la population dans l’intercommunalité afin d’augmenter le maillage du territoire en pharmacies.
L’article 18 propose de modifier les règles actuelles relatives à la désignation des professionnels de santé venant de Mayotte dans les différentes unions régionales des professionnels de santé de l’océan indien réunissant les professionnels de santé libéraux de la Réunion et de Mayotte, en précisant les nouvelles règles par décret en Conseil d’État.
L’article 25 modifie le code du sport pour conférer au Département‑Région de Mayotte les mêmes compétences que les autres départements en matière de développement des sports de nature, et notamment d’élaboration du plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature.
L’article 26 prévoit la prise en charge à titre dérogatoire des trajets des jeunes mahorais mineurs, élèves de l’enseignement technique et professionnel dès lors que la filière technique ou professionnelle qu’ils ont choisie est encore inexistante à Mayotte. Cette prise en charge est organisée par l’Agence de l’outre‑mer pour la mobilité.
L’article 27 crée un fonds de soutien au développement des activités périscolaires de Mayotte, dont les aides sont calculées en fonction du nombre d’élèves éligibles scolarisés dans la commune.
L’article 28 crée une nouvelle priorité légale de mutation dès lors qu’un fonctionnaire de l’État justifie d’une durée de services accomplis de trois ans dans un emploi à Mayotte, pour accroître l’attractivité de ce territoire.
L’article 29 prévoit une bonification d’ancienneté pour l’avancement d’échelon des fonctionnaires de l’État et des fonctionnaires hospitaliers affectés pendant une durée déterminée à Mayotte.
L’article 30 habilite le Gouvernement à légiférer, par ordonnances, pour moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte et substituer au département de Mayotte le Département-Région de Mayotte.
L’article 31 modifie le mode de scrutin du conseil départemental de Mayotte qui devient l’assemblée de Mayotte, élue selon un scrutin de liste à deux tours à la représentation proportionnelle dans une circonscription unique découpée en sections, avec une prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête. Un titre spécifique à la nouvelle assemblée de Mayotte est créé dans le code électoral au livre VI bis.
L’article 32 procède à des coordinations dans le code électoral.
L’article 33 prévoit les modalités d’entrée en vigueur des articles 31 et 32.
L’article 34 prévoit d’une part que soient substituées de manière générale dans toutes les dispositions législatives des codes et des lois aux références au département de Mayotte et aux conseillers généraux ou départementaux de Mayotte les références au Département-Région de Mayotte et aux conseillers de l’assemblée de Mayotte et procède d’autre part à des modifications de coordination dans certaines lois.
L’article premier modifie le code général des collectivités territoriales pour procéder à des adaptations rendues nécessaires par la réforme de l’organisation institutionnelle de la collectivité de Mayotte prévue à l’article 30 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
L’article 2 modifie les dispositions organiques du code électoral relatives aux incompatibilités du mandat de parlementaire avec certains autres mandats et fonctions, et à l’inéligibilité du Défenseur des droits au mandat de conseiller de l’assemblée de Mayotte.
L’article 3 modifie l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relatif au statut de la magistrature afin d’ajouter à la liste des mandats électifs locaux avec lesquels sont incompatibles les fonctions de magistrat judiciaire le mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte.
L’article 4 modifie la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel pour intégrer les conseillers à l’assemblée de Mayotte parmi les élus pouvant donner leur parrainage aux candidats.
L’article 5 prévoit l’entrée en vigueur de la loi organique.
B. les modifications apportées par le sénat
Le Sénat lors de l’examen du texte en commission, puis en séance publique, a ajouté huit articles au projet de loi initial, et n’en a supprimé aucun. Il a également adopté des amendements modifiant et complétant le rapport annexé. Au sein du rapport annexé a été ajoutée l’instauration d’un comité de suivi de la loi de programmation.
Parmi les articles ajoutés, l’article 1er bis confie au préfet de Mayotte jusqu’au 31 décembre 2030 la direction de l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial à Mayotte, à l’exception de celle de l’établissement public de reconstruction et de refondation créé par la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte.
L’article 7 a été modifié par le Sénat pour introduire la possibilité de prolonger le placement en unité de vie familiale des mineurs accompagnant leur parent majeur au-delà de 48 heures, pour une durée de 24 heures supplémentaires, en cas d’impossibilité matérielle de procéder à l’éloignement pour une raison étrangère à l'administration.
De plus, considérant que les nouvelles unités familiales ne seront pas encore prêtes à recevoir les familles dès le 1er janvier 2027, le Sénat a voté l’amendement du Gouvernement reportant l’entrée en vigueur du dispositif au 1er juillet 2028.
En conséquence, cet amendement a également reporté l’entrée en vigueur de l’interdiction du placement en rétention des mineurs, initialement prévue à Mayotte par la loi du 26 janvier 2024 au 1er janvier 2027, au 1er juillet 2028.
L’article 18 a été modifié par le Sénat qui a proposé la création d’unions régionales de professionnels de santé propres à Mayotte pour que la représentation des professionnels de santé libéraux à Mayotte soit assurée distinctement de celle de leurs collègues de La Réunion.
En commission au Sénat, le Gouvernement a déposé un amendement à l’article 30 pour substituer à l’habilitation à légiférer par ordonnances une inscription directement dans le code général des collectivités territoriales du statut de la collectivité dite du Département-Région de Mayotte dans.
L’article 31 relatif à l’assemblée de Mayotte a été modifié à la suite de son examen au Sénat. Le nombre de sections au sein de la circonscription unique a été porté à treize reprenant les périmètres des treize cantons actuels. Les 52 sièges de l’assemblée sont répartis en fonction de la population à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec un minimum de deux sièges par section. Le principe de la prime majoritaire a été maintenu et exprimé en nombre de sièges acquis par la liste arrivée en tête. 13 sièges sur 52 sont attribués au titre de la prime majoritaire à raison d’un siège par section.
C. les principaux apports de la commission des lois de l’assemblée nationale
1. La Commission a jugé nécessaire de supprimer certains dispositifs
Elle a ainsi supprimé :
– l’article 7 qui autorise, à Mayotte, le placement des mineurs accompagnant un adulte dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des familles en vue de leur éloignement ;
– l’article 8, qui permet à Mayotte, le retrait du titre de séjour de de l’étranger majeur exerçant l’autorité parentale sur un mineur, lorsque le comportement de ce dernier constitue une menace à l’ordre public ;
– l’article 9 qui impose aux prestataires de services de paiement de procéder à la vérification de la régularité du séjour d’un client non ressortissant de l’Union européenne avant de procéder, à Mayotte, à toute opération de transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces
– l’article 11, qui créé un régime propre à Mayotte de visites domiciliaires aux fins de recherche et de saisie d’armes.
2. Plusieurs ajustements de dispositifs initiaux
Le rapport annexé a été modifié et complété à la suite de l’adoption de 60 amendements.
L’article 18 a été modifié à la suite de l’adoption d’un amendement proposant une réécriture globale de l’article. Il est proposé qu’une union régionale interprofessionnelle de professionnels de santé soit créée à Mayotte, réunissant au moins un représentant de chacune des dix professions de santé afin que les professionnels de santé libéraux de Mayotte constituent une seule union et non dix.
L’article 30 a été complété lors de son examen en commission : outre l’institutionnalisation du conseil cadial, a été ajoutée l’interdiction pour l’assemblée de Mayotte de s’associer à la négociation d’accords ou d’engagements internationaux avec des États ne reconnaissant pas l’appartenance de Mayotte à la République. Plusieurs amendements ont également complété les dispositions existantes pour les rapprocher de celles prévues pour la collectivité unique de Guyane.
L’article 31 a été modifié lors de son examen en commission à l’Assemblée nationale. Le nombre de sections composant la circonscription unique dans laquelle seront élus les conseillers de l’assemblée de Mayotte a été ramené à cinq sections qui reprennent les limites géographiques des établissements publics de coopération intercommunale de Mayotte, les 52 sièges devant être répartis entre les sections à la proportionnelle de la population avec un nombre minimum de cinq sièges par section. L’effet de la prime dite majoritaire accordée à la liste arrivée en tête au premier ou au second tour est réduit et passe de 13 à 10 sièges. Enfin, il est prévu que s’il est constaté le 15 janvier de l’année des élections que l’écart entre la population officiellement recensée et le nombre d’inscrits sur les listes électorales à Mayotte dépasse 60 %, la répartition des sièges entre les sections et la répartition des sièges acquis du fait de la prime majoritaire sont réalisées à la proportionnelle du nombre d’inscrits et non de la population.
3. L’insertion de nouvelles dispositions
La commission des Lois a inséré 12 articles additionnels.
L’article 1er bis A crée le comité de suivi de la présente loi de programmation mentionné dans le rapport annexé. Ce comité comprend, entre autres, six parlementaires et six représentants des élus locaux du Département-Région de Mayotte. Il doit remettre un rapport intermédiaire avant le 1er juillet 2028.
L’article 2 bis A prévoit l’abrogation, à compter du 1er janvier 2030, de la territorialisation des titres de séjour délivrés à Mayotte.
L’article 6 bis permet l’information de l’étranger assigné à résidence à Mayotte sur la possibilité de bénéficier, le cas échéant, de l’aide au retour volontaire.
L’article 15 bis prévoit qu’à compter du 1er janvier 2026, le montant du salaire minimum de croissance net à Mayotte est relevé pour atteindre 87,5 % de sa valeur applicable en Hexagone.
L’article 17 bis A prévoit que l’agence régionale de la santé de Mayotte élabora d’ici à la fin de l’année 2026 un schéma distinct du projet régional de santé identifiant les circuits de distribution des médicaments pour renforcer le rôle des pharmacies d’officine.
Enfin, sept amendements prévoyant la remise d’un rapport au Parlement ont été adoptés :
– un rapport, remis dans un délai d’un an, évaluant l’opportunité d’étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte (article 35) ;
– un rapport, remis dans un délai d’un an, détaillant le budget du centre hospitalier de Mayotte, avec des propositions d’améliorations (article 36) ;
– un rapport, remis dans un délai d’un an, procédant à un état des lieux transferts de compétences départementales et régionales au Département-Région de Mayotte (article 37) ;
– un rapport, remis dans un délai de trois mois, évaluant les plans stratégiques applicables à Mayotte (article 38) ;
– un rapport, remis dans un délai d’un an, sur les entreprises à Mayotte (article 39) ;
– un rapport, remis dans un délai d’un an, sur la sécurisation du circuit de distribution des médicaments à Mayotte (article 40) ;
– un rapport, remis dans un délai de neuf mois, qui établit une stratégie pour garantir une offre de logements proportionnée au nombre de fonctionnaires travaillant à Mayotte (article 41).
II. Synthèse des travaux de la commission des affaires économiques
A. Présentation synthétique des articles du projet de loi examinÉs par la commission des affaires économiques
La commission des affaires économiques a été saisie des articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi, dans le cadre d’un avis avec délégation au fond.
L’article 10 facilite les opérations de résorption de l’habitat informel. Il prévoit de réduire d’un mois à quinze jours le délai minimum accordé aux occupants pour évacuer les locaux et installations relevant de l’habitat informel, d’assouplir l’obligation pour le préfet d’annexer une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence à l’arrêté d’évacuation et de démolition, ainsi que de réformer les modalités de l’opération de « flagrance ».
L’article 19 autorise les bénéficiaires d’une déclaration d’utilité publique à Mayotte à prendre possession immédiatement des terrains bâtis ou non bâtis dans le cadre des opérations pilotées par le nouvel établissement public de Mayotte ou pour la réalisation d’infrastructures et de constructions de diverses natures (services portuaires et aéroportuaires, ouvrages et installations des réseaux publics d’eau et d’assainissement, constructions, ouvrages et installations à l’usage des forces de sécurité intérieure, ouvrages et installations de production et de distribution d’électricité, établissements pénitentiaires ainsi que les établissements de santé et médico-sociaux).
L’article 20 rend rétroactive, à Mayotte, la réduction du délai de prescription acquisitive à dix ans, en conditionnant le bénéfice de celle-ci à l’accomplissement par le bénéficiaire de démarches de régularisation. Il allonge la période pendant laquelle des actes de notoriété « renforcés » peuvent être dressés et publiés afin de faire reconnaître une possession conforme aux conditions de la prescription acquisitive.
L’article 21 proroge, à Mayotte, l’autorisation de passer des marchés globaux de type « conception-réalisation » pour les écoles du premier degré, et l’étend aux constructions du second degré, ainsi qu’à celles affectées à l’enseignement supérieur public et aux résidences universitaires.
L’article 23 vise à classer la totalité du territoire mahorais en quartier prioritaire de la politique de la ville.
L’article 24 étend les possibilités de déléguer les compétences relatives à la pêche et la conchyliculture, relevant actuellement de la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam), à une structure préfiguratrice d’un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM).
B. Les modifications apportées par le Sénat
À l’article 10, lors des débats en commission, le Sénat a entendu sécuriser juridiquement le dispositif en adoptant un amendement du rapporteur visant à faire de la possibilité de ne pas proposer de relogement ou d’hébergement d’urgence aux personnes à évacuer une mesure d’exception, circonscrite dans le temps et conditionnée à la prise en compte des circonstances locales. En outre, le Sénat a limité le caractère suspensif des recours dirigés contre la décision d’évacuation et de démolition aux seuls recours en référé-liberté afin d’accélérer l’exécution des opérations de résorption de l’habitat informel.
Lors des débats en séance publique, le Sénat a introduit, à l’initiative du Gouvernement, les articles 19 bis et 19 ter visant à accélérer le début des travaux du nouvel aéroport de Mayotte prévu à Bouyouni. L’article 19 bis assimile le projet d’agrandissement de l’aéroport de Mayotte à une opération d’aménagement, afin de faire bénéficier l’autorité expropriatrice de la procédure de déclaration d’utilité publique (DUP) dite « réserve foncière », qui permet de lancer une procédure d’expropriation en l’absence de projet totalement finalisé. L’article 19 ter clôt la procédure de consultation du public sur le projet de piste longue. Il permet d’éviter le lancement d’un nouveau débat public ou d’une nouvelle concertation préalable, prévu par le code de l’environnement.
L’article 21 a été complété en séance publique par une disposition obligeant à confier, directement ou indirectement, un minimum de 30 % du montant prévisionnel d’un marché de conception-réalisation relatif à la réalisation d’établissements scolaires et universitaires à des microentreprises, petites et moyennes entreprises ou artisans, sauf si le titulaire du marché relève de l’un de ces types d’entreprises ou « lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas ».
Lors des débats en séance publique, le Sénat a introduit, à l’initiative du Gouvernement, un article 21 bis qui prévoit une dérogation au principe de publicité préalable pour la passation des marchés de travaux visant à édifier des constructions temporaires à Mayotte nécessaires à la continuité des services publics de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur.
Le Sénat a précisé, par amendement, que le classement de la totalité de Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville prévu à l’article 23 était applicable jusqu’au 1er janvier 2030 et non jusqu’à « la prochaine actualisation des contrats de ville ».
C. Les principaux apports de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale
L’article 10 a été modifié en commission des affaires économiques par quatre amendements rédactionnels du rapporteur.
La portée de l’article 19 a été substantiellement limitée à la suite de l’adoption d’un amendement de rédaction globale, n’autorisant les autorités expropriatrices à prendre possession de façon anticipée des terrains que lorsqu’ils sont nécessaires à la réalisation d’infrastructures portuaires et aéroportuaires.
L’article 19 bis a été supprimé et l’article 19 ter rejeté.
À l’article 20, un amendement a précisé que les dispositions facilitant la procédure d’usucapion à Mayotte ne peuvent s’appliquer à la possession de logements insalubres ou d’habitats indignes et informels.
À l’article 21, la commission a adopté quatre amendements qui permettent :
– d’inclure les établissements d’accueil du jeune enfant et les sites de restauration scolaire parmi les équipements concernés par l’expérimentation, à Mayotte, d’une procédure dérogatoire de passation des marchés publics de conception-réalisation ;
– de proroger, à l’initiative du rapporteur, l’expérimentation d’un an, soit jusqu’au 31 décembre 2031, afin de s’aligner sur la périodicité de la stratégie quinquennale (2026‑2031) pour Mayotte ;
– d’exempter les entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire de l’obligation de confier 30 % du montant prévisionnel d’un marché de conception-réalisation à des microentreprises, petites et moyennes entreprises ou à des artisans.
Par ailleurs, deux articles additionnels ont été introduits :
– un article 21 bis A étend aux entreprises de l’économie sociale et solidaire ayant leur siège social établi à Mayotte avant le cyclone Chido le droit, mentionné au I de l’article 20 de la loi d’urgence pour Mayotte, de se voir confier jusqu’à 30 % du montant estimé des marchés de travaux de reconstruction dont la valeur est inférieure à 2 millions d’euros hors taxes ;
– un article 21 ter prévoit la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement relatif au lancement d’un appel à projets innovants spécifique à Mayotte, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.
Les articles 23 et 24 ont été adoptés sans modification.
III. SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA COMMISSION DES FINANCES
A. Présentation synthÉtique de l’article du projet de loi examiné par la commission des finances
La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a été saisie pour avis, avec délégation au fond, de l’article 22 du projet de loi.
L’article 22 crée une nouvelle zone franche globale à Mayotte en étendant les critères d’éligibilité et en rehaussant les abattements fiscaux relatifs à l’actuelle zone franche d’activité nouvelle génération (ZFANG) en vigueur dans le département. Il étend ainsi le champ de la ZFANG de Mayotte à presque tous les secteurs d’activité et exonère totalement les entreprises éligibles – microentreprises et PME des secteurs concernés – d’impôt sur les bénéfices et de taxe foncière, dépassant l’abattement de 80 % actuellement en vigueur à Mayotte au titre de ces deux impositions. Cette nouvelle zone franche est mise en œuvre jusqu’au 31 décembre 2030.
B. Les modifications apportÉes par le sÉnat
Le Sénat a modifié l’article 22 en adoptant un amendement rédactionnel afin de parfaire la rédaction du dispositif.
C. les principaux apports de la commission des finances DE l’assemblÉe nationale
À l’article 22, la commission des finances a adopté un amendement du rapporteur afin de rendre explicitement éligibles aux abattements fiscaux liés à la zone franche globale les entreprises exerçant une activité de pêche maritime ou d’aquaculture. Elle a également adopté un amendement du rapporteur prévoyant la remise d’un rapport, au plus tard le 1er juin 2030, par le Gouvernement au Parlement afin d’évaluer le dispositif créé par cet article.
À l’initiative du rapporteur, la commission des finances a par ailleurs introduit l’article 22 bis qui proroge l’exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) applicable aux réceptions de déchets générés à Mayotte jusqu’au 31 décembre 2030.
COMMENTAIRE DES ARTICLES DU PROJET DE LOI
TITRE IER
OBJECTIFS DE L’ACTION DE L’ÉTAT POUR MAYOTTE
Article 1er
Approbation du rapport annexé
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article vise à approuver le rapport annexé au présent projet de loi qui définit les orientations et la programmation des investissements pour le territoire de Mayotte sur la période 2025-2031.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté, lors de l’examen de l’article, quinze amendements – trois en commission, douze en séance publique.
La position de la Commission
La Commission a enrichi le rapport annexé en adoptant 60 amendements.
1. L’état du droit
L’antépénultième alinéa de l’article 34 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, dispose que des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.
Pour autant, seules les lois de finances initiales ou rectificatives emportent un engagement de dépenses. Pour revêtir un caractère véritablement effectif, les dispositions prévues par les lois de programmation doivent ainsi être « confirmées » chaque année par une loi de finances ([2]).
Si c’est la première loi de programmation spécifique à la collectivité de Mayotte, plusieurs plans d’investissements se sont déjà succédé, sans que les problèmes structurels du territoire ne soient résorbés. Deux exemples récents illustrent les tentatives politiques de relance du territoire :
– le plan « Mayotte 2025 », annoncé par le Président de la République en août 2014, structuré en six thèmes avec une stratégie de réalisations à horizon de dix ans ;
– le plan d’urgence de 2018, qui décline une réponse à la crise sociale traversée par le territoire, déclenchée à la suite des affrontements entre bandes rivales, en 53 mesures et 125 actions.
Dans un rapport daté de juin 2022 ([3]), la Cour des comptes dresse un bilan très mitigé de ces deux plans. Elle déplore, à propos du plan « Mayotte 2025 », un plan « peu lisible et insuffisamment hiérarchisé », avec des engagements financiers imprécis, voire « qui se bornent à la poursuite des financements antérieurs », et conclut que la contribution du plan au développement de Mayotte n’a pas été significative.
S’agissant du plan d’urgence de 2018, si la Cour reconnaît qu’il a « dynamisé l’action de l’État dans l’archipel lors de sa première année », elle constate que le pilotage s’est rapidement essoufflé, au bout d’une année.
Il s’agit, dans ce projet de loi, de fixer à l’article 1er non seulement les objectifs de l’État sur le territoire de Mayotte, mais aussi les moyens financiers qu’il s’engage à mobiliser pour les accomplir.
2. Le projet de loi initial
Le présent article prévoit l’approbation du rapport annexé qui développe les orientations et la programmation des moyens mobilisés pour mettre en œuvre la refondation de Mayotte.
Le rapport annexé rappelle, en introduction, les défis structurels auxquels fait face le territoire de Mayotte, aggravés par les catastrophes naturelles qui se sont succédé en décembre 2024 et janvier 2025.
Ce rapport vise à projeter l’action de l’État au-delà de la gestion de crise, pour « donner les moyens aux Mahorais d’exercer leurs droits, vivre en paix et en sécurité à Mayotte ».
Votre rapporteur général le rappelle, il s’agit de refonder Mayotte, de proposer un chemin vertueux, fondé sur la confiance et l’esprit de responsabilité.
Rappelant les atouts du territoire – parmi lesquels son positionnement stratégique dans le canal du Mozambique et son extraordinaire patrimoine naturel – l’introduction fait état de l’engagement de l’État à offrir des perspectives à la jeunesse mahoraise. Elle affirme la nécessité d’associer les élus locaux à la transformation et au développement économique du territoire.
Enfin, l’introduction énumère les biens et ressources essentiels, auxquels les Mahorais doivent avoir accès : l’accès à l’eau potable, mais aussi l’accès aux soins et une offre de logements qui soit proportionnée aux besoins.
Le rapport présente ensuite un plan d’action pour la collectivité de Mayotte en cinq axes.
i. Des mesures fortes pour lutter plus efficacement contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal
● Le renforcement des moyens opérationnels de lutte contre l’immigration clandestine
Mayotte est confrontée à une pression migratoire et démographique sans précédent et constitue de très loin le territoire ultramarin le plus touché par l’immigration irrégulière.
Avec 20 762 éloignements réalisés au cours de l’année 2024, Mayotte représente ainsi près de 95 % du total des éloignements effectués depuis l’outre-mer. Si l’immigration irrégulière provient historiquement des Comores, les services de l’État constatent également une augmentation des arrivées irrégulières depuis les pays de l’Afrique des Grands Lacs et de l’Afrique de l’Est.
Conséquence de ces flux migratoires particulièrement importants, plus de la moitié de la population de Mayotte est étrangère, dont 87 % de nationalité comorienne. Un tiers des habitants serait en situation irrégulière. Au regard de ces dynamiques migratoires, l’INSEE estime que le département pourrait compter 760 000 habitants à l’horizon 2050.
Ces dynamiques migratoires et démographiques affectent lourdement l’ensemble des services publics, favorisent le développement des habitats insalubres et de l’insécurité. Elles accélèrent la dégradation de l’environnement. L’ensemble des parties prenantes mahoraises soulignent que la maîtrise de l’immigration irrégulière est un préalable indispensable au développement de l’archipel et au renforcement des services publics.
De plus, le cyclone Chido a fortement touché les moyens nécessaires à la lutte contre l’immigration irrégulière du fait notamment de la détérioration des radars et de la flotte de la police aux frontières.
Le rapport annexé présente ainsi les principales mesures destinées à renforcer les capacités de surveillance, de détection et d’interception, à terre comme en mer. Les nouveaux moyens mobilisés doivent non seulement permettre de retrouver le niveau de capacités existant avant le passage du cyclone Chido mais également de les dépasser afin d’augmenter le nombre annuel de reconduites à la frontière, afin d’atteindre l’objectif de 35 000. Le niveau actuel des reconduites est en effet égal au nombre d’arrivées irrégulières enregistrées dans l’archipel.
En matière de détection le rapport annexé prévoit ainsi :
– le renouvellement de l’ensemble des radars et l’acquisition de moyens optroniques, balises et drones ;
– la mise en œuvre de bases avancées pour l’interception en mer ;
– le remplacement des moyens nautiques de la gendarmerie maritime.
En matière d’interception :
– une augmentation du nombre d’intercepteurs ;
– un chantier naval dédié à la maintenance en condition opérationnelle ;
– la création d’un ponton opérationnel sur l’îlot Mtsamboro visant à réduire les temps d’accès aux zones d’interception ;
– la création d’une zone d’attente à horizon 2027 et un nouveau local de rétention administrative de 48 places en 2026.
Ces moyens opérationnels s’ajoutent aux dispositions d’ordre juridique figurant dans le présent projet de loi, lesquelles doivent permettent de réduire le nombre de titres de séjour délivrés dans l’archipel. Ces dispositions prévoient notamment un durcissement des conditions d’accès au séjour pour l’immigration familiale et l’amélioration des dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité.
● Le maintien d’un dialogue diplomatique exigeant avec les États voisins et, notamment, avec les Comores
Le rapport annexé rappelle que la maîtrise des flux migratoires nécessite également une coopération diplomatique renforcée et exigeante avec les pays de départ des personnes en situation irrégulière.
Cette coopération est notamment réaffirmée avec les Comores, conformément au Plan d’action conjoint de La Valette (PACV), incluant un soutien aux garde‑côtes comoriens mais aussi une lutte renforcée contre les causes profondes des migrations à travers le « Plan de Développement France‑Comores » (PDFC) ainsi qu’un appui à la modernisation de l’état civil du pays.
La négociation d’accords bilatéraux avec les pays de la région des Grands Lacs, d’où provient un nombre croissant de personnes en situation irrégulière à Mayotte, figure également parmi les priorités identifiées par le rapport annexé. Ces accords doivent permettre de faciliter les procédures de réadmission et favoriser l’augmentation des éloignements.
● Lutter contre l’habitat illégal
L’INSEE estime qu’un tiers du parc de logements relève à Mayotte de l’habitat informel. Cette tendance à l’autoconstruction est en augmentation ces dernières années : entre 2017 et 2022, 67,2 % des constructions ont été réalisées sans dépôt de permis de construire.
Le phénomène est particulièrement concentré dans certaines unités urbaines. Les trois communes de Koungou, Mamoudzou, qui constitue le plus grand « bidonville » d’Europe, et Dembéni concentrent ainsi 57 % de l’habitat informel de l’archipel.
Bien que presque totalement détruits par le passage du cyclone Chido, ces habitats ont été immédiatement reconstruits dans les jours qui ont suivi.
Le rapport annexé rappelle l’action de l’État pour lutter contre l’habitat illégal, notamment à travers les opérations Wuambushu en 2023, puis Mayotte Place nette en 2024 qui ont permis respectivement la résorption de 700 et 650 hébergements.
● 1 300 destructions sont encore programmées
Dans le cadre de la reconstruction, une feuille de route sera élaborée pour la résorption de l’habitat illégal. Une opération d’intérêt national (OIN) devant mobiliser l’ensemble des outils existants sera notamment mise en œuvre.
ii. Une triple ambition : protéger les Mahorais, garantir l’accès aux biens et ressources essentiels et développer les leviers de la prospérité de Mayotte
● Protéger les Mahorais face aux aléas naturels
Outre les aléas « vent cyclonique » et « sismique », 92 % du territoire de Mayotte est concerné par d’autres aléas naturels, que ce soit le glissement de terrain, les inondations, la submersion marine et le recul du trait de côte.
Face à cette situation, il est indispensable de mobiliser l’ensemble des outils de prévention des risques (amélioration du système de surveillance sismologique, planification spatiale…). Le déploiement de 17 plans de prévention des risques communaux et d’un plan littoral sera effectif d’ici à 2027.
● Protéger les Mahorais face à l’insécurité
Le maintien durable de l’ordre public est un objectif prioritaire de l’État. Les forces de sécurité intérieure ont relevé, en 2024, pas moins de 2 255 faits d’atteintes aux biens et 1 940 faits d’atteinte volontaire à l’intégrité physique.
Le commandement de la gendarmerie de Mayotte (COMGENDYT) comprend une compagnie – soit six brigades territoriales, brigade recherche, peloton de surveillance et d’intervention – et est renforcé de manière permanente par quatre escadrons de gendarmerie mobile.
Le renforcement des infrastructures et des effectifs est une priorité pour l’État : 300 gendarmes et policiers auxiliaires mahorais seront formés pour exercer des missions de sécurité. Les moyens de la gendarmerie seront renforcés, avec la création de deux brigades, d’un peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie et le renfort du centre opérationnel de renseignement de la gendarmerie.
À cela s’ajoutent les investissements en matière judiciaire, avec le lancement des travaux dès 2025 pour la construction d’une cité judiciaire et d’un centre éducatif fermé. Un deuxième centre pénitentiaire d’une capacité de 400 places verra sa construction débuter en 2027.
Le présent projet de loi porte par ailleurs des mesures pour renforcer les capacités d’action des forces de sécurité intérieure, notamment les mesures relatives aux visites domiciliaires aux fins de recherches d’armes.
● Mayotte, une priorité de la stratégie de défense française dans l’océan Indien
La protection de Mayotte est une priorité de la stratégie de défense française dans l’océan Indien. Les forces armées dans la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI) vont poursuivre leurs actions en matière de lutte contre la piraterie, la pêche illicite et les trafics de toute nature.
L’État sera vigilant face aux tentatives d’ingérence étrangère. À horizon 2030, le 5ème régiment étranger, implanté à Dzaoudzi, verra ses effectifs augmenter de 30 %.
● Garantir l’accès à l’eau potable et à l’assainissement aux Mahorais : les investissements programmés
Les épisodes de stress hydrique, fréquents, et le sous-investissement dans le réseau de distribution de l’eau freinent le développement économique du territoire et impactent directement la qualité de vie des habitants. L’accès à l’eau potable est une priorité absolue.
Le syndicat mixte « Les eaux de Mayotte » (LEMA), maître d’ouvrage des principaux travaux relatif à l’alimentation en eau potable et à l’assainissement des eaux usées, est accompagné par l’État dans le cadre d’un contrat renforcé sur la période 2024-2027.
Le « Plan Eau Mayotte » fixe les actions prioritaires sur la période 2024-2027, pour un montant cumulé de 730 millions d’euros d’investissement, repris dans le tableau des investissements infra, notamment avec la construction d’une deuxième usine de dessalement à Ironi Be (à horizon 2026) et d’une troisième retenue collinaire opérationnelle à Ouroveni (dont le projet est dans les limbes depuis plusieurs années), infrastructures identifiées comme prioritaires par l’État. 60 millions d’euros d’investissements sont prévus dès 2025.
Votre rapporteur général rappelle l’importance d’agir à la fois en réduisant les fuites sur les réseaux et en investissant dans de nouveaux forages.
● Garantir aux Mahorais l’accès régulier à l’électricité
La résilience des installations de production et distribution d’électricité doit être une priorité. Le projet de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, examiné par le Parlement au premier semestre 2025, doit traduire l’engagement de l’État au sein d’Électricité de Mayotte (dont le groupe Électricité de France est actionnaire à 25 %).
● Établir une trajectoire de souveraineté alimentaire pour le territoire passant par le développement de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture
Le rapport annexé vise des objectifs ambitieux afin de permettre à l’activité agricole de redémarrer et d’améliorer les résultats de la production agricole. L’activité agricole vivrière a été quasiment détruite. Avant le passage du cyclone Chido, la couverture des besoins en fruits et légumes frais devait être atteinte à 90 % voire à 100 % d’ici à 2030. L’ambition ne doit toutefois par être revue à la baisse. Le rapport prévoit également une vraie structuration de la filière pêche avec la création d’un comité régional des pêches maritimes à l’horizon de 2027 pour accompagner cette filière.
● Garantir l’accès à une éducation de qualité dans le département le plus jeune de France
En matière d’éducation, le rapport annexé rappelle le dynamisme de la population en âge d’être scolarisée et la nécessité d’ouvrir davantage de classes afin de mettre fin à la rotation scolaire. Dans le cadre du contrat de convergence et de transformation signé en juillet 2024 pour la période 2024-2027, l’État s’était engagé à débloquer 680 millions d’euros pour les établissements et les classes dans le primaire et le secondaire ainsi que 12 millions d’euros pour l’extension de l’université de Mayotte. Votre rapporteur général rappelle qu’un trop grand nombre d’enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas, la chambre régionale des comptes ayant estimé, dans un rapport publié le 11 juin 2025 ([4]), que ce nombre se situait entre 3 000 et 5 000.
Pour pallier les dommages liés au passage du cyclone, la loi de finances 2025 a prévu une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 35 millions d’euros en crédits de paiement pour la reconstruction des bâtiments publics dont les écoles.
● Mettre en adéquation l’offre de soins avec les besoins des Mahorais
Le rapport annexé rappelle l’importance de renforcer l’offre de soins accessible aux Mahorais à la fois en renforçant les capacités de fonctionnement du centre hospitalier et en développant l’offre de soins de ville dans les centres médicaux et dans les dispensaires existants.
Le Gouvernement s’engage dans le présent rapport annexé d’une part à effectuer les travaux nécessaires pour moderniser le centre hospitalier de Mayotte (CHM) et à construire un second site hospitalier à Mayotte. Votre rapporteur rappelle que la construction d’un second centre hospitalier a été annoncée par le Président de la République en 2019 et qu’un préfigurateur a été nommé en 2023.
Votre rapporteur général insiste sur l’importance de porter à la connaissance des élus le calendrier des opérations de modernisation du CHM et des moyens nécessaires pour conduire les travaux. La Direction générale de l’offre de soins a pu indiquer lors de son audition que le coût des rénovations nécessaires pour réparer les dégâts du cyclone Chido était en cours d’évaluation et qu’il sera intégré au calcul du coût global des investissements prévus dans le cadre de la modernisation du CHM.
Il rappelle également la nécessité de développer l’offre de formation initiale afin qu’un plus grand nombre de professionnels de santé soient formés à Mayotte et de fidéliser les personnels lorsqu’ils travaillent sur l’île. Dans ce contexte, un plan « attractivité‑fidélisation » visant à mieux valoriser l’engagement des professionnels de santé à Mayotte et consolider l’offre de formation est en cours de finalisation au printemps 2025.
● Atteindre l’égalité réelle en 2031 à travers une convergence économique et sociale
La convergence économique et sociale de Mayotte constitue une priorité absolue afin que les droits des Mahorais s’alignent sur les droits en vigueur dans le reste du territoire. Le processus de convergence sociale doit se faire par étapes afin que le système de protection sociale tant en matière de prestations sociales qu’en matière de cotisations rejoigne d’ici à 2036 les règles de droit commun.
Le rapport prévoit que la convergence des prestations sociales en matière de santé, de famille et de droits à la retraite devra se faire progressivement d’ici à 2031 et non plus horizon 2036 comme cela avait été envisagé en 2011. Cette convergence des prestations sociales se fera en parallèle de la hausse progressive des cotisations salariales et patronales qui ne rejoindraient les niveaux atteints dans le reste du territoire français qu’en 2036.
Pour les entreprises l’effet d’une hausse des cotisations sera en partie atténué par la mise en place de la zone franche sur le périmètre de l’ensemble de l’île, qui réduira ou annulera le montant de certains impôts. Votre rapporteur général appelle également de ses vœux une extension du dispositif d’exonération de charges applicables dans les outre-mer qui viendrait remplacer le crédit d’impôt emploi‑compétitivité (CICE).
Il apparaît important de souligner que la convergence économique et sociale ne peut avoir lieu sans un soutien renforcé du niveau des pensions des retraités actuels et la poursuite de la convergence des paramètres permettant de calculer le montant des pensions dues à l’avenir.
La convergence économique et sociale devra donc aussi nécessairement passer par une hausse du salaire minimum net perçu par les salariés à Mayotte qui devrait atteindre le niveau national au plus tard en 2031. Votre rapporteur général rappelle que le niveau du smic horaire à Mayotte est de 75 % du niveau du smic brut dans le reste du territoire français et qu’il est nécessaire de faire augmenter ce taux dès 2026.
La convergence de certaines allocations non contributives comme le RSA ou l’allocation adulte handicapée devrait également être effective en 2031 au plus tard.
Des moyens supplémentaires seront également engagés pour améliorer la prise en charge du handicap.
● Augmenter massivement l’offre de logements dans le cadre de la reconstruction
L’offre de logements est insuffisante à Mayotte et les effets dévastateurs du cyclone Chido ont renforcé la nécessité de construire davantage de logements neufs et de reconstruire les logements endommagés. La déclinaison du « plan logement » pour les outre-mer (PLOM) définira en 2025 un objectif de construction annuelle de logements sociaux. Votre rapporteur rappelle que la construction de logements et en particulier de logements sociaux ne pourra se faire qu’avec une meilleure maîtrise du foncier.
Le nouvel établissement public de reconstruction et de refondation de Mayotte créé par l’ordonnance n° 2025-453 du 23 mai 2025 suite à la promulgation de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, qui prend la suite de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte permettra de renforcer les moyens en ingénierie pour mener à bien des projets de construction et notamment la construction ou reconstruction de logements.
Le rapport annexé rappelle ensuite l’importance de la préservation de l’environnement de l’île par une amélioration des modes de traitement des déchets. Pour l’instant, 98 % des déchets ménagers sont traités par enfouissement. Le développement d’infrastructures de valorisation et de recyclage est l’une des priorités de l’État et des collectivités territoriales.
iii. Développer les leviers de la prospérité
● Le préalable d’un recensement exhaustif pour bâtir l’avenir de Mayotte
Un recensement démographique exhaustif de la population résidant à Mayotte doit intervenir dans un délai de six mois après la promulgation de la loi de programmation à Mayotte. C’est un préalable indispensable à l’élaboration d’une stratégie de développement du territoire, mais également une étape essentielle pour mieux calibrer les dotations versées aux collectivités territoriales de Mayotte.
● Créer les conditions d’un épanouissement de la jeunesse sur le territoire
Des crédits seront dédiés pour mettre à niveau les infrastructures du sport et de la culture et en financer de nouveaux équipements.
En matière périscolaire, l’État finance les activités périscolaires avec la création, à l’article 27 du présent projet de loi, d’un fonds de soutien au développement des activités périscolaires.
Enfin, l’extension du service militaire adapté (SMA) est l’un des outils mis en avant dans le rapport annexé pour favoriser l’insertion des jeunes, grâce à la création d’une nouvelle antenne à Chirongui et la reconstruction du site de Combani.
● Attirer et fidéliser les talents en créant les conditions de l’attractivité
Améliorer l’attractivité du territoire pour les fonctionnaires signifie, outre le développement de solutions de logements, la création de nouvelles incitations, notamment grâce à la possibilité de choix d’affectation après une durée de poste à Mayotte de trois ans minimum, prévue à l’article 28 du présent projet de loi.
Des plans d’attractivité seront également déployés pour les professionnels de santé et du médico-social.
● Créer les conditions du développement économique
Le rapport cible plusieurs mesures prioritaires pour favoriser le développement économique de Mayotte.
Parmi celles-ci, la mise en place d’une zone franche globale dès janvier 2026 (comme prévu à l’article 22 du présent projet de loi), le déploiement d’un réseau de fibre optique mais aussi plusieurs mesures visant à renforcer l’intégration de Mayotte dans son environnement régional (notamment en formant les agents territoriaux aux enjeux internationaux et au protocole diplomatique).
Enfin, pour désenclaver Mayotte, les investissements dans le développement des infrastructures portuaires et aéroportuaires constituent une priorité.
S’agissant des infrastructures portuaires, le rapport annexé fait état de l’engagement de l’État :
– à soutenir les investissements en matière de modernisation et d’extension des infrastructures portuaires ;
– à étudier, en concertation avec le conseil départemental de Mayotte, la possibilité de transformer le port de Longoni en port sous compétence de l’État à l’issue de la concession de service public en 2028.
S’agissant de l’aéroport, les contraintes importantes autour du site actuel restreignent significativement son exploitation et ont conduit à acter un projet de construction d’une piste longue pour améliorer la desserte de l’île.
Pour résoudre cette difficulté, le texte initial du rapport annexé évoque deux options : l’aménagement de l’aéroport actuel (situé à Pamandzi sur Petite-Terre) ou la construction d’un nouvel aéroport sur Grande Terre. Le montant du projet de sécurisation aérienne est estimé à 1,2 milliard d’euros dans le tableau des investissements reproduits infra.
Quelle que soit l’option retenue, le calendrier avancé dans le projet de loi initial est le suivant : une prise de décision après concertation avant avril 2026 et une déclaration d’utilité publique avant la fin de l’année 2028.
iv. Programmes d’investissements prioritaires dans les infrastructures et politiques publiques essentielles à Mayotte
Le rapport comprend un tableau, reproduit ci-dessous, qui rappelle les crédits d’investissements pour le territoire sur la période 2025-2031.
Tableau des investissements prioritaires sur la période 2025-2031
Mesures |
Montant des investissements (en millions d’euros) |
Lutte contre l’immigration |
52 |
Création d’un deuxième centre pénitentiaire |
292 |
Construction d’une cité judiciaire |
124 |
Création d’un centre éducatif fermé |
14 |
Projet de construction d’un second site hospitalier à Combani et extension et modernisation du CHM |
407 |
Eau |
730 |
Confortation de la desserte aérienne |
1200 |
Infrastructures routières et transports en commun, dont pôles d’échanges multimodaux, réalisation de voies de contournement |
280 |
Déchets |
27 |
Numérique |
50 |
TOTAL |
3 176 |
Source : rapport annexé
Il est précisé que la programmation des investissements sera précisée sur la base du rapport de la mission inter-inspections en charge de l’évaluation des dégâts et des besoins et en lien avec la mission de reconstruction et de refondation de Mayotte.
v. Renforcer les services de l’État et des collectivités territoriales
S’agissant de l’État, la mission chargée de la reconstruction de Mayotte est la garante de la continuité de l’action de l’État : elle doit animer les services centraux et rédiger la stratégique quinquennale 2026-2031. Cette stratégie doit intégrer quatre dimensions : sécurité, développement, coopération et institutions.
Une équipe projet spécifique sera également mise en place auprès du préfet de Mayotte.
S’agissant des collectivités territoriales, outre l’ingénierie fournie par l’établissement public de refondation institué par la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, le recensement prévu pour 2026 par l’article 14 du présent projet de loi permettra de donner aux communes des moyens proportionnés à leur population.
Le développement économique doit également générer une dynamique de hausse des recettes fiscales des collectivités territoriales. Il est indispensable d’avoir une stratégie de long terme pour garantir l’attractivité économique du territoire.
3. Les modifications apportées par le Sénat
● Le Sénat a adopté, en commission, trois amendements sur le rapport annexé.
L’amendement COM-67, déposé par les rapporteurs du texte en commission et modifié par le sous-amendement COM-75 déposé par Mme Corinne Narassiguin (SER), crée une sixième partie dans le rapport annexé intitulée « Une évaluation associant l’ensemble des acteurs ».
Cette sixième partie prévoit l’instauration d’un comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, institué auprès du Premier ministre et composé notamment de :
– deux députés ;
– deux sénateurs ;
– des représentants des élus locaux ;
– des représentants de l’État.
Le paragraphe ajouté par les sénateurs indique aussi la remise d’un rapport au Parlement pour évaluer l’impact de la reconstruction et de la refondation de Mayotte et la réalisation des investissements avant le 1er juillet 2028.
Le rapporteur général salue cet ajout et souligne qu’il est essentiel, comme le prévoit l’amendement déposé par les sénateurs, d’associer les élus locaux tout au long du processus de reconstruction du territoire.
L’amendement COM-66, déposé par les rapporteurs du texte en commission, complète la partie relative aux investissements prioritaires pour prévoir qu’une programmation annuelle des investissements sera présentée au Parlement avant le 31 décembre 2025. En conséquence, il supprime, à l’alinéa 286, la mention d’une programmation précisée sur une base pluriannuelle.
● Ce même paragraphe a été modifié et complété en séance à la suite de l’adoption de l’amendement n° 155 rectifié bis déposé par le Gouvernement et adopté avec un avis favorable de la commission.
L’amendement du Gouvernement remplace le tableau des investissements contenu dans le projet de loi initial par plusieurs tableaux, qui détaille, en autorisations d’engagement uniquement, le calendrier des investissements dans plusieurs secteurs.
Tableau récapitulatif des investissements en autorisations d’engagement tels que présenté dans l’amendement n° 155 rectifié bis déposé par le Gouvernement
|
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
2031 |
Crédits en soutien aux collectivités territoriales au titre de la reconstruction |
300 |
/ |
/ |
/ |
/ |
||
Eau et assainissement |
350 |
380 |
|||||
Santé |
132 |
275 |
/ |
||||
Lutte contre l’immigration clandestine |
52 |
/ |
/ |
/ |
/ |
||
Système judiciaire et carcéral |
2 |
428 |
|||||
Construction d’établissements scolaires |
400 |
|
|
||||
Université de Mayotte |
17,7 |
|
|
||||
Culture et sport |
17 |
|
|
||||
Logement |
200 |
|
|
||||
Aéroport |
/ |
1 200 |
|||||
Transports terrestres et maritimes |
104 |
/ |
/ |
||||
Environnement |
17,4 |
/ |
/ |
||||
Agriculture et pêche |
12 |
/ |
/ |
||||
Déchets |
6,9 |
/ |
/ |
||||
Déploiement de la fibre |
50 |
/ |
/ |
||||
|
|||||||
TOTAL |
3 944 |
Source : commission des Lois
Outre les 300 millions d’euros fléchés vers les collectivités territoriales au titre de la reconstruction sur la période 2025-2027, qui n’étaient pas dans le texte initial, le Gouvernement ajoute :
– 400 millions d’euros pour la construction d’établissements scolaires (2025-2029) ;
– 17,7 millions d’euros pour l’université de Mayotte (2025-2029) ;
– 17 millions d’euros pour la culture et le sport (2025-2029) ;
– 200 millions d’euros pour le secteur du logement (2025-2029) ;
– 17,4 millions d’euros pour le secteur de l’environnement (2025-2029) ;
– 12 millions d’euros pour le secteur agriculture et pêche (2025-2029).
D’autres crédits sont au contraire réduits : c’est le cas de ceux de la section « Déchets » et de ceux consacrés aux transports. Cette dernière diminution s’explique par la comptabilisation, dans la version initiale du tableau, de crédits qui n’étaient pas portés par l’État.
Comme l’a indiqué le ministre lors de la séance au Sénat, ces crédits proviennent en partie des priorités du contrat de convergence et de transformation signé avec le département de Mayotte en 2024, et de divers contrats ou plan ministériels, et sont donc antérieurs au cyclone Chido.
L’enveloppe des 300 millions d’euros fléchés pour soutenir les collectivités territoriales au titre de la reconstruction correspond à des crédits supplémentaires, ouverts après le cyclone Chido. Un tiers de l’enveloppe en autorisations d’engagement a été ouvert au titre de l’exercice budgétaire de 2025, soit 100 millions d’euros. Ce sont 35 millions d’euros de crédits de paiement qui devraient être décaissés en 2025. Ces crédits doivent financer la reconstruction des bâtiments et infrastructures publiques des collectivités territoriales.
Ce tableau ne présente que les autorisations d’engagement, ce qui n’est pas l’usage pour une loi de programmation, qui présente habituellement un tableau de décaissement annuel de crédits de paiement. Ils n’incluent pas les fonds européens, qui devront être mobilisés pour reconstruire Mayotte.
● Le Sénat a, outre cet amendement n° 155 rectifié bis, adopté onze amendements modifiant le rapport annexé en séance.
L’amendement n° 163, déposé par les rapporteurs et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, est un amendement rédactionnel.
L’amendement n° 93, déposé par M. Oili (Socialiste, Écologiste et Républicain) et adopté avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, prévoit la transmission par le Gouvernement au comité de suivi d’un état des lieux des plans Orsec établis sur les risques à Mayotte ainsi que des préconisations d’évolution.
L’amendement n° 28, déposé par M. Oili (SER) et adopté avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, précise que la mise en adéquation des besoins du fonds interministériel de prévention de la délinquance avec les besoins exprimés sera réalisée d’ici au 31 décembre 2026.
L’amendement n° 162, déposé par le Gouvernement et adopté avec un avis favorable de la commission, précise que l’augmentation du nombre des navires intercepteurs fera l’objet d’une étude particulière.
L’amendement n° 24, déposé par Mme Jacques (LR) et adopté avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, prévoit, à horizon 2027, la création d’un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins.
L’amendement n° 123, déposé par M. Oili (SER) et adopté avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, ajoute un paragraphe pour prévoir que les recettes liées aux redevances des armateurs seychellois constituent des fonds prioritaires pour le développement de la filière pêche mahoraise.
L’amendement n° 117, déposé par Mme Vogel (Écologiste – Solidarité et Territoires) et adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement et favorable de la commission, préconise la fin du dispositif des classes itinérantes.
L’amendement n° 88, déposé par M. Oili (SER) et adopté avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, complète les alinéas relatifs au centre hospitalier de Mayotte, au futur deuxième centre hospitalier et aux actuels centres médicaux de référence pour prévoir que des calendriers des travaux et investissements nécessaires à leur construction et modernisation seront présentés avant le 31 décembre 2025.
L’amendement n° 89, déposé par M. Oili (SER) et adopté avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, inscrit l’objectif d’élaboration d’un plan d’investissement et d’un calendrier pour la mise en place des actions d’informations et d’accès aux services de santé en matière de sexualité de procréation à Mayotte avant le 31 décembre 2025.
L’amendement n° 135, déposé par M. Oili (SER) et adopté avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, conduit à l’inscription dans le Plan logement dédié aux outre-mer pour Mayotte d’un objectif de construction de logements locatifs très sociaux.
L’amendement n° 159 déposé par le Gouvernement prévoyait d’inscrire que la desserte aérienne internationale de Mayotte serait garantie par l’implantation d’un nouvel aéroport sur Grande Terre. Il raccourcissait également le calendrier, en prévoyant que la décision devrait être prise en 2025 et la déclaration d’utilité publique en 2026. Initialement rejeté par le Sénat malgré un avis favorable de la commission, il a été présenté à nouveau lors d’une seconde délibération (amendement n° A-1) et adopté par le Sénat.
Votre rapporteur général acte le choix du site de Bouyouni, qui s’explique notamment par les risques sismiques auquel est soumis l’aéroport actuel. Il rappelle que le montant du financement nécessaire pour construire le nouvel aéroport a été fixé à 1,2 milliard d’euros, et que les premiers comités de pilotage ont déjà eu lieu.
4. La position de la Commission
La Commission des Lois a adopté 60 amendements sur le rapport annexé.
L’amendement CL366, déposé par Mme Voynet (groupe Écologiste et Social), vise à remplacer les mots « Mahoraises et Mahorais » par les termes « habitantes et habitants de Mayotte », considérant que la première expression n’inclut pas de manière suffisamment explicite les personnes vivant à Mayotte en situation régulière.
L’amendement CL347, déposé par Mme Faucillon (groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine), précise que la réponse de l’État à la crise post-Chido n’a été que partielle.
L’amendement CL367, déposé par Mme Voynet, déplace la phrase relative à la stratégie de gestion durable des déchets pour l’intégrer dans le paragraphe qui liste les engagements de l’État.
L’amendement CL449, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, précise les objectifs en matière de convergence sociale, c’est-à-dire un alignement du niveau du SMIC à Mayotte sur le niveau national à horizon 2031, avec une étape intermédiaire à 87,5 % au 1er janvier 2026. L’amendement ajoute également l’élargissement du dispositif d’exonération de cotisations patronales pour les employeurs de Mayotte. Alors que l’alignement du SMIC constitue une réponse à la demande d’amélioration du pouvoir d’achat, l’élargissement permet de ne pas pénaliser les filières économiques.
Les amendements identiques CL316 et CL195, déposés par Mme Youssouffa (groupe Libertés, indépendants, outre-mer et Territoires) et M. Naillet (groupe Socialistes et apparentés), prévoient que l’étude détaille les moyens humains et techniques du « rideau de fer », ainsi que le calendrier de sa mise en œuvre.
L’amendement CL371, déposé par M. Gosselin (groupe de la Droite républicaine), insère la mention de la création d’une base de la Marine en eau profonde à Mayotte, pour y affecter des bâtiments hauturiers.
L’amendement CL77, déposé par M. Gillet (groupe Rassemblement national), supprime la mention de zones prioritaires pour prévoir que l’opération d’intérêt national portera sur l’ensemble des zones d’habitat informel et insalubre, et non seulement sur des zones prioritaires.
L’amendement CL197, déposé par M. Naillet, prévoit la transmission par le Gouvernement aux élus locaux d’un contenu détaillé de l’opération d’intérêt national visant à résorber l’habitat insalubre.
Les amendements CL342 et CL199, déposés par Mme Youssouffa et M. Naillet, prévoient la mise en place à Mayotte d’un observatoire sismo-volcanique pour le volcan sous-marin Fani Maoré apparu lors de l’éruption de 2018.
L’amendement CL200, déposé par M. Naillet, prévoit la mise en place d’une réserve nationale sur le territoire de Mayotte.
L’amendement CL353, déposé par M. Naillet, prévoit que l’État s’engage à nommer un préfet maritime rattaché à Mayotte.
Inséré après les dispositions présentant les investissements relatifs au système carcéral (cité judiciaire, centre éducatif fermé et deuxième centre pénitentiaire), l’amendement CL330 de Mme Youssouffa prévoit la transmission au comité de suivi, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, d’un calendrier prévisionnel du déroulement des travaux ainsi que d’une programmation budgétaire.
Les amendements CL331 et CL201 de Mme Youssouffa et M. Naillet fixent une durée minimale d’engagement du bataillon de reconstruction (BATREC), qui restera mobilisé « au moins jusqu’au 31 décembre 2026 ».
Les amendements CL344 et CL202 de Mme Youssouffa et M. Naillet ménagent l’option de « tout autre site alternatif » pour accueillir l’usine de dessalement actuellement envisagée à Ironi Bé, de même que l’amendement CL203 de M. Naillet plus loin dans le texte. L’amendement CL208 de M. Naillet prévoit l’élaboration avant le 1er décembre 2025 et la transmission au comité de suivi d’un calendrier des travaux de sécurisation de l’usine de dessalement.
L’amendement CL336 de Mme Faucillon dispose qu’un plan de rénovation et de redimensionnement des infrastructures de distribution d’eau potable sera mis en œuvre afin de garantir les principes de continuité, d’égalité et d’adaptabilité du service public.
L’amendement CL154 de Mme Bamana (groupe Rassemblement national) prévoit, parmi les actions que l’État s’engage à mettre en œuvre prioritairement pour soutenir les agriculteurs mahorais, la mise à jour du cadastre pour les terres agricoles.
L’amendement CL469 présenté par le Gouvernement inscrit dans le rapport annexé l’engagement de l’État à travailler avec les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pour développer une solution de restauration durable accessible à chaque élève dans les établissements scolaires.
Les amendements identiques CL351 de Mme Youssouffa et CL213 de M. Naillet prévoient que le Gouvernement transmet au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte un état détaillé des mesures prévues dans le cadre du plan d’investissement destiné à mettre fin, à l’horizon 2031, au système de rotation scolaire à Mayotte.
L’amendement CL214 de M. Naillet prévoit que le calendrier prévisionnel des investissements nécessaires à la construction du deuxième hôpital doit être transmis au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
L’amendement CL385, déposé par le rapporteur général, M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, rappelle que la construction du deuxième centre hospitalier doit demeurer une priorité absolue pour l’État.
L’amendement CL386, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, demande au Gouvernement d’étudier les possibilités offertes pour renforcer le nombre de maisons pluri-professionnelles de santé et de centres de santé dans l’objectif d’améliorer l’offre de soins à Mayotte.
L’amendement CL387, déposé par le rapporteur général, M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, précise que le processus de convergence devra permettre une revalorisation du niveau des pensions actuellement versées aux retraités.
L’amendement CL337 de Mme Youssouffa avance à 2027 l’alignement du niveau du SMIC net à Mayotte avec le niveau national.
L’amendement CL359 de Mme Youssouffa supprime l’alinéa 189 qui rappelait que la convergence sociale concernerait également les allocations et les prestations non contributives mais que cette convergence ne serait pas plus rapide que la convergence du SMIC net prévue d’ici à 2031.
L’amendement CL388 déposé par le rapporteur général, M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques vise à ce que l’État s’engage à fournir un calendrier indiquant les objectifs annuels en matière de régularisation du cadastre et à renforcer les moyens mis à la disposition de la commission d’urgence foncière qui va devenir le guichet commun de la régularisation foncière.
L’amendement CL218 de M. Naillet vise à assurer la transmission du calendrier des investissements relatifs à la sortie du tout-enfouissement au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte d’ici à la fin de l’année 2025.
L’amendement CL230 de M. Naillet ajoute aux objectifs devant être inscrits dans la stratégie pour le reboisement de Mayotte la lutte contre les espèces exotiques envahissantes.
L’amendement CL389, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, prévoit que l’actualisation des dotations des collectivités intervient dès les données provisoires du recensement connues.
Les amendements CL354 et CL232, déposés par Mme Youssouffa et M. Naillet, prévoient que l’État fait de l’orientation des jeunes vers l’emploi une priorité, et que les moyens de la mission locale seront proportionnés au nombre de jeunes sur le territoire à compter du 1er janvier 2026.
L’amendement CL393, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, ouvre la possibilité que des volontaires du régime du service militaire adapté de Mayotte (RSMA) soient associés aux opérations de recensement conduites par l’INSEE sur le territoire.
L’amendement CL328, déposé par M. Fournier (groupe Écologiste et Social), prévoit que l’État se donne pour objectif d’identifier le poids et les caractéristiques du secteur informel mahorais.
L’amendement CL396, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par Mme Firmin Le Bodo (groupe Horizons et indépendants) et M. Gosselin, rapporteurs thématiques, modifie le paragraphe relatif au port de Longoni pour prévoir explicitement que celui-ci est transformé en grand port maritime à l’issue de la délégation de service public.
Alors que le tribunal administratif de Mayotte, dans une décision du 16 juin 2025, a mis fin à la délégation de service public à compter du 1er septembre 2026, votre rapporteur général considère qu’il est impératif de réfléchir à un calendrier d’évolution du statut du port.
L’amendement CL400, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, complète le paragraphe relatif au nouvel aéroport par un alinéa qui met en avant la nécessité d’aménager la route départementale qui y mène (la RD2) et d’intégrer le développement de l’urbanisation autour de cette zone aéroportuaire dans le schéma d’aménagement régional.
L’amendement CL485, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, précise le rythme de décaissement de l’enveloppe de 300 millions d’euros dédiée à la reconstruction des bâtiments abîmés par le cyclone Chido.
L’amendement CL378, déposé par M. Gosselin, insère un nouveau tableau de crédits pour prévoir un financement de la nouvelle base marine en eaux profondes à hauteur de 100 millions d’euros.
L’amendement CL234, déposé par M. Naillet, précise que la programmation présentée au Parlement avant le 31 décembre 2025 sera non seulement annuelle mais aussi pluriannuelle.
L’amendement CL406, déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, inscrit dans le rapport annexé le principe d’un soutien apporté par Expertise France aux services de l’assemblée de Mayotte pour préparer les dossiers de demandes de fonds européens.
L’amendement CL318, déposé par Mme Youssouffa et co-signé par le rapporteur général M. Vigier, insère un nouveau paragraphe au sein du rapport annexé, qui inscrit le principe d’un état des lieux des compétences exercées par la collectivité. L’objectif affiché est d’organiser, à horizon 2028, le transfert des compétences qui ne sont pas, à l’heure actuelle, exercées par la collectivité de Mayotte, à savoir les routes et l’entretien et la construction des collèges et des lycées. L’amendement prévoit aussi qu’une dotation de rattrapage soit versée à la collectivité de Mayotte.
Enfin, les amendements CL408, CL409, CL410, CL460, CL466, CL462, CL464, CL463, CL465, CL461, CL391, CL392, CL404 et CL407, déposés par le rapporteur général M. Vigier, procèdent à des modifications rédactionnelles.
*
Article 1er bis A (nouveau)
Création d’un comité de suivi chargé du suivi de la mise en œuvre de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte
Introduit par la Commission
La commission des Lois a adopté l’amendement CL390 déposé par le rapporteur général M. Vigier et co-signé par les trois rapporteurs thématiques, qui crée un comité de suivi placé auprès du Premier ministre, chargé de veiller au suivi et à l’évaluation de la présente loi de programmation. Le comité est composé de six parlementaires, de deux membres de la Cour des comptes, de trois représentants de l’État ainsi que de six représentants des élus locaux du Département-Région de Mayotte. Il doit remettre un rapport public intermédiaire avant le 1er juillet 2028.
Cet amendement traduit, dans la loi, la volonté des sénateurs d’avoir une instance de suivi de la présente loi : il reprend ainsi les éléments inscrits par amendement sénatorial dans le rapport annexé, afin de lui donner une valeur normative.
*
* *
Article 1er bis
Autorité du préfet de Mayotte sur l’action de l’ensemble des services déconcentrés de l’État et de ses établissements publics
Adopté par la Commission sans modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 1er bis, issu des travaux du Sénat, confie au préfet de Mayotte jusqu’au 31 décembre 2030 la direction de l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial à Mayotte, à l’exception de celle de l’établissement public de reconstruction et de refondation créé par la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a inséré dans le code de la sécurité intérieure (CSI) un article L. 742-2-1 permettant un élargissement temporaire des pouvoirs du préfet de département dans certaines circonstances de crise.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modifications.
1. L’état du droit
L’article L. 742-2-1 du code de la sécurité intérieure, crée par la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, permet un élargissement temporaire des pouvoirs du préfet de département dans certaines circonstances de crise.
En cas « d’événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population », le préfet de département peut, sur autorisation du représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité « diriger l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, qui sont alors placés pour emploi sous son autorité.
Le dispositif est limité dans le temps : la décision du représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité est prise pour une durée maximale d’un mois, renouvelable par périodes d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il est mis fin sans délai à la mesure dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé.
Le dispositif est limité dans son objet : la décision doit être estimée nécessaire pour :
– assurer le rétablissement de l’ordre public,
– mettre en œuvre les actions mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 742-1 du CSI, c’est-à-dire les opérations de secours définies comme un ensemble d’actions ou de décisions caractérisées par l’urgence qui visent à soustraire les personnes, les animaux, les biens et l’environnement aux effets dommageables d’accidents, de sinistres, de catastrophes, de détresses ou de menaces.
– prévenir et limiter les conséquences de ces événements.
Ces dispositions, jugées « essentielles à la reconstruction » par le préfet de Mayotte auditionné par vos rapporteurs, ont été mises en œuvre à Mayotte dans le cadre du cyclone Chido, du 14 décembre 2024 au 14 mars 2025.
2. Le dispositif proposé par le Sénat
Le présent article, introduit par la commission des Lois du Sénat à l’initiative de ses rapporteurs, confie au préfet de Mayotte la direction de l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial à Mayotte, jusqu’au 31 décembre 2030.
En séance, les sénateurs ont toutefois exclu de cette disposition l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte mentionné à l’article 1er de la loi n° 2025‑176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte. Il s’agissait ainsi de rester fidèle aux orientations de ce texte concernant la gouvernance cet établissement public.
L’établissement public de reconstruction et de refondation de Mayotte (EP2R)
L’EP2R est issu de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, qui habilite le Gouvernement à transformer l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte en un établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte, ainsi que de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à la reconstruction.
L’ordonnance n° 2025-453 du 23 mai 2025 relative à la transformation de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte fixe la composition du conseil d’administration conformément aux orientations du 2° de l’article 1er de la loi précitée qui prévoyait notamment la présidence de ce conseil par le président du Conseil départemental de Mayotte et « une représentation équilibrée de l’État et des collectivités territoriales de Mayotte ». Il se compose donc (article L. 321-36-12 du code de l’urbanisme) :
– de représentants des collectivités territoriales de Mayotte, dont le président du conseil départemental de Mayotte, le président de l’association des maires de Mayotte et des représentants des communes et de leurs groupements, dans des conditions reflétant les équilibres du territoire ;
– de représentants de l’État.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modifications.
* *
TITRE II
LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE ET L’HABITAT ILLÉGAL
Chapitre 1er
Durcir les conditions d’accès au séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte
Article 2
(art. L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile )
Durcir les conditions d’obtention des titres de séjour « parent d’enfant français » et « liens privés et familiaux » à Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article rend opposable l’entrée irrégulière sur le territoire pour l’obtention d’une carte de séjour délivrée, à Mayotte, à l’étranger parent d’enfant français et à l’étranger « qui dispose de liens personnels et familiaux » en introduisant une condition de production d’un visa de long séjour. Il instaure également une condition de résidence habituelle de sept ans pour l’obtention d’une carte de séjour délivrée, à Mayotte, pour le motif « liens personnels et familiaux ». Enfin, il porte de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour l’obtention d’une carte de résident « parent d’enfant français ».
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 441-7 du CESEDA a été modifié par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 qui a porté à trois ans, au lieu de deux, la durée de contribution effective à l’éducation et l’entretien de l’enfant exigée pour l’obtention de la carte de séjour temporaire « parent d’enfant français » à Mayotte.
Modifications apportées par le Sénat
En premier lieu, le Sénat a supprimé l’application à Mayotte des dispositions prévoyant, que pour la délivrance de la carte de séjour temporaire en qualité de parent d’enfant français, le droit au séjour du parent s’apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’il ne peut justifier de sa contribution à l’entretien de l’enfant.
En deuxième lieu, le Sénat a précisé que la condition de résidence régulière de cinq ans sur le territoire national pour la délivrance de la carte de résident « parent d’enfant français » à Mayotte doit être ininterrompue.
Modifications apportées par la Commission
La commission des Lois a adopté cet article en y ajoutant deux dispositions nouvelles. En premier lieu, la commission a adopté un amendement précisant que la preuve de la contribution effective à l’éducation et à l’entretien de l’enfant ne pouvait être apportée que par des justificatifs nominatifs ([5]) . En deuxième lieu, elle a supprimé la disposition permettant, à Mayotte, de renouveler le titre de séjour d’un étranger en état de polygamie légalement constituée à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer ou de l’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte ([6]) .
Enfin, elle a adopté deux amendements rédactionnels de son rapporteur Philippe Gosselin ([7]) .
1. L’état du droit
a. L’opposabilité de l’entrée irrégulière sur le territoire français pour l’obtention d’un titre de séjour
Les articles L. 312‑1 et L. 312‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoient que les étrangers souhaitant entrer en France en vue d’y séjourner doivent solliciter, auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises, un visa :
– l’article L. 312‑1 porte sur le visa de court séjour, lorsque la durée du séjour envisagé n’excède pas trois mois ;
– l’article L. 312‑2 porte sur le visa de long séjour, lorsque la durée du séjour envisagé excède trois mois ([8]) .
En vertu de l’article L. 412-1 du CESEDA la primo délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuel est en principe subordonnée à la preuve de l’entrée régulière sur le territoire français, par la production par l’étranger d’un visa de long séjour.
Ces dispositions s’appliquent sous la réserve des engagements internationaux de la France, ce qui exclut notamment les bénéficiaires d’une protection internationale.
Le CESEDA prévoit également des exceptions à l’obligation de production d’un visa. L’article L. 412-2 énumère les catégories d’étrangers qui sont dispensés de plein droit de l’obligation de présentation d’un visa de long séjour pour l’obtention d’un titre de séjour. Les cartes de séjour temporaire « parent d’enfant français » et « liens personnels et familiaux » figurent parmi les titres dont l’obtention ne nécessite pas la production d’un visa de long séjour.
En outre, l’article L. 412-3 fixe une liste d’étrangers pour lesquels une dispense peut être accordée par l’autorité administrative. Il s’agit notamment des cartes de séjour temporaire délivrées aux étudiants étrangers.
b. Les dispositions relatives aux titres de séjour pour motif familial
i. Les titres de séjour « parent d’enfant français »
Dans le cadre de l’octroi de titres de séjour pour motif familial, le CESEDA prévoit, à son article L. 423‑7, que l’étranger père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France bénéficie d’une carte de séjour temporaire d’un an, sans avoir besoin de produire un visa de long séjour, sous réserve qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.
De plus, l’article L. 423-8 du CESEDA dispose que l’étranger qui sollicite la délivrance d’une carte de séjour temporaire parent d’un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, de celle de l’autre parent, lorsque la filiation à l’égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l’article 316 du code civil.
L’étranger parent d’un enfant français et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire se voit délivrer une carte de résident d’une durée de dix ans de plein droit sous réserve du respect des conditions d’intégration républicaine prévues à l’article L. 413-7 du CESEDA ([9]) .
ii. Les titres de séjour « liens personnels et familiaux »
L’article L. 423-23 du CESEDA prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire d’un an à l’étranger, qui sans pouvoir prétendre à un titre de séjour existant pour motif familial ([10]) , justifie toutefois de liens personnels et familiaux en France « tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».
La durée de validité de la carte de séjour pluriannuelle délivrée en renouvellement de la carte temporaire « liens personnels et familiaux » est limitée à deux ans, par exception à l’article L. 411-4 du CESEDA.
La loi précise que les liens personnels et familiaux de l’étranger « sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine ».
Ces dispositions traduisent les exigences tirées de la jurisprudence de la CEDH sur le fondement de l’article 8 de la convention, qui garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale.
L’étude d’impact indique que la durée de résidence habituelle sur le territoire prise en compte par les services préfectoraux pour la délivrance de ce titre à Mayotte est en principe de cinq ans minimum ([11]) .
Dès lors que les dispositions relatives à l’admission exceptionnelle au séjour ne s’appliquent pas à Mayotte ([12]), la délivrance d’un titre « liens personnels et familiaux » constitue la voie privilégiée de « régularisation » pour les étrangers ne pouvant prétendre à un titre de plein droit.
c. Les adaptations existantes à Mayotte
Selon l’article 73 de la Constitution, les lois et règlements, applicables de plein droit dans les départements et régions d’outre-mer, « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
Mayotte se distingue tout particulièrement par la forte proportion de l’immigration familiale. Comme le souligne l’étude d’impact, 80 % des titres de séjour délivrés ou renouvelés en 2024 à Mayotte le sont pour un motif « vie privée et familiale » alors même que cette catégorie représente 36 % du total des titres délivrés sur l’ensemble du territoire national.
Cette prépondérance des titres de séjour familiaux est particulièrement portée par les titres délivrés aux parents d’enfants français (50 % des titres familiaux) et par les titres concernant les étrangers régularisés au titre de leurs liens personnels et familiaux (27 %), alors même qu’ils représentent respectivement 5 % et 12 % de l’ensemble des titres délivrés sur le territoire national en matière d’immigration familiale.
De surcroît, l’étude d’impact souligne qu’à Mayotte, ces titres sont délivrés de manière prépondérante à des étrangers entrés irrégulièrement : 85 % des titres de séjour délivrés à Mayotte et en cours de validité pour des « parents d’enfant français » et plus de 90 % des titres de séjour délivrés et en cours de validité pour un motif « liens personnels et familiaux » concernent des étrangers entrés en situation irrégulière ([13]) .
Ces caractéristiques et contraintes particulières à Mayotte en matière d’immigration ont justifié des adaptations des conditions d’entrée et de séjour des étrangers.
i. Les adaptations des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire « parent d’enfant français » à Mayotte
Depuis la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, les étrangers qui sollicitent à Mayotte la délivrance d’une carte de séjour temporaire en qualité de parent d’enfant français sur le fondement de l’article L. 423‑7 du CESEDA doivent justifier de l’entretien de leur enfant depuis la naissance ou depuis au moins trois ans contre deux ans prévus pour le reste du territoire national ([14]) .
Cette même durée est exigée s’agissant de la contribution effective à l’entretien et à l’éducation de l’enfant prévue à l’article L. 423-8 du CESEDA, lorsque l’étranger n’est pas l’auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité ([15]) .
ii. Les adaptations des conditions de délivrance de la carte de résident « parent d’enfant français » à Mayotte
L’octroi d’une carte de résident en qualité de « parent d’enfant français » est soumis à une exigence supplémentaire à Mayotte. Les étrangers qui sollicitent un tel titre de séjour doivent justifier de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à leurs besoins, condition qui n’existe pas sur le reste du territoire national ([16]) .
2. Le dispositif initial
L’article 2 du projet de loi prévoit, en premier lieu, de rendre opposable l’entrée irrégulière sur le territoire français pour l’obtention des cartes de séjour temporaire « liens personnels et familiaux » et « parent d’enfant français » en supprimant, à Mayotte, la dispense d’obligation de production d’un visa de long séjour pour l’obtention de ces titres.
L’objectif poursuivi par le Gouvernement est de réduire le nombre de titres de séjour « parent d’enfant français » et « liens personnels et familiaux » délivrés à Mayotte afin de réduire l’attractivité du territoire pour l’immigration irrégulière. L’encadrement des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire « parent d’enfant français » doit aussi permettre de prévenir les reconnaissances frauduleuses de paternité.
Selon les données présentées par l’étude d’impact, dès lors que 85 % des cartes de séjour temporaires « parent d’enfant français » et « liens privés et familiaux » délivrées à Mayotte chaque année le sont à des personnes entrées de manière irrégulière, ces dispositions pourraient ainsi induire une baisse des titres de séjour délivrés sur ces fondements de 80 %, passant de 3 000 cartes de séjour délivrées par an à 500.
En deuxième lieu, l’article 2 porte, à Mayotte, de trois à cinq ans la durée préalable de résidence régulière exigée pour l’obtention d’une carte de résident « parent d’enfant français ».
Enfin, le 4° de l’article 2 instaure une nouvelle condition préalable de résidence habituelle de sept années à Mayotte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux ». Ainsi, en combinaison avec le 1° de l’article 2, la primo délivrance de cette carte de séjour nécessitera à Mayotte la détention d’un visa de long séjour et une résidence habituelle d’au moins sept ans.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que les dispositions concernant la délivrance des cartes de séjours temporaires et des cartes de résident aux étrangers parents d’enfant français ne portaient pas atteinte à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lequel ne garantit pas, en tant que tel, le droit à un type particulier de titre de séjour, ni au droit à mener une vie familiale normale découlant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
S’agissant de l’encadrement des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux », le Conseil d’État a estimé que les dispositions du projet de loi ne se heurtaient à aucun obstacle conventionnel ou constitutionnel dès lors que l’autorité administrative conserve, en tout état de cause, le pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation d’un étranger compte tenu de l’ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il justifierait et alors même que les conditions légales ne seraient pas réunies ([17]) .
3. Les modifications apportées par le Sénat
● La commission des Lois du Sénat a procédé à plusieurs modifications du dispositif.
Par un amendement COM-52 des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé les dispositions issues du deuxième alinéa de l’article L. 423-8 du CESEDA, lesquelles prévoient, que pour la délivrance de la carte de séjour temporaire en qualité de parent d’enfant français, en l’absence de décision de justice ou de preuve de la contribution à l’entretien de l’enfant, le droit au séjour du parent de l’enfant français s’apprécie « au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Par un second amendement COM-53 également des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a ajouté que la condition de durée de résidence régulière de cinq ans sur le territoire national pour la délivrance de la carte de résident « parent d’enfant français » à Mayotte doit être ininterrompue.
Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article en y ajoutant deux dispositions nouvelles.
En premier lieu, la Commission a adopté un amendement de Mme Estelle Youssouffa précisant que, à Mayotte, la preuve de la contribution effective à l’éducation et à l’entretien de l’enfant pour l’obtention d’un titre de séjour « parent d’enfant français » ne peut être apportée que par des justificatifs nominatifs ([18]) . Cette disposition vise ainsi à renforcer la lutte contre la fraude.
En deuxième lieu, en adoptant un amendement de Mme Estelle Youssouffa, la Commission a supprimé la disposition permettant, à Mayotte, de renouveler le titre de séjour d’un étranger en état de polygamie légalement constituée avant l’entrée en vigueur de son interdiction, soit à la date de publication de la loi n° 2003‑660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer ou de l’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte ([19]) .
Enfin, la Commission a adopté deux amendements rédactionnels de son rapporteur Philippe Gosselin ([20]) .
*
* *
Article 2 bis A (nouveau)
(art. L. 441-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Suppression de la territorialisation des titres de séjour délivrés à Mayotte au 1er janvier 2030
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif introduit par la Commission
À l’initiative du rapporteur Philippe Gosselin, la Commission a adopté un article 2 bis A supprimant la territorialisation des titres de séjour délivrés à Mayotte à compter du 1er janvier 2030.
1. L’état du droit
Pour une présentation des dispositions limitant la validité territoriale des titres de séjour délivrés à Mayotte, voir le commentaire de l’article 2 bis.
2. Le dispositif introduit par la Commission
Par un amendement de son rapporteur Philippe Gosselin ([21]) , cosigné par le rapporteur général et l’ensemble des co-rapporteurs, la Commission a abrogé, à compter du 1er janvier 2030, l’article L. 441-8 du CESEDA limitant au territoire de Mayotte la validité des titres de séjour qui y sont délivrés.
Cette disposition vise ainsi à mettre fin au droit dérogatoire qui restreint la circulation des étrangers admis au séjour à Mayotte à ce seul département.
Afin de prévenir le regain d’attractivité de Mayotte pour l’immigration clandestine éventuellement engendré par la suppression de cette disposition ainsi que de potentiels mouvements secondaires vers les autres territoires d’outre-mer ou l’hexagone, l’entrée en vigueur de cette disposition est fixée au 1er janvier 2030.
Ce délai doit permettre au Gouvernement de mettre en œuvre préalablement l’ensemble des mesures prévues par le projet de loi pour réduire l’immigration irrégulière ainsi que de mobiliser les moyens humains et techniques dédiés à la lutte contre les entrées clandestines.
*
* *
Article 2 bis
Rapport d’évaluation des dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité à Mayotte
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit au Sénat et effets principaux
Cet article dispose que le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
L’accession de Mayotte au statut de département depuis le 1er avril 2011 a conduit à l’application du principe d’identité législative prévu à l’article 73 de la Constitution. Toutefois, ce même article dispose que les lois et règlements, applicables de plein droit dans les départements et régions d’outre-mer, « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel a admis que la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers ainsi qu’à l’acquisition de la nationalité française puisse faire l’objet d’adaptations.
Il a notamment relevé que « la population de Mayotte comporte, par rapport à l’ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé et croissant d’enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants » ([22]).
Il a ainsi jugé que de telles circonstances constituent, au sens de l’article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, « afin de lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, d’y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ».
Le Conseil constitutionnel a récemment réaffirmé cette jurisprudence à propos de l’adaptation des règles d’acquisition de la nationalité française à Mayotte dans le but de lutter contre l’immigration irrégulière ([23]) .
En outre, Mayotte est devenue, depuis le 1er janvier 2014, région ultrapériphérique de l’Union européenne (RUP), engendrant l’application de la législation européenne, sous réserve d’éventuelles adaptations.
a. La législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers
L’ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 a permis l’application du CESEDA à Mayotte dans sa partie législative et le décret n° 2014-527 du 3 mai 2014 pour sa partie réglementaire.
Toutefois, l’ordonnance et les lois ultérieures ont maintenu des dérogations au droit commun au regard des circonstances particulières du département, conformément aux adaptations permises par l’article 73 de la Constitution.
Ces dérogations concernent tant les conditions d’entrée et de séjour des étrangers, que les procédures d’éloignements et les recours juridictionnels.
Parmi ces dérogations, figure la validité territoriale limitée des titres de séjour délivrés à Mayotte, prévue par l’article L. 441-8 du CESEDA.
En vertu de cet article, les titres de séjour délivrés à Mayotte n’autorisent le séjour de leur titulaire que sur le territoire de Mayotte et non sur l’ensemble du territoire national. Les étrangers titulaires d’un titre de séjour à Mayotte souhaitant se rendre dans l’hexagone ou dans un autre territoire d’outre-mer doivent ainsi solliciter une autorisation spéciale prenant la forme d’un visa.
Ce visa est délivré, par le représentant de l’État à Mayotte après avis du représentant de l’État du département où l’étranger souhaite se rendre, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier de l’intéressé hors du territoire de Mayotte et des considérations d’ordre public.
Le visa est délivré de plein droit au demandeur d’asile lorsqu’il est convoqué par l’Ofpra pour être entendu.
En outre, des exceptions à la validité territoriale limitée des titres de séjour sont prévues par le CESEDA : les titulaires d’une carte de résident, d’une carte de séjour pluriannuelle relevant du dispositif « Talent », les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent ainsi circuler sur l’ensemble du territoire national.
b. La législation relative à l’acquisition de la nationalité française
La législation relative à l’acquisition de la nationalité française fait également l’objet d’adaptation. La loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 a mis fin à l’exclusion des dispositions relatives à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol instaurées à Mayotte par la loi du 26 juin 1889 et le décret du 7 février 1897.
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, entrée en vigueur le 1er mars 2019, n’a pas modifié le régime applicable au double droit du sol. Elle a en revanche ajouté une condition supplémentaire à l’acquisition de la nationalité française via le droit du sol dit « simple » pour les enfants nés à Mayotte, tenant à la régularité du séjour d’un des parents depuis trois mois au jour de la naissance de l’enfant.
La loi n° 2025-412 du 12 mai 2025 visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte a élargi l’application de la condition de séjour régulier aux deux parents de l’enfant et a porté sa durée de 3 mois à une année.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
La commission des Lois du Sénat a adopté l’amendement COM-54 de ses rapporteurs qui prévoit, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’ensemble des dispositions dérogatoires applicables à Mayotte en matière d’immigration et de nationalité.
Ce rapport doit notamment permettre d’évaluer les effets des mesures dérogatoires sur la réduction de l’immigration irrégulière et partant de la nécessité du maintien de certaines d’entre elles.
En séance publique, le Sénat a adopté cet article sans modification.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.
*
* *
Article 2 ter
(article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Précision des conditions relatives au logement pour bénéficier du regroupement familial à Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif introduit au Sénat et effets principaux
Cet article précise qu’un logement édifié ou occupé sans droit ni titre ou relevant de l’habitat informel ne peut être considéré, à Mayotte, comme un logement normal permettant de bénéficier du droit au regroupement familial.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a porté à trois ans la durée de résidence préalable et à cinq ans la durée de validité du titre de séjour nécessaire pour solliciter le bénéfice du regroupement familial à Mayotte.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur Philippe Gosselin ([24]) .
1. L’état du droit
Le régime juridique du regroupement familial est un régime particulier de l’immigration familiale, encadré au niveau européen par la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.
Il s’inscrit également dans le cadre du droit constitutionnel de mener une vie familiale normale et de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).
a. Les bénéficiaires
L’étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins 18 mois, sous couvert d’un des titres de validité d’au moins un an, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial :
1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins 18 ans ;
2° Et par les enfants du couple mineurs de 18 ans ([25]) .
Aux termes de l’article L. 441-9 du CESEDA, la durée de séjour régulier est portée à trois ans et la durée de validité du titre de séjour à cinq ans pour le demandeur habitant à Mayotte.
Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande :
– la filiation n’est établie qu’à l’égard du demandeur ou de son conjoint ;
– lorsque l’autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux ; ([26])
– lorsque les enfants sont confiés, selon le cas, à l’un ou l’autre, au titre de l’exercice de l’autorité parentale, en vertu d’une décision d’une juridiction étrangère ([27]).
Aux termes de l’article L. 434-6 du CESEDA, peut néanmoins être exclu du regroupement familial :
1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public ;
2° Un membre de la famille atteint d’une maladie inscrite au règlement sanitaire international ;
3° Un membre de la famille résidant en France.
b. Les conditions
Aux termes de l’article L. 434-7 du CESEDA, l’étranger, qui fait la demande d’être rejoint au titre du regroupement familial, doit remplir les trois conditions suivantes :
1° Justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ;
2° Disposer d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ;
3° Se conformer aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France.
Le critère relatif au logement est apprécié en fonction de la région géographique. Le pouvoir réglementaire a précisé les éléments permettant de qualifier un logement de « normal » ([28]).
Celui-ci doit présenter une superficie minimale habitable qui varie en fonction de la zone considérée, entre 22 et 28m² pour un ménage sans enfant.
Le logement doit également satisfaire à des conditions de salubrité et d’équipement. Ces conditions sont appréciées en référence à l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain et au décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.
Des conditions d’accueil dangereuses ou insalubres justifient le rejet de la demande de regroupement familial.
L’étranger formule sa demande auprès des services de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Des agents spécialement habilités de la commune du lieu de résidence ou, à la demande du maire, des agents de l’OFII peuvent procéder à la visite du logement pour vérifier s’il réunit les conditions minimales de confort et d’habitabilité. En cas de refus de l’occupant, les conditions de logement sont réputées non remplies.
À l’issue des vérifications sur les ressources et le logement du demandeur du regroupement familial, le maire de la commune où doit résider la famille transmet à l’Office français de l’immigration et de l’intégration le dossier accompagné des résultats de ces vérifications et de son avis motivé ([29]). La décision d’autoriser le groupement familial relève de la compétence du préfet.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 53 de Mme Aeschlimann, avec avis favorable de la Commission et du Gouvernement, précisant qu’un logement édifié ou occupé sans droit ni titre ou relevant de l’habitat informel ne peut être considéré, à Mayotte, comme un logement normal permettant de bénéficier du droit au regroupement familial.
Cet amendement entend ainsi limiter le développement de l’immigration familiale et de l’expansion de l’habitat informel. D’après les éléments fournis dans l’étude d’impact, le parc de logements à Mayotte comprenait 32 % d’habitations de fortune en 2022, « majoritairement composées de tôles, et 20 000 logements en dur présentant des défauts graves » ([30]) .
3. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article avec une modification rédactionnelle de son rapporteur Philippe Gosselin ([31]) .
*
* *
Chapitre II
Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité
Article 3
(art. 2496 du code civil)
Centralisation des actes de reconnaissance de paternité et de maternité auprès de la commune de Mamoudzou et lecture par l’officier d’état civil des obligations liées à la reconnaissance d’un enfant à Mayotte
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article rétablit l’article 2496 du code civil, en prévoyant la centralisation à Mamoudzou de l’établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité effectués à Mayotte. Par ailleurs, il prévoit que l’officier d’état civil doit, à Mayotte, informer l’auteur d’une telle reconnaissance des obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale et à la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant, ainsi que des peines encourues en cas de soustraction à ces obligations et en cas de reconnaissance frauduleuse.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 2496 du code civil a été abrogé par l’article 16 de l’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté en commission des Lois un amendement précisant que l’officier d’état civil ne doit pas simplement faire lecture des obligations et des peines prévues aux articles des articles 371-1 et 371-2 du code civil, 227-17 du code pénal et L. 82311 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) mais que l’auteur de la reconnaissance doit être effectivement informé de ces dispositions.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
a. L’établissement de la filiation par reconnaissance volontaire
La filiation désigne le lien juridique qui unit un enfant à ses parents. Elle peut être légalement établie, de manière contentieuse ou non contentieuse.
Lorsqu’elle est établie de manière non contentieuse elle l’est soit :
– par l’effet de la loi ;
– par la reconnaissance volontaire ;
– par la possession d’état constatée par un acte de notoriété ;
– par la reconnaissance conjointe, pour les femmes ayant recours à la procréation médicalement assistée.
La filiation est établie par l’effet de la loi, sans qu’aucune autre démarche ne soit à accomplir, à l’égard de la mère par désignation de celle-ci sur l’acte de naissance de l’enfant. L’acte de naissance constitue ainsi le mode usuel d’établissement et de preuve de la filiation maternelle. Une présomption de paternité est également instaurée pour le mari sauf si l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père ([32]).
Lorsque la filiation n’est pas établie par effet de la loi, elle peut l’être par un acte de reconnaissance de paternité ou de maternité, fait avant ou après la naissance ([33]) .
La reconnaissance constitue un acte juridique unilatéral et non révocable qui n’établit la filiation qu’à l’égard de son auteur et par lequel celui-ci s’engage à assumer les conséquences légales de sa paternité ou maternité.
La reconnaissance de paternité constitue le mode le plus courant d’établissement de la filiation entre un père et son enfant né hors mariage. La reconnaissance de maternité permet à la mère de reconnaître son enfant par anticipation, ou, a posteriori, dans l’hypothèse où elle aurait exprimé la volonté de ne pas être nommée dans l’acte de naissance au moment de la naissance de l’enfant ou dans le cas d’un accouchement sous secret.
L’acte de reconnaissance peut être effectué devant l’officier d’état civil ou auprès d’un notaire.
La reconnaissance peut être réalisée devant l’officier d’état civil soit par déclaration dans l’acte de naissance concomitamment à son établissement, soit par une déclaration de reconnaissance séparée, souscrite antérieurement ou postérieurement. Lorsque la reconnaissance est effectuée dans l’acte de naissance, elle est faite auprès de l’officier de l’état civil du lieu de la naissance ([34]) . Si elle est faite par acte séparé, elle peut être effectuée devant l’officier de l’état civil de n’importe quelle commune, sans qu’il soit nécessaire de s’adresser à celui du lieu de naissance de l’enfant.
L’article 62 du code civil prévoit que, lors de l’établissement de l’acte de reconnaissance, il est fait lecture à son auteur des articles du code civil relatifs aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale ([35]) et à la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant ([36]) .
b. Un dispositif de lutte contre les reconnaissances frauduleuses récemment renforcé mais encore insuffisant à Mayotte
La reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité est la reconnaissance qui est souscrite par son auteur dans le seul but d’obtenir ou de faire obtenir à l’un des parents un avantage particulier, notamment celui lié à l’attribution à l’enfant mineur de la nationalité française ou à la perception de prestations sociales et dont la finalité est étrangère à l’intérêt de l’enfant et à son éducation.
En revanche, les articles 316 et suivants du code civil qui régissent la reconnaissance de la filiation ne subordonnent pas sa validité à sa conformité à la réalité biologique. Dès lors, comme l’a jugé la Cour de cassation ([37]) , l’acte par lequel une personne souscrit une telle reconnaissance alors qu’elle sait ne pas être le père ou la mère biologique de l’enfant ne constitue pas une reconnaissance frauduleuse.
Comme le relève l’étude d’impact, les reconnaissances frauduleuses peuvent revêtir plusieurs formes :
– celle de la reconnaissance de l’enfant mineur d’une ressortissante étrangère par un français, permettant d’attribuer à l’enfant la nationalité française puis, à sa mère, un titre de séjour en qualité de parent d’enfant français ;
– celle de la reconnaissance de l’enfant mineur d’une Française par un ressortissant étranger, ce dernier devenant ainsi parent d’enfant français ([38]) .
L’officier d’état civil ne dispose pas du pouvoir de vérifier la véracité des dires des déclarants, il ne peut en principe se faire juge de la sincérité d’une reconnaissance et est tenu de l’enregistrer ([39]).
Jusqu’à la loi du n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, en cas de doute sur le caractère frauduleux d’une reconnaissance, notamment du fait des pièces produites ou sollicitées par l’officier de l’état civil, ce dernier devait, après avoir appelé l’attention du déclarant sur les conséquences de cet acte et les sanctions pénales applicables, enregistrer la reconnaissance et informer, sans délai, le parquet. Il revenait alors au procureur d’engager l’action en contestation de la filiation sur le fondement des dispositions de l’article 336 du code civil.
L’article 55 de la loi du 10 septembre 2018 précitée a généralisé, en l’adaptant, un dispositif de contrôle a priori auparavant réservé au seul territoire de Mayotte par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.
En premier lieu, la loi a introduit l’obligation pour toute personne souhaitant établir un lien de filiation par reconnaissance de présenter :
– un justificatif d’identité délivré par une autorité publique comportant son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance, sa photographie et sa signature ainsi que l’identification de l’autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance ;
– un justificatif de domicile ou de résidence par la production d’une pièce justificative datée de moins de trois mois ([40]).
En second lieu, la loi du 10 septembre 2018 a créé la possibilité pour le procureur de la République de surseoir ou de s’opposer à l’enregistrement d’une reconnaissance ([41]) .
Dans le cadre de cette nouvelle procédure, le procureur de la République est saisi par l’officier de l’état civil, qui dispose de la faculté de procéder à l’audition préalable de l’auteur de la reconnaissance, lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer son caractère frauduleux.
Le procureur de la République dispose alors d’un délai de quinze jours à compter de sa saisine pour décider des suites à donner à cette saisine. Il est tenu de prendre sa décision dans ce délai et peut alors :
– laisser l’officier de l’état civil procéder à l’enregistrement ou à la mention de la reconnaissance en marge de l’acte de naissance ;
– y faire opposition ;
– ou y surseoir dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fera procéder.
Dans l’hypothèse où le délai de 15 jours serait dépassé et où la reconnaissance envisagée serait enregistrée par l’officier de l’état civil, le parquet conserve la faculté de contester a posteriori la reconnaissance effectuée auprès du tribunal judiciaire, conformément à la procédure prévue par l’article 336 du code civil.
Lorsque le procureur de la République décide de surseoir à l’enregistrement de la reconnaissance, le sursis ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Ce délai est porté à deux mois, renouvelable une fois, lorsque l’enquête est menée, en totalité ou en partie, à l’étranger par l’autorité diplomatique ou consulaire.
À l’issue de l’enquête, le procureur de la République doit indiquer à l’officier de l’état civil et aux intéressés, par décision motivée, s’il laisse procéder à l’enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l’acte de naissance de l’enfant ou, au contraire, s’il s’y oppose.
En cas d’opposition, l’officier de l’état civil fait sans délai mention sommaire de l’opposition sur le registre de l’état civil. La décision est également notifiée à l’auteur de la reconnaissance, qui peut la contester devant le tribunal judiciaire.
Ce dispositif de contrôle a priori des reconnaissances de paternité ou de maternité demeure insuffisamment mobilisé à Mayotte. Alors que l’archipel connaît une dynamique exceptionnelle des naissances, principalement portée par les personnes étrangères séjournant dans le département ([42]), les procédures d’opposition ou de contestation de paternité demeurent peu nombreuses. Le nombre de saisines du parquet par l’officier de l’état civil pour suspicion de reconnaissance frauduleuse s’élevait à 27 au 1er semestre 2023, ayant donné lieu à 3 décisions d’opposition par le procureur de la République du tribunal de Mamoudzou. Une seule action en contestation de paternité a été effectuée depuis 2019. Ainsi, les reconnaissances frauduleuses détectées représentaient 7 % des reconnaissances totales effectuées à Mayotte en 2023, soit 583 sur 8 328.
Comme le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, ce chiffre « ne permet pas d’appréhender l’étendue du phénomène à Mayotte » ([43]) . Le ministère de la Justice explique cette sous détection par la difficulté pour les services de l’État d’apporter la preuve du caractère frauduleux de la reconnaissance dès lors que la seule absence de lien biologique ne suffit pas, mais également par une formation insuffisante des officiers d’état civil à ce phénomène et un manque de temps lors de l’accueil des usagers au guichet.
2. Le dispositif initial
L’article 3 du projet de loi prévoit, en rétablissant un article 2496 du code civil, de centraliser à Mamoudzou l’établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité effectués à Mayotte.
Ce nouvel article 2496 déroge ainsi, à Mayotte, au principe selon lequel tout officier de l’état civil français est compétent pour enregistrer une reconnaissance de paternité ou de maternité, quel que soit le lieu de naissance de l’enfant reconnu.
Le nouvel article 2496 du code civil précise que seules les reconnaissances régies par les articles 316 à 316-5 du code civil sont concernées par cette centralisation, sauf si elles sont effectuées simultanément à la déclaration de naissance de l’enfant, laquelle pourra toujours être effectuée auprès de l’officier de l’état civil de la commune de naissance. Selon l’étude d’impact, 25 % des reconnaissances de paternité et de maternité effectuées à Mayotte ont lieu simultanément à la déclaration de naissance.
L’objectif poursuivi par ces dispositions est d’améliorer la détection des reconnaissances de frauduleuses de paternité ou de maternité à Mayotte en :
– identifiant plus facilement les auteurs de reconnaissances multiples de paternité ou maternité, qui ne pourront plus se rendre dans différentes communes du département pour procéder à ces reconnaissances ;
– formant spécifiquement les officiers de l’état civil de la commune de Mamoudzou à la détection des reconnaissances frauduleuses et à la mise en œuvre de la procédure de contrôle a priori des articles 316-1 à 316-5 du code civil.
En second lieu, l’article 3 du projet de loi inscrit au sein de l’article 2496 du code civil l’obligation pour l’officier d’état civil, lors de l’établissement de l’acte de reconnaissance d’un enfant né à Mayotte, de faire lecture :
– des articles 371-1 et 371-2 du code civil relatifs à l’exercice de l’autorité parentale et à l’obligation de contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, comme cela est déjà prévu par l’article 62 du code civil pour l’ensemble du territoire national ;
– des dispositions pénales relatives au délit de soustraction par un parent à ses obligations légales (article 227-17 du code pénal) et de reconnaissance frauduleuse (article L. 823-11 du CESEDA).
3. Les modifications apportées par le Sénat
● La commission des Lois du Sénat a procédé à une modification du dispositif.
Par un amendement COM-55 des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a apporté une précision rédactionnelle en indiquant que l’auteur de la reconnaissance serait informé des obligations et des peines prévues aux articles des articles 371-1 et 371-2 du code civil, 227-17 du code pénal et L. 823-11 du CESEDA.
● Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification par le Sénat en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.
*
* *
Article 4
(art. 2497 du code civil)
Allonger les durées du sursis à l’enregistrement de la reconnaissance d’un enfant prononcé par le procureur de la République
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article porte, pour l’enfant né à Mayotte, la durée du sursis à l’enregistrement de la reconnaissance, qui peut être prononcé par le procureur de la République en cas de suspicion de fraude, d’un à deux mois, renouvelable une fois, lorsque l’enquête est conduite sur le territoire national et de deux à trois mois, également renouvelable une fois, lorsque l’enquête est conduite à l’étranger.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 2497 du code civil a été abrogé par l’article 18 de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modification.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
Pour une présentation du dispositif de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité à Mayotte, voir le commentaire de l’article 3.
2. Le dispositif initial
L’article 4 du projet de loi rétabli un article 2497 au sein du titre Ier du livre V du code civil, consacré aux dispositions applicables à Mayotte. Celui-ci allonge les délais de sursis à l’enregistrement d’une reconnaissance de paternité ou de maternité d’un enfant né à Mayotte, lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer l’existence d’une fraude.
Il porte d’un à deux mois, renouvelable une fois, le délai de sursis à l’enregistrement d’une reconnaissance de paternité ou de maternité prononcé par le procureur de la République lorsque l’enfant est né à Mayotte. Dans l’hypothèse où l’enquête est menée, en totalité ou en partie, à l’étranger par l’autorité diplomatique ou consulaire, l’article 4 porte ce délai de deux à trois mois, renouvelable une fois.
L’objectif poursuivi est de faciliter la conduite des enquêtes destinées à confirmer ou infirmer le caractère frauduleux de la reconnaissance envisagée.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification par le Sénat.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.
*
* *
Article 5
(art. L. 823-11, L. 832‑1, L. 833‑1, L. 834‑1, L. 835‑1 et L. 836‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Aggravation de l’amende encourue en cas de mariage frauduleux ou de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité, en vue d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l’éloignement ou la nationalité française
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article alourdit de 15 000 à 75 000 euros la peine d’amende encourue en cas de mariage frauduleux ou de reconnaissance frauduleuse d’un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou d’acquérir la nationalité française.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modification.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
L’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) réprime « le fait, pour toute personne, de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française ».
La peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Lorsque ce délit est commis en bande organisée, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende ([44]) .
Des peines complémentaires sont également prévues aux articles L. 823-13 à L. 823-15 du CESEDA.
Ainsi, les personnes physiques condamnées sur le fondement de l’article L. 823-11 ou L. 823-12 du même code peuvent également être condamnées à :
– une interdiction de séjour allant jusqu’à cinq ans ;
– une interdiction pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ([45]) ;
– la confiscation de tout ou partie de leurs biens, qu’elle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ([46]) ;
– une interdiction du territoire français de dix ans au plus et pouvant être définitive lorsque les faits ont été commis en bande organisée ([47]) .
De 2021 à 2023, sur l’ensemble du territoire national 82 condamnations par an en moyenne ont été prononcées pour le délit de reconnaissance frauduleuse de paternité, dont seulement 5 condamnations par an prononcées par le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Sur l’ensemble du territoire national, 7 amendes fermes ont été prononcées en 2023 pour un montant moyen de 1 157 euros.
Les services de l’État soulignent que ce nombre de condamnations ne correspond pas à l’ampleur du phénomène des reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte mais résulte plus largement des difficultés de détection et de signalement de celles-ci.
2. Le dispositif initial
L’article 5 du projet de loi aggrave, sur l’ensemble du territoire national, la peine d’amende encourue pour le délit de mariage et de reconnaissance frauduleux en portant sont montant de 15 000 à 75 000 euros.
L’application de la mesure à l’ensemble du territoire est justifiée par le principe d’égalité devant la loi pénale.
En outre, le montant de 75 000 euros correspond à celui de l’amende encourue pour le délit de faux et usage de faux prévu à l’article 441-2 du code pénal.
Enfin, l’article 5 du projet de loi procède aux coordinations nécessaires, en modifiant les articles L. 832-1, L. 833-1, L. 834-1, L. 835-1 et L. 836-1 du CESEDA afin de permettre l’application de cette mesure dans les territoires soumis au principe de spécialité législative (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Wallis-et-Futuna, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie).
3. Les modifications apportées par le Sénat
Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification par le Sénat.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.
*
* *
Chapitre III
Mieux lutter contre l’immigration irrégulière et faciliter l’éloignement
Article 6
(art. L. 761-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile )
Ouverture de l’aide au retour volontaire à Mayotte en cas de circonstances exceptionnelles
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article étend à Mayotte le dispositif de l’aide au retour volontaire, tout en le subordonnant à l’existence de circonstances exceptionnelles.
Dernières modifications législatives intervenues
L’ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a exclu l’application à Mayotte de l’aide au retour volontaire et ouvert l’aide à la réinsertion dans des circonstances exceptionnelles.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modification.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
Parmi les outils existants dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière, l’aide au retour volontaire (ARV) constitue un levier afin de favoriser les éloignements.
Cet outil offre plusieurs avantages :
– il permet l’exécution volontaire de la décision d’éloignement par le ressortissant d’un pays tiers vers son pays d’origine ;
– il est moins coûteux pour les finances publiques qu’un retour forcé ([48]) ;
– associé à un dispositif de réinsertion, il permet d’offrir des perspectives de réussite et donc de stabilité dans le pays d’origine.
L’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose que « l’étranger qui fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine ».
Les conditions d’octroi et le montant de l’aide au retour sont déterminés par le ministre chargé de l’immigration, après avis du conseil d’administration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ([49]) .
L’article R. 711-4 du même code énumère les éléments pouvant faire l’objet d’une telle aide : la prise en charge des frais de réacheminement ; une allocation destinée à faciliter la réinsertion dans le pays de retour ; le cas échéant, une aide technique et un suivi de projet. La mise en œuvre de l’aide est assurée par l’OFII ([50]).
Les aides au retour volontaire incluent ainsi l’organisation du retour et la prise en charge des frais de voyage depuis la ville de départ en France jusqu’au pays de destination pour le bénéficiaire, son conjoint et ses enfants mineurs de moins de 18 ans, la prise en charge des bagages, une aide administrative à l’obtention des documents de voyage et une allocation forfaitaire incitative.
L’arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l’aide au retour et à la réinsertion détermine les montants plafonds de l’allocation. Le montant maximal est ainsi compris entre 150 et 300 euros pour les ressortissants de pays tiers dispensés de visa et entre 400 et 1 200 euros pour les ressortissants de pays tiers soumis à visa. À titre exceptionnel, le directeur général de l’OFII a la possibilité d’accorder une majoration de cette allocation.
En complément de l’aide au retour volontaire ou indépendamment, et dans la mesure où le pays est couvert par un programme de réinsertion, une aide à la réinsertion peut être proposée aux étrangers afin de faciliter et favoriser leur réinstallation durable dans leur pays.
L’aide à la réinsertion peut être constituée des éléments suivants :
– une aide à la réinsertion sociale dont le montant est déterminé, en fonction de la composition familiale et des besoins des bénéficiaires ;
– une aide à la réinsertion par l’emploi, incluant éventuellement une formation professionnelle ;
– une aide à la réinsertion par la création d’entreprise, après examen de situation et sélection des projets de réinsertion en fonction de leur caractère pérenne, incluant éventuellement une formation professionnelle.
Toutefois, à Mayotte, en application du 3° de l’article L. 761-8 du CESEDA, l’étranger ne peut pas bénéficier de l’aide au retour, mais seulement d’une aide à la réinsertion économique, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l’existence d’un projet économique viable ou de mesures d’accompagnement s’il est accompagné d’un ou plusieurs enfants mineurs.
Comme le relève l’étude d’impact, « ce régime dérogatoire spécifique à Mayotte s’explique par le risque d’appel d’air que constitue une telle mesure d’incitation financière, en raison de la situation géographique du département touché par des flux migratoires d’une intensité très importante en provenance des Comores qui représentent 97 % des éloignements forcés depuis le centre de rétention administrative en 2023 » ([51])
L’arrêté du 26 avril 2023 modifiant l’arrêté du 28 décembre 2020 relatif à l’aide à la réinsertion économique à Mayotte précise le cadre général d’octroi de l’aide à la réinsertion.
L’aide est octroyée à l’étranger présent à Mayotte, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l’existence d’un projet économique viable, lorsque le pays de retour est couvert par un programme défini par le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Sauf accord particulier, elles ne peuvent être versées qu’aux ressortissants de la République du Burundi, de la République démocratique du Congo (RDC), de la République du Rwanda et de la République fédérale de Somalie.
Enfin, le demandeur doit justifier qu’il réside à Mayotte depuis au moins six mois, sauf circonstances exceptionnelles.
Entre 2021 et mai 2024, dix ressortissants de RDC seulement en auraient bénéficié depuis Mayotte ([52]) .
2. Le dispositif initial
L’article 6 du projet de loi modifie le 3° de l’article L. 761-8 du CESEDA afin d’étendre à Mayotte l’aide au retour volontaire.
Afin d’éviter tout effet d’aubaine, l’article précise que l’aide au retour volontaire sera ouverte « dans des circonstances exceptionnelles ».
Les conditions de mise en œuvre du dispositif seront fixées par arrêté du ministre en charge de l’immigration et du ministre chargé des outre-mer après avis du conseil d’administration de l’OFII. L’arrêté précisera les conditions dans lesquelles l’aide pourra être octroyée, ainsi que les montants plafonds de l’allocation.
Comme le souligne l’étude d’impact, l’ouverture de l’aide au retour volontaire à Mayotte doit permettre de répondre à l’accroissement des migrations en provenance du continent africain et tout particulièrement de l’Afrique des Grands Lacs mais aussi de la Somalie et de la Tanzanie.
Si la proportion des ressortissants de ces pays demeure faible au regard de l’immigration comorienne, elle connaît toutefois une forte augmentation ces dernières années. Ainsi, le nombre de ressortissants de la RDC, du Rwanda, du Burundi, de la Somalie et de la Tanzanie placés au centre de rétention administrative de Mayotte a presque quintuplé, passant de 151 en 2021 à 725 en 2023 ([53]) .
L’étude d’impact souligne que ces ressortissants représentent « une part importante des personnes présentes dans les habitats insalubres ou les campements illégaux ». ([54]) L’ouverture de l’aide au retour dans des circonstances exceptionnelles doit ainsi permettre de mobiliser ce dispositif dans des opérations ponctuelles telles que les évacuations de campements.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modification.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.
*
* *
Article 6 bis (nouveau)
(art. L. 761-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Information des étrangers assignés à résidence à Mayotte sur le dispositif d’aide au retour volontaire
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif introduit par la Commission
La Commission a adopté, avec avis favorable du rapporteur, un amendement de M. Jean-Huges Ratenon et du groupe La France Insoumise permettant l’information des étrangers assignés à résidence à Mayotte sur le dispositif de l’aide au retour volontaire ([55]) .
1. L’état du droit.
L’article L. 711-2 du CESEDA dispose que « l’étranger qui fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine ».
L’article L. 732-7 du CESEDA dispose que l’étranger qui est assigné à résidence dans l’attente de l’exécution d’une décision d’éloignement est informé, le cas échéant, de la possibilité de bénéficier de cette aide au retour.
Toutefois, le 4° de l’article L. 761-8 du CESEDA prévoit que cette disposition n’est pas applicable à Mayotte, dès lors qu’en état du droit, l’aide au retour n’y est pas ouverte.
2. Le dispositif introduit par la Commission
En cohérence avec l’article 6 du projet de loi ouvrant l’aide au retour volontaire à Mayotte, l’article 6 bis adopté par la Commission, abroge le 4° de l’article L. 761-8 afin de permettre que l’étranger qui y est assigné à résidence dans l’attente de l’exécution d’une décision d’éloignement puisse être informé de la possibilité de bénéficier de cette aide.
*
* *
Article 7 (supprimé)
(art. L. 761-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Placement en rétention administrative d’un mineur accompagnant un adulte à Mayotte
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article permet, à Mayotte, le placement en rétention des mineurs accompagnant un adulte dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des familles.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 86 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a interdit le placement en rétention des mineurs, même lorsqu’ils accompagnent un étranger majeur. Toutefois, compte tenu du contexte migratoire spécifique à Mayotte, le législateur a différé l’entrée en vigueur de cette interdiction au 1er janvier 2027.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a introduit la possibilité de prolonger la rétention au-delà de 48 heures, pour une durée de 24 heures supplémentaires, en cas d’impossibilité matérielle de procéder à l’éloignement pour une raison étrangère à l’administration.
En second lieu, considérant que les nouvelles unités familiales ne seront pas encore prêtes à recevoir les familles dès le 1er janvier 2027, le Sénat a voté l’amendement du Gouvernement reportant l’entrée en vigueur du dispositif au 1er juillet 2028.
En conséquence, cet amendement a également reporté l’entrée en vigueur de l’interdiction du placement en rétention des mineurs, initialement prévue à Mayotte par la loi du 26 janvier 2024 au 1er janvier 2027, au 1er juillet 2028.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article.
1. L’état du droit
La rétention administrative consiste à priver de liberté l’étranger objet d’une mesure d’éloignement afin d’assurer la mise en œuvre de cette mesure.
Le placement d’un étranger en rétention est, en premier lieu, subordonné à l’existence d’une mesure d’éloignement forcé et exécutoire prise à son encontre ([56]) .
Depuis 2016, le placement en rétention d’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement forcé est, en second lieu, conditionné au fait qu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ou, depuis les modifications apportées par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, qu’il représente une menace pour l’ordre public.
Le risque de fuite est apprécié selon les critères prévus à l’article L. 612-3 du CESEDA. Ce risque peut ainsi être regardé comme établi dans les cas suivants :
– l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
– l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
– l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
– l’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
– l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
– l’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
– l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage, ou encore a fait usage d’un tel titre ou document ;
– l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour, ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait à ses obligations.
La décision de placement en CRA relève de l’autorité préfectorale, elle ne peut toutefois pas être prolongée sans l’intervention du juge judiciaire dès lors qu’elle constitue une atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution. Son principe a ainsi été admis par le Conseil constitutionnel sous réserve de l’entourer de garanties suffisantes, et notamment de prévoir l’intervention du juge « dans le plus court délai possible » ([57]) .
Les mineurs ne pouvant faire l’objet d’une décision d’expulsion ou d’une OQTF ([58]) , leur placement en rétention est en principe exclu. Toutefois, jusqu’à la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, lorsqu’un étranger majeur était placé en rétention dans la perspective de son éloignement, les mineurs dont il a la charge étaient placés avec lui.
L’ancien article L. 741-5 du CESEDA prévoyait que l’étranger accompagné du mineur pouvait être placé en rétention pour « la durée la plus brève possible » et dans un lieu adapté, aux fins de préservation de l’unité familiale dans trois cas :
– l’étranger n’avait pas respecté une précédente mesure d’assignation à résidence ;
– il avait pris la fuite ou opposé un refus à lors de la mise en œuvre de la décision d’éloignement ;
– en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention de l’étranger dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préservait l’intéressé et le mineur qui l’accompagne « des contraintes liées aux nécessités de transfert ».
En outre, en application de l’article L. 744-2 du CESEDA, le registre du lieu de rétention, qui était communiqué au juge des libertés et de la détention sur demande de celui-ci et à l’occasion de chaque demande de prolongation, mentionnait les conditions d’accueil des mineurs.
Par ailleurs, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur n’était possible que dans un lieu de rétention administrative spécifiquement destiné à l’accueil des familles.
Les familles pouvaient également être placées dans les locaux de rétention administrative (LRA) dès lors que ces locaux étaient spécialement adaptés à la prise en charge des besoins spécifiques de l’unité familiale et disposaient notamment de lieux d’hébergement séparés, spécialement équipés, comportant une pièce de détente et dotés de matériels de puériculture adaptés, ainsi que d’un espace de promenade à l’air libre ([59]).
Le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions permettant le placement en rétention des familles accompagnées de mineurs étaient conformes à la Constitution dès lors qu’elles opéraient une conciliation « entre, d’une part, l’intérêt qui s’attache, pour le mineur, à ne pas être placé en rétention et, d’autre part, l’inconvénient d’être séparé de celui qu’il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l’ordre public » ([60]) .
La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a cependant interdit le placement en rétention des mineurs, même lorsqu’ils accompagnent un étranger majeur en inscrivant à l’article L. 741-5 du CESEDA : « L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention ».
Toutefois, compte tenu du contexte migratoire spécifique à Mayotte, le législateur y a différé au 1er janvier 2027 la fin du dispositif de rétention des familles conformément au III de l’article 86 de la loi précitée.
Le département de Mayotte demeure donc régi, jusqu’au 1er janvier 2027, par les règles antérieures, à savoir que le mineur de dix-huit ans peut être accueilli dans un lieu de rétention s’il accompagne un étranger majeur qui y est lui-même placé.
La liste des centres de rétention (CRA) habilités à recevoir des familles est fixée par l’arrêté ministériel du 30 mars 2011, pris en application de l’article R. 744‑3 du CESEDA.
52 places de rétention permettent d’accueillir des familles à Mayotte : 40 au centre de rétention de Pamandzi et 12 au local de rétention du service territorial de la police aux frontières, également à Pamandzi.
Selon les données de l’étude d’impact, en 2023, 2 143 cellules familiales ont été placées en rétention à Mayotte, incluant 2 909 mineurs accompagnants. Les familles représentent ainsi 10,12 % du nombre de placements en rétention à Mayotte. La durée moyenne de rétention des familles était de 1,2 jour sur cette même année. À titre de comparaison, en France hexagonale, en 2023, 47 cellules familiales avaient été placées en rétention, incluant 87 mineurs accompagnants.
2. Le dispositif initial
L’article 7 du projet de loi introduit une adaptation, à Mayotte, des dispositions de l’article L. 741-5 du CESEDA afin de permettre le placement des mineurs accompagnant un adulte dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l’unité familial.
Ces lieux seront distincts et indépendants des centres et lieux de rétention, afin de garantir aux membres de la famille une intimité adéquate. Le projet de loi renvoie la définition de leurs caractéristiques à un décret en Conseil d’État.
Le placement ne pourra intervenir que pour le temps strictement nécessaire à l’organisation de l’éloignement et ne pourra en principe excéder quarante-huit heures.
L’article 7 prévoit que la décision de placement pourra faire l’objet d’un recours devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire dans un délai de quarante-huit heures. Celui-ci disposera alors de quarante-huit heures à compter de sa saisine pour statuer.
3. Les modifications apportées par le Sénat
● La commission des Lois du Sénat a procédé à plusieurs modifications du dispositif.
En premier lieu, par un amendement COM-56 des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a procédé à une réécriture rédactionnelle du nouveau 5° bis de l’article L. 761-8 du CESEDA.
En outre, par ce même amendement, elle a introduit la possibilité de prolonger la rétention de 24 heures supplémentaires en cas d’impossibilité matérielle de procéder à l’éloignement pour une raison étrangère à l’administration. Selon le rapport du Sénat, cela a notamment vocation à couvrir le cas d’intempéries.
En second lieu, par un amendement COM-57, également des rapporteurs, la commission a reporté l’entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2027, en cohérence avec le III de l’article 86 de la loi du 26 janvier 2024.
● En séance publique, par un amendement n° 156 le Gouvernement a obtenu deux modifications du dispositif.
En premier lieu, considérant que les unités familiales ne seront pas encore prêtes à recevoir les familles dès le 1er janvier 2027, l’amendement reporte l’entrée en vigueur du dispositif au 1er juillet 2028.
En second lieu et en conséquence, l’amendement reporte également l’entrée en vigueur de l’interdiction du placement en rétention des mineurs, initialement prévue à Mayotte par la loi du 26 janvier 2024 au 1er janvier 2027, au 1er juillet 2028.
4. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article en adoptant quatre amendements identiques des groupes La France Insoumise – Nouveau Front Populaire, Écologiste et Social, Gaude Démocrate et Républicaine et Socialistes et apparentés ([61]) .
*
* *
Article 8 (supprimé)
(art. L. 441-10 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Retrait du document de séjour de l’étranger majeur exerçant l’autorité parentale sur un étranger mineur dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Cette disposition crée un nouvel article L. 441-10 dans le CESEDA permettant, à Mayotte, de procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger majeur exerçant l’autorité parentale sur un mineur, lorsque le comportement de ce dernier constitue une menace à l’ordre public et est directement lié à la soustraction par le parent à ses obligations légales.
Modifications apportées par le Sénat
La commission des Lois du Sénat a supprimé le caractère temporaire du dispositif, qui devait initialement s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2028.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article.
1. L’état du droit
a. Le refus ou retrait des titres de séjour lorsque la présence de l’étranger en France constitue une menace à l’ordre public
Les dispositions du CESEDA permettent de refuser ou de retirer un titre de séjour à l’étranger dont la présence en France constitue une menace à l’ordre public.
Les articles L. 412-5 et L. 432-1 du CESEDA disposent ainsi que la délivrance et le renouvellement d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle et la délivrance d’une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l’ordre public.
Symétriquement, l’article L. 432-4 du CESEDA introduit une clause générale d’ordre public permettant à l’autorité administrative de retirer une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle à tout étranger constituant une menace pour l’ordre public.
L’article 46 de la loi du 26 janvier 2024 a en outre prévu à ce même article la possibilité de retirer une carte de résident ou la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » en cas de menace grave à l’ordre public.
Toutefois, l’étranger dont la carte de résident est retirée ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ([62]). Sauf à ce qu’il puisse faire l’objet d’un arrêté d’expulsion, une autorisation provisoire de séjour lui est alors délivrée ou une carte de séjour temporaire s’il dispose d’une carte de résident permanent ou « longue durée-UE » ([63]) .
En revanche, aucune disposition ne permet de retirer le titre de séjour d’un étranger majeur en raison du comportement d’autrui et plus particulièrement de l’enfant mineur qu’il a sous sa garde, lequel ne peut faire l’objet d’un éloignement et n’est pas soumis à l’obligation de détention d’un titre de séjour.
b. Les hypothèses de responsabilité du parent du fait du comportement de son enfant mineur
Les dispositions de l’article 227-17 du code pénal permettent cependant de réprimer « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur ».
Les « obligations légales » auxquelles l’article 227-17 du code pénal fait référence sont celles qui sont issues de l’exercice de l’autorité parentale telle que définies par l’article 371- 1 du code civil.
En outre, il est nécessaire pour caractériser l’infraction de démontrer son élément intentionnel et ainsi de rapporter la preuve que le parent en cause avait conscience de s’être soustrait à ses obligations compromettant l’intégrité physique ou morale de son enfant mineur ([64]) .
La caractérisation de l’infraction nécessite également l’existence d’un lien de causalité entre la soustraction du parent à ses obligations légales et la compromission de « la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant ». ([65])
En revanche, si cet article permet la répression du parent dont la carence a compromis la santé ou la sécurité de son enfant, son application est plus incertaine lorsque celle-ci conduit à ce que l’enfant mineur cause un trouble à l’ordre public.
Si le principe de personnalité de la peine garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen interdit d’instituer une infraction instaurant une responsabilité pénale du fait d’autrui ([66]) , la responsabilité civile permet en revanche de tenir civilement responsables le parent a raison des dommages causés par son enfant.
L’article 1242 du code civil dispose ainsi que l’« on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. ».
Le quatrième alinéa de l’article 1242 dispose en ce sens que : « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »
L’engagement de la responsabilité des parents sur ce fondement n’est pas subordonné à l’existence d’une faute de l’enfant mineur. De même, les parents ne peuvent s’exonérer de cette responsabilité en invoquant l’absence de faute de leur part, que ce soit en matière de surveillance ou d’éducation.
2. Le dispositif initial
L’article 8 du projet de loi crée un nouvel article L. 441-10 dans le CESEDA permettant, à Mayotte, de procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger majeur exerçant l’autorité parentale sur un mineur constituant une menace à l’ordre public.
Cette disposition entend ainsi répondre à la situation particulière de Mayotte, territoire soumis à une forte insécurité et où la délinquance des mineurs étrangers est particulièrement importante. La population mahoraise se caractérise en effet par une moyenne d’âge particulièrement basse : l’âge moyen est de 23 ans et l’âge médian de 17,5 ans. Une part importante des mineurs évolue dans des foyers familiaux déstructurés. Ainsi, la proportion d’étrangers parmi les mineurs mis en cause à Mayotte est nettement plus élevée que pour l’ensemble de la France, la part d’étrangers parmi les mineurs mis en cause pour homicide à Mayotte est de 41 % contre 18 % pour le reste de la France ([67]) .
Au regard de ces éléments propres au département de Mayotte, le Conseil d’État a estimé dans son avis sur le projet de loi que ces dispositions « apportent une adaptation limitée, adaptée et proportionnée à la situation très particulière de Mayotte et présentent un lien direct avec les caractéristiques et contraintes qui les justifient, à savoir la forte proportion de mineurs étrangers constituant une menace pour l’ordre public, l’existence de cellules familiales déstructurées et l’insécurité en découlant, et sont en rapport direct avec l’objet de la loi » ([68]) et entrent ainsi dans le champ des adaptations permises par l’article 73 de la Constitution.
Le retrait du titre de séjour de l’étranger majeur en raison de la menace à l’ordre public que constitue l’enfant mineur est, en premier lieu, subordonné à la condition que l’étranger majeur exerce sur lui l’autorité parentale et, en deuxième lieu, qu’il se soit soustrait à ses obligations légales ayant conduit à compromettre « la santé, la sécurité, la moralité et l’éducation de l’étranger mineur ». Cette rédaction est ainsi directement inspirée de l’article L. 227-17 du code pénal.
De plus, le retrait du titre de séjour est subordonné à la condition que la soustraction par l’étranger majeur à ses obligations légales contribue directement à ce que le comportement du mineur constitue un trouble à l’ordre public. Comme le note le Conseil d’État, un lien de causalité est ainsi nécessaire « entre les agissements de l’étranger majeur détenteur de l’autorité parentale et le comportement du mineur ».
En outre, le champ d’application du dispositif est limité au mineur « capable de discernement ». Cette notion est issue de l’article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs qui définit le mineur capable de discernement comme celui « qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet ». Aux termes de ce même article, les mineurs de plus de 13 ans sont présumés être capables de discernement.
Le Conseil d’État a considéré dans son avis que cette mesure de retrait du titre de séjour de l’étranger majeur à raison du comportement du mineur sur lequel il exerce l’autorité parentale, revêt le caractère d’une sanction, contrairement au retrait d’une carte de séjour à raison de la menace à l’ordre public constituée par la présence en France de l’étranger majeur lui-même, qui constitue une mesure de police administrative ([69]) .
Ainsi, le retrait du titre de séjour ne peut intervenir qu’après une procédure contradictoire précisément définie.
L’autorité administrative est tenue d’adresser préalablement un avertissement à l’étranger majeur, par courrier ou au cours d’un entretien permettant à l’intéressé de présenter ses observations dans les conditions prévues par le code des relations entre le public et l’administration. Le retrait peut intervenir au plus tôt un mois après l’avertissement et au plus tard six mois après celui-ci, si les conditions ayant trait au manquement aux obligations légales et au trouble à l’ordre public subsistent.
La rédaction du nouvel article L. 441-10 du CESEDA permet le retrait de tout « document de séjour » ce qui couvre un champ plus large que les seules cartes de séjour et permet d’inclure, par exemple, les autorisations provisoires de séjour.
Toutefois, certains titres de séjour font l’objet d’un traitement particulier.
Ainsi, les cartes de résident et de résident permanent ne peuvent être retirées que lorsque le comportement du mineur étranger constitue une menace grave pour l’ordre public. Les bénéficiaires de ces titres ne pouvant faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire, le dispositif précise qu’une autorisation provisoire de séjour, dans le cas d’un retrait de carte de résident, et une carte de séjour temporaire, dans le cas d’un retrait de carte de résident permanent, doivent être délivrées de droit.
En outre, certains titres sont exclus du dispositif afin de garantir le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles. Ne peuvent ainsi être retirées sur le fondement de ce nouvel article L. 441-10 :
– les cartes de « résident longue durée - UE » (6° de l’article L. 411-1) ;
– les cartes de résident délivrées aux étrangers ayant la qualité de réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire (articles L. 424-1 et L. 424-13) ;
– les cartes de séjour pluriannuelles portant la mention « bénéficiaire de la protection subsidiaire » (article L. 424-9).
Enfin, le dernier alinéa du nouvel article L. 441-10 du CESEDA confère un caractère temporaire au nouveau dispositif en prévoyant son application jusqu’au 31 décembre 2028, « afin d’en apprécier l’efficacité et l’ensemble des conséquences induites par son implication » ([70]) .
3. Les modifications apportées par le Sénat
● La commission des Lois du Sénat a procédé à plusieurs modifications du dispositif.
En premier lieu, par un amendement COM-60 des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a supprimé le caractère temporaire du dispositif, en considérant « qu’il n’existait pas de justification au choix de la date à laquelle cette disposition finirait de produire des effets et que ce caractère temporaire serait susceptible d’affaiblir sa portée dissuasive ». ([71])
En deuxième lieu, deux amendements rédactionnels COM-59 et COM-58 ont été adoptés à l’initiative des rapporteurs.
● Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article en adoptant quatre amendements identiques des groupes La France Insoumise – Nouveau Front Populaire, Écologiste et Social, Gaude Démocrate et Républicaine et Socialistes et apparentés ([72])
*
* *
Article 8 bis
(art. L. 441-11 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
Information obligatoire des organismes de sécurité sociale et de France Travail des décisions de refus de séjour, de retrait de document de séjour et d’expulsion
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit au Sénat et effets principaux
Cet article crée l’obligation pour le préfet de Mayotte d’informer les organismes de sécurité sociale et France Travail de l’existence d’une décision de refus de séjour, de retrait de document de séjour ou d’expulsion à l’encontre d’un étranger résidant à Mayotte.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 85 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prévu que les organismes de sécurité sociale devaient vérifier que les assurés étrangers satisfont aux conditions de régularité de séjour en France dès l’ouverture du dossier et périodiquement. Le même article a également prévu que les informations collectées à ce titre par les organismes de sécurité sociale auprès des fichiers des services de l’État sont transmissibles entre eux.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
a. Le bénéfice des prestations sociales est subordonné à la régularité du séjour en France
La perception des prestations sociales est soumise à une condition de régularité du séjour. La loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France a exclu les personnes en situation irrégulière de l’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale.
Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision sur la loi précitée, admis la constitutionnalité de telles dispositions, tout en reconnaissant un droit constitutionnel d’accès aux prestations sociales pour les étrangers qui résident de manière stable et régulière sur le sol français, dès lors que « les étrangers qui résident et travaillent régulièrement sur le territoire français et ceux qui ne satisfont pas aux mêmes conditions de régularité ne sont pas dans la même situation au regard de l’objet de la loi. » ([73])
Ainsi, l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale dispose que la sécurité sociale « assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille et d’autonomie ».
En revanche, les étrangers en situation irrégulière ne peuvent bénéficier des prestations sociales de droit commun et sont éligibles à l’aide médicale d’État ([74]) et l’hébergement d’urgence ([75]).
L’article L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale prévoit également que les organismes de sécurité sociale mentionnés à l’article L. 114-10-1-1 sont tenus de vérifier, dès le dépôt de leur dossier, puis périodiquement, la régularité du séjour des étrangers affiliés. Il dispose ainsi qu’ils « peuvent avoir accès aux fichiers des services de l’État pour obtenir les informations administratives nécessaires à cette vérification » et que « les informations collectées à ce titre par les organismes de sécurité sociale auprès des fichiers des services de l’État sont transmissibles entre eux ».
Mayotte dispose depuis 1987 d’un système propre de sécurité sociale, distinct de celui applicable dans l’hexagone et dans les autres territoires d’outre-mer.
L’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte a toutefois étendu au territoire certains principes fondamentaux de la sécurité sociale.
L’article 19 de l’ordonnance précitée dispose qu’est affilié au régime de sécurité sociale mahorais « toute personne majeure de nationalité étrangère en situation régulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers applicable à Mayotte, autorisée à séjourner sur le territoire de cette collectivité territoriale pour une durée supérieure à trois mois ou y résidant effectivement depuis trois mois ».
b. L’inscription à France Travail est subordonnée à la détention de certains titres de séjour
Pour demander son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, le travailleur étranger doit être titulaire d’une autorisation de travail et d’un titre de séjour en cours de validité ([76]) .
Dès lors qu’il remplit ces conditions, le travailleur étranger bénéficie du revenu de remplacement de droit commun dans les mêmes conditions que le travailleur français ([77]) .
L’article R. 5221-48 du code du travail limite toutefois la liste des titres de séjour permettant l’inscription d’un travailleur étranger sur la liste des demandeurs d’emploi.
2. Le dispositif introduit par le sénat
En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 167 de la rapporteure Agnès Canayer introduisant un article additionnel 8 bis.
Cet article prévoit, à Mayotte, l’information obligatoire par le préfet des organismes de sécurité sociale et de France Travail lorsqu’il prend une décision de refus de séjour, de retrait d’un document de séjour et d’expulsion. Cette information systématique doit ainsi permettre aux organismes de sécurité sociale et à France Travail de tirer les conséquences de la fin du droit au séjour des étrangers affiliés au regard du versement des prestations dont ils ont la charge.
Cet article additionnel reprend ainsi le dispositif voté pour l’ensemble du territoire national à l’article 48 de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration qui avait fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel car dépourvu de lien, même indirect, avec l’une des dispositions du projet de loi initial.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté l’article 8 bis sans modification.
*
* *
Article 9 (supprimé)
(art. L. 561-10-5 [nouveau] du code monétaire et financier)
Conditionner les opérations de transmission de fonds à partir d’un versement d’espèce à la vérification de la régularité du séjour
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 9 crée un nouvel article L. 561-10-5 au sein du code monétaire et financier aux termes duquel, à Mayotte, les prestataires de services de paiement sont tenus, en complément des mesures de vigilance déjà existantes, de procéder à la vérification de la régularité du séjour de leur client non ressortissant de l’Union européenne avant de réaliser une opération de transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a créé un nouveau délit réprimant de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende le fait de procéder ou de participer, pour le compte d’un étranger en situation irrégulière, à une opération de transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces, afin de faire échec à l’exécution de la nouvelle mesure de vigilance ainsi instaurée.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a supprimé cet article.
1. L’état du droit
Les services de paiement sont définis par l’article L. 314-1 du code monétaire et financier, ils comprennent :
– les services permettant le versement d’espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d’un compte de paiement ;
– les services permettant le retrait d’espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d’un compte de paiement ;
– l’exécution des opérations de paiement suivantes associées à un compte de paiement tels que les prélèvements, y compris les prélèvements autorisés unitairement, les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement ou un dispositif similaire, les virements, y compris les ordres permanents ;
– l’exécution des opérations de paiement suivantes associées à une ouverture de crédit telles que les prélèvements, y compris les prélèvements autorisés unitairement, les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement ou un dispositif similaire, les virements, y compris les ordres permanents ;
– l’émission d’instruments de paiement et/ ou l’acquisition d’opérations de paiement ;
– les services de transmission de fonds ;
– les services d’initiation de paiement ;
– les services d’information sur les comptes.
Ces services ne peuvent être opérés que par les prestataires de service paiement définis par l’article L. 521-1 comme « les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de crédit et les prestataires de services d’information sur les comptes. ».
Afin de prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les articles L. 561-2 et suivants du code monétaire et financier imposent une obligation de vigilance aux organismes financiers.
Parmi ces obligations de vigilances figure notamment l’obligation d’identification du client, y compris occasionnel et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif. À cette fin, l’article L. 561-5 du code monétaire et financier prévoit que les organismes financiers « vérifient ces éléments d’identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant. »
Les conditions de vérifications de l’identité du client sont précisées par l’article R. 561-5-1 du code monétaire et financier, lequel dispose que lorsque le client est une personne physique, « physiquement présente aux fins de l’identification au moment de l’établissement de la relation d’affaires » son identité est vérifiée « par la présentation de l’original d’un document officiel en cours de validité comportant sa photographie et par la prise d’une copie de ce document ».
En outre, les articles L. 561-15-1 et R. 561-1-2 du code monétaire et financier prévoient la communication systématique d’informations à Tracfin sur les opérations de transmission de fonds sur remise d’espèces ou de monnaie électronique supérieure à 1 000 euros par opération ou 2 000 euros par client sur un mois civil.
La réalisation de ces opérations n’est actuellement pas soumise à l’obligation de la vérification de la régularité du séjour.
En outre, un droit au compte bancaire est reconnu à toute personne domiciliée en France, même lorsqu’elle séjourne en situation irrégulière.
L’article L. 312-1 du code monétaire et financier dispose ainsi que toute personne physique ou morale domiciliée en France a droit à l’ouverture d’un compte de dépôt dans l’établissement de crédit de son choix.
La directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base dispose également que « les États membres veillent à ce que les consommateurs résidant légalement dans l’Union, en ce compris les consommateurs qui n’ont pas d’adresse fixe, les demandeurs d’asile et les consommateurs qui n’ont pas de permis de séjour mais dont l’expulsion est impossible pour des raisons légales ou pratiques, aient le droit d’ouvrir un compte de paiement assorti de prestations de base auprès d’établissements de crédit situés sur leur territoire et le droit de l’utiliser » ([78]) .
Les établissements financiers sont ainsi tenus de fournir des prestations de base prévues par l’article D. 312-5-1 du code monétaire et financier, parmi lesquelles figurent la réalisation de virement bancaires, les paiements par virements SEPA ou encore les dépôts et les retraits d’espèces.
Le département de Mayotte se singularise par le poids de l’économie informelle, corrélé à la forte proportion de la population séjournant en situation irrégulière dans l’archipel.
Une étude de l’INSEE estimait en 2018 que deux entreprises marchandes sur trois relevaient de l’économie informelle à Mayotte, représentant 6 640 emplois contre 11 410 pour l’économie formelle ([79]) . Cette situation est confirmée par le préfet de Mayotte qui a estimé, lors de son audition, que l’économie informelle représentait 50 % du PIB de Mayotte.
Cette économie informelle alimente d’importants transferts financiers, notamment à destination des Comores, susceptibles de nourrir des trafics liés à l’immigration irrégulière via les filières de passeurs mais aussi de blanchiment d’argent. Ainsi, entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020, 55 millions d’euros ont transité via le principal acteur de la transmission de fonds à Mayotte, Western Union, dont 23,5 millions d’euros vers la zone comorienne (Madagascar, Comores, île Maurice) ([80]) .
De surcroît, comme le souligne l’étude d’impact, « l’économie mahoraise est marquée par une plus forte fréquence des transactions en espèces qu’en France hexagonale. L’émission nette de billets de banque par habitant en 2018 s’élevait à plus de 5 000 euros à la Réunion et à Mayotte, un montant plus de deux fois supérieur à l’Hexagone (2 000 euros en moyenne) » ([81]) .
Aux transferts, réalisés de manière légale via des intermédiaires comme Western Union, s’ajoutent des flux d’espèces illicites qui pourraient représenter entre 100 et 150 millions d’euros par an selon les déclarations du préfet de Mayotte lors de son audition.
2. Le dispositif initial
L’article 9 du projet de loi crée un nouvel article L. 561-10-5 au sein du code monétaire et financier aux termes duquel, à Mayotte, les prestataires de services de paiement sont tenus, en complément des mesures de vigilance déjà existantes, de procéder à la vérification de la régularité du séjour de leur client non ressortissant de l’Union européenne avant de réaliser une opération de transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces.
La vérification de la régularité du séjour s’effectue par la présentation de l’original d’un document de séjour. L’absence de présentation d’un tel justificatif fait obstacle à la transmission des fonds.
Le nouvel article L. 561-10-5 s’applique aux organismes mentionnés du 1° aux 1° quater de l’article L. 561-2, à savoir les établissements de crédit, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique ainsi que les agents mandatés par ces prestataires, à l’instar des buralistes ou des « taxiphones ».
Seule la transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces est concernée par cette nouvelle obligation de vigilance, conformément à la sensibilité particulière à la fraude de ces opérations. La transmission de fonds à partir de monnaie électronique ou des virements à partir d’un compte bancaire demeurera possible pour les étrangers résidant en situation irrégulière.
Enfin, l’article 9 du projet de loi prévoit que cette nouvelle obligation de vigilance entre en vigueur à compter du premier jour du deuxième mois suivant celui de la publication de la présente loi.
3. Les modifications apportées par le Sénat
● La commission des Lois du Sénat a procédé à plusieurs modifications du dispositif.
En premier lieu, par un amendement COM-61 des rapporteurs, la commission des Lois du Sénat a créé un nouveau délit réprimant de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende le fait de procéder ou de participer, pour le compte d’un étranger en situation irrégulière, à une opération de transmission de fonds mentionnée à partir d’un versement d’espèces afin de faire échec à l’exécution de la nouvelle mesure de vigilance ainsi créée. La peine d’interdiction du territoire français pour une durée de dix ans peut également être prononcée à l’encontre de l’étranger condamné pour ce délit.
En second lieu, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement rédactionnel COM-62 des rapporteurs.
● En séance publique, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel n° 164 des rapporteurs.
4. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article en adoptant trois amendements identiques des groupes La France Insoumise – Nouveau Front Populaire, Écologiste et Social, et Gaude Démocrate et Républicaine ([82]) .
* *
Chapitre IV
Renforcer la lutte contre l’habitat informel
Article 10
Facilitation des opérations de résorption de l’habitat informel
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article adopté par la commission avec modifications
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article vise à faciliter les opérations de résorption de l’habitat informel en prévoyant une application spécifique à Mayotte des dispositions actuellement prévues par l’article 11‑1 de la loi du 23 juin 2011. L’article 11-2 de la loi précitée, qui serait nouvellement créé, prévoirait ainsi :
– de réduire d’un mois à quinze jours le délai minimum accordé aux occupants pour évacuer les locaux et installations relevant de l’habitat informel en raison de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ;
– d’assouplir l’obligation pour le préfet d’annexer à l’arrêté d’évacuation et de démolition une proposition de relogement ou d’hébergement d'urgence ;
– de réformer les modalités relevant de l’opération de « flagrance » :
● L’article propose d’élargir, au-delà des seuls officiers de police judiciaire, le champ des agents pouvant constater l’installation sans droit ni titre ;
● Il allonge de quatre‑vingt‑seize heures à sept jours le délai de « flagrance » durant lequel la construction d’un local ou d’une installation sans droit ni titre peut faire l’objet d’un constat, qui donne la possibilité au préfet d’ordonner sa démolition dans un délai de vingt‑quatre heures à compter de la notification de l’acte ;
● Il prévoit, enfin, le cas où les locaux qu’il est ordonné de démolir dans le cadre d’un arrêté de « flagrance » seraient occupés, en fixant également le délai minimum d’évacuation à quinze jours.
I. l’habitat informel à mayotte, un phénomène persistant malgré des dispositifs existants
A. L’habitat informel, un phénomène endémique à Mayotte
Le développement de l’habitat informel, au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, renvoie à l’édification sans droit, ni titre de locaux ou d’installations à usage d’habitation sur le terrain d’assiette, « dénués d’alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales, ou de voiries ou d’équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes ».
Ce phénomène constitue une menace préjudiciable pour la sécurité et la santé de ses occupants. En effet, ces installations informelles exposent leurs occupants à des conditions de vie précaires et insalubres, et favorisent la propagation de maladies et les incendies domestiques.
La préfecture de Mayotte estime que l’insalubrité concernait près de trois quarts de l’habitat à Mayotte avant même le passage du cyclone Chido.
En outre, étant érigées sans autorisation ni supervision technique et avec des matériaux de récupération ne répondant à aucune norme de solidité ou de stabilité, les infrastructures des habitations informelles sont dangereuses pour la sécurité de leurs habitants. Leur implantation fréquente dans des zones inondables, sur des pentes instables ou à proximité d’axes à fort trafic routier accentue le risque d’accidents graves.
À Mayotte, le parc de logements était évalué en 2022 à 70 300 résidences principales, dont 22 369 habitations de fortune dites « bangas », principalement constituées de tôles, et vingt mille logements dits « en dur » présentant des défauts graves.
En raison de leur fragilité structurelle, ces constructions sont particulièrement exposées et vulnérables aux aléas climatiques, comme les cyclones, les fortes pluies ou les glissements de terrain. Or, la densité excessive, l’enchevêtrement des habitations et le manque de voiries et d’équipements collectifs propres à en assurer la desserte entravent l’accès des secours et compromettent ainsi les capacités d’intervention rapide en cas d’urgence.
B. Des dispositifs existants insuffisants pour résorber l’habitat informel
L’article 197 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Elan » a créé un article 11-1 au sein de la loi n° 2011‑725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre‑mer, dite loi « Letchimy », instituant au I de cet article un régime de police administrative dérogatoire, permettant au préfet d’ordonner l’évacuation et la démolition d’un habitat informel lorsque les installations répondent à trois critères cumulatifs :
– être édifiées sans droit ni titre et constituer un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement ;
– former un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette ;
– présenter des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.
Selon les données communiquées par la direction générale des outre‑mer (DGOM), la quasi‑totalité des opérations de résorption de l’habitat informel ont été menées sur le fondement du I de l’article 11-1 de la loi Letchimy en 2023 et 2024 – une opération étant associée à la prise d’un arrêté préfectoral.
– 2023 : 11 opérations réalisées, 701 bangas démolis et 512 occupants hébergés ;
– 2024 : 8 opérations réalisées, 902 bangas démolis et 184 occupants hébergés ([83]).
En outre, l’article 197 de la loi Elan a également introduit au II de l’article 11-1 de la loi du 23 juin 2011 précité une procédure plus courte en cas d’implantation en cours d’un habitat illégal, afin de permettre rapidement de procéder à la démolition de la structure.
Cette procédure prévoit qu’un procès-verbal soit dressé par un officier de police judiciaire (OPJ) lorsqu’il constate qu’une construction illégale est en cours d’édification.
A posteriori, l’article 15 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement a modifié ce II et a créé un délai dit de « flagrance », permettant la constatation par procès-verbal de l’édification d’une installation illégale, non plus seulement lorsqu’elle est « en cours d’édification », mais aussi lorsqu’elle a été « construite depuis moins de quatre-vingt-seize heures ».
Depuis le début de l’année 2025, huit arrêtés préfectoraux ont été pris au titre du II de l’article 11-1 de la loi Letchimy, soit environ trente constructions démantelées.
Toutefois, il est constaté une mise en œuvre limitée de ces dispositions, du fait de difficultés d’application, notamment par manque de moyens et d’ingénierie, mais également par l’ampleur du phénomène de l’habitat informel à Mayotte.
C. La Recrudescence des phénomènes climatiques extrêmes renforce l’urgence de résorber l’habitat informel à mayotte
1. Des habitats informels détruits par le cyclone Chido et rapidement reconstruits
Le cyclone Chido, le plus intense que Mayotte ait connu depuis près de 90 ans, avec des rafales de vent dépassant les 236 kilomètres par heure (catégorie 4 sur 5), suivi par le cyclone Dikeledi, ont dévasté l’île : la quasi-totalité des infrastructures publiques et privées a été soit endommagée, soit détruite.
À ce jour, la préfecture de Mayotte n’est pas en mesure de donner un chiffre précis sur le nombre de personnes et d’habitats informels touchés par le cyclone, car le décompte des habitats n’est pas établi et le décompte individuel des habitants au sein des bidonvilles n’est pas opérant. La préfecture estime toutefois que près de 90 % des habitats informels ont été détruits par le cyclone.
La DGOM déclare que, en plus de la fragilité de ces constructions, l’ampleur des dégâts s’explique également par leur forte densité, résultant de la faiblesse de foncier disponible. Mayotte est en effet un archipel montagneux, avec cinq massifs érodés. Les deux tiers de la surface de Grande-Terre ont, par exemple, des pentes supérieures à 15 %.
En outre, les tôles utilisées pour édifier les « bangas » se sont transformées en projectiles particulièrement dangereux pour les habitants de l’île lors du passage du cyclone, renforçant l’urgence d’encadrer l’édification d’habitats informels à l’avenir.
Cependant, alors que le Gouvernement souhaitait empêcher à Mayotte la reconstruction des bidonvilles détruits par le cyclone, « la quasi-totalité des constructions informelles ont été reconstruites illégalement dès le lendemain du passage du cyclone et dans des temps records », assurait le préfet de Mayotte lors de son audition.
Après le passage du cyclone dans la nuit du 13 au 14 décembre 2024, les actions des services de l’État se sont orientées prioritairement vers la gestion de l’urgence, que la préfecture de Mayotte résume en trois missions essentielles : la protection et les secours, la délivrance de nourriture et d’eau, et le rétablissement des fonctions vitales. Dans ce contexte de crise, la reconstruction des bidonvilles n’a pu être évitée.
La préfecture a toutefois pris un arrêté restreignant à compter du 4 janvier 2025 la vente de tôles bac acier aux particuliers réparant leur domicile sur présentation d’un justificatif d’identité et d’un justificatif de domicile, et aux professionnels inscrits au registre national des entreprises dans le but d’empêcher le développement de l’habitat informel. La juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, saisi par plusieurs associations, a rejeté la demande de suspension de l’arrêté que présentaient les requérants ([84]) .
Pourtant, malgré les restrictions posées par cet arrêté, il n’a pas été constaté à Mayotte de réduction sensible dans l'édification de bangas en tôle. La DGOM explique en effet qu’il « est possible de s’approvisionner dans les zones tampons de déchets d’habitation ou de bâtiments inhabités touchés par le cyclone et dont une partie des matériaux demeure exploitable ».
2. Les dispositifs existants pour lutter contre l’habitat informel apparaissent insuffisants au regard des difficultés de leur mise en œuvre
La lutte contre l’implantation et l’extension de l’habitat informel et insalubre exige une politique de long terme et pose de nombreuses difficultés.
Si l’article 197 de la loi Elan précitée fait obligation au préfet d’annexer à l’arrêté de démolition une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant, une grande partie des personnes concernées refuse les propositions d’hébergement qui leur sont faites et part à la recherche d’autres terrains inoccupés pour reconstruire leurs cases en tôles.
De plus, en l’absence de proposition d’hébergement ou de relogement aux occupants du site à démolir, l’arrêté préfectoral ordonnant l’évacuation et la démolition de l’habitat informel ne peut être pris. Or, si le parc d’hébergement financé par l’État se développe et se diversifie, la DGOM estime qu’« il reste encore sous dimensionné au regard du chantier immense de destruction des bidonvilles engagé par l’État ces dernières années et des effets de la pression migratoire ».
Places d’hébergement à Mayotte
Le territoire mahorais comptait, avant le cyclone Chido, 1 717 places d’hébergement généraliste, dont :
– 293 places d’hébergement d’urgence, dont 39 places destinées aux femmes victimes de violence ;
– 1408 places d’hébergement d’insertion, dont 8 places destinées aux femmes victimes de violence ;
– 16 places d’hébergement de réinsertion.
Il comptait également 600 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile, dont :
– 50 places nuitées pour primo-arrivants ;
– 450 places d’hébergement pour demandeurs d’asile ;
– 100 places équivalent CPH pour réfugiés.
Les places d’hébergement sont réparties dans des structures collectives dédiées et en diffus, dans des logements.
Source : direction générale des outre‑mer.
Par ailleurs, les recours présentés par les occupants devant le tribunal administratif suspendent immédiatement l’exécution des arrêtés préfectoraux et retardent ainsi la conduite des opérations programmées.
Dans ce contexte, les instruments de résorption des bidonvilles apparaissent insuffisants en l’état pour lutter efficacement contre le développement de l’habitat informel à Mayotte.
II. Faciliter les opérations de résorption de l’habitat informel à Mayotte
A. La création de dispositions spécifiques à Mayotte
L’article 10 du projet de loi prévoit des dispositions spécifiques à l’habitat informel pour Mayotte, avec la création d’un nouvel article 11-2 inséré au sein de la loi Letchimy de 2011.
Les dispositions prévues à l’article 11-1 de ladite loi, qui s’appliquaient à Mayotte, ne concerneraient ainsi plus que la Guyane.
Les modifications proposées avec ce nouvel article 11-2 sont les suivantes :
– une réduction du délai minimum d’exécution volontaire de l’ordre d’évacuation des bidonvilles, passant d’un mois à quinze jours ;
– un assouplissement de l’obligation pour le préfet d’annexer à l’arrêté d’évacuation et de démolition une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence ;
En l’état du droit, les dispositifs issus de la loi Elan et la loi du 9 avril 2024 précités sont subordonnés à l’existence de solutions de relogement ou d’hébergement d’urgence. Or, ces dispositifs sont difficilement mobilisables, voire inapplicables à très court terme à Mayotte au regard des besoins importants d’une population en forte croissance et de l’extrême rareté de l’offre d’hébergement disponible.
– une extension de la durée minimum en vue d’une opération de « flagrance » et un élargissement du champ des agents pouvant constater l’installation sans droit ni titre.
En l’espèce, le projet de loi étend à sept jours, au lieu de quatre‑vingt‑seize heures, la possibilité qu’il soit constaté, dans le cadre d’une opération de « flagrance », qu’un local ou une installation a été construit sans droit ni titre dans un secteur d’habitat informel, permettant ainsi au représentant de l’État dans le département d’ordonner par arrêté au propriétaire de procéder à sa démolition dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l’acte.
Bilan des opérations de flagrance
Une vingtaine d’opérations de flagrance ont été réalisées ces dernières années.
Toutefois, d’après la direction générale des outre‑mer (DGOM), « depuis son entrée en vigueur, dans la pratique, cette mesure se révèle peu appropriée et sans portée réelle. En effet, les personnes qui construisent sans droit ni titre ces habitats connaissent la portée de la loi et adaptent leur pratique pour la rendre inopérante.
Une étude de la dynamique de propagation de l’habitat informel a été réalisée par comparaison d’orthophotographies acquises par drone par la société « DroneGo » à Mayotte. Des survols hebdomadaires ont été réalisés : ils montrent que ces constructions ont surtout lieu durant le week-end.
Les intéressés débutent délibérément les édifications en toute fin de semaine, souvent le vendredi après-midi, et les achèvent durant le samedi et le dimanche, jours durant lesquels la surveillance des services est évidemment moindre, voire absente, afin de mettre ainsi les services de l’État devant le fait accompli le lundi d’une construction achevée et non plus en cours d’édification.
C’est pour cette raison qu’il est choisi de retenir un délai suffisant, au-delà de 96 heures, de sept jours pour la détermination de cette flagrance.
Allonger le délai [de flagrance] permet également de détecter et de monter des opérations de destructions des habitats dans les secteurs reculés ou difficiles d’accès, qui ne sont pas visibles depuis le ciel ou des axes principaux. »
En outre, il est désormais prévu que toute personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 480‑1 du code de l’urbanisme serait compétente pour effectuer ce constat. Cela concernerait ainsi tous les officiers ou agents de police judiciaire, mais également tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet (par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent) et assermentés.
Mayotte compte actuellement 150 officiers de police judiciaire (OPJ) pour la gendarmerie et 104 OPJ pour la direction territoriale de la police nationale (DTPN).
Le plan « Mayotte Debout » prévoit un renfort de 10 OPJ pour la gendarmerie.
La Préfecture de Mayotte s’appuie sur les dix-sept maires de Mayotte, également eux‑mêmes OPJ, pour effectuer les constats, prendre des arrêtés de flagrance et solliciter le concours de la force publique.
Source : direction générale des outre‑mer (DGOM).
Enfin, le projet de loi complète les dispositions sur l’opération de « flagrance ». Lorsque les locaux qu’il est ordonné de démolir dans le cadre d’un arrêté de « flagrance » sont occupés, le délai d’évacuation des occupants est également fixé à quinze jours à compter de la notification de l’arrêté.
En revanche, lorsque le propriétaire n’occupe pas le local ou l’installation, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de vingt‑quatre heures à compter de l’évacuation volontaire des lieux.
Il est précisé par cet article qu’à défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au livre foncier, la notification les concernant est effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et installations concernés.
B. Les modifications apportées par le sénat
Outre un amendement rédactionnel, deux ajustements ont été opérés par la commission des affaires économiques du Sénat.
● D’une part, la commission des affaires économiques du Sénat a souhaité sécuriser juridiquement le dispositif en adoptant un amendement du rapporteur visant à faire de la possibilité de ne pas proposer de relogement ou d’hébergement d’urgence aux personnes à évacuer une mesure d’exception, circonscrite dans le temps et conditionnée à la prise en compte des circonstances locales.
En l’espèce, cette possibilité serait limitée à une durée de dix ans à compter du passage du cyclone Chido, soit jusqu’au 13 décembre 2034.
● D’autre part, en adoptant un amendement du rapporteur, la commission des affaires économiques du Sénat a prévu de limiter le caractère suspensif aux seuls recours en référé-liberté afin d’accélérer l’exécution des opérations de résorption.
En l’espèce, seul l’exercice du référé‑liberté, prévu à l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), suspendrait les délais d’exécution d’office, alors que le projet de loi initial prévoyait également cette suspension des délais d’exécution d’office pour le référé‑suspension (art. L. 521‑1 du CJA) et le référé‑mesures utiles (art. L. 521‑3 du CJA).
Cet amendement a été justifié par la volonté de trouver un équilibre entre accélération de la mise en œuvre des opérations de résorption de l’habitat informel et garantie d’une voie de recours effective.
Concernant le référé-liberté, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures et peut ordonner toutes mesures utiles à la sauvegarde d’une liberté fondamentale, y compris la suspension d’une décision administrative. Toutefois, le succès de la requête est subordonné à deux conditions cumulatives strictes : une situation d’urgence et l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
En comparaison, l’intervention du juge du référé-suspension n’est subordonnée, en plus de l’urgence, qu’à l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision, c’est-à-dire à une condition moins restrictive. En outre, l’intervention du juge du référé‑mesures utiles est conditionnée, en plus de l’urgence, à la démonstration de l’utilité de la mesure, qui ne doit pas aller à l’encontre d’une décision administrative existante.
L’obligation d’évacuer les lieux et l’obligation de les démolir touchent notamment au droit à une vie familiale normale et à la dignité de la personne humaine. Ainsi, les intéressés seraient vraisemblablement susceptibles de revendiquer l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et donc d’exercer utilement un référé liberté pour contester la décision concernée.
● En droit, cette limitation du caractère suspensif aux seuls recours en référé-liberté marquerait un encadrement plus strict du droit à un recours juridictionnel effectif des personnes intéressées, mais ne devrait pas être inconstitutionnelle de ce seul fait.
Les services de l’État estiment en effet que « cette restriction prise isolément ne paraît pas créer, en l’état de la jurisprudence constitutionnelle, un déséquilibre manifeste dans la conciliation du droit au recours avec les autres exigences à valeur constitutionnelle en présence ».
Jurisprudence constitutionnelle relative à l’absence de caractère suspensif d’un recours
Si le droit à un recours juridictionnel effectif découle des exigences posées par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel juge pour autant que ce droit n’est pas absolu et que le législateur peut y apporter des restrictions, pourvu qu’elles ne constituent pas des atteintes substantielles (décision n° 2023-1077 QPC du 24 janvier 2024).
Pour le juge constitutionnel, l’absence de caractère suspensif d’un recours ne méconnaît donc pas en lui-même le droit à un recours juridictionnel effectif (décision n° 2023-1038 QPC du 24 mars 2023). Pour déterminer si l’absence de caractère suspensif est contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel prend en compte l’objectif poursuivi par le législateur et la gravité des effets de la mesure.
● Toutefois, l’opportunité d’une telle limitation peut faire l’objet d’interrogations.
Tout d’abord, si un référé suspension ou un référé‑mesures utiles est jugé dans un délai plus long qu’un référé‑liberté, autour d’un mois en moyenne, la différence, en pratique, n’est que de quelques semaines.
Par ailleurs, le juge administratif tend à s’adapter à l’urgence de l’affaire pour rendre sa décision en temps utile.
En outre, les services de l’État estiment qu’il est « de particulière mauvaise administration de procéder à l’exécution d’office d’une décision qui fait l’objet d’un recours en référé avant que le juge ne statue : cette exécution d’office prive d’effet utile le recours, et expose l’administration à un recours en responsabilité dans le cas où l’arrêté serait illégal ».
Dans ce contexte, votre rapporteur estime opportun de réintroduire le caractère suspensif pour le recours en référé‑suspension et en référé‑mesures utiles, les quelques jours supplémentaires requis pour l’examen de ce référé pouvant s’avérer utiles avant l’exécution de la décision.
III. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission des affaires économiques a adopté cet article dans une rédaction modifiée par quatre amendements rédactionnels du rapporteur (CE91, CE92, CE94 et CE93).
TITRE III
PROTÉGER LES MAHORAIS
Chapitre Ier
Renforcer le contrôle des armes
Article 11 (supprimé)
(art. L. 342-2, L. 342-3, L. 342-4, L. 342-5, L. 342-6, L. 342-7 et L. 342-8 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure)
Visites domiciliaires aux fins de saisies d’armes
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 11 créé un régime propre à Mayotte de visites domiciliaires aux fins de recherche et de saisie d’armes. Lorsque la localisation des lieux visés le justifie, les agents chargés de la visite pourront être autorisés à traverser des locaux ou installations tiers afin de rejoindre le lieu visé par l’ordonnance autorisant la visite.
Dernières modifications législatives intervenues
Le dispositif de l’article 11 s’inspire du régime des visites domiciliaires aux fins de lutte contre le terrorisme créé par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme et pérennisé par la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a apporté des modifications rédactionnelles à cet article.
La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article.
Le respect de la vie privée et familiale et l’inviolabilité du domicile constituent des principes constitutionnellement garantis. Pour autant, l’exigence de prévention des atteintes à l’ordre public permet l’existence de plusieurs dispositifs législatifs permettant des perquisitions ou des visites domiciliaires.
a. Les perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence
L’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence permet à l’autorité administrative, durant l’état d’urgence, d’ordonner des perquisitions en tout lieu, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.
Cette procédure administrative ne nécessite pas l’accord préalable d’un juge mais le procureur de la République territorialement compétent est informé sans délai. La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire et ne peut se dérouler qu’en présence de l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins.
b. Les visites domiciliaires de droit commun
Le code de la sécurité intérieure (articles L. 229-1 et suivants) permet aussi la réalisation de visites domiciliaires dans un contexte de lutte contre le terrorisme. Elles sont encadrées de façon plus ferme que les perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence.
La visite est autorisée par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, sur saisine motivée du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, après avis du procureur de la République antiterroriste.
Ces visites ne peuvent avoir pour finalité que la prévention de la commission d’actes de terrorisme et ne peuvent être autorisées que lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser :
– qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics
– et que cette personne soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.
2. Le dispositif proposé
L’article 11 crée un régime spécifique de visite et saisie aux fins de recherche d’armes. Inspiré du régime mis en place par la loi du 30 octobre 2017, il en diffère dans ses finalités (recherche et saisie d’armes et munitions) et dans son champ d’application géographique, strictement limité au territoire mahorais ([85]).
Deux spécificités propres au territoire mahorais justifient la création d’un tel régime.
– d’une part, la prévalence de l’habitat informel et ses caractéristiques que sont la confusion entre lieux d’habitation et locaux à usage professionnel ;
Habitat informel au sens de l’article 1-1 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement
[…]
Sont constitutifs d’un habitat informel les locaux ou les installations à usage d’habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d’assiette, dénués d’alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales, ou de voiries ou d’équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes.
[…]
– d’autre part, la prévalence élevée des infractions commises avec une arme, soulignée par l’étude d’impact et par les auditions de plusieurs acteurs de terrain comme la préfecture de Mayotte ou les forces de sécurité intérieure. Cette prévalence justifie la finalité du régime de visites ainsi instauré. Le taux de vols avec armes pour 1 000 habitants est de 2,4 % contre 0,1 % en moyenne nationale tandis que le nombre de victimes de vols avec arme est en très forte augmentation (+ 203 % entre 2016 et 2024).
Ces dispositions pourront trouver matière à s’appliquer de façon autonome mais aussi en complément de celles de l’article 12 pour faciliter la saisie des armes non remises dont les autorités auraient néanmoins connaissance.
L’article 11 créé une nouvelle section au sein du code de la sécurité intérieure, comptant sept nouveaux articles L. 342-2 à L. 342-8.
a. Le dispositif général (articles L. 342-2 et L. 342-3)
i. Le cadre général
L’article L. 342-2 permet au juge des libertés et de la détention du tribunal de Mamoudzou, sur saisine motivée du représentant de l’État dans le département, de prendre une ordonnance écrite et motivée afin « d’autoriser la visite de tout lieu », « aux seules fins de procéder à la saisie, en vue de leur destruction, d’armes, des munitions ou de leurs éléments relevant des catégories A à D ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique ».
Il faut que les circonstances fassent « craindre des troubles graves à l’ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d’une arme » et que la personne visée soit soupçonnée de participation aux violences.
ii. Un accès facilité aux lieux
L’ordonnance peut aussi autoriser les agents à traverser des locaux ou installations même non visés par l’ordonnance et à la seule fin de rejoindre le lieu visé par l’ordonnance lorsque la visite vise un lieu enclavé, inaccessible depuis la voie publique ou constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990. Certains lieux visés peuvent en effet, en raison de la caractéristique de l’habitat à Mayotte, ne pas être accessibles depuis l’espace public.
En revanche cette visite ne peut viser de locaux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats ou des journalistes, ni leur domicile, la disposition étant en cela similaire au droit commun des visites domiciliaires dans le cadre de la lutte antiterroriste.
iii. L’ordonnance de visite
Elle mentionne :
– L’adresse ou l’identification des lieux dans lesquels les opérations de visite et de saisie peuvent être effectuées ;
– Le service et la qualité des agents habilités à procéder à la visite et à la saisie autorisées,
– La faculté pour l’occupant de faire appel à un conseil de son choix ;
– Le cas échéant, les locaux dont la traversée est « strictement nécessaire » pour atteindre le lieu visé.
iv. Le déroulement de la visite (article L. 342-3)
L’ordonnance est notifiée sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou son représentant.
La visite a lieu en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, et en cas d’absence de l’occupant, la visite ne peut avoir lieu qu’en présence de deux témoins non soumis à l’autorité des agents chargés de la visite.
Elle ne peut avoir lieu entre 21 heures et 6 heures du matin, sauf autorisation écrite expresse et motivée du juge des libertés et de la détention, fondée sur l’urgence ou les nécessités de l’opération.
Elle a lieu sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention l’ayant autorisée, qui donne toutes instructions aux agents participant à l’opération. Il peut se rendre sur les lieux pendant l’opération et, à tout moment, sur saisine de l’occupant des lieux ou de son représentant, ou de son propre chef, en décider la suspension ou l’arrêt.
L’opération donne lieu à un procès-verbal détaillant ses modalités, son déroulement et ses résultats (constatation d’une infraction, inventaire des armes, munitions et éléments saisis). Ce procès-verbal mentionne aussi le cas échéant les locaux et installations traversés.
b. Les suites de la visite : extension, retenue sur place et cas où des armes ou munitions sont saisies
i. Visite d’autres lieux sans délai
En cas de découverte, « à l’occasion de la visite », d’autres lieux répondant aux conditions du premier alinéa de l’article L. 342-2 du code de la sécurité intérieure, les agents procédant à la visite peuvent procéder à la visite de ces lieux « sans délai ». Ils doivent pour cela obtenir l’autorisation du juge des libertés et de la détention ayant pris l’ordonnance initiale. Cette autorisation est mentionnée au procès-verbal (dernier alinéa de l’article L. 342-3).
ii. Retenue sur place (article L. 342-5)
L’article L. 342-5 permet une retenue sur place, par l’officier de police judiciaire, de la personne dont il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.
Cette faculté peut être mise en œuvre lorsqu’elle est susceptible de fournir des renseignements sur les armes recherchées ou découvertes sur le lieu objet de la visite. Elle donne lieu à mention au procès-verbal.
Cette retenue sur place est assortie de garanties :
– Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mamoudzou est informé « sans délai ». Son accord exprès est nécessaire lorsqu’il s’agit d’un mineur.
– Sa durée ne peut excéder quatre heures à compter du début de la visite, le juge des libertés et de la détention pouvant y mettre fin à tout moment. Elle s’impute, le cas échéant, sur la durée de la garde à vue.
– La personne retenue bénéficie d’une information par l’officier ou agent de police judiciaire dans une langue qu’elle comprend. Cette information porte sur le fondement légal de son placement en retenue, la durée maximale de la mesure, le droit de la personne retenue de garder le silence ou de faire prévenir toute personne de son choix ainsi que son employeur ([86]). Sauf « circonstance insurmontable », devant être mentionnée au procès-verbal, la demande doit être satisfaite dans les deux heures suivant sa formulation.
iii. Conservation des armes et interdiction subséquente d’acquérir ou de détenir des armes (articles L. 342-6 et L. 342-7)
L’article L. 342-6 organise la conservation des armes, munitions et de leurs éléments éventuellement saisis.
Leur conservation est confiée aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. L’intéressé peut faire valoir ses observations avant la saisie définitive sur proposition du représentant de l’État.
Lorsque la saisie est définitivement prononcée, les armes, munitions et leurs éléments sont détruits. Toutefois, les armes de catégories A à C ([87]) légalement détenues par une personne non visée par l’ordonnance de visite et de saisie font l’objet d’une procédure contradictoire préalable à la destruction.
Conformément aux dispositions de l’article L. 342-7 qui prévoit l’applicabilité de l’article L. 312-10 aux saisies réalisées, il est interdit aux personnes dont l’arme, les munitions et leurs éléments ont été saisis d’acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments, quelle que soit leur catégorie. Cette interdiction cesse de produire ses effets si le représentant de l’État dans le département décide la restitution ou si ce dernier, après la saisie définitive, en décide la levée en considération du comportement du demandeur ou de son état de santé depuis la décision de saisie.
c. Recours et contentieux indemnitaire (articles L. 342-4 et L. 342-8)
i. Appel et cassation (article L. 342-4)
Sont susceptibles d’appel :
– L’ordonnance autorisant la visite et les saisies, dans un délai de 15 jours, devant le président de la chambre d’appel de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion située à Mamoudzou. Cet appel n’est pas suspensif et les parties ne sont pas tenues de constituer avocat (I de l’article L. 342-4) ;
– Le déroulement des opérations de visite et de saisies autorisées, dans un délai est de 15 jours à compter de la remise ou réception du procès-verbal de la visite, devant le président de la chambre d’appel de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion située à Mamoudzou. L’appel n’est pas suspensif et les parties ne sont pas tenues de constituer avocat (II de l’article L. 342-4).
Dans les deux cas, l’ordonnance d’appel est susceptible de pourvoi en cassation, selon les règles de droit commun, dans un délai de 15 jours.
ii. Contentieux indemnitaire (article L. 342-8)
L’article L. 342-8 prévoit la compétence du juge judiciaire pour connaître du contentieux indemnitaire fondé sur les dispositions nouvelles de l’article 11 proposé, dans les conditions de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. Cet article exige notamment une faute lourde pour l’engagement de la responsabilité de l’État pour mauvais fonctionnement de la justice.
Il ressort aussi des informations fournies par la DLPAJ que, s’il existe un principe civiliste selon lequel les intérêts lésés doivent être licites pour être indemnisés, le caractère irrégulier de l’habitat ne rend pas nécessairement illicite l’intérêt de protection du domicile de la personne. Le caractère irrégulier de l’habitat n’apparaît donc pas de nature à priver la personne concernée de tout droit d’engager une action en responsabilité, en cas de faute lourde, sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté des modifications rédactionnelles sur cet article.
4. La position de la Commission
La Commission a supprimé cet article en adoptant des amendements déposés par M. Taché (LFI), Mme Regol (EcoS) et Mme K/Bidi (GDR).
*
* *
Article 12
(art. L. 342-9 [nouveau] du code de la sécurité intérieure)
Arrêté préfectoral de remise générale des armes à Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 12 permet au représentant de l’État à Mayotte d’ordonner par arrêté la remise provisoire des armes, des munitions ou de leurs éléments relevant des catégories A à D ainsi que des « objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique ». Il crée ainsi un dispositif général et impersonnel de remise de leurs armes par les personnes en possédant, afin de prévenir des troubles graves à l’ordre public résultant de violences commises sous la menace de, ou avec usage d’une arme.
Dernières modifications législatives intervenues
Sans objet.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
La position de la Commission
La Commission a adopté cet article avec des modifications à caractère rédactionnel.
1. L’état du droit
Les dispositions en vigueur permettant au préfet d’ordonner la remise des armes de façon individuelle ou collective n’apparaissent pas suffisantes eu égard à la situation du territoire mahorais ([88]).
Deux dispositions du code de la sécurité intérieure permettent au préfet de mettre en œuvre des mesures de dessaisissement à caractère individuel :
– si le comportement ou l’état de santé d’une personne détentrice d’armes, de munitions ou de leurs éléments présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le préfet peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l’autorité administrative, quelle que soit leur catégorie (articles L. 312-7 à L. 312-10 du CSI).
L’arme, les munitions et les éléments remis ou saisis sont confiés pendant une durée maximale d’un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. Pendant la durée de saisie, le détenteur est inscrit au Fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes (FINIADA). Cette interdiction prend fin en cas de restitution de l’arme ou, en cas de saisie définitive, peut être levée par le représentant de l’État dans le département.
– le représentant de l’État dans le département peut ainsi ordonner à tout détenteur d’une arme, de munitions ou de leurs éléments de toute catégorie de s’en dessaisir, pour des raisons d’ordre public ou de sécurité des personnes, dans un délai qui ne peut excéder trois mois (articles L. 312-11 et suivants). Cette mesure emporte inscription des personnes concernées au FINIADA, qui peut être levée par le représentant de l’État dans le département.
L’autorité administrative peut ordonner une remise à caractère général des armes dans le cadre de l’état d’urgence, sur le fondement de l’article 9 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Cet article vise les armes de catégorie A à C.
Le préfet peut enfin agir sur le fondement de ses pouvoirs de police générale. À Mayotte, l’arrêté 2025-CAB-152 pris sur le fondement de l’article L. 2215-1-3 du code général des collectivités territoriales interdit ainsi « la vente, le port, le transport et l’utilisation sans motif légitime de machettes, chombos et autres objets assimilés sur l’ensemble du territoire de Mayotte » pour une période allant du 1er avril au 31 octobre 2025.
Ces procédures sont insuffisantes. Comme le remarque l’étude d’impact, les deux procédures issues du code de la sécurité intérieure « visent à déposséder définitivement un détenteur de ses armes et à l’empêcher de faire l’acquisition de nouvelles armes » ([89]). La mise en œuvre de l’état d’urgence répond quant à elle à des conditions précises, qualifiées comme un « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou à des « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » ([90]).
2. Le dispositif proposé
Le dispositif proposé présente un caractère impersonnel. Le nouvel article permet en effet au représentant de l’État à Mayotte, si les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d’une arme, d’ordonner par arrêté la remise des armes, des munitions ou de leurs éléments relevant des catégories A à D ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique.
Les catégories d’armes prévues par le code de la sécurité intérieure
Le code de la sécurité intérieur réglemente l’acquisition et la détention des armes, divisées à cet effet en quatre catégories, A, B, C ou D (articles L. 311-2 et R. 311-2).
Les armes de catégorie A (soit certaines armes à feu ainsi que les matériels de guerre) sont interdites à la détention et à l’acquisition, sous réserve des cas prévus par le code de la sécurité intérieure.
L’acquisition ou la détention des armes de catégorie B sont soumises à un régime d’autorisation et celles des armes de catégorie C à un régime de déclaration.
Seules les armes de catégorie D – catégorie qui inclut les objets pouvant constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique – peuvent être librement achetées et détenues.
Leur conservation est confiée aux services de la police nationale ou de la gendarmerie territorialement compétents.
La durée de conservation des armes remises en application de cet article ne peut excéder six mois (trois mois renouvelables dès lors que les conditions prévues au premier alinéa continuent d’être réunies). À l’issue de ce délai, ou lorsque les conditions prévues au premier alinéa ne sont plus remplies, les armes et objets remis sont rendus à leur propriétaire ou, s’il apparaît qu’elles étaient détenues irrégulièrement, il est procédé à leur destruction. Les détenteurs des armes et objets remis en application du premier alinéa peuvent décider de les remettre à l’État aux fins de destruction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État
Le non-respect de l’arrêté est sanctionné par les peines prévues à l’article L. 317-6 du code de la sécurité intérieure, soit trois mois de prison et 3 750 euros d’amende, le cas échéant assortis d’une peine complémentaire de confiscation des armes, munitions et de leurs éléments dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition.
L’article 12 a donc pour effet d’interdire la possession, et indirectement, le port et le transport ainsi que l’achat ou la vente, des armes, objets et munitions visées, pendant la durée d’application de l’arrêté préfectoral. Il permettra en particulier de fournir une base juridique à la confiscation des armes qui n’auront pas été remises aux autorités et dont la détention n’est pas en soi interdite par le droit commun.
Selon les précisions apportées par le DLPAJ, la liste des « objets dangereux susceptibles de constituer une menace dangereuse pour la sécurité publique » visés sera précisée dans l’arrêté du préfet. Il pourra s’agir, en particulier, des machettes ou objets assimilés qui circulent en grand nombre à Mayotte. Le commandant de la Gendarmerie de Mayotte rappelait ainsi au cours de son audition que les armes blanches sont « présentes partout ».
Les dispositions de l’article 11 pourront trouver matière à s’appliquer en complément de celles de l’article 12 pour faciliter la saisie des armes non remises dont les autorités auraient néanmoins connaissance.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article avec des modifications à caractère rédactionnel.
*
* *
Chapitre II
Renforcer la lutte contre l’emploi des étrangers sans titre
Article 13
(art. 900-2 [nouveau] du code de procédure pénale)
Facilitation du contrôle des lieux d’habitation abritant une activité professionnelle afin de mener les opérations de lutte contre le travail illégal à Mayotte
Adopté par la Commission sans modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 13 créé, par dérogation aux dispositions de l’article 78-2-1 du code de procédure pénale, un régime de contrôle des lieux à usage professionnel aux fins de lutte contre le travail illégal, spécifique à Mayotte. Est ainsi permise, dans certaines circonstances et par dérogation au droit commun, la visite et la traversée de lieux d’habitation.
Dernières modifications législatives intervenues
Sans objet.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modifications.
1. L’état du droit
La lutte contre le travail illégal répond à des considérations budgétaires et sociales : comme le souligne l’étude d’impact, « le travail illégal est souvent associé à des conditions de travail précaires, des salaires inférieurs au minimum légal et des pratiques abusives qui exploitent les travailleurs les plus vulnérables, notamment ceux en situation irrégulière » ([91]).
L’article 78-2-1 du code de procédure pénale, consacré aux contrôles, vérifications et relevés d’identité, prévoit la possibilité de procéder à une visite de locaux professionnels aux seules fins de rechercher des infractions de travail dissimulé.
Sont habilités à pénétrer dans les locaux à cette fin les officiers et agents de police judiciaire mentionnés aux articles 20 et 21 du même code, sur réquisitions du procureur de la République.
La finalité des visites ainsi autorisées est :
– de s’assurer que les activités menées ont donné lieu à l’immatriculation au registre national des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés lorsqu’elle est obligatoire, ainsi qu’aux déclarations sociales et fiscales nécessaires ;
– de se faire présenter le registre unique du personnel et les documents attestant que les déclarations préalables à l’embauche ont été effectuées ;
– de contrôler l’identité des personnes occupées, dans le seul but de vérifier qu’elles figurent sur le registre ou qu’elles ont fait l’objet des déclarations préalables à l’embauche.
Toutefois, le même article précise que les lieux ne peuvent être visités s’ils constituent un domicile, cette notion étant entendue, au sens du droit pénal, dans une acception large : la DLPAJ précise ainsi qu’il s’agit du « lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux » ([92]).
Cette disposition rend l’article 78-2-1 du code de procédure pénale partiellement inopérant sur le territoire mahorais, en particulier en raison de la forte prévalence de l’habitat informel (les bangas) caractérisé par une confusion importante entre lieux privés à usage d’habitation, lieux privés à usage professionnel et lieux publics.
2. Le dispositif proposé
a. Le dispositif général
Par l’ajout d’un nouvel article 900-2 au sein du code de procédure pénale, le projet de loi permet, uniquement à Mayotte, une dérogation à l’article 78-2-1 du même code.
Cette dérogation peut s’appliquer lorsque les lieux à usage professionnel devant être visités sont situés dans un périmètre d’habitat informel au sens de l’article 1er de la loi de 1990 précitée ([93]) et forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette.
Dans cette situation, les officiers et agents de police judiciaire, ainsi que les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire en matière de lutte contre le travail illégal, sont autorisés :
– à entrer dans ces lieux aux seules fins de procéder aux opérations prévues à l’article 78-2-1 et pour la seule recherche des infractions visées à cet article ;
– à traverser, dans un périmètre défini, les locaux qui l’enclavent, qu’il s’agisse ou non de lieux d’habitation.
Cette autorisation est accordée par ordonnance du juge des libertés et de la détention, sur réquisition du procureur de la République. Sa durée est de 15 jours maximum.
L’opération de contrôle se déroule en présence de l’occupant des lieux ou, en son absence, en présence de deux témoins. L’ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale. Le juge qui l’a autorisée contrôle la visite et peut se rendre sur place.
b. Appel, cassation et contentieux indemnitaire
L’ordonnance est susceptible d’appel, dans un délai de 15 jours, devant le président de la chambre d’appel de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion à Mamoudzou ([94]). L’appel n’est pas suspensif. L’ordonnance d’appel peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.
Le contentieux indemnitaire relève des juridictions de l’ordre judiciaire, dans les conditions de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. Cet article exige notamment une faute lourde pour l’engagement de la responsabilité de l’État pour mauvais fonctionnement de la justice.
Il ressort aussi des informations fournies par la DLPAJ que s’il existe un principe civiliste selon lequel les intérêts lésés doivent être licites pour être indemnisés, le caractère irrégulier de l’habitat ne rend pas nécessairement illicite l’intérêt de protection du domicile de la personne. Le caractère irrégulier de l’habitat n’apparaît donc pas de nature à priver la personne concernée de tout droit d’engager une action en responsabilité, en cas de faute lourde, sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modifications.
*
* *
TITRE IV
FAÇONNER L’AVENIR DE MAYOTTE
Chapitre Ier
Garantir aux Mahorais l’accès aux biens et aux ressources essentiels
Article 14
Adapter les dispositions relatives au recensement de la population à la situation particulière de Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 14 prévoit un recensement exhaustif en 2025 pour toutes les communes de Mayotte par dérogation aux dispositions de droit commun de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Dernières modifications législatives intervenues
Depuis l’article 147 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, qui a rendu applicable à Mayotte l’article 156 de la loi du 27 février 2002, le recensement est effectué à Mayotte dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire au cours d’un cycle de cinq ans.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
La position de la Commission
La Commission a complété cet article pour prévoir le versement aux communes de la dotation forfaitaire prévue au III de l’article 156 de la loi n° 2002‑276 du 27 février 2002 avant le début des enquêtes de recensement.
1. L’état du droit
Jusqu’en 2017, l’article 157 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité était applicable à Mayotte. Il précisait qu « il est procédé, tous les cinq ans, à des recensements généraux de la population en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Mayotte et dans les îles Wallis et Futuna ».
La loi du 28 février 2017 a fait entrer Mayotte dans le droit commun en matière de recensement, fixé par l’article 156 de la loi du 27 février 2002 dont le point VI dispose notamment que :
– pour les communes dont la population est inférieure à 10 000 habitants, les enquêtes sont exhaustives et ont lieu tous les cinq ans ;
– pour les communes dont la population est supérieure à 10 000 habitants, une enquête par sondage est effectuée chaque année sur un échantillon d’adresses différent.
Le X dispose que « le premier décret authentifiant les chiffres de population en application du VIII sera publié à la fin de la première période de cinq ans mentionnée au VI ».
Chaque année, un décret établit la liste des communes concernées par les enquêtes de recensement au titre de l’année suivante.
En application du droit commun, la suite du recensement devait avoir lieu à Mayotte en février 2025, pour compléter le cycle 2021-2024. Le cyclone Chido a toutefois empêché son organisation. En effet, le système ordinaire repose sur l’agrégation des résultats issus des recensements sur une période de cinq années, portant sur des portions différentes du territoire. Les mouvements de population engendrés par le cyclone rendent cette méthode « non pertinente » ([95]) en ce qui concerne Mayotte.
Au 1er janvier 2024, l’INSEE évaluait la population de l’île à 321 000 personnes. Pour autant, un certain nombre d’acteurs locaux considèrent que ce chiffre est sous-évalué. Or, de la fiabilité et de l’actualité du recensement dépend l’adéquation des politiques publiques, des dotations budgétaires et des dispositifs sociaux aux besoins réels de la population.
2. Le dispositif proposé
Le I de l’article 14 prévoit donc, par dérogation aux dispositions de l’article 156 de la loi du 27 février 2002, un recensement exhaustif en 2025 pour toutes les communes de Mayotte.
D’après les informations communiquées par l’INSEE à vos rapporteurs, les opérations de recensement commenceraient au mois de novembre 2025 pour s’achever au début de l’année 2026. Leur montant total est estimé à 3 millions d’euros, partiellement pris en charge par l’État au moyen de la dotation forfaitaire de recensement.
Par dérogation au X de l’article 156 de la loi du 27 février 2002, le II de l’article 14 prévoit que le décret authentifiant les chiffres de la population sera publié en 2026.
Le III de l’article 14 modifie en conséquence une disposition de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 déterminant la population prise en compte pour l’application de divers dispositifs à caractère financier (dotation globale de fonctionnement, péréquation des recettes fiscales).
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
4. La position de la Commission
À l’initiative des rapporteurs Mme Firmin le Bodo, M. Gosselin, M. Vigier et Mme Youssouffa, la Commission a complété cet article pour prévoir le versement aux communes de la dotation forfaitaire prévue au III de l’article 156 de la loi n° 2002‑276 du 27 février 2002 avant le début des enquêtes de recensement.
En effet, le calendrier de versement de cette dotation pourrait soulever des difficultés de trésorerie pour les communes mahoraises, obligées d’avancer les frais du recensement en attendant le versement de la dotation. Le maire de Mamoudzou a alerté les rapporteurs sur ce point au cours de son audition.
La dotation étant forfaitaire et non alignée sur les frais réellement engagés par les communes, le calcul de son montant ne devrait pas être affecté par un versement anticipé.
*
* *
Article 15
Habilitation à légiférer par ordonnance pour la convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 15 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances dans un délai de douze mois les mesures relevant du domaine de loi afin de faire converger la législation sociale à Mayotte avec celle en vigueur sur le reste du territoire, sous réserve d’adaptations tenant compte des caractéristiques et contraintes du territoire.
Dernières modifications législatives intervenues
Sans objet.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté deux amendements pour exclure du champ de l’habilitation l’aide médicale d’État et les dispositifs fiscaux contribuant à l’amélioration de la compétitivité et de l’emploi.
La position de la Commission
La Commission a adopté plusieurs amendements pour permettre le suivi et l’information du Parlement sur le processus de convergence sociale. Elle a aussi modifié le champ de l’habilitation pour supprimer l’exclusion de l’aide médicale d’État introduite par le Sénat et préciser, en ce qui concerne les cotisations, qu’il s’agit notamment d’étendre à Mayotte des dispositifs d’allégements de charges déjà en vigueur dans les autres collectivités de l’article 73 de la Constitution.
a. Mayotte est engagée dans une trajectoire de convergence des prestations sociales
La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 avait sensiblement étendu le champ d’application du principe d’identité législative à Mayotte, alors collectivité régie par l’article 74 de la Constitution. Toutefois, six matières – dont la protection sociale – en restaient exclues.
À la suite de la consultation du 29 mars 2009, qui a vu 95,2 % de suffrages exprimés en faveur de la création d’une collectivité de l’article 73 de la Constitution, les lois organiques du 3 août 2009 et du 7 décembre 2010, ainsi que la loi du 7 décembre 2010, ont achevé le processus de départementalisation.
Cette dernière, et le passage au plein régime de l’identité législative, n’emportaient pas pour autant application immédiate, automatique et indistincte de tout le droit commun en vigueur, comme l’a rappelé le rapporteur de la commission des Lois du Sénat ([96]) du projet de loi organique relatif au département de Mayotte (loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010). Le principe de l’identité législative n’est pas rétroactif et n’a pas pour effet de supprimer les textes spécifiques applicables à Mayotte au moment de l’application de ce principe à la collectivité. En ce qui concerne la protection sociale, le droit en vigueur repose notamment sur l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.
Conformément aux orientations du pacte de départementalisation proposé aux élus mahorais le 16 décembre 2008, l’étude d’impact du projet de loi organique relatif au département de Mayotte précisait que le rapprochement avec le droit commun en matière de prestations sociales et de cotisations de sécurité sociale se ferait « sur une période de vingt à vingt-cinq ans » ([97]), soit d’ici 2030 à 2035. Le rapporteur du Sénat précisait que « ce délai est réaliste, compte tenu des écarts actuels de niveau de vie entre Mayotte et, certes la métropole, mais aussi entre Mayotte et les autres départements d’outre-mer. »
Depuis la départementalisation, plusieurs ordonnances ont rapproché le régime mahorais de celui du droit commun. Toutefois, comme le remarque l’étude d’impact du présent projet de loi, « à onze ans de l’échéance initiale de 2036, la sécurité sociale ainsi que les prestations de solidarité présentent encore des écarts importants avec les règles en vigueur dans les autres territoires, soit moins favorables, soit plus favorables ». Les divergences ne portent pas uniquement sur le montant des prestations, mais aussi sur leurs modalités ou conditions d’éligibilité.
– Les prestations familiales versées à Mayotte sont alignées de façon inégale sur le droit commun. Les allocations familiales sont applicables dès le premier enfant (ce qui n’est pas le cas en Hexagone), identiques pour le deuxième enfant, et plus faibles à partir de troisième enfant. L’allocation de soutien familial ([98]), la prime à la naissance, la prime à l’adoption et l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ne sont pas versées. L’allocation journalière de présence parentale est moins élevée, car son calcul prend en compte le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), plus faible à Mayotte ([99]). L’allocation pour l’éducation de l’enfant handicapé est versée dans les conditions de droit commun tandis que le montant de la prestation d’aide à la restauration scolaire est supérieur à celui versé dans les autres outre-mer.
– Les prestations de retraite contributives du régime de base sont soumises à des règles spécifiques visant à compenser en partie la faible durée d’assurance et la faiblesse des salaires cotisés ([100]). Les paramètres de calcul font toutefois l’objet d’une trajectoire d’alignement sur le droit commun. L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), prestation non contributive, a été progressivement relevée et s’élève à 66 % de son montant de droit commun, pour une personne seule.
– Le revenu de solidarité active et l’allocation adulte handicapé sont en vigueur à hauteur de 50 % du montant hexagonal. Les allocations de logement familial et social sont alignées avec celles des autres départements et régions d’outre-mer.
– Le montant du SMIC brut s’établit à 1 361,97 euros au 1er janvier 2025, soit 75 % de sa valeur nationale. Certaines prestations sociales tenant compte du niveau du SMIC ([101]), leur alignement ne peut être effectué de façon autonome. Le montant de la prime d’activité est de 50 % du montant hexagonal. Le plafond de la sécurité sociale, qui fait l’objet d’une trajectoire de convergence jusqu’en 2032, s’établit à 2 821 euros (72 % du plafond hexagonal).
Le recouvrement des cotisations sociales et le versement des prestations sur le territoire de Mayotte sont assurés par la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM), créée en 1977 sous le nom de Caisse de prévoyance sociale de Mayotte. Il s’agit d’un organisme multibranches de droit privé chargé d’une mission de service public. Depuis 2015 elle gère les cinq branches de la sécurité sociale (maladie/maternité, famille, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite/vieillesse et autonomie).
b. Cette trajectoire concerne aussi les cotisations sociales
Le décret n° 2012-1168 du 17 octobre 2012 relatif au développement de la sécurité sociale à Mayotte fixe l’évolution des taux de cotisation patronale et salariale jusqu’à 2036.
Taux de cotisation en vigueur à Mayotte au 1er janvier 2025
Source : URSSAF 2025.
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en faveur des entreprises s’applique toujours à Mayotte, avec un taux de 9 % applicable aux rémunérations inférieures à 2,5 SMIC.
Les travailleurs indépendants bénéficient de réductions spécifiques de cotisations et le recouvrement était interrompu depuis 2015. Alors que sa reprise devait intervenir en 2025, l’article 25 de la loi d’urgence pour Mayotte l’a de nouveau ajourée.
2. Le dispositif proposé
Le champ de l’habilitation recouvre plusieurs domaines
L’article 15 habilite le Gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre dans un délai de douze mois des ordonnances « afin de rendre applicable [à Mayotte], sous réserve d’adaptations tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières du territoire, la législation en vigueur en métropole ».
Ces ordonnances porteront sur les domaines suivants :
– 1° prestations de sécurité sociale, aide sociale et prise en charge des frais de santé ;
– 2° cotisations, contributions et impositions affectées au financement des régimes de sécurité sociale, et dispositifs fiscaux contribuant à l’amélioration de la compétitivité et de l’emploi ;
– 3° organisation et gestion des régimes de sécurité sociale
– 4° règles applicables à l’offre de soins
– 5°contrôles et lutte contre la fraude, échanges d’informations et contentieux relatifs à la sécurité sociale et l’aide sociale.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le parlement dans un délai de six mois à compter de leur publication.
a. Les modalités de convergence des prestations et aides sociales et du SMIC restent inégalement détaillées, avec un horizon temporel fixé à 2031
Le rapport annexé affirme l’engagement de l’État à rendre effective la convergence sociale d’ici 2031 mais les modalités de convergence ne sont pas définies avec une égale précision dans l’étude d’impact ou le rapport annexé.
L’étude d’impact prévoit, concernant la convergence des prestations familiales, que « leur extension ou leur rapprochement du droit commun débuterait dès 2026 par le complément familial différentiel, et a vocation à s’opérer progressivement et quasiment chaque année de manière cohérente entre types de prestations » tandis que le rapport annexé rappelle que « le niveau des naissances à Mayotte n’appelle pas d’alignement rapide des prestations familiales, y compris la PAJE » ([102]). Une extension progressive jusqu’à 2031 est donc privilégiée.
En ce qui concerne les prestations maladie, l’étude d’impact propose l’extension de la protection universelle maladie (PUMa[103]) à Mayotte à compter du 1er juillet 2026, et l’alignement des prestations d’invalidité à horizon 2030. L’éventuelle extension de l’aide médicale d’État pour les non assurés sociaux doit quant à elle faire l’objet d’études approfondies.
Les prestations de solidarité « convergeraient vers le droit commun selon des modalités et un calendrier spécifiques à chacune : d’abord la prime d’activité, puis l’allocation aux adultes handicapés, enfin, à terme, le RSA » ([104]).
Les régimes de retraite font actuellement l’objet d’une trajectoire d’évolution des paramètres de calcul de la retraite plus favorable qu’en droit commun, pour tenir compte notamment de la jeunesse du régime, ainsi que de dispositifs dérogatoires permettant d’atténuer la brièveté des durées d’assurance et il serait « inopportun » de revenir sur ces modalités. De même, dans une logique de valorisation du travail, l’étude d’impact précise qu’une nouvelle évolution du montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) « ne pourra s’opérer avant que les pensions de retraite n’aient évolué ».
Interrogée sur ce point par vos rapporteurs, la direction de la sécurité sociale a précisé, s’agissant des régimes de retraite complémentaire, que l’habilitation permet de rendre applicables les régimes complémentaires des salariés et travailleurs indépendants. Toutefois, l’extension obligatoire du régime Agirc-Arcco « contournerait les partenaires sociaux gestionnaires de ce régime ».
Est enfin prévu, « selon un calendrier qui sera défini en lien avec les acteurs économiques et sociaux » ([105]), le relèvement progressif du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) par voie réglementaire à compter de 2026 en vue d’un alignement en 2031.
Le rapport pris en application de l’article 36 de la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte ([106]), dont vos rapporteurs n’ont pu prendre connaissance que tardivement dans leurs travaux, précise le calendrier qui sera soumis à la concertation avec les acteurs locaux. Il fixe aussi les « principes structurants » de l’accélération de la convergence sociale : un « démarrage rapide », la « progressivité au service de la soutenabilité » et la « priorité au travail, et donc à la convergence du SMIC et de la prime d’activité avant celle du RSA ».
b. La convergence des cotisations sociales et patronales est maintenue à échéance 2036 et pourrait s’accompagner de mesures destinées à diminuer le coût du travail
L’échéance d’alignement des cotisations et contributions est maintenue à 2036. Selon les chiffres de l’étude d’impact, « entre 2025 et 2036, date actuellement programmée de la fin de la convergence en matière de cotisations, les taux de cotisations salariales augmenteraient d’un peu plus de 10 points (de 10 % à 20,77 % pour une rémunération sous plafond de la sécurité sociale) et d’un peu plus de 15 points en matière de cotisations patronales (de 24,8 % à 39,95 % au niveau du SMIC), à taux de cotisations en France hexagonale et DROM inchangés ».
La question se pose de la hausse du coût du travail induite par l’augmentation des cotisations liées à la convergence et à la perspective de l’augmentation du SMIC. L’étude d’impact relève que sera « nécessaire un accompagnement des entreprises (…) qui pourrait notamment passer par l’introduction du dispositif d’exonération ” LODEOM ", applicable dans les DROM, à Mayotte, ainsi que par une extension plus rapide que la trajectoire actuellement prévue de la réduction générale des cotisations patronales dans ses modalités applicables dans ces mêmes DROM ».
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté deux amendements de la rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires sociales Mme Bonfanti-Dossat pour modifier le champ de l’habilitation :
– au 1°, les sénateurs ont exclu l’aide médicale d’État du champ des « prestations de sécurité sociale » objet de la convergence ([107]) ;
– au 2°, ils ont supprimé l’habilitation permettant de rendre applicables les dispositifs fiscaux contribuant à l’amélioration de la compétitivité et de l’emploi ([108]).
4. La position de la Commission
Si le recours aux ordonnances apparaît nécessaire eu égard à l’ampleur des matières concernées, il est apparu nécessaire à la commission de garantir l’information et le suivi du Parlement sur ce processus. À cet effet, elle a adopté, à l’initiative des rapporteurs Mme Firmin Le Bodo, M. Gosselin et M. Vigier, un amendement prévoyant :
– la remise annuelle du Gouvernement au Parlement, de 2026 à 2036 (date prévue d’achèvement de la convergence sociale), d’un rapport présentant les disparités entre Mayotte et l’hexagone en matière de prestations sociales ainsi que les ordonnances prises en application de l’article au cours de l’année écoulée et les autres mesures législatives ou réglementaires applicables à Mayotte prises dans le champ des ordonnances. Ce rapport explique aussi tout écart avec le calendrier de convergence proposé dans le rapport prévu à l’article 36 de la loi n° 2025‑176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte ;
– l’association de deux parlementaires aux travaux sur les ordonnances, dans des conditions déterminées par décret.
Sur proposition de ces mêmes rapporteurs, la Commission a par ailleurs inclus dans l’habilitation l’extension à Mayotte, à partir du 1er janvier 2026, des exonérations définies à l’article L. 752‑3‑2 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire les baisses de charges au bénéfice des plus petites entreprises et, quelle que soit la taille de l’entreprise, des entreprises dans certains secteurs spécifiques, actuellement en vigueur dans les quatre autres collectivités de l’article 73 de la Constitution. En contrepartie, il est proposé de mettre fin au dispositif de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui est toujours en vigueur à Mayotte (article 244 quater C du code général des impôts).
À l’initiative de M. Ratenon (LFI), Mme Faucillon (GDR), Mme Youssouffa (LIOT), Mme Voynet (EcoS) et M. Naillet (Soc), la Commission a supprimé les dispositions, insérées par le Sénat, qui excluaient explicitement l’aide médicale d’État du champ des ordonnances.
*
* *
Article 15 bis (nouveau)
Hausse du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance à Mayotte au 1er janvier 2026
Introduit par la Commission
Le SMIC net à Mayotte est de 1 221 euros (soit 85,6 % du smic net de 1 426 euros dans l’Hexagone).
Si la convergence sociale inclut bien la convergence du niveau du SMIC mahorais vers le SMIC national, le calendrier de convergence présenté dans le rapport annexé était peu détaillé. Le rapport remis au Parlement en application de l’article 36 de la loi d’urgence fixe quant à lui une trajectoire d’alignement du SMIC net mahorais à 95 % du SMIC net national en 2029 et à 100 % en 2031, avec des hausses intermédiaires.
Aussi la commission, à l’initiative des rapporteurs, a-t-elle souhaité inscrire la prochaine étape de la convergence du SMIC dans le marbre de la loi, afin de la sécuriser et d’envoyer aussi à tous les Mahorais un signal fort de la détermination du Parlement à suivre et accompagner la convergence sociale.
L’article 15 bis prévoit donc qu’à compter du 1er janvier 2026, le montant du salaire minimum de croissance net à Mayotte est relevé pour atteindre 87,5 % de sa valeur applicable en Hexagone.
*
* *
Article 16
(art. 23-8 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002)
Extension de l’IRCANTEC à Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 16 prévoit l’application du régime de retraite complémentaire IRCANTEC aux agents contractuels de droit public à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation du projet de loi.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a inséré un article 23-8 à l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 pour y prévoir la mise en œuvre du régime de retraite complémentaire au bénéfice des agents contractuels de droit public, sous réserve de la mise en place des régimes Agirc-Arcco pour les salariés de droit privé.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
La position de la Commission
Outre l’adoption d’un amendement rédactionnel, la commission a complété cet article pour prévoir la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’extension du régime de retraite complémentaire des salariés de droit privé à Mayotte conformément à l’article 23‑7 de l’ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.
a. Par dérogation au droit commun, les salariés de droit privé et les contractuels de droit public mahorais ne cotisent pas à la retraite complémentaire
L’article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale dispose que « Les agents contractuels de droit public et les personnes mentionnées à l’article L. 381-32 sont affiliés à un régime de retraite complémentaire obligatoire relevant de l’article L. 921-2, dénommé " Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques ” et défini par voie réglementaire. »
L’IRCANTEC
L’Ircantec est l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques. Elle a été créée par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 portant création d’un régime de retraites complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques.
Les cotisations de l’agent et celles de son employeur permettent d’acquérir des points qui serviront de base au calcul de la retraite complémentaire.
Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables à Mayotte ([109]).
Pour autant, les agents contractuels de droit public sont affiliés au régime de retraite de base, géré par la Caisse de sécurité sociale de Mayotte.
b. Malgré des modifications de l’ordonnance du 27 mars 2002 en ce sens, l’affiliation effective des salariés et agents contractuels de droit public à Mayotte à un régime de retraite complémentaire n’a pas encore pu se faire
Deux modifications subséquentes de l’ordonnance du 27 mars 2002 ont prévu l’extension du régime de retraite complémentaire au bénéfice des salariés et des agents contractuels de droit public :
– L’ordonnance du 22 décembre 2011 insère dans l’ordonnance du 27 mars 2002 un article 23-7 qui rend applicable à Mayotte le régime de l’Association générale des institutions de retraite des cadres - Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Agirc-Arcco) dans des conditions fixées par un accord entre les partenaires sociaux gestionnaires de ces régimes ;
– La loi du 28 février 2017 a inséré un article 23-8 à l’ordonnance du 27 mars 2002 pour y prévoir la mise en œuvre du régime de retraite complémentaire au bénéfice, cette fois, des agents contractuels de droit public. Leur affiliation à l’IRCANTEC est toutefois conditionnée à la mise en place des régimes Agirc et Arcco pour les salariés de droit privé.
Un accord a bien été conclu en ce sens le 22 juin 2017. Il prévoyait toutefois l’application rétroactive des dispositions du régime à compter du 1er janvier 2014 et, pour ce faire, un apport financier de l’État à hauteur de 48 % du total du coût de l’accord pour la période 2014-2022. Cet accord devait recueillir l’approbation des partenaires sociaux nationaux, mais ces derniers ont relevé à juste titre qu’il ne relevait pas de leur compétence de se prononcer sur la prise en charge d’une fraction des cotisations par l’État ([110]).
Dès lors, ni les salariés de droit privé ni les agents non titulaires du secteur public ne sont affiliés à un régime de retraite complémentaire à Mayotte.
Selon les informations de la direction de la sécurité sociale, le montant moyen de la pension de retraite servie par le régime de base mahorais aux 3257 retraités s’élève à 347,71 euros mensuels en 2024 ([111]), soit environ deux fois moins que la moyenne des retraites servies par le régime général et hors complément au titre de l’allocation de solidarité pour personnes âgées (ASPA) ([112]). Assez faible, ce chiffre ne représente pas, toutefois, le montant moyen des droits versés pour une carrière complète car il « est calculé en tenant compte des actifs qui restent temporairement à Mayotte et poursuivent leur carrière dans d’autres territoires en se constituant des droits auprès d’autres régimes » ([113]).
2. Le dispositif proposé
La mise en place de la retraite complémentaire est un maillon essentiel de la convergence sociale de Mayotte vers le droit commun et de l’alignement du niveau de vie des Mahorais : dans l’Hexagone, les régimes de retraite complémentaire représentent en moyenne un tiers de la pension totale des retraités.
Aussi l’article 16 réécrit-il l’article 23-8 de l’ordonnance du 27 mars 2002, pour rendre applicable aux agents contractuels de droit public le régime de retraite complémentaire IRCANTEC à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation du projet de loi.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans modifications.
4. La position de la Commission
Sur proposition de la rapporteure Mme Firmin Le Bodo, la commission a complété cet article pour prévoir la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’extension du régime de retraite complémentaire aux salariés de droit privé à Mayotte conformément à l’article 23‑7 de l’ordonnance n° 2002‑411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.
En particulier, ce rapport doit permettre au Gouvernement de se positionner sur les points de blocage de l’accord conclu le 22 juin 2017 (voir supra).
*
* *
Article 17
(art. L. 5511‑3 du code de la santé publique)
Augmentation du nombre de pharmacies d’officine
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article modifie l’article L. 5511‑3 du code de la santé publique qui adapte à Mayotte les critères démographiques retenus pour autoriser la création d’une nouvelle pharmacie d’officine. Actuellement, à Mayotte, une licence autorisant l’ouverture d’une pharmacie d’officine est accordée par tranche entière de 7 000 habitants dans les communes d’au moins 15 000 habitants. Dans les communes de moins de 15 000 habitants, la tranche entière de 7 000 habitants peut être appréciée au niveau du territoire de santé. L’article propose de supprimer la distinction entre les communes de moins de 15 000 habitants et de plus de 15 000 habitants et, d’autre part, de permettre l’ouverture de pharmacies d’officine dans les communes comprises dans une intercommunalité de plus de 7 000 habitants selon les chiffres du dernier recensement officiel. Cette mesure vise à augmenter le nombre de pharmacies pouvant être créées à Mayotte.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 5511‑3 du code de la santé publique a été modifié par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. La tranche entière de population devant être atteinte pour que l’ouverture d’une pharmacie d’officine soit autorisée qui était de 7 500 personnes a été abaissée à 7 000. Il a été précisé que le nombre d’habitants pris en compte était la population municipale telle qu’elle est établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a procédé à deux modifications au sein du dispositif proposé. Tout d’abord, la possibilité de considérer le nombre d’habitants de l’intercommunalité et non de la commune pour autoriser l’ouverture d’une pharmacie ne serait possible que si le dernier recensement officiel date de plus de cinq par rapport à la demande. Par ailleurs, cette autorisation ne pourrait être accordée par le directeur de l’agence régionale de la santé qu’après l’avis conforme de l’ordre national des pharmaciens.
La position de la Commission
L’amendement adopté au présent article propose un retour au droit en vigueur et donc la suppression de la prise en compte de la population présente dans l’intercommunalité si la commune compte elle-même moins de 7 000 habitants. Il est proposé de revenir à l’échelle du territoire de santé pour accorder une dérogation et permettre l’ouverture d’une pharmacie d’officine après avoir consulté pour avis l’ordre national des pharmaciens.
1. L’état du droit
a. Les critères démographiques pour l’installation des pharmacies d’officine
L’installation des pharmacies d’officine est strictement réglementée en France, les règles s’appliquant dans les différentes collectivités d’outre-mer pouvant varier par rapport aux règles s’appliquant en France métropolitaine. Au 1er janvier 2024, l’Ordre national des pharmaciens indique recenser 19 887 officines ouvertes au public en métropole et 615 en outre‑mer. Selon l’Ordre national, cela correspond à en moyenne 30 officines pour 100 000 habitants dans l’ensemble de la France, et à une pharmacie pour 3 400 habitants dans l’hexagone et une pharmacie pour 3 700 habitants dans les cinq départements et régions d’outre-mer.
Le régime des implantations d’officines a été entièrement revu par l’ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018, prise en application de l’article 204 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
L’ouverture d’une pharmacie peut résulter de l’une des 3 opérations suivantes :
- la création d’une nouvelle officine ;
- le transfert d’une officine existante ;
- le regroupement de deux ou plusieurs officines.
L’ordonnance du 3 janvier 2018 fait toujours du transfert et du regroupement la voie privilégiée de la restructuration du réseau officinal et vise à rééquilibrer les zones saturées et les zones déficitaires en officines ([114]).
Les opérations tendant à la création, au transfert ou au regroupement d’officines nécessitent l’octroi d’une autorisation administrative (appelée licence), délivrée par arrêté du directeur général de l’agence régionale de la santé.
Pour délivrer une autorisation d’ouverture d’une nouvelle officine, le directeur général de l’ARS vérifie que plusieurs critères sont satisfaits. Un des critères tient au nombre d’habitants dans la commune ou le territoire de santé.
Comme en dispose l’article L. 5125‑3 du code de la santé publique, les créations d’officines ne sont autorisées qu’à une double condition. D’une part, elles ne peuvent avoir lieu que dans les zones franches urbaines, les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans les zones de revitalisation rurale, appelées désormais « France ruralités revitalisation ». D’autre part, les conditions démographiques exigées pour une ouverture doivent être remplies depuis au moins deux ans à compter de la publication du dernier recensement et aucun transfert ou regroupement ne doit avoir été autorisé dans la commune durant cette période de deux ans.
Conformément à l’article L. 5125‑4 du code de la santé publique, l’ouverture par voie de transfert ou de regroupement d’une officine dans une commune, ou dans une commune nouvelle définie à l’article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales ou dans les communes contiguës dépourvues d’officine dont un compte au moins 2 000 habitants mentionnés à l’article L. 5125-6-1 du même code peut être autorisée lorsque le nombre d’habitants recensés est au moins égal à 2 500.
L’ouverture d’une officine supplémentaire peut être autorisée par voie de transfert ou de regroupement à raison d’une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune, dans la commune nouvelle ou dans les communes mentionnées à l’article L. 5125-6-1.
Si aucune ouverture n’a été autorisée par voie de transfert ou de regroupement dans les deux ans suivant le recensement et qu’il est constaté que les seuils démographiques mentionnés ci-dessous sont dépassés, la création d’une nouvelle officine peut être autorisée.
En ce qui concerne la Guyane et les départements alsaciens-mosellans, le seuil est relevé à 3 500 habitants.
b. Les règles spécifiques s’appliquant à Mayotte
Des règles spécifiques à Mayotte sont définies à l’article L. 5511‑3 du code de la santé publique quant aux critères démographiques devant être réunis pour que la création d’une officine soit autorisée.
L’article L. 5511‑3 adapte l’article L. 5125‑4 au département de Mayotte. Une distinction est faite entre les communes de plus de 15 000 habitants et les communes de moins de 15 000 habitants.
Dans les communes de plus de 15 000 habitants, la création d’une nouvelle officine peut être autorisée par tranche entière de 7 000 habitants. Dans les communes de moins de 15 000 habitants, la délivrance d’une licence pour la création d’une nouvelle officine est autorisée par tranche entière de 7 000 habitants dans le territoire de santé dans lequel se trouve la commune. Mayotte a la particularité de ne constituer qu’un seul territoire de santé. Ainsi, l’agence régionale de la santé peut décider de l’implantation d’une pharmacie dans une commune de moins de 15 000 habitants sans que la population de la commune n’ait à comprendre au moins une tranche de 7 000 habitants.
Le nombre d’habitants dont il est tenu compte pour l’application de l’article L. 5511‑3 précité est la population municipale telle qu’elle est établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel. Actuellement, il s’agit du recensement de 2017 (décret n° 2017‑1688 du 14 décembre 2017 authentifiant les résultats du recensement de la population 2017 de Mayotte).
Mayotte compte actuellement 27 officines de pharmacie. Ce nombre rapporté au nombre d’habitants est inférieur à la moyenne en France métropolitaine mais aussi inférieur au nombre dans les autres départements et régions d’outre-mer. Mayotte comptait en moyenne une officine pour 10 688 habitants en 2021 (pour 24 pharmacies).
Par ailleurs, les autorisations pour ouvrir de nouvelles pharmacies ne peuvent être accordées comme mentionné ci-dessus que par tranche entière de 7 000 habitants par commune sur la base des chiffres du dernier recensement. Or la population de Mayotte a connu une croissance importante depuis 2017. Le nombre d’ouverture possible est donc conditionné à un recensement de la population qui ne correspond plus à la démographie actuelle.
Il apparaît donc important que l’offre en pharmacies et donc en médicaments puisse être renforcée, dans un territoire où il n’est pas forcément facile de se déplacer jusqu’à la pharmacie d’officine existante la plus proche, d’autant plus à la suite des dégâts engendrés par le passage du cyclone Chido. Comme l’a indiqué l’ARS de Mayotte à votre rapporteure, les pharmacies sont majoritairement présentes sur le long de la côte est (pour 14 d’entre elles), sur une ligne partant du centre jusqu’à la commune de Koungou. Cette répartition laisse une grande partie du sud et une partie du nord en manque d’officine. De plus, une partie des médicaments est dispensée à la population au sein des centres médicaux de références, aussi appelés dispensaires, et au centre hospitalier tant à des personnes affiliées à la sécurité sociale qu’à des personnes non affiliées.
En application du deuxième alinéa de l’article L. 5511‑3, l’ARS a néanmoins pu autoriser à l’automne 2024 l’ouverture de deux nouvelles pharmacies sur les communes d’Acoua et Kani-Keli en raison de la présence d’un nombre suffisant d’habitants dans le territoire de santé. Les personnes déposant un dossier pour obtenir une autorisation d’ouverture n’ont donc pas eu à démontrer que le critère démographique était rempli dans chacune de ces communes.
L’augmentation de l’offre en officines de pharmacie devrait s’inscrire dans une politique plus globale de renforcement de l’offre de soins de ville alliant une présence plus grande des médecins libéraux associés à d’autres professions médicales.
2. Le dispositif initial
Le présent article dans sa version initiale propose de modifier l’article L. 5511‑3 du code de la santé publique, ayant pour conséquence de modifier le contenu de l’article L. 5125‑4 lorsqu’il s’applique à Mayotte.
Les modifications apportées visent à assouplir les critères démographiques devant être respectés pour qu’une licence puisse être accordée, en tenant compte du bassin de population au niveau intercommunal dès lors que la population communale n’atteint pas le seuil de 7 000 habitants. Cela permettrait à des communes d’avoir une pharmacie ou une deuxième pharmacie alors même que la population recensée ne dépasse pas 7 000 ou 14 000 habitants mais que l’intercommunalité dépasse ces seuils.
Ainsi, le présent article supprime le deuxième alinéa de l’article L. 5511‑3 et ce faisant la distinction entre les communes de plus de 15 000 habitants et les communes de moins de 15 000 habitants.
La réécriture proposée des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 5511‑3 supprime la référence au territoire de santé et introduit le critère de la population intercommunale.
Ainsi, l’article L. 5125‑4 applicable à Mayotte dispose qu’une licence autorisant l’ouverture d’une officine de pharmacie peut être délivrée par tranche entière de 7 000 habitants dans la commune ou à défaut de 7 000 habitants dans l’intercommunalité dans laquelle se trouve la commune en vue d’assurer une desserte satisfaisante de la population en médicaments.
Il revient au directeur de l’ARS de choisir la commune d’implantation de la pharmacie au sein de l’intercommunalité pour assurer la desserte la plus satisfaisante possible. Il doit recueillir l’avis des représentants locaux de chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l’article L. 162‑23 du code de la sécurité sociale ([115]) et du conseil central de la section E de l’Ordre national des pharmaciens ([116]) avant d’arrêter son choix.
Le dernier alinéa de l’article L. 5511‑3 est conservé mais la prise en compte de la population municipale est complétée par la prise en compte de la population intercommunale.
L’ensemble de ces modifications permet d’assouplir le seul critère de la population communale, dans l’attente du prochain recensement qui permettra de réactualiser les chiffres de la population communale.
Néanmoins, dans le dispositif présenté initialement, la modification proposée de l’article L. 5511‑3 est définitive. Il n’est pas prévu un retour à la version en vigueur de l’article L 5511‑3 passé le recensement qui devra être réalisé fin 2025-début 2026 et dont le résultat sera connu avant la fin de l’année 2026.
3. Les modifications apportées par le Sénat
L’adoption de l’amendement COM-68 de Mme Christine Bonfanti-Dossat, (groupe Les Républicains) rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales a conduit à la modification du présent article. L’amendement propose une nouvelle rédaction de l’article L. 5511‑3 du code de la santé publique et donc de l’article L. 5125‑4 du même code tel qu’il est applicable à Mayotte.
À nouveau, le critère de la population communale est retenu comme le critère démographique principal. Une licence permettant d’ouvrir une nouvelle pharmacie d’officine ne peut être délivrée que par tranche entière de 7 000 habitants dans la commune.
La possibilité d’autoriser la création d’une officine dans une commune située dans une intercommunalité de plus de 7 000 habitants est maintenue mais seulement si la publication du dernier recensement officiel de la population précède de plus de cinq ans la demande d’ouverture. Cette disposition permet de limiter dans le temps la validité du critère intercommunal, en prévoyant que l’ARS ne peut faire droit à la demande que si le dernier recensement de la population date de plus de cinq ans.
En conséquence, la rapporteure pour avis a estimé que ces ouvertures dérogatoires doivent s’effectuer en accord avec l’ordre national des pharmaciens. C’est pourquoi ces ouvertures sont conditionnées au recueil d’un avis conforme du conseil central de la section E de l’ordre national des pharmaciens.
Comme le remarque la commission des affaires sociales du Sénat dans son avis, l’installation de nouvelles pharmacies si elle a pour objectif de garantir à la population un meilleur accès aux médicaments et aux conseils pharmaceutiques pourrait dans le même temps perturber l’économie des officines existantes. C’est pourquoi l’avis conforme de l’ordre national des pharmaciens offre la garantie d’un meilleur équilibre entre les officines.
L’amendement sénatorial ne modifie pas la disposition de l’article initial qui permet au directeur de l’ARS de désigner la commune au sein de l’intercommunalité dans laquelle l’officine pourra être ouverte après avoir recueilli l’avis des représentants locaux de chaque syndicat représentatif de la profession au sens de l’article L. 162‑23 du code de la sécurité sociale et du conseil central de la section E de l’Ordre national des pharmaciens.
4. La position de la Commission
La commission a adopté l’amendement CL457 de la rapporteure Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Cet amendement vise à revenir à la version en vigueur de l’article L. 5511‑3 du code de la santé publique concernant les tranches de population devant être pris en compte dans les communes d’au moins 15 000 habitants pour permettre l’ouverture d’une pharmacie d’officine. Il permet également de revenir au droit en vigueur dans les communes de moins de 15 000 habitants. Si la tranche entière de 7 000 habitants n’est pas atteinte pour autoriser la création d’une pharmacie d’officine, le directeur de l’agence régionale de la santé peut autoriser l’ouverture d’une pharmacie dans le territoire de santé. Mayotte constituant un seul et même territoire de santé. La section E de l’ordre national des pharmaciens est consultée pour donner un avis en amont de la décision du directeur de l’ARS.
L’échelle de l’intercommunalité n’a pas paru être l’échelle la plus adaptée pour accorder des dérogations et donc permettre l’ouverture de pharmacies supplémentaires et même si cette échelle ne pouvait être prise en considération que si le dernier recensement officiel de la population datait de plus de cinq ans. D’une part, le recensement à venir de la population qui sera définitivement connu fin 2026 rendra cette disposition non applicable pendant plusieurs années, d’autre part, l’échelle du territoire de santé restera adaptée s’il n’est pas possible d’ouvrir des pharmacies dans les plus petites communes.
*
* *
Article 17 bis A (nouveau)
Schéma réalisé par l’agence régionale de la santé de Mayotte
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif introduit par la Commission
La Commission a adopté un amendement de la rapporteure, Mme Agnès Firmin Le Bodo qui prévoit que l’agence régionale de la santé de Mayotte doit établir un schéma afin d’améliorer le circuit de distribution des médicaments.
Parmi les différents enjeux d’accès aux soins à Mayotte, l’enjeu spécifique de la distribution des médicaments dans les pharmacies d’officine ne doit pas être oublié. Actuellement 70 à 80 % des médicaments distribués le sont au centre hospitalier de Mayotte ou dans les dispensaires rattachés au centre hospitalier de Mayotte, et non dans les pharmacies « de ville ». De fait, de nombreuses personnes affiliées à l’assurance maladie ne se fournissent pas dans les pharmacies d’officine. Une meilleure distinction devrait être faite entre les médicaments distribués à des personnes affiliées à l’assurance maladie ou disposant de la complémentaire santé solidaire et les médicaments distribués à des personnes qui ne peuvent faire valoir de droits à la sécurité sociale. Cela aiderait les pharmacies d’officine à sécuriser leur clientèle et à sécuriser les circuits de distribution des médicaments.
Dans le schéma régional de santé élaboré par l’ARS de Mayotte pour la période 2023-2028, il est indiqué que, d’ici à 2028, l’objectif sera de « Basculer les missions normalement dévolues au secteur libéral et assurées aujourd’hui par l’hôpital vers la ville lorsque cela est possible (soins primaires, délivrance de médicaments, suivi des maladies chroniques, dépistage) » ([117]).
2. Le dispositif introduit par la Commission
L’adoption de l’amendement CL450 de la rapporteure, Mme Agnès Firmin Le Bodo impose à l’agence régionale de la santé de Mayotte d’élaborer un schéma spécifique d’ici à la fin de l’année 2026 pour identifier les circuits de distribution des médicaments et prévoir les moyens nécessaires à la bonne orientation des patients et clients vers les pharmacies d’officine. Ce schéma viendra ainsi préciser ce qui est inscrit au schéma régional de santé.
*
* *
Article 17 bis
(art. L. 758 4 du code de la sécurité sociale)
Suppression de la référence à l’agence régionale de santé de l’océan indien
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit au Sénat
Cet article supprime le dernier alinéa de l’article L. 758‑4 du code de la sécurité sociale, faisant disparaître la mention de l’agence régionale de la santé de l’océan indien du code de la sécurité sociale. Cette disposition a été introduite pour prendre en compte la création de l’agence régionale de la santé de Mayotte.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 758‑4 du code de la sécurité sociale n’a pas été modifié depuis sa création par l’article 38 de l’ordonnance n° 2010-331 du 25 mars 2010 portant extension et adaptation aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, à la Nouvelle-Calédonie, aux Terres australes et antarctiques françaises ainsi qu’à La Réunion et à la Guadeloupe de dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. N’avait donc pas été prise en compte la création de l’agence régionale de la santé de Mayotte.
La position de la Commission
La commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
1. L’état du droit
L’agence régionale de la santé de Mayotte a été créée suite à la promulgation de la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé du 24 juillet 2019.
En 2018, dans le cadre des priorités en matière de solidarité et de santé du « Plan d’action pour l’avenir de Mayotte », le Gouvernement avait annoncé qu’en raison des enjeux spécifiques en matière de santé à Mayotte, une agence régionale de la santé (ARS) de plein exercice serait créée à l’horizon 2020. Procéder à la création des deux nouvelles structures (l’ARS de Mayotte et l’ARS de La Réunion), issues de l’agence régionale de la santé « océan indien » a nécessité de prendre de nouvelles dispositions législatives et réglementaires.
L’article 64 de la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé du 24 juillet 2019 a créé les deux ARS à compter du 1er janvier 2020. Le décret n° 2020-18 du 10 janvier 2020 relatif à l’organisation du système de santé à La Réunion et à Mayotte est venu préciser leur fonctionnement.
2. Le dispositif proposé par le Sénat
L’article 17 bis résulte de l’adoption en séance de l’amendement n° 49 de Mme Salama Ramia (groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) portant article additionnel après l’article 17 sur lequel le Gouvernement et la commission ont émis un avis favorable. L’article procède à la suppression du dernier alinéa de l’article L. 758-4 du code de la sécurité sociale.
Cette suppression a pour conséquence de faire disparaître du code de la sécurité sociale la référence à l’agence régionale de santé de l’océan indien. En effet, cette agence unique qui avait été instituée pour les deux territoires par l’ordonnance n° 2010-331 du 25 mars 2010 précitée n’existe plus depuis la création de l’agence régionale de la santé de Mayotte.
3. La position de la Commission
La commission n’a pas modifié cet article.
*
* *
Article 18
(art. L. 4031‑7 du code de la santé publique)
Participation des professionnels de santé de Mayotte aux unions régionales de professionnels de santé de l’océan Indien
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article modifie les dispositions du code de la santé publique relatives à la composition des unions régionales de professionnels santé (URPS) de l’océan Indien. Ces unions, au nombre de dix pour représenter chaque profession de santé concernée, réunissent des représentants des professionnels de santé libéraux de La Réunion et de Mayotte.
Dans le texte transmis à l’Assemblée nationale, il est proposé de créer des URPS propres à Mayotte, autonomes de celles de La Réunion.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 4031‑7 a été créé par l’article 18 de l’ordonnance n° 2010-331 du 25 mars 2010 portant extension et adaptation aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, à la Nouvelle-Calédonie, aux Terres australes et antarctiques françaises ainsi qu’à La Réunion et à la Guadeloupe de dispositions de la loi n° 2009‑879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Il a permis à un représentant de chacune des professions de santé dont les membres exercent à titre libéral à Mayotte de siéger au sein de l’URPS de la même profession de La Réunion. Ainsi a été assurée en droit la représentation des professionnels de santé de Mayotte dans les différentes URPS de l’océan indien.
Modifications apportées par le Sénat
Le présent article proposait, dans la rédaction initiale du projet de loi, que plusieurs professionnels puissent siéger simultanément dans les URPS de l’océan Indien afin d’améliorer la représentation des professionnels de santé libéraux mahorais.
Le Sénat a modifié cette rédaction en prévoyant que des URPS propres à Mayotte étaient créées.
La position de la Commission
La Commission a adopté un amendement au présent article pour en proposer une nouvelle rédaction. Est ainsi prévue la création à Mayotte d’une union régionale interprofessionnelle de professionnels de santé réunissant au moins un représentant de chacune des dix professions de santé afin que les professionnels de santé libéraux de Mayotte constituent leur propre association mais sans multiplier les structures.
1. L’état du droit
a. Le rôle et la composition des unions régionales des professionnels de santé
Les unions régionales de professionnels de santé (URPS) ont été créées par la loi n° 2009‑879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Elles regroupent dans chaque région et pour chaque profession, les représentants des professionnels de santé exerçant à titre libéral sous le régime des conventions nationales avec l’Union des caisses nationales d’assurance maladie (UCANSS).
Ainsi, dans chaque région, jusqu’à 10 URPS peuvent être constituées, représentant les médecins, les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs‑kinésithérapeutes, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les biologistes, les orthoptistes, les pédicures-podologues et les orthophonistes.
Ces unions ont le statut d’association. Leur vocation est de faire participer au niveau de chaque région les professionnels de santé libéraux à la politique régionale de santé. Elles peuvent signer des contrats avec les agences régionales de la santé. Elles sont financées par des cotisations acquittées par les professionnels de santé eux-mêmes (entre 0,1 % et 0,5 % du chiffre d’affaires en fonction de la profession dans la limite de 0,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale) ([118]).
Missions des unions régionales des professionnels de santé
Les unions régionales œuvrent à :
- la préparation du projet régional de santé et à sa mise en œuvre ;
- l’analyse des besoins de santé et à l’offre de soins, en vue notamment de l’élaboration du schéma régional d’organisation des soins ;
- l’organisation de l’exercice professionnel, notamment en ce qui concerne la permanence des soins, la continuité des soins et les nouveaux modes d’exercice ;
- des actions dans le domaine des soins, de la prévention, de la veille sanitaire, de la gestion des crises sanitaires, de la promotion de la santé et de l’éducation thérapeutique ;
- la mise en œuvre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens avec les réseaux de santé, les centres de santé, les maisons de santé et les pôles de santé, ou des contrats ayant pour objet d’améliorer la qualité et la coordination des soins mentionnés à l’article L.1435-4 du code de la santé publique ;
- le déploiement et à l’utilisation des systèmes de communication et d’information partagés ;
- et la mise en œuvre du développement professionnel continu.
Les professionnels de santé libéraux siégeant au sein de chaque union sont élus ou désignés pour une durée de mandat fixée par décret en Conseil d’État. Le décret n° 2010-585 du 2 juin 2010 relatif aux unions régionales de professionnels de santé a fixé celle-ci à cinq ans, renouvelables.
Les organisations syndicales des professions de santé bénéficiant d’une ancienneté minimale de deux ans à compter du dépôt légal des statuts et présentes sur le territoire national dans au moins la moitié des départements et la moitié des régions présentent des listes de candidats. Le collège d’électeurs de chaque URPS est constitué par les membres de la profession concernée exerçant à titre libéral dans le régime conventionnel dans la région.
Comme en dispose l’article L. 4031‑2 du code de la santé publique, l’élection est la règle. Par dérogation, il est prévu que les représentants des professionnels exerçant à titre libéral dans le régime conventionnel sur le territoire national dont le nombre ne dépasse pas un certain seuil soient désignés dans les unions régionales de professionnels de santé par les organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national en application de l’article L. 162-33 du code de la sécurité sociale. C’est le cas par exemple des représentants des sages‑femmes, des orthoptistes, des biologistes et des pédicures-podologues.
L’article L. 4031‑1 du code de la santé publique précise que des unions sont constituées dans chaque région ainsi que dans les collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane. En ce qui concerne La Réunion et Mayotte, une « union régionale des professionnels de santé de l’océan Indien » exerce pour chaque profession les compétences dévolues aux unions régionales des professionnels de santé.
b. Les membres des unions régionales de professionnels de santé de l’océan indien
Comme le précise le premier alinéa de l’article L. 4031‑7 « un représentant des professionnels exerçant à Mayotte siège dans chaque union régionale de professionnels de santé de l’océan Indien, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. »
Le deuxième alinéa du même article indique que « dans chacune des unions de la région qui procèdent à des élections, le collège d’électeurs est composé des professionnels de santé de la Réunion et de Mayotte. » Cette règle s’est appliquée à partir des élections qui ont eu lieu lors du renouvellement des membres des unions en 2021 ([119]).
Les modalités de désignation des candidats lorsqu’il s’agit d’une profession de santé dont les membres sont désignés et non élus dans les unions régionales ont été fixées par décret. L’article D. 4031‑16 précise la règle pour les unions régionales de l’océan indien : « les membres des unions régionales de l’océan Indien désignés sont nommés par le directeur général de l’agence régionale de santé de La Réunion, à l’exception du représentant des professionnels exerçant à Mayotte qui est nommé par le directeur général de l’agence régionale de santé de Mayotte conformément à la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article R. 4031-53. ». L’article R. 4031‑53 dispose que le directeur général de l’agence régionale de la santé (ARS) de Mayotte désigne pour chaque union, le représentant des professionnels exerçant à Mayotte en tenant compte des effectifs des organisations syndicales présentes sur le territoire.
Dans l’océan Indien, les professionnels de santé libéraux qui votent pour les candidats qui les représenteront sont très majoritairement issus de la Réunion, ce qui laisse en conséquence une faible chance pour les professionnels de santé libéraux de Mayotte d’être élus au sein des unions.
La combinaison des différentes modalités de désignation et la faiblesse du nombre de professionnels de santé libéraux, comme d’autres professionnels de santé, installés à Mayotte conduit à une sous‑représentation de ces derniers dans les différentes unions régionales réunissant La Réunion et Mayotte. Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, « il est difficile pour l’ARS de Mayotte de travailler en partenariat avec ces unions, notamment sur l’analyse des besoins de santé et de l’offre de soins, l’organisation de l’exercice professionnel, de la permanence et de la continuité des soins ainsi que les nouveaux modes d’exercices sur son territoire ».
Comme les représentants de la Direction de la sécurité sociale ont pu le rappeler à vos rapporteurs lors de leur audition, le nombre de professionnels de santé libéraux à Mayotte reste faible. Néanmoins, leur présence dans les URPS est nécessaire afin que les politiques de santé publiques menées à Mayotte associent davantage plus étroitement les professionnels libéraux de l’île. Les chiffres présentés ci-dessous permettent de constater le faible nombre de professionnels libéraux.
Professionnels de santé : |
Effectifs à Mayotte : |
Médecins |
37 |
Chirurgiens-dentistes |
17 |
Sages‑femmes |
33 |
Auxiliaires médicaux |
218 |
Source : données communiquées par la Direction de la sécurité sociale. Chiffres hors pharmaciens.
À titre de comparaison, en 2023, l’ARS de la Réunion indiquait que l’île disposait de 94 médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants, et de 142 médecins généralistes pour 100 000 habitants tout mode d’exercice confondus ([120]).
2. Le dispositif initial
L’article 18 vise à modifier l’article L. 4031‑7 du code de la santé publique. Il prévoit que plusieurs représentants venant de Mayotte puissent représenter leurs collègues au sein des unions régionales de professionnels de santé de l’océan indien et non plus un seul.
Comme le précise l’étude d’impact du présent projet de loi, cela permettra également que dans chaque union, plusieurs professionnels de santé représentent leurs collègues de Mayotte sans nécessairement tous exercer la profession de santé de l’union dans laquelle ils siègent, ou bien d’instituer un même collège de représentants des professionnels de santé de Mayotte qui siégeraient dans les différentes URPS de l’océan indien.
L’ensemble des modalités seront définies par décret.
Les modifications réglementaires qui pourront être apportées au processus de désignation des représentants des professionnels de santé de Mayotte dans les URPS de l’océan indien, sur le fondement de l’article L. 4031‑7 modifié devront permettre une meilleure représentation des professionnels de santé de Mayotte au côté de leurs collègues de La Réunion.
3. Les modifications apportées par le Sénat
L’adoption de l’amendement n° 65 de Mme Corinne Imbert (groupe Les Républicains) en séance publique, avec un avis de sagesse de la commission et du Gouvernement, a réécrit le présent article. L’article dans sa version transmise à votre assemblée institue des URPS propres à Mayotte. Sont ainsi distinguées les unions régionales, celles de la Réunion d’un côté et celles de Mayotte de l’autre.
Cinq syndicats représentant différentes catégories de professions de santé dont les membres exercent à Mayotte ont fait savoir, dans un courrier commun, leur souhait de voir se constituer une URPS de Mayotte pour chaque profession de santé, faisant pendant à une URPS de la Réunion qui prendrait la suite des URPS de l’océan indien existantes. Ces nouvelles URPS de Mayotte pourraient contribuer à structurer l’offre et de l’organisation des soins à Mayotte en partenariat avec l’ARS récemment créée à Mayotte et à travailler sur les problématiques de santé propre à Mayotte.
4. La position de la Commission
La commission a adopté l’amendement CL423 de la rapporteure Mme Agnès Firmin Le Bodo. Cet amendement réécrit l’article 18 adopté au Sénat qui proposait qu’à Mayotte, comme dans les autres régions, soit instituée une union régionale de professionnels de santé par profession. Si l’objectif de distinguer la représentation des professionnels de santé libéraux de Mayotte de celle de La Réunion est un objectif partagé, votre rapporteur propose que soit créée à Mayotte une union régionale interprofessionnelle de professionnels de santé afin qu’il ne soit créé qu’une union et non dix.
Le nombre de professionnels de santé exerçant à titre libéral est faible à Mayotte par rapport aux autres régions.
Créer une unique union régionale interprofessionnelle permettrait à toutes les professions médicales et para-médicales d’être représentées mais sans multiplier des instances comportant très peu de membres. Cela permettrait à l’agence régionale de la santé de Mayotte d’avoir un interlocuteur propre à Mayotte représentant les professionnels libéraux afin d’améliorer les politiques de santé en matière de soins de ville et d’offres de soins.
*
* *
Chapitre II
Favoriser l’aménagement durable de Mayotte
Article 19
Extension des possibilités de prise de possession immédiate de terrains expropriés pour la reconstruction et le développement de Mayotte
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article adopté par la commission avec modification
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article vise à autoriser les bénéficiaires d’une déclaration d’utilité publique à Mayotte à prendre possession immédiate des terrains bâtis ou non bâtis dans le cadre des opérations pilotées par le nouvel établissement public de Mayotte ou pour la réalisation d’infrastructures et de constructions de diverses natures.
I. la prise de possession immédiate : un dispositif dérogatoire au droit de l’expropriation
A. La procédure d’expropriation
L’expropriation est le moyen par lequel le bénéficiaire d’une « déclaration d’utilité publique » (DUP) – c'est-à-dire l’acte administratif unilatéral par lequel l’autorité compétente constate qu’une opération, un ouvrage ou des travaux présentent un caractère d’utilité publique justifiant une expropriation ou l’institution de servitudes – peut contraindre une personne privée ou publique à céder son bien, une partie de celui-ci ou des droits réels immobiliers, en contrepartie du paiement d’une indemnité. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fonde cette possibilité à son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. ». L’article 545 du code civil en constitue le fondement législatif. ([121])
La procédure d’expropriation comporte quatre phases. Les deux premières, sous le contrôle du juge administratif, consistent à constater l’utilité publique de l’opération et à définir l’emprise foncière qui doit faire l’objet de l’expropriation. Le juge judiciaire, gardien de la propriété privée, contrôle les deux autres phases : le transfert de propriété des biens et l’indemnisation du préjudice. Depuis l’ordonnance n° 58-997 du 23 octobre 1958, les deux phases peuvent être conduites simultanément.
1. La phase administrative
La première phase de la procédure administrative vise à constater que le projet est bien d’utilité publique. Le dossier constitué par l’expropriant doit faire l’objet d’une enquête publique régie par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, sauf si l’opération porte atteinte au droit de l’environnement ; dans ce dernier cas, la procédure utilisée est alors fixée par le code de l’environnement. Le dossier « normal » doit comporter :
– une note explicative, démontrant que les avantages de l’opération l’emportent sur son coût financier et sur ses inconvénients ;
– un plan de situation et un plan général des travaux ;
– les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ;
– une appréciation sommaire des dépenses ;
– une étude d’impact, en cas d’atteinte portée à l’environnement ;
– une évaluation socio-économique.
Un dossier simplifié est prévu dans le cas de l’acquisition d’immeubles (pour la constitution de réserves foncières, lorsque le projet n’est pas totalement connu, ou pour l’acquisition d’espaces naturels par le Conservatoire de l’espace littoral) ou dans le cadre d’une opération d’aménagement ou d’urbanisme importante, qui nécessite de procéder à l’expropriation des biens avant que le projet n’ait pu être parfaitement établi. Comme pour l’enquête parcellaire, le préfet ouvre l’enquête et nomme le commissaire-enquêteur par arrêté. L’enquête ne peut être inférieure à quinze jours. Le commissaire enquêteur dispose d’un délai d’un mois pour rédiger son rapport d’enquête
L’enquête parcellaire vise, quant à elle, à délimiter précisément et de façon contradictoire les limites du périmètre de la propriété faisant l’objet de l’expropriation ainsi qu’à identifier les propriétaires concernés et à les informer de la déclaration d’utilité publique. Le dossier réalisé par le bénéficiaire de la DUP doit comporter un plan parcellaire régulier des terrains et des bâtiments, établi à partir d’un plan cadastral, ainsi que la liste des propriétaires. Les erreurs ou les imprécisions qui pourraient l’affecter entachent la procédure d’irrégularité si elles sont de nature « à induire le public et les intéressés en erreur quant à la nature et aux conséquences de l’opération envisagée » ([122]). Son ouverture doit faire l’objet d’une publicité mais surtout d’une notification adressée à chacun des propriétaires indivis, aux copropriétaires, aux usufruitiers et aux nues-propriétaires.
L’enquête parcellaire peut se dérouler conjointement avec l’enquête préalable à la déclaration publique si les deux dossiers peuvent être constitués conjointement. Au terme de l’enquête, les biens expropriables font l’objet d’un arrêté de cessibilité par le représentant de l’État.
L’identification des propriétaires : une obligation pour mener à bien l’enquête parcellaire
La procédure d’enquête parcellaire est organisée par les articles R. 131-1 et suivants du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et comporte des garanties pour les propriétaires.
Pour obtenir l’ouverture de l’enquête parcellaire, l’expropriant doit adresser au préfet un dossier d’enquête parcellaire. Ce dossier doit comporter une liste des propriétaires, dite « état parcellaire ». Cette liste est établie à l’aide d’extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l’aide des renseignements délivrés par la direction des finances publiques, au vu du fichier immobilier, ou par « tous autres moyens ». Cette dernière expression signifie que l’expropriant a l’obligation de rechercher les propriétaires par tout moyen qui apparaît utile et possible compte tenu des circonstances (recherche en mairie, interrogation du consulat ou de l’ambassade, interrogation des locataires occupant le bien, etc.).
Lorsque ces recherches ont permis de déterminer le domicile des propriétaires concernés, l’expropriant doit leur notifier individuellement le dépôt en mairie du dossier d’enquête parcellaire, afin de leur permettre de faire part de leurs observations. Ce n’est qu’en cas de domicile inconnu que cette notification a lieu par affichage en mairie.
L’arrêté de cessibilité pris à l’issue de l’enquête parcellaire désignera précisément les propriétés et l’identité des propriétaires concernés. Une fois la phase administrative close, le juge de l’expropriation devra préciser l’identité des expropriés dans son ordonnance d’expropriation opérant le transfert de propriété à l’expropriant.
En cas de décès du propriétaire précédent de la parcelle, sans que l’expropriant ait pu retrouver ses héritiers, la jurisprudence de la Cour de cassation admet que l’ordonnance d’expropriation ne mentionne pas le propriétaire actuel, à condition qu’elle constate que l’expropriant a bien justifié des diligences accomplies pour rechercher les héritiers du défunt. L’ordonnance peut alors se borner à mentionner un « propriétaire inconnu » .
En résumé, l’impossibilité d’identification de l’actuel propriétaire n’est pas un obstacle à la conduite de la procédure d’expropriation, pourvu que l’expropriant justifie qu’il a conduit des recherches approfondies sur ce point.
2. La phase judiciaire
La phase judiciaire comporte deux étapes : le transfert de propriété et la fixation de l’indemnité qui peuvent, en fonction de l’existence ou non d’un accord entre la puissance publique et la personne expropriée, faire intervenir le juge de l’expropriation.
Une cession amiable du bien peut être actée entre la puissance expropriatrice et la personne expropriée. Le transfert de propriété des immeubles ou droits réels immobiliers est opéré par voie d’ordonnance du juge de l’expropriation en l’absence de cession amiable (article L. 220-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) après que l’offre de l’autorité expropriatrice a été refusée. L’ordonnance d’expropriation ou la cession amiable éteint les droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés. L’ordonnance d’expropriation ne peut être attaquée que par pourvoi en cassation et pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme (article L. 223-1 du même code).
En outre, à l’occasion de l’ouverture de l’enquête d’utilité publique, de la DUP, de l’arrêté de cessibilité ou de l’ordonnance d’expropriation, l’expropriant notifie le montant de son offre et invite les expropriés à faire connaître le montant de leur demande (article L. 311-4 du même code). À défaut d’accord sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l’expropriation (article L. 311-5 du même code). Les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation (article L. 321-1 du même code).
Sauf en cas de procédure d’urgence, l’expropriant ne peut prendre possession de l’immeuble qu’un mois après avoir payé ou consigné l’indemnité fixée par le juge (lorsque la personne expropriée fait obstacle au paiement).
Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la durée moyenne d'une procédure judiciaire visant à obtenir une ordonnance d'expropriation et celle d’une procédure visant à obtenir la fixation de l'indemnité d'occupation étaient, respectivement, de 3,6 mois et de 9,8 mois en 2024.
B. La prise de possession anticipée dite « d’extrême urgence »
Le titre II du livre V du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit une procédure spéciale permettant la prise de possession anticipée du bien exproprié sur décret avant la fin des procédures administratives et judiciaires : cela permet ainsi de prendre possession des lieux sans être retardé par les délais judiciaires.
Le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit quatre cas qui permettent l’application de cette procédure :
– lorsque l’extrême urgence rend nécessaire l’exécution immédiate de travaux intéressant la défense nationale (articles L. 521-1 et suivants du même code) ;
– pour l’exécution des travaux de construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemin de fer, d'infrastructures nécessaires à la mise en œuvre des services express régionaux métropolitains, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre, d'oléoducs et d'ouvrages des réseaux publics d'électricité en cas de difficultés tenant à la prise de possession de terrains non bâtis, situés dans les emprises de l'ouvrage (article L. 522-1 du même code) ;
– lorsque l’exécution de travaux dans le périmètre d’une opération d’intérêt national (OIN) ou d’une grande opération d’urbanisme (GOU) risque d’être retardée du fait de difficultés tenant à la prise de possession de terrains non bâtis (articles L. 522-1 et suivants) ;
– lorsqu’une opération d’aménagement déclarée d’utilité publique rend nécessaire l’expropriation d’un immeuble dégradé ou dangereux, dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées (articles L. 523-1 et suivants du même code), depuis l’article 44 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024.
Dans les quatre cas, le décret de prise de possession anticipée doit faire l’objet d’un avis conforme du Conseil d’État auquel est soumis un dossier incluant un plan parcellaire et une description générale des ouvrages. Dans un délai de vingt-quatre heures suivant la réception du décret, le préfet prend les arrêtés permettant l’occupation temporaire dans les limites fixées par les articles 1er, 4, 5 et 7 de la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics.
À l’exception des travaux nécessaires pour la défense nationale, où le paiement de l’indemnité provisionnelle ou la consignation de l’indemnité procède de l’initiative des personnes intéressées (article L. 521-3), les prises de possession anticipée sur le fondement des articles L. 522-1 et L. 523-1 sont subordonnées au paiement d’une indemnité sur la base de l’évaluation établie par la direction de l’immobilier de l’État ou de l’expropriant en cas d’offre plus élevée. Lorsque le paiement de l’indemnité est impossible (propriétaire qui refuse l’offre amiable, propriétaire non identifié), la prise de possession anticipée est subordonnée à la consignation de cette indemnité auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). S’agissant de la durée maximale de cette consignation, l’article L. 518-24 du code monétaire et financier dispose que les sommes déposées à la CDC sont acquises à l’Etat lorsqu’il s’est écoulé un délai de trente ans sans manifestation ou réclamation du bénéficiaire.
L'autorité expropriante est tenue, dans le mois qui suit la prise de possession, de poursuivre la procédure d'expropriation. Le juge de l’expropriation peut alors accorder une indemnité prenant en compte le préjudice causé par la rapidité de la procédure.
Les occupants des bâtiments d’habitation doivent se voir proposer au moins deux solutions de relogement « correspondant à leurs besoins et n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré », à proximité du logement dont ils sont évincés (article L. 423-2 du même code).
Outre les cas prévus par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, plusieurs lois successives ont étendu la procédure spéciale à certains projets ponctuels jugés d’intérêt national : aménagements nécessaires à la tenue d’évènements (Jeux olympiques de Grenoble ou d’Albertville), construction du village olympique pour les Jeux olympiques et Paralympiques de Paris, réalisation d’équipements sportifs (Stade de France), opérations de construction ou d’extension d’établissements pénitentiaires entrés en phase d’étude avant 2023 ([123]), plusieurs projets ou infrastructures de transport (liaison Paris – aéroport Charles de Gaulle, projet de transport routier du Grand Paris, itinéraire routier destiné à desservir le projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire), opérations de réalisation d’un réacteur électronucléaire ([124]).
Le Conseil consitutionnel a confirmé la constitutionnalité de la procédure de prise de possession anticipée lorsque les opérations visées par la loi justifient d’un « motif impérieux d’intérêt général ».([125])
II. Le droit proposé : étendre la procédure d’extrême urgence aux opérations de reconstruction et à la réalisation de différentes infrastructures à mayotte
L’article 19 du projet de loi étend, pendant une durée de dix ans, la procédure d’extrême urgence dans les conditions prévues aux articles L. 522-1 à L. 522-4 :
– aux opérations de reconstruction conduites et coordonnées par le nouvel établissement public créé conformément à l’article 1er de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte, appelé à absorber et prendre la suite de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte. La reconstruction de logements, d’infrastructures ou d’équipements destinés à l’accomplissement d’une mission de service public pourrait s’intégrer dans des projets d’aménagement plus vastes. Cette reconstruction pourra conduire à des relocalisations, des constructions nouvelles et des extensions de bâtiments par exemple, qui nécessiteront d’acquérir des parcelles privées ;
Les missions du nouvel établissement public de Mayotte
L’ordonnance n° 2025-453 du 23 mai 2025 relative à la transformation de l’établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (Epfam) a précisé les modalités de gouvernance et les missions du futur établissement public.
Outre la reprise des compétences de l’Epfam, le nouvel établissement public foncier a pour mission de « veiller à la livraison des ouvrages et à la réalisation des opérations d'aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à la reconstruction de Mayotte ».
Il doit coordonner « les interventions des maîtres d'ouvrage et maîtres d'ouvrage délégués responsables des ouvrages et des opérations d'aménagement nécessaires à la reconstruction [en concluant] avec chacun d'entre eux des conventions relatives au programme, [à] son financement et au calendrier de livraison. Il contrôle le respect du programme, des coûts et du calendrier de livraison ».
Il peut participer au financement de tout ou partie des coûts des ouvrages et des opérations d'aménagement nécessaires à la reconstruction de Mayotte.
L’ordonnance prévoit également le transfert temporaire, en pleine propriété, des biens en cas de carence du maître d’ouvrage chargé de la reconstruction d’un bâtiment (retard, non-respect du programme de reconstruction, dépassement du budget) avant leur restitution à leur propriétaire, la reconstruction une fois achevée.
– à la réalisation de nouveaux ouvrages, infrastructures, constructions et installations permettant le bon fonctionnement de services d’intérêt général (services portuaires et aéroportuaires, ouvrages et installations des réseaux publics d’eau et d’assainissement, constructions, ouvrages et installations à l’usage des forces de sécurité intérieure, ouvrages et installations de production et de distribution d’électricité, établissements pénitentiaires ainsi que les établissements de santé et médico-sociaux).
L’intérêt, pour l’autorité expropriante, est d’accélérer les expropriations de 6 à 12 mois, ce qui correspondrait au délai nécessaire au juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Mamoudzou pour rendre son jugement lorsque l’offre d’achat a été refusée par le ou les propriétaires ou lorsque ceux-ci n’ont pas pu être identifiés lors de l’enquête parcellaire, ce qui arrive fréquemment. En outre, la prise de possession anticipée permet d’éviter le développement de « bangas » sur les terrains couverts par la déclaration d’utilité publique (déplacements fréquents à l’intérieur des terrains, réduction de l’accès aux parcelles concernées, photographie aérienne).
Votre rapporteur s’interroge cependant :
– le champ ouvert à la procédure de prise de possession anticipée paraît extrêmement large, puisqu’elle pourrait s’appliquer à la totalité des opérations de reconstruction pilotées par le futur établissement foncier – y compris donc des opérations ne reposant pas, de manière manifeste, sur un « motif impérieux d’intérêt général » comme le prévoit la jurisprudence constitutionnelle. Les projets mentionnés en audition sont la reconstruction de nouveaux établissements scolaires ou la réalisation de logements sociaux. Or, la construction de logements sociaux est parfois fortement contestée par la population, au motif qu’elle servirait essentiellement à loger des personnes de nationalité étrangère. Accélérer l’expropriation dans ce cas pourrait conduire à renforcer les tensions au niveau local ;
– l’autorité n’a pas obligation d’identifier le propriétaire si l’enquête parcellaire n’a pas permis d’y parvenir, afin de procéder à la prise de possession anticipée du bien. Plus fondamentalement, la puissance publique n’a pas obligation d’avoir achevé les diligences liées à la recherche des propriétaires pour prendre possession du bien de façon anticipée. La puissance publique sera-t-elle incitée à continuer ses recherches dans l’attente de la procédure judiciaire, une fois qu’elle aura pris possession des lieux et des bâtiments, alors qu’on sait que plusieurs dizaines de personnes peuvent être propriétaire d’un même bien à Mayotte ?
– que se passera-t-il si les occupants de bonne foi du terrain ne sont pas reconnus comme propriétaires par l’État et n’ont pas pu bénéficier de la prescription acquisitive au moment de l’expropriation ?
– le montant de la somme consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations est fixé par la direction de l’immobilier de l’État et non par le juge de l’expropriation.
Votre rapporteur considère que la prise de possession anticipée ne doit pas être le moyen de déposséder les Mahorais au motif du désordre foncier ou des difficultés à identifier clairement les propriétaires. Mayotte est une île très vallonnée et escarpée ; c’est pourquoi le foncier utile, tout comme la plupart des agglomérations, se concentre sur les zones côtières. Ce foncier exploitable, relativement rare (63 % des terrains ont une pente supérieure à 15 % ou sont situés à plus de trois cents mètres d’altitude), renforce ainsi le sentiment d’une possible dépossession de ce que les Mahorais considèrent comme leur bien le plus précieux.
L’article a été adopté sans modification par le Sénat.
III. La position de la commission
Contre l’avis du rapporteur, la commission a réduit substantiellement le champ ouvert par l’article pour les prises de possession anticipée à Mayotte aux seules parcelles nécessaires à la réalisation d’infrastructures portuaires et aéroportuaires, à la suite de l’adoption de l’amendement CE37 de Mme Estelle Youssouffa.
*
* *
Article 19 bis (supprimé)
Assimilation du projet d’agrandissement de l’aéroport de Mayotte à une opération d’aménagement
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article supprimé par la commission
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de la suppression de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article, introduit au sein du projet de loi par le Sénat, à l’initiative du Gouvernement, assimile le projet d’agrandissement de l’aéroport de Mayotte à une opération d’aménagement afin de le faire bénéficier de la procédure de déclaration d’utilité publique (DUP) dite « réserve foncière », qui permet de lancer une procédure d’expropriation en l’absence de projet totalement finalisé.
A. L’interdiction légale d’exproprier pour augmenter les capacités d’accueil de certains aéronefs engendrant une hausse des gaz à effets de serre ne s’applique dans les outre-mer
L’article L. 122-2-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique indique que « les projets de travaux et d'ouvrages visant à créer ou à étendre une aérogare ou une piste pour augmenter les capacités d'accueil des aéronefs, des passagers ou du fret d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique ne peuvent être déclarés d’utilité publique en vue d'une expropriation en application du présent code s’ils ont pour effet d'entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre ».
Cette interdiction d’exproprier pour créer ou étendre une aérogare ou une piste, en cas d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, ne s’applique cependant pas à Mayotte, comme dans l’ensemble des territoires ultramarins mentionnés à l’article 72-3 de la Constitution, conformément au II de l’article L. 122-2-1 précité.
B. Le dossier nécessaire pour la déclaratioN d’utilité publique
Conformément à l’article R. 112-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le dossier de déclaration d’utilité publique à constituer pour que le projet de réalisation de travaux ou d’ouvrages soit soumis à l’enquête publique doit comprendre les éléments suivants :
– une notice explicative ;
– le plan de situation ;
– le plan général des travaux ;
– les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ;
– l’appréciation sommaire des dépenses ;
– pour les travaux de création (ou d'extension) de piste aérienne ou de création (ou d’extension) d’une aérogare ou d’une aérogare de fret dans l’hexagone, qui augmentent la capacité d’accueil de l’aérodrome, l’étude permettant d’objectiver l’augmentation de la capacité d’accueil et l’étude mentionnée à l’article R. 122-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique (évolution prévisionnelle du trafic aérien, hypothèses d'évolution des émissions, évaluation des émissions de gaz à effet de serre générées par l'activité aéroportuaire et évaluation des mesures de compensation).
C. La procédure dérogatoire de DUP « réserve foncière »
Introduite par la loi n° 67-1253 d’orientation foncière du 30 décembre 1967 et progressivement adaptée par des lois successives, la DUP « réserve foncière » est aujourd’hui définie à l’article R. 112-5 du code de code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « lorsque la déclaration d'utilité publique (…) est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi, l'expropriant adresse au préfet du département où sont situés les immeubles, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins :
1° Une notice explicative ;
2° Le plan de situation ;
3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ;
4° L'estimation sommaire du coût des acquisitions à réaliser. »
Cet article organise ainsi une procédure qui permet au préfet de limiter la portée de l’enquête et au futur bénéficiaire de la DUP de ne constituer qu’un dossier simplifié. Il n’est ainsi pas nécessaire d’intégrer au dossier le plan général des travaux, ni les caractéristiques générales du projet, ni le coût du projet dans son ensemble.
Cette demande de DUP s’inscrit notamment en vue de la réalisation d’une action ou d’une opération d'aménagement, au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme ([126]), pour laquelle il est nécessaire de procéder à l'acquisition progressive d’immeubles avant que le projet n'ait pu être établi. La DUP ouvrant droit à l’expropriation pour la constitution de « réserves foncières » permet de maîtriser les prix d’achat des terrains et d’éviter tout phénomène de spéculation immobilière ou de rétention foncière par les propriétaires.
À titre d’exemple, le Conseil d’État a jugé qu’il était possible de recourir à cette procédure de dossier simplifié notamment dans le cadre de la constitution d'une réserve foncière en vue d'une zone d'activité aéronautique et aéroportuaire. ([127]) Les travaux de création d’aérodromes nécessitent, dans tous les cas, un décret en Conseil d’État pour être déclarés d’utilité publique (R. 121-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : permettre la constitution de réserves foncières pour le projet d’aéroport
Le projet d’aéroport implanté sur le site de Bouyouni-M’Tsangamouji ([128]) pour accueillir la piste longue adaptée aux vols long-courriers et le nouvel aéroport nécessite de recourir à des expropriations. L’ensemble des études n’ayant pas été finalisées, l’article 19 bis introduit grâce à l’adoption d’un amendement du Gouvernement en séance qui a recueilli un avis favorable de la commission des affaires économiques du Sénat, propose d’assimiler le projet d’aéroport à une opération d’aménagement afin de permettre de recourir au dispositif de réserve foncière.
En bénéficiant d’une déclaration d’utilité publique même en l’absence de l’ensemble des études normalement requises ([129]), l’autorité expropriatrice pourra ainsi réaliser les expropriations nécessaires rapidement et éviter la spéculation foncière – ou l’occupation des terrains sur le site d’implantation du futur aéroport par des « bangas », certains habitants de Mayotte ciblant les terrains couverts par une déclaration d’utilité publique pour s’y installer temporairement et pouvoir ensuite bénéficier d’une solution de relogement. Les procédures d’expropriation étant particulièrement longues, il convient ainsi de les démarrer au plus tôt.
Votre rapporteur considère que le projet d’aéroport remplit des conditions d’urgence au regard de l’importance du désenclavement de l’île et du risque de submersion de l’aéroport actuel, qui pourrait ne plus être utilisable dans dix ans. Les représentants de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) ont insisté sur l’importance de pouvoir disposer rapidement des terrains, afin de pouvoir commencer les travaux en 2027 et de disposer d’un aéroport fonctionnel en 2036. Les six premières années seraient consacrées aux travaux préparatoires (pistes d’accès, ouverture de la zone d’extraction de matériaux, etc.) et aux terrassements. En l’absence de recours à la DUP « réserve foncière », le projet serait retardé de deux ans.
Votre rapporteur note cependant la profonde méfiance des Mahorais vis-à-vis du projet d’aéroport alors que la parole de l’État a été rarement respectée sur le sujet.
III. La position de la commission
L’article 19 bis a été supprimé par la commission suite à l’adoption des amendements CE3 de Mme Nadège Abomangoli, CE51 de M. Philippe Naillet et CE81 de Mme Dominique Voynet.
*
* *
Article 19 ter (supprimé)
Clôture de la procédure de consultation du public sur le projet de piste longue de l’aéroport de Mayotte
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article supprimé par la commission
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques a rejeté cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position en supprimant cet article.
Cet article, introduit dans le projet de loi par le Sénat à l’initiative du Gouvernement, clôture la procédure de consultation du public sur le projet de piste longue, lancée il y a près de quinze ans. Il permet ainsi d’éviter le lancement d’un nouveau débat public ou d’une nouvelle concertation préalable, prévu par le code de l’environnement.
I. La piste longue à Mayotte : un projet plus que jamais nécessaire
A. un débat public en cas de construction d’un aéroport
L’article L. 121-1 du code de l’environnement prévoit que la Commission nationale du débat public (CNDP) veille à la participation continue du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national « dès lors qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. » Conformément à l’article L. 121-8 du code de l’environnement, la commission est saisie des projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel (tel qu'il peut être évalué lors de la phase d'élaboration) répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par l’article R. 121-2 du même code : la création ou l’extension d'infrastructures de pistes pour des aérodromes de catégorie A et dont le coût du projet est supérieur à 155 millions d’euros relève ainsi des projets pour lesquels une saisie de la CNDP est obligatoire.
Les maîtres d'ouvrage adressent à la commission un dossier qui décrit les objectifs et les principales caractéristiques du projet ainsi que des équipements qui sont créés ou aménagés en vue de sa desserte. Il présente ses enjeux socio‑économiques, son coût estimatif, l'identification des impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire, une description des différentes solutions alternatives, y compris l'absence de mise en œuvre du projet. La CNDP valide le dossier de la participation, fixe son calendrier, sa durée et ses modalités (débat public ou concertation préalable) dans un délai de deux mois après sa saisine. La durée du débat public ne peut excéder quatre mois et donne lieu à un compte rendu du débat par le président de la CNDP.
À la fin de cette première consultation du public, la Commission nationale du débat public désigne « un garant chargé de veiller à la bonne information et à la participation du public jusqu'à l’ouverture de l’enquête publique. La Commission détermine les conditions dans lesquelles le garant et le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable la tiennent informée. Elle assure, si nécessaire, la publication de rapports intermédiaires. Le rapport final du garant est rendu public », conformément à l’article L. 121-14 du code de l’environnement.
B. Un débat public de plus de dix ans
Après avoir été saisie par le Gouvernement le 16 avril 2010, la CNDP a décidé le 2 juin 2010 l'organisation d'un débat public sur le projet de réalisation d'une piste longue adaptée aux vols long-courriers à Mayotte. Le bilan du débat public a été établi le 8 février 2012.
Le projet envisagé était alors celui d’une nouvelle piste d’une longueur de 2 600 mètres, édifiée en partie sur des remblais à l’intérieur du lagon, permettant d’éviter le survol des habitations de Pamandzi (projet d’un montant compris entre 178 et 282 millions d’euros). La direction générale de l’aviation civile (DGAC) avait proposé deux scénarios :
– scénario 1 : allongement de la piste à 2 310 mètres, avant la construction ultérieure d’une piste convergente (2 600 mètres) construite sur un platier ;
– scénario 2 : construction d’une seule piste convergente de 2 600 mètres carrés.
Le rapport de la CNDP faisait état d’un large soutien de la population à un projet visant à améliorer la desserte aérienne de l’île. Il soulignait que les Mahorais doutaient également du sérieux de l’engagement de l’État à faire aboutir le projet. Plusieurs associations de défense de l’environnement soulignaient, au contraire, le caractère destructeur du projet sur le récif de la barrière de corail.
La décision du 7 mai 2012 de l’État acte le bien-fondé socio-économique du projet et dresse la liste des avantages et inconvénients des différents projets (coût financier plus élevé pour le scénario 2, mais moindre impact environnemental). Cette décision prévoit la poursuite du projet par le lancement d’études complémentaires pour les deux scénarios. Elle confie à la direction générale de l'aviation civile la poursuite de ces études, le soin de réunir l’ensemble des cofinancements nécessaires, la mission de déterminer le scénario optimal et la préparation du dossier à soumettre à l'enquête publique tout en déployant un dispositif d'information, d'échanges et de participation du public sur l'avancement du projet permettant d'associer les différents interlocuteurs de l'État.
C. des scenarii aujourd’hui caduCs au regard des enjeux environnementaux
Après 2011, le projet de piste longue a été mis en veille, notamment parce qu’il ne faisait pas partie des projets prioritaires identifiés par la commission « Mobilité 21 ».
De nouvelles contraintes sur l’aéroport sont apparues en 2018 avec la naissance du volcan sous-marin Fani Maoré : enfoncement de l’aéroport, inondation fréquente de la piste, risque d’effondrement résultant de l’activité sismo‑volcanique.
La direction générale de l’aviation civile a relancé, dès le dernier trimestre 2019, les études visant à déterminer comment réaliser le projet et les procédures administratives en vue de cette réalisation, à la suite des annonces du Président de la République lors de sa visite à Mayotte le 22 octobre 2019. La nomination d’une garante a permis la reprise de la concertation et, depuis 2019, une centaine de personnes ont été mobilisées sur les études représentant un budget de près de 10 millions d’euros.
Les enjeux sont majeurs : l’aéroport de Mayotte est aujourd’hui saturé, avec 900 000 passagers en 2025 contre moitié moins en 2024. L’île demeure enclavée malgré son aéroport : une escale est obligatoire à Nairobi ou à la Réunion pour atteindre l’hexagone. Les pilotes doivent être spécifiquement formés aux conditions d’atterrissage et de décollage, alors que la piste est d’une longueur insuffisante (moins de 2 000 mètres). Cette piste est fréquemment submergée, alors que l’augmentation du niveau de l’eau risque d’accentuer le phénomène. D’autres risques naturels rendent cette piste vulnérable (risque sismo-volcanique, tsunamis, stabilité du sol support non garantie, etc.) et l’aéroport actuel pourrait ne plus être fonctionnel à un horizon de dix ans. Le rehaussement de la piste actuelle, d’un coût limité (estimé à 450 millions d’euros, hors traitement de la fragilisation du sol support de la piste) mais incapable de garantir la desserte pérenne du territoire mahorais, tout comme la création d’une piste longue convergente sur le site de l’aéroport ne paraissent pas adaptés au regard des risques naturels.
Le site alternatif (celui de Bouyouni-M’Tsangamouji) paraît aujourd’hui beaucoup plus pertinent. Les études de comparaison des deux sites ont pris en compte l’ensemble des enjeux pour Mayotte, structurés autour de huit grands thèmes :
– les principes d’aménagement de l’aéroport et le potentiel de développement économique ;
– la desserte du site et l’impact sur l’aménagement et le développement de Mayotte ;
– la ressource en eau et la qualité des eaux ;
– les risques naturels et industriels ;
– les milieux naturels et le cadre de vie des habitants ;
– les besoins et les ressources en matériaux ;
– les activités humaines (agriculture, pêche) ;
– les coûts et la socio-économie.
Il ressort que le site de Bouyouni-M’Tsangamouji est plus favorable pour tous les thèmes examinés, à l’exception de celui relatif aux activités agricoles (mobilisation d’environ 300 ha de terres agricoles sur Bouyouni-M’Tsangamouji contre 100 ha pour le site de Pamandzi). Il pourrait permettre de limiter l’exposition aux risques naturels et les impacts sur l’environnement (un seul site d’extraction de matériaux à proximité) tout en répondant à l’objectif d’accueillir tous les aéronefs long-courriers sans limite d’accueil des passagers (capacité de plus de 1,2 million de passagers transitant par l’aéroport à horizon 2050). Le site de Bouyouni-M’Tsangamouji est largement plus favorable pour la préservation du cadre de vie des habitants (bruit, pollution, contraintes sur l’urbanisme) : il n’impacte aucune zone habitée et permet de supprimer toutes les nuisances sur Petite Terre, tandis que la desserte sera plus aisée, plus rapide et plus fiable pour la très grande majorité des habitants de Mayotte, qui résident sur Grande Terre (89 % des habitants). Le projet est estimé à 1,2 milliard d’euros contre plus de 6 milliards d’euros pour le projet de Pamandzi.
Des craintes peuvent exister chez les Mahorais concernant la perte de terres agricoles. L’utilisation de terres agricoles pourrait faire l’objet de compensations selon les informations transmises par la DACS lors de l’audition, ce qui paraît primordial.
II. le droit proposé : la mise en place d’un processus de clôture de la concertation avec le public
L’article 19 ter est issu de l’adoption d’un amendement gouvernemental en séance au Sénat, ayant reçu l’avis favorable de la commission des affaires économiques. Il prévoit un dispositif ad hoc de clôture de la concertation avec le public sur les modifications apportées au projet de piste longue adaptée aux vols long-courriers à Mayotte depuis le débat public mené en 2011 et la décision du 7 mai 2012 de l’État.
La procédure de concertation s’achèverait donc par la procédure de consultation du public, incluant les éléments suivants :
– la constitution d’un dossier présentant les objectifs et caractéristiques principales du projet, son coût, une présentation des solutions alternatives, l’identification des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire, les principales caractéristiques de l’équipement ;
– sa mise à disposition par voie électronique et sur support papier en préfecture, dans les espaces France services et dans les mairies, pendant un mois, pour permettre au public de présenter ses observations ;
– la réalisation, par le garant, du rapport final dans un délai d’un mois après la fin de la consultation ;
– la décision motivée du maître d’ouvrage dans un délai de deux mois à compter de la date de clôture du dépôt des observations et des propositions relatives aux enseignements tirés de la consultation et des modifications à apporter au projet.
Cette consultation clôturerait la consultation continue et abrogerait la décision du 7 mai 2012.
Tout en garantissant une concertation effective, notamment grâce à l’accès par voie électronique et sur support papier du dossier, l’article 19 ter permet d’éviter de relancer une nouvelle procédure de débat public ou de concertation préalable en dérogeant à l’article L. 121-12 du code de l’environnement. En effet, ce dernier prévoit que l’enquête publique relative à un projet ayant fait l’objet d’un débat public ou d’une concertation préalable ne peut être ouverte plus de huit ans après la fin de celle-ci ([130]) sans une nouvelle consultation de la Commission nationale du débat public, laquelle ne peut alors décider de relancer la concertation avec le public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont connu des modifications substantielles depuis cette date (condition remplie dans le cas d’espèce, puisqu’un nouveau site a été identifié). Éviter un nouveau débat public ou une concertation préalable permettrait ainsi de gagner un an dans les démarches et participerait à l’objectif de démarrer les travaux dès 2037.
L’article 19 ter prévoit également d’éviter une concertation spécifique au titre du droit de l’urbanisme (article 103-2 du code de l’urbanisme) pour éviter toute redondance avec la procédure ad hoc de concertation proposée par l’article. Enfin, la possibilité de s’exempter d’un débat public ou d’une concertation préalable n’enlève en rien la nécessité de conduire une évaluation environnementale et une enquête publique avant le lancement des travaux, une fois que le projet aura été clairement précisé.
III. La position de la commission
L’article a été rejeté par la commission après l’adoption de deux amendements rédactonnels du rapporteur.
*
* *
Article 20
Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article adopté par la commission avec modification
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article propose une application rétroactive à Mayotte de la réduction du délai de prescription acquisitive à dix ans, en conditionnant le bénéfice de celle-ci à l’accomplissement par le bénéficiaire de démarches de régularisation. Il permet, à cet égard, l’application de l’article 35-2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer aux actes de notoriété dressés et publiés avant le 31 décembre 2038 (au lieu de 2027).
I. L’ÉTAT du droit : les dispositifs existants et visant à concilier le droit de propriété avec les réalités foncières propres au territoire de mayotte
A. l’adaptation du dispositif de prescription acquisitive pour réguler la situation foncière des territoires d’outre‑mer
1. Le principe de la prescription acquisitive
La prescription acquisitive (ou usucapion) est définie à l’article 2258 du code civil. Ce mécanisme permet à une personne, possesseur d’un bien immobilier, d’acquérir un droit de propriété sur ce bien par l’effet d’une possession prolongée, sans que celui qui l’allègue soit obligé de rapporter un titre de propriété ni que l’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. Certains biens sont imprescriptibles : c’est le cas des biens ou droits qui « ne sont point dans le commerce » (article 2260 du code civil). Les biens des personnes publiques relevant du domaine public ou les archives publiques le sont également.
Conformément à l’article 2272 du code civil, le délai de prescription en droit commun est fixé à trente ans. Ainsi, une personne ayant occupé un bien immobilier ou un terrain pendant cette durée, tout en sachant qu’elle n’en était pas propriétaire, peut en devenir juridiquement propriétaire par la voie de l’usucapion, reconnue par voie judiciaire. La délivrance d’un acte de notoriété acquisitive délivré par un notaire constitue un élément de preuve. En l’absence de reconnaissance judiciaire mais en cas de publication au service de la publicité foncière, l’acte de notoriété acquisitive acquiert force de droit au bout d’une durée de trente ans. L’acquisition entraîne l’extinction des droits concurrents de propriété sur le bien.
La prescription acquisitive est strictement encadrée afin d’éviter les spoliations. Le délai trentenaire peut être réduit à dix ans, conformément à l’article 2272 du code civil, si la personne possède le bien de bonne foi et dispose d’un juste titre. C’est notamment le cas quand un acheteur acquiert un bien auprès d’un vendeur prétendant être le propriétaire, mais qui n’était pas le véritable propriétaire.
L’article 2261 du code civil précise les conditions de la possession nécessaires pour pouvoir invoquer la prescription acquisitive : cette possession doit être continue, paisible, publique, non équivoque et exercée à titre de propriétaire. La possession peut se prouver de différentes manières : documents écrits (factures, souscription d’un contrat d’assurance), témoignages, constat d’occupation par un commissaire de justice, indices matériels comme la réalisation de travaux d’aménagement ou des demandes d’autorisation d’urbanisme. La charge de la preuve de la mauvaise foi incombe à celui qui l’allègue (article 2274 du code civil).
2. Des mesures pour faciliter la prescription acquisitive dans les outre-mer
Certains outils juridiques dérogatoires au droit commun ont été mis en œuvre dans les outre-mer afin de sécuriser des situations foncières souvent complexes.
L’article 35-2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 relative au développement économique des outre-mer a institué, dans certaines collectivités ultramarines, un acte de notoriété dit « renforcé ». Il est ainsi prévu que lorsqu’un acte de notoriété atteste d’une possession conforme aux conditions de la prescription acquisitive, il est présumé valable, sauf si une preuve contraire est apportée. L’article 117 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 et l’article 1er de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 ont réduit à cinq ans le délai de contestation de l’acquisition de la propriété par prescription. Le dispositif dérogatoire prévu par l’article 35-2 est néanmoins temporaire : il est prévu qu’il prenne fin le 31 décembre 2027.
En outre, l’article 51 de la loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement prévoit une réduction du délai de prescription acquisitive à dix ans dans les collectivités d’outre-mer, même en l’absence de juste titre (contre trente ans en droit commun). Cette mesure s’applique jusqu’au 31 décembre 2038.
Au-delà de la réduction des délais de prescription acquisitive et de contestation, qui vise à faciliter la régularisation de la propriété foncière, d’autres outils juridiques existent pour résoudre certains problèmes résultant de situations d’indivision inextricables, notamment grâce à la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018, dite loi « Letchimy » (suppression de l’exigence d’unanimité pour vendre un bien ou demander son partage, possibilité de réaliser des actes patrimoniaux pour les indivisaires qui détiennent la moitié des droits, etc.)
B. La lutte contre le désordre foncier à mayotte
La gestion foncière du territoire de Mayotte présente une complexité particulière, résultant de facteurs historiques et culturels favorisant la division héréditaire des terres en dehors des canaux notariaux. La coexistence de différentes sources de droit (règles de droit français, règles coutumières et droit musulman) et de pratiques informelles conduit à une difficile formalisation des droits de propriété. De nombreuses transactions ont été conclues oralement ou par acte sous seing privé, sans être enregistrées au livre foncier.
Avant 2008, les cadis, juges coutumiers, rédigeaient les actes de cession et il appartenait aux parties elles-mêmes de les faire enregistrer, ce qui était très rarement le cas dans les faits. En effet, le décret du 4 février 1911, fondé sur l’article 5 du traité de 1841 de cession de Mayotte à la France, n’imposait pas l’immatriculation des parcelles, ce qui a conduit de nombreux Mahorais à occuper des terrains sans disposer de titres de propriété formels. Ce régime juridique a été abrogé par l’ordonnance n° 2005-788 du 29 juillet 2005, dont les dispositions sont entrées en vigueur en 2008, entraînant l’obligation de recourir à un notaire pour déclarer les cessions ou les acquisitions foncières. Mais ces nouvelles dispositions sont encore fréquemment contournées.
Selon un rapport d’information du Sénat à la suite d’une mission effectuée à Mayotte en mars 2012 ([131]), la direction régionale des services fiscaux a estimé à environ 70 000 le nombre de locaux et 52 000 le nombre de parcelles restant à identifier. Une part significative de ces parcelles est occupée sans qu’un titre de propriété ne soit détenu. Les procédures de régularisation foncière sont souvent entravées par l’impossibilité, pour les demandeurs, de démontrer une occupation continue et paisible des terrains sur les périodes longues requises pour justifier un droit de propriété par prescription. Par ailleurs, une partie importante de l’île où les Mahorais ont leur habitation appartient au conseil départemental de Mayotte ou à d’autres personnes publiques.
Cette situation est à l’origine de plusieurs difficultés majeures : insécurité foncière persistante pour les occupants, notamment au moment de la transmission ; obstacles notables à l’aménagement du territoire pour les pouvoirs publics ; difficile maîtrise de l’urbanisation, exposée à des risques accrus ; faible rendement de la taxe foncière pour les collectivités territoriales, etc.
Face à ces problématiques, plusieurs dispositifs ont été mis en place afin de sécuriser le régime foncier local du territoire de Mayotte, en sus des dispositions dérogatoires propres aux territoires d’outre-mer.
Prévu par l’article 35 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 relative au développement économique des outre-mer modifiée en 2017, le groupement d’intérêt public-commission d’urgence foncière (GIP-CUF), en activité depuis le 1er juillet 2023, constitue un acteur central dans la reconnaissance et la régularisation des droits fonciers à Mayotte ([132]). Il s’est vu confier deux missions principales :
– recenser l’ensemble des titres fonciers afin d’identifier les immeubles dont les propriétaires ne sont plus en mesure d’exercer leurs droits et analyser, dans ces cas, les écarts entre les propriétaires inscrits et les occupants actuels ;
– garantir, à terme, que chaque terrain dispose d’un propriétaire juridiquement capable d’exercer ses droits.
Pour mener à bien cette mission de régularisation foncière, le GIP peut délivrer des actes notariés renforcés. Ses moyens humains sont cependant insuffisants (trois juristes) et l’absence de directeur durant l’année 2024 a considérablement ralenti son activité. Depuis la création de la CUF, 309 titres ont été établis et 340 titres d’irrecevabilité ont été transmis. Par ailleurs, le directeur du GIP-CUF souligne les difficultés à obtenir le concours de géomètres, nécessaire pour réaliser l’arpentage des parcelles.
Le décret n° 2023-94 du 14 février 2023 relatif à la procédure applicable à certaines actions relatives au droit de propriété immobilière à Mayotte a instauré, pour ce territoire, une « procédure judiciaire accélérée » pour certaines actions relatives à la reconnaissance d’un droit de propriété immobilière. Cette procédure concerne notamment les actes établis sous signature privée ou devant un cadi, non-inscrits au livre foncier de Mayotte avant le 1er janvier 2008, ainsi que les situations de prescription acquisitive. Elle dispense ces actions du ministère d’avocat et impose l’affichage public tant de la demande en justice que du jugement y faisant droit. Ce mécanisme facilite l’intégration des droits de propriété informels dans le système foncier moderne, contribuant ainsi à renforcer la sécurité juridique des propriétaires à Mayotte.
II. le dispositif proposé : la réduction rétroactive du délai d’usucapion à mayotte et l’extension de reconnaissance des actes de notoriété jusqu’en 2038
L’article 51 de la loi du 9 avril 2024 de lutte contre l’habitat dégradé ne prévoit ni disposition transitoire, ni effet rétroactif concernant le mécanisme dérogatoire de réduction temporaire du délai de prescription acquisitive de trente à dix ans dans les départements et régions d’outre-mer. Les dispositions de l’article 20 proposent une application rétroactive à Mayotte de la prescription acquisitive réduite et une prolongation du dispositif prévu à l’article 35-2 de la loi du 27 mai 2009.
Il est ainsi prévu (paragraphe I), par dérogation aux articles 2222 et 2259 du code civil relatifs à l’application dans le temps des règles de prescription, de rendre applicable rétroactivement à Mayotte la réduction du délai de prescription acquisitive à dix ans. Cette dérogation s’appliquerait aux possessions répondant aux critères d’utilité (paisible, continue, publique et non équivoque) ayant commencé avant le 11 avril 2024, soit avant l’entrée en vigueur de la loi relative à l’habitat dégradé.
Le bénéfice de cette mesure serait subordonné à la réalisation de démarches de régularisation, en respectant deux conditions cumulatives :
– le constat de la possession par un acte de notoriété ou une décision judiciaire ;
– l’inscription de la parcelle au livre foncier de Mayotte, avant le 31 décembre 2038.
Son second alinéa prévoit les modalités d’entrée en vigueur de cette disposition, un an après la publication d’un décret précisant les modalités d’information des personnes concernées, et au plus tard le 31 décembre 2027. Il s’agit ici de s’assurer que les potentiels propriétaires disposent du temps nécessaire pour prendre leurs dispositions et contester d’éventuels actes de notoriété acquisitive.
Il est par ailleurs prévu (paragraphe II) de porter la date limite de reconnaissance des actes de notoriété du 31 décembre 2027 au 31 décembre 2038 afin d’aligner ces dispositions avec le terme des différents outils juridiques de lutte contre le désordre foncier outre-mer.
Ce dispositif semble articuler correctement respect de la propriété privée et poursuite de l’objectif d’intérêt général de lutte contre le désordre foncier à Mayotte. Pour respecter les droits des tiers et prévenir les contentieux, l’article prévoit une information claire, accessible et généralisée des populations concernées. Cet article a été adopté par le Sénat sans modification.
III. La position de la commission
La commission a adopté cet article, modifié, contre l’avis du rapporteur, par l’amendement CE35 de Mme Estelle Youssouffa qui précise que les dispositions prévues par l’article ne peuvent pas s’appliquer aux possessions de logements insalubres, tels que définis aux articles L. 1331‑22 et L. 1331‑23 du code de la santé publique, ou d’habitats indignes et informels, définis par l’article 1‑1 de la loi n° 90 449 du 31 mai 1990.
Selon l’analyse du rapporteur, la procédure d’usucapion ne pourrait en aucun cas bénéficier aux personnes occupant un logement informel, car cette possession ne remplit pas les critères prévus par la loi – notamment, ceux de possession non équivoque et paisible.
*
* *
Article 21
Prorogation de l’expérimentation de passation de marchés de type conception‑réalisation pour la construction d’écoles du premier degré et extension de cette expérimentation aux constructions d’établissements du second degré, de résidences universitaires et de résidences affectées à l’enseignement supérieur public
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article adopté par la commission avec modifications
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2030, à Mayotte, l’expérimentation, prévue initalement pour une durée de sept ans par l’article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, permettant de passer des marchés globaux de type conception-réalisation pour la construction d’écoles du premier degré.
L’article permet également d’étendre cette expérimentation aux constructions d’établissements du second degré, de résidences universitaires et de résidences affectées à l’enseignement supérieur public.
Dans un contexte de saturation des établissements scolaires existants et de nécessité de reconstruction à la suite du cyclone Chido pour assurer une continuité du service public scolaire, l’objectif de ces dispositions est d’accélérer la construction des établissements scolaires et d’enseignement supérieur à Mayotte.
En permettant de déroger aux principes d’allotissement des marchés publics et de séparation des missions de maître d’ouvrage et d’entrepreneur, le recours aux marchés de conception-réalisation permettrait de simplifier les procédures, d’optimiser la gestion et la prévisibilité budgétaire sur ces marchés, tout en permettant un accès renforcé des micro-entreprises, des petites et moyennes entreprises et des artisans locaux à la commande publique.
I. Une extension de l’expérimentation permettant de recourir au marché de conception‑réalisation pour accélérer la construction d’infrastructures scolaires à mayotte
A. Le marchÉ GLOBAL de TYPE « conception-RÉALISATION »
1. L’état du droit
L’article L. 2431-1 du code de la commande publique pose comme principe pour les marchés publics que la « mission de maîtrise d’œuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux ». Cependant, des exceptions sont prévues pour les marchés globaux au chapitre Ier du titre VII du livre Ier du même code.
Appartenant à la catégorie des marchés globaux, le marché de conception-réalisation, prévu à l’article L. 2171-2 dudit code, renvoie au « marché de travaux permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux ».
Ainsi, une seule entité est chargée de concevoir et de réaliser l’ouvrage, permettant une meilleure coordination entre conception et construction.
Le recours à un marché de conception-réalisation permet de déroger à deux obligations auxquelles sont soumis les marchés publics, à savoir à l’obligation d’allotissement et à la dissociation des missions d’études et d’exécution des travaux.
D’une part, l’obligation d’allotissement, définie à l’article L. 2113-10 du code de la commande publique, impose que les marchés publics soient « passés en lots séparés », tout en laissant à l’acheteur le soin de déterminer le « nombre, la taille et l’objet des lots » et en exonérant les marchés dont l’objet « ne permet pas l’identification de prestations distinctes ». Cependant, l’article L. 2171-1 du même code prévoit que trois types de marchés peuvent déroger à cette obligation, dont les marchés de conception-réalisation.
D’autre part, l’article L. 2431-1 du code de la commande publique ([133]) oblige à dissocier la mission de maîtrise d’œuvre et celle de l’entrepreneur pour la réalisation des ouvrages publics. Toutefois, il est possible de déroger à cette règle en ayant recours aux marchés de conception‑réalisation, prévu dans le cas où des « motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ».
Le marché de conception-réalisation est alors confié à un groupement d’opérateurs économiques. Toutefois, il peut être confié à un seul opérateur économique lorsqu’il s’agit d’ouvrages d’infrastructures.
Si le troisième alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique exempte notamment du respect des deux conditions susmentionnées les marchés relatifs à la réalisation de logements locatifs aidés par l’État financés avec le concours de certaines aides publiques, ces conditions circonscrivent le recours aux marchéx globaux de type conception-réalisation à un champ restreint de situations. Par exemple, les situations d’urgence liées à un impératif de délai ne justifient pas le recours à ces contrats. ([134])
2. Les avantages d’un recours au marché de conception‑réalisation
En permettant ces deux exemptions au droit commun des marchés publics, le recours au marché global de type « conception-réalisation » offre un gain de temps significatif pour la réalisation du marché.
En effet, ce mode de passation simplifie les démarches administratives, supprime une phase de consultation intermédiaire et réduit les itérations lors de la conception du marché. La délégation générale des outre‑mer (DGOM) estimait, lors de son audition, que ce type de marché permettrait de générer un gain de temps de quatre semaines à douze mois en moyenne.
Par ailleurs, le recours au marché de conception-réalisation peut être gage d’efficacité et de simplification. Le fait de confier la conception et la réalisation à une entité unique permet d’optimiser la gestion du marché et d’assurer une continuité entre les différentes phases du projet.
En outre, le marché de conception-réalisation favorise l’innovation et la qualité de la réalisation du marché final. L’association des concepteurs et des constructeurs en amont encourage l’adoption de solutions adaptées et performantes.
Enfin, ce type de marché à tendance à permettre une meilleure prévisibilité budgétaire, dans un souci de bonne gestion des deniers publics.
B. LE RECOURS AUX MARCHÉS DE CONCEPTION-REALISATION PRÉVU À TITRE EXPERIMENTAL POUR LES ÉCOLES du premier degré À MAYOTTE ET EN GUYANE
Un assouplissement des conditions de recours aux marchés de conception‑réalisation en Guyane et à Mayotte a été introduit, à titre expérimental, par l’article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
Ce dispositif permet, pour une durée de sept ans à compter de la promulgation de la loi — soit jusqu’au 25 juillet 2026 — de recourir à des marchés de conception-réalisation pour la construction d’écoles maternelles et élémentaires publiques, même en l’absence des conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique.
Ce dispositif répond à une urgence : celle de la saturation des infrastructures scolaires en Guyane et à Mayotte, liée à une forte croissance démographique et à une pression migratoire élevée. Il vise à accélérer les procédures de passation des marchés publics et, par conséquent, à raccourcir les délais de construction des établissements scolaires.
Depuis 2019, le recours aux marchés de conception-réalisation reste limité à Mayotte : moins de dix marchés ont été conclus, dont quatre pour des écoles primaires, pour un montant cumulé d’environ 35 millions d’euros. Les services de l’État estiment que cette mise en œuvre modeste marque néanmoins une appropriation progressive du dispositif, grâce notamment au soutien du rectorat et de l’Agence française de développement (AFD).
Les premiers retours apparaissent encourageants : les projets menés en conception-réalisation auraient permis de réduire les délais de livraison de douze mois à quatre semaines. À titre d’exemple, l’école primaire de Koungou a été construite en 27 mois, contre 34 mois en procédure classique.
Cependant, plusieurs freins subsistent : manque d’ingénierie publique locale, complexité perçue des montages juridiques, voire crainte d’une perte de contrôle sur les projets.
II. élargir le champ de l'expérimentation prévue par la loi de 2019 pour une École de la confiance afin de faire face à la pression sur les capacités d’accueil scolaires et universitaires à mayotte
A. l’élargissement du champ de l’expérimentation à mayotte
Les tensions sur les capacités d’accueil dans les établissements scolaires et d’enseignement supérieur à Mayotte étaient déjà fortes avant le passage du cyclone Chido. En 2023, les auteurs du rapport d’information sur l’évaluation de la loi pour une école de la confiance ([135]) soulignaient déjà la saturation des établissements scolaires : « le principal facteur limitant la scolarisation tient au nombre insuffisant d’écoles au regard de la population de l’île ».
Toutefois, les destructions engendrées par le cyclone ont particulièrement détérioré cette situation à Mayotte. En effet, d’après les données communiquées par le général Pascal Facon, chef de la mission interministérielle pour la refondation et la reconstruction de Mayotte (MIRRM) lors de son audition, s’il fallait construire près de 1 200 classes avant le passage du cyclone Chido, le besoin de construction est désormais estimé à 1 500 classes et atteindrait 1 700 classes d’ici 2031.
Dans ce contexte d’urgence pour la scolarisation des Mahorais, les dispositions prévues à l’article 21 du projet de loi entendent faciliter et accélérer la construction d’établissements scolaires et d’enseignement supérieur et de résidences universitaires.
Cet article autoriserait ainsi, à Mayotte jusqu’au 31 décembre 2030, le recours aux marchés de conception-réalisation pour la construction d’écoles maternelles et élémentaires, de collèges et de lycées de l’enseignement public, de résidences universitaires au sens de l’article L. 631-12 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que pour des bâtiments affectés à l’enseignement supérieur public, même si les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas remplies.
En étendant et en prolongeant cette dérogation exclusivement à Mayotte, l’article 21 vient élargir le cadre expérimental initialement instauré en Guyane et à Mayotte par l’article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, qui ne concernait que la construction d’écoles élémentaires et maternelles d’enseignement public.
S’agissant de la temporalité d’application de ces dispositions :
– pour les écoles maternelles et élémentaires, la dérogation s’appliquerait aux marchés dont la consultation ou l’avis d’appel public à la concurrence a été lancé à compter de la promulgation de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, la possibilité étant déjà ouverte depuis cette date ;
– pour les collèges, lycées, résidences universitaires et constructions dédiées à l’enseignement supérieur, la dérogation serait applicable aux marchés engagés à partir de la promulgation de la présente loi.
Enfin, il est prévu qu’un rapport d’évaluation soit remis par le Gouvernement au Parlement six mois avant la fin de cette période expérimentale.
B. Les modifications apportées par le sénat
Sur le modèle de ce que prévoit l’article 20 de la loi n° 2025-176 du lundi 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte pour les travaux de reconstruction, un amendement a été adopté en séance publique au Sénat, afin de confier au moins 30 % du montant prévisionnel, au lieu de 20 % prévu par l’article R. 2171-23 du code de la commande publique, aux microentreprises, petites et moyennes entreprises (PME) et artisans pour les marchés publics de conception-réalisation relatifs à la réalisation d’écoles élémentaires et maternelles, de collèges et de lycées de l’enseignement public, de résidences universitaires et des constructions affectées à l’enseignement supérieur public.
Ainsi, soit le titulaire du marché relève de l’un de ces types d’entreprises, soit il confie, directement ou indirectement, à des entreprises de cette nature 30 % du montant prévisionnel estimé du marché, « sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas ».
L’objectif est de permettre aux entreprises locales de se développer et d’éviter que les grandes entreprises captent l’ensemble des marchés et des financements.
La direction générale des outre‑mer (DGOM) estime cependant que cet amendement contraint l’attribution des marchés et risque d’être contre‑productif : compte tenu de l’ampleur des projets, « il n’est pas certain que les PME, microentreprises et artisans locaux soient en capacité de répondre aux offres et de mener les travaux » ([136]) .
Par ailleurs, si le préfet de Mayotte estime que cette mesure est symboliquement importante, il met en garde face aux nombreuses possibilités de contourner cette règle. Par exemple, des investisseurs d’un autre territoire pourraient prendre majoritairement possession d’une entreprise relevant de la catégorie concernée, si bien que cette mesure n’aiderait pas spécifiquement au développement économique de Mayotte.
III. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission des affaires économiques a adopté l’article 21, modifié par quatre amendements.
Les amendements CE25 de la présidente Aurélie Trouvé et CE8 de Mme Nadège Abomangoli permettent d’inclure les établissements d’accueil du jeune enfant et les sites de restauration scolaire, respectivement, parmi les équipements concernés par l’expérimentation à Mayotte de la procédure dérogatoire de passation de marchés publics de conception-réalisation prévue par cet article.
En outre, l’amendement CE96 du rapporteur vise à proroger d’un an l'expérimentation à Mayotte, soit jusqu’au 31 décembre 2031, pour s'aligner sur la périodicité de la stratégie quinquennale (2026-2031) pour Mayotte.
Enfin, l’amendement CE55 de M. Charles Fournier vise à favoriser l’inclusion des entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) dans les marchés publics de conception-réalisation. Toutefois, tel que rédigé, cet amendement revient à exempter toute entreprise qui relève de l’ESS de l'obligation de confier 30 % du montant prévisionnel du marché de conception‑réalisation à des microentreprises, petites et moyennes entreprises ou à des artisans.
Or le rapporteur estime qu’il est important que les grandes entreprises de l'ESS puissent contribuer, comme toutes les grandes entreprises, à soutenir le tissu économique de micro-entreprises, de PME et d'artisans.
*
* *
Article 21 bis A (nouveau)
Extension du droit de réserver jusqu’à 30 % du montant de certains marchés de travaux de reconstruction aux entreprises de l’économie sociale et solidaire établies à Mayotte avant le cyclone Chido
Cet article additionnel, ayant un lien avec un article délégué par la commission des lois, a été introduit par la commission des affaires économiques.
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi, ainsi que sur les amendements liés à ceux-ci (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques, saisie pour avis avec délégation au fond, s’est prononcée en faveur de l’introduction de ce nouvel article au sein du projet de loi. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article vise à étendre aux entreprises de l’économie sociale et solidaire ayant leur siège social établi à Mayotte avant le cyclone Chido le droit, mentionné au I de l’article 20 de la loi d’urgence pour Mayotte, de se voir confier jusqu’à 30 % du montant estimé des marchés de travaux de reconstruction dont la valeur est inférieure à 2 millions d'euros hors taxes.
I. Un dispositif permettant de rÉserver 30 % du montant de certains marchÉs de travaux aux PETITES ENTREPRISES Établies À mayotte avant le cyclone chido
Le I de l’article 20 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte prévoit la possibilité pour les acheteurs de réserver jusqu’à 30 % de certains marchés de travaux aux microentreprises, aux petites et moyennes entreprises (PME) ainsi qu’aux artisans ayant leur siège social établi à Mayotte avant le passge du cyclone Chido, soit au 13 décembre 2024.
Les marchés de travaux concernés sont :
– ceux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido ou par les événements climatiques spécifiés ;
– et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 2 millions d'euros hors taxes.
Le II du même article dispose que les soumissionnaires qui ne sont pas des microentreprises, PME ou artisans formalisent par un plan de sous‑traitance la participation des microentreprises, PME ou artisans à l’exécution du marché auquel ils postulent. À défaut, ils doivent en exposer les motifs au sein du plan de financement.
Le III dudit article prévoit que, dans le cas où il n’est pas lui-même une microentreprise, une PME ou un artisan, le titulaire du marché s’engage à confier directement ou indisrectement au moins 30 % du montant prévisionnel du marché à des microentreprises, PME ou artisans, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas.
II. Une extension aux entreprises de l’Économie sociale et solidaire du droit de rÉserver jusqu'à 30 % du montant de certains marchÉs de travaux de reconstruction À Mayotte
L’amendement CE56 de M. Charles Fournier vise à inclure les entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS) au sein du dispositif prévu au I de l’article 20 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte.
Cet article additionnel prévoit d’étendre le dispositif permettant de réserver jusqu'à 30 % du montant estimé des marchés de travaux susmentionnés aux entreprises de l’ESS, en plus des microentreprises, des petites et moyennes entreprises (PME) et des artisans, à la condition que leur siège social soit établi à Mayotte au 13 décembre 2024.
Dans l’état du droit actuel, les microentreprises et PME relevant du secteur de l’économie sociale et solidaire peuvent d’ores et déjà bénéficier de ce droit. Cet article étend donc seulement cette possibilité aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et aux grandes entreprises (GE) relevant du secteur de l’ESS et ayant leur siège social établi à Mayotte au 13 décembre 2024.
*
* *
Article 21 bis
Dérogation aux principes de publicité pour la passation des marchés de travaux visant à édifier des constructions temporaires nécessaires à la continuité des services publics de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article adopté par la commission sans modification
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de l’adoption sans modification de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article vise à exonérer de l’obligation de publicité la passation des marchés relatifs à la construction temporaire de bâtiments scolaires et d’enseignement supérieur. Cette dérogation est limitée aux ouvrages dont la valeur estimée est inférieure à 3,5 millions d’euros hors taxes.
Il est issu d’un amendement du Gouvernement, adopté en séance publique par le Sénat. Il vient compléter l’article 17 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, qui prévoit cette exonération pour certains marchés publics rendus nécessaires par le cyclone Chido ou par des événements climatiques survenus dans un délai de six mois après celui-ci.
I. Un DISPOSITIF DÉROGATOIRE TEMPORAIRE PRÉVU PAR LA LOI D’URGENCE POUR MAYOTTE
L’article 17 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte prévoit des dérogations à l’obligation de publicité prévue par l’article L. 2131-1 du code de la commande publique pour la passation des marchés de travaux, de fournitures et de service soumis au code de la commande publique.
Premièrement, certains marchés de travaux soumis au code de la commande publique sont exonérés de l’obligation de publicité. Deux conditions doivent être remplies :
– « être nécessaires à la reconstruction ou la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido survenu à Mayotte les 13 et 14 décembre 2024 ou par les événements climatiques survenus entre le 13 décembre 2024 et le 13 mai 2025 » ;
– « répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 2 millions d’euros hors taxes » ([137]) .
Deuxièmement, ces dispositions exonèrent les marchés de travaux, de fourniture et de services de l’obligation de publicité et de mise en concurrence préalable lorsqu’ils sont nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone Chido et des événements climatiques et qu’ils répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes ([138]) .
Toutefois, bien qu’exonérés de l’obligation de publicité, les marchés publics précités font l’objet d’une publication numérique destinée à l’information du public, à la fois lors de leur lancement et lors de leur passation, sur les sites internet de la préfecture de Mayotte et de l’établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte. Ces publications doivent demeurer accessibles au public pendant deux ans.
Ainsi, l’article 17 de la loi d’urgence pour Mayotte vise à faciliter et à accélérer la conclusion des marchés de travaux, de fourniture et de service soumis au code de la commande publique devant être engagés afin de remédier aux destructions et dommages causés à Mayotte par le cyclone Chido.
II. COMPLéTER Le dispositif dérogatoire prévu par la loi d’urgence pour mayotte AU PROFIT DES éTABLISSEMENTS SCOLAIRES ET D’ENSEIGNEMENT SUPéRIEUR
Cet article 21 bis est issu de l’adoption par le Sénat, lors de l’examen du projet de loi en séance, d’un amendement du Gouvernement portant article additionnel après l’article 21.
Il complète l’article 17 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, afin de faciliter la construction de bâtiments temporaires pour assurer la continuité des services publics de l’éducation et de l’enseignement supérieur.
Le contexte particulier des établissements d’enseignement scolaire et de l’université de Mayotte nécessite l’installation urgente d’infrastructures temporaires pour augmenter leur capacité d’accueil, afin d’éviter toute rupture de prise en charge des élèves et étudiants.
Bien que l’installation de bâtiments modulaires puisse être qualifiée de marché de travaux lorsqu’elle implique une emprise au sol et des raccordements souterrains fluides, ces structures ne relèvent pas de la reconstruction au sens strict. Elles ne peuvent donc pas bénéficier de la dérogation aux principes de publicité et de mise en concurrence préalable pour la passation des marchés de travaux visant à édifier des constructions temporaires, prévue par les dispositions de la loi d’urgence précitée.
Toutefois, elles restent une solution pour assurer la continuité des services publics dans les domaines de l’enseignement scolaire et supérieur.
Dans ce contexte, cet article additionnel prévoit que la dérogation prévue au I de l’article 17 de la loi précitée soit également « applicable aux marchés de travaux soumis au code de la commande publique ayant pour objet l’édification de constructions temporaires nécessaires à la continuité des services publics de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur en vue de pallier les conséquences du cyclone Chido et des événements climatiques mentionnés au premier alinéa et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 3,5 millions d’euros hors taxes ».
Le Gouvernement explique que cette disposition concernerait en particulier les établissements dont la reconstruction complète prendra plusieurs années et où le recours à un système de rotation des élèves et étudiants est impossible en raison de l’état trop dégradé des bâtiments existants.
Si votre rapporteur est sensible à l’objectif de permettre aux élèves et étudiants mahorais de bénéficier d’une continuité du service public scolaire, il s’interroge sur le risque que ces constructions temporaires puissent, au fil du temps, devenir finalement définitives ou servir à d’autres fins.
III. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission des affaires économiques a adopté cet article sans modification.
*
* *
Article 21 ter (nouveau)
Rapport évaluant l’opportunité et les modalités de lancement d’un appel à projets innovants spécifique à Mayotte
Cet article additionnel, ayant un lien avec un article délégué par la commission des lois, a été introduit par la commission des affaires économiques.
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi, ainsi que sur les amendements liés à ceux-ci (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques, saisie pour avis avec délégation au fond, s’est prononcée en faveur de l’introduction de ce nouvel article au sein du projet de loi. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement relatif au lancement d’un appel à projets innovants spécifique à Mayotte, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.
L’amendement CE23 de M. Hervé de Lépinau a été adopté en commission des affaires économiques contre l’avis du rapporteur.
Il prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport évaluant l’opportunité et les modalités de lancement d’un appel à projets innovants spécifique à Mayotte.
Il précise que l’objectif est de développer des solutions de construction adaptées aux particularités géographiques, climatiques, sanitaires et géologiques de l’île, tout en proposant des pistes d'évolution du référentiel de construction à Mayotte pour répondre à ces particularités.
*
* *
Chapitre III
Créer les conditions du développement de Mayotte
Article 22
(art. 44 quaterdecies et 1388 quinquies du code général des impôts)
Création d’une nouvelle zone franche globale à Mayotte en adaptant les dispositions relatives à la zone franche d’activité nouvelle génération (ZFANG) existante
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des finances.
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article crée une zone franche globale d’une durée de cinq ans à Mayotte, approfondissant la zone franche d’activité nouvelle génération (ZFANG) existant sur le territoire.
Ainsi, il porte de 80 % à 100 % les taux d’abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et d’impôt sur les sociétés (IS) ou d’impôt sur le revenu (IR) payé par les entreprises sur leurs bénéfices. Le taux d’abattement de 100 % de cotisation foncière des entreprises (CFE) demeure inchangé.
Il étend également le champ de la zone franche à la quasi-totalité des secteurs d’activité, notamment les activités libérales et le secteur du commerce, afin de relancer l’économie mahoraise après les destructions engendrées par le cyclone Chido.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi de finances pour 2019 a mis en œuvre les ZFANG en remplacement des différents zonages pré-existants dans les départements d’outre-mer.
La loi de finances pour 2024 a étendu la liste des secteurs d’activités prioritaires pouvant bénéficier d’abattements majorés dans le cadre des ZFANG.
Modifications apportées par la commission
La commission des finances a adopté cet article tel que modifié par deux amendements du rapporteur visant à préciser le champ d’application de la nouvelle zone franche globale et prévoyant la remise d’un rapport évaluant le dispositif au plus tard le 1er juin 2030.
Les zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG) forment un régime d’aide aux entreprises à finalité régionale qui s’inscrit dans le cadre des politiques publiques conduites en outre-mer pour développer le tissu économique de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, de la Guyane et de Mayotte.
Elles sont issues de la réforme des zones franches d’activité (ZFA) mise en œuvre à compter du 1er janvier 2019 par la loi de finances pour 2019 ([139]). Les ZFANG ont ainsi remplacé les ZFA et d’autres dispositifs zonés ([140]) afin de créer un zonage unique décliné selon des modalités propres à chaque département d’outre-mer, codifié aux articles 44 quaterdecies, 1388 quinquies, 1466 F et 1586 nonies du code général des impôts (CGI).
A. un dispositif de soutien aux entreprises ultramarines renforcÉ À mayotte
Les ZFANG portent un ensemble d’exonérations fiscales tournées vers les entreprises ultramarines destinées à soutenir leur compétitivité et à participer au développement économique des départements d’outre-mer.
Le dispositif zoné permet aux entreprises éligibles de bénéficier :
– d’un abattement d’impôt sur le revenu (IR) ou d’impôt sur les sociétés (IS) sur le bénéfice taxable, prévu à l’article 44 quaterdecies du CGI ;
– d’un abattement sur la base imposable à la cotisation foncière des entreprises (CFE), pouvant mener à un abattement de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur demande de l’entreprise ;
– d’un abattement de la base d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Sauf délibération contraire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) doté d’une fiscalité propre, les articles 1466 F et 1388 quinquies du CGI prévoient ainsi respectivement un abattement de CFE et de TFPB pour les établissements situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion ou à Mayotte.
Le IV de l’article 1586 nonies du CGI dispose en outre qu’une entreprise bénéficiant de l’abattement de CFE précité peut, à sa demande, faire l’objet d’un abattement de CVAE de même taux, dans la limite de 2 millions d’euros. La loi de finances pour 2024 ([141]) a néanmoins restreint ce dispositif en prévoyant que seules les entreprises qui bénéficiaient déjà d’une exonération de CVAE au 1er janvier 2024 peuvent voir celle-ci continuer à s’appliquer dans les mêmes conditions.
Les entreprises éligibles des départements d’outre-mer bénéficient ainsi :
– d’un abattement de CFE de 80 % sauf délibération contraire de la commune ou de l’EPCI concerné dans la limite de 150 000 euros ;
– d’un abattement de TFPB de 50 % sauf délibération contraire de la commune ou de l’EPCI concerné ;
– d’un abattement sur les bénéfices imposables à l’IR ou à l’IS de 50 % dans la limite de 150 000 euros.
Ces taux sont toutefois majorés pour l’ensemble des entreprises éligibles en Guyane et à Mayotte. À Mayotte, les entreprises éligibles bénéficient donc :
– d’un abattement de CFE majoré à 100 % sauf délibération contraire de la commune ou de l’EPCI concerné dans la limite de 150 000 euros ;
– d’un abattement de TFPB majoré à 80 % sauf délibération contraire de la commune ou de l’EPCI concerné ;
– d’un abattement sur les bénéfices imposables à l’IR ou à l’IS majoré à 80 % dans la limite de 300 000 euros.
Cet abattement peut également être majoré à 80 % pour les entreprises situées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion exerçant leur activité principale dans l’un des secteurs considérés comme prioritaires et définis au 3° du III de l’article 44 quaterdecies du CGI (recherche et développement, technologies de l’information et de la communication, tourisme, agro-nutrition, environnement etc.) ou bénéficiant du régime de perfectionnement actif ([142]) prévu au b du 4° du III du même article.
L’article 74 de la loi de finances pour 2024 a d’ailleurs étendu la liste des secteurs d’activités prioritaires pouvant bénéficier de cet abattement majoré à l’industrie, à la réparation et la maintenance navale ainsi qu’à l’édition de jeux électroniques.
B. Un zonage centrÉ sur les petites entreprises et sur certains secteurs d’activitÉ
● Le dispositif des ZFANG est tourné vers les microentreprises et les petites et moyennes entreprises (PME). L’article 44 quaterdecies du CGI prévoit ainsi que les entreprises éligibles doivent :
– employer moins de deux cent cinquante salariés ;
– réaliser un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ;
– être soumises à un régime réel ou à un régime micro d’imposition.
● En outre, tous les secteurs d’activité ne sont pas concernés par les abattements fiscaux applicables au sein des ZFANG. L’article précité prévoit en effet que l’activité de l’entreprise doit relever de l’un des secteurs d’activité éligibles à la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du CGI.
Du fait de ce renvoi à l’article 199 undecies B, l’ensemble des activités commerciales, industrielles, artisanales et agricoles sont concernées, à l’exception des secteurs suivants :
– commerce ;
– les cafés, débits de tabac et débits de boissons ainsi que la restauration, à l’exception des restaurants dont le dirigeant ou un salarié est titulaire du titre de maître-restaurateur ;
– conseils ou expertise ;
– éducation, santé et action sociale ;
– banque, finance et assurance ;
– toutes activités immobilières et de location ;
– la navigation de croisière, la réparation automobile, les locations sans opérateurs ([143]) ;
– les services fournis aux entreprises, à l’exception de la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement à façon et des centres d’appels ;
– les activités de loisirs, sportives et culturelles, sous certaines exceptions ;
– les activités associatives ;
– les activités postales.
Les bénéfices liés à l’exercice d’une profession libérale sont également exclus du dispositif des ZFANG.
Enfin, la mise en œuvre des ZFANG est conditionnée au respect de l’article 15 du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) ([144]). Celui-ci encadre les régimes d’aides au fonctionnement en région ultrapériphérique et en particulier les montants annuels d’aide par bénéficiaire.
L’article 13 de ce règlement précise également que les aides au fonctionnement à finalité régionale sont exclues pour les secteurs de l’acier, du lignite et du charbon ainsi que pour les entreprises dont les activités principales sont des activités financières et d’assurance ou pour les entreprises qui exercent des activités intragroupes et dont les activités principales sont des activités des sièges sociaux ou de conseils pour les affaires et autres conseils de gestion.
C. un coÛt limitÉ À Mayotte et compensÉ par l’État aux collectivitÉs territoriales
Le coût des ZFANG pour la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion, la Guyane et Mayotte devrait s’élever, pour l’État, à 149 millions d’euros en 2024 sur l’ensemble des territoires des départements d’outre-mer selon le tome 2 « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2025. Ce montant se décompose comme suit :
– 110 millions d’euros au titre de l’abattement des bénéfices imposables à l’IR ou à l’IS ;
– 13 millions d’euros au titre de l’abattement de TFPB ;
– 21 millions d’euros au titre de l’abattement de CFE ;
– 5 millions d’euros au titre de l’abattement de CVAE.
Le total de cette dépense repose sur l’État, les coûts engendrés pour les collectivités territoriales mahoraises par les exonérations de TFPB et de CFE étant intégralement compensés par l’État.
Si ce montant est significatif, le coût de la ZFANG pour le seul département de Mayotte est quant à lui très limité ; il s’élevait à seulement 5,9 millions d’euros en 2024 ([145]) soit environ 4 % du coût total du dispositif.
Cet article crée une nouvelle zone franche globale à Mayotte en portant à 100 % les taux d’abattement des impositions comprises dans la ZFANG et en élargissant le champ des secteurs d’activité concernés par le dispositif.
● Le 2° du I modifie l’article 44 quaterdecies pour porter ainsi le taux d’abattement des bénéfices imposables à l’IS ou à l’IR de 80 % à 100 % pour les entreprises éligibles situées à Mayotte et pour les impositions dues au titre des années 2025 à 2029.
Le 3° du I modifie l’article 1388 quinquies pour porter le taux d’abattement de TFPB de 80 % à 100 % pour les entreprises éligibles situées à Mayotte.
● Par ailleurs, le a du 1° du I modifie l’article 44 quaterdecies du CGI et étend le champ d’éligibilité aux dispositifs de la zone franche à l’ensemble des entreprises exerçant :
– une activité industrielle, commerciale ou artisanale ;
– une activité de profession libérale ;
– une activité agricole.
Ce faisant, il fait bénéficier l’ensemble de ces entreprises de l’exonération totale d’imposition des bénéfices et de taxe foncière applicable à Mayotte.
L’exonération de CFE dont bénéficient les entreprises mahoraises en vertu de l’article 1466 F du CGI et l’abattement de CVAE dont ces dernières peuvent faire l’objet à leur demande en application de l’article 1586 nonies sont de ce fait étendus aux entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, du fait du renvoi réalisé par l’article 1466 F aux conditions fixées par l’article 44 quaterdecies.
● Enfin, les II et III limitent la durée d’existence de cette nouvelle zone franche globale à Mayotte à cinq années, soit une fin du dispositif le 31 décembre 2030. L’abattement d’impôt sur les bénéfices ne s’applique que pour les impositions dues au titre des années 2025 à 2029 – soit une exonération d’IS ou d’IR payé par les entreprises entre 2026 et 2030 – et les abattements à 100 % de CFE et de TFPB s’appliquent pour les impositions dues au titre des années 2026 à 2030.
III. les modifications apportÉes par le sÉnat
La commission des finances du Sénat a adopté un amendement rédactionnel ([146]) afin d’améliorer la rédaction du dispositif.
IV. La position de la commission
● Le tissu économique mahorais se caractérise par des entreprises de taille modeste évoluant dans des secteurs d’activité limités. Ainsi, hors secteur public, le commerce, le transport et l’hébergement-restauration représentaient 63 % des entreprises de l’île en 2019. En outre, 73 % d’entre elles comptaient moins de 10 salariés en 2021, les microentreprises et les petites et moyennes entreprises (PME) représentant l’écrasante majorité des entreprises du département (99,7 %).
Le cyclone Chido a durement touché l’économie de l’île, provoquant des destructions pour un coût supérieur à 3 milliards d’euros, dont seuls 500 millions d’euros devraient être pris en charge par les assurances, la population mahoraise étant faiblement assurée ([147]).
Dans ces conditions, le soutien aux entreprises de Mayotte, vecteur de développement économique pour le département et sa population, apparaît indispensable.
● L’élargissement des secteurs d’activité éligibles à la zone franche répond à cet objectif, des pans entiers de l’économie n’étant actuellement pas concernés par la ZFANG de Mayotte : le secteur du commerce (18,8 % des entreprises), les activités immobilières (11 %), l’hébergement et la restauration (9,8 %) ou la santé et l’action sociale (9,7 %). Près de 900 entreprises devraient bénéficier de cette extension de la zone franche.
L’extension du champ ainsi que la hausse des taux d’abattement applicables conduisent à un quadruplement du coût du dispositif à Mayotte selon l’étude d’impact, celui-ci passant de 5,9 millions d’euros en 2024 à 24 millions d’euros à compter de 2026 mais demeurant à un niveau raisonnable au regard des objectifs poursuivis.
La hausse de 18 millions d’euros du coût repose principalement sur l’extension de la zone à tous les secteurs d’activité précédemment exclus (15,5 millions d’euros). Le reste du surcoût résulte de l’augmentation des abattements au profit des entreprises déjà éligibles (1 million d’euros) et de l’augmentation des abattements au profit des nouvelles entreprises éligibles (1,5 million d’euros).
La durée du dispositif – qui s’établit à cinq ans – excède celle prévue à l’article 7 de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 ([148]) (LPFP) pour les dépenses fiscales. Cette dérogation se justifie par l’ampleur exceptionnelle des dégâts provoqués par le cyclone Chido et par la durée anticipée de la reconstruction qui ne saurait se limiter à trois ans.
L’article 7 de la LPFP prévoit par ailleurs que les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées qu’à la condition « d’avoir fait l’objet d’une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l’efficacité et le coût de celles-ci ». Le rapporteur a donc déposé un amendement ([149]) visant à la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 1er juin 2030 permettant d’évaluer le dispositif de zone franche globale instauré à Mayotte.
Le rapporteur a en outre déposé un amendement ([150]) visant à préciser que les activités de pêche maritime et d’aquaculture sont incluses dans le dispositif de zone franche globale.
La commission des finances a adopté l’article 22 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte tel que modifié par ces deux amendements.
*
* *
Article 22 bis (nouveau)
(art. 28 de la loi n° 2025‑176 du 24 février 2025)
Prorogation de l’exonération de taxe générale sur les activités polluantes à Mayotte jusqu’au 31 décembre 2030
Cet article additionnel, ayant un lien avec un article délégué par la commission des lois, a été introduit par la commission des finances.
Cet article est issu de l’adoption de l’amendement CF9 ([151]) du rapporteur. Il proroge de quatre années l’exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) applicable aux réceptions de déchets générés à Mayotte.
La loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte ([152]) comporte plusieurs dispositions fiscales visant à soutenir l’économie du département :
– l’article 24 porte le taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons à 75 % pour les dons destinés à la reconstruction de Mayotte et effectués entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025, avec un plafond spécifique de 2 000 euros ;
– l’article 26 met en place un dispositif de prêt à taux zéro (PTZ) finançant les travaux de reconstruction et de réhabilitation des résidences principales, applicable jusqu’au 31 décembre 2027 ;
– l’article 28 permet une exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ([153]) applicable aux réceptions de déchets générés à Mayotte jusqu’au 31 décembre 2026.
Compte tenu du caractère exceptionnel des dons versés à Mayotte, correspondant à un élan de générosité ponctuel, et de l’alignement de la durée d’application du PTZ à Mayotte sur celle du PTZ existant en métropole, il n’est pas nécessaire d’harmoniser la durée de ces dispositifs fiscaux avec la nouvelle zone franche globale instaurée par l’article 22 du projet de loi.
Il en va différemment pour l’exonération de TGAP, qui doit s’achever le 31 décembre 2026. Il apparaît ainsi cohérent de faire coïncider la fin d’application de la nouvelle zone franche globale avec cette exonération en la prorogeant de quatre ans, jusqu’au 31 décembre 2030. Outre cette harmonisation fiscale, une telle prorogation doit permettre d’accompagner Mayotte dans le traitement complet des déchets générés par le cyclone Chido.
La commission a ainsi adopté un amendement du rapporteur portant article additionnel visant à proroger l’exonération de TGAP applicable aux réceptions de déchets générés à Mayotte jusqu’au 31 décembre 2030.
*
* *
Article 23
Zonage de la totalité du territoire de Mayotte en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article adopté par la commission avec modifications
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article vise à classer la totalité du territoire mahorais en quartier prioritaire de la politique de la ville.
I. 75 % de la population à Mayotte résident aujourd’hui en QPV
À partir de 2014, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), créés par l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014, dite loi « Lamy » ([154]), se sont substitués aux anciens zonages, multiples et complexes (zones urbaines sensibles [ZUS], zones de redynamisation urbaine, territoires hors ZUS couverts par un contrat urbain de cohésion sociale).
Les territoires classés en QPV bénéficient de soutiens particuliers :
– dispositifs spécifiques, financés notamment par les crédits du programme budgétaire 147 : contrats de ville, délégués du préfet, cités éducatives, programmes de renouvellement urbain mis en œuvre par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, contrats adultes-relais ;
– dispositifs fiscaux : exonérations de cotisation foncière des entreprises (CFE), de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de taxe foncière sur les propriétés bâties limitées dans le temps pour les acteurs économiques, abattement sur la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bailleurs sociaux, taux réduit de TVA pour l’accession sociale.
L’article 5 de la loi Lamy a prévu que les QPV en outre-mer (DROM, Saint-Martin et Polynésie française) soient identifiés par des « critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l'habitat, tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires » là où deux critères étaient prévus pour les QPV dans l’hexagone (nombre d’habitants et revenus par habitant). Le nouveau découpage a conduit à une baisse de la population résidant dans un QPV dans plusieurs territoires d’outre-mer.
La mission inter-inspections relative au zonage de la gouvernance de la politique de la ville (2023) ([155]) a débouché sur une refonte de la cartographie des QPV en outre-mer. Pour Mayotte, l’article 4 du décret du 27 décembre 2024 ([156]) a conduit à retenir les critères suivants pour définir l’indicateur synthétique permettant de prendre en compte l’écart de développement entre les unités infra-communales pour déterminer les QPV :
– proportion de personnes sans emploi dans la population des 15-64 ans ;
– proportion des non-diplômés dans la population de 15 ans et plus ;
– proportion des logements à l’intérieur desquels il n'y a pas d’accès à l'eau courante ;
– proportion des logements non équipés en électricité ;
– proportion des logements classés dans la catégorie des habitations de fortune.
Mayotte compte ainsi dorénavant 42 QPV situés dans quinze communes. Ils couvrent près de 75 % de la population, ce qui fait de Mayotte le département le plus couvert par des QPV.
II. Le droit proposé : Classer tout le territoire de Mayotte en qPV
L’article 24 du présent projet de loi prévoit de classer tout le territoire de Mayotte en QPV.
Deux communes au sud de l’île (Bouéni et Kani-Kéli), qui devaient sortir du zonage QPV en 2025, pourront ainsi continuer à bénéficier des crédits de la politique de la ville.
L’enveloppe du programme 147 allouée au territoire de Mayotte aurait été augmentée de 1 million d’euros en 2025 (pour un total de 5,6 millions d’euros) pour prendre en compte cette extension, selon les informations transmises par la direction générale des collectivités locales (DGCL). Cette enveloppe budgétaire supplémentaire, limitée par rapport aux montants financiers qui devront être débloqués pour la stratégie de refondation et de développement du territoire de Mayotte, n’en demeure pas moins utile à condition que les crédits supplémentaires soient vraiment débloqués pour les nouveaux cantons classés en QPV : Mayotte est le département où le montant de crédits de la politique de la ville rapporté au nombre d’habitants était le plus faible de France.
L’évaluation des précédents contrats de ville ayant débuté en décembre 2024 doit s’achever en juin 2025. Les contrats de ville finalisés seront soumis, à compter du mois de septembre, à la validation des instances délibérantes avant une signature en décembre 2025. Plusieurs axes prioritaires se dégagent : la résorption de l’habitat insalubre, le renforcement de la mixité sociale, le développement économique et commercial, la prévention de la délinquance, le renforcement des solidarités, la jeunesse et le soutien aux habitants en situation de handicap. Le préfet de Mayotte évoque des enjeux majeurs d’éducation à la sexualité et à la contraception pour les jeunes, ainsi que de renforcement des dispositifs périscolaires.
Sur proposition de la rapporteure Micheline Jacques, le Sénat a prévu que le classement de l’intégralité de l’île en QPV soit applicable jusqu’au 1er janvier 2030, ce qui correspond à la date de la prochaine actualisation des contrats de ville ([157]) et afin d’éviter que le décret fixe la date de fin de cette disposition. Le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoyait en effet que ce classement de toute l’île en QPV ne durerait que jusqu’à la « prochaine actualisation des contrats de ville », sans autre précision de date.
III. La position de la commission
La commission a adopté cet article, modifié par l’amendement rédactionnel du rapporteur CE100.
*
* *
Article 24
Extension des possibilités de délégation par la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte de ses compétences relatives à la pêche et la conchyliculture
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires économiques.
Article adopté par la commission sans modification
La commission des lois, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article (avis avec délégation au fond).
La commission des affaires économiques s’est prononcée en faveur de l’adoption sans modification de cet article. La commission des lois, en raison de cette délégation au fond, a suivi cette position.
Cet article vise à étendre les possibilités de délégation des compétences relatives à la pêche et à la conchyliculture relevant actuellement de la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam).
L’objectif de cette disposition est de transférer ces compétences à une structure préfigurant un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM), afin de favoriser une structuration de la filière pêche à Mayotte.
I. Une structuration insuffisante de la filière pêche à mayotte
A. une filière pêche et conchylicole représentée par la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte
Alors que l’archipel dispose d’un fort potentiel halieutique avec une zone économique exclusive de plus de 69 000 km², l’île continue d’importer près de la moitié de sa consommation en produits halieutiques.
Ce paradoxe tient notamment au défaut de structuration de la filière pêche et au manque d’activité aquacole et conchylicole sur l’île.
À Mayotte, la flottille est artisanale, constituée de près de 500 barques de petite taille, de 6,6 mètres en moyenne etfaiblement motorisées. Selon les données de l’Institut d’émission des départements d’outre‑mer (Iedom) ([158]), 90 % de la flotte de pêche mahoraise n’exerce pas une activité professionnelle, et 42 % de l’effort de pêche prend la forme d’une activité « illicite, non déclarée, non réglementée » (INN). Il est par conséquent difficile pour les services de l’État d’évaluer précisément les captures.
Alors que la réglementation des normes européennes s’applique à Mayotte depuis que l’archipel est passé, en 2014, du statut de pays et de territoire d’outre‑mer (PTOM) à celui de région ultrapériphérique (RUP), le secteur de la pêche et de la conchyliculture reste confronté à de nombreux défis : la mise aux normes d’embarcations majoritairement vétustes ; l’aménagement des infrastructures sur le littoral ; la professionnalisation de l’activité, avec le suivi de formations obligatoires, comme le certificat d’aptitude au commandement à la petite pêche (CACPP) ou encore l’amélioration des conditions de travail des pêcheurs (sécurité, hygiène, etc.), afin de renforcer l’attractivité de cette profession difficile et souvent dangereuse.
Depuis 2019, la représentation des intérêts des pêcheurs professionnels s’organise via la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam) prévue par l’article L. 571-5 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).
B. établir une séparation claire entre représentation de la filière agricole et de la filière pêche et conchylicole
Cette organisation demeure peu satisfaisante : d’une part, les pêcheurs estiment qu’ils sont sous‑représentés au sein de cette instance, d’autre part, le collège de quatre pêcheurs peut acquérir un poids disproportionné lorsque les majorités deviennent étroites, créant des sources de tensions avec les représentants du monde agricole.
Dans ce contexte, les pêcheurs comme les agriculteurs aspirent à une séparation claire entre :
– d’une part, la filière agricole, dont les intérêts seraient assurés par la Capam, après une réforme la rapprochant d’une chambre d’agriculture de droit commun ;
– d’autre part, la filière pêche et conchyliculture, dont les intérêts seraient représentés par une entité préfiguratrice d’un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) à Mayotte.
Les comités des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM)
L’article L. 912-1 du CRPM prévoit que « Les membres des professions qui, quel que soit leur statut, se livrent aux activités de production des produits des pêches maritimes et des élevages marins adhèrent obligatoirement à une organisation professionnelle des pêches maritimes et des élevages marins ».
« Cette organisation comprend un comité national, des comités régionaux et des comités départementaux ou interdépartementaux, dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière ».
C. des possibilités de délégation existantes mais non mises en œuvre par décret
En l’état du droit, la Capam peut d’ores et déjà déléguer une partie de ces compétences. Toutefois, ces possibilités de délégations sont restreintes à certaines activités.
En effet, l’article L. 951-11 du CRPM prévoit que seules les « missions mentionnées aux a, d et e du I et aux a et b du II de l’article L. 912-3, aux 1° et 4° de l’article L. 912-7 et aux 1° et 2° de l’article L. 951-3 » peuvent être déléguées par la Capam dans des conditions fixées par décret.
Les missions concernées sont :
– celles mentionnées aux a, d et e du I et aux a et b du II de l’article L. 912‑3 du CRPM, relatives aux prérogatives du CRPMEM, à savoir :
– celles mentionnées aux 1° et 4° de l’article L. 912-7, relatif aux prérogatives des comités régionaux de la conchyliculture, à savoir :
– celles mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 951-3, à savoir des missions complémentaires aux missions générales des CRPMEM, confiées exclusivement aux CRPMEM de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion.
Cependant, malgré ces possibilités prévues par le droit, aucun décret n’est intervenu dans les faits pour fixer les conditions de telles délégations de compétences.
II. Étendre les possibilités de délégation des missions relatives à la pêche et à la conchyliculture DE LA Capam
L’article 24 du projet de loi vise à donner la possibilité au pouvoir réglementaire d’organiser une délégation plus globale des compétences pêche et conchyliculture de la Capam vers une structure préfiguratrice à la CRPMEM dans un premier temps, puis vers la CRPMEM nouvellement créée dans un second temps. L’objectif est d’instaurer un cadre propice à la structuration de la filière pêche et conchyliculture à Mayotte.
Dans ce cadre, cet article propose de modifier le second alinéa de l’article L. 951-11 du CRPM dans le but d’élargir les possibilités de délégations à l’ensemble des articles L. 912-3, L. 912-7 et L.951-3 du même code.
Plus précisément, le renvoi à l’entièreté de l’article L. 912-3 du CRPM amène à inclure dans le champ de la délégation les missions relatives :
– « à l’élaboration des règlementations en matière de gestion des ressources halieutiques, qui ne sont pas soumises à des totaux autorisés de captures ou à des quotas de captures en application d’un règlement de l’Union européenne et de récolte des végétaux marins ainsi qu’à la protection, la conservation et la gestion des milieux et écosystèmes contribuant au bon état des ressources halieutiques » ;
– « à l’élaboration des réglementations encadrant l’usage des engins et la cohabitation des métiers de la mer » ;
– à « [l’apport d’]un appui scientifique et technique à leurs membres, ainsi qu’en matière de sécurité, de formation et de promotion des métiers de la mer ».
En outre, le renvoi à l’ensemble de l’article L. 912-7 du CRPM permet d’inclure dans le champ de la délégation les missions relatives :
– à « l’organisation d’une gestion équilibrée des ressources ainsi qu’à la protection, la conservation et la gestion des milieux et écosystèmes contribuant au bon état des ressources conchylicoles » ;
– à « l’association à la mise en œuvre de mesures d’ordre et de précaution destinées à harmoniser les intérêts de ces secteurs » ;
– à « la faculté de réaliser des travaux d’intérêt collectif » ;
– à « la participation à la défense de la qualité des eaux conchylicoles ».
Enfin, le renvoi à la globalité de l’article L. 951-3 s’avère purement rédactionnel, les deux missions complémentaires des CRPMEM de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion étant déjà reprises dans la version en vigueur de l’article L. 951-11 du CRPM.
L’étude d’impact du projet de loi indique que le conseil départemental de Mayotte, consulté en application de l’article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales, a rendu, le 10 avril 2025, un avis favorable sur cet article.
III. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission des affaires économiques a adopté cet article sans modification.
Article 25
(art. L. 421-1 du code du sport)
Extension à Mayotte de la compétence du département en faveur du développement des sports de nature
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article L. 421‑1 du code du sport exclut le développement des sports de nature des compétences exercées par le département de Mayotte. La compétence dite de « développement maîtrisé des sports de nature » a été conférée aux départements en 2004. L’exercice par les départements de celle-ci est mentionné à l’article L. 311‑3 du code du sport. Le présent article en modifiant l’article L 421‑1 du code du sport confère à Mayotte la même compétence que les autres départements en matière de développement des sports de nature.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.
La position de la Commission
La commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
1. L’état du droit
L’entrée en vigueur de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État a conféré aux départements une compétence en matière d’élaboration des itinéraires de promenade et de randonnée ([159]).
Cette compétence a été renforcée par l’article 17 de la loi n° 2004‑1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, et codifiée à l’article L. 311‑3 du code du sport par l’ordonnance n° 2006‑596 du 23 mai 2006 relative à la partie législative du code du sport. L’article L. 311‑3 dispose ainsi que « le département favorise le développement maîtrisé des sports de nature ». Pour ce faire, les départements sont chargés d’élaborer un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (Pdesi), incluant le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (Pdipr) prévu à l’article L.° 361‑1 du code de l’environnement.
Pour réaliser le Pdesi, les départements s’appuient sur la commission départementale des espaces, sites et itinéraires (Cdesi)
Le Pdesi doit garantir l’accessibilité aux lieux, supports des pratiques sportives de nature, sans pour autant compromettre les objectifs de préservation de l’environnement, l’exercice des autres usages (autres sports, chasse, pêche...) ou le droit de propriété. Dans de nombreux cas, le rôle de la Cdesi ne se limite pas à l’élaboration et à la mise en œuvre du Pdesi. Les départements s’appuient sur cette instance pour définir ou orienter une politique globale de développement des sports de nature en lien notamment avec les fédérations sportives et les communes et les intercommunalités.
La loi n° 84‑610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives a créé le droit pour l’autorité administrative compétente de prescrire des mesures d’accompagnement compensatoires ou correctrices, nécessaires lorsque des travaux sont susceptibles de porter atteinte, en raison de leur localisation ou de leur nature, aux espaces, sites et itinéraires inscrits au pdesi ainsi qu’à l’exercice des sports de nature qui sont susceptibles de s’y pratiquer. Cette disposition a été codifiée en 2006 à l’article L. 311‑6 du code du sport ([160]).
L’article L. 421-1 du même code, crée par l’ordonnance n° 2006‑596 du 23 mai 2006 précitée, dispose que les articles L. 311‑3 et L. 311‑6 ne sont pas applicables à Mayotte.
Comme le précise l’étude d’impact, depuis la départementalisation de Mayotte en 2011, la collectivité demande à pouvoir se doter d’une commission départementale des espaces, sites et itinéraires et donc à pouvoir exercer la compétence prévue à l’article L. 311‑3.
2. Le dispositif proposé
Le présent article propose de supprimer à l’article L. 421‑1 du code du sport la référence aux articles L. 311-3 et L. 311‑6. Ainsi, ces deux articles deviennent applicables au département de Mayotte. Cette modification permettra au conseil départemental de se saisir de la compétence de développement des sports de nature. Il sera donc plus facile à la collectivité d’engager des démarches pour développer les sports de nature et ainsi favoriser à la fois l’offre sportive pour les Mahorais et la mise en valeur de l’environnement.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat en commission n’a modifié cet article ni lors de son examen en commission, ni lors de son examen en séance publique.
4. La position de la commission
La commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
*
* *
Chapitre IV
Accompagner la jeunesse de Mayotte
Article 26
(art. L. 1803-5 du code des transports)
Bénéfice du passeport pour la mobilité des études pour les lycéens mahorais
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article modifie l’article L. 1803‑5 du code des transports pour faire bénéficier les lycéens mahorais du dispositif de « passeport pour la mobilité des études » lorsqu’ils poursuivent leurs études secondaires dans des lycées en France hors de Mayotte ou à l’étranger, dans le cadre d’un programme d’échange dans un pays membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.
Ce dispositif permet la prise en charge financière d’un aller-retour par année scolaire. Il est déjà accessible aux étudiants mahorais. Le présent article étend son bénéfice aux lycéens car ceux-ci n’ont pas toujours accès à la filière qu’ils souhaitent à Mayotte ou qui ne peuvent poursuivre leur cursus faute de place disponible.
Dernières modifications législatives intervenues
Le décret n° 2024-458 du 22 mai 2024 portant modification des critères d’accès au dispositif de l’article L. 1803-5 du code des transports a relevé l’âge jusqu’auquel les étudiants peuvent bénéficier du « passeport pour la mobilité des études », cet âge passant de 26 ans à 28 ans. Le même décret a modifié les dispositions concernant le montant de l’aide perçue. Celle-ci est désormais la même que l’étudiant ou le lycée soit boursier ou non.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.
La position de la Commission
La commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
1. L’état du droit
Le passeport pour la mobilité des études fait partie des mesures prises pour garantir la continuité territoriale entre les territoires d’outre-mer et le territoire métropolitain.
Le principe et la finalité de cette continuité territoriale sont définis à l’article L. 1803-1 du code des transports. Les mesures prises au nom de la continuité territoriale visent à « atténuer les contraintes de l’insularité et de l’éloignement, notamment en matière d’installation professionnelle, et à rapprocher les conditions d’accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d’outre-mer. »
La gestion des aides relevant de cette politique de continuité territoriale relève de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), établissement public de l’État à caractère administratif (art. L. 1803-10 du même code).
Parmi ces aides figure le « passeport pour la mobilité des études » ([161]) défini à l’article L. 1803-5.
Ce « passeport » consiste en la prise en charge financière des trajets des étudiants de l’enseignement supérieur, originaires des outre-mer, qui ne peuvent pas suivre une formation dans leur collectivité de résidence et qui pour commencer ou continuer leur cursus doivent s’inscrire dans un établissement en France ou dans un pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen dans le cadre d’un programme d’échange.
L’aide accordée, soumise à une condition de ressources, consiste en la prise en charge intégrale du coût du titre de transport aérien, sur toute la durée des études dans la limite d’un aller et d’un retour par an.
Sont concernés :
– les étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur « lorsque l’inscription dans cet établissement est justifiée par l’impossibilité de suivre un cursus scolaire ou universitaire, pour la filière d’étude choisie, dans la collectivité de résidence » ;
– les élèves de lycée de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon « lorsque la filière qu’ils ont choisie est inexistante dans leur collectivité de résidence habituelle et que la discontinuité territoriale ou l’éloignement constitue un handicap significatif à la scolarisation ».
Les dispositions réglementaires précisent que ne peuvent bénéficier de cette aide les étudiants et élèves qui ont subi deux échecs successifs aux examens et concours de fin d’année scolaire ou universitaire (art. D. 1803-4 du code des transports) et que l’impossibilité de suivre un cursus scolaire ou universitaire dans la collectivité de résidence est attestée par le recteur ou le vice-recteur territorialement compétent (art. D. 1803-5 du même code).
D’après les chiffres publiés par LADOM sur son site internet, en 2024, 58 % des 11 388 bénéficiaires du passeport étaient originaires de l’océan Indien.
2. Le dispositif initial
Le présent article ajoute un alinéa à l’article L. 1803-5 du code des transports pour étendre aux lycéens de Mayotte le bénéfice du « passeport pour la mobilité des études ». Les conditions devant être remplies sont légèrement différentes de celles appliquées aux élèves de Saint‑Barthélemy et de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. En effet, en application des dispositions ajoutées à l’article L. 1803‑5, les élèves mahorais doivent justifier de l’impossibilité de suivre la formation qu’ils ont choisie dans la collectivité. Ils n’ont pas à démontrer que la discontinuité territoriale ou l’éloignement constitue un handicap significatif à la scolarisation.
L’octroi de cette aide demeure soumis aux autres conditions prévues par le code des transports, la principale demeurant celle de justifier de l’impossibilité de suivre la formation qu’ils ont choisie à Mayotte. Cette condition d’« impossibilité » recouvre non seulement le cas où la filière choisie ne serait pas proposée à Mayotte mais également celui où cette filière serait saturée, comme l’indique le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.
Ces deux situations existent à Mayotte. D’une part, certaines filières ne sont pas proposées et donc pas accessibles sur place, notamment dans les lycées professionnels, de même que quelques options dans les filières (théâtre, musique et danse notamment). D’autre part, l’offre n’est pas toujours suffisante dans les filières existantes pour accueillir tous les élèves intéressés.
Ainsi que l’a confirmé la Direction générale de l’enseignement scolaire du ministère de l’Éducation nationale lors de son audition, seulement 51 filières en lycée professionnel sont proposées à Mayotte pour 94 offertes sur le territoire national, notamment pour que les élèves s’orientent dans les secteurs du bâtiment, de la maintenance automobile ou encore des services à la personne (auxquelles s’ajoutent les formations en vue du BTS et du CAP dispensées dans les lycées).
L’étude d’impact jointe au projet de loi souligne également que « les capacités d’accueil en voie professionnelle sont insuffisantes au regard de la demande : pas plus d’un tiers des élèves de classe de troisième peut être accueilli en voie professionnelle. L’offre de formation est insuffisante au regard des demandes des élèves, des familles et des décisions d’orientation prises par les conseils de classe. Par exemple, en juin 2024, alors que 45 % des décisions d’orientation étaient dirigées vers la voie professionnelle, les élèves sont orientés en voie générale par défaut de capacités d’accueil. »
L’étude d’impact relève qu’avant le passage du cyclone Chido, l’académie de Mayotte évaluait à environ 1 000 le nombre d’élèves mahorais partis poursuivre leur cursus scolaire secondaire dans l’hexagone ou à La Réunion. Ce chiffre ne permet pas de distinguer les élèves partis dans des filières générales et technologiques qui existent à Mayotte ou dans des filières professionnelles à l’inverse inexistantes ou ne disposant pas d’un un nombre de places suffisant.
Sachant qu’à Mayotte un tiers des lycées sont scolarisés dans l’enseignement professionnel, l’étude d’impact évoque le nombre de 320 lycéens qui pourraient bénéficier du passeport pour la mobilité des études (sur les environ 1 000 scolarisés en dehors de Mayotte) pour un coût total pris en charge par LADOM de 660 000 euros. Le passeport pour la mobilité des études qui bénéficie déjà aux étudiants mahorais a coûté en 2023 8,9 millions d’euros.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a pas modifié cet article ni lors de la discussion en commission, ni lors de la discussion en séance publique.
4. La position de la commission
La commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
*
* *
Article 27
Fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article crée un fonds de soutien en faveur des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de Mayotte, qui se substitue au fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), lequel prendra fin le 1er septembre 2025.
Dernière modification législative intervenue
L’article 234 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 abroge l’article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République à compter du 1er septembre 2025.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté le présent article sans y apporter aucune modification.
La position de la Commission
La commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
a. La mise en extinction programmée du fonds de soutien au développement des activités périscolaires
L’article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a institué, pour deux années scolaires (2013-2014 et 2014-2015), un fonds pour contribuer au développement d’une offre d’activités périscolaires au bénéfice des communes pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires dans le primaire ([162]).
Conçu comme un outil d’incitation à la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, il était mis en place initialement pour deux ans seulement. Au cours de l’année scolaire 2014-2015, 22 616 communes étaient éligibles au fonds, dont les dotations représentaient un montant de 381 millions d’euros.
L’article 96 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a pérennisé le fonds tout en subordonnant le bénéfice des aides à la mise en place d’un projet éducatif territorial, prévu à l’article L. 551-1 du code de l’éducation.
Les aides attribuées sont calculées en fonction du nombre d’élèves éligibles sur la commune et comportent deux volets :
– un montant forfaitaire versé aux communes éligibles pour chaque élève scolarisé (dont le taux est fixé à 50 euros ([163])) ;
– une majoration forfaitaire pour les communes moins favorisées (dont le taux est fixé à 40 euros).
La possibilité pour les communes de revenir à une organisation du temps scolaire sur quatre jours a entraîné une diminution progressive du nombre de communes bénéficiaires du FSDAP ([164]).
L’article 234 de la loi de finances n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 prévoit la mise en extinction du FSDAP à compter de la rentrée scolaire 2025, considérant « son aspect résiduel » ([165]). Ce fonds concernait seulement 1 462 communes pour l’année scolaire 2021-2022 (pour un montant de 41 millions d’euros). L’étude d’impact du présent projet de loi indique que sur l’année scolaire 2023-2024, ce sont 50 200 élèves qui ont bénéficié d’activités périscolaires mises en œuvre dans le cadre du FSDAP ([166]).
b. À Mayotte, une situation scolaire exceptionnelle
La forte croissance démographique met en tension l’ensemble du système scolaire mahorais. L’étude d’impact du présent projet de loi fait état de 115 066 jeunes scolarisés à Mayotte :
– 63 766 dans le premier degré ;
– 50 077 dans le second degré ;
– 1 223 dans les classes post-bac.
Comme le souligne l’étude d’impact du présent projet de loi, c’est le seul territoire français qui verra ses effectifs d’élèves scolarisés dans l’enseignement public du premier degré augmenter jusqu’en 2027.
Cette croissance exceptionnelle, combinée aux manques d’infrastructures ([167]), a nécessité la mise en place de solutions spécifiques. Plus de la moitié des écoles du territoire fonctionnent ainsi selon un système de rotation, c’est-à-dire que certains enfants vont à l’école le matin, et d’autres l’après-midi. L’organisation d’activités périscolaires est donc d’autant plus fondamentale.
Si le rapport annexé fait état de l’engagement du Gouvernement de mettre fin à la rotation scolaire à horizon de la rentrée scolaire 2031, le maintien d’une aide aux communes pour l’organisation d’activités périscolaires paraît indispensable pour accompagner les communes.
2. Le projet de loi initial
Le I de l’article 27 instaure un fonds de soutien en faveur :
– des communes de Mayotte ;
– des établissements publics de coopération intercommunale, lorsque ceux-ci se sont vus transférer l’organisation des activités périscolaires des écoles.
L’attribution des fonds est toujours subordonnée à la mise en place par la commune d’un projet éducatif territorial.
L’attribution des subventions se fait selon la même structure que celle prévue pour le FSDAP :
– une part forfaitaire par élève scolarisé dès lors qu’une école est éligible au fonds ;
– une majoration forfaitaire par élève, dès lors qu’un certain rythme scolaire est respecté ([168]).
Ainsi, à l’inverse du FSDAP, l’organisation des enseignements selon un certain rythme scolaire est une condition d’éligibilité seulement pour la majoration forfaitaire et non pour l’ensemble des aides du fonds.
Comme pour le FSDAP, c’est la commune qui reçoit les aides, et qui les reversent aux écoles privées sous contrat.
Le II de l’article 27 prévoit que le fonds fonctionnera dès la rentrée scolaire 2025.
Ce fonds de soutien vient donc se substituer au FSDAP sur le territoire de Mayotte. Dans son avis sur le présent projet de loi ([169]), le Conseil d’État rappelle la situation particulière du territoire de Mayotte et estime ainsi que l’institution d’un fonds à destination des seules communes mahoraises ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Deux scénarios sont présentés par l’étude d’impact s’agissant de l’impact budgétaire de la mesure :
– 5,3 millions d’euros au titre de l’année scolaire 2025-2026 si le nombre de communes éligibles, aujourd’hui de 13, reste stable ;
– 5,8 millions d’euros au titre de l’année scolaire 2025-2026 si l’ensemble des communes de Mayotte devient éligible et peut ainsi bénéficier de la majoration forfaitaire.
Comme l’a indiqué le représentant de la direction générale de l’enseignement scolaire, l’objectif est de développer l’accueil périscolaire sur le territoire à Mayotte, pour renforcer la socialisation des enfants.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans le modifier.
4. La position de la commission
La commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
*
* *
Chapitre V
Favoriser l’attractivité du territoire
Article 28
(art. 561-2 [nouveau] du code général de la fonction publique)
Création d’une priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l’État affectés à Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article crée une priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l’État ayant accompli au moins trois années de service effectif dans un emploi à Mayotte.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans le modifier.
La position de la Commission
La Commission, sur proposition de la rapporteure, a élargi le bénéfice de la priorité de mutation créée par le présent article aux fonctionnaires hospitaliers.
La mutation d’un fonctionnaire correspond à sa mobilité au sein de la même fonction publique, sans changer ni de corps, ni de grade. Les règles qui régissent ces mutations sont fixées par le code général de la fonction publique (CGFP).
L’article L. 512-18 du code général de la fonction publique (CGFP) précise ainsi que les mutations des fonctionnaires de l’État sont faites en tenant compte des besoins du service.
Plusieurs priorités de mutation existent, parmi lesquelles :
– la priorité lorsque l’emploi du fonctionnaire de l’État est supprimé, à sa demande (article L. 442-5) ;
– lorsque le fonctionnaire ne peut se voir offrir un emploi correspondant à son grade après que son emploi ait été supprimé, la priorité de mutation ou de détachement dans un autre département ministériel ou dans un établissement public de l’État (article L. 442-6) ;
– la priorité pour les fonctionnaires qui se trouvent séparés de leur conjoint (1° de l’article 512-19), en situation de handicap (2° du même article), exercent dans un quartier urbain particulièrement sensible (3° du même article), ou qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 ou 74 de la Constitution, ou en Nouvelle-Calédonie (4° du même article) ;
– l’article L. 512-20 prévoit que des priorités supplémentaires peuvent s’ajouter pour répondre aux besoins propres à l’éducation nationale.
Actuellement, la fonction publique emploie 21 000 agents sur le territoire de Mayotte – dont 12 200 dans la fonction publique d’État. L’étude d’impact du projet de loi souligne que le taux d’administration est inférieur à Mayotte par rapport aux autres régions françaises, puisqu’il est de 70 emplois publics pour 1 000 habitants, contre 74 en moyenne dans le reste du territoire.
S’il existe déjà des dispositifs pour accroître l’attractivité des emplois de fonctionnaires sur le territoire de Mayotte (une majoration de 40 % des rémunérations indiciaires est par exemple prévue pour les fonctionnaires de la fonction publique de l’État ou hospitalière de Mayotte ([170])), ils ne suffisent pas à compenser le défaut d’attractivité des postes localisés à Mayotte.
2. Le dispositif initial
Le I du présent article 28 insère un nouvel article L. 561-2 dans le code général de la fonction publique, au sein du chapitre relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
Ce nouvel article crée une priorité de mutation pour tout fonctionnaire de l’État affecté à Mayotte pendant une durée de trois ans (dans un emploi d’une administration de l’État ou d’un établissement public), dans tout emploi vacant correspondant à son grade au sein du département ministériel dont il relève ou d’un établissement public de tutelle.
Comme l’a indiqué le représentant de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) lors de son audition par les rapporteurs, cette durée de trois ans est considérée comme un point d’équilibre. L’objectif est aussi d’ouvrir des perspectives à l’issue de l’affectation du fonctionnaire sur le territoire de Mayotte.
Le deuxième alinéa prévoit que cette nouvelle priorité ne prévaut pas sur les priorités de mutation fixées aux articles L. 442-5, L. 442-6, L. 512-19 et L. 512-20 du CGFP.
Le même alinéa interdit le cumul entre la priorité créée par le présent article et la priorité résultant du 3° de l’article L. 512-19, c’est-à-dire la priorité pour affectation dans un quartier urbain sensible. Cette exclusion s’explique par le fait que l’article 23 du présent projet de loi va avoir pour conséquence de classer provisoirement l’intégralité du territoire de Mayotte comme quartier prioritaire de la ville, ce qui étendra provisoirement le bénéficie de la priorité mentionnée au 3° de l’article L. 512-0 à l’ensemble des fonctionnaires de l’État concernés, comme l’indique le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi.
Le II du présent article 28 précise que seuls sont pris en compte pour cette nouvelle priorité les services accomplis à compter de la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi, précision nécessaire pour écarter tout effet d’aubaine.
Le Conseil d’État a écarté toute rupture du principe d’égalité devant la loi, considérant comme évident le motif d’intérêt général de renforcement de l’attractivité du territoire de Mayotte pour les fonctionnaires de l’État.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans le modifier.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté l’amendement CL458 de la rapporteure Mme Firmin Le Bodo, qui élargit le bénéfice de la priorité de mutation créé au présent article aux fonctionnaires hospitaliers, dans des conditions définies par décret.
Les problématiques d’attractivité étant similaires dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique hospitalière sur le territoire de Mayotte, la rapporteure a considéré que l’élargissement de cette priorité de mutation était un signal positif à envoyer, alors même que l’hôpital peine à recruter et qu’un deuxième site doit être construit.
*
* *
Article 29
(art. 561-3 [nouveau] du code général de la fonction publique)
Avantage spécifique d’ancienneté pour les fonctionnaires de l’État et les fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article vise à améliorer l’attractivité des postes de la fonction publique d’État et de la fonction publique hospitalière qui sont localisés à Mayotte en accordant un avantage spécifique d’ancienneté.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans le modifier.
La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans y apporter de modifications.
Plusieurs leviers sont utilisés pour améliorer l’attractivité des postes dans la fonction publique.
L’avantage spécifique d’ancienneté est l’un de ces leviers : l’ancienneté est bonifiée, c’est-à-dire que le nombre de mois pris en compte pour l’avancement est supérieur à celui effectivement travaillé. En conséquence, la promotion à l’échelon supérieure, et donc l’augmentation de la rémunération, intervient plus tôt.
Il existe ainsi un avantage spécifique d’ancienneté pour les fonctionnaires de l’État affectés dans des quartiers urbains sensibles, prévu à l’article L. 522-9 du code général de la fonction publique. Il faut justifier d’au moins trois ans de services continus accomplis dans les quartiers identifiés comme particulièrement difficiles pour bénéficier de cette bonification ([171]).
Comme évoqué supra, les enjeux d’attractivité à Mayotte sont particulièrement prégnants. Il existe déjà des dispositifs ciblés pour renforcer l’attractivité des emplois de la fonction publique situés dans les territoires ultramarins mais ils restent, à Mayotte, insuffisants.
En décembre 2021, selon l’étude d’impact, 120 postes de catégorie A ou A+ étaient à pourvoir dans la fonction publique d’État à Mayotte (hors enseignants), et 120 médecins seulement travaillaient pour le centre hospitalier de Mayotte, alors que 250 postes sont ouverts.
Cet article constitue ainsi un élément de réponse à ce manque d’attractivité des postes de fonctionnaires localisés à Mayotte.
2. Le dispositif initial
Le présent article insère un nouvel article L. 561-3 au sein du code général de la fonction publique, qui crée un nouvel avantage d’ancienneté pour tout fonctionnaire affecté pendant une durée déterminée à Mayotte. Il concerne les fonctionnaires de l’État et les fonctionnaires hospitaliers.
Ce nouvel avantage ne peut se cumuler que partiellement avec l’avantage prévu à l’article L. 522-9 pour les fonctionnaires de l’État affectés dans des quartiers urbains sensibles.
Là encore, dans son avis, le Conseil d’État a considéré que cette mesure n’était pas contraire au principe d’égalité devant la loi.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté cet article sans le modifier.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans y apporter de modification.
*
* *
TITRE V
MODERNISER LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COLLECTIVITÉ
Chapitre Ier
Dispositions concernant le code général des collectivités territoriales
Article 30
(Art. L. 1711-1 à 1711-5 [abrogés], L. 2334-7-3, L. 2334-33, L. 2334-42, L. 2336-3, L. 2336-4, L. 2564-2, L. 3334-3, L. 3334-4, L. 3334-16-2, L. 3335-2, L. 3441-1, L. 3441-9, L. 3442-1, L. 3511-2 à L. 3543-2 [abrogés], L. 4332-9, L. 4432-9, L. 4432-12, L. 4433-2, L. 4433-3, L. 4433-4-2, L. 4433-4-3, L. 4433-4-3-1, L. 4433-4, L. 4433-4-5, L. 4433-4-5-3 [abrogé], L. 4433-4-6, L. 4433-4-7, L. 4433-4-10, L. 4433-7, L. 4433-10-6, L. 4433-10-7, L. 4433-11, L. 4433-12, L. 4433-15, L. 4433-15-1, L. 4433-17, L. 4433-19, L. 4433-20, L. 4433-21, L. 4433-22, L. 4433-23, L. 4433-24, L. 4433-27, L. 4433-28, L. 4433-31, L. 4434-3, L. 4434-4, L. 4437-1 à L. 4437-5 [abrogés], L. 5831-2, L. 7311-1 à L. 7311-5 [nouveaux], L. 7321-1 à 7321-13 [nouveaux], L. 7322-1, L. 7331-1, L. 7332-1, L. 7332-2, L. 7333-1, L. 7334-1 à L. 7334-14 [nouveaux], L. 7341-1, L. 7350-1 à L. 7350-3 [nouveaux], L. 7351-1 à L. 7351-14 [nouveaux], L. 7352-1 [nouveau], L. 7352-2 [nouveau], L. 7353-1 à L. 7353-3 [nouveaux], L. 7354-1 [nouveau], L. 7354-2 [nouveau], L. 7361-1 [nouveau], L. 7421-1 [nouveau], L. 7422-1 [nouveau], L. 7423-1 à 7423-6 [nouveaux], L. 7424-1 à L. 7424-3 [nouveaux], L. 7431-1 à 7431-3 [nouveaux] )
Réforme des dispositions relatives au fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 30, dans sa version initiale, habilitait le Gouvernement à réformer par ordonnance les dispositions relatives à la collectivité de Mayotte en les codifiant au sein d’un nouveau livre, à périmètre de compétence constant. S’il participe à clarifier le droit applicable à la collectivité de Mayotte, il n’apporte aucun changement aux compétences actuellement exercées par la collectivité.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté un amendement en commission et un autre en séance publique. En commission, sur proposition du Gouvernement, il a intégré dans la loi les dispositions d’ordre institutionnel relatives à Mayotte. En séance publique, il a procédé à des modifications rédactionnelles.
La position de la Commission
La Commission a adopté vingt et un amendements à l’article 30. Outre les amendements rédactionnels déposés par la rapporteure, la Commission a adopté l’amendement proposé par la rapporteure qui institue formellement le conseil cadial auprès de l’assemblée de Mayotte.
a. Le processus progressif de la collectivité de Mayotte vers la départementalisation
L’île de Mayotte a été cédée en 1841 à la France. Elle devient à cette date protectorat français, ce qui signifie, comme le rappelle un rapport du Sénat daté de novembre 2008 ([172]), qu’elle devient française avant Nice et la Savoie, rattachées à la France en 1860.
Les trois autres îles des Comores sont transformées en protectorat français plus tard (1886 pour la Grande Comore, 1887 pour Anjouan et 1892 pour Mohéli).
De 1925 à 1946, les quatre îles sont rattachées progressivement à Madagascar, et forment la colonie « Madagascar et Dépendances ». L’archipel devient territoire d’outre-mer en 1946, dont le chef-lieu est situé à Dzaoudzi, à Mayotte. Un conseil général, au sein duquel chaque île est représentée en fonction de son poids démographique, est institué auprès de l’administrateur supérieur du territoire.
Des débats ont lieu sur le statut institutionnel de l’archipel : en 1958, l’assemblée territoriale des Comores se prononce pour le maintien du statut de territoire d’outre-mer, sans les voix des élus de Mayotte, partisans d’adopter le statut de département.
Une autonomie interne est progressivement accordée, d’abord par la loi n° 61-1412 du 22 décembre 1961 relative à l’organisation des Comores, puis par la loi n° 68-4 du 3 janvier 1968 qui la modifie. La capitale est transférée à Moroni, et, à partir de 1968, chaque île gagne en autonomie, avec la possibilité notamment de gérer son propre budget.
Suite à une résolution de l’assemblée territoriale des Comores en 1972 en faveur de l’indépendance, un référendum sur l’indépendance des îles de l’archipel des Comores est organisé le 22 décembre 1974. Le résultat du scrutin d’autodétermination est sans appel : si, dans les trois autres îles, 94,56 % de la population se prononce en faveur de l’indépendance, la population de Mayotte vote à 63,82 % pour rester dans la République française.
Le 6 juillet 1975, le président du Gouvernement des Comores prononce unilatéralement l’indépendance de l’ensemble des quatre îles.
Tirant les conséquences de cette proclamation unilatérale, l’article 8 de la loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de l’autodétermination des îles des Comores prévoit que les îles de la Grande Comore, d’Anjouan et de Mohéli cessent de faire partie de la République française à compter de la promulgation de la loi.
La loi fixe également le principe de deux consultations s’agissant de l’évolution institutionnelle de Mayotte. L’article 1er dispose que dans un délai de deux mois, la population de Mayotte sera appelée à se prononcer pour savoir si elle souhaite que Mayotte demeure au sein de la République, ou devienne partie du nouvel État comorien.
L’article 3 de la même loi prévoit lui, la tenue d’une nouvelle consultation dans les deux mois si la population de Mayotte exprimait « le désir, à la majorité des suffrages exprimés, de demeurer au sein de la République française ». Cette consultation devait permettre à la population de Mayotte de s’exprimer sur le statut qu’elle souhaitait voir s’appliquer à la collectivité.
L’immense majorité des votants – 99,4 % - se prononce pour le maintien de Mayotte au sein de la République française. Lors de la deuxième consultation, le statut de territoire d’outre-mer est rejeté à 97,47 %, et celui de département plébiscité par 79,6 % des votants, alors qu’il n’était pas proposé.
Malgré les consultations successives, la République fédérale islamique des Comores persiste à revendiquer sa souveraineté sur Mayotte.
La loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l’organisation de Mayotte crée une collectivité au statut provisoire sui generis, fondé sur l’article 72 de la Constitution, entre département et territoire d’outre-mer. L’article 1er de la loi n° 79-113 du 22 décembre 1979 relative à Mayotte réaffirme, lui, que « l’île de Mayotte fait partie de la République française et ne peut cesser d’y appartenir sans le consentement de sa population ».
Sous ce régime hybride, le préfet a une double mission, puisqu’il exerce aussi la fonction d’exécutif du conseil général de la collectivité, l’article 5 de la loi du 24 décembre 1976 précitée prévoyant que « le représentant du Gouvernement instruit les affaires qui intéressent Mayotte et exécute les décisions du conseil général ». La collectivité de Mayotte conserve également le régime de spécialité législative, selon lequel les lois votées par le Parlement français ne s’y appliquent que sur mention expresse (article 10 de la loi du 24 décembre 1976 précitée).
Des discussions se poursuivent néanmoins et un accord est signé le 27 janvier 2000 sur l’avenir de Mayotte. Celui-ci acte la fixation d’un calendrier d’évolution de Mayotte vers le statut de « collectivité départementale » et prévoit le transfert de l’exécutif du conseil général, détenu par le préfet, vers le président du conseil général. La population de Mayotte, consultée en juillet 2000, se prononce à 72,9 % en faveur de cet accord.
La loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte met en œuvre cet accord, notamment en organisant le transfert du pouvoir exécutif vers le président du conseil général. Elle distingue également certaines matières qui relèvent du principe de l’identité législative – c’est-à-dire que les lois votées s’appliquent sans mention expresse, parmi lesquelles la nationalité, les régimes matrimoniaux mais aussi le droit pénal et le droit électoral. Les autres matières continuent cependant à relever de celui de spécialité législative.
Un « Pacte pour la départementalisation de Mayotte » est proposé par le Gouvernement en janvier 2009, avec notamment la transformation de la collectivité en département d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution et l’instauration de nouvelles institutions.
Une nouvelle consultation est organisée le 29 mars 2009. À la question : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée Département, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et régions d’outre-mer ? », les électeurs de Mayotte répondent par l’affirmative à 95,2 % des suffrages exprimés.
La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte fixe le principe d’évolution de la collectivité de Mayotte vers le statut de département.
Par la suite, la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte et la loi n° 20101487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte organisent les conditions de cette évolution. Il est ainsi prévu que le président du conseil général exercera les prérogatives des présidents du conseil régional et du conseil général.
La collectivité accède de manière définitive au statut de département le 31 mars 2011, lors de la première réunion du conseil général. Cette étape parachève un processus entamé plusieurs décennies auparavant, au cours duquel la population de Mayotte a démontré, à maintes reprises, son attachement fort au statut de département.
Selon le cadre actuel, la collectivité de Mayotte est donc régie par l’article 73 de la Constitution. Elle exerce ainsi à la fois les compétences d’une région et d’un département, sous réserve de certaines adaptations.
b. Un transfert de compétences qui n’est pas achevé
Ainsi, si le droit commun relatif aux départements et aux régions s’applique, la collectivité de Mayotte n’exerce pas, à date, certaines des compétences dévolues aux régions et aux départements :
– la construction et l’entretien des collèges et le recrutement et la gestion du personnel technique (relevant des articles L. 251-21 du code de l’éducation et L. 3511-4 du code général des collectivités territoriales [CGCT]) ;
– le financement, l’instruction des demandes et l’attribution du revenu de solidarité active (article L. 542-6 du code de l’action sociale et des familles) ;
– la construction et l’entretien des lycées ainsi que la gestion du personnel technique (articles L. 251-21 du code de l’éducation et L. 3511-4 du CGCT) ;
– le développement, l’entretien et l’exploitation des routes nationales d’intérêt local (b du 4° de l’article L. 4437-3 du CGCT) ;
– la gestion des fonds européens : l’autorité de gestion à Mayotte reste le représentant de l’État ([173]).
Le présent article 30, dans sa version initiale, habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à réaliser trois objectifs :
– codifier les dispositions relatives à la collectivité de Mayotte au sein d’un nouveau livre, à périmètre de compétences constant ;
– définir l’organisation et le fonctionnement de la collectivité de Mayotte, ainsi que les compétences de ses organes, et fixer l’ensemble du régime applicable à la collectivité ;
– procéder aux coordinations et adaptations nécessaires dans le CGCT et les autres codes.
Le dernier alinéa du présent article prévoyait que le projet de loi de ratification devait être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.
L’étude d’impact soulignait que le regroupement des dispositions relatives à la collectivité de Mayotte au sein d’un même livre visait à clarifier le statut de collectivité unique régie par le dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution. Elle indiquait également que la possibilité de prévoir dans le texte lui-même les dispositions en question avait été écartée, au vu de l’ampleur, de la technicité et de la particularité de celles-ci.
3. Les modifications adoptées par le Sénat
Le Sénat a adopté un amendement en commission, déposé par le Gouvernement, qui supprime l’habilitation à légiférer par ordonnance au profit d’une intégration des dispositions directement dans le projet de loi. En séance, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel déposé par les rapporteurs.
a. En commission
Le Sénat a adopté l’amendement COM-72 déposé par le Gouvernement, qui intègre directement dans le projet de loi les dispositions d’ordre institutionnel relatives à Mayotte. Il crée notamment un nouveau livre III, intitulé « Département-Région de Mayotte », au sein de la partie consacrée aux autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
L’amendement a supprimé en conséquence le I du présent article qui portait initialement l’habilitation du Gouvernement à prendre ces dispositions par voie d’ordonnance.
L’amendement a inséré un nouveau II qui intègre les dispositions dans le texte.
Une partie du présent article, dans sa nouvelle rédaction, procède aux coordinations nécessaires pour substituer, dans le code général des collectivités territoriales, la mention de « Département-Région » à la mention de « Département » (1°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9°, 10°, 11°, 14°, 21°, 22°, 23°, 24°, 25°, 26°, 27°, 28°, 29°, 30°, 32°, 33°, 34°).
La mention de « conseil général » est également remplacée par celle d’« assemblée » (12°, 19°, 31°, 34°).
Enfin, plusieurs alinéas suppriment la mention du département de Mayotte de certains articles (13°, 15°, 16°, 18°, 20°) ou abrogent des articles (17°) pour tenir compte de l’insertion de dispositions équivalentes dans le livre unique créé par le présent article 30.
Le 35° rétablit, au sein de la septième partie du CGCT, un livre III qui comporte six titres, selon le plan établi ci-dessous.
i. Le titre I : dispositions générales
Le titre I est composé d’un unique chapitre, composé de cinq nouveaux articles.
Le nouvel article L. 7311-1 précise que le Département-Région de Mayotte constitue une collectivité territoriale de la République, régie par l’article 73 de la Constitution, et qui exerce les compétences dévolues aux départements et régions d’outre-mer, reprenant ainsi les éléments contenus aujourd’hui à l’article L.O. 3511-1, abrogé au 7° de l’article premier du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.
Le nouvel article L. 7311-2 reprend les éléments de l’actuel article L. 3521-1 du CGCT : il précise que le Département-Région de Mayotte comprend la Grande-Terre, la Petite-Terre ainsi que les autres îles et îlots situés dans le récif les entourant. Il reprend également l’alinéa qui prévoit que le Département-Région ne peut pas cesser d’appartenir à la République sans le consentement de sa population.
Le nouvel article L. 7311-3 prévoit l’application au Département-Région des première, troisième et quatrième parties du CGCT, à l’exception de certaines dispositions dans les troisième et quatrième parties, énumérées aux 1° et 2° du nouvel article. L’objectif est d’écarter l’application de dispositions qui seraient redondantes avec ce que prévoit le nouveau livre créé par le présent article et les dispositions qui concernent des compétences que la collectivité de Mayotte n’exerce pas.
La liste des dispositions de la troisième partie qui ne s’appliquent pas contient :
– les titres Ier et IV du livre III, relatifs respectivement aux budgets et aux comptes, et à la comptabilité, leurs dispositions étant prises en compte au titre V du nouveau livre inséré par le présent article ;
– certains articles précis qui ne s’appliquent pas à Mayotte, comme ceux concernant les dotations d’équipement pour les collèges (articles L. 3334-16 et L. 3334-16-1) ;
– certains articles qui sont repris par le présent article 30, tel que l’article L. 3441-7 relatif aux sociétés d’économie mixte.
La liste des dispositions de la quatrième partie qui ne s’appliquent pas reprend en grande partie celles énumérées à l’actuel article L. 4437-3, à deux exceptions près :
– les sections 3 (taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour) et 4 (péréquation des recettes fiscales) du chapitre II du titre III du livre III de la quatrième partie, mentionnées à l’actuel article L. 4437-3 et qui n’apparaissent plus dans l’article créé par le présent texte ;
– la section 2 du chapitre II du titre III de la quatrième partie, qui est ajoutée dans le nouvel article alors qu’elle s’applique aujourd’hui à Mayotte : cette section étant relative au conseil économique et social régional, et au conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement, il est logique qu’elle ne s’applique plus, le présent article 30 insérant de nouvelles dispositions relatives au conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Mayotte.
Le nouvel article L. 7311-4 établit la clé de lecture pour l’application du CGCT à Mayotte, en prévoyant par exemple que la référence au département doit être remplacée par une référence au Département-Région de Mayotte.
Enfin, le nouvel article L. 7311-5 assimile le plan d’aménagement et de développement durable au schéma d’aménagement régional, reproduisant l’article L. 4437-4 (abrogé par ailleurs par le 37° du présent article 30).
ii. Le titre II : organisation du département-région de Mayotte
Le titre II comporte deux chapitres.
Le premier chapitre, relatif aux organes du Département-Région de Mayotte, est divisé en quatre sections.
● Dispositions générales
La première section, composée de l’unique nouvel article L. 7321-1, énumère les organes du Département-Région, à savoir l’assemblée de Mayotte et son président, qui sont assistés par le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation, créée par le présent texte.
● Assemblée de Mayotte
La section 2, consacrée à l’assemblée de Mayotte, est composée d’un unique nouvel article L. 7321-2 : celui-ci précise que la composition de l’assemblée et la durée de mandat des conseillers sont déterminées par le chapitre Ier du titre II bis du live VI du code électoral, créé par l’article 31 du présent projet de loi ([174]).
● Le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation (CESECE) de Mayotte
Cette section consacre la fusion des deux conseils existants actuellement à Mayotte, soit le conseil économique, social et environnemental régional et le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (prévus à l’article L. 4432-9).
Sur le modèle guyanais, le présent article crée un conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Mayotte. La section est organisée en quatre sous-sections :
– dispositions générales (nouvel article L. 7321-3) ;
– organisation et composition (nouveaux articles L. 7321-4 et L. 7324-5) ;
– fonctionnement (nouveaux articles L. 7321-6 à L. 7321-8) ;
– garanties et indemnités accordées aux membres du conseil (nouveaux articles L. 7321-9 à L. 7321-12)
Ces sections reprennent à l’identique les dispositions qui existent pour le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Guyane.
● Le conseil territorial de l’habitat
La section 4 est composée d’un unique nouvel article L. 7321-13 qui institue un conseil territorial de l’habitat, composé au moins pour moitié de conseillers à l’assemblée de Mayotte. Cette disposition reproduit, presque à l’identique, celle qui existe aujourd’hui à l’article L. 4432-12 du CGCT et qui fonde l’existence juridique du conseil régional de l’habitat à Mayotte.
Le deuxième chapitre est relatif au régime juridique des actes pris par les autorités de la collectivité. Il est composé d’un unique nouvel article L. 7322-1, qui reprend les dispositions de l’actuel article L. 3523-1 (abrogé par le 37° du présent article).
Celui-ci ne concerne que les décisions prises par le Département-Région de Mayotte dans le domaine de la gestion et de l’exploitation des ressources de la mer.
La portée limitée de ce nouvel article s’explique par le fait que le régime juridique des actes pris par les autorités départementales, prévu au titre III du livre Ier de la troisième partie du CGCT, est applicable à la collectivité de Mayotte.
iii. Le titre III : administration et services du département-région de Mayotte
Le titre relatif à l’administration et aux services du Département-Région de Mayotte est divisé en quatre chapitres.
● Compétences du président de l’assemblée de Mayotte (chapitre Ier)
L’unique nouvel article L. 7331-1 qui compose ce chapitre est relatif aux modalités de délégation, par le président de l’assemblée, de ses fonctions. Il reprend les dispositions de l’actuel article L. 3531-1 (abrogé par le 37° du présent article).
● Compétences de l’assemblée de Mayotte (chapitre II)
L’assemblée se voit attribuer deux compétences :
– la possibilité de créer des établissements publics chargés de conduire des projets intéressant la collectivité (nouvel article L. 7332-1), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-2 ;
– la possibilité d’adresser au Premier ministre des propositions sur divers sujets relatifs à la collectivité (nouvel article L. 7332-2), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-3.
● Compétences du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Mayotte (chapitre III)
L’unique nouvel article L. 7333-1 qui compose ce chapitre prévoit que le CESECE de Mayotte peut émettre un avis sur toute action ou projet du Département-Région en matière économique ou sociale.
● Attributions du Département-Région de Mayotte en matière de coopération régionale (chapitre IV)
Le chapitre IV est composé de quatorze articles, qui énumèrent les différentes compétences du Département-Région de Mayotte en matière de coopération régionale :
– la possibilité pour l’assemblée de Mayotte d’adresser des propositions en vue de la conclusion de certains engagements internationaux (nouvel article L. 7334-1), prévue aujourd’hui à l’article L. 3441-2 ;
– la consultation de l’assemblée de Mayotte sur les propositions d’actes de l’Union européenne qui concernent la collectivité (nouvel article L. 7334-2), prévue aujourd’hui à l’article L. 3444-3 ;
– la saisine de l’assemblée de Mayotte pour avis sur l’ensemble des projets d’accord concernant la coopération régionale dans certains domaines entre la République française et les États de l’océan Indien (nouvel article L. 7334-3), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4 ([175]) ;
– la possibilité pour le président de l’assemblée, dans les domaines qui relèvent de la compétence de l’État, de se voir délivrer un pouvoir pour négocier ou signer certains accords ou, le cas échéant, pour être associé aux négociations (nouvel article L. 7334-4), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-2 ([176]) ;
– la possibilité pour le président de l’assemblée, dans les domaines qui relèvent de la compétence du Département-Région, d’être autorisé à négocier certains accords (nouvel article L. 7334-5), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-3 ([177]) ;
– la possibilité pour le Département-Région de Mayotte d’adhérer à une banque régionale de développement ou à une institution de financement (nouvel article L. 7334-6), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-3-1 ;
– la possibilité pour le président, dans les domaines de compétence du Département-Région de Mayotte, d’élaborer un programme-cadre de coopération régionale (nouvel article L. 7334-7), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-3-2 ;
– la possibilité pour le président de l’assemblée, lorsqu’il a choisi de ne pas négocier les accords, d’y participer dans la délégation française (nouvel article L. 7334-8), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-4 ;
– la possibilité pour le Département-Région de Mayotte d’être membre associé de certains organismes régionaux (nouvel article L. 7334-9), prévue aujourd’hui à l’article L. 3441-6) ;
– la possibilité pour le Département-Région de Mayotte de désigner des agents publics chargés de le représenter au sein des missions diplomatiques de la France (nouvel article L. 7334-10), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-5-3 ([178]) ;
– le financement du fonds de coopération régionale institué pour Mayotte par l’État, le Département-Région de Mayotte et toute autre collectivité publique ou organisme public (nouvel article L. 7334-11), prévu aujourd’hui à l’article L. 4433-4-6 ([179]) ;
– la participation de représentants de l’assemblée de Mayotte aux travaux de l’instance de concertation des politiques de coopération régionale dans la zone de l’océan Indien (nouvel article L. 7334-12), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-7 ([180]) ;
– la possibilité pour l’assemblée de Mayotte de recourir à des sociétés d’économie mixte locales et à des sociétés d’économie mixte pour la mise en œuvre de ses compétences en matière de coopération régionale (nouvel article L. 7334-13), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-8 ;
– la création d’une commission de suivi de l’utilisation des fonds européens, qui établit un rapport semestriel sur la consommation des crédits (nouvel article L. 7334-14), prévue aujourd’hui à l’article L. 4433-4-10 ([181]).
Le département de Mayotte dispose ainsi déjà de l’ensemble des compétences énumérées dans ce chapitre.
iv. Le titre IV : services publics locaux
Le titre IV insère au sein du nouveau livre dédié à la collectivité de Mayotte l’intégralité de l’article L. 1711-4 relatif aux services d’incendie et de secours (SDIS), abrogé par le 37° du présent article.
Modifié en profondeur par l’article 27 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, l’article L. 1711-4 prévoit un régime transitoire pour la création du SDIS de Mayotte. Les dispositions de droit commun n’étaient pas adaptées au contexte mahorais, notamment en matière de gouvernance et de financement de l’établissement ([182]) : l’article établit ainsi une commission de préfiguration et l’adaptation des dispositions législatives relatives à la contribution financière des collectivités aux SDIS.
C’est ce régime transitoire qui est reproduit au titre IV par le présent article.
v. Le titre V : finances de la collectivité
Le titre relatif aux finances du Département-Région de Mayotte est divisé en quatre chapitres.
Trois nouveaux articles s’insèrent avant le premier chapitre.
Le nouvel article L. 7350-1 prévoit l’application du livre VI de la première partie au Département-Région de Mayotte (relatif aux dispositions financières et comptables), dès lors que celui-ci n’est pas contraire au présent titre.
Le président de l’assemblée de Mayotte doit, préalablement aux débats sur le projet de budget, présenter :
– un rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement du Département-Région de Mayotte (nouvel article L. 7350-2) : cette disposition existe pour le conseil départemental (article L. 3311-2) ;
– un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes intéressant le fonctionnement du Département-Région de Mayotte (nouvel article L. 7350-3) : cette disposition existe pour le conseil départemental (article L. 3311-3) et pour le conseil régional (article L. 4311-1-1).
● Budgets et comptes (chapitre Ier)
Le chapitre Ier est composé de quatorze articles.
Il reprend et complète les dispositions du titre IV du livre IV du livre V de la troisième partie du CGCT, relatif aux finances de la collectivité de Mayotte.
Le budget voté doit être équilibré en dépenses et recettes et doit être établi en section de fonctionnement et en section d’investissement (nouvel article L. 7351-1).
Dans un délai de dix semaines avant l’examen du budget, un débat doit avoir lieu au sein de l’assemblée sur trois sujets :
– les orientations budgétaires de l’exercice ;
– les engagements pluriannuels envisagés ;
– l’état d’avancement des mesures prévues par le plan de convergence couvrant le territoire de la collectivité.
Le projet de budget est préparé et présenté par le président de l’assemblée de Mayotte, qui doit le communiquer aux membres de l’assemblée douze jours au moins avant l’ouverture de la première réunion consacrée à l’examen du budget (nouvel article L. 7351-3).
Les crédits sont votés par chapitre, ou si l’assemblée le décide, par article.
Lors de l’examen du budget, le président de l’assemblée peut :
– procéder, par décision expresse, à des virements de crédits d’article à article à l’intérieur du même chapitre (deuxième alinéa du nouvel article L. 7351-5) ;
– se voir déléguer par l’assemblée de Mayotte la possibilité de procéder à des mouvements de crédits de chapitre à chapitre, à l’exclusion des crédits relatifs aux dépenses de personnel ([183]) (dernier alinéa du nouvel article L. 7351-5) : cette possibilité existe aujourd’hui pour le président du conseil régional (troisième alinéa de l’article L. 3212-3).
L’assemblée de Mayotte peut décider que :
– les dotations affectées aux dépenses d’investissement comprennent des autorisations de programme et des crédits de paiement ;
– les dotations affectées aux dépenses de fonctionnement comprennent des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, pour certaines dépenses seulement ([184]) ;
Dans les deux cas, l’équilibre budgétaire de la section s’apprécie au regard des seuls crédits de paiement (nouvel article L. 7351-6).
Dans des conditions similaires à ce qui est prévu pour le conseil régional (article L. 4312-5), l’assemblée de Mayotte établit son règlement budgétaire et financier, qui précise notamment les modalités d’information de l’assemblée sur la gestion des engagements pluriannuels au cours de l’exercice (nouvel article 7351-7).
L’attribution des subventions donne lieu à une délibération distincte du vote du budget (nouvel article L. 7351-2) : cette disposition est identique à celle prévue pour le conseil municipal (article L. 2311-7) et le conseil régional (article L. 4311-2).
Les modalités de présentation par le président de l’assemblée de Mayotte du compte administratif à l’assemblée, prévues au nouvel article L. 7351-9, sont identiques à celles prévues pour le conseil régional (article L. 4312-8) et pour le conseil départemental (article L. 3312-5).
Les règles de gestion de résultats excédentaires ou déficitaires, décrites aux nouveaux articles L. 7351-10 et L. 7351-11, reprennent les règles existantes au niveau du conseil régional et du conseil départemental.
De même, le nouvel article L. 7351-14, qui prévoit la transmission des comptes certifiés de certains organismes au Département-Région de Mayotte, reproduit une disposition du droit commun pour le conseil régional, à l’article L. 4313-3.
Le nouvel article L. 7351-12 prévoit que le budget et le compte administratif du Département-Région de Mayotte sont mis à la disposition du public dans un délai de quinze jours suivant leur adoption. Une présentation brève doit être jointe. Ce nouvel article reprend en quasi-intégralité les dispositions de l’actuel article L. 3541-1. Il diffère légèrement des dispositions applicables à la région, prévues à l’article L. 4313-1, qui précise simplement que le budget et le compte administratif sont rendus publics.
Le nouvel article L. 7351-13 énumère les éléments qui doivent figurer en annexe des documents budgétaires, comme la liste des délégataires de service public (6°) ou des états sur la situation patrimoniale et financière de la collectivité (11°). Cette liste reprend en grande partie les éléments énumérés à l’article L. 4313-2, qui concernent le conseil régional.
● Dépenses (chapitre II)
Le chapitre II est composé de deux nouveaux articles.
Le nouvel article L. 7352-1 liste les dépenses qui ne sont pas obligatoires pour le Département-Région de Mayotte. Il reproduit à l’identique la liste prévue à l’actuel article L. 3542-1 du CGCT ([185]), soit :
– les dépenses de fonctionnement des collèges (7° de l’article précité) ;
– la participation du département aux dépenses de fonctionnement des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (8° de l’article précité) ;
– les dépenses relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie (10° bis de l’article précité) ;
– les frais du service départemental des épizooties (11° de l’article précité) ;
– les dépenses de construction et grosses réparations des collèges (14° de l’article précité).
Le nouvel article L. 7352-1 liste également quatre catégories de dépenses obligatoires pour le Département-Région de Mayotte :
– les dépenses en matière de transports et d’apprentissage ;
– toute dépense liée à l’exercice d’une compétence transférée par l’État à compter de 2011 ;
– les dépenses liées à l’organisation des transports scolaires ;
– les dépenses d’entretien et de construction des ports maritimes de commerce et de pêche qui lui sont transférés.
L’assemblée de Mayotte a la possibilité de voter des dépenses imprévues, dans une limite fixée par le nouvel article L. 7352-2, qui reprend les dispositions prévues pour le conseil régional à l’article L. 4322-1.
● Ressources (chapitre III)
Le chapitre III est composé de trois articles.
Le nouvel article L. 7352-2 vise les recettes fiscales du Département-Région de Mayotte et énumère les recettes non fiscales de la section de fonctionnement. Il reproduit les dispositions de l’article L. 3543-1, abrogé par le 37° du présent article.
Parmi les ressources du Département-Région, une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) doit être affectée au financement du fonds de solidarité pour le logement (nouvel article L. 7353-1). Ce nouvel article reproduit l’actuel article L. 1711-5, abrogé par le 37° du présent article.
Le nouvel article L. 7353-3 est relatif au taux des droits assimilés au droit d’octroi de mer en matière de rhums et spiritueux fabriqués et livrés à la consommation locale dans le Département-Région de Mayotte.
● Comptabilité (chapitre IV)
Le chapitre IV est composé de deux articles.
Le président de l’assemblée tient la comptabilité de l’engagement des dépenses (nouvel article L. 7354-1) et le comptable du Département-Région de Mayotte est seul chargé d’exécuter le recouvrement des recettes ainsi que le paiement des dépenses de la collectivité (nouvel article L. 7354-2), des dispositions similaires à celles prévues pour le conseil régional et le conseil départemental.
vi. Le titre VI : compensation des transferts de compétences
Le titre VI est composé d’un chapitre unique, lui-même comprenant un article unique.
Le nouvel article L. 7361-1, qui prévoit que l’évaluation des dépenses exposées par l’État au titre des compétences transférées aux collectivités de Mayotte est soumise à l’avis d’un comité local, composé à parité de représentants de l’État et de représentants des collectivités territoriales de Mayotte. Ce nouvel article reproduit à l’identique l’article L. 1711-3, abrogé par le 37° du présent article 30.
Le 36° du présent article procède à diverses numérotations d’articles en lien avec le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.
Le 37° abroge plusieurs parties du CGCT qui comprennent des dispositions particulières applicables à Mayotte et qui sont reprises dans le livre III relatif au Département-Région créé par le présent article :
– le livre VII de la première partie du CGCT, qui contient notamment l’article relatif aux services d’incendie et de secours ;
– le livre V de la troisième partie du CGCT, qui contient notamment les dispositions relatives aux finances de la collectivité ;
– le chapitre VII du titre III du livre IV de la quatrième partie du CGCT, qui contient notamment l’article relatif au plan d’aménagement et de développement durable.
Enfin, le III renvoie la date d’entrée en vigueur du présent article 30 à une date fixée par décret, tout en fixant la date limite au 1er janvier 2026.
Le III prévoit également une disposition transitoire s’agissant de l’entrée en vigueur des dispositions relatives au conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Mayotte : celles-ci ne s’appliqueront qu’à compter de la première réunion de l’assemblée de Mayotte suivant le prochain renouvellement général des conseils départementaux. Dans l’intervalle, les dispositions relatives au conseil économique et social régional, ainsi qu’au conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement continuent de s’appliquer.
b. En séance
En séance, le Sénat a adopté l’amendement n° 165 déposé par les rapporteurs Mme Canayer et M. Bitz, avec l’avis favorable du Gouvernement. L’amendement procède à des modifications rédactionnelles.
4. La position de la Commission
La Commission a adopté vingt et un amendements modifiant l’article 30.
L’amendement CL491, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, prévoit que le conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, dont les compétences sont précisées à l’article L. 411-1 A du code de l’environnement, est associé à l’élaboration du plan d’aménagement et de développement durable ([186]) par la collectivité de Mayotte. L’article L. 4433-10 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà l’association de plusieurs instances à l’élaboration du schéma d’aménagement régional, comme les établissements publics fonciers ou le comité de l’eau et de la biodiversité.
L’amendement CL467 crée une nouvelle section au sein du chapitre consacré aux organes du Département-Région de Mayotte pour instituer formellement le conseil cadial auprès de l’assemblée de Mayotte :
– le nouvel article L. 7321-12-3 prévoit que le conseil cadial est sollicité sur tout projet ou proposition de loi emportant des conséquences sur les traditions mahoraises ou relatives à la médiation sociale ;
– le nouvel article L. 7321-12-4 prévoit la possibilité pour l’assemblée de Mayotte, le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation ou encore pour le représentant de l’État de saisir le conseil cadial sur toute question ;
– enfin, le nouvel article L. 7321-12-5 prévoit une faculté d’auto-saisine pour le conseil cadial, sur tout projet ou proposition de délibération de l’assemblée de Mayotte qui intéresse directement les traditions mahoraises ou la médiation sociale.
Il n’aura donc pas la possibilité de se saisir sur un autre périmètre que celui strictement restreint de la médiation sociale ou des traditions mahoraises. L’objectif n’est en rien d’en faire un conseil religieux qui viendrait s’insérer dans les affaires politiques, mais bien de donner toute leur place à des figures de la société mahoraise.
L’amendement CL441, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, intègre au sein du chapitre consacré aux organes du Département-Région de Mayotte, une section relative au conseil territorial de promotion de la santé, qui reprend les dispositions prévues pour les régions d’outre-mer à l’article L. 4432-11 du code général des collectivités territoriales.
L’amendement CL442, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, prévoit qu’un rapport soit publié sur les suites données par le Premier ministre aux propositions formulées par l’assemblée de Mayotte en vertu du nouvel article L. 7332-2. Cet ajout reproduit une disposition existante pour les conseils départementaux à l’article L. 3444-2 du code général des collectivités territoriales.
L’amendement CL443, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, modifie l’alinéa relatif aux compétences du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Mayotte pour élargir les matières sur lesquelles il peut émettre un avis.
L’amendement CL444, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, insère un nouvel article L. 7334-1 A au sein du chapitre dédié aux attributions du Département-Région de Mayotte en matière de coopération régionale, pour prévoir que ce chapitre ne s’applique pas aux engagements internationaux ou aux accords conclus avec les États qui ne reconnaissent pas l’appartenance du territoire de Mayotte à la République française.
L’amendement CL445, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, élargit la saisine de l’assemblée de Mayotte s’agissant des actes de l’Union européenne, en prévoyant que celle-ci est consultée sur l’ensemble des propositions d’actes de l’Union européenne. Le second alinéa de l’article L. 4433-3-1 demeure applicable, c’est-à-dire qu’en l’absence de notification dans un délai d’un mois au préfet d’un avis exprès, il est réputé acquis (et quinze jours en cas d’urgence).
L’amendement CL448, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, prévoit que le président de l’assemblée de Mayotte est associé à la négociation des projets d’accords conclus en matière de coopération régionale, même lorsque ceux-ci relèvent des domaines de compétence de l’État. L’amendement s’inspire de la disposition prévue pour le président de l’assemblée de Guyane, prévue à l’article L. 7153-3 du code général des collectivités territoriales.
L’amendement CL493, déposé par la rapporteure Mme Youssouffa, supprime certaines dispositions transitoires relatives aux services d’incendie et de secours, devenues obsolètes, notamment celles relatives à la commission de préfiguration.
L’amendement CL63 de M. Taché, adopté avec un avis favorable de la rapporteure, prévoit la remise d’un rapport visant à évaluer les ressources allouées à la collectivité territoriale de Mayotte au regard de ses besoins.
Enfin, onze amendements, déposés par la rapporteure Estelle Youssouffa, procèdent à des modifications rédactionnelles (CL431, CL432, CL433, CL436, CL437, CL438, CL439, CL440, CL446, CL447 et CL435).
*
* *
Chapitre II
Dispositions modifiant le code électoral
Article 31
(art. L. 558‑9‑1, L. 558‑9‑2, L. 558‑9‑3, L. 558‑9‑4 et L. 558‑9‑5 [nouveaux] du code électoral)
Transformation du conseil départemental de Mayotte en assemblée de Mayotte et modification du mode de scrutin
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Cet article modifie le mode d’élection de l’actuel conseil départemental de Mayotte, qui devient l’assemblée de Mayotte, dont les membres sont élus dans une circonscription unique selon un scrutin de liste à la représentation proportionnelle, proche du mode scrutin en vigueur pour les élections régionales. La création d’un titre consacré à cette nouvelle assemblée au sein du livre VI bis du code électoral actuellement relatif aux assemblées des collectivités uniques de Guyane et de Martinique rapproche l’assemblée de Mayotte des assemblées de ces deux autres collectivités d’outre-mer. Le nombre d’élus à l’assemblée est porté à 52 conseillers, au lieu de 26 conseillers départementaux actuellement. Les 52 conseillers sont répartis en cinq sections correspondant géographiquement aux cinq établissements de coopération intercommunaux existants. La répartition de l’ensemble des sièges entre les sections est déterminée sur la base du nombre d’habitants tel qu’établi par le dernier recensement officiel et s’effectue à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec un minimum de cinq sièges par section. Une prime majoritaire de 25 % des sièges est attribuée à la liste arrivée en tête au niveau de la circonscription au premier ou au second tour.
Dernières modifications législatives intervenues
Le conseil départemental de Mayotte a pris la suite du conseil général de Mayotte qui était l’assemblée délibérante de la collectivité départementale de Mayotte puis du Département de Mayotte lorsque la collectivité est devenue une collectivité de l’article 73 de la Constitution. Le conseil départemental comprend 26 conseillers, élus en binôme dans 13 cantons. L’ensemble des règles s’appliquant aux conseillers départementaux s’appliquent à ceux de Mayotte.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a modifié le présent article en commission pour porter à treize le nombre de sections au sein de la circonscription unique, reprenant les périmètres des treize cantons actuels. Les 52 sièges de l’assemblée sont répartis en fonction de la population à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec un minimum de deux sièges par section. Le principe de la prime majoritaire est maintenu et exprimé en nombre de sièges acquis par la liste arrivée en tête. 13 sièges sur 52 sont attribués au titre de la prime majoritaire, avec un siège par section. L’ensemble des autres dispositions restent inchangées.
La position de la Commission
Le présent article a été modifié lors de son examen en commission à la suite de l’adoption de trois amendements de la rapporteure, Mme Estelle Youssouffa. Ces trois amendements ont pour effet de ramener à cinq le nombre de sections composant la circonscription unique dans laquelle seront élus des conseillers de l’assemblée de Mayotte, les 52 sièges devant être répartis entre les sections à la proportionnelle de la population avec un nombre minimum de cinq sièges par section. L’effet de la prime dite majoritaire accordée à la liste arrivée en tête au premier ou au second tour est réduit. Cette prime passe de 13 à 10 sièges. Enfin, il est prévu que, s’il est constaté le 15 janvier de l’année des élections que l’écart entre la population officiellement recensée et le nombre d’inscrits sur les listes électorales à Mayotte dépasse 60 %, la répartition des sièges entre les sections et la répartition des sièges acquis du fait de la prime majoritaire sont réalisées à la proportionnelle du nombre d’inscrits et non de la population.
1. L’état du droit
a. Des élections régies par le droit commun s’appliquant aux élections départementales
Le conseil départemental de Mayotte est actuellement élu sur la base d’un scrutin binominal majoritaire à deux tours comme dans l’ensemble des départements de France : hexagonaux ou d’outre-mer.
Mayotte a été dotée d’un conseil général élu au suffrage universel direct à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 76‑1212 du 24 décembre 1976 relative à l’organisation de Mayotte. Le mode de scrutin applicable aux conseillers généraux et ses évolutions ont été pleinement appliqués à la collectivité départementale de Mayotte à la suite de la promulgation de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte. La loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte ont confirmé l’application à Mayotte d’une grande partie des dispositions législatives s’appliquant aux départements.
Les règles de scrutin applicables sont ainsi les règles de droit commun applicables aux conseils départementaux (articles L. 191 et suivants du code électoral). Les premières élections cantonales suivant la départementalisation ont eu lieu à Mayotte en 2011, suivies des élections départementales de 2015 (le mandat des conseillers généraux élus en 2011 ayant été écourtés).
Le département de Mayotte comporte actuellement 13 cantons dans lesquels sont élus 26 conseillers départementaux en binôme paritaire pour un mandat de six ans.
La loi organique n° 2013‑402 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux a fait passer le nombre de conseillers de 23 à 26. Dans sa décision DC n° 2013‑668 du 16 mai 2013 sur cette loi organique, le Conseil Constitutionnel a jugé que les dispositions de la loi organique relatives au nombre de membres du conseil départemental de Mayotte n’avaient pas un caractère organique et les a déclassées.
Le décret n° 2014‑157 du 13 février 2014 a procédé à un redécoupage électoral définissant 13 cantons permettant ainsi l’élection de 13 binômes de conseillers départementaux, suite aux résultats du recensement de la population réalisé en 2012 ([187]).
Les dernières élections départementales ont lieu à Mayotte les 20 et 27 juin 2021.
b. Le souhait des élus mahorais de voir le mode de scrutin évoluer
Depuis de nombreuses années, les élus mahorais font part de leur souhait de voir le mode de scrutin modifié pour que l’assemblée départementale soit élue au scrutin de liste à la représentation proportionnelle comme cela est le principe pour les conseils régionaux. Le scrutin de liste à deux tours à la proportionnelle est celui qui a été choisi pour les collectivités de Guyane et de Martinique, qui sont devenues en 2011 des collectivités uniques, jouissant des compétences des régions et des départements.
L’article 8 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a institué les assemblées de Guyane et de Martinique qui, dans chacune de ces deux collectivités, deviennent des assemblées uniques en lieu et place du conseil régional et du conseil général. Cette évolution institutionnelle a fait suite au souhait exprimé par les électeurs guyanais comme par les électeurs martiniquais qui ont voté en 2010 en faveur de la création d’une collectivité unique exerçant les compétences jusqu’alors dévolues au département et à la région et d’une assemblée unique devenant l’organe délibérant de la collectivité.
Le Conseil départemental de Mayotte a également exprimé à plusieurs reprises son souhait de voir modifié le mode de scrutin avec comme exemple les assemblées des collectivités de Guyane et de Martinique. Ainsi, il a adopté à l’unanimité le 12 juin 2014 une motion demandant l’élection dès 2015 des conseillers départementaux au scrutin de liste à deux tours dans une circonscription unique et le passage à une assemblée départementale de 51 membres.
À nouveau, par deux délibérations des 30 mai et 28 juin 2017, le conseil départemental a demandé au Gouvernement d’acter l’évolution institutionnelle de Mayotte en collectivité territoriale unique régie par l’article 73 de la Constitution et de procéder à une refonte des textes en s’inspirant du schéma institutionnel de la Guyane et de la Martinique. Le conseil départemental a alors demandé à nouveau l’augmentation du nombre de conseillers départementaux de 26 à 51 et la mise en place d’un scrutin de liste à deux tours.
Comme l’a rappelé le Sénat lors de l’examen du projet de loi, plusieurs propositions de loi relatives à l’élection des conseillers départementaux de Mayotte déposées par le sénateur Thani Mohamed Soilihi ont été examinées au Sénat depuis 2016 :
- la proposition de loi n° 489 (2015-2016), déposée le 23 mars 2016, entendait porter le nombre d’élus à 39 et instaurer un scrutin de liste proportionnel à deux tours, sur la base d’une circonscription unique divisée en 13 sections électorales ;
- la proposition de loi n° 258 (2018-2019), déposée le 21 janvier 2019, visait, quant à elle, à instaurer une nouvelle assemblée de Mayotte composée de 51 conseillers élus au scrutin de liste proportionnel à deux tours, sur la base d’une circonscription unique divisée en 13 sections électorales ;
- la proposition de loi n° 289 (2021-2022), déposée le 9 décembre 2021, comportait un dispositif quasi-identique à celui issu du texte déposé en 2019.
Le passage à un scrutin à la représentation proportionnelle est par ailleurs de nature à faciliter l’émergence de projets de politiques publiques à l’échelle départementale et le plein exercice par la collectivité de ses compétences. Il s’agit de l’un des constats fait par l’Inspection générale de l’administration, l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des affaires sociales et le Conseil général de l’environnement et du développement durable dans un rapport rendu en 2019 relatif à l’organisation des pouvoirs publics à Mayotte.
Les élus du conseil départemental auditionnés par vos rapporteurs ont exprimé leur satisfaction de voir le mode de scrutin modifié par le présent projet de loi, qui rapproche le mode de scrutin applicable à l’assemblée de Mayotte de celui des assemblées de Guyane et de Martinique, autres collectivités cumulant les compétences d’une région et d’un département.
De plus, indépendamment du mode de scrutin, l’augmentation du nombre d’élus a été souhaitée en raison de l’écart important existant entre le nombre d’habitants pour un conseiller départemental dans l’hexagone et à Mayotte mais aussi entre ce nombre dans d’autres départements et régions d’outre-mer et à Mayotte. Actuellement, à Mayotte un conseiller départemental représente 12 342 habitants, un conseiller à l’assemblée de Martinique 7 078 et un conseiller à l’assemblée de Guyane 5 243. Si l’assemblée de Mayotte comptait 52 sièges, un conseiller représenterait 6 373 habitants sur la base de la population estimée lors du dernier recensement en 2017.
Comme le rappelle l’étude d’impact jointe au projet de loi plusieurs options ont donc été envisagées. Une première possibilité était d’instaurer une circonscription unique sans subdivision, une deuxième était d’instaurer une circonscription unique composée de différentes sections déterminées en fonction du nombre d’habitants.
2. Le dispositif initial
Le présent article propose une modification du mode d’élection des conseillers départementaux de Mayotte en instaurant un scrutin de liste à la proportionnelle dans une circonscription unique composée de cinq sections distinctes ainsi qu’une modification du nom du conseil départemental qui devient l’assemblée de Mayotte et du nom des conseillers départementaux qui deviendraient les conseillers à l’assemblée de Mayotte.
Les modalités d’élection de ces conseillers sont prévues dans un nouveau titre du livre VI bis du code électoral. Ce livre est intitulé « Élection des conseillers à l’assemblée de Guyane, à l’assemblée de Martinique et à l’assemblée de Mayotte ».
Le titre II bis crée par le présent article au sein du libre VI bis est consacré exclusivement à l’élection des conseillers à l’Assemblée de Mayotte. Il est subdivisé en trois chapitres.
Le premier chapitre rappelle que les conseillers à l’assemblée de Mayotte sont élus pour six ans en même temps que les conseillers départementaux. Ils sont rééligibles. Le nombre de conseillers est porté à 52 (articles L. 558‑9‑1 et L. 558‑9‑2).
Le chapitre II pose le principe d’une circonscription unique et détaille le mode de scrutin. L’article L. 558‑9‑3 indique que Mayotte constitue une circonscription unique composée de cinq sections qui recoupent les limites géographiques des cinq établissements de coopérations intercommunales. Les limites géographiques sont fixées par le tableau du même article comme suit :
SECTION |
COMPOSITION de la section |
|
1 |
Section de Mamoudzou |
Communes de Mamoudzou et Dembeni |
2 |
Section du Grand Nord |
Communes de Koungou, Bandraboua, M’Tzamboro et Acoua |
3 |
Section du Centre-Ouest |
Communes de Tsingoni, Sada, Ouangani, Chiconi et M’Tsangamouji |
4 |
Section du Sud |
Communes de Bandrele, Chirongui,, Boueni et Kani Keli |
5 |
Section de Petite-Terre |
Communes de Dzaoudzi et Pamandzi |
Il existe des écarts important de population entre les différentes sections telles que définies ci-dessus selon le dernier recensement officiel de la population datant de 2017. Ainsi, la section n° 1 comportait 87 285 habitants en 2017 et les deux plus petites du Sud et de Petite-Terre respectivement 30 898 et 29 273 habitants.
Les 52 sièges de l’assemblée sont répartis entre les sections en amont de chaque élection en fonction de la population de chaque section, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. En cas d’égalité de moyenne, le dernier siège est attribué à la section dont la population est la plus importante. Si deux sections ont la même population, le siège est attribué à la section dont la population a le plus augmenté depuis le recensement précédent. Ce mode de répartition doit être combiné avec l’exigence que chaque section dispose d’au moins cinq sièges sur les cinquante-deux. Si nécessaire le dernier siège attribué selon la méthode décrite ci-dessus est réattribué à la plus petite section afin que chacune dispose de cinq sièges au moins.
La répartition des sièges entre les sections doit être faite par le représentant de l’État à Mayotte, qui doit prendre un arrêté au plus tard le 15 janvier de l’année du renouvellement de l’assemblée, en fonction du dernier chiffre authentifié de la population. Ainsi, pour les élections à la future assemblée de Mayotte qui auront lieu en même temps que le renouvellement général des conseils départementaux en 2028, l’arrête pris par le préfet répartira les sièges sur la base de la population qui aura été officiellement recensée en 2025 (cf. article 14 du présent projet de loi).
Comme l’ont rappelé à votre rapporteure les personnes auditionnées de la Direction des missions de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur du ministère de l’intérieur, seul le critère de la population recensée peut être pris en compte pour déterminer le nombre de sièges dans chaque section. Il s’agit d’une jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel.
Ainsi, depuis sa décision n° 85–196 DC du 8 août 1985 relative à la Nouvelle-Calédonie, le Conseil Constitutionnel a consacré la règle selon laquelle une élection doit être organisée « sur des bases essentiellement démographiques », tout en précisant qu’il n’en résulte ni l’obligation de recourir à un scrutin proportionnel ni qu’on ne puisse tenir compte d’impératifs d’intérêt général pour y déroger, lesquels ne peuvent cependant intervenir que dans une mesure limitée ([188]).
Depuis, de manière générale, le Conseil Constitutionnel rappelle que « l’organe délibérant d’un département ou d’une région de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage ; que, s’il ne s’ensuit pas que la répartition des sièges doit être nécessairement proportionnelle à la population de chaque département ou région ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée » ([189]).
L’attribution d’un minimum de cinq sièges à chaque section électorale permet d’assurer une représentation équilibrée des différentes parties du territoire mahorais au sein de l’assemblée qui ne serait pas nécessairement garantie par la seule répartition à la proportionnelle fondée sur la population si la croissance démographique de certaines sections était à l’avenir nettement inférieure à celle des sections les plus peuplées. Des règles de répartition des sièges au sein des sections assurant un nombre minimal de sièges par section sont prévues à l’article L. 558‑3 concernant l’assemblée de Guyane afin que chacune des 8 sections électorales en Guyane dispose d’un minimum de trois sièges ([190]).
L’article L. 558‑9‑4 dispose que le scrutin est un scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste doit être constituée de cinq sections. Elle comprend un nombre de noms égal au nombre de sièges à pourvoir dans chaque section, augmenté de deux par section.
Si une liste recueille à l’issue du premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés, elle obtient au titre de la prime dite majoritaire attribuée au vainqueur 25 % du nombre total de sièges à pourvoir, soit 13 sièges dans l’assemblée en comportant 52. Ces sièges sont répartis entre chaque section en fonction de leur population respective à la représentation proportionnelle à plus forte moyenne. En cas d’égalité de moyenne, le dernier siège est attribué à la section dont la population est la plus importante, et à nouveau en cas d’égalité à la section dont la population a le plus augmenté depuis le dernier recensement.
Le deuxième alinéa de l’article L. 558‑9‑4 (alinéa 18) qui décrit le fonctionnement de la prime majoritaire et les règles de répartition des sièges entre section prévoit que ces règles doivent être combinées avec la condition suivante, à savoir que chaque section se voit attribuer au moins cinq sièges au titre de la prime. Comme l’a soulevé le Sénat lors de son examen, cela n’apparaît pas possible dans la mesure où au moins 25 sièges seraient acquis à la liste arrivée en tête, or la prime majoritaire est fixée à 25 % des sièges.
Un deuxième tour de scrutin est organisé si aucune des listes n’a atteint la majorité absolue des suffrages exprimés lors du premier tour. Seules les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages peuvent se maintenir au second tour. La liste arrivée en tête à l’issue du deuxième tour se voit attribuer 25 % des sièges dans les mêmes conditions que décrites ci-dessus lorsqu’il n’y a qu’un tour de scrutin.
Si plusieurs listes obtiennent le même nombre de suffrages, le bénéfice de la prime majoritaire est attribué à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge à la plus élevée.
Dans les deux cas, les sièges restant après l’attribution des sièges au titre de la prime majoritaire sont attribués entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sur l’ensemble de la circonscription constituée du département – région de Mayotte.
Au sein de chaque liste, les sièges gagnés sont répartis entre les sections qui la composent au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque section à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Ce principe est le principe général s’appliquant aux élections régionales, les départements dans chaque région correspondant aux sections à Mayotte.
L’arrêté du représentant de l’État dans le département qui doit déterminer la répartition du nombre de sièges par section détermine également la répartition par section des sièges attribués à la liste bénéficiant de la prime majoritaire en fonction du dernier chiffre authentifié de la population dans la collectivité.
Les modalités d’élection telles que décrites ci-dessus sont très proches des modalités d’élection et de répartition des sièges au sein de l’assemblée de Guyane qui est composée de huit sections (voir articles L. 558‑1 à L. 558‑4 du code électoral). La prime majoritaire est fixée pour l’assemblée de Guyane à 20 %. Pour pouvoir obtenir des sièges, les listes doivent avoir au moins obtenu 5 % des suffrages exprimés.
Le Conseil constitutionnel a plusieurs fois eu l’occasion de se prononcer sur la conformité d’un seuil de 5 % qui pourrait entrer en contradiction avec le principe du pluralisme des courants d’idées et d’opinion énoncé à l’article 4 de la Constitution. Il ne s’est pas prononcé sur les modalités d’élections de l’assemblée de Guyane mais s’est prononcé sur le seuil de 5 % existant à l’assemblée de Polynésie française ([191]) et plus récemment sur le même seuil introduit pour les élections au Parlement européen ([192]). Rappelant que : « S’il est loisible au législateur, lorsqu’il fixe les règles électorales, d’arrêter des modalités tendant à favoriser la constitution d’une majorité stable et cohérente, toute règle qui, au regard de cet objectif, affecterait l’égalité entre électeurs ou candidats dans une mesure disproportionnée méconnaîtrait le principe du pluralisme des courants d’idées et d’opinions, lequel est un fondement de la démocratie », le Conseil constitutionnel n’a pas considéré que le seuil de 5 % était trop élevé et donc non conforme à l’article 4 de la Constitution.
Les dispositions communes réunies au titre III du livre VI bis devant également s’appliquer à l’assemblée de Mayotte, votre rapporteure signale en particulier que s’appliquera la règle du maintien des listes au second tour valable pour les assemblées de Guyane et de Martinique à savoir que « seules peuvent se présenter au second tour de scrutin les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % des suffrages exprimés. […] La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d’autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. » (article L. 558‑19).
Comme l’expose l’étude d’impact jointe au projet de loi et comme l’ont rappelé les différentes personnes auditionnées, la modification du mode de scrutin et le découpage de la circonscription en cinq sections reprenant les limites des cinq EPCI de Mayotte devraient permettre de faire émerger des listes qui soutiennent des projets dépassant le périmètre des actuels cantons et qui conforteraient les compétences du Département-Région de Mayotte.
L’ensemble des dispositions relatives à la propagande électorale et aux dépenses des candidats sont applicables à Mayotte en raison de l’application, d’une part, de l’ensemble des dispositions du titre Ier du livre Ier du code électoral et d’autre part l’application du titre III du livre VI bis du même code qui comprend les dispositions communes pour l’instant aux élections aux assemblées de Guyane et de Martinique (cf. chapitre IV du livre III).
Ainsi, l’article L. 558‑26 conduira à Mayotte, comme en Guyane et en Martinique, à l’institution d’une commission de propagande à l’échelle de la circonscription unique au lieu de commissions de propagande au niveau de chaque canton pour les élections départementales. L’article L. 558‑27 prévoit la prise en charge par l’État des dépenses de la commission de propagande et le remboursement de la propagande officielle aux listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés et la prise en charge par l’État de la campagne audiovisuelle.
Le présent article crée, lui, l’article L. 558‑9‑5 au sein du chapitre III du nouveau titre II bis, article qui concerne le plafond des dépenses électorales.
L’article L. 52‑11 du code électoral dispose que les montants plafond par habitant déterminés dans le tableau du deuxième alinéa sont actualisés tous les ans par décret. Il précise que les montants évoluent comme l’indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac.
L’article L. 558‑9‑5 prévoit d’adapter l’application de l’article L. 52‑11 à Mayotte. L’indice de référence devra être l’indice local des prix à la consommation hors tabac tel que déterminé par l’Insee. L’indice local du coût de la vie est la référence qui s’applique également pour les montants plafond de dépenses pour les élections municipales et législatives à Mayotte.
Les alinéas 28 à 43 de l’article 31 procèdent à des adaptations pour appliquer un certain nombre de dispositions applicables aux assemblées de Guyane et de Martinique à Mayotte.
Le 4° du présent article rend applicable à l’élection des futurs conseillers à l’assemblée de Mayotte les articles L. 199 à L. 203 du code électoral sur les causes d’inéligibilité et L. 340 du même code sur l’incompatibilité des fonctions de contrôleur général des lieux de privation de liberté avec le mandat de conseiller régional.
Le 5° rend applicable les dispositions de l’article L. 558‑13 du code électoral aux conseillers de l’assemblée de Mayotte (conséquences d’une décision déclarant inéligible un conseiller postérieurement à son élection).
Le 6° modifie la rédaction de l’article L. 558‑14 du code électoral. L’article L. 118‑3 relatif à la possibilité pour le juge des élections de déclarer un candidat inéligible en raison du non respect des règles s’appliquant aux comptes de campagne est applicable aux conseillers des assemblées de Guyane, de Martinique et de Mayotte.
Le 7° rend applicable l’article L. 558‑15 aux conseillers à l’assemblée de Mayotte (incompatibilité du mandat de conseiller avec le statut de militaire en position d’activité et avec un certain nombre de fonctions publiques définies à l’article L. 195).
Le 8° rend applicable l’article L. 558‑16 aux conseillers de l’assemblée de Mayotte (incompatibilité entre le mandat de conseiller et les fonctions d’agent salarié de la collectivité territoriale).
Le 9° rend applicable l’article L. 558‑17 aux conseillers à l’assemblée de Mayotte. Cet article organise la possibilité pour les conseillers des assemblées de Guyane et de Martinique de démissionner de leur mandat ou de renoncer à leurs fonctions professionnelles dans un délai d’un mois suivant leurs élections (conformément aux incompatibilités définies aux articles L. 558‑15 et L. 558‑16).
Le 10° modifie l’article L. 558‑18 pour préciser que les mandats de conseiller de Guyane, de conseiller de Martinique et de conseiller de Mayotte sont incompatibles entre eux. Le mandat de conseiller de Mayotte est également incompatible avec le mandat de conseiller régional et de conseiller à l’Assemblée de Corse.
Le 11° rend applicable l’article L. 558‑28 à l’élection des conseillers à l’assemblée de Mayotte (l’article L. 558‑28 rendant applicable à l’élection des conseillers des assemblées de Guyane et de Martinique les règles relatives à la propagande électorale).
Le 12°modifie l’intitulé du chapitre VII du titre III du livre VI bis du code électoral pour inclure les conseillers à l’assemblée de Mayotte.
Les 13° à 15° modifient les articles composant les chapitres VII et VIII ci‑dessus mentionnés relatifs aux règles de remplacement des conseillers dans les assemblées des collectivités de Guyane et de Martinique et aux règles en cas de contentieux pour les rendre applicables aux conseillers de Mayotte et à leur élection.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a apporté lors de l’examen en commission plusieurs modifications à l’article 31 (amendement COM-64 de Mme Agnès Canayer et M. Olivier Bitz). Les modifications portent sur les articles L. 558‑9‑3 et L. 558‑9‑4 du code électoral au sein du titre II bis nouvellement crée par le présent article.
L’amendement adopté conduit au découpage de la circonscription unique en 13 sections et non plus en 5. Les 13 sections correspondent aux 13 cantons actuels. Le texte adopté par le Sénat rappelle dans un tableau la composition de chacune des 13 sections.
Les 52 sièges continuent d’être répartis entre les différentes sections à la représentation proportionnelle en fonction de la population. Le préfet sera chargé de définir la répartition du nombre de sièges par section au plus tard le 15 janvier de l’année au cours de laquelle auront les élections. Chaque section se voit attribuer au moins deux sièges (article L. 558‑9‑3).
L’amendement adopté ne modifie pas le niveau de la prime majoritaire mais cette prime est traduite en nombre de sièges. Ainsi, la prime permettra à la liste arrivée en tête au premier tour à la majorité absolue des suffrages exprimés et au second tour à la liste arrivée en tête de disposer de 13 sièges de manière certaine sur les 52, avant la répartition des sièges à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne dans chacune des sections en fonction du score des différentes listes. Il est précisé que les treize sièges acquis au titre de la prime majoritaire sont répartis à raison d’un siège par section (article L. 558‑4).
Le seuil que chaque liste doit atteindre pour que les candidats puissent se voir attribuer des sièges s’il n’y a qu’un tour ou s’il y a deux tours n’est pas modifié par rapport au projet de loi initial (à savoir 5 %). De même ne sont pas modifiées les modalités de départage entre des listes arrivées également en tête à égalité pour déterminer laquelle peut bénéficier de la prime majoritaire.
Le Sénat n’a pas apporté de nouvelles modifications lors de l’examen de l’article en séance publique.
Plusieurs des personnes auditionnées par votre rapporteure ont émis des doutes sur la constitutionnalité ou au moins sur les effets d’un découpage de la circonscription unique en 13 sections. Votre rapporteure partage ces doutes. En effet, la répartition de 52 sièges au sein de 13 sections doterait chacune des sections de seulement quelques sièges (entre deux et cinq sur le fondement de la population recensée en 2017). Les effets d’un scrutin de liste à la représentation proportionnelle pourraient être gommés dans la mesure où certaines listes et donc certains courants d’opinion auraient peu de chances d’obtenir des sièges dans certaines sections et donc d’être représentés à l’assemblée de Mayotte, d’autant plus avec l’application d’une prime majoritaire qui conduit à ce qu’au titre de cette prime, la liste arrivée en tête dispose d’au moins un siège par section.
4. La position de la Commission
Le présent article a été modifié par trois amendements qui reviennent sur les modalités de scrutin à l’assemblée de Mayotte.
Le premier amendement, CL424 de la rapporteure Mme Estelle Youssouffa, co‑signé par le rapporteur général et les deux autres rapporteurs thématiques, acte le retour à une circonscription unique découpée en cinq sections, et non en treize sections. Les cinq sections reprennent les limites géographiques des cinq établissements de coopération intercommunale de Mayotte. Cet amendement reprend donc la proposition du projet de loi initial. Il précise comme prévu initialement que les 52 sièges composant l’assemblée sont attribués à la représentation proportionnelle de la population de chaque section, chacune devant au moins bénéficier de cinq sièges.
Votre rapporteure estime que le découpage en treize sections correspondant aux treize cantons actuels présente le risque de voir des majorités se constituer sans projet politique dépassant l’échelle des cantons. Les modalités d’élections telles que proposées par les sénateurs ne permettraient ni à toutes les sensibilités politiques d’être suffisamment représentées du fait du faible nombre de sièges par section ni dans le même temps de faire émerger des projets politiques embrassant toutes les compétences de la collectivité.
Le deuxième amendement CL425 de la rapporteure vise à réduire l’effet de la prime majoritaire attribuée à la liste qui a recueilli au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés ou qui est arrivée en tête au deuxième tour. L’amendement conserve le principe de l’attribution d’une prime majoritaire à raison de 10 sièges sur les 52. Le choix a été fait de ne pas conserver une prime de 25 %, c’est-à-dire de 13 sièges, qui pourrait donner un poids trop important à la liste arrivée en tête dans l’ensemble de l’assemblée de Mayotte et réduire la volonté au travers un scrutin de liste à la proportionnelle de mieux représenter les différentes tendances politiques.
Le mode scrutin de l’assemblée de Guyane dont les conseillers sont élus dans une circonscription unique elle-même découpée en sections est organisé de telle sorte que la liste arrivée en tête au premier ou second tour bénéficie d’une prime majoritaire de 20 % de l’ensemble des sièges. Avec une prime majoritaire exprimée en sièges, de 10 sièges, pour l’assemblée de Mayotte, c’est-à-dire une proportion très proche de 20 %, les modalités de scrutin seraient proches de celles prévalant à l’assemblée de Guyane. Ces 10 sièges sont répartis à la proportionnelle de la population de chacune des sections de telle manière qu’il soit attribué au moins un siège dans chaque section.
Le troisième amendement CL426 de la rapporteure introduit la possibilité de modifier le critère de répartition des sièges entre les sections et le critère de répartition de la prime dite majoritaire. La répartition des sièges s’appuie traditionnellement sur la population officiellement recensée dans chaque section. Or, Mayotte se trouve dans une situation très spécifique par rapport aux autres régions et départements français, et la prise en compte de la population recensée n’assurerait pas une répartition juste et équilibrée des 52 sièges au sein des cinq sections composant la circonscription unique.
En effet, une part importante des habitants n’a pas la qualité d’électeur : plus de la moitié de la population y a moins de 20 ans ; selon l’INSEE, plus de la moitié des résidents sont étrangers et 74 % des naissances concernent des mères étrangères. Ainsi, à Mayotte, en retenant l’estimation d’une population de 320 000 habitants au 1ᵉʳ janvier 2024 et en dénombrant 97 759 personnes inscrites sur les listes électorales, le taux d’inscription se limite à 30,5 %. A l’inverse, au niveau de l’ensemble du territoire français, 72,5 % de la population est inscrite sur les listes électorales.
De plus, votre rapporteure estime que la proportion importante de personnes venant des Comores peut faire craindre des tentatives d’ingérence dans le processus électoral.
C’est pourquoi l’amendement CL426 dispose que, si l’écart entre la population officiellement recensée et le nombre d’inscrits sur les listes électorales dépasse 60 %, le critère de répartition des sièges est modifié, tant pour répartir les 52 sièges que pour répartir les sièges au titre de la prime majoritaire. Les sièges seront répartis en fonction du nombre d’inscrits sur les listes électorales, et non de la population.
Les amendements CL427, CL428, CL429 et CL430 de la rapporteure, sont des amendements rédactionnels.
*
* *
Article 32
(art. L. 46-1, L. 52-11, L. 52-12, L. 231, L. 280, L. 282, L. 451, L. 543, L. 454 et L 475 du code électoral)
Mise en cohérence de certaines dispositions du code électoral
Adopté par la Commission sans modification
Les conseillers départementaux de Mayotte sont actuellement élus selon les modalités de droit commun applicables aux conseillers départementaux. Les dispositions s’appliquant aux conditions d’éligibilité, aux incompatibilités, aux règles de remplacement, au financement des campagnes électorales, etc. sont celles s’appliquant aux conseillers départementaux.
Or, l’article 31 du projet de loi procède à une réforme du régime électoral de l’assemblée de Mayotte au sein de laquelle siègeront 52 conseillers.
Tirant les conséquences de ces modifications, l’article 32 procède, au sein du code électoral, aux différentes coordinations rendues nécessaires par la création du mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte et par le changement de nom de la collectivité en « Département-Région de Mayotte ».
2. Le dispositif initial
Le présent article procède donc à plusieurs modifications du code électoral.
Le 1°du I de l’article 32 modifie l’article L. 46-1 pour ajouter le mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte à la liste des mandats électifs locaux dont le cumul est plafonné à deux mandats.
Le 2°du I modifie l’article L. 52-11 relatif aux règles de calcul du plafond de dépenses électorales. L’article L. 52‑11 dans sa version en vigueur prévoit que le plafond des dépenses électorales pour l’élection des conseillers régionaux s’applique aux élections des conseillers aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique. Le 2° du I y ajoute l’élection des conseillers à l’assemblée de Mayotte.
Le 3°du I modifie le V de l’article L. 52-12. La possibilité accordée aux candidats à des élections en Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion et en Guyane de déposer leurs comptes de campagne et, le cas échéant, les relevés du compte bancaire ouvert en application des articles L. 52-5 ou L. 52-6 à la préfecture ou la sous-préfecture, et non seulement devant la Commission nationale des comptes de campagne est étendue à Mayotte.
le 4° de I adapte l’article L. 231 afin de préciser que la personne qui exerce, au sein du « Département-Région » de Mayotte, « les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l’assemblée ou du président du conseil exécutif », est inéligible à un mandat de conseiller municipal dans l’une des communes situées dans le ressort de la collectivité.
Les modifications prévues au II permettent d’inclure les conseillers à l’assemblée de Mayotte dans le collège électoral appelé à élire les sénateurs (en modifiant les articles L. 280 et L. 281 du code électoral) et de prévoir les modalités de remplacement d’un conseiller qui serait élu sénateur ou député (article L. 282 du code électoral).
Le 1° du III modifie ensuite l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre VI. La modification permet de supprimer dans le titre du chapitre Ier la mention aux « conseillers généraux » de Mayotte, ayant pour effet de rendre ledit chapitre applicable aux seules élections des conseillers municipaux de Mayotte. En effet, les dispositions applicables à l’élection des « conseillers à l’assemblée de Mayotte » seront désormais regroupées dans le nouveau titre II bis du livre VI bis créé par l’article 31 du présent projet de loi.
Le 2° du III remplace la référence au département de Mayotte par la référence au Département-Région de Mayotte à l’article L. 451.
Le 3° du III modifie l’article L. 453 et tire les conséquences de l’article L. 558‑9‑5 que se propose de créer l’article 31 au sein du titre II bis du livre VI bis et qui modifie l’article L. 52‑11 relatif aux plafonds des dépenses des candidats aux élections. Ainsi l’article L 453 procédera au même remplacement au sein de l’article L. 52‑11 que le fait l’article L. 558‑9-5 (en faisant référence à l’indice des prix à la consommation et non plus au coût de la vie).
Le 4° du III abroge l’article L. 454. En effet le 2° du I du présent article propose d’étendre les dispositions relatives au dépôt des comptes de campagne en vigueur dans les départements et régions d’outre-mer à Mayotte. L’article L. 454 perd son objet.
Le 5° du III abroge le chapitre III du titre Ier du livre VI, c’est-à-dire les deux articles restant du chapitre III. La majorité des articles de ce chapitre contenant des dispositions spécifiques à l’élection des conseillers généraux à Mayotte ont été abrogés en 2010. Les deux articles restants, L. 462 et L. 463, concernant la communication électorale lors des campagnes sont donc également abrogés. Les dispositions concernant la communication et la propagande électorales seront pour Mayotte les mêmes dispositions que celles en vigueur en Guyane et en Martinique (dispositions communes du livre VI bis).
Le 6° du III modifie l’article L. 475 qui fixe la composition du corps électoral élisant les sénateurs de Mayotte. La référence aux conseillers généraux est remplacée par la référence aux conseillers à l’assemblée de Mayotte.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat lors de son examen en commission n’a apporté qu’une modification rédactionnelle au 1° du III (amendement COM‑65 de Mme Agnès Canayer et M. Olivier Bitz).
4. La position de la Commission
L’article a été adopté en commission sans modification.
*
* *
Article 33
Modalités d’entrée en vigueur de la réforme électorale
Adopté par la Commission sans modification
En raison du choix, initialement fait par le Gouvernement, de solliciter, à l’article 30 du présent projet de loi, une habilitation afin de procéder à la réforme de l’organisation institutionnelle du Département de Mayotte par ordonnance, la réforme d’ensemble - institutionnelle et électorale - se trouvait partagée entre le présent projet de loi de programmation, le projet de loi organique n° 1471 relatif au Département-Région de Mayotte examiné simultanément et le projet de loi de ratification de l’ordonnance prévue à l’article 30.
En effet, la réforme du mode de scrutin est inscrite aux articles 31 et 32 du présent projet de loi par modification directe du code électoral, tandis que le projet de loi organique examiné simultanément comporte des mesures de coordination de certaines dispositions organiques rendues nécessaires par la réforme institutionnelle et électorale. La réforme institutionnelle du statut de la collectivité devait intervenir par ordonnance.
Afin de garantir la cohérence de l’ordonnancement juridique et de l’ensemble des textes applicables à Mayotte, le présent article et l’article 5 du projet de loi organique contenaient des dispositions destinées à assurer l’entrée en vigueur simultanée de ces deux textes.
Le premier alinéa du présent article dans sa version initiale prévoyait une entrée en vigueur du chapitre II du titre V de la loi, c’est-à-dire des articles 31 et 32, à la date du dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance prévue au chapitre Ier, c’est-à-dire à l’article 30 et au plus tard le 1er janvier 2027.
Le deuxième alinéa précisait en conséquence que les dispositions du chapitre II relatives à l’élection des conseillers à l’assemblée de Mayotte, si elles étaient entrées en vigueur conformément au premier alinéa, s’appliqueraient à compter du prochain renouvellement général des conseillers départementaux suivant l’entrée en vigueur de la loi.
L’inscription d’une date butoir au 1er janvier 2027 rendait néanmoins possible une application de la réforme électorale et donc une transformation du conseil départemental de Mayotte en l’assemblée de Mayotte indépendamment de la modification du statut institutionnel de la collectivité par ordonnance.
2. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat, lors de l’examen en commission, a tenu compte de la réécriture de l’article 30 intervenue en commission. L’habilitation donnée au Gouvernement à procéder par ordonnance a été remplacée par une codification du statut de la collectivité territoriale de Mayotte qui devient le Département-Région de Mayotte.
C’est pourquoi la mention au sein de l’article 33 du projet de loi de ratification de l’ordonnance mentionnée à l’article 30 n’avait plus d’objet.
L’amendement COM-73 présenté par le Gouvernement a donc modifié l’article 33 afin de prévoir que le chapitre II entre en vigueur « à compter du prochain renouvellement général des conseils départementaux ». Par dérogation, les 1°à 7°, 9° et 11° de l’article 32 entrent en vigueur dans les conditions prévues au second alinéa du III de l’article 30, c’est-à-dire à compter de la première réunion de l’assemblée de Mayotte suivant le prochain renouvellement général des conseils départementaux.
3. La position de la Commission
L’article a été adopté en commission sans modification.
*
* *
TITRE VI
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 34
Mesures de mise en cohérence rédactionnelle de certains codes et lois
Adopté par la Commission sans modification
L’entrée en vigueur du titre V du présent projet de loi, c’est-à-dire des articles 30 à 33 nécessite des dispositions de coordination dans plusieurs codes et lois afin de tenir compte du changement de nom du Département de Mayotte qui devient le Département-Région de Mayotte et du passage du conseil départemental à l’assemblée de Mayotte.
Ainsi, en premier lieu, le I du présent article modifie les articles L. 131‑2 et L. 212‑9 du code des juridictions financières afin de tenir compte du changement de nom de la collectivité et de son assemblée délibérante. Les deux articles précités sont relatifs aux personnes justiciables devant la Cour des comptes et devant sur la chambre régionale des comptes de Mayotte. Ils mentionnaient le département de Mayotte et son conseil départemental.
En deuxième lieu, le II de l’article 34 modifie le XIII de l’article 21 de la loi n° 2014‑288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale conférant à l’assemblée de Martinique une habilitation à déterminer des règles spécifiques pour organiser le service public de la formation professionnelle. Le dernier alinéa du XIII fait référence à l’article L.O. 7311-7 du code général des collectivités territoriales qui permet à l’assemblée de Martinique de prolonger elle-même l’habilitation accordée par la loi.
La modification apportée par le présent article tient compte du changement de numérotation, l’article L.O 7311-7 devenant l’article LO. 7411-7 en application de l’article 1er du projet de loi organique n° 1471 examiné conjointement (le livre III de la septième partie du CGCT devenant le livre IV) ([193]) .
En troisième lieu, le III modifie le II de l’article 205 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La référence au livre III de la septième partie du code général des collectivités territoriales est remplacée par la référence au livre IV et la référence à l’article L.O 73111‑7 est remplacée par la référence à l’article L.O 7411‑7.
En quatrième lieu, le IV procède à la prise en compte du changement de dénomination de la collectivité et de son assemblée délibérante au sein de la loi n° 77‑729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen (incompatibilité entre un mandat de député européen et de conseiller à l’assemblée de Mayotte).
En cinquième lieu, le V modifie l’article 11 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique pour viser le président de l’assemblée de Mayotte et les conseillers à l’assemblée de Mayotte (concernant l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique).
La date d’entrée en vigueur était conditionnée au dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance prévue à l’article 30 et devait intervenir au plus tard le 1er janvier 2027.
2. Les modifications proposées par le Sénat
Le présent article a été modifié lors de son examen au Sénat en commission. Le Gouvernement a déposé un amendement (COM-74) afin de tenir compte de l’inscription directe, en lieu et place de l’habilitation initialement prévue à l’article 30, de la réforme du statut du Département de Mayotte.
L’amendement créé deux nouvelles subdivisions, le I A et le I B au début de l’article.
Le I A prévoit que le Département-Région de Mayotte succède au Département de Mayotte dans tous ses droits et obligations, y compris en matière budgétaire et comptable.
Le I B prévoit que, dans l’ensemble des dispositions législatives autres que celles modifiées par le présent projet de loi :
- la référence au Département de Mayotte est remplacée par la référence au Département-Région de Mayotte ;
- la référence au conseil général ou conseil départemental est remplacée par la référence à l’assemblée de Mayotte ;
- la référence aux conseillers généraux ou aux conseillers départementaux est remplacée par la référence aux conseillers à l’assemblée de Mayotte ;
- la référence au président du conseil général ou du conseil départemental de Mayotte est remplacée par la référence au président de l’assemblée de Mayotte.
L’amendement du Gouvernement modifie également la date d’entrée en vigueur du présent article en cohérence avec la réécriture de l’article 30 (cf. supra). Il est donc proposé que l’article 34 entre en vigueur au plus tard le 1er janvier 2026 ou antérieurement à une date fixée par décret, de la même manière que l’article 30.
3. La position de la Commission
La commission a adopté l’amendement CL456 de la rapporteure, Mme Estelle Youssouffa. Cet amendement rédactionnel procède à la suppression des modifications apportées au II de l’article 205 de la loi la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les dispositions du II n’étant plus en vigueur.
*
* *
Article 35 (nouveau)
Demande de rapport relatif à l’aide médicale de l’État
Introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CL27 de M. Ratenon. Celui-ci prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an un rapport évaluant l’opportunité d’étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte.
*
* *
Article 36 (nouveau)
Demande de rapport sur le centre hospitalier de Mayotte
Introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CL285 de Mme Voynet. Celui‑ci prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an un rapport détaillant le budget du centre hospitalier de Mayotte.
*
* *
Article 37 (nouveau)
Demande de rapport relatif au transfert de compétences
Introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CL329 de la rapporteure Mme Firmin Le Bodo. Celui-ci prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an un rapport procédant à un bilan des transferts de compétences départementales et régionales au Département-Région de Mayotte.
*
* *
Article 38 (nouveau)
Demande de rapport sur les plans stratégiques applicables à Mayotte
Introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CL181 de la rapporteure Mme Youssouffa. Celui-ci prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai de trois mois un rapport évaluant les plans stratégiques applicables à Mayotte.
*
* *
Article 39 (nouveau)
Demande de rapport sur le recensement des entreprises à Mayotte
Introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CL419 de la rapporteure, Mme Firmin Le Bodo, du rapporteur général et des deux autres rapporteurs thématiques. Celui-ci prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an un rapport sur les entreprises à Mayotte, et notamment sur leur nombre.
*
* *
Article 40 (nouveau)
Demande de rapport sur la distribution des médicaments
Introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CL422 de la rapporteure Mme Firmin Le Bodo. Celui-ci prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an un rapport sur la sécurisation du circuit de distribution des médicaments à Mayotte.
*
* *
Article 41 (nouveau)
Demande de rapport sur les logements disponibles pour les fonctionnaires
Introduit par la Commission
Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CL459 de la rapporteure Mme Firmin Le Bodo. Celui-ci prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans un délai de neuf mois un rapport évaluant le nombre de logements nécessaires pour que l’ensemble des fonctionnaires des trois fonctions publiques travaillant à Mayotte puisse bénéficier d’une offre de logement.
COMMENTAIRE DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
Article 1er
(art. L.O 1112-10, L.O 1141‑1, L.O. 3445-1, L.O. 3445-9, L.O. 4435-1, L.O. 4435-9, L.O. 1711-2 [abrogé], L.O. 3511-1 [abrogé], L.O. 3511-3 [abrogé], L.O. 4437-2 [abrogé], L.O. 7311-1 à L.O. 7311-9, L.O. 7411-1 à L.O. 7411-9 [nouveaux], L.O. 7312-1 à L.O. 7312-3, L.O. 7412-1 à L.O. 7412-3 [nouveaux], L.O. 7313-1 et L.O. 7413-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Adaptations des dispositions organiques du code général des collectivités territoriales
Adopté par la Commission sans modification
1. Le droit existant
Le département de Mayotte est une collectivité unique régie par l’article 73 de la Constitution, qui exerce les compétences d’un département et d’une région. Le statut actuel de la collectivité a été fixé par la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte et la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.
Les règles applicables à la collectivité territoriale de Mayotte relèvent du domaine de la loi ordinaire, à l’exception des conditions de mise en œuvre des habilitations à adapter les lois et règlements ou à fixer elles-mêmes les lois et règlements, qui sont fixées par une loi organique. Elles figurent dans le chapitre V du titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales (articles L.O. 3445-1 à L.O. 3445-12), relatif aux départements d’outre-mer, et dans le chapitre V du titre III du livre IV de la quatrième partie du CGCT (articles L.O. 4435-1 à L.O. 4435-12), relatif aux régions d’outre-mer.
2. Le dispositif proposé
L’article 30 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte insère un nouveau livre III au sein de la septième partie du code général des collectivités territoriales, relative aux autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
Le présent article tire ainsi les conséquences au niveau organique de l’article 30 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, qui substitue au nom actuel de la collectivité celui de « Département-Région » de Mayotte, en modifiant les articles de niveau organique qui comporte la mention de « Département de Mayotte ».
Le présent article procède également à des renumérotations d’articles de niveau organique pour tenir compte du changement de codification de certaines dispositions relatives à la collectivité de Mayotte. Il transforme ainsi l’actuel livre III de la septième partie du CGCT en livre IV, et renumérote les articles en conséquence, pour tenir compte de l’insertion d’un live consacré à la collectivité de Mayotte, consécutif à ceux consacrés aux collectivités de Guyane et de Martinique.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article, tant en commission qu’en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission n’a pas modifié cet article.
*
* *
Article 2
(articles. L.O 141, L.O 141‑1 et L.O 558-12 du code électoral)
Adaptation du code électoral
Adopté par la Commission sans modifications
1. Le droit existant
Dans le droit en vigueur, les conseillers départementaux de Mayotte étant des conseillers départementaux, toutes les règles s’appliquant à eux sont celles s’appliquant au mandat de conseiller départemental de Mayotte. À l’inverse, il existe des dispositions organiques et législatives spécifiques concernant les conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique, notamment en ce qui concerne les incompatibilités.
La proposition de créer une assemblée de Mayotte à l’article 31 du projet de loi n° 1470 de programmation pour la refondation de Mayotte examiné conjointement conduit à faire apparaître distinctement les conseillers à l’assemblée de Mayotte dans les dispositions organiques du code électoral.
2. Le dispositif proposé
Le 1° de l’article 2 modifie l’article L.O. 141-1 du code électoral pour prévoir l’incompatibilité entre un mandat parlementaire et l’exercice de plus d’un mandat local, dont celui de conseiller à l’assemblée de Mayotte.
Le 2° modifie le 7° de l’article L.O 141‑1 du même code afin de rendre incompatible l’exercice des fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de Mayotte avec un mandat parlementaire.
Le 3° modifie l’article L.O. 558-12 du code électoral, qui régit l’inéligibilité du Défenseur des droits qui ne peut briguer de mandat de conseiller des assemblées de Guyane et de Martinique en étendant cette inéligibilité au mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article tant en commission qu’en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission n’a pas modifié cet article.
*
* *
Article 3
(ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Incompatibilité des fonctions de magistrat avec le mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte
Adopté par la Commission sans modifications
1. Le droit existant
Les fonctions de magistrat sont incompatibles avec le mandat de conseiller départemental en application de l’article 9 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Cela signifie actuellement que les fonctions de magistrat sont incompatibles avec le mandat de conseiller départemental de Mayotte.
2. Le dispositif proposé
La proposition de créer une assemblée de Mayotte à l’article 31 du projet de loi de programmation de refondation de Mayotte examiné conjointement au présent projet de loi rend nécessaire une adaptation de l’article 9 de l’ordonnance n° 58‑1270 précitée. L’assemblée de Mayotte et le mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte se substitueront au conseil départemental et au mandat de conseiller départemental de Mayotte.
Pour prévoir l’incompatibilité des fonctions de magistrat avec le mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte, une modification de l’article 9 est opérée par le présent article. Au 3ème alinéa de l’article 9 est ajoutée la mention « ou de conseiller de l’assemblée de Mayotte ».
3. Les modifications apportées par le Sénat
En commission, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel, le COM‑1 de Mme Agnès Canayer et M. Olivier Bitz.
L’article n’a pas été modifié suite à son examen en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission n’a pas modifié cet article.
*
* *
Article 4
(loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel)
Présentation par les conseillers à l’assemblée de Mayotte d’un candidat à l’élection présidentielle
Adopté par la Commission sans modifications
1. Le droit existant
En vertu de l’article 6 de la Constitution qui prévoit que les modalités applicables à l’élection du Président de la République sont fixées par une loi organique, les dispositions de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel sont de nature organique.
Le deuxième alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée fait figurer les membres des conseils départementaux parmi les citoyens admis à présenter un candidat à l’élection présidentielle dans le cadre de la « règle des cinq cents signatures ».
La règle des 500 signatures nécessaire pour présenter un candidat à l’élection présidentielle date de 1976 (le nombre était initialement de 100). De nombreuses modifications sont intervenues depuis dans la liste des personnes élues pouvant apporter leur signature.
La loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution a fait apparaître distinctement à l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 précitée les conseillers à l’assemblée de Guyane et de Martinique qui n’étaient plus ni conseillers départementaux ni conseillers régionaux à la suite de la création de l’assemblée unique dans chacune de ces collectivités.
En 2016, la mention au conseil départemental de Mayotte a à l’inverse était supprimé à la suite de l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.
La proposition de créer une assemblée de Mayotte à l’article 31 du projet de loi de programmation de refondation de Mayotte examiné conjointement au présent projet de loi rend nécessaire une adaptation de l’article 3 l’article 3 de la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 précitée, le mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte substituant au mandat de conseiller départemental de Mayotte.
2. Le dispositif proposé
L’article 4 modifie le deuxième alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel pour ajouter la mention à la fin « de l’Assemblée de Mayotte ».
Cette modification permet aux conseillers à l’assemblée de Mayotte de présenter un candidat à l’élection présidentielle, à l’instar des conseillers des assemblées de Martinique et de Guyane.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article tant en commission qu’en séance publique.
4. La position de la Commission
La Commission n’a pas modifié cet article.
*
* *
Adopté par la Commission sans modifications
L’article 5 dans la version initiale prévoyait que la loi organique entrait en vigueur à la date de dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance prévue à l’article 30 du projet de loi ordinaire. L’amendement n° 1 déposé par les rapporteurs en séance a supprimé, en cohérence avec la suppression de l’habilitation à légiférer à l’article 30 du projet de loi ordinaire, la référence à l’entrée en vigueur de l’ordonnance pour prévoir une entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2026.
Le deuxième alinéa de l’article prévoit que les articles 2, 3 et 4 s’appliquent à compter du renouvellement général des conseils départementaux qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi organique. Il a fait l’objet de modifications rédactionnelles en séance.
La commission a adopté cet article sans modification.
AUDITION DE M. MANUEL VALLS, MINISTRE D’ÉTAT, MINISTRE DES OUTRE-MER, ET DISCUSSION GÉNÉRALE
Lors de sa réunion du mardi 10 juin 2025, à 16 heures 30 la Commission des Lois auditionne, conjointement avec la commission des Affaires économiques, M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des Outre-mer, et procède à la discussion générale sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs) et sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département Région de Mayotte (n° 1471) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure).
Réunion du mardi 10 juin à 2025 à 16 heures 30
Lien vidéo : https://assnat.fr/vul9OU
M. le président Florent Boudié. Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte est un texte majeur. Présenté en Conseil des ministres le 21 avril 2025, il a reçu une très large approbation lors de sa première lecture au Sénat, avec 17 voix contre, 95 abstentions et 226 voix pour. Il est surtout très attendu par la société civile comme par les élus mahorais et je ne doute pas qu’il sera examiné dans notre commission avec la gravité qu’imposent les défis exceptionnels auxquels ce territoire de la République est confronté.
Département-région d’outre-mer depuis 2011, Mayotte est littéralement à terre après les ravages causés par le cyclone Chido en décembre 2024 et par la tempête Dikeledi en janvier 2025. Avec des rafales à plus de 200 kilomètres à l’heure, à l’origine de destructions massives d’habitats, du déplacement de milliers de personnes, de réseaux d’eau et d’électricité sinistrés, d’établissements scolaires et hospitaliers partiellement hors service, ces deux tempêtes ont – c’est le moins que l’on puisse dire – bouleversé la vie quotidienne des Mahorais et révélé l’extrême vulnérabilité du département.
Face à l’ampleur de ces chocs, le Parlement a déjà adopté un projet de loi d’urgence pour Mayotte, promulgué le 24 février dernier, qui a permis de mobiliser les premiers moyens exceptionnels de soutien et de reconstruction : mesures de relogement provisoire, simplification en matière d’achat public, possibilité de réquisition des bâtiments vacants et prolongation de certaines prestations sociales. Ce texte, adopté dans l’urgence, était un premier pas.
Mais au-delà de l’urgence, Mayotte est confrontée à une situation structurelle absolument hors norme : une pression démographique sans équivalent, bouleversée par une poussée migratoire dont les causes sont à la fois socio-économiques et géopolitiques, à laquelle s’ajoutent des fragilités profondément enracinées. Ainsi, plus des trois quarts de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté et un tiers des logements sont insalubres.
Le texte que nous abordons a vocation à s’inscrire dans la durée, en traçant le chemin d’une réponse structurelle globale et d’une programmation, notamment budgétaire, figurant dans le rapport annexé au projet de loi.
La commission des lois, saisie au fond, a fait le choix de déléguer aux commissions qui le souhaitaient, en l’occurrence la commission des affaires économiques et la commission des finances, les articles les concernant. Je remercie Mme Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques, qui va nous rejoindre, et M. Coquerel, président de la commission des finances, qui ne pourra être présent cet après-midi car il est retenu par les débats en séance, de l’avoir accepté.
Je rappelle que le droit d’amendement en commission ne s’exercera que devant la commission concernée. S’agissant des articles délégués, le débat aura donc lieu dans les commissions citées, la commission des lois se bornant à ratifier leur position.
M. Pascal Lecamp, président, suppléant Mme la présidente Aurélie Trouvé. À la suite du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte et causé plusieurs dizaines de victimes en décembre 2024, la commission des affaires économiques a été conduite à examiner et à adopter en janvier 2025 un projet de loi d’urgence pour Mayotte. Cette loi a été promulguée le 24 février.
Durant la crise qui a suivi cette catastrophe, nombre d’habitants ont manqué de tout : eau, nourriture, logement, électricité, moyens de communication. Nous savions que cette loi d’urgence ne suffirait pas à résoudre l’ensemble des problèmes de cette collectivité et de la population mahoraise, qu’il s’agisse de la destruction des bâtiments et infrastructures ou des ravages causés aux exploitations agricoles et à l’environnement. La présidente Aurélie Trouvé, les vice-présidents Charles Fournier, Jean-Pierre Vigier et moi-même avons pu le constater en nous rendant sur place au mois de février 2025. Ce déplacement fut très instructif.
Monsieur le ministre d’État, vous nous avez alors annoncé que des initiatives complémentaires pourraient être prises dans un second texte législatif, pour conduire une reconstruction en profondeur de Mayotte et répondre aux besoins pressants de ses habitants. Ces derniers aspirent à un développement plus durable, à davantage de sécurité et de solidarité et ont l’impression que, trop souvent, les promesses de soutien et d’égalité n’ont pas été tenues.
Les défis à relever sont immenses. Nous avons pu le mesurer sur place. Ainsi, la capacité maximum de production d’eau est de 40 000 mètres cubes, mais seuls 25 000 mètres cubes sont produits, alors qu’il en faudrait 45 000 pour qu’il n’y ait plus de tour d’eau et que les besoins des populations soient satisfaits. Des investissements très importants sont nécessaires pour répondre à ce besoin primaire : que chacun ait tous les jours de l’eau à son robinet.
Le présent projet de loi doit, selon son intitulé, proposer non seulement une programmation pour assurer à Mayotte un meilleur avenir, mais aussi une refondation de la collectivité. Je rappelle qu’il a été déposé au Sénat le 22 avril 2025 et adopté par les sénateurs le 27 mai.
Vous nous expliquerez, Monsieur le ministre d’État, en quoi devrait consister la refondation proposée par le Gouvernement et comment elle pourra réellement répondre dans la durée aux aspirations de nos concitoyens de Mayotte.
La commission des affaires économiques, qui a désigné notre collègue Frantz Gumbs rapporteur pour avis, examinera dans le cadre d’un avis avec délégation au fond les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24. Ces articles comportent des mesures relevant de différents domaines et s’inscrivant, pour la plupart, dans le prolongement de la loi d’urgence de février dernier. Ils concernent les opérations de reconstruction, la question de l’eau, la lutte contre les habitats informels, le projet de création d’un nouvel aéroport à piste longue, attendu depuis plus de dix ans et nécessaire au développement économique de Mayotte, les marchés permettant de bâtir des écoles et des constructions temporaires, certaines modalités de reconnaissance de la propriété, le classement de Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville, ou encore la structuration de la filière pêche, qui demeure très faible et dépend de la chambre d’agriculture.
Je rappelle par ailleurs que la commission des finances, compétente en matière de fiscalité, est saisie par délégation au fond du volet relatif à la création d’une zone franche globale.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Voici quasiment quatre mois, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi d’urgence pour Mayotte et je terminais alors mon discours sur les conclusions de la commission mixte paritaire par une promesse et une seule : ne pas laisser tomber Mayotte.
Trois mois ont passé et beaucoup de choses ont changé. Les caméras de télévision ont quitté l’archipel. D’autres crises, mais aussi tout simplement le quotidien, ont progressivement détourné de Mayotte le regard de l’opinion publique nationale. Certaines choses sont toutefois restées intangibles : les préoccupations et les angoisses de nos compatriotes mahorais, la mobilisation de l’État. En écho à mon engagement et même si les défis demeurent immenses, je le dis sans détour : nous n’avons pas laissé tomber Mayotte.
Je me suis rendu sur place à quatre reprises en quatre mois, dont la dernière fois aux côtés du président de la République. Le Parlement a adopté à l’unanimité une loi d’urgence, promulguée le 24 février dernier. J’échange très régulièrement avec l’ensemble des élus du territoire. Vos collègues députées Estelle Youssouffa et Anchya Bamana peuvent en témoigner, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout. J’ai échangé encore hier à Nice avec le président du conseil départemental et le président de l’Association des maires mahorais.
La mission dédiée, rattachée à mon cabinet et dirigée par le général Pascal Facon, est quotidiennement à la tâche pour accélérer la reconstruction de l’île et penser sa refondation.
J’ai, depuis mon entrée en fonction, identifié trois phases de réponse à la crise : la gestion des urgences vitales, la reconstruction et la refondation.
L’engagement sans faille des services de l’État et des élus, qui se poursuit sans relâche à un rythme soutenu, a permis de stabiliser la première phase : nous avons rétabli les capacités en eau, en électricité et en télécommunications.
Vous avez, Monsieur Lecamp, évoqué la question de l’eau. Sachez que le niveau de remplissage des deux retenues collinaires s’est amélioré à la fin de la saison des pluies. Près de 2 millions de bouteilles d’eau ont été livrées et quelque 2 millions de litres d’eau acheminés par voie maritime au cours du mois de mai. La capacité de production habituelle a été récupérée, à hauteur de 38 000 mètres cubes par jour. Nous ne pouvons toutefois nous en satisfaire, puisque cela correspond à la capacité d’avant le passage de Chido et qu’un écart évident entre l’offre et la demande persiste. C’est pourquoi, avant même le projet de loi de refondation, nous commençons à voir plus loin. Plus de 900 fuites d’eau ont déjà été réparées par le génie militaire, mais il va nous falloir définir un mode opératoire pour résorber les fuites après compteur dans les foyers. La première pierre de la future station d’épuration de Mamoudzou a été posée le 7 mai et l’arrêté d’autorisation des travaux pour la partie terrestre du chantier de reconstruction de l’usine de dessalement d’Ironi Bé a été signé par le préfet il y a un mois environ. Ces ouvrages ne fonctionneront toutefois pas dans les prochaines semaines, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous engageons donc une réflexion parallèle sur des dispositifs innovants et un appel à projets a été lancé afin de faire émerger des solutions nouvelles. Le déploiement de fontaines atmosphériques est par exemple en cours d’organisation. Il nous faut, sur cette question de l’eau, rester extrêmement vigilants.
L’objectif de résorption complète des dépôts de déchets post-Chido d’ici août 2025 sera atteint. Grâce au second casier de l’installation de stockage de déchets non dangereux inauguré début avril, nous évacuons plus de 800 tonnes de déchets par jour. Mais, là aussi, il reste beaucoup à faire.
En matière de santé, qui constitue l’un des points les plus délicats, plus de mille professionnels ont été projetés sur place. L’hôpital est à plus de 80 % de son activité et connaîtra, à condition que les marchés aillent à leur terme, d’importants travaux de réparation et de sécurisation qui viendront s’ajouter à ceux prévus avant Chido, pour une fin courant 2026. Sept dispensaires sur huit sont ouverts, celui de Sada, très endommagé par le cyclone, étant encore en travaux. Tous les centres médicaux de référence ont également rouvert et une nouvelle maison de santé a été inaugurée à Passamainty. L’arrivée récente de six professionnels, dont des infirmiers libéraux et des médecins généralistes, va également permettre de renforcer l’offre de soins dans ce secteur. Il est évident qu’au-delà de l’ouverture d’espaces à l’hôpital ou de centres de santé, l’essentiel réside dans la présence de professionnels pour répondre à l’attente des patients.
Les rentrées scolaires de mars et mai ont eu lieu, ce qui n’était pas évident. Dans le premier degré, 95 % des élèves sont rescolarisés, dans les mêmes conditions, évidemment insatisfaisantes, qu’avant Chido. Tous les établissements du second degré sont ouverts, avec des rotations dans deux lycées, qui se poursuivront jusqu’à l’achèvement des travaux à l’automne. Plusieurs parlementaires m’avaient légitimement alerté sur la question des fournitures et du mobilier scolaires. Trois navires ont donc été affrétés entre avril et mai. Je n’ai toutefois aucun doute sur le fait que tout est loin d’être parfait. Comme dans le domaine de l’eau, nous sommes revenus à la situation d’avant Chido : la phase de gestion de crise est terminée, mais nous ne pouvons bien évidemment pas nous satisfaire de cette situation. Les rotations scolaires sont inacceptables. Le rapport annexé au projet de loi prévoit d’en finir à l’horizon 2031. Cet objectif devra être atteint.
Alors que nous approchons des six mois post-cyclone Chido, nous pouvons affirmer que l’impression générale renvoyée par le territoire est celle d’une stabilisation, voire, sur certains plans, d’une amélioration de la situation. Je reste néanmoins lucide.
Cette évolution est visible physiquement lorsque l’on se rend sur l’archipel. La végétation se régénère rapidement, ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas penser à la reconstruction de la forêt. Les axes routiers ont été rétablis et une voie du Caribus, prévue depuis un certain temps déjà, a été inaugurée. Les commerces ont rouvert progressivement, la chaîne portuaire et logistique fonctionne et les collectivités parviennent à concrétiser certains projets structurants. Ainsi, le réseau de wifi territorial développé par la communauté de communes de Petite-Terre et soutenu à 80 % par l’État vient d’être inauguré.
Nous sommes toutefois encore loin du compte. Les problèmes d’eau, de gestion des déchets, de l’école ou de déplacements entre Petite-Terre et Grande-Terre restent par exemple criants.
Par ailleurs, 7 escadrons de gendarmerie, 760 gendarmes et 770 policiers permettent de faire face aux défis de la sécurité, de la violence, de la fraude et de l’économie illégale, qui prospère notamment par l’exploitation d’une main-d’œuvre clandestine. Petite‑Terre a récemment connu des phénomènes de violence et d’affrontements entre des bandes rivales au collège et au lycée de Pamandzi. Le préfet de Mayotte a d’ailleurs pris un arrêté relatif à l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs non accompagnés d’un adulte. Je ne doute pas que les députés aient en tête d’autres exemples de cette dégradation de la situation.
La mise en place de la mission dirigée par le général Facon et la promulgation de la loi d’urgence pour Mayotte ont permis de déployer les premiers outils et les premières actions concrètes de la deuxième phase de réponse à la crise, celle de la reconstruction. Un bataillon de reconstruction composé de 326 militaires reste mobilisé au quotidien. Il répond à la demande très forte d’une intervention rapide de l’armée et s’attache à réparer et à reconstruire les bâtiments publics. Il participe activement à la remise en état des routes et des cours d’eau, à la sécurisation des bâtiments et au soutien logistique. Il a notamment œuvré au bénéfice des écoles et des équipements sportifs, notamment du plateau sportif de Mtsapéré, ou, plus récemment, de la maison des jeunes et de la culture de ce même village. Des chantiers de reconstruction sont engagés et mobilisent, comme la loi d’urgence l’a prévu, des entreprises mahoraises. La SIM (Société immobilière de Mayotte) a ainsi entrepris la rénovation des logements sociaux endommagés par Chido, notamment à Passamainty.
Enfin, même si je sais que l’État peut faire mieux, son soutien financier est au rendez-vous. Dans le contexte difficile que nous connaissons, l’État a agi, sans compter, allais‑je dire, bien que ces mots ne soient sans doute pas appropriés dans la période que nous traversons. Quelque 500 millions d’euros de dépenses d’urgence ont ainsi été engagés en décembre 2024 et janvier 2025. Le fonds d’amorçage a été déployé à hauteur de 100 millions d’euros pour les collectivités territoriales et 15 millions d’euros de fonds de secours outre-mer ont été alloués à la filière agricole. L’engagement de l’État s’est également traduit par une aide de 22,8 millions d’euros aux entreprises. L’important est toutefois que les montants arrivent aux intéressés.
Je pense également à toutes les mesures que vous avez votées dans le cadre de la loi d’urgence. Cela concerne notamment l’activité partielle, avec 1 311 demandes d’indemnisation validées pour 996 138 heures à hauteur de 9,1 millions d’euros. Je pense enfin au prêt à taux zéro (PTZ), désormais disponible dans l’ensemble des établissements bancaires habilités pour aider les particuliers à reconstruire leur toit. La France a en outre reçu une avance de 23,7 millions d’euros dans le cadre du Fonds de solidarité de l’Union européenne.
Le soutien aux entreprises mahoraises affectées par le cyclone se poursuit. J’ai d’ailleurs annoncé récemment que l’aide exceptionnelle visant à compenser la perte de chiffre d’affaires qui avait été versée en décembre 2024 et janvier 2025 était prolongée pour les mois de février et mars.
Si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé des difficultés structurelles préexistantes. Je l’ai dit d’emblée : il est hors de question de se contenter d’un travail de reconstruction qui ferait revenir au mieux à la situation très insatisfaisante de l’avant-Chido. C’est pourquoi, dès le 30 décembre 2024, le premier ministre, sur place, s’est engagé lors de la présentation du plan Mayotte debout à ce qu’un projet de loi plus structurel soit élaboré pour redéfinir l’avenir de l’archipel. Avec le présent projet de loi, le gouvernement tient parole.
Avant de revenir sur ses principales mesures, je souhaite dire un mot de la méthode qui a été la mienne. Le texte a été élaboré, conformément à la demande du premier ministre, en concertation avec les élus et la société civile dans le cadre de nombreux échanges, à Mayotte et à Paris. Nous avançons ensemble, même lorsqu’il existe des désaccords. Ces échanges ont permis d’enrichir et de modifier le texte, y compris par rapport à la version initialement transmise au Conseil d’État. Cela concerne notamment l’article 19, facilitant la prise de possession anticipée des terrains pour accélérer la réalisation des infrastructures essentielles, dont le champ a été fortement restreint à la demande des élus. Je ne doute pas que cet article fera débat. J’y reviendrai.
Le projet de loi comprend désormais quarante et un articles, contre trente-quatre dans le projet initial, répartis en six titres.
Au titre 1, l’article 1er approuve un rapport annexé au projet de loi. Ce rapport présente, pour l’ensemble des politiques publiques, les priorités de l’État pour garantir la reconstruction et la refondation du territoire. Il mentionne notamment les engagements du gouvernement ne nécessitant pas directement de mesures législatives ou concernant les infrastructures à réaliser prioritairement. Je sais que le rapporteur général veille à l’équilibre de ce rapport annexé, sur un sujet qu’il connaît parfaitement pour avoir été ministre des outre-mer.
Le rapport comporte également des éléments de programmation financière, qui s’élevaient à l’origine à 3,2 milliards d’euros sur sept ans et que le gouvernement a choisi d’affiner et de compléter au Sénat pour les porter à quasiment 4 milliards d’euros.
Puisque j’en suis à la question des infrastructures, je veux évoquer le dossier de l’aéroport. Lors de son voyage officiel du 21 avril dernier, le président de la République a écarté l’option de Petite-Terre et indiqué que la piste longue devrait être réalisée à Grande-Terre, hypothèse technique privilégiée par la direction générale de l’aviation civile. J’ai souhaité, à la suite de cette décision, que le comité de pilotage de l’aéroport se réunisse rapidement, le 28 mai. L’accent a alors été mis sur deux points importants : l’accompagnement des agriculteurs et la mise en place d’un comité pour l’avenir de Petite-Terre, qui sera installé en ce mois de juin et aura pour mission d’élaborer un plan d’attractivité.
Le Sénat a adopté deux amendements proposés par le gouvernement. Devenus les articles 19 bis et 19 ter, ils ont pour vocation d’accélérer la démarche et de commencer les travaux deux ans plus tôt que selon une procédure classique. Ils prévoient une procédure ad hoc de concertation du public, sans bien évidemment remettre en cause le principe constitutionnel d’information de ce dernier, et l’extension du champ de la DUP (déclaration d’utilité publique) réserve foncière, procédure d’ailleurs employée pour le second site hospitalier.
J’observe que des amendements ont été déposés en commission des affaires économiques pour en proposer la suppression. Or, sans l’adoption de ces dispositifs adaptés à l’urgence de la situation de l’aéroport à Mayotte, les travaux ne pourront pas démarrer avant au moins fin 2028 et tous les aléas entraînés par l’état de la piste actuelle perdureront d’autant. Je ne peux ainsi que vous inviter à bien réfléchir avant de voter la suppression de ces deux articles, qui conduirait à ce que les Mahorais subissent de plein fouet les conséquences des débats parisiens, alors qu’ils attendent depuis très longtemps la réalisation de cette piste, qui a déjà fait l’objet de nombreux engagements.
Le titre 2 regroupe des mesures de lutte contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal – les deux fléaux sous lesquels Mayotte ploie depuis de trop nombreuses années. Concernant le volet migratoire, le texte durcit à l’article 2 les conditions d’accès au séjour pour l’immigration familiale, en les adaptant à la situation particulière de Mayotte. Il améliore, aux articles 3 à 5, les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. Il étend l’aide au retour volontaire à Mayotte à l’article 6, prévoit la possibilité de placer un étranger accompagné d’un mineur dans une unité de vie familiale à l’article 7 et le retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l’ordre public à l’article 8. Il conditionne en outre, à l’article 9, les flux financiers depuis le département à la vérification préalable de la régularité de séjour du client par les intermédiaires chargés d’opérer les transferts.
Sans doute aurons-nous des débats relativement vifs sur ces sujets. C’est pleinement votre rôle. J’accepte évidemment le débat, mais souhaite éviter quelques procès d’intention que j’anticipe.
Les articles 2, 7 et 8 ont été considérés comme conformes à la Constitution et à nos engagements internationaux par le Conseil d’État. L’article 2 ne faisant en rien obstacle au pouvoir de régularisation du préfet, il ne peut en aucun cas être considéré comme contraire à la CEDH (Convention européenne des droits de l’homme).
L’article 7, quant à lui, permettra de mettre en œuvre l’interdiction de rétention des mineurs, tout en inventant un nouveau placement beaucoup moins contraignant et pour une durée extrêmement limitée, de quarante-huit heures maximum. C’est indispensable compte tenu de la situation particulière de Mayotte. Je rappelle que nous avons avancé sur ce sujet sans même attendre le projet de loi. Ainsi, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution, le 7 mai dernier, la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, qui exigent désormais qu’au moment de la naissance les deux parents de l’enfant résident en France de manière régulière depuis au moins un an.
L’article 10 permet de mieux lutter contre les bidonvilles en facilitant les opérations de résorption de l’habitat informel. Le Sénat en a amélioré l’équilibre pour tenir compte de l’avis du Conseil d’État.
Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière et l’habitat illégal, il m’apparaît nécessaire de souligner trois points fondamentaux.
Ce combat est d’abord une question d’effectifs et de moyens pour nos forces de sécurité intérieure. Nous montons déjà en puissance et allons continuer à le faire. J’ai fait le choix que les parlementaires puissent être informés et associés à ces décisions. C’est pourquoi cet aspect est abordé dans le rapport annexé au projet de loi.
La lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte dépend aussi d’un rapport plus ferme aux Comores. De même, j’ai voulu associer les parlementaires à cette dimension diplomatique en l’évoquant dans le rapport annexé.
Le resserrement de notre arsenal juridique, qui sera très utile, ne doit pas laisser croire que nous n’agissons pas déjà. Début avril, nous avons par exemple détruit soixante-treize constructions illégales localisées à Dzoumogné afin de mettre fin à des conditions de vie indignes et de libérer des parcelles destinées à la construction d’une nouvelle école communale.
Le titre 3 revêt une dimension sécuritaire, puisqu’il renforce le contrôle des armes dans les articles 11 et 12 et améliore la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre en facilitant la traversée des bidonvilles à l’article 13.
Le titre 4 comprend une série de mesures économiques et sociales ou favorisant l’aménagement durable du territoire. L’article 15, chère Agnès Firmin Le Bodo, est particulièrement déterminant, puisqu’il habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer la convergence sociale en vue d’une effectivité au plus tard en 2031, avec une trajectoire progressive soutenable. Il s’agit d’une mesure légitimement attendue par les Mahorais depuis des années et qui permettra de progresser enfin vers l’égalité réelle. J’ai, comme vous le savez, missionné le préfet Bieuville et le général Facon afin qu’ils mènent les concertations indispensables pour préciser le calendrier. La première réunion a eu lieu le 22 mai. Le rapport annexé vous livre les premières indications et un rapport sur le sujet a – enfin – été remis au Parlement en application de l’article 36 de la loi d’urgence pour Mayotte.
Cher Frantz Gumbs, l’article 19, dont le champ a été restreint à la suite de la concertation avec des élus mahorais, doit faciliter la prise de possession anticipée de terrains pour accélérer la construction des infrastructures essentielles. Le périmètre des infrastructures concernées ayant été élaboré avec les élus mahorais, je ne souhaite a priori ni l’élargir, ni le restreindre. Là encore, je mets en garde très modestement contre une suppression sèche. On ne peut réclamer à la fois davantage d’investissements et d’infrastructures à Mayotte, crier à l’injustice et au retard et ne pas aider l’État à accélérer la démarche, dans le respect total des libertés fondamentales et du droit à la propriété – même si je n’ignore pas la sensibilité qui existe sur le sujet à Mayotte.
L’article 22 crée une zone franche globale à Mayotte, suivant ainsi l’engagement du premier ministre.
Enfin, un chapitre entier est consacré à l’accompagnement de la jeunesse de Mayotte – prise en charge par Ladom (L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité) des jeunes Mahorais mineurs à l’article 26, création d’un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à l’article 27. Les articles 28 et 29 favorisent l’attractivité du territoire pour les fonctionnaires en prévoyant une bonification d’ancienneté et une extension de la priorité légale de mutation.
Le titre 5, chère Estelle Youssouffa, conforte le statut de collectivité unique de Mayotte, qui prendra le nom de département-région de Mayotte, et révise le mode de scrutin afin de prévoir l’élection des conseillers à l’assemblée de Mayotte à la représentation proportionnelle dans le cadre d’une circonscription électorale unique, composée désormais de treize sections, selon le souhait du Sénat. Compte tenu du risque constitutionnel que représente ce passage de cinq à treize sections, le gouvernement soutiendra les amendements visant à revenir à l’écriture initiale.
Le projet de loi organique procède quant à lui à une série de coordinations, afin d’accompagner la modification des dispositions institutionnelles électorales prévues par le projet de loi ordinaire.
La présentation de ce projet de loi si longtemps attendu, qui constitue une étape importante pour engager la reconstruction de Mayotte, témoigne de l’engagement du gouvernement pour l’archipel. Je sais qu’il reste beaucoup à faire, mais ne doute pas un seul instant que les travaux de l’Assemblée nationale permettront d’enrichir, d’améliorer et de conforter ce texte.
(Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques, remplace M. Pascal Lecamp à la présidence.)
M. Philippe Vigier, rapporteur général et rapporteur pour le titre 1er du projet de loi de programmation. Vous l’avez dit, monsieur le ministre d’État, Mayotte est le territoire de tous les enjeux et de tous les défis. Département depuis 2011 seulement, il est à la fois le plus pauvre et le plus jeune de France. Il y a énormément à faire et les attentes sont très grandes.
Le titre Ier a pour objet de définir non seulement les objectifs que se fixe l’État à Mayotte, mais aussi l’ensemble des moyens financiers qu’il s’engage à mobiliser pour les atteindre. Il faudra naturellement veiller à ce qu’ils se traduisent chaque année dans les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Vous l’avez souligné, ce texte est attendu depuis très longtemps. Chacun a conscience du fait que sa présentation moins de six mois après la loi de reconstruction constitue un signe très fort pour ce territoire si souvent oublié.
Le projet de loi aborde l’immigration et l’intégration, sujets cruciaux pour la sécurité des Mahorais, la convergence sociale, débat extrêmement lourd qu’il convient de mener tous ensemble, mais aussi l’évolution institutionnelle : le département de Mayotte souhaitant être une région, pourquoi ne le serait-il pas, comme les autres DROM (départements et régions d’outre-mer) ?
Il évoque également les attentes en matière d’infrastructures. Il faut tout d’abord reconstruire ce qui a été détruit. Nous avons tous en mémoire les images de la violence du cyclone Chido et, dans une moindre mesure, de la tempête Dikeledi, en janvier 2025. Il faut redonner de l’espoir et susciter la confiance. Sans confiance, rien ne se fera.
La mission interministérielle confiée au général Facon, que nous avons auditionné, a conduit en seulement six mois un travail exceptionnel pour préfigurer le nouvel établissement public, que nous avions imaginé voici dix-huit mois et qui va être opérationnel dans les prochaines semaines.
J’insiste sur l’article 19, dont l’examen a été délégué à la commission des affaires économiques. Il faut avoir conscience qu’il ne sera pas possible de construire des infrastructures sans maîtrise du foncier par des établissements publics et parapublics. Il faut donc trouver des voies de passage pour cela. Je sais que de nombreuses questions se posent, auxquelles nous répondrons certainement lors des débats en commission puis dans l’hémicycle, afin que le mot de spoliation ne puisse pas être employé, que l’on donne des assurances sur la capacité à bâtir ensemble un véritable cadastre dans un contexte où le droit coutumier s’applique, afin que les personnes bénéficiant de ces terrains ne soient pas spoliées et puissent les transmettre à leurs enfants.
À la suite d’un amendement du gouvernement au Sénat, le rapport annexé acte le choix de Grande-Terre pour la construction du nouvel aéroport. Là encore, quelle Arlésienne ! Le calibrage à 1,2 milliard d’euros tient compte des coûts de réactualisation, pour aboutir en 2035 grâce à des financements suffisants.
De même, le port de Longoni doit permettre de construire une véritable zone d’attractivité économique. On souhaite qu’il devienne un grand port maritime, à l’image de la situation existant dans tous les autres territoires ultramarins.
Il ne faudra en outre pas oublier le désenclavement de Petite-Terre, une urgence absolue.
Dans le rapport figurent plusieurs tableaux d’investissements prioritaires. Tout d’abord, 300 millions d’euros doivent soutenir les collectivités territoriales dans la reconstruction des bâtiments publics détruits par le cyclone. Quelque 400 millions d’euros sont destinés aux établissements scolaires. Des crédits sont également prévus pour financer la construction d’un second hôpital, promis dans les années 2018-2019 : il faut aller au bout du chemin. Environ 730 millions d’euros sont en outre programmés jusqu’en 2031 pour résoudre la question de l’eau. Cela passe par la création d’une troisième réserve et la stabilisation définitive des usines de désalinisation.
Face à ces enjeux, mes collègues rapporteurs et moi ferons preuve de la plus grande exigence pour vous aider, Monsieur le ministre d’État, à stabiliser les financements. Il est en effet hors de question d’annoncer des sommes qui ne soient pas mobilisables. Les Mahoraises et les Mahorais ont besoin qu’on leur apporte un soutien, mais sans ingénierie derrière le financement, les dossiers n’avanceront pas.
Il importe par ailleurs de revoir le schéma régional d’aménagement et de développement. On n’imagine pas un aéroport sans vie autour. Comment relier Petite-Terre et Grande-Terre ? Comment imaginer les mobilités de demain ? Tout cela doit être réfléchi en amont. L’un des amendements que nous proposons concerne ainsi l’accompagnement des équipes sur place et l’aide à l’ingénierie, en l’absence à Mayotte de capacités suffisantes pour bâtir ce schéma en vingt-quatre mois comme nous le souhaitons.
Notre commission se penchera par ailleurs sur l’article 2, relatif aux conditions de délivrance des titres de séjour pour motif familial, dont Philippe Gosselin est rapporteur. Il s’agit d’un outil indispensable pour lutter contre l’immigration clandestine.
L’article 15, qui relève d’Agnès Firmin Le Bodo, concerne notamment la convergence sociale. Le véhicule de l’ordonnance n’étant pas, selon nous, le plus sécurisé, il conviendra de donner dès 2026 des signes très forts, en matière par exemple de smic ou d’allégements de charges sociales.
L’article 31 comporte une évolution institutionnelle, puisqu’il prévoit une modification du mode de scrutin dans ce département devenu région. Ce changement attendu renvoie également à l’attribution au département de Mayotte de compétences qu’il devrait détenir, sur le modèle de ce qui a cours dans l’Hexagone et dans pratiquement tous les autres territoires ultramarins.
Je remercie toutes celles et ceux qui se sont mobilisés pour ce dossier, parmi lesquels les équipes du ministère des outre-mer, celles de l’ensemble des ministères impliqués et celles de l’Assemblée nationale.
M. Philippe Gosselin, rapporteur pour les titres II et III du projet de loi de programmation. Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte est un étage supplémentaire de la fusée. Un premier texte d’urgence avait été publié au mois de février à la suite du cyclone Chido, mais il fallait absolument aller plus loin. Par ailleurs, ce qui nous est proposé aujourd’hui reprend des éléments très attendus depuis 2017-2018. Le cyclone Chido n’a pas été le facteur le plus catastrophique, même s’il a causé beaucoup de dégâts : c’était un révélateur ou un catalyseur de la situation difficile et même extraordinaire de Mayotte, où rien n’est classique, au-delà de l’insularité de ce territoire assez étroit. Sa population, qui est en difficulté, a fait le choix de la France et la départementalisation, en 2011, a définitivement arrimé ce territoire à la République. Cet attachement, fruit d’une histoire singulière, doit se traduire dans des actes et des textes.
Les titres II et III du projet de loi de programmation portent sur des éléments très importants. Il existe deux fléaux à Mayotte, l’insécurité et l’immigration, entre lesquels un lien est souvent faisable. Je ne réduis pas l’immigration à l’insécurité, mais quand l’habitat est insalubre et illégal et que 50 % de la population est d’origine étrangère, dont plus de trois quarts – il est même question de plus de 80 % – de personnes en situation irrégulière, il existe clairement des difficultés particulières. Nier cette réalité serait contre-productif. Le Conseil constitutionnel vient d’ailleurs de considérer, comme il l’avait déjà fait en 2018, que la situation de Mayotte constituait des conditions particulières permettant une réforme du code de la nationalité. C’était attendu, mais ce n’est pas le seul élément du puzzle.
Au sein du titre II, l’article 2 concerne la délivrance des titres de séjour pour motif familial, ce qui est un point très important. À Mayotte, 80 % de l’ensemble des titres de séjour sont délivrés pour ce motif. Il faut donc envoyer un message clair : il n’y aura pas de prime à l’entrée et au maintien de manière illégale à Mayotte dans l’espoir d’une régularisation ultérieure. Il est important de le marteler, de l’inscrire dans la loi et de faire en sorte que cela devienne effectif.
Les articles 3 à 5 portent sur la reconnaissance frauduleuse de paternité. La commune de Mamoudzou servira de centre de coordination pour la lutte en la matière – j’en ai encore parlé ce matin avec le maire. Il faudra évidemment améliorer la détection des actes frauduleux et donner des moyens à Mamoudzou pour s’en occuper. Je rappelle que l’état civil est une compétence régalienne, le maire exerçant deux formes de compétence, au nom de l’État et en tant qu’exécutif local.
L’article 6, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre d’État, ouvre l’aide au retour volontaire à Mayotte pour les ressortissants en provenance de l’Afrique continentale et des Grands Lacs.
L’article 7 tend à créer un dispositif ad hoc de rétention des familles.
L’article suivant comporte un dispositif inédit de retrait des titres de séjour des parents étrangers dont l’enfant cause un trouble à l’ordre public. C’est également un élément essentiel.
L’article 9 renforcera le contrôle des flux financiers depuis Mayotte afin de prévenir le financement de réseaux de passeurs ou d’autres réseaux criminels.
Face à la prolifération des armes sur le territoire de Mayotte, le titre III instaure un régime de visites domiciliaires, octroie des pouvoirs nouveaux au préfet et, point très important, facilite le contrôle des lieux à usage professionnel pour lutter contre le travail illégal d’une manière un peu plus spécifique.
Pour conclure, il s’agit de donner à Mayotte une loi lui permettant d’avoir enfin une trajectoire adaptée : c’est une chance unique de compléter le volet de la départementalisation de 2011. J’hésite à parler d’acte II, mais c’est évidemment un moment majeur. Chido, je l’ai dit, a été un révélateur, mais n’est pas la cause de notre engagement. Tout autant que d’assurer la reconstruction effective de bâtiments et de services publics, il s’agit d’apporter des réponses aux défis sécuritaires, économiques et migratoires actuels. Pour cela, il faudra des moyens financiers, comme l’a dit le rapporteur général, et des moyens humains, mais aussi une volonté politique forte : ici plus qu’ailleurs il faudra tenir compte des particularités locales, et nous avons une obligation non seulement de moyens, matériels et humains, mais de résultats.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour le titre IV du projet de loi de programmation. Mayotte est le territoire de tous les défis. Quelques mois après l’adoption du projet de loi d’urgence faisant suite au cyclone Chido, nous sommes réunis pour travailler sur la refondation de Mayotte. Notre commission examine au fond une partie du titre IV, intitulé « façonner l’avenir de Mayotte » et qui comporte plusieurs mesures concernant la santé, la convergence sociale, le sport et la culture, ainsi que l’attractivité du territoire pour les fonctionnaires.
Le chapitre Ier du titre IV, qui vise à « garantir aux Mahorais l’accès aux biens et aux ressources essentiels », débute par un article 14 – très attendu – relatif au recensement. Il est nécessaire parce qu’il ouvrira des perspectives de développement pour le territoire. Début 2024, l’Insee estimait la population de Mayotte à environ 320 000 personnes. Le dernier recensement exhaustif datant de 2017, ce chiffre est très contesté. Un nouveau recensement intégral permettra d’obtenir un chiffrage fiable de la population et d’adapter en conséquence les dotations et les services publics. Un sujet d’inquiétude est cependant apparu au cours des auditions à propos du financement du recensement, qui doit être assuré par les communes et compensé seulement en partie par l’État au moyen d’une dotation. Je présenterai un amendement qui propose un versement anticipé pour que les communes mahoraises n’aient pas à avancer les fonds. Monsieur le ministre d’État, il convient de faire un geste en faveur de ces communes afin de leur permettre de préparer le recensement sereinement, sans difficultés de trésorerie.
L’article 15 poursuit la mise en œuvre de la convergence sociale attendue par les Mahorais depuis la départementalisation, en habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures en ce sens. Mon collègue Philippe Vigier a qualifié de peu sécurisé cet article, qui me paraît effectivement imprécis quant au calendrier et au rythme de la convergence, explicités dans l’étude d’impact et le rapport transmis par le gouvernement en application de la loi d’urgence – alignement des prestations sociales et du smic d’ici à 2031, et des cotisations sociales d’ici à 2036. Monsieur le ministre d’État, vous savez que les parlementaires n’aiment pas trop les ordonnances. Nous suivrons de très près le respect des différents engagements pris par le gouvernement, afin de nous assurer que la promesse républicaine d’égalité est tenue. Je proposerai à cet effet des amendements, avec le soutien d’une partie de mes collègues. L’un vise à assurer une information précise et régulière du Parlement sur les mesures de convergence prises chaque année. Trois autres amendements tendent à inscrire dans la loi elle-même quelques mesures qui nous semblent particulièrement importantes et urgentes : une revalorisation du smic brut dès le 1er janvier 2026, une revalorisation exceptionnelle des retraites actuellement servies et des mesures au service de la compétitivité des entreprises.
Au sujet des retraites, je précise que l’article 16 prévoit une mesure pour les régimes complémentaires des contractuels de droit public à Mayotte.
Le texte traite ensuite de deux points importants en rapport avec l’amélioration de l’offre de soins et l’organisation des soins de ville.
Tout d’abord, les conditions pour ouvrir des pharmacies d’officine ne sont pas les mêmes à Mayotte que dans l’Hexagone. À Mayotte, une licence autorisant l’ouverture d’une pharmacie d’officine est accordée par tranche entière de 7 000 habitants dans les communes d’au moins 15 000 habitants. Dans les communes de moins de 15 000 habitants, cette tranche peut être appréciée au niveau du territoire de santé, Mayotte constituant actuellement un seul et même territoire de santé.
L’article 17 tend à permettre l’ouverture de pharmacies d’officine dans les communes qui ne comptent pas 7 000 habitants si elles sont comprises dans une intercommunalité de plus de 7 000 habitants selon les chiffres du dernier recensement officiel. Je pense qu’il est préférable d’en rester à l’échelle du territoire de santé, le directeur de l’ARS (agence régionale de santé) pouvant autoriser dans ce cadre, par dérogation, l’ouverture de nouvelles pharmacies, après avoir recueilli un avis simple de l’Ordre national des pharmaciens.
J’insiste sur le fait que la réglementation relative à l’ouverture de nouvelles pharmacies doit évoluer en parallèle d’un changement dans les circuits de distribution des médicaments à Mayotte. Ces derniers continuent à être distribués dans les centres médicaux de référence, à partir de l’hôpital, et au centre hospitalier : 80 % de la distribution de médicaments reposent sur le budget de ce centre, ce qui n’est pas normal. Je vous proposerai d’adopter deux amendements à ce sujet.
L’article 18 traite de la représentation des professionnels de santé de Mayotte dans l’Union régionale des professionnels de santé de l’océan Indien. Le nombre de médecins et d’autres professionnels de santé libéraux exerçant à Mayotte est faible. Cependant, maintenir des unions régionales de professionnels de santé (URPS) communes à La Réunion et à Mayotte n’a pas paru souhaitable à nos collègues sénateurs, quand bien même la représentation des professionnels de Mayotte serait améliorée. Il est important de prendre en compte la situation particulière de ce territoire et ses problématiques de santé propres. Les sénateurs ont donc souhaité créer des unions régionales de professionnels de santé de Mayotte. Je proposerai par amendement de créer une union interprofessionnelle des professionnels de santé de Mayotte afin qu’il n’y ait qu’une seule URPS, qui constituera l’interlocuteur de l’ARS et réunira des représentants des dix professions de santé concernées. Il nous faudra aussi réfléchir, vous l’avez dit, Monsieur le ministre d’État, Monsieur le rapporteur général, à des mesures relatives à l’accès aux soins en médecine de ville.
Le texte vise aussi, à l’article 27, à créer un fonds de soutien en faveur des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.
Enfin, les articles 28 et 29 cherchent à améliorer l’attractivité de la fonction publique en créant une priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l’État ayant accompli au moins trois années de service effectif dans un emploi à Mayotte – je proposerai d’étendre cette mesure à la fonction publique hospitalière – et en accordant aux fonctionnaires de l’État et hospitaliers à Mayotte un avantage spécifique en matière d’ancienneté.
Je me joins aux remerciements adressés à toutes les équipes, des ministères et de l’Assemblée, qui nous ont accompagnés.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure pour les titres V et VI du projet de loi de programmation, rapporteure du projet de loi organique. Mayotte n’a jamais eu de loi de programmation pour structurer son développement : il ne s’agit donc pas de reconstruire, mais de construire. Notre département est en alerte rouge cramoisi à tous les niveaux et l’était bien avant les cyclones Chido et Dikeledi. Ce projet de loi de programmation n’est pas un luxe : nous le voyons comme une loi de rattrapage – enfin.
Je dis « enfin » parce que nous n’avons pas accès, à Mayotte, aux droits fondamentaux. Pas d’accès normal à l’eau du robinet, disponible seulement quelques heures tous les deux jours. Pas d’accès à la santé, et notre désert médical se traduit par huit années d’espérance de vie en moins. Notre unique hôpital a été largement détruit et ne fonctionne actuellement que grâce à la réserve sanitaire. Seuls deux postes d’urgentistes sont pourvus, sur quarante ouverts. Les assurés sociaux que nous sommes doivent prendre l’avion à leurs frais pour aller se faire soigner à La Réunion ou dans l’Hexagone. Pas d’accès non plus à l’éducation : alors que les enfants étaient en rotation dans les salles de classe depuis des années, beaucoup n’ont plus que deux heures de cours par jour depuis Chido et l’examen du brevet a été annulé. Pas d’accès à nos droits sociaux : seules 50 % des prestations sociales françaises existent à Mayotte, pour 50 % du montant national, alors que le coût de la vie est de 150 % plus élevé que dans l’Hexagone s’agissant du panier alimentaire. De même, l’accès au sport et à la culture est plus que limité. On ne mène pas à Mayotte une vie normale, on est dans la survie, dans une logique permanente d’urgence, pour assurer ses besoins vitaux. D’autre part, personne n’ignore les flux migratoires qui déstabilisent notre île, ni les ingérences comoriennes. Plus de la moitié de la population est étrangère à Mayotte. Dire que notre territoire fait face à des défis hors du commun n’est donc pas exagéré. Les cyclones Chido et Dikeledi ne sont que d’énièmes calamités qui l’accablent.
Après les visites présidentielles et ministérielles, force est de constater que, malgré les grandes annonces et les promesses, l’État n’est pas à la hauteur. Six mois après Chido, pas un seul chantier de reconstruction n’a commencé. S’il faut se réjouir que certaines réparations aient été entreprises, la reconstruction n’a pas débuté. L’établissement public qui en est chargé n’est toujours pas opérationnel et Mayotte attend sous des bâches. Six mois après Chido, les services de l’État n’ont toujours pas payé les collectivités et les entreprises qui ont œuvré au déblaiement et au nettoyage de notre île. Les trois quarts des salariés de Mayotte sont au chômage technique. Si les entreprises ont survécu au cyclone, l’inertie de l’État les tue.
Mayotte trouve malgré tout, malgré une adversité inouïe, l’énergie pour se battre. Notre territoire a connu depuis plusieurs décennies une succession de crises sociales et de violences au cours desquelles ont été réclamées à cor et à cri l’égalité, la pleine citoyenneté et la dignité, pour vivre normalement, comme nos compatriotes. Nous ne lâcherons rien dans ce combat républicain. Ce projet de loi Mayotte 2 est très insatisfaisant, mais nous arracherons toute avancée possible et nous nous battrons pour l’étoffer, en gardant à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi de finances et qu’il ne nous dit en détail ni comment, ni par qui, ni dans quel délai seront financées la construction de Mayotte et la convergence sociale promise, puisqu’il ne comporte pas d’étude d’impact, ni d’échéancier financier, ni de tableau précis des recettes et des dépenses. Nous entamons donc nos travaux avec détermination et vigilance.
Vous m’avez fait l’honneur de me désigner rapporteure pour les derniers articles du projet de loi de programmation et pour la loi organique, c’est-à-dire le toilettage institutionnel de Mayotte. Ces articles ont trait au statut de la collectivité et à son assemblée délibérante. À Mayotte, régie par l’article 73 de la Constitution, le département a également les compétences d’une région.
L’article 30 du projet de loi de programmation a pour ambition d’élaborer le statut législatif de Mayotte et d’inscrire pleinement dans le droit son statut de collectivité d’outre-mer départementale et régionale, à l’instar de la Guyane et de la Martinique, sous la dénomination « département-région de Mayotte ». Il s’agit d’une codification à droit constant, ou presque, c’est-à-dire à l’exception de la fusion de deux conseils consultatifs. Cet article ne donne donc aucune compétence supplémentaire à la collectivité et ne résout pas le problème du sous-dimensionnement des dotations qui lui sont versées.
Je vous proposerai d’adopter un amendement qui fixe un horizon clair pour le transfert de compétences non exercées par le département de Mayotte à l’heure actuelle. En raison de l’interdiction qui nous est faite de créer des charges financières nouvelles, je ne peux que vous alerter, très fortement, sur le sous-financement structurel du département-région de Mayotte, les transferts financiers étant négociés de gré à gré avec l’État et une opacité totale régnant sur les charges indues. Nonobstant les questions posées par l’orthodoxie de la gestion du conseil départemental, l’absence de visibilité financière de la part de l’État empêche le département-région de Mayotte de développer une vision stratégique ou même une quelconque planification pluriannuelle, ce qui serait pourtant fondamental pour le développement de notre île. Ni cette question ni celle d’une dotation de rattrapage, dont les gouvernements précédents avaient pourtant noté l’importance, ne sont traitées dans le cadre du toilettage institutionnel qui est prévu.
Depuis plus de dix ans, le conseil départemental fait part de son souhait que le mode de scrutin change, pour rapprocher son assemblée d’une assemblée régionale, et que le nombre de conseillers augmente afin de refléter ce qu’on appelle pudiquement le dynamisme démographique de Mayotte. L’article 31 s’y emploie. Le choix a été fait par le gouvernement de découper la circonscription en cinq sections afin de répartir les cinquante-deux sièges de l’assemblée de Mayotte, avec une prime majoritaire de 25 %. Le Sénat a profondément changé les modalités, d’une manière qui peut créer des risques d’inconstitutionnalité. Je vous proposerai donc de revenir au découpage prévu par le gouvernement – cinq sections, une répartition des sièges entre elles à la proportionnelle, avec un minimum de cinq sièges.
Je vous proposerai aussi de réduire la prime majoritaire à dix sièges sur cinquante-deux, soit environ 20 %. Il s’agit d’assurer la pluralité politique sans hypothéquer la stabilité de l’assemblée de Mayotte.
Enfin, je vous proposerai de traiter par amendement la question de l’écart considérable entre la population recensée et le nombre d’inscrits sur les listes électorales. Seulement 30 % des habitants sont inscrits sur les listes à Mayotte, contre environ 70 % dans l’Hexagone. Cet écart reflète la jeunesse de la population, mais aussi la forte proportion de personnes étrangères sur notre île. Aux termes de mon amendement, dès lors que cet écart est supérieur à 60 %, la répartition des sièges se fonde sur le nombre de personnes inscrites sur les listes électorales et non sur la population totale. Cette dérogation au droit commun me semble parfaitement justifiée par la situation très particulière de Mayotte, qui fait face à des revendications et à des ingérences organisées par les Comores ainsi qu’à une instrumentalisation des flux migratoires.
Enfin, les articles 32, 33 et 34 procèdent à des modifications rendues nécessaires par la transformation du département de Mayotte en département-région.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis du projet de loi de programmation. La population de Mayotte attend ce projet de loi de programmation depuis trop longtemps – bien avant les désastres causés par le cyclone Chido. Trop souvent, la promesse d’égalité républicaine est restée lettre morte pour Mayotte. J’en donnerai un seul exemple. L’article 23 du projet de loi de programmation propose un zonage qui classe la totalité de l’île en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), mais Mayotte est le territoire où le montant des crédits de cette politique rapporté au nombre d’habitants est le plus faible en France, alors que le taux de pauvreté y est le plus élevé. Cette situation n’est évidemment plus tolérable. La reconstruction de l’île doit être l’occasion d’engager un réel rattrapage en matière d’équipements publics, de droits sociaux et de vitalité économique.
J’en viens aux neuf articles délégués au fond à la commission des affaires économiques.
L’article 10 vise à faciliter les opérations de résorption de l’habitat informel dangereux pour la population, en ramenant d’un mois à quinze jours le délai minimum pour ordonner une évacuation de l’habitat informel motivée par l’existence de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ; en assouplissant l’obligation pour le préfet d’annexer une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence à l’arrêté d’évacuation et de démolition ; en réformant les modalités des opérations de flagrance pour permettre de réagir rapidement à la constatation de l’édification de bangas, en particulier par l’extension à de nouvelles catégories d’agents de la possibilité d’effectuer les constats et par l’allongement du délai de flagrance de quatre-vingt-seize heures à sept jours.
L’article 19 a pour objet de faciliter la prise de possession anticipée de terrains dans le cadre des expropriations pour cause d’utilité publique. Cette facilité serait accordée pour certains projets d’équipements publics et pour ceux de reconstruction pilotés par le nouvel établissement public. Il s’agit de gagner plusieurs mois de procédure et d’éviter l’occupation des terrains par des bangas. Nous connaissons tous le caractère très sensible de la question du foncier à Mayotte, et nous devons donc éviter par tous les moyens de donner l’impression aux Mahorais qu’ils sont dépossédés de leurs terres pour des projets qui ne seraient pas clairement définis. La pédagogie est essentielle en la matière.
Les articles 19 bis et 19 ter ont pour objectif de gagner de deux à trois ans de procédure pour la construction du nouvel aéroport de Mayotte, sur le site de Bouyouni. Il s’agit d’abord de recourir à la procédure de la réserve foncière pour commencer à prendre possession des terrains sans attendre que l’ensemble des études aient été achevées, ensuite d’engager une consultation du public ad hoc au lieu de lancer de nouveaux débats publics. Un changement d’emplacement est devenu indispensable à la suite de la naissance d’un volcan au large de Petite-Terre.
L’article 20 permettra utilement d’accélérer les régularisations foncières sur l’île, en réduisant rétroactivement le délai d’usucapion, fixé à dix ans dans les outre-mer, et en repoussant le terme du dispositif des actes notariés renforcés.
L’article 21 me semble également important, dans la mesure où il permettra d’accélérer la construction d’écoles. Il vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2030 l’expérimentation permettant de passer des marchés globaux de type conception-réalisation pour la construction d’établissements du premier degré et de l’étendre à ceux du second degré, aux résidences universitaires et aux bâtiments affectés à l’enseignement supérieur public.
L’article 21 bis, issu des travaux du Sénat, tend à exonérer de l’obligation de publicité la passation des marchés relatifs à la construction temporaire de bâtiments scolaires et d’enseignement supérieur, pour les ouvrages dont la valeur est estimée à moins de 3,5 millions d’euros hors taxes.
L’article 23 permettra, je l’ai dit, de classer la totalité de l’île en QPV. C’est une nécessité, mais il convient que les crédits du programme budgétaire Politique de la ville augmentent pour Mayotte ; sinon, cette mesure ne servira à rien.
Enfin, l’article 24 vise à étendre les possibilités de délégation des compétences en matière de pêche et de conchyliculture relevant de la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte, afin de les transférer à une structure préfigurant un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, dans l’optique de favoriser la structuration de ces filières à Mayotte.
Nous qui n’avons pas vécu là-bas ne pouvons pas prétendre avoir la même compréhension que celles et ceux qui endurent dans leur chair, depuis trop longtemps, des situations extrêmes. Chido n’est qu’un épisode parmi d’autres, certes plus intense, mais malheureusement pas isolé. Tout ce que je pourrais dire à propos de ce projet de loi doit être apprécié à l’aune de mon propre parcours de vie : je suis, moi aussi, ultramarin ; j’ai vécu, moi aussi, un cyclone dévastateur ; je suis confronté, moi aussi, dans mon territoire, à une situation foncière compliquée. Je tenais à le dire.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des oratrices et orateurs des groupes.
Mme Anchya Bamana (RN). En 2015, le plan Mayotte 2025 : une ambition pour la République ; en 2016, le plan sur la sécurité ; en 2018, le plan Girardin, « L’action de l’État pour votre quotidien » ; en 2023, l’opération Wuambushu ; en 2024, l’opération Place nette ; fin 2024, le plan Mayotte debout. Depuis la départementalisation, en 2011, les Mahorais voient se succéder des plans pour Mayotte, ils entendent des promesses sociales, en matière éducative, de santé, d’infrastructures, de sécurité, d’accès à l’eau, de souveraineté, etc.
Aujourd’hui, à cause de Chido ou grâce à lui, nous héritons d’un énième plan pour Mayotte. La future loi réglera tous les problèmes : il faut l’espérer, car Emmanuel Macron l’a dit, même si le ministre d’État, ministre des outre-mer, est ensuite venu expliquer à Mayotte que l’État n’avait pas d’argent – cette phrase résonne encore dans les oreilles des Mahorais. Il faut évidemment tout reconstruire, faire redémarrer les institutions et l’activité économique, mais nous avons cinq priorités.
La première est de stopper l’immigration illégale qui déferle chez nous. Tant que la vague migratoire actuelle ne s’arrêtera pas, tout plan sera vain. Je profite de cette tribune pour demander au gouvernement de démanteler le camp de plus de 500 migrants qui vivent dans des conditions inhumaines à Tsoundzou.
La seconde priorité est la lutte contre l’insécurité, comme le veut l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il n’est pas normal, sur le territoire de la République, que les bus scolaires se fassent caillasser et que les routes soient prises en otage régulièrement par des délinquants.
La troisième priorité est de permettre aux Mahorais d’avoir accès à l’eau du robinet tous les jours. Le gouvernement vient de nommer un troisième préfet « eau » depuis 2023. Or la seule réponse proposée aux Mahorais reste les coupures d’eau. Des solutions ont été présentées au gouvernement, mais en vain. Le droit à l’eau potable figure pourtant dans le code de l’environnement.
Quatrième priorité : il faut une régularisation du foncier. Des moyens doivent être donnés à la Commission d’urgence foncière pour permettre aux Mahorais de devenir propriétaires de leurs terres. Mayotte doit enfin passer du système coutumier de contrôle de la propriété au système cadastral du droit commun. L’article 19 du projet de loi de programmation montre le mépris dans lequel est tenue la volonté des Mahorais, après la suppression du même article dans la loi d’urgence : nous ne voulons pas de dérogation au droit commun en matière d’expropriation.
Cinquièmement, il faut assurer enfin l’égalité sociale. En 2015, le plan Mayotte 2025 la promettait à une échéance de dix ans. Nous y sommes, monsieur le ministre d’État, mais le gouvernement repousse la question à 2031 et vous continuez à parler de convergence sociale alors que les Mahorais revendiquent l’alignement des droits sociaux.
Au-delà de ces urgences, les Mahorais ont le sentiment amer que le projet de loi de programmation est une manœuvre de reconditionnement de promesses anciennes non tenues, sans réelles ambitions ni engagements financiers inédits. L’absence de calendrier précis et de chiffrage des mesures à portée sociale ainsi que la non-ventilation des financements par source empêche toute lecture fiable du projet de loi. Ce flou fait craindre un pilotage politique à vue de cet outil législatif, qui est loin de correspondre à une impulsion nouvelle pour ce département en très grande difficulté. Les Mahorais craignent que ce texte retombe comme un soufflé. Je vous remercie de répondre à leurs cinq préoccupations.
Mme Brigitte Liso (EPR). En décembre 2024, nous l’avons tous en mémoire, la France, à Mayotte, était confrontée à un drame d’une violence extrême. Le cyclone tropical Chido a eu des conséquences désastreuses – des milliers de morts, des bidonvilles rasés, des milliers de vies bouleversées et une catastrophe écologique. La loi d’urgence pour Mayotte du 24 février dernier a été un premier pas important, celui de l’urgence absolue, comme le nom de ce texte l’indique. Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte va au-delà de la réponse d’urgence : il engage l’État dans une action structurelle et durable. Ce texte s’inscrit dans la continuité du travail amorcé en février dernier tout en apportant des réponses de fond en matière de lutte contre l’immigration clandestine, de renforcement de la sécurité et de développement économique et social. Composé de six titres, le projet de loi aborde des enjeux cruciaux pour ce département français.
En voici quelques exemples. Le titre II propose des outils renforcés pour lutter contre l’immigration clandestine, notamment en matière de reconnaissance frauduleuse de paternité et de maternité et d’éloignement des personnes en séjour irrégulier. Le titre III consacre la possibilité de visites domiciliaires pour la recherche d’armes. C’est une mesure forte dans un contexte où la violence et l’insécurité ne cessent d’augmenter, menaçant la paix sociale et la cohésion des territoires. Le titre IV comporte des mesures sociales, économiques et éducatives qui sont attendues et indispensables à la prospérité de Mayotte – nous ne pouvons donc que les saluer. Je pense à l’harmonisation des prestations sociales – maternité, invalidité, perte d’autonomie, RSA et smic –, au soutien à l’implantation de pharmacies d’officine et à l’accompagnement des jeunes par la création d’un fonds pour le développement des activités périscolaires et par la prise en charge des frais de déplacement des élèves du deuxième cycle de l’enseignement supérieur en cas d’absence de formation à Mayotte.
S’agissant de la convergence des droits et des prestations, monsieur le ministre d’État, plusieurs échéances ont été avancées, notamment 2031. Pouvez-vous préciser la position du gouvernement ? Considérez-vous, en particulier, que l’objectif est atteignable à cette date ? Par ailleurs, disposez-vous d’un calendrier plus détaillé en ce qui concerne la mise en œuvre ? L’harmonisation de certaines prestations sera-t-elle traitée prioritairement ? Enfin, quelles seront les principales difficultés concernant des prestations spécifiques telles que le smic et les retraites ? Nous ne pouvons pas laisser les Mahorais seuls face à la précarité et à l’insécurité. Ce département mérite une attention particulière et des réponses adaptées aux réalités locales. Nous ne pouvons tolérer que des inégalités territoriales subsistent.
Au vu de l’ensemble des éléments que j’ai mentionnés, le groupe Ensemble pour la République votera en faveur du projet de loi de programmation.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Depuis le début de l’année, c’est le troisième texte que nous examinons concernant Mayotte. Après des décennies de quasi-abandon, et alors que le cyclone Chido a littéralement dévasté les îles mahoraises, nous devrions nous réjouir d’une telle effervescence législative. Avec trois textes déposés en six mois, nous aurions espéré que le nouveau ministre des outre-mer, dont, à défaut de partager les options, nous saluons le dynamisme, en particulier sur le dossier kanak, et les convictions républicaines affichées, se batte pour que Mayotte devienne enfin, après tout ce que les Mahorais ont enduré, un département à part entière et intègre définitivement la République.
Mais il faut croire que Mayotte ne souffrira jamais assez : une fois encore, l’archipel est sacrifié sur l’autel de l’obsession migratoire du gouvernement et à sa volonté d’en faire un laboratoire de destruction du droit commun.
Le projet de loi présenté en janvier, dont l’objectif était de reconstruire le département en urgence, a surtout entériné une reconstruction au rabais, qui n’a d’ailleurs même pas commencé. La proposition de loi de notre collègue Philippe Gosselin qui l’a suivi a constitué une attaque sans précédent contre le droit du sol, alors que ceux qui arrivent sur l’île en ce moment fuient, pour la plupart, la guerre au Congo – à propos de laquelle la France s’illustre par son silence – et viennent demander l’asile et non la nationalité.
Le texte qui nous est présenté devait concerner le développement de Mayotte et lui permettre de rattraper son retard sur le plan économique et des services publics, seule manière de s’attaquer vraiment aux problèmes de l’archipel, qui a fait l’objet d’un sous-investissement chronique depuis 1946. Certes, au milieu de nombreux articles qui s’attaquent aux droits fondamentaux des personnes vivant à Mayotte, ce texte contient la promesse d’un nouvel hôpital – le département n’en compte qu’un seul – et d’un aéroport. Toutefois, pas un centime n’est prévu pour les financer. Et qu’est-il envisagé en faveur de l’école, de l’emploi, de l’insertion des jeunes ou d’une politique du logement digne de ce nom ? Absolument rien ! Pire, les mesures dont nous pensions nous être débarrassés en janvier, permettant d’exproprier les Mahorais de la manière la plus brutale qui soit, sont finalement réintroduites. Enfin, il faudra attendre 2031, au mieux, pour espérer aligner le smic et les prestations sociales sur les montants appliqués partout ailleurs en France ; personne n’y croit !
En revanche, ce texte engage un recul tous azimuts des libertés et des droits : création d’une condition de résidence habituelle de sept ans pour obtenir la carte de séjour au titre des liens personnels et familiaux, ce qui empêchera de nombreux Mahorais de retrouver leurs proches ou de vivre avec eux, y compris pour leur apporter une assistance médicale alors que le système de santé est en ruine ; délai de résidence à Mayotte porté à cinq ans pour obtenir la carte de parent d’enfant français – c’est une véritable honte ! Cette mesure plongera des milliers d’enfants dans une précarité familiale inédite, les privant du droit à une vie normale. Il en est de même des dispositions qui visent à empêcher l’attribution d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux parents d’un enfant français sur critère de ressources – c’est scandaleux. Dans le département le plus pauvre de France, dont le taux de chômage est de 40 %, cette mesure revient tout simplement à priver un nombre incalculable d’enfants de l’un de leurs parents. Dans la droite ligne du précédent texte sur le droit du sol à Mayotte, vous vous attaquez aux enfants de Mayotte, monsieur le ministre.
Et que dire des dispositions qui visent à expulser les gens de leur abri de fortune dans un délai de quinze jours, sans même imposer à l’État une obligation de relogement ? À part faire exploser le nombre de sans-abri sur l’archipel, vous n’avez rien trouvé de mieux en six mois ? Là encore, c’est une véritable honte !
Une fois encore, ce texte ne réglera rien des problèmes des Mahorais. Il constitue, en revanche, une vraie mine d’or pour le Rassemblement national qui y trouvera tout ce qu’il faut pour actualiser son programme. Nous nous demandons d’ailleurs si vous ne finirez pas par gouverner avec ce parti et si vous croyez encore un tant soit peu à la vertu des services publics et de l’égalité sociale.
À quand la fin du visa territorialisé ? À quand un plan d’urgence pour les écoles ? À quand une politique globale du logement ? Sur tous ces points, ainsi que sur le rétablissement des droits des Mahorais, les Insoumis feront des propositions. Si elles sont rejetées, nous n’aurons d’autre choix que de nous opposer à ce texte nauséabond.
M. Philippe Naillet (SOC). Plan de développement de Mayotte 2006-2010, schéma d’aménagement régional de Mayotte en 2011, agenda social de Mayotte en 2013, Mayotte 2025 : une ambition pour la République en 2015, contrat de convergence et de transformation pour la période 2019-2022, plan de relance spécifique à Mayotte en 2021, plan Mayotte debout en 2024 et, enfin, refondation de Mayotte en 2025 : disons-le sans détour, les Mahoraises et les Mahorais sont épuisés par les annonces de plans successifs qui s’accumulent depuis vingt ans.
Après le cyclone Chido, qui a accentué les fractures existantes, rappelons que le bilan matériel et humain a été aggravé par le sous-développement de l’île.
Le projet de loi dont nous entamons l’examen n’est donc pas anodin. Un texte qui ne traiterait pas véritablement des difficultés croissantes auxquelles sont confrontés nos concitoyens à Mayotte ne ferait que s’ajouter à la litanie des annonces faites en grande pompe et non suivies d’effet et à la liste des promesses aussitôt enterrées.
Le dernier-né des départements français est de très loin le plus pauvre de France : 77 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté et les inégalités ne cessent d’augmenter fortement. L’île manque de tout, comme je l’ai constaté en me rendant sur place, début mai, avec une délégation de parlementaires conviés par la CGT locale. À l’hôpital de Mamoudzou, les files d’attente se prolongent jusque dans les couloirs, les toits portent encore les stigmates du cyclone et les agents travaillent dans des conditions matérielles inacceptables – le service de médecine du CHM (centre hospitalier de Mayotte) ne compte que 55 lits pour 350 000 habitants. En matière d’éducation, les cours sont organisés de manière alternée dans la moitié des 221 écoles de l’île. L’accès à l’eau potable pour tous les Mahorais est impossible.
Ces réalités – on pourrait multiplier les exemples – justifient d’adopter des dispositifs ciblés, chiffrés et assortis d’un calendrier opérationnel. Or, si le projet de loi prévoit bien des orientations, il ne les traduit que partiellement en engagements concrets. Doté d’un volet programmatique et assorti d’un engagement budgétaire de 4 milliards d’euros, le texte contient certains éléments porteurs de transformations qui semblent aller dans le bon sens.
Toutefois, il présente également d’importantes lacunes, notamment en matière de concertation locale et de lisibilité budgétaire, en particulier dans son volet migratoire, qui soulève de sérieuses préoccupations en matière de droits humains et de droit supérieur de l’enfant.
Les mécanismes implicites d’exclusion que contient encore le texte ou qu’il laisse subsister contredisent l’esprit de départementalisation souhaité. Soyons clairs : les Mahorais ne demandent pas de traitement de faveur ; ils veulent l’application du droit commun, en vertu de l’égalité républicaine. L’absence de calendrier d’alignement des prestations sociales, la persistance de dispositifs dérogatoires injustes, le flou autour des moyens alloués aux services publics, ou encore l’instrumentalisation de la question migratoire ne sont pas à la hauteur de la justice et de l’égalité que réclame le territoire.
Enfin, il faut compléter les mesures en matière de lutte contre l’habitat indigne et de construction de logements et renforcer l’ambition concernant l’offre de soins, la jeunesse et la relance économique, laquelle ne pourra se limiter à l’instauration d’une zone franche globale.
Vous l’avez compris : les députés Socialistes et apparentés abordent l’examen du projet de loi avec responsabilité et gravité ; notre groupe souhaite améliorer la copie du Sénat, dépasser les incantations vaines et mettre en œuvre l’égalité réelle. Voilà non pas la promesse à faire, mais l’objectif à atteindre pour que, partout, la République se tienne debout ; debout à côté de ses habitants, debout à côté des Mahoraises et des Mahorais.
M. Olivier Marleix (DR). Le groupe Droite républicaine soutiendra ce texte, nécessaire pour accélérer la reconstruction de Mayotte. Cependant, ne nous racontons pas d’histoires : un sujet central conditionne tout le reste, celui de l’immigration non contrôlée, voire hors de contrôle, qui submerge l’île et crée des problèmes insolubles dans tous les domaines. En matière de scolarisation des enfants, tout d’abord : le maire de Mamoudzou m’a expliqué devoir ouvrir une salle de classe par jour – quel autre maire en France serait capable de réagir face à un tel défi ? En matière sanitaire, ensuite, avec des centres de santé totalement submergés – permettez-moi d’exprimer notre admiration à l’égard des médecins et des soignants qui y travaillent. En matière de logement, également, ce qui se traduit par une précarité indigne du territoire de la République – la quasi-totalité des personnes décédées durant le cyclone se concentraient dans les bidonvilles. En matière d’insécurité, enfin : la violence est malheureusement partout dans l’île. Cette situation ne peut que faire honte aux représentants de la nation que nous sommes.
Nous ne changerons rien si nous n’opérons pas une rupture fondamentale en matière de contrôle de l’immigration, sujet qui est, pour moi, au cœur de la reprise en main et de l’avenir du territoire. Qu’en est-il, monsieur le ministre d’État, du « rideau de fer » maritime et de la mobilisation des moyens de la marine nationale annoncée depuis trois ans pour barrer physiquement l’accès à Mayotte ? Et qu’en est-il du radar de la base navale, en panne depuis plusieurs années, qui permettait de détecter l’arrivée des embarcations comoriennes ? Qu’attendons-nous pour en installer un nouveau, notamment sur l’îlot de Mtsamboro, afin de donner une longueur d’avance aux forces chargées d’intercepter les bateaux ?
Venons-en au titre de séjour territorialisé, par lequel nous acceptons ce que nous n’accepterions nulle part ailleurs sur le territoire de la République – ce qui est révoltant pour nos compatriotes mahorais. Qui accepterait en effet qu’un titre de séjour assigne les arrivants à rester dans le territoire de la Seine-Saint-Denis ou de l’Essonne, par exemple ? C’est inconcevable et contraire au principe républicain d’égalité. Rappelons qu’un visa était nécessaire pour venir des Comores jusqu’en 1990, date à laquelle il a été supprimé par le président Mitterrand ; la droite l’a ensuite rétabli en 1995 ; en 2014, vous avez vous-même créé, Monsieur le premier ministre, ce titre territorialisé, qu’il est désormais temps d’abroger, conformément aux engagements du président de la République il y a quelques semaines, lorsqu’il s’est rendu sur place. Nous prouverons ainsi que nous nous donnons les moyens de contrôler enfin l’immigration.
Dans cette attente, il faut durcir son attribution. Chaque année, entre 10 000 et 14 000 titres de séjour sont délivrés, soit 100 000 à 140 000 en dix ans : ne nous étonnons pas que la population soit composée pour moitié de personnes étrangères, sans parler des clandestins – à tel point, d’ailleurs, que les autorités reconnaissent leur incapacité à dénombrer la population qui vit à Mayotte. C’est le seul territoire dans lequel le préfet se sent obligé de délivrer un titre de séjour pour les parents d’enfants nés sur le territoire de la République, au prétexte qu’ils ont vocation à devenir un jour français ; c’est une aberration totale. Se pose aussi la question de la vérification des documents fournis pour obtenir ce titre de séjour : une fois encore, la vigilance est moins grande à Mayotte que pour n’importe quel titre de séjour dans le territoire métropolitain – comme si cela n’avait que peu d’importance du moment que les arrivants restent à Mayotte. Cela traduit un mépris insupportable. Il faudrait, en attendant son abrogation, qu’une circulaire précise les conditions de délivrance strictes de ce titre de séjour, ce qui n’est pas très compliqué.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Permettez-moi d’exprimer un regret, Monsieur le ministre : nous avons eu peu d’occasions de vous entendre depuis l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, après engagement de la procédure accélérée, alors même que les bangas dans les bidonvilles étaient pratiquement reconstruits. Je mesure la lourdeur de votre agenda et si c’est pour parachever un accord en Nouvelle-Calédonie, je vous pardonne. Mais tout de même : que penser de cette audition, qui intervient à quelques heures du début de l’examen du texte, pour lequel le gouvernement a également engagé la procédure accélérée ? Nos amendements ont été déposés dans le brouillard, sans que nous puissions tenir compte de ce que vous alliez nous dire. Il ne nous aura pas non plus été possible de prendre en compte l’audition du préfet de Mayotte, également postérieure à la date de clôture du dépôt des amendements. Nous nous rattraperons, ou pas, en séance publique ; néanmoins, cette situation montre, encore une fois, que nous légiférons mal et c’est préoccupant. Voilà pour la méthode.
Dans ce texte, vous faites le choix de cibler à nouveau la population étrangère en situation irrégulière. Après la loi d’urgence examinée en janvier, dont aucune disposition ou presque n’a vu le jour, après la proposition de loi examinée en avril qui durcit les conditions d’accès à la nationalité française et grignote le droit du sol, voilà qui fera plaisir au collectif de Safina Soula, mais ne résoudra rien sur le fond.
Sans chercher à polémiquer, j’exprime un désaccord sur le diagnostic posé concernant les motivations des personnes qui franchissent, au péril de leur vie, le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte : elles viennent non pas pour obtenir un titre de séjour à l’usure ou, un jour, un passeport français, mais pour manger, travailler et pour que leurs enfants aillent à l’école, parce que la situation qui leur est faite aux Comores est encore plus misérable et précaire que celle qu’ils connaissent à Mayotte.
Nous reviendrons, article par article, sur les dispositions envisagées, dont certaines portent atteinte à plusieurs droits fondamentaux et ont été dénoncées par la Défenseure des droits. Mais, sans attendre, nous apportons notre soutien aux élus mahorais de tous bords qui militent pour la fin des titres de séjour territorialisés. Nous aurions aimé disposer d’un bilan lucide des évacuations effectuées, grâce au doublement des effectifs de police et de gendarmerie, dans le cadre de l’opération Wuambushu en 2023, puis de Place nette – quel terme odieux ! – en 2024. France Info nous apprend que 700 bangas auraient été détruits en deux mois au cours de la première, au prix de la reconstitution d’un quartier de bangas à Combani, et que 1 300 l’auraient été un an après, au cours de la deuxième. Quel bilan tirez-vous de ces opérations spectaculaires, coûteuses et largement médiatisées ?
Nous aurons l’occasion de débattre de la méthode, qui me paraît robuste, de l’établissement public de reconstruction de Mayotte, de la stratégie quinquennale pour la reconstruction – terme sans doute plus lucide que celui de refondation –, de ses trois grands axes et de ses quatre domaines transverses. Nous examinerons le rapport annexé au projet de loi et les engagements financiers qu’il comporte. Néanmoins, le bilan des plans antérieurs a-t-il été dressé ? Il y eut le plan Mayotte 2025 : une ambition pour la République, adopté après les émeutes de 2011 et de 2016, puis la déclinaison pour Mayotte du plan de relance post-covid France 2030, sans compter les plans sectoriels pour l’eau, l’école ou les petites et moyennes industries (PMI). Comment ne pas reproduire les mêmes échecs ni s’exposer aux mêmes déconvenues ? Comment rétablir la confiance ? Je vous pose la question, Monsieur le ministre, comme à chacun et à chacune d’entre nous. Je poserai ultérieurement deux autres questions sur l’aéroport et sur l’hôpital.
Mme Blandine Brocard (Dem). Parler de Mayotte, ce n’est pas simplement commenter un texte et des dispositions législatives ; c’est porter une part de la douleur, de la colère et des attentes d’un territoire français et de nos compatriotes, les Mahorais, qui appellent la République à tenir parole.
Il y a quelques mois, le cyclone Chido a frappé Mayotte de plein fouet. Ce n’était pas seulement une catastrophe naturelle, mais l’effondrement d’une situation déjà très précaire – des toitures arrachées, des écoles inondées, des familles sans abri, des services démunis – et l’exacerbation des crises et des urgences accumulées dans les domaines sanitaires, social et institutionnel.
Ce projet de loi est important. Il constitue l’acte 3 de la réponse de l’État, après les mesures d’urgence adoptées en février dernier. Surtout, il marque un changement de méthode : nous passons d’une gestion de crise à une programmation durable. Le gouvernement engage, pour la première fois, une loi de programmation, dotée d’une trajectoire budgétaire de 4 milliards d’euros jusqu’en 2031. Certes, il faudra que nos débats nous éclairent sur la lisibilité de ces budgets, leur temporalité et les engagements concrets auxquels ils correspondent. Une programmation annuelle des investissements est prévue dès 2025 et un comité de suivi, rattaché au premier ministre, en assurera le pilotage. C’est donc bien la première fois qu’un tel niveau d’engagement est consenti pour Mayotte.
Le texte repose sur trois piliers : le droit, l’action sur le terrain et la refondation institutionnelle.
Le droit, tout d’abord. Mayotte fait face à une pression migratoire exceptionnelle. Ce n’est ni une exagération ni un tabou, mais un fait. Il ne peut y avoir de solidarité nationale sans capacité à faire respecter le droit. Et ceux qui, ici, s’en offusquent de manière grandiloquente et caricaturale ne connaissent pas la réalité du territoire. Le texte durcit, à juste titre, les conditions de séjour ; il encadre plus strictement le regroupement familial en excluant les logements illégaux ; il permet le retrait du titre de séjour en cas de manquement éducatif grave ou d’atteinte à l’ordre public par un mineur sous responsabilité ; il lutte aussi contre les fraudes à la filiation en centralisant les reconnaissances de paternité à Mamoudzou. Ces mesures de fermeté constituent aussi des mesures de justice, tant réclamées par les Mahorais eux-mêmes.
L’action sur le terrain, ensuite. Ce sont 730 millions qui seront consacrés à l’eau et à l’assainissement, 407 millions aux hôpitaux ; 1 200 salles de classe qui faisaient défaut avant le cyclone sont prévues – et 4 000 d’ici à 2031 ; il faudrait, en effet, en créer une par jour. Enfin, une nouvelle piste longue à l’aéroport est planifiée, selon des procédures accélérées – c’est aussi une attente de nos compatriotes.
Mayotte a non seulement besoin d’infrastructures, mais aussi de sécurité juridique. L’article 19 facilite les procédures d’expropriation pour les constructions dangereuses ou illégales. C’est un levier d’aménagement, mais non sans garanties ni un encadrement précis, et il s’appliquera dans le respect des droits des personnes concernées. J’espère que nos débats nous permettront d’avancer encore à ce sujet.
La refondation institutionnelle, enfin. Le texte pose les bases d’une collectivité unique, sur le modèle de la Guyane ou de la Martinique : une nouvelle assemblée, élue au scrutin de liste par section, une gouvernance plus représentative, plus claire et plus stable. Ensuite, il répond à une attente très forte, que nous partageons : la convergence des droits sociaux. L’article 15 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances afin de rapprocher les droits en matière de santé, de famille, de retraite et d’emploi de ceux applicables dans l’Hexagone. La convergence ne doit pas être floue ni symbolique. Elle doit être planifiée, financée et effective. Le Parlement doit naturellement y être associé, car l’égalité sociale est une condition de l’égalité républicaine.
À Mayotte, l’attente n’est pas technique, elle est vitale. Le groupe Les Démocrates votera ce texte avec responsabilité. L’archipel ne réclame pas un traitement d’exception, mais la République : rien de plus, rien de moins.
M. Jean Moulliere (HOR). Mayotte est une île à la grande vulnérabilité, confrontée à des difficultés migratoires et sécuritaires comme aucun autre territoire français. Elle connaît également une situation économique et sociale qui se traduit par une précarité tristement inédite : un taux de chômage de 30 %, contre 7,4 % dans l’Hexagone, un niveau de vie médian sept fois plus faible qu’au plan national, des habitats informels qui représentent 30 % de l’habitat total, une très forte insécurité, avec la survenue régulière de bagarres à la machette et de rixes mortelles, ou encore une pénurie de l’offre de soins, en particulier libérale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Mayotte est aussi le département le plus sujet à la pression migratoire et à l’immigration illégale. Sur une population estimée à 310 000 habitants, près d’un tiers – soit entre 100 000 et 200 000 personnes – serait en situation irrégulière. Ces personnes vivent dans des situations de grande précarité et d’insécurité, ce qui n’est plus possible.
C’est dans ce contexte déjà très difficile pour les Mahorais que le cyclone Chido, puis la tempête Dikeledi, ont frappé l’île en plein cœur. En raison de ces événements météorologiques extrêmes, l’urgence s’est ajoutée à l’urgence. Aux nombreuses difficultés quotidiennes déjà rencontrées par les Mahorais se sont ajoutés des dégâts humains, matériels et environnementaux sans précédent. L’État a répondu par des mesures fortes : la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte a ainsi entériné de nombreuses avancées visant à faciliter le rétablissement des conditions de vie des Mahorais grâce à l’adaptation des règles de construction, d’urbanisme ou de commande publique, tout en prévoyant des mesures de soutien aux habitants et aux entreprises sur le plan économique et social.
L’État doit désormais recourir à des mesures structurelles pour construire de manière pérenne un cadre de vie à la hauteur des exigences de la République : rétablir l’ordre public, promouvoir la prospérité de l’île, assurer l’accès aux soins. Il le doit aux Mahorais. En effet, l’urgence ne se règle pas seulement sur le court terme ; elle appelle des mesures structurelles fortes, afin de mieux prévenir et gérer les difficultés sur le long terme.
Le groupe Horizons & indépendants soutient bien évidemment cette démarche, ainsi que les mesures prévues dans le projet de loi : lutter contre l’immigration clandestine illégale, lutter contre l’habitat illégal, garantir le respect de l’ordre public grâce à un renforcement du contrôle des armes et de la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre, renforcer l’accès aux soins ou encore moderniser le fonctionnement institutionnel de la collectivité. Ces dispositions apporteront des solutions tangibles aux difficultés rencontrées par nos compatriotes.
Notre groupe prendra toute sa part au débat parlementaire afin d’apporter un soutien concret et des moyens renouvelés à nos compatriotes mahorais, ainsi qu’aux services de l’État qui œuvrent sur place sans relâche. Mayotte est et continuera d’être une île d’avenir. C’est la promesse du présent projet de loi. Faisons en sorte qu’elle se transforme en actes pour les Mahoraises et les Mahorais.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). En 1841, Mayotte est devenue française, de haute lutte, après que le sultan Andriantsouli a vendu notre île au commandant Passot pour la protéger des assauts de ses voisins. En 2011, elle a accédé à la départementalisation, qui a marqué définitivement son ancrage dans la République, fruit de plusieurs décennies de combat des élus mahorais et de la population. J’espère qu’en 2025 elle obtiendra enfin les moyens d’atteindre l’égalité réelle, sans distinguo, sans excuse d’exception, sans dérogation qui seraient de nature à la faire sortir du champ national et à la maintenir hors du droit commun.
Depuis mon engagement dans le collectif des citoyens, en 2018, et depuis le premier jour de mon premier mandat, en juin 2022, je me bats pour une loi de programmation en faveur de Mayotte, en ayant trois priorités en tête : égalité des droits, développement économique et des infrastructures, lutte contre l’immigration clandestine et les ingérences comoriennes. Ces deux projets de loi constituent une étape pour atteindre ces objectifs ; car nous partons de très, très loin.
Certes, Chido et Dikeledi ont tout dévasté, mais cela fait des décennies que les retards de Mayotte s’accumulent, en raison de l’inaction d’un État qui a fui ses responsabilités. Plusieurs points me font réagir dans votre copie, monsieur le ministre. Le gouvernement a réussi l’exploit de déposer un projet de loi de programmation sans programmation. Aucune trajectoire budgétaire n’est présentée dans le texte, contrairement à ce que l’on trouve dans d’autres lois de programmation, dans les domaines militaires ou de la justice. Pour Mayotte, vous nous renvoyez à un rapport annexé qui sera vite oublié, malheureusement. Les auditions menées dans le cadre du budget nous ont fait comprendre qu’il n’y avait pas, a priori, de trajectoire claire. C’est une manière de faire des promesses sans vous engager. Pourquoi ce traitement différencié alors que la trajectoire devrait être inscrite dans la loi pour en garantir l’effectivité, quoi qu’il arrive, en ces temps d’austérité budgétaire ?
J’en viens à la question migratoire. Le gouvernement ouvre enfin les yeux sur l’immigration qui frappe Mayotte par l’intermédiaire de flux déstabilisateurs en provenance des Comores. Après avoir laissé les bidonvilles détruits par Chido se reconstruire et s’étaler sans agir, il semble enfin décidé à prendre des mesures radicales. La réalité est que Mayotte ne peut plus accueillir d’étrangers. La solidarité de la nation doit jouer : il faut appliquer la continuité territoriale et mettre fin au visa territorialisé. C’était une promesse du gouvernement l’an dernier ; la parole donnée doit être tenue.
L’article 19, qui facilite les expropriations, constitue un autre point d’alerte. Nous ne pouvons pas accepter que l’État prenne nos terres de manière dérogatoire. La propriété est un droit constitutionnel, fondamental, inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Notre terre est tout ce qu’il nous reste. Le Parlement s’était opposé à cette demande de l’État dans le projet de loi d’urgence. J’espère qu’il se fera de nouveau la voix des Mahorais contre cette prédation officielle. Rien n’empêche l’État de réaliser les grands projets nécessaires à Mayotte, où l’expropriation est déjà possible. Mais il n’est pas question et rien ne justifie de prendre possession de nos terres sans avoir indemnisé au préalable les propriétaires, comme cela se fait ailleurs. Tous les élus, tous les acteurs syndicaux, économiques et de la société civile de Mayotte ont unanimement dénoncé cet article, dont je réclame la suppression.
Le dernier point concerne l’égalité sociale, mère des batailles et urgence républicaine. Les Mahorais continuent de subir une inégalité de traitement dans tous les domaines de notre pacte social – santé, famille, retraites, emploi, prestations sociales, droits, salaire minimal. Nous avions voté, dans la loi d’urgence, une demande de rapport du gouvernement sur les prestations sociales, avec une étude d’impact sur les écarts de niveau de vie des Mahorais et un calendrier d’alignement concerté des prestations sociales sur celles de l’Hexagone. Ce rapport, qui devait être remis trois mois après la promulgation de la loi d’urgence, nous aurait été bien utile pour nos travaux. Où en est-il ?
Le gouvernement propose des ordonnances sans cadrage précis, sans calendrier définitif. Encore une fois, vous vous engagez mais vous refusez de nous communiquer des chiffres. J’ajoute que le général Facon, déjà chargé de la reconstruction et dont nous attendons qu’il entame les travaux, ne peut pas piloter en plus les négociations lancées par le gouvernement sur la convergence sociale.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Depuis que le cyclone Chido a surpris la population mahoraise et détruit l’île aux parfums, la France a, semble-t-il, perçu l’urgence qu’il y a à agir. En l’espace de six mois, c’est le troisième texte dont notre assemblée est saisie. Il faut bien dire que Mayotte, département français, est dans un état de sous-développement indigne de notre République et confronté à un phénomène d’immigration illégale qu’aucun gouvernement n’a jusqu’alors pu, su ou voulu résoudre. Mayotte, département le plus pauvre de France, reste très attractive pour les pays de la zone, confrontés à l’instabilité politique, la guerre ou la famine. Développer l’archipel le rendrait encore plus attractif, mais ne pas le faire reviendrait à l’abandonner. Voilà votre dilemme. C’est cette vision des choses qui a conduit à l’immobilisme et à la situation que nous connaissons.
Aucun gouvernement n’a voulu croire qu’il était possible de conduire en même temps le développement de Mayotte et la lutte contre les phénomènes migratoires. Ces deux objectifs sont-ils égaux à vos yeux, Monsieur le ministre ? Si oui, pourquoi les moyens du développement de Mayotte ont-ils, dans le texte, valeur de promesse alors que les mesures de lutte contre l’immigration ont valeur normative ? Pourquoi devrions-nous croire encore aux engagements inscrits dans le rapport annexé, qui n’a pas force de loi ? Plus de 3 milliards d’investissements sont promis alors que le gouvernement prône dans le même temps la réduction des dépenses de l’État et de la sécurité sociale. Le rapport annexé ne serait-il qu’un moyen de nous convaincre de voter un texte qui, dans son volet normatif, adopte une approche strictement sécuritaire et répressive ? Le développement de Mayotte implique-t-il nécessairement de s’affranchir du respect des droits fondamentaux et de violer nos engagements internationaux, notamment s’agissant du droit des enfants ? C’est la question qui me vient au vu du rétablissement d’une disposition que nous avions supprimée grâce à la loi du 26 janvier 2024 : l’enfermement des enfants en centres de rétention. Considérez-vous vraiment que ce recul des droits des enfants est une avancée pour Mayotte ?
Une autre interrogation porte sur l’article 15, qui concerne la convergence des droits sociaux entre Mayotte et l’Hexagone – vous utilisez dans le texte le terme de métropole, auquel vous savez combien nous sommes opposés. La convergence des droits, ce n’est ni l’égalité ni l’équité. Le RSA est inférieur de 50 % à Mayotte à son niveau hexagonal, le montant des allocations familiales est trois fois inférieur, l’aide médicale de l’État ne s’y applique toujours pas. Pensez-vous réellement tendre vers l’égalité à Mayotte et en faire un département français comme les autres en choisissant le régime de l’exception et de la dérogation dans tous les domaines – droit de la nationalité, droit des étrangers, droit de l’urbanisme, droit des marchés publics ? La question n’est pas philosophique, mais politique. Ma collègue Estelle Youssouffa a évoqué le droit de la propriété et l’importance qu’elle accorde aux droits inscrits dans la Constitution ; c’est à l’ensemble des droits que le groupe GDR accorde de l’importance. Or, dans ce texte, ils sont largement bafoués.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Faut-il encore et toujours le rappeler ? Mayotte est un territoire de la République, un avant-poste de notre souveraineté, dans lequel l’État n’a plus droit à l’erreur. Depuis trop longtemps l’ordre y recule et, avec lui, la loi, l’autorité et la dignité. Ce projet de loi, utile, tardif, attendu, doit être un véritable acte de redressement.
Le cyclone Chido n’a pas seulement détruit des maisons et des entreprises. Il a révélé l’ampleur du chaos : celui d’une urbanisation sauvage, d’une pression migratoire incontrôlée, d’une République à genoux.
Le projet de loi propose plusieurs outils pour reconstruire Mayotte, que nous soutenons : l’accélération des procédures, la transformation de l’établissement public foncier d’aménagement de Mayotte, l’assouplissement du droit de la commande publique ou encore la lutte contre les bidonvilles.
Toutefois, un chantier ne tient pas debout sans fondation. Et la fondation de Mayotte, c’est l’autorité de l’État. Or, dans ce débat, à chaque tentative de restauration de l’ordre, à chaque effort pour établir des règles claires, un même refrain surgit sur les bancs de la gauche : les droits de l’homme, les droits de l’enfant, les conventions internationales. Nous leur répondons : assez d’incantations ! Dans un État de droit, on ne brandit pas la loi, on l’applique ; la détourner, ce n’est pas l’appliquer, mais la pervertir. Il ne suffit pas d’invoquer des principes pour faire oublier la réalité. L’intérêt supérieur de l’enfant, ce n’est pas de naître sur une pirogue surchargée mais de grandir sur un sol stable, dans une école debout, avec de l’eau potable et un État présent.
Il faut le dire avec fermeté : les droits de l’homme ne doivent plus être l’alibi du désordre ni le masque des passeurs ; le droit du sol n’est pas une ruse migratoire ; les bidonvilles ne sont pas des habitats alternatifs ; l’humanité ne réside pas dans le laxisme mais dans la clarté, la justice et la fermeté.
La triste réalité, c’est que Mayotte est une ZAD tropicale où le droit est contourné en permanence et la République absente. Ce texte y remédie en partie en permettant à l’État de reconstruire sans être ligoté par ses propres normes. Il donne aux préfets les pouvoirs d’agir et suspend les rigidités d’un droit devenu parfois complice de l’inaction. Il faut aller plus loin encore : renforcer les expulsions ; interdire la réinstallation illégale ; remettre en cause le droit du sol à Mayotte ; sanctuariser les frontières, comme nos concitoyens mahorais le demandent eux-mêmes. La gauche se complaît dans une lecture moralisatrice du droit, mais oublie que le premier droit, c’est celui de vivre en sécurité. La République ne peut pas être une promesse théorique : elle doit être un ordre tangible, une présence réelle, une autorité assumée.
Nous voterons donc pour ce texte, mais nous veillerons, dans chaque décret, chaque ordonnance, chaque chantier, à ce qu’il ne soit pas une loi d’aménagement de la résignation mais l’acte fondateur d’une renaissance. Mayotte n’a pas besoin de sermons mais de solutions, et nous serons là pour les défendre avec lucidité et sans concession.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Yoann Gillet (RN). Refonder Mayotte, affirmer l’ambition de la France pour le développement de Mayotte par des mesures structurantes, tel est l’objectif que vous affichez, monsieur le ministre, à l’image des nombreux plans présentés par vos prédécesseurs ces dernières décennies pour ce joyau français – présentés, mais jamais suivis de faits concrets.
Mes questions seront simples et directes, car les Mahorais méritent la vérité. Comment refonder Mayotte sans un travail de fond sur la submersion migratoire, sans fermeté vis-à-vis des Comores, sans suppression pure et simple du droit du sol, sans durcissement du délit de séjour irrégulier ?
Comment prétendez-vous reconstruire Mayotte sans prévoir dans cette loi les mesures de bon sens que réclament les Mahorais et le Rassemblement national ?
Comment reconstruire Mayotte et lui donner les perspectives de développement qu’elle mérite, notamment économiques, sans un travail sérieux, attendu depuis si longtemps, sur le foncier et l’établissement du cadastre ?
Comment imaginer l’avenir sans solution immédiate, par exemple des bateaux-usines afin que les Mahorais ne manquent plus d’eau potable, comme c’est encore le cas malgré vos promesses et celles du président de la République ?
Comment respecter les Mahorais sans perspective concrète ni calendrier précis sur la nécessaire convergence avec le droit commun des prestations sociales ?
Comment reconstruire Mayotte sans prendre en compte l’aspiration et les demandes légitimes des Mahorais, relayées et défendues ici par notre collègue députée de Mayotte, Anchya Bamana, qui voue sa vie et son engagement à la défense de son île et des Mahorais, ces Français patriotes de l’océan Indien ?
M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur le ministre d’État, ma question sera très directe et vous constaterez que je suis persévérant. Nous allons engager des milliards d’euros dans la reconstruction de cette île, plus particulièrement de ses infrastructures – adduction d’eau, assainissement, établissements scolaires dans le primaire et le secondaire. Pourriez-vous nous indiquer quelle jauge vous envisagez pour ces investissements, alors que nous ne connaissons pas exactement le nombre d’habitants à Mayotte ? Je renvoie à l’article 14 relatif au recensement : allons-nous construire pour une population de 300 000 personnes, soit le nombre officiel d’habitants à Mayotte, ou pour 500 000 habitants, correspondant à l’addition de la population mahoraise et de la population étrangère en situation irrégulière ?
Mme Maud Petit (Dem). L’article 19, relatif à l’expropriation, semble mettre la charrue avant les bœufs. Mayotte se caractérise par un véritable désordre foncier : beaucoup de transmissions informelles, d’indivisions, un droit cadial oral et des transmissions qui ne sont pas toujours retranscrites, un cadastre incomplet. Nombre de Mahorais sont inquiets, car il est question d’exproprier avant d’avoir dressé un état des lieux et régularisé le foncier – j’ai longuement échangé sur ce sujet avec Kassandrah Chanfi et Madi Boinamani Madi Mari.
Par ailleurs – chat échaudé craint l’eau froide –, les Mahorais demandent une garantie d’indemnisation effective en cas d’expropriation : on m’a cité l’exemple d’un collège à Chiconi qui a été construit sur un terrain privé dont les propriétaires n’ont toujours pas été indemnisés ; cela fait peur aux Mahorais, qui ne veulent plus voir cette situation se reproduire. Certes, le texte prévoit de recourir à la Caisse des dépôts pour provisionner des sommes sur des comptes bloqués, mais il faudrait clarifier ce point. Enfin, les Mahorais veulent la garantie d’une indemnisation juste, fondée sur la valeur réelle du foncier.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Monsieur le ministre, vous avez fait preuve de lucidité en renonçant à l’allongement de la piste de l’aéroport : désastreux pour le milieu marin, cet allongement ne permettait pas de relever les défis de la montée du niveau des eaux, de l’enfoncement de l’île au rythme des milliers de secousses telluriques qui rythment la vie des habitants, de la menace que constitue le volcan sous-marin dont la chambre magmatique s’étend jusque sous l’archipel.
En Grande-Terre, vous avez retenu le site de Bouyouni, idéalement placé, j’en conviens, ne serait-ce que pour desserrer la contrainte qui asphyxie Mamoudzou et rééquilibrer le développement au profit de l’Ouest. Mais il s’agit de l’un des greniers de Mayotte : une concertation soigneuse s’impose. Les élus de Mayotte l’exigent ; ils sont choqués, et moi aussi, d’entendre le préfet annoncer que le débat public est terminé. Si l’on veut éviter des recours, des contestations et peut-être même de la violence, il faut entendre cette demande. Le débat public qui a été mené il y a huit ans sur une autre île, pour un autre projet, ne doit pas servir de prétexte pour empêcher un débat. Si chacun s’accorde sur l’opportunité, cela vaut vraiment le coup, s’agissant des modalités, de perdre quelques semaines pour gagner des mois, voire des années.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Lors de mon déplacement à Mayotte, en mai dernier, la principale préoccupation des personnes que j’ai rencontrées – acteurs économiques, société civile, collectifs de citoyens et citoyennes mahorais – concernait la fin des dérogations qui maintiennent Mayotte à l’écart du territoire français. Les Mahorais et Mahoraises réclament l’alignement immédiat du smic et des prestations sociales sur ceux en vigueur dans le reste du territoire national. La situation fait douter de la volonté de l’État de les considérer comme des citoyens français à part entière. Ils ne veulent plus attendre. Monsieur le ministre, serez-vous capable de les entendre ?
Par ailleurs, les Mahorais et Mahoraises que j’ai rencontrés réclament la fin du titre de séjour territorialisé, qui n’existe nulle part ailleurs dans le territoire français. Ils attendent la solidarité nationale de la part de l’Hexagone. Monsieur le ministre, serez-vous capable de les entendre ?
Enfin, concernant l’expropriation, les Mahorais et Mahoraises que j’ai rencontrés rejettent l’article 19, relatif à l’expropriation, s’il n’est pas procédé au préalable à un cadastrage sérieux du foncier. Ceux qui ont connu la mise en place de la commission de révision de l’état civil réclament, de la même manière, une commission de régularisation du foncier avant que toute mesure d’expropriation soit envisagée. Monsieur le ministre, serez-vous capable de les entendre ?
Il faut construire Mayotte, et non pas seulement la réparer après le passage du cyclone Chido. Cette construction doit se faire avec les Mahorais et Mahoraises.
M. Philippe Naillet (SOC). Il y a un point qui ne passe pas auprès des syndicats, de nombre d’élus et même d’une partie de la société civile : le recours aux ordonnances prévues à l’article 16. En effet, chacun a encore en mémoire ce qui s’est fait en 2018, c’est-à-dire l’alignement par ordonnances du code du travail. L’enjeu, à Mayotte, est de reconstruire une relation de confiance entre l’État et les Mahorais. Pensez-vous sérieusement que cela passe par le recours aux ordonnances ?
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). À Mayotte, après le passage du cyclone Chido, l’agriculture a reculé de quinze ans, ce qui a mis en péril la sécurité alimentaire. Le 8 janvier dernier, une aide de 1 000 euros par exploitant agricole était annoncée. Elle a été jugée dérisoire : que faire avec 1 000 euros quand sa ferme a été détruite ?
De plus, d’après les informations qui me sont parvenues, aucun versement n’a été effectué. Les dossiers pour prétendre à l’aide sont en ligne depuis le 13 mai seulement, et la clôture interviendra le 16 juin prochain ; pensez-vous que les agriculteurs mahorais ont pu se permettre d’attendre pour relancer leur production ? Quel soutien apportez-vous réellement à l’agriculture mahoraise, indispensable pour restaurer l’offre alimentaire sur l’île ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. D’une manière générale, je l’ai déjà dit publiquement devant la représentation parlementaire, il existe dans les territoires ultramarins un sentiment assez profond d’éloignement de l’Hexagone et d’injustice. Cela dure depuis plusieurs années, sans doute parce que la promesse d’égalité n’a pas été tenue – vieille promesse, née essentiellement chez les socialistes de la SFIO, au moment de la départementalisation, en 1946, et renouvelée par Gaston Defferre, quelques années plus tard, au moment du vote de la loi-cadre – je vous invite à écouter son grand discours prononcé à Dakar le 1er juillet 1956. Cette promesse d’égalité se heurtait à un autre problème : celui de la représentation au Parlement des territoires de la France d’outre-mer, qui était très différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. Ce sentiment profond a sans doute été aggravé par l’épidémie de covid, qui a joué un rôle très important dans certains territoires.
Voilà que, par le hasard de la vie politique, je me retrouve chargé de la responsabilité de ces territoires. Je suis conscient des chiffres qui ont été rappelés, notamment concernant le taux de pauvreté à Mayotte – il est aussi très élevé à La Réunion, à près de 37 %, ainsi que dans d’autres territoires. C’est inquiétant. La demande de rattrapage est très forte à l’égard de Paris et de l’État ; c’est normal, car le retard pris dans ces territoires tient beaucoup à leur éloignement et à leurs économies issues de l’histoire, étouffées par de grands groupes. Il y a une responsabilité collective de tous ceux qui ont gouverné.
Pour ma part, j’ai quitté le pouvoir en 2016. Je m’étais rendu à Mayotte en 2015 pour signer le plan Mayotte 2025. Quand j’y suis retourné, abstraction faite des effets de Chido, j’ai constaté que la situation s’était énormément dégradée, malgré les efforts consentis.
Je me suis beaucoup inspiré, pour préparer ce projet de loi, des travaux de Philippe Vigier, qui n’ont pas pu être menés à bout, ainsi que de la proposition de loi qui avait été préparée par Estelle Youssouffa. Si une prise de conscience s’est faite, tant chez les élus que d’une manière générale, beaucoup de retard a été pris, pour de nombreuses raisons, pas seulement financières, mais aussi liées à la compréhension de ce qui est en train de se passer dans ces territoires. Même s’il ne faut pas comparer la Nouvelle-Calédonie et Mayotte : d’un côté, un processus de décolonisation est en jeu tandis que, de l’autre, le dernier département français est profondément attaché à la France et à la République.
Chido est un révélateur. Trois lois ont été évoquées, dont la proposition de loi de l’excellent Philippe Gosselin. Pour ma part, j’ai présenté deux projets de loi. Ces textes peuvent être critiqués, mais notre objectif est de reconstruire. Considérer que le présent projet de loi ne comporte que des mesures migratoires, c’est ne pas l’avoir lu ! Mais j’y reviendrai.
Le rapporteur général a évoqué, comme beaucoup d’entre vous, la programmation. Elle représente à ce stade 3,9 milliards d’investissements pour soutenir le développement de Mayotte. Un amendement adopté au Sénat prévoit la remise au Parlement, avant le 31 décembre 2025, d’une programmation détaillée et annualisée. Le prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom), qui se tiendra le 10 juillet 2025, entérinera certains engagements financiers. L’exercice est certes délicat dans un contexte budgétaire contraint, mais je tiens à rappeler qu’au début des discussions interministérielles, la présence d’un tableau financier n’était pas acquise – c’est peut-être à cela que sert un ministre d’État et ancien premier ministre qui connaît un peu l’appareil d’État. Finalement, le tableau est là, et les échéances que je viens d’évoquer permettront d’apporter les précisions attendues. Je sais que le rapporteur général veut encore améliorer et consolider ces éléments. Ces quelques 4 milliards inscrits dans le tableau financier devront être engagés projet par projet.
Madame Firmin Le Bodo, le recensement exhaustif est un engagement du plan Mayotte debout annoncé par François Bayrou il y a quelques mois. Les élus locaux attendent légitimement la réévaluation du chiffre officiel de la population de Mayotte. Nous avons en effet besoin de ces éléments. D’ailleurs, Madame la ministre, vous faites, à juste titre, le lien avec la réévaluation des dotations des collectivités. Je partage votre objectif de garantir aux collectivités que la réévaluation des dotations interviendra pour l’exercice 2027. J’essaye surtout d’être réaliste en refusant par exemple de promettre l’égalité sociale tout de suite, au 1er janvier 2026. Aux Mahorais, qui attendent depuis si longtemps, on raconterait une nouvelle fois des bobards ? Non !
Vous proposez la prise en compte des chiffres provisoires du recensement, qui seront connus en juillet 2026. L’expertise technique est en cours avec les services de Bercy ; un calibrage sera nécessaire. Soyons prudents sur cette question : on constate actuellement une chute des naissances. Attendons la fin du recensement – moi-même, je m’étais avancé sur des chiffres, ce qui m’avait valu un débat compétitif avec le président de l’Insee de l’époque – pour disposer des bons chiffres et faire les bonnes évaluations.
Concernant le calendrier, le rapport annexé donne le cadre global. C’est l’article 36 de la loi d’urgence qui est à l’origine d’un rapport donnant des jalons précis dans le cadre de la convergence sociale. Cela vaut notamment pour le smic net, avec 87,5 % du montant national au 1er janvier 2026 – ne me racontez pas qu’on attend 2031 ou la saint-glinglin, monsieur Taché ! –, 90 % au 1er janvier 2027, 92,5 % en janvier 2028, 95 % en janvier 2028 et 100 % au 1er janvier 2031. On peut toujours faire plus vite, mais 87,5 % au 1er janvier 2026, ce n’est pas rien. Ce n’est pas un cadeau que nous faisons aux Mahorais ; ils attendent cette mesure, mais il faut qu’elle soit soutenable pour l’économie et les entreprises.
Je souscris à l’objectif de faire figurer dans la loi tout ce qui peut y être inscrit sans attendre les ordonnances. Je regarderai les amendements que vous proposerez en ce sens, parce que les Mahorais attendent des mesures rapides. La convergence doit débuter en 2026.
Je salue votre travail sur l’article 17. Vous avez ouvert une voie de passage pour concilier l’augmentation du nombre de pharmacies et l’association des professionnels. Je partage votre analyse selon laquelle le développement du nombre de pharmacies est lié à la normalisation du circuit de distribution des médicaments. Je soutiendrai votre amendement visant à créer une URPS interprofessionnelle.
Je vous remercie, monsieur Philippe Gosselin, pour vos analyses sur les questions de sécurité et d’immigration. Ces sujets sont très difficiles, et d’abord sur le plan humain, mais il est nécessaire de les traiter, y compris par des mesures dérogatoires, si l’on veut remédier à ce problème – qui n’est pas le seul, il serait absurde d’en parler en ces termes, mais qui en entraîne beaucoup d’autres. On ne peut pas dire d’un côté qu’il faut écouter les Mahorais et nier de l’autre les difficultés soulevées par l’immigration illégale, qui sont liées à la géographie. Je vous remercie donc, monsieur Gosselin, pour vos propositions, même si l’une d’elles m’étonne – j’en dirai un mot un peu plus tard.
Madame Youssouffa, je vous écoute, comme d’ailleurs Mme Bamana, avec d’autant plus d’intérêt que vous représentez ce territoire. Vous estimez que la reconstruction n’est pas encore engagée. La priorité était de gérer l’urgence et de stabiliser la situation. Je comprends ce que vous dites : les besoins étaient d’autant plus criants que le retard était important. Les services de l’État sont mobilisés en lien avec les collectivités. Il est illusoire de penser que la reconstruction aurait pu être engagée dès le premier trimestre 2025. À Saint-Martin et à Saint-Barthélemy – M. Gumbs s’est exprimé –, touchées par Irma, nous allons inaugurer cet automne deux collèges, lancés en 2017 ; la cité administrative et judiciaire est en cours de construction. Ce sont des chantiers longs, difficiles, et je pense que votre expérience d’élus de terrain sera précieuse, comme celle de Micheline Jacques.
J’évoquais quelques signaux de reprise, qui ne sont d’ailleurs pas liés à l’action du gouvernement, mais à des projets déjà prévus par les collectivités : ouverture de la ligne du Caribus, accueil des navires de croisière, début des travaux de construction de l’usine de dessalement d’Ironi Bé. Les projets antérieurs à Chido se concrétisent : il ne faut pas les minimiser. La mission dirigée par le général Facon présentera, lors du prochain Ciom, une stratégie quinquennale de reconstruction. Elle fera l’objet d’un travail avec les élus et je tiens à ce que les parlementaires mahorais soient consultés ; je le rappellerai au général.
L’objectif est de réunir le conseil d’administration du nouvel établissement public en septembre 2025. La mise en place de cet établissement public, adossé à l’Epfam (établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte), qui existait déjà, se fait très rapidement : elle a été décidée au mois de janvier ; les ordonnances sont passées en conseil des ministres ; j’espère que l’on pourra nommer le directeur général très vite. Nous devons aller vite, car nous avons besoin de cet outil – je suis d’accord avec vous, madame Youssouffa.
La dynamique a donc vocation à s’accélérer dans les mois qui viennent. Je comprends l’impatience des Mahorais, mais n’oublions pas trop vite le frein que constitue le sous-dimensionnement des infrastructures – la programmation de 4 milliards a vocation à le traiter – et l’ampleur du choc que représente Chido dans un territoire qui était déjà particulièrement fragile.
Concernant la programmation des investissements, le rapport annexé fixe un cadre qui sécurise les financements ; il précisera la ventilation des crédits. Ces derniers ne pouvant être inscrits que dans la loi de finances, il ne m’était pas possible d’aller plus loin. Je serai attentif à l’inscription des crédits année après année, et vous aurez, en tant que parlementaires, à l’être également.
S’il fallait une seule priorité, ce serait l’école, condition de la formation de la jeunesse. Selon les statistiques, 83 % des élèves ont vingt-quatre heures de cours par semaine ; 7,7 % ont seize heures ; 3,8 % ont école à mi-temps ; 4,5 % ont entre neuf et dix heures par semaine ; enfin, un peu moins de 1 % ont entre deux et quatre heures. Je ne m’en satisfais pas : je veux vingt-quatre heures pour tous les élèves, le plus vite possible, mais je tiens à asseoir ce débat sur des chiffres précis. La situation est déjà suffisamment difficile ; n’en rajoutons pas.
Concernant l’établissement public, l’ordonnance a bien été publiée le 24 mai ; les dispositifs doivent être précisés par décret. Ce décret sera transmis au Conseil d’État dans quelques jours, permettant de publier un texte définitif cet été et d’installer l’établissement à la rentrée.
Madame Bamana, s’agissant de l’eau, il faut anticiper le pire pour ne pas revivre la crise de 2023. Il faut réaliser les grandes infrastructures essentielles pour sortir du stress hydrique. Les deux ou trois prochaines années seront difficiles en raison du retard pris dans la construction des structures – l’État n’est pas le seul responsable. Les travaux sur le site d’Ironi Bé doivent démarrer cette semaine. L’acquisition du foncier pour la troisième retenue collinaire sera achevée fin 2025. Le syndicat Lema (Les Eaux de Mayotte) a enclenché le choix des maîtres d’œuvre et des bureaux d’étude. Tout cela est concret. J’espère qu’aucun grain de sable ne viendra perturber le processus. En lien avec France 2030, nous travaillons sur le déploiement des fontaines atmosphériques, avec pour objectif l’arrivée des premières machines en juillet prochain.
J’entends une nouvelle fois l’expression de doutes sur le tableau de programmation financière. Nous parlons d’une enveloppe de près de 4 milliards, votée en première lecture au Sénat. Refusant l’affichage de sommes artificielles et sans fondement, nous travaillons sur la base des crédits contractuels du contrat de convergence. Le Ciom du 10 juillet et le rapport sur la programmation financière, qui sera remis au Parlement avant la fin de l’année, accompagneront ce travail.
Vous avez évoqué le camp de Tsoundzou 2, où plusieurs centaines d’individus sont regroupés à proximité de la route nationale numéro 2 du village du même nom. Les enjeux sont multiples, en particulier sur le plan sécuritaire et sanitaire. La plupart de ces personnes sont originaires de la Corne de l’Afrique ou de la région des Grands Lacs. On y retrouve des demandeurs d’asile ayant formulé une demande auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Lorsque ces demandes ne sont pas satisfaites, des demandeurs se tournent vers la Cour nationale du droit d’asile pour contester la décision. Il ne s’agit donc pas d’une population que l’on retrouve à l’occasion des opérations de résorption de l’habitat illégal : leur expulsion nécessite l’accord d’un pays tiers et la préparation des expulsions, par ailleurs longue et coûteuse à organiser, peut se heurter au refus de certains pays de délivrer des laissez-passer consulaires.
Un premier protocole a été conclu avec la République démocratique du Congo. Cette coopération fonctionne plus ou moins. Sur ce modèle, des négociations sont ouvertes avec la Somalie et le Burundi. Elles sont conclues avec le Rwanda et le ministère des affaires étrangères doit désormais déterminer les modalités de signature du protocole. Un projet d’accord bilatéral portant sur la coopération en matière de migration et de sécurité intérieure est en cours avec la Tanzanie. Il y a donc un levier d’action dans le cadre de l’État de droit et de la diplomatie. Il faut que nous puissions avancer sur ces sujets.
Un autre point doit être souligné : le blocage du bureau des étrangers de la préfecture de Mayotte jusqu’au 19 mai dernier, qui a entravé le traitement des dossiers déposés par des individus séjournant dans ce campement. Bloquer ce service essentiel et saluer les collectifs qui le font contribue à emboliser la situation. Il y a donc d’autres leviers d’action à mobiliser, d’ordre administratif cette fois. Je sais que l’existence de groupements de cette nature constitue bien plus qu’un irritant pour les Mahorais : les mouvements du début d’année 2024 étaient alimentés par la crise de l’eau, mais également par le ras-le-bol à l’égard du camp de Cavani. Il faut donc veiller à la sécurité et au maintien de l’ordre public ; c’est le rôle du préfet et des forces de sécurité.
Plusieurs d’entre vous sont intervenus sur l’article 19 – Mmes Bamana, Youssouffa et Petit, notamment. Je n’ignore pas l’importance de la terre dans la culture mahoraise, la méfiance léguée par le passé et les lacunes du cadastre.
L’article vise à accélérer la construction des infrastructures essentielles à Mayotte en tenant compte de la difficulté, parfois, d’identifier les propriétaires. La prise de possession anticipée des terrains permettra d’éviter de bloquer les travaux tout en garantissant les droits attachés à la propriété privée. Cette procédure n’est pas nouvelle : elle est déjà prévue par le code de l’expropriation pour les travaux intéressant la défense nationale ou de construction d’autoroute, par exemple. Elle est protectrice pour les personnes qui revendiquent la propriété des terrains.
L’article 19 vise à étendre son champ d’application à Mayotte à des cas très précis, jugés stratégiques pour la reconstruction de l’île. La procédure ne sera demandée que pour les projets déclarés d’utilité publique et en cas de difficulté à exécuter les travaux tenant à la prise de possession d’un ou de plusieurs terrains. Le recours à cette procédure nécessitera un décret après avis conforme du Conseil d’État. Le juge pourra prononcer une indemnité spéciale destinée à compenser le préjudice causé par la rapidité de la procédure. Une indemnité provisionnelle d’expropriation sera en outre versée au propriétaire, ou consignée en cas de difficulté. Enfin, l’extension du champ de la procédure ne vaudra que pour dix ans à compter de la promulgation du présent texte. La disposition est donc extrêmement encadrée. Je comprends vos préventions, mais nous devons travailler sur cette question, d’autant que le département et l’État manquent de foncier disponible et que les acquisitions foncières coûtent cher à l’État. En outre – pitié ! –, les expropriations ne sont pas des spoliations. Elles sont indemnisées. Ainsi, pour la ZAC (zone d’aménagement concerté) Tsararano-Dembéni, 29 millions d’euros ont été versés pour 40 hectares de terrains agricoles, dont une trentaine d’hectares constructibles. Comme ailleurs, la valeur du foncier a été fixée à partir du prix de vente de biens similaires. De fait, elle l’a plutôt été à un niveau élevé.
Madame Youssouffa, souffrez que nous ne soyons pas d’accord et que je rappelle la réalité des moyens déployés – la réalité, pas les fantasmes.
M. le président Florent Boudié. Évitons tous les interpellations, je vous prie.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Madame Liso, par ce texte, le gouvernement s’engage à achever la convergence sociale avec Mayotte. La politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire, selon la formule du cardinal de Richelieu. Il faudra tenir l’échéance de 2031, en agissant avec méthode, car cela fait longtemps que les Mahorais attendent et leur impatience est légitime.
Depuis plusieurs mois, le CHM fait face, grâce à ses équipes et aux renforts nationaux. Son activité a repris à plus de 80 % – même si cela ne veut pas dire qu’il est en bon état. Les quatre centres médicaux de référence sont opérationnels. Tous les dispensaires ont pu rouvrir, à une exception près, justifiée par des travaux lourds. Une unité sanitaire mobile a utilement complété l’offre du CHM en permettant des consultations et des soins courants.
Toutefois, je ne me satisfais pas de la situation. J’ai trois objectifs : assurer la continuité des soins au quotidien, grâce à la meilleure offre possible ; garantir l’attractivité des postes sur place pour les professionnels, qui détermine l’évolution de l’offre – j’espère que les articles 28 et 29 du présent texte y contribueront ; enfin, investir pour créer l’offre de soins de demain. Ne noircissons pas le tableau, même s’il reste beaucoup à faire. Souvent, les travaux de rénovation de l’hôpital se heurtent à des problèmes non pas financiers, mais de passation de marché.
Monsieur Taché, la convergence avec Mayotte pour les prestations sociales devait initialement aboutir en 2036. Le présent texte vise à avancer cette date de cinq ans, à 2031, sachant que le processus sera engagé dès 2026. Vous devriez donc reconsidérer votre vote !
L’article 7 a été validé par le Conseil d’État. La rétention des mineurs aurait lieu dans des unités distinctes des CRA (centre de rétention administrative) et pour une durée très limitée, de quarante-huit heures maximum. Quelles sont selon vous les solutions alternatives crédibles pour gagner en efficacité ?
L’arrêté d’évacuation prévu à l’article 10 devra être accompagné, aux termes de l’alinéa 5 du même article, d’une proposition de relogement. Les dérogations à cette obligation seront possibles, mais devront être strictement motivées. La réalité est donc très éloignée du tableau que vous en dressez.
Monsieur Marleix, vous avez raison de souligner que l'immigration illégale – plutôt que clandestine – déstabilise Mayotte en fragilisant les services publics, les ressources naturelles et la cohésion sociale. Le « mur de fer » doit monter en gamme afin que nous atteignions 35 000 éloignements par an. Quatre radars légers ont été installés afin de surveiller une bande de 9 nautiques autour de l’île, mais ce n’est pas suffisant. Deux radars plus puissants seront déployés fin 2025 ou début 2026, dont un d’une portée de 30 nautiques – en la matière, les problématiques sont techniques plutôt que financières.
Les vedettes côtières de la gendarmerie maritime ont commencé à être remplacées. Elles le seront intégralement d’ici à cet été. Mayotte bénéficiera également du patrouilleur outre-mer de nouvelle génération qui sera livré au deuxième semestre à la base navale des forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien, à La Réunion. La réussite des missions se joue en haute mer, comme l’illustre l’opération Requin, qui a permis d’intercepter un boutre et neuf passeurs, actuellement en détention provisoire.
La territorialisation du titre de séjour fait partie des mesures spécifiques qui ont été nécessaires pour réduire l’attractivité migratoire de Mayotte. De fait, si les titres de séjour délivrés localement permettaient de quitter Mayotte pour rejoindre l’Hexagone ou La Réunion, Mayotte serait encore plus attractive. Je m’étonne que vous soyez si critique de l’action du ministre de l’intérieur et que vous balayiez d’un revers de main le risque de créer un appel d’air en supprimant la territorialisation des titres.
Des aménagements de cette territorialisation sont déjà possibles pour les cartes de résidents, sur autorisation spéciale. Nous pourrons travailler sur les titres de séjour, comme M. le rapporteur général l’a proposé. Le Sénat a également proposé un bilan d’étape. Toutefois, le gouvernement est défavorable à l’abrogation de l’article L. 441-8 du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), car il faut réduire les flux. Nous débattons, y compris avec les élus de La Réunion.
Madame Voynet, je ne peux pas vous laisser dire que la loi d’urgence pour Mayotte n’est pas appliquée. Je l’ai dit, la transformation de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte avance. Une ordonnance simplifiant les règles de construction à Mayotte a été publiée le 24 mai. Le PTZ prévu dans cette loi est déployé, malgré le scepticisme qu’il suscite et même s’il faut rester très vigilants. Cette loi a en outre permis de nombreuses mesures de simplification des règles d’urbanisme et de passation des marchés publics, ainsi que la prorogation de droits sociaux.
Le préfet a réuni le comité de pilotage local pour la piste longue de l’aéroport de Mayotte le 28 mai. Un échange constructif a eu lieu avec les agriculteurs, qui étaient notamment représentés par les JA (Jeunes Agriculteurs). Ils ont compris que les indemnisations attendues permettront de soutenir la modernisation des pratiques et des outils. L’accompagnement des agriculteurs est une priorité.
Plus généralement, il faut accompagner les professionnels pour renforcer la souveraineté alimentaire, sans négliger d’autres leviers tels que l’intégration régionale.
Je remercie Mme Brocard et M. Moulliere pour leurs propositions, leur vigilance et leur soutien au texte.
Monsieur Naillet, les ordonnances gênent peut-être les parlementaires, mais pas les partenaires sociaux, car elles leur permettent de négocier. Plutôt que d’ancrer toutes les mesures de la convergence dans la loi, nous avons donc choisi de recourir à des ordonnances pour pouvoir consulter les acteurs économiques et sociaux. Certains éléments des ordonnances pourront toutefois en sortir pour entrer dans la loi ; nous y travaillons avec les rapporteurs.
Madame Hignet, il n’est pas vrai que rien n’a été fait pour les agriculteurs. Le fonds de secours pour les outre-mer a été activé, avec un guichet traitant les agriculteurs en priorité. L’enveloppe de 15 millions d’euros mobilisée dans ce cadre est celle qui a été utilisée le plus rapidement. Pas moins de 505 dossiers ont donné lieu à des versements, pour 3,5 millions d’euros. Début juillet, ce seront 600 dossiers. Je souhaite que l’instruction soit la plus rapide possible – je considère, moi aussi, que nous n’allons pas suffisamment vite dans certains domaines.
L’aide financière exceptionnelle pour les entreprises exerçant une activité économique à Mayotte touchées par les conséquences économiques résultant du passage du cyclone, qui a été prolongée de deux mois, bénéficie aux agriculteurs. Le Feder (Fonds européen de développement régional) et le Posei (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) sont mobilisés.
Madame Youssouffa, la valeur juridique de la programmation est la même qu’elle soit inscrite dans le dur de la loi ou dans le rapport annexé. Il faudra surtout transcrire cette programmation dans la prochaine loi de finances.
Madame K/Bidi, la lutte contre l’immigration et pour la sécurité est liée aux autres avancées. Ce texte est cohérent. Sans lutte contre l’immigration, rien ne sera possible. Il ne s’agit pas de faire la chasse à quiconque, mais de régler des problèmes. La solution passe par un changement de nos relations avec les Comores, la vérité sur les chiffres du recensement et le déploiement d’une politique publique efficace en matière de reconduite à la frontière. Celui-ci sera long, au vu des problématiques d’aménagement, d’urbanisme et de culture associées notamment aux bidonvilles – que l’on appelle improprement des bangas.
Il faut rétablir la confiance, réinvestir, reconstruire – et pas uniquement dans le cadre de la SIM. Puisqu’il faut agir tant en faveur des droits sociaux, de l’éducation et de la jeunesse que de l’économie, le texte touche à plusieurs sujets. L’école, la convergence sociale et la santé sont des priorités pour les rapporteurs.
Si je n’ai pas répondu à toutes les questions, la discussion des articles me permettra de le faire. Madame Voynet, que ce soit en séance publique, en commission ou par écrit, sachez que je suis toujours disponible pour dresser le bilan de notre action et des lois que vous votez concernant Mayotte.
M. le président Florent Boudié. Je vous remercie.
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS
I. Examen des articles du projet de loi
Lors de ses réunions du mercredi 11 et jeudi 12 juin 2025, la Commission examine les articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Philippe Vigier, rapporteur général, M. Philippe Gosselin, Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Estelle Youssouffa, rapporteurs).
1. Première réunion du mercredi 11 juin à 2025 à 9 heures
Lien vidéo : https://assnat.fr/2qPeKZ
M. le président Florent Boudié. Nous allons commencer l’examen des articles du projet de loi. J’ai accepté la demande des membres du bureau de la commission d’examiner en premier lieu l’article 1er, qui renvoie à un rapport annexé de nature politique et non normative. Il n’en sera peut-être pas de même en séance, le gouvernement en décidera.
Par ailleurs, les amendements visant à demander des rapports, qui sont toujours très nombreux, seront examinés à la fin de nos débats pour les rendre plus fluides.
Enfin, les amendements normatifs déposés sur le rapport annexé ont été déclarés irrecevables.
TITRE IER
OBJECTIFS DE L’ACTION DE L’ÉTAT POUR MAYOTTE
Article 1er : Approbation du rapport annexé
Amendement CL204 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à prévoir non seulement l’approbation du rapport annexé, qui constitue le volet programmatique du présent projet de loi, mais également la mise en place d’un mécanisme de suivi annuel, sur la base des crédits et des autorisations d’engagement votés chaque année dans le cadre du projet de loi de finances.
Le rapport annexé constitue un document programmatique fondamental. Il fixe les grandes orientations de la refondation de Mayotte et formule des engagements concrets à l’égard de la population. Pour les Mahoraises et les Mahorais, ces promesses n’ont de valeur que si elles sont suivies d’effets réels et mesurables. Trop souvent, des annonces ont été faites sans traduction tangible sur le terrain, nourrissant un profond sentiment de défiance envers l’État et ses représentants.
L’évaluation annuelle constitue donc une exigence de clarté, de constance et de justice à l’égard d’un territoire trop longtemps relégué aux marges de la République. Elle est la condition d’un renforcement durable du lien entre l’État et les citoyens mahorais.
M. Philippe Vigier, rapporteur général et rapporteur pour le titre Ier. Nous partageons votre exigence de suivi et de contrôle des efforts particuliers et massifs consentis par l’État ; soyez convaincu que nous y répondrons.
Deux éléments de réponse. D’abord, l’alinéa 303 du rapport annexé prévoit déjà que la programmation annuelle des investissements sera présentée au Parlement avant le 31 décembre 2025. Par ailleurs, j’ai déposé un amendement pour que le comité de suivi, dont seraient membres des parlementaires mais aussi des élus locaux, soit créé dans la loi : celui-ci devra rendre un premier rapport intermédiaire avant le 1er juillet 2028. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CL366 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Au cours du texte, les habitants de Mayotte sont qualifiés, à plusieurs reprises, de Mahorais. On voit bien quelle tentation cela peut révéler.
Or tant les Mahorais que les personnes qui travaillent à Mayotte, que ce soit à l’hôpital ou dans les écoles, ont été frappés par le cyclone Chido. L’île compte beaucoup de mouzoungous comme on dit à Mayotte. Il serait donc rusé de remplacer Mahorais par habitant de Mayotte à chaque fois que cela est possible. Cet amendement vise à procéder à cette modification dans l’intégralité du rapport annexé, à l’exception de l’alinéa 7 qui fait référence au choix des Mahorais pour la France.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Ce qui nous anime c’est d’améliorer la qualité de vie au quotidien des Mahorais, et donc des habitants de Mayotte. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL45 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Par cet amendement, les députés du groupe LFI-NFP souhaitent rappeler la responsabilité des gouvernements successifs, tant dans la catastrophe sociale qui frappe Mayotte depuis des décennies que dans l’impréparation de ce territoire face aux aléas climatiques, tels que le cyclone Chido.
Cet amendement vise à compléter la seconde phrase de l’alinéa 3 par les mots : « qui subissent des années de délaissement de l’État français ».
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’ai examiné votre amendement avec le plus grand intérêt. Vous soulignez le délaissement de l’État. Nul n’ignore ici les retards importants que connaît Mayotte. Ce département, le plus jeune de France et qui doit faire face à des enjeux exceptionnels – climatiques, migratoires et économiques –, est celui qui a le plus souffert. Néanmoins, on ne peut pas dire que l’État a abandonné Mayotte. Eu égard aux sommes d’argent qui ont été mises sur la table depuis de longues années, ce serait mentir et travestir les chiffres.
Le présent projet de loi traite de la question non seulement de l’immigration, mais également du sujet de la convergence sociale, attendue depuis longtemps. Il comporte également des éléments structurants et prévoit les évolutions institutionnelles du département qui deviendra une région, ainsi que le réclament les élus locaux.
Par ailleurs, en 2024, 100 millions d’euros supplémentaires ont été alloués aux dépenses sociales, notamment à la protection maternelle et infantile (PMI) et à l’aide sociale à l’enfance. Cet exemple prouve à lui seul que nous avons été en mesure de réagir. Ce texte vise à rattraper les retards en apportant une réponse forte pour les dix prochaines années, à tout le moins. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL347 de Mme Elsa Faucillon et CL368 de Mme Dominique Voynet (discussion commune)
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Certes, vous n’aimez pas entendre que l’État français a abandonné Mayotte, mais de là à dire qu’il l’a pleinement soutenu et qu’il a été à ses côtés… Oui, c’est un jeune département comparé aux autres départements français. Cela étant, Mayotte n’est pas devenue française il y a trois ans. C’est l’absence de réalisation de toute une série d’actions qui a conduit à la situation actuelle. On peut toujours se voiler la face avec ce projet de loi de programmation qui, du reste, n’en est pas tout à fait un, les choses sont ce qu’elles sont.
Nous proposons donc de préciser que l’État n’a été que partiellement au rendez-vous ; et cette formule est plutôt gentille.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous avons tenté de nuancer l’alinéa 5 s’agissant de la capacité de l’État à « répondre aux urgences immédiates ». Si la volonté existait, la capacité à répondre concrètement aux besoins en matière de fourniture d’eau et d’électricité, et à libérer les voies de circulation n’a pas toujours été au rendez-vous. Il ne s’agit pas d’une critique de l’État, le cyclone Chido a effectivement été exceptionnel et a laissé des traces considérables.
Néanmoins, il n’est pas raisonnable de laisser penser que tout a été fait comme cela aurait dû l’être. Nous aurons besoin d’un retour d’expérience (Retex) sérieux et d’acquérir la culture de crise qui nous manque.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. J’ai le souci d’entendre tous les députés pour que nous puissions avancer ensemble. Le gouvernement en est conscient, le dossier est très complexe et les réponses qu’il faut apporter à ces crises ne sont jamais simples.
La question n’est pas pour moi d’assumer ou pas tout ce qui a été fait, ou pas. Vous auriez pu d’ailleurs déposer des amendements visant à saluer l’action de Nicolas Sarkozy, qui a permis la départementalisation de Mayotte, ou le vote quasi unanime de l’Assemblée nationale en faveur de cette mesure ; ou d’autres tendant à critiquer ou à saluer le plan Mayotte 2025, que j’ai moi-même signé, lancé par le président Hollande lorsqu’il s’est rendu sur place ; ou d’autres, enfin, visant à revenir sur les raisons pour lesquelles toutes les mesures de ce plan n’ont pas été mises en œuvre dans les années qui ont suivi. Chacun est libre de déposer les amendements qu’il souhaite.
Nous sommes en train d’examiner le deuxième texte relatif à la crise Chido. Hier, j’ai précisé que 500 millions d’euros de dépenses d’urgence avaient été engagées en décembre et en janvier, qu’un fonds d’amorçage pour les collectivités territoriales de 100 millions d’euros avait été créé, que le fonds de secours outre-mer avait été abondé de 15 millions d’euros à destination de la filière agricole et que 22,8 millions d’euros d’aides avaient été versés aux entreprises. J’ai parlé de ce que nous sommes en train de mettre en œuvre, du bataillon militaire qui a été mobilisé, du travail qui a été engagé pour apporter une réponse sanitaire. Tout cela est loin d’être parfait. Vous l’avez dit, il y a encore des manques. En tout cas, l’État est mobilisé.
La vraie question pour moi est de savoir comment tirer toutes les leçons des difficultés que Chido a révélées et comment répondre aux manques criants que chacun a constatés. Je ne détiens pas aucune vérité. Certains présentent de manière catégorique ce qui aurait pu être fait. Or le problème vient du retard et des raisons de ce retard dans la mise en œuvre de l’égalité concrète que la départementalisation, qui est la grande attente des Mahorais depuis des décennies, devait permettre. Le débat étant néanmoins essentiellement sémantique et politique, je donnerai un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Pour avoir promu le plan Eau et l’avoir hissé à son niveau actuel, je peux vous assurer que l’État est au rendez-vous. Une fois qu’on a fixé un objectif, il convient de l’atteindre. Or, en matière de soutien à l’ingénierie, par exemple, il reste beaucoup à faire.
Avec beaucoup d’humilité, nous pouvons dire qu’avec ces deux projets de lois, tous deux examinés en moins de six mois et comportant des engagements financiers considérables, nous nous donnons les moyens d’agir – je parle sous le contrôle de Mme Voynet, qui a exercé des responsabilités importantes à Mayotte. Nous devons néanmoins être exigeants, et veiller à l’exécution de ces engagements et à l’atteinte des objectifs que nous aurons fixés ensemble.
La commission adopte l’amendement CL347 et rejette l’amendement CL368.
Elle adopte l’amendement CL408 rédactionnel de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL367 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il s’agit d’un amendement de cohérence qui vise à déplacer l’alinéa 10 après l’alinéa 19 qui dresse la liste des engagements que prend l’État pour « garantir l’accès aux Mahorais aux biens et ressources essentiels » – eau potable, souveraineté alimentaire, offre de soins, etc. L’alinéa 10, qui traite de la gestion des déchets, est inséré entre un alinéa relatif au patrimoine naturel de Mayotte et un autre concernant la jeunesse.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous partageons le même objectif : il faut réduire la part d’enfouissement à Mayotte. Néanmoins, c’est bien l’intégralité du rapport qui recense les engagements de l’État et pas seulement le paragraphe que vous visez : il n’est donc pas nécessaire de modifier la structure comme vous le proposez. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CL333 de Mme Elsa Faucillon.
Amendement CL335 de Mme Elsa Faucillon
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Mayotte subit une véritable crise de l’eau et manque d’infrastructures en la matière. Du reste, il est dommage que les moyens dévolus à ces infrastructures figurent dans le rapport annexé ; nous aurions souhaité que ces mesures visant à sortir Mayotte de la crise économique et sociale aient une valeur normative. Si l’on avait investi dans les infrastructures pour apporter de l’eau potable à tous les Mahorais, nous n’en serions pas là aujourd’hui.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Vous le savez, je me suis beaucoup occupé de la crise de l’eau. Oui, nous sommes en retard sur les investissements. Cela étant, la compétence, s’agissant de l’eau, relève des collectivités locales. Oui, nous sommes en retard sur les forages. Néanmoins, lors de l’été 2023, nous avons quadruplé le nombre de forages réalisés.
Par ailleurs, nous recherchons depuis longtemps l’emplacement de la troisième réserve collinaire qu’il est indispensable de créer. Durant l’été 2023, l’une des deux retenues existantes était remplie à 4 %.
S’agissant de l’usine de désalinisation, nous avons porté la production de 7 500 mètres cubes d’eau potable par jour à 10 000. Il reste que sa capacité est de 20 000 mètres cubes alors qu’il faudrait en produire entre 40 000 et 45 000 par jour. Il n’y avait donc plus qu’une solution : fournir des bouteilles d’eau.
Enfin, il y a le problème des fuites dans les canalisations – le ministre a rappelé hier que de nombreuses fuites avaient d’ores et déjà été colmatées.
Tous ces retards sont devant nous. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi prévoit 730 millions d’euros d’investissement en faveur de l’eau. Il appartient à présent aux autorités locales d’agir, avec l’accompagnement de l’État et du syndicat Les Eaux de Mayotte (Lema). Un cercle vertueux va être enclenché afin que la crise de l’eau relève désormais du passé.
M. Yoann Gillet (RN). On ne pourrait que s’en féliciter, monsieur le rapporteur général. Les Mahorais se sont soulevés contre la pénurie d’eau. Les solutions présentées, hier ou aujourd’hui, ne permettent cependant pas d’apporter de l’eau aux Mahorais tout de suite, maintenant. Or tout de suite, maintenant, les Mahorais n’ont pas tous accès à l’eau.
Anchya Bamana vous a proposé, monsieur le ministre, un projet de bateau de désalinisation qui permettrait tout de suite, maintenant de répondre aux besoins de la population dans l’attente de la construction de la nouvelle usine. À ce jour, vous ne lui avez fait aucun retour. Il faut prendre conscience de la situation et écouter les parlementaires mahorais. Ma collègue se tient à votre disposition. Elle vous a rappelé à de nombreuses reprises qu’il existe des solutions pour que les Mahorais aient accès à l’eau : les Mahorais sont des Français et les Français ont le droit d’avoir de l’eau potable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’eau est un sujet compliqué et la situation ne s’est pas améliorée avec le passage du cyclone Chido. À chaque fois que je me suis rendu à Mayotte, j’ai participé à des réunions de travail avec l’ensemble des acteurs.
Le projet de loi prévoit les dispositifs attendus depuis un certain temps. Certes, leur mise en œuvre nécessitera un peu de temps – même si, selon le préfet, les expropriations en lien avec la troisième retenue collinaire pourront être accélérées. Il faut avancer sur la construction de la deuxième usine, sur la réalisation de la troisième retenue, sur les nouveaux forages et la réparation des canalisations. Certaines situations restent en effet très difficiles.
Ensuite, nous examinons des solutions qui permettront, au cours des prochains mois et des trois prochaines années, de parer au risque d’une crise de l’eau, au-delà des améliorations du quotidien qui ont déjà été apportées. Aujourd’hui, nous sommes plutôt rassurés mais la situation peut évoluer. La captation d’eau est ainsi envisagée.
J’ai reçu Mme Bamana, qui était accompagnée des promoteurs du projet parmi lesquels Charles Millon, ancien président du conseil régional de Rhône-Alpes. Le projet qu’elle a présenté n’était pas inintéressant mais son plan de financement repose à 100 % sur l’État ; en outre, ce navire n’existe pas encore. L’État devrait donc investir 45 millions d’euros pour la construction du bateau puis 35 millions d’euros par an pour son fonctionnement, ce qui représente un certain coût. Or je ne doute pas un seul instant que vous soyez attentifs aux deniers de l’État et à l’efficacité du projet.
Je n’ai pas balayé d’un revers de main la proposition de Mme Bamana qui est très engagée sur ce sujet mais vu qu’elle repose sur un financement à 100 % par l’État nous devons l’examiner de près. Je respecte le travail réalisé mais je suis obligé d’étudier au préalable d’autres projets susceptibles d’être les plus efficaces possible. Cela étant, je suis bien conscient de la difficulté.
M. Yoann Gillet (RN). Il existe des solutions qui permettraient au bateau de fonctionner très rapidement. Vous ne pouvez ajourner l’examen du projet au prétexte qu’il coûterait 45 millions d’euros. Je vous rappelle que les Mahorais n’ont pas accès à l’eau potable. Je propose qu’on coupe l’eau au ministère des outre-mer tant que les Mahorais n’auront pas accès à l’eau. On verra combien de temps vous tiendrez.
M. Philippe Gosselin (DR). Le projet de troisième réserve collinaire se heurte à des difficultés foncières qui durent depuis un certain temps ; c’est un vrai sujet. Les propriétaires opposent une résistance ; je la comprends dans un certain nombre de cas. Cela étant, rappelons que l’intérêt collectif est supérieur à l’intérêt personnel.
Au cours des débats sur ce texte, et pas uniquement lors de l’examen de l’article 19, nous reviendrons sur cette question.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Sur la question de l’eau, l’honnêteté commande de le reconnaître : nous n’en sommes pas arrivés à cette situation en cinq ans. On peut dire qu’il a été procédé à des sous-investissements durant des décennies. Quant aux investissements aujourd’hui annoncés, soyons lucides, ils ne permettront pas, lorsqu’ils porteront leurs fruits dans quelques années, de mettre un terme aux coupures d’eau car ils ne couvriront pas les besoins actuels – hors progression démographique.
Dans le cadre du mix hydrique qui doit être mis en œuvre – la désalinisation ou les retenues collinaires ne sauraient suffire à elles seules – la récupération de l’eau de pluie dans les maisons individuelles doit être envisagée. Lors de l’examen de la loi d’urgence pour Mayotte, j’avais proposé de rendre automatique l’installation de collecteurs d’eau de pluie dans les foyers mahorais. Cela ne me paraissait pas complètement idiot en période de reconstruction. Or le gouvernement a émis un avis défavorable sur mon amendement. Si le gouvernement n’envisage pas toutes les solutions à un problème, il ne peut alors prétendre qu’on lui fait un faux procès.
Enfin, je rappelle que les Mahoraises et les Mahorais ont accès à l’eau du robinet quelques jours seulement. Ils paient donc de leur poche des bouteilles d’eau.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. S’il y a des propositions qui permettent d’apporter une réponse immédiate, monsieur Gillet, tout le monde les regardera avec bienveillance. Il faudra simplement s’assurer qu’elles fonctionnent bien. En 2023, on m’a expliqué qu’une usine de désalinisation serait opérationnelle en l’espace de vingt-quatre mois et qu’elle coûterait 30 millions d’euros ; or elle coûtera finalement 80 à 100 millions et, sur place, nous nous sommes heurtés à plusieurs reprises à un problème d’expropriation. L’implantation du projet de troisième retenue collinaire a fait l’objet d’études pendant cinq ans mais les réserves existantes d’eau, qui étaient remplies à 4 % et 8 %, le sont aujourd’hui à 100 % et 95 %. Estelle Youssouffa a raison : il faut pouvoir produire 50 000 mètres cubes.
Tout cela n’est pas simple car le pompage de l’eau de mer peut avoir des conséquences environnementales. Comme vous, je considère que les tours d’eau ne sont pas acceptables mais je vous invite à regarder ce qui a été fait : j’ai diligenté le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour accélérer la campagne de forages. Nous en avons triplé le nombre, sachant que sur dix, il n’y en a parfois qu’un ou deux qui fonctionne. Nous nous sommes donné les moyens et sommes mêmes parvenus, avec la sécurité civile, à rendre potable l’eau de rivières grâce à de petits sachets individuels distribués aux enfants des écoles.
Nous aurons besoin de toutes les intelligences et de toutes les énergies pour faire en sorte que l’indispensable soit réalisé. Croyez bien que nous serons au rendez-vous ; j’imagine que vous le serez aussi.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL142 de M. Aurélien Taché et CL338 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Mayotte connaît une situation catastrophique ; 77 % des habitants y vivent sous le seuil de pauvreté. Or nous constatons, sans grand étonnement, que la question des migrations sert à expliquer, tout au long du texte, les problèmes que rencontre l’île. Onze articles y sont consacrés tandis que quatre seulement portent sur les questions de santé – alors qu’il n’y a qu’un seul hôpital public.
Nous proposons un changement de stratégie, considérant qu’il ne s’agit pas d’enfermer y compris des enfants en centre de rétention – ce pour quoi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France – mais de mettre en œuvre immédiatement des mesures de convergence sociale, écologique et économique.
Vous me direz que les habitants de Mayotte prônent les mesures de lutte contre l’immigration. Ce n’est pas étonnant, vu que c’est à peu près la seule réponse politique qui est apportée – sachant que les lois et règlements d’exception en vigueur à Mayotte sur les questions migratoires ne règlent rien.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Il m’a été indiqué hier que le gouvernement ne donnait pas la priorité à la lutte contre l’immigration même si, dans le texte, ce qui relève du développement n’a pas de portée normative, contrairement à ce qui relève de la lutte contre l’immigration.
À la lecture du rapport annexé, on constate néanmoins que le gouvernement établit bien une hiérarchie : il souhaite d’abord lutter contre l’immigration et l’habitat insalubre – ce qui, pour lui, revient peu ou prou au même – avant de développer Mayotte. Nous n’acceptons pas cette logique qui revient à faire une fausse promesse aux Mahorais. Vous savez pertinemment qu’il n’existe pas de solution miracle au problème de l’immigration : attendre qu’il soit réglé pour s’attaquer au problème suivant, c’est condamner la population à la pauvreté.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable ; nous avons là une divergence forte. À Mayotte, un habitant sur deux environ est immigré. Aucun de nos territoires ultramarins ne connaît une immigration aussi massive et celle-ci n’est pas soutenable pour nos services publics. Il faut que nous puissions la freiner, en particulier lorsqu’elle est clandestine – on sait bien que l’immigration zéro n’existe pas. Les Mahoraises et les Mahorais nous demandent de ne pas les abandonner.
Ce serait cependant faire un mauvais procès au gouvernement que d’affirmer que le texte ne comporte qu’un volet immigration. Jamais un plan aussi massif n’a été présenté pour Mayotte ; il apporte une réponse en matière d’évolution institutionnelle comme de convergence sociale.
L’immigration peut être une chance à certains endroits, lorsqu’elle est régulée, mais en l’occurrence elle ne l’est pas.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Mme la députée Martin ne souhaite pas que figure dans le rapport annexé cette phrase : « La pression démographique – exercée principalement par l’immigration clandestine – constitue un facteur majeur de déstabilisation du territoire qui met directement en péril la paix civile et la cohésion sociale à Mayotte, affaiblit les services publics et dégrade la qualité de vie des Mahorais. » Or refuser ce constat, c’est méconnaître la réalité de la situation de l’île.
S’il y a plus d’articles consacrés à l’immigration qu’à la santé, c’est parce que nous avons des marges de manœuvre sur le cadre juridique de la première tandis qu’il n’est pas besoin d’articles de loi pour construire un hôpital. Le gouvernement s’engage sur le plan des moyens financiers – à hauteur de 4 milliards d’euros – et sur celui des projets, alors que ni les uns ni les autres n’avaient été précisés jusqu’alors.
Enfin, le titre du projet de loi comprend les mots « pour la refondation de Mayotte ». En faisant porter le débat uniquement sur l’immigration, vous niez les mesures de convergence sociale dont nous allons discuter, qui répondent à une attente forte des Mahorais.
J’émets donc un avis défavorable aux deux amendements. Vous nous faites un faux procès en niant la réalité de l’immigration et en faisant semblant d’oublier ce à quoi le gouvernement s’engage avec de texte de loi.
M. Yoann Gillet (RN). Avec ces amendements, l’extrême gauche tente de gommer toute référence à la submersion migratoire, alors qu’il s’agit du principal problème des Mahorais et que, même s’il n’est pas le seul, il accentue les autres.
Notre collègue d’extrême gauche prétend que, la législation d’exception n’étant pas opérante, le renforcement des mesures de lutte contre l’immigration ne servirait à rien. Or la législation applicable aujourd’hui à Mayotte est bien trop timorée. Elle ne suffit pas, c’est du « en même temps » ! Au Rassemblement national, nous demandons, comme les Mahorais, une vraie politique migratoire de fermeté et sans détour. Il faut que Mayotte retrouve des frontières et que celles-ci soient maîtrisées – et ce n’est pas avec un petit radar que l’on réglera le problème : même lorsque l’ensemble des radars étaient en service, toutes les côtes n’étaient pas couvertes. Il faut taper du poing sur la table, renvoyer systématiquement les clandestins et entamer un véritable bras de fer avec les Comores, qui poussent leurs ressortissants à migrer pour des raisons géopolitiques.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous ne nions pas la réalité, nous disons deux choses : d’abord, qu’il faut changer de stratégie car le fait de repousser les personnes sans respecter leur dignité ni créer de conditions dignes d’accueil ne réglera rien ; ensuite, qu’il y a là une question d’honnêteté. En quoi l’immigration est-elle responsable du fait que 21 % des logements sont précaires et ne disposent ni d’eau ni d’électricité ? En quoi est-elle responsable du fait qu’il n’y a qu’un seul hôpital ?
Vous dites comme toujours que le problème, ce sont les Comoriens, mais Mayotte souffre en réalité d’un délaissement de la part de la métropole depuis des années. La traversée cause 10 000 morts par an. Nous ferions bien mieux d’utiliser autrement l’argent que vous souhaitez consacrer aux technologies de surveillance.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je ne nie pas l’importance du phénomène migratoire à Mayotte, ni ses effets, mais c’est sur la hiérarchie des sujets que nous avons un différend profond : je refuse que l’on fasse primer la lutte contre l’immigration sur la lutte contre la pauvreté.
Si l’on ne lutte pas contre la pauvreté, ceux qui peuvent quitter Mayotte s’en iront. Je suis bien placée pour le savoir car ceux qui ont les moyens de s’acheter un billet d’avion viennent à La Réunion. J’aimerais quant à moi qu’ils ne soient plus contraints à l’exil et qu’ils puissent vivre dignement dans leur territoire. Si vous commencez par lutter contre l’immigration, il n’y aura plus de Français à Mayotte lorsque vous entamerez enfin la lutte contre la pauvreté.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il faut dire les choses clairement : la priorité est effectivement la lutte contre l’immigration clandestine, car celle-ci sature tous les services publics. Vous dites, depuis votre piédestal moral, vouloir lutter contre la pauvreté. Or celle-ci est d’abord celle des migrants comoriens. Il n’est pas possible de lutter contre la pauvreté sans lutter contre l’immigration comorienne. Après le cyclone, les services publics sont allés d’abord vers les habitants des bidonvilles, en majorité étrangers ; cela a posé de très lourds problèmes.
Lorsque vous dites qu’il faut absolument reloger les migrants qui occupent des écoles, alors qu’il n’y a plus un seul bâtiment debout, je m’excuse de vous le dire chère collègue, mais vous êtes sur Mars ! Vous ne comprenez pas la réalité de l’insularité : l’île ne fait que 375 kilomètres carrés et ne peut plus accueillir toute la misère du monde ! Nous n’avons plus d’eau ni d’abris mais vous voudriez qu’on laisse les frontières grandes ouvertes. Il faudrait que Mayotte continue d’accueillir les migrants dont ni la métropole ni La Réunion ne veulent ! Vous faites abstraction de l’instrumentalisation des flux migratoires organisée par les Comores. Par vos amendements, dont l’un tendait à remplacer les Mahorais par les habitants de Mayotte, vous souhaitez donner plus de droits aux étrangers pour valider la stratégie de conquête par l’immigration orchestrée par les Comores. Assumez vos propos : vous êtes la cinquième colonne des Comores à l’Assemblée nationale et vous voulez utiliser le texte pour faciliter la prise de contrôle de notre île.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le sujet est trop grave, madame Martin, pour citer des chiffres erronés. Je ne peux pas vous laisser dire, par ailleurs, que le texte comporte uniquement un volet immigration car c’est faux. Nous allons inscrire dans la loi, et non pas seulement dans une ordonnance, une trajectoire de convergence sociale dès le 1er janvier 2026. Si nous refondons le territoire avec les 4 milliards d’euros annoncés par M. le ministre d’État mais que nous laissons ouvertes les vannes de l’immigration, nous n’y arriverons pas !
Mayotte est un département depuis 2011 et personne ne peut contester le retard pris en termes d’investissements, mais reconnaissez que les efforts sont bien présents aujourd’hui. Nous défendons simultanément les quatre exigences, car c’est ainsi que nous nous en sortirons – vous pourriez d’ailleurs vous réjouir que nous actions enfin la construction du deuxième hôpital tant promis.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL64 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Je propose de compléter l’alinéa 16 car, pour effectuer le travail de planification, nous devons connaître la population de Mayotte et la stabiliser. Qui construit sa maison sans savoir s’il s’agira d’une habitation familiale, d’une auberge ou d’un camping ? C’est pourtant l’exercice auquel il faut se livrer quand on ne connaît pas le nombre d’habitants ! Cet exemple vaut pour tous les sujets : eau, insécurité, utilisation des terres constructibles ou agricoles, santé et enseignement.
Tant que nous ne mettrons pas les moyens nécessaires pour que la France se fasse respecter dans l’océan Indien, nous pourrons toujours discuter, planifier, financer et faire venir des fonctionnaires de métropole, nous serons des Sisyphe. La jugulation de l’immigration est un enjeu de souveraineté pour la France et un droit pour les Mahorais.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’émets un avis défavorable mais je sais que nous partageons le souhait de refonder Mayotte. Vous m’accorderez que nous déployons des moyens considérables pour nous doter d’outils de détection et d’interception, après qu’un grand nombre ont été détruits par le cyclone. Le but est d’avoir un rideau de fer le plus important possible.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Même avis que le rapporteur.
Je voudrais revenir sur le chiffre évoqué précédemment par Mme Martin : selon les estimations, les chiffres varient entre 7 000 et 10 000 morts depuis 1995, et non par an. Chaque année, sous la coordination du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross), les services de l’État sont engagés sur les chavirements de kwassa-kwassa. Chaque mort est évidemment un mort de trop et un drame, mais je tenais à rappeler ces chiffres pour que nous sachions exactement ce dont nous parlons.
M. Yoann Gillet (RN). Les radars et les drones sont des outils nécessaires de protection des frontières, que nous réclamons depuis longtemps, mais je voudrais rappeler quelques vérités. Le plan global de sécurité, de prévention de la délinquance et de lutte contre l’immigration clandestine annoncé en 2016 n’a jamais été réellement mis en œuvre et les radars qu’il prévoyait ne sont jamais arrivés. En 2022, au sein de notre commission, Gérald Darmanin promettait la livraison, au plus tard en 2024, de nouveaux drones. Quelques mois plus tard, j’ai pu constater qu’ils n’avaient été ni livrés ni même commandés. Les gouvernements successifs n’ont rien fait en la matière.
J’espère qu’une prise de conscience va enfin s’opérer mais les propos qu’a tenus hier le ministre d’État ne sont pas de nature à nous rassurer : visiblement, le gouvernement continue de considérer qu’il n’est pas nécessaire que les radars couvrent l’intégralité des côtes. Or cela est bien nécessaire pour lutter contre l’immigration irrégulière mais aussi pour pouvoir sauver les migrants qui tentent la traversée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL449 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je remercie mes collègues corapporteurs, qui ont tous signé cet amendement important.
Initialement, le sujet de la convergence sociale était renvoyé à une ordonnance. Mais nous souhaitons apporter une réponse forte aux Mahorais : pour cela, nous proposons d’inscrire dans le rapport annexé que le montant du Smic net y est porté à 87,5 % du niveau national dès le 1er janvier 2026. Pour accompagner les entreprises, nous élargirons à Mayotte le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour les employeurs d’outre-mer, dit Lodeom – l’île est en effet aujourd’hui le seul territoire ultramarin dans lequel il ne s’applique pas. Je souhaite que chacun mesure l’effort que le gouvernement fait ainsi au niveau interministériel, auquel Manuel Valls a aussi pris toute sa part.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous proposez deux évolutions substantielles. S’agissant du Smic, votre proposition correspond à l’engagement qu’avait pris le gouvernement dans le but de favoriser le travail, tout en étant lucide sur la situation économique et sociale. Le gouvernement partage aussi votre objectif s’agissant du dispositif Lodeom : il correspond au schéma annoncé dans l’étude d’impact. J’émets donc un avis favorable à cet amendement.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Cette mesure est effectivement attendue car il n’est pas normal que le salaire minimal soit différent dans l’un des départements français. Quand bien même les entreprises seront soutenues par l’État, c’est cependant sur elles que pèsera essentiellement cette mesure. À la convergence, je préférerais quant à moi l’égalité – qui n’existe toujours pas –, y compris en matière de prestations sociales. Qu’en est-il des dispositifs de solidarité nationale, comme le RSA ou les allocations familiales ? J’entends bien que la situation de la France n’aidera pas mais nous en sommes en droit d’attendre que l’État fasse aussi un effort sur ce volet.
M. Yoann Gillet (RN). Je voudrais d’abord souligner que Les Républicains n’ont pas pris part au vote de l’amendement précédent, qui portait sur la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte, et que les députés du groupe Horizons ont voté contre. C’est original mais, quant à moi, je ne suis pas très étonné. Et au moins, les Français le sauront.
Je voudrais par ailleurs rappeler, monsieur le ministre d’État, que vous aviez promis en 2015 l’alignement des droits sociaux dans le cadre du plan Mayotte 2025. Or cet alignement ne s’est pas fait : comment vous faire confiance alors que, pas plus que vos prédécesseurs, vous n’avez tenu vos promesses ?
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’alignement du Smic est fondamental pour le pouvoir d’achat des Mahoraises et des Mahorais car, à travail égal, nous ne sommes pas payés comme les autres Français, alors que le coût de la vie est de 150 % supérieur à ce qu’il est dans l’Hexagone. Je soutiens toutes les avancées et l’exonération, au titre de la Lodeom, des cotisations patronales des entreprises à Mayotte est une mesure de justice économique et d’égalité de traitement par rapport aux autres départements ultramarins qui bénéficient de ce dispositif. Nous ne pouvons donc que la saluer.
Cela ne règle pas pour autant la question des prestations sociales non contributives, car le gouvernement reste silencieux quant à un effort qu’il est seul à pouvoir consentir. L’attente est donc forte et légitime, comme l’ont exprimé tous les élus à l’occasion des visites officielles du président de la République, du premier ministre et de membres du gouvernement au lendemain du cyclone Chido. Au moment où notre île a le plus besoin de la solidarité nationale, il est anormal que les prestations sociales non contributives ne soient pas alignées pour Mayotte.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Pourquoi attendre pour garantir une égalité réelle entre le Smic dans l’Hexagone et à Mayotte ? La population mahoraise est frappée de plein fouet par la pauvreté – 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, soit cinq fois plus que dans l’Hexagone, alors que le coût de la vie est plus élevé, les produits alimentaires coûtant en moyenne 30 % et la santé 16,9 % de plus. Cette situation d’inégalité, dont l’État porte la responsabilité, est inacceptable et attendre davantage revient à continuer à la tolérer.
M. Philippe Naillet (SOC). Si nous saluons cette augmentation immédiate du Smic à 87,5 % de son niveau dans l’Hexagone, pour atteindre 100 % au 1er janvier 2031, nous devons aussi être réalistes quant à la soutenabilité de cette mesure pour le tissu économique mahorais, caractérisé par de très petites entreprises, comme je l’ai encore constaté voilà quelques jours.
Augmenter le Smic, c’est bien, mais il faut aussi tenir compte de la « prestation différée » qu’est la retraite. L’augmentation du Smic pose également la question des régimes complémentaires, comme l’Arrco, qui est la caisse de retraite des salariés, et l’Agirc, qui est celle des cadres. De fait à La Réunion, un retraité sur deux perçoit moins de 800 euros bruts par mois. Cette faiblesse des retraites tient à deux causes essentielles : la première a longtemps été le travail informel et la seconde l’arrivée tardive des caisses de retraite complémentaire. Je ne voudrais pas que les Mahorais subissent dans quelques années ce que subissent aujourd’hui les Réunionnais.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Mme Youssouffa a décrit une situation bien réelle : le Smic mahorais est très inférieur à celui de la métropole. Il faut toutefois dire aussi que la société mahoraise n’est pas à deux, mais à trois vitesses, avec une segmentation très forte entre des fonctionnaires qui bénéficient notamment de surrémunérations et d’indemnités de sujétion géographique, des personnes qui bénéficient d’un emploi salarié souvent payé au Smic – lequel est, on l’a dit, inférieur au Smic métropolitain –, souvent précaire et assorti de conditions de travail très défavorables par rapport à la métropole, qu’il s’agisse de médecine du travail ou d’avantages sociaux en entreprise, et une troisième catégorie, qui représente une partie importante de la population, française ou non, en situation régulière ou non, et qui survit parfois avec moins de 200 euros par mois, dans des conditions très précaires et souvent grâce à la solidarité familiale. C’est à cette réalité qu’il va falloir nous atteler pour converger vers un niveau de développement satisfaisant et à la hauteur des attentes de la France.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cet amendement est une réelle avancée. Procéder par paliers doit permettre de rendre cette augmentation nécessaire acceptable par le tissu entrepreneurial – le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (Cpme), que nous avons auditionnés, sont favorables à l’augmentation, tout en nourrissant des craintes qui leur sont propres. Il était donc nécessaire de prévoir en même temps l’application du dispositif dit Lodeom. Nous avons mené la réflexion sur l’Agirc-Arrco et c’est maintenant aux partenaires sociaux de s’en saisir. Nous devrons y être vigilants ensemble.
M. Philippe Gosselin. Je préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. La convergence a été affirmée et réaffirmée, avec des effets positifs dès le 1er janvier 2026, et les prochains articles que nous examinerons expriment une volonté très claire. On ne peut pas à la fois reprocher aux autres de faire du département une exception et considérer qu’il est insatisfaisant de le soumettre au droit commun de la Lodeom. Chacun devra gérer ses divergences et ses difficultés propres.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je souscris à l’analyse de Mme Voynet, et ce qu’elle décrit comme une spécificité de Mayotte est aussi un problème général dans les outre-mer. Je ne dirai rien de la surrémunération, mais ces questions sont très anciennes et font partie des contradictions soulevées dans le discours de Gaston Defferre de 1956 que j’évoquais hier.
Le gouvernement assume le fait de privilégier le travail mais, dès 2026, nous avancerons sur la protection universelle maladie (Puma), sur la complémentaire santé solidaire (C2S) et sur la prime d’activité. Nous envisageons même – je le dis à l’intention de Mme K/Bidi et à celle de Mme Youssouffa, qui nous demande à juste titre de ne pas être silencieux –, de déposer un amendement à ce propos lors de l’examen du texte en séance.
Pour ce qui est du RSA, le premier pas de convergence est prévu, il est vrai, en 2029, avec une fin en 2031.
Quant au vocabulaire, la convergence est le processus dont l’alignement – ou, si vous préférez, l’égalité – avec le territoire national doit être le résultat en 2031. Nous vous avons présenté les chiffres relatifs au Smic qui s’appliqueront dès 2026 et je sais que le rapporteur voudra aussi avancer sur la question des retraites au cours du débat. Nous allons donc clarifier ces points : nous le devons évidemment aux parlementaires, mais aussi et surtout aux Mahorais.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avec cette convergence tant attendue – dont la date a même été ramenée de 2036 à 2031 – le compte y sera pour l’ensemble des prestations sociales. Nous avons la volonté d’envoyer un signe à propos des retraites, comme cela nous a du reste été demandé et comme en ont attesté les auditions. Pour ce qui est des retraites complémentaires du système Agirc-Arrco, ce sont les partenaires sociaux qui ont la main. Entre tout le souhaitable et tout le possible, le chemin emprunté est un chemin vertueux.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement CL73 de Mme Nadège Abomangoli tombe.
Amendements CL148 de M. Aurélien Taché et CL349 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Lorsque l’on vit avec, en moyenne, 260 euros par mois et qu’il y a 260 médecins pour 320 000 habitants, la question n’est pas l’immigration. Sur le plan migratoire, on assiste à un durcissement du droit du sol par comparaison avec ce qui se passe en métropole et à une limitation du droit d’asile, tandis que le placement en centre de rétention est facilité et sa durée allongée, mais cela ne règle rien. Nous vous proposons donc un changement de stratégie. Même si cela ne nous satisfait pas complètement, le plan conjoint de La Valette est évoqué dans le rapport, ainsi que le processus de Rabat, sur lequel il eût toutefois fallu des éléments de bilan plus précis pour objectiver davantage ce qui fonctionne – ou non – et ce qui est nécessaire, et pour voir aussi s’il ne s’agissait pas là de promesses de Gascon – c’est-à-dire si ce processus s’inscrit effectivement dans la réalité.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Il s’agit d’engager le débat pour savoir quel est le problème principal à Mayotte et quelle a été jusqu’ici l’attitude de l’État envers ce territoire. Selon nous, la départementalisation répondait davantage à des volontés géostratégiques de la part de la France qu’à une volonté d’égalité sociale, et c’est malheureusement ce qu’on retrouve dans ce texte, avec l’idée que l’égalité sociale n’est pas pour tout de suite – vous parlez d’ailleurs de « convergence ». Je ne vous conteste pas l’ambition d’améliorer les choses mais, outre la persistance des motifs d’intérêt géostratégique, l’analyse est faussée par l’idée que le problème principal serait l’immigration clandestine. Il faut d’abord souligner qu’après des mois de fermeture du service des étrangers, les seules personnes qui peuvent y accéder depuis sa réouverture sont celles qui ont rendez-vous pour aller chercher leur titre de séjour : celles qui veulent le renouveler ne peuvent même pas le faire, et on les place donc en situation irrégulière.
Je suis opposée aux mesures d’exception, même si les territoires d’outre-mer ont des spécificités, car ces mesures ne se limiteront jamais au domaine régalien et elles toucheront aussi le domaine social. J’ai bien conscience que mon amendement CL349 ne sera pas adopté, mais il permet de préciser notre manière d’aborder le texte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis naturellement défavorable. L’Insee prévoit que la population de Mayotte atteindra 500 000 habitants à l’horizon 2030-2035. Le texte acte enfin un véritable recensement exhaustif, qui permettra de connaître exactement le chiffre de la population – ce qui est un problème pour les collectivités et un sujet de débat à Mayotte, car cela a une incidence sur les ressources.
Nous sommes, nous aussi, attachés au pacte social. Merci d’avoir reconnu qu’un effort de convergence était sur la table et acté dans le temps – ce qui n’était pas le cas auparavant. Nous ramenons le terme de cette convergence du Smic de 2036 à 2031 et nous l’engageons dès 2026 : je ne laisserai pas dire que nous restons les bras croisés et je reconnais humblement en public que Manuel Valls a obtenu des arbitrages que je n’avais pas obtenus.
Quant aux bangas, il faut se demander pourquoi on les utilise. Disposons-nous des capacités d’hébergement, de l’eau et des structures de santé nécessaires ? C’est là que vous faites erreur : il faut fortement resserrer une immigration qui n’est pas compatible avec un mode de développement qu’aucune ville de l’Hexagone ne serait capable d’assurer si elle devait absorber de 10 000 à 30 000 habitants de plus en deux ans. J’ai vu jusqu’à 15 000 enfants non scolarisés : combien seront-ils demain si nous laissons ouvertes les vannes de l’immigration ? On ne peut pas défendre le pacte social que nous avons en partage si on laisse faire cela.
M. Yoann Gillet (RN). Une fois encore, l’extrême gauche nie le problème de la submersion migratoire que subit Mayotte. Il faut être conscients que le chiffre de 500 000 habitants est certainement déjà atteint. La moitié au moins de ces personnes sont étrangères et une grande partie d’entre elles sont présentes irrégulièrement sur le territoire national.
Les Mahorais veulent l’expulsion des clandestins et affichent fièrement leur appartenance à la France. Ils manifestent régulièrement – et les Mahoraises en premier lieu –leur sentiment d’abandon par l’État français face à cette submersion migratoire. Je vous rappelle, collègues d’extrême gauche qu’aux élections législatives de juillet dernier, la gauche et l’extrême gauche ont obtenu moins de 3 % à Mayotte, ce qui signifie peut-être que les Mahorais ont conscience que votre volonté de nier la réalité est nocive pour eux. Lors de ces mêmes élections, une députée du Rassemblement national a été élue à Mayotte, parce que les Mahorais ont bien conscience qu’il y a encore en France des gens qui veulent les défendre et lutter efficacement contre l’immigration.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Il ne fait aucun doute que la terrible situation sociale à Mayotte crée du ressentiment, parfois de la colère, et qu’elle porte parfois à des passions tristes. Il y a une responsabilité des gouvernements successifs de l’État français et d’un processus de départementalisation qui, pendant des années, n’a eu que faire de la situation sociale des Mahorais.
L’erreur, c’est que ce ne sont pas les mesures d’exception et le renforcement des murs et des barbelés qui feront disparaître l’asymétrie entre les Comores et Mayotte. Si vous attendez que l’immigration clandestine baisse pour instaurer enfin des mesures qui ressemblent à de l’égalité, les Mahorais peuvent attendre longtemps, car celles que vous proposez ne vont pas faire baisser l’immigration qui existe à Mayotte : elles vont créer beaucoup plus de précarité. Il faut assumer une chose : plus on fait monter les murs et plus on pose de barbelés, plus il y a de morts – mais il n’y a pas moins d’immigration, parce qu’il y a toujours de l’asymétrie.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Si nous partagions le diagnostic selon lequel la densité de population à Mayotte est bien trop élevée et qu’elle est la source des problèmes sociaux, économiques et civiques qui touche une population dont une bonne partie vit dans des conditions irrégulières – plutôt que « clandestines », car personne n’est clandestin et les immigrants sont bien visibles –, serions-nous capables pour autant d’inventer une façon de lutter contre l’immigration qui ne serait pas une façon de lutter contre les immigrés ? C’est un sacré défi ! Faire en sorte que le bureau des étrangers ne fonctionne pas et que les personnes qui bénéficiaient d’un titre de séjour en soient désormais privées n’est pas une solution de moyen ou de long terme, pas plus que de bouleverser la localisation des bidonvilles.
Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à la question que je vous ai posée hier à propos du bilan des opérations Wambushu et Mayotte Place nette qui, pour l’essentiel, ont consisté à déplacer des gens d’un site à un autre en les renvoyant aux Comores, d’où ils sont revenus dès le lendemain. Le retard de Mayotte en matière de développement et d’emploi ne date pas d’hier et n’est pas très différent de celui des Comores, où il est toutefois amplifié par l’impéritie du gouvernement comorien et par son goût de l’argent. Notre responsabilité est fortement engagée.
M. Philippe Gosselin. La réalité de la faiblesse du tissu économique et social, ainsi que les grandes difficultés liées à la pauvreté sont une réalité que les chiffres nous rappellent, avec 77 % de la population disposant de revenus inférieurs au seuil de pauvreté, mais il faut reconnaître aussi, sans être monomaniaques – et je pense que la gauche peut partager ce point de vue –, que le problème majeur est l’immigration, qui fait que, même si le lien n’est pas absolu, on trouve à Mamoudzou le plus grand bidonville et la plus grande maternité d’Europe. Ces irrégularités, cette surpopulation et cette précarité entraînent notamment une embolisation des services publics tels que l’école et la santé. Il faut donc vraiment s’attaquer à cette immigration.
Quant aux mesures d’exception, elles tiennent au fait que nous connaissons une situation exceptionnelle, extraordinaire, qui n’appelle pas des mesures habituelles.
Je le répète, ce texte ne procède pas d’une vision monomaniaque de notre part : il s’agit bien d’un texte de refondation, avec des convergences sociales et des projets de construction – un port en eau profonde à Longoni, la piste longue, le second hôpital et l’eau. Les enjeux vont plus loin que l’immigration, mais traiter celle-ci en mettant la poussière sous le tapis ne résoudra rien, et, au contraire, amplifiera même les problèmes. Nous devrions donc partager le constat et une grande partie des propositions.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Il est troublant que, dans le rapport, tout ce qui suppose une mobilisation, notamment financière, soit toujours assez vague, renvoyant – certes à l’indicatif – à un futur qui ne précise pas quand cela se réalisera, y compris pour ce qui concerne le matériel de surveillance ou d’interception qui permettrait d’éviter l’arrivée à Mayotte des personnes venant des Comores.
De même, pour ce qui est du plan d’action conjoint de La Valette et du processus de Rabat, les formulations sont relativement vagues. La coopération avec les Comores est pourtant intéressante et relève d’une stratégie différente de celle des murs et des barbelés. La responsabilité des difficultés est donc fortement imputée aux réfugiés et, en matière de planification, le compte n’y est évidemment pas – le risque est même réel que les engagements de coopération, notamment en matière financière, ne soient pas tenus, étant donné qu’ils sont très mal définis.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je ne reviendrai pas sur les éléments stratégiques. Je relisais hier le rapport de la Cour des comptes et de la chambre régionale, de 2022 qui revenait, d’une manière d’ailleurs assez sévère surla mise en œuvre du plan de 2015, et rappelait ce qui a été fait à partir de 2017, avec des points positifs et d’autres qui l’étaient moins, comme l’abandon d’un projet prévu en 2022.
Nous y sommes ! Le texte que nous présentons a un caractère stratégique. Il faut évidemment le consolider avec la convergence sociale et le développement économique, lequel suppose notamment des infrastructures attendues, comme l’aéroport et le port, ainsi que des liens entre ces infrastructures et, au cœur de tout cela, l’école, la santé et le logement. Comme les Mahorais eux-mêmes, vous ne le croirez que lorsque tout cela sera véritablement mis en œuvre, et cela vaut dans bien des domaines de la vie quotidienne.
Madame Voynet, l’opération Wambushu, en 2023, a donné lieu à la destruction de 700 logements informels, à près de 25 000 reconduites à la frontière et à 1 300 interpellations, dont celles de 60 chefs de bande. Quant au plan Mayotte place nette de 2024, il reposait sur le renforcement de la lutte contre la fraude. Il faut rappeler à ce propos une réalité qui pose le problème du rapport avec les Comores : Mayotte est au cœur d’un système d’économie circulaire avec les Comores, reposant sur le travail dissimulé et sur la fraude. Les chiffres que j’ai rappelés montent qu’il existe – et des deux côtés – une économie derrière ces activités. Quand on contrôle les flux financiers qui transitent essentiellement par voie maritime depuis Anjouan, quand on lutte contre le travail non déclaré dans le BTP, contre les marchands de sommeil et contre la pêche ou l’agriculture illégales, on lutte à la racine contre un système qui affaiblit le territoire en le pillant. Ainsi, en 2024, à l’occasion du plan Mayotte place nette, 100 chefs de bande ont été interpellés, 4 200 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière et 600 cases ont été détruites. Ce n’est évidemment pas suffisant et les activités éliminées se reconstituent ensuite, mais on ne peut pas dire que rien n’est fait, que l’État n’a rien fait. Une géographie particulière nous oblige incontestablement à avoir un dialogue ferme avec les Comores. Le problème est extrêmement complexe et il faut donc continuer à mettre en place des dispositifs. J’ai évoqué hier les radars et je préciserai ces éléments, si nécessaire, au cours du débat, sans perdre de vue l’effort qu’il faut continuer à fournir.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous avons parlé de la route des Comores, mais la région des Grands Lacs est aussi une zone d’émigration ; nous travaillons depuis plusieurs années avec le Rwanda et le Burundi, mais aussi avec la Somalie. Les Comores, utilisées comme un territoire de rebond, sont elles-mêmes en discussion avec ces pays pour organiser des opérations de reconduite.
Mme Voynet le sait : plus de 60 % des 11 000 femmes qui accouchent à la maternité de Mamoudzou sont comoriennes.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL144 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). En matière d’immigration, prendre des mesures dérogatoires par rapport à la métropole ne constitue pas une bonne façon de procéder ; c’est pourquoi nous voulons supprimer le titre de séjour territorialisé. Il nous faut également reprendre et approfondir les discussions avec les Comores, qui participent à ce problème, dans le cadre du plan d’action conjoint de La Valette et du processus de Rabat.
Par ailleurs, le principe du droit du sol est pour nous absolument fondamental. Les dérogations concernant le placement en centre de rétention n’ont apporté aucun changement : nous devons travailler différemment, non seulement en proposant un accueil digne, mais aussi en améliorant les conditions de vie dans les pays d’émigration, en collaboration avec eux. Nous préconisons donc un renforcement de l’égalité et des efforts en matière de diplomatie.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable.
Chère collègue, lorsque nous évoquons les relations avec les outre-mer, nous n’utilisons pas le terme de métropole, mais celui d’Hexagone, par respect pour nos compatriotes ultramarins, qui y sont sensibles.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). J’ai utilisé ce terme volontairement !
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous assumons pleinement notre divergence de vues avec vous en matière d’immigration.
Vous évoquez la diplomatie : de nombreux efforts ont été faits ces derniers mois et seront confortés au cours des prochaines semaines. Sans accord avec les pays d’émigration, nous ne parviendrons pas à progresser.
Les Mahorais sont les premières victimes de l’immigration et nous devons nous donner les moyens de les aider. Le titre de séjour territorialisé fera l’objet d’une discussion dans le cadre de l’examen de ce texte.
Les adaptations du droit de la nationalité ont été jugées conformes au principe d’indivisibilité de la République et d’égalité par le Conseil constitutionnel. On ne peut reprocher à ce texte d’être anticonstitutionnel.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Vous avez rappelé à quel point la coopération avec le gouvernement comorien était difficile ; nous ne parviendrons à aucune avancée durable sans la renouveler.
J’avais déposé un amendement visant à évaluer rapidement le plan de développement France-Comores ; puisqu’il est question des relations diplomatiques avec les Comores, j’en profite pour vous demander de communiquer cette évaluation aux parlementaires dans les meilleurs délais.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). J’ai employé le terme de métropole de façon délibérée – ce n’est pas celui que nous employons dans nos amendements –, parce qu’il dit quelque chose du rapport entre un centre et sa périphérie.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes assez critiques à l’égard des intercommunalités ainsi dénommées, qui témoignent de la même réalité : un centre dominant, qui capte les richesses, les emplois et les services publics, et sa périphérie négligée. Les relations entre l’Hexagone et Mayotte reproduisent ce schéma.
M. le président Florent Boudié. Madame Martin, ce terme a une histoire, qui n’est pas tout à fait celle que vous indiquez.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Tu m’étonnes !
M. Philippe Naillet (SOC). Ce texte a pour principal objectif le développement de Mayotte, mais nous ne pouvons faire abstraction de la situation réelle de son plus proche voisin : l’île d’Anjouan, de l’archipel des Comores, n’est distante que de 70 kilomètres.
Il faut évidemment lutter contre l’immigration clandestine, mais nous devons comprendre pourquoi les Comoriens viennent à Mayotte. Le PIB moyen par habitant de Mayotte est quatre fois moins élevé que le PIB moyen par habitant de l’Hexagone, mais le PIB moyen par habitant des Comores est huit fois moins élevé que celui de Mayotte.
Il ne s’agit ni de trouver des excuses au gouvernement comorien ni de reléguer le développement de Mayotte au second plan, mais de tenir compte de la situation réelle des Comores, sans quoi nous ne diminuerons pas les départs et nous ne faciliterons pas les retours.
M. Philippe Gosselin. Comme l’a dit Mme Voynet, il serait intéressant de connaître les résultats de l’évaluation du plan de développement France-Comores. Il est très difficile d’appliquer les accords passés avec les gouvernants comoriens en raison de la duplicité dont ils font preuve.
La proximité géographique de l’archipel explique l’afflux migratoire ; même si Mayotte nous semble économiquement fragile – 77 % des habitants se trouvent sous le seuil de pauvreté –, l’île demeure une oasis au milieu d’une zone de pauvreté. L’accueil des migrants sera d’autant plus digne que l’immigration sera maîtrisée. J’ai déposé un amendement, signé par l’ensemble des corapporteurs, visant à mettre fin, à terme, à la territorialisation des titres de séjour ; ce serait une avancée, mais nous y reviendrons.
Quant au code de la nationalité, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante : outre sa décision de 2018, celle du 7 mai 2025 indique que « […] ces lois ne sauraient avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel toute personne née sur le territoire français a le droit d’accéder à la nationalité française sans restriction. »
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL146 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je me réjouis que, contrairement à notre habitude mais conformément à la demande du groupe LFI, nous commencions l’examen de ce texte par le rapport annexé, qui présente l’orientation du texte, à savoir la lutte contre l’immigration : trente-huit alinéas successifs portent exclusivement sur ce sujet.
Or ce n’est pas la bonne façon de faire : il nous faut rétablir l’égalité en matière de droit, de revenus et de prestations sociales. Nous devons lutter contre la misère et la précarité, plutôt que contre l’immigration.
Cet amendement vise à pointer le caractère xénophobe du texte : l’alinéa 25 établit un lien direct entre immigration et habitat illégal. Or à Mayotte, l’habitat précaire est un problème général qui doit faire l’objet d’un plan d’urgence et d’un investissement massif de la part des pouvoirs publics, afin de garantir un logement digne pour tous.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le rapport annexé compte 320 alinéas au total ; ceux que vous évoquez n’en représentent qu’un dixième, ce qui ramène le sujet à une juste proportion.
Nous avons souhaité, avec le président, commencer l’examen du texte par le rapport annexé, parce qu’il en expose la vision ; je ne peux vous laisser dire qu’elle ne porte que sur l’immigration.
Le lien entre immigration et habitat illégal est avéré. Dans les semaines qui ont suivi l’opération Wuambushu, décidée par Gérald Darmanin, le nombre d’éloignements des étrangers en situation irrégulière a triplé, ceux-ci rencontrant encore plus de difficultés que les Mahorais à se loger.
Avis défavorable.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je n’imaginais pas un seul instant que votre avis serait favorable, puisque ce texte vise à opérer une véritable chasse aux migrants, dans la continuité des politiques des précédents gouvernements.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que je me trompe, mais je peux en dire autant de vous : des études ont montré que deux tiers des ménages habitant un logement précaire avaient à leur tête un adulte de nationalité française ou en situation régulière.
Quant à la fréquence d’utilisation du terme « immigration » dans ce texte, une simple recherche montrerait qu’elle est beaucoup plus importante que ce que vous avancez. Ce texte revendique une politique migratoire opposée à celle défendue par La France insoumise, qui est un mouvement de gauche et non d’extrême gauche comme se plaît à le dire l’extrême droite.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je parlais de l’opération Wuambushu, qui visait des habitants dont les trois quarts étaient en situation irrégulière. Les chercheurs qui s’intéresseront à cette opération aboutiront aux mêmes résultats.
Par ailleurs, pouvez-vous me citer un autre territoire ultramarin comptant plus de 50 % d’habitants en situation irrégulière ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL66 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Il vise à modifier l’alinéa 27 afin de préciser qu’à Mayotte, l’immigration illégale ne compromet pas seulement le pacte social, mais est un sujet existentiel. Il est vital de traiter le problème du respect des frontières et de la souveraineté de la France, ainsi que celui du retour des clandestins dans leur pays.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous venez de l’entendre, je n’ai pas l’intention de minimiser le problème de l’immigration. Ce texte vise à contribuer au renforcement du pacte social, qui est une exigence cruciale – ce que nul ne conteste –, avec un financement de 4 milliards sur neuf ans, soit un effort considérable.
Les contrats de convergence et de transformation (CCT) signés à l’été 2023 représentaient 23 % d’augmentation – soit 2,4 milliards – de l’effort consenti par l’État pour l’ensemble des territoires ultramarins. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL339 de Mme Elsa Faucillon
Mme Elsa Faucillon (GDR). Monsieur le ministre, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, je ne crois pas me tromper en rappelant qu’en 2018, vous apparteniez à la majorité qui a défendu la loi Elan. Or celle-ci prévoit que des propositions d’hébergement d’urgence soient soumises à celles et ceux dont les habitations d’infortune sont concernées par des destructions, ou qui sont eux-mêmes visés par des expulsions, et ce, même si leur situation est irrégulière.
Que les chiffres que vous avancez au sujet de l’opération Wuambushu soient réels ou non, il n’en demeure pas moins que la moitié des foyers habitant les 700 cases détruites n’ont pas bénéficié de propositions d’hébergement d’urgence.
Enfin, la façon même de nommer ces opérations est révélatrice : le choix du nom « Mayotte place nette », en contradiction avec la volonté affichée de s’affranchir des héritages de la colonisation, annonce d’emblée que les droits et libertés fondamentales ne seront pas respectés.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Les conditions de vie dans les bangas sont indignes et encouragent la violence. L’opération Wuambushu a donné lieu à 1 327 interpellations, dont de nombreux chefs de gangs ; elle était indispensable, tant sur le plan sanitaire que sur le plan sécuritaire.
J’entends vos propos relatifs à la loi Elan, et je pourrais à mon tour évoquer la loi Dalo ; ce sont des échecs collectifs, parce que nous nous étions fixé des objectifs quasiment inatteignables.
Tout comme vous, nous souhaitons reconstruire des logements, à Mayotte comme ailleurs dans les outre-mer et dans l’Hexagone. Mais comme il nous faut du foncier pour cela, j’espère bénéficier de votre soutien lorsque nous débattrons de l’expropriation, en particulier d’un nouveau mode d’action apportant une réponse sécurisée pour les résidents.
Avis défavorable.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Ceux-là mêmes qui ont voté en 2018 un engagement normatif nous expliquent désormais qu’ils l’ont fait en sachant qu’il ne pourrait être tenu. Que feront-ils alors des engagements non normatifs pour 2031 figurant dans ce rapport annexé ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je vous invite à prendre connaissance des engagements financiers ; je défends une position exigeante concernant les autorisations d’engagement, les crédits de paiement et l’annualisation. Nous devons nous fixer des objectifs assez élevés, tout en nous efforçant de converger pour les atteindre.
Les objectifs relatifs au logement n’ont pas toujours été remplis, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer. À Mayotte, cet enjeu est encore plus crucial : les bangas sont des habitations illégales, qui présentent des conditions sanitaires totalement inacceptables et qui sont cause d’insécurité. Mme Dominique Voynet, qui a dirigé l’ARS, ne me contredira pas.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL316 de Mme Estelle Youssouffa et CL195 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). La lutte contre l’immigration clandestine joue un rôle central et ses résultats nous importent. Mais à l’impossible nul n’est tenu, a fortiori avec des radars qui ne fonctionnent pas ou qui regardent au mauvais endroit ; avec une base navale absente du rapport annexé, contrairement aux promesses de M. le ministre en commission de la défense ; avec la mobilisation de la marine nationale et de Frontex qui n’est toujours pas d’actualité.
Je ne sais de quel nom swahili de poisson rouge sera baptisée la prochaine opération sortie de l’imagination de la place Beauvau, mais nous, à Mayotte, nous voulons juste stopper l’arrivée des kwassa-kwassa. Dès le lendemain du cyclone Chido, ils étaient de retour ! L’inertie de l’État provoque l’expansion des bidonvilles, facilitée par la déforestation causée par le cyclone. La situation migratoire a empiré.
Quant au relogement, permettez-moi de rappeler qu’après le passage du cyclone, les clandestins ont refusé d’évacuer les bâtiments scolaires qu’ils occupaient, empêchant la rentrée scolaire. Alors que 80 % des bâtiments ont été détruits par le cyclone, comment envisager le relogement sans nouvelles constructions ?
Afin de garantir une plus grande transparence sur ce qui est véritablement effectué, mon amendement vise à prévoir la transmission au comité de suivi de la loi de programmation de l’étude technico-opérationnelle relative à la lutte contre l’immigration clandestine. Prévue dans le rapport annexé, cette étude recense les moyens de surveillance, de détection et d’interception terrestre et maritime.
La situation est critique et les annonces ne suffisent pas : nous avons besoin de la transparence si souvent promise par les gouvernements successifs.
M. Philippe Naillet (SOC). À Mayotte, la lutte contre l’immigration clandestine s’effectue dans des conditions géographiques et logistiques très spécifiques, qui appellent des réponses adaptées.
Le rapport annexé indique qu’une étude technico-opérationnelle relative à la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, réalisée par la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa) du ministère de l’intérieur servira de base à cet effort de renforcement capacitaire. Cette étude technico-opérationnelle devra permettre d’identifier les besoins réels du 101e département en matière de surveillance, de détection, d’interception terrestre et maritime et plus largement d’adaptation des dispositifs à l’environnement local.
Cet amendement vise à préciser que l’étude de la Depsa sera communiquée au comité de suivi de la loi de programmation.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Les moyens humains et techniques ainsi que le calendrier d’action doivent être portés à la connaissance du comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte : il y va de la crédibilité des mesures que nous voulons instaurer pour lutter contre l’immigration. Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL75 de M. Yoann Gillet et amendement CL371 de M. Philippe Gosselin (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). Mayotte subit chaque jour une pression migratoire anarchique, massive et incontrôlée. Je me suis rendu sur place, avant le passage du cyclone Chido : ce que j’y ai vu est sans appel. Les forces de l’ordre sont sous-dotées et débordées par l’ampleur de l’immigration. À seulement 70 kilomètres des Comores, l’île aux parfums est devenue un couloir migratoire : chaque nuit, des dizaines de kwassa-kwassa y débarquent dans des conditions souvent dramatiques, avec leur lot de tragédies humaines et de déstabilisations locales.
En 2023, près de 1 000 kwassa-kwassa ont été détectés ; seuls 67 % ont pu être interceptés, contre 72 % l’année précédente. Ces interceptions s’ajoutent aux plus de 8 600 interpellations effectuées en mer – et ce ne sont que les cas enregistrés ! L’efficacité du dispositif diminue alors que le nombre d’arrivées clandestines explose. Depuis le passage du cyclone, qui a détruit plusieurs matériels, la situation ne s’est évidemment pas améliorée.
Depuis bien longtemps, le Rassemblement national propose de déployer un patrouilleur de la marine nationale dans les eaux internationales – cette mesure figurait dans le programme de Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Cette mesure d’ordre public, de souveraineté et de sécurité n’est pas simplement symbolique : elle est nécessaire. Elle permettrait de décaler la ligne de contrôle en mer en interceptant les embarcations dès leur sortie des eaux comoriennes ou malgaches ; de soulager la flotte locale dépassée par l’intensité des rotations ; de projeter la puissance et la souveraineté de l’État dans une zone maritime sous tension croissante.
M. Philippe Gosselin (DR). Mayotte abrite déjà une base navale, qui accueille de petits bateaux. Pour maîtriser l’espace maritime, il faudrait une installation beaucoup plus importante. Le canal du Mozambique est une zone stratégique. Nous devons absolument acter cet investissement, de moyen et de long terme : il soulève des questions foncières et financières, mais il s’agit d’une pièce majeure de la stratégie indo-pacifique.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’émets un avis défavorable sur les deux amendements.
Monsieur Gillet, il faut renouveler tous les moyens de détection. Nous avons prévu de remplacer tous les radars et d’acquérir de nouveaux outils à même d’améliorer la détection, donc l’interception, en 2025 et 2026 ; de renouveler les bateaux de la gendarmerie maritime et d’en augmenter le nombre. De plus, il existe un projet, inédit, de ponton sur l’îlot Mtsamboro afin d’intercepter les embarcations en amont – ce sera très efficace.
La marine déploie un patrouilleur, qui effectue un travail de détection et de dissuasion. À ce stade, beaucoup de moyens sont déjà déployés.
Monsieur Gosselin, j’entends votre souhait, mais d’une part il existe déjà une base marine à La Réunion – certes, elle est distante de 1 600 kilomètres –, d’autre part un tel projet exige un investissement foncier et financier considérable – on parle de quelque 100 millions d’euros. Nous pourrions l’envisager dans un second temps.
Chido a dégradé ou détruit de nombreux éléments de dissuasion et de détection. Convenez que nous déployons un plan massif de renouvellement à court terme.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Monsieur Gillet, la marine nationale est déjà engagée dans la lutte contre l’immigration clandestine et mobilise régulièrement ses bâtiments.
Nous assistons à une sorte de polyphonie sur le thème : « l’État ne fait rien », dans un sens ou dans l’autre. Or, même si c’est difficile, même si nous sommes encore loin d’atteindre nos objectifs, des actions sont engagées. L’armée, les forces de défense, c’est l’État : nous mobilisons des frégates de surveillance, le bâtiment de soutien et d’assistance et le patrouilleur sympathiquement nommé Le Malin. Un nouveau patrouilleur outre-mer sera intégré à la flotte avant la fin de 2025. Pour des raisons pratiques, il sera basé à La Réunion, où se trouvent des infrastructures de soutien et de maintien en condition opérationnelle sans équivalent dans la zone maritime Sud de l’océan Indien ; il opérera dans cette même zone, notamment dans les Terres australes, dont vous connaissez le caractère stratégique, et dans le canal du Mozambique. Ces bâtiments sont régulièrement déployés aux abords de Mayotte pour mener des opérations de surveillance, à l’instar de Requin, menée début 2025 pour lutter contre le trafic de migrants.
Monsieur Gosselin, la nécessité d’optimiser les moyens des armées impose d’assurer une partie du renfort capacitaire depuis La Réunion. Le ministère des armées a étudié l’installation d’une base navale au port de Longoni, sur Grande-Terre : elle n’est ni soutenable ni cohérente du point de vue technique et opérationnel, notamment en raison de l’absence du tissu industriel nécessaire pour maintenir les bâtiments en condition opérationnelle. Cela ne signifie pas que la question ne pourra pas se poser à l’avenir. Les unités hauturières abritées à la base navale de La Réunion font régulièrement escale à Mayotte – au mouillage de Petite-Terre et au port de Longoni.
L’avis du gouvernement est défavorable sur les deux amendements.
M. Yoann Gillet (RN). Je me félicite que les membres du groupe LR reprennent le programme présidentiel de Marine Le Pen.
Monsieur le rapporteur général, vous balayez d’un revers de main toute nouvelle solution au motif que le gouvernement aurait prévu de renouveler la flotte d’intercepteurs et du matériel. C’est heureux : les moteurs des intercepteurs tournent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce que les constructeurs déconseillent, entraînant une forte usure et la nécessité de les renouveler régulièrement.
Vous vous félicitez de la construction d’un ponton : c’est une très bonne nouvelle et je m’en félicite également. Nous l’avions réclamé il y a deux ans déjà ; ainsi, les intercepteurs n’auront plus à faire le tour de l’île à chaque sortie. Mais ce n’est pas suffisant En fait, vous vous félicitez de rester à moyens constants, et on sait ce que ça donne : les flux de clandestins s’amplifient. Il faut davantage de moyens. Les membres de l’armée, notamment de la marine nationale, réclament un navire dans les eaux internationales pour pouvoir agir concrètement.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Monsieur le ministre, devant les commissaires de la défense, vous avez défendu l’installation d’une base de la marine nationale à Mayotte, mais ce n’est finalement pas possible, d’après le ministre des armées. La seule ligne du gouvernement clairement visible consiste à laisser les frontières de Mayotte grandes ouvertes.
En janvier, le président de la République a demandé une révision de la revue nationale stratégique ; il a nommé Mayotte et affirmé qu’il y avait un problème d’ingérence étrangère. Nous sommes le seul territoire français habité revendiqué par un pays étranger. Celui-ci instrumentalise les flux migratoires, que l’Otan et l’Union européenne définissent comme une menace hybride. Que répond le ministre chargé de la défense du territoire français ? Ne faisons rien, regardons les choses passer ! Il y a un énorme problème.
Je suis fille et sœur de marins : il existait une base à Mayotte – elle a été fermée. Le problème n’est pas qu’on manque de moyens, mais qu’on ne veuille pas les mettre !
Nous sommes face à une déstabilisation d’une partie du territoire national, organisée avec l’appui ouvert des Russes. Maintenant, la Russie et l’Azerbaïdjan, soutenus par les Chinois, déploient des ingérences pour aider les Comores. Et vous dites, devant la représentation nationale : circulez, il n’y a rien à voir, la marine nationale organise déjà des patrouilles. C’est peut-être la seule chose sur laquelle nous sommes d’accord, monsieur le ministre d’État, mais nous en avons discuté avec l’état-major : les quelques jours de mer à Mayotte comprennent aussi les patrouilles aux Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) – il vaut mieux protéger les pingouins que les ressortissants français de Mayotte !
M. Philippe Gosselin (DR). Nous n’avons pas attendu le RN : nous soulevions déjà ces questions au moment de la départementalisation.
Au-delà de la question de l’immigration, nous sommes confrontés à un problème de souveraineté, avec les îles Éparses. Il faut se poser la question de la présence française, non seulement dans la zone économique exclusive (ZEE), mais aussi dans les eaux internationales. Oui, nous devons avoir une base à La Réunion, mais nous devons également avoir des moyens hauturiers suffisants. J’ai bien entendu qu’il y aurait une modernisation des équipements et qu’un nouveau bâtiment arriverait en fin d’année, mais il faut aller au-delà.
Certes, il faut réaffirmer notre souveraineté ; nous devons également être présents là où d’autres le sont – les Russes et les Chinois, mais pas seulement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne me satisfais de rien, monsieur Gillet, j’explique seulement que nous renouvelons le matériel détruit par Chido. Je ne peux pas vous laisser dire que nous travaillons à moyens constants : l’effort est considérable.
Monsieur Gosselin, j’ai dit que cette base pourrait être envisagée à l’avenir. Certes, le plus tôt sera le mieux mais je ne veux pas acter des mesures en sachant que nous ne pourrons pas les appliquer. Il ne serait pas raisonnable en l’état de prévoir une base de la marine nationale à Mayotte ; toutefois, nous porterons votre message.
Successivement, la commission rejette l’amendement CL75 et adopte l’amendement CL371.
Amendement CL346 de Mme Elsa Faucillon
Mme Elsa Faucillon (GDR). Les tentatives de traversée perdureront. On ne peut pas ignorer la question du sauvetage en mer. Avec le pacte sur la migration et l’asile, l’Union européenne fait comme si son immense territoire méditerranéen n’existait pas. Il existe quand il s’agit de prospecter les fonds marins, mais non lorsqu’il est question de sauver des gens en danger de mort dans des embarcations de fortune. Il faut nous mettre en conformité avec le droit maritime et faire en sorte de pouvoir sauver ces personnes d’une part, d’organiser de la prévention aux points de départ, d’autre part. De même, on manque largement de politiques de prévention à Calais, alors que cela pourrait éviter des drames.
On peut ne pas être d’accord sur la manière de traiter la question migratoire, mais j’espère que nous sommes d’accord sur la nécessité d’instaurer des dispositifs pour sauver les gens en train de mourir.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Il y a un protocole de sauvetage : le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Sud-Océan-Indien est basé à La Réunion. Des moyens existent, qu’on peut déployer à tout moment.
On ne peut pas comparer la situation avec celle de la Méditerranée ou de la Manche. En 2023, le Cross a mené 136 opérations de sauvetage – moins que l’année précédente –, contre plus de 1 200 pour le Cross Gris-Nez. Je déplore avec vous les neuf personnes disparues et les quatre décédées, mais la capacité d’intervention existe.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le Cross est situé à 1 800 kilomètres de Mayotte. De plus, les moyens positionnés à Mayotte ne sont pas mobilisés pour effectuer du sauvetage au quotidien.
On l’a compris, le gouvernement des Comores ne fait rien pour limiter le nombre de départs. Par ailleurs, la stratégie des passeurs consiste à saturer les moyens français en envoyant simultanément jusqu’à dix kwassa. Ils expliquent aux gens que s’ils sont arraisonnés en envoyés en centre de rétention, ils pourront reprendre un kwassa sans payer une deuxième fois. Les kwassa prennent donc des risques et les accostages sont très brutaux – des journalistes les ont décrits, ainsi que des témoins, des gendarmes et des policiers. Il y a un travail de fond à mener sur les procédures de sécurité et de sauvetage.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Le Cross a pour mission de secourir les embarcations en détresse ; cela ne fait pas un protocole de sauvetage pour les personnes interceptées. Nous demandons aussi que le protocole soit respecté dans la Manche. Que se passe-t-il quand les personnes sont ramenées sur le rivage ? Les laisse-t-on en hypothermie ? Les pompiers sont-ils suffisamment nombreux pour intervenir ? Voilà les questions qu’on doit se poser ; pour y répondre, il faut un protocole et de la documentation : on ne peut pas prétendre s’intéresser à l’immigration et ignorer que des gens traversent et peuvent se trouver en détresse.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Personne ne conteste la nécessité d’organiser le sauvetage en mer. Mais on ne doit pas alimenter l’idée que les forces de l’ordre qui s’embarquent sur le lagon pour sauver les clandestins ne font pas leur travail. Leur mission première est non l’interception mais le sauvetage et ils la remplissent, au péril de leur vie. Les vidéos et les témoignages le montrent : les passagers des kwassa et les passeurs sont de plus en plus agressifs, ils tapent et menacent de renverser leur bateau ou celui des forces de l’ordre plutôt que de stopper leur opération. Non seulement les forces de l’ordre vont au-devant du danger pour sauver les clandestins, mais ils se font agresser. Ne faisons preuve ni d’angélisme ni de naïveté : l’État français ne laisse pas les gens couler ; ce sont les autorités comoriennes qui encouragent et qui facilitent le trafic humain – il est kafkaïen de travailler avec elles.
La déconnexion avec la réalité du terrain est ici totale. Moi, je remercie les gendarmes et les policiers ; ils sont mal payés, ils travaillent dur, dans des conditions difficiles – ils sont en mer, au soleil ou sous la pluie et le vent –, avec un matériel qui n’est pas au niveau, mais ils accomplissent des sauvetages, au péril de leur vie.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Merci d’avoir rappelé le travail formidable des forces d’intervention et de secours.
Madame Voynet, on sait comment sont organisés les Cross. On détourne les bateaux qui sont à proximité. Dès qu’il y a le moindre risque, a fortiori si le passager d’une embarcation court un risque vital, ils interviennent. Nous pouvons donc remercier ceux qui s’y emploient au quotidien, qu’ils œuvrent pour le Cross de la Manche, pour celui de la Méditerranée ou pour celui du Sud de l’océan Indien.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de onze heures vingt à onze heures quarante.
Amendements CL340 de Mme Elsa Faucillon et CL145 de Mme Sandrine Nosbé (discussion commune)
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous sommes opposés à la restriction du droit du sol. Ce serait un recul fondamental, pour Mayotte en premier lieu. De plus, les débats relatifs à la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte ont montré que le danger pouvait s’étendre à tout le territoire.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable sur les deux amendements. Vous voulez supprimer l’alinéa 42, qui affirme que, sur le sujet du droit du sol, le gouvernement soutient la restriction des conditions d’accès à la nationalité française. Malgré les modifications de 2018 et de 2025, l’acquisition de la nationalité par le double droit du sol demeure possible, dans les mêmes conditions que dans l’Hexagone. Le juge constitutionnel a validé par deux fois ces dispositions. Lorsque des mineurs acquièrent la nationalité française leurs parents peuvent obtenir un titre de séjour, ce qui les protège de l’éloignement et leur ouvre le bénéfice des prestations sociales. Cela étant, nous lutterons contre les reconnaissances frauduleuses.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL129 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il tend à inscrire dans le rapport annexé la nécessité de lutter conjointement contre l’immigration clandestine et contre les ingérences étrangères des Comores, notamment en suspendant le concours financier de l’Agence française de développement (AFD). Nous devons impérativement faire cesser toute aide financière et toute coopération avec un État qui, refusant de reconnaître que Mayotte est française, conteste les frontières de la République. Avec le soutien de l’État, le Parlement avait décidé de retirer toute aide financière aux pays qui luttent contre la France.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’entends vos préoccupations. Toutefois, nous dialoguons avec les Comores. Le rapport annexé évoque largement les actions de coopération entre nos États, notamment pour la modernisation de leur état civil et le renforcement capacitaire des garde-côtes. Si nous suspendons notre soutien, les flux migratoires augmenteront.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous avons fait le choix du dialogue. Le couper n’est pas la bonne manière de faire : cela aggraverait la situation sans permettre d’avancer. Certes, le dialogue a ses limites, mais c’est toujours le cas. J’ajoute que mettre fin aux relations n’empêchera pas les ingérences étrangères. Même si nous manquons d’une évaluation précise du cadre de coopération, il semble bénéfique de favoriser un état civil plus rigoureux.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Depuis que nous avons accordé une aide financière aux Comores, le nombre des reconduites à la frontière a augmenté : il y a encore plus d’immigration clandestine. Les ministres chargés des affaires étrangères qui se sont succédé l’ont reconnu. Ainsi, l’échec de l’aide au développement des Comores est avéré. En cette période d’austérité budgétaire qui ne dit pas son nom, il est délirant de continuer à financer un État qui conteste la souveraineté française et qui a organisé une alliance avec la Russie, la Chine et l’Azerbaïdjan pour accentuer la pression sur Mayotte. C’est de l’argent public mal dépensé.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il est difficile d’interpréter le nombre des reconduites à la frontière. Il y a sans doute toujours beaucoup d’arrivées, mais des personnes sont arrêtées dans les bidonvilles, dans la rue, parfois à proximité des établissements de santé ou scolaires, pour être reconduites, alors qu’elles résident à Mayotte depuis un moment.
Arrêter toute coopération serait contre-productif. Néanmoins, un bilan lucide et exigeant de la coopération avec les Comores est urgent, car indispensable pour savoir si elle a un effet sur la qualité de vie des populations et sur les traversées du bras de mer, ainsi que pour détecter la corruption, l’évaporation de l’argent, les doublons et peut-être l’inefficacité de certains aspects de cette politique.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Vous avez raison, des tentatives d’ingérence étrangère cherchent à déstabiliser nos territoires – dans l’Atlantique, le Pacifique, l’océan Indien, particulièrement à Mayotte.
Je vous renvoie à l’alinéa 112 du rapport annexé selon lequel « l’État sera particulièrement vigilant face à toute tentative d’ingérence étrangère ou de développement du fondamentalisme religieux visant à déstabiliser le territoire et mettre en péril la paix civile à Mayotte. » Les dangers sont clairement identifiés.
Notre politique d’investissement durable et solidaire ne s’inscrit pas seulement dans une logique de développement. Elle doit être une composante essentielle de notre stratégie migratoire, en s’attaquant aux causes profondes des migrations, en soutenant les capacités des États partenaires à lutter contre les trafics et les filières ainsi qu’en créant les conditions de retours et de réadmissions plus efficaces.
Cette approche a été confirmée lors du comité stratégique des migrations de janvier 2023, qui réunissait les ministères de l’intérieur et de l’Europe et des affaires étrangères. Elle est inscrite dans la stratégie interministérielle « migrations et développement » 2023-2030. Elle est rappelée dans le courrier adressé conjointement par les ministres de l’intérieur, des outre-mer et de l’Europe et des affaires étrangères au directeur général de l’Agence française de développement (AFD) le 11 janvier 2024. Cet objectif prioritaire a été réaffirmé par le Conseil présidentiel pour les partenaires internationaux, qui s’est tenu en avril dernier.
Les Comores figurent parmi les quinze pays prioritaires de notre stratégie migratoire faisant l’objet d’une attention spécifique et d’un dialogue régulier, même si ce dialogue peut être difficile ou rude parfois. Je l’ai constaté une nouvelle fois à Madagascar il y a quelques semaines, à l’occasion de la Commission de l’océan Indien. Vous connaissez les propos qu’y a tenus le président de la République en réponse aux déclarations inacceptables du président des Comores.
Néanmoins, la rupture pure et simple des relations donnerait, me semble-t-il, plus d’arguments encore à ceux qui veulent continuer l’épreuve de force avec la France à travers Mayotte. Il faut faire preuve de clarté et de détermination mais tenter encore le dialogue, notamment par le biais de l’aide au développement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL76 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Mayotte est à la croisée de deux failles majeures : la pression migratoire explosive et une politique diplomatique défaillante.
Chaque année, des milliers d’étrangers en situation irrégulière arrivent sur ce territoire français, souvent au péril de leur vie. L’obstacle invisible que constituent les difficultés de reconduites à la frontière des États d’origine comme les Comores, Madagascar et certains pays de la région des Grands Lacs est intolérable.
Les Comores, dont les ressortissants représentaient en 2019 la quasi-totalité des étrangers présents à Mayotte et dont les dirigeants contestent ouvertement notre souveraineté sur ce territoire, reçoivent 252 millions d’euros d’aide publique au développement. Pour quels résultats ? En 2019, date de la signature du document-cadre de partenariat renouvelé, la France avait reconduit plus de 27 000 clandestins ; aujourd’hui, elle peine à atteindre 25 000. Moins d’expulsions, plus d’argent public, voilà ce qu’a produit cet accord.
Pire encore, les Comores bloquent régulièrement leurs frontières pour empêcher les retours et se livrent à un chantage diplomatique permanent, auquel notre gouvernement cède année après année.
Nous proposons une mesure de fermeté et de bon sens, consistant à « conditionner la délivrance de tout visa pour Mayotte à l’engagement effectif des pays tiers en matière de reprise de leurs ressortissants en situation irrégulière ».
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Reconnaissez que la situation est différente de celle que connaît l’Hexagone avec les pays du Maghreb.
Le projet de loi apporte des réponses aux difficultés que vous pointez : d’une part, le rapport annexé mentionne le développement d’accords bilatéraux avec les pays de départ – des discussions sont en cours avec la Tanzanie tandis qu’un protocole existe déjà avec la République démocratique du Congo. D’autre part, l’article 6 ouvre à Mayotte l’aide au retour volontaire. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL409 et CL410 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL 355 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement vise à obtenir la révision de la doctrine d’interception des embarcations.
Les kwassa-kwassa se sont organisés pour arriver de manière groupée dans une zone particulière pendant que des émeutes à terre mobilisent les forces de sécurité. Ils saturent ainsi un dispositif de sécurité déjà bien faible à Mayotte.
Le pushback est bien pratiqué dans la Manche. Pourquoi ne l’est-il pas à Mayotte ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le rapport annexé mentionne les nouveaux moyens qui seront consacrés à la détection et à l’interception.
La création d’une zone d’attente sur l’îlot de Mtsamboro à l’horizon 2027 en vue de ne pas admettre sur le territoire les étrangers interceptés en mer ou à l’issue de débarquements sauvage et l’installation d’un nouveau local de rétention administrative de quarante-huit places en 2026 pour les interpellations à terre permettront de renforcer les capacités d’éloignement. Votre amendement me semble donc satisfait.
M. Manuel Valls, ministre d’État. La nouvelle stratégie en matière de lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte est fondée sur trois principes. Le premier est une anticipation accrue pour les détections en mer, qui repose sur le développement de moyens technologiques formant le fameux rideau de fer. Après le rétablissement des capacités de détection avec le soutien des armées, les services du ministère de l’intérieur ont mené une étude technico-opérationnelle en vue de la création d’un système de détection le plus performant possible, composé de radars, de caméras et de balises. Le rapport annexé fait référence au projet, dont le déploiement a commencé en 2025 et doit se poursuivre jusqu’en 2027. Le système doit permettre de détecter la totalité des flux maritimes, de les différencier et de les intercepter grâce à un doublement des moyens nautiques et des équipes qui les utilisent. Depuis le début d’année, les vols de surveillance de jour comme de nuit se sont intensifiés.
En ce qui concerne les radars, contrairement à ce que j’ai entendu, quatre dispositifs légers couvrant un rayon de 9 milles nautiques ont été déployés et deux radars d’envergure le seront entre fin 2025 et janvier 2026, portant la capacité à 30 milles nautiques. Pour être pleinement opérationnel, le dispositif s’appuie aussi sur les aéronefs, qui sont dédiés à 100 % à la lutte contre l’immigration clandestine, les drones optroniques, les intercepteurs nautiques et l’ensemble des effectifs qui y sont affectés.
Le deuxième principe est une meilleure coordination des moyens nautiques par la création d’un état-major opérationnel permanent, comprenant des officiers de liaison. Il permettra à terme de soutenir le PC de l’action de l’État en mer et de faire le lien entre les opérations maritimes et terrestres.
Le troisième principe est le développement du renseignement, en lien avec les forces armées de la zone sud de l’océan Indien. Afin d’améliorer l’anticipation, une cellule d’échange de renseignements sur le trafic de migrants sera installée avant cet été. Cette structure s’inscrit dans le plan de lutte contre les filières et les passeurs. Le renseignement doit permettre d’anticiper les départs depuis l’Afrique et les Comores afin de rendre plus opérationnels les dispositifs d’interception en mer.
Ce dispositif est appelé à monter en charge sur le plan technologique et humain. C’est ainsi que nous réussirons à être plus efficaces.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Je m’étonne de l’usage de l’expression « rideau de fer » alors que celui-ci a coupé le monde en deux pendant des décennies.
Vous pourrez inventer les murs les plus hauts et les technologies les plus pointues, vous n’empêcherez pas les gens de quitter leur pays car ils fuient la misère et l’absence de perspectives. Tant que nous ne serons pas capables de leur apporter des solutions, le désir de venir en France restera une réalité.
Dernière question : combien tout cela va-t-il coûter ? Je ne parle pas seulement de l’investissement, mais aussi des coûts de fonctionnement et de maintenance des nombreux équipements prévus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL321 de M. Charles Fournier
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’instruction gouvernementale du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles ne s’applique pas en outre-mer. L’amendement vise à y remédier.
Ce texte ne se contente pas d’organiser l’évacuation des occupants, il s’inscrit dans une démarche plus globale, qui inclut l’accompagnement des habitants.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous le savez, l’habitat illégal et insalubre est bien plus présent à Mayotte qu’ailleurs. Mamoudzou est ainsi le plus grand bidonville d’Europe.
Le projet de loi offre des moyens exceptionnels pour faciliter la reconstruction et disposer enfin du foncier – j’espère que nous y arriverons tous ensemble. Il n’est pas question de mettre de côté le relogement ni l’accompagnement social, mais une course de vitesse est engagée : tant que nous n’aurons pas jugulé l’immigration, tant que nous n’aurons pas les capacités de logement nécessaires, nous ne pourrons pas satisfaire les préoccupations que vous mettez en avant. Avis défavorable, bien que je partage l’objectif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL77de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). La résorption de l’habitat informel à Mayotte n’est pas une affaire de logement mais l’urgence sanitaire, sociale et sécuritaire la plus criante de France. Ce qui se passe à Mayotte n’est pas digne de la République : 39 % des logements sont informels, 60 % sans confort sanitaire de base et 1 000 bangas supplémentaires voient le jour chaque année. En 2024, le gouvernement recensait près de 30 000 baraquements de fortune, ils sont sans doute bien plus nombreux aujourd’hui, sachant par ailleurs que les chiffres concernant Mayotte sont souvent sous-estimés.
En décembre 2024, le cyclone Chido a tout ravagé sur son passage. Pourtant deux semaines plus tard, les bidonvilles étaient reconstruits. M. le rapporteur se félicitait tout à l’heure de l’opération Wuambushu au cours de laquelle quelques centaines de bidonvilles avaient été détruits, mais c’est oublier qu’ils ont été reconstruits en plus grands nombre. On ne peut donc pas vraiment parler d’un succès, mais il n’y a rien de très étonnant à ce flop quand on sait que le ministre Darmanin tenait alors les rênes de l’opération.
Cet amendement de bon sens vise à clarifier le texte pour coller à une réalité faite de tôle, de ravines, de précarité et d’un sentiment croissant d’abandon.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne me suis pas félicité, je me suis borné à rappeler les chiffres. Je sais parfaitement que les habitations illégales ont été reconstruites.
Je vous donne raison, l’opération d’intérêt national doit concerner l’ensemble du territoire de Mayotte afin d’apporter des solutions durables. Je suis donc favorable à l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL197 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de transmettre aux élus locaux concernés le contenu détaillé de l’opération d’intérêt national (OIN) et de les associer à son élaboration, à son pilotage ainsi qu’à son suivi.
À Mayotte, la précarité des logements constitue un défi majeur, aggravé par la multiplication des constructions informelles. La violence du cyclone Chido a révélé la vulnérabilité extrême d’un habitat largement insalubre. Les opérations telles que Wambushu ou Place nette se sont révélées peu – pour ne pas dire, pas du tout – efficaces pour résorber l’habitat illégal.
L’opération annoncée mobilise des moyens dérogatoires, une ingénierie d’État et des outils juridiques spécifiques. Il est fondamental que les élus mahorais et les parlementaires du cent unième département soient pleinement associés à sa mise en œuvre, afin d’assurer une coordination efficace entre l’État et les collectivités locales souvent démunies pour intervenir – manque d’ingénierie, de compétences urbanistiques, de capacités techniques.
La transmission du contenu de l’OIN et l’implication des élus du territoire sont des conditions indispensables pour accélérer les opérations et assurer leur mise en œuvre coordonnée.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous, les élus locaux doivent être associés à l’OIN. Rien ne pourra se faire sans eux.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je reviendrai en séance sur l’amendement précédent. La transmission du contenu de l’OIN est bienvenue mais il faudra prioriser les actions à mener : on ne pourra pas s’atteler à la résorption des bidonvilles de façon simultanée sur l’ensemble du territoire. Certains endroits doivent être traités de façon prioritaire, en raison de risques de glissement de terrain, d’inondation ou de tsunami par exemple.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CL342 de Mme Estelle Youssouffa et CL199 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement tend à créer à Mayotte un observatoire pour surveiller et étudier l’activité du volcan sous-marin Fani Maoré, qui est apparu en 2018. Cet événement géologique unique en son genre suscite l’intérêt des scientifiques du monde entier.
L’installation d’un tel établissement serait utile pour donner aux jeunes Mahorais la chance d’étudier le phénomène scientifique, mais aussi pour développer une expertise locale et une politique de protection de la population.
M. Philippe Naillet (SOC). Mayotte connaît une activité sismique depuis mai 2018. Plusieurs centaines de milliers de séismes ont été enregistrés par le réseau sismologique, dont plusieurs ont été ressentis par la population. Le volcan sous-marin de Fani Maoré, situé à une cinquantaine de kilomètres de Petite-Terre, est à l’origine de cette activité.
Actuellement, la veille est effectuée par l’Observatoire du piton de la Fournaise à La Réunion. Chacun comprend bien que ce n’est pas tenable. Compte tenu des enjeux scientifiques et des risques pour la population, il est essentiel que Mayotte dispose d’une équipe dédiée.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’activité du volcan est suivie par le réseau de surveillance volcanique et sismologique de Mayotte (Revosima), qui publie chaque mois un bulletin d’information. Vous avez raison de souligner le risque sismique mais il est déjà pris au sérieux. Votre demande est satisfaite.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Pour assurer la sécurité des populations au regard des risques et mieux appréhender le phénomène, le tableau de programmation prévoit de soutenir le réseau mentionné par le rapporteur ainsi que le projet Marmor (Marine advanced geophysical research equipment and Mayotte multidisciplinary observatory for research and response). Ce dernier comprend l’installation d’un observatoire câblé sous-marin, capable de surveiller en temps réel, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept l’activité sismo-volcanique exceptionnelle qui affecte Mayotte depuis 2018.
Si j’ai bien compris ce qui m’a été présenté dans le cadre du sommet de l’Unoc (conférence des Nations unies sur l’océan) il y a deux jours, l’aspect sismique inquiète davantage que l’aspect volcanique. Je laisse les scientifiques travailler sur ce sujet.
Le Bureau de recherches géologiques et minières dispose à Mayotte d’une équipe de sept personnes basée à Mamoudzou et qui est spécialisée dans la gestion des eaux souterraines, la géologie, la connaissance du sous-sol, les risques, l’aménagement du territoire, ainsi que la transition énergétique et le développement de la géothermie.
La flotte de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) est prête pour des campagnes de très grande qualité afin de répondre aux inquiétudes légitimes que rappelait Mme Youssouffa.
Les amendements me semblent satisfaits.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL200 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Il est proposé de mettre en place à Mayotte une réserve nationale. Pourquoi ? Afin de tirer les conséquences des défaillances dans l’organisation des premiers secours lors du cyclone Chido, il paraît essentiel de prépositionner des moyens nationaux de la sécurité civile sur le territoire mahorais compte tenu des difficultés d’acheminement des secours et des matériels. Mayotte ne peut pas dépendre de la réserve nationale située à La Réunion.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’installation d’une réserve nationale nécessite des infrastructures de stockage, dont Mayotte n’est pas dotée à l’heure actuelle. Le territoire mahorais dépend de la réserve basée à La Réunion. Vous avez constaté, comme moi, lors du drame de Chido, la mobilisation exceptionnelle des secours.
Votre demande me semble prématurée puisque les conditions ne sont pas réunies. J’émets donc un avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL149 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous voulons insister sur le fait que le problème de Mayotte n’est pas lié aux migrations.
Le chapitre s’intitule « Protéger les Mahorais face à l’insécurité ». Par quelque incongruité, le terme d’immigration y figure. Une fois encore, le gouvernement cherche à faire croire que l’insécurité est liée à l’immigration. On le voit depuis le début de nos débats, le Rassemblement national, c’est-à-dire l’extrême droite, se réjouit de l’occasion qui lui est donnée de pouvoir alimenter son discours selon lequel tous les immigrés, les étrangers, les sans-papiers, les irréguliers, etc. sont forcément des délinquants.
Nous voulons supprimer les mots « en lien avec la lutte contre l’immigration irrégulière » parce que nous sommes persuadés que la reconstruction de Mayotte, dont la lutte contre l’insécurité est un élément, passe d’abord par des politiques sociales ambitieuses, des moyens humains renforcés et non par la stigmatisation d’une partie de la population.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous avons un désaccord de fond sur ce point, estimant pour notre part qu’il existe un lien entre l’immigration irrégulière et l’insécurité. Les élus locaux et les Mahorais tiennent eux-mêmes un discours complètement différent du vôtre, je peux en témoigner après avoir auditionné le président du conseil départemental, l’association des maires et de nombreux élus locaux. On ne réglera pas l’insécurité si l’on met de côté la part qui revient à l’immigration irrégulière. Avis défavorable.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Quelles études montrent un lien entre insécurité et immigration ? Les immigrés n’étant pas accueillis dignement, ils plongent dans la précarité, ce qui provoque de la délinquance. Pour le résoudre, il faut prendre le problème à la racine en offrant un accueil digne aux immigrés. Nous tenons ce discours à chaque débat sur l’immigration. Nous sommes en profond désaccord et, je le répète, vous vous retrouvez avec l’extrême droite à accréditer cette vision dangereuse tendant à faire de toute personne étrangère forcément un délinquant, un criminel. Il faut changer de vision pour obtenir une amélioration de la vie dans ces territoires. Il y a déjà eu par le passé des politiques de restriction d’accès aux droits. Cela a-t-il fait chuter la délinquance et l’insécurité ? Pas du tout. Il faut donc revoir complètement la copie.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je voudrais rappeler à mes collègues la réalité de la violence à Mayotte : nos enfants vont à l’école sous la protection des gendarmes ; on donne des moyens pour blinder les bus scolaires et ceux qui transportent les soignants ; des quartiers entiers sont submergés de bombes lacrymogènes parce que les forces de l’ordre font face à des hordes de centaines de personnes masquées, cagoulées et armées de machettes qui vont à l’assaut des propriétés privées et des habitants, afin de chasser ces derniers et prendre le contrôle de l’île. Plus de 70 % des personnes mises en cause et arrêtées par la police nationale et la gendarmerie sont étrangères à Mayotte. Plus de 70 % des affaires jugées au tribunal concernent des étrangers. Plus de 70 % des personnes incarcérées sont des étrangers. À Mayotte, le lien entre insécurité et immigration n’est pas imaginaire. Continuer à nier cette réalité constatée sur le terrain, c’est vivre au pays des bisounours. Depuis l’enfer où nous sommes plongés à Mayotte, nous vous disons d’arrêter parce que ce que vous faites nous met tous en danger et alimente l’insécurité que nous subissons. Vous alimentez un discours d’impuissance et d’impunité qui est dangereux, scandaleux, inadmissible et sans corrélation avec la réalité du terrain. Nous, à Mayotte, nous vous demandons d’arrêter de propager ce discours, d’être dans la négation totale des faits et de notre réalité.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Madame Taurinya, la situation de Mayotte est exceptionnelle. Un habitant sur deux est issu d’une immigration irrégulière. Nous avons mobilisé la réserve sanitaire à de nombreuses reprises et je n’oublierai jamais la manière dont il a fallu protéger nos soignants, toutes les difficultés qu’il a fallu vaincre pour qu’ils puissent rejoindre l’hôpital alors que leurs véhicules étaient caillassés et interceptés. Je n’oublierai jamais ces images. Je suis en total désaccord avec vous.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je ne conteste pas la divergence de vues sur ce terrain, mais je voudrais rectifier les chiffres. S’il est vrai que la délinquance est importante à Mayotte, elle est assez largement partagée dans toutes les communautés. Il est hasardeux d’affirmer que les caillassages sont uniquement le fait des étrangers en situation irrégulière. Il est faux d’affirmer que ceux-ci représenteraient 70 ou 75 % des personnes incarcérées car le taux est plutôt de 50 %, ce qui fait dire au préfet que, s’agissent de la délinquance, les Mahorais ne laissent pas leur part aux chiens.
M. Philippe Gosselin (DR). Contrairement à ce que vous dites, madame Voynet, nous ne sommes pas dans une proportion de 50-50, la part des étrangers est très importante et voisine de 70 %. Nous ne sommes pas monomaniaques : le texte comporte d’autres mesures qui ne se rapportent pas à l’immigration. Mais allez voir le maire de Mamoudzou, chers collègues, vous verrez ce qui remonte des habitants. Allez voir les bangas. Nous n’inventons pas les difficultés. Il y a bien un lien entre immigration et insécurité. Peut-être n’est-il pas systématique à 100 %, mais on ne va pas ergoter pour quelques pourcentages. La réalité est que Mayotte affronte une difficulté existentielle en raison de l’immigration. Tant que nous ne l’aurons pas maîtrisé, ce phénomène jouera au détriment des Mahorais, mais aussi de ceux qui sont entrés de façon régulière sur le territoire. Tout le monde est pénalisé. Il faut prendre des mesures exceptionnelles et ne pas passer ce lien sous silence.
Mme Anchya Bamana (RN). Je confirme les chiffres énoncés par ma collègue Estelle Youssouffa et je conteste le discours de Mme Voynet. De toute façon, nous avons toujours été en désaccord concernant l’ampleur de l’immigration illégale à Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je confirme mes propos précédents je maintiens mon avis défavorable.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Loin de moi l’idée de donner des leçons car il est difficile d’aborder ces débats sans passion, mais il y a des réalités : 64 % des personnes incarcérées à Mayotte sont étrangères et pratiquement toutes de nationalité comorienne – 323 sur 334. Si je donne ce chiffre, ce n’est pas pour stigmatiser une population, mais pour souligner le lien évident entre l’immigration clandestine et la délinquance. Il revient à l’État de s’attaquer aux causes de cette immigration illégale et à ceux qui l’exploitent. Une sorte d’économie circulaire s’est développée entre les Comores – en particulier l’île d’Anjouan – et Mayotte, donnant naissance à des flux financiers de plusieurs dizaines de millions d’euros. Quand on ne maîtrise pas la situation, faute de cadre – y compris au niveau des familles –, on peut se retrouver avec des bandes qui posent de nombreux problèmes que déplorent les élus, quelle que soit leur tendance politique. Il ne s’agit pas de stigmatiser une population, mais il ne faut pas non plus nier la réalité comme le font les auteurs de ces amendements.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL353 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous voudrions que l’État s’engage à nommer un préfet maritime rattaché à Mayotte. Un préfet maritime coordonne l’action de l’État en mer, c’est-à-dire l’action de la marine nationale avec celle des affaires maritimes, des douanes et de la gendarmerie, afin d’organiser la défense des droits et intérêts nationaux, le maintien de l’ordre public, les secours et la sécurité maritime, la protection de l’environnement et la lutte contre les activités illicites en mer. Compte tenu des enjeux à Mayotte, cette nomination serait opportune. Pour une fois, la France honorerait ses outre-mer auxquels elle doit la majeure partie de son espace maritime, ce qui fait d’elle la deuxième puissance maritime mondiale. Il y a trois préfets maritimes, localisés à Brest, Cherbourg et Toulon. Pour une fois, Mayotte pourrait être un territoire pionnier. Puisque vous nous annoncez une montée en puissance de l’action de l’État en mer, autant y aller franchement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous souhaitez une coordination encore plus efficace de l’action de l’État en mer à Mayotte. Jérôme Malet, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, compte l’action de l’État en mer au nombre de ses missions. Nul doute qu’il s’en acquitte avec un engagement de tous les instants. Votre souhait me semble satisfait.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Un préfet maritime défend les droits et intérêts nationaux, ce qui ne se limite pas à la lutte contre l’immigration clandestine, mais comprend aussi le secours, la sécurité maritime et la protection de l’environnement. Le préfet de Mayotte est à la tâche et fait son travail, mais un préfet maritime aurait autrement plus de pouvoir. Dans l’organisation de l’État, il ne dépendrait pas du secrétariat général. Il s’agit d’une mission très différente, à la hauteur des défis auxquels fait face Mayotte.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL80 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, les forces de l’ordre sont en première ligne : lutte contre l’immigration clandestine, violences urbaines, trafics, agressions. Le contexte est dur, les tensions sont constantes et la pression sécuritaire ne faiblit pas. Il convient d’ailleurs de saluer le professionnalisme des forces de l’ordre qui travaillent dans des conditions difficiles. Et pourtant, ceux qui assurent la sécurité de nos compatriotes ne sont pas traités à la hauteur de leurs engagements : le coût de la vie est exorbitant, notamment en raison de loyers démesurés ; les transports sont saturés ; les services de base sont difficiles d’accès. Alors qu’ils font preuve d’un grand courage, les policiers qui acceptent de venir en mobilité sur l’île se retrouvent seuls face à des conditions de vie précaires. Pire encore, les personnels administratifs et les policiers adjoints, pourtant indispensables au fonctionnement des services de sécurité, ne bénéficient d’aucune indemnité équivalente à celle versée aux titulaires. L’existence d’un deux poids deux mesures est inacceptable : c’est injuste et contre-productif dans la mesure où cela nuit à la fidélisation des équipages, à la cohésion des services et à l’ancrage local. Dans un département où l’insécurité est l’une des premières préoccupations de la population, nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir des effectifs tournants, découragés et fragilisés. Nous proposons donc une mesure de justice et d’efficacité : revaloriser les dispositifs d’indemnisation des policiers en mobilité et surtout les étendre aux personnels administratifs et aux policiers adjoints.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Tous les fonctionnaires, en particulier ceux qui viennent de l’Hexagone, devraient pouvoir bénéficier de la revalorisation d’indemnités préconisée, sachant que le niveau des rémunérations est très différent à Mayotte afin d’y attirer les candidats. De surcroît, vous oubliez les gendarmes dans votre amendement. Comment pourrait-on revaloriser les indemnités des seuls policiers sans l’étendre aux autres forces de l’ordre ? Vous oubliez aussi les agents qui travaillent dans les hôpitaux. Il faut avoir une réflexion globale. Ce projet de loi, qui contient un article important concernant la mobilité des fonctionnaires et les carrières, apporte des réponses. Nous souhaitons bien sûr aller plus loin, mais, en l’état actuel des choses, nous faisons déjà passer quelques signes positifs par le biais de ce texte.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Beaucoup de professionnels interviennent à Mayotte. On ne peut pas regarder seulement les policiers et oublier les professeurs, par exemple. On ne peut pas non plus oublier une donnée mise en évidence dans un récent rapport de l’Observatoire des inégalités : les outre-mer, en particulier Mayotte et La Réunion, font partie de ces territoires où la différence entre ceux qui gagnent le plus et ceux qui gagnent le moins est la plus importante. Lorsque l’on s’engage à revaloriser les rémunérations des fonctionnaires, on ne doit pas se focaliser sur la police ni oublier qu’il faut réduire les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres. À Mayotte, c’est un défi tant les salaires les plus faibles sont peu importants.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL334 et CL358 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement CL334 a pour objectif d’instaurer de nouveaux dispositifs de lutte contre l’immigration clandestine. Les ballons d’observation de type T-C60 permettraient d’offrir une couverture aérienne étendue et persistante, essentielle pour la surveillance des zones critiques. Cette technologie avait été déployée au Sahel. Par sa capacité à offrir une vue d’ensemble en temps réel, elle compléterait les moyens navals et terrestres sur place en augmentant le champ de surveillance.
L’amendement CL358 prévoit la création d’une cour d’appel dans un délai de cinq ans après la promulgation de la présente loi. Actuellement, les justiciables de Mayotte doivent se rendre à la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion pour les dossiers complexes ou les recours. En 2022, quelque 1 200 affaires relevant de la compétence d’appel de Mayotte ont été transférées à La Réunion, avec un délai moyen de traitement de dix-huit à vingt-quatre mois pour les affaires civiles et de douze mois pour les affaires pénales.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous avons déjà débattu du renforcement des moyens de surveillance et d’interception maritimes. Citons l’étude de la mise en œuvre de bases avancées pour l’interception en mer. Citons aussi le renouvellement de l’ensemble des radars et la poursuite de l’acquisition de moyens optroniques, balises et drones. L’effort est réel et programmé pour 2025-2026. Cet amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.
J’en viens à votre demande de création d’une cour d’appel à Mayotte. Dans la loi de programmation, il est déjà prévu de créer une cité judiciaire, un centre éducatif fermé et un deuxième centre pénitentiaire, pour un montant de quelque 400 millions d’euros. Si ces trois équipements sont construits dans les cinq ans, nous aurons fait œuvre utile. Pour concrétiser cette ambition, les parlementaires doivent être associés de façon étroite au suivi de ce texte qui, je l’espère, sera adopté. Nous aurons aussi à régler le problème du déficit d’attractivité du territoire pour les magistrats : le procureur de la République nous indiquait que sur les trois postes de juge des libertés et de la détention (JLD), un seul était actuellement pourvu. Construisons déjà ce qui est prévu, ce qui devrait renforcer l’attractivité et contribuer à pourvoir les postes. Il sera alors possible d’envisager la création de la cour d’appel que vous appelez de vos vœux.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL78 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Le centre pénitentiaire de Majicavo est le plus saturé de France : conçu pour 278 détenus, il en accueille plus de 650. En début d’année 2024, l’établissement a même atteint un triste pic de 678 prisonniers, soit un taux d’occupation de plus de 244 %. Il y a donc quatre ou cinq détenus par cellule, parfois plus, ce qui n’est pas sans conséquences. Il y a quelques mois, le centre a été le théâtre d’une mutinerie massive et d’une prise d’otages nécessitant l’intervention du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Je m’en souviens bien car j’étais sur place à l’époque. Je voudrais d’ailleurs rendre hommage aux agents pénitentiaires et aux personnels du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui tiennent malgré tout. Jusqu’à quand vont-ils tenir ? Actuellement, il n’y a que six personnels pour suivre plus de 600 personnes détenues à Majicavo. Qui peut croire qu’une telle situation soit tenable ? En 2022, le gouvernement avait promis la construction d’un deuxième centre pénitentiaire. Trois ans plus tard, le chantier n’a toujours pas commencé. On nous l’annonce désormais pour 2027, mais Mayotte n’a pas quatre ans devant elle. Nous proposons donc une chose simple : dire clairement et inscrire dans ce texte que les travaux seront lancés sans délai. Au passage, j’incite à écouter les professionnels. Le centre pénitentiaire de Majicavo a été conçu sans tenir compte des demandes légitimes des professionnels de l’administration pénitentiaire, et son architecture s’est révélée peu cohérente avec la réalité au quotidien.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Pour construire cet établissement dans les meilleurs délais, il faut un terrain disponible. Vous allez donc voter pour l’article 19 qui prévoit des dispositifs dérogatoires aux procédures d’expropriation afin de construire plus vite ! Il reste des délais incompressibles. Les financements sont inscrits dans la loi de programmation et le chantier doit démarrer en 2027. Ensuite, il faudra que l’ingénierie suive. Je suis bien placé pour savoir que le processus peut être long, même dans l’Hexagone : dans ma ville de Châteaudun, huit ans se sont écoulés entre le début et la fin de la construction du centre de détention. À Mayotte, nous allons aller beaucoup plus vite. J’imagine que vous serez au rendez-vous de l’exigence.
M. Philippe Gosselin (DR). S’agissant de ces nouvelles constructions, il faut en effet envoyer un signal. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la question peut se régler en quelques mois. Outre la disponibilité foncière, qui pose aussi problème dans l’Hexagone, il faut une vraie volonté politique. À cet égard, je signale que le plan 15 000 places de prison est devenu un plan 18 000 places grâce à des amendements du groupe Les Républicains. Or ce plan a pris énormément de retard, et pas seulement dans l’Hexagone. Sans faire des promesses parfois compliquées dans d’autres départements ultramarins, il serait bon que nous puissions tenir l’engagement. Je prends cet amendement comme un amendement d’appel. Comme beaucoup de Mahorais et de responsables, je m’associe à cet appel.
M. Romain Baubry (RN). Vous allez pouvoir démontrer votre volonté politique de faire accélérer ce chantier. La situation sur place est explosive. Les conditions de travail des personnels et de détention des prisonniers sont déplorables. Il y a des agressions tous les jours. Il ne faudrait pas qu’un nouveau drame se produise au sein de l’administration pénitentiaire pour prendre enfin la mesure de la situation. L’adoption de cet amendement serait un signal politique fort.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL330 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). À Mayotte, le système judiciaire et carcéral implose en raison des promesses non tenues et des retards accumulés, notamment en matière d’investissements, et il explose sous l’effet de la violence. Le début des travaux de la cité judiciaire est prévu en 2025, mais rien n’a commencé. Le lancement du chantier d’un centre éducatif fermé est aussi prévu en 2025, mais rien n’est prêt. Le début des travaux d’un deuxième centre pénitentiaire, doté de 400 places, est prévu en 2027. Les cyclones ont pu occasionner certains retards, mais il faut reconnaître que les promesses avaient été faites bien avant et que rien n’avait avancé. Nous demandons donc que, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un calendrier prévisionnel du déroulement des travaux ainsi qu’une programmation budgétaire soient communiqués au comité de suivi de la loi de programmation de refondation de Mayotte. Il est nécessaire d’agir en transparence, de manière rationnelle et raisonnable.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Madame Youssouffa, je suis d’accord avec vous. Je suis favorable à votre amendement. On ne peut pas faire des programmations sans que la représentation nationale et les élus locaux soient informés.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Il est vrai que les trois projets auxquels vous avez fait référence – la cité judiciaire, la deuxième prison et le centre éducatif fermé – sont très attendus. Nous avons déjà communiqué un certain nombre d’éléments, mais il me semble effectivement important de donner le maximum de visibilité aux parlementaires et aux Mahorais sur le calendrier des travaux et la programmation budgétaire.
Je suis donc moi aussi favorable à votre amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL345 de Mme Elsa Faucillon
Mme Elsa Faucillon (GDR). Je précise d’abord que si l’amendement CL358 tendant à créer une cour d’appel était de nouveau mis aux voix, nous le voterions.
Quant au CL345, il est vrai qu’il contient une forme d’affirmation politique. Nous n’avons pas abusé de ce type d’amendements au rapport annexé – je crois que nous n’en avons déposé que deux –, dont je me satisfais d’ailleurs que nous l’examinons dès maintenant : cela permet de mieux contextualiser les débats et de connaître les orientations de chaque groupe.
En l’occurrence, il s’agit de pointer le fait que l’État français s’est bien trop peu préoccupé des questions d’égalité et de la qualité de vie des Mahorais et des Mahoraises, les enjeux stratégiques l’emportant sur l’intérêt porté à la population. Nous appelons donc à un changement radical. Or, à la lecture du texte, nous ne pouvons que constater le caractère non normatif des engagements en matière sociale et le caractère très normatif, au contraire, de toutes les mesures répressives liées à l’immigration irrégulière, cette dernière étant souvent utilisée comme prétexte pour ne pas régler les questions sociales.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. « Hier la colonisation, aujourd’hui la départementalisation, profite plus à nos intérêts stratégiques qu’à la qualité de vie des Mahorais et des Mahoraises. » Proposer d’ajouter cette phrase au rapport annexé est un peu provocateur, et même malhonnête, dans la mesure où ce texte signe l’effort considérable que nous faisons.
Nous faisons tous les mêmes constats. Aucune voix divergente ne s’est élevée pour nier les retards, la pauvreté immense dont souffre Mayotte, ni le fait que les enjeux relatifs à la cherté de la vie ou à l’accès à l’eau y sont encore plus cruciaux que dans le reste du pays. En revanche, affirmer que les intérêts stratégiques l’emportent sur le soutien à la qualité de vie des Mahoraises et des Mahorais n’est pas juste. Vous êtes naturellement libre de le dire, mais je m’oppose avec force à cet amendement.
M. Philippe Gosselin (DR). Je trouve moi aussi cet amendement provoquant, en ce qu’il me semble porteur, en quelque sorte, d’un procès colonial qui n’a pas lieu d’être ici. Vous cherchez à opérer un distinguo entre la France hexagonale et le reste du territoire. Or Mayotte, c’est la France. Les deux sont inséparables : c’est l’histoire des sultans batailleurs et de la départementalisation, une histoire qui est loin d’être achevée.
Nous sommes plusieurs, dans cette salle, à connaître le dossier et à être allés suffisamment souvent dans le territoire pour n’avoir aucune leçon à recevoir : nous aimons les Mahorais, nous travaillons dans leur intérêt, comme dans celui des Français. Au détour de cette phrase, il y a une petite provocation à laquelle il est normal que nous répondions, mais par laquelle nous ne nous laisserons pas piéger. Nous ne pourrons évidemment pas voter un tel amendement.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Au-delà de votre combat contre la colonisation et en faisant abstraction du fait que nous, à Mayotte, avons été consultés et avons voté pour rester français, ce que nous sommes depuis 1841 – ce qui signifie que vous utilisez notre île pour propager un discours qui ne nous est pas applicable –, vous vous permettez d’insulter le combat des Mahoraises et des Mahorais qui, depuis les années 1940, se sont battus pour la départementalisation.
Des hommes et des femmes ont versé leur sang, se sont battus, puis ont voté pour la départementalisation. Ce combat, c’est celui de notre ancrage dans la République et de l’égalité. Utiliser notre île, bafouer la mémoire de nos anciens, s’asseoir sur le vote des Mahoraises et des Mahorais pour faire votre propagande, c’est aller très loin dans la négation totale de ce qu’est Mayotte française et du combat qu’il a fallu mener pour en arriver là.
Que nous ne soyons pas satisfaits de notre qualité de vie et de nos difficultés d’accès aux droits, personne ne le nie. Mais cette situation n’est due ni à la départementalisation, ni à la colonisation. Si vous prétendez vouloir défaire les statuts qui sont le fruit du vote et du combat des locaux, c’est que votre volonté de respecter la démocratie est à géométrie très variable. Comptez-vous nous décoloniser à l’insu de notre plein gré ? Nous avons voté, mais vous entendez nous expliquer que nous sommes quand même malheureux, comme si vous saviez mieux que nous ce qui est bon pour nous. Venant de gens qui se gargarisent de leur attachement au consentement et de leur lutte contre les visions coloniales, c’est tout de même très fort ! On est en plein dans ce que vous dénoncez par ailleurs : vous arrivez de l’extérieur pour nous dire comment nous devons vivre et choisir, alors que nous avons déjà voté. Mayotte est pleinement française, et nous nous sommes battus pour qu’il en soit ainsi. La départementalisation fut le choix des citoyens éclairés et libres que nous sommes.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). J’invite nos collègues à relire attentivement l’amendement : il ne s’agit pas de remettre en cause la départementalisation – quoi que nous en pensions par ailleurs – ni la citoyenneté. Seulement, puisque nous réaffirmons ici l’appartenance de Mayotte à la France, permettez que nous parlions en tant que représentants de la nation française, donc des Mahorais et des Mahoraises – sauf si vous considérez que certains méritent davantage de les représenter que d’autres.
Nous nous permettons donc de soutenir cet amendement, qui n’est pas une provocation, mais un reflet de l’histoire et de la réalité. Y a-t-il eu une colonisation ? Oui, et pas uniquement à Mayotte. Y a-t-il eu une départementalisation ? Oui. Qu’y a-t-il de provocateur à rappeler ces faits et à souligner que notre pays, au-delà de Mayotte, est l’héritier de ces processus historiques ? Ce ne sont pas uniquement les députés des groupes GDR et LFI-NFP qui le disent : divers chercheurs expliquent que l’ensemble des territoires dits ultramarins subissent encore des inégalités structurelles du fait de cette histoire. Voilà ce que tend à rappeler cet amendement, qui ne vise nullement à remettre en cause la citoyenneté de nos compatriotes, mais à reconnaître notre histoire. L’Assemblée nationale s’honorerait à reconnaître cette réalité plutôt qu’à la nier.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Si, encore une fois, nous n’avons pas abusé de ce type d’amendements, nous avons des choses à dire sur la manière dont l’État français traite Mayotte et ses habitants. Il ne s’agit absolument pas d’une provocation. Comment nier que Mayotte est le département le plus pauvre de France ? La provocation, en réalité, c’est le fait que 42 % de sa population vive avec moins de 160 euros par mois ; qu’à peine un tiers des Mahorais et des Mahoraises aient accès à un emploi ; qu’une grande partie d’entre eux vivent dans des bidonvilles insalubres. Voilà autant de provocations de l’État français vis-à-vis de ces citoyens !
On ne peut pas non plus nier que la colonisation, puis la départementalisation – dont je ne nie pas qu’elle ait été voulue par les Mahorais et les Mahoraises –, répondait d’abord à des intérêts stratégiques et géostratégiques. Ne cherchez pas des sous-entendus là où il n’y en a pas : mon amendement est parfaitement explicite. Il s’agit, non pas de remettre en cause la départementalisation, mais de rappeler très clairement les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée – conditions qui, malheureusement, perdurent.
Je ne me prononce pas sur le futur. Si des choses s’améliorent, tant mieux : nous aimerions que les engagements pris dans le rapport annexé, comme celui relatif au Smic, soient tenus, contrairement à ceux qui figuraient dans la loi Elan de 2018. Permettez-nous, toutefois, d’avoir quelques doutes, dans la mesure où tous les engagements pris au cours des dernières décennies ont été largement défaits.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Pour m’exprimer régulièrement sur ces questions, d’abord comme citoyen passionné d’histoire et désormais comme ministre, j’estime que tout ce qui a trait à la mémoire, à l’identité et aux rapports de la France avec ses territoires ultramarins doit être abordé avec lucidité, mais aussi avec une forme de courage, notamment s’agissant de l’esclavage ou de la colonisation.
Je n’ai aucun problème à soulever ces questions : lorsque j’évoque la Nouvelle-Calédonie, je n’hésite pas à souligner que nous sommes toujours dans un processus de décolonisation ; quand je parle de la vie chère et de ses stigmates, je n’élude pas le poids de l’esclavage et de la colonisation dans les Antilles. Je remarque aussi qu’il existe des histoires différentes, qui ne sont pas appréhendées de la même manière selon les territoires concernés.
Ces questions doivent être abordées avec les élus, avec les parlementaires de ces territoires et surtout avec les sociétés qui les composent. Je relisais récemment un magnifique texte d’Aimé Césaire qui, à l’occasion du centenaire de l’abolition de l’esclavage, en 1948, rendait un superbe hommage à Victor Schœlcher, dont certaines des statues ont été mises à terre alors qu’il est l’un des plus beaux visages de la République.
Nous pouvons parfaitement traiter de ces sujets. Le problème de votre amendement, c’est qu’il nous éloigne de cette démarche. En affirmant qu’« hier la colonisation, aujourd’hui la départementalisation, profite plus à nos intérêts stratégiques qu’à la qualité de vie des Mahorais et des Mahoraises », vous mettez sur le même plan la colonisation et la départementalisation. Or cette dernière, comme l’a rappelé Estelle Youssouffa, répondait à une demande très puissante de la société mahoraise. J’ai ainsi été très touché d’entendre un vieil élu de Mayotte nous dire à tous deux : « La France, c’est la liberté. »
Chaque territoire a son histoire. Celle qui nous lie à la Nouvelle-Calédonie, par exemple, est celle d’une prise de possession d’une très grande violence, que Victor Schœlcher, alors en exil, a d’ailleurs condamnée. L’histoire de Mayotte est très différente, d’où cet attachement profond à la France et l’absence des mouvements indépendantistes qu’on a pu observer ailleurs.
La départementalisation a été un long combat pour marquer cet attachement et cette relation avec la France. En expliquant qu’elle profite davantage aux intérêts stratégiques de la France qu’à la qualité de vie des Mahorais, vous suggérez que ceux qui la défendent, c’est-à-dire la large majorité d’entre eux, ne le font qu’au nom de ces mêmes intérêts.
Ces intérêts stratégiques existent, évidemment. Les Mahorais exigent d’ailleurs de la France qu’elle intègre davantage Mayotte dans sa réflexion stratégique pour l’océan Indien, d’où les amendements relatifs aux questions de défense que nous avons examinés. Ils nous accusent souvent de les avoir abandonnés, non seulement face à leurs difficultés économiques et sociales – il y a là une part de réalité que je ne peux pas nier –, mais aussi face aux influences étrangères, notamment celle de leur voisin, les Comores, qui ne reconnaissent pas le choix de Mayotte de rejoindre la France. En ouvrant ce débat, vous prêtez le flanc à l’idée selon laquelle – pardon d’être brutal – vous défendez non pas les intérêts de Mayotte, mais ceux de ce voisin.
Cet amendement est donc très gênant tant du point de vue historique que du point de vue stratégique. C’est pourquoi je m’y oppose totalement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Lorsqu’on est passé par la rue Oudinot, on sait à quel point la question de la colonisation est difficile et violente. La départementalisation, en revanche, c’est l’émancipation, la liberté, la possibilité donnée aux Mahorais de choisir des élus à même de conduire des politiques publiques. Je rappelle également que nous nous apprêtons à donner davantage de moyens au département, qui est appelé à devenir un département-région. Même si personne n’en parle, cette évolution institutionnelle et la montée en compétence qui l’accompagne ne sont pas anodines, pas plus que ne l’est l’argent que l’État compte déployer pour mieux accompagner Mayotte.
Enfin, les Mahorais expriment depuis 1974 leur souhait de rester français, parce qu’ils y trouvent un intérêt stratégique et parce qu’ils éprouvent de l’amour pour ce pays. Nous n’oublierons jamais Mayotte. Mayotte, c’est la France.
La commission rejette l’amendement.
2. Deuxième réunion du mercredi 11 juin 2025 à 15 heures
Lien vidéo : https://assnat.fr/nNHCKO
Rapport annexé (suite)
Amendements identiques CL331 de Mme Estelle Youssouffa et CL201 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement vise à préciser la durée d’engagement du bataillon temporaire de reconstruction de l’île déployé par le ministère des armées et à s’assurer que les 350 à 400 militaires mobilisés au service des Mahorais le restent pour au moins les dix-huit prochains mois, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2026. La reconstruction ayant pris du retard, les besoins en effectifs seront particulièrement intenses en 2026 et il nous semble important que ces hommes et ces femmes précieux, qui s’engagent au service de notre île, puissent continuer à intervenir notamment lors des moments les plus critiques.
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement a le même objectif : l’engagement de ces soldats est précieux pour Mayotte, alors que la situation sociale, sécuritaire et humanitaire reste précaire. Pour qu’il produise pleinement et surtout durablement ses effets, cet engagement doit être maintenu pour plusieurs mois au moins.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable. Nous connaissons le travail formidable effectué par les militaires, en particulier depuis le passage du cyclone Chido. Les services du ministre m’ont indiqué que ce bataillon avait vocation à rester à Mayotte au moins jusqu’au début de l’année 2026. Par cet amendement, nous affirmerons notre volonté de faire en sorte qu’il y reste plus longtemps.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL69 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). J’en reviens à la question de l’eau. Trois préfets se sont succédé depuis 2023. Ils gèrent la pénurie en trouvant normal de maintenir la population sous le régime des coupures tournantes. Qu’est-ce qui ne va pas dans la tête de nos gouvernants pour trouver normal de laisser des citoyens français sans eau ? Est-ce parce que nous sommes loin ? Est-ce parce que nous sommes pauvres ou moins français que les autres ? Il n’existe pas un seul département français dans lequel le préfet et les services de l’État ne prennent de repos tant que les habitants manquent d’eau.
Le plan Eau Mayotte promet la fin des coupures pour 2027 au moins. D’ici là, je plaide pour la recherche de solutions temporaires et mobiles afin de pallier le manque d’eau jusqu’à la mise en service de la prochaine usine de dessalement d’eau de mer.
Vous allez, monsieur le ministre, me répondre que ces solutions coûtent cher et que l’État n’a pas d’argent. J’entends cet argument, mais j’entends surtout que nous, Mahorais, ne sommes pas des citoyens français comme les autres. Osez me dire qu’un seul membre du gouvernement se permettrait de donner la même réponse à un habitant des Côtes-d’Armor ou de l’Ardèche. Je ne vous mets pas personnellement en cause. Chacun obéit aux ordres à la place où il est ; mais entendez notre colère face à cette difficulté de vie. Les Mahorais doivent avoir de l’eau, d’où cet amendement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous avons déjà eu cette discussion et le ministre d’État vous a, me semble-t-il, répondu. Vous savez combien je suis sensible au problème de la crise de l’eau, pour avoir été aux côtés des Mahorais, en particulier en 2023, avec des résultats que nous percevons aujourd’hui – vous ne pouvez pas les nier : le nombre de forages a augmenté et la capacité de l’usine de dessalement a été portée à 9 000 mètres cubes par jour, la construction des deux usines de dessalement débutera dès que le volet foncier sera maîtrisé et les trois réserves collinaires sont désormais pleines.
Je sais votre attachement au projet de bateaux de dessalement, qui pose toutefois un problème de maîtrise technologique. Je ne considère pas que votre proposition soit à balayer d’un revers de main. Étant donné les circonstances, nous ne pourrons toutefois pas mener tous les projets en même temps. Nous allons accélérer ensemble le plan Eau initié en 2023 et le réactualiser dans le cadre de ce projet de loi, en lui allouant un montant de 730 millions d’euros d’ici 2031. J’imagine que votre vigilance sur le sujet sera totale. Cela permettra de réaliser les infrastructures nécessaires. J’ajoute que les militaires ont déjà beaucoup travaillé à la réparation de très nombreuses fuites.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL70 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Cet amendement concerne la protection de la forêt. Encore un effet de bord des conséquences de la surpopulation migratoire à Mayotte : une fois arrivés sur le littoral, les clandestins gagnent les collines et les zones boisées pour y monter des habitats de fortune, des bidonvilles. Ils ont ensuite besoin de faire la cuisine et fabriquent du charbon en coupant le bois alentours. Ils défrichent pour pratiquer la culture maraîchère, pour vivre ou plutôt survivre.
Ces têtes de collines sont pourtant vitales à l’écosystème fragile de l’île. Elles protègent la terre au sol et préviennent du ravinage et de l’érosion. Si nous continuons à laisser nos collines se dénuder, la terre de Mayotte va se retrouver dans le lagon. Le processus a déjà commencé. Érosion, pénurie de ressources, impacts sur la biodiversité : les conséquences de la destruction des têtes de collines sont nombreuses et néfastes.
Je ne réclame pas ici un nouveau label de certification de la protection des collines. Je demande qu’elles soient vidées de leurs squatteurs afin que la nature puisse reprendre ses droits et continuer à protéger les cultures et les habitations des ravages de l’érosion. La protection stricte de ces zones est un enjeu de survie du territoire.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je souscris à votre idée de sanctuariser les collines boisées et de faire en sorte que la protection environnementale soit une exigence. Il n’est toutefois pas possible d’effectuer une telle démarche de façon individualisée. Il faut élaborer un plan d’ensemble. Le schéma de développement et d’aménagement régional (Sdar) devrait être rénové dans les vingt-quatre prochains mois et intègrera naturellement le volet environnemental. Des sujets comme ceux du trait de côte ou de la préservation des récifs coralliens et des collines boisées constituent un ensemble, qu’il faut traiter comme tel. Je suis, tout comme vous, soucieux de cette exigence, mais j’estime que cela ne peut s’effectuer de façon individualisée.
Il appartiendra aux élus locaux, qui élaborent notamment les schémas directeurs, d’agir dans ce domaine. Ne demandez pas à l’État de faire ce qui revient aux élus. C’est là le principe même de la décentralisation.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL323 de M. Charles Fournier, amendements identiques CL344 de Mme Estelle Youssouffa et CL202 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Dominique Voynet (EcoS). Cet amendement, que je vais retirer, avait pour objet d’appeler votre attention sur la difficulté de concilier l’implantation d’équipements indispensables à l’amélioration de la vie des populations et la protection de l’environnement.
Il se trouve que le site d’Ironi Bé, sur lequel l’usine de dessalement sera bientôt construite, est un lieu précieux d’habitat du crabier blanc, une sorte de petit héron d’un demi-mètre de haut dont il existe au plus 800 couples dans le monde. Cette construction fait donc courir un risque d’extinction imminente à cette espèce qui ne se reproduit que dans quatre sites à travers le monde, dont Mayotte.
Le projet date d’avant le cyclone et les associations étaient fortement mobilisées pour obtenir des compensations ou éviter une emprise trop forte de l’usine de dessalement sur le milieu. Mais Chido a tout changé et nous ne pouvons pas, compte tenu de l’urgence et de la gravité des problèmes d’accès à l’eau à Mayotte, revenir sur cette décision.
L’amendement est retiré.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il s’agit de préciser, par prudence, que la deuxième usine de dessalement sera installée sur le site d’Ironi Bé « ou tout autre site alternatif ». Ce projet, qui devait débuter en mai 2025 pour une livraison prévue en 2027, vient en effet de recevoir un avis défavorable de l’autorité environnementale, qui refuse de donner son accord sur les travaux en mer.
J’ai, depuis l’annonce de ce projet, alerté sur son caractère incroyablement écocide. Mayotte possède le plus grand lagon fermé au monde, véritable joyau de biodiversité. Personne ne conteste la nécessité de produire de l’eau potable mais cette usine de dessalement rejettera dans le lagon des eaux concentrées en sel qui y resteront. Cela explique certainement l’avis défavorable de l’autorité environnementale.
Malgré les alertes, l’État a refusé, par radinerie, de construire un tuyau permettant de rejeter ces eaux ultraconcentrées en sel hors du lagon. Ainsi, ce projet d’usine, fondamental pour Mayotte et sa population, présente à terme un risque pour la survie même de l’écosystème de l’île. Il permettrait certes d’avoir de l’eau, mais dans une île devenue inhabitable. Le lagon sert en effet de protection en cas de tsunami et abrite une faune et une flore exceptionnelles, notamment dans la mangrove. Or le projet d’Ironi Bé est mené quelles que soient les objections et les réserves exprimées par les acteurs conscients des enjeux environnementaux.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je réponds favorablement à ces deux amendements.
Sanctuariser un seul site sans avoir, par prudence, repéré un autre site serait une erreur qui engendrerait encore de nombreux mois de retard.
Vous constaterez, madame Bamana, que notre exigence est d’apporter une réponse la plus sécurisée possible. J’imagine donc que cet amendement recevra votre assentiment.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL67 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Mon précédent amendement avait tout son sens, puisque l’avis défavorable relatif au site actuellement choisi va encore repousser l’échéance de 2027.
Le présent amendement concerne la question de la récupération des eaux de pluie, justifiée par la pénurie que connaît Mayotte. Le plan Mayotte 2025 l’évoquait déjà.
Il n’est par exemple pas possible de faire venir de l’eau de Madagascar ; seules les importations de bière sont autorisées. Nous marchons sur la tête avec nos normes folles. Les coupures d’eau continuent et nous vivons dans une situation que vous ne supporteriez pas, ne serait-ce que quelques jours.
Chido est passé par là ; tout est à reconstruire. Cette reconstruction doit passer par la systématisation de la récupération des eaux pluviales. Il en avait été question lors de la loi d’urgence. L’examen de ce projet de loi nous offre l’occasion d’y revenir. Les sanitaires, le jardin, le nettoyage des maisons n’ont pas obligatoirement besoin de fonctionner avec de l’eau du robinet. La récupération domestique des eaux pluviales est un moyen qu’il faut valoriser. C’est une politique facile à mettre en œuvre qui donnera des résultats rapidement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à cet amendement, même si je partage l’idée selon laquelle la récupération massive des eaux pluviales est un enjeu. Une politique publique peut en effet être conduite par le département. Il ne faut pas toujours demander à l’État de se substituer aux collectivités locales. Il existe des outils de contractualisation, parmi lesquels les contrats de convergence et de transformation (CCT). Je suis persuadé que l’État apporterait son soutien si un plan massif était déployé sur le sujet.
Une réponse a déjà été apportée dans le domaine de l’eau, avec un financement des infrastructures par l’État à hauteur de quasiment 100 %. Quelque 730 millions d’euros vont ainsi être mobilisés d’ici 2031. Vous m’accorderez que jamais un tel effort n’avait été consenti auparavant.
Je suis certain que si une politique en faveur de la récupération des eaux pluviales était mise en place par les élus locaux, elle rencontrerait un écho favorable auprès du gouvernement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL324 de M. Charles Fournier
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il s’agit de garantir le respect des obligations issues de la transposition de la directive révisée « eau potable », qui crée l’obligation pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents d’effectuer un recensement des personnes disposant d’un accès inexistant ou insuffisant à l’eau potable grâce à un diagnostic territorial, soient respectées. Á ce jour, aucune collectivité du département de Mayotte n’a entamé ce travail.
J’ai bien noté une aspiration très forte des communes de Mayotte et des Mahorais de façon générale à entrer dans le droit commun. Un tel argument me semble de nature à favoriser le vote de cet amendement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous partageons cette exigence, mais vous savez comme moi qu’il existe à Mayotte un syndicat, Les eaux de Mayotte (Lema), chargé de ces aspects. L’État ne saurait intervenir dans ce cadre pour indiquer le maillage à réaliser sans que les collectivités compétentes ne lui reprochent de vouloir les infantiliser en effectuant un travail qui n’est pas le sien.
Une partie du schéma a été élaborée, mais il convient de le compléter à l’échelle territoriale car il reste totalement insuffisant malgré les actions conduites depuis quelques années. Cela passe par la connexion des deux usines de dessalement et la mise en place de la troisième réserve collinaire.
L’État sera présent aux côtés des collectivités si la réalisation des études ou le déroulement des travaux l’exigent. J’y veillerai personnellement.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL68 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Cet amendement concerne l’assainissement, sujet vital pour la préservation de notre écosystème. Mayotte est une île, un circuit fermé qui ne débouche pas sur l’extérieur. La mer elle-même est intérieure, puisque nos côtes sont entourées d’un lagon. La moindre goutte d’eau usée que nous rejetons repart dans la nappe phréatique ou dans le lagon. Il n’existe pas d’autre possibilité, aucun fleuve se jetant loin, ni de marées qui brassent l’eau.
Les pouvoirs publics prennent en charge la construction des centrales de traitement des eaux usées. Il faut également ouvrir le chantier du raccordement des habitations et fabriquer ainsi une capillarité qui permettra de rendre étanche le trajet des eaux usées. Ce chantier, peu visible, peu médiatique, doit commencer par l’établissement d’une cartographie complète et précise du réseau existant. Cela permettra de planifier les travaux et ce faisant de renforcer la santé du système d’eau de Mayotte, nappe et lagon réunis.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous soulevez là une vraie question. Il faut savoir que l’intitulé complet du plan Eau est plan « Eau et assainissement ». L’enveloppe allouée comporte donc des moyens pour élaborer un schéma d’assainissement puis mettre en place les installations nécessaires.
L’amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL203 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement est semblable à l’amendement CL202, précédemment adopté.
Je rappelle qu’en matière d’eau, le problème rencontré à Mayotte est au moins autant celui du réseau que des réserves.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL208 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement propose la transmission au comité de suivi de la loi de programmation, d’ici la fin de l’année, d’un calendrier des travaux de sécurisation de l’usine de dessalement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable : dans la mesure où je me suis précédemment prononcé favorablement sur la transmission d’éléments au comité de suivi, il n’y a pas de raison que la question de l’eau fasse exception.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL336 de Mme Elsa Faucillon, amendements identiques CL332 de Mme Estelle Youssouffa et CL325 de M. Charles Fournier (discussion commune)
Mme Elsa Faucillon (GDR). J’espère que le fait que nous ayons des amendements communs avec M. Fournier et Mme Youssouffa invitera les collègues à montrer par leur vote que la question de l’enjeu majeur de l’accès à l’eau potable nous rassemble.
La crise de l’eau à Mayotte est le fruit de choix politiques de délaissement.
Je vais conserver mon amendement, mais j’incite les collègues à voter plutôt ceux de M. Fournier et de Mme Youssouffa, qui me semblent plus complets et étayés, notamment sur les solutions et les sources possibles d’accès à l’eau dans les zones où le service public d’eau n’est pas suffisant ou pas efficient.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous vivons un moment surprenant ; mais tout est possible dans cette assemblée. Que le groupe GDR défende l’un de mes amendements est un beau cadeau…
Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de la discussion sur la question du mix hydrique. Les particuliers peuvent y prendre leur part. Dans le sillage de ce qui a été annoncé et discuté avec le président de la République lors de sa dernière visite à Mayotte, il faut faciliter la récupération et le stockage des eaux de pluie pour les ménages. Il est important, dans le cadre de la reconstruction, de prévoir des moyens pour que les particuliers puissent s’équiper de citernes et de systèmes de potabilisation afin que Mayotte puisse développer l’usage dual de l’eau, potable et ménagère, cette dernière étant beaucoup moins coûteuse et servant aux usages ne relevant pas directement de la consommation humaine.
Le présent amendement, qui reprend celui du Sénat, vise à encourager et à déployer dans un contexte plus sûr des solutions correspondant à un usage déjà en cours à Mayotte, où l’eau de pluie est récupérée dans les maisons de façon souvent artisanale, ce qui peut créer des foyers de développement des moustiques et contribuer à la propagation de la dengue. La mise en place de citernes est donc aussi une nécessité de santé publique.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Pendant très longtemps, le risque de transmission de maladies infectieuses par des vecteurs a justifié l’hostilité d’une partie des maires et des professionnels de santé de Mayotte à ce type de dispositifs. Aujourd’hui, la gravité du sujet et l’expérience accumulée pour limiter le risque sont telles qu’il est important de mobiliser toutes les sources disponibles pour faciliter le développement de moyens permettant à des familles habitant des quartiers isolés de se doter de citernes.
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que les collectivités locales pourraient éventuellement être mobilisées. Le fait d’insérer ces alinéas dans la loi ne vaut pas engagement pour l’État de les financer, mais constituerait le signal fort d’une volonté politique d’accompagner les communes et le syndicat des eaux de Mayotte dans leur effort.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. La question très complexe de l’accès à l’eau à Mayotte renvoie aux événements dramatiques de l’été 2023 et au problème des tours d’eau. L’enjeu est d’insérer dans la loi la nécessité de proposer un réseau d’eau à la hauteur du territoire et de fournir tous les jours le volume d’eau nécessaire.
J’ai la faiblesse de penser que cela fait partie des missions du Lema, avec lequel l’État va contractualiser. Les parlementaires pourraient faire entendre une voix exigeante au moment de cette contractualisation, dans la mesure où il n’est pas envisageable d’apporter des financements publics sans exiger de garanties, mentionnées dans le cahier des charges. Les éléments figurant dans les trois alinéas proposés par Mme Youssouffa me paraissent frappés au coin du bon sens. Il faut les relayer afin qu’ils figurent dans les conventions que l’État financera. Dans la mesure où les parlementaires, notamment ceux de Mayotte, vont faire partie du comité de suivi, ils pourront avoir accès aux informations relatives à ces contractualisations.
Les amendements me paraissent donc satisfaits. Une loi plus bavarde apportera-t-elle davantage de satisfaction ? Je n’en suis pas persuadé. Je partage les objectifs de ces amendements et serai très vigilant vis-à-vis des engagements financiers de l’État. Je rappelle que toutes les opérations conduites depuis quatre ans dans le cadre du Lema ont été intégralement financées par l’État.
J’émets donc un avis défavorable.
La commission adopte l’amendement CL336.
En conséquence, les amendements CL332 et CL325 tombent.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mon amendement, qui a été adopté, se situe après l’alinéa 131, alors que les amendements de Mme Youssouffa et de M. Fournier sont après l’alinéa 132. Je conçois qu’il soit éventuellement nécessaire de proposer par la suite un amendement de coordination pour éviter les répétitions, mais je ne comprends pas pourquoi l’adoption de mon amendement fait tomber les autres puisqu’ils ne se situent pas au même endroit du texte.
M. le président Florent Boudié. Nous sommes dans une discussion commune, avec des amendements portant sur le même sujet. Malgré votre appel très clair à un vote en faveur des amendements de M. Fournier et Mme Youssouffa, votre amendement, n’ayant pas été retiré, a été adopté.
Amendement CL210 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de préciser d’une part que le gouvernement s’engage à transmettre aux élus locaux l’étude de l’inspection de l’environnement et du développement durable portant sur le retour d’expérience de la crise de l’eau à Mayotte avant le 1er juillet 2025, et d’autre part qu’un nouveau plan Eau Mayotte sera élaboré avant le 31 décembre 2027 et que son élaboration sera concertée en amont avec les élus locaux.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’entends votre volonté de disposer de ces éléments d’information, mais je vais être très clair : le document que vous demandez ne sera pas prêt pour juillet 2025. La mission de l’inspection est en train d’en finaliser les termes. Je veillerai, comme pour l’ensemble des autres éléments d’information, à ce que vous en soyez destinataire.
Je ne peux donc émettre un avis favorable dans la mesure où le rapport ne pourra être produit à la date demandée.
M. Philippe Naillet (SOC). Compte tenu des propos du rapporteur général, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement CL74 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). En mars 2024, l’Unicef, évoquant Mayotte, constatait que « l’accès à l’eau potable [était] presque impossible » et soulignait que « des gestes aussi simples que boire, se laver les mains ou cuisiner [relevaient] du défi ». L’impossibilité de se laver les mains est notamment un enjeu en matière de propagation des maladies. Je crois que nous sommes tous d’accord pour considérer que ce problème doit être réglé.
C’est ce que nous proposons de faire rapidement et définitivement, avec un amendement que tout le monde devrait voter puisqu’il s’agit d’inscrire le droit fondamental à l’accès à l’eau potable et à un assainissement de qualité dans la Constitution française, créant ainsi une obligation à le respecter.
Nous demandons également la création d’un haut-commissariat du droit à l’eau, à l’assainissement et à la protection du cycle de l’eau, dont les missions couvriront l’eau potable, l’assainissement, la prévention des sécheresses et des inondations, la gestion des bassins, la qualité de l’eau et la gestion des eaux souterraines.
L’amendement vise par ailleurs à développer un plan de reboisement et de végétalisation de Mayotte, pour permettre une meilleure infiltration de l’eau dans les sols et les nappes phréatiques.
Il a également pour objet de bloquer et diminuer le prix de l’eau, démentiel à Mayotte, pour l’aligner sur les prix hexagonaux, d’intégrer la gestion parcellaire des eaux de pluie aux nouvelles constructions et de financer un plan ambitieux pour le droit d’accès à l’eau dans les outre-mer, comprenant la rénovation des canalisations.
En clair, il s’agit d’inscrire ce droit dans le marbre, afin qu’il soit effectif.
M. le président Florent Boudié. Il s’agit pour l’instant de l’inscrire dans le rapport annexé et non dans la Constitution.
Par ailleurs, l’amendement ne concerne pas Mayotte ; j’aurais dû le déclarer irrecevable au titre de l’article 45, mais j’ai sans doute eu un moment de faiblesse.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je serais tellement heureux que votre amendement puisse tout régler d’un coup de baguette magique. On peut tout écrire pour se faire plaisir à bon compte et considérer que le vote d’un amendement pourra tout régler. Il n’en est rien.
Si vous voulez apporter votre contribution, votre intelligence, votre expertise et accompagner le plan Eau Mayotte, je suis persuadé que vous y aurez toute votre place, en liaison étroite avec le Lema et les élus mahorais. Le plan que nous mettons en place s’inscrit dans le prolongement des actions menées précédemment et est soumis à des délais minimums de montage et de traitement des dossiers. Peut-être avez-vous été élue locale : vous savez que ces procédures prennent du temps, même si l’on souhaite aller vite – et je n’ai pas la réputation d’être lent.
J’imagine que votre voix ne fera pas défaut lorsqu’il faudra finalement voter un texte prévoyant d’investir autant d’argent dans la question de l’eau. L’inverse me surprendrait : comment exprimer d’un côté une incantation très forte en faveur d’un droit opposable d’accès à l’eau et de l’autre un refus de donner aux élus locaux les moyens d’agir dans ce domaine ?
Je suis très attaché aux élus locaux. Nous leur avons donné des compétences ; accompagnons-les, sans nous substituer à eux.
Avis défavorable.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je n’ai pas de baguette magique. Je ne suis ni fée, ni sorcière ; je préférerais d’ailleurs être sorcière plutôt que fée.
Quoi qu’il en soit, je trouve votre réponse étonnante, dans la mesure où elle minimise ma proposition. Cet amendement consiste non pas à rédiger un texte abondant de promesses dont on ignore si elles seront tenues, mais à inscrire le droit fondamental à un accès à l’eau potable et à un assainissement de qualité dans la Constitution française, ce qui entraînerait l’obligation de s’y tenir. En l’occurrence, le texte que vous proposez, que nous allons bien sûr voter s’il va dans le bon sens, ne fait que formuler des promesses. Or les promesses ne peuvent pas toujours être tenues.
M. le président Florent Boudié. Je rappelle que le Parlement ne peut s’imposer à lui-même de réviser ultérieurement la Constitution, qui plus est dans un rapport annexé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL 154 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Il vise à régulariser le foncier agricole. L’impossibilité de prouver qu’on est propriétaire ou locataire d’une parcelle exploitée pose un problème. C’est sur la base du cadastre que fonctionne la politique agricole commune ; il est très attendu par les agriculteurs mahorais. Il est aussi vital pour déterminer la capacité d’un exploitant à investir. Sans cadastre à jour, le plan de souveraineté alimentaire ne sera qu’un vœu pieux et l’agriculture ne pourra répondre à 100 % des besoins en fruits et légumes frais.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Comme le gouvernement, je suis favorable à votre amendement. L’activité agricole, essentiellement vivrière, a été quasiment détruite. Nous devons résoudre le problème du foncier pour sécuriser la transmission des exploitations et les investissements à réaliser, et assurer la souveraineté alimentaire mahoraise, encore inexistante.
Vous nous accompagnerez sur les sujets relatifs à l’expropriation et au cadastre. Cela étant, il ne s’agit pas d’exproprier pour spolier, mais de délivrer des titres de propriété à ceux qui exercent depuis plusieurs générations une activité agricole indispensable à la vie du territoire.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CL460 rédactionnel de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL 79 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, jusqu’à 80 % de la production agricole est informelle : elle échappe à toute traçabilité, à tout contrôle sanitaire et, bien souvent, à toute règle. Tous les Mahorais savent qu’on vend sur le bord de la route des fruits et légumes qui ne sont conformes à aucune norme ni règle d’hygiène. Cette réalité a des conséquences graves : les pesticides interdits et des produits non conformes aux normes sont importés, faisant courir un risque sanitaire bien réel. Au mois de juillet 2024, 170 kilos de tomates contaminées ont été saisies et détruites sur le marché de Dzoumogné dans le cadre d’une opération conjointe menée avec le comité opérationnel départemental antifraude (Codaf).
Cet amendement, qui vise à renforcer la traçabilité des produits et la régularisation des activités agricoles, est une mesure de bon sens et de justice alimentaire.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Profitons du redémarrage des exploitations agricoles, qui ont été quasiment détruites, pour garantir la traçabilité des produits et le respect des normes.
De fait, votre amendement est satisfait. D’une part, le projet de loi prévoit une enveloppe consacrée à l’agriculture, d’autre part, la traçabilité sera assurée en lien avec les représentants des agriculteurs, en particulier avec la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le Rassemblement national est ambigu : il s’inquiète de l’utilisation des pesticides alors qu’il a voté sans difficulté la réautorisation des néonicotinoïdes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL343 de M. Benoît Biteau
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il vise à remédier à une inégalité persistante de la prise en charge des pertes liées aux événements climatiques selon que les agriculteurs sont métropolitains ou ultramarins. Depuis 2023, les exploitants agricoles de métropole peuvent bénéficier d’un taux d’indemnisation pouvant atteindre 90 % lorsqu’ils sont assurés.
Cette réforme, étendue à certains territoires d’outre-mer par l’ordonnance du 28 février 2024, ne s’y applique que partiellement. C’est le fonds de secours pour les outre-mer (FSOM) qui verse les indemnisations dont les taux sont nettement inférieurs aux taux métropolitains. En moyenne, le taux est de 30 % pour les dommages agricoles et de 35 % pour les pertes de fonds.
L’objectif de cet amendement est donc d’inciter le gouvernement à aligner les taux d’indemnisation appliqués en outre-mer sur ceux de métropole. L’amendement n’est pas gagé car il vise à atteindre un objectif.
M. le président Florent Boudié. Vu que nous examinons le rapport annexé, la question du gage ne se pose pas.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous faites référence au taux d’indemnisation de 90 %. Or celui-ci s’applique aux pertes de récoltes des agriculteurs ayant souscrit un contrat d’assurance récolte.
Le FSOM peut être mobilisé en cas de catastrophes naturelles dans tous les départements d’outre-mer. Du reste, une somme considérable a déjà été versée aux sinistrés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL137 de M. Jean-Hugues Ratenon, amendements identiques CL65 de Mme Anchya Bamana et CL287 de M. Philippe Naillet, amendements CL288 et CL289 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Alors qu’entre 2017 et 2024, le nombre d’inscrits à l’école primaire a augmenté de 22 % – on dénombrait 63 766 élèves à la rentrée de 2024 –, rien n’a été fait.
Nous proposons de régler immédiatement le problème des rotations sans attendre 2031, faute de quoi les élèves, pendant encore six ans, n’auront cours qu’une demi-journée par jour, ce qui est bien trop peu. Tous les enfants de la République, y compris ceux de Mayotte, doivent bénéficier des mêmes droits en matière d’accès à l’école. Nous proposons donc de substituer l’année 2025 à l’année 2031.
Par ailleurs, les enfants qui ne sont pas scolarisés traînent dans les rues. Cette mesure permettrait aussi de renforcer la prévention de la délinquance dans laquelle l’école joue un rôle très important.
Mme Anchya Bamana (RN). Je propose de substituer l’année 2027 à l’année 2031.
M. Philippe Naillet (SOC). Ce matin, lors d’une conférence de presse, la chambre régionale des comptes de Mayotte a rappelé que 57 % des enfants étaient scolarisés selon un système de rotations. Par ailleurs, entre 3 000 et 5 000 enfants sont privés d’école. Enfin, d’ici à 2031, on dénombrera 73 000 élèves.
L’amendement CL287 vise donc à substituer l’année 2027 à l’année 2031. Les amendements CL288 et CL289, de repli, sont défendus.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable sur cette série d’amendements. J’aimerais donner satisfaction à Mme Taurinya. Mais qui peut promettre qu’en 2026, toutes les écoles seront reconstruites ? On ne vit pas dans le monde de la magie ! Comme dans le domaine de l’eau, on ne peut tout régler d’un claquement de doigts.
Le projet de loi prévoit une enveloppe de 400 millions d’euros dédiés aux écoles, aux collèges et aux lycées, et une autre de 300 millions alloués aux collectivités pour qu’elles construisent des écoles ; au total, pas moins de 700 millions d’euros sont dédiés à l’éducation. De plus, à Mayotte, les collèges et les lycées sont construits par l’État ; nous assumons donc notre responsabilité à 100 %. En revanche, il revient aux communes de construire des écoles ; elles devront faire des choix politiques dans l’utilisation des 300 millions.
L’échéance de 2031 est déjà proche. On ne pourra aller beaucoup plus vite, sauf si vous proposez des remèdes que nous ne connaissons pas ; j’y suis tout à fait ouvert.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Oui, j’ai un remède : le rideau de fer, qui coûte plusieurs centaines de millions d’euros pour prétendument lutter contre l’insécurité alors qu’il faudrait, pour ce faire, améliorer la prévention. Utilisons plutôt ces crédits pour scolariser tous les enfants dès 2025. Ce n’est pas un remède de sorcière : c’est un choix politique !
M. Philippe Gosselin (DR). Certes, le rapport annexé n’a pas de valeur normative et les dates qui y sont inscrites à la volée ne sont pas contraignantes. Mais, à un moment donné, le principe de réalité s’impose. Si l’objectif de mettre fin à la rotation scolaire en 2031 sera difficile à atteindre, l’échéance de 2025 est carrément irréaliste.
Allons plus loin : l’accueil de l’ensemble des enfants ne fait pas l’unanimité. En effet, de nombreux élus locaux mettent en avant que nombre de parents séjournent de manière irrégulière sur le territoire. Ce n’est pas la faute des gamins mais celle de l’État, qui ne se donne pas les moyens de lutter contre l’immigration illégale. C’est pourquoi nous avons mis en place des dispositifs et que nous souhaitons en instaurer d’autres que vous combattez. Notre objectif est de restreindre l’immigration, qui n’est pas le seul mal qui affecte l’île ; elle est également confrontée à des difficultés économiques et sociales. Néanmoins, tant qu’on n’aura pas maîtrisé l’immigration, l’embolie des services publics, notamment l’éducation, perdurera.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite qu’on prenne conscience ici de ce qui se passe à Mayotte. Nos enfants sont scolarisés en rotation ; ils n’ont pas accès à l’alimentation ; il n’y a pas de cantines scolaires ; les toilettes, quand elles existent, sont des porcheries, ; il n’y a pas d’eau. On envoie nos enfants à l’école en prenant le risque qu’un incendie les tue. Des affrontements ont lieu.
Or dans certaines classes, 80 à 90 % des enfants inscrits viennent des Comores. Certains d’entre eux arrivent durant l’été en « kwassa scolaire » – c’est ainsi qu’on appelle désormais ces bateaux dans lesquels les parents mettent leurs enfants avant d’envoyer un fax aux mairies, avec leur indicatif des Comores, pour exiger leur inscription. En effet, les Comores ont décidé qu’elles sous-traitaient l’éducation comorienne à Mayotte aux frais du contribuable français.
À vous entendre, notre petite île de 375 kilomètres carrés a vocation à ne devenir que l’école comorienne; tous les élus et toute la population vous disent non. Ce n’est pas parce que nous sommes des êtres insensibles mais parce que nous ne pouvons pas.
Le dernier conflit social a éclaté en janvier 2024 lorsque les parents ont constaté qu’ils ne pouvaient inscrire leurs enfants à l’école car il n’y avait plus de places. Les mamans ont donc pris d’assaut l’espace public pour dire que cela ne pouvait pas durer. Il existe un phénomène d’éviction qui touche les enfants français, les enfants de contribuables. De plus, après le passage du cyclone, 80 % des écoles ont été détruites ou endommagées.
Selon vous, qui vivez au pays des Bisounours – on est vraiment dans La La Land –, Mayotte, avec ses 375 kilomètres carrés, devrait continuer à accueillir toute la misère du monde et à scolariser alors même que nos propres enfants sont envoyés à La Réunion ou dans l’Hexagone, faute de pouvoir étudier dans des conditions normales. À l’école primaire, les enfants ont deux heures de classe car on n’est plus capable de les scolariser. Merci, mais c’est non !
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CL383 de M. Philippe Naillet.
Puis elle adopte l’amendement CL466 rédactionnel de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendements identiques CL350 de Mme Estelle Youssouffa et CL164 de M. Guillaume Gouffier Valente, amendement CL82 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Dans le cadre de la reconstruction de Mayotte, il est urgent de prendre en compte la question de la restauration scolaire. Chaque plan de construction devrait systématiquement prévoir la construction et l’aménagement d’un réfectoire afin que les enfants bénéficient d’un repas à la cantine, comme ailleurs dans notre pays.
À Mayotte, les cantines scolaires sont quasi inexistantes. Un scandale a éclaté à la suite de la livraison de sandwichs presque impropres à la consommation. L’offre alimentaire est complètement déséquilibrée alors qu’elle constitue souvent le seul repas des élèves.
M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). L’amendement CL164, similaire, a été rédigé en lien avec l’Unicef, d’après laquelle seul un élève sur cinq bénéficie d’un repas chaud.
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, des milliers d’enfants vont à l’école le ventre vide – comme dans l’Hexagone, me direz-vous. Mais à Mayotte, il n’y a pas de cantines pour leur garantir un repas. Dans le premier degré, il n’y a aucun service de restauration scolaire. Au mieux, les enfants reçoivent une petite collation – un morceau de pain, un jus de fruit, un biscuit – trop sucrée, trop salée, jamais équilibrée. Dans le second degré, la situation n’est guère meilleure : seuls deux lycées disposent d’une cantine, les collèges n’en sont pas dotés.
Ainsi, 92 % des élèves mahorais ne mangent pas de repas chaud à midi. Pourtant, pour beaucoup d’entre eux, ce repas est le seul de la journée qui leur permettrait de se nourrir correctement. Ne pas leur offrir ce minimum, c’est compromettre leur concentration et, inévitablement, leur réussite scolaire. En 2021, seuls 16 % des élèves du second degré avaient accès à un plateau-repas. Ces chiffres disent tout.
Cette situation aggrave les inégalités, fragilise la santé des enfants et pèse sur leurs capacités d’apprentissage. Pour y remédier, cet amendement propose d’établir un plan pluriannuel de programmation du renforcement de l’offre de restauration scolaire à Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je vous invite à retirer ces trois amendements au profit de l’amendement CL469 du gouvernement qui aborde la question vitale de la restauration scolaire et vise à accompagner les communes. Nous devons garantir la sécurité alimentaire des repas des enfants, notamment la traçabilité et la qualité des produits distribués. Il est important que les enfants puissent prendre leur repas dans les écoles ; nous devons accompagner cette démarche.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Ce sujet, à la fois important et complexe, ne saurait être réglé par des amendements de deux lignes. Lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, nous avons voté un amendement prévoyant que les projets de reconstruction des écoles prennent en compte les questions de la pause méridienne et de la restauration scolaire.
Il y a deux sujets différents. Le premier, c’est la construction d’un réfectoire, équipé ou non d’une cuisine. En l’absence de cuisine, celui-ci doit être doté d’appareils permettant de garantir la chaîne du froid et de réchauffer les plats. Pour l’essentiel, les repas sont fabriqués par une entreprise locale, Panima, qui fournit des produits sans traçabilité et qui rencontre des problèmes de croissance. Le second, c’est la viabilité économique de la restauration scolaire. D’une part, qui finance ces repas, selon qu’il s’agit d’une école, d’un collège ou d’un lycée ? D’autre part, comment garantit-on, de manière pérenne, l’accès à la restauration scolaire à des familles qui ont souvent des ressources très modestes ? Ce problème complexe pourrait être traité au moyen d’un amendement déposé en séance car l’objet et l’ambition de ces amendements sont un peu flous.
M. le président Florent Boudié. L’amendement CL469 du gouvernement, déposé tardivement, a été placé plus loin dans la liste des amendements mais je l’intègre à la présente discussion commune.
Amendement CL469 du gouvernement
M. Yoann Gillet (RN). Je découvre cet amendement qui vise à fixer un objectif de développement de l’offre de restauration scolaire dans les écoles primaires d’ici à 2031. Il est incomplet : il ne vise pas l’ensemble des établissements scolaires.
De son côté, le Rassemblement national propose plutôt d’élaborer un plan pluriannuel de renforcement de la restauration scolaire car il a conscience que cet objectif ne peut être atteint du jour au lendemain. En attendant la construction des établissements scolaires, il existe des solutions pour offrir un repas digne de ce nom aux enfants. Non seulement les petits Mahorais apprennent dans des conditions exécrables – il y a deux à quatre fois plus d’élèves par classe et 85 % des instituteurs sont des contractuels recrutés à la va-vite –, mais, en plus, ils ont le ventre vide. À cela s’ajoute un taux de pauvreté supérieur à celui de l’Hexagone. Nous devons donc consentir un effort particulier pour les enfants mahorais car l’éducation et la santé, comme l’ensemble des services publics, s’effondrent à Mayotte en raison de la submersion migratoire – je sais que cet argument ne plaira pas à l’extrême gauche.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. L’amendement CL469 intègre l’objectif de qualité de la restauration scolaire dans le texte. Je comprends la passion, l’engagement sur le terrain, la volonté de décrire une situation inacceptable, en comparaison avec celle de l’Hexagone ou d’autres territoires ultramarins.
Néanmoins, des enfants vont à l’école et, malgré les conditions difficiles, la rentrée a bien eu lieu après Chido puis les dernières vacances scolaires, grâce à l’engagement des enseignants, du personnel administratif, des parents et de l’État – nous ne pensions pas pouvoir l’organiser.
À vous entendre, il n’y a rien : personne ne va à l’école ni ne mange, c’est une catastrophe. Ce n’est pas la situation. Entre nier que la situation est très difficile et décrire une situation qui ne l’est pas, il y a une différence. On a le sentiment que Mayotte est un no man’s land, ce qui n’est pas vrai. Pour ma part, je ne nierai jamais les difficultés.
Lorsque j’étais premier ministre, je m’y suis rendu en 2015 accompagné de la ministre de l’éducation nationale – c’était la première fois dans l’histoire de la République qu’un ministre de l’éducation nationale s’y rendait. Nous avons lancé le plan Mayotte 2025 visant notamment à construire des écoles. Du reste, c’est l’un des rares points que la Cour des comptes considère comme positifs dans son rapport de 2022.
Le vrai sujet – parmi d’autres – est celui de la construction de réfectoires. Notre amendement pourrait vous satisfaire. L’un des problèmes, c’est d’annoncer des mesures qui ne seront pas mises en œuvre. J’en appelle au principe de réalisme.
Je le dis très modestement, la construction d’un réfectoire dans chaque établissement scolaire n’est pas la réponse adaptée. La production des repas peut être centralisée pour plusieurs écoles et les élèves d’une école peuvent se rendre dans la salle de restauration d’un établissement adjacent ou proche, système déjà mis en œuvre dans d’autres parties du territoire. Plus généralement, selon les cas, des solutions mutualisées peuvent être pertinentes.
De plus, la qualité des repas ne se résume pas à la seule présence d’un restaurant scolaire. Dans le premier degré, les communes apportent une solution adaptée aux besoins et à l’organisation de chaque école. Elles peuvent être accompagnées par la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte pour optimiser la planification des constructions en tenant compte des besoins relatifs au développement de la restauration scolaire.
Je le répète, je ne nie pas la réalité ; je privilégie des solutions réalistes et adaptées à chaque situation locale que nous pourrons mettre en œuvre le plus rapidement possible, dans des délais raisonnables.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis naturellement favorable. Je suis heureux que M. le ministre ait repris, presque mot pour mot, les propos que j’ai tenus il y a quelques instants : les restaurants scolaires ne seront pas construits dans tous les établissements d’un coup de baguette magique. Dire le contraire serait mentir. Du reste, le projet de loi prévoit d’allouer des moyens financiers aux communes pour accompagner celles qui souhaiteront construire des restaurants scolaires. Parce que tant de choses n’ont pas été faites, nous devons désormais dire ce que l’on doit faire et le faire.
M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Les amendements identiques et celui du gouvernement vont dans le même sens, ils cherchent à atteindre le même objectif. Je retire donc l’amendement CL164 au profit de celui du gouvernement.
M. Yoann Gillet (RN). Personne ne dit qu’il faut un restaurant scolaire dans chaque école ; en revanche, il faut une offre de restauration scolaire pour chaque élève. Dans de nombreuses communes de l’Hexagone, une cuisine centrale fournit quelques restaurants scolaires – chaque école n’en est pas forcément dotée. Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) accompagnent alors les enfants dans le restaurant scolaire d’une autre école.
Je m’inquiète d’entendre le ministre dire que certaines solutions seraient convenables. Un morceau de pain et une Vache qui rit ne constituent pas un repas équilibré. Ceux d’entre nous qui sont parents accepteraient-ils que leurs enfants soient nourris d’un bout de pain et d’un jus de fruit ?
Rappelons que les conditions de vie à Mayotte sont particulières, la pauvreté y est importante. Il est donc nécessaire d’accompagner les collectivités dignement en leur allouant de réels moyens afin que chaque enfant bénéficie d’un repas complet et équilibré. Nous rencontrons le même problème dans l’Hexagone : de nombreux enfants ne prennent pas de repas équilibré à la maison. C’est l’honneur de notre République que de permettre à chaque enfant d’avoir au moins un repas équilibré par jour.
L’amendement CL164 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements CL350 et CL82 et adopte l’amendement CL469.
Puis elle adopte l’amendement CL462 rédactionnel de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CL320 de M. Philippe Naillet.
Amendement CL81 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Mayotte, étouffée par une pression démographique hors norme et un afflux massif d’élèves étrangers, connaît une crise scolaire majeure. On dénombre 115 000 élèves scolarisés dans l’académie de Mayotte, soit plus qu’en Corse ou en Martinique, alors que l’île présente une superficie et des ressources moindres.
Près de la moitié de ces élèves serait en situation irrégulière ; ce chiffre atteint plus de 80 % dans certaines communes comme celle de Koungou. Cela a pour effet de priver les Mahorais d’un accès à une éducation digne : on estime qu’entre 5 000 et 6 000 enfants Mahorais ne seraient pas scolarisés, faute de places, de locaux et d’enseignants. Le droit à l’éducation n’est plus garanti pour les enfants français alors même qu’ils sont dans leur propre pays.
Chaque année, la situation empire : plus de 10 000 naissances sont recensées au centre hospitalier, qui est la plus grande maternité d’Europe. L’éducation nationale estime que 1 200 classes supplémentaires devront être créées d’ici à 2030. Mais avec quels moyens ?
Cet amendement de responsabilité vise à instaurer un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique à Mayotte, afin de consacrer les moyens existants aux seuls enfants français et de redresser le système éducatif local.
Il ne s’agit pas de renoncer à l’éducation, mais bien de la sauver. Tous les instituteurs que j’ai rencontrés sur place expriment leur consternation face à la situation. Lorsque des enseignants vous disent, les yeux dans les yeux, qu’à l’école publique à Mayotte, on n’apprend plus rien tant les conditions sont dégradées, alors il faut réagir et trouver des solutions face à la submersion que connaît l’île.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable à votre moratoire. Si nous voulons déployer des moyens pour réduire considérablement la pression migratoire, nous ne voulons pas de fracture à l’école : je n’imagine pas une seconde qu’on ne scolarise pas ces enfants présents sur le territoire mahorais. Nous continuerons à les accueillir.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Un moratoire sur la prise en charge des enfants étrangers par l’école publique serait contraire aux principes fondamentaux du droit français et aux engagements internationaux de la France. Je peux parfaitement assumer des politiques restrictives à Mayotte mais le droit à l’éducation pour tous les enfants, sans distinction d’origine ou de nationalité, est garanti par le code de l’éducation et protégé par la Convention internationale des droits de l’enfant. Le Conseil d’État a également rappelé à plusieurs reprises que l’administration ne pouvait opposer l’absence de titre de séjour à un enfant pour lui refuser l’accès à l’école.
Mettre en œuvre un tel moratoire reviendrait à créer une rupture manifeste du droit, à fragiliser la cohésion sociale et à priver des milliers d’enfants de leur droit fondamental à l’instruction, dans un territoire où l’école représente déjà un levier essentiel d’émancipation et de stabilisation – le collège de Chiconi, très endommagé par Chido, accueille de nombreux enfants des bidonvilles et enregistre à cet égard de véritables réussites, quelles que soient l’origine et la situation des enfants, grâce à des enseignants très engagés.
Autant il faut une politique de restriction de l’immigration, autant les enfants ne peuvent pas être les victimes de cette situation. Je m’oppose donc à une remise en cause de nos principes fondamentaux.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Je suis rassurée par les propos du rapporteur général et du ministre d’État. Les propositions du Rassemblement national ne sont pas étonnantes car on sait bien qu’il voit là l’occasion de faire des expérimentations qui pourraient être généralisées à tout l’Hexagone. Malheureusement, il s’inscrit ainsi dans le discours ambiant qui consiste à attribuer tous les maux de la société aux étrangers, vus comme des délinquants, des voyous, des bandits, etc. Lorsque le gouvernement, avec l’appui de l’extrême droite, réduit les droits d’accès à Mayotte, c’est parce qu’il envisage de les réduire aussi dans l’Hexagone.
Je tenais enfin à dire mon très grand dégoût : comment peut-on envisager de faire le tri entre des enfants ? C’est absolument contraire au droit international, mais on voit bien là le danger que représente l’extrême droite : oui, vous êtes un danger pour la société.
M. Yoann Gillet (RN). Il faut avoir des débats constructifs. Chacun voudrait que tous les enfants aillent à l’école. C’est évidemment important mais vous ne semblez pas comprendre qu’en réalité, les enfants ne vont plus à l’école : ils vont au mieux dans une garderie une demi-journée – cela s’arrête là.
Vous sacrifiez des générations entières : des Français et des étrangers en situation régulière ne peuvent scolariser leurs enfants, ou seulement dans le service réduit que propose l’éducation nationale à Mayotte. Ce n’est pas la faute des enseignants, qui font le maximum, mais qui se retrouvent avec des classes composées de 70 % à 90 % d’enfants qui ne parlent pas français, à qui ils n’arrivent pas à apprendre quoi que ce soit, ce qui les contraint à faire de la garderie.
Je ne dis pas qu’il faut revenir sur le droit à l’éducation partout ; il faut simplement prendre conscience que Mayotte est un cas particulier et que la submersion est réelle. Allez à Mayotte, rencontrez les instituteurs, allez dans les écoles, et vous verrez à quel point la situation est dramatique. Nous prenons le risque de sacrifier des générations, qui nourriront de la rancœur, de la haine contre la France parce qu’elle ne leur aura pas donné les mêmes chances qu’à un petit Français de l’Hexagone.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL351 de Mme Estelle Youssouffa et CL213 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’éducation étant en grande difficulté à Mayotte, il s’agit d’encourager le gouvernement à faire preuve d’un peu plus d’ambition concernant l’éducation de nos enfants. Il lui est demandé de préciser les objectifs, le calendrier, les moyens associés à un plan d’attractivité et de fidélisation des enseignants prévu cette année pour renforcer la présence et la stabilité du corps enseignant dans notre département, mais aussi de présenter un état détaillé des mesures prévues pour mettre fin, à l’horizon 2031, au système de rotation et de garantir à la prochaine rentrée un enseignement de vingt-quatre heures hebdomadaires pour chaque élève de cours préparatoire.
Si nous devons croire les promesses faites dans le rapport annexé, j’espère que vous ne ferez pas obstacle à notre demande que ces engagements soient écrits et présentés aux parlementaires et aux élus de Mayotte.
M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit de disposer de précisions sur le plan d’investissement de l’État visant à mettre fin, à l’horizon 2031, au système de rotation scolaire à Mayotte et à garantir vingt-quatre heures hebdomadaires d’enseignement à chaque élève de CP. Un tel engagement représente un tournant structurel. Dans le contrat de convergence et de transformation, l’État s’est engagé à construire davantage d’écoles primaires, à augmenter la capacité d’accueil des établissements secondaires pour un montant de 680 millions d’euros et à étendre l’université de Mayotte pour 12 millions. De même, le plan d’attractivité et de fidélisation des enseignants, annoncé pour 2025, est indispensable pour assurer la stabilité et la qualité de l’encadrement pédagogique sur le territoire.
Dans un département où l’âge moyen est de 23 ans, où 25 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi ni en formation et où seulement 27 % des personnes sorties du système scolaire détiennent un diplôme – contre 72 % en métropole –, il est d’autant plus essentiel que les engagements annoncés s’accompagnent de dispositifs concrets, lisibles et adaptés.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable. Le comité de suivi et de programmation doit être informé de l’évolution de ce chantier. L’engagement très fort figurant à l’alinéa 161 du rapport annexé répond à votre amendement, monsieur Naillet, puisqu’il prévoit que l’engagement structurant de l’État consiste à mettre totalement fin à la rotation scolaire et au dispositif de classes itinérantes en 2031. Les parents de l’enfant qui naîtra demain sauront que lorsqu’il entrera en cours préparatoire, il bénéficiera de vingt-quatre heures d’école par semaine, comme dans l’Hexagone. L’engagement très fort ainsi pris permettra de répondre à cette légitime attente que vous venez tous deux de relayer.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Chaque élève doit pouvoir apprendre dans une vraie classe, avec un enseignant formé qui travaille lui aussi dans de bonnes conditions, vingt-quatre heures par semaine et pas plus de trois heures trente par demi-journée, comme le prévoit le code de l’éducation. C’est une exigence fondamentale sur laquelle nous pouvons tous nous mettre d’accord.
Vous avez raison de rappeler que les conditions actuelles ne sont pas satisfaisantes : il manque 1 776 salles de classe dans le premier degré pour mettre fin à la rotation et aux classes itinérantes et pour dédoubler l’ensemble des niveaux concernés – je fais évidemment fi à ce stade des questions démographiques.
Nous sommes désormais dotés d’une stratégie interministérielle quinquennale qui vise à améliorer l’accompagnement des communes dans la planification des constructions scolaires, à consolider leurs compétences et à répondre à leurs besoins d’aide à la maîtrise d’ouvrage. Le nouvel établissement public de reconstruction et de développement de Mayotte jouera le rôle de coordonnateur et disposera d’une compétence de substitution en cas de défaillance d’un maître d’ouvrage.
L’enjeu de la fidélisation des enseignants et de l’attractivité du territoire est partagé avec l’ensemble des services publics de Mayotte, et je ne doute pas que la nouvelle rectrice aura à cœur de mettre cela en œuvre. Il s’agit non seulement d’attirer les fonctionnaires sur le territoire, mais également de donner envie aux jeunes Mahorais de prétendre à ces carrières et de passer les concours – nous rencontrons souvent ce problème dans les outre-mer. La réponse doit être globale et fait l’objet d’un plan d’action dédié dans la stratégie interministérielle de reconstruction et de refondation de Mayotte.
S’agissant plus spécifiquement de l’éducation nationale, la ministre d’État Élisabeth Borne proposera des mesures structurantes visant notamment à l’instauration, pour la session 2026, d’un concours interne exceptionnel pour le premier et le second degré, à créer un service logement au rectorat et à proposer à tout nouvel agent affecté à Mayotte une formation dédiée.
Je pourrais considérer que les amendements sont satisfaits mais il me semble pertinent de préciser ces engagements dans le rapport annexé. Je suis donc favorable à ces amendements.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL384 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je retire cet amendement pour le retravailler en vue de la séance mais je voudrais en dire quelques mots. On ne peut pas investir massivement à Mayotte, comme nous allons le faire, sans traiter l’enjeu de la formation, qui est primordial. Nous devons évaluer précisément les besoins existants et à venir et proposer une offre de formation en adéquation. Lors des auditions, les partenaires sociaux, les entreprises et les élus nous ont demandé de combler le déficit que nous connaissons à Mayotte.
L’amendement est retiré.
Amendement CL125 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le 31 août 2023, à la veille de la rentrée scolaire, la Défenseure des droits alertait sur les entraves au droit à l’éducation des enfants et dénonçait les ruptures de droits persistantes pour les enfants ultramarins. Par cet amendement, nous souhaitons que l’État s’engage à intégrer l’ensemble des établissements scolaires, lycées compris, en zone REP+ avec les moyens afférents, à équiper l’ensemble des établissements de cantines afin que les élèves puissent avoir au moins un repas par jour, et enfin à créer une commission réunissant autour de lui les collectivités territoriales, les enseignants et les parents d’élèves pour planifier la construction et la rénovation des établissements ainsi que le suivi des constructions.
Ces nouvelles constructions prendront en compte la nécessité d’accroître le nombre de places et seront adaptées aux risques naturels majeurs. Elles auront pour objectif de mettre fin au système des rotations tout en privilégiant la construction d’établissements à taille humaine. En clair, cet amendement vise à ce que l’État s’engage dans une action réelle et durable pour garantir à tous les habitants de Mayotte un accès à une éducation de qualité.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. L’amendement du gouvernement que nous avons adopté permet de définir une véritable stratégie ; fournir une restauration de qualité aux élèves fait partie des exigences.
J’en profite pour rappeler que, au-delà du recrutement des enseignants, le ministère de l’éducation nationale continuera de construire des collèges et des lycées. De plus, l’établissement public pourra se substituer aux communes qui le souhaitent – cela sera possible jusqu’au 31 décembre 2027 – ou les accompagner au titre de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Enfin, des financements sont prévus, avec une enveloppe de 300 millions d’euros. Tous les outils existent donc pour nous permettre de répondre collectivement au défi scolaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL308 et CL214 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CL308 vise à inscrire dans la loi un engagement programmatique de l’État à réviser le coefficient géographique applicable au financement des établissements de santé à Mayotte. Je ne reviens pas sur l’état des services de santé à Mayotte, notamment du CHM (centre hospitalier de Mayotte).
L’amendement CL214 vise à assurer la transmission d’ici à la fin de l’année au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte du plan d’investissement et du calendrier des travaux pour la construction du second site hospitalier.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le coefficient géographique permet d’assurer les meilleures possibilités de financement aux établissements hospitaliers. Il est passé de 31 % en 2023 à 32,5 % en 2024 et à 34 % en 2025. Mayotte dispose, avec La Réunion, du coefficient géographique le plus élevé. Créons ensemble ce deuxième établissement hospitalier que nous appelons de nos vœux ; d’autres propositions en matière de santé interviendront un peu plus tard de la discussion. À ce stade, je ne peux pas vous donner un avis favorable mais vous avez pu observer que l’État n’est pas resté les bras croisés.
Par ailleurs, vous proposez que le calendrier des investissements soit transmis au comité de suivi. Mon avis ne peut être que favorable car il est toujours souhaitable d’associer les parlementaires à tout cela.
Successivement, la commission rejette l’amendement CL308 et adopte l’amendement CL214.
Amendement CL385 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. La construction d’un nouvel hôpital à Combani, annoncée en 2019, avait été confirmée par Élisabeth Borne lorsqu’elle était première ministre, avec la nomination d’un préfigurateur. Je vous propose d’inscrire dans le rapport annexé que cette construction est une priorité absolue pour le gouvernement, et non un simple engagement. Une enveloppe de 153 millions d’euros est prévue pour les travaux, qui seront réalisés en 2028-2030. Il nous reste à traiter la question du foncier, qui n’est pas encore réglée.
Mme Dominique Voynet (EcoS). C’est la première fois depuis le début de l’examen que nous parlons un peu sérieusement du projet de nouvel hôpital de Mayotte. Sa construction, annoncée par le président de la République en 2019, a déjà donné lieu à plusieurs études s’agissant du site à retenir, de son dimensionnement et du phasage des travaux. Des sommes importantes ont été mobilisées par le Copermo (comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers), pour pratiquement 75 millions d’euros, et dans le cadre du plan de relance. Je suis donc assez étonnée par le tableau qui figure dans le rapport annexé : il me semble qu’une partie des sommes qui avaient été mobilisées pour le nouvel hôpital ne sont plus disponibles car elles seront consacrées à la reconstruction de l’hôpital de Mamoudzou.
Il est très difficile d’envisager de rénover l’hôpital actuel, qui est un site occupé en centre-ville, dans une ville dense. Le phasage des opérations me paraissait logique, à savoir construire au moins une première phase du nouvel hôpital, sur la côte Ouest. Cela a d’autant plus de sens qu’un nouvel aéroport sera construit, ce qui permettra de faire un trait d’union entre l’Est et l’Ouest et facilitera les évacuations sanitaires. C’est à la condition que l’on puisse transférer une partie des patients de l’hôpital actuel vers le nouvel hôpital que l’on pourra conduire les opérations de structures lourdes à Mamoudzou. J’aimerais donc être rassurée sur ce phasage.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je suis surprise par les déclarations du rapporteur général. Il me semble que le président du conseil départemental a annoncé à plusieurs reprises que le foncier pour l’hôpital de Combani était réservé et qu’il n’y avait plus d’obstacle sur ce point. Vous ne pouvez donc pas nous dire que ce projet nécessite des expropriations.
Au fond, l’absence de confiance des Mahorais et des Mahoraises dans les engagements pris par l’État tient à ce type de déclarations : interlocuteur après interlocuteur, on leur dit que c’est prêt, puis que ce n’est pas prêt, puis que c’est fait, puis que cela va être fait, puis que cette fois-ci c’est la bonne, etc. Cela vaut pour le deuxième hôpital comme pour le deuxième centre pénitentiaire ou la cité judiciaire : c’est tout le temps comme cela et, à chaque fois, vous revenez avec des arguments fallacieux du style « il n’y a pas de foncier ».
Or, quand on entre dans les détails, on constate par exemple que, s’agissant du deuxième centre pénitentiaire, le représentant de l’administration foncière qui a fait le tour de l’île pendant trois jours pour prétendument chercher du foncier n’est jamais allé voir le conseil départemental, pourtant le plus grand propriétaire terrien de Mayotte. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Faites en sorte que vos déclarations devant la représentation nationale soient concrètes et vérifiées si vous ne voulez pas que la parole publique perde du crédit. Les parlementaires qui suivent les dossiers ne peuvent pas entendre tout et son contraire sur ce qui se passe à Mayotte.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je veux répondre à l’inquiétude légitime de Mme Voynet concernant la difficulté de réaliser des travaux lourds dans le CHM. Le phasage est certes une question importante mais la priorité des priorités pour le CHM est de réparer les dégâts causés par le passage de Chido.
Mme Anchya Bamana (RN). À ma connaissance, il n’y a pas de problème de foncier concernant cet hôpital. La question qui se posait était celle de l’achat par l’État du foncier à Combani mais il n’y a pas de problème d’acquisition foncière. Il en va de même pour la cité judiciaire prévue au Nord : les investissements sont prévus depuis le conflit social de 2018 mais il n’y a pas de problème foncier.
M. Manuel Valls, ministre d’État. La construction du deuxième site hospitalier à Combani représente une priorité pour le gouvernement, les élus et les Mahorais. Je veux bien croire que, par le passé, des promesses n’ont pas été tenues mais, en l’occurrence, nous sommes en train d’examiner un texte de loi dans lequel nous prenons des engagements. Vous pouvez toujours considérer que ce sont des mensonges mais, pour ma part, je prends au sérieux les travaux de la commission et du Parlement. Jamais un texte de loi n’a été autant argumenté du point de vue des investissements et de leur pluriannualité. L’enjeu est de concrétiser cet engagement et, pour cela, il faut agir. Des financements ont été validés à hauteur de près de 150 millions d’euros. La ligne globalise simplement les crédits de reconstruction de l’hôpital actuel et de construction du nouvel hôpital. C’est cela qu’il faut bien préciser et nous le ferons le plus vite possible.
Par ailleurs, s’agissant de la question foncière, 17 hectares sont nécessaires. Le conseil départemental apporte 1,5 hectare. Je ne mets pas en cause, bien au contraire, les engagements du conseil départemental mais chacun doit gérer sa part. Nous allons donc préciser cet élément avec le président du conseil départemental car je ne me contenterai pas d’engagements oraux. Ce qu’il nous faut, et cela vaut bien évidemment pour l’État, ce sont des engagements écrits. Nous allons donc compléter ce point le plus vite possible et nous pourrons en informer, si elles ne le sont pas déjà avant nous, les deux députées de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Il ne fallait pas lire dans mes propos un quelconque doute. Nous vous communiquerons d’ici la séance l’arrêté du préfet identifiant les propriétaires et indiquant que la cession des terrains devait être engagée afin que la construction commence le moment venu.
Je rappelle que 122 millions d’euros sont prévus pour l’hôpital de Mamoudzou et, pour le nouvel hôpital de Combani, 10 millions pour la planification et 153 millions pour les travaux. Jamais nous n’étions arrivés à un tel niveau de précision, intégrant la localisation. J’imagine donc que nous ferons front commun pour obtenir ces parcelles. En tout cas, pour l’implantation à venir, vous avez la garantie que nous y mettrons toute notre énergie.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CL464 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL386 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement, signé par les quatre rapporteurs, vise à développer un réseau de professionnels de santé libéraux pour améliorer l’offre de soins accessibles à Mayotte. Dans ce territoire qui est le moins doté de France en nombre de professionnels, nous n’arriverons à rien si nous ne mettons pas en réseau les différents acteurs.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’un des nombreux enjeux en matière de santé à Mayotte est de développer l’accès aux soins en milieu libéral. Il s’agit de créer de l’attractivité en offrant la possibilité d’exercer en libéral par le développement d’un réseau de maisons de santé pluriprofessionnelles et en permettant aux professionnels qui préféreraient le salariat d’exercer dans les centres de santé. Cela se ferait en articulation avec l’agence régionale de santé (ARS), qui est à la manœuvre à travers le projet régional de santé, pour élaborer ce développement sur le territoire de Mayotte.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je ne suis pas hostile à cet amendement mais les nombreuses collectivités qui se sont lancées dans la construction de centres de santé butent sur deux difficultés. La première porte sur le projet médical au sein de cette maison : une maison de santé pluriprofessionnelle ou une communauté professionnelle territoriale de santé se construit autour d’un projet populationnel – ce point ne doit pas être oublié.
La deuxième difficulté concerne la viabilisation de l’activité libérale au sein de ces maisons. Je ne vois pas bien comment on fait sans l’AME (aide médicale de l’État).
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il est évident que l’ARS ne construira pas des murs vides, mais l’un ne va pas sans l’autre : si vous n’avez pas de locaux sécurisés pour les professionnels, libéraux ou salariés, vous n’aurez pas de professionnels. Nous devons donc parvenir à faire coïncider les deux dispositifs. Une maison de santé pluriprofessionnelle nécessite un projet bâti autour d’un médecin, d’une infirmière et d’une pharmacie. Plus l’accès aux soins sera concentré, plus il sera facile de le sécuriser et de le garantir aux Mahorais. Par ailleurs, tant qu’il n’y aura pas de médecine libérale, il n’y aura pas d’AME.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Concernant l’hôpital, je vous renvoie, madame Voynet, à l’alinéa 288 de la page 98 du rapport annexé, qui prévoit 407 millions d’autorisations d’engagement au total pour l’actuel hôpital et le site de Combani : c’est chiffré et c’est même planifié. Ensuite, évidemment, il faut que les crédits de paiement arrivent, mais les fonds sont bien prévus.
Je souhaite remercier Philippe Vigier et Agnès Firmin Le Bodo pour le travail qu’ils ont mené sur la question des centres de santé et j’indique que le gouvernement est favorable à cet amendement comme au suivant.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL463 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL138 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le système de santé à Mayotte est fortement fragilisé en raison d’un manque d’investissement structurel. L’offre de soins est insuffisante et les Mahorais en subissent quotidiennement les conséquences. Bien avant le cyclone Chido, les alertes étaient nombreuses, et pourtant rien n’a été fait. Le nombre de lits d’hospitalisation disponibles y représente à peine 40 % de la moyenne nationale, avec seulement 1,5 lit pour 1 000 habitants, contre 3,6 dans l’Hexagone. Les conséquences sanitaires sont alarmantes : près de la moitié des habitants renoncent à se soigner.
La santé est un bien commun essentiel, qui doit répondre aux besoins réels de la population. L’État doit s’engager pleinement, à la hauteur de l’urgence et des attentes. Nous proposons donc de développer un plan pluriannuel d’investissement dans la santé, d’étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte – en écho à la proposition de loi de Mme Youssouffa, qui n’a malheureusement pas pu être votée lors de la journée réservée au groupe LIOT –, de développer l’offre de soins et de formations en santé, et d’accélérer la construction du deuxième hôpital, qui se fait attendre depuis 2019.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Peut-être Agnès Firmin Le Bodo ou Estelle Youssouffa voudront-elles vous répondre, puisque vous avez évoqué la proposition de loi visant à étendre l’AME à Mayotte, que nous avons examinée dans l’hémicycle le 15 mai dernier. Le ministre Neuder s’était alors engagé à apporter la meilleure réponse possible aux difficultés de l’île.
Il n’était pas acquis que nous puissions présenter un plan aussi ambitieux en matière de santé – M. le ministre d’État nous y a beaucoup aidés. Cette exigence s’imposait. Au vu du contexte qui prévaut dans l’Hexagone, l’enveloppe de 400 millions d’euros allouée à Mayotte est une réponse très forte.
Je ne suis en revanche pas favorable à l’extension de l’AME à Mayotte. Nous devons par ailleurs développer l’offre de santé en ville, le nombre actuel de médecins n’étant pas satisfaisant. Au-delà des établissements, ce sont aussi la capacité de formation et l’attractivité des filières qu’il faut améliorer : avoir recours à la réserve sanitaire pour que les hôpitaux fonctionnent ne saurait être la seule solution.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL139 de M. Aurélien Taché
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Afin que les mesures nécessaires à la reconstruction soient prises dès maintenant, nous proposons de prévoir que l’égalité réelle sera atteinte « immédiatement », et non en 2031, et que la convergence sociale, notamment l’augmentation du smic, interviendra « immédiatement », et non « progressivement ». Les difficultés de Mayotte résultent principalement des inégalités entre les Mahorais et le reste de la population française. Il faut rétablir l’égalité dès à présent.
On ne peut pas le faire dès maintenant, me direz-vous. En réalité, nous en aurions les moyens si nous avions voté le budget issu des travaux de la commission des finances l’année dernière. Nous devons conduire une politique qui réponde aux besoins, et non à des logiques austéritaires et néolibérales – même si je sais que tout cela vous échappe et que vous y serez certainement défavorables. Ce que je propose n’a rien d’un coup de baguette magique, il s’agit d’un choix politique : si on veut, on peut, parce que de l’argent, il y en a.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous parlez d’austérité et de néolibéralisme. Il est pourtant une vérité sonnante et trébuchante : au 1er janvier 2026, le smic à Mayotte atteindra 87,5 % du niveau national, alors qu’il y était beaucoup plus faible l’année dernière. Cette convergence est permise par des ordonnances. Que se serait-il passé autrement ? Nul ici ne peut le dire. Reconnaissez que nous faisons un effort absolument considérable pour concrétiser la convergence sociale, ce dont nous devrions tous nous réjouir. Vous êtes libre de fixer un objectif encore plus ambitieux, mais je ne peux pas laisser dire que nous obéirions à une logique austéritaire et néolibérale.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Nous avons adopté ce matin un amendement du rapporteur général concernant le Smic. Vous avez tout à fait le droit de vouloir aller plus loin, mais nous avons argumenté en faveur de sa hausse progressive, mais significative, à compter du 1er janvier 2026. Je vous laisse libre des qualificatifs que vous employez, mais avec un engagement de 4 milliards d’euros d’investissements pour améliorer les conditions sociales, la santé et les services publics à Mayotte, on est très loin de l’austérité et du néolibéralisme, même si l’essentiel est maintenant que nos compatriotes mahorais constatent réellement ces changements.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL363 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il s’agit de veiller à ce que la convergence sociale, que nous appelons de nos vœux, fasse l’objet d’un compte rendu annuel, afin que nous puissions nous assurer du respect du rythme annoncé et de l’évolution du système de protection sociale de Mayotte.
Je demande une nouvelle fois au ministre d’État où en est la remise au Parlement du rapport censé présenter les inégalités entre les montants de prestations sociales versés à Mayotte et ceux pratiqués dans l’Hexagone, ainsi qu’un calendrier détaillé d’alignement. Le délai de trois mois prévu dans la loi d’urgence pour Mayotte est dépassé, alors même que ce rapport aurait été bien utile pour alimenter nos débats.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’ai déposé à l’article 15 un amendement qui vous apportera toute satisfaction. Je vous propose donc de retirer le vôtre.
L’amendement est retiré.
Amendement CL151 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). L’enjeu de la refondation de Mayotte n’est pas seulement de reconstruire le bâti, mais aussi d’atteindre l’égalité réelle à travers la convergence économique et sociale, comme indiqué dans le rapport annexé. Au 1er novembre 2024, le smic versé à Mayotte était inférieur de 439,83 euros à celui versé dans le reste de la France. L’horizon de 2031 prévu pour faire converger ces montants est trop lointain. Je propose de le fixer à 2027.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous avez, je le crois, été parfaitement éclairée sur ce point au cours de nos débats de ce matin. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL387 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Interrogé hier, au cours de son audition, sur le processus de convergence sociale, le ministre d’État est convenu de la nécessité de porter une attention particulière aux retraités. Nous souhaitons que ces derniers bénéficient d’une revalorisation de leur pension, afin d’améliorer leur niveau de vie et leur pouvoir d’achat.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL337 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite que la convergence du smic net soit effective dès 2027.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. J’ai déjà évoqué la belle avancée que nous avons obtenue et dont nous devrions tous réjouir.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL465 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendements CL359 de Mme Estelle Youssouffa, CL370 de Mme Dominique Voynet et CL364 de Mme Estelle Youssouffa (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’alinéa 189 prévoit que le RSA et l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ne seront alignés sur leur niveau hexagonal qu’à compter de 2031 et dispose que « le niveau des naissances à Mayotte n’appelle pas d’alignement rapide des prestations familiales ». Pour agir de manière plus conforme à l’esprit des annonces du gouvernement, il nous semble que l’alignement social doit s’étendre à l’AAH et au RSA, ainsi qu’aux prestations familiales. Nous proposons donc de supprimer cet alinéa.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il est indiqué à l’alinéa 187 que « l’État affirme un principe de priorité du travail ». C’est une très bonne chose, si ce n’est que le projet de loi n’est pas très concret en matière de relance économique et d’accès à l’emploi. Utiliser cet argument à l’alinéa 189 pour en déduire que cette priorité rendrait secondaire d’autres préoccupations me paraît donc très contestable. Invoquer le « niveau des naissances à Mayotte », dont on comprend bien qu’il est jugé excessif plutôt que trop faible, pour justifier le non-alignement des prestations familiales ne me paraît pas totalement convenable – c’est même carrément paternaliste. Je propose donc de supprimer cette mention.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement CL364 est un amendement de repli. Depuis 2011, l’État a opté pour une harmonisation très progressive des aides sociales à Mayotte, sans créer les outils nécessaires au sein de la caisse de sécurité sociale compétente, en invoquant de manière répétée la nécessité d’éviter un hypothétique appel d’air migratoire. Résultat : le montant de l’AAH, à l’instar de celui du RSA, est deux fois plus faible que celui versé dans les autres régions – 506 euros contre 1 016. Cette différence a évidemment un impact majeur sur la vie quotidienne des Mahoraises et des Mahorais, qui font face à une cherté de la vie hors norme. L’État exclut explicitement et volontairement les prestations familiales d’un alignement social qui est pourtant la base de l’égalité républicaine. C’est grave.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’alinéa 189 du rapport annexé prévoit très clairement un rattrapage complet, d’ici à 2031, pour le RSA et l’AAH – pour cette dernière, il devrait même intervenir dès 2029. L’extension de la prime à la naissance, de la prime à l’adoption, de la prestation partagée de l’éducation de l’enfant (PreParE) et de l’assurance vieillesse des parents au foyer est aussi prévue pour 2029. Un calendrier différencié selon les prestations sociales a donc bien été préparé. Avis défavorable.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Le 5 juin, à l’occasion de la niche parlementaire du groupe GDR, nous avons adopté une proposition de loi d’Édouard Bénard prévoyant le versement des allocations familiales dès le premier enfant, car il nous apparaissait que la politique actuelle n’avait plus aucun impact sur la natalité en France.
Vous proposez ici l’exact inverse : au motif qu’il y aurait trop d’enfants par femme à Mayotte, il faudrait attendre avant de procéder au rattrapage social. Cet argument n’est absolument pas recevable. Je viens de vérifier : moyennant 170 euros et deux heures dix-huit de vol, on peut se rendre de Mayotte à La Réunion, dont les habitants se sont longtemps battus pour obtenir l’égalité sociale. Voilà ce qu’il suffit de faire pour percevoir des allocations équivalentes à celle de l’Hexagone. C’est parfaitement honteux.
Vous proposez de reporter au-delà des prochaines élections présidentielles le respect des promesses dont vous savez pertinemment qu’elles n’ont pas de valeur normative et que le prochain président de la République pourra les balayer d’un revers de main. Si vous voulez véritablement avancer sur ce dossier et si vous considérez que vos engagements ne sont pas que des promesses, faites-en sorte de pouvoir les tenir vous-mêmes, en garantissant une réelle égalité des droits sociaux avant 2027.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne peux pas promettre des choses que nous ne serons pas capables de tenir, car vous m’en feriez le reproche, à raison. Je peux en revanche vous fournir le calendrier précis de l’évolution de l’ensemble de ces prestations sociales. On a trop promis sans faire, par le passé, pour s’y risquer à nouveau. J’y attache une importance tout à fait considérable.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il serait faux, d’ailleurs, de prétendre qu’on ne promet rien. Le fait que la convergence soit inscrite dans la loi est bien plus qu’une promesse : cela ouvre la voie à des ordonnances qui nous permettront d’avancer, et ce de façon inédite. Pour la première fois, nous inscrivons dans la loi une trajectoire que nous pourrons effectivement respecter. Les auditions ont montré qu’au-delà de l’aspect budgétaire, il importe de répondre à une multitude d’enjeux techniques assez importants.
Je défendrai par ailleurs un amendement imposant au gouvernement de nous présenter chaque année un rapport faisant état de l’évolution de la convergence sociale – car, comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. le ministre d’État, nous n’aimons pas les ordonnances et devons, en tant que représentants de la nation, être correctement informés. Nous disposons également de moyens d’évaluation pour contrôler cette évolution. Ne laissons donc pas dire que nous ne faisons rien.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Validez les ordonnances et vous aurez les engagements législatifs que vous appelez de vos vœux. Nous verrons si la proposition de loi que vous avez adoptée la semaine dernière sera reprise par nos amis sénateurs, et en quels termes. Pour notre part, nous proposons des améliorations qui seront opérationnelles dès 2026. L’audition des représentants de la direction de la sécurité sociale a en effet bien montré la technicité des évolutions nécessaires, qui n’est pas à écarter, tant s’en faut.
La commission adopte l’amendement CL359.
En conséquence, les amendements CL370 et CL364 tombent.
La réunion est suspendue de dix-sept heures cinq à dix-sept heures vingt.
Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, vice-présidente de la commission.
Amendement CL152 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). La protection sociale des agriculteurs mahorais est gérée depuis la métropole, par la caisse de la Mutualité sociale agricole (MSA) d’Armorique. Ce choix méconnaît totalement la réalité du territoire : à Mayotte, l’agriculture est encore largement informelle, les exploitants sont peu ou pas déclarés et l’accès aux droits sociaux reste un véritable parcours du combattant. Dans ces conditions, confier cette mission à une caisse basée à des milliers de kilomètres est problématique.
Nos agriculteurs ont besoin de proximité, de dialogue et d’un accompagnement humain adapté au contexte insulaire. Comment imaginer qu’une caisse bretonne, si compétente soit-elle, puisse comprendre les spécificités de notre modèle agricole, qui repose sur de petites exploitations familiales sans mécanisation et, souvent, sans titre de propriété ? De plus, les difficultés d’accès au numérique, les obstacles linguistiques et l’éloignement des guichets compliquent les démarches administratives. Cette externalisation ne fait qu’aggraver la fracture sociale et territoriale. Je propose donc que la caisse de sécurité sociale de Mayotte gère la protection sociale des agriculteurs mahorais, comme c’est le cas dans les autres départements d’outre-mer.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Si je partage votre souhait, je ne suis pas certain qu’il soit possible de respecter l’échéance de 2027 que vous proposez. Si nous parvenons à faire en sorte que la caisse de sécurité sociale de Mayotte assure la gestion avant la date prévue dans le rapport annexé, nous le ferons, mais je ne saurais le garantir pour l’instant. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL143 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous souhaitons que l’État prenne un engagement fort en vue de résoudre les problèmes de pauvreté et de précarité à Mayotte. Le taux de chômage dans l’archipel atteint 37 % et le taux de couverture du commerce extérieur n’est que de 2 %, ce qui signifie que Mayotte importe 98 % de ses besoins. Le département affiche aussi le PIB par habitant le plus bas de France.
L’État doit donc créer une activité économique au service des Mahorais. Au lieu de cela, le gouvernement persiste à refuser l’augmentation du smic et n’hésite pas à multiplier les cadeaux fiscaux aux entreprises, au mépris de l’urgence sociale. Une autre voie que ce désastre annoncé est possible. L’activité économique mahoraise doit être relancée, non par une offre tous azimuts et incontrôlée, mais en partant des besoins et en se fondant sur les atouts de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je ne peux pas laisser dire que le gouvernement ne fait rien, alors qu’il met 4 milliards d’euros sur la table à travers la déclinaison du plan d’investissement en grande partie repris dans le rapport annexé et qu’il flèche les sommes concernées – nous venons de le voir dans le domaine de la santé.
Bien sûr, ce département est confronté à de multiples difficultés – précarité, taux de chômage –, mais on ne peut pas se contenter d’un catalogue de bonnes intentions. Je ne peux qu’être défavorable à cet amendement, d’autant que l’absence totale de chiffrage nous conduira à coup sûr dans le mur.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Une stratégie détaillée sera établie en application du présent rapport annexé par la mission interministérielle de reconstruction et de refondation pilotée par le général Facon. Elle comportera un ensemble de mesures au service du développement du territoire et de la réduction de la pauvreté à Mayotte. C’est bien une priorité pour le gouvernement, qui est évidemment conscient des retards accumulés, notamment avec le passage du cyclone Chido.
Des financements ont déjà été mobilisés au service de la reconstruction et du développement de Mayotte, même si je sais que leur déploiement effectif est long et difficile, ce qui suscite de l’impatience. Plus de 3,9 milliards d’euros sont prévus dans le rapport soumis au Parlement. Mayotte, comme le reste des outre-mer, doit être aux avant-postes du développement social, écologique et économique.
Les enjeux de prix et de pouvoir d’achat seront traités dans un projet de loi de lutte contre la vie chère, que j’ai annoncé et qui est en cours de finalisation. J’ai d’ailleurs tenu à ce que le renforcement des moyens des OPMR (observatoires des prix, des marges et des revenus) et le contrôle des marges des opérateurs soient au cœur de ce texte, qui comportera aussi bien d’autres mesures. Ces enjeux méritent une discussion distincte, que je conduis évidemment avec l’ensemble des parlementaires des outre-mer, dont beaucoup sont de gauche, y compris de vos rangs.
Vous nous reprochez de vous attribuer je ne sais quelles intentions. Pour ma part, je n’ose vous accuser de mentir aux Mahorais, mais c’est pourtant ce que vous faites. Il n’est pas possible d’aligner immédiatement le smic net à Mayotte sur son niveau hexagonal comme vous le proposez. Franchement, j’aimerais le faire – comme nous tous ici –, et sans doute cela aurait-il dû être fait avant. L’évolution du salaire minimum doit être progressive et ne pas déstabiliser davantage le tissu entrepreneurial de Mayotte – il ne s’agit pas de faire des « cadeaux », puisqu’il est surtout question de PME, et même de très petites entreprises déjà durement éprouvées. Cette hausse du smic doit, à notre sens, intervenir en premier, précisément parce que nous voulons favoriser le travail et la reprise de l’activité.
Faisons attention aux messages que nous envoyons. Chacun souhaite que les choses aillent vite, mais les Mahorais ont déjà été biberonnés aux engagements non tenus. L’idée est bien, avec ces 4 milliards d’euros de mesures de convergence sociale ainsi que les dispositions présentées par les rapporteurs en matière de santé, d’atteindre nos objectifs. Nous le faisons avec méthode. Il est tout à fait normal de débattre du rythme de la convergence, mais à condition de faire preuve d’un minimum de réalisme et de respect vis-à-vis de nos compatriotes mahorais.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Si nous en venons à parler de mensonges, sans doute ne vaut-il mieux pas lancer un concours, car vous mentez, vous aussi. Il a été prouvé que la convergence économique supposément créatrice de richesses pour le plus grand nombre que vous prônez, à travers notamment la création d’une zone franche globale au sein de laquelle toutes les entreprises seraient exonérées de taxes pendant cinq ans, ne marche pas. Ce n’est pas moi qui le dis, puisque le rapport conjoint rédigé par les inspections générales en juillet 2020 pointait déjà les limites de ce type de dispositif, soulignant que « les exonérations fiscales et sociales zonées n’ont pas démontré leur efficacité en matière de créations d’entreprises et d’emplois ». Quand vous faites de telles promesses, vous mentez.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL150 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Je remets régulièrement sur la table, auprès du gouvernement, la question de la régularisation foncière. Lors de la départementalisation, deux chantiers avaient été mis en avant pour préparer la réforme : l’état civil et le cadastre. Le premier a été mené à terme sans difficulté. Dans le même état d’esprit, le législateur a fondé en 2017 la Commission d’urgence foncière (CUF) afin de conduire le travail de règlement des successions et des indivisions, pour permettre aux Mahorais d’obtenir leurs titres fonciers. Je souhaite donner les moyens à la CUF de mener à bien ce chantier fondateur pour la reconstruction de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Ce GIP (groupement d’intérêt public) est effectivement très important. Il regroupe la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm), la direction régionale des finances publiques (DRFIP), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le conseil départemental et l’association des maires. L’amendement CL215 de M. Naillet et le CL388, que j’ai déposé, permettront de répondre parfaitement à vos demandes. Ce guichet commun est essentiel pour accélérer les processus de régularisation. Cet outil pourra enfin satisfaire les exigences en matière d’infrastructures publiques et parapubliques à construire. Avis défavorable.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le sujet que notre collègue soulève avec régularité et constance est fondamental. Alors que l’État s’acharne à vouloir accélérer les expropriations, il ne met pas un centime pour régler le désordre foncier dans l’île. La population s’interroge donc légitimement sur l’orientation de cette démarche.
La terre, c’est la base, non seulement du droit à la propriété privée garanti par la Constitution, mais aussi de l’héritage ancestral que nous souhaitons transmettre à nos enfants. Malgré le passage du droit coranique au droit napoléonien, on ne peut que constater que l’État n’a fait aucun effort, que ce soit lors de l’incendie des archives ou de leur transmission par les cadis à l’autorité préfectorale, pour garder cette mémoire et organiser le foncier à Mayotte. Maintenant, votre seule réponse est de proposer, avec l’article 19, des expropriations accélérées.
Pour garantir un semblant d’équilibre, il faut non seulement donner des moyens à la CUF, mais aussi au cadastre, afin de redonner un peu de confiance aux citoyens de Mayotte et les convaincre que l’État n’est pas tout simplement engagé dans une grande entreprise de spoliation qui passerait par une accélération des expropriations et la régularisation des clandestins qui prennent possession des terrains – car c’est ce qui est en jeu. Il faudra bien que le gouvernement prenne en compte les remontées du terrain et agisse de manière équilibrée, sans quoi nous ne pourrons qu’en déduire que son seul objectif est de prendre le contrôle du foncier à Mayotte, malgré les Mahoraises et les Mahorais.
M. Manuel Valls, ministre d’État. L’action menée par l’État dans les années 1990-2000 a permis de mettre en place un cadastre stabilisé à 95 %, qui compte environ 80 000 parcelles. En revanche, l’attribution d’un titre de propriété à l’ensemble de nos concitoyens mahorais qui en font la demande reste un enjeu majeur. Il est prévu, dans le rapport annexé, que la mission chargée de la reconstruction et de la refondation de Mayotte devra rédiger et mettre en œuvre une stratégie quinquennale pour les années 2026-2031. Cela devra être fait avec méthode, dans l’écoute et sans créer de fausses polémiques – je parle de l’État.
La question de la régularisation foncière devra être au cœur des priorités de cette stratégie, compte tenu des besoins du territoire et de l’attachement des Mahorais à la propriété privée. Une expérimentation en matière de régularisation, concernant un ensemble important de parcelles, a d’ores et déjà été lancée à Mamoudzou dans le cadre d’un guichet commun qui réunit les services de l’État – la direction régionale des impôts, la CUF, la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm) et la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf) – et le département de Mayotte.
Une estimation des effectifs nécessaires pour assurer une régularisation massive des titres de propriété sera réalisée à l’issue de l’expérimentation. Ce cadrage ne concernera pas que la CUF, qui n’est d’ailleurs pas chargée du cadastre – je ne vous l’apprends pas. De plus, l’alinéa 199 du rapport annexé prévoit que l’État s’engage à renforcer les moyens d’action de cette commission. Je considère donc que l’amendement présenté par Mme Bamana est satisfait. S’il était maintenu, je demanderais son rejet.
Madame Youssouffa, l’État n’a aucune obsession en matière de foncier, d’expropriation ou de contrôle. Même si je connais le passé et comprends les peurs ou les interrogations, cela n’a aucun sens. Nous débattrons de la manière d’accélérer des opérations sur des terrains dont une grande partie appartient non pas à l’État mais au conseil départemental. Nous trouverons, je n’en doute pas, une voie permettant d’avancer.
Il me semble que nous pouvons travailler sur ce sujet sans tout le temps mettre en cause – mais ce n’était pas le sens des propos tenus par Mme Bamana – je ne sais quels intérêts ou obsessions. Je veux seulement trouver les outils les plus efficaces, en restant très attentif et en apportant des réponses – nous le ferons notamment à l’article 19 – à ces questions qui sont, je le reconnais, sensibles et délicates. Je suis certain que les rapporteurs, en commission comme en séance publique, sauront trouver le meilleur chemin possible.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL357 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous demandons que le Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte et les gestionnaires mahorais d’aires protégées soient associés à la révision du schéma d’aménagement régional, rendue nécessaire par le passage du cyclone Chido. Nous sommes en train de repenser complètement notre territoire dans le cadre de ce projet de loi. Alors que notre île est considérée par le Giec – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – comme un trésor de biodiversité, il nous paraît fondamental d’associer ces acteurs aux travaux portant sur les zones qui seront consacrées à notre développement. Nous avons vu à Ironi Bé, par exemple, qu’il faut réfléchir aux enjeux environnementaux si nous voulons transmettre à nos enfants une île habitable et vivable.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je partage votre souhait que tous les enjeux, en particulier la dimension environnementale, soient pris en considération lors de la révision du schéma d’aménagement régional. Je n’y reviens pas davantage car nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises depuis hier. Il existe néanmoins une petite difficulté : ni le Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, ni les gestionnaires d’aires protégées ne figurent dans le code général des collectivités territoriales parmi les personnes ou les établissements dont l’avis doit être sollicité, à l’instar des parcs nationaux ou des parcs naturels régionaux, lorsqu’ils existent – cela fait partie des anomalies actuelles. Ces acteurs pourront être associés, à titre informel – j’imagine que vous saurez faire valoir cette exigence, que je partage –, mais je ne peux pas, pour des raisons légistiques, donner un avis favorable à cet amendement, qui serait inefficace.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je vais retirer l’amendement, en vue d’une réécriture : je regarderai s’il est possible de modifier dans ce sens les dispositions concernant l’évolution institutionnelle de Mayotte.
L’amendement est retiré.
Amendement CL215 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Nous proposons que le plan d’action établi par le gouvernement pour la régularisation du cadastre précise les moyens complémentaires qui seront concrètement affectés à cette tâche et, par ailleurs, que le plan d’action soit mis en œuvre à partir du 1er janvier 2026.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je connais votre implication dans ce domaine, mais j’ai un léger doute sur la date : elle ne me paraît pas réaliste. Mon amendement CL388 me semble préférable.
Comme l’a dit le ministre d’État, il faut rassurer les occupants sur cette question sensible que sont les expropriations, en veillant, notamment, à ce qu’ils connaissent bien les conditions d’indemnisation. La confiance ne naîtra que si nous arrivons à mener la régularisation foncière dans des conditions satisfaisantes.
L’alinéa 199 du rapport annexé dit très clairement que « l’État veillera à associer la commission d’urgence foncière – acteur essentiel de cette phase de régularisation foncière – à la réalisation de ces travaux et à renforcer ces moyens d’action ».
L’amendement est retiré.
Amendement CL388 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement, que j’ai déposé avec mes trois corapporteurs, souligne que la régularisation du cadastre, donc des titres de propriété, doit être considérée comme une priorité et une urgence absolue afin, notamment, de permettre certaines opérations indispensables pour réparer les dégâts causés par le cyclone Chido et d’engager les opérations d’investissement dont nous avons parlé. Le groupement d’intérêt public (GIP) sera renforcé grâce à la création d’un guichet commun – il aura ainsi plus de moyens à sa disposition.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL461 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendement CL147 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Afin de produire une vision d’avenir pour Mayotte, il faut sortir de l’idée que l’habitat illégal serait uniquement la conséquence de l’immigration. D’après les enquêtes menées par Harappa et des travaux de chercheurs, deux tiers des ménages vivant dans un logement précaire ont à leur tête un adulte de nationalité française ou en situation régulière. Personne ne nie la souffrance de la population de Mayotte, ni les violences du quotidien, ni les inégalités criantes mais, au lieu de suivre une approche sécuritaire et répressive qui maintient l’île dans une impasse, il faut mener une politique ambitieuse pour garantir un logement digne à toutes et tous.
Nous demandons ainsi, par cet amendement, que l’État s’engage à garantir le relogement durable de toutes les personnes à Mayotte ou, si elles l’acceptent, sur le reste du territoire national, qu’elles soient présentes de manière régulière ou non, et à ne procéder à aucune expulsion sans solution de relogement ; à mettre en œuvre un plan pluriannuel d’investissement et de développement d’un service public du logement ; à élaborer un véritable plan pour le logement, à la hauteur des besoins ; à s’assurer que les dérogations exceptionnelles aux règles de l’urbanisme ne visent qu’à construire des logements dignes pour les Mahorais et à interdire toute construction ne pouvant garantir la sécurité des personnes et la préservation de l’environnement ; à prendre en compte les besoins de confort thermique en milieu tropical dans les opérations de reconstruction et à intégrer cette dimension dans les nouvelles normes de construction ; à favoriser l’accès au logement social et à lutter contre les pénuries en la matière, par une application rigoureuse de la loi « droit au logement opposable » ; à intégrer Mayotte dans la liste des territoires pouvant avoir recours au dispositif expérimental d’encadrement des loyers actuellement en vigueur en zone tendue.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je rappelle à notre collègue qu’une opération d’intérêt national est prévue à Mayotte et que l’objectif de construire le plus de logements possible figure déjà dans le rapport annexé – 24 000 logements verront le jour dans les dix ans, dont une partie importante de logements sociaux. Pour le reste, pardonnez-moi, cet amendement reste un peu dans l’incantation. Ce n’est pas l’État qui va construire lui-même des logements, mais un établissement public et les collectivités locales. Par conséquent, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL216, CL218 et CL220 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Le premier amendement vise à fixer un objectif de 0 % de déchets traités par enfouissement à Mayotte à l’horizon 2031. Le taux est actuellement de presque 100 %, contre 15 % au niveau national. Un rapport sénatorial de décembre 2022 sur la gestion des déchets dans les outre-mer signalait que la cote d’alerte était atteinte et que Mayotte faisait face à une double urgence, environnementale et sanitaire. L’État doit débloquer des moyens supplémentaires pour appliquer rapidement, selon un calendrier ambitieux, des plans structurels de rattrapage.
L’amendement suivant prévoit la transmission d’ici à la fin de l’année du calendrier des investissements relatifs à la sortie du tout-enfouissement au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
L’amendement CL220 demande la transmission d’une étude de faisabilité sur la sortie du tout-enfouissement au comité de suivi avant le 31 décembre.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’amendement CL216 a dû être rédigé un peu rapidement, car il prévoit un objectif de réduction de 0 % des déchets traités par enfouissement ! Sur le principe, il faut aller vers une réduction du recours à l’enfouissement, mais un délai de cinq ans ne me paraît pas réaliste. Avis défavorable.
Je suis favorable à la transmission du calendrier des investissements, mais je trouve que demander l’achèvement d’une étude de faisabilité au 31 décembre reviendrait à aller un peu vite en besogne : une telle étude ne sera probablement disponible qu’en 2026. Ce seront très probablement les collectivités locales qui la conduiront et nous ne maîtrisons pas les délais. À cet égard, avis défavorable.
M. Philippe Naillet (SOC). Je réécrirai l’amendement CL220 pour la séance.
L’amendement CL220 est retiré.
Successivement, la commission rejette l’amendement CL216 et adopte l’amendement CL218.
Amendement CL326 de M. Charles Fournier
Mme Dominique Voynet (EcoS). La gestion des déchets à Mayotte n’est pas une question très simple. À côté de la filière officielle de collecte et de traitement par enfouissement, il existe énormément de décharges sauvages, d’objets plus ou moins susceptibles de se décomposer rapidement, comme les pneus, et de nombreux problèmes spécifiques se posent sur le plan sanitaire ou de la sécurité. On trouve partout dans le paysage des véhicules hors d’usage, pour lesquels il faudra peut-être inventer une filière ad hoc. Je me souviens par exemple que de très jeunes enfants sont morts, il y a quelques années, après s’être enfermés en plein soleil dans une voiture abandonnée.
Cet amendement a pour objet de compléter la stratégie de ramassage et de valorisation des déchets pour éviter, notamment, la présence de décharges, en particulier sauvages mais pas seulement, à côté des écosystèmes fragiles. Il faudrait également s’assurer qu’une gestion différenciée des déchets végétaux est mise en place et, même si l’amendement ne le précise pas en tant que tel, appliquer des stratégies nouvelles à Mayotte, dont le territoire est à la fois petit et très peuplé. Il serait ainsi utile de revenir à des systèmes de consigne pour les canettes métalliques et les bouteilles en plastique ou en verre. Si un territoire mérite qu’on collecte, contre paiement, les emballages usagés pour ensuite les réutiliser, c’est bien Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’alinéa 212 du rapport annexé est ainsi rédigé : « Dans cet effort de rattrapage, l’État soutiendra les investissements relatifs aux déchèteries fixes ou mobiles, au fonctionnement optimal de l’actuelle installation de stockage des déchets non dangereux (ISDND) de Dzoumogné ou aux centres de tri multi‑filières. »
Qu’il faille prendre le maximum de précautions et réaliser des études pour les futurs sites d’entreposage ou de valorisation, je vous l’accorde, mais le premier point de votre amendement risque de complexifier encore la démarche. Nous retomberons alors dans les mêmes difficultés et les mêmes questions continueront à se poser dans quatre ans.
Vous savez très bien qu’on n’ouvre pas une unité de valorisation des déchets ou un centre de stockage n’importe comment. Par ailleurs, s’il est question de « rattrapage » dans le texte, cela veut dire qu’on mettra à niveau les sites existants. J’émets un avis défavorable à cet amendement, mais l’exigence que vous défendez est bien prise en compte.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). J’irai, une fois n’est pas coutume, dans le même sens que Mme Voynet. La question des déchets à Mayotte, où l’on importe tout, est problématique. Si les autorités publiques décidaient d’interdire l’importation de canettes, elles régleraient immédiatement un des problèmes actuels. Il y a quelque chose de complètement dissonant dans la manière dont on aborde ces sujets dans un territoire aussi petit : lors de la crise de l’eau, nous n’avons pas cessé d’alerter les pouvoirs publics sur le fait qu’on allait importer de grandes quantités des bouteilles en plastique, mais rien n’a été réfléchi, ni organisé correctement, et nous nous sommes retrouvés avec une pollution massive.
La question de l’enfouissement, qui n’est pas propre à Mayotte, est extrêmement importante. Les compagnies maritimes ont décidé de suspendre ou de diminuer considérablement la rotation des bateaux chargés de récolter les déchets dangereux ou particulièrement polluants, ce qui a accéléré l’enfouissement des déchets permanents. Nous avions déjà, bien avant le passage du cyclone, des quantités hallucinantes d’épaves de voitures et de produits dangereux, par exemple d’origine médicale ou industrielle, même si Mayotte n’a qu’une industrie très petite.
Le problème des déchets ne peut pas relever de solutions uniquement locales. Dans les autres territoires insulaires, une collecte a lieu, mais chez nous le secteur privé, en l’occurrence les compagnies maritimes, a décidé de se désengager et nous le payons très cher.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’ai déjà évoqué l’effort de rattrapage prévu à l’alinéa 212. Selon l’alinéa suivant, « l’État veillera à la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la gestion durable des déchets : éco‑organismes, collectivités, syndicat dédié, entreprises, population, associations ». Une sensibilisation doit être faite – je sais que vous avez relayé, à l’époque, les préoccupations concernant les bouteilles d’eau – et l’État pourra investir, c’est dit très clairement dans le texte, pour accompagner les projets des collectivités. Par ailleurs, nous pourrons surveiller la situation chaque année au sein du comité de suivi de la loi de programmation, où des parlementaires seront représentés. Je ne pense pas que beaucoup d’autres lois de programmation adoptées ces dernières années fassent l’objet d’une évaluation chaque année.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL356 de Mme Estelle Youssouffa et CL222 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il nous semble important de permettre au syndicat mixte de collecte et de traitement des déchets ménagers de Mayotte d’être éligible à titre dérogatoire, dans le cadre de la loi de finances et pour cinq ans, à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et de bénéficier des soutiens aux investissements qui sont nécessaires, grâce au fonds Vert et à la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local.
M. Philippe Naillet (SOC). Notre amendement vise aussi à faire en sorte que le syndicat mixte de collecte et de traitement des déchets ménagers de Mayotte, le Sidevam 976, puisse être éligible à la dotation d’équipement des territoires ruraux pendant une durée de cinq ans, à titre dérogatoire, compte tenu du nombre d’habitants concernés – il est supérieur à 60 000. Pour soutenir les investissements nécessaires, nous proposons également de rendre éligible ce syndicat mixte à la dotation de soutien à l’investissement local.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’aimerais vous donner satisfaction, mais on ne peut pas, en l’état du droit, verser la DETR ou la DSIL à un syndicat mixte. En revanche, rien n’empêche les collectivités – les communes ou le département – d’apporter des financements, et des montages associant l’État et les collectivités peuvent être élaborés. On le fait très souvent dans l’Hexagone. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL322 de M. Charles Fournier et CL229 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je vais retirer l’amendement CL322 car vous allez m’opposer, monsieur le rapporteur général, la même critique que tout à l’heure à l’égard du Conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte, qui semble ne pas avoir un statut très robuste. Nous y reviendrons en séance publique : il est important que les associations et les gestionnaires d’aires protégées soient associés, ainsi que les scientifiques, à la définition d’un diagnostic écologique.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable, en effet. Nous pourrons reparler de ces questions en séance.
L’amendement CL322 est retiré.
La commission rejette l’amendement CL229.
Présidence de M. Florent Boudié, président de la commission
Amendement CL230 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à inclure la lutte contre les espèces exotiques envahissantes dans la stratégie de reboisement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’ai envie de vous donner satisfaction afin qu’une étude à 360 degrés soit réalisée, en n’écartant personne.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL141 de M. Aurélien Taché
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous regrettons que seulement quelques lignes du rapport annexé soient consacrées à la bifurcation écologique, à la préservation de la biodiversité, à la gestion des déchets ou encore à la souveraineté alimentaire. Cette disproportion témoigne d’un désintérêt inquiétant pour les enjeux environnementaux, pourtant cruciaux à Mayotte. Avant le passage du cyclone Chido, l’île se distinguait par la richesse des « jardins mahorais », pilier d’une production alimentaire locale, certes modeste mais essentielle, qui occupe près de 80 % des surfaces agricoles de l’île. Ces jardins agroforestiers mêlent, sur de petites parcelles, des cultures d’une grande diversité, principalement destinées à l’autoconsommation des familles. Au-delà de sa valeur écologique, la biodiversité de l’archipel soutient des secteurs économiques clefs pour Mayotte.
Bien avant le passage de Chido, la situation environnementale était alarmante – nous avons ainsi parlé tout à l’heure de la gestion des déchets. Le cyclone a aggravé cette fragilité. Selon Joël Huat, chercheur au Cirad – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement –, de deux à trois années seront nécessaires pour retrouver le niveau d’autosuffisance qu’avait Mayotte avant Chido. La reconstruction ne peut ignorer l’impératif écologique ; il faut au contraire s’appuyer sur des dynamiques locales et la résilience des écosystèmes pour refonder un modèle durable.
La reconstruction ne sera juste et durable que si la biodiversité et la souveraineté alimentaire sont placées au cœur de l’action publique. Quelques lignes dans un rapport ne suffiront pas : il faut une stratégie ambitieuse, structurée et dotée de moyens à la hauteur des enjeux.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’ambition que vous défendez est très importante : je ne vois pas comment je pourrais m’y opposer. Seulement, lorsque vous demandez dans votre amendement que « sur le plan énergétique, l’État fixe un objectif de 100 % d’énergies renouvelables et l’autonomie énergétique en développant des solutions innovantes », vous ne précisez pas la temporalité. L’échéance est-elle 2050 ou 2070 ? J’ai plutôt de l’ambition, mais j’aime bien qu’on crante les choses afin qu’il y ait des réalités en rapport avec les objectifs ; faute de quoi on finit par les critiquer s’ils ne sont pas atteints.
Par ailleurs, comme je l’ai dit ce matin, la dimension environnementale – le redéveloppement de la forêt et la protection des espèces et de la biodiversité – sera prise en compte dans la révision du schéma d’aménagement régional. Cela permettra de viser le premier objectif figurant dans votre amendement, qui est de ne pas construire n’importe comment et de protéger les espaces boisés, en intégrant la question de la gestion parcellaire des eaux de pluie.
Enfin, nous ne pouvons pas adopter une rédaction dont nous ne connaissons pas l’impact financier, le risque étant, une fois de plus, de ne pas atteindre les objectifs et ainsi de briser la confiance.
Même si nous partageons largement les mêmes intentions, avis défavorable.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’amendement, très ambitieux, de nos collègues de La France insoumise ne s’inscrit pas vraiment dans le temps. Néanmoins, on pourrait faire le même reproche aux alinéas du rapport annexé concernant la politique énergétique, qui donnent l’impression d’être une sorte de catalogue de phrases générales. On peut écrire : « La refondation de Mayotte doit conduire à sortir le territoire de la dépendance aux énergies fossiles, importées à hauteur de 98 % », mais comment cela se traduira-t-il ? L’alinéa suivant prévoit que « la politique énergétique guidée par les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) sera mise à jour afin de doter le territoire d’objectifs au moins jusqu’à l’horizon 2028 ». Or on sait que de telles programmations pluriannuelles de l’énergie n’existent pas. Si M. le rapporteur général ne souhaite pas l’adoption de l’amendement de M. Taché, il pourrait peut-être nous faire une proposition un peu plus consistante. On pourrait, par exemple, doter enfin Mayotte d’un schéma régional de l’énergie, assorti d’une échéance, qui explique comment on fait pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, développer les énergies renouvelables et être plus efficace et sobre sur le plan de la consommation.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous avez commencé votre réponse en disant que vous ne voyiez pas comment vous pourriez vous opposer à cet amendement, mais c’est ce que vous avez fait, au motif qu’il ne prévoit pas de borne temporelle – il n’aurait pourtant pas été complexe de déposer un sous-amendement en ce sens. Si vous nous disiez plutôt que vous avez du mal, depuis que vous êtes aux responsabilités, à tenir vos promesses, je vous donnerais volontiers quitus.
Inscrire dans ce texte un objectif sur lequel nous sommes tous d’accord serait tout de même plus engageant, même en l’absence de limite de temps, que du vide ou des phrases générales autour de l’idée qu’il faudrait sortir des énergies fossiles. Nous proposons une approche positive qui consiste à expliquer comment nous voulons reconstruire, au lieu de nous contenter d’écrire ce que nous ne voulons pas.
Monsieur le rapporteur général, je vous invite modestement, à la place qui est la mienne, à rester en accord avec le début de votre intervention, donc à donner un avis favorable à cet amendement, à l’encontre duquel vous n’avez en réalité aucun argument.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je suis favorable au principe mais je sais, pour avoir participé pendant de longues années à l’élaboration de schémas régionaux d’aménagement et de développement durable, ce qu’exige un tel exercice. Il faut aborder toutes les questions, à 360 degrés – les déchets, l’énergie, les mobilités, le logement... Nous avons été guidés par cette exigence lors des auditions, auxquelles certains de vos collaborateurs ont assisté, notamment celle du ministère des transports.
Pouvons-nous nous satisfaire de ce que vous appelez un catalogue d’intentions ? Nous fixons une ambition dans le rapport annexé, et je suis très heureux de voir que vous vous y associez – vous venez de nous rejoindre –, mais il appartiendra aux élus de prévoir les déclinaisons, qui devront être quantifiées. N’élaborons pas des schémas qui ne verront pas le jour. L’État apportera des moyens et un soutien technique, pour accélérer la mise en œuvre, mais les objectifs seront définis par les élus. Je ne veux pas que l’on se substitue à eux, car il est hors de question de les infantiliser. Ils nous ont demandé d’avoir la main.
Enfin, je reviens sur ce qu’a dit Mme Voynet : si un objectif de 100 % d’énergies renouvelables était souhaitable, comment ferait-on concrètement pour l’atteindre ?
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CL231 de M. Philippe Naillet est retiré.
Amendement CL389 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous souhaitons que le montant des dotations versées aux collectivités soit actualisé dès que les données provisoires du recensement seront connues.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Il est essentiel que les communes aient le plus rapidement possible les chiffres de leur population grâce au recensement, qui démarrera le 27 novembre 2025 et se terminera début janvier 2026. L’engagement a été pris par l’Insee de leur communiquer les chiffres provisoires dès le mois d’août 2026 et consolidés en décembre 2026.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL391 et CL392 de M. Philippe Vigier, rapporteur général.
Amendements identiques CL354 de Mme Estelle Youssouffa et CL232 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Nous souhaitons que l’État s’engage à faire de l’orientation des jeunes vers l’emploi une priorité et à favoriser les dispositifs d’insertion professionnelle et sociale des jeunes. À Mayotte, plus de la moitié de la population a moins de 20 ans. Cette démographie représente un défi autant qu’une opportunité. Nous avons parmi notre jeunesse les futurs médecins, les futurs ingénieurs et les futurs cadres. L’avenir brillant de Mayotte se joue sur les bancs de nos écoles, de nos collèges et de l’université mais aussi dans les dispositifs d’insertion professionnelle et sociale. Il est essentiel de doter la mission locale de moyens à la hauteur.
M. Philippe Naillet (SOC). Il s’agit en effet de mettre le paquet, si je puis dire, sur l’orientation des jeunes vers l’emploi. Près de 25 000 jeunes ne sont ni en formation, ni en emploi, ni scolarisés et 13 000 sont inscrits sur la base de données de la mission locale.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable. Notez que, grâce à l’adoption de l’amendement CL389, les collectivités recevront des dotations actualisées une année plus tôt que prévu.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL84 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte, près de 1 000 jeunes s’engagent chaque année dans le service militaire adapté (SMA), pilier essentiel, et d’une efficacité redoutable, de l’insertion, de la formation professionnelle et de la citoyenneté. Ce n’est pas un service militaire comme on l’imagine, mais un système d’insertion professionnelle qui fonctionne très bien, puisque son taux de réussite est de 85 % voire de 90 % dans certains territoires ultramarins. À Mayotte, où le chômage des jeunes atteint des niveaux records et où les perspectives sont fragiles, le SMA est un levier précieux qu’il faut structurer, renforcer et territorialiser. Ce dispositif mérite d’être amplifié.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le SMA joue en effet un rôle majeur. C’est un fleuron de l’armée que nous avons pu mettre en place dans tous les territoires ultramarins. Le rapport annexé prévoit, d’une part, l’extension du SMA avec la création d’une antenne à Chirongui pour 14 millions d’euros et, d’autre part, une enveloppe de 10 millions d’euros pour reconstruire le site de Combani. Vingt-deux formations professionnelles de qualité y sont délivrées. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
M. Yoann Gillet (RN). Vous avez sous-entendu que vous aviez créé le SMA. Rappelons qu’il a quelques dizaines d’années ! Par ailleurs, pour être rapporteur pour avis du projet de loi de finances (PLF) sur la mission Outre-mer depuis trois ans, je sais que lorsque vous étiez ministre, monsieur le rapporteur général, les crédits du SMA étaient en baisse. Pour une fois que l’on a un dispositif qui fonctionne en France, vous ministre vous aviez baissé l’enveloppe qui lui était allouée. Le SMA mérite une attention particulière et davantage de crédits parce que c’est le seul dispositif d’insertion professionnelle qui fonctionne réellement.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le SMA est un dispositif qui marche. Cependant, les formations proposées sont parfois moyennement adaptées à la réalité de Mayotte. Il suffit de penser à celles tournées vers le tourisme, qui, dans cette période post-Chido, est en immense difficulté. Il est nécessaire de diversifier les formations et de les rendre moins genrées. Il me semblerait intéressant d’étendre ce dispositif – ne hurlez pas avant que j’aie terminé – à des jeunes qui ne seraient pas français mais qui seraient en situation régulière. Malheureusement, monsieur le président, vous avez jugé irrecevable mon amendement sur le sujet. J’ai bien compris que l’armée française, c’est pour les Français. Néanmoins, la dimension de formation, d’insertion et de coopération avec d’autres jeunes me paraît très intéressante. Il y a une base de la légion étrangère à Mayotte, sans que cela pose de problèmes. Serait-il possible d’examiner une façon d’ouvrir l’accès à certaines formations du SMA à des jeunes en situation régulière ?
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Quand on met des moyens dans un cadre dédié, ça fonctionne. Ne pourrait-on pas imaginer, de la même façon, un service citoyen obligatoire rémunéré qui permettrait de s’impliquer dans la vie collective, associative, dans la défense de l’environnement et le rétablissement de la situation à Mayotte ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Monsieur Gillet, il ne vous a pas échappé que je n’ai pas été directement responsable du budget des territoires ultramarins. J’ai en revanche participé à l’élaboration des nouveaux contrats de convergence et de transformation (CCT), après le comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 18 juillet 2023. La création du deuxième site du SMA est le fruit du travail mené à cette époque.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL393 de M. Philippe Vigier
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cet amendement vise à répondre aux inquiétudes dont nous a fait part le maire de Mamoudzou, en associant les volontaires du SMA au recensement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Monsieur Gillet, vous avez dit que j’avais baissé les crédits. On ne peut pas dire tout et n’importe quoi. En réalité, les moyens du SMA ont été augmentés de 11 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6 millions d’euros en crédits de paiement par la loi de finances pour 2024. Dont acte.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le recensement est fondamental et en avoir obtenu un exhaustif, porte par porte, constitue une victoire de ce projet de loi. L’amendement permet de mobiliser les volontaires du RSMA – régiment du service militaire adapté – pour limiter les risques encourus par les agents municipaux. Nous avons également fait en sorte que les collectivités locales bénéficient de fonds en avance pour le financer. Cela fait des années que Mayotte conteste le recensement et en exige un nouveau. Cette mobilisation de l’Insee, qui ne fait pas preuve d’une volonté extraordinaire mais obtempère, est parfaitement dérogatoire. Les nouveaux chiffres nous permettront très certainement de revoir à la hausse le montant des fonds transférés aux collectivités locales. Quelle que soit l’évolution des naissances – il y a eu une petite baisse en début d’année –, les élus de Mayotte sont convaincus que nous sommes au moins 400 000. La mise à disposition des chiffres au plus tôt permettra d’avancer le plus vite possible et de calibrer la reconstruction au plus près de la population réelle.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le recensement est un sujet difficile. Si l’on ne sélectionne pas avec beaucoup d’attention les personnes qui le conduiront, on risque dans certains quartiers de ne recenser personne ou pas grand monde. Les jeunes du RSMA sont plutôt bien accueillis dans les quartiers, comme je l’ai vu au moment de la covid. Ils travaillaient avec les agences de développement locales et l’agence régionale de santé (ARS) et étaient plutôt bien reçus. Dans les bidonvilles de Kawéni, de Dzaoudzi-Labattoir, à Doujani ou ailleurs, il faudra sélectionner des personnes à l’encontre desquelles les habitants n’auront pas de préventions ; sans quoi ils se disperseront dans la nature.
M. Philippe Gosselin (DR). Nous apportons beaucoup de soin à ce fameux recensement. Alors que le RGPH – recensement général de la population et de l’habitation – se fait habituellement par sondage, nous revenons là aux procédures anciennes. Comme le disait Dominique Voynet, il faudra choisir avec un grand soin les agents recenseurs et leur fournir un appui et une formation. Ce recensement sera un peu le juge de paix. Il permettra de mieux anticiper les dépenses non seulement pour dimensionner la reconstruction, les services publics et les services au public – éducation, santé, logement, routes – mais aussi préparer l’avenir. Tout le monde se bagarre autour des chiffres. Je suis d’accord avec l’idée qu’il y a vraisemblablement bien plus de 320 000 personnes sur l’île. Si le recensement est bien fait, permettant ainsi d’éviter d’éventuelles polémiques, on sera carré.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le recensement est une question majeure à Mayotte. Nous aurons enfin les vrais chiffres. Nous savons qu’il faudra 700 agents recenseurs et 70 encadrants. Nous avons même défini des dates pour que, fin janvier, l’opération soit terminée. Le tiers de confiance, qu’il s’agisse de volontaires du SMA ou d’agents municipaux, est indispensable pour éviter que certains ne prennent peur et s’en aillent. Sans l’aide des communes, par exemple, on n’aurait jamais pu faire la distribution d’eau. Lors des auditions, les représentants des communes nous ont fait part d’un problème : le recensement coûtant 3 millions d’euros, il faudra trouver les voies et moyens pour indemniser les communes en temps réel de manière à ce qu’elles n’aient rien à avancer. Nous nous donnons toutes les garanties pour réaliser ce recensement exhaustif. Ce sera l’heure de vérité pour un problème repoussé depuis si longtemps.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL71 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Les agents de la police nationale rencontrent de gros problèmes de fonctionnement dont nous saisissent régulièrement leurs syndicats. Leurs bâtiments préfabriqués, en particulier, ont subi les effets du passage de Chido. L’amendement vise à remettre sur la table le projet de reconstruction de la caserne de la police nationale conduit de manière mutualisée entre l’État et la mairie de Mamoudzou depuis une dizaine d’années. Pour une fois, le foncier est disponible. Ce projet coûte 15 millions d’euros, dont 80 % à la charge de l’État.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. C’est une vraie question, qui, en réalité, se pose pour tous les agents de l’État travaillant à Mayotte. Agnès Firmin Le Bodo a déposé un amendement pour obtenir une étude précise des besoins en la matière. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL233 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à compléter l’alinéa 247 par la phrase suivante : « S’agissant du projet de piste longue à Mayotte, l’État reprendra sans délai la concertation préalable menée par la Commission nationale du débat public et constituera un comité de suivi du projet ; ». La Commission nationale du débat public, qui a été saisie, a lancé une concertation permettant la réalisation d’études complémentaires sur l’implantation d’une piste longue. Un premier rapport a été publié en 2022. En 2024, les sites de Petite-Terre et de Grande-Terre ont été comparés dans un second rapport. Toutefois, il y est indiqué que la concertation n’apporte pas tous les éléments nécessaires à une prise de décision éclairée et qu’aucune donnée scientifique sur les risques liés au volcan Fani Maoré n’a été intégrée dans la concertation.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’arlésienne ! Je rappelle que la piste fait un peu plus de 1 900 mètres et qu’en l’absence d’extension il ne sera pas possible de faire face aux besoins croissants. Les gros-porteurs peuvent se poser mais ne peuvent pas repartir une fois le plein fait. Une barrière de corail empêche l’extension, sans compter les risques sismiques et les inondations qui rendent l’aéroport inexploitable cinquante jours par an. Une étude complète a permis d’identifier un nouveau site sur Grande-Terre, à Bouyouni, pour lequel un investissement de 1,2 milliard a été fléché dans le rapport. Nous avons auditionné la direction générale de l’aviation civile (DGAC), le ministère des transports et la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM). Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet un peu plus tard. La décision est enfin actée ! Je me souviens que nous parlions encore en 2018 de l’extension de la piste actuelle. Ce sera une nouvelle infrastructure, parfaitement sécurisée, sur un site maîtrisé sur le plan sismique. Le projet est d’en faire un pôle opérationnel de développement, avec une intermodalité, des logements, une zone d’activité. Le préfet a d’ailleurs présidé récemment un comité qui allait dans ce sens. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL328 et CL327 de M. Charles Fournier
Mme Dominique Voynet (EcoS). On ne connaît pas l’importance réelle du secteur informel à Mayotte, qui est vital pour certaines personnes très précaires. D’autres, très actives et qui disposeraient peut-être en métropole du statut d’autoentrepreneur, choisissent de rester dans cet entre-deux. L’idée, avec l’amendement CL328, serait de formaliser ce secteur, d’identifier son poids et ses caractéristiques afin d’identifier des pratiques innovantes et de l’accompagner vers l’économie déclarée.
Avec l’amendement CL327 je propose de définir une stratégie de soutien au microcrédit, grâce à des actions de reconnaissance et d’appui aux systèmes communautaires d’épargne et de financement informel, inspirés des shikowas, les pratiques traditionnelles locales d’épargne, majoritairement féminines.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis favorable sur l’amendement CL328. Il faut en effet mieux évaluer le poids des activités souterraines.
En revanche, je ne suis pas persuadé que ce soit à l’État de soutenir les initiatives en matière de microcrédit. D’autres outils sont mobilisables : les plateformes participatives ou le département qui est aussi région et a donc une pleine compétence en matière économique. Avis défavorable sur l’amendement CL327.
Successivement, la commission adopte l’amendement CL328 et rejette l’amendement CL327.
Amendement CL310 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement vise à structurer et à moderniser le transport scolaire à Mayotte en définissant un plan organisé autour des cinq secteurs géographiques de l’île : Petite-Terre, Grande-Terre, Nord, Centre et Sud. Il est nécessaire d’améliorer les conditions de déplacement des élèves mahorais, qui rencontrent aujourd’hui des difficultés majeures liées à l’insuffisance des infrastructures, à l’irrégularité des cadencements et à un manque de sécurité sur les trajets scolaires. Le transport scolaire constitue un enjeu essentiel pour l’égalité d’accès à l’éducation et à la réussite scolaire. En développant un réseau multimodal intégrant transports terrestres et navettes maritimes, ce plan vise à offrir une solution globale, adaptée aux spécificités géographiques et sociales de Mayotte.
Le plan, piloté par le conseil départemental en partenariat avec les communes, les établissements scolaires et les acteurs du transport, sera régulièrement révisé afin d’ajuster les réponses aux évolutions démographiques et aux besoins du territoire. Ce dispositif s’inscrit pleinement dans une perspective de développement durable et d’inclusion sociale, en facilitant l’accès à l’école pour tous les enfants de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. C’est le département qui organise les transports scolaires. Si l’État définit le maillage, tout le monde fait tout et on fait tout mal. Je ne peux pas faire un schéma sur la tête des collectivités. Ce serait les infantiliser.
M. Philippe Gosselin (DR). Il ne faudrait pas que, guidés par notre bonne volonté, nous imposions un carcan directionnel tel qu’il prive les collectivités locales de leur autonomie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL140 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Encore une fois, nous sommes fermement opposés à l’orientation générale de ce texte. Le gouvernement persiste dans ses politiques inefficaces, en reconduisant les mêmes dispositifs, à l’image de la zone franche globale. Vous mettiez mes propos en doute. Néanmoins, le rapport de juillet 2020 sur les dispositifs zonés de soutien au développement économique et de l’emploi dans les territoires, rédigé par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales, est sans ambiguïté : « Les exonérations fiscales et sociales zonées n’ont pas démontré leur efficacité en matière de création d’entreprises et d’emplois. » Leur coût, en revanche, est bien réel, puisqu’il est estimé à un minimum de 620 millions d’euros, dont 179 millions d’exonérations de cotisations sociales. Autrement dit, le gouvernement s’apprête à reconduire une mesure coûteuse, socialement injuste et économiquement inefficace, au lieu d’investir dans les services publics et la justice sociale.
Face à ce désastre annoncé, La France insoumise propose une voie alternative : bâtir une économie au service des Mahorais, socialement juste et écologiquement soutenable. Il conviendrait, par exemple, de réserver aux entreprises locales une part minimale de 50 % des marchés publics passés dans le cadre de la reconstruction de Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Vous connaissez la méthode retenue : une mission inter-inspections pour évaluer les dégâts et chiffrer les besoins. Son rapport est en cours de finalisation. Une autre mission est menée par le général Facon pour préfigurer l’établissement public qui sera opérationnel dès le mois de juillet. Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 10 juillet permettra d’acter plusieurs choses. Quant à réserver 50 % des marchés publics aux entreprises locales, cela semble peu réaliste. Il faut en effet être capable de répondre ensuite à ces marchés et d’accompagner la reconstruction avec toute l’exigence demandée. L’exigence environnementale, que l’on soit une petite ou une grande entreprise, est la même pour chacun – la loi s’applique à tous. Nous veillerons à l’implication des filières locales. J’ai annoncé tout à l’heure que nous irions plus loin en séance sur ce qui concerne les formations, dont on est en train de faire l’inventaire. L’augmentation du smic ainsi que les allégements sociaux prévus dans la Lodeom, la loi pour le développement économique des outre-mer, sont autant de signes de notre engagement en faveur des entreprises, notamment des petites.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL85 de M. Yoann Gillet
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Le choix du site de Bouyouni montre l’attractivité de Mayotte. TotalEnergies a demandé une base arrière. Nous l’accompagnerons au maximum s’il confirme sa volonté.
M. Yoann Gillet (RN). Mayotte n’est pas qu’un territoire en difficulté ; elle peut devenir une porte stratégique sur l’avenir. Le canal du Mozambique est à la fois un carrefour maritime mondial et une zone de gisements gaziers majeurs, exploités notamment par TotalEnergies et d’autres géants de l’énergie. La France est absente du jeu local, alors qu’un atout décisif est à portée de main. Nous proposons de faire de Mayotte la base arrière logistique de ces projets gaziers – une idée issue du programme présidentiel de Marine Le Pen.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Les projets gaziers de Total sont très importants pour le développement économique de Mayotte. Notre canal du Mozambique est une zone très riche non seulement en ressources halieutiques et en minerais marins mais aussi en gaz naturel, que les dernières avancées techniques ont rendu exploitable. Après que ses travaux ont été interrompus au Mozambique à cause de Daech, Total a annoncé la reprise de ses activités et confirmé, lors de l’audition de M. Pouyanné en commission des affaires étrangères en 2023, qu’il comptait investir à Mayotte. Un horizon riche de promesses s’ouvre. Pensons à tous les postes qui seront à pourvoir grâce à cette activité gazière. Mayotte n’est pas qu’une zone à problèmes, ce n’est pas qu’un département qui pèse sur la nation ; c’est aussi une zone riche d’énormes potentialités économiques.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL396 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement est essentiel pour l’attractivité de Mayotte, dont le positionnement dans le canal du Mozambique s’avère stratégique. Lorsque j’avais reçu le patron de Total en 2023, je lui avais d’ailleurs fait part de l’engagement du gouvernement à faire le nécessaire pour soutenir le groupe dans ses explorations pétrolières locales.
Le port de Longoni appartient au conseil départemental et fait l’objet d’un contrat de délégation de service public (DSP) dont l’extinction est prévue dans deux ans. Mettons à profit ce moment charnière pour affirmer une ambition collective, celle d’en faire un grand port maritime – Mayotte est le seul territoire ultramarin à ne pas en disposer. Ce port, qui serait géré par l’État, pourrait bénéficier de financements européens et constituerait un pôle de développement important. Pour Mayotte, cette transformation serait une reconnaissance des atouts spécifiques dont elle dispose.
M. Yoann Gillet (RN). Vous avez tout à fait raison : le port de Longoni doit être développé. Vous savez néanmoins que l’extinction de la DSP et le problème récurrent de non-régularisation du foncier retardent les procédures. Il faut en avoir conscience et avancer très vite.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le port de Longoni est vital pour Mayotte. Il souffre cependant d’un sous-investissement chronique et du conflit opposant le délégataire au conseil départemental et à l’État. Les Mahoraises et les Mahorais payent cher ces dysfonctionnements car le port de Longoni, qui n’a pas évolué au même rythme que la démographie de l’île, se trouve aujourd’hui saturé faute d’investissements. La question se pose de sa capacité à accueillir les importations nécessaires en matériaux destinés à la reconstruction.
S’agissant de sa transformation en grand port maritime, j’avoue être mal à l’aise. L’avis du conseil départemental, qui s’était déclaré ouvert, semble avoir récemment changé et pourrait encore évoluer d’ici à l’examen du texte en séance. Alors que le port de Longoni constitue la première source de recettes du département, l’amendement ne prévoit en outre aucune compensation. Poumon économique de l’île, ce port est aussi au cœur d’un désordre judiciaire et politique.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). N’oublions pas qu’il faut le statut de grand port maritime pour obtenir des financements européens, nécessaires pour soutenir ces investissements et le développement économique de l’île.
M. Philippe Gosselin (DR). La transformation du port de Longoni en grand port maritime est une pièce supplémentaire du puzzle qui, dans son ensemble, permettra de donner sa pleine capacité de développement au territoire et d’en faire une plaque tournante de cette partie du monde. Il me semble donc essentiel de l’engager. Elle devra forcément faire l’objet d’une compensation pour le conseil départemental mais il serait dommage de ne pas en acter le principe. Ne passons pas à côté d’une occasion unique.
Mme Anchya Bamana (RN). Je souhaite que le conseil départemental puisse donner son avis sur ce projet ; il me semble d’ailleurs que son président a demandé un audit.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je remercie mes corapporteurs d’avoir signé cet amendement qui propose que le port de Longoni ne passe pas simplement sous compétence de l’État, comme le prévoit aujourd’hui le rapport annexé, mais qu’il devienne un grand port maritime. Il nous a fallu, ces derniers jours, convaincre les réticents !
Mes collègues ont illustré le bien-fondé de cette transformation. S’agissant des fonds européens, je rappelle que 80 millions d’euros ont été obtenus pour le hub Antilles en Martinique et en Guadeloupe. Il est naturel que le département, actuel propriétaire du port, s’interroge sur la façon dont sera compensée sa perte de ressources ; cela fera partie de la discussion globale et il faudra reprendre langue avec lui.
En cet endroit stratégique, un grand port maritime constituera un atout d’exception. Il permettra la création de nombreux emplois, l’arrivée de nouvelles activités et intéressera de grands opérateurs. Ne laissons pas passer cette occasion exceptionnelle ; il serait regrettable que nous ne défendions pas collectivement cette ambition qui, au départ, n’était pas une évidence.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le débat n’est pas mûr. La Cour des comptes a préconisé cette évolution, et l’on sait que la capacité actuelle du port est limitée. Mais quelle stratégie de développement le grand port maritime servirait-il ? S’il s’agit d’accueillir les fonctions subalternes des plateformes pétrolières du golfe du Mozambique, ce n’est pas intéressant. S’il s’agit en revanche d’améliorer la desserte de l’île et de réduire le transit aérien, le projet mérite réflexion.
Quant à la formulation de l’amendement – « L’État s’engage dans […] » –, elle est très prudente ! Nous n’en sommes peut-être qu’à la première étape d’un chemin qui en comptera vingt ou trente.
Enfin, des études environnementales sur les conséquences de la construction d’une telle infrastructure seront nécessaires, de même que des études de marché. Nous ne pouvons pas nous contenter de saisir l’opportunité d’obtenir des fonds européens : il faut un projet qui serve le développement de l’archipel.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je rejoins Mme Voynet : le débat n’est pas mûr et, localement, il inquiète beaucoup. Le port est aujourd’hui le principal outil de développement économique du département et sa transmission à l’État serait vécue comme une expropriation. Elle semble aujourd’hui prématurée.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. D’abord, la rédaction de l’amendement – « L’État s’engage dans la transformation du port […] » – me semble claire. Compte tenu de l’extinction de la DSP, ensuite, la discussion impliquera le département. Le projet, dans toutes ses dimensions, ne pourra être mené qu’avec lui. Nous avons rédigé cet amendement tardivement, car nous avions besoin de garanties.
C’est, pour Mayotte, un projet totalement nouveau dont nous devrions tous nous réjouir. Il faut savoir reconnaître les avancées et ne pas voir d’inconvénients là où il n’y a pas.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL369 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). D’après le titre du II, les infrastructures aéroportuaires doivent « garantir la desserte internationale de Mayotte ». Il est intéressant d’inscrire Mayotte dans son espace régional mais, dans la mesure où l’essentiel des échanges se fait avec La Réunion et avec la métropole, c’est aussi la desserte nationale qu’il faut garantir. Je propose donc de supprimer le terme « internationale ».
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Pourquoi l’aéroport ne serait-il pas international ? Faudrait-il systématiquement passer par La Réunion pour relier Mayotte à Madagascar ou à l’Australie ? Mayotte mérite un rayonnement international. Cet amendement entre en contradiction avec nos projets.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il ne s’agit pas de priver Mayotte d’une desserte internationale, qui existe déjà, mais de garantir sa desserte quelle qu’elle soit : l’intitulé du II donne l’impression que l’aéroport ne devrait garantir qu’une desserte internationale, alors que les liaisons vers La Réunion ou vers Paris ne sont pas totalement satisfaisantes.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Si vous retirez votre amendement, je porterai un regard bienveillant sur celui que vous pourriez déposer en séance pour garantir « toutes les dessertes » !
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL400 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. La construction du nouvel aéroport d’ici à 2035 est actée mais elle nécessitera une réflexion plus globale sur les infrastructures, notamment sur la route départementale 2, ainsi que sur l’aménagement de l’espace et sur l’implantation de zones d’activité ou de logements. Le présent amendement prévoit que l’État engage cette réflexion en lien avec l’élaboration du schéma d’aménagement régional (SAR).
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL485 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement vise à préciser le montant annuel des crédits en soutien aux collectivités locales au titre de la reconstruction : en 2025, 100 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 35 millions en crédits de paiement (CP) ; en 2026, 200 millions d’euros en AE et 125 millions en CP ; en 2027, enfin, 140 millions en CP. Il démontre la volonté gouvernementale de reconstruire et de relever les défis auxquels le territoire de Mayotte est confronté.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Pourquoi ne pas avoir inscrit directement 300 millions d’euros en 2025 ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. D’abord, la loi de finances pour 2025 prévoit 100 millions. Ensuite, il ne s’agit pas d’annoncer des crédits mais de les consommer – or les projets ne sont pas encore ficelés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL378 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin (DR). Nous avons voté tout à l’heure le principe de la création d’une base en eaux profondes à Mayotte. En cohérence, je vous propose d’insérer dans le rapport annexé, au sein des programmes d’investissements prioritaires dans les infrastructures et politiques publiques essentielles, un tableau visant à flécher les investissements nécessaires.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur général, l’amendement CL306 de M. Philippe Naillet est retiré.
Amendement CL234 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). À l’alinéa 303, je propose d’indiquer que la programmation des investissements prévus dans la présente loi doit être aussi pluriannuelle et non pas seulement annuelle.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’émets un avis favorable à cet amendement très pertinent.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL404 du rapporteur général.
Amendement CL406 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Cet amendement très important, que je remercie mes collègues corapporteurs d’avoir signé, propose de répondre au besoin d’expertise en faisant appel à une task force associant l’ensemble des ministères. Celle-ci aidera les collectivités et le futur établissement public dans le montage des dossiers et l’obtention de financements européens, entre autres.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL318 de Mme Estelle Youssouffa et de M. Philippe Vigier
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement complète le rapport annexé en précisant la démarche nécessaire pour consolider la départementalisation de Mayotte. Il prévoit d’abord un état des lieux des compétences actuellement exercées par la collectivité, afin d’identifier celles qui doivent encore être transférées. Le comité en charge de l’évaluation disposera d’un an pour définir les modalités du transfert à l’horizon 2028 des compétences liées aux routes, aux collèges et aux lycées. Ce transfert ne sera effectif qu’après la remise en état du réseau routier et la réhabilitation ou la reconstruction des établissements scolaires par l’État. Pour assurer la continuité du service public, l’État mettra des agents à disposition, de façon transitoire, pour mettre en œuvre un programme de formation au bénéfice des agents du département.
Le comité sera chargé d’examiner l’opportunité de centraliser le versement des prestations sociales, comme en Seine-Saint-Denis, afin de sécuriser leur gestion et leur financement. Une étude comparative mesurera l’écart entre les compensations versées et le coût réel des compétences transférées, une dotation de rattrapage pouvant être attribuée à Mayotte. Enfin, une clause biennale de réexamen permettra d’ajuster systématiquement les ressources allouées à chaque transfert, création, extension ou modification des compétences.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL407 du rapporteur général.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendements CL128 de Mme Estelle Youssouffa et CL382 de M. Philippe Gosselin (discussion commune)
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement CL128 vise à inscrire dans le corps du projet de loi de programmation, et non seulement dans le rapport annexé, les investissements dans les infrastructures et politiques publiques qui ont été annoncés par le gouvernement. Il s’agit de leur donner une portée normative plus importante et de faire en sorte qu’ils soient traduits dans les futures lois de finances.
M. Philippe Gosselin (DR). L’amendement CL382 vise, dans le même esprit, à inscrire dans la loi la trajectoire budgétaire prévue.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je partage l’exigence d’une programmation qui soit la plus précise possible mais les tableaux présentant les investissements ne sont pas encore stabilisés. J’ai bon espoir qu’ils le soient d’ici à l’examen en séance – le ministre des outre-mer y travaille également – et j’espère que nous pourrons alors avoir ce débat. À ce stade, j’invite donc mes collègues à retirer leurs amendements
M. le président Florent Boudié. Je vous encourage à avoir ce débat en séance. Lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), nous avions ainsi obtenu l’insertion dans le rapport annexé d’un tableau très complet, qui s’avère fort utile.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). J’accepte de retirer mon amendement mais j’en déposerai un similaire en séance si la proposition du gouvernement n’est pas à la hauteur.
Les amendements sont retirés.
Amendement CL390 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Il est important que la création du comité de suivi figure dans la loi et non pas seulement dans le rapport annexé. Placé auprès du premier ministre, ce comité sera composé de parlementaires mais aussi de représentants des élus locaux. Il devra rendre, avant le 1er juillet 2028, un rapport évaluant l’impact de la reconstruction et de la refondation de Mayotte ainsi que la réalisation des investissements.
La commission adopte l’amendement. L’article 1er bis A est ainsi rédigé.
Article 1er bis (nouveau) : Autorité du préfet de Mayotte sur l’action de l’ensemble des services déconcentrés de l’État et de ses établissements publics
Amendements de suppression CL1 de M. Aurélien Taché et CL219 de Mme Dominique Voynet
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous nous opposons – comme nous l’avons fait lors de l’examen de la Lopmi – à ce que le préfet puisse avoir à sa main l’ensemble des services de l’État et qu’il dispose ainsi, en quelque sorte, des pleins pouvoirs locaux. En cas de crise ou de situation d’urgence, le préfet peut déjà activer un centre opérationnel départemental (COD) et jouer un rôle de coordination entre les différents services. Que voulez-vous de plus ? Souhaitez-vous lui éviter de s’embêter avec des administrations qui pourraient faire entendre une voix différente ? Si le préfet a les pleins pouvoirs, l’ordre public l’emportera au détriment des considérations sociales ou environnementales, qui passeront au second plan. Ce que nous ne voulons pas pour l’Hexagone, nous n’en voulons pas plus pour Mayotte.
Mme Dominique Voynet (EcoS). On connaît la proximité historique entre le ministère des outre-mer et celui de l’intérieur, qui dépasse le seul cadre institutionnel. Les préfets disposent déjà de larges pouvoirs et, avec les COD et les plans Orsec – organisation de la réponse de sécurité civile –, d’outils puissants. Ce n’est contesté par personne et le dialogue est quotidien entre le préfet et les autres personnalités nommées en Conseil des ministres – le recteur et le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS).
J’ai l’impression que cet article a pour objectif d’expérimenter à Mayotte ce qui pourrait à l’avenir être proposé dans d’autres territoires d’outre-mer, voire dans l’Hexagone. Les préfets semblent n’avoir jamais accepté la transformation des directions de l’action sanitaire et sociale en agences régionales d’hospitalisation (ARH) puis en ARS. Il ne faut pas revenir en arrière.
Lors de son audition, le préfet Bieuville a reconnu que le dispositif prévu à l’article 1er bis plairait beaucoup à ses collègues préfets ; c’est un argument supplémentaire en faveur de sa suppression.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Certains n’ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer les insuffisances de l’État, lui reprochant d’avoir abandonné Mayotte. Or l’État sera en première ligne si l’on donne la responsabilité de tout coordonner au préfet : il sera possible de lui demander des comptes et même de contester ses décisions devant les juridictions. En outre, la gouvernance de l’établissement public apporte des garanties. Les fameux 4 milliards ne seront pas à la main du préfet puisque cette structure sera présidée par le président du département, ce qui préserve le pouvoir de décision des collectivités locales.
La situation de Mayotte étant exceptionnelle, il me semble qu’octroyer ce rôle au préfet nous fera gagner en efficacité. Les services de l’État, en particulier dans les domaines de l’eau, de l’assainissement, des déchets, devront se mettre en rangs serrés pour éviter que chacun se défausse de ses responsabilités. Cela exigera aussi de déployer des moyens qui ne sont pas seulement financiers – à cet égard, je suis très heureux que vous ayez voté l’amendement relatif à l’ingénierie, que nous calerons en vue de la séance. Le retard pris est considérable. Rendez-vous compte : il a fallu dix-huit mois aux quatre agents d’Expertise France pour se déployer. Compte tenu du délai entre le moment où une décision politique est prise et son application, cette disposition va dans le bon sens.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Monsieur Bernalicis, nous avons malheureusement pu tester les pouvoirs extraordinaires du préfet lors de la crise provoquée par le cyclone Chido. Que le préfet assure une coordination avec le recteur et le directeur de l’ARS, ce n’est pas du luxe, Mme Voynet pourra en témoigner – il est de notoriété publique que lorsqu’elle dirigeait l’ARS, ses relations avec le préfet étaient mauvaises. À Mayotte, le préfet a un statut particulier : en tant que délégué du gouvernement, il n’est pas à la tête de tous les services de l’État. Dans les années de reconstruction qui s’annoncent, qui réclameront de déployer une politique publique complexe articulée à une réflexion sur les mutations en matière de logements et le déploiement des services publics, lui octroyer des pouvoirs particuliers, limités dans le temps, me semble parfaitement justifié. Je ne me fais pas là la groupie de la préfecture, je dis seulement que le chef doit pouvoir cheffer sur un territoire aussi petit où les dysfonctionnements nés de la complexité administrative dont notre pays a le secret prennent un relief particulier. Si nous parvenions à simplifier, ce serait mieux.
M. Yoann Gillet (RN). À Mayotte comme ailleurs, nous avons besoin d’efficacité, ce qui exige de simplifier. Que le préfet puisse coordonner l’ensemble des services de l’État, y compris les agences et les établissements publics, c’est une bonne chose et nous voterons en faveur de cet article. Je considère d’ailleurs qu’il faudrait étendre cette possibilité à tout le territoire national : avec un État dans l’État, plus rien n’avance. Les services de l’État bloquent des projets, notamment de développement économique, les échelons administratifs compliquent les choses – citons les architectes des bâtiments de France (ABF), qui exercent au niveau d’un département tout en dépendant du ministère de la culture – et les ARS se croient parfois toutes-puissantes alors qu’avec un bon préfet délégué à la santé qui ferait leur travail, tout irait mieux.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Ne voyez pas en moi un défenseur des ARS. Je me suis opposé à leur création car elles ont constitué pour les lobbies libéraux un outil inspiré du new public management pour démanteler l’hôpital public, rationaliser la dépense, mettre en place la tarification à l’acte et finalement restreindre l’accès aux soins.
Le préfet, à travers le comité d’administration régionale (CAR), peut réunir autour de lui à des fins de coordination le recteur, le directeur de l’ARS, le procureur de la République, le directeur régional des finances publiques. Ce cadre a été établi avant même les modifications intervenues dans la Lopmi. Que voulez-vous de plus ? Qu’il puisse prendre une décision à la place des autres administrations en leur roulant dessus, au nom de l’ordre de public, qu’il puisse dire à un directeur d’ARS mettant en avant les impératifs d’accès aux soins qu’il n’en a rien à faire et que ce qui lui importe, c’est de sécuriser telle zone avec des forces de l’ordre ?
Je trouve bon que le préfet coordonne en faisant la balance entre différents intérêts car c’est toujours lui qui décide in fine, surtout en période de crise. L’équilibre actuel ne me paraît pas si mauvais. Il n’est pas nécessaire de le modifier. Nous ne voulons pas voir reposer sur les épaules d’une seule personne des décisions qui appellent une concertation. Déjà dans la Lopmi, nous nous étions demandé si les dispositions concernant les pouvoirs donnés aux préfets en temps de crise n’avaient pas vocation à être intégrées dans un fonctionnement normal, faisant passer au second plan des politiques dont chacun défend pourtant la contribution à l’intérêt général.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je mets de côté le petit coup de griffe auquel Estelle Youssouffa n’a pas su résister parce que je crois pouvoir affirmer que 98 % des décisions concernant l’ARS ont été prises en concertation étroite avec le préfet, auquel je parlais tous les jours et avec lequel j’ai assuré la gestion des conséquences du passage d’un cyclone et du covid. De surcroît, comme elle n’était en général pas présente sur le territoire de Mayotte, je ne vois pas comment elle saurait mieux que moi comment les choses se passaient.
L’État, c’est le préfet, mais c’est aussi le rectorat et l’ARS et, à Mayotte, participent aux réunions du CAR non seulement les services de l’État mais aussi la police, la gendarmerie, la légion, les pompiers. Et ça bosse pas si mal que ça.
Si vous voulez simplifier, monsieur le rapporteur général, pourquoi ne pas remplacer le terme « dirige », qui met l’accent sur l’autorité, par le terme « coordonne », qui entérinerait le fonctionnement existant ?
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Dans une situation aussi exceptionnelle que celle à laquelle Mayotte est confrontée, la coordination est la base de tout, et pas seulement pour les enjeux de sécurité. Dans l’Hexagone, j’ai souvent constaté que lorsque le préfet l’assurait, les choses allaient plus vite. Or les Mahorais et les Mahoraises veulent que nous soyons efficaces.
En outre, monsieur Bernalicis, connaissant votre vigilance, je sais que si une décision n’était pas conforme aux règles de droit, vous seriez le premier à la dénoncer. Je maintiens donc mon avis défavorable sur ces amendements de suppression.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL223 de Mme Dominique Voynet et CL239 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Dominique Voynet (EcoS). Chaque fois que vous m’avez répondu, monsieur le rapporteur général, vous avez utilisé le terme de coordination et, pour ne pas vous déjuger, vous allez être forcé d’accepter l’amendement que je déposerai en séance visant à remplacer « dirige » par « coordonne ».
Certes, la crise provoquée par Chido a été exceptionnelle mais cela ne justifie pas de doter le préfet de pouvoirs renforcés jusqu’au 31 décembre 2030. Je propose de retenir la date du 14 décembre 2025, soit un an après le passage du cyclone. L’acmé de la crise passé, on entrera dans une nouvelle phase qui imposera de rebattre les cartes. L’articulation entre les services de l’État et l’établissement public dédié à la reconstruction, dont le directeur général est en train d’être recruté, va notamment devoir être précisée.
M. Philippe Naillet (SOC). Pour notre part, nous considérons que mettre un terme au régime dérogatoire en 2025, ce serait trop tôt, et l’étendre jusqu’en 2030, trop tard. Nous proposons donc 2027. Au regard de l’urgence de la situation à Mayotte, une coordination renforcée apparaît légitime. Toutefois, une centralisation accrue des compétences entre les mains du seul représentant de l’État soulève des interrogations sur les équilibres institutionnels et le respect de la libre administration des collectivités locales. Cette verticalité risque de renforcer le sentiment de dépossession démocratique déjà exprimé par de nombreux Mahorais. Elle pourrait aussi compromettre l’adhésion des services déconcentrée des opérateurs publics et des collectivités aux objectifs de la reconstruction et du développement.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Avis défavorable. Dans les prochaines semaines, l’établissement public, avec son directeur général nouvellement nommé, sera opérationnel, mais il faudra du temps pour décliner toutes les opérations pour les écoles, les infrastructures, la santé, la mobilité, d’autant que les projets financiers vont jusqu’en 2031.
Madame Voynet, il faut en effet coordonner mais coordonner pour décider. Et pour décider, il faut un chef ou une cheftaine qui pilote, sinon on n’y arrivera pas.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). On connaît vos arguments : les gens en ont marre d’attendre et le préfet, c’est quelqu’un de solide qui sait prendre les bonnes décisions ; l’efficacité, c’est faire tout reposer sur une seule personne. Je ne vois d’ailleurs pas pourquoi vous voulez mettre un terme à ces pouvoirs dérogatoires. Pourquoi ne pas les étendre indéfiniment à tout le territoire, d’ailleurs ? Vous savez bien où tout cela mène, monsieur le rapporteur général, à des régimes autoritaires et autocratiques, et je ne souhaite cela ni au niveau local, ni au niveau national, ni au niveau international.
Le droit de déroger aux normes réglementaires existe déjà pour les préfets. Cette possibilité est bien connue, elle a d’ailleurs fait l’objet d’une épreuve du concours des instituts régionaux d’administration cette année. Que voulez-vous de plus ?
Il est évident qu’il sera plus difficile d’attaquer des décisions prises dans un contexte d’urgence car, dans notre corpus de droit administratif, l’urgence, c’est la baguette magique pour tout faire passer. Si un recours au fond est déposé, les juges, un an ou un an et demi après, diront : « c’était pas fou, mais dans l’urgence, on a préféré accepter cette décision ». Les exemples de tels verdicts sont nombreux en période de crise. Je pensais que nous avions retenu les leçons de la crise du covid pendant laquelle le conseil de défense sanitaire décidait seul dans son coin. Pour se prémunir de comportements autocratiques, mieux vaut privilégier les décisions collégiales.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’article 1er bis est un peu le teaser de l’article 2 : il annonce la création d’un régime exceptionnel et le détricotage des fondements de notre État de droit, qui fait déjà l’objet d’attaques. Ne faisons pas de Mayotte le laboratoire des pires volontés autocratiques et illibérales à l’œuvre au sein de la représentation nationale. Ayez la main qui tremble au moment d’adopter cet article qui risque de fragiliser l’ensemble de nos institutions.
M. Guillaume Kasbarian (EPR). La défiance que manifestent les députés Insoumis et écologistes à l’égard du préfet me surprend : il ne faut pas laisser croire à ceux qui nous écoutent qu’il s’agirait d’un autocrate qui déciderait de tout, seul, sans contrôle, en terrorisant son administration et en prenant des décisions qui iraient à l’encontre du territoire. Loin de cette vision qui relève du délire, je soutiens l’argumentation du rapporteur général : avec l’article 1er bis, il s’agit d’être le plus efficace possible en faisant du préfet un chef d’orchestre à même de coordonner les actions sur le terrain. J’ajoute que les décisions préfectorales sont susceptibles d’être contestées devant les tribunaux administratifs et que notre rôle de contrôle de l’action du gouvernement s’applique indirectement aux préfets.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Le préfet ne serait pas l’autocrate que vous décrivez : il jouerait un rôle de coordination et de tour de contrôle. Et quand vous dites, madame Balage El Mariky, que le respect de l’État de droit risque d’être remis en cause, c’est un message dévastateur pour les directeurs d’ARS, les recteurs, les préfets. Je ne comprends pas cette haine tranquille que vous nourrissez à l’égard de ces grands serviteurs de l’État. Dans les départements ultramarins, il faut voir dans quelles conditions ils ont eu à prendre de graves décisions en urgence. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi vos craintes se concentrent sur les préfets : vous pourriez aussi redouter la même chose de la part du président du conseil départemental qui présidera l’établissement public.
Qu’il y ait des retards, nous ne le nions pas – la reconstruction de l’hôpital en est l’une des plus belles illustrations. Mais nous avons cherché à arracher des décisions, en particulier pour le grand port et pour la convergence sociale. L’augmentation du smic au 1er janvier 2026 est désormais inscrite dans le projet de loi, ce qui n’était pas prévu dans sa version initiale. C’est préférable aux ordonnances qu’on ne revoit jamais une fois que le Parlement a habilité le gouvernement à les prendre. Les quatre corapporteurs ont insisté pour obtenir des réponses. N’ayez pas peur : un préfet peut toujours être remplacé en Conseil des ministres s’il n’est pas bon et les tribunaux sont là pour se prononcer sur la légalité des décisions. Je sais que vous saurez utiliser votre expertise en la matière, monsieur Bernalicis.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 1er bis non modifié.
TITRE II
LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE ET L’HABITAT ILLÉGAL
Chapitre Ier
Durcir les conditions d’accès au séjour
en les adaptant à la situation particulière de Mayotte
Article 2 (art. L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Durcir les conditions d’obtention des titres de séjour « parent d’enfant français » et « liens privés et familiaux » à Mayotte
Amendements de suppression CL2 de Mme Nadège Abomangoli, CL86 de Mme Léa Balage El Mariky, CL166 de Mme Émeline K/Bidi et CL242 de M. Philippe Naillet
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous nous opposons au durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour, lesquelles renvoient à un droit dérogatoire qui accentuera les différences entre Mayotte et le reste du territoire national. Loin de réduire l’attractivité de l’île, ces dispositions maintiendront dans la précarité et l’irrégularité des personnes déjà dans la misère.
Dans son avis, la Défenseure des droits recommande la suppression de cet article au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit au respect de la vie privée et familiale : « Loin de l’objectif de baisse des flux migratoires recherché, l’adoption des dispositions envisagées pourrait seulement conduire au maintien, à Mayotte, de nombreux étrangers en situation irrégulière, en situation de précarité et sans réelle perspective d’éloignement dès lors que, dans la plupart des cas, cet éloignement ne pourrait se faire sans méconnaître l’intérêt supérieur des enfants concernés. » Par ailleurs, comme le souligne la Ligue des droits de l’homme, ce projet de loi reflète une absence totale de prise en compte des réalités auxquelles sont confrontés les habitants et les habitantes de Mayotte. Après le cyclone Chido, de nombreuses personnes ont perdu leurs documents administratifs : exiger la production d’un justificatif administratif ancien ou récent est hypocrite et absurde.
Mayotte est devenue le laboratoire des exceptions légales xénophobes et déshumanisantes inspirées de l’extrême droite. Nous ne pouvons le tolérer et demandons la suppression de l’article 2.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet article reflète une manière de légiférer qui me laisse pantoise. Selon M. Gillet, il faut taper du poing sur la table, mais quelle table ? Les décrets d’application des différentes lois relatives à l’immigration et des dispositifs d’exception concernant Mayotte n’ont pas encore été publiés qu’on nous propose un nouveau dispositif d’exception. Ce faisant, vous allez dans le mur : toutes les études sérieuses montrent que la logique punitive ne fonctionne pas. Cette politique ne règlera rien. Elle ne fera que plonger davantage de personnes dans la précarité, condamner des enfants français à vivre dans un vide juridique et dans la crainte de voir leurs parents expulsés, aggraver les tensions, nourrir la misère et créer le désordre qu’elle prétend combattre. Mayotte est devenue le laboratoire d’un droit d’exception qui entretient l’insécurité au lieu de la résorber.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). On comprend les raisons qui sous-tendent cet article 2 : les titres de séjour pour motifs familiaux sont parmi les plus délivrés à Mayotte. Ce sont surtout les enfants qui en pâtiront et vous ne ferez qu’accroître le nombre de personnes en situation irrégulière. En outre, ces dispositions visant à restreindre les conditions d’entrée ne parviendront pas plus que les précédentes à endiguer les flux migratoires.
Petit aparté : ce matin, lors d’une conférence de presse, la chambre régionale des comptes de La Réunion et de Mayotte a fait état de pratiques illégales de certains maires qui exigent des justificatifs de séjour régulier pour accueillir les enfants dans les écoles. Avec ces mesures, vous porterez donc un peu plus atteinte à la scolarisation des enfants.
M. Philippe Naillet (SOC). Le principal défi migratoire à Mayotte réside non pas dans l’octroi trop généreux de titres de séjour pour motif familial mais dans la proportion massive de personnes en situation irrégulière, estimée à 50 % de la population. La plupart des arrivées s’effectuent par voie maritime, en dehors de tout cadre légal, sans contrôle aux frontières effectif en dépit des reconduites à la frontière. Dans ce contexte, renforcer les critères pour les rares personnes qui cherchent à régulariser leur situation par les voies légales semble largement déconnecté des enjeux de fond. Cette mesure risque même de produire un effet inverse : en rendant l’accès au séjour régulier encore plus difficile, elle peut contribuer à accroître le nombre de personnes sans statut, aggravant ainsi la précarité sociale et le non-recours aux droits. Cette disposition semble davantage symbolique que pragmatique. Toute mesure en ce domaine mérite d’être replacée dans une stratégie plus cohérente articulant régulations migratoires, accès aux droits, renforcement des capacités des administrations locales.
M. Philippe Gosselin, rapporteur pour les titres II et III. L’esprit de l’article est d’éviter une prime à l’entrée irrégulière sur le territoire. Il faut rappeler qu’à Mayotte, 80 % des titres de séjour délivrés ou renouvelés le sont pour motif familial, contre 36 % sur le territoire hexagonal. Il est vrai que l’accès par voie maritime sur les kwassa et autres embarcations est plus aisé. Personne ne prétend que cette mesure, à elle seule, est l’alpha et l’oméga mais nous assemblons progressivement chaque pièce du puzzle dans une cohérence d’ensemble.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL3 de Mme Nadège Abomangoli et CL87 de Mme Léa Balage El Mariky (discussion commune)
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Par cet amendement de repli nous proposons de supprimer la disposition prévoyant d’exiger un visa de long séjour pour bénéficier de la carte de séjour temporaire « parent d’enfant français » et « liens personnels et familiaux » à Mayotte. Ces dispositions ne font que créer plus de misère et plus de précarité, dans une spirale sans fin. Imaginez-vous vraiment que les personnes qui souhaitent vivre à Mayotte renonceront ? Pensez-vous qu’elles connaissent les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ? Si les gens migrent, c’est parce qu’ils fuient les guerres et la misère. Les restrictions déjà opérées n’ont rien changé à la situation. Des enfants vont se retrouver seuls et, faute de pouvoir être scolarisés, resteront dans la rue, ce qui risque de créer de la délinquance.
Il y a un groupe qui se réjouit de ces restrictions de droits, c’est le Rassemblement national, car il voit en Mayotte un terrain d’expérimentation de mesures qu’il souhaiterait généraliser dans l’Hexagone. Ce que vous faites est très dangereux !
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je le répète, l’article 2 dévoie l’accès au séjour pour motif familial.
En cas de demande de titre de séjour « liens personnels et familiaux », on examine la situation familiale, l’insertion dans la société, l’enracinement en France. L’article 2 ajoute une barrière administrative – l’obtention préalable d’un visa de long séjour –, qui privera de nombreuses personnes de l’accès à ce titre de séjour alors qu’elles remplissent les critères objectifs d’obtention.
Le gouvernement assume de rendre moins attractif un titre en adjoignant un élément purement administratif à une procédure dont l’objet est de s’assurer de l’insertion des demandeurs. Vous abandonnez la protection de la vie privée et familiale et vous abîmez l’avenir des enfants.
Monsieur le rapporteur, lorsque vous mettez en regard les chiffres de l’Hexagone et ceux de Mayotte, vous oubliez de dire que l’immigration de travail et celle liée aux études de même que les demandes d’asile sont bien moins importantes sur le territoire mahorais – et il y a des raisons à cela. Le rapport prévu à l’article 2 bis sera à cet égard bienvenu.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Chacun a bien en tête le contexte mahorais dans lequel les chiffres s’inscrivent évidemment. Il n’est pas besoin de le rappeler constamment.
Finalement, vous nous reprochez de revenir au droit commun. En effet, la primo-délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuel est en principe subordonnée à la preuve de l’entrée régulière sur le territoire français, par la production d’un visa de long séjour.
Près de 600 visas ont été délivrés en 2024 par le poste consulaire français à Moroni pour un motif familial. Par ailleurs, les enfants ne se trouveront pas seuls, sans leurs parents, du fait des nouvelles règles.
Enfin, madame Taurinya, si j’en crois vos propos, les mineurs non accompagnés seront à l’origine de la délinquance. Je suis heureux de l’entendre, même si ce n’est pas exactement ce que vous vouliez dire. J’abonde dans votre sens : la délinquance est trop souvent le fait de mineurs non accompagnés – plus de 4 000 sont recensés à Mayotte.
Avis défavorable à la suppression d’une partie de l’article.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). C’est fascinant. Vous nous expliquez, d’un côté, que les Comoriens débarquent à Mayotte pour fuir la pauvreté – je rappelle qu’ils n’ont pas été frappés par Chido – et, de l’autre, que l’immigration n’est pas économique mais familiale. Vous reconnaissez donc qu’ils viennent pour les prestations sociales et qu’ils font des gosses en nombre, mais vous demandez que Mayotte continue à les accueillir.
Au-delà de l’incohérence de vos propos, il faut dire les choses : vous défendez l’instrumentalisation des flux migratoires par les Comores, qui revendiquent le territoire mahorais.
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est un capharnaüm sans nom, en vertu duquel l’illégalité ouvre des droits dont les Comoriens abusent.
Pour vous, les Mahorais ont tort, qu’ils accueillent ou qu’ils n’accueillent pas ; l’État ne fait pas bien son travail soit parce qu’il n’accueille pas les étrangers, soit parce que, quand il les accueille, il le fait mal. Les seules personnes dont vous défendez les droits à Mayotte, comme la Défenseure des droits et la Ligue des droits de l’homme d’ailleurs, ce sont les étrangers. Nous, les Mahorais, les Français, n’existons pas. Nous ne sommes jamais dans vos préoccupations.
Vous parlez de la situation dramatique à Mayotte et des droits des enfants, mais vous encouragez une natalité explosive puisqu’elle ouvre des droits, parmi lesquels le séjour. Je parle là des « bébés papiers ». On sait que 86 % des naissances à l’hôpital de Mayotte sont le fait de parturientes étrangères. Appliquons le principe de réalité et puisque, pour une fois, le législateur agit, faisons le boulot.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je rappelle que le meilleur moyen d’endiguer la natalité est de développer un pays, de faire en sorte que les femmes soient éduquées et puissent faire des études. Si nous parvenions à faire de Mayotte un territoire développé, les femmes, d’elles-mêmes, feraient beaucoup moins d’enfants.
La commission rejette successivement les amendements.
3. Troisième réunion du mercredi 11 juin 2025 à 21 heures
Lien vidéo : https://assnat.fr/N6ZLb3
Article 2 (Suite) (art. L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Durcir les conditions d’obtention des titres de séjour « parent d’enfant français » et « liens privés et familiaux » à Mayotte
Amendement CL108 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). La langue française n’est pas une simple formalité, un détail administratif ou une option, elle est le cœur même de notre cohésion nationale, le fondement de notre République. Pourtant, à Mayotte, une dérogation particulière permet d’assouplir l’exigence de maîtrise du français lors de la délivrance des cartes de résident, y compris celle portant la mention « résident de longue durée-Union européenne » ou la carte de résident permanent. Cette dérogation affaiblit les critères d’assimilation et porte atteinte à l’exigence républicaine commune à tout le territoire national. Or l’archipel de Mayotte est devenu un véritable carrefour migratoire : un habitant sur deux y est étranger. Il est « déplorable que la langue française soit trop souvent trahie […] par ceux-là même auxquels il incombe d’en maintenir l’usage », disait le général de Gaulle. Nous avons ici la responsabilité de maintenir cette exigence. L’amendement vise donc à supprimer cette dérogation pour Mayotte, afin d’imposer une exigence linguistique uniforme lors de la délivrance des cartes de résident.
M. Philippe Gosselin, rapporteur pour les titres II et III. En réalité, il n’y a pas de dérogation à Mayotte. À ce jour, les niveaux de langue exigés sont les mêmes que dans l’Hexagone : le niveau A2 est exigé pour l’obtention d’un titre de séjour, et il sera porté en 2026 au niveau B1 pour la carte de résident. M. le ministre d’État pourra le dire mieux que moi, mais je pense que le gouvernement n’a aucune intention de créer des dérogations pour Mayotte dans ce domaine. En revanche, il me semble pertinent de ne pas se priver d’une base juridique qui permette l’adaptation de certains éléments à la situation particulière de Mayotte, comme il en existe par exemple pour le contrat d’intégration républicaine. Avis défavorable.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). M. Gillet cherche encore à taper du poing sur la table sans comprendre où elle se trouve. Comment pourra-t-on exiger un niveau de français B1 de la part de personnes qui survivent dans des bidonvilles et qui ne peuvent que très difficilement accéder à des cours de français ? Soit le Rassemblement national a décidé de financer des méthodes Assimil pour tous les ressortissants étrangers qui demandent un titre de séjour, soit il faudra m’expliquer comment ces personnes peuvent apprendre la langue française dans de suffisamment bonnes conditions pour accéder à un niveau B1. Je ne sais pas si vous pratiquez des langues étrangères, monsieur Gillet, mais le niveau B1 demande déjà une bonne maîtrise, à l’écrit et à l’oral. C’est la raison pour laquelle le groupe Écologiste et social s’opposera avec force et vigueur à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL7 de M. Aurélien Taché.
Amendements identiques CL105 de Mme Léa Balage El Mariky et CL186 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Il s’agit de supprimer une dérogation injuste et profondément discriminatoire qui touche les enfants étrangers à Mayotte. Je fais référence aux conditions spécifiques imposées pour obtenir le fameux DCEM, le document de circulation pour étranger mineur. Dans le droit commun, ce dernier est délivré de plein droit si l’un des parents est en situation régulière. Une condition supplémentaire a été introduite à Mayotte : l’enfant doit être né en France. Par conséquent, de nombreux enfants dont les parents sont pourtant en situation régulière se voient refuser ce document parce qu’ils sont nés à l’étranger.
La réalité sociale de Mayotte fait qu’il existe de nombreux couples mixtes à la situation administrative complexe. En application de cette règle, des enfants se retrouvent bloqués, assignés à résidence dans un territoire, sans possibilité de mobilité. Cette situation est intenable. Nous parlons ici des mineurs étrangers, mais, de façon générale, il faudra mettre fin à la territorialisation de ces titres de séjour.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je retire mon amendement.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je comprends l’approche très humaine des auteurs de ces amendements. Après l’article 2, nous évoquerons les titres de séjour territorialisés, en essayant de répondre à la demande des Mahorais. Auparavant, il faudra adopter des mesures pour limiter l’immigration. À ce stade, j’émets un avis défavorable, mais vous devriez obtenir satisfaction, au moins partiellement, par la suite.
L’amendement CL186 est retiré.
La commission rejette l’amendement CL105.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL8 et CL4 de Mme Sandrine Nosbé.
Amendement CL9 de M. Aurélien Taché
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous sommes dans une série d’amendements qui tendent à supprimer de nouvelles dérogations aux droits des étrangers. Nous estimons que Mayotte ne doit pas être un département où l’on expérimente de telles dérogations.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL414 de M. Philippe Gosselin, rapporteur.
Amendement CL132 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il vise à renforcer la lutte contre la fraude pour l’octroi du titre « parent d’enfant français » en imposant au demandeur de fournir des justificatifs nominatifs prouvant l’entretien effectif de son enfant.
Quand on connaît le taux de fausses paternités et le trafic de faux papiers à Mayotte, on comprend la nécessité d’être un peu plus précis dans la description des justificatifs. En l’état, pour obtenir ce titre, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) impose à l’étranger de démontrer qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, y compris par de simples factures d’achats. Dans les faits, quand vous faites vos courses au supermarché, des clandestins attendent à la caisse pour vous demander vos tickets de caisse et vos factures, qui se retrouvent ensuite dans les dossiers à la préfecture. N’importe qui peut être régularisé sans contribuer à l’entretien de son supposé enfant. Il me semble donc nécessaire de durcir ce régime de preuves pour lutter contre une fraude qui reste massive à Mayotte.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Si la preuve peut être apportée par tous moyens, les éléments nominatifs – versement d’une pension alimentaire, lettres du médecin et autres – sont déjà regardés comme plus probants. Vous proposez d’encadrer davantage. Pour ma part, je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Madame Youssouffa, il ne faut pas laisser penser que l’octroi de ce titre de séjour ne donne pas lieu à un examen précis des situations individuelles. La décision est prise sur la base d’un faisceau d’indices qui concourent à établir le soutien effectif d’un parent à un enfant. De multiples preuves sont nominatives : on regarde, par exemple, si le parent signe le carnet de liaison de l’école. Ce titre n’est pas accordé sur la simple présentation de tickets de caisse qui pourraient avoir été obtenus de manière frauduleuse. Il n’y a aucune automaticité dans la délivrance de ce titre de séjour ni dans l’examen des pièces qui accompagnent la demande.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CL5 de M. Aurélien Taché, CL89 de Mme Léa Balage El Mariky et CL240 de M. Philippe Naillet
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de supprimer la disposition prévoyant de faire passer de trois à cinq ans la durée de résidence pour obtenir la carte « parent d’enfants français » et imposant que cette résidence régulière soit également ininterrompue.
Nous ne cessons de le dire, tous ces nouveaux critères imposés pour restreindre le droit au séjour à Mayotte ne vont pas régler les problèmes. Ils n’auront d’autre effet que de maintenir les gens dans l’irrégularité, et donc dans la misère. L’accès au droit de séjour a été déjà restreint à Mayotte et l’on voit bien que cette spirale insensée n’a jamais réglé ni les problèmes d’immigration – ou du moins ce que vous considérez comme tels –, ni la précarité inhérente à ces restrictions de droits.
Autre danger : Mayotte devient ainsi une terre d’expérimentation pour des mesures qui pourraient être généralisées ensuite dans l’Hexagone. Le Rassemblement national et l’extrême droite se réjouissent de ces expérimentations très dangereuses qui ne correspondent pas à nos valeurs humanistes.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). J’ajouterais une autre raison à l’appui de la suppression des alinéas 9 et 10. Pourquoi la durée de résidence pour obtenir la carte « parent d’enfants français » avait-elle été fixée à trois ans ? Parce que, en droit français, il n’est pas possible d’obtenir un titre de séjour trois fois de suite pour les mêmes motifs. Cette nouvelle exigence est donc sournoise : les étrangers concernés n’auront pas la durée de cinq ans de résidence ininterrompue qui sera désormais requise. Le parent d’un enfant français devra justifier des conditions d’obtention d’un autre titre de séjour – salarié, conjoint de Français, ou bien carte de séjour pluriannuelle… –, ce qui est quasiment impossible. Or les personnes concernées sont, je le répète, des parents d’enfants français.
M. Philippe Naillet (SOC). Nous voulons en effet supprimer l’alinéa 10 qui porte de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident « parent d’enfant français ». Comme je l’ai déjà dit, le principal défi migratoire à Mayotte ne réside pas dans l’octroi trop généreux de titres de séjour pour motif familial mais dans la proportion massive de personnes en situation irrégulière, estimée à environ 50 % de la population. La plupart des arrivées, vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le rapporteur, s’effectuent par voie maritime, en dehors de tout cadre légal, sans contrôle effectif aux frontières et en dépit des reconduites hors du territoire.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Oui, le flux migratoire arrive d’abord par la mer, mais cela ne vide pas la disposition de son intérêt. J’ai parlé tout à l’heure de la technique du puzzle : nous avons étudié telle procédure qui concerne plusieurs centaines de visas, telle autre qui a trait à 3 000 ou 4 000 titres de séjour… En l’occurrence, nous parlons des près de 10 000 étrangers qui sont titulaires d’une carte de séjour pluriannuelle « parent d’enfant français » à Mayotte – pas de l’ensemble de la population, d’autant qu’il n’est question ici que de modifier les conditions de délivrance de la carte de résident.
Passer de trois à cinq ans est tout à fait proportionné. Il ne s’agit pas de faire de l’expérimentation à Mayotte, mais de coller à la réalité du terrain : une immigration massive qui crée de vraies difficultés d’accès aux services publics, et une embolie dans certains secteurs. Prise isolément, chaque pièce du puzzle ne fait pas la révolution, mais elle s’ajoute. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL10 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le présent amendement veut supprimer la disposition dérogatoire qui prévoit qu’à Mayotte l’étranger résidant en France depuis ses 13 ans peut obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à la condition qu’au moins un de ses parents soit titulaire d’une carte de séjour temporaire ou de résident. Cette condition de régularité est d’autant plus restrictive qu’à Mayotte, l’admission exceptionnelle au séjour, qui permet de régulariser des personnes qui ne remplissent pas les conditions classiques de régularisation à titre discrétionnaire, n’existe pas.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable. En supprimant cette condition, on ouvrirait la porte à une régularisation quasi automatique des jeunes étrangers, indépendamment du statut de leurs parents. Mayotte compte déjà un grand nombre de mineurs non accompagnés, entre 4 000 et 6 000 selon les estimations. C’est une réalité, et certaines familles peuvent envoyer volontairement leurs enfants seuls dans l’espoir d’une régularisation future. Nous en avons des cas très précis, même s’il est difficile de donner des chiffres. C’est une autre pièce du puzzle.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL107 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Nous proposons de mettre fin, purement et simplement, au regroupement familial à Mayotte. Devenue un outil de contournement, cette procédure ne répond plus à besoin mais sert de stratégie d’installation – à Mayotte comme ailleurs, soulignons-le. Cela alimente une situation explosive. Le cadre législatif actuel ne répond plus à l’urgence, il l’aggrave. En autorisant le regroupement familial, on organise une immigration de peuplement que Mayotte ne peut plus supporter. On continue à tirer vers le chaos un territoire déjà à genoux. Cela fait plus de trente ans que les gouvernements ferment les yeux. Résultat : la France est devenue un guichet social ouvert à tous, sans contrôle, sans limite, sans volonté. Au Rassemblement national, nous refusons ce renoncement, nous défendons un projet clair de fermeté en matière d’immigration. C’est du bon sens, et c’est ce que réclament les Français.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, 80 % des titres délivrés pour motif familial le sont sur deux fondements qui ne sont pas ceux du regroupement : « parent d’enfant français » et « liens personnels et familiaux ». Votre proposition risque de se heurter au droit européen, pour un nombre de titres concerné très faible, estimé à quelques centaines par an – M. le ministre d’État pourra peut-être nous donner des chiffres précis. En tout cas, on tape à côté tout en prenant un risque sérieux d’être en contradiction avec le droit européen. Avis défavorable.
M. le président Florent Boudié. De mémoire, ces titres représentent 15 000 des quelque 270 000 titres de séjour délivrés au total à l’échelle nationale.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Vous avez la confirmation que ce texte est une source d’inspiration pour le Rassemblement national : « à Mayotte comme ailleurs », a dit M. Gillet ! Vous proposez pour Mayotte des dispositions qui, une fois appliquées, ouvriront un boulevard à leur extension dans l’Hexagone. C’est dangereux, ce que vous faites dans ce texte : vous déroulez non pas le tapis rouge, mais le tapis brun du Rassemblement national. Voilà ce que vous êtes en train de faire.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Mais l’avis du rapporteur est défavorable !
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Mais le germe est dans votre article.
Le Rassemblement national prétend que c’est ce que réclament les Français ? Où a-t-on vu cela ? Ce que réclament les Français, c’est plus de pouvoir d’achat, la retraite à 60 ans ; à Mayotte, c’est le blocage des prix, la possibilité de vivre comme dans l’Hexagone avec un accès à l’eau, aux soins, à l’école. Voilà ce qu’ils réclament. C’est comme cela que l’on résoudra le problème, pas en faisant des immigrés et des étrangers des boucs émissaires.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Je vais décevoir Mme la députée à propos de l’alliance idéologique de fait entre le RN et le gouvernement.
Le droit au regroupement familial se rattache au droit de mener une vie familiale normale, érigé en principe général du droit. Le Conseil constitutionnel le considère comme une garantie légale du droit des étrangers établis de manière stable et régulière en France à y mener une vie familiale normale. Il peut y avoir des évolutions, mais le cadre légal est clair. Comme l’a indiqué le rapporteur, ce droit est aussi encadré au niveau européen et international. L’amendement est donc en contradiction avec les engagements internationaux de la France.
Il faut en outre souligner que le regroupement familial représente un très faible enjeu à Mayotte : 0,1 % des titres délivrés. Au-delà des questions de droit, essentielles, le maintien de ces dispositions relatives au regroupement familial n’est donc pas de nature à aggraver la pression migratoire déjà prégnante à Mayotte.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. J’ajoute que le chiffre que j’ai donné à l’instant n’était pas le bon : il n’y a pas quelques centaines, mais quelques dizaines de titres accordés sur ce fondement.
M. le président Florent Boudié. À l’échelle nationale, l’immigration familiale représente 90 000 effectifs chaque année, dont 15 000 au titre du regroupement.
M. Yoann Gillet (RN). D’abord, même petit, un problème reste un problème. Ensuite, à la collègue de gauche qui pense avoir raison sur tout, je rappelle qu’aux élections législatives de 2024, la gauche réunie autour d’un candidat a obtenu moins de 3 % des voix à Mayotte. C’est bien la preuve que les Mahorais ne veulent pas de sa politique et de son programme. Les sondages et les études d’opinion montrent par ailleurs que 85 % des Français souhaitent une politique migratoire plus ferme, et une étude d’opinion du 29 mars 2025 que 57 % des Français sont pour l’arrêt pur et simple du regroupement familial. Vous ne pouvez pas dire que les Français ne souhaitent pas la fin du regroupement familial.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). La fin de l’intervention de M. Gillet sur les sondages me permet de vous rappeler que c’est l’un des thèmes du brillant rapport que j’ai remis au nom de la commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France. En l’occurrence, nous avons ici un cas typique relevé dans le rapport : un sondage commandé par Le Journal du dimanche à l’institut CSA, tous les deux détenus par M. Bolloré, ensuite commenté sur Europe 1 et sur CNews – chaînes que regarde bien sûr le Rassemblement national pour définir sa politique, en ayant l’impression que ses positions sont majoritaires dans le peuple français.
M. le président Florent Boudié. On s’éloigne un peu du sujet.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Les interventions du Rassemblement national me donnent toujours le sentiment d’une forme d’incompréhension de ce qu’est l’immigration. L’immigration n’est pas une donnée idéologique, mais un phénomène matériel dont il faut traiter les causes si l’on veut y faire face. Changer les titres de séjour et le droit du sol reste sans effet sur l’immigration. Pour agir, il faut d’une part faire en sorte que les niveaux de vie aux Comores et à Mayotte s’équilibrent, et d’autre part avoir des services publics capables d’encaisser ce choc matériel qu’est l’immigration à Mayotte. Nous devons défendre les valeurs de la République partout et tout le temps, pas les remettre en cause pour servir un agenda raciste.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite éclairer la lanterne de certains commissaires sur la réalité de l’immigration à Mayotte, et leur enlever quelques illusions sur la candeur, la naïveté ou la passivité des migrants.
Lors de ma campagne en 2022, au cours d’une réunion publique dans le village de Dzoumogné, un jeune homme de 18 ans m’a expliqué qu’il fallait mettre fin à la loi limitant le droit du sol à Mayotte. Je l’ai regardé, un peu surprise, et il a ajouté que si je n’agissais en ce sens, lui et ses amis allaient tout incendier – la ville avait déjà connu des violences et des menaces directes sur les élus. Je lui ai répondu que je trouvais formidable qu’il s’intéresse à la politique à son jeune âge, mais que s’il avait creusé le sujet, il aurait su qu’il perdait son temps en me faisant ce type de demande. Vingt minutes plus tard, un homme au très fort accent anjouanais m’a dit : « Écoutez ce que vient de dire mon fils. Nous, on a besoin d’avoir nos papiers. »
Laisser penser que les migrants n’ont aucune compréhension des lois, c’est tout simplement mensonger. Ils sont assistés de lobbies qui les aident à pousser des mesures, y compris, grâce à vos voix, jusqu’à l’Assemblée nationale. Il est capital que le gouvernement comprenne enfin la situation et donne une cohérence au droit des étrangers. Ce droit est une passoire : le fait d’être entré illégalement sur un territoire vous ouvre des droits, de même que le fait d’avoir des enfants, que vous reconnaissez ou pas. Voilà ce que le législateur décide de mettre enfin en cohérence.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL11 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer la disposition dérogatoire qui fait qu’à Mayotte, l’admission exceptionnelle au séjour (AES) n’existe pas.
L’absence d’AES à Mayotte constitue une rupture d’égalité injustifiée alors que ce pouvoir discrétionnaire du préfet permet de s’adapter à des situations particulières et de protéger des personnes en leur garantissant des droits. Interdire la régularisation hors cadre, d’autant plus lorsque ce cadre est contraint comme à Mayotte, contribue à maintenir une grande partie de la population dans l’irrégularité, alors que près d’un tiers de la population mahoraise est déjà en situation irrégulière, condamnée à vivre dans l’illégalité.
C’est une spirale, et l’on ne s’en sort pas. La restriction de tous ces droits que l’on devrait accorder à ceux qui en font la demande ne résout pas le problème : on le sait, puisque cela a déjà été fait. En revanche, cela permet d’expérimenter à Mayotte des mesures vouées à s’étendre dans l’Hexagone. Le Rassemblement national nous ressert d’ailleurs les amendements qu’il avait proposés lors de l’examen de la loi « asile et immigration », qui portaient alors sur l’ensemble du territoire français. C’est le même projet : faire de l’étranger le bouc émissaire, le responsable de tous les problèmes. Pour notre part, nous avons une autre vision.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je vais reprendre vos arguments en les renversant. Vous voulez rouvrir largement la régularisation discrétionnaire, dans un territoire où près d’un tiers de la population est déjà en situation irrégulière. Ce serait totalement irresponsable. Par ailleurs, le préfet dispose toujours des pouvoirs discrétionnaires qui lui permettent au cas par cas de régulariser la situation d’un étranger.
Il n’est pas question pour nous ’introduire l’admission exceptionnelle au séjour. Avis défavorable.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’ironie ne vous aura pas échappé, chère collègue. Il y a un instant, votre groupe a honni le préfet, suppôt de tous les diables et démon incarné de l’État, auquel il était impensable de confier des pouvoirs discrétionnaires, ni même un quelconque pouvoir spécifique. Nous vous avons écoutés débiter longuement une litanie d’inepties sur ce que le préfet, possédé par le démon, ne manquerait pas de faire de pouvoirs extraordinaires. Et maintenant qu’il s’agit de régulariser, vous prônez la dérogation maximale ! Le bonhomme sera angélique, il pourra régulariser en masse, sans aucun contrôle et en dehors de la loi. Magique !
Mme Dominique Voynet (EcoS). Sans intention de polémiquer, je dirai que si l’on veut débattre, il faut le faire de bonne foi. Tout à l’heure, il a été défendu l’idée que le préfet n’avait pas forcément à décider et à diriger seul les autres services de l’État. On n’a jamais parlé de la possibilité pour le préfet de prendre des décisions discrétionnaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL6 de Mme Nadège Abomangoli, CL88 de Mme Léa Balage El Mariky et CL241 de M. Philippe Naillet
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de supprimer la disposition prévoyant d’exiger une condition de sept ans de résidence habituelle à Mayotte pour l’obtention de la carte temporaire de séjour « liens personnels et familiaux ». Cette disposition serait spécifique à Mayotte. Or nous avons tendance à défendre des lois républicaines qui, dans l’idéal, s’appliquent de la même manière partout.
Comme Andrée Taurinya, je souligne que toutes les dérogations appliquées à Mayotte en matière migratoire, de titres de séjour et de valeurs républicaines sont vouées à s’étendre. La loi « asile et immigration », qui avait d’ailleurs fait l’objet d’une motion de rejet à l’Assemblée nationale, prenait ainsi la Guyane comme terrain d’expérimentations à étendre plus tard à l’Hexagone.
Pour avoir eu quelques discussions avec lui, je sais que M. le rapporteur peut être sensible à l’éventualité d’une extension des dérogations dans certains domaines. Les outre-mer présentent des situations spécifiques et la République a établi petit à petit des manières d’en tenir compte. Toutefois, il y a un registre qui ne se prête pas à l’établissement de spécificités : ce qui relève des valeurs de la République. On ne grandit pas la France quand on diminue les valeurs de la République.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Non, monsieur le rapporteur, cet article n’est pas du tout l’une des pièces d’un puzzle. En guise de métaphore, on est surtout en train de nous raconter une fable. Depuis combien d’années durcit-on les conditions d’accès au séjour, ajoute-t-on des critères, allonge-t-on les délais ? Le résultat, c’est que l’immigration continue à augmenter et que les gens continuent de franchir les frontières. On peut continuer à sauter comme des cabris, ce qui est proposé ne changera rien.
Mon amendement de repli a pour but d’éviter de vider de son sens la carte de séjour « liens personnels et familiaux », laquelle est délivrée après examen de la réalité de l’intégration de la personne et de ses attaches familiales, et non en fonction de la durée de son séjour. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi vous avez proposé une durée de sept ans plutôt qu’une autre.
On est en train de vider complètement de leur substance un certain nombre de titres de séjour. Tout à l’heure, on a fait en sorte que la carte de résident « parent d’enfants français » n’existe plus en pratique. On s’attaque désormais à la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux ». Autant assumer que vous ne voulez plus de cartes de résident pour les étrangers à Mayotte.
M. Philippe Naillet (SOC). Le rapporteur parlait aussi tout à l’heure d’un amendement qui « tape à côté ». En l’espèce, notre amendement vise à supprimer un alinéa qui tape à côté, l’alinéa 12, qui prévoit une condition de résidence habituelle de sept ans pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux » à Mayotte.
Il est permis de douter de l’effet réel d’une telle disposition tant que les moyens de l’administration, et notamment de la préfecture de Mayotte, resteront très insuffisants pour traiter les demandes dans des délais raisonnables et assurer un contrôle efficace du séjour sur le territoire. Il s’agit plutôt d’une mesure d’ordre symbolique, alors qu’il faudrait une stratégie cohérente articulant régulation de l’immigration, accès au droit et renforcement des capacités administratives locales.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. La fable, c’est de dire, comme M. Léaument et Mme Taurinya, que Mayotte est un laboratoire. Ce n’est absolument pas le cas. Ce territoire présente des spécificités. On n’en connaît pas précisément le nombre d’habitants, mais on sait que plus de 50 % d’entre eux sont en situation irrégulière, qu’on enregistre 10 000 naissances par an à Mamoudzou et que près de 80 % des mères séjournent irrégulièrement sur le territoire.
Autre fable : l’atteinte aux droits fondamentaux. Dans son avis, le Conseil d’État n’a relevé aucune difficulté par rapport aux exigences constitutionnelles ou conventionnelles. Quant au principe d’égalité, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel permet d’y déroger pour des raisons d’intérêt général ou quand les situations des personnes sont différentes. À Mayotte, on a les deux. C’est pourquoi des dispositions ont été prises pour mieux encadrer l’accès à la nationalité française à Mayotte, conformément à l’article 73 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a validé ces évolutions, confirmant ainsi sa jurisprudence de 2018. Vous avez dû, comme moi, relever avec beaucoup d’intérêt qu’il a précisé dans le point 9 de sa décision du 7 mai 2025 que l’accès sans restriction à la nationalité française pour les personnes nées sur le territoire français ne constituait pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Actuellement, la durée de résidence habituelle est fixée à cinq ans par la jurisprudence administrative. L’article prévoit, d’une part, d’élever au niveau législatif ce qui relevait de la jurisprudence, et d’autre part de porter à sept ans la durée de résidence habituelle à Mayotte pour l’obtention de la carte temporaire de séjour « liens personnels et familiaux », afin d’éviter certains travers.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je connais cette jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais je suis en désaccord profond avec elle.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Moi, je considère que les décisions du Conseil s’imposent au législateur.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Certes, mais le législateur peut changer la loi et je ne désespère pas que l’on arrive à changer la Constitution elle-même.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il peut changer la loi, mais pas les principes fondamentaux !
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Par ailleurs, fait partie du bloc de constitutionnalité la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont l’article 1er dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. » Pas les Français, pas les Mahorais, mais les hommes ! Cet universalisme est une des spécificités du droit français : nous, Français, avons déclaré des droits pour l’humanité tout entière si les gens veulent s’en saisir. Alors oui, venir faire des exceptions dans notre droit pour faire des différences entre les Français, les étrangers et les étrangers qui sont sur notre sol avec des titres de séjour particuliers est une mise en cause des valeurs fondamentales de la République.
Nous sommes fondamentalement en désaccord sur la question du droit du sol. Depuis que nous faisons des textes constitutionnels, depuis le début de la République, en 1792, nous proclamons que l’identité nationale française n’est pas autre chose que la citoyenneté. J’ai le regret de vous dire qu’à Mayotte on remet progressivement en cause les droits fondamentaux de notre République, jusqu’à les faire disparaître. Ensuite, des gens ici même viendront dire qu’il faut faire pareil sur l’ensemble du territoire de la République. Vous aurez alors détruit ce qui fait notre identité fondamentale de Français.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je répète ma question : depuis combien d’années a-t-on durci les conditions d’accès au séjour pour les étrangers, et a-t-on constaté un début d’effet sur les flux migratoires ? Vous ne trouverez aucune étude montrant que cette politique empêche les gens de venir.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Monsieur Léaument, la Déclaration de 1789 fait bien une distinction, y compris dans son titre, entre l’homme et le citoyen. Réduire les droits de l’homme à la citoyenneté est une erreur. La loi peut poser des conditions pour devenir citoyen, par exemple d’âge ou de capacité.
Pour ma part, je suis assez légaliste et je considère que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à nous. Il est plutôt sage pour le législateur de rédiger des textes conformes à la Constitution – même si nous ne sommes pas forcément d’accord avec ses interprétations de l’article 45 !
Je n’ai jamais prétendu qu’il existait un lien avéré entre la législation et les flux migratoires. À Mayotte, les immigrés arrivent essentiellement par voie maritime, au moyen de kwassa. C’est un fait. C’est la raison pour laquelle il faut renforcer nos moyens matériels – avec le rideau de fer, des radars, des moyens maritimes et aériens. À cela s’ajoute ce projet de loi, complet, qui contient plusieurs éléments relatifs aux titres de séjour – les pièces du puzzle. C’est l’ensemble de cela qui donne sa force à ce projet de loi.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). On peut citer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, se gargariser de grands principes et évoquer des fantasmes et des projets politiques tout en pensant aux futures élections. Moi, je vais vous ramener sur le plancher des vaches : les 375 kilomètres carrés de Mayotte sont revendiqués par un État voisin qui instrumentalise les flux migratoires et qui a réussi en deux décennies à changer toute la démographie de notre île, avec une revendication territoriale. Plus de la moitié de la population est désormais comorienne.
L’instrumentalisation des flux migratoires est définie comme une menace hybride par l’Otan et l’Union européenne – allez vérifier avant de contester, je connais le sujet. Or le propre de l’instrumentalisation des flux migratoires, c’est d’utiliser de manière subversive les lois du pays d’accueil. C’est précisément ce qui se passe : nos incohérences en matière de droit des étrangers, l’abus du droit du sol sont utilisés pour changer la démographie à Mayotte – en vue d’un vote, un jour. Lorsque vous évitez systématiquement de dire « les Français de Mayotte » ou « les Mahorais » pour parler plutôt des « habitants de Mayotte », vous remplissez précisément le projet des Comores que tous ceux qui sont entrés illégalement soient bien pris en compte. Vous prenez en permanence la misère aux Comores comme argument, en faisant abstraction du fait qu’elles n’ont pas été frappées par le cyclone. Pourtant, le fait qu’elles continuent à envoyer leurs ressortissants à Mayotte prouve bien que ce n’est pas une affaire de déséquilibre économique, mais bien la traduction d’un projet politique de prise de contrôle d’une partie de notre territoire national. Vous continuez à être dans le déni absolu, à utiliser notre territoire à des fins politiques sans accepter la moindre des solutions qui pourrait soulager notre détresse.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Jusqu’à présent, nous avons réussi à débattre calmement. Quelque chose ne me plaît pas dans vos propos, madame Youssouffa : en disant que vous connaissez le sujet, vous laissez entendre que nous sommes des ignorants. Il est normal d’avoir des désaccords politiques, mais nous pouvons en discuter sereinement, en nous respectant mutuellement.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL415 de M. Philippe Gosselin, rapporteur.
Amendement CL263 de M. Olivier Marleix
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable à cet amendement, même si je l’ai cosigné. Le projet de loi propose déjà de porter la durée de résidence habituelle de cinq à sept années, c’est suffisant. Plus serait disproportionné.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL194, CL192, CL187 et CL191 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement CL194 prévoit de ne pas appliquer à Mayotte l’article L. 423-23 du Ceseda, qui permet la délivrance d’une carte « vie privée et familiale » sur le fondement de liens personnels et familiaux. Une trop grande marge d’appréciation est laissée à l’administration et nous souhaitons mettre fin à ce dispositif.
L’amendement CL192 propose d’écarter du bénéfice du regroupement familial le membre de la famille qui ne reconnaît pas l’appartenance de Mayotte à la République française.
L’amendement CL187 vise à préciser les conditions d’accès au regroupement familial en définissant clairement la nature des ressources exigées, afin de garantir que les revenus proviennent d’activités licites.
Je retire l’amendement CL191.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Votre amendement CL194 présente des difficultés au regard de la Constitution et des conventions internationales. Pour autant, je n’écarte pas vos arguments d’un revers de la main. Il existe en effet des difficultés liées à l’appréciation parfois subjective des critères d’intensité et de stabilité des liens, ce qui peut aboutir à des décisions divergentes. L’augmentation de cinq à sept ans de la durée de résidence habituelle devrait permettre de répondre aux critiques.
Avis défavorable à ces amendements.
L’amendement CL191 est retiré.
La commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement CL196 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement vise à supprimer une disposition particulière au département de Mayotte qui permet au représentant de l’État de renouveler des cartes de séjour pour les étrangers polygames.
J’ose penser que les féministes qui parlent toujours d’alignement par rapport à la métropole y seront sensibles. La polygamie ayant été abolie à Mayotte, on pourrait peut-être envisager de ne pas permettre aux étrangers de profiter de la polygamie pour obtenir aisément des papiers – et ce alors même qu’ils n’assurent pas la subsistance de leur famille !
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Une clause générale du Ceseda interdit la délivrance ou le renouvellement de tout titre de séjour à un étranger qui vit en état de polygamie. Mais il faut aussi prendre en compte les situations locales et veiller à ce que des droits acquis au titre d’anciennes législations, avant l’interdiction de la polygamie à Mayotte en 2010, ne soient pas remis en question. Il faudrait peut-être revoir la rédaction de l’amendement.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Les personnes qui étaient déjà en état de polygamie avant l’interdiction de cette dernière ne sont pas concernées par le renouvellement du titre de séjour, du fait de l’ancienneté de leur présence. La polygamie a en effet été abandonnée en 2010 – 2003 selon le ministre – afin de permettre la départementalisation.
Il paraît fou de m’expliquer que la République, qui lutte contre la polygamie dans l’Hexagone, devrait continuer à l’autoriser à Mayotte pour des étrangers. C’est du Kafka.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Selon les informations dont je dispose, l’abolition de la polygamie remonte à 2010 et je suis soucieux des droits acquis. Mais si elle remonte à 2003, les choses sont différentes. Ce point mérite d’être vérifié.
M. Manuel Valls, ministre d’État. Le gouvernement partage évidemment l’esprit de cet amendement.
Comme vous le savez, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République comporte une disposition générale qui fait obstacle à la délivrance de tout document de séjour à un étranger vivant en état de polygamie en France. Avant l’entrée en vigueur de ce texte, seuls les demandeurs d’un titre de séjour pour motif familial ou d’une carte de résident devaient faire une déclaration de non-polygamie. Je connais bien le sujet, en tant qu’ancien maire d’Évry. La législation est désormais claire et évite toute contradiction avec le code civil ou le code pénal.
Néanmoins, la polygamie a été autorisée à Mayotte jusqu’en 2003. La loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 a fait évoluer le statut civil de droit local vers un plus grand respect des principes de la République et a supprimé la possibilité de conclure des unions polygames. Toutefois – et c’est ce que voulait dire M. Gosselin – cela ne valait que pour l’avenir, puisqu’il était précisé que seules les personnes qui n’avaient pas atteint l’âge de se marier avant le 1er janvier 2005 devaient être ensuite nécessairement monogames. Toutes celles qui avaient déjà cet âge ont pu ensuite s’engager valablement dans une union polygame. La polygamie a été totalement interdite, quel que soit l’âge, par l’ordonnance du 3 juin 2010. Les unions contractées avant cette ordonnance demeurent valides.
Avec cet amendement, vous souhaitez que l’on combatte la polygamie avec la plus grande fermeté, au nom des droits des femmes, sur le territoire de la République et donc à Mayotte. Je ne peux qu’être d’accord avec cette intention. En effet, un ressortissant étranger ne peut envisager d’obtenir un titre de séjour en France s’il est polygame.
Le gouvernement est favorable à cet amendement mais, après en avoir discuté avec le ministère de l’intérieur, il conviendrait de compléter votre rédaction en séance afin de s’assurer que les droits acquis avant 2003 sont préservés, conformément au cadre juridique actuel.
Nous sommes au moins trois dans cette salle à avoir voté pour la départementalisation. La lutte contre la polygamie et la fin de la charia avaient été des arguments importants en faveur de cette réforme.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). En pratique, tout bêtement, comment fait-on pour vérifier que la personne qui demande le renouvellement de son titre de séjour n’est pas polygame ?
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Mme Youssouffa n’a pas arrêté de dire que le gouvernement comorien n’était pas particulièrement coopératif avec la France. Les Comoriens qui demanderont une carte de séjour obtiendront donc facilement de leurs autorités un document attestant qu’ils ne sont pas en état de polygamie. Cela ne prouvera rien. Tout le monde est d’accord pour combattre la polygamie, mais la mesure proposée risque de ne pas être efficace.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il y a une grande diversité de situations à Mayotte et la polygamie ne concerne pas seulement des migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non. On compte aussi des Mahorais au sein de familles polygames mixtes, y compris avec des Comoriens et des Malgaches. Dans beaucoup de familles, une première épouse est mahoraise, une deuxième est comorienne, qui n’est pas forcément en situation régulière et qui n’est pas assumée comme une épouse auprès de l’entourage. Vous allez me dire que ça existe aussi chez nous, sous les termes de concubinage ou de polyamour, mais il est certain qu’à Mayotte, c’est banal.
Une ancienne maire de Mayotte, femme de gauche très engagée, m’a expliqué qu’elle vivait dans une union polygame tout simplement parce que la première épouse de son conjoint ne dispose pas d’aucune ressource ni pension de retraite et que c’est la seule façon qu’ils ont trouvée qu’elle ait un statut dans la famille, dans la communauté et dans son village. Autre exemple : lorsque je dirigeais l’ARS (agence régionale de santé) de Mayotte, un ingénieur trouvait parfaitement normal d’inscrire sur le tableau de garde les numéros de téléphone de ses trois épouses !
C’est la réalité. Je ne sais pas dans quelle voie l’on s’engage en cherchant à savoir ce qui se passe dans le lit des 300 000 Mahorais.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je suis un peu surprise d’entendre mes collègues à gauche nous expliquer qu’on a pu lutter contre la polygamie et vérifier les situations dans l’Hexagone, mais qu’à Mayotte on ne pourra pas le faire et que la polygamie y est une chose tout à fait normale.
J’entends la proposition de M. le ministre d’État, mais je rappelle que cet amendement avait été adopté en commission lors de l’examen du projet de loi « immigration » en novembre 2023, dans cette exacte rédaction, le projet de loi ayant été finalement rejeté en séance. Je veux bien vérifier une nouvelle fois la rédaction si c’est nécessaire, mais je souhaite la soumettre au vote quand même.
M. Manuel Valls, ministre d’État. J’apporterai rapidement des réponses à la question légitime sur la manière dont les choses se passent en pratique.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL264 de M. Olivier Marleix
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement CL104 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement prévoit qu’un enfant né à Mayotte de parents étrangers se voit délivrer automatiquement un titre de séjour pluriannuel à l’âge de 18 ans. Il s’agit d’une mesure simple, juste et urgente.
Ces jeunes nés sur le territoire français remplissent les conditions d’accès à la nationalité telles qu’elles existent dans l’Hexagone. Mais à Mayotte, ils sont exclus par un régime d’exception : à 18 ans, ils ne deviennent pas citoyens, ils deviennent étrangers. Ils doivent entamer seuls une démarche administrative souvent kafkaïenne pour obtenir un titre de séjour. C’est un gâchis humain et institutionnel. Faute de titre de séjour, ces jeunes se retrouvent dans une zone grise, sans possibilité d’études, de travail, d’avenir. Seuls quelques dizaines d’entre eux accèdent chaque année à un canal de régularisation mis en place par la préfecture et le rectorat, avec une sélection sur dossier qui laisse sur le carreau des centaines de bacheliers. Nous déposons cet amendement pour que ces jeunes majeurs nés à Mayotte aient un avenir.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Si les critères prévus par l’article 2493 du code civil sont remplis, l’enfant né à Mayotte n’a pas besoin d’un titre de séjour puisqu’il aura la nationalité française à 18 ans.
En revanche, si vous entendez que cet article 2493 s’applique du simple fait que l’enfant soit né à Mayotte, cela revient à rendre automatique la délivrance d’un titre de séjour pour tout jeune né en France. Il suffirait de naître à Mayotte pour bénéficier d’un titre de séjour permettant de se déplacer sans restriction, par exemple.
Je vous invite à consulter l’article L. 423-13 du Ceseda, qui fixe les conditions de délivrance d’un titre de séjour à l’étranger né en France.
Je ne suis pas du tout d’accord avec votre interprétation de l’article 2493. Avis défavorable.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). On voit là toute l’absurdité des exceptions au droit du sol qu’on empile petit à petit. Un enfant né en France, qui a grandi en France, qui est normalement allé à l’école de la République – ceci dit sans méconnaître les difficultés de l’accès à l’éducation à Mayotte, et la nécessité d’y renforcer le service public – devient un étranger quand il atteint 18 ans. C’est ridicule ! Non seulement ces dérogations au droit du sol n’ont aucun effet dans la lutte contre l’immigration illégale, mais elles mettent en cause ce qui fait le sel même de la République française.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CL12 de Mme Sandrine Nosbé, CL106 de Mme Léa Balage El Mariky et CL188 de Mme Estelle Youssouffa ; amendements CL266 de M. Olivier Marleix et CL412 de M. Philippe Gosselin (discussion commune)
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CL12, qui est attendu par de nombreuses personnes à Mayotte, vise à abroger l’article instituant la territorialisation des titres de séjour, afin de permettre une véritable solidarité nationale.
Le titre de séjour territorialisé, qui fait que les personnes étrangères régularisées se maintiennent sur l’île, participe à la saturation du marché local du travail alors que le taux de chômage à Mayotte est le plus élevé de France – 37 % de la population active. Ce confinement migratoire contribue également à pressurer les services publics locaux, qui sont largement défaillants. Il freine la circulation des compétences et empêche une meilleure répartition de la population.
Enfin, la territorialisation rompt de manière inacceptable l’égalité entre Mayotte et le reste de la France, entre les étrangers en situation régulière à Mayotte et les autres. Elle empêche l’Hexagone de prendre sa part de solidarité sociale et économique à Mayotte. Il faut abroger ce dispositif discriminatoire et injustifié.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Oui, il faut en finir avec les titres de séjour territorialisés. La question est quand. Monsieur le rapporteur, vous avez cosigné deux amendements, l’un visant à les interdire en 2027, l’autre en 2030. Par souci de clarté, je vous propose de le faire dès maintenant.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). La question des visas territorialisés mobilise toute l’île depuis plusieurs années. Nous n’acceptons pas que l’État utilise notre insularité pour transformer Mayotte en cocotte-minute, en fixant la population comorienne sur notre île. Le reste du territoire national doit prendre sa part du problème migratoire qui déstabilise notre département.
Pour permettre la territorialisation des visas, il faut se rendre compte que l’administration française est allée demander une dérogation à l’Union européenne afin d’exclure Mayotte de l’espace Schengen. Cette mesure transforme notre département en un camp migratoire géant, tandis que le reste du pays nous regarde nous débattre et nous enfoncer dans une situation ingérable.
Les gouvernements successifs ont multiplié les promesses sur ce qu’ils allaient faire pour lutter contre l’immigration clandestine et combien cela allait être efficace. Mais alors, vous n’avez plus besoin de vous protéger des gens qui viennent de Mayotte, puisque ce ne sont plus des clandestins ! Il va falloir respecter les engagements pris à l’issue du mouvement social de l’année dernière, lorsque M. Darmanin est venu dire de la part du président de la République que si on arrivait à limiter le droit du sol à Mayotte, on mettrait fin au visa territorialisé. Grâce à M. le rapporteur, nous avons limité le droit du sol à Mayotte. Il faut maintenant respecter les engagements et mettre fin à l’injustice qu’est le titre de séjour territorialisé.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. C’est un moment de grâce ! Nous partageons l’objectif de mettre fin à la territorialisation. Cette anomalie s’explique par la situation migratoire exceptionnelle des 320 000 à 400 000 habitants de l’archipel. Toutefois, les élus et la population de Mayotte attendent une convergence avec le droit commun. Même si ce projet de loi de programmation ne se résume pas à cette question – pensons aux aspects économiques et sociaux, notamment –, un signal fort en la matière est nécessaire.
Reste à savoir quand la territorialisation doit prendre fin. Par l’amendement CL412, je propose la date du 1er janvier 2030. Certains préféreraient agir au plus vite, au 1er janvier 2026 ou 2027. Je pense toutefois qu’il faut donner du temps au temps afin de s’assurer que l’ensemble des dispositions que nous sommes en train de voter soient appliquées – pensons aux décrets d’application, mais aussi aux moyens humains, à l’équipement aérien et maritime nécessaires. Laissons tout cela se concrétiser, attendons que les flux migratoires diminuent – sans imaginer un instant qu’ils disparaîtront, au vu de la proximité de Mayotte avec Anjouan.
La fin de la territorialisation des titres est un choix politique fort, mais dont l’application demande du pragmatisme. Avec ce vote, nous fixerons non pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultat. Le flux migratoire doit diminuer, pour mettre fin à l’embolie des services publics et aligner autant que possible Mayotte sur le droit commun – car, non, ce territoire n’est pas un laboratoire, monsieur Léaument.
L’amendement CL412, que j’ai cosigné avec le rapporteur général et les autres rapporteurs du texte, n’allait pas de soi. Cette convergence est importante. Même si elle ne satisfera pas tout le monde, elle marque un engagement politique fort, concret. Je vous invite à vous rallier à nous, par réalisme et par pragmatisme.
Quant à l’amendement CL266, qui prévoyait une date alternative, je le retire.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Pardon à mes collègues de gauche et au rapporteur, mais je vais rompre cette belle unanimité. Mme Youssouffa défend le peuple mahorais avec beaucoup de fougue et de détermination. Elle me pardonnera de défendre les Réunionnais avec le même cœur.
Depuis l’audition de M. le ministre d’État hier, j’insiste pour savoir quelle est la priorité du texte : lutter contre l’immigration ou développer les droits sociaux et économiques à Mayotte. Les deux questions sont liées.
En supprimant les visas territorialisés, nous lèverons la cloche qui empêche Mayotte de respirer, mais nous risquons aussi de transférer le problème à La Réunion. Un flux va se créer implacablement, que vous ne pourrez pas réguler. Un vol entre La Réunion et Mayotte coûte 170 euros et dure deux heures dix-huit ; nous avons le même climat et partageons pour partie la même histoire ; des communautés sont déjà installées à La Réunion. Bien sûr que les migrants viendront !
La Réunion est solidaire de Mayotte. Elle l’a été lors du cyclone Chido, en votant 1 million d’euros d’aides, en créant un hub pour acheminer l’aide, en accueillant plus de 500 enfants qui ne pouvaient plus être scolarisés à Mayotte. Elle continue à accueillir régulièrement les Evasan (évacuations sanitaires) en provenance de Mayotte.
Toutefois, La Réunion est le troisième département le plus pauvre de France. Elle n’a pas vocation à être la seule bouée de secours du département le plus pauvre de France. La solidarité a ses limites. La Réunion est une béquille mitée pour Mayotte. Nous espérons que la population de Mayotte parviendra à une égalité réelle des droits sociaux et économiques, de façon qu’elle ne soit plus contrainte à fuir une île devenue invivable. Toutefois, en l’état du droit et du développement économique et social de Mayotte et au vu de ce que La Réunion est capable de donner et de ce qu’elle ne parvient plus à donner, je suis navrée, mais je voterai contre ces amendements.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). La prise de parole de Mme K/Bidi montre bien notre cohérence.
Nous ne nions pas que les services publics à Mayotte soient dépassés par l’afflux de population. Toutefois, nous proposons de répondre à ce problème par leur renforcement et par le codéveloppement avec les Comores.
Nous ne pouvons pas accepter la territorialisation des titres du séjour, qui enferme à Mayotte cette population. Toutefois, la levée de cette mesure conduira les flux d’abord vers La Réunion, qui n’est pas elle-même sans connaître des difficultés d’accès aux services publics. Il est vrai que de manière générale, dans les outre-mer, la France n’a jamais été à la hauteur des promesses de la République. Si les problèmes que rencontrent les outre-mer apparaissaient dans le 16e arrondissement de Paris, ils seraient réglés depuis longtemps !
La vraie question est donc celle de la solidarité nationale, de la prise en charge du problème par l’ensemble des Français. Je soutiens la déterritorialisation des titres de séjour parce que c’est une question d’égalité en droit, mais la réponse première doit rester le développement des services publics sur place. Tant qu’il sera insuffisant, vous pourrez prévoir ou annuler toutes les dérogations que vous voudrez, le problème subsistera.
M. Ludovic Mendes (EPR). Nous avons besoin d’endiguer les entrées illicites sur le territoire mahorais. Malheureusement, depuis l’instauration du titre de séjour territorialisé, leur nombre a augmenté. Cela montre que la mesure ne règle pas le problème.
Par ailleurs, la territorialisation des titres empêche des personnes en situation régulière, dont la présence est reconnue par l’État, de quitter Mayotte. C’est une forme d’assignation à résidence territoriale qui n’existe qu’à Mayotte. Cette mesure, qui date de 2014, a été validée par le Conseil d’État et est censée éviter des « appels d’air ».
La réalité est que le titre de séjour territorialisé ne sert strictement à rien et donne le sentiment qu’on apporte à Mayotte une réponse inadaptée. Quand on est en situation régulière, en phase d’intégration, on doit pouvoir se déplacer sur l’ensemble du territoire national. La suppression de la territorialisation est soutenue par l’ensemble des élus de Mayotte, qu’ils soient de droite ou de gauche.
Au fond, tout cela est lié aux colonies. Le droit d’alors s’est perpétué à travers des décrets et a été validé en 2014 sous la présidence de M. Hollande, à la suite d’une jurisprudence du Conseil d’État. Mais nous avons besoin aujourd’hui d’autres réponses. Alors que les chiffres de l’immigration sont en hausse, par humanité et parce que nous sommes républicains, nous devons trouver d’autres solutions que l’assignation à résidence départementale.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je remercie mes collègues d’enfin entendre la demande formulée par Mayotte depuis des années et de comprendre l’injustice qui nous est faite.
Il est savoureux d’entendre certains élus de gauche se féliciter de la frontière intérieure qui existe entre La Réunion et Mayotte, après s’être élevés contre toutes les mesures de lutte contre l’immigration clandestine, avoir expliqué combien il était merveilleux d’accueillir, avoir dénoncé l’opération Wuambushu et toutes nos actions inhumaines, avoir fait de grandes leçons sur l’accueil des étrangers et les droits de l’homme.
Subitement donc, tout cela n’existe plus. Et puis, il faut une pointe de mauvaise foi pour oublier que la quasi-totalité des investissements de l’État à La Réunion ont été faits au nom de la région océan Indien, pour servir la population de Mayotte aussi bien que celle de La Réunion, comme le montrent tous les comptes rendus officiels. Ce n’est donc pas par générosité que les Réunionnais nous accueillent, mais parce que c’est ce qui a été prévu par l’État. Les élus réunionnais se sont battus pour accueillir des hôpitaux, des infrastructures, en affirmant qu’ils serviraient aussi aux Français de Mayotte. Ne jouez donc pas les grands princes !
J’attends avec impatience la fin des visas territorialisés, parce que quand vous aurez tous eu le bonheur d’accueillir la population migrante, je ne doute pas que vous vous joindrez à moi pour demander la protection des frontières ; quand vous aurez constaté que ce n’est pas tout à fait une partie de plaisir, on verra subitement les forces de Frontex et de la marine nationale se déployer sur place et les moyens promis se concrétiser.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. En cosignant l’amendement CL412, qui prévoit la fin des titres de séjour territorialisés, les quatre rapporteurs et moi avons voulu envoyer un signal politique fort.
Madame K/Bidi, le présent texte ne vise pas seulement à limiter l’immigration clandestine à Mayotte. C’est une boîte à outils, qui nous permet de tout mettre sur la table : le développement des services publics, l’accès aux fondamentaux, comme la limitation de l’immigration et la convergence des prestations sociales. La convergence pour les titres de séjour pourra être atteinte en 2030.
Enfin, vous ne pouvez pas nous adresser des leçons de solidarité, demander d’ouvrir toujours plus grand les vannes, et insister pour que les gens restent bien chez eux quand c’est votre territoire qui est concerné. La solidarité, ce n’est pas la communauté réduite aux acquêts. Elle implique un plan puissant pour Mayotte, que je défends avec enthousiasme, car je connais les difficultés de ce territoire.
Mme Béatrice Bellay (SOC). C’est un peu émue que je prends la parole. Les revendications de nos collègues de l’océan Indien méritent d’être écoutées. On ne peut pas nous priver de notre ambition humaniste, ni retirer aux Mahorais l’envie de voir les difficultés qu’ils vivent réglées. C’est tout le sens de l’action de l’État, pour permettre aux pays des océans de s’émanciper et d’émanciper leur population.
La solidarité nationale doit être pleine et entière, et encore plus la solidarité continentale. C’est pourquoi j’irai plus loin que mes collègues, tant de Mayotte que de La Réunion : si les visas ne doivent plus être territorialisés, ce que j’appelle de mes vœux, ils doivent aussi exclure les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, particulièrement La Réunion. En effet, ce dont des territoires en souffrance, qui manquent d’équipements et accusent des taux de pauvreté qui devraient faire honte à la nation.
Ma position, qui sera, je pense, celle du parti socialiste, est donc qu’il faut soutenir nos compatriotes tant de Mayotte que de La Réunion, en faisant jouer la solidarité nationale à travers les continents.
Mme Dominique Voynet (EcoS). On entend des interventions très diverses, avec parfois des mots très durs. J’ai été émue par celle de Mme K/Bidi. Il faut beaucoup de courage pour aller à contre-courant, concernant ce qui semble une mesure de simple justice.
Je n’ai pas l’intention de renoncer à la fin de la territorialisation des titres, qui est attendue depuis des années, parce qu’il revient à la France tout entière, hexagonale et ultramarine, de prendre en charge cette situation douloureuse pour les habitants de Mayotte. Toutefois, alors que j’avais déposé un amendement visant à y procéder immédiatement, je me rallie finalement à celui des rapporteurs. Les cinq années qu’il laisse, d’ici à 2030, pourront ainsi être mises à profit pour remettre à niveau les services publics, créer des emplois et des commerces, chercher des logements, afin que la nouvelle situation ne déstabilise pas la société réunionnaise et que ceux qui quitteront Mayotte puissent aussi choisir la métropole.
Ne perdons pas de temps pendant ce délai pour préparer sérieusement ce qui risque d’être un bouleversement pour Mayotte, La Réunion et les régions métropolitaines qui seront susceptibles d’accueillir les migrants.
Mme Anchya Bamana (RN). J’apporte mon soutien aux propos de Mme Youssouffa sur les relations bizarroïdes que nous entretenons avec nos voisins réunionnais.
Le chapitre Ier du titre V du présent projet de loi prévoit la transformation institutionnelle de la collectivité territoriale unique de Mayotte, de sorte que l’ensemble des services de l’État puissent enfin être déclinés à Mayotte : il faut un CHU (centre hospitalier universitaire), un Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires), une cour d’appel, des services délivrant les pièces d’identité et les passeports… C’est ainsi que nous pourrons avoir des relations saines avec les Réunionnais.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). J’ai toujours défendu l’idée que Mayotte devait disposer de moyens indépendants de ceux de La Réunion. Ce ne sont pas les élus de La Réunion qui ont demandé que la cour d’appel et même, à une époque, l’ARS soient communes aux deux territoires : c’est l’État qui l’a voulu, pour faire des économies, parce qu’il est plus facile de donner moins à deux acteurs et de leur demander de se débrouiller avec.
Il est primordial que Mayotte obtienne des moyens indépendants pour son développement. Peut-être que cela assainira les relations entre nos deux îles et que les élus mahorais cesseront de reprocher aux élus réunionnais d’être la cause de leurs malheurs et vice versa. La Réunion et Mayotte ont une histoire et une réalité en commun ; ce n’est pas en se tapant dessus à longueur de journée qu’elles résoudront leurs problèmes. Oui, les moyens doivent être distincts. La solidarité, elle, est déjà là.
Effectivement, il me faut du courage pour m’exprimer à contre-courant de mes camarades et de tout ce que nous avons défendu. Pour autant, je ne me contredis pas, contrairement à ceux qui ne réclament l’alignement du droit à Mayotte sur celui du reste de la France que quand cela les arrange. Je le dis, cette mesure n’arrange pas les Réunionnais et la solidarité a ses limites.
M. Philippe Naillet (SOC). Je ne voudrais pas qu’on laisse croire que la solidarité de La Réunion envers Mayotte a fait défaut. Lors du passage du cyclone Chido, La Réunion a été le nœud de la solidarité, tant aérienne que maritime, notamment sur le plan médical. En outre, depuis la création d’un CHU à La Réunion, il y a onze ans, le nombre d’Evasan depuis Mayotte a été multiplié par quatre. Puisque je siège au conseil de surveillance de cet hôpital, je peux vous dire qu’il a un déficit de 45 millions d’euros, dont 10 millions relèvent de la solidarité à travers les Evasan. D’ailleurs, les Mahorais qui vivent à La Réunion savent très bien qu’elle ne manque pas de solidarité à leur endroit.
M. le président Florent Boudié. Je salue la grande qualité des interventions sur ce débat très important.
M. Manuel Valls, ministre d’État. C’est vrai. Sur un tel débat, complexe et qui ne doit pas être réduit à des caricatures, la noblesse des parlementaires est de trouver des solutions.
Madame K/Bidi, l’engagement de ce texte, c’est « la refondation de Mayotte ». Nous avons dû attendre Chido, pour cela. C’est pourquoi je peux comprendre la colère des élus mahorais.
Bien sûr, il serait absurde de dire que rien n’avait été fait avant à Mayotte ni dans les autres territoires ultramarins, où les inégalités, la vie chère et la violence sont effectivement plus marquées que dans l’Hexagone. L’État y est présent, et c’est d’ailleurs ce qui fait la différence avec les pays voisins de ces territoires. Beaucoup de mesures avaient été engagées à Mayotte, notamment par Philippe Vigier, quand il était ministre des outre-mer. Mais, donc, il a fallu le cyclone Chido pour que nous engagions, d’abord la reconstruction dans l’urgence, et désormais un projet complet de refondation qui couvre la convergence sociale, la reconstruction des écoles, les problématiques de santé, les grands équipements, les problèmes de sécurité et d’immigration illégale ou les bidonvilles. Ce projet s’accompagne d’une programmation, et nous avons discuté des enjeux financiers à l’article 1er.
Nous avons toujours dit que les questions de l’immigration irrégulière, de l’habitat illégal et du rapport avec les Comores devaient également être traitées, car elles déstabilisent Mayotte. On peut ne pas être d’accord avec les visions des deux députées de Mayotte Mmes Youssouffa et Bamana, mais force est de constater qu’elles reflètent une quasi-unanimité parmi les élus locaux, des maires aux conseillers départementaux, et parmi les acteurs économiques et sociaux. Il faut les entendre.
Je me félicite du travail mené par les rapporteurs concernant le titre de séjour territorialisé. Vous savez parfaitement que le ministre de l’intérieur est opposé à la suppression de la territorialisation : puisque je défends les positions du gouvernement, je suis obligé de vous le rappeler. Le président de la République, lui, il y a quelques semaines, a reconnu le caractère particulier de ce dispositif. Le Sénat, lors des débats, a admis que, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi, le gouvernement remettrait au Parlement un rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte, pour faire un point. Bref, une large majorité se dégage pour la suppression de la territorialisation – et cela en 2030 : la nuance est importante, car, outre la convergence sociale et économique, il faut laisser le temps aux mesures de lutte contre l’immigration clandestine de produire pleinement leur effet. Compte tenu des moyens qui y seront consacrés, je ne suis d’ailleurs pas tout à fait d’accord, même si j’en comprends l’esprit, avec la dernière intervention de Mme Youssouffa, qui nous prévient en substance que nous allons tous avoir notre croix à porter.
On voit que le gouvernement est obligé de prendre en considération cette situation très particulière, qui voit même M. Gosselin, après s’être opposé en tant que rapporteur aux amendements qu’il a lui-même cosignés, s’opposer maintenant au ministre de l’intérieur, président des LR !
M. Philippe Gosselin, rapporteur. N’aggravez pas mon cas !
M. Manuel Valls, ministre d’État. Je comprends aussi votre intervention, madame K/Bidi : les tensions à La Réunion sont réelles et je sais votre honnêteté intellectuelle et votre franchise. La Réunion connaît, avec de jeunes compatriotes mahorais, des problèmes qui ne sont pas liés aux questions que nous évoquons mais à des situations familiales et sociales. Sans préjuger de la suite des débats en séance, le but de cette date de 2030 est de laisser le temps à la solidarité nationale de fonctionner.
Face aux propositions qui ont été faites, je rappelle la position du ministre de l’intérieur, mais je trouve que les quatre rapporteurs ont fait œuvre utile pour que nous puissions avancer. Je n’étais pas certain que ce serait possible – c’est tout l’intérêt d’un travail parlementaire expérimenté. Il faudra toutefois prendre le soin de bien expliquer les choses, pour éviter que les débats soient instrumentalisés et que des tensions apparaissent. Il ne s’agit pas du tout de renvoyer la balle à La Réunion, qui est, elle aussi, confrontée à des défis.
Nous avons donc cinq ans pour réaliser la convergence économique et sociale, pour renforcer tous les dispositifs de lutte contre l’immigration et pour préparer la sortie de la territorialisation. L’État, les collectivités territoriales et les élus sont capables d’aller jusqu’au bout. Je me félicite de ce débat et salue la hauteur de vue et les engagements de chacun.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Les propos de Mme K/Bidi sont tout à fait respectables et je n’y ai pas senti de haine, mais plutôt une grande inquiétude, que je ne balaie pas d’un revers de main. Je sais les difficultés que connaît La Réunion. Pour une part importante, elles tiennent à ce que, faute de convergence sociale, une partie des Mahorais y vont pour pouvoir bénéficier de prestations plus favorables, dont ils réexpédient une partie à leur famille à Mayotte. Ce n’est pas illégitime, car la République garantit la liberté de circulation, mais je ne sous-estime pas les problèmes que cela peut créer en termes d’habitat ou de quartiers.
Je ne veux absolument pas parler de pari sur l’avenir : je considère que l’État a une obligation non pas de moyens, mais de résultat. Il est clair que nous devons maîtriser l’immigration, mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga de ce texte, qui vise vraiment à refonder Mayotte sous les aspects qui ont été évoqués : économique, social, sanitaire – y compris l’assainissement – et environnemental. Après la création du 101e département, le 31 mars 2011, par une loi dont j’étais alors corapporteur, nous devons aujourd’hui ajouter un étage supplémentaire à l’édifice pour, sinon parachever la décentralisation, au moins l’améliorer grandement en matière d’égalité des droits et d’égalité sociale – celles des Français : il n’est pas question ici des étrangers, mais de ceux qui ont la nationalité ou, pour reprendre le terme de M. Léaument, la citoyenneté.
Il appartiendra à la représentation nationale, avec le comité de suivi et les autres instances pertinentes, de se pencher régulièrement sur la question, et à chacun d’entre nous de veiller, à l’occasion des lois de finances, à assurer les moyens humains et matériels – et donc les investissements – que nous avons envisagés. Nous ne sommes pas naïfs : nous ne pourrons pas tout faire en cinq ans. Dans cinq ans, le port de Longoni ne sera pas en eau profonde, l’aéroport n’aura pas sa piste longue, mais nous envoyons un signal vertueux. Depuis le mois de janvier, nous observons un décollage économique qui est certes le contrecoup du cyclone Chido mais qui, avec un taux de croissance de 8 %, est tout de même extraordinaire – d’autres territoires qui ont connu de graves événements, comme la Nouvelle-Calédonie, aimeraient bien les voir suivis de tels résultats.
Comparaison n’est pas raison, mais quelque chose peut se produire à Mayotte. Vous êtes le porte-voix des habitants de votre territoire, et je ne vous le reproche pas – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je défends le scrutin uninominal à deux tours, qui nous ancre sur un territoire et nous fait représenter non seulement la nation, mais aussi une partie du territoire et une population. Merci de nous accompagner et de vous montrer favorable à notre amendement. J’entends aussi les propos de Mme Bellay sur la notion de solidarité, et ceux de Mme Voynet.
Au-delà de nos divergences, le vote de cet amendement, qui n’allait pas de soi voilà encore quelques jours, est un acte important. Je suis très sensible à la sagesse du ministre de l’intérieur, qui aurait pu être beaucoup plus virulent. Cela n’a pas été simple, mais personne n’est sous pression et je me sentirai, avec les corapporteurs et sous le contrôle bienveillant du rapporteur général, comptable de ce que nous voterons ce soir, dans la durée.
Les amendements CL188 et CL266 étant retirés, la commission rejette les amendements CL12 et CL106.
Elle adopte l’amendement CL412. L’article 2 bis A est ainsi rédigé.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL273 de M. Olivier Marleix.
Article 2 bis (nouveau) : Rapport d’évaluation des dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité à Mayotte
Amendements CL313 de M. Philippe Naillet et CL14 de M. Aurélien Taché (discussion commune)
M. Philippe Naillet (SOC). Moins passionnel que les précédents, l’amendement CL313 vise à renforcer la portée du rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte, dont la multiplication traduit une fuite en avant législative qui, tout en s’éloignant des principes de droit commun, percute frontalement certaines libertés fondamentales, au premier rang desquelles l’intérêt supérieur de l’enfant. Ces dispositifs, souvent présentés comme nécessaires à la spécificité mahoraise, installent en réalité un régime d’exception durable qui fragilise l’État de droit. Ce traitement différencié, s’il n’est pas sérieusement évalué, risque d’institutionnaliser une forme de discrimination territoriale.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’amendement CL14 vise à préciser le contenu du rapport du gouvernement sur les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte, en indiquant qu’il convient d’en vérifier les effets sur les flux migratoires et sur les conditions de vie des personnes migrantes. De fait, aucune étude ne confirme le fait que, comme on ne cesse de nous le dire, les dérogations au droit auraient des effets sur l’immigration. Quant au second point, il répond à notre souci d’humanité valable pour tout le monde.
Par ailleurs, nous venons de décider d’une déterritorialisation des titres de séjour en 2030, mais qui nous dit qu’il n’y aura pas, d’ici là, un gouvernement défavorable à cette mesure ? Nous avons vu, à l’occasion de certains votes, les avis se diviser au sein d’un même parti – je pense au Rassemblement national. Nous sommes, quant à nous, cohérents : nous n’avons pas de problème avec l’immigration, mais avec la capacité des services publics à faire face à la population présente sur le territoire. Pour nous, la question est de faire en sorte que la République soit toujours là, que ce soit par les services publics ou par les valeurs. À la lumière de l’ensemble des discussions que nous avons eues, vous donnez raison, à propos tant de l’immigration que de la République, à La France insoumise.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Ces propos ne sont pas raisonnables. Il est tout à fait justifié de demander l’évaluation des dispositions dérogatoires, mais la rédaction actuelle le permet déjà et notre débat éclairera, si besoin, le contenu du rapport. L’amendement est donc satisfait. Moins la loi est bavarde, mieux elle se porte. Le Conseil d’État parlait déjà, en 1991 me semble-t-il, de la logorrhée législative et réglementaire : c’est toujours d’actualité. Avis défavorable sur les deux amendements.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). C’est tout de même savoureux ! Il nous semble utile que le législateur indique au gouvernement la direction qu’il souhaite lui voir suivre dans le rapport. Par ailleurs, monsieur Gosselin, je m’étonne que vous déploriez la logorrhée de la loi alors que vous ne cessez de vouloir alourdir le code pénal de précisions qui la rendent de plus en plus incompréhensible. Je note donc votre argumentaire en prévision de la prochaine fois où vous voudrez introduire des exceptions et dérogations diverses.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je veillerai à ce que vous puissiez être satisfait explicitement.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’article 2 bis non modifié.
Article 2 ter (nouveau) (article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Précision des conditions relatives au logement pour bénéficier du regroupement familial à Mayotte
Amendements de suppression CL16 de Mme Nadège Abomangoli, CL90 de Mme Léa Balage El Mariky, CL167 de Mme Elsa Faucillon et CL237 de M. Philippe Naillet
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous voulons supprimer tous les articles visant à restreindre les droits des étrangers demandeurs d’asile et nous opposons donc à cet article 2 ter qui vise à imposer l’exigence supplémentaire que l’étranger dispose, à l’arrivée de sa famille, d’un logement normal, à l’exclusion de l’habitat informel. Cette mesure purement xénophobe est révoltante car, à Mayotte, l’habitat informel est subi et non choisi. Quatre habitations sur dix sont des constructions précaires et près d’un tiers des habitants vivent dans des bidonvilles. Cela ne concerne pas seulement les personnes en situation irrégulière, puisque deux tiers des ménages qui vivaient dans un logement précaire à Mayotte avaient à leur tête un adulte de nationalité française ou en situation régulière.
Cette situation tient en grande partie à l’insuffisance, voire à l’inexistence d’une politique du logement social et de toutes les autres mesures qui permettraient de régler les problèmes de précarité et de misère. Plutôt que de donner vraiment à ce territoire les moyens de jouir des mêmes droits que l’Hexagone, vous durcissez les conditions de l’accès des étrangers aux droits et continuez à en faire des boucs émissaires.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’article 2 ter est inutile parce que le Ceseda fixe déjà des critères très stricts de superficie minimale, d’accès à l’eau et de normes de sécurité. Il risque en outre de créer un régime d’exception dans des situations où il est impossible de prouver un titre foncier dans un système qui dysfonctionne, le cadastre étant incomplet et les titres de propriété parfois inexistants. Il faut donc toiletter le texte des ajouts du Sénat.
M. Philippe Naillet (SOC). L’article 2 ter, introduit par un amendement de la droite sénatoriale, subordonne le regroupement familial au fait que l’étranger disposera d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique. Sur le plan des principes, cette mesure porte atteinte au droit fondamental à une vie familiale normale garanti tant par le préambule de la Constitution de 1946 que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs précisé que les restrictions apportées à ce droit doivent rester proportionnées aux objectifs poursuivis.
Cette disposition est en outre source de discrimination indirecte et pénalise les personnes les plus précaires – l’Insee a rappelé qu’à Mayotte, plus de 70 % du parc résidentiel relève de l’habitat informel ou non régularisé. Elle est par ailleurs improductive : en prétendant lutter contre l’habitat informel par la restriction du regroupement familial, elle ne crée aucun levier d’amélioration.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Les bailleurs doivent être dénoncés lorsqu’un logement n’est pas décent – faute par exemple de chauffage ou de raccordement à l’eau ou au tout-à-l’égout. Un logement normal est un logement décent, y compris à Mayotte, même si les exigences en matière de chauffage n’y sont pas les mêmes qu’en Normandie : il n’y a pas de dérogation à cette exigence de décence. L’ajout d’un article 2 ter excluant les bangas ne change rien au droit existant, qui les exclut déjà. J’ajoute que le sujet n’a aucun lien avec la propriété car la disposition s’applique aussi aux locataires, et même aux occupants sans titre puisque, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, même un squatteur peut être considéré comme un occupant légitime et son propriétaire condamné – mais c’est une autre histoire. Avis défavorable.
M. Guillaume Kasbarian (EPR). Le rapporteur me tend une perche ! Je rappelle que le squat n’est pas une occupation légitime, mais un délit et que le législateur a renforcé les peines et les sanctions qui pèsent sur les squatteurs. C’est parce que ces derniers sont des délinquants que nous avons introduit une procédure d’expulsion express, non judiciaire, qui permet au préfet de les faire sortir en quelques jours. C’est aussi parce qu’il s’agit d’un délit grave que les squatteurs ne sont pas protégés, par exemple, par la trêve hivernale et qu’on peut les sortir du lieu à toute période de l’année.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Monsieur le rapporteur, qui ne voulez pas de loi bavarde, l’amendement introduit au Sénat est bavard car il ajoute de la complexité dans un dispositif déjà très encadré. Les critères ajoutés par cet article seront difficiles à appliquer et à interpréter. Sa suppression clarifierait les dispositions du Ceseda.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Monsieur Kasbarian, nous nous sommes associés au vote des excellentes dispositions que vous venez de rappeler. Reste que le squat peut, dans certaines conditions, être considéré comme un domicile : c’était mon propos. Je maintiens donc mon avis défavorable. Le logement normal reste la référence. Quant à ce qui a été dit de l’ajout du Sénat, j’en laisse la responsabilité à ses auteurs, même si je peux envisager d’y souscrire.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL416 de M. Philippe Gosselin, rapporteur.
La commission adopte l’article 2 ter modifié.
Chapitre II
Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses
de paternité et de maternité
Article 3 (art. 2496 du code civil) : Centralisation des actes de reconnaissance de paternité et de maternité auprès de la commune de Mamoudzou et lecture par l’officier d’état civil des obligations liées à la reconnaissance d’un enfant à Mayotte
Amendements de suppression CL19 de M. Jean-Hugues Ratenon, CL91 de Mme Léa Balage El Mariky, CL168 de Mme Émeline K/Bidi et CL238 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité sont un sujet récurrent, qui recouvre une part de réalité et parfois aussi un peu de fantasmes. Il n’y a pas défiance envers les autres collectivités que Mamoudzou, comme je l’ai lu, mais si nous voulons essayer d’être efficaces, il faut centraliser les déclarations.
Le choix de Mamoudzou se justifie tout simplement parce qu’on y recense à peu près 10 000 naissances par an, malgré une diminution constatée fin 2024 et qui se prolongera peut-être en 2025. Les déclarations de naissance se font essentiellement à Mamoudzou, même s’il y en a aussi dans d’autres villes, et nombre de reconnaissances s’y font déjà aussi. Il nous a donc semblé pertinent d’y réunir des agents, officiers d’état civil par délégation, formés et aguerris.
Cela ne pose absolument aucun problème au maire de Mamoudzou avec qui nous en avons parlé très clairement, à condition qu’une formation soit dispensée à ces agents, qui ne doivent pas être laissés tout seuls. L’état civil fait en effet partie des tâches régaliennes qui incombent au maire – lequel est un Janus à la fois responsable de l’exécutif local et agent de l’État. Il importe donc que l’État prenne toutes ses responsabilités et que les liaisons avec l’autorité judiciaire, gardienne de l’état civil au sens large, soient pertinentes et efficaces, y compris en recourant, au besoin, à l’article 40 du code de procédure pénale.
Avis défavorable donc à ces amendements de suppression de l’article 3.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Depuis ce matin, on répète qu’il y a 10 000 naissances par an à Mayotte ; or le chiffre de 2024 est de 8 900 naissances. C’est une baisse considérable, dont nous verrons si elle se prolonge en 2025.
D’un côté, je trouve assez logique de proposer une centralisation. De l’autre, les naissances n’ont pas lieu qu’à Mamoudzou : il y a quatre centres de référence qui sont des centres d’accouchements eutociques, c’est-à-dire sans complications, et il faut aussi compter avec les accouchements plus informels.
Il faudra donc travailler avec les instances de l’hôpital, parce qu’un grand nombre de naissances sont déclarées par les sages-femmes et non par les familles, ainsi qu’avec les maires des autres communes, parce qu’il arrive déjà aujourd’hui que des naissances qui s’y produisent ne soient pas déclarées.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Limiter aux officiers d’état civil de Mamoudzou la possibilité de reconnaître les naissances est une exception importante au droit.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il ne s’agit pas des déclarations de naissance, mais des reconnaissances de paternité ou de maternité.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). En effet, pardon ! Toujours est-il que la centralisation à Mamoudzou peut avoir des effets de bord, en concentrant les moyens sur cette commune et en rendant le suivi difficile.
Par ailleurs, sans être un connaisseur, je vois mal quelle est la difficulté ou pourquoi il ne faudrait pas faire confiance aux officiers d’état civil des autres villes. J’ai entendu qu’il ne s’agissait pas de jeter l’opprobre sur eux, mais j’avoue ne pas voir la nécessité de la mesure. S’il s’agit simplement de concentrer la formation des agents en matière de reconnaissance des actes de paternité et de maternité, nous devrions être capables de la déterritorialiser ! Quel est l’argument réel derrière cet article 3 ?
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je peux entendre que la centralisation se justifierait pour des raisons d’efficacité de la formation, mais est-il prévu, par exemple, une itinérance des agents de l’état civil de Mamoudzou pour aller récupérer les actes dans d’autres communes ? Des mesures sont-elles prévues pour assurer une plus grande proximité ? Si le but n’est pas d’assurer l’efficacité de l’état civil, mais de décourager les gens de venir établir un lien de filiation maternelle ou paternelle avec l’enfant, nous ne pourrons pas avoir le même avis sur cet article.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il faut comprendre l’ampleur de la fraude documentaire à Mayotte, qui se traduit par un important trafic de fausses reconnaissances de paternité. Il ne s’agit pas de cas anecdotiques. Le dernier cas qui a défrayé la chronique est celui d’un père de cinquante-quatre enfants. Quelle santé !
La réalité, c’est que ces spécialistes des fausses reconnaissances alternent entre les communes de Mayotte pour que les agents administratifs ne les reconnaissent pas. Au-delà de quatre ou cinq enfants, si la même personne se présentait à intervalles réguliers devant le même service, l’alerte serait lancée devant le caractère manifeste de la fraude ; si on les répartit entre dix-sept communes, c’est moins visible. C’est pourquoi la centralisation des reconnaissances de paternité nous paraît pertinente et a été réclamée par les élus locaux.
Pour m’être entretenue avec les agents municipaux lors de plusieurs missions parlementaires, je sais qu’ils sont directement menacés et qu’ils se sentent démunis face à la pression qui s’exerce sur eux. Ils demandent à être formés et mieux outillés pour l’enregistrement des reconnaissances de paternité ou de maternité.
Car c’est un phénomène inédit : il y a, à Mayotte, de fausses reconnaissances de maternité. Une mère déclare la naissance d’un enfant et, un ou deux ans après, une fois qu’elle a obtenu ses papiers, une autre femme se présente et dit que c’est son enfant. La personne qui a obtenu frauduleusement ses papiers les garde et la nouvelle en obtient automatiquement. C’est pour répondre à cette situation extrêmement complexe, extraordinaire au sens propre, que la centralisation a été imaginée.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. C’est vrai, madame Voynet, il y a des naissances hors de Mamoudzou, et même hors maternité. Mais nous parlons ici des actes de reconnaissance et non des actes de naissance. Ces derniers sont concentrés de fait à Mamoudzou, où ont lieu 75 % des naissances, mais les autres communes restent compétentes lorsque le cas se présente, comme pour tous les actes d’état civil – naissances, mariages, décès.
Ce que nous voulons éviter, ce sont les reconnaissances multiples, les nomades de la reconnaissance qui se rendent dans les différentes communes de Mayotte. Effectivement, cela crée une contrainte pour 25 % des naissances, car il faudra se déplacer à Mamoudzou. J’insiste néanmoins sur le fait que l’état civil, qui est une compétence de l’État, doit se faire avec des moyens de l’État : il n’est pas question que Mamoudzou supporte seule ces efforts. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.
Enfin, monsieur Léaument, vous vous étonnez du terme que j’ai cité. Je n’ai pourtant fait que reprendre les mots mêmes – défiance généralisée et stigmatisation – qui figurent dans l’exposé sommaire de l’amendement CL19 de M. Ratenon, signé par ses collègues de LFI.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL92 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’amendement vise à permettre la reconnaissance de paternité ou de maternité ailleurs qu’à Mamoudzou en cas de force majeure afin de combler un vide dans l’article 3.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il n’y a pas de vide à combler dans le dispositif. La reconnaissance de paternité n’est pas limitée par un délai : en cas de force majeure, si l’on ne peut pas se déplacer le jour même, on peut attendre le lendemain ou le surlendemain.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Si le problème est celui des reconnaissances de paternité multiples, le plus simple ne serait-il pas de centraliser les fichiers ? En partant du principe que l’on veut un jour rétablir les lois de la République à Mayotte – et vous savez combien je suis pointilleux sur le sujet –, il faudrait peut-être réfléchir à une interconnexion entre les fichiers des communes, avec l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je vous donne un exemple de vide juridique : en cas de décès, la reconnaissance doit être faite immédiatement, on ne peut pas attendre le lendemain. Cela ne représente que quelques cas par an, mais il est important de couvrir tous les cas de figure, dans la mesure où la filiation ouvre des droits.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Ce cas, comme les mariages posthumes, est déjà prévu par le droit.
Pour répondre à M. Léaument, le problème n’est pas seulement celui des reconnaissances multiples : il tient pour l’essentiel à la fraude documentaire décrite par Mme Youssouffa. Je note toutefois avec satisfaction que vous proposez d’interconnecter les fichiers. Le commissaire à la Cnil que j’ai été pendant douze ans considère avec beaucoup d’intérêt cette proposition, dont nous n’abuserons pas, et saura s’en saisir le moment venu.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 3 non modifié.
Article 4 (art. 2497 du code civil) : Allonger les durées du sursis à l’enregistrement de la reconnaissance d’un enfant prononcé par le procureur de la République
Amendements de suppression CL20 de Mme Sandrine Nosbé, CL93 de Mme Léa Balage El Mariky et CL169 de Mme Elsa Faucillon
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous nous opposons à l’allongement de la durée du sursis à l’enregistrement de la reconnaissance de paternité ou de maternité en cas de suspicion de fraude à Mayotte, qui retarde l’accès de l’enfant à un ensemble de droits – et un enfant qui a du mal à commencer dans la vie peut causer des problèmes à l’ensemble de la population. C’est toujours la même chose : veut-on adopter une vision humanitaire, ou qui stigmatise systématiquement les étrangers et les migrants, pour employer ce mot que je n’aime pas ?
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je ne comprends pas bien ce qui justifie d’étendre le délai à Mayotte. Aucune donnée ne démontre que les enquêtes seraient par nature différentes de celles instruites sur le reste du territoire national.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Nous sommes dans une série d’articles qui dressent des obstacles à l’établissement du lien de filiation entre un parent et un enfant. C’est pourtant un droit reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme. Je m’interroge sur ce millefeuille que nous bâtissons, qui risque d’être censuré par la justice. Je ne peux m’empêcher de penser que des moyens informatiques permettraient de régler ces problèmes sans verser dans la radicalité.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je tiens à rassurer ceux de nos collègues qui craignent pour l’avenir de ces enfants : la reconnaissance de paternité est rétroactive, ce qui signifie qu’ils jouiront de tous leurs droits une fois la reconnaissance de filiation enregistrée, en remontant au jour de leur naissance.
S’agissant des inquiétudes relatives aux risques constitutionnels et conventionnels qui pèseraient sur l’article, le Conseil d’État considère qu’il ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH. Rappelons qu’il ne s’agit pas de faire obstacle à la reconnaissance de paternité, mais d’en assurer la sincérité, ce n’est pas la même chose. Avis défavorable.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). La rétroactivité n’existe pas dans tous les domaines : en droit de la famille, la reconnaissance de paternité plus d’un an après la naissance prive le parent de l’autorité parentale. Ce n’est pas sans conséquence sur la vie des enfants.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL109 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Cet amendement vise à renforcer l’encadrement juridique de la reconnaissance de paternité en allongeant le délai de sursis à l’enregistrement dont dispose le procureur de la République pour procéder aux vérifications nécessaires en cas de suspicion de fraude. À Mayotte, près de 7 % des reconnaissances d’enfant sont détectées comme frauduleuses ; en 2022, ces reconnaissances frauduleuses de paternité représentaient à elles seules 20 % de la fraude documentée aux titres de séjour.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Le texte propose déjà de doubler la durée en vigueur dans l’Hexagone. Aller au-delà risquerait d’être considéré comme disproportionné. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 4 non modifié.
Article 5 (art. L. 823-11, L. 832‑1, L. 833‑1, L. 834‑1, L. 835‑1 et L. 836‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Aggravation de l’amende encourue en cas de mariage frauduleux ou de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité, en vue d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l’éloignement ou la nationalité française
Amendements de suppression CL21 de M. Aurélien Taché, CL94 de Mme Léa Balage El Mariky, CL170 de Mme Elsa Faucillon et CL243 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Gosselin, rapporteur. L’article 5 aggrave les peines encourues en cas de fraude à la paternité. Il me semble que le dispositif est adéquat. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL352, CL112 et CL111 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). L’amendement CL352 vise à renforcer l’arsenal répressif contre les reconnaissances frauduleuses d’enfants en durcissant la durée maximale de la peine d’emprisonnement, aujourd’hui fixée à cinq ans.
L’amendement CL112 vise à renforcer l’efficacité de la répression des fraudes aux règles de séjour en remplaçant le terme « titre de séjour » par « document de séjour » dans le Ceseda.
L’amendement CL111 vise à renforcer la réponse pénale à l’encontre des auteurs de reconnaissance frauduleuse d’enfant en prévoyant le prononcé obligatoire d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Avis défavorable aux trois. Par souci de cohérence, les peines encourues sont alignées sur le délit de faux et usage de faux, pour lequel la peine d’emprisonnement est de cinq ans. Il n’y a pas de vide juridique à combler autour de la notion de titre de séjour. Enfin, il est déjà prévu une peine complémentaire d’interdiction du territoire français de dix ans maximum.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur, l’amendement CL269 de M. Olivier Marleix est retiré.
La commission adopte l’article 5 non modifié.
Après l’article 5
Suivant l’avis du rapporteur, l’amendement CL270 de M. Olivier Marleix est retiré.
Chapitre III
Mieux lutter contre l’immigration irrégulière et faciliter l’éloignement
Article 6 (art. L. 761-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Ouverture de l’aide au retour volontaire à Mayotte en cas de circonstances exceptionnelles
Amendement de suppression CL189 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il s’agit de supprimer l’aide au retour à Mayotte, qui, compte tenu de la proximité avec les Comores, risque de provoquer un trafic humain accéléré et un afflux de demandeurs d’asile.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, c’est un vrai sujet. Mais le dispositif prévu dans l’article est très encadré : il faut des circonstances exceptionnelles, ce qui n’inclut pas les Comores, justement pour éviter que l’aide ne soit versée à des Comoriens qui reviendraient rapidement. L’amendement est donc satisfait : retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL190 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement de repli vise explicitement à exclure les ressortissants comoriens de l’aide au retour. Je ne sais pas à quel point il est impossible d’appliquer les circonstances exceptionnelles aux Comores.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. En pratique, dans l’examen de la demande, la notion de circonstances exceptionnelles vise à exclurele versement de l’aide au retour pour les Comoriens.
L’amendement est retiré.
Amendement CL127 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement vise à préciser qu’à Mayotte, l’aide au retour ne peut pas être cumulée avec d’autres dispositifs de soutien, notamment l’aide à la réinsertion économique.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 6 non modifié.
Après l’article 6
Amendement CL24 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je ne m’oppose pas à ce que les étrangers assignés à résidence reçoivent une information sur l’aide au retour. La connaissance des droits peut faciliter certaines choses. Sagesse.
La commission adopte l’amendement. L’article 6 bis est ainsi rédigé.
4. Réunion du jeudi 12 juin 2025 à 9 heures
Lien vidéo : https://assnat.fr/o0CUTh
Article 7 (art. L. 761-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Placement en rétention administrative d’un mineur accompagnant un adulte à Mayotte
Amendements de suppression CL26 de Mme Sandrine Nosbé, CL95 de Mme Léa Balage El Mariky, CL171 de Mme Émeline K/Bidi et CL246 de M. Philippe Naillet
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). L’article 7 prévoit de déroger, à Mayotte, à l’interdiction de placer un étranger mineur en centre de rétention. Nous avons beaucoup bataillé sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi « asile et immigration » : nous avions alors eu des discussions intéressantes et même obtenu des engagements de la part du ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Darmanin. Mayotte ne doit pas être une terre d’expérimentations, un laboratoire de restrictions de droits. Appliquons avec détermination nos valeurs humanistes : les mineurs ne doivent pas être placés en rétention.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous entendons, nous aussi, réaffirmer l’interdiction de placer, à Mayotte comme ailleurs, un étranger mineur en rétention.
Certes, le gouvernement prévoit la construction de lieux « spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l’unité familiale », dans lesquels des étrangers accompagnés de mineurs pourraient être placés jusqu’à soixante-douze heures. Cependant, il s’agit bien là d’une mesure de rétention, même aménagée. L’article 7 prévoit évidemment de reporter l’interdiction de placement en rétention d’un étranger mineur à Mayotte à la date de construction de cette installation, mais cela ne change rien au droit.
Unicef France nous alerte sur « la création prévue d’unités familiales qui, sous couvert d’alternative, ne font que perpétuer une logique d’enfermement des familles avec enfants ». À ce sujet, la France a déjà été condamnée plus d’une dizaine de fois par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui considère que le fait de priver un mineur étranger de liberté est un traitement « inhumain et dégradant ». Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU est clair, lui aussi : la détention d’un enfant, même accompagné, au seul motif du statut migratoire de ses parents constitue une violation de ses droits.
M. le président Florent Boudié. L’amendement de suppression CL163 de M. Guillaume Gouffier Valente ne peut être défendu, son auteur étant absent, mais j’aurais aimé m’en charger moi-même si je l’avais pu.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’article 7 organise un recul des droits, puisque la loi avait prévu, en 2024, la fin de l’enfermement des enfants à Mayotte à compter du 1er janvier 2027. Non seulement on ne veut pas tenir cette promesse, mais on s’apprête même à l’anéantir.
Depuis 2012, la France a été condamnée neuf fois par la CEDH pour avoir infligé des traitements inhumains et dégradants à des enfants placés en rétention administrative. Notre pays ne peut se satisfaire de cette situation.
Peu importe les dérogations et les raisons pour lesquelles on reviendrait sur la loi de 2024, cela ne changerait rien à la position de la CEDH ni aux avis du Comité des droits de l’enfant des Nations unies ! La France, pays des droits de l’homme, qui protège ses enfants, ne peut pas valider un tel retour en arrière en permettant l’enfermement de mineurs dans des centres de rétention administrative.
M. Philippe Naillet (SOC). L’article 7 permet, à titre dérogatoire, pour le seul territoire de Mayotte, le placement en rétention administrative d’un étranger mineur lorsqu’il accompagne un majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.
Cette disposition constitue une atteinte aux droits fondamentaux de l’enfant. Le placement de mineurs dans un contexte de privation de liberté, même temporaire, contrevient aux engagements internationaux de la France, en particulier à la Convention internationale des droits de l’enfant.
L’effet dissuasif de cette mesure est discutable, alors que son impact psychologique est avéré. Aucune étude sérieuse ne démontre l’efficacité de telles pratiques sur la diminution des refus d’obtempérer à l’éloignement. En revanche, les effets délétères sur le bien-être psychologique des enfants sont documentés et indéniables.
M. Philippe Gosselin, rapporteur pour les titres II et III. Défendre cet article n’est pas une tâche facile.
Il s’agit de créer un régime distinct du régime de rétention classique. Pour être clair, ce n’est pas de la rétention !
S’agissant du respect des conventions et engagements internationaux de la France, vous avez raison de citer la CEDH, qui s’est prononcée à plusieurs reprises à ce sujet. Cependant, elle a condamné la France non pas sur le principe de la rétention des mineurs, mais à cause des conditions dans lesquelles cette rétention avait lieu.
J’entends bien les difficultés que pose un tel sujet et l’empathie que l’on peut ressentir à l’égard de ces enfants en situation délicate. Toutefois, les lieux où ils seront placés seront totalement distincts et indépendants des centres et lieux de rétention : le gouvernement s’est clairement engagé à construire des places spécifiquement dédiées, afin précisément de satisfaire à la demande pressante de la CEDH.
La situation à Mayotte est très particulière. Dans cette collectivité, les familles représentent plus de 10 % des individus placés en rétention. J’ai lu dans l’exposé sommaire de l’un de vos amendements que près de 98 % des mineurs placés en rétention en France l’ont été à Mayotte. Ce n’est pas un hasard !
Avis défavorable, donc.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). La question que pose l’enfermement de mineurs lors des expulsions est en réalité de savoir si le parent en situation irrégulière et devant quitter le territoire laisse son enfant derrière lui. Je n’imagine pas que vous vouliez séparer les familles. Vous seriez bien en droit de dénoncer une telle politique, car le droit de l’enfant impose qu’il reste avec ses parents. Autrement dit, lorsque le parent est expulsé, il est normal qu’il le soit avec son enfant.
Certains d’entre vous ont visité le centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte, qui est l’un des plus grands et des plus récents de France. Des espaces sont dédiés aux familles : ils comportent des jouets et permettent à la mère et à l’enfant de circuler. Ce ne sont pas des endroits traumatisants, oppressants, insalubres ou indignes – bien au contraire ! La puissance publique a fait un effort particulier pour que le séjour dans ces lieux, qui doit être le plus bref possible, se fasse dans des conditions permettant le respect des droits des personnes expulsées, majeures ou mineures.
Je le répète, la cohérence de notre politique publique en matière d’accueil des étrangers impose que les mineurs soient expulsés avec leurs parents. Dans le cas contraire, nous ne pourrons que nous lamenter et déplorer le phénomène des enfants abandonnés, laissés seuls à Mayotte.
M. Yoann Gillet (RN). Cet article n’est pas la caricature que l’on voudrait en faire. Il permet le placement pour quelques heures, « dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l’unité familiale », de « l’étranger accompagné d’un mineur qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 » du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, « lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement ».
Comme le relevait Mme Youssouffa, on ne peut pas imaginer que, sur le territoire français, des enfants soient séparés de leurs parents. Il serait inhumain que les enfants n’accompagnent pas leurs parents dans le lieu de rétention où ils sont placés pendant quelques heures avant d’être expulsés. Du reste, si on laisse aux familles la possibilité de ne pas aller en centre de rétention, on ne les retrouvera jamais…
Le CRA de Mayotte, que j’ai eu l’occasion de visiter avant le passage du cyclone Chido, est de qualité. L’administration et les personnels qui y travaillent veillent à ce qu’il soit très bien entretenu. Le lieu est très agréable pour les enfants. Je ne dis pas que c’est l’idéal, mais ces conditions ne traumatisent pas les enfants et permettent l’expulsion des familles dans la dignité. Tel est bien l’enjeu de cet article, car nous sommes évidemment tous ici soucieux de la dignité des enfants.
M. Philippe Naillet (SOC). L’article 7 est également fragilisé par une ambiguïté relative aux garanties procédurales. En effet, si une voie de contestation judiciaire est prévue, le délai de quarante-huit heures, tant pour le placement initial que pour son contrôle par un juge, est très court, ce qui rend la défense difficile voire impossible.
M. le président Florent Boudié. Je suis moi-même réticent envers l’article 7, mais pas forcément pour les raisons invoquées par certains d’entre vous.
De nombreux textes relatifs à l’immigration se sont succédé, législature après législature ; j’ai eu l’honneur d’être rapporteur général de l’un d’eux. Ainsi, nous avons eu ce débat à plusieurs reprises, et je ne peux qu’abonder dans le sens du rapporteur : jamais la CEDH n’a condamné la France sur le principe même de la rétention. Du reste, la directive « retour » l’autorise, y compris pour des mineurs qui accompagneraient des majeurs – leurs parents, le plus souvent. En revanche, notre pays a été condamné en raison des conditions matérielles de cette rétention. La jurisprudence est ancienne, puisqu’elle date d’une dizaine d’années. Aussi la France a-t-elle tenté d’améliorer, autant que possible, les conditions d’accueil des étrangers soumis à une procédure d’éloignement en créant des unités familiales. Je ne dis pas pour autant que ces endroits sont idéaux. J’ai moi aussi visité le CRA de Mayotte il y a quelques années.
Si je suis réticent, c’est parce que je souhaite que l’objectif d’interdiction de la rétention des mineurs accompagnés, fixé au 1er janvier 2027, soit maintenu. C’est l’engagement que nous avions pris dans le cadre de la loi « asile et immigration ». Je note cependant que, même si l’échéance est reportée au 1er juillet 2028, l’objectif demeure. Si nous voulons avancer sur cette question très sensible, comme l’admet le rapporteur, il vaut mieux maintenir l’échéance du 1er janvier 2027 et trouver, d’ici là, d’autres solutions efficaces et protectrices pour les mineurs. Nous le devons à ces enfants, même si le contexte à Mayotte est, comme nous le disons depuis plusieurs jours, très particulier.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je comprends que la description d’enfants enfermés avec leurs parents – souvent, d’ailleurs, avec leur mère seule – puisse frapper les esprits, mais l’endroit dont nous parlons n’a rien à voir avec le CRA que certains ont pu visiter il y a de longues années. Moi-même, j’ai vu ce centre en 2008 ou 2009, ou juste après la départementalisation : c’était un lieu assez miséreux qui, pour tout dire, mettait un peu mal à l’aise. On est tenté de transposer ces images sur l’article 7, mais comparaison n’est pas raison. Aujourd’hui, comme l’a rappelé Mme Youssouffa, il existe à Mayotte un centre de rétention en dur, classique, mais cet article vise justement à distinguer la rétention de la mise à l’écart, avant éloignement, dans un centre neuf qui n’est pas encore construit – les crédits sont prévus…
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Il y a déjà des unités familiales dans le CRA !
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Évidemment. Mais un nouveau lieu sera construit à Grande-Terre, où des personnes en attente d’éloignement pourront être placées dans des conditions dignes. Cela permettra de respecter tant le droit interne que le droit européen et les conventions internationales – je fais ici référence à la CEDH, et je remercie le président d’avoir rappelé, malgré quelques réticences, l’état du droit. Ce placement sera bref, sans empêcher pour autant les recours, monsieur Naillet, car avant la rétention elle-même, il est toujours possible de contester la mesure d’éloignement par les voies classiques.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 7 est supprimé et les autres amendements portant sur l’article tombent.
Article 8 (art. L. 441-10 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Retrait du document de séjour de l’étranger majeur exerçant l’autorité parentale sur un étranger mineur dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public
Amendements de suppression CL38 de M. Aurélien Taché, CL96 de Mme Léa Balage El Mariky, CL172 de Mme Elsa Faucillon et CL248 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Gosselin, rapporteur. L’article 8 s’inscrit dans la continuité du précédent, qui vient d’être supprimé. Il s’agit de pénaliser les parents d’enfant dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public. De telles attitudes créent bien des difficultés à Mayotte, où plus de 10 % des mesures d’éloignement concernent des familles.
Nous avons besoin de cette mesure, mais, compte tenu du rapport de force actuel dans cette salle, je ne me fais guère d’illusions sur le sort de l’article 8… Vous êtes peu loquaces, et je ne vais pas meubler pendant une heure en attendant Godot, d’autant qu’à la fin de la pièce, celui-ci ne vient pas ! D’ailleurs, à la Libération, Samuel Beckett, prix Nobel de littérature, a passé huit mois à Saint-Lô, avec des Irlandais, pour aider la population française. Je sais que vous n’y êtes pas insensibles. Je pourrai vous en parler beaucoup plus longuement si vous le souhaitez… J’aurai essayé de jouer la montre, mais je dois d’ores et déjà reconnaître que ma tentative s’avérera infructueuse.
Je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 8 est supprimé et les autres amendements portant sur l’article tombent.
Après l’article 8
Amendements CL280 de M. Olivier Marleix, CL411 de M. Philippe Gosselin et CL123 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Les amendements CL280 et CL411 visent à élargir les possibilités d’expulser des étrangers dont la présence à Mayotte, donc sur le territoire de la République, constitue une menace à la sécurité et à l’ordre publics. Il s’agit d’un véritable problème à Mayotte, même si, par certains aspects, la situation est malheureusement encore pire en Guyane. Pour ce faire, nous proposons d’alléger quelques procédures.
M. Yoann Gillet (RN). L’amendement CL123 propose une mesure de bon sens, même si le bon sens est visiblement minoritaire ce matin… Il vise à simplifier la procédure d’expulsion à Mayotte en réécrivant l’article L. 631-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et en excluant l’application, dans cette collectivité, des articles L. 631-2 à L. 631-4 du même code. L’administration pourra ainsi expulser tout étranger dont la présence constitue une menace grave pour l’ordre public, sans que le statut protecteur octroyé à certains étrangers puisse lui bénéficier.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je vous invite à adopter l’amendement CL411, qui me semble plus complet que les deux autres. Je demande donc à MM. Marleix et Gillet de retirer leurs amendements, faute de quoi je leur donnerai un avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements CL411 et CL123, l’amendement CL280 ayant été retiré.
Article 8 bis (nouveau) (art. L. 441-11 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Information obligatoire des organismes de sécurité sociale et de France Travail des décisions de refus de séjour, de retrait de document de séjour et d’expulsion
Amendements de suppression CL39 de Mme Sandrine Nosbé, CL97 de Mme Léa Balage El Mariky et CL173 de Mme Émeline K/Bidi
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’article 8 bis apparaît comme un cavalier législatif, car le projet de loi initial ne traitait pas du tout de la protection sociale des étrangers à Mayotte. Cette mesure, dont l’introduction dans le texte est donc assez contestable, fait une nouvelle fois de Mayotte un terrain d’expérimentation.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Cet article est assez simple : il vise tout bêtement à permettre aux organismes de sécurité sociale de respecter la loi qui subordonne le bénéfice de prestations sociales à la régularité du séjour. Il n’y a là rien de nouveau. Puisque vous revendiquez l’application du droit commun à Mayotte, vous avez là une occasion parfaite pour aller dans ce sens. Le fait d’obliger le préfet à informer les organismes de sécurité sociale et France Travail de l’existence d’une décision de refus de séjour, de retrait de document de séjour ou d’expulsion à l’encontre d’un étranger résidant à Mayotte me paraît être une mesure de bon sens. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l’article 8 bis non modifié.
Article 9 (art. L. 561-10-5 [nouveau] du code monétaire et financier) : Conditionner les opérations de transmission de fonds à partir d’un versement d’espèces à la vérification de la régularité du séjour
Amendements de suppression CL40 de M. Aurélien Taché, CL98 de Mme Léa Balage El Mariky et CL174 de Mme Elsa Faucillon
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’article 9 impose une nouvelle contrainte aux habitants de Mayotte en conditionnant l’émission de flux financiers à la vérification de la régularité du séjour. Nous proposons donc de supprimer cette mesure totalement dérogatoire au droit commun.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je comprends votre intention de lutter contre les réseaux et les fraudes, mais cet article emportera en réalité deux conséquences. Non seulement il fera peser sur les personnes étrangères une présomption généralisée de culpabilité, alors qu’elles ont tout à fait le droit d’ouvrir un compte bancaire, mais il conduira aussi les individus désireux de blanchir de l’argent ou d’en transférer à leurs proches pour les soutenir – ce qui est, en l’occurrence, absolument légitime – à utiliser des réseaux parallèles, alternatifs. Ainsi donc, vous allez aggraver le problème que vous essayez de résoudre. J’aimerais, monsieur le rapporteur, que vous nous donniez quelques précisions sur les effets de cette mesure s’agissant des inévitables reports vers d’autres réseaux de transfert de fonds.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il s’agit d’une mesure de bon sens. Des sommes énormes, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros, transitent par Mayotte alors que l’identification de l’émetteur des transferts est plus que douteuse. N’encourageons pas le vice, la fraude ni le blanchiment ! Bien qu’il ne s’agisse pas de la principale difficulté à laquelle Mayotte est confrontée, je crois qu’il faut davantage serrer la vis.
Nous examinerons tout à l’heure l’amendement CL274, déposé par Olivier Marleix et les membres du groupe Droite républicaine, visant à informer plus régulièrement Tracfin de certains mouvements financiers. Cela me paraît, là encore, une mesure de bon sens.
Le dispositif proposé ne remet pas en cause le droit au compte bancaire reconnu à toute personne en France, y compris lorsqu’elle séjourne en situation irrégulière.
Selon le préfet de Mayotte, mais aussi la direction générale des finances publiques (DGFIP), 50 % du PIB à Mayotte serait le fruit de l’économie parallèle. Vous contesterez sans doute ce chiffre mais, quoi qu’il en soit, une part majeure de l’économie relève de l’économie informelle. C’est pourquoi il est nécessaire d’encadrer les transmissions de fonds. Soyons clairs : pour des raisons liées au titre de séjour, et donc à la possibilité ou non de travailler, vous pouvez être rémunéré par des voies classiques ou pas.
Il s’agit donc d’un article de bon sens et je suis défavorable à sa suppression.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je soutiens la position du rapporteur. Le titre du projet de loi traduit notre volonté de refonder Mayotte. Pour cela, il faut partir de bases saines et lutter contre tous les types de fraudes, fiscales et sociales, et contre l’économie souterraine qui est importante à Mayotte.
La convergence sociale que nous défendons n’est pas un petit sujet. Il faut ramener Mayotte dans le droit commun et faire en sorte qu’elle soit traitée comme les autres territoires ultramarins. C’est pourquoi le texte prévoit une augmentation significative du smic à compter du 1er janvier 2026 ; cette disposition coûtera cher mais elle traduit une volonté forte et trace un schéma vertueux vers lequel il faut tendre. Il faut aussi lutter avec acharnement contre les transferts de fonds opaques – ne pas le faire reviendrait à couvrir les réseaux souterrains. Nous n’irons pas dans cette voie et nous plaçons dans une optique de refondation : dans ce cadre, la vigilance en matière de blanchiment doit être totale, pour ne pas laisser perdurer un système qui existe depuis trop longtemps. Je le répète, l’État va injecter beaucoup d’argent ; c’est un signe fort et normal. Nous le devons aux Mahoraises et aux Mahorais.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il est normal de traquer le blanchiment en tout point du territoire national, qu’il soit opéré par un Français ou par un étranger. Néanmoins, votre argumentaire ne tient pas : vous prétendez lutter contre le blanchiment, mais vous subordonnez la possibilité d’envoyer des sommes modestes aux Comores, à Madagascar ou ailleurs, à la régularité du séjour, ce qui n’a rien à voir.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Le rapporteur général nous explique qu’il faut traiter Mayotte comme les autres départements ultramarins. Or ceux-ci sont plutôt maltraités par l’Hexagone. Pourquoi ne pas traiter Mayotte comme l’ensemble des départements français ?
J’ai longuement travaillé sur la lutte contre le blanchiment, dans le cadre de la mission d’information que j’ai menée avec Ludovic Mendes, mon corapporteur, relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants. Au lieu de remettre en cause le droit à un compte bancaire, des mesures plus efficaces existent pour lutter contre le blanchiment d’argent : il suffit de renforcer massivement les moyens qui y sont consacrés, y compris les outils de contrôle utilisés. Lorsque nous nous étions rendus au tribunal judiciaire de Paris, nous avions été sidérés de constater que ceux qui travaillent sur le blanchiment ne disposaient même pas de logiciels adéquats – je ne sais pas ce qu’il en est actuellement. Pourquoi ne pas consacrer à la lutte contre le blanchiment des moyens suffisants – on supprime même parfois des postes – alors que cela permet de rapporter de l’argent ? La même question se pose s’agissant de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. C’est à se demander si certains n’y seraient pas favorables !
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Il existe deux différences majeures entre Mayotte et les autres territoires ultramarins : le smic et la répression des fraudes. En alignant le smic sur celui des territoires ultramarins – qui est identique à celui en vigueur dans l’Hexagone – on aligne, de fait, Mayotte à l’ensemble des départements français. N’y voyez donc pas une volonté de compliquer les choses, mais bien un souci d’efficacité.
En ce qui concerne la répression des fraudes, les effectifs ont été sensiblement renforcés dans les territoires ultramarins, puisque six équivalents temps pleins (ETP) supplémentaires ont été accordés lorsque j’occupais les fonctions de ministre des outre-mer. C’est insuffisant pour le territoire mahorais, compte tenu de l’étendue de l’économie souterraine et du nombre d’entreprises. Néanmoins, ne dites pas que nous n’avons rien fait pour lutter contre les fraudes. Avant que vous n’arriviez dans cette assemblée, j’ai moi-même mené une mission sur la lutte contre la fraude fiscale, dans laquelle je préconisais plusieurs dispositifs : certains ont été mis en place, d’autres pas. Je vous rejoins sur la nécessité de lutter de manière implacable en la matière.
Comme l’a souligné Philippe Gosselin, il ne s’agit pas de remettre en cause le droit au compte bancaire. Il reste que la comparaison des données des organisations professionnelles avec le nombre d’entreprises à Mayotte, fait apparaître un décalage très important – Mme Voynet, qui connaît bien le territoire de Mayotte, ne dira pas le contraire. Autre exemple : le fonds de soutien aux entreprises que nous avons mis en place au moment de la crise de l’eau n’a été à ma grande surprise que très faiblement sollicité. Il faut donc mener une lutte acharnée contre l’économie souterraine, pour faire entrer Mayotte dans le droit commun et espérer obtenir des effets sur le pouvoir d’achat et les problèmes actuels.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Si la part de l’économie souterraine est très importante à Mayotte, nous savons aussi que certains Mahorais, connus de tous, en sont les organisateurs et les bénéficiaires. Je ne comprends donc pas le lien avec le titre de séjour.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 9 est supprimé et les amendements CL274 de M. Olivier Marleix, CL72 de Mme Anchya Bamana et CL275 de M. Olivier Marleix tombent.
TITRE III
PROTÉGER LES MAHORAIS
Chapitre Ier
Renforcer le contrôle des armes
Article 11 (art. L. 342-2, L. 342-3, L. 342-4, L. 342-5, L. 342-6, L. 342-7 et L. 342-8 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Visites domiciliaires aux fins de saisies d’armes
Amendements de suppression CL44 de M. Aurélien Taché, CL47 de Mme Sandra Regol et CL177 de Mme Émeline K/Bidi
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je ne vous cacherai pas que je suis un peu dépité face à ces amendements de suppression de l’article, qui feront tomber de surcroît, s’ils sont adoptés, les amendements suivants. Avis défavorable.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 11 est supprimé et les autres amendements portant sur l’article tombent.
Article 12 (art. L. 342-9 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Arrêté préfectoral de remise générale des armes à Mayotte
Amendement de suppression CL59 de M. Aurélien Taché
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je suis de nouveau dépité, car nous abordons un sujet important. Je comprends que les points de vue divergent, c’est le jeu démocratique, et je note que nos échanges sont restés dignes jusqu’à présent, sans grandes envolées lyriques ni tensions, sur un sujet régalien compliqué, puisque nous traitons des questions d’immigration, de sécurité intérieure, etc.
Le titre III, avec les articles 11, 12 et 13, concerne les visites domiciliaires aux fins de recherche d’armes et la remise de celles-ci – n’anticipons pas sur l’article 13 que nous examinerons tout à l’heure, en espérant que l’équilibre des forces dans la commission évolue.
Sans stigmatiser qui que ce soit, l’île de Mayotte traverse de fortes tensions, le recours aux armes y est important et la sécurité de nos compatriotes est en cause – c’est un fait. Beaucoup de Mahorais n’osent plus sortir le soir et préfèrent accompagner leurs enfants jusqu’à la porte de leur établissement scolaire car ils ont peur pour eux. S’il est légitime de profiter de la mobilisation – ou de l’absence de mobilisation – de certains collègues, j’appelle votre attention sur ce sujet difficile, pour lequel nous ne pouvons pas nous contenter d’une approche binaire : pour ou contre l’article. Je suis donc défavorable à l’amendement de suppression.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Le problème, à Mayotte, c’est que beaucoup d’instruments de la vie quotidienne sont utilisés comme des armes. Je me souviens d’un lycéen qui a été tué alors qu’il était dans la file d’attente d’une boulangerie par un camarade de classe muni d’un compas, dont la pointe s’est enfoncée entre deux vertèbres ; je me souviens également d’un jeune qui, traversant la rue pour emprunter une échelle au voisin, a été tué par une bande de toxicomanes, à coups de machette – objet qu’on peut difficilement qualifier d’arme puisqu’il est utilisé au quotidien dans les jardins. Par conséquent, la violence n’est pas liée à la disponibilité des armes ni au trafic d’armes, que je ne nie pas.
Notre groupe ne votera pas l’amendement de suppression. Nous souhaitons toutefois des gestes forts pour enrayer la spirale de la violence à Mayotte. Or nous craignons que ces articles relatifs à la régulation des armes à feu et au renforcement des pouvoirs de police ne laissent croire que le problème est en voie de résolution, alors que ce n’est pas le cas.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Un couteau de cuisine peut devenir une arme blanche, à Mayotte comme ailleurs. Tous les enfants de France et de Navarre ont des compas qu’ils sont susceptibles d’utiliser, un jour, pour blesser leurs camarades. Le sujet n’est donc pas spécifique à Mayotte. Ce qui importe, c’est de savoir comment le représentant de l’État pourra, sur un territoire insulaire – c’est-à-dire un espace clos sur lequel la puissance publique peut agir – forcer les détenteurs d’armes à les rendre.
Prenez la mesure de la gravité de la situation et de l’ampleur de la violence que nous subissons au quotidien à Mayotte : elle nous empêche de circuler librement, alors que c’est un droit fondamental, d’entreprendre, d’aller à l’école ou de se faire soigner ; elle rend les mutations de fonctionnaires très difficiles, la plupart sont maintenant en célibat géographique, parce qu’ils refusent de faire courir le moindre risque à leur famille ; elle fait partir des membres de la réserve sanitaire ou des professeurs. Je n’imagine pas que celles et ceux qui sont dans vos rangs, à Mayotte, ne vous aient pas alertés sur la violence que nous subissons. Par conséquent, toutes les mesures visant à lutter contre la violence sont les bienvenues. Si un combat est nécessaire et devrait nous rassembler, c’est bien celui-ci. Nous devons nous battre pour la paix et la sécurité à Mayotte.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’article 12 est très important. Je ne comprends pas que vous puissiez souhaiter supprimer une mesure indispensable qui permettrait de saisir les armes dont on connaît les effets. Inutile de manifester notre effroi chaque fois qu’un drame est commis par un jeune muni d’une arme blanche si c’est pour laisser circuler à Mayotte des armes en très grand nombre – c’est d’ailleurs le cas aussi en Nouvelle-Calédonie. Nous devons donc nous donner les moyens d’investigation pour aller récupérer ces armes.
Vous avez raison, madame Voynet, ce n’est pas parce qu’une arme est disponible qu’elle sera utilisée. Mais nous savons bien que cette disponibilité peut engendrer des drames.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je n’ai pas dit cela !
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Dans l’Hexagone, il existe un inventaire complet des armes, qui sont déclarées et répertoriées dans un fichier. Si nous voulons refonder Mayotte et aligner l’archipel sur l’ensemble du territoire français, nous devons nous donner les moyens juridiques et d’investigation pour récupérer les armes détenues illégalement. Les Mahoraises et les Mahorais attendent de nous que nous soyons capables d’endiguer l’inflation exponentielle des armes qui sont, par définition, très dangereuses.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Vous voulez aligner Mayotte sur le reste du territoire national, mais vous proposez une mesure d’exception, inspirée de l’état d’urgence de 1955. De plus, des mesures existent déjà, dans la loi, permettant à l’autorité administrative de retirer une arme à un particulier : la procédure de remise d’arme, lorsque le comportement ou l’état de santé de la personne présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui ou encore la procédure de dessaisissement, qui permet d’ordonner, pour des raisons d’ordre public ou de sécurité des personnes, à tout détenteur d’une arme de s’en dessaisir dans les trois mois. Ces dispositions sont d’ailleurs beaucoup plus précises que celles, générales et impersonnelles, que vous proposez.
Certes, il y a un problème de circulation des armes dans notre pays, de manière générale. Mais pour y répondre, il faut prévoir des moyens humains au niveau national, c’est-à-dire renforcer le nombre d’enquêteurs et d’enquêtrices pour mettre un terme au trafic. Ce serait plus efficace que la mesure d’exception du droit commun que vous proposez. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. Olivier Marleix (DR). Je suis très choqué par l’indécrottable aveuglement idéologique de nos collègues de gauche et d’extrême gauche. Oui, nous devons proposer et voter pour Mayotte des solutions dérogatoires du droit commun, car la situation y est exceptionnelle. C’est parfaitement documenté. Une étude de l’Insee, en date de 2021, faisait état de faits de violence « hors norme » à Mayotte. Les vols avec violence ont augmenté de 203 % entre 2016 et 2024. La vérité est criante et sous nos yeux. Il faut ne jamais avoir mis les pieds à Mayotte pour l’ignorer. Ou alors, c’est que vous prônez une idéologie de la permissivité et que vous vous moquez des victimes !
Certes, le pouvoir d’injonction accordé au préfet de se voir remettre les armes ne réglera sans doute pas tout ; ce sera néanmoins un moyen supplémentaire assorti de sanctions pour ceux qui ne respecteraient pas cette injonction.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Vous réclamez toujours plus de moyens pour la reconstruction ou pour la santé, et cela ne va jamais assez vite. Vous nous reprochez de ne pas avoir fait assez en matière de convergence sociale, alors que nous sommes parvenus à cranter des dispositions pour 2026. En matière de lutte contre la fraude, nous essayons d’être plus efficaces ; même si nous n’obtiendrons peut-être pas 100 % de résultats, nous empruntons au moins le bon chemin. Mais on vous a perdus en route. Sur les armes aussi on vous perd en route. Vous ne pouvez pas, d’un côté, nous demander de faire plus et, de l’autre, rejeter les mesures proposées pour agir. Franchement, je ne comprends pas ! Je n’ai plus envie d’entendre ces discours nous rendant responsables de la situation exceptionnelle d’un territoire que l’État aurait abandonné. Nous serons responsables collectivement si nous ne nous donnons pas les moyens !
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il faut remettre les pendules à l’heure s’agissant de l’insécurité à Mayotte : le taux de vols à main armée y est vingt-quatre fois supérieur à celui de l’Hexagone. Vous avez raison, madame Voynet, les objets du quotidien peuvent aussi devenir des armes par destination et il ne faut pas sous-estimer le phénomène. N’importe quel couteau de cuisine, compas ou objet contondant peut faire l’affaire – et nous aurons du mal à les recenser et à en demander la remise administrative ! Le caillassage, aussi, est régulier à Mayotte : un caillou bien lancé devient une arme par destination ; sans parler des faits de strangulation.
J’ai évoqué des parents, des familles entières qui sont terrorisés par l’insécurité ; au sens littéral du terme, certains endroits sont de véritables coupe-gorges. Savez-vous combien d’enfants ont été tués à Mayotte depuis la rentrée de septembre ? Quatre ! Ramené à l’Hexagone, cela représenterait, proportionnellement, plusieurs centaines de gamins ! Et nous resterions les bras ballants ? Si l’article 12 n’est pas l’alpha et l’oméga, il constitue une pièce indispensable du puzzle, même si je n’ai pas la naïveté d’affirmer qu’il permettra de tout résoudre.
Je remercie Mme Voynet de son soutien et de son honnêteté, qui l’honore. Je vous invite, chers collègues, à ne pas tomber dans la facilité. Vous pouvez être opposés à ce texte et à certaines de ses mesures, mais vous ne pouvez pas être contre la nécessité de lutter contre l’insécurité, qui menace directement nos compatriotes mais aussi tous les habitants de Mayotte. Et lorsqu’il y a des victimes, je ne cherche pas à savoir si elles sont sur le sol français de façon régulière ou irrégulière ; ce sont toujours des drames humains, qu’il faut éviter.
Je vous invite donc à retirer cet amendement. Il s’agit d’un sujet particulièrement grave pour l’avenir de notre territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL403 de M. Philippe Gosselin
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Cet amendement rédactionnel reformule la fin de la phrase de l’alinéa 4, afin de ne pas priver la mesure de l’effet recherché.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Il serait de bon ton d’éviter des propos aussi caricaturaux que ceux que nous avons entendus. Ce n’est pas parce que nous déposons certains amendements que nous voulons que tout le monde se fasse tuer à Mayotte, qu’il nous est égal que des enfants soient assassinés et que nous sommes favorables à l’insécurité permanente ! Tout cela n’augure rien de bon pour les débats en séance !
Celles et ceux qui sont au pouvoir depuis sept ans, ce sont bien les Macronistes, désormais alliés aux Républicains. Par conséquent, vous êtes responsables du bilan que vous dressez, et des personnes tuées, parce que votre politique n’a rien fait pour endiguer cette progression. Nous pourrions avoir ce débat pendant des heures, y compris en séance. Respectez donc nos arguments. D’ailleurs, personne n’a récusé mes propos concernant les deux mesures déjà existantes. Ce n’est pas de l’idéologie. Pourquoi ne seraient-elles pas suffisantes ? Pourquoi ne sont-elles pas suffisamment utilisées ? Pourquoi faudrait-il instaurer un régime d’exception par rapport à ce qui existe déjà dans la loi ? Disposez-vous d’éléments pour dire qu’elles seraient trop difficiles à utiliser par les préfets ? Discutons-en, plutôt que d’avoir un débat ultra-démagogique et instrumentalisé sur les personnes tuées.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL55 de Mme Sandra Regol
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement de précision vise à clarifier la rédaction de l’article. En effet, la rédaction actuelle laisse entendre que les peines sont fixées au niveau réglementaire, tout en indiquant que les peines encourues sont celles mentionnées à l’article L. 317-6 du code de la sécurité intérieure – à savoir trois mois de prison et 3 750 euros d’amende.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je suis sensible à vos explications et j’aime la précision. Je pense qu’il est satisfait, mais pour montrer que je suis de bonne volonté, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 12 modifié.
Après l’article 12
Amendement CL56 de Mme Sandra Regol
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Plutôt réticents aux mesures d’ordre général qui peuvent créer des situations discriminantes, nous préférons, par cet amendement, cibler davantage les mesures d’interdiction des armes – en ce qui me concerne, je suis hostile à toutes les armes et à leur vente, mais je ne vais pas ouvrir ce débat. En l’espèce, il y a à Mayotte un ensemble d’armes de catégorie D, notamment des armes à impulsion électrique ou pouvant tirer des projectiles de manière non pyrotechnique ou encore des pistolets de défense, qui sont en vente libre.
L’amendement propose donc de soumettre les armes de catégorie D, qui sont définies par décret, à une déclaration pour leur acquisition et leur détention, de façon à en identifier les détenteurs. Il s’agit, non pas d’avoir une visibilité exhaustive de la quantité d’armes en circulation, mais de se prémunir contre tout achat réitéré de la part de quelqu’un qui aurait fait l’objet d’une décision d’interdiction d’usage.
M. Philippe Gosselin, rapporteur. Je partage votre souci de mieux contrôler les armes en circulation. C’était d’ailleurs l’objet des articles du titre III, notamment de l’article 11 qui concernait les visites domiciliaires aux fins de recherche d’armes et qui a été supprimé. Inclure les armes de catégorie D dans les obligations de déclaration peut être une bonne idée. Je m’interroge cependant sur son caractère opérationnel, puisque de nombreux objets peuvent devenir des armes par destination et n’entreront pas dans les différentes catégories.
Par ailleurs, compte tenu de l’importance de l’économie informelle, je ne suis pas sûr que la personne qui achètera un couteau dans la rue demandera une facture et ira le déclarer aux autorités. Cette mesure permettra sans doute d’obtenir une meilleure connaissance de la typologie des armes en circulation à Mayotte, mais ne donnera pas de moyens supplémentaires et risque d’alourdir encore le dispositif. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à l’amendement, tout en partageant votre volonté de mieux contrôler les armes en circulation.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je vous remercie pour votre réponse car elle respire la sincérité du doute. Toutefois, vous nous avez donné l’argumentaire exactement inverse à l’article précédent. De plus, ce n’est pas moi qui ai demandé hier, à la suite du drame pour lequel nous avons ensemble respecté une minute de silence, des dispositions d’interdiction générale des armes et des couteaux.
Plutôt que d’adopter des mesures générales qui peuvent mettre en difficulté des personnes ayant besoin spécifiquement de certaines armes, nous avons voulu cibler précisément les choses. Évidemment, on n’empêchera jamais quelqu’un d’utiliser un ustensile de cuisine et nous n’allons pas interdire les couteaux et forcer les jeunes à couper leur viande avec les doigts : nous ne voulons pas de ce genre d’absurdités. Nous essayons d’être empiriques et constructifs.
Je veux bien entendre ce que vous dites sur la nécessité d’identifier de façon plus fine la réalité, de renvoyer le cas échéant à une étude un peu plus approfondie, mais n’étant pas adepte des demandes de rapports systématiques, je pense que l’on pourrait expérimenter cette mesure. Cela mériterait un vrai débat national, et pas seulement concernant Mayotte, sur la question des armes. Ce sujet va nous concerner si nous ne voulons pas être « États-unisiés » dans les prochaines années.
La commission rejette l’amendement.
Chapitre II
Renforcer la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre
Article 13 (art. 900-2 [nouveau] du code de procédure pénale) : Facilitation du contrôle des lieux d’habitation abritant une activité professionnelle afin de mener les opérations de lutte contre le travail illégal à Mayotte
Amendements de suppression CL53 de Mme Sandra Regol et CL60 de Mme Nadège Abomangoli
M. Philippe Gosselin, rapporteur. L’article 13 vise à permettre aux officiers de police judiciaire (OPJ) de traverser un local tiers pour atteindre un local professionnel. L’imbrication des logements et, en particulier, des bangas, est en effet très importante. En l’espace de quelques jours après le passage de Chido, les tôles ont été récupérées et tout a été reconstruit. Humainement, cela se comprend parfaitement mais, pour ma part, je regrette cette reconstruction, même si elle n’est pas totalement à l’identique.
Avant Chido, les forces de l’ordre et les services publics avaient une connaissance assez fine de l’habitat informel, des quasi-rues, des boîtes aux lettres – cet habitat insalubre est en effet reconnu comme domicile par la jurisprudence. Or Chido a mis tout cela à terre – sans mauvais jeu de mots : des reconstructions ont eu lieu, pas toujours au même endroit ; des murs d’enceinte en tôles ont été bâtis – c’était très rare auparavant – pour protéger des îlots, des sous-quartiers, qui abritent non seulement des habitations mais aussi des commerces informels fournissant tout ce qui est utile au quotidien – la petite épicerie du coin, le petit artisan… Cette économie est totalement illégale mais elle nourrit, au sens propre comme au figuré, une partie des habitants. Depuis Chido, il est encore plus compliqué d’y pénétrer pour procéder à des perquisitions. Il est donc nécessaire d’autoriser les OPJ à traverser des locaux tiers, notamment les bangas, pour atteindre un local professionnel.
La commission rejette les amendements.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CL62 de Mme Sandrine Nosbé et CL61 de M. Jean-Hugues Ratenon.
La commission adopte l’article 13 non modifié.
La réunion est suspendue de dix heures vingt à dix heures quarante.
M. le président Florent Boudié. Je vous indique que le gouvernement a demandé de réserver l’article 15, que nous étudierons à la fin du texte.
TITRE IV
FAÇONNER L’AVENIR DE MAYOTTE
Chapitre Ier
Garantir aux Mahorais l’accès aux biens et aux ressources essentiels
Avant l’article 14
Amendement CL224 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous avons déjà remplacé, dans le rapport annexé, le terme « Mahorais » par « habitants de Mayotte » pour prendre en compte la diversité de la population. Je propose d’en faire autant dans l’intitulé du chapitre 1er pour souligner que l’accès aux biens et aux ressources essentiels est garanti à tous les habitants de Mayotte, qui ont tous droit à une eau propre, à des déplacements, à des logements, à des soins, etc.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour le titre IV. J’émets un avis défavorable sur cet amendement. Le projet de loi que nous examinons porte sur la refondation de Mayotte. Il me semble important de garder le terme « Mahorais » plutôt que « habitants de Mayotte ».
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je suis assez étonnée parce que, étymologiquement, « Mahorais » signifie « originaire de Mayotte ». Si on propose un projet pour améliorer la desserte d’une ville depuis Rennes, on ne va pas dire qu’on garantit l’amélioration aux Bretons. Le rapporteur général a accepté hier un amendement similaire, ce que je trouve assez logique.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Madame Voynet, vous êtes dans la droite ligne de ce que vous défendez depuis toujours, à savoir effacer les Mahoraises et les Mahorais, le peuple indigène, celles et ceux qui sont là depuis toujours et qui continueront de l’être en dépit de l’entreprise lancée par les Comores de prendre le contrôle de notre île et de la revendiquer en envoyant toute leur population. Vous êtes l’agent de cette ingérence étrangère, que vous soutenez et encouragez. Nous le constatons depuis le début de votre mandat sur tous les textes concernant Mayotte ; vous ne supportez même plus l’existence officielle des Mahorais, il faut les effacer de la loi ! Cette violence symbolique et politique est inouïe.
Cela étant, on ne peut que saluer votre cohérence : votre haine de ce que nous sommes va jusque-là. Il faut quand même oser ! Hier, vous l’avez rappelé, c’est passé sur un malentendu, mais je ne désespère pas qu’en séance, nous parviendrons à corriger cette erreur. Nous nous battrons jusqu’au bout pour dire que nous, Mahoraises et Mahorais, resterons à Mayotte, sur notre île. Vous ne pourrez pas dire, par la loi, qu’il y a les « habitants de Mayotte » et valider l’envoi massif de Comoriens et d’étrangers sur notre île par une puissance étrangère pour prendre une partie du territoire national. Ce que vous êtes en train de défendre, c’est de l’ingérence au sens propre, qui est assumé et revendiqué par un État voisin. Et vous, vous affirmez qu’il faut accompagner cela par la loi et effacer complètement l’existence même des Mahoraises et des Mahorais, effacer une partie des Français qui vivent sur ce caillou de l’océan Indien. Ce n’est pas possible !
Mme Anchya Bamana (RN). Je veux affirmer ici hautement et fortement mon soutien au discours de Mme Youssouffa concernant l’existence des Mahorais sur ce territoire. Ils se sont battus très longtemps pour appartenir à cette nation.
M. le président Florent Boudié. Je rappelle que l’amendement d’hier a été adopté dans le cadre du rapport annexé, qui n’a pas de valeur normative. Le dispositif que nous examinons est très différent.
La commission rejette l’amendement.
Article 14 : Adapter les dispositions relatives au recensement de la population à la situation particulière de Mayotte
Amendements CL253, CL254 et CL255 de M. Philippe Naillet
M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CL253 vise à renforcer la portée du recensement de la population à Mayotte. La maîtrise précise des données démographiques constitue un préalable indispensable à une gestion publique efficace, particulièrement à Mayotte où la dynamique démographique est caractérisée par une croissance rapide et une population très jeune. L’absence de chiffres actualisés et exhaustifs fragilise la planification des politiques publiques, notamment en matière de santé, d’éducation, d’accès au logement et de développement économique.
L’amendement CL254 vise à mettre en place un protocole pour renforcer la qualité du recensement. L’amendement CL255 est défendu.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Je m’étonne tout d’abord que l’amendement CL253 ait pu être déposé. L’objectif d’un recensement est précisément d’assurer une représentation la plus fidèle et exhaustive possible de la population ; cela n’a rien de statistique. Avis défavorable.
Je suis défavorable également à l’amendement CL254 parce que l’Insee nous a très clairement expliqué, lors de son audition, sa volonté de tout mettre en œuvre, notamment en établissant une cartographie en amont, pour que le recensement se fasse partout. Un Retex (retour d’expérience) sur son déroulement pourra être organisé.
Enfin, j’émets un avis défavorable sur l’amendement CL255. Le recensement démarrera le 27 novembre 2025 pour se terminer entre mi-janvier et fin janvier, avec l’engagement pris par l’Insee, afin de gagner du temps dans les attributions de la dotation qui est la conséquence de ce recensement, de donner les premiers chiffres en août 2026 et les chiffres consolidés en décembre 2026. Cela permettra de gagner pratiquement un an sur le versement des dotations.
M. Philippe Naillet (SOC). J’ai un peu de mal à comprendre votre avis concernant l’amendement CL254 : si celui-ci va dans le sens des engagements pris par l’Insee, pourquoi y êtes-vous défavorable ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL418 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Cet amendement, cosigné par l’ensemble des rapporteurs, répond à l’inquiétude des maires concernant leur capacité à rémunérer dès le début du recensement les agents qui auront été recrutés à cet effet. Nous proposons donc le principe d’un versement en temps réel de la dotation forfaitaire de recensement.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 14 modifié.
Après l’article 15
Amendements CL292, CL294 et CL293 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Vous souhaitez l’organisation d’une conférence sociale pour Mayotte afin d’assurer à terme un alignement des droits sociaux, notamment en matière de rémunération et de protection sociale. Or cette conférence sociale s’est réunie le 22 mai dernier sous l’autorité des élus et des différentes administrations. Le processus étant déjà engagé, vos amendements sont satisfaits. Demande de retrait.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL455 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Le présent amendement, identique à celui voté dans le rapport annexé, vise à engager le processus de convergence du smic au 1er janvier 2026. Adopter une telle disposition à cet endroit du texte, après l’article 15, constituerait un signal fort adressé aux Mahorais sur notre volonté de porter le smic à Mayotte à 87,5 % du smic net de 1 426 euros dans l’Hexagone à cette date.
M. le président Florent Boudié. Nous donnerions ainsi une valeur normative à cette disposition.
La commission adopte l’amendement. L’article 15 bis est ainsi rédigé.
Article 16 (article 23-8 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002) : Extension de l’Ircantec à Mayotte
Amendements CL420 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et CL297 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
M. Philippe Naillet (SOC). L’amendement CL297 vise à substituer, à l’alinéa 2, aux mots « à une date fixée par décret et, au plus tard, à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de » les mots « deux ans après ».
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Votre amendement est moins-disant par rapport au texte. Celui-ci permet l’application du régime de retraite complémentaire à une date fixée par décret qui ne peut dépasser deux ans à compter de la promulgation du texte, mais qui peut en revanche intervenir avant la fin de ce délai. Votre amendement ne permet qu’une application dans deux ans. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L’amendement CL297 est retiré.
La commission adopte l’amendement CL420.
Amendement CL421 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Il est proposé que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le gouvernement remette au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de l’ordonnance du 27 mars 2002, dans laquelle l’ordonnance du 22 décembre 2011 a inséré un article rendant applicable à Mayotte le régime de l’Agirc-Arcco – un accord a été conclu en ce sens avec les partenaires sociaux en 2017.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 16 modifié.
Article 17 (art. L. 5511-3 du code de la santé publique) : Augmentation du nombre de pharmacies d’officine
Amendement CL457 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Augmenter le nombre de pharmacies à Mayotte est une nécessité pour garantir l’accès aux soins. Cet objectif ne pourra être atteint que si l’ARS (agence régionale de santé) mène un travail de normalisation du circuit de distribution du médicament. Actuellement, environ 70 % de cette distribution se fait à partir du CHM (centre hospitalier de Mayotte), à sa charge, au travers de ses dispensaires. De plus, un Mahorais ayant obtenu une ordonnance en médecine de ville et qui se rend à l’hôpital pour se faire délivrer ses médicaments doit consulter à nouveau un médecin de l’hôpital pour les obtenir, ce qui fait deux consultations pour une même ordonnance. Nous ne pourrons faciliter l’installation de pharmacies que si celles-ci assurent la distribution des médicaments.
L’enjeu de la sécurité de la distribution est majeur. Dans le but de trouver un équilibre dans l’installation harmonieuse des officines dans le territoire, et après avoir écouté le directeur de l’ARS et les professionnels de terrain, je vous propose de supprimer l’intercommunalité et de revenir au territoire de santé afin de ne pas fixer de bornes administratives à sa délimitation. L’amendement vise également à revenir au droit en vigueur concernant les tranches de population à prendre en compte, et à passer de l’avis conforme du Conseil de l’Ordre national des pharmaciens à un avis simple, moins contraignant mais tout de même co-construit avec les professionnels.
Le développement des officines à Mayotte est indispensable mais ne pourra se faire que si l’on en revient à une norme sur la distribution de médicaments garantissant la sécurité. L’objectif est de faire comprendre qu’il existe un circuit de distribution : toutes les personnes disposant d’une ordonnance et d’une carte de sécurité sociale doivent se fournir dans les pharmacies. L’accès à la C2S (complémentaire santé solidaire) doit aussi faire l’objet d’explications auprès des personnes qui y ont droit.
Un travail global doit donc être mené pour faire venir les professionnels de santé sur le territoire. Tel est le sens du présent amendement et de ceux que je proposerai ensuite. C’est également l’objectif de l’amendement qu’a proposé Philippe Vigier dans le rapport annexé concernant la création de centres de santé et de maisons de santé, qui devront comprendre des pharmacies.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Lors de l’examen de la loi d’urgence pour Mayotte, il nous a été dit qu’il était très difficile de mettre en place l’AME (aide médicale de l’État) compte tenu de la faiblesse de la médecine libérale. À d’autres moments, on nous dit qu’il sera difficile de mettre en place des médecins libéraux tant qu’il n’y aura pas d’AME. Aujourd’hui, on nous explique que la viabilité des pharmacies doit être subordonnée à une réforme en profondeur des modalités de distribution du médicament au CHM. J’en conviens, mais il me semble que ces tâches doivent être menées de façon simultanée.
Pourquoi le CHM est-il devenu le distributeur pratiquement exclusif de médicaments à Mayotte ? Parce que les personnes en situation irrégulière, ne disposant pas de carte de sécurité sociale, n’ont tout simplement pas les moyens d’accéder aux pharmacies.
Vous nous donnez des exemples qui sont étranges. Selon vous, un Mahorais qui a une ordonnance doit consulter un médecin au CHM pour obtenir ses médicaments. À ma connaissance, cela n’existe que dans deux cas particuliers : pour les médicaments qui ne sont distribués qu’à l’hôpital, les anticancéreux par exemple, et pour les traitements substitutifs pour les toxicomanes. Il me paraît bien normal qu’ils soient suivis par les services hospitaliers puisque les pharmacies sont des PUI (pharmacies à usage intérieur).
Votre amendement assouplit en partie et laisse à la main de l’ARS la création de pharmacies surnuméraires au-delà de la tranche de 7 000 habitants. On peut considérer que c’est déjà un progrès. S’il est adopté, il fera tomber mes deux amendements suivants, qui visaient à aligner la situation de Mayotte sur le droit commun. C’est compliqué d’espérer faire vivre une pharmacie par tranche de 2 500 habitants en l’absence d’AME et compte tenu de la précarité de la population. Peut-être aurions-nous pu quand même aligner Mayotte sur la situation qui prévaut en Guyane, où la loi prévoit une pharmacie par tranche de 3 500 habitants : cela permettrait d’avoir des pharmacies un peu partout – comme vous le savez, tout le monde ne dispose pas d’une voiture. Les pharmacies, qui exécutent des actes médicaux tout à fait utiles, comme les vaccinations, sont des acteurs de santé indispensables dans notre territoire. J’aimerais donc vous entendre sur ce point parce qu’une licence par tranche de 7 000 habitants, c’est quand même dur.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Étant pharmacien, je vois assez bien ce que fait un pharmacien au quotidien.
Pour développer les officines à Mayotte, encore faut-il que cela soit possible. J’ai évoqué les Mahorais qui ont une ordonnance : ils possèdent donc une carte leur permettant d’aller dans une pharmacie. Or près de 30 % des médicaments distribués dans les dispensaires et par le CHM devraient être distribués dans les officines. Si déjà le travail était fait en ce sens, la question de la viabilité économique des officines se poserait sans doute un peu moins. Cette première étape est assez facile et l’ARS entend bien la mener dès maintenant.
Le travail de distribution et de retrait de distribution du médicament au CHM doit être accompli de façon concomitante et simultanée : l’un n’ira pas sans l’autre. Des camions qui partent du CHM remplis de médicaments pour aller dans les dispensaires, cela pose d’énormes problèmes de sécurité. De plus, et sans vouloir les remettre en cause, les professionnels dans les dispensaires ne sont pas des pharmaciens, ce qui pose également des difficultés.
Je le répète, l’enjeu est la volonté clairement affichée de développer les officines. Cela ne pourra se faire que si l’on œuvre collectivement à une distribution revenue dans la norme du circuit du médicament.
Cela affecte également le budget du CHM, car les dépenses liées aux médicaments sont prises en charge par ce dernier, alors qu’elles devraient l’être, au moins à hauteur de 30 %, par le budget de la Cnam (Caisse nationale de l’assurance maladie). Il s’agit donc d’alléger une partie du budget du CHM.
Plusieurs personnes m’ont rapporté que pour obtenir des médicaments au CHM, le patient devait présenter une ordonnance du CHM car celle délivrée par un médecin de ville ne suffisait pas ; il n’est pas normal que le patient soit obligé de consulter à deux reprises.
En ce qui concerne le nombre d’habitants, cet amendement permet de revenir au droit en vigueur, ce qui est le bon niveau. En effet, la répartition géographique diffère entre Mayotte et la Guyane bien que le nombre d’habitants soit quasi identique. Nous devons nous donner tous les moyens d’atteindre l’objectif commun, ce que souhaitent également les professionnels de santé.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CL235 de Mme Dominique Voynet, CL32 de Mme Sandrine Nosbé, CL236 de Mme Dominique Voynet, CL260 de M. Philippe Naillet et CL34 de M. Jean-Hugues Ratenon tombent.
La commission adopte l’article 17 modifié.
Après l’article 17
Amendement CL284 de M. Olivier Marleix
M. Philippe Gosselin (DR). Il concerne les déserts médicaux. Mayotte n’est pas le seul territoire confronté à cette difficulté que rencontrent de nombreux départements ruraux. Contrairement aux habitants des départements hexagonaux, les habitants de Mayotte n’ont pas la possibilité de se rendre facilement dans un territoire voisin, sauf éventuellement à La Réunion – en outre-mer, la Guyane est un territoire à part car il existe une continuité territoriale. Du reste, les évacuations sanitaires vers l’île de La Réunion sont très régulières.
Cet amendement vise à prévoir des dispositions spécifiques pour Mayotte dans les conventions médicales, afin de faciliter l’installation des professionnels de santé et l’ouverture de centres de santé. Créer des centres de santé, c’est bien, encore faut-il que des professionnels de santé y travaillent. Je le dis sans sourire : bien que, dans de nombreux territoires de l’Hexagone, des maisons de santé aient été créées pour lutter contre les déserts médicaux, ce sont parfois les professionnels de santé qui font défaut. Il est donc nécessaire d’assouplir certaines règles. Tel est précisément l’objet de cet amendement.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Les médecins libéraux qui choisissent de s’installer à Mayotte bénéficient déjà de l’ensemble des dispositifs qui s’appliquent dans l’Hexagone. L’aide peut même être majorée par l’ARS.
M. Philippe Gosselin (DR). Si cet amendement est satisfait, je le retire.
L’amendement est retiré.
Amendements CL298, CL299 et CL300 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
M. Philippe Naillet (SOC). Ils visent à instaurer une stratégie territoriale globale pour assurer une organisation cohérente, efficace et pérenne de l’offre de soins sur le territoire de Mayotte. Ces amendements visent également à renforcer le rôle central de l’hôpital de Mamoudzou et surtout le maillage territorial des services de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Demande de retrait car vos amendements sont satisfaits ; à défaut, avis défavorable. Mayotte, comme tous les autres territoires français, est organisée en un territoire de santé au sein desquels les acteurs élaborent des projets régionaux de santé incluant une stratégie territoriale globale.
Mme Dominique Voynet (EcoS). M. Gosselin a retiré l’amendement CL284 relatif aux déserts médicaux. Toute une série de dispositions qui doivent être prises en la matière ne sont pas du ressort de la loi mais relèvent du domaine réglementaire.
Je souhaite appeler votre attention, madame la rapporteure, sur une situation préjudiciable à Mayotte. Le concours de l’internat est organisé à l’échelle de l’océan Indien. Il est prévu que tous les internes effectuent un ou deux stages à Mayotte au cours de leur formation. Or, en général, ils accomplissent leur premier stage à La Réunion où ils sont retenus par leur maître de stage ; par conséquent, la plupart d’entre eux ne feront pas de stage à Mayotte.
Ensuite, comme le nombre de postes offerts est supérieur au nombre d’internes, au bout du compte, ce sont les postes à Mayotte qui restent vacants. Pour ma part, je souhaiterais qu’avec le ministère de la santé, nous revoyions ces dispositions afin que chaque interne effectue au moins un stage à Mayotte. Je suis convaincue que c’est une expérience enrichissante, pour grandir et apprendre la vie et son métier ; on y est confronté à des situations qu’on ne rencontre nulle part ailleurs. Cette expérience professionnelle pourrait ainsi susciter un intérêt chez certaines personnes qui pourraient choisir d’y rester plus longtemps, voire de s’y installer définitivement.
M. Philippe Gosselin (DR). Je vous remercie de mettre ce sujet sur la table. J’ai retiré mon amendement car il était satisfait ; pour autant, le débat n’est pas clos.
Sans vouloir faire de comparaison hasardeuse, les territoires ruraux sont confrontés à la même difficulté ; ils ont du mal à attirer certains professionnels, en raison de leur éloignement des grands centres métropolitains ou de la profession exercée par le conjoint. Bien que ces dispositions relèvent du domaine réglementaire, le sujet mérite d’être creusé.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Certains moments sont riches en surprise ! L’ancienne directrice de l’ARS de Mayotte vient ainsi d’expliquer les mesures qui auraient dû être prises mais qu’elle n’a pas mises en œuvre durant ses fonctions. C’est gratiné !
Je ne comprends pas moi non plus que nous n’alignions pas le régime relatif à l’ouverture des officines sur celui de la Guyane, qui autorise l’ouverture d’une pharmacie dans une ville comprenant au moins 3 500 habitants. Vu le désert médical qu’est Mayotte, ce ne serait pas du luxe.
Le plus surprenant est de laisser entendre que tout fonctionne en matière de santé à Mayotte. Je le rappelle, notre espérance de vie est inférieure de huit ans à celle des habitants de l’Hexagone et la situation sanitaire est catastrophique. Cela fait deux ans et demi que le plan blanc a été déclenché à l’hôpital – qui a été détruit par le cyclone Chido. Il ne fonctionne que grâce à la réserve sanitaire. Mais même celle-ci ne peut plus intervenir car, faute d’hôtels, il n’est plus possible de loger les personnels. La situation est tellement dangereuse pour eux qu’ils refusent désormais de venir. Bien que toutes les mesures financières aient été prises pour faciliter l’accueil des médecins et des soignants à Mayotte, force est de constater que cela ne fonctionne plus. Vous avez évoqué les internes à Mayotte mais, en réalité, l’hôpital n’est même plus en mesure de les accueillir.
L’effondrement du système est tel qu’on en est là aujourd’hui. Chacun pourrait faire preuve d’un peu plus de modestie : certaines interventions – et pas uniquement celles de l’opposition – laissent pourtant entendre que tout fonctionne.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. D’abord, je tiens à mettre en avant les propositions d’Agnès Firmin Le Bodo. Nous avons voté le rapport annexé qui prévoit d’allouer plus de 400 millions d’euros aux hôpitaux. Nous venons également d’adopter son amendement relatif aux pharmacies. Elle propose également d’améliorer la sécurisation de la distribution de médicaments – un sujet loin d’être anodin – et l’accès à ceux-ci – une grande partie de la population est aujourd’hui obligée de se rendre au centre hospitalier de Mamoudzou. Par ailleurs, l’ARS et les professionnels de santé assureront une répartition géographique équilibrée des officines. C’est le gage que nous prenons cette question très au sérieux.
Quant à l’amendement de Philippe Gosselin, relatif aux déserts médicaux, sujet qui me tient particulièrement à cœur, il est satisfait. Le régime de droit commun s’appliquera à Mayotte ; nous y veillerons.
Enfin, s’agissant des internes, la quatrième année d’internat, avec un statut de Docteur junior, a été instaurée. Des postes d’interne seront ainsi proposés tant dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone.
Madame Voynet, j’entends ce que vous dites. En effet, l’hospitalocentrisme conduit les CHU à retenir les internes qui ne seront pas ainsi envoyés dans les zones dépourvues de CHU. La quatrième année permettra de répondre à la préoccupation que vous avez exprimée ; Agnès Firmin Le Bodo est en première ligne sur ce sujet. Certains internes, parmi les 3 600 professionnels en dixième année de médecine qui connaissent bien leur métier, vivraient ainsi une expérience de vie fabuleuse. Nous devons néanmoins régler certains problèmes en lien avec la sécurité et le logement. Un effort très important est consenti.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL450 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Il vise à demander à l’ARS d’établir un schéma de développement des officines, coconstruit avec l’ensemble des partenaires, afin de créer un circuit vertueux de distribution des médicaments et d’améliorer l’accès aux soins pour les Mahoraises et les Mahorais.
La commission adopte l’amendement. L’article 17 bis A est ainsi rédigé.
Article 17 bis (nouveau) (article L. 758-4 du code de la sécurité sociale) : Suppression de la référence à l’agence régionale de santé de l’océan indien
La commission adopte l’article 17 bis non modifié.
Article 18 (article L. 4031-7 du code de la santé publique) : Participation des professionnels de santé de Mayotte aux unions régionales de professionnels de santé de l’océan Indien
Amendement CL423 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Cet amendement, cosigné par tous les rapporteurs, est particulièrement important car il permet de positionner Mayotte en avance de phase sur l’évolution des pratiques en matière d’accès aux soins, notamment en favorisant l’interprofessionnalité, qui est le sens de l’histoire.
L’amendement vise à créer la première union régionale interprofessionnelle des professionnels de santé – cela a été validé par l’Union nationale des professionnels de santé –, réseau qui sera propre à Mayotte. Elle permettra aux différents acteurs de santé de travailler ensemble, en lien direct avec l’ARS.
Il s’agit également de sortir d’une logique de couplage avec La Réunion. Le Sénat avait proposé que chaque profession de santé dispose de sa propre URPS (union régionale de professionnels de santé). Néanmoins, au regard du nombre de professionnels libéraux à Mayotte, cette solution n’est pas réalisable à ce stade.
La commission adopte l’amendement et l’article 18 est ainsi rédigé.
En conséquence, l’amendement CL261 de Mme Dominique Voynet tombe.
Après l’article 18
Amendement CL312 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). À plusieurs reprises, nous avons évoqué le projet de construction du nouvel établissement hospitalier à Mayotte. Si le rapport annexé le mentionne, il n’y est pas fait référence dans le projet de loi.
Je souhaite donc inscrire de manière explicite l’engagement de renforcer l’offre de soins à Mayotte, qui passe par la construction d’un second site hospitalier – c’est un sujet stratégique. L’amendement prévoit qu’« un plan d’investissement et un calendrier des travaux pour la construction du second site hospitalier seront élaborés avant le 31 décembre 2025. »
Le président de la République a annoncé la construction d’un deuxième centre hospitalier en 2019. Tout au long de l’année 2019 et au cours de l’année 2020, on a identifié un site et trouvé des moyens pour le financer. À l’époque, le président du conseil départemental de Mayotte avait proposé plusieurs sites qui appartenaient à la collectivité et pris l’engagement de mettre gracieusement l’un d’entre eux à disposition.
Au début de l’année 2020, à la suite d’une expertise diligentée par la direction générale de l’offre de soins, le site de Combani avait été retenu. Restait la question de la réalisation de la voie d’accès à l’hôpital. Depuis, et à la faveur du changement d’équipe à la tête du conseil départemental, les discussions avec l’État ont repris au sein du conseil départemental.
Cela étant, on a perdu beaucoup de temps. On ne peut plus attendre : il faut réparer l’hôpital actuel et construire ce nouvel hôpital, qui seul permettra de réaliser des travaux structurels plus lourds sur le site actuel de Mamoudzou.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Je suis un peu embêtée dans la mesure où nous avons voté un amendement au rapport annexé qui employait exactement les mêmes mots. Il est donc satisfait.
Il s’agit, non pas d’une mesure susceptible d’être appliquée, mais plutôt d’un engagement. Nous en partageons l’objet et l’objectif. Cela a été affirmé à la fois par le rapporteur général et par le ministre, qui a rappelé les budgets alloués tant à la construction du second hôpital qu’à la réparation du CHM.
M. le président Florent Boudié. Inscrire cette déclaration de principe dans le texte normatif n’a pas vraiment de sens. En revanche, elle a toute sa place dans le rapport annexé, qui est une déclaration politique et un outil de cadrage budgétaire.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je souhaite apporter mon soutien à cet amendement : mieux vaut deux fois qu’une, surtout lorsqu’on connaît les difficultés et la lenteur des discussions relatives à la construction d’un centre hospitalier.
Je prendrai l’exemple du projet de construction de l’hôpital de Redon, dans ma circonscription, qui est en cours depuis plusieurs années. Il est souvent très difficile d’obtenir des engagements, qu’il s’agisse du plan de financement ou du calendrier des travaux.
S’agissant du second site hospitalier de Mayotte, il est important d’accélérer les choses et, surtout, d’obtenir des garanties, notamment sur le plan d’investissement, et un calendrier des travaux d’ici au 31 décembre 2025.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Nous avons acté cet engagement dans le rapport annexé. Notre volonté y est clairement exprimée. Madame Voynet, vous avez été directrice d’une ARS : vous savez donc que la construction d’un nouvel hôpital nécessite d’établir un programme et de choisir un référent pour celui-ci.
Avec Mme Firmin Le Bodo, nous avons arraché un arbitrage favorable il y a quelques jours. L’engagement d’allouer les crédits nécessaires à la construction de cet hôpital a été confirmé par le ministre. J’ai la même exigence que vous : avancer le plus rapidement possible. Cependant, je peux vous assurer, en tant qu’ancien maire bâtisseur, que l’échéance pour la réalisation complète du programme au 31 décembre 2025 ne sera pas techniquement réalisable. Ne faisons pas une promesse que nous ne pourrons pas tenir. Admettons que le projet aboutisse le 30 avril 2026 : on nous reprochera alors de ne pas avoir été efficaces.
Le projet de loi prévoit d’allouer, entre 2025 et 2027, 122 millions d’euros à la reconstruction de l’hôpital de Mamoudzou ainsi que 10 millions à la planification du nouveau centre hospitalier. Les crédits ne seront disponibles qu’une fois la loi votée, c’est-à-dire pas avant le mois de septembre. Par réalisme, ne fixons pas une date dont nous ne sommes pas certains qu’elle sera respectée – je suis convaincu que vous partagez ce même réalisme.
La commission rejette l’amendement.
Chapitre III
Créer les conditions du développement de Mayotte
Article 25 (article L. 421-1 du code du sport) : Extension à Mayotte de la compétence du département en faveur du développement des sports de nature
La commission adopte l’article 25 non modifié.
Chapitre IV
Accompagner la jeunesse de Mayotte
Article 26 (article L. 1803-5 du code des transports) : Bénéfice du passeport pour la mobilité des études pour les lycéens mahorais
Amendement CL124 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet (RN). Il vise à réserver le bénéfice du passeport pour la mobilité des études aux seuls élèves de nationalité française. Cette mesure répond à un impératif de priorité nationale dans l’attribution des aides publiques, en particulier dans un territoire confronté à une situation exceptionnelle.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Avis défavorable. Le bénéfice du passeport pour la mobilité des études est accessible à tous les lycéens ou étudiants français. Votre amendement pourrait être jugé inconstitutionnel ; à tout le moins, il n’est pas opportun.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 26 non modifié.
Article 27 : Fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte
La commission adopte l’article 27 non modifié.
Chapitre V
Favoriser l’attractivité du territoire
Article 28 (article 561-2 [nouveau] du code général de la fonction publique) : Création d’une priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l’État affectés à Mayotte
Amendement CL153 de Mme Anchya Bamana
Mme Anchya Bamana (RN). Il vise à renforcer l’attractivité de la fonction publique à Mayotte. Il existe des mesures facilitant le retour des fonctionnaires ultramarins pour rentrer au pays. Mais, à Mayotte, le système patine. J’ai reçu une quinzaine de demandes émanant de fonctionnaires qui souhaitent rentrer pour participer à la reconstruction du territoire.
Je ne considère pas ce besoin comme une demande corporatiste ; il est nécessaire de rassembler tous les Mahorais pour participer à la reconstruction. Nous devons pouvoir compter sur l’expérience et l’expertise de tous les Mahorais expatriés. Parmi eux, les fonctionnaires sont une composante essentielle des forces vives nécessaires à la reconstruction de Mayotte.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Demande de retrait, votre amendement est satisfait ; à défaut, avis défavorable. Vous proposez de créer une forme de priorité de mutation pour que les fonctionnaires originaires de Mayotte puissent y être affectés.
Or celle-ci existe déjà : le 4° de l’article L. 512-19 du code général de la fonction publique prévoit une priorité de mutation pour tout fonctionnaire qui peut « justifier du centre de ses intérêts matériels ou moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ».
Je vous renvoie au bilan positif de l’application de ce dispositif, publié par la direction générale de l’administration et de la fonction publique en 2021.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL458 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Cet amendement, cosigné par les quatre rapporteurs, vise à prévoir une mesure de bonification en faveur des fonctionnaires publics d’État qui auraient exercé leurs fonctions à Mayotte pendant au moins trois ans.
Pour renforcer l’attractivité des métiers de la santé et des métiers administratifs exercés dans les hôpitaux, il convient d’étendre ce dispositif aux fonctionnaires de la fonction publique hospitalière.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 28 modifié.
Article 29 (article 561-3 [nouveau] du code général de la fonction publique) : Avantage spécifique d’ancienneté pour les fonctionnaires de l’État et les fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte
La commission adopte l’article 29 non modifié.
TITRE V
MODERNISER LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL
DE LA COLLECTIVITÉ
Chapitre Ier
Dispositions concernant le code général des collectivités territoriales
Article 30 : Réforme des dispositions relatives au fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte
La commission adopte successivement les amendements CL431, CL432 et CL433, rédactionnels, de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CL467 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure pour les titres V et VI. Il vise à instaurer, auprès de l’assemblée de Mayotte, un conseil cadial composé des dix-sept cadis de Mayotte. Celui-ci aurait vocation à être consulté sur l’ensemble des projets ou des délibérations relatifs aux traditions mahoraises ou à la médiation sociale.
Mayotte est une île de tradition musulmane dont les chefs religieux sont les cadis. Jusqu’en 2010, ils exerçaient les fonctions de juges et d’officiers d’état civil. Ils sont actuellement employés par le conseil départemental en qualité de médiateurs. Ils jouent donc un rôle officiel.
Il s’agit de rationaliser l’organisation de l’institution. Le toilettage institutionnel donne l’occasion d’agir de manière claire et transparente et de protéger cette institution de tout risque d’ingérence étrangère. Le décret Mandel, qui traite des questions religieuses à Mayotte, empêche l’application de la loi concernant la séparation des Églises et de l’État ainsi que l’ensemble des lois relatives à la lutte contre le séparatisme.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement prévoit-il que les cadis seront rémunérés par le département alors même qu’ils seront membres d’une instance chargée de conseiller le département ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il existe déjà des organes consultatifs dont les moyens de fonctionnement sont fournis par l’autorité qu’ils conseillent, tel le Conseil économique, social et environnemental. Il en va de même de certaines institutions. Or cela n’empêche par leurs agents de voter en toute indépendance. Je vous propose d’instaurer une entité équivalente.
Aujourd’hui, les cadis sont des agents du conseil départemental de Mayotte : le rôle très spécifique qu’ils jouent leur confère un statut particulier, néanmoins trop flou. Le toilettage institutionnel nous donne l’occasion d’institutionnaliser le conseil cadial et de formaliser le rôle et la place des cadis.
M. Pouria Amirshahi (EcoS). Du point de vue déontologique, il me paraît incompatible d’être rémunéré par l’instance que l’on est censé conseiller. On n’imaginerait pas que cela puisse être le cas pour des élus. En revanche, vous pourriez proposer d’instaurer une instance consultative, distincte de l’assemblée de Mayotte, qui serait saisie des projets que vous avez évoqués – ce type d’organes existe.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Les cadis sont déjà des agents du conseil départemental ; il n’est pas question de leur verser une rémunération supplémentaire. Je le répète, les agents du Conseil économique, social et environnemental, qui sont des agents du département, rendent néanmoins des avis en toute indépendance – personne ne le conteste.
Grâce à son institutionnalisation, le conseil cadial pourra se réunir et rendre officiellement des avis lorsqu’il sera saisi – tant par l’État que par le conseil départemental. Toute la population attend beaucoup des cadis, qui jouent un rôle de médiation sociale et traditionnelle très important. Il s’agit de mieux encadrer et protéger leur action en l’inscrivant dans la loi.
M. Ludovic Mendes (EPR). Expliquer les missions des cadis permettrait de comprendre l’intérêt de placer le conseil cadial aux côtés du conseil départemental. J’ai compris qu’ils pouvaient s’apparenter à des médiateurs et que leur rôle est très important sur le territoire mahorais. Dans tous nos territoires, les médiateurs financés par les départements jouent eux aussi, notamment, un rôle de conseil auprès du conseil départemental. Vu de la métropole, il existe toutefois, me semble-t-il, une incompréhension réelle de ce rôle.
Mme Anchya Bamana (RN). La démarche visant à asseoir les missions des cadis au sein de la société est louable, les cadis ayant en effet un rôle essentiel en matière de médiation, dans la vie civile. Le fait qu’ils soient des agents rémunérés par le conseil départemental constitue toutefois une limite. Les élus du conseil économique, social et environnement de Mayotte (Césem) ne sont, eux, pas rémunérés. Ce sont des élus de la société civile.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Vous avez raison et je vais corriger mon propos. Le conseil départemental met à disposition les moyens avec lesquels le Césem opère et les avis que celui-ci rend ont une influence sur les votes au conseil départemental.
Le conseil cadial n’aurait quant à lui qu’un avis consultatif. Il n’est pas question que le religieux s’ingère dans les affaires politiques à Mayotte. Ce n’est absolument pas ce que je propose avec l’institution du conseil cadial.
Les cadis avaient à Mayotte le rôle de l’autorité religieuse et du juge dans le foncier, les affaires familiales, l’état-civil – les mariages, les naissances, les divorces, et d’une manière générale tous les éléments relevant des conflits. Lorsque la départementalisation est intervenue, l’une des grandes concessions consenties par la société mahoraise a été, avec l’accord actif des autorités cadiales, de faire reculer les pouvoirs de ces dernières pour laisser la place à la loi de la République.
Mayotte est une île majoritairement musulmane et profondément croyante, dans laquelle les principes de la République s’appliquent. Personne n’y remet en question la laïcité. Lorsque le sultan Adriantsouli a vendu l’île de Mayotte au commandant Passot, ce sont les autorités cadiales qui ont validé cet accord. Elles n’ont jamais été opposées à la République. Le préfet de la République à Mayotte consulte et reçoit régulièrement les cadis, et les gouvernements successifs ont souvent fait appel à eux pour alimenter le dialogue social, ramener la paix en période de tension et mener un dialogue villageois, communautaire. Sur les questions sanitaires ou de santé publique par exemple, les cadis ont souvent été appelés à la rescousse pour expliquer les campagnes de vaccination ou la politique de limitation des naissances. Ils ont une influence considérable.
Il me semble par conséquent très important de parvenir à institutionnaliser leur rôle. Cela fait écho au caractère traditionnel et selon moi très beau de ce qu’est Mayotte, dont la tradition est certes musulmane, mais qui fait preuve d’une tolérance magnifique, respectant autant la religion chrétienne que la liberté de ne pas croire. Il n’y a à Mayotte aucune volonté d’un islam incompatible avec la République, bien au contraire. Nos cadis ont toujours été aux côtés de la République pour permettre à Mayotte d’avancer. En cette période cruciale et historique pour Mayotte, il n’est pas envisageable de les laisser de côté ou de les écarter.
Par ailleurs, et je le dis avec solennité, les autorités comoriennes, dont on ne compte plus les ingérences à Mayotte, ont annoncé au printemps, par la voix du président Azali, qu’elles souhaitaient reconstruire nos mosquées, détruites par Chido. Cela présente un vrai risque. En effet, l’islam pratiqué aux Comores n’est pas celui de Mayotte. Les Comores sont une République islamique, qui reçoit des fonds de l’Iran et de l’Arabie saoudite. Je n’ai rien contre ces pays, mais Mayotte est un département français dans lequel la loi contre les séparatismes et celle sur la séparation de l’Église et de l’État ne s’appliquent pas. Si l’on n’agit pas, il ne faudra pas ensuite déplorer, se lamenter et constater. Je vous demande par conséquent d’adopter une attitude constructive maintenant par la loi.
M. Philippe Gosselin (DR). Lorsque je me suis rendu pour la première fois à Mayotte, avant la départementalisation, j’ai pu constater le rôle joué par les cadis. Celui-ci, aujourd’hui, n’est plus religieux, en tout cas pas de façon officielle. Associer les cadis selon le mode de fonctionnement proposé, incluant information, avis et conseil n’engagera pas les textes de la République et du conseil départemental, mais permettra d’associer largement les autorités cadiales au processus.
Il n’est du reste pas nécessaire de faire appel à l’article 74 de la Constitution pour reconnaître de telles spécificités. Je rappellerai le sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie, ou l’intégration des communautés locales autochtones en Guyane. Ces dernières ne présentent pas de caractère religieux, mais la transposition est possible.
Je suis donc très favorable à cette démarche, qui constitue un facteur d’intégration et non de dislocation.
M. le président Florent Boudié. De telles situations existent en effet dans de nombreux territoires, au-delà du droit concordataire dans l’Hexagone.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Les explications fournies par Mme la rapporteure sont très importantes. Les cadis occupent à Mayotte un rôle essentiel de médiateurs. Ils sont à la fois très engagés et très respectés. Ils interviennent aussi, ce qui est loin d’être accessoire, dans la prévention des conflits.
Il s’agit, non pas de créer un droit, mais de reconnaître une réalité sans déroger au droit commun, de valoriser cette diversité sans laquelle Mayotte ne serait pas Mayotte, tout en s’inscrivant dans la réalité de la République.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Ces arguments sur le rôle social des cadis ne répondent pas au problème posé par l’amendement : ces agents seront rémunérés par une instance qu’ils seront censés conseiller.
En outre, ce n’est pas le droit commun qui s’applique à Mayotte en matière de laïcité.
M. Ludovic Mendes (EPR). La laïcité s’applique à Mayotte.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Il existe, à Mayotte comme dans d’autres territoires y compris hexagonaux, une exception au principe de séparation des églises et de l’État, dont nous considérons qu’elle ne devrait pas avoir cours. Même si vous insistez sur le rôle social des autorités cadiales, il ne faut pas nier leur dimension religieuse. Si vous étiez véritablement républicains…
M. Philippe Gosselin (DR). Pas de procès d’intention.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Vous-même n’êtes évidemment pas du genre à nous faire des procès d’intention ni à tenir des propos caricaturaux à notre encontre !
Commissaire aux lois, je ne comprends pas pourquoi le fait de réaffirmer les principes de la République, que vous nous rabâchez à longueur de discussion pour stigmatiser une partie de la population sur ce territoire, et de souligner votre incohérence et votre laïcité à géométrie variable suscite une telle réaction. Je crois que cela est très révélateur de votre hypocrisie.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. J’apporte tout mon soutien à Mme la rapporteure. Je ne citerai qu’un exemple : lorsqu’il s’est agi de faire vacciner les jeunes filles des classes de sixième et cinquième, je n’aurais rien pu faire à Mayotte sans l’aide du conseil cadial. Les cadis ont joué un formidable rôle d’intermédiation. Je ne l’oublierai jamais.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL491 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à associer le conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte à l’élaboration du schéma régional d’aménagement du territoire, qui doit être totalement révisé. Cela nous paraît important au vu des conséquences graves de Chido sur l’environnement mahorais, mais aussi des changements qui vont être opérés et des chantiers qui vont être engagés.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je m’interroge sur l’évolution de la doctrine au cours de nos débats. Vous nous avez expliqué hier, lors de la discussion d’un amendement proposé par Mme Youssouffa, qu’il n’était pas possible d’inscrire dans le rapport annexé la mention du conseil scientifique du patrimoine naturel de Mayotte. En conséquence, l’amendement de Mme Youssouffa avait été retiré, tout comme un amendement de notre groupe, et nous étions convenus d’y retravailler d’ici à la séance. La raison avancée tenait au fait que ce conseil avait été créé par le département et n’avait donc pas sa place dans la loi.
Or le présent amendement, s’il était adopté, conduirait à introduire la mention du conseil non plus dans le rapport annexé, mais dans la loi. Il en va de même pour le conseil cadial, créé lui aussi par le seul département. Je trouve cela très étrange.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je tiens à préciser que ce conseil est créé, non pas par le département, mais par la région.
J’avais expliqué hier que le code génral des collectivités territoriales ne permet pas d’intégrer de facto ce conseil comme donnant directement un avis. Cet avis peut toutefois être sollicité, de façon consultative. Il n’y a aucune évolution de doctrine.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte les amendements rédactionnels CL436, CL437, CL438, CL439 et CL440 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CL441 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à intégrer au sein du nouveau livre consacré à la collectivité de Mayotte les dispositions relatives au centre de promotion de la santé prévues à l’article L. 4432-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Il s’agit de rapatrier au sein du livre sur Mayotte l’article relatif au conseil de promotion de la santé afin d’avoir une visibilité d’ensemble des conseils qui assistent l’assemblée de Mayotte dans son travail.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL442 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement prévoit, sur le modèle de ce qui existe pour les conseils départementaux à l’article L. 3444-2 du CGCT, qu’un rapport soit publié sur les suites données par le premier ministre aux propositions formulées par l’assemblée de Mayotte.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL443 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit de s’assurer que le nouveau conseil consultatif de Mayotte, fruit de la fusion des deux anciens conseils qui assistaient le conseil départemental, puisse se prononcer sur le même périmètre que les deux instances dont il est issu, c’est-à-dire non seulement en matière économique et sociale, mais aussi sur les questions d’environnement, de culture et d’éducation.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL444 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit d’exclure toute coopération de l’assemblée de Mayotte aux négociations avec des pays qui ne reconnaissent pas l’appartenance du territoire de Mayotte à la République.
Nous n’avons jamais protesté ou lutté contre l’idée de travailler avec nos voisins. Et nous souhaitons évidemment être intégrés dans notre environnement régional. Il convient cependant de rappeler que, dans le cadre de leurs manœuvres d’ingérence, les Comores s’activent pour isoler Mayotte et empêcher tout travail avec ses voisins. Il nous paraît quelque peu acrobatique de la part du Quai d’Orsay de persister à considérer qu’il est possible de continuer à coopérer et dialoguer avec les Comores comme si de rien n’était, alors que ce pays revendique Mayotte et a élargi son alliance pour déstabiliser l’île en y incluant activement la Russie, l’Azerbaïdjan et la Chine. La situation ayant évolué, l’assemblée de Mayotte doit pouvoir travailler au niveau diplomatique, mais uniquement avec des États qui reconnaissent l’appartenance de son territoire à la République française.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). La méthode utilisée ici me gêne. S’ils n’émanaient pas de la rapporteure, plusieurs amendements s’apparenteraient en effet à des cavaliers législatifs. Ils me semblent par ailleurs contrevenir à la libre administration des collectivités territoriales. Déposés tardivement, ils viennent en outre réécrire une bonne partie de l’article 30 et préciser des éléments sans que le débat puisse être clairement posé. Je pense aux amendements CL441, CL444 et suivants.
M. le président Florent Boudié. Les questions d’irrecevabilité relèvent non pas de la rapporteure mais du président de la commission. Sachez que j’applique l’article 45 avec rectitude et, me semble-t-il, clairvoyance, puisque je suis éclairé par les avis qui me sont donnés.
J’ai moi-même souligné que certains amendements avaient été déposés tardivement. Mais il s’agit pour beaucoup d’entre eux d’amendements de repli, qui concernent donc le même débat.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement CL492 de Mme Estelle Youssouffa est retiré.
Amendement CL445 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement est issu de notre cycle d’auditions. L’un des praticiens du droit que nous avons entendu nous a en effet suggéré de faire en sorte que la collectivité de Mayotte puisse, si elle le souhaite, être consultée sur l’ensemble des actes de l’Union européenne et pas uniquement sur ceux la concernant directement. L’objectif est d’associer plus étroitement le territoire de Mayotte aux négociations européennes.
Les élus des outre-mer le savent bien : les normes européennes ont un effet direct sur la situation dans les territoires ultramarins, sans que cela ne soit pris en compte. Permettre à l’assemblée de Mayotte de se saisir si elle le souhaite et de rendre un avis, même si ce dernier n’a aucun effet, serait pour elle un moyen de signifier ses préoccupations au gouvernement et de mettre en lumière les éventuelles conséquences de certains actes de l’Union européenne. Cette avancée nous paraît nécessaire.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Ces amendements ont été présentés tardivement et j’ai le sentiment que nous ne travaillons pas très bien. Nous avons voté à vive allure l’amendement CL444, qui prévoit que le chapitre portant sur les attributions du département-région en matière de coopération régionale ne s’appliquera pas aux engagements internationaux passés avec les États ne reconnaissant pas l’appartenance de Mayotte à la République. Or nous allons examiner des alinéas dont certains intéressent Mayotte, surtout s’il est question de discuter avec les Comores. L’alinéa 155 indique par exemple que « l’assemblée est saisie pour avis de tout projet d’accord concernant la coopération régionale ». Imaginez-vous que le plan de développement France-Comores soit discuté sans vous ? Ce n’est pas possible. Il est indiqué plus loin dans le texte que le département peut être associé aux négociations d’accords de cette nature.
Allez-vous nous présenter en salve d’autres amendements de même nature ? Je ne trouve pas cela cohérent. Peut-être y reviendrons-nous en séance publique, mais cette façon de travailler ne me semble ni cohérente, ni satisfaisante intellectuellement. Cela n’a rien à voir avec le fait que je sois ou non d’accord avec vous : je ne fais que contester la méthode.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteur. Ces amendements ont été déposés lundi et vous avez pu en prendre connaissance dès mardi matin. Seuls ont été déposés en dernière minute des amendements rédactionnels, qui ne concernent donc pas le fond.
Je vous fais grâce d’une réponse car votre intervention ne concerne pas l’amendement en discussion.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Il semble que l’amendement CL445 soit en contradiction avec les dispositions votées précédemment. Notre interrogation porte sur la mise en pratique d’une éventuelle consultation de l’assemblée de Mayotte sur les propositions d’actes de l’Union européenne. Il est dommage que vous ne nous ayez pas répondu sur ce point, car ces éclairages nous permettraient de déposer des amendements cohérents dans la perspective de la séance.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. J’ai des difficultés à voir le lien entre le fait d’autoriser l’assemblée de Mayotte à travailler sur les actes de l’Union européenne et l’amendement précédent qui fait uniquement référence aux pays qui ne reconnaissent pas Mayotte française. Je ne doute pas que vous saurez nous expliquer en séance en quoi ces deux amendements sont liés.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte les amendements rédactionnels CL446 et CL447 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CL448 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement prévoit que le président de l’assemblée de Mayotte est associé à la négociation des projets d’accords conclus en matière de coopération régionale, même lorsque ceux-ci relèvent des domaines de compétence de l’État, sur le modèle de ce qui est prévu pour la collectivité de Guyane. Cela me semble répondre aux préoccupations exprimées à gauche.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Soit j’ai oublié mon cerveau ce matin, soit le propos n’est pas clair. L’amendement CL448 prévoit en effet la possibilité pour le président de l’assemblée de Mayotte d’être associé à la négociation des projets d’accords conclus en matière de coopération régionale, alors que l’amendement CL444 exclut toute coopération de cette même assemblée aux négociations avec des pays qui ne reconnaissent pas l’appartenance du territoire de Mayotte à la République. La question est de savoir si certains accords de coopération régionale impliquent des États ne reconnaissant pas l’appartenance de Mayotte à la République. Si la réponse est positive, un problème d’application se posera.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. L’amendement CL448 fait référence au modèle en vigueur pour la collectivité de Guyane. Les pays entourant la Guyane ont rencontré les mêmes difficultés avec le Surinam. Mais l’appartenance de la Guyane à la République française n’a jamais été remise en question. La rapporteure entend en l’occurrence signifier que le fait qu’un pays souhaitant entrer en discussion pour un accord de coopération ne reconnaisse pas Mayotte française soulève une difficulté. Cela va plus loin que le dispositif initialement prévu pour que Mayotte et son conseil départemental devenu région soient associés à tous types de négociations et de coopérations.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL435 et l’amendement de cohérence CL493 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Amendement CL63 de M. Aurélien Taché
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement propose la remise d’un rapport pour évaluer les ressources allouées à la collectivité territoriale de Mayotte et les financements de l’État au regard des besoins. Nous manquons en effet d’informations précises sur l’adéquation des moyens aux compétences exercées par le conseil départemental de Mayotte, future collectivité ou assemblée de Mayotte. J’ai, pour cette raison, déposé un amendement dans le rapport annexé, visant non seulement à engager le transfert de l’intégralité des compétences à la collectivité, mais aussi à évaluer le montant de cette dotation et des dotations de rattrapage pour la collectivité de Mayotte. J’émets donc un avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 30 modifié.
Chapitre II
Dispositions modifiant le code électoral
Article 31 (art. L. 558‑9‑1, L. 558‑9‑2, L. 558‑9‑3, L. 558‑9‑4 et L. 558‑9‑5 [nouveaux] du code électoral) : Transformation du conseil départemental de Mayotte en assemblée de Mayotte et modification du mode de scrutin
Amendements identiques CL311 de M. Philippe Naillet et CL361 de Mme Dominique Voynet, amendements CL424 de Mme Estelle Youssouffa et CL360 de Mme Dominique Voynet (discussion commune)
M. Philippe Naillet (SOC). Cet amendement, déposé au Sénat, vise à établir un mode de scrutin avec liste unique et sans section pour l’assemblée de Mayotte, conformément aux vœux exprimés par les élus locaux. Le conseil départemental de Mayotte s’est en effet prononcé à l’unanimité contre un scrutin organisé par sections.
La circonscription unique permet aux électeurs de choisir un projet politique pour l’ensemble de Mayotte ainsi que les élus chargés de le mettre en œuvre et d’identifier notamment, dès le moment du vote, un potentiel président ou présidente. La circonscription unique sans section serait pour Mayotte gage d’une plus grande stabilité de la gouvernance, donc d’une plus grande efficacité dans la gestion des politiques publiques de l’archipel.
Par ailleurs, les déséquilibres très importants constatés entre les données démographiques qui sont, selon la jurisprudence, la base de la répartition des sièges par section et le nombre d’inscrits sur les listes électorales ne permettent pas d’avoir la meilleure représentativité dans tout le territoire.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il s’agit, cela avait été proposé au Sénat, d’établir un mode de scrutin avec liste unique et sans section pour l’assemblée de Mayotte, conformément aux vœux exprimés par les élus locaux. Le conseil départemental de Mayotte s’est en effet prononcé à l’unanimité contre un scrutin organisé par section.
La circonscription unique permet aux électeurs de choisir un projet politique pour l’ensemble de Mayotte ainsi que les élus chargés de le mettre en œuvre et d’identifier dès le vote le nom d’un potentiel président.
La circonscription unique sans section serait pour Mayotte le gage d’une plus grande stabilité de la gouvernance, donc d’une plus grande efficacité dans la gestion des politiques publiques de l’archipel.
Le mode de scrutin proposé ancre par ailleurs des déséquilibres démographiques entre les territoires, notamment entre le nombre d’inscrits sur les listes électorales et le nombre de personnes résidant dans chacune des sections proposées.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement propose de revenir à la version initiale du projet de loi en ce qui concerne le découpage de la circonscription unique au sein de laquelle seront élus les cinquante-deux conseillers de la future assemblée de Mayotte. Il s’agit d’instituer au sein de cette circonscription cinq sections dont les contours géographiques sont ceux des cinq établissements de coopération intercommunale existants, et non treize sections comme cela a été proposé au Sénat.
Quelle que soit la sagacité de nos amis sénateurs et la force du lobbying, les experts du bureau des élections du ministère de l’intérieur ont été très clairs : un découpage à treize sections serait anticonstitutionnel. Cela poserait un énorme problème de pluralisme politique et ne pourrait être validé au risque de faire tomber tout le toilettage institutionnel.
Le découpage proposé pour le gouvernement, auquel je propose de revenir, compte une circonscription unique divisée en cinq sections. Cette option est possible et constitutionnellement acceptable pour respecter la question du pluralisme politique et de la représentativité.
Une circonscription unique sans section ne reflèterait pas la répartition géographique de l’île. Si certains élus se trouvent en accord avec ce système, cette perspective a soulevé d’énormes résistances au sein de la population, avec des interpellations très vives au niveau de la société civile. Des citoyens résidant dans les villages nous ont par exemple fait part de leur crainte d’être oubliés face aux villes, dont le poids politique est plus important, par habitude, par tradition.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Quel que soit le mode de scrutin retenu, il faudra passer du temps à en expliquer la logique aux habitants, tout comme il faudra passer du temps à expliquer celle de la nouvelle dénomination du département-région – j’ai d’ailleurs noté que la rapporteure utilise aussi l’expression « collectivité de Mayotte ». Les Mahorais ont peur d’un retour en arrière.
Si une liste unique me semble préférable pour prendre en compte l’évolution institutionnelle du département-région, j’ai tout de même déposé cet amendement de repli. La logique des cantons n’est pas très solide, celle des listes le serait davantage. La liste unique garantit une forme d’équilibre démographique et une plus grande proximité avec les habitants, même s’il y a toujours une surreprésentation de Mamoudzou, de Dembéni et de Koungou. J’admets que ce mode de scrutin à cinq sections ne permettra pas de dégager un projet politique partagé par l’ensemble des élus comme le ferait une liste unique.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Je suis défavorable aux amendements CL311, CL361 et CL360. Un scrutin reposant sur une circonscription divisée en cinq sections, avec un vote à la proportionnelle par liste, permettra de définir un projet qui sera celui de toute l’île. Cela évitera aussi le cauchemar du troisième tour qui se joue avec tous les élus enfermés sans portable dans un hôtel dans lequel les valises d’argent circulent, avant qu’on sorte du chapeau un président du conseil départemental que personne n’avait vu venir. Le but de ce toilettage institutionnel, c’est de pouvoir construire un projet départemental sans déraciner les élus, puisque, grâce aux cinq sections, toute l’île peut être représentée.
La commission rejette les amendements CL311 et CL361.
Elle adopte l’amendement CL424.
En conséquence, l’amendement CL360 tombe.
Amendement CL425 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement vise à conserver le principe de l’attribution d’une prime majoritaire au bénéfice de la liste qui a recueilli au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés ou qui est arrivée en tête au deuxième tour, à raison de dix sièges sur les cinquante-deux. Nous n’avons pas retenu la version initiale du gouvernement, qui avait fixé une prime de 25 %, soit de treize sièges, qui aurait donné un poids trop important à la liste arrivée en tête, échouant ainsi à mieux représenter les différentes tendances politiques. Nous réduisons la prime majoritaire sans hypothéquer la stabilité de la nouvelle majorité. Le mode de scrutin de l’assemblée de Guyane est aussi organisé selon un principe de prime majoritaire à 20 %. Cette logique permet d’avoir un projet pour l’île, de respecter la pluralité et d’encourager la stabilité sans tuer toute opposition.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je soutiens pleinement ce que vient de dire la rapporteure. Le fait de réduire la prime majoritaire à 20 % offre une plus grande représentativité des territoires, dont les populations sont très différentes.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL426 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Cet amendement a vocation à prendre en compte la situation très spécifique de Mayotte, où plus de la moitié de la population est étrangère. Je propose que, dans le cas où l’écart entre la population et le nombre d’inscrits sur les listes électorales dépasse 60 %, le critère de répartition des sièges soit modifié, tant pour répartir les cinquante-deux sièges que pour répartir les sièges au titre de la prime majoritaire. Selon l’Insee, 74 % des naissances sont le fait de parturientes étrangères. À Mayotte, seulse30 % de la population est inscrite sur les listes électorales ; en France hexagonale, 30 % de la population n’est pas inscrite. L’article 73 nous permet de prendre cette mesure exceptionnelle qui se justifie d’autant plus par les ingérences étrangères à Mayotte. L’instrumentalisation des flux migratoires vise expressément à changer le cours des élections. Nous avons donc l’obligation d’agir pour protéger le vote à Mayotte.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL427, CL428, CL429 et CL430 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Elle adopte l’article 31 modifié.
Article 32 (art. L. 46-1, L. 52-11, L. 52-12, L. 231, L. 280, L. 282, L. 451, L. 543, L. 454 et L 475 du code électoral) : Mise en cohérence de certaines dispositions du code électoral
La commission adopte l’article 32 sans modification.
Article 33 : Modalités d’entrée en vigueur de la réforme électorale
La commission adopte l’article 33 sans modification.
TITRE VI
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 34 : Mesures de mise en cohérence rédactionnelle de certains codes et lois
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL456 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure.
Elle adopte l’article 34 modifié.
Après l’article 34
Amendement CL18 de M. Aurélien Taché
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Les chiffres sont fournis dans l’étude d’impact. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle adopte l’amendement CL27 de M. Jean-Hugues Ratenon. L’article 35 est ainsi rédigé.
Amendement CL30 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Demande de retrait. Nous avons déjà inscrit dans le rapport annexé que le gouvernement devra faire annuellement état de l’avancée du processus de convergence sociale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL285 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). S’il n’est peut-être pas nécessaire de produire un rapport, je crois qu’il faut faire toute la lumière sur la façon dont le centre hospitalier de Mayotte (CHM) est financé. Il reçoit une dotation globale. Le ministre de la santé, s’il était là, vous dirait que l’État ne répugne pas à augmenter son budget en fonction de ses besoins, grâce à l’équivalent des missions d’intérêt général attribuées à d’autres hôpitaux, sauf que cela se fait dans des conditions totalement insatisfaisantes. Par exemple, la précarité de la population n’est pas prise en compte, pas plus que la surcharge liée à l’existence de très nombreux sites. Les actes n’y sont pas côtés, dans la mesure où l’hôpital dispose d’une dotation globale. Il avait été suggéré de se rapprocher d’une tarification à l’activité (T2A), en prenant en compte les précarités particulières, sociales ou économiques, ainsi qu’en matière sanitaire. On sait par exemple que certaines pathologies – le diabète, l’hypertension, les AVC – se manifestent chez les patients dix ou quinze ans plus tôt que dans d’autres territoires. On n’a jamais fait la transparence sur la nature des actes et leur sévérité, ce qui empêche de fixer un budget annuel.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je partage votre souhait d’avoir sous les yeux les budgets analytiques du centre hospitalier de Mayotte. Nous avons interrogé l’ARS (agence régionale de santé) sur les médicaments notamment sans avoir obtenu de réponses à cette heure.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’ARS n’a pas les données !
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Il y a bien un budget de l’hôpital ! Avis défavorable parce que l’amendement ne couvre pas la totalité du champ.
La commission adopte l’amendement. L’article 36 est ainsi rédigé.
Amendement CL329 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je vais présenter en même temps, avec un peu d’avance, les amendements CL329, CL419, CL422 et CL459, qui sont quatre demandes de rapport.
L’amendement CL329 demande au gouvernement de remettre au Parlement un rapport procédant à un état des lieux des transferts de compétences départementales et régionales au département-région de Mayotte.
L’amendement CL419 concerne les entreprises à Mayotte. Le Medef et la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) nous ont fait savoir qu’il était impossible d’y connaître le nombre d’entreprises.
L’amendement CL422 a trait aux modalités d’un retour à la norme concernant le circuit de distribution des médicaments.
L’amendement CL459 sollicite un rapport chiffrant le nombre de logements nécessaires pour loger l’intégralité des fonctionnaires des trois fonctions publiques affectés sur le territoire de Mayotte.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Avis favorable sur les amendements. Il me semble néanmoins que l’amendement CL329 est satisfait par l’adoption de l’amendement CL318.
La commission adopte l’amendement. L’article 37 est ainsi rédigé.
Amendement CL181 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Il s’agit également d’une demande de rapport recensant et évaluant les plans stratégiques existants applicables à Mayotte.
La commission adopte l’amendement. L’article 38 est ainsi rédigé.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle adopte successivement les amendements CL419, CL422 et CL459 de Mme Agnès Firmin Le Bodo. Les articles 39, 40 et 41 sont ainsi rédigés.
Article 15 (précédemment réservé) : Habilitation à légiférer par ordonnance pour la convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte
Amendements CL258 et CL259 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
M. Philippe Naillet (SOC). Ces amendements visent à sortir le plus rapidement possible du régime des ordonnances en faveur d’un alignement des droits sociaux.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Sur le fond, nous nous rejoignons tous : nous n’aimons pas les ordonnances. Cependant, étant donné la situation de la convergence, le gouvernement n’a pas d’autre moyen à sa disposition. Nous avons malgré tout trouvé des voies de passage et inscrit dans le dur l’augmentation du smic notamment. Je crois que le gouvernement proposera en séance une ou deux autres avancées. Cela ne nous exonère pas de lui demander de nous associer à la rédaction de ces ordonnances.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL451 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure.
Amendements identiques CL212 de Mme Estelle Youssouffa, CL25 de M. Jean-Hugues Ratenon, CL176 de Mme Elsa Faucillon, CL225 de Mme Dominique Voynet et CL257 de M. Philippe Naillet
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Mon amendement vise à revenir à la rédaction originelle du 1° afin de ne pas exclure de la convergence sociale le dispositif d’aide médicale de l’État. Lors de nos échanges, il y a quelques semaines, le gouvernement nous a expliqué que cela n’était pas possible parce que la médecine libérale n’était pas assez développée. Je constate tout de même que nous avons adopté une série de mesures destinées à développer la médecine libérale et la santé de manière générale. Si le gouvernement croit à ses propres mesures, il ne peut pas exclure l’aide médicale de l’État du chemin vers le droit commun sur lequel Mayotte est engagée.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer le dispositif introduit au Sénat, afin de permettre l’extension de l’AME à Mayotte, qui ne doit pas être un département d’exception.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). C’est une mesure de bon sens – elle est d’ailleurs demandée par différents groupes. En réalité, soigner les étrangers arrivant à Mayotte, c’est aussi protéger la santé des Mahorais, en empêchant la propagation de certaines maladies qui ne sont plus présentes dans d’autres départements français. On ne peut pas laisser la santé des Mahorais se détériorer pour des questions purement financières. Et je vous épargne le laïus sur les droits humains.
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’instauration de l’aide médicale de l’État doit aussi permettre de faire des économies, en évitant la dégradation de certaines pathologies. Les soins prodigués au CHM seraient alors beaucoup plus coûteux et plus longs, plus pénibles aussi, accessoirement, que s’ils avaient été pris en début de maladie.
M. Philippe Naillet (SOC). Mayotte est le plus grand désert médical de France. En l’absence de l’aide médicale de l’État, c’est le CHM qui paie le prix fort, puisqu’au moins 40 % de son budget sert à soigner les personnes en situation irrégulière.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. J’ai défendu l’AME dans l’Hexagone, lorsqu’il s’est agi de la supprimer pour certains ou de la modifier pour d’autres. Mais je suis contre l’AME à Mayotte, tant que nous n’aurons pas réussi à développer l’accès aux soins hors de l’hôpital. Ce n’est pas une position de principe ; c’est du réalisme face à la situation actuelle. Un travail est en cours sur l’accès à la C2S et à la Puma (protection universelle maladie).
M. Yoann Gillet (RN). Le Rassemblement national est pour la suppression globale de l’AME. Le CHM n’applique pas la T2A mais bénéficie d’une dotation globale de fonctionnement, qui est majorée parce qu’il doit soigner un certain nombre de clandestins. Si l’AME était instaurée à Mayotte, le CHM verrait sa dotation globale de fonctionnement baisser. Il n’aurait donc pas plus de moyens mais toujours autant de migrants.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je ne suis pas convaincue par vos arguments, madame la rapporteure. C’est comme si l’on disait que Mayotte n’a pas les moyens d’éduquer ses enfants, parce qu’il n’y a pas assez de salles de classe ni de professeurs, et que l’on supprimait l’obligation de scolarité. Cela revient à abaisser tous les standards de notre démocratie et de nos services publics. On vient de voter tout un tas de mesures précisément pour dire que l’on allait faire beaucoup mieux. Il faut donc nous donner le droit de faire mieux. Le fait que le Rassemblement national soit contre ces amendements me laisse croire qu’ils sont excellents et que nous devrions tous voter.
M. Ludovic Mendes (EPR). Si je ne dis pas de bêtise, dans le texte originel, l’AME n’était pas exclue. C’est une modification du Sénat. Il y a de vraies particularités à Mayotte. Nous savons que des mamans mahoraises et des mamans comoriennes se sont opposées devant des centres de santé. Ne pourrait-on pas s’accorder autour d’une date, comme nous l’avons fait hier soir sur les titres de séjour territorialisés, notamment pour témoigner de notre bonne foi ? Nous pouvons aussi revenir à la version du gouvernement.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je ne comprends pas pourquoi il n’est pas possible à la fois de travailler sur l’accès aux soins et de mettre en place l’AME. Pourquoi faut-il d’abord travailler sur l’égalité d’accès aux soins ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Monsieur Mendes, le projet de loi ne parlait pas de l’AME.
Tous les habitants de Mayotte ont accès à l’hôpital. On ne laisse personne sur le bord du chemin. Il y a aussi des dispensaires. Ne dites pas que le gouvernement veut laisser prospérer les épidémies. L’AME n’a d’intérêt et d’efficacité que si elle permet aux habitants de Mayotte d’avoir accès à des professionnels de santé, ce qui n’est pas le cas actuellement. On ne balaie pas le sujet d’un revers de main. C’est simplement que ce ne sont ni les vingt-sept pharmacies – même si nous avons décidé d’augmenter leur nombre de façon substantielle – ni les médecins généralistes en place qui permettront l’accès aux soins. L’AME est sans doute un objectif qu’il faut se fixer. Mais il n’est pas possible d’arrêter une date. Je rappelle que la convergence est engagée sur deux dispositifs : l’accès à la C2S et à la Puma.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Madame la rapporteure, vous avez plaidé pour un report de l’activité de dispensation des médicaments opérée par les dispensaires vers les pharmacies. La meilleure façon de viabiliser cette décision, c’est l’AME. Vous avez dit également que nous avions besoin de davantage de professionnels de santé libéraux à Mayotte. Il y a certes très peu de médecins et très peu de spécialistes, localisés pour l’essentiel à Mamoudzou, mais il y a pas mal d’infirmiers libéraux et de sages-femmes libérales. Quand on les écoute, ils plaident tous pour l’aide médicale de l’État, en disant qu’ils sont obligés soit de soigner gratuitement soit de renvoyer des personnes qui vont allonger la queue devant les dispensaires. Que l’on soit pour ou contre la présence des étrangers à Mayotte et les mesures qui permettraient de réguler, c’est une réalité. Des gens font la queue dès 3 heures du matin pour avoir accès à des dispensaires, alors qu’ils pourraient consulter plus près de chez eux des professionnels de santé libéraux. Enfin, l’instauration de l’AME permettrait d’assurer la transparence des financements. L’activité des dispensaires est invisible. Nous avons essayé à plusieurs reprises de facturer les actes qui y sont dispensés ; cela n’a jamais marché, notamment parce qu’il y a énormément de femmes enceintes et d’enfants et que nos engagements internationaux excluent qu’on les refuse. Mettre en œuvre un paiement à l’acte permettrait de savoir ce qui est fait au CHM et dans les dispensaires.
Mme Anchya Bamana (RN). Pas d’AME à Mayotte, pas de développement de la médecine libérale ni de la médecine privée : c’est le serpent qui se mord la queue.
Comme l’a dit notre collègue Mendes, pourquoi ne pas prévoir une réforme d’ensemble ? On parle de l’AME, mais on n’aborde pas le sujet du financement de l’hôpital, qui fait figure d’exception. En effet, l’hôpital de Mayotte n’applique pas la T2A. Je propose que l’on réalise une analyse de l’offre de soins à Mayotte afin de prévoir un échéancier pour tout réformer et converger vers le droit commun.
M. Ludovic Mendes (EPR). L’exclusion de l’AME des prestations sociales pouvant être étendues à Mayotte par le biais de l’habilitation à légiférer par ordonnance résulte bien d’un amendement déposé par la sénatrice Bonfanti-Dossat.
C’est une erreur. Laissons au gouvernement la possibilité de choisir s’il procède à l’extension de l’AME à Mayotte.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL217 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale du projet, afin que le champ de l’ordonnance comprenne des dispositifs fiscaux d’accompagnement des entreprises. C’est impératif pour permettre à nos entreprises, qui sont en grande difficulté, de bénéficier de tous les dispositifs, dont les dispositifs fiscaux.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Les dispositifs fiscaux d’accompagnement sont le corollaire de la hausse des cotisations patronales au titre de la convergence sociale. Les représentants du monde économique que nous avons auditionnés nous ont tous dit qu’ils souhaitaient être accompagnés dans le processus de convergence.
L’amendement CL468, que je présente ensuite, vise le même objectif en proposant que les exonérations prévues par le dispositif Lodeom s’appliquent à Mayotte.
Avis de sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL468 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Les mesures de convergence sociale et la hausse du smic entraîneront une hausse du coût du travail pour les entreprises mahoraises.
Cet amendement prévoit d’étendre à Mayotte les exonérations prévues par la Lodeom et d’y supprimer le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Cette véritable avancée répond à une demande exprimée fortement par les représentants des entreprises, qu’il s’agisse du Medef ou de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises).
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je suis heureuse de constater que le gouvernement estime finalement que la Lodeom est une bonne chose. Elle avait été menacée lors de la discussion du dernier projet de loi de finances et nous avions dû nous battre pour maintenir ces dispositifs.
Puisque l’on prévoit de l’appliquer à Mayotte, j’ai bon espoir qu’elle ne sera pas remise en cause pour les autres territoires d’outre-mer lors du prochain budget.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Madame la rapporteure, vous vous êtes opposée à mon amendement CL312 sur la construction de second centre hospitalier au motif que le sujet était abordé par le rapport annexé. Or les dispositions proposées par votre amendement figurent dans ce même rapport.
M. Philippe Vigier, rapporteur général. Je souhaite souligner l’importance de l’amendement de la rapporteure : il n’y aura plus d’exception ultramarine. Le CICE ne s’appliquait plus qu’à Mayotte. Désormais, les entreprises y bénéficieront immédiatement des exonérations. Nous leur envoyons donc un double signal.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Votre amendement était dépourvu de valeur normative, Madame Voynet. Il en aurait d’ailleurs été de même pour la mesure attendue par tous que je propose si nous nous étions bornés à la faire figurer dans le rapport annexé.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL29 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Amendement CL452 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure. Cet amendement vise à garantir une information et un contrôle parlementaire aussi précis que possibles sur le processus de convergence sociale.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 15 modifié.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 délégués à la commission des affaires économiques, ainsi qu’à l’article 22, délégué à la commission des finances.
TITRE II
LUTTER CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE ET L’HABITAT ILLÉGAL
Chapitre IV
Renforcer la lutte contre l’habitat informel
Article 10 (examen délégué) : Facilitation des opérations de résorption de l’habitat informel
La commission adopte successivement les amendements CL470, CL471, CL473 et CL472 de la commission des affaires économiques.
Elle adopte l’article 10 modifié.
TITRE IV
FAÇONNER L’AVENIR DE MAYOTTE
Chapitre II
Favoriser l’aménagement durable de Mayotte
Article 19 (examen délégué) : Extension des possibilités de prise de possession immédiate de terrains expropriés pour la reconstruction et le développement de Mayotte
La commission adopte l’amendement CL474 de la commission des affaires économiques et l’article 19 est ainsi rédigé.
Article 19 bis (nouveau) (examen délégué) : Assimilation du projet d’agrandissement de l’aéroport de Mayotte à une opération d’aménagement
La commission adopte l’amendement de suppression CL489 de la commission des affaires économiques.
En conséquence, l’article 19 bis est supprimé.
Article 19 ter (nouveau) (examen délégué) : Clôture de la procédure de consultation du public sur le projet de piste longue de l’aéroport de Mayotte
La commission adopte l’amendement de suppression CL490 de la commission des affaires économiques.
En conséquence, l’article 19 ter est supprimé.
Article 20 (examen délégué) : Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété
La commission adopte l’amendement CL475 de la commission des affaires économiques.
Elle adopte l’article 20 modifié.
Article 21 (examen délégué) : Prorogation de l’expérimentation de passation de marchés de type conception‑réalisation pour la construction d’écoles du premier degré et extension de cette expérimentation aux constructions d’établissements du second degré, de résidences universitaires et de résidences affectées à l’enseignement supérieur public
La commission adopte successivement les amendements CL478, CL479, CL480 et CL481 de la commission des affaires économiques.
Elle adopte l’article 21 modifié.
Après l’article 21 (nouveau) (examen délégué) :
La commission adopte l’amendement CL°482 de la commission des affaires économiques. L’article 21 bis A est ainsi rédigé.
Article 21 bis (examen délégué) : Dérogation aux principes de publicité pour la passation des marchés de travaux visant à édifier des constructions temporaires nécessaires à la continuité des services publics de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur
La commission adopte l’article 21 bis non modifié.
Après l’article 21 bis (nouveau) (examen délégué) :
La commission adopte l’amendement CL°483 de la commission des affaires économiques. L’article 21 ter est ainsi rédigé.
Chapitre III
Créer les conditions du développement de Mayotte
Article 22 (examen délégué) : Création d’une zone franche globale
La commission adopte successivement les amendements CL486 et CL487 de la commission des finances.
Elle adopte l’article 22 modifié.
Après l’article 22 (examen délégué) :
La commission adopte l’amendement n°488 de la commission des finances. L’article 22 bis est ainsi rédigé.
Article 23 (examen délégué) : Zonage de la totalité du territoire de Mayotte en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)
La commission adopte l’amendement CL484 de la commission des affaires économiques.
Elle adopte l’article 23 modifié.
Article 24 (examen délégué) : Extension des possibilités de délégation par la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte de ses compétences relatives à la pêche et la conchyliculture
La commission adopte l’article 24 non modifié.
La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
*
* *
II. Examen des articles du projet de loi organique
Lors de sa réunion du jeudi 12 juin 2025, la Commission examine les articles du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département-Région de Mayotte (n° 1471) (Mme Estelle Youssouffa, rapporteure).
Réunion du jeudi 12 juin 2025 à 9 heures
Lien vidéo : https://assnat.fr/o0CUTh
Article 1er (art. L.O 1112-10, L.O 1141 1, L.O. 3445-1, L.O. 3445-9, L.O. 4435-1, L.O. 4435-9, L.O. 1711-2 [abrogé], L.O. 3511-1 [abrogé], L.O. 3511-3 [abrogé], L.O. 4437-2 [abrogé], L.O. 7311-1 à L.O. 7311-9, L.O. 7411-1 à L.O. 7411-9 [nouveaux], L.O. 7312-1 à L.O. 7312-3, L.O. 7412-1 à L.O. 7412-3 [nouveaux], L.O. 7313-1 et L.O. 7413-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Adaptations des dispositions organiques du code général des collectivités territoriales
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 (articles L.O. 141, L.O. 141 1 et L.O. 558-12 du code électoral) : Adaptation du code électoral
La commission adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 (ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Incompatibilité des fonctions de magistrat avec le mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Article 4 (loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Présentation par les conseillers à l’assemblée de Mayotte d’un candidat à l’élection présidentielle
La commission adopte l’article 4 non modifié.
Article 5 : Entrée en vigueur
La commission adopte l’article 5 non modifié.
La commission adopte l’ensemble du projet de loi organique non modifié.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au Département-Région de Mayotte (n° 1471) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Réunion du mercredi 11 juin 2025 à 9 heures 30
La commission des affaires économiques a examiné pour avis, avec délégation au fond, les articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que la commission des lois nous a délégué l’examen au fond des articles 10, 19, 19 bis, 19 ter, 20, 21, 21 bis, 23 et 24 du projet de loi (n° 1470) de programmation pour la refondation de Mayotte. Quinze amendements ayant été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, car ils créaient ou aggravaient une charge publique, et quatre autres au titre de l’article 45, pour absence de lien direct ou indirect avec les dispositions du texte, nous sommes saisis de soixante-dix-huit amendements.
Nous allons nous intéresser notamment aux opérations de reconstruction et de lutte contre l’habitat informel, au projet de réalisation d’un nouvel aéroport plus étendu à Mayotte, aux marchés de construction des écoles et des bâtiments temporaires, aux modalités de reconnaissance de la propriété à Mayotte, au classement de la totalité du territoire mahorais en quartier prioritaire de la politique de la ville, ou encore à l’organisation consulaire applicable à la filière pêche. Bien d’autres sujets cruciaux pour nos compatriotes mahorais, relevant des compétences de notre commission, comme le déploiement d’infrastructures de service public, le développement économique local – notamment de l’agriculture et de la pêche vivrière – ou le logement durable, ont malheureusement été considérés comme étant hors du champ du texte dont nous sommes saisis.
Je le regrette d’autant plus que toutes ces questions avaient été abordées lors du déplacement à Mayotte d’une délégation de notre commission – composée de nos vice‑présidents Jean-Pierre Vigier et Charles Fournier, ainsi que de notre collègue Pascal Lecamp et de moi‑même –, il y a quelques mois. Dans ce département, le niveau de vie médian est sept fois inférieur à celui constaté dans l’Hexagone et 77 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté national. L’accès à l’eau y est encore limité à quelques heures par jour en fin de saison sèche, et beaucoup d’enfants ne vont à l’école que de manière alternée. J’imagine que nous aurons néanmoins l’occasion d’en discuter. D’ailleurs, nous avions tous été marqués par le fait que les Mahorais nous parlaient, après le passage du cyclone Chido, de « construction »… et non de « reconstruction ».
Chapitre IV – Renforcer la lutte contre l’habitat informel
Article 10 : Facilitation des opérations de résorption de l’habitat informel
Amendements de suppression CE13 de Mme Nadège Abomangoli et CE52 de M. Charles Fournier
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Pour faciliter les expulsions et la destruction de l’habitat informel, cet article prévoit de réduire à quinze jours le délai d’évacuation et de démolition et ouvre la possibilité de déroger à l’obligation de proposer un relogement ou un hébergement d’urgence. Nous nous y opposons.
Si la population a déjà reconstruit la quasi-totalité de l’habitat informel, pourtant détruit à 90 % par le cyclone Chido, c’est parce qu’elle n’a pas d’autre choix. En effet, le taux d’occupation du parc d’hébergement d’urgence atteint 130 % – un déficit structurel qui, selon un rapport sénatorial, empêche matériellement le préfet de reloger les personnes à évacuer ou de leur proposer un hébergement d’urgence. Plutôt que de chercher des solutions pour garantir le droit au logement, le Gouvernement propose de passer outre et de laisser les gens à la rue après avoir détruit leur habitat. C’est évidemment inacceptable.
Selon l’Unicef France, la fin du droit inconditionnel à une proposition de relogement dans le cadre de la politique de destruction des habitations précaires signe une augmentation massive du phénomène des enfants à la rue.
M. Charles Fournier (EcoS). La vitesse à laquelle les mal nommés « bangas » se reconstruisent est frappante. Historiquement, en effet, ce terme ne désignait pas des bidonvilles, mais les logements construits par les adolescents dans le périmètre de la propriété familiale.
Cet article renforce le pouvoir de police pour réduire les délais d’expulsion, sans prévoir aucune solution de relogement ni de places en hébergement d’urgence – un droit dont l’inconditionnalité est de moins en moins respectée. Loin de régler le problème, cela ne fera qu’aggraver les tensions en laissant les gens à la rue. Mieux vaudrait un grand plan d’investissement, même s’il prendrait du temps.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à votre amendement, dans la mesure où nous convenons tous que la situation à Mayotte est tout à fait « extra-ordinaire », au sens premier du terme – ça ne date d’ailleurs pas du cyclone Chido : c’est historique. Elle appelle donc des mesures exceptionnelles. Il faut donner au préfet les moyens d’éliminer autant que faire se peut l’habitat insalubre, source de danger pour les occupants eux-mêmes.
M. Charles Fournier (EcoS). Il faut des mesures exceptionnelles, mais elles doivent permettre de reloger les gens, d’accélérer la construction de logements dignes et de renforcer l’accès à l’électricité et à l’eau… pas de raccourcir les délais d’expulsion ! Concrètement, où les gens vont-ils aller ? Cet article relève davantage de la communication que de la solution pratique. Ce n’est pas la bonne réponse.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il faut déployer des mesures exceptionnelles à Mayotte, notamment à la suite du passage de Chido. Mais l’habitat informel préexistait au cyclone et les bangas ont été reconstruits immédiatement après : les supprimer n’est pas une solution pérenne. Il faut reloger les gens.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous n’êtes pas sans savoir qu’à Mayotte se pose aussi la question de la masse. Comme vous l’avez vous-même souligné, les solutions de relogement sont rares et construire suffisamment d’hébergements pour reloger systématiquement les personnes expulsées prendra du temps. On ne peut pas conditionner la résorption de l’habitat insalubre et dangereux à ce critère. Je reste donc très défavorable à la suppression de cet article.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE91 de M. Frantz Gumbs
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. L’article 10 de ce texte prévoyant la création d’un article 11-2 consacré à Mayotte au sein de la loi Letchimy de 2011, l’article 11-1 ne concernerait plus que la Guyane, où il n’existe pas de livre foncier.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE1 de M. Yoann Gillet
M. Hervé de Lépinau (RN). Cet article prévoit que l’habitat informel peut être démoli s’il présente « des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Afin de permettre une action administrative plus rapide et adaptée face à l’habitat informel à Mayotte, cet amendement vise à supprimer la notion de « gravité des risques », qui limite l’efficacité de la mesure alors que le contexte local ne le justifie pas.
À Mayotte, l’urbanisation informelle progresse à un rythme soutenu, dans un environnement déjà marqué par une extrême densité, une forte précarité – plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté – et un habitat très largement insalubre. En 2022, près d’un tiers des logements principaux étaient des habitations de fortune, dont la fragilité structurelle, l’implantation illégale et l’absence de normes élémentaires sont autant de risques permanents pour l’ordre public. Dans ces conditions, exiger que les risques soient graves pour permettre l’intervention de l’autorité administrative crée une entrave injustifiée à l’action publique.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement CE16 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Face à l’urgence humaine, sanitaire et sociale à Mayotte, il semble nécessaire de se doter de tous les moyens juridiques envisageables pour accélérer la reconstruction de l’île. Pour accélérer la procédure de démolition prévue à l’article 10, cet amendement prévoit que l’édifice illégal peut être détruit lorsque la personne l’ayant bâti est en situation irrégulière.
Plus largement, la reconstruction ne pourra se faire qu’après un recensement exhaustif de la population étrangère à Mayotte, afin de « cadrer » les milliards alloués à la refondation. Toute mesure visant à mieux cibler les procédures proposées sur les personnes en situation irrégulière sera donc essentielle pour garantir la meilleure allocation possible de ces moyens. Si nous ne sommes saisis que d’une petite partie du texte – celle portant sur la reconstruction –, celle-ci ne saurait être décorrélée de la problématique démographique, car nous avons besoin de savoir sur quelle jauge travailler – j’ai d’ailleurs interrogé le ministre d’État sur ce sujet hier. La question des irréguliers est donc essentielle.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La nouvelle faculté confiée aux préfets par le texte se justifie d’abord par les risques graves que l’habitat informel fait peser sur la salubrité et la sécurité publiques. Il ne me semble donc pas pertinent de l’étendre à d’autres conditions. Avis défavorable…
M. Hervé de Lépinau (RN). Alors, nous sommes condamnés à « tourner autour du pot » pour des années encore ! Des nombreuses mesures du plan présenté par M. Manuel Valls il y a dix ans, alors qu’il était Premier ministre, quasiment aucune n’a été appliquée. Tant que la submersion migratoire continue, toute mesure est déjà obsolète au moment où elle peut enfin être appliquée, faute d’être calibrée par rapport au nombre d’habitants.
Pour la reconstruction, il faudra donc impérativement distinguer les Mahorais et les étrangers en situation régulière des irréguliers, lesquels ne pourront plus rester sur l’île. La mesure que je propose est un outil supplémentaire à la main du préfet pour commencer à organiser le retour des irréguliers vers leur pays d’origine.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE17 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Pour les mêmes raisons que précédemment, cet amendement prévoit la démolition sans délai de toute construction illégale bâtie par une personne en situation irrégulière.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. « Sans délai » signifie sous vingt‑quatre heures. Vous ne donnez strictement aucune chance aux gens pour se retourner et trouver une autre solution. Cette proposition me semble disproportionnée, ne serait-ce que parce qu’il faut garantir le droit de recours. J’y suis donc tout à fait défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). De votre propre aveu, l’habitat irrégulier représente un danger pour les populations qui y vivent. Pourtant, vous considérez qu’avant de le démolir, il faut construire du neuf pour reloger ceux qui seront expulsés. Si on suit cette logique, la reconstruction de Mayotte ne se fera jamais, faute de foncier disponible. Comme nous l’avons vu, la question du cadastre est essentielle pour déterminer ce qui appartient au domaine public ou privé de l’État, et ce qui appartient aux particuliers. Votre position constitue un obstacle au traitement de la question de l’habitat insalubre sur l’île.
M. Charles Fournier (EcoS). Sur ce texte, il y aura régulièrement des oppositions fortes à votre logique. Vous proposez de faire un tri, car vous considérez que les bangas n’abritent que des étrangers en situation irrégulière. Mais c’est faux : beaucoup de personnes en situation régulière y vivent aussi. Pour notre part, nous nous inscrivons dans une logique humaniste et solidaire et considérons que la mise à l’abri des personnes vivant dans des logements insalubres et dangereux est un droit inconditionnel, quel que soit leur statut.
Je rappelle que Mayotte est déjà soumise à un droit exceptionnel : le titre de séjour qui y est délivré est le seul qui ne permette pas de circuler librement dans tout le territoire français. Peut-être faudrait-il réfléchir à une évolution du dispositif, car si ce titre n’était pas restreint à Mayotte, cela réduirait peut-être la concentration actuelle sur l’île, où les moyens sont totalement inadaptés à l’importance de la population.
Je suis donc en profond désaccord avec la logique qui sous-tend cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE71 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Le texte ne définissant pas le niveau des moyens qui seront alloués à l’hébergement d’urgence, cet amendement tend à préciser qu’il doit être pleinement adapté aux besoins et à la situation des familles.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Votre préoccupation est parfaitement légitime : il est très humain de vouloir s’assurer que l’hébergement d’urgence soit adapté aux besoins et à la situation familiale des personnes expulsées de leur habitat informel.
Toutefois, compte tenu du sous-dimensionnement du parc au regard des besoins de relogement dans l’archipel, cette condition restreindrait encore la possibilité, pour le représentant de l’État, d’ordonner l’évacuation et la démolition de l’habitat informel, alors même que l’article vise à assouplir les conditions d’expulsion pour refonder Mayotte.
Reste que, si votre formulation, un peu vague, mériterait d’être précisée – notamment sur le périmètre de la cellule familiale –, je suis sensible à l’esprit de votre proposition. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Hervé de Lépinau (RN). J’ai bien précisé, monsieur Fournier, qu’il fallait distinguer, d’une part, Mahorais et étrangers en situation régulière, et, d’autre part, personnes en situation irrégulière. Pour reconstruire Mayotte, il faudra bien que l’on fixe un droit du sol. Vous savez très bien que nos compatriotes mahorais ne supportent plus l’iniquité actuelle.
La gauche propose de reconstruire pour tout le monde sans distinction. Or, il y a aujourd’hui, à Mayotte, environ trois cent mille Mahorais et étrangers en situation régulière, chiffre qui monte à cinq cent mille si l’on inclut les irréguliers. La différence est importante et consacrer 4 milliards d’euros à trois cent mille personnes, ce n’est pas la même chose que les consacrer à un demi-million.
Mme Maud Petit (Dem). La demande de notre collègue Fournier est effectivement légitime et humaine mais, compte tenu du parc actuel, limité, et de l’urgence de la situation, je ne vois pas comment on pourrait l’appliquer concrètement. Cet amendement ne réglera rien : l’adopter permet juste de se donner bonne conscience. Pour ma part, je m’abstiendrai.
M. Charles Fournier (EcoS). Vous proposez d’expulser sans dire comment l’hébergement d’urgence sera organisé : ce n’est pas mieux ! Je ne parle pas de relogement durable, mais bien d’hébergement d’urgence. Où iront les gens quand les bangas seront détruits ? C’est une question concrète à laquelle il faut répondre. J’ai simplement proposé de définir des règles, en précisant que l’hébergement doit être adapté. Par exemple, un gymnase n’est pas un hébergement adapté si on doit y passer des mois et des mois. J’ai hébergé dans ma permanence des enfants qui étaient à la rue : ce n’était pas adapté, même si, faute d’hébergement d’urgence, c’était la seule solution.
Monsieur de Lépinau, on est en train de dire qu’il faut faire un recensement ; mais, par un fait extraordinaire, vous, vous savez combien de personnes sont en situation irrégulière. Finalement, ce recensement n’est peut-être pas utile : il suffit de vous écouter ! En réalité, on ne sait rien et le droit à un hébergement d’urgence est inconditionnel, quels que soient le statut et la situation des personnes.
M. Max Mathiasin (LIOT). Je soutiens totalement notre collègue Fournier.
Ce n’est pas parce que nous n’avons pas les moyens de reloger tous ceux qui doivent l’être qu’il ne faut pas préciser ce qui ne relève que de notre conception du droit, et plus particulièrement du droit à un hébergement décent – du droit de pouvoir se nourrir, aussi : aujourd’hui, en Israël, des gens sont privés de repas et la France reste silencieuse. Nous nous habituons trop à l’inhumain et à toutes les situations qui ne respectent pas le droit. Il faut absolument préciser les conditions d’hébergement, même si on ne peut pas les respecter.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je comprends votre préoccupation, monsieur Fournier et suis bien conscient du problème : quand on doit reloger une mère ou un couple avec trois enfants en bas âge, on ne peut pas ne pas en tenir compte. Seulement, il me semble que votre amendement gagnerait à être mieux défini et que vous pourriez le retravailler d’ici l’examen en séance. D’où mon avis de sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE15 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Le nouveau délai d’évacuation est très contraignant et contraire aux droits des personnes qui se retrouvent à la rue, possiblement sans solution de relogement compte tenu des dispositions de l’article. Cet amendement vise donc à revenir au délai d’un mois pour évacuer les lieux. C’est un minimum.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Le délai de quinze jours me semble suffisant et raisonnable, d’autant que le texte précise que c’est un délai minimal. Tout l’objet du projet de loi est d’accélérer les procédures autant que faire se peut, sans tomber dans l’excès, pour pallier une situation exceptionnelle. Avis défavorable.
M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur Fournier, je n’invente rien : c’est le préfet lui-même qui nous a fourni ces estimations – vous étiez d’ailleurs présent. On estime que Mayotte accueille aujourd’hui environ un demi-million de personnes.
Par ailleurs, il faut distinguer entre problématique du droit du sol et gestion du mal-logement des personnes en situation irrégulière, laquelle relève du droit humanitaire. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) viendra en renfort de l’État français pour permettre à ces populations d’avoir une vie décente dans l’attente de l’organisation de leur expulsion vers le pays d’origine. Voilà comment les choses doivent se passer. Il me semble que c’est ce que demande la population mahoraise.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE92, CE94 et CE93 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Amendements CE18 et CE19 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune)
M. Hervé de Lépinau (RN). L’amendement CE18 prévoit que, « lorsque les occupants ne peuvent justifier d’une présence régulière sur le territoire français, l’acte d’évacuation peut intervenir sans délai, dans des conditions fixées par décret. ». L’amendement CE19, de repli, prévoit un délai de vingt-quatre heures.
Encore une fois, nous ne serons pas en mesure d’engager sérieusement la reconstruction de Mayotte tant que nous n’aurons pas recensé sa population. Comme je l’ai déjà dit, reconstruire des infrastructures et l’habitat pour trois cent mille personnes, ce n’est pas pareil que de le faire pour cinq cent mille personnes.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cette mesure est excessive et totalement disproportionnée. J’y suis très défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous sommes d’accord sur un point : il faut recenser la population pour calibrer les moyens qui seront mobilisés. D’ailleurs, où en est-on du recensement ? Y a-t-il les ressources humaines nécessaires pour s’en charger ? Dans quelles conditions sera-t-il réalisé ? Tous ces points ne semblaient pas très clairs lorsque nous nous sommes rendus à Mayotte.
En revanche, je suis beaucoup moins d’accord pour faire de ce projet de loi une expérimentation pour aller toujours plus loin dans les restrictions à l’égard des étrangers – je sens, monsieur de Lépinau, que ce sera l’objet de tous vos amendements.
Je le répète, Mayotte est déjà soumise à un droit exceptionnel, puisque le titre de séjour est uniquement mahorais : il n’est valable que sur l’île et ne permet pas de se déplacer ailleurs sur le territoire. Je pense que nous devrions supprimer cette spécificité : toute personne qui est légalement présente à Mayotte devrait pouvoir circuler n’importe où dans notre pays. Sinon, cela signifie qu’on ne considère pas Mayotte comme un département français.
M. Hervé de Lépinau (RN). Sans faire de l’archéologie législative, il me semble que le statut particulier de Mayotte est lié à sa situation géographique et à son insularité – la Corse bénéficie de dispositions propres pour cette même raison.
Tout à l’heure, j’ai entendu dire que l’habitat insalubre posait un problème pour la sécurité des personnes qui y vivent. Que les choses soient bien claires : généralement, quand des gens sont en danger dans leur habitat en raison du risque d’effondrement ou de la présence de tôles métalliques – on sait qu’il y a eu beaucoup de morts liées à des surinfections à la suite de blessures –, on prend sans délai des mesures pour les protéger. Je ne comprends pas vos objections.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). En tant que réunionnaise, je confirme que n’importe qui arrivant à la Réunion peut y circuler, en partir et y revenir. Je ne vois pas pourquoi Mayotte aurait un traitement différent, à moins de considérer que les Mahorais ne sont pas des Français. Le problème vient de ce titre de séjour territorialisé.
Quel que soit le délai d’expulsion, quinze jours ou vingt-quatre heures, les gens reviendront et rebâtiront l’habitat informel. Ce n’est donc pas une solution : on expulse… et après ? Que fait-on de ceux qu’on a expulsés ? Voilà ce à quoi nous devons réfléchir. Nous, nous proposons de les reloger, parce que cela relève des droits humains.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Selon les informations dont je dispose, le recensement exhaustif de la population à Mayotte devrait intervenir dans les six mois suivant la promulgation de ce texte.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE95 de M. Frantz Gumbs
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale en réintroduisant le caractère suspensif pour les recours en référé-suspension et en référé-mesures utiles, supprimé par le Sénat, qui ne l’avait retenu que pour le référé-liberté.
Si cette limitation ne devrait pas, à elle seule, entraîner l’inconstitutionnalité de la mesure, son opportunité peut être questionnée.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CE14 de M. Jean-Hugues Ratenon et CE42 de M. Philippe Naillet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 12, qui permet de déroger à l’obligation de proposer un relogement ou un hébergement d’urgence. Au prétexte que les personnes concernées sont entrées illégalement sur le territoire, il serait possible de les contraindre à partir sans les reloger, ni s’interroger sur leurs perspectives. La dérogation est donc un blanc-seing accordé au préfet, qui pourra mettre les gens à la rue sans se soucier de garantir leur droit au logement, pourtant protégé par la Constitution. De plus, avec une telle disposition, les pouvoirs publics ne seront plus incités à mener une politique du logement et de résorption de l’habitat insalubre.
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement vise à supprimer la disposition qui permet de déroger, jusqu’en 2034, à l’obligation de proposer un relogement ou un hébergement d’urgence aux occupants délogés. Une telle dérogation, même temporaire, suscite de très sérieuses réserves tant sur le plan juridique que sur celui des droits fondamentaux. Elle risque d’entraîner un accroissement du « sans-abrisme », une dégradation des conditions de vie et un éloignement des dispositifs de prise en charge sociale et sanitaire. Elle pourrait également se révéler contre-productive en matière de maintien de l’ordre, puisqu’en favorisant des expulsions sans solution, elle risque d’alimenter les tensions sociales et de provoquer des troubles à l’ordre public local.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’alinéa 12, introduit par la commission des affaires économiques du Sénat, prévoit une mesure d’exception qui, circonscrite dans le temps et conditionnée à la prise en compte des circonstances locales, permet au préfet de déroger à l'obligation d’annexer à l’arrêté d’évacuation et de démolition une proposition de relogement ou d’hébergement d'urgence. Cette possibilité est limitée à une durée de dix ans à compter du passage du cyclone Chido, c’est-à-dire jusqu’au 13 décembre 2034.
Si le parc d’hébergements financé par l’État se développe et se diversifie, les services de l’État estiment qu’il reste encore sous-dimensionné et que l’obligation de relogement contraindrait trop fortement le préfet. En supprimant cet alinéa, vous limitez l’efficacité des mesures d’évacuation et de démolition des habitats informels. C’est pourquoi j’y suis défavorable.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je souhaite défendre l’alinéa 12, qui s’inscrit dans un principe de réalité. À Mayotte, 80 % des bâtiments publics ou privés, ont été détruits ou se retrouvent privés de toit. Tant que la reconstruction ne sera pas achevée – ce qui explique le délai de dix ans –, les services publics seront dans l’incapacité de reloger qui que ce soit. J’ajoute qu’en raison des destructions et de la déforestation dues au passage du cyclone, ainsi que de l’inertie des services publics, les bidonvilles ont non seulement été reconstruits, mais leur nombre s’est accru, accentuant l’occupation illégale de terrains privés. Cette situation est scandaleuse.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ne nous leurrons pas : la disposition prévue à l’alinéa 12 résulte de l’inaction des pouvoirs publics et des politiques en matière migratoire depuis trente ans. Lorsque nous proposons de réguler l’immigration, vous hurlez que ce n’est pas possible. Pourtant, nous subissons désormais, sur le territoire national, les conséquences d’une immigration non régulée, que nous payons très cher sur le plan juridique ; il nous faut sortir du cadre traditionnel pour prendre des mesures exceptionnelles et dérogatoires qui, je vous l’accorde, ne sont pas satisfaisantes sur le plan humanitaire. Toutefois, nous n’avons pas le choix.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous avez peut-être raison, mais nous n’allons pas refaire l’histoire.
La commission rejette les amendements.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.
Après l’article 10
Amendement CE2 de M. Yoann Gillet
M. Hervé de Lépinau (RN). Mayotte est confrontée à une explosion de l’habitat illégal et à une pression migratoire sans précédent. Près de 48 % de la population est étrangère, dont une majorité est en situation irrégulière. Cette situation alimente une crise grave du logement et une saturation des dispositifs sociaux. Alors que l’État investit dans la résorption de l’habitat informel, il est essentiel de garantir que ces logements profiteront en priorité aux Français et aux étrangers en situation régulière depuis longtemps. C’est une question de justice sociale et de cohésion nationale.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui restreint l’accès aux logements sociaux aux citoyens français et aux étrangers en situation régulière depuis plus de cinq ans. Cette dernière condition de durée me semble d’ailleurs exagérée, s’agissant de personnes en situation régulière.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE44 de M. Philippe Naillet
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à élargir le cadre d’urgence afin de faciliter les opérations d’aménagement définies par le code de l’urbanisme et de reconnaître l’intérêt public majeur des projets de résorption de l’habitat insalubre.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Ce débat a déjà été tranché lors de l’examen de l’article 4 de la loi d’urgence pour Mayotte qui prévoit que les constructions démontables et temporaires, implantées à Mayotte à compter du 14 décembre 2024 et jusqu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la promulgation de la loi d’urgence, peuvent déroger aux dispositions du plan local d’urbanisme. C’est pourquoi je vous invite plutôt à retirer votre amendement.
M. Karim Benbrahim (SOC). Je le maintiens car il permet au préfet d’apporter des aides supplémentaires qui ne sont pas inscrites dans l’article 4 de la loi d’urgence, auquel vous faites référence.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Article 19 : Extension des possibilités de prise de possession immédiate de terrains expropriés pour la reconstruction et le développement de Mayotte
Amendements de suppression CE4 de M. Jean-Hugues Ratenon, CE36 de Mme Estelle Youssouffa et CE39 de Mme Dominique Voynet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’article 19, qui facilite les expropriations. L’article 10 du projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui prévoyait déjà des dispositions en ce sens, avait dû être retiré face aux nombreuses critiques. Ce sujet revient sur la table, alors que la population et les élus locaux y sont totalement opposés. De plus, cela va à l’encontre des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), qui protègent le droit de propriété, doté d’une valeur constitutionnelle.
Le collectif Urgence Mayotte rejette catégoriquement cet article et explique qu’il est peut-être la « pierre angulaire de toute cette construction d’une loi-programme qui ne présente aucune garantie de réalisation quant aux infrastructures réclamées par la société mahoraise ». Le conseil départemental de Mayotte demande également la suppression pure et simple de l’article.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’article 19 suscite l’opposition unanime des élus, de la société civile, des acteurs économiques et des syndicats de Mayotte. La population dans son ensemble est vent debout contre cette facilité accordée à l’État de procéder à des expropriations de manière dérogatoire. Il pourra ainsi prendre possession des parcelles de manière anticipée, sans même verser au préalable la moindre indemnité. Car c’est bien ce dont il s’agit : s’attaquer à un droit inscrit dans la DDHC depuis 1789 et ouvrir à Mayotte une dérogation, dans une situation de désordre foncier connue et sur laquelle l’État refuse d’agir. On me répondra que le montant de l’indemnisation sera provisionné par l’État, en attendant d’identifier le propriétaire. Néanmoins, le problème de Mayotte n’est pas tant l’absence de propriétaires que leur trop grand nombre. Ces parcelles ont aussi des occupants, à qui l’État demandera de « dégager » pour s’approprier les terres. Nous sommes totalement opposés à une telle spoliation.
M. Charles Fournier (EcoS). Mon argumentaire va dans le même sens. J’ai l’impression que nous « rejouons le match » du projet de loi d’urgence et que nous ne nous projetons pas plus loin. Si le recensement avait eu lieu, nous pourrions calibrer les moyens nécessaires dans le cadre de la loi de programmation. Or nous en sommes encore à débattre d’un régime d’exception qui permettra, si cette disposition est adoptée, d’élargir de manière excessive la prise de possession anticipée des terres à Mayotte. Ce n’était pas l’esprit du texte et je le regrette. Nous devrions plutôt parler du développement de l’archipel et des moyens de passer d’une économie informelle à une économie organisée. C’est pourquoi nous nous opposons très fermement à cet article.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’article 19 me paraît relativement bien bordé. Avant toute prise de possession anticipée d’un bien, la phase administrative donne lieu à une enquête publique, pour présenter le caractère d’utilité publique du projet, et à l’ouverture d’une enquête parcellaire, afin de préciser les terrains concernés et d’identifier et de prévenir les propriétaires.
Cette prise de possession ne se justifie qu’en cas de difficulté manifeste à disposer du terrain à exproprier et si cette difficulté remet en cause le projet lui-même : par exemple, l’installation de bangas sur un terrain faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP) peut ralentir le projet de plusieurs années. Ces conditions font l’objet d’un contrôle strict du Conseil d’État qui doit donner un avis conforme au projet de décret – le dossier à lui présenter est d’ailleurs particulièrement lourd.
La disposition prévue permettrait donc de gagner plusieurs mois de procédure, notamment en cas de refus du ou des propriétaires ou lorsqu’il est impossible de les identifier dans un délai de six à douze mois. En attendant, les sommes correspondant au coût du terrain seront consignées.
Certes, on peut légitimement s’interroger sur l’élargissement du champ de la procédure de prise de possession anticipée ; néanmoins, cela ne justifie pas de supprimer purement et simplement l’article.
Ne minimisons pas non plus le rôle de l’établissement public qui a été créé et dont le conseil d’administration associera, en nombre égal, des représentants des collectivités territoriales de Mayotte et des représentants de l’État. Je ne vois donc pas comment l’État pourrait laisser libre cours à toutes ses envies d’expropriation, compte tenu de cette instance qui est partie prenante dans l’ensemble des opérations de reconstruction et de refondation pour Mayotte.
Pour toutes ces raisons, je suis opposé à la suppression de l’article 19, d’autant que nous examinerons des amendements susceptibles de présenter d’autres solutions intéressantes.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous mettons la charrue avant les bœufs. Lorsque j’étais à Mayotte, j’ai rencontré des syndicats qui proposaient de créer, sur le modèle de la commission de révision de l’état civil, une commission de révision du foncier. Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi au prétexte que la situation est exceptionnelle et laisser l’État exproprier des terres sans même savoir à qui elles appartiennent ni quelle est leur superficie exacte. Il vaut mieux réaliser au préalable un état cadastral, avant d’exproprier et d’indemniser. Et il n’y a pas de raison que Mayotte fasse encore l’objet d’une exception sur ce point ; les Mahorais en ont assez des régimes dérogatoires !.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ce texte a le mérite de mettre en exergue les carences des gouvernements successifs dans la gestion de Mayotte. Nous l’avons constaté en matière migratoire, puisque des obstacles structurels, liés à la présence d’illégaux, seront de nature à retarder la reconstruction. Force est de constater que le cadastre, dont l’élaboration était prévue dans le cadre de la départementalisation, n’a pas été réalisé – même si cet outil n’apporte pas la preuve formelle du droit de propriété, mais constitue un indice pour déterminer l’assiette fiscale du bien. Maintenant que l’habitat a été détruit sur l’île – j’ai vu, comme vous, les images : on dirait qu’une bombe nucléaire y a explosé –, il faut construire rapidement, sans savoir forcément à qui appartient telle ou telle parcelle. Il y a là une difficulté de fond.
Mme Maud Petit (Dem). À titre personnel, ce sujet me pose un problème éthique. On cherche à appliquer à Mayotte un régime qui fonctionne très bien dans l’Hexagone, parce que les choses y sont cadrées, qu’un cadastre y existe depuis longtemps et qu’il n’y a pas de désordre foncier. À Mayotte, en revanche, l’exceptionnel fait figure de droit commun. Tant que nous n’apporterons pas de garanties aux Mahorais quant à une indemnisation effective et juste, ils continueront de s’opposer à cette disposition. J’ai posé hier la question au ministre d’État, qui s’est un peu énervé et n’a pas répondu. Pouvez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, y répondre clairement pour rassurer la population ?
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Le désordre foncier à Mayotte résulte non seulement de l’incendie des archives, de l’absence de cadastre et du manque de moyens humains attribués par l’État aux diverses commissions de régularisation du foncier, mais aussi du problème migratoire. En raison des bidonvilles, nous constatons une occupation illégale de terres qui ont des propriétaires, avec des personnes qui s’en revendiquent elles-mêmes propriétaires. Par ailleurs, les dispositions françaises en matière d’expropriation s’appliquent déjà à Mayotte ; l’État peut tout à fait utiliser les lois existantes pour déployer ses projets. Le problème, c’est que l’État n’a quasiment pas de terrains à Mayotte et qu’avant même le passage de Chido, il avait déjà introduit, dans le premier projet de loi présenté à l’époque par le ministre Lecornu, une mesure dérogatoire visant à exproprier les Mahorais. J’espère donc que la représentation nationale portera de nouveau la voix des Mahoraises et des Mahorais contre ce régime d’exception voulu par l’État.
M. Charles Fournier (EcoS). Dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, la disposition prévue à l’article 19 serait applicable pour certains ouvrages, tels que les réseaux publics d’eau (à l’exception des retenues collinaires), les établissements pénitentiaires (ce qui fait débat) ou encore les établissements liés à la sécurité intérieure (alors que l’armée dispose d’un foncier important à Mayotte). En revanche, l’école ou les réseaux de transport n’y figurent pas. Il y a donc un vrai problème de fond dans la rédaction de l’article, qui justifie nos amendements de repli ultérieurs. Le texte prévoit une règle d’exception qui n’a pas lieu d’être et à laquelle tous les acteurs locaux sont opposés. Je ne comprends donc pas pourquoi il faudrait maintenir l’article.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je comprends la crainte des Mahorais et leur opposition à la disposition. Toutefois, objectivement, le texte comporte des garanties juridiques de nature à les rassurer et je ne vois pas comment l’État pourrait s’approprier librement des terrains, à titre gratuit. Certes, dans le passé, des parcelles ont pu être utilisées par l’État sans que les propriétaires aient été correctement indemnisés – voire pas indemnisés, s’ils étaient mal identifiés ou dans le cas d’une indivision. Néanmoins, dans le cas présent, il est prévu de consigner les sommes.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE37 de Mme Estelle Youssouffa
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Cet amendement de repli a pour but de ne pas autoriser l’établissement public à recourir à la procédure d’expropriation dérogatoire pour toutes les opérations de reconstruction dont il aura la responsabilité et d’en restreindre le champ d’application.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous proposez de réserver la procédure de prise de possession anticipée aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, restreignant fortement la portée de l’article 19, qui vise aussi d’autres infrastructures pourtant indispensables à Mayotte : les ouvrages et installations des réseaux d’eau (qui comprennent d’ailleurs les retenues collinaires, contrairement à ce qu’a dit monsieur Fournier), la production et la distribution d’électricité ou encore les établissements de santé, qui sont très importants pour le développement de l’île. J’émets un avis défavorable sur votre amendement, qui restreint trop fortement le champ d’application de l’article.
La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article ainsi rédigé.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Après l’article 19
Amendements CE50 et CE49 de M. Philippe Naillet (discussion commune)
M. Karim Benbrahim (SOC). Ces amendements posent la question de la construction d’un nouvel aéroport à Bouyouni, site considéré comme le « grenier » de Mayotte. La construction d’un aéroport sur ce territoire entraînerait une destruction importante de terres agricoles, fragilisant un secteur déjà confronté à des difficultés croissantes, et compromettrait durablement l’autonomie alimentaire de l’île. Depuis de nombreuses années, un projet d’allongement de la piste de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi était évoqué, mais il semble désormais écarté. Ce revirement majeur a été opéré sans que les élus et la population bénéficient d’une information claire et complète. Dans ce contexte, il paraît urgent de réunir à nouveau le comité de pilotage, qui rassemble les élus, les acteurs socio-économiques et les institutions majeures de Mayotte, pour que la transparence soit faite sur cette décision et que tous les éléments soient portés à la connaissance des membres du comité.
L’amendement CE50 vise à réunir, dans un délai de trois mois, le comité de pilotage local du projet de piste longue à Mayotte. L’amendement CE49 demande la remise au Parlement d’un rapport du comité de pilotage, faisant état de l’avancement du projet de desserte aérienne de Mayotte et des différentes options étudiées, notamment le prolongement de la piste à Dzaoudzi-Pamandzi et la création d’un nouvel aéroport à Bouyouni, afin d’en mesurer les impacts techniques, environnementaux, agricoles et fonciers.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Un consensus se dégage sur la nécessité absolue de construire un aéroport à Bouyouni. Cependant, il faut que les Mahorais, qui l’ont attendu pendant longtemps, soient pleinement consultés et informés. S’il est correctement expliqué et si le scénario retenu est bien argumenté, ils soutiendront le projet. À ce titre, la consultation prévue par l’article 19 ter doit permettre d’informer le public et de le consulter. Les élus devront également être associés aux réflexions et le comité de pilotage, qui a d’ailleurs été convoqué récemment, doit jouer pleinement son rôle.
Par ailleurs, le rapport demandé est redondant avec la mise à disposition du dossier du projet d’aéroport, prévu à l’article 19 ter. Et le délai de trois mois pour réaliser ce rapport me paraît beaucoup trop court. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE11 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Par cet amendement nous suggérons l’enfouissement des câbles aériens présents sur l’île de Mayotte. La France est en retard en la matière par rapport à ses pays voisins : alors qu’en Allemagne 70 % du réseau électrique sont enterrés et qu’au Royaume-Uni le taux est de 63 %, il atteint à peine 50 % en France. Le cyclone Chido, dont les vents ont dépassé les 200 kilomètres par heure, a arraché les câbles aériens et privé le territoire mahorais d’électricité. À l’heure où il est question de reconstruction, il est donc de bon sens de prévoir l’enfouissement du réseau électrique.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’enfouissement semble à première vue une mesure de bon sens – après le passage de l’ouragan Irma en 2017, Saint-Martin a ainsi décidé d’enfouir tout le réseau électrique.
Toutefois, à Mayotte et, dans une certaine mesure, à La Réunion, l’enfouissement de l’intégralité du réseau serait difficile et contre-productif, au vu de la topographie. Avis défavorable.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous pourrions prévoir un enfouissement partiel, là où c’est possible, puisque ces îles subissent régulièrement des cyclones.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il faudrait effectivement enfouir les câbles lorsque c’est possible. Vous pourrez reformuler votre amendement pour la séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Article 19 bis : Assimilation du projet d’agrandissement de l’aéroport de Mayotte à une opération d’aménagement
Amendements de suppression CE3 de Mme Nadège Abomangoli, CE51 de M. Philippe Naillet et CE81 de Mme Dominique Voynet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet article vise à accélérer les procédures de déclaration d’utilité publique pour la construction de la piste longue de l’aéroport de Mayotte, donc à faciliter les expropriations. En attentant aux droits des propriétaires et en dépossédant les Mahorais de leur terre, il risque de provoquer de nombreuses mises à l’abri. Nous souhaitons donc le supprimer.
Le collectif Urgence Mayotte explique, par ailleurs, que la piste longue est attendue depuis des années par la population mahoraise, mais que sa construction a été constamment repoussée.
M. Karim Benbrahim (SOC). Au vu du manque de transparence sur le choix des solutions techniques visant à permettre à l’île de disposer d’une piste longue, nous proposons de supprimer l’article.
M. Charles Fournier (EcoS). L’article vise à assimiler la création de la piste longue à une simple « opération d’aménagement », alors que, localement, les avis sur ce projet sont partagés, notamment parce qu’il s’implanterait sur le « grenier » de l’île.
Ce choix pose des questions majeures de transparence. Les élus et la population doivent y être associés. Or cet article, introduit au Sénat par voie d’amendement gouvernemental, prévoit une mesure d’exception pour exproprier les habitants sans prendre en considération l’ensemble des points de vue. Nous demandons sa suppression.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Les Mahorais attendent depuis quinze ans un nouvel aéroport. L’apparition d’un volcan en activité au large de Petite-Terre a obligé à changer de site. Même si la crainte que vous exprimez pour ce « grenier » de Mayotte est fondée, les auditions m’ont convaincu que la suppression de cet article nous ferait perdre beaucoup de temps. L’article permettra de répondre à une attente qui ne dure que depuis trop longtemps.
Si l’opération fait disparaître de nombreuses terres agricoles, il faudra prévoir une compensation.
M. Charles Fournier (EcoS). Le sort du premier projet d’aéroport, abandonné à cause des risques sismiques, devrait nous inviter à la prudence et au respect des procédures.
Cet article permettrait de se passer d’étude d’impact, alors qu’il faut respecter les procédures pour s’assurer que le projet ira à son terme. C’est bien cela que les Mahorais attendent, pas autre chose ! Si une nouvelle difficulté se présentait, en voulant accélérer, vous mettriez de nouveau Mayotte en difficulté.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE29 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il faut protéger de manière explicite les terres agricoles essentielles à la production vivrière locale de l’expropriation liée à la construction d’infrastructures, y compris la piste longue de l’aéroport.
La population locale est extrêmement divisée sur l’emplacement de l’aéroport, certains craignant l’expropriation et la perte de cultures dans une zone produisant une quantité importante de bananes, légumes et fruits pour tout l’archipel.
L’interdiction d’exproprier des terres vitales pour la subsistance des populations locales, sauf cas exceptionnels de sécurité publique, renforcerait la protection des droits fondamentaux et contribuerait à la résilience du territoire face aux crises, notamment celles qui sont liées au changement climatique.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Votre préoccupation pour la souveraineté alimentaire des territoires est louable. Toutefois, les Mahorais attendent depuis trop longtemps cet aéroport. Des études sérieuses de la direction générale de l’aviation civile ont déjà permis d’évaluer son impact, notamment environnemental.
Certes, la perte de terrains agricoles reste une préoccupation et il faudra la compenser. Avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). Alors que la question de la souveraineté alimentaire et du foncier disponible pour l’agriculture est cruciale, le présent texte n’y répond pas. Pourtant, sur le terrain, les filières commencent à se structurer.
La protection de la biodiversité est également un enjeu, d’autant que la biodiversité a reculé sur cette île. Ces questions ne sont pas secondaires, mais absolument déterminantes, y compris pour les activités économiques – elles le sont autant que l’aéroport.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Vous voulez entériner un projet de piste longue sur Grande-Terre, alors que Petite-Terre est déjà équipée d’un aéroport et que le débat n’est pas tranché.
En avril, le conseil départemental de Mayotte s’est prononcé contre l’implantation de la piste longue à Grande-Terre, parce que la population préférerait le site de Petite-Terre.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. À mon avis, le débat est tranché. Selon les études techniques, dans dix ou quinze ans, l’aéroport de Petite-Terre risque de ne plus être exploitable, compte tenu de la formation d’un volcan à une quarantaine de kilomètres et de la hausse du niveau des eaux, liée au réchauffement climatique.
Il faudrait investir 6 milliards d’euros pour perpétuer son exploitation, alors que la construction d’une piste longue à Grande-Terre ne coûterait que 1,2 milliard d’euros.
Les Mahorais ne s’opposent pas au déplacement de l’aéroport à Grande-Terre, même s’il faut trouver une solution pour les terres agricoles.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 19 bis.
Article 19 ter : Clôture de la procédure de consultation du public sur le projet de piste longue de l’aéroport de Mayotte
Amendements de suppression CE6 de Mme Sandrine Nosbé, CE41 de M. Philippe Naillet et CE82 de Mme Dominique Voynet
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Cet article vise à accélérer la procédure de consultation du public pour la piste longue de l’aéroport de Mayotte, au mépris de la population mahoraise.
Contrairement à ce que le rapporteur indique, la localisation de la piste longue fait encore débat à Mayotte. Le 17 avril, les élus du conseil départemental se sont prononcés pour l’aménagement de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, sur l’île de Petite-Terre. Quand bien même le chef de l’État souhaite construire la piste longue à Bouyouni, sur l’île de Grande-Terre, la population locale est extrêmement divisée. Une véritable consultation publique doit donc avoir lieu.
M. Karim Benbrahim (SOC). En l’absence de consensus sur le choix du site de la piste longue, nous proposons de supprimer l’article. Nous demandons la réunion du comité de pilotage de la piste longue pour travailler sur les éléments techniques et environnementaux, afin de faire le choix le plus approprié aux contraintes de l’île.
M. Charles Fournier (EcoS). Ce n’est pas parce que l’on accélère les procédures de concertation et le débat public que l’on accélère la réalisation des projets. C’est parfois même le contraire, car, quand l’information n’est pas partagée, les oppositions se structurent.
Vous trouvez toujours de bonnes raisons pour justifier les procédures accélérées et contourner le droit. C’est une erreur.
En l’occurrence, si un débat public a déjà eu lieu, il portait seulement sur le premier projet d’implantation de l’aéroport. Comment se satisfaire d’un débat par voie électronique et d’une durée ramenée à un mois sur ce dossier ?
Cet article ne tient pas compte de l’avis de la population, alors que c’est indispensable pour ce type d’infrastructures. Des collectifs se sont constitués à la suite de la décision du comité de pilotage de changer la nature du projet. Je crains que les tensions ne s’accroissent si nous nous passons des phases de consultation du public.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Selon toutes les auditions et tous les rapports, le site de Bouyouni est le seul viable, compte tenu des dangers auxquels sont exposés les usagers de l’aéroport de Petite-Terre. Les Mahorais ne s’y opposeront pas.
Pour moi, le débat est tranché. Nous devons construire la nouvelle piste avant la mise hors service de l’aéroport de Petite-Terre, qui aura probablement lieu dans une quinzaine d’années.
Oui, la population sera consultée. Un dossier sera mis à sa disposition en version papier dans toutes les mairies concernées et par voie électronique. La procédure prévue à cet article est nécessaire car les Mahorais attendent depuis trop longtemps un aéroport pouvant accueillir les gros-porteurs.
M. Charles Fournier (EcoS). Vous ne pouvez pas faire le bonheur des gens malgré eux ! En outre, la consultation ne doit pas simplement servir à choisir le lieu d’implantation de la piste, mais aussi à porter à la connaissance de la population la nature du projet et son impact, afin, le cas échéant, de l’aménager. Cela permettra d’éviter des oppositions, d’autant qu’actuellement certains Mahorais ne sont pas favorables au projet. La consultation permettrait de les rassurer.
En voulant aller plus vite qu’il n’est nécessaire, vous vous privez de la possibilité d’associer le public au projet et vous prenez un risque.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Mayotte attend une piste longue sur Petite-Terre depuis 1980. Vous imposez finalement la construction de cette piste sur Grande-Terre, parce que Paris a décidé que c’était mieux.
Il n’est pas possible de décider de cette manière, comme si les Mahorais n’étaient pas capables de comprendre ! Nous n’écoutons pas suffisamment nos concitoyens ultramarins, ce qui créera des tensions inutiles.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis en désaccord total avec vous. En 2018, la donne a changé, avec l’apparition de nouvelles circonstances géologiques.
L’étude d’impact et les études environnementales devront, de toute manière, obligatoirement être réalisées avant le début des travaux.
La commission rejette les amendements.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE98 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Amendement CE89 de Mme Dominique Voynet
M. Charles Fournier (EcoS). À défaut de pouvoir supprimer l’article, nous demandons que le dossier destiné au public comporte une analyse « des incidences du projet sur la ressource en eau et l’activité agricole, ainsi qu’une évaluation » du risque sismique. Le site du projet est exposé à un risque de niveau 3.
Et les éléments d’information délivrés au public devront bien concerner le nouveau projet et non l’ancien – c’est une question de transparence.
Si l’étude démontre que le nouveau projet n’est pas possible, les Mahorais auraient raison de ne pas être contents du manque de sérieux avec lequel il aura été mené.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. C’est l’ensemble de l’archipel qui se trouve en zone sismique – non seulement Grande-Terre, mais aussi Petite-Terre.
Selon les études, le site de Bouyouni présente davantage de garanties que le site situé sur Petite-Terre, concernant l’impact sur la ressource en eau, la résilience face aux aléas sismiques, mais aussi le risque de submersion, puisqu’il se trouve à environ 200 mètres d’altitude. Au contraire, la piste de l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, à Petite-Terre, menace de s’écrouler et, dans quinze ans, l’aéroport pourrait ne plus fonctionner.
Le dossier destiné au public doit, selon moi, présenter toutes ces informations, qui renvoient aux axes d’étude sur lesquels ont travaillé les experts.
M. Charles Fournier (EcoS). Si vous considérez que ces éléments seront dans le dossier, vous devriez émettre un avis de sagesse. Nous avons besoin d’éléments tangibles. Cela irait mieux en écrivant les choses.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE99 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 19 ter.
Après l’article 19 ter
Amendement CE38 de Mme Dominique Voynet
M. Charles Fournier (EcoS). Nous demandons un rapport sur l’état d’avancement de la réparation et de l’amélioration du système de surveillance volcanologique et sismologique de l’archipel. Des dispositions en la matière sont prévues dans le rapport annexé, mais celui-ci n’a pas de valeur contraignante.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Le rapport annexé indique déjà que « la réalisation des campagnes scientifiques et la mise en service des outils de surveillance et de prévision seront soutenues par l’État, de même que la réparation et l’amélioration du système de surveillance sismologique. Le déploiement en Petite-Terre du radar Météo-France destiné à la prévision, l’anticipation et la mesure des phénomènes météorologiques et sismiques constitue une priorité. ». En outre, le rapport demandé ne serait pas plus contraignant que le rapport annexé au présent texte. Demande de retrait.
M. Charles Fournier (EcoS). Je suis prêt à retirer mon amendement, si ces dispositions sont inscrites plus solidement dans la loi, car le rapport annexé n’a qu’une valeur déclarative. Il faut s’assurer qu’elles seront respectées.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je ne m’y oppose pas sur le principe, mais cela impliquerait une charge supplémentaire. Il faudrait donc l’accord du Gouvernement. Nous pourrons l’évoquer avec le ministre d’État.
M. Charles Fournier (EcoS). Au bénéfice de cette promesse, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
Article 20 : Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété
Amendement CE35 de Mme Estelle Youssouffa
M. Max Mathiasin (LIOT). L’article 20 tend à aménager la prescription acquisitive, ou « usucapion », à Mayotte. Le présent amendement vise à rendre inapplicable cet aménagement pour les logements insalubres, tels que définis dans le code de la santé publique.
Selon les derniers chiffres disponibles, en 2017, près de 38 % des logements à Mayotte étaient construits en tôle. Ces logements sont souvent localisés dans des zones escarpées et difficilement accessibles, non desservies par les réseaux d’eau et d’électricité. Cette situation a conduit, lors du passage du cyclone Chido, à la destruction totale des bidonvilles, donc à une mortalité choquante. Depuis, les bidonvilles se sont reconstitués. Il est donc inenvisageable que les personnes occupantes puissent bénéficier du régime prévu à cet article.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Les bangas sont déjà exclus de toute mesure de prescription acquisitive. En effet, pour en bénéficier, la possession du bien doit être continue, paisible, publique, non équivoque et exercée à titre de propriétaire. Ces conditions ne peuvent être satisfaites dans le cas d’un banga. Demande de retrait.
M. Hervé de Lépinau (RN). En droit de la propriété, dès lors qu’un bien est possédé de manière paisible, continue, non équivoque et que le possesseur se comporte comme un propriétaire, l’usucapion peut s’appliquer. Le fait que le toit soit en dur ou en tôle n’y change rien. L’amendement permettrait d’empêcher que ce droit soit revendiqué pour les logements insalubres dont nous parlons.
M. Max Mathiasin (LIOT). Les logements insalubres visés peuvent en effet être possédés de manière continue, paisible, etc., etc. Leurs occupants ont parfois même accès à l’électricité. Je maintiens donc cet amendement de madame Youssouffa, qui connaît très bien le terrain.
Mme Maud Petit (Dem). C’est un amendement de bon sens. Parfois, il vaut mieux répéter les choses. Les constructions insalubres ici concernées sont occupées au vu de tous, pour une durée indéterminée, et elles peuvent donc correspondre aux critères de l’usucapion. Pour empêcher que ce ne soit le cas, je voterai pour cet amendement.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Même si je ne suis pas allé à Mayotte et n’ai donc pas vu ce qu’était la réalité des bangas, je doute qu’aucun des possesseurs de ces logements puisse justifier d’une occupation paisible pendant dix ans, sans contestation, alors qu’ils ne sont manifestement pas propriétaires des terrains de ces logements. Au bénéfice du doute, j’émets toutefois un avis de sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 modifié.
Après l’article 20
Amendement CE45 de M. Philippe Naillet
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à nous doter de moyens pour accélérer la régularisation foncière à Mayotte. Il est urgent d’agir en ce sens afin de répondre aux craintes exprimées lors de l’examen de l’article 19, relatif aux expropriations. Sans clarté sur la propriété foncière, les mesures exceptionnelles inscrites dans cet article pour accélérer la réalisation des projets ne pourront être mises en œuvre avec efficacité, et les craintes de la population paraissent légitimes. Notre amendement permettra à l’État de mettre en œuvre à titre expérimental, pour une durée de cinq ans et dans le respect des compétences des collectivités territoriales, une coordination renforcée entre les services de l’État et les établissements publics compétents, en lien avec les collectivités intéressées.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. De nombreux outils ont été développés récemment pour améliorer la gestion du foncier dans les outre-mer, y compris à Mayotte – la loi Letchimy visait à faciliter le règlement des indivisions complexes, la loi « Habitat dégradé » de 2024 a réduit le délai d’usucapion en outre-mer et la loi du 27 mai 2009 a créé un groupement d’intérêt public, la commission d’urgence foncière (CUF), à Mayotte. De nombreux autres outils existent par ailleurs. Il faut les utiliser. Créer un instrument supplémentaire n’a pas de sens si on ne commence pas par s’emparer de ceux qui existent déjà. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ne nous leurrons pas : il y aura énormément de contentieux liés au droit de propriété dans le cadre des opérations de reconstruction à Mayotte.
Je reviens sur l’article précédent : l’intérêt de priver de l’usucapion un occupant sans droit ni titre est d’accélérer le traitement judiciaire en évitant toute discussion. On aura néanmoins de drôles de surprises en matière d’expropriation, puisque la procédure repose sur une déclaration d’utilité publique après enquête parcellaire. Je souhaite bien du plaisir aux services qui s’en chargeront dès lors que, dans beaucoup de cas, il n’y a ni cadastre, ni preuves tangibles en matière de propriété. Ce sera donc un frein pour la reconstruction. Le droit de propriété étant constitutionnel, les tribunaux veilleront à sa préservation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE80 de Mme Dominique Voynet
M. Charles Fournier (EcoS). Le rapporteur a souligné la multiplication des dispositifs ; mais il faudrait pouvoir en mesurer les résultats. Pour l’instant, on peut avoir le sentiment que la gestion foncière ne s’améliore pas sérieusement à Mayotte. Nous avons donc besoin d’un état des lieux précis et exhaustif pour voir quels ajustements devraient être apportés. Tel est l’objet de la présente demande de rapport. Certes, un rapport ne change pas la vie, mais il peut être un point de départ s’il permet d’éclairer la situation.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Améliorer la maîtrise foncière et faire en sorte que des plans de prévention des risques naturels couvrent toute l’île sont effectivement des objectifs à atteindre, mais je ne suis pas sûr qu’un rapport permette de changer quoi que ce soit. J’observe, par ailleurs, que vous demandez ce rapport pour le 31 décembre 2027 : nous aurons d’ici là tout le temps de mener une analyse. Par conséquent, demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 21 : Prorogation de l’expérimentation de passation de marchés de type conception‑réalisation pour la construction d’écoles du premier degré et extension de cette expérimentation aux constructions d’établissements du second degré, de résidences universitaires et de résidences affectées à l’enseignement supérieur public
Amendement CE25 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons inclure les crèches, les garderies et les structures d’accueil de la petite enfance parmi les équipements concernés par la procédure de dérogation prévue par cet article pour la passation de marchés publics. La crise des services publics est aiguë à Mayotte, particulièrement dans le champ de la petite enfance où les capacités d’accueil sont dramatiquement insuffisantes. Cette carence se double d’un faible développement de l’activité d’assistante maternelle, ce qui a des répercussions sur la scolarisation des enfants, l’émancipation des femmes et l’insertion professionnelle. Notre amendement simplifiera et accélérera la construction de crèches et de garderies en mobilisant des entreprises locales dans le cadre de marchés adaptés à l’urgence sociale à Mayotte.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cet article prévoit le recours à une procédure dérogatoire dans le domaine de l’éducation, c’est-à-dire pour les établissements des premier et second degrés et ceux du supérieur. Comme on peut considérer que l’accueil de la petite enfance fait partie du continuum de l’éducation, j’émets un avis favorable à cet amendement.
M. Hervé de Lépinau (RN). La lecture de l’exposé des motifs me fait sourire. Notre collègue Philippe Naillet m’a répondu tout à l’heure qu’on ne pouvait pas savoir combien Mayotte comptait d’habitants, puisqu’il n’y avait pas de recensement. Or nos collègues écrivent, au sujet de cet amendement, qu’une femme élève en moyenne 3,58 enfants à Mayotte. Nous voterons, bien sûr, cet amendement, mais sans perdre de vue notre fil rouge : on va reconstruire des crèches et des garderies, mais pour combien d’habitants ?
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE8 de Mme Nadège Abomangoli
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons encourager la construction de sites de restauration scolaire à Mayotte. Début 2025, de nombreuses cantines n’étaient toujours pas en état de fonctionner et la rentrée a été repoussée d’un mois. Par ailleurs, la population mahoraise dénonçait déjà, avant le cyclone, les inégalités d’accès en la matière. Dans l’Hexagone, l’objectif est parfois de redonner envie d’aller à la cantine mais, à Mayotte, elles ne sont pas assez nombreuses. Or le manque de cantines favorise, en l’absence d’un repas par jour, le renoncement à la scolarisation. La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Mayotte expliquait en janvier, dans L’Humanité, que, faute de cantines, des collations froides étaient livrées par une entreprise en situation de monopole et ce dans des conditions déplorables – des caisses sont posées à même le sol dans des salles non équipées, exposées à la chaleur toute la matinée et où on trouve parfois des excréments de rats.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. J’ai dit hier que tous les avis que je donnerais seraient influencés par mon propre parcours de vie. En l’occurrence, je suis très sensible à la question des cantines scolaires. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE54 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). On est frappé, quand on va à Mayotte, par la dégradation de l’enseignement supérieur et professionnel ainsi que par l’absence d’établissements de recherche. Il n’existe pas de centre de formation d’apprentis et les plateaux techniques des lycées sont très dégradés, alors que les acteurs économiques nous ont dit combien les enjeux de la formation étaient déterminants pour la construction de l’économie locale. Nous proposons donc d’élargir le champ de cet article à l’enseignement supérieur public et à l’enseignement professionnel, notamment pour ce qui est des plateaux techniques – plateaux qui peuvent servir à de nombreux types de formations, au-delà de celles délivrées dans les lycées professionnels. Un investissement majeur doit être fait en la matière.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je considère cet amendement satisfait, puisque la procédure visée concerne tous les établissements de formation, y compris ceux du supérieur et de l’enseignement professionnel – ces derniers font partie des lycées.
M. Charles Fournier (EcoS). Cet article renvoie à la loi pour une école de la confiance, qui n’évoque pas ces sujets. Il me semble donc que l’amendement n’est pas satisfait et qu’il faudrait préciser la rédaction sur ce point. Nous avons tous constaté, sur place, les carences et la dégradation de la situation qui existent pour ces types de formation.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La préoccupation que vous exprimez est déjà prise en compte à l’alinéa 4 de l’article 21.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE53 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit de rendre obligatoires les clauses environnementales dans les marchés publics de conception-réalisation. Mayotte a une biodiversité remarquable et, ce matin même, un habitant disait que l’économie et l’avenir de ce territoire en dépendaient. Des précautions particulières doivent donc être prises.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il me semble qu’on ne peut envisager la construction d’une école ou d’un lycée sans qu’il y ait des clauses environnementales. Votre demande me paraît donc satisfaite. Demande de retrait.
M. Hervé de Lépinau (RN). Je crois, pour ma part, que ce sont surtout les bangas qui portent gravement atteinte à la biodiversité.
M. Charles Fournier (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire que cette demande est satisfaite, en quelque sorte, par principe – on prendrait tout le temps en considération les questions environnementales. Ce n’est pas vrai, on le voit dans de nombreuses réalisations. Par ailleurs, il existe des évolutions dans le temps en matière de biodiversité. À cet égard, les clauses environnementales ont pour intérêt d’obliger à regarder plus précisément les incidences des projets. Je regrette que vous n’acceptiez pas notre amendement, qui fixerait une ambition particulière à Mayotte, où ces enjeux sont majeurs.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE96 de M. Frantz Gumbs
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2031 l’expérimentation prévue à Mayotte afin de l’aligner sur la durée de la stratégie quinquennale.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE7 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). La commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’outre-mer a révélé que plus de 80 % des établissements scolaires ultramarins ne respectaient pas les normes parasismiques et paracycloniques modernes. Les récents événements climatiques à Mayotte, qui ont endommagé ou détruit plus de 50 % des écoles et affecté la scolarisation de soixante-dix mille élèves, ont mis en évidence la vulnérabilité des infrastructures scolaires face à la multiplication des risques naturels. Il est donc essentiel que les nouvelles constructions respectent les normes parasismiques, paracycloniques, anti-inondation et anti-incendie.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Cette demande est, là aussi, satisfaite. On ne peut pas ne pas prendre en compte les normes sismiques et anticycloniques pour les nouvelles constructions : ce n’est tout simplement pas envisageable. Demande de retrait.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous pourrions adopter cet amendement, puisqu’il ne fait qu’apporter une précision.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE55 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). La chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) de Mayotte joue un rôle très important. Beaucoup d’acteurs utilisent ce modèle d’entreprenariat, parce qu’ils suivent des logiques de coopération. Je pense, par exemple, à la structuration de la filière avicole à Mayotte, qui existe grâce à un modèle coopératif. Je propose donc d’intégrer une référence à l’entreprenariat social et solidaire à différents endroits du texte. Vous me répondrez peut-être que la référence, à l’alinéa 5, aux artisans et aux petites et moyennes entreprises (PME) inclut de fait ce mode d’entreprenariat, mais cela irait mieux en le disant. Cet amendement a été travaillé en lien avec la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Votre amendement, qui tend à inclure ces entreprises, part d’une bonne idée. Néanmoins, tel qu’il est rédigé, il aurait pour effet d’exempter les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de l’économie sociale et solidaire de l’obligation de confier 30 % du montant prévisionnel d’un marché de conception-réalisation à des microentreprises, petites et moyennes entreprises ou artisans. D’autant que cette mesure n’est pas restreinte à des entreprises implantées à Mayotte. Compte tenu des risques d’effet de bord négatif, je serais plutôt défavorable à l’amendement s’il n’était pas retiré.
Mme Olivia Grégoire (EPR). Je soutiens fortement l’amendement de monsieur Fournier. On sous-estime souvent, depuis Paris et la métropole, le poids de l’économie sociale et solidaire à Mayotte – j’en profite pour saluer l’engagement de sa Cress. Un des intérêts majeurs de ce secteur est de faire entrer dans l’économie légale des acteurs qui n’en faisaient pas partie. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas compris si vous souhaitiez simplement que la rédaction de l’amendement soit retravaillée d’ici à l’examen en séance. Il me semble extrêmement important que les entreprises de l’économie sociale et solidaire soient explicitement mentionnées dans le texte.
M. Charles Fournier (EcoS). Il existe aussi des formes de coopération dans l’économie informelle, par exemple dans le cadre de tontines, qui portent un autre nom à Mayotte. Il me semble que les projets coopératifs sont effectivement la seule voie permettant de sortir de l’économie informelle ou illégale et je vois mal quel problème cet amendement poserait, hormis dans le cas de très grandes entreprises qui se porteraient candidates. Je ne sais pas si vous pensez que Mondragon, qui est espagnol, viendrait sur de tels marchés à Mayotte : ils concernent majoritairement des acteurs présents sur place. Néanmoins, je suis prêt à retravailler l’amendement en fonction d’indications précises.
Mme Maud Petit (Dem). S’agissant des effets de bord négatifs, monsieur le rapporteur pourrait-il nous donner des exemples concrets ? Il faut faire la publicité de l’économie sociale et solidaire et la placer au cœur de la reconstruction de Mayotte.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Selon les informations qui m’ont été communiquées, il y aurait un effet négatif si une grande entreprise qui relève de l’économie sociale et solidaire était titulaire d’un marché. Un problème de rédaction se pose, me semble-t-il, et c’est pourquoi je vous propose de réserver cet amendement pour la séance. Nous pourrons le retravailler ensemble, si vous voulez.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE10 de Mme Sandrine Nosbé, amendements CE20 et CE21 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune)
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons réserver une fraction minimale (30 %) du montant des marchés de construction d’établissements scolaires à des PME ou à des artisans locaux, qui ont leur siège social à Mayotte, en totale cohérence avec une disposition que nous avons adoptée à l’Assemblée dans ce qui était alors l’article 11 du projet de loi d’urgence. La participation des entreprises mahoraises aux opérations de construction est essentielle pour favoriser l’économie locale, pouvoir bénéficier de leurs connaissances au sujet des spécificités du terrain et permettre une adaptation plus durable au changement climatique.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nos deux amendements visent à établir une préférence pour l’attribution des marchés publics, afin de restaurer le tissu économique mahorais, mais aussi prévenir des ingérences étrangères. Les territoires français de l’océan Indien, notamment la Nouvelle-Calédonie, ont fait l’objet de menées chinoises et azerbaïdjanaises visant à déstabiliser leur vie sociale et économique. En privilégiant des entreprises nationales pour les marchés de reconstruction, nous éviterons la guerre économique conduite par ces pays. Les tentatives de déstabilisation peuvent également passer par ce biais et chacun connaît l’appétit féroce des Chinois à l’égard, notamment, de notre zone économique exclusive dans cette région. À Mayotte, on ne peut pas envisager un développement de l’industrie de la pêche sans construction ou reconstruction de ports. Or les Chinois sont capables d’en proposer « clefs en main ». Il est important – et j’espère que cela fera l’unanimité dans cette commission – de protéger l’économie mahoraise et nationale contre les ingérences en prévoyant des dispositions complémentaires pour les marchés publics.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. L’amendement de madame Nosbé concerne les entreprises dont le siège social était établi dans le département de Mayotte au 13 décembre 2024. Une entreprise créée le 15 janvier 2025, par exemple, serait donc exclue du dispositif. C’est une raison suffisante pour émettre un avis défavorable : le développement de certaines entreprises, créées postérieurement au cyclone, serait freiné.
Je suis également défavorable aux deux amendements suivants, car l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prohibe toute discrimination exercée en raison de la nationalité. L’application de ces dispositions se heurterait donc à un problème juridique.
M. Charles Fournier (EcoS). Dans le prolongement de la discussion précédente, je pourrais plaider pour l’adoption de l’amendement CE10, car il réglerait le problème des entreprises de grande taille de l’économie sociale et solidaire qui viendraient à Mayotte pour certains marchés. Les deux amendements suivants concernent les entreprises françaises et non pas seulement celles qui ont leur siège à Mayotte. Or, dans un monde libéral, d’autres entreprises françaises, de taille très importante, peuvent venir dans ce territoire. Le premier amendement semble intéressant, mais la date retenue me pose un problème. Par ailleurs, je serais plutôt favorable à un dispositif temporaire, pour assurer la reconstruction. S’agissant de l’amendement de madame Nosbé, je m’abstiendrai donc et je voterai contre les deux autres.
M. Hervé de Lépinau (RN). Ne nous leurrons pas : s’il y a des ports à construire et des pistes à rallonger, les entreprises qui réaliseront les travaux devront avoir une taille critique et une technicité suffisante. Il est important de permettre à un groupe comme Eiffage de s’insérer dans les marchés de la reconstruction, car il possède les compétences nécessaires en génie civil pour construire un port de grande dimension. Pour les projets de moindre ampleur, en revanche – assainissement, voirie, construction de maisons –, les entreprises mahoraises doivent avoir la priorité.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE24 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons porter de 30 % à 50 % la part des marchés publics confiée aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) par le soumissionnaire dont l’offre est retenue, afin que la commande publique ait un effet d’entraînement sur l’économie locale et l’emploi. Chaque euro engagé dans la refondation de Mayotte doit être orienté vers les acteurs et les savoir-faire endogènes. Il s’agit de mieux dépenser sans dépenser davantage ; ce faisant, l’État agira concrètement pour l’ancrage des richesses créées, la formation d’une main-d’œuvre qualifiée et la réduction des inégalités territoriales.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La part de 30 % réservée aux TPE et PME représente déjà une amélioration par rapport au droit commun, qui prévoit 20 %. Il me semble disproportionné de la porter à 50 %. L’expérience montre que le tissu économique des îles n’est pas toujours de taille à absorber un grand nombre de chantiers à la fois. Je préfère donc m’en tenir à la proposition initiale de 30 %. Avis plutôt défavorable, à moins que vous ne retiriez votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE9 de M. Aurélien Taché
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’État doit prendre en main la construction des écoles à Mayotte pour lutter contre la déscolarisation qui touche fortement l’île et augmenter la capacité d’accueil des établissements.
Nous partageons l’objectif de l’article 21 : accélérer la construction d’établissements – ils sont actuellement saturés – et mettre fin à la rotation scolaire. Sachant que Mayotte subit depuis toujours un désinvestissement de l’État, nous souhaitons inscrire cet objectif dans la loi ; nous craignons l’absence de politique ambitieuse et que les annonces gouvernementales ne soient pas suivies d’effet.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’inscription de cette mention dans la loi. Mieux vaut laisser les Mahorais, sur le terrain, juger de l’opportunité d’augmenter la capacité d’accueil des établissements scolaires en fonction de leurs besoins et des particularités locales – d’autant que, comme nous le savons, ce sujet ne suscite pas un enthousiasme général.
M. Hervé de Lépinau (RN). Nous voterons contre cet amendement pour les raisons que nous avons déjà exprimées : pour combien d’« équivalents-habitants » allons-nous reconstruire Mayotte ? Je devine l’intention sous-jacente de l’amendement : régulariser la totalité de la population qui se trouve à Mayotte, c’est-à-dire non pas trois cent dix mille Mahorais, mais cinq cent mille personnes. La population en situation irrégulière aura de facto un droit opposable à la scolarisation, et le problème de la rotation se posera à nouveau dans quatre ans, quand l’île comptera six cent cinquante mille habitants. Tant que les pompes aspirantes de l’immigration illégale existeront, on ne résoudra rien et on continuera à épuiser les Mahorais, qui ne peuvent plus vivre une telle invasion au quotidien.
M. Charles Fournier (EcoS). Il est utile de rappeler que des lois s’appliquent dans notre pays, parmi lesquelles l’obligation de protéger et de scolariser les enfants et les mineurs – même si je sais que vous voudriez l’abolir. À Mayotte, nous ne respectons pas cette obligation. Il est inacceptable que nous n’ayons pas les moyens de scolariser tous les enfants. L’amendement est rédigé de telle sorte qu’il évite la sanction de l’article 40 de la Constitution, mais il est important de rappeler ce principe dans la loi. Le nombre de places à l’école doit être supérieur à celui qui prévalait avant le cyclone, car la situation était déjà insupportable. Tout à l’heure, vous n’étiez pas favorable à une concertation avec les Mahorais au sujet de l’aéroport, au motif qu’ils seraient tous d’accord. En l’occurrence, ils conviendront tous que la scolarisation ne doit pas être dispensée par rotation ; cette situation est insupportable dans un pays qui s’appelle la France.
Mme Maud Petit (Dem). Bien que je ne sois pas favorable à l’inscription de cet objectif dans la loi, il me paraît indispensable de prendre en considération la situation particulière de Mayotte où les élèves n’ont pas de journées d’école classiques, comme ailleurs en France, mais ont classe soit le matin, soit l’après-midi. C’est une réalité. Les enfants de Mayotte doivent avoir une scolarité normale, comme dans le reste du territoire français.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Vous dites qu’il faut laisser les Mahorais décider, monsieur le rapporteur ; dans ce cas, il faut aussi les laisser décider au sujet du titre de séjour territorialisé (dont ils ne veulent pas) ou de la piste longue (dont ils veulent à Petite-Terre). Beaucoup d’enfants ne sont pas scolarisés à Mayotte, faute de places ; les classes sont saturées, ce qui oblige à organiser des rotations. Où est l’intérêt supérieur de l’enfant ? La loi doit énoncer l’objectif d’augmenter les capacités d’accueil pour répondre aux besoins.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Quand je dis qu’il faut laisser les Mahorais décider de certaines choses, je parle de ce qui relève de leurs compétences. C’est le cas de l’école, qui relève de la compétence des communes ; ce n’est pas le cas, en revanche, de la carte de séjour territorialisée. L’objectif de l’amendement est louable, mais l’inscrire dans la loi n’accélérera rien, vu les conditions actuelles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE31 de Mme Aurélie Trouvé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). L’article 21 assouplit les procédures de passation de marchés publics pour accélérer la construction d’écoles. Nous souhaitons que les cahiers des charges de ces marchés prévoient une part d’approvisionnement local pour la restauration scolaire, afin de soutenir l’agriculture de l’île et de développer l’économie au service des Mahorais. Cela offrirait des débouchés aux agriculteurs, améliorerait la qualité de l’alimentation des élèves et renforcerait l’autonomie alimentaire du territoire.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il est effectivement important d’encourager les circuits courts, notamment pour les cantines. Cependant, il n’y a pas de corrélation directe entre les cahiers des charges des marchés publics de construction ou de rénovation d’établissements scolaires et les marchés d’approvisionnement des cantines scolaires. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme Maud Petit (Dem). Je comprends l’explication du rapporteur, mais je serais curieuse de savoir fonctionne l’approvisionnement de Mayotte. D’où viennent les produits ? À Sainte-Lucie par exemple, 80 % de l’alimentation est importée, y compris de pays lointains comme les États-Unis.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le département de Mayotte a une autonomie alimentaire relativement importante par comparaison avec d’autres territoires ultramarins. L’agriculture mahoraise, notamment vivrière, est habituellement très dynamique, même si elle a beaucoup été affectée par le cyclone Chido. C’est pourquoi les cantines scolaires pourraient s’approvisionner davantage localement.
M. Charles Fournier (EcoS). L’activité agricole de l’île est en grande partie informelle – il n’y a qu’à voir les étals au bord des routes, en dehors de tout circuit organisé. La question de l’alimentation, comme celle de l’immigration, appelle à penser des coopérations à l’échelle régionale. L’avenir de Mayotte se jouera dans des coopérations avec les Comores, Madagascar, La Réunion et la façade africaine. Lors de notre déplacement à Mayotte, le dossier que la préfecture nous a remis pour nous présenter la situation de l’île ne consacrait que quelques lignes à la coopération régionale ; je le regrette, car c’est un enjeu majeur.
M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Tout ce qui est produit à Mayotte est-il consommé sur place, ou y a-t-il des exportations ?
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Sauf exception, tout est consommé sur place, sachant que la production locale couvre une partie assez importante des besoins.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je précise que Madagascar est l’une des sources d’approvisionnement de Mayotte.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 modifié.
Après l’article 21
Amendement CE56 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Il s’agit, là encore, de donner une place aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, qui ont été fortement frappées par le cyclone Chido. Par définition, elles sont très ancrées dans les territoires et ne peuvent être délocalisées. Or elles semblent oubliées par les projets de reconstruction. Nous souhaitons que les marchés de travaux leur accordent une place privilégiée, afin qu’elles prennent part à la renaissance et à la structuration de l’économie à Mayotte.
Vous avez fait référence à de très grandes entreprises de l’ESS, monsieur le rapporteur pour avis ; or il n’en existe quasiment pas, hormis le Groupe SOS.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. J’entends vos arguments, comme ceux de madame Grégoire témoignant de la richesse de l’économie sociale et solidaire à Mayotte. Connaissant mal le sujet, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE60 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Nous souhaitons que le score des entreprises non locales qui s’engagent à recruter de la main-d’œuvre mahoraise pour la durée des travaux de reconstruction soit surpondéré dans les marchés publics.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il me semble difficile d’imposer un recrutement de main-d’œuvre aux entreprises. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 21 bis : Dérogation aux principes de publicité pour la passation des marchés de travaux visant à édifier des constructions temporaires nécessaires à la continuité des services publics de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur
Amendement de suppression CE33 de Mme Estelle Youssouffa
M. Max Mathiasin (LIOT). Il est essentiel d’assurer la continuité des services publics, mais la passation de marchés pour l’installation d’équipements scolaires modulaires encouragera le recours à des solutions temporaires, qui finissent souvent par devenir permanentes et se substituent à des bâtiments durables, adaptés aux besoins. Les constructions modulaires ne peuvent répondre aux nécessités pédagogiques. À l’école de Barakani 1A, par exemple, les Algeco censés tenir lieu de réfectoire sont dépourvus de portes et de fenêtres, et sont occupés par des jeunes armés de machettes.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement votre préoccupation devant le risque que le temporaire puisse devenir définitif, mais mon expérience m’a appris que les équipements temporaires étaient indispensables pour assurer la transition et résoudre des problèmes avant que des solutions définitives ne voient le jour. Je suis donc défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer le recours à des constructions temporaires : je suggère de le réécrire en vue de la séance, en y intégrant des garde-fous et pour s’assurer que ces équipements restent bel et bien temporaires.
M. Max Mathiasin (LIOT). J’en conviens.
L’amendement est retiré.
Amendement CE59 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Les constructions modulaires peuvent être nécessaires, même si nous avons quelques doutes sur leur caractère temporaire – les écoles Pailleron en témoignent. Nous souhaitons qu’elles respectent des critères environnementaux exigeants : utilisation de matériaux durables, recyclables ou réutilisables, etc.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Nous avons déjà débattu de l’introduction de clauses environnementales dans les cahiers des charges. Les écoles Pailleron relèvent du passé. Les équipements temporaires ont évolué, au point qu’ils respectent désormais les normes anticycloniques. Leurs cahiers des charges doivent naturellement inclure des études d’impact ou environnementales. Je pense donc que votre demande est plutôt satisfaite.
M. Charles Fournier (EcoS). Ce n’est pas le cas ; sinon, nous ne serions pas là. Il faut redoubler d’exigence quant au devenir des constructions modulaires : les matériaux pourront-ils être recyclés et réutilisés ? Malheureusement, cela ne va pas de soi. C’est en fixant des règles que nous pourrons progresser en la matière.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La préfecture de Saint-Martin a été détruite par l’ouragan Irma en 2017. Depuis, les services de l’État sont logés dans des bâtiments temporaires. De même, un collège entièrement détruit a été relogé dans l’extension temporaire d’un lycée. La construction du nouveau collège se terminera fin 2025. C’est dire combien les bâtiments modulaires sont indispensables. Quand l’État installe ses services dans de tels équipements, je veux bien croire qu’il ne néglige pas les aspects que vous soulevez. Chez moi, en tout cas, cela ne servira pas d’hébergement à qui que ce soit ; toutefois, les situations ne sont pas comparables.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE12 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Nous souhaitons concilier la publicité des marchés publics avec une procédure rapide de mise en concurrence. Les dérogations prévues par le texte introduisent une opacité susceptible d’éroder la confiance dans les institutions et d’entraîner des dérives. En effet, le projet de loi bafoue les trois principes qui régissent les marchés publics et que le Conseil d’État rappelle de manière constante : l’égalité de traitement, la transparence de la procédure et la liberté d’accès à la commande publique.
Notre amendement vise à se conformer aux principes fondamentaux du droit des marchés publics, mais aussi à préserver Mayotte de dérives potentielles.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Le projet de loi vise à accélérer autant que possible les procédures. C’est l’unique raison pour laquelle il prévoit des dérogations à l’obligation de publicité des marchés publics. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE58 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Nous souhaitons que les étudiants – les stagiaires en formation professionnelle, par exemple – puissent être hébergés dans des constructions modulaires à proximité de leur lieu de formation. Nous savons combien la mobilité est problématique à Mayotte, avec les problèmes de sécurité associés.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Je ne connais pas les solutions d’hébergement pour les étudiants à Mayotte. Je m’en remets donc à votre sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 bis non modifié.
Après l’article 21 bis
Amendement CE23 de M. Hervé de Lépinau
M. Hervé de Lépinau (RN). Il faut toujours tirer les enseignements d’une catastrophe naturelle, et peut-être faudrait-il repenser l’habitat et la construction à Mayotte afin de limiter les dégâts lors du prochain cyclone. Nous souhaitons que le Gouvernement lance un appel à projets pour inciter des ingénieurs à réfléchir à de nouveaux types de construction intégrant les normes anticycloniques et parasismiques ainsi que des solutions simples et pérennes de ventilation des maisons, avec des puits provençaux ou canadiens, entre autres exemples.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Il faut encourager les innovations de manière générale, mais je ne suis pas certain que cela justifie la remise d’un rapport dans le cadre de ce projet de loi.
M. Hervé de Lépinau (RN). Il est normal qu’un texte consacré à Mayotte s’intéresse à la construction à Mayotte. Puisqu’une sorte de loi-cadre organise la reconstruction, il ne me paraît pas idiot de lancer un appel à projets pour repenser l’habitat sur l’île afin qu’il résiste mieux aux prochaines phases cycloniques. Si vous me dites que cela n’entre pas dans le cadre de la loi, j’en perds mon latin !
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vos remarques sont très intéressantes, mais le sujet n’est pas prioritaire pour Mayotte ; il concerne l’ensemble des territoires d’outre-mer, qui sont tous exposés à des risques. Il n’a donc pas sa place dans ce projet de loi.
La commission adopte l’amendement.
Article 23 : Zonage de la totalité du territoire de Mayotte en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE100 de M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis.
Amendement CE63 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Cet amendement prévoit que les contrats de ville conclus à Mayotte intègrent un axe prioritaire de développement de l’économie sociale et solidaire. On manque en effet cruellement d’activités de loisir et d’activités socio-culturelles sur l’île.
Mes amendements CE64 et CE65, qui suivent, ont quant à eux pour objet de renforcer l’association des habitants à la politique de la ville, en allant au-delà de ce qui est pratiqué en métropole.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Les contrats de ville sont négociés entre les services de l’État et les différentes communes de Mayotte. Il faut veiller à ce que les besoins du territoire soient pris en compte, sans imposer tel ou tel axe depuis Paris ou dans la loi.
Le développement de l’économie sociale ou solidaire peut être pertinent, mais il ne correspond pas aux objectifs prioritaires de la politique de la ville – le soutien à la pêche, à l’agriculture, aux énergies renouvelables ou au traitement des déchets relève rarement de cette politique. Inversement, les dispositifs de soutien à l’emploi, à la formation, à l’accompagnement scolaire ou à la sécurité font plus souvent partie de la politique de la ville.
M. Charles Fournier (EcoS). Je vous accorde que la politique de la ville a rarement soutenu des projets agricoles – même si cela peut être le cas lorsqu’il s’agit de jardins partagés ou en pied d’immeuble.
Mais, à Mayotte, un grand nombre de personnes qui vivent de l’agriculture et de la pêche habitent dans les villes. Il serait donc utile de compléter cet article en intégrant l’ensemble des activités économiques structurantes dans la politique de la ville.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Avec cet amendement vous présentez un certain nombre d’activités comme des filières économiques. La politique de la ville embrasse un grand nombre d’activités, mais la production des jardins partagés n’est pas commercialisée et ne fait pas partie de l’économie formelle. Votre amendement ne correspond pas aux priorités de la politique de la ville.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE64 et CE65 de M. Charles Fournier (discussion commune)
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Ces amendements sont satisfaits : la population doit être associée à l’élaboration, à l’exécution et à l’évaluation des contrats de ville. Les conseils de quartier, les kiosques citoyens et les budgets participatifs existent déjà.
M. Charles Fournier (EcoS). L’association des citoyens à la politique de la ville est en effet prévue par la loi. Comme la totalité du territoire de Mayotte sera zonée en quartier prioritaire de la politique de la ville, il faut s’assurer que cette association ne reste pas un vœu pieux et que les moyens correspondants soient engagés. Tel est l’objet de ces deux amendements.
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. Vous posez la bonne question : celle des moyens. Votre ambition est louable, mais les amendements n’apporteront pas plus de moyens.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 modifié.
Article 24 : Extension des possibilités de délégation par la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte de ses compétences relatives à la pêche et la conchyliculture
M. Frantz Gumbs, rapporteur pour avis. La chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture consacre essentiellement son activité au secteur de l’agriculture. Les pêcheurs de Mayotte ont l’impression d’être négligés. L’article étend les possibilités de délégation des compétences de cette chambre, ce qui permettra d’implanter un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM).
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 non modifié.
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES FINANCES
Réunion du mercredi 11 juin 2025 à 9 heures
Lors de sa réunion du mercredi 11 juin 2025, la Commission examine pour avis, par délégation, l’article 22 du projet de loi, adopté par le Sénat, de programmation pour la refondation de Mayotte (n° 1470) (M. Charles de Courson, rapporteur pour avis)
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Nous examinons l’article 22 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, délégué au fond à la commission des finances, comme ce fut le cas lors de l’examen du texte au Sénat.
Avant de commencer, il faut rappeler le contexte. Le 14 décembre dernier, le cyclone Chido a frappé l’archipel de Mayotte, causant des dégâts humains, matériels et environnementaux d’une ampleur inédite. Le rapport du Sénat l’a bien montré, il s’agit de la plus grave catastrophe naturelle que Mayotte ait connu. Quelques semaines plus tard, le 12 janvier, la tempête tropicale intense Dikeledi a aggravé la situation. Ce double coup du sort a profondément affecté l’existence quotidienne des Mahorais, dans un territoire souffrant déjà de nombreuses fragilités économiques et sociales.
Face à cette situation, l’État a élaboré le plan Mayotte debout, que le Premier ministre a présenté le 30 décembre. Le Parlement a ensuite adopté la loi d’urgence du 24 février 2025. Comme nous le savions tous, il ne s’agissait là que de premières réponses. La reconstruction de Mayotte demandera un effort de long terme.
Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte doit répondre à cet impératif. Il actionne plusieurs leviers pour relancer l’économie mahoraise : l’un d’entre eux est de nature fiscale et fait l’objet de l’article 22.
Cet article vise à créer une nouvelle zone franche globale à Mayotte, par adaptation et extension du régime existant des zones franches d’activité nouvelle génération (Zfang). Dans ces zones, instaurées par la loi de finances pour 2019, les abattements de fiscalité ont vocation à stimuler l’investissement et l’activité dans des secteurs clés du développement outre-mer.
Le dispositif prévu par l’article 22 va beaucoup plus loin. Il élargit très significativement le champ d’application des abattements fiscaux à Mayotte. Les activités agricoles, industrielles, commerciales, artisanales ainsi que celles des professions libérales, qui étaient jusque-là partiellement ou totalement exclues, sont désormais pleinement éligibles. En outre, le taux d’abattement est porté de 80 à 100 % pour l’imposition des bénéfices des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) ainsi que pour la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour une durée de cinq ans.
Le coût de ce dispositif, évalué à 24 millions d’euros en année pleine à partir de 2026, me paraît parfaitement cohérent avec l’objectif poursuivi. L’enjeu est de redonner un souffle à l’économie locale, en permettant aux entreprises de se relever, d’investir, de recréer de l’activité et de l’emploi. C’est pourquoi je soutiens cet article.
Je souhaite néanmoins y apporter quelques modifications que je vous présenterai lors de l’examen des amendements. Il me paraît notamment essentiel d’inclure les activités de pêche dans le champ de la zone franche : le gouvernement m’a fait passer des messages contradictoires à ce sujet, donc je préfère déposer un amendement pour m’en assurer. Il faut également harmoniser la durée des dispositifs d’exonération : c’est pourquoi je proposerai de proroger, jusqu’au terme des autres abattements de la nouvelle zone franche, l’exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en vigueur à Mayotte. Enfin, il est utile, conformément à la position traditionnelle de notre commission, que le gouvernement remette, au terme de l’application du dispositif, un rapport au Parlement, afin que les membres de celui-ci se prononcent de manière éclairée sur son éventuelle prorogation, suppression ou évolution.
Ainsi modifié, l’article 22 constituerait un levier proportionné, ciblé et utile à la relance économique de Mayotte. Je vous invite donc, mes chers collègues, à l’adopter.
Article 22
Amendement de suppression CF2 de Mme Nadège Abomangoli
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Je ne partage pas le point de vue du rapporteur pour avis. Tout le monde s’accordera pour reconnaître le caractère désastreux de la situation à Mayotte. Nous déposons un amendement de suppression de l’article 22, car celui-ci ne réglera rien, bien au contraire. Il vise à instaurer une zone franche globale, dans laquelle les exonérations fiscales seraient totales. Comme d’habitude, on procède à l’envers en choisissant d’accélérer la déréglementation.
Les zones franches n’apportent aucune solution, comme le montre l’exemple de la Seine-Saint-Denis. Ce département est truffé de zones franches, lesquelles n’ont entraîné ni création d’emplois ni baisse du chômage – c’est même plutôt l’inverse qui s’est produit. Le dispositif n’engendrera rien d’autre qu’une trappe à précarité et une augmentation de la pauvreté. Même l’Inspection générale des finances (IGF) soulignait, dans un rapport de 2020, que les exonérations fiscales et sociales zonées n’avaient pas démontré leur efficacité en matière de création d’entreprises et d’emplois.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l’article.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Je ne partage pas du tout votre analyse. Vous avez évoqué le rapport de l’IGF, mais celui-ci portait sur les zones situées dans l’Hexagone. Mayotte est une île isolée, donc les effets de substitution dénoncés par l’Inspection ne la toucheront pas.
Les Mahorais réclament l’élargissement de la zone franche ; d’ailleurs, le conseil départemental, saisi pour avis sur le projet de loi, s’est déclaré, le 10 avril, favorable à l’article 22.
Le coût du dispositif est limité : il est évalué à 24 millions alors que l’actuelle Zfang représentait une charge de 6 millions en 2024. Le surcoût, de 18 millions, se révèle donc tout à fait raisonnable.
M. Matthias Renault (RN). Nous voterons contre l’amendement de suppression car les zones franches sont un bon outil, peu onéreux, pour tenter de relancer l’investissement dans les collectivités d’outre-mer. Les grandes lois Pons, Girardin ou Perben avaient d’ailleurs libéré l’investissement, même si ce résultat s’était accompagné de certaines dérives, auxquelles le dispositif proposé n’est pas exposé.
Que le coût d’un instrument fiscal aussi puissant n’excède pas 18 millions montre la faiblesse de l’activité économique. Pour obtenir la confiance des investisseurs, il faut d’abord rétablir la sécurité dans l’île.
Sur les trente-quatre articles du projet de loi de programmation, un seul a été délégué à la commission des finances. Je m’étonne qu’aucun article ne prévoie, comme dans les lois de programmation sectorielles – relatives à la recherche, à l’intérieur, à la justice… –, de calendrier annuel d’utilisation des crédits. On annonce pompeusement une enveloppe de 4 milliards d’euros d’ici à 2031, mais il n’y a aucun article de programmation budgétaire faisant apparaître des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP). Ces éléments sont relégués dans un rapport annexe et encore ne concernent-ils que les AE. Les engagements ne sont pas à la hauteur des annonces.
M. David Amiel (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutient l’article 22 et s’opposera donc à l’amendement.
Les critiques émises à l’encontre des zones franches dans l’Hexagone ne valent pas pour Mayotte. Tout d’abord, la gravité de la situation est extrême dans ce département – le plus pauvre de France –, qui a été ravagé par le cyclone Chido. L’enjeu est la survie de l’économie, des emplois et de la possibilité pour les Mahorais de rester vivre dans leur île. Nous n’avons pas le droit d’élaborer des demi-mesures. Il faut un choc de confiance pour recréer de l’activité économique dans cette île si durement touchée.
Ensuite, la situation de la Seine-Saint-Denis et celle de Mayotte ne sont absolument pas comparables. Les zones franches ont pour inconvénient d’attirer les emplois des zones limitrophes, ce qui neutralise l’objectif du dispositif. Cet écueil ne guette pas Mayotte, île située au milieu de l’océan Indien.
Enfin, le dispositif est borné dans le temps, à la différence des autres zones franches. Nous pourrons l’évaluer à la fin de son application. Il contribuera à la reconstruction de l’île, indispensable après les événements dramatiques qui l’ont frappée. Nous devons faire preuve de pragmatisme et écouter les besoins exprimés par nos collègues mahorais. Ces derniers, qui connaissent l’île comme personne, réclament l’instauration de ces dispositifs.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’article 22 instaure une zone franche globale au profit de Mayotte. Il s’agit d’une véritable mesure d’accompagnement. Dresser un constat de la situation, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons agir ! Cette mesure se déploiera au bénéfice de la population locale. Une dynamique de création d’emplois s’enclenchera dans les cinq prochaines années sans créer de trappe à précarité. La confiance des investisseurs est essentielle à l’activité économique, qui est elle-même indispensable à l’emploi.
La meilleure preuve de l’efficacité du dispositif dans certains territoires – peut-être pas en région parisienne, en effet – est apportée par l’ensemble des amendements déposés chaque année en commission des finances pour proroger des zones franches.
Pour aider Mayotte, le groupe Droite républicaine s’opposera à l’amendement de suppression.
M. Steevy Gustave (EcoS). Le groupe Écologiste et social soutient de nombreuses mesures en faveur des territoires d’outre-mer. Nous faisons partie de ceux qui ont vivement critiqué le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 lors de sa présentation en octobre 2024. Très insuffisants, les crédits de la mission Outre-mer ont heureusement été réévalués à hauteur de 3 milliards, même si cette rallonge reste trop limitée.
L’article 22 instaure une zone franche à Mayotte, que ses promoteurs présentent comme une mesure fiscale favorable au territoire. La perte de recettes annuelles pour l’État est évaluée à 18 millions. Il s’agit d’une disposition volatile dans le paysage des promesses budgétaires faites à Mayotte.
Le sujet dépasse largement l’île : dans son analyse de l’exécution budgétaire de 2024, la Cour des comptes souligne que le coût – croissant – des dispositifs fiscaux spécifiques aux territoires ultramarins dépasse désormais les crédits du ministère des outre-mer. Nous militons pour une amélioration de la coordination de l’ensemble des mesures, afin de maximiser les effets de chacune d’entre elles et d’accroître la transparence.
Nos positions, mesurées, visent à renforcer la dimension sociale et écologique des politiques déployées, sans renoncer à quelques principes fondamentaux, que le texte ne doit pas piétiner. Le mécanisme de zone franche repose sur la confiance accordée aux entreprises. Ce pari mérite d’être évalué avec rigueur, en ayant à l’esprit l’intérêt général. Telle est l’exigence que nous défendons ici.
Mme Sophie Mette (Dem). Le groupe Les Démocrates est défavorable à l’amendement de suppression de l’article 22 et soutient le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Nous considérons qu’il représente une réponse indispensable à la situation très spécifique de l’île. Nous appuyons les objectifs poursuivis par le texte : stimuler l’investissement privé, soutenir l’emploi et appuyer la refondation structurelle du territoire.
L’article 22, qui relève directement du champ de compétences de la commission des finances, est essentiel : il renforce et élargit, pour une durée de cinq ans, le dispositif de zone franche globale. Pendant cette période, le dispositif d’exonération fiscale zoné concernera presque l’intégralité des secteurs d’activité à Mayotte, tandis que les taux d’abattement seront portés à 100 % pour l’ensemble des impositions concernées.
Cette mesure représente un effort budgétaire de 18 millions en cinq ans. Elle pourrait jouer un rôle important dans la stimulation économique d’un territoire confronté à de nombreux défis. Toutefois, nous considérons qu’il est essentiel d’en assurer un suivi rigoureux. À ce titre, l’amendement CF10 du rapporteur pour avis, qui prévoit la remise d’un rapport d’évaluation d’ici à 2030, est bienvenu, dans la mesure où les dispositifs des zones franches sont peu évalués. Cela permettra de mesurer l’impact économique des exonérations et d’évaluer leur efficacité réelle en matière d’investissement, d’emploi et de développement du tissu économique local.
Dans cet esprit et en rappelant notre attachement à la maîtrise des comptes publics, nous voterons en faveur de l’adoption de l’article 22, en accordant une vigilance particulière à son déploiement et à son évaluation.
Mme Félicie Gérard (HOR). Notre commission est saisie du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Cette île, très vulnérable, est confrontée à des difficultés migratoires et sécuritaires comme aucun autre territoire de notre pays. Elle connaît également une situation économique et sociale marquée par une précarité tristement inédite. Le taux de chômage y atteint 30 % contre 7,4 % dans l’Hexagone et le niveau de vie médian des Mahorais est sept fois plus faible que dans l’ensemble du pays. À cela s’ajoute l’urgence de la reconstruction après le passage du cyclone Chido en décembre 2024, catastrophe naturelle la plus importante de notre histoire récente.
L’État a répondu à cette nouvelle urgence par des mesures fortes en février dernier. Nous devons maintenant adopter des dispositions structurelles pour reconstruire de manière pérenne. Tel est le sens de l’article 22, qui crée, pour cinq ans, une zone franche à Mayotte : le mécanisme repose sur un abattement de 100 % d’impôt sur le revenu (IR) et d’impôt sur les sociétés (IS) ainsi que de la base d’imposition de la TFPB. L’article apportera une respiration au monde économique mahorais et favorisera une reprise progressive et durable. Le groupe Horizons & indépendants soutiendra donc son adoption.
M. le président Éric Coquerel. Je suis opposé à cette zone franche.
Ce mécanisme vise à attirer une partie de l’activité économique dans une zone que l’on juge désavantagée par rapport aux territoires voisins. Je ne vois pas quelle activité pourra être transférée d’un pays voisin vers Mayotte, les territoires environnants étant loin d’être concurrentiels.
En outre, les zones franches, par exemple en Seine-Saint-Denis, présentent des avantages mais la population qui vit dans ces zones a les mêmes droits sociaux que le reste des Français métropolitains. Cette situation ne se retrouve évidemment pas à Mayotte. Un article du projet de loi prévoit une convergence progressive, mais les salaires et les prestations sociales ne sont pas les mêmes à Mayotte et dans l’Hexagone. Autrement dit, les entreprises bénéficieront d’avantages fiscaux alors que les habitants ne possèdent pas les mêmes avantages que leurs concitoyens métropolitains.
Surtout, le défaut principal du dispositif réside dans son indifférenciation : les entreprises, qu’elles soient en bonne ou en mauvaise santé, bénéficieront des avantages, car ceux-ci ne sont ni ciblés ni conditionnés.
Dans le même temps, nous ne pouvons que déplorer l’absence d’aides et de subventions, notamment en faveur des services publics dont les insuffisances constituent le problème criant de Mayotte. L’État devrait agir dans ce domaine, or il n’intervient qu’en créant une zone franche. Il reste à élaborer une proposition de loi qui viserait à permettre l’accès de tous aux services publics dans l’île et à affecter les crédits et les subventions à des projets de développement économique ciblés. Elle serait bien plus utile que la solution de facilité de la zone franche, laquelle n’a pas montré son efficacité dans les nombreux endroits où elle a été déployée, comme l’a montré le rapport de l’IGF.
Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de l’adoption de l’amendement de suppression.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’exonération fiscale augmentera les bénéfices des entreprises. Celles-ci pourront alors investir et créer des emplois. Sans bénéfices, il n’y a pas de créations d’emplois ; les entreprises déficitaires détruisent des emplois.
Il n’y a aucun lien entre le dispositif de l’article 22 et le régime social de nos compatriotes de Mayotte. Ce sont d’autres articles du projet de loi qui prévoient l’alignement progressif, selon des modalités restant à définir, du régime social mahorais sur celui de l’Hexagone. Un rapport est attendu sur les incidences de cette convergence : il faut veiller à éviter qu’un alignement trop rapide détruise l’économie locale.
Ce sont uniquement les PME qui bénéficieront du dispositif et non toutes les entreprises. Néanmoins, selon les informations que j’ai obtenues, seules huit sociétés seront exclues du champ du mécanisme : le tissu économique mahorais est presque exclusivement constitué de PME, il n’y a presque pas de grandes entreprises dans ce territoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF8 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement vise à inclure dans les activités exonérées d’impôt sur les bénéfices celles concernant la pêche et l’aquaculture, secteurs économiques importants à Mayotte – les pêcheurs mahorais se sont regroupés dans deux coopératives. Il me semblait que la pêche était comprise dans les activités agricoles, mais comme les avis divergent en la matière, je préfère le préciser. Nous verrons ce que dira le gouvernement en séance publique.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il me semble que la rédaction de l’article englobe déjà la pêche.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. C’est ce que je croyais, mais un débat s’est ouvert au sein des cabinets ministériels sur cette question, donc je préfère insérer cette précision dans le texte par précaution.
M. Matthias Renault (RN). Je suppose que l’amendement vise la pêche artisanale, mais des thoniers, évoluant au large de Mayotte et des îles Éparses, pourraient être exclus du dispositif comme les entreprises que vous avez mentionnées, monsieur le rapporteur pour avis. Qu’en est-il ?
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. D’après ce que l’on m’a indiqué, il n’y a pas d’entreprise de thoniers localisée à Mayotte. Des thoniers entrent dans les eaux territoriales de l’île, mais ils n’y sont pas immatriculés donc ils n’entrent pas dans le champ de l’article 22.
La commission adopte l’amendement CF8 (CL486).
Amendement CF3 de Mme Sandrine Nosbé
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à supprimer l’exonération totale d’IR et d’IS. Les arguments sont les mêmes que ceux qui nous poussaient à défendre la suppression de l’article.
Le dispositif prévu n’est absolument pas différencié. Nous ne nous opposerions pas au déploiement d’un dispositif ciblé, mais, au lieu de planifier une aide à la population de Mayotte passant notamment par la reconstruction des services publics, vous accélérez, approfondissez et amplifiez la déréglementation par l’élargissement de la zone franche.
Vous nous avez objecté que Mayotte était une île – grande découverte ! –, mais je vous certifie que les résultats de la zone franche mahoraise seront identiques à ceux des dispositifs hexagonaux. Elle n’apportera aucune amélioration en matière de créations d’emplois, de baisse du chômage et de diminution de la pauvreté et de la précarité, car votre action ne comprend aucun volet d’aide directe aux services publics et à la population. Vous ne parviendrez qu’à aggraver les causes de la crise en rendant les conditions de vie plus difficiles et plus violentes. Vous apportez toujours les mêmes réponses défectueuses : nous en avons maintenant l’habitude.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement vise à supprimer l’augmentation du taux d’exonération, actuellement fixé à 80 % et que l’article 22 prévoit de porter à 100 %. Adopter cet amendement signifierait le statu quo et le maintien de la Zfang actuelle. Poussez votre logique jusqu’à son terme et proposez de supprimer l’exonération de 80 % et la zone franche existante. L’article 22 ne crée pas la Zfang, il en étend le champ et augmente le taux d’exonération fiscale.
J’ai déposé un amendement visant à évaluer le nouveau dispositif au terme de la période de cinq ans : nous pourrons alors nous prononcer sur l’opportunité de sa prorogation. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Vous avez raison de dire qu’une entreprise doit faire des bénéfices pour augmenter les salaires et embaucher, en revanche il arrive qu’une entreprise engrangeant des bénéfices ne fasse rien de tout cela : telle est l’une des conséquences de la politique de l’offre quand ses mesures ne sont pas conditionnées.
Vous pouvez aider une entreprise par des allégements de cotisations et d’impôts, mais s’il n’y a pas d’activité ni de marché dans son secteur, elle ne pourra pas se développer. La question de la consommation intérieure est donc prégnante. Pour y répondre, il faut, à Mayotte encore plus qu’ailleurs, augmenter les salaires.
Dans l’île, 65 % des produits alimentaires sont importés alors que Mayotte était exportatrice nette dans les années 1980. L’une des causes de ce retournement tient au fait que les normes européennes frappent principalement les productions vivrières exportatrices. Je ne pense pas que la zone franche apporte la moindre réponse à ce problème.
La Zfang est une solution de facilité qui ne permettra pas à l’économie mahoraise de redémarrer, comme nous le constaterons, à mon avis, dans quelques années.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je partage le point de vue du rapporteur pour avis : le dispositif devra être évalué au terme de la période de cinq ans.
L’approche de la zone franche globale peut aider Mayotte à reconquérir sa sécurité et sa souveraineté alimentaires. Il faudra inciter les autorités locales à suivre ce chemin. Faisons confiance à l’économie et aux acteurs locaux pour reprendre en main leur destin. Il n’y a pas de raison que le territoire ne puisse pas recouvrer l’autonomie alimentaire dont il jouissait dans les années 1980. En ce sens, le dispositif de zone franche représente une opportunité. Je m’oppose donc évidemment à cet amendement.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je ne partage pas du tout la vision de l’auteur de l’amendement, qui est aussi la vôtre, monsieur le président. Il faut créer un choc d’attractivité dans ces territoires. Cela inclut l’attractivité fiscale. Je rappelle que les dispositions de l’article ne concernent pas les particuliers, mais les entreprises, puisqu’elles incluent les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices agricoles et l’impôt sur les sociétés. Le bénéfice ainsi dégagé par les entreprises sera réinvesti pour créer de la valeur ajoutée, donc du développement. Nous avons deux visions très différentes de l’économie : pour vous, l’État doit tout abonder ; pour nous, c’est le fait d’aider les entreprises à s’implanter sur le territoire qui permettra de relancer l’économie et de créer des emplois, dans un système vertueux.
M. le président Éric Coquerel. Créer une zone franche, c’est une aide de l’État. Chacun doit payer l’impôt ; toute exception à cette règle est une forme d’aide.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les bénéfices distribués aux associés seront imposables.
M. le président Éric Coquerel. L’article propose une exonération d’impôt sur les sociétés pendant cinq ans.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’exonération d’impôt sur les sociétés s’applique aux entreprises ; les associés, eux, seront imposés sur les bénéfices distribués.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF12 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement vise à exclure les grandes entreprises du régime fiscal spécifique à Mayotte prévu à l’article 22 afin de mieux cibler l’effort fiscal en direction de ceux qui en ont réellement besoin : les petites et moyennes entreprises.
Le groupe Écologiste et social s’oppose à ce que la relance de l’activité économique à Mayotte passe uniquement par la création d’une zone franche intensifiée. Certes, l’activité économique doit être soutenue après le passage du cyclone Chido ; cependant, il est nécessaire de réfléchir à la façon dont nous intervenons. Le gouvernement a estimé le coût annuel de ce cadeau fiscal à 18 millions d’euros. Nous devons être attentifs à la répartition de cette enveloppe. L’amendement vise à éviter un ruissellement trop théorique et inégal.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Vous proposez d’exclure de la zone franche globale les entreprises qui remplissent deux des trois seuils suivants : un nombre de salariés supérieur à 250, un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros et un bilan supérieur à 20 millions d’euros.
L’amendement est partiellement satisfait par l’article 22 dans la mesure où seules les entreprises comptant moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros peuvent bénéficier des exonérations liées à la zone franche. Ces plafonds, qui rendent de facto uniquement éligibles les microentreprises et les PME, correspondent aux seuils européens.
Il me semble préférable de conserver les valeurs applicables dans l’Union européenne pour ne pas complexifier inutilement la réglementation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF4 de M. Aurélien Taché
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à supprimer l’exonération totale de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue dans cet article.
Je retiens des arguments que vous nous opposez systématiquement qu’en définitive, vous souhaitez étendre tout ce qui ne marche pas, c’est-à-dire la politique de l’offre, dont l’article se réclame ouvertement, malgré un bilan qui montre l’augmentation de la pauvreté et du chômage.
Pour déréglementer et instaurer des zones franches, il n’y a aucun problème ; en revanche, dès que l’on parle d’aligner les salaires et les prestations sociales sur l’Hexagone, il n’y a plus personne. Silence total.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Vous proposez de supprimer la hausse de l’abattement de taxe foncière que l’article porte de 80 à 100 %. Ce n’est pas cohérent par rapport aux autres dispositions du texte : on ne peut pas proposer une exonération de 80 % pour tel impôt et de 100 % pour tel autre. Avis défavorable.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Le moment n’est pas propice à une discussion globale sur la politique de l’offre, mais ses résultats ne sont pas du tout ceux que vous décrivez : on observe bien une création d’emplois très élevée et une baisse du chômage depuis 2017 – même si, du fait de la crise internationale, on assiste désormais au tassement de cette dynamique.
Ce qui me surprend, c’est que vous n’acceptiez pas une politique de différenciation adaptée aux spécificités de Mayotte. Vous nous dites que les zones franches ne marchent pas en métropole mais, compte tenu de l’urgence à réindustrialiser l’île, nous ne pouvons pas nous priver de ce levier. C’est la même chose dans plusieurs départements d’outre-mer, où il n’y a pas de dynamique économique. À contexte spécifique, il faut une réponse spécifique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF11 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement appelle à un suivi rigoureux des dispositifs fiscaux et sociaux favorables à Mayotte pour garantir leur efficacité concrète. Comme le rappelle régulièrement la Cour des comptes, les dispositifs fiscaux en faveur des outre-mer sont nombreux et les dépenses fiscales y représentent le principal canal d’intervention publique – les crédits budgétaires de la mission Outre-mer en témoignent. Nous souhaitons un pilotage plus cohérent et plus transparent des dispositifs fiscaux qui soit fondé sur la concertation – j’insiste sur ce mot – locale et sur l’évaluation.
M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement prévoit « une stratégie de soutien et de suivi à l’accès aux dispositifs fiscaux et sociaux généraux et spécifiques à Mayotte ». C’est une dénomination vague et peu compréhensible qui dépasse le cadre de l’article dont nous discutons ; d’autres articles du projet de loi portent sur des dispositifs sociaux. Mieux vaut évaluer chacun d’entre eux séparément. C’est l’objet de l’amendement CF 10, qui demande la remise d’un rapport sous quatre ans sur la base duquel nous déciderons de proroger, de modifier ou de supprimer ce dispositif fiscal. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF10 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la nouvelle zone franche globale. Conformément aux dispositions figurant à l’article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 20023 à 2027, il convient d’évaluer les dépenses fiscales attachées à ce dispositif pour s’assurer de leur efficacité, connaître leur coût et éclairer le débat parlementaire dans l’hypothèse d’une suppression, d’une évolution ou d’une prorogation ultérieure.
La commission adopte l’amendement CF10 (CL487).
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 modifié.
Après l’article 22
Amendement CF6 de Mme Estelle Youssouffa
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’amendement a pour objet de relever le plafond du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) de 2,5 à 3,5 smic, ce qui permettrait à l’employeur d’augmenter le salaire de ses cadres sans perdre le bénéfice intégral du crédit d’impôt.
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement vise à soutenir les entreprises mahoraises en rehaussant le plafond du bénéfice du CICE de 2,5 à 3,5 smic. Je comprends l’idée : du fait de la convergence sociale, les cotisations et contributions sociales seront progressivement augmentées à Mayotte. Toutefois, je rappelle que la hausse du smic sur place sera accompagnée du déploiement de l’ensemble des exonérations et allégements dont bénéficient les autres territoires ultramarins et qui – c’est une anomalie – n’existent pas encore sur l’île. En outre, alors qu’un chantier de convergence est à l’œuvre dans le projet de loi, il me paraît contre-intuitif de renforcer un dispositif dérogatoire – le CICE – à Mayotte. Enfin, l’article 22 prévoit des mesures dérogatoires du droit commun très avantageuses pour les entreprises mahoraises. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement CF7 de Mme Estelle Youssouffa
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons, sur cet amendement de repli.
L’amendement est retiré.
Article additionnel après l’article 22
Amendement CF9 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur pour avis. L’amendement a pour objet de prolonger de quatre ans l’exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) applicable aux réceptions de déchets générés à Mayotte, jusqu’au 31 décembre 2030. Il s’agit d’une mesure de coordination fiscale visant à ce que la date de la fin de l’exonération de TGAP à Mayotte coïncide avec celle de la nouvelle zone franche globale. Cette mesure rendrait plus cohérentes les dépenses fiscales applicables à Mayotte. Enfin, il faut admettre que les déchets provoqués par le cyclone Chido ne seront pas tous traités à Mayotte d’ici au 31 décembre 2026, comme le prévoyait le texte que nous avions voté. La prorogation de l’exonération de TGAP doit permettre d’accompagner la reconstruction du département.
La commission adopte l’amendement CF9 (CL488).
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS DE LA COMMISSION DES LOIS
Ministère des Outre-mer
M. Olivier Jacob, directeur général
M. Arnaud Lauzier, adjoint au sous-directeur des affaires juridiques et institutionnelles
Ministère de la Justice
M. Valentin Raguin, adjoint à la sous-directrice du droit civil
M. Emmanuel Germain, adjoint à la cheffe de bureau du droit des personnes et de la famille
Mme Audrey Perrier, rédactrice au bureau du droit des personnes et de la famille
Mme Charlotte Gevart-Delhaye, cheffe du bureau du droit de l’immobilier et du droit de l’environnement
Ministère de l’Intérieur
M. Frédéric Joram, directeur de l’immigration
M. Ludovic Guinamant, sous-directeur du séjour et du travail
Mme Marine Grandjean, adjointe à la cheffe de bureau des affaires juridiques et de la coopération internationale
Mme Claire Poncet, conseillère juridique
Mme Anne Figuès, adjointe au sous-directeur des polices administratives
Mme Sylvie Calves, adjointe à la directrice
M. Alexandre Schulz, adjoint au chef du bureau des élections politiques
Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)
M. Didier Leschi, directeur général
Ministère de l’Économie et des Finances
Mme Carole Anselin, sous-directrice
M. Victor Métais, adjoint au chef du bureau de l’économie, des finances et de l’outre-mer
M. Bao Nguyen-Huy, adjoint à la sous-directrice
M. Éric Maurus, sous-directeur de la communication, de la programmation, de l’analyse économique et des relations avec le mouvement consumériste
M. Gautier Duflos, chef du bureau de l’analyse économique et de la veille stratégique
M. Jean-Luc Tavernier, directeur général
Mme Muriel Barlet, cheffe du département de la démographie
Ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation
M. Michel Hersemul, sous-directeur des aéroports
M. Christophe Masson, chargé de mission Mayotte
M. Rodolphe Gintz, directeur général
M. Nicolas Bina, conseiller élus et communication
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
M. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales
Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles
Direction générale de l’offre de soins (DGOS)
Mme Sandrine Pautot, sous-directrice adjointe de l’appui au pilotage et des ressources
Mme Gaelle Papin, cheffe du bureau des territoires, de l’Europe et de l’international
M. Bastien Morvan, adjoint à la cheffe du bureau des territoires, de l’Europe et de l’international
Direction de la sécurité sociale (DSS)
M. Morgan Delaye, adjoint au directeur et chef de service
Mme Christine Labat, cheffe de projet Outre-mer
Ministère de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification
M. Philippe Charpentier, chef du service des politiques sociales, salariales et des carrières
Auditionnés de Mayotte
M. François-Xavier Bieuville, préfet de Mayotte
M. Ben Issa Ousseni, président
Mme Christiane Ayache, conseillère spéciale du président
M. Dominique Sorain, conseiller du président
M. Zoubair Alonzo, directeur de cabinet
M. Maoulana Andjilani, directeur général des services par intérim
M. Guillaume Dupont, procureur de la République
Direction territoriale de la police nationale (DTPN) de Mayotte
Contrôleur général Patrick Longuet, directeur territorial
Commandement de la gendarmerie (COMGEND) de Mayotte
Général Lucien Barth, commandant de la gendarmerie
M. Michel-Henri Mattera, directeur
M. Christophe Van Der Linden, directeur général par interim
M. Abdoul Hamidi Keldi, directeur général adjoint
Mme Sara Mohamed, directrice adjointe recouvrement des entreprises
M. Patrick Fourrier, directeur de la gestion du risque maladie
M. Vincent Swietek, directeur comptable et financier
Mairie de Mamoudzou
M. Ambdilwahedou Soumaïla, maire de Mamoudzou
Association des maires de Mayotte (AMM)
M. Abdoulkarim Issoufali, directeur
Mouvement des entreprises de France (MEDEF) Mayotte
M. Fahardine Mohamed, président
Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) Mayotte
M. Bourahima Ali Ousseni, président
Mme Sitti-Batoule Saïd Ali, secrétaire générale
Confédération française démocratique du travail (CFDT) Mayotte
M. Said Hachim, délégué syndical
Confédération générale du travail (CGT) Mayotte
M. Haoussi Boinahedja, secrétaire général
M. Said Mcolo, délégué syndical
Mme Anifat Rafion, représentante du personnel
M. Bruno Gallois, référent juridique
Force ouvrière (FO) Mayotte
M. Arkaddine Abdoul-Wassion, secrétaire général
Mme Zabibo Keldi Boura, déléguée syndicale
M. Hamidou Madi M’Colo, trésorier
Autres auditionnés
Général Pascal Facon, chef de la mission
Mme Arbia Belkaoussa, chargée de mission lutte contre l’immigration clandestine
Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO)
Mme Lucie-Hélène Pagnat, juriste droit de la santé
Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)
M. Philippe Besset, président
M. Quentin Leprevost, chargé d’affaires publiques
M. Jérémie Pellet, directeur général
Contributions écrites
PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Pascal Faucon
Direction générale de l'Aviation civile (DGAC)
- M. Michel Hersemul, sous-directeur des aéroports
- M. Christophe Masson, chargé de la mission projet piste longue Mayotte
Direction générale des outre-mer (DGOM)
- Mme Karine Delamarche, directrice générale adjointe des outre-mer
- M. Olivier Benoist, sous-directeur des affaires juridiques et institutionnelles
- M. Arnaud Lauzier, sous-directeur adjoint des affaires juridiques et institutionnelles
Direction des Affaires civiles et du Sceau (DACS)
- Mme Charlotte Gevaert-Delhaye, cheffe du bureau du droit de l’immobilier et du droit de l’environnement
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
- Mme Blandine Georjon, adjointe de M. Sanz
- M. Mathieu Blet, chef de bureau de la stratégie, de la contractualisation et de l’évaluation
M. Cédric Maleysson, directeur adjoint du GIP-CUF
M. Thomas Bertrand, responsable des opérations de titrement
M. Fabrice Nicol, responsable du pôle enquêtes et inventaires
([1]) Les articles 10, 19, 20, 21, 22, 23 et 24, dont l’examen a été délégué à la commission des Affaires économiques et à la commission des Finances, sont présentés aux II et III du présent rapport.
([2]) Ainsi, dans sa décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 sur la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, le Conseil constitutionnel a rappelé que le rapport annexé à la loi, qui présentait les orientations et les objectifs de la politique nationale en faveur de l’éducation ainsi que les moyens programmés à cette fin, était dépourvu de valeur normative.
([3]) Cour des comptes, « Quel développement pour Mayotte ? – Mieux répondre aux défis de la démographie, de la départementalisation et des attentes des Mahorais », rapport public thématique, juin 2022.
([4]) Rapport thématique de la chambre régionale des comptes de Mayotte – « L’école primaire : d’immenses défis pour les communes de Mayotte, état des lieux avant le passage du cyclone Chido », publié le 11 juin 2025.
([5]) Amendement CL132 de Mme Estelle Youssouffa
([6]) Amendement CL196 de Mme Estelle Youssouffa
([7]) Amendements CL414 et CL415
([8]) la validité du visa ne pouvant être supérieure à un an.
([9]) Article L. 423-10 CESEDA
([10]) Conjoint de français ; Parent d’enfant français ; Regroupement familial (conjoint et enfant) ; Étranger résidant en France depuis l’âge de 13 ans ; Étranger confié à l’ASE.
([11]) Étude d’impact, p61
([12]) Article L. 441-7 15° du CESEDA
([13]) Étude d’impact, p62
([14]) Article L. 441-7 8°bis du CESEDA
([15]) 8° ter de l’article L. 441-7.
([16]) Article L. 441-7 8° du CESEDA
([17]) paragraphe 18
([18]) Amendement CL132
([19]) Amendement CL196
([20]) Amendements CL415 et CL416
([21]) Amendement CL412
([22]) Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile
effectif et une intégration réussie, parag. 43
([23]) DC n° 2025-881 du 7 mai 2025
([24]) Amendement CL416
([25]) Article L. 434-2 CESEDA
([26]) Article L. 434-3 CESEDA
([27]) Article L. 434-4 CESEDA
([28]) Article R. 434-5 CESEDA
([29]) Article R434-23
([30]) Étude d’impact, p151
([31]) Amendement CL416.
([32]) article 313 du code civil
([33]) article 316 du code civil
([34]) article 55 du code civil
([35]) article 371-1 du code civil
([36]) article 371-2 du code civil
([37]) Cour de cassation, 27 septembre 2023, n° 21-83.673.
([38]) Étude d’impact, p68
([39]) sauf si l’acte révèle par lui-même le caractère invraisemblable de la reconnaissance (par exemple, dans le cas d’une différence d’âge entre l’auteur de la reconnaissance et l’enfant inférieure à douze ans) ou en cas d’impossibilité juridique d’enregistrer cette reconnaissance (par exemple, en cas de situation d’inceste).
([40]) article 316 du code civil
([41]) articles 316-1 à 316-5 du code civil
([42]) 75 % des enfants nés à Mayotte en 2022 ont une mère de nationalité étrangère
([43]) Conseil d’État, paragraphe 19
([44]) Article L. 823-12 du CESEDA
([45]) Article L. 823-13 du CESEDA
([46]) Article L. 823-14 du CESEDA
([47]) Article L. 823-15 du CESEDA
([48]) En moyenne, le coût moyen d’un retour aidé est quatre fois inférieur au coût moyen d’un éloignement forcé estimé par la Cour des Comptes dans un rapport de 2024 consacré à la politique de lutte contre l’immigration irrégulière.
([49]) article R. 711-3 CESEDA
([50]) art. L. 121-1 et article R. 711-5 du CESEDA
([51]) Étude d’impact, p. 103.
([52]) Étude d’impact, p. 106.
([53]) Étude d’impact, p104
([54]) Étude d’impact, p107
([55]) Amendement CL24
([56]) Obligation de quitter la France (OQTF) de moins de 3 ans, Interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), décision d’expulsion, Interdiction de circulation sur le territoire français, Interdiction judiciaire du territoire français (ITF), Interdiction administrative du territoire français, Mesure d’éloignement dans le cadre de l’Union européenne.
([57]) Décision DC n° 79-109, 9 janvier 1980, parag. 4
([58]) Articles L. 611-3 et L. 631-4 du CESEDA.
([59]) Article R. 744-11 du CESEDA.
([60]) Décision n° 2018-770 DC, 6 septembre 2018, cons. 61 à 63
([61]) Amendements CL26, CL95, CL171 et CL246
([62]) article L. 432-12 CESEDA
([63]) articles L. 426-4 CESEDA et R. 432-5 CESEDA
([64]) Cass. Crim, 21 oct. 1998, n°98-83.843.
([65]) Cass. crim., 11 juil. 1994, n° 93-81.881.
([66]) article 121-1 du Code pénal, voir DC n° 2011-625 DC du 10 mars 2011
([67]) Étude d’impact, p121
([68]) paragraphe 35
([69]) paragraphe 29
([70]) Étude d’impact, p130
([71]) Rapport du Sénat, p67
([72]) Amendements CL 38, CL96, CL172, et CL248.
([73]) DC n° 93-325, consid 118
([74]) article L. 251-1 du code de l’action sociale et des famille.
([75]) article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles
([76]) article R. 5221-47 du code du travail
([77]) article R5421-3 CESEDA
([78]) article 16 paragraphe 2
([79]) De nombreuses entreprises informelles pour peu de richesse créée, INSEE, février 2018, n° 16
([80]) Étude d’impact du projet de loi, p137
([81]) Idem
([82]) Amendements CL40, CL98 et CL174.
([83]) La DGOM indique que ces chiffres sont provisoires, étant en cours de consolidation.
([84]) Communiqué de presse du Tribunal administratif de Mayotte, « La juge des référés du tribunal administratif rejette la demande de suspension de l’arrêté du préfet de Mayotte règlementant la vente de tôles », 28 janvier 2025.
([85]) Cette adaptation repose, juridiquement, sur l’article 73 de la Constitution qui dispose que dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
([86]) L’officier de police judiciaire, s’il estime ne pas devoir faire droit à cette demande « en raison des nécessités liées à la retenue » doit alors en référer sans délai au juge des libertés et de la détention, qui peut décider d’y faire droit « s’il y a lieu ».
([87]) Au sujet de la classification des armes, voir le commentaire de l’article 12.
([88]) Voir sur ce point le commentaire de l’article 11.
([89]) Étude d’impact du projet de loi, p. 187.
([90]) Article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
([91]) Étude d’impact, p. 193.
([92]) Crim., 22 janvier 1997, n° 95-81.186. Constituent ainsi un « domicile » : une chambre louée dans un hôtel ; une chambre ou un appartement loués en meublé ; un appartement meublé, même momentanément inoccupé en raison de travaux devant y être effectués. ; une chambre d’hôpital occupée par un malade, où il a le droit, sous la seule réserve des nécessités du service, de se dire chez lui et notamment d’être défendu contre la curiosité publique.
([93]) Pour mémoire, cet article définit la notion d’habitat informel comme « les locaux ou les installations à usage d’habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d’assiette, dénués d’alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales, ou de voiries ou d’équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes. »
([94]) La cour d’appel de Saint-Denis est compétente pour La Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises.
([95]) Étude d’impact, p. 204.
([96]) Rapport n° 17 (2010-2011) de M. Christian Cointat fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 octobre 2010.
([97]) Étude d’impact datée de juillet 2010, p. 22
([98]) Prestation d’entretien accordée aux personnes assumant la charge effective et permanente d’un enfant privé de l’aide de l’un de ses parents (ASF à taux partiel) ou de ses deux parents (ASF à taux plein). Elle est versée sans condition de ressources.
([99]) Allocation qui permet aux parents d’accompagner des enfants en situation de handicap et malades qui requièrent une présence continue ou des soins contraignants.
([100]) Par exemple : durée d’assurance requise inférieure à celle du droit commun pour les personnes nées en 1972 et avant.
([101]) Par exemple : allocation de journée de présence parentale, allocation-chômage.
([102]) Paragraphe 187.
[103] La PUMa prévoit la prise en charge des soins par le régime d’assurance maladie à titre personnel et de manière continue tout au long de la vie soit sur le critère de l’activité professionnelle, soit sur le critère de la résidence stable et régulière d’au moins six mois sur un an en France (hexagone/DROM)
([104]) Étude d’impact.
([105]) Rapport annexé, p. 13.
([106]) Rapport au Parlement sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versées à Mayotte et ceux versés dans l’hexagone et dans les autres départements d’outre-mer.
([107]) L’exposé sommaire de l’amendement précise que « le Gouvernement ayant (…) annoncé, à la suite du rapport rédigé par Messieurs Stefanini et Evin sur l’aide médicale d’État, une réflexion sur l’évolution du panier de soins ouvrant droit à cette prestation, il est d’autant plus opportun d’anticiper une telle réforme avant d’étendre cette prestation à Mayotte » et que « Si le Gouvernement souhaite la réintroduire ultérieurement dans le cadre de la convergence sociale, et notamment à l’horizon 2031, il disposera de multiples vecteurs législatifs pour ce faire, dont les projets de loi de finances. »
([108]) L’exposé sommaire précise que « Ces dispositifs fiscaux ne relèvent pas du domaine de la convergence sociale qui est l’objet de l’habilitation sollicitée par le Gouvernement. En conséquence, cela ne justifie pas que le Parlement se dessaisisse de son pouvoir législatif au profit du Gouvernement sur ces sujets. »
([109]) Voir sur ce point le commentaire de l’article 15.
([110]) Voir la réponse publiée le 26 février 2019 du ministre des outre-mer à la question écrite 13122 de M. Mansour Kamardine.
([111]) Le chiffre de 280 euros mentionné par l’étude d’impact date de 2019. Plusieurs mesures exceptionnelles ont été prises pour revaloriser le montant des pensions.
([112]) L’ASPA est une allocation différentielle dont 20 % des pensionnés mahorais bénéficient.
([113]) Étude d’impact, p. 221.
([114]) Ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie.
([115]) Les organisations syndicales sont reconnues représentatives au niveau national par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Sont pris en compte leur indépendance, une ancienneté minimale de deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts, leurs effectifs et leur audience établie en fonction des résultats aux dernières élections aux unions régionales des professionnels de santé lorsque les membres qui les composent sont élus, ou appréciée en fonction de l’activité et de l’expérience lorsque les membres qui les composent ne sont pas élus.
([116]) La section E représente l’ensemble des pharmaciens exerçant leur profession dans un département ou une collectivité d’outre-mer
([117]) VOIR – SRS 2023-2028 – AXE 1 : Organiser l’offre de soins, la santé communautaire et la prévention dans les cinq bassins de santé
([118]) Cf. article L. 4031‑4 du code de la sécurité sociale.
([119]) Cf. article 213 n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
([120]) Les médecins spécialistes à la réunion, ARS de la Réunion, publication de 2023
([121]) « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.»
([122]) Conseil d’État, 18 janvier 1991, M. et Mme de Silverstri.
([123]) Article 90 loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
([124]) Article 15 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.
([125]) Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989.
([126]) Conformément à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, les actions ou opérations d’aménagement sont définies comme celles ayant pour objet de « mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser la mutation, le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le recyclage foncier ou le renouvellement urbain, de sauvegarder, de restaurer ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, de renaturer ou de désartificialiser des sols, notamment en recherchant l’optimisation de l’utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser ».
([127]) Conseil d’État, 3 avril 1991, Mme Fabre.
([128]) Voir commentaire de l’article 19 ter.
([129]) Les « études de faisabilité » sur le site de Bouyouni-M’Tsangamouji sont engagées depuis 2023 devront être complétées durant les deux prochaines années : plan-masse, caractéristiques des ouvrages principaux, impacts environnementaux et définition des mesures d’évitement, de réduction et de compensation des impacts, évaluation financière de l’opération, etc.
([130]) L’article L. 121-12 précise que le délai de huit ans court soit à compter de la date à partir de laquelle un débat public ou la concertation préalable prévus à l'article L. 121-8 ne peut plus être organisé(e), soit de la date de publication du bilan ou à la date d'expiration du délai imparti au président de la commission pour procéder à cette publication
([131]) Rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale du Sénat à la suite d’une mission effectuée à Mayotte du 11 au 15 mars 2012, juillet 2012. Rapport disponible en ligne : https://www.senat.fr/rap/r11-675/r11-6751.pdf
([132]) Site internet du GIP-CUF : https://www.gip-cuf.fr/
([133]) Issu de la codification par ordonnance des dispositions de l’article 7 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite loi « MOP ».
([134]) Décision du Conseil d’État, 17 mars 1997, Syndicat national du béton armé, des techniques industrialisées et de l'entreprise générale, n° 155573.
([135]) Assemblée nationale, Rapport d’information n° 1331 sur l’évaluation de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, 7 juin 2023. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b1331_rapport-information.pdf
([136]) Réponses au questionnaire de la direction générale des outre‑mer.
([137]) Cette dérogation est également applicable aux lots dont le montant est inférieur à un million d’euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
([138]) Cette dérogation est également applicable aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros hors taxes pour les marchés de services et de fournitures et à 100 000 euros hors taxes pour les marchés de travaux, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
([139]) Article 19 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.
([140]) Les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les zones franches uniques territoire entrepreneur (ZFU-TE).
([141]) Article 79 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([142]) Défini à l’article 256 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union. Le perfectionnement actif est un régime particulier du droit de l’Union. Il permet d’importer des marchandises tierces à l’Union, de les transformer ou de les réparer avant de les ré-exporter ou de les destiner à la consommation intérieure sans que ces opérations ne soient soumises à un ensemble de taxes ou de droits de douane. Il s’agit, selon la direction générale des douanes et droits indirects, d’un « régime destiné à favoriser la production et l’exportation par des entreprises communautaires ».
([143]) À l’exception de la location directe de navires de plaisance ou de la location au profit des personnes physiques utilisant pour une durée n’excédant pas deux mois des véhicules de tourisme au sens de l’article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services.
([144]) Règlement (UE) n° 651/2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
([145]) Chiffre communiqué par la direction de la législation fiscale.
([147]) Seuls 6 % des particuliers à Mayotte disposent d’une assurance habitation d’après la Caisse centrale de réassurance.
([148]) Article 7 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
([152]) Loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte.
([153]) La taxe générale sur les activités polluantes est prévue par l’article 266 sexies du code des douanes.
([154]) Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
([155]) Mission relative au zonage et à la gouvernance de la politique de la ville dans les outre-mer, confiée à l’inspection générale du développement durable, l’inspection générale de l'administration et l’inspection générale des affaires sociales en février 2023.
([156]) Décret n° 2024-1211 du 27 décembre 2024 relatif aux modalités de détermination des quartiers prioritaires de la politique de la ville particulières aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à la Polynésie française.
([157]) L'article 1er du décret n° 2024-1037 du 15 novembre 2024 portant sur les contrats de ville et la participation des habitants à la politique de la ville qui précise que « les contrats de ville mentionnés à l’article 6 de la loi susvisée sont renouvelés au 1er janvier 2030, puis tous les six ans. Ils sont actualisés tous les trois ans si les parties en conviennent. »
([158]) Institut d’émission des départements d’outre‑mer, Rapport annuel économique de Mayotte, 2023, p. 89. https://www.iedom.fr/IMG/pdf/rapport_annuel_economique_de_mayotte_2023.pdf
([159]) Article 56 de la loi n° 83‑663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83‑8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État. L’article a été abrogé puis codifié au sein du code de l’environnement par l’ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l’environnement.
([160]) Ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 relative à la partie législative du code du sport
([161]) L’article 50 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a redéfini le dispositif dit « passeport-mobilité études » crée en 2002. Celui a ensuite été renommé « passeport pour la mobilité des études » par l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports.
([162]) C’est-à-dire l’organisation des enseignements sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées comprenant cinq matinées.
([163]) Arrêté du 4 décembre 2024 fixant les taux des aides au fonds de soutien au développement des activités périscolaires au titre de l’année scolaire 2024-2025.
([164]) À la rentrée 2018, 87 % des communes avaient fait le choix du retour à la semaine de quatre jours.
([165]) Étude d’impact de l’article 54 du projet n° 1680 de loi de finances pour 2024.
([166]) Soit 36,6 millions d’euros versés à plus de 1 200 collectivités, selon l’étude d’impact.
([167]) Comme l’expose le rapport annexé au présent projet de loi, avant le cyclone Chido, il manquait 1 200 classes pour répondre aux besoins.
([168]) Répartition des enseignements sur neuf demi-journées par semaine, ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées.
([169]) Avis du Conseil d’État sur un projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 409467, séance du jeudi 17 avril 2025.
([170]) Décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 portant création d’une majoration du traitement alloué aux fonctionnaires de l’État et de la fonction publique hospitalière et aux magistrats en service dans le Département de Mayotte.
([171]) Article 2 du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l’avantage spécifique d’ancienneté accordés à certains agents de l’État affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles.
([172]) Rapport d’information fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration général à la suite d’une mission d’information effectuée à Mayotte du 1er au 6 septembre 2008, par Jean-Jacques Hyest, Michèle André, Christian Cointat et Yves Détraigne.
([173]) étude d’impact du présent projet de loi.
([174]) Le mandat des conseillers à l’assemblée de Mayotte est fixé à six ans. L’assemblée est composée de 52 membres.
([175]) La mention du département de Mayotte à cet article est supprimée par le 16° du présent article.
([176]) La mention du département de Mayotte est supprimée par le 15° du présent article.
([177]) Idem.
([178]) La mention du département de Mayotte est supprimée par le 17° du présent article.
([179]) La mention du département de Mayotte est supprimée par le 18° du présent article.
([180]) La mention du conseil départemental est remplacée par celle d’assemblée par le 19° du présent article.
([181]) La mention du département de Mayotte est supprimée par le 20° du présent article.
([182]) Compte rendu intégral de la deuxième séance du 2 octobre 2013, site de l’Assemblée nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2013-2014/20140005.asp#P38422.
([183]) Dans une limite fixée à l’occasion du vote du budget et ne pouvant dépasser 7,5 des dépenses réelles de chacune des sections.
([184]) Soit les dépenses résultant de conventions, de délibérations ou de décisions au titre desquelles le Département-Région s’engage au-delà d’un seul exercice budgétaire à verser une subvention, une participation ou une rémunération à un tiers, à l’exclusion des frais de personnel.
([185]) Article qui renvoie lui-même à l’article L. 3321-1 qui énumère les dépenses obligatoires pour le département.
([186]) Qui fait office de schéma d’aménagement régional pour la collectivité de Mayotte.
([187]) Décret n° 2014-157 du 13 février 2014 portant délimitation des cantons dans le Département de Mayotte
([188]) Décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, considérant 16.- Voir aussi décision n° 87-227 DC du 7 juillet 1987.
([189]) Voir par exemple DC 2011‑634 du 21 juillet 2011.
([190]) Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 : Pour l’assemblée de Polynésie, de telles dispositions ont été jugées conformes à la Constitution.
([191]) DC 2007-559 du 6 décembre 2007 sur la loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
([192]) Décision 2019-811 QPC du 25 octobre 2019.
([193]) Le livre III de la septième partie du CGCT, qui en application de l’article 1er du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte deviendrait le livre IV, a notamment trait aux conditions d’application aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique du dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution relatif aux habilitations pouvant être données à ces collectivités pour adapter les lois et règlements.