N° 1586

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juin 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI


visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers

 

PAR Mme Brigitte BARÈGES

Députée

——

 

 

 

 

Voir le numéro : 1410.


SOMMAIRE

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Pages

Introduction......................................................... 5

Commentaire de l’article unique

Article unique (art. 132-18-1 [rétabli], 132-1 9 et 132-19-1 [rétabli] du code pénal, art.464-2 [abrogé] du code de procédure pénale) Instauration de peines minimales de privation de liberté pour les crimes et délits commis contre certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Face à l’exaspération légitime de nos concitoyens, en particulier lorsque nos forces de l’ordre subissent des agressions, « la première des réponses est […] que là où dans la loi sont inscrites des peines maximales, on puisse inscrire aussi des peines minimales » ([1]). Notre Assemblée n’a pas attendu cette prise de conscience tardive de notre Gouvernement, à travers ces mots de François Bayrou, pour lever le tabou sur les peines planchers.

Plusieurs propositions de lois visant à instaurer des peines minimales de privation de liberté ont déjà été examinées devant notre Assemblée, sans qu’aucune n’aboutisse ([2]).

Toutes étaient motivées par le constat d’une montée en intensité de la criminalité et de la délinquance, nécessitant une adaptation de nos outils juridiques pour offrir une réponse pénale adaptée à cette évolution du phénomène délinquant.

Toutes ont été balayées d’un revers de main, sans recevoir le soutien du Gouvernement.

Pourtant, chaque année nous ne pouvons que déplorer l’augmentation du nombre des infractions commises sur notre territoire, en particulier à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publique, tandis que les déclarations publiques restent lettre morte.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi du groupe UDR entend enfin réintroduire des peines planchers pour fixer des peines minimales de privation de liberté véritablement dissuasives pour les auteurs d’infractions.

Le dispositif proposé instaure ces pénalités minimales pour les infractions les plus graves commises contre les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, en particulier celles qui menacent l’intégrité de nos forces de sécurité ou encore de nos sapeurs-pompiers, bien trop souvent victimes de violences intolérables.

Ces infractions dont sont victimes les personnes qui nous défendent au quotidien et qui portent assistance à nos concitoyens sont intolérables. Pour être véritablement dissuasive, le quantum de la peine privative de liberté prononcée doit être en cohérence avec le maximum encouru, tel qu’il a été prévu par le législateur. La fermeté de la réponse judiciaire, au travers de l’instauration de peines minimales, est donc indispensable pour dissuader la commission de tels faits.

Parce qu’il n’est pas tolérable que de tels faits demeurent insuffisamment punis, la présente proposition de loi prévoit l’application de ces peines minimales dès la première infraction commise contre ces personnes, et pas seulement lorsqu’ils sont commis en état de récidive légale.

C’est ce signal de fermeté qu’a choisi d’adresser la commission des Lois en adoptant ce texte après y avoir apporté des améliorations d’ordre rédactionnel. Votre rapporteure escompte que notre Assemblée se saisisse de cette opportunité, après tant d’occasions manquées, pour adopter en séance publique cette proposition de loi et instaurer dans notre droit des peines minimales dissuasives pour les infractions commises contre nos forces de l’ordre et nos sapeurs-pompiers.

  1.   Une évolution à la hausse de la criminalité et de la délinquance
    1.   Une tendance qui se confirme chaque année

Les indicateurs chiffrés annuels permettant de mesurer l’évolution de la criminalité et de la délinquance illustrent une tendance inquiétante à l’augmentation de la commission des infractions.

● Entre 2022 et 2023, des hausses significatives ont été enregistrées pour la plupart des infractions. Cette évolution s’observe notamment pour les infractions suivantes :

– les tentatives d’homicide, qui ont augmenté de 12 % par rapport à 2022, le nombre de faits enregistrés étant en constante hausse depuis 2019 ([3]) ;

– les coups et blessures volontaires commis sur des personnes de plus de 15 ans ont augmenté de 5 % ([4]) ;

– les violences sexuelles ont augmenté de 8 % ([5]).

● Les premiers chiffres publiés pour l’année 2024 ([6]) confirment cette tendance à la hausse dans l’évolution de la criminalité et de la délinquance. Pour ces mêmes infractions, le nombre de faits constatés a encore augmenté dans les proportions suivantes :

– les tentatives d’homicides ont augmenté de 7 % par rapport à 2023 ;

– les coups et blessures volontaires ont augmenté de 1 % ;

– les violences sexuelles ont augmenté de 7 %.

  1.   L’augmentation préoccupante des atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public

Parmi les infractions commises, l’augmentation du nombre de violences commises à l’encontre des forces de l’ordre est préoccupante.

Cette évolution s’observe de longue date : déjà, entre 2014 et 2019, les condamnations pour des infractions commises contre les forces de l'ordre avaient augmenté de 21 % ([7]).

Comme les données du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) le révèlent, 10,9 % des forces de sécurité intérieure et 7,5 % des policiers, militaires et assimilés ont été victimes de violences physiques chaque année en moyenne durant la période 2013 à 2018 ([8]).

Sur l’ensemble des faits de violences physiques ou verbales, délictuelles ou criminelles, enregistrés par la police et la gendarmerie en 2021, 15,2 % des victimes étaient des policiers nationaux.

Comme le montre le graphique ci-dessous, les policiers nationaux ne sont pas les seules victimes de ce type de faits, auxquels sont également confrontés notamment les policiers municipaux, les agents de l’administration pénitentiaire, les gendarmes, les pompiers et les militaires.

Répartition par profession des violences physiques ou verbales, délictuelles ou criminelles (hors violences sexuelles ou intrafamiliales) enregistrées par la police et la gendarmerie en 2021 (extraits)

Sources : SSMSI, base des victimes de crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie.

Cette évolution se confirme par l’étude du nombre des condamnations prononcées pour des infractions commises contre des personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP) ([9]).

En 2022, 24 828 personnes ont été condamnées pour avoir commis à titre principal une infraction contre une PDAP, dont 4 021 en état de récidive légale (soit 16,02 %). En 2023, le nombre de personnes condamnées pour ces infractions a augmenté, passant à 25 853 personnes, dont 4 481 en état de récidive légale (soit 17,3 %) ([10]).

Plus spécifiquement, le nombre de personnes condamnées pour des infractions commises contre des militaires, des policiers, des agents des douanes ou de l’administration et des gardes-champêtres a également augmenté, passant de 758 (dont 37,9 % en récidive légale) en 2022 à 2 558 en 2023 (dont 32,8 % en récidive). Parallèlement, pour ces personnes, le taux de prononcé d’une peine privative de liberté ferme, c’est-à-dire sans être assortie d’un sursis, a diminué, passant de 61,3 % en 2022 à 54,4 % en 2023. Le quantum de la peine privative de liberté ferme prononcée a cependant augmenté : il était de 8,8 mois en moyenne en 2022 et est passé à 9,6 mois en 2023 ([11]).

Les tableaux ci-dessous présentent ces évolutions :

Évolution du nombre de Condamnations et des peines prononcées pour des infractions commises contre des personnes dépositaires de l’autorité publique

Année

Condamnations

Dont en récidive

Taux de condamnations en récidive

Nombre de peines de privation de liberté

Dont ferme (tout ou partie)

Dont sursis total

Taux de prononcé d'une peine privative de liberté ferme

Quantum ferme de la peine privative de liberté (mois)

2022

24 828

4 021

16,2 %

12 916

7 160

5 756

28,8 %

6,8

2023 (*)

25 853

4 481

17,3 %

13 784

7 666

6 118

29,7 %

7,4

(*) données provisoires.

Source : contribution écrite de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice, 16 juin 2025.

 

 

 

 

Évolution du nombre de Condamnations et des peines prononcÉes pour des infractions commises contre des MILITAIRES, POLICIERS MUNICIPAUX, GARDES-champÊtres, agents des douanes et agents de l’administration pÉnitentiaire

Année

Condamnations

Dont en récidive

Taux de condamnations en récidive

Nombre de peines de privation de liberté

Dont ferme (tout ou partie)

Dont sursis total

Taux de prononcé d'une peine privative de liberté ferme

Quantum ferme de la peine privative de liberté (mois)

2022

758

287

37,9 %

682

465

217

61,3 %

8,8

2023 (*)

2 558

839

32,8 %

2 230

1 392

838

54,4 %

9,6

(*) données provisoires.

Source : contribution écrite de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice, 16 juin 2025.

Ces chiffres révèlent une augmentation du nombre d’infractions commises contre ces personnes dépositaires de l’autorité publique entre les années 2022 et 2023 mais également une hausse du taux de récidive pour ces faits. Face à cette évolution, le taux de prononcé d’une peine d’emprisonnement privative de liberté ferme apparaît encore trop faible au regard de la nature et de la gravité des faits commis.

  1.   La nécessité d’adapter la réponse pénale en prévoyant des peines minimales de privation de liberté
    1.   Le bilan contrasté des anciennes peines planchers ne doit pas occulter ses effets positifs

En 2007 ([12]), le législateur a introduit des peines planchers applicables aux crimes et aux délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement et commis en état de récidive légale. Ce dispositif a ensuite été étendu à certaines violences commises en-dehors de toute récidive légale ([13]).

Le mécanisme des peines planchers a été abrogé par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ([14]), aux motifs que ce dispositif n’avait pas eu d’effet dans la lutte contre la récidive et avait contribué à une augmentation de la population carcérale ([15]) .

Pour autant, comme il été mis en évidence depuis lors ([16]), ce bilan mérite d’être nuancé à l’aune de travaux plus récents.

● En premier lieu, en matière délictuelle, l’instauration de peines planchers a contribué à l’accroissement de la durée moyenne des peines d’emprisonnement prononcées.

Pour les personnes condamnées en état de récidive légale, le quantum moyen de la peine prononcée, incluant l’emprisonnement ferme et l’emprisonnement assorti d’un sursis, a ainsi progressé de 6 mois, soit une augmentation de 63 %, avec la mise en œuvre de la loi ([17]).

Cela signifie que l’instauration des peines planchers a eu un effet tangible sur la fermeté de la réponse pénale.

Cette fermeté s’est poursuivie après l’abrogation du dispositif des peines planchers, ce qui démontre une forme d’acculturation à la nouvelle échelle des peines qui avait été mise en œuvre par l’effet de cette réforme ([18]).

● En second lieu, s’il est allégué une absence d’effet de l’application des peines planchers sur la récidive, cette assertion peut être relativisée à l’aune des travaux de recherche menés par le professeur Arnaud Philippe ([19]).

Comme le souligne ce professeur, il existe aujourd’hui une « disjonction complète » entre les peines maximales encourues et les peines effectivement prononcées ([20]). Cela signifie que les peines prévues par la loi ne sont plus corrélées avec celles qui sont prononcées lors d’une condamnation.

Ainsi, en moyenne, les personnes ne sont condamnées qu’à hauteur de 8 % du maximum de la peine légalement encourue. Par ailleurs, il a été observé que plus le quantum maximal de la peine est faible, plus la peine prononcée se rapproche de la peine encourue. Lorsque le quantum de la peine dépasse trois ans d’emprisonnement, la peine prononcée ne dépasse pratiquement jamais la moitié de la peine encourue.

Ce constat peut s’expliquer par la très grande amplitude offerte au juge pour moduler la durée de la peine prononcée. Cette discordance est toutefois problématique car elle tend à décrédibiliser la sanction pénale, amenuisant, de fait, son effet dissuasif. Elle nourrit en outre la crise de confiance envers la justice, nos concitoyens peinant souvent à comprendre l’écart entre la peine encourue et celle effectivement prononcée.

L’ancien dispositif des peines planchers a eu pour mérite de modifier profondément la physionomie des peines prononcées. En effet, comme le souligne l’Institut des politiques publiques, « une hausse très nette des sanctions prononcées à l’encontre des récidivistes » a été observée dès l’adoption de ce dispositif ([21]).

Comme le montrent les graphiques ci-dessous, l’application du dispositif des peines planchers a induit le prononcé de peines d’emprisonnement ferme jusqu’à 50 % plus élevées pour les personnes en état de récidive légale et le prononcé de peines d’emprisonnement assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve trois fois plus élevées qu’auparavant. Ainsi, le quantum des peines prononcées est passé, entre juillet et août 2007, d’environ 180 jours d’emprisonnement ferme à 280 jours et de 50 jours d’emprisonnement assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve à 150 jours.

évaluation des effets des « peines planchers » sur les peines d’emprisonnement ferme prononcées

Sources : « Les peines planchers sont-elles un outil efficace pour éviter la récidive ? », Notes de l’Institut des politiques publiques (IPP) n° 105, mars 2024.

 

évaluation des effets des « peines planchers » sur les peines d’emprisonnement assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve prononcées

Sources : « Les peines planchers sont-elles un outil efficace pour éviter la récidive ? », Notes de l’Institut des politiques publiques (IPP) n° 105, mars 2024.

En revanche, dans la mesure où le dispositif des peines planchers s’appliquait prioritairement, voire exclusivement jusqu’en 2011, aux personnes en état de récidive légale, ses effets dissuasifs ont été estimés insuffisants. Ainsi, le nombre d’infractions commises en récidive légale n’a pas diminué par l’effet de la réforme instaurant les peines planchers.

Pour autant, la réforme a eu un effet dissuasif sur son public cible, à savoir les récidivistes. En effet, les personnes plus sévèrement condamnées en application d’une peine plancher ont moins récidivé en ce qui concerne les infractions pour lesquelles des seuils minimaux d’emprisonnement étaient prévus.

C’est ainsi que l’Institut des politiques publiques souligne un effet « d’apprentissage » de la réforme qui a eu pour effet dissuader les personnes condamnées à commettre un nouveau délit puni d’une peine plancher ([22]).

De plus, les co-condamnés qui ont assisté au procès ont également eu moins tendance à récidiver. Cela montre bien une forme d’adaptation à la réforme et une diffusion de son effet dissuasif, y compris parmi les partenaires du délinquant qui a été condamné à une peine plancher ([23]).

En définitive, les effets de l’ancien dispositif des peines planchers apparaissent positifs pour les personnes qui ont véritablement été ciblées par la pratique des seuils minimaux de privation de liberté. Au-delà de l’aspect pédagogique de la sanction, la certitude de la sévérité de la peine prononcée est un signal fort pour les personnes condamnées, les dissuadant de réitérer une fois qu’elles ont été confrontées à ce dispositif.

Il doit cependant être souligné que l’application de ce dispositif est demeurée limitée en raison de son périmètre d’application très restreint et essentiellement cantonné aux personnes en état de récidive légale. Dès lors, comme le rappelle l’Institut des politiques publiques dans son étude « les taux de délinquance n’ont pas baissé, car les effets présentés se limitent à un très faible nombre de crimes. En effet, si l’on observe bien une diminution de certains types de comportements délinquants, il ne s’agit que des potentielles "récidives de récidivistes", c’est-à-dire des deuxièmes ou troisièmes récidives, comportement qui représentait environ 1,75 % des condamnations avant la réforme. » ([24])

● Il s’en déduit que le bilan contrasté qu’il est possible de dresser à la lumière de cette expérience passée est surtout le fait d’un mauvais calibrage de cette mesure. Si le dispositif des peines planchers s’était appliqué à un plus grand nombre de personnes et qu’il n’avait pas eu pour vocation à cibler essentiellement les personnes en état de récidive légale, ses effets sur la délinquance et la récidive auraient sans doute été plus concluants.

Le professeur Arnaud Philippe estime ainsi qu’une augmentation du quantum des peines prononcées, de sorte à les rapprocher du maximum encouru, aurait un effet dissuasif. Dans ses projections, si, en matière délictuelle, les personnes étaient condamnées à la même hauteur en moyenne que les personnes condamnées pour des crimes, c’est-à-dire si le quantum de la peine prononcée était à hauteur de 44 % de la peine maximum encourue (et non plus à 8 %), il y aurait une diminution des infractions de 20 % ([25]).

  1.   Le dispositif renouvelé de peines planchers introduit par la présente proposition de loi se singularise par rapport aux précédentes initiatives examinées par notre Assemblée

La présente proposition de loi adopte une approche innovante puisqu’elle instaure des peines minimales ayant vocation à s’appliquer aux primo-délinquants, et non plus seulement à être réservées aux personnes en état de récidive légale.

Elle s’inscrit donc en rupture avec la logique ayant présidé à l’instauration des anciennes peines planchers en 2007, même si le dispositif a par la suite été étendu, pour certaines infractions, aux primo-délinquants.

Dès lors, les nouvelles peines minimales dont il est proposé l’introduction s’appliqueront à un nombre bien plus important d’accusés et de prévenus. En effet, dès lors que ces personnes auront commis un crime ou un délit à l’encontre de certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou en charge d’une mission de service public, elles se verront appliquer en principe une peine minimale de privation de liberté.

Ce champ d’application plus vaste est destiné à accentuer les effets bénéfiques de cette réforme, déjà observés avec l’introduction des anciennes peines planchers, en adéquation avec les objectifs qui lui sont fixés : une diminution de la délinquance et une augmentation de l’effet dissuasif des peines.

À la différence des précédentes initiatives législatives soumises à notre Assemblée, qui limitaient le périmètre d’application des peines minimales aux personnes en état de récidive légale, la présente proposition de loi entend s’appuyer sur les différentes études menées sur les anciennes peines planchers pour mieux en adapter le champ d’application en définissant plus précisément les objectifs poursuivis.

– La proposition de loi n° 740 ([26]) examinée par la commission des Lois le 15 février 2023 avant d’être retirée lors de son examen en séance publique, le 2 mars 2023, instaurait une peine de privation de liberté minimale d’un an pour certains délits lorsqu’ils étaient commis en état de récidive légale.

– La proposition de loi n° 959 ([27]) rejetée par la commission des Lois le 26 mars 2025 et retirée lors de son examen en séance publique le 3 avril 2025, instaurait, elle aussi, une peine plancher d’emprisonnement d’un an pour certains délits lorsqu’ils étaient commis en état de récidive légale.

– La proposition de loi n° 262 ([28]), examinée le 23 octobre 2024 par la commission des Lois puis le 31 octobre 2024 en séance publique, instaurait quant à elle non seulement des peines minimales pour les crimes et les délits commis en état de récidive légale, mais aussi des peines planchers pour certains crimes et délits en-dehors de toute récidive légale. Son périmètre d’application différait ainsi de cette proposition de loi, dont la vocation est de prévoir des peines planchers pour les primo-délinquants pour les infractions commises contre les forces de l’ordre et les sapeurs-pompiers.

Dès lors, la présente proposition de loi tire les leçons de l’expérience passée des peines planchers pour en adapter le périmètre d’application à une plus grande population cible, afin d’en accentuer les effets positifs, notamment le caractère dissuasif de ces peines qui a été démontré sur les personnes qui avaient effectivement été condamnées en application des seuils minimaux.


   Commentaire de l’article unique

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

● L’article unique de la proposition de loi instaure des seuils minimaux de peines de réclusion, de détention ou d’emprisonnement pour les crimes et les délits commis à l’encontre de certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public (à savoir les gendarmes, les policiers, les agents de police municipale, les militaires, les sapeurs-pompiers, les agents des douanes, les agents de l’administration pénitentiaire et les gardes champêtres).

La juridiction peut toutefois déroger à ces seuils minimaux et prononcer une peine inférieure par une décision spécialement motivée, soit en tenant compte des circonstances de l’infraction ainsi que de la personnalité de son auteur, soit, en cas d’infractions commises en état de récidive légale, si le condamné présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.

● Par cohérence, le présent article supprime certaines dispositions de l’article 132-19 du code pénal qui prévoient :

– le principe selon lequel une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours,

– la mise en œuvre de mesures d’aménagement lorsque la peine prononcée est inférieure ou égale à un an d’emprisonnement ferme,

– ainsi que l’exigence de motivation renforcée en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme.

● Enfin, l’article unique de la présente proposition de loi abroge l’article 464-2 du code de procédure pénale, qui précise les modalités d’aménagement de la peine d’emprisonnement ferme prononcée par le tribunal correctionnel et définit les obligations de motivation y afférentes.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a supprimé les peines planchers introduites en 2007 en cas de récidive légale et en 2011 pour certaines infractions commises par des primo-délinquants.

     Modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article unique après y avoir apporté des modifications d’ordre rédactionnel et prévu les coordinations nécessaires pour assurer l’application de ces dispositions en outre-mer.

  1.   L’état du drOIT

Le code pénal de 1791 avait instauré une fixité des peines, corollaire du principe de légalité des incriminations et des peines, n’octroyant aucune liberté d’appréciation aux juges, et ce pour se prémunir de l’arbitraire dans la modulation de la sanction. Le code pénal de 1810 abandonna toutefois cette conception rigide du principe de légalité et institua, le premier, des peines planchers, en déterminant une fourchette légale des peines par la fixation d’un quantum minimal et d’un quantum maximal encouru ([29]).

Le code pénal de 1994 a supprimé ces peines minimales en consacrant le principe d’individualisation des peines. Ainsi, ce code ne détermine qu’un quantum maximum de peine encouru en laissant toute latitude au juge pour moduler la sanction.

Formulé à l’article 132-1 du code pénal, le principe d’individualisation impose au juge de déterminer « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale », dans le respect des finalités assignées par la loi à la peine.

  1.   Les fonctions de la peine

L’individualisation de la peine telle qu’elle est consacrée par le code pénal s’effectue conformément aux finalités et aux fonctions de la peine.

Ces fonctions sont définies à l’article 130-1 du code pénal qui dispose : « afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

1° de sanctionner l’auteur de l’infraction ;

2° de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ».

En vertu du principe de légalité des incriminations et des peines, les sanctions pénales encourues pour les personnes physiques sont déterminées par le code pénal. Elles sont de différentes natures, la loi fixant les peines principales encourues pour chaque catégorie d’infractions comme suit :

– pour les crimes, la privation de liberté ([30]), qui se décline en réclusion criminelle (pour les infractions de droit commun) et en détention criminelle (pour certaines infractions politiques ([31])). La durée de cette peine est de 15 ans au moins, pouvant aller jusqu’à la perpétuité ([32])  ;

– pour les délits, l'emprisonnement (de 2 mois à 10 ans encourus ([33])) et l'amende correctionnelle (d’un montant d’au moins 3 750 euros ([34])) sont les deux peines principales ;

– pour les contraventions, l’amende de police (d’un montant maximum de 3 000 euros) est la peine principale ([35]).

  1.   L’encadrement du choix de la peine prononcée par la juridiction

Le choix de la peine par la juridiction est encadré par le respect des principes de légalité des peines et d’individualisation. En vertu de ces principes, la juridiction ne peut prononcer que des peines qui sont prévues par la loi et individualisées conformément aux règles énoncées à l’article 132-1 du code pénal, c’est-à-dire, « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ».

  1.   Un encadrement aujourd’hui abandonné : les anciennes peines planchers

● La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ([36]), a instauré des peines planchers, qui se définissent comme des peines minimales de privation de liberté, applicables aux condamnés en état de récidive légale.

Ces peines minimales étaient fixées en fonction du quantum de la peine encourue :

– En matière criminelle ([37]), les planchers s’échelonnaient entre 15 ans et 5 ans, comme le présente le tableau ci-dessous.

Anciennes Peines plancherS en matière criminelle

Peine de réclusion ou de détention criminelle encourue

Peine minimum prévue

Perpétuité

15 ans

30 ans

10 ans

20 ans

7 ans

15 ans

5 ans

– En matière délictuelle ([38]), les peines minimales prévues s’échelonnaient entre 4 ans et 1 an.

Anciennes Peines plancherS en matière délictuelle

Peine d’emprisonnement encourue

Peine minimum prévue

10 ans

4 ans

7 ans

3 ans

5 ans

2 ans

3 ans

1 an

Pour respecter le principe d’individualisation des peines ([39]), la juridiction disposait de la faculté de déroger à ces peines minimales et pouvait prononcer une peine inférieure au seuil prévu en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de l’auteur et des garanties d’insertion ou de réinsertion que ce dernier présentait.

Cette faculté pour le juge de déroger au principe des peines planchers était toutefois plus strictement encadrée lorsque la personne concernée était condamnée en état de nouvelle récidive légale pour certaines infractions plus graves ([40]). En effet, dans un tel cas de multi-récidive, le juge ne pouvait prononcer des peines moindres aux planchers prévus qu’en respectant les conditions suivantes :

– par une décision spécialement motivée ;

– uniquement dans l’hypothèse où la personne condamnée présentait des « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion » ;

– sans pouvoir prononcer une peine autre que l’emprisonnement, lorsque la personne était condamnée pour certaines catégories de délits ([41]).

● Ce régime des peines planchers était applicable aux mineurs condamnés en état de récidive légale.

En effet, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ([42]) avait complété l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ([43]) pour étendre aux mineurs l’application des articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal ([44]).

● Ce dispositif de peines minimales a été complété par la loi du 14 mars 2011 ([45]) pour l’étendre aux primo-délinquants, c’est-à-dire aux personnes condamnées hors récidive légale lorsqu’ils avaient commis certaines infractions d’atteintes aux personnes, dans les conditions détaillées dans le tableau ci-dessous ([46]).

 

 

 

 

 

 

 

Anciennes Peines plancherS POUR LES non récidivistes

Infractions concernées et peine d’emprisonnement encourue

Peine d’emprisonnement encourue

Peine minimum prévue

Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (art. 222‑9 du code pénal)

10 ans

2 ans

Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours et commises avec circonstances aggravantes (art. 222‑12 du même code)

10 ans

(si l’infraction est commise avec trois circonstances aggravantes ou sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité)

2 ans

7 ans

(si l’infraction est commise avec deux circonstances aggravantes)

18 mois

Violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou aucune ITT et commises avec trois circonstances aggravantes (art. 222‑13 du même code)

7 ans

18 mois

Violences habituelles sur un mineur de moins de quinze ans ou sur une personne vulnérable et ayant entraîné une ITT de plus de huit jours (3° de l’article 222‑14 du même code)

10 ans

2 ans

Violences commises en bande organisée ou avec guet-apens commises contre une personne dépositaire de l’autorité publique n’ayant pas entraîné une ITT pendant plus de huit jours (4° de l’article 222‑14‑1 du même code)

10 ans

2 ans

Embuscade commise en réunion (art. 222‑15‑1 du même code)

7 ans

18 mois

Ce régime de peines planchers pour les primo-délinquants n’était applicable qu’aux peines encourues de sept et dix ans d’emprisonnement, excluant de fait les infractions considérées lorsqu’elles étaient punies moins sévèrement (par exemple, les violences ayant entraîné des ITT prévues aux articles 222‑12 et 222‑13 du code pénal mais commises avec une seule circonstance aggravante, punies de trois ans ou de cinq ans d’emprisonnement ([47])).

L’ancien article 132‑19‑2 du code pénal prévoyait toutefois la possibilité pour le juge de prononcer, par décision spécialement motivée, une peine d’emprisonnement inférieure aux seuils minimums fixés par la loi ou une peine autre que l’emprisonnement « en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »

● Les peines planchers pour les primo-délinquants prévues à l’article 132-19-2 du code pénal n’étaient pas applicables aux mineurs.

Dans sa décision du 10 mars 2011 ([48]), le Conseil constitutionnel a en effet censuré le II de l’article 37 de la loi du 14 mars 2011 ([49]) qui complétait l’article 20-2 de l’ordonnance de 1945 pour y ajouter la référence à ce nouvel article.

Le Conseil constitutionnel avait notamment estimé qu’une telle disposition, qui instituait les peines minimales pour des mineurs qui n’avaient jamais été condamnés pour crime ou délit, était contraire aux exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs ([50]).

● La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ([51]) a abrogé cet ancien dispositif de peines planchers.

Cette abrogation était justifiée, selon l’exposé des motifs de la loi, par le constat selon lequel « si la prison est indispensable dans certains cas, son efficacité en termes de prévention de la récidive, notamment s'agissant des courtes peines, n'est pas démontrée. La persistance d'un taux d'occupation des établissements pénitentiaires élevé résulte du recours “ par défaut ” à l'emprisonnement, faute de solutions alternatives, et de l'allongement de la durée moyenne de détention, principalement dû au mécanisme des peines minimales et à la lourdeur des processus d'aménagement. » ([52])

Ainsi qu’il l’a été mis en évidence dans l’exposé général du présent rapport, ce bilan de l’application du régime des peines planchers mérite toutefois d’être relativisé, au regard des effets bénéfiques qui ont été observés, notamment sur l’aspect dissuasif de ce dispositif ([53]).

Pour autant, l’abrogation des peines minimales n’a pas levé toutes les contraintes qui pèsent sur la liberté de la juridiction dans le choix de la peine. Au contraire, des seuils minimaux et des peines obligatoires demeurent en vigueur dans notre système juridique actuel.

  1.   L’encadrement existant
    1.   Les peines obligatoires et minimales en vigueur

● En matière criminelle, l’article 132-18 du code pénal prévoit des peines minimales de privation de liberté. En effet, la juridiction ne peut prononcer une peine d’emprisonnement :

– inférieure à deux ans, lorsque la peine encourue est la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité ;

– ou inférieure à un an, lorsque la peine encourue est la réclusion ou la détention criminelle à temps ([54]).

● Par ailleurs, le code pénal prévoit plusieurs peines complémentaires obligatoires. Ces peines ont vocation à être automatiquement prononcées par le juge en complément de la peine principale. Il en est ainsi par exemple des peines suivantes :

– La peine de confiscation : cette peine est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné ([55]), ou encore, par exemple, pour le véhicule ayant servi à commettre certaines infractions et dont la personne condamnée est propriétaire ([56]), ou bien dans certains cas prévus par la loi ([57]).

– La peine d’inéligibilité : l’article 131-26-2 du code pénal prévoit que la peine complémentaire d’inéligibilité doit être obligatoirement prononcée en cas de condamnation pour les crimes ou délits prévus par cet article ([58]).

– La peine d’annulation du permis de conduire : celle-ci est automatique pour certaines infractions au code de la route, notamment en cas d’homicide involontaire ([59]), de conduite après usage de stupéfiants commis en état de récidive légale ([60]) ou encore de conduite sous l’influence de l’alcool en état de récidive légale ([61]).

– La peine d’interdiction de détenir ou de porter une arme : elle est obligatoirement encourue pour certaines infractions ([62]).

– La peine de suivi socio-judiciaire : cette peine complémentaire est obligatoire en cas de condamnation pour des faits de violences habituelles commises sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité, sauf en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement assortie du sursis probatoire ([63]).

Le fait d’imposer le prononcé de certaines peines complémentaires constitue indéniablement une limite au principe d’individualisation des peines. Toutefois, dans la plupart des cas, il est aménagé la possibilité pour le juge de déroger au prononcé obligatoire la peine complémentaire par une décision spécialement motivée, au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

  1.   Les exigences particulières pour le prononcé des peines d’emprisonnement ferme

Il existe plusieurs conditions fixées par le code pénal limitant la possibilité pour le juge de prononcer une peine d’emprisonnement ferme, c’est-à-dire sans sursis probatoire, en matière correctionnelle.

● Ainsi, la peine d’emprisonnement ferme revêt un caractère subsidiaire et ne peut être prononcée qu’en dernier recours par la juridiction ([64]).

Une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut en effet être prononcée que « si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » ([65]).

● De plus, il est fait interdiction à la juridiction de prononcer une très courte peine d’emprisonnement ferme, à savoir d’une durée inférieure ou égale à un mois ([66]).

● Par ailleurs, le prononcé des mesures d’aménagement des peines d’emprisonnement ferme est largement favorisé ([67]).

Il est ainsi consacré un principe d’aménagement obligatoire ab initio, c’est-à-dire dès le prononcé de la peine, qui s’effectue dans les conditions suivantes :

– L’aménagement est obligatoire lorsque la personne est condamnée à une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois, « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » ([68]) et ce pour la totalité de la peine prononcée ;

– Il en est de même pour les peines d’emprisonnement ferme comprises entre six mois et un an, qui font l’objet d’un aménagement systématique « en tout ou partie […] si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle » ([69]).

Le principe de l’aménagement ab initio est décliné à l’article 464-2 du code de procédure pénale qui impose à la juridiction de jugement d’ordonner que la peine d’emprisonnement ferme d’une durée égale ou inférieure à un an soit exécutée en totalité selon l’une des trois modalités d’aménagement de la peine suivante : la détention à domicile sous surveillance électronique, la semi-liberté ou le placement à l’extérieur.

Si le tribunal ne dispose pas d’éléments suffisants sur la situation du condamné pour décider lui-même de l’aménagement de la peine, il doit ordonner que le condamné soit convoqué devant le juge de l’application des peines, qui déterminera la mesure d’aménagement la mieux adaptée à sa situation ([70]).

En outre, l’article 464-2 instaure une obligation de motivation spéciale pour le tribunal correctionnel, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que la peine ne peut être aménagée ([71]).

● Le prononcé des peines d’emprisonnement ferme ainsi que l’absence d’aménagement ab initio des peines d’emprisonnement sont ainsi soumis à une exigence de motivation renforcée pour le tribunal correctionnel.

En application du deuxième alinéa de l’article 132-19 du code pénal, le prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme implique le respect des deux conditions cumulatives suivant :

– D’une part, la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur doivent rendre cette peine indispensable ;

– D’autre part, toute autre sanction que l'emprisonnement ferme doit être inadéquate.

Il en résulte pour le tribunal correctionnel une obligation de spécialement motiver sa décision de prononcer une peine d’emprisonnement ferme au regard de ces exigences. Cette obligation est rappelée au dernier alinéa de l’article 132-19 du code pénal qui impose une motivation concrète de la peine.

La cour de cassation veille au respect de cette obligation de motivation renforcée en vérifiant que le juge justifie la nécessité du prononcé de cette peine « au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction » et en exigeant « que s'il décide de ne pas aménager la peine, le juge doit, en outre, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle » ([72]).

Ainsi, l’ensemble de ces dispositions contraint le choix de la peine par la juridiction en consacrant le caractère subsidiaire de la peine d’emprisonnement ferme et l’obligation d’un aménagement ab initio de cette peine.

  1.   L’absence d’obstacle constitutionnel à l’instauration de peines obligatoires ou minimales

Si le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle du principe d’individualisation des peines ([73]), son respect n’interdit pas de fixer des contraintes limitant le pouvoir d’appréciation du juge dans le choix de la sanction pénale. En effet, le principe d’individualisation doit être concilié avec d’autres exigences constitutionnelles telles que la sauvegarde de l’ordre public ou la nécessaire répression des crimes et délits.

  1.   La validation constitutionnelle des anciennes peines planchers

● Le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité des peines planchers en jugeant les anciens articles 132‑18‑1, 132‑19‑1 et 132-19-2 du code pénal conformes aux exigences constitutionnelles.

L’instauration de peines minimales de privation de liberté n’emporte donc pas, en elle-même, une atteinte au principe d’individualisation des peines, le Conseil constitutionnel rappelant à cet égard, d’une part, qu’un tel principe « ne saurait faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions et, d’autre part, que ce principe n’implique pas que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction » ([74]).

Ainsi, pour valider la constitutionnalité des anciennes dispositions des articles 132-18 et 132-19-1 du code pénal instaurant des peines planchers en cas de récidive légale, le Conseil constitutionnel ([75]) relève :

– en premier lieu, que les peines minimales sont réservées à certaines infractions revêtant un degré particulier de gravité et commises en état de récidive légale ou une nouvelle fois en état de récidive légale ;

– en deuxième lieu, que la juridiction conserve toujours la possibilité de prononcer une peine inférieure aux seuils minimaux prévus par la loi, y compris en cas de nouvelle récidive, même si, dans ce cas, cette liberté est encadrée de manière plus restrictive ([76]), ce qui se justifie par la finalité de la loi d’assurer la répression effective de faits particulièrement graves et de lutter contre leur récidive ;

– en dernier lieu, que le large pouvoir d’appréciation du juge dans la détermination des conditions d’exécution de la peine est maintenu, en particulier en lui laissant la possibilité d’assortir la peine d’un sursis, mais également de tenir compte des éventuels troubles psychiques de la personne condamnée pour atténuer sa responsabilité pénale.

Ces mêmes motifs ont conduit le Conseil constitutionnel à valider la constitutionnalité des peines planchers instaurées en-dehors de toute récidive légale à l’ancien article 132-19-2 du code pénal, en relevant :

– d’une part, que ces peines minimales ne s’appliquaient qu’aux délits d'une particulière gravité, à savoir des atteintes à l'intégrité physique des personnes, caractérisées par au moins une ou plusieurs circonstances aggravantes et punies d'une peine d'au moins sept ans d'emprisonnement ;

– d’autre part, que la juridiction conservait toujours la possibilité de prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci, et qu’elle avait également la possibilité d'ordonner qu'il soit sursis, au moins partiellement, à l'exécution de la peine ([77]).

● Il peut aussi être souligné que le Conseil constitutionnel a validé l’ancienne peine plancher de deux ans d’emprisonnement applicable au délit de blanchiment douanier.

En effet, l’article 415 du code des douanes prévoyait pour ce délit un emprisonnement « de deux à dix ans », cette disposition n’ayant été abrogée que par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude ([78]).

Le Conseil constitutionnel a jugé cette peine minimale de privation de liberté pour le délit de blanchiment douanier conforme à la Constitution ([79]) au regard :

– de la particulière gravité de celui-ci ;

– de l’écart entre la durée minimale et la durée maximale de la peine d’emprisonnement prévue, à savoir entre deux et dix années, de nature à maintenir les possibilités d’individualisation de la peine dans cette fourchette ;

– de la faculté pour la juridiction de faire usage d’autres dispositifs d’individualisation de la peine ([80]).

  1.   La validation constitutionnelle des peines obligatoires

En outre, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité des peines obligatoires prévues par le code pénal. Il opère ainsi une distinction entre ces peines, qui ne contreviennent pas en elles-mêmes au principe d’individualisation, et les peines automatiques, qui sont, elles, prohibées.

● Les peines automatiques, ou accessoires, qui ont vocation à assortir systématiquement une condamnation sans que le juge n’ait à les prononcer sont contraires au principe d’individualisation des peines.

Ainsi, à titre d’exemple, le Conseil constitutionnel a censuré la peine d’interdiction d’inscription sur les listes électorales qui était attachée de plein droit à certaines condamnations pour des infractions commises par des personnes dépositaires de l’autorité publique sans que le juge ait à la prononcer expressément et sans qu’il puisse en faire varier la durée ([81]).

● Pour autant, les peines obligatoires ne sont pas nécessairement contraires au principe d’individualisation des peines.

Ainsi, le Conseil constitutionnel a validé plusieurs peines obligatoires, notamment celle d’annulation du permis de conduire en état alcoolique ([82]), ou encore celle d’inéligibilité en cas de condamnation pour certaines infractions ([83]).

En effet, ces peines ne portent pas atteinte au principe d’individualisation pour autant qu’une certaine marge d’appréciation est laissée au juge. Cette marge d’appréciation tient notamment au maintien de la possibilité pour le juge de moduler en partie la durée d’une interdiction obligatoire, ou encore de mettre en œuvre les dispositions de droit commun relatives aux dispenses et relevés des peines voire de décider par une décision motivée de ne pas prononcer la peine obligatoire en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

Il apparaît notamment déterminant que le juge puisse faire varier le quantum de la peine, y compris si elle est obligatoire, de sorte qu’il conserve une possibilité d’individualisation de celle-ci, même si elle est contrainte par les limites imposées par la loi.

  1.   La prise en compte de la qualité de la victime dans la détermination du quantum maximal de la peine

La peine encourue par l’auteur d’une infraction peut être aggravée dans certaines circonstances prévues par la loi.

Ces circonstances tiennent notamment compte de la qualité de la victime, lorsqu’elle est apparente ou connue de l’auteur des faits. Au titre des personnes protégées par la loi figurent les personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP) ou chargées d’une mission de service public.

La loi ne dresse pas de liste exhaustive de ces personnes mais le code pénal fait mention à plusieurs reprises de certaines de ses catégories.

À titre d’exemple, la peine encourue pour l’infraction de violences est aggravée lorsque les faits sont commis à l’encontre :

– des fonctionnaires de la police nationale ;

– des agents de la police municipale ;

– des gardes champêtres ;

– des militaires de la gendarmerie nationale ;

– des militaires déployés sur le territoire national en application de l’article L. 1321‑1 du code de la défense ([84]) ;

– des sapeurs-pompiers ;

– des agents des douanes ;

– des agents de l’administration pénitentiaire ;

– du titulaire d’un mandat électif.

L’article 222-14-5 du code pénal prévoit en effet que les violences commises à l’égard de l’une de ces personnes sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende si elles n’ont pas entraîné d’incapacité de travail temporaire (ITT) ou ont entraîné une ITT n’excédant pas huit jours, et de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende si elles ont entraîné une ITT de plus de huit jours.

Les peines encourues sont encore aggravées lorsque les faits ont été commis avec d’autres circonstances aggravantes, par exemple en réunion, avec usage ou menace d’une arme, préméditation ou guet-apens, ou encore en état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants ([85]).

  1.   LeS DISPOSITIONS DE la proposition de loi

L’article unique de la présente proposition de loi vise, d’une part, à rétablir des peines minimales de privation de liberté en cas de commission d’infractions sur certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et, d’autre part, à lever les contraintes pesant sur le prononcé des peines d’emprisonnement ferme.

  1.   La détermination de seuils minimaux de privation de liberté pour les infractions commises à l’égard de certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public

Les articles 132-18-1 et 132-18-2 du code pénal sont rétablis pour introduire des peines minimales de privation de liberté applicables dans les conditions suivantes :

– pour tous les crimes et pour tous les délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement ;

– lorsqu’ils sont commis à l’encontre de l’une des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public suivantes, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur :

● un militaire de la gendarmerie nationale ;

● un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321‑1 du code de la défense ;

● un fonctionnaire de la police nationale ;

● un agent de la police municipale,

● un agent des douanes ;

● un agent de l’administration pénitentiaire ;

● un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ;

● un garde champêtre.

– dès la première infraction commise, c’est-à-dire que le dispositif s’applique aux primo-délinquants et non exclusivement aux personnes en état de récidive légale.

Si l’ensemble des infractions criminelles et délictuelles sont ciblées, la gravité des faits doit ici être appréciée à l’aune de la qualité de la victime, justifiant l’instauration de peines minimales conformément au principe constitutionnel de nécessité des peines.

Les peines minimales de privation de liberté sont prévues en fonction du quantum de peine encouru pour chaque infraction, selon les distinctions figurant dans le tableau ci-dessous :

Peines minimales instaurées par la proposition de loi

Infractions concernées

Peine de privation de liberté maximale encourue

Peine minimale de privation de liberté instaurée par l’article unique

Crimes commis à l’encontre de certaines PDAP ou en charge d’une mission de SP

Perpétuité

20 ans

30 ans

15 ans

20 ans

10 ans

15 ans

7 ans

Délits commis à l’encontre de certaines PDAP ou en charge d’une mission de SP

10 ans

5 ans

7 ans

4 ans

5 ans

3 ans

3 ans

18 mois

La détermination de ces planchers minimaux de la peine de privation de liberté permet au juge de moduler largement le quantum de la peine dans la fourchette ainsi définie. En effet, l’écart entre la durée minimale et la durée maximale de la peine d’emprisonnement prévue est suffisant pour lui permettre d’individualiser cette durée.

Surtout, pour respecter les exigences découlant du principe d’individualisation de la peine, la juridiction est toujours libre de prononcer, par une décision motivée, une peine inférieure aux seuils minimaux définis.

Cette possibilité de déroger aux peines planchers est cependant encadrée plus ou moins strictement en fonction de l’état de récidive légale de la personne condamnée ainsi que de la nature de l’infraction commise :

– Ainsi, en matière criminelle, la juridiction pourra déroger aux peines minimales pour prononcer une peine de réclusion ou de détention criminelle inférieure à ces seuils ;

– En matière délictuelle, la juridiction pourra non seulement déroger aux peines minimales d’emprisonnement, mais aussi décider de prononcer une peine autre que l’emprisonnement ;

– Dans tous les cas, les conditions de la dérogation au prononcé des peines minimales de privation de liberté varient en fonction de la situation de primo-délinquant ou de récidiviste la personne :

● lorsque la personne condamnée n’est pas en état de récidive légale, la possibilité pour la juridiction de déroger aux peines minimales de privation de liberté est très large. Les seules conditions posées tiennent à la motivation spéciale de la décision et à la prise en compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.

● lorsque la personne condamnée est en état de récidive légale, les conditions de dérogation aux peines minimales sont plus strictes. Elles tiennent, d’une part, à l’obligation d’une décision spécialement motivée et, d’autre part, à l’exigence que l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion.

Les conditions fixées pour déroger au prononcé des peines minimales de privation de liberté définies par la loi sont similaires à celles qui étaient antérieurement prévues dans le cadre des anciennes peines planchers instaurées en 2007 et en 2011 ([86]) et dont la constitutionnalité a été approuvée par le Conseil constitutionnel ([87]).

En effet, dans l’ancien système des peines planchers, qui s’appliquait aux personnes en état de récidive légale ([88]) ou aux primo-délinquants ([89]), la juridiction pouvait par décision spécialement motivée déroger au prononcé des peines minimales ou prononcer une peine autre que l’emprisonnement « en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »

Toutefois, pour les personnes ayant commis certains délits une nouvelle fois en état de récidive légale, cette possibilité de dérogation était plus strictement encadrée puisque la juridiction ne pouvait déroger au prononcé des peines planchers par décision spécialement motivée que pour prononcer une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure et seulement « si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. »

Le nouveau dispositif des peines planchers introduit par la présente proposition de loi paraît conforme aux exigences constitutionnelles et respectueux des critères dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, rappelés ci-dessus. Son application est encadrée par les garanties suivantes :

– il ne s’applique qu’à des infractions graves, à savoir des crimes ou des délits commis contre certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public ;

– l’écart entre le seuil minimal et le seuil maximal de la peine de privation de liberté est suffisant pour permettre à la juridiction d’en moduler le quantum, conformément au principe d’individualisation des peines ;

– il maintient la possibilité pour la juridiction de déroger au prononcé des peines minimales par décision spécialement motivée, en l’encadrant plus strictement lorsque la personne condamnée est en état de récidive légale ;

– il ne déroge pas à la possibilité pour la juridiction de déterminer les conditions d’exécution de la peine, notamment en maintenant la possibilité pour celle-ci d’assortir la peine d’un sursis et de tenir compte des éventuels troubles psychiques de la personne condamnée pour atténuer sa responsabilité pénale.

Enfin, il doit être souligné que ce régime des peines planchers ne s’applique pas aux mineurs. En effet, l’article unique de la proposition de loi ne modifie pas le code de la justice pénale des mineurs pour prévoir l’application des nouvelles dispositions des articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal aux condamnés mineurs.

Sans cette coordination, les dispositions générales insérées dans le code pénal n’ont pas vocation à s’appliquer aux mineurs, pour lesquels les dispositions spéciales du code de la justice pénale des mineurs priment ([90]).

C’est d’ailleurs en vertu de la primauté des règles spéciales prévues pour les mineurs que le législateur a dû modifier l’ordonnance de 1945 en 2007 pour étendre l’application des anciennes peines planchers aux mineurs en état de récidive légale. C’est aussi parce que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de coordination de la loi de 2011 modifiant l’ordonnance de 1945 pour prévoir l’application de l’ancien article 132-19-2 du code pénal, que les anciennes peines planchers applicables aux primo-délinquants n’étaient pas applicables aux condamnés mineurs ([91]). En effet, en l’absence de cette modification qui insérait dans l’article 20-2 de l’ordonnance de 1945 un renvoi à l’article 132-19-2 du code pénal, ces règles générales n’ont pas été appliquées aux mineurs.

Il n’apparaît donc pas nécessaire de préciser dans les nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal leur non application aux mineurs.

  1.   La suppression des contraintes d’aménagement ab initio et de motivation renforcée susceptibles de dissuader le prononcé des peines d’emprisonnement ferme

L’article unique de la proposition de loi procède à plusieurs modifications visant à lever les contraintes qui pèsent sur le tribunal correctionnel lorsqu’il prononce une peine d’emprisonnement ferme.

● Pour ce faire, il supprime certaines dispositions de l’article 132-19 du code pénal afin :

– de mettre un terme au caractère subsidiaire de la peine d’emprisonnement ferme, en supprimant le deuxième alinéa de l’article 132-19 du code pénal qui prévoit qu’une telle peine ne peut être prononcée qu’« en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » ;

– d’abroger l’obligation d’aménagement ab initio de la peine d’emprisonnement ferme d’une durée égale ou inférieure à un an ;

– d’abandonner l’exigence de motivation spéciale de la décision du tribunal correctionnel applicable au prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme.

● Par cohérence, cet article abroge l’article 464-2 du code de procédure pénale, qui précise les conditions de mise en œuvre de l’obligation d’aménagement ab initio pesant sur le tribunal correctionnel lorsqu’il prononce une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à un an.

Cet article prévoit notamment les différentes possibilités d’aménagement de la peine et définit l’obligation de motivation dans le cadre du prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme et du refus de son aménagement.

● En assouplissant les conditions du prononcé par le tribunal correctionnel d’une peine d’emprisonnement ferme, l’article unique permet de mieux articuler le dispositif des peines minimales qu’il introduit avec les dispositions existantes en matière d’aménagement de peine.

Il supprime également les obligations de motivation contraignant le prononcé des peines d’emprisonnement ferme, celles-ci ne se justifiant plus dans la mesure où une telle peine sera, en principe, la peine minimale prononcée pour un certain nombre d’infractions.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté l’article unique en y apportant, à l’initiative de votre rapporteure, des améliorations rédactionnelles ([92]). Elle a également assuré l’application des dispositions de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, en adoptant des amendements de coordination ([93]).


   Compte rendu des débats

Lors de ses réunions du lundi 16 juin 2025, la Commission examine la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers (n° 1410) (Mme. Brigitte Barèges, rapporteure).

Lien vidéo du lundi 16 juin, 15 heures : https://assnat.fr/4pFkqA

Lien vidéo du lundi 16 juin, 21 heures : https://assnat.fr/jf0mDj

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Les trop nombreux drames survenus, encore récemment, en raison de la multiplication des violences commises dans notre société ont conduit nos concitoyens à une exaspération légitime face à l’inaction de notre gouvernement.

La première des réponses est « que là où dans la loi sont inscrites des peines maximales, on puisse inscrire aussi des peines minimales », a indiqué François Bayrou, premier ministre, devant notre assemblée lors des questions au gouvernement, le 3 juin. Ces mots, nous l’espérons, sont le signe d’une prise de conscience : celle de la nécessité d’agir pour affermir la réponse pénale.

Malheureusement, cette prise de conscience est bien trop tardive, alors qu’on ne peut que déplorer, chaque année, l’augmentation du nombre des infractions commises sur notre territoire.

Pour remédier concrètement à cette situation, la présente proposition de loi rétablit des peines planchers concernant les crimes et délits commis contre nos forces de l’ordre, dépositaires de l’autorité publique. Parce que ces atteintes dont sont victimes nos personnels en uniforme sont des atteintes à la République, elles méritent d’être sévèrement sanctionnées. Or notre système juridique actuel est loin de favoriser la fermeté de la réponse pénale.

En effet, notre code pénal ne fixe que des plafonds de peine, sans prévoir de minimum. Dans les faits, cela conduit à une totale déconnexion entre la peine encourue et celle effectivement prononcée. Les travaux du professeur Arnaud Philippe, chercheur ayant participé à l’étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) sur les peines planchers en 2024, ont démontré que les personnes ne sont condamnées en moyenne qu’à 8 % du maximum de la peine encourue. Un tel écart n’est pas acceptable. Il contribue à nourrir la crise de confiance envers la justice, mais aussi à affaiblir considérablement le sens de la peine.

Je rappelle qu’aux termes de l’article 130-1 du code pénal, les finalités de la peine sont plurielles : assurer la protection de la société, prévenir la commission de nouvelles infractions et restaurer l’équilibre social. Pour cela, la peine doit sanctionner l’auteur de l’infraction et favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. Et pour être véritablement dissuasive, la peine prononcée ne doit pas être totalement décorrélée de la peine maximale prévue par le législateur. C’est pourtant ce qu’on observe pour la très grande majorité des condamnations.

Comme vous le savez, nous avons déjà introduit des peines planchers dans notre droit, entre 2007 et 2014. Je prendrai un instant pour dresser un bilan objectif de cette expérience, car j’anticipe les arguments qui me seront opposés sur leur absence prétendue d’effets sur la récidive. Je me fonderai sur les travaux les plus récents de l’IPP, datant de mars 2024.

D’abord, il est avéré que l’instauration des peines planchers a eu un effet tangible sur la fermeté de la réponse pénale : elles ont contribué à l’accroissement de la durée moyenne des peines d’emprisonnement prononcées. Pour les personnes condamnées en état de récidive légale, le quantum moyen de la peine prononcée a progressé de six mois, soit une augmentation de 63 %.

Ensuite, ce dispositif a eu un effet dissuasif sur son public cible, à savoir les récidivistes. En effet, l’étude de l’IPP montre que les personnes plus sévèrement condamnées en application d’une peine plancher ont moins récidivé sur des infractions pour lesquelles des seuils minimaux d’emprisonnement étaient justement prévus. L’Institut souligne ainsi un effet d’« apprentissage » de la réforme, qui a eu pour effet de dissuader les personnes condamnées de commettre un nouveau délit puni d’une peine plancher.

Plus intéressant encore, les co-condamnés d’une personne ayant subi une peine plancher, qui ont assisté au procès, ont également eu tendance à moins récidiver. Cela démontre bien l’effet dissuasif de la sévérité de la peine minimale, non seulement sur la personne condamnée, mais également à l’égard de l’ensemble des délinquants.

Cependant, cette réforme ne ciblait qu’un nombre très restreint de personnes condamnées. En effet, les anciennes peines planchers avaient essentiellement vocation à s’appliquer aux personnes condamnées en état de récidive légale. Même si elles ont été étendues en 2011 aux primo-délinquants, cette extension a été limitée à certaines infractions réduites. Sur cette population cible, l’étude de l’IPP indique qu’il a bien été observé une « diminution de certains types de comportements délinquants », mais limitée aux potentielles récidives de récidivistes.

C’est donc la preuve que ce ne sont pas les peines planchers elles-mêmes qui sont inefficaces en matière de prévention de la récidive, mais que c’est le mauvais calibrage de la réforme, trop ciblée sur les récidivistes, qui a eu pour effet de limiter son effet dissuasif.

Le nouveau dispositif qui vous est présenté tire les leçons de cette expérience passée. Il introduit des peines minimales pour tous les crimes et délits punis de trois ans d’emprisonnement lorsqu’ils ont été commis contre nos forces de l’ordre – policiers, gendarmes, agents des douanes, agents pénitentiaires, gardes champêtres – et les sapeurs-pompiers. Ces peines minimales s’appliqueront dès la première infraction commise, car il n’y a aucune raison que de telles atteintes ne soient sévèrement sanctionnées qu’en cas de récidive légale. Pour respecter les exigences constitutionnelles et le principe d’individualisation des peines, la juridiction pourra, par décision spécialement motivée, déroger à ces peines minimales, dans certaines conditions.

Ce nouveau dispositif est donc équilibré. Sur le plan juridique, il ne soulève aucune difficulté, ce que les personnes auditionnées ont confirmé. Sur le plan opérationnel, l’introduction de telles peines minimales répond à une impérieuse nécessité : celle de restaurer la fermeté de la sanction pénale et de rétablir les fonctions punitive et dissuasive de la peine.

Je terminerai en rappelant que selon un récent sondage, 82 % des Français sont favorables au rétablissement des peines planchers. Ce n’est pas la première fois que notre assemblée examine des initiatives parlementaires visant à les réintroduire. Pourtant, elles ont toutes été rejetées ou retirées et aucun débat raisonnable et objectif n’a pu avoir lieu sur le sujet majeur de la fermeté de la réponse pénale. Il est urgent que le législateur s’en empare et réponde à l’attente légitime des Français. C’est l’objet de cette proposition de loi de M. Éric Ciotti et des membres du groupe UDR dont j’ai l’honneur d’être rapporteure.

Le débat sur les peines planchers a trop souvent cédé la place à l’anathème et aux postures purement idéologiques. Après tant d’occasions manquées et la succession de propositions de loi, issues de différents groupes politiques, visant à redonner du sens à la peine par l’intermédiaire des peines minimales, j’espère que l’examen du présent texte sera constructif et à la hauteur des enjeux auxquels notre justice est confrontée.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Michaël Taverne (RN). Cette proposition de loi répond à une attente forte de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui assurent notre sécurité au péril de leur vie. Elle est également souhaitée par la majorité des Français puisque, selon un récent sondage, 87 % d’entre eux sont favorables à des peines de prison automatiques pour les agresseurs de policiers. Parmi ces 87 % figure le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, selon qui « quand on touche à un policier, cela ne peut pas être moins de trois mois de prison ». Et d’ajouter : « Les propositions que j’ai formulées » – en copiant bien sûr le programme du Rassemblement national – « se vérifient dans l’urgence. Il faut les adopter très vite. Le premier ministre y a apporté son soutien. » Collègues macronistes, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

Ce texte plein de bon sens est une proposition de longue date du Rassemblement national. Il faut un sursaut pénal : s’en prendre à ceux qui nous protègent est une ligne rouge. À ce titre, nous avions proposé lors de notre dernière niche parlementaire un dispositif similaire, qui prévoyait l’abrogation de l’article 464-2 du code de procédure pénale et un retour aux peines d’emprisonnement, y compris de courte durée. Il faut endiguer le sentiment d’impunité.

Les infractions commises lors de la finale de la Ligue des champions démontrent une nouvelle fois la violence décomplexée exercée contre nos agents de la force publique et nos sapeurs-pompiers. Pendant que certains les insultent du matin au soir et ont plus de compassion pour les voyous que pour les victimes, des parlementaires responsables veulent instaurer des dispositifs pour protéger nos anges gardiens. Sinon, qui le fera ?

Dorénavant, la règle est simple : si vous vous en prenez physiquement à un représentant des forces de l’ordre, vous dormez en prison. Les sauvages qui s’en prennent aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers, aux policiers municipaux, aux agents pénitentiaires, aux militaires de l’opération Sentinelle et aux douaniers doivent être écartés de la société et condamnés à une peine de privation de liberté.

Quand nous abordons le rétablissement des peines planchers, certains nous disent que ce n’est pas efficace, que cela ne marche pas, que c’est une proposition démago. Pourtant, aucune étude ne le démontre, ainsi que l’a indiqué Mme la rapporteure. Comment peuvent-ils se satisfaire de la situation que nous connaissons ? Je rappelle qu’Emmanuel Macron, lors de son premier quinquennat, a dit aux forces de l’ordre que « les Français ne supportent plus l’impuissance publique » ni les violences dont les forces de l’ordre font l’objet. Nous, nous sommes prêts.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Il y a un peu plus d’un an, l’attaque ciblée d’un fourgon pénitentiaire coûtait la vie à deux agents dans l’exercice dans leur mission. Comme tant d’autres, ce drame a rappelé que ceux qui nous protègent sont trop souvent pris pour cible, exposés à une violence désormais banalisée et désinhibée. Dans ce contexte, le garde des Sceaux a récemment annoncé une révolution pénale. Nous en partageons pleinement l’ambition : celle d’une justice plus réactive, ferme, lisible et respectueuse de ceux qui s’engagent chaque jour au service de la République.

Cependant, le présent texte, qui reprend une disposition expérimentée entre 2007 et 2014, ne répond pas à cet objectif. L’efficacité des peines planchers est contestable, tandis que leur logique, rigide et fondée sur l’automaticité des peines dès la première infraction, fait juste illusion : le dispositif affiche la sévérité sans garantir l’efficacité.

Depuis 2017, nous avons agi pour muscler la réponse pénale : budget de la justice revalorisé, sanctions mieux exécutées, loi du 24 janvier 2022 en réponse aux violences faites aux forces de l’ordre. Jamais nous n’avons dissocié sévérité et efficacité. Ce texte, lui, confond automaticité et autorité. Nous défendons des peines minimales, mais proportionnées à la gravité des faits. La fermeté est utile quand elle est ciblée et exécutable.

Soyons clairs, lorsqu’un crime ou délit grave est commis contre ceux qui nous protègent, la peine doit être immédiate et dissuasive ; c’est une exigence de justice et de respect pour ceux qui servent chaque jour notre pays. Mais cela ne signifie pas que tout acte doive conduire automatiquement à l’incarcération. Dans le cas de délits de moindre gravité, et uniquement dans ces cas-là, des sanctions alternatives comme le placement sous bracelet électronique, les travaux d’intérêt général ou de lourdes amendes peuvent s’appliquer si elles sont réellement prononcées et exécutées.

Nous le répétons : aucune atteinte à l’intégrité physique ou morale de nos forces de sécurité et de secours et plus généralement des agents de la République ne doit rester sans réponse. Chacun doit purger sa peine de manière proportionnée, mais avec la certitude de la sanction. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République ne soutiendra pas cette proposition de loi.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Punir, fort, toujours plus fréquemment et toujours plus longtemps : telle semble être la devise qui guide chacune de vos propositions de loi. Cette obsession démagogue vous empêche d’analyser les situations et de proposer des mesures véritablement utiles. Votre but n’est pas la diminution de la violence, pas plus que la réinsertion ni le travail sur la récidive : non, votre philosophie est une justice vengeresse pure et dure. Voilà ce qui guide chacune de vos lois, plus répressives les unes que les autres.

Toutes les études scientifiques démontrent pourtant que l’incarcération est criminogène et désocialisante. C’est dans un contexte d’inflation carcérale inédite que vous voulez rétablir les peines planchers, pourtant supprimées au regard de leur inefficacité. C’est dans un contexte de surpopulation carcérale, avec détenus et professionnels à bout de souffle, au bord de l’implosion, que vous proposez une telle loi, déconnectée des urgences et à l’opposé de ce qui est absolument nécessaire : la régulation carcérale, pour mettre fin à ces conditions de détention insoutenables qui ne créent que souffrance, récidive et violence à l’intérieur des murs comme dans la société – tout ce que vous prétendez combattre !

Mais vous ne dupez personne. Seules la douleur et la vengeance semblent animer l’intégralité des textes que nous examinons depuis le début de l’après-midi. Vous voulez réinstaurer les peines planchers pour les crimes et délits commis envers les gendarmes, les policiers, les militaires de la sécurité civile, les sapeurs-pompiers, les agents des douanes, les agents de l’administration pénitentiaire, les policiers municipaux et les gardes champêtres. Pour cela vous proposez de rétablir l’article 132-18-1 du code pénal, supprimé en 2014. Cela vous exempte, ainsi que le gouvernement, de votre véritable responsabilité dans la dégradation des conditions de travail de celles et ceux qui assurent la sécurité de nos concitoyens. Revalorisation salariale, diminution de l’âge de la retraite, déflation carcérale : voilà ce qu’attendent nos professionnels de la sécurité.

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*     *

M. le président Florent Boudié. Nous reprenons la discussion générale de la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Pour la troisième fois en moins de trois ans, il nous est proposé un texte visant à rétablir des peines minimales d’emprisonnement. Cette fois-ci, il s’agit de les imposer pour les crimes et délits commis contre des membres des forces de l’ordre et les pompiers.

Cette proposition de loi est profondément démagogique car, en rétablissant les peines planchers, vous revenez sur un principe fondamental de notre droit pénal qui impose que l’emprisonnement ne soit prononcé qu’en dernier recours. Vous vous inscrivez ainsi dans une logique de surenchère punitive qui piétine le principe d’individualisation des peines. Vous passez votre temps à accuser vos adversaires de populisme. Mais votre texte est une démonstration flagrante de populisme, car elle est bâtie sur des contre-vérités.

Une étude de 2024 rappelle clairement que les peines planchers n’ont qu’un faible effet dissuasif sur la récidive. En revanche, on sait que l’incarcération systématique accroît cette dernière. Le garde des Sceaux lui-même a évoqué il y a deux semaines un taux de récidive de 70 %.

Vous allez encore aggraver la situation dramatique des établissements pénitentiaires en y envoyant des personnes qui auraient pu bénéficier de peines alternatives. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté nous alerte sur un état d’urgence absolue, avec des taux d’occupation qui atteignent 250 % dans certains établissements, des conditions d’hygiène et de sécurité indignes d’un État de droit, – des rats, des punaises de lit, des températures extrêmes – et une prise en charge des personnes détenues quasi inexistante, alors que 30 % d’entre elles souffrent de troubles psychiatriques.

Vous prétendez protéger les policiers, les gendarmes et les sapeurs-pompiers. Mais une loi mal construite et inutilement répressive ne protège personne. Au contraire, elle nourrit les tensions et remplit les prisons, sans prévenir la violence.

Le groupe Socialistes et apparentés s’oppose à cette proposition de loi, qui fait le choix de l’idéologie et de l’affichage au détriment d’une justice à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Mme Émilie Bonnivard (DR). Depuis plusieurs années, les agressions visant des membres des forces de l’ordre et des pompiers connaissent une hausse alarmante. Ces femmes et ces hommes, qui incarnent l’autorité républicaine et assurent la sécurité de nos concitoyens, sont devenus les cibles récurrentes d’une violence décomplexée. Cela nous choque tous profondément.

En 2019, on recensait plus de 68 000 procédures pour violence contre des dépositaires de l’autorité publique, soit une hausse de 72 % depuis 2000. Si l’on s’en tient aux seuls faits de violence physique, l’augmentation atteint 148 %. C’est effectivement alarmant et nous devons agir.

Ces agressions vont souvent de pair avec des refus d’obtempérer, dont les conséquences sont parfois mortelles. Le décès de l’adjudant Éric Comyn à Mougins, le 26 août 2024, en est une tragique illustration. De même, le 14 juillet 2023, à Nanterre, une équipe de sapeurs-pompiers a été encerclée, caillassée et empêchée d’intervenir pour éteindre un incendie. Tout dernièrement, à Évian, un pompier a été volontairement fauché lors d’un rodéo urbain et il a failli perdre la vie.

Ces agressions contre les forces de sécurité intérieure et les pompiers sont devenues systémiques. C’est une attaque contre l’État de droit et ses représentants. L’uniforme doit être protégé. Il ne doit pas être une cible, car ceux qui le revêtent nous protègent.

Cette proposition de loi vise donc à rétablir l’autorité républicaine en instaurant des peines minimales obligatoires pour protéger ceux qui nous protègent. Il s’agit de rétablir les peines planchers lorsque les victimes sont des gendarmes, des policiers, des sapeurs-pompiers, des militaires ou des agents de l’administration pénitentiaire.

Les peines planchers ont pour avantages d’assurer la cohérence des sanctions à l’échelle nationale, de mettre fin au sentiment d’impunité des récidivistes et de permettre une plus grande prévisibilité de la sanction.

La question de la récidive est centrale dans ce texte. Je rappelle qu’en 2022, un individu ayant frappé deux policiers à Marseille a été condamné à six mois de prison avec sursis, alors qu’il était en état de récidive. Une peine plancher aurait imposé une sanction dissuasive et proportionnée. Ce dispositif avait été mis en place par Nicolas Sarkozy, puis supprimé par François Hollande.

J’ajoute que 71 % des Français sont favorables au retour des peines planchers pour les violences contre les forces de l’ordre et que 81 % des pompiers et 86 % des policiers estiment que la réponse pénale actuelle n’est pas à la hauteur des agressions.

Nous voterons donc pour cette proposition de loi.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous sommes encore une fois amenés à traiter de la question des peines planchers. Nous avions déjà rejeté la proposition de loi présentée par notre collègue Naïma Moutchou au nom du groupe Horizons il y a quelques mois, et j’espère que nous ferons le même choix aujourd’hui.

En 2014, la loi Dati, qui avait introduit quelques années plus tôt des peines planchers pour les récidivistes, a été abrogée. Pourquoi ? Parce qu’elle n’était pas efficace. De nombreux rapports – publiés par l’Inspection générale de la justice (IGJ) et le Sénat – ont montré que ces peines ne faisaient pas diminuer la récidive, qu’elles étaient peu dissuasives, voire qu’elles étaient contre-productives dans un certain nombre de cas.

La justice est engorgée et les prisons sont pleines. Mais il est plus simple de proposer des mesures inefficaces et populistes que de mettre en place les moyens humains, financiers et matériels qui permettraient de lutter réellement contre la violence et de prévenir la récidive. Alors que la population carcérale explose et atteint des niveaux critiques, vous continuez à privilégier l’enfermement au détriment de la réinsertion. Or les données sont claires : ce n’est pas la sévérité des peines qui diminue la récidive ou limite le passage à l’acte, mais bien l’accès à la formation professionnelle et à un accompagnement qui permet de se réinsérer dans la société au terme de sa peine, dans le cadre d’un véritable projet de sortie. En maintenant une logique purement punitive, vous entretenez un cycle de violences et de retours en détention, sans apaiser les tensions.

Par ailleurs, avec mes collègues du groupe Écologiste et social, nous sommes profondément attachés au principe d’individualisation des peines, lequel est incompatible avec la logique des peines planchers. Nous souhaitons laisser au juge la liberté de déterminer la peine la plus adaptée, en tenant compte d’une multitude de facteurs, car la vie est complexe.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à cette proposition de populisme carcéral.

Mme Maud Petit (Dem). Le 31 mai dernier, le Paris Saint-Germain remportait la plus prestigieuse des compétitions européennes. À cette occasion, bon nombre de nos compatriotes sont descendus dans la rue pour fêter la victoire. La liesse populaire a malheureusement été ternie par des violences, notamment contre les forces de l’ordre. Ces actes intolérables sont de plus en plus fréquents dans notre société. Entre 2009 et 2019, ils ont augmenté de près de 40 %, passant de 26 700 à 37 400 agressions par an.

Une tendance à la hausse des agressions est également constatée s’agissant des soldats du feu. En 2024, l’Observatoire national de la violence envers les sapeurs-pompiers avait recensé 1 460 agressions, soit une augmentation de près de 3 % en un an.

Madame la rapporteure, le groupe Les Démocrates estime comme vous que ces crimes et délits contre les forces de l’ordre et les pompiers sont intolérables. Ils doivent être fermement réprimés.

En revanche, notre groupe n’est pas convaincu que la mise en place des peines planchers pour ce type de délits constituerait la meilleure solution pour les faire cesser. Une étude indépendante de l’Institut des politiques publiques (IPP), publiée en 2024, démontre en effet que la loi de 2007 sur les peines planchers n’avait pas été efficace. Cette étude conclut que les peines planchers ont eu peu d’effet dissuasif, ce dont témoigne une faible incidence sur les chiffres de la délinquance. La mesure a en revanche entraîné une augmentation de la population carcérale et une hausse des coûts supportés par l’institution judiciaire d’au moins 146 millions par an.

Enfin, notre groupe estime qu’une mesure imposant une peine minimale incompressible remettrait en cause le principe fondamental d’individualisation des peines. Elle s’apparente aussi à une forme de défiance vis-à-vis du pouvoir judiciaire et donne le sentiment de vouloir le brider. Or la séparation des pouvoirs est l’un des principes fondamentaux de notre République.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates votera contre cette proposition de loi.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le groupe Horizons & indépendants constate avec satisfaction que ce texte reprend la philosophie des deux propositions de loi qu’il avait inscrites à l’ordre du jour du 3 avril 2025, à savoir celle visant à restaurer l’autorité de l’État, déposée par Naïma Moutchou, et celle visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement fermes, déposée par Loïc Kervran – cette dernière ayant été adoptée en séance. En reprenant la philosophie de nos textes, le groupe UDR adhère donc aux constats que nous avions formulés.

D’une part, la récidive est un sujet d’une grande actualité. Notre groupe proposait de réprimer les récidivistes de manière plus stricte en proposant le retour des peines planchers, afin de dissuader l’auteur de passer de nouveau à l’acte.

D’autre part, la politique pénale conduite depuis dix ans, qui vise à limiter le recours à l’incarcération pour les courtes peines, n’a porté que peu de fruits tout en minant la crédibilité du système judiciaire.

Il existe toutefois des différences notables entre les dispositifs respectifs de nos deux textes et celui de la présente proposition de loi. En effet, s’agissant des peines planchers, le texte dont nous discutons porte sur un champ restreint de victimes par rapport à la proposition de loi de Mme Moutchou – qui concerne les personnes dépositaires de l’autorité publique, mais aussi les magistrats, les avocats, les enseignants, les agents travaillant dans les transports publics et les personnes chargées d’une mission de service public. Par ailleurs, il nous semble plus approprié de ne retenir que les infractions violentes commises en état de récidive légale à l’encontre des personnes précitées, et non l’ensemble des crimes et délits dont elles peuvent être victimes.

C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé un amendement de réécriture de l’article unique, afin d’y substituer le dispositif de la proposition de loi de Mme Moutchou. Nous n’avons pas pu procéder de la même manière pour réintroduire les mesures de la proposition de loi de M. Kervran, car un tel amendement aurait été irrecevable. Néanmoins, nous réaffirmons notre soutien à son texte, qui sera examiné au Sénat le 1er juillet prochain.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Après avoir voulu sauver la peau de ses copains d’extrême droite, l’UDR propose à présent de rétablir les peines planchers – un dispositif dont on sait pourtant qu’il est dangereux, mais surtout inefficace au possible. Nous avons eu l’occasion de le dire plusieurs fois au sein de cette commission, car ce n’est pas la première tentative de ce genre.

Les peines planchers en cas de récidive, introduites en 2007 sous l’impulsion d’un président de la République qui est désormais multirécidiviste, ont été abrogées. Et sans doute pour une bonne raison. En 2005, 2,6 % des condamnés pour crime étaient récidivistes. Trois ans après l’adoption de la loi sur les peines planchers, cette proportion avait plus que doublé. Les peines planchers ne sont donc pas seulement inefficaces, elles sont aussi néfastes.

Avec ce texte, vous prétendez lutter contre la récidive. En réalité, vous participez à sa fabrication, alors même que 63 % des personnes condamnées à une peine de prison ferme récidivent au bout de cinq ans.

Vous allez même très loin, car vous proposez que les peines planchers s’appliquent dès la première infraction. Ainsi, un primo-délinquant pourra être jugé de la même manière qu’un récidiviste. Prenons l’exemple d’un jeune manifestant qui, lors d’une charge de CRS, aurait bousculé un policier – ce qu’il ne faut évidemment pas faire : alors qu’il n’a aucun antécédent judiciaire, que l’infraction n’est pas préméditée et que le policier n’a pas été blessé, il écopera de trois ans de prison.

Cette loi aura pour seule conséquence de remplir des prisons déjà pleines à craquer, insalubres et parfois même dégradantes. Avez-vous la moindre idée de l’état des prisons françaises ? On compte 80 000 détenus pour seulement 62 000 places, avec une place pour deux détenus dans certains établissements. La France occupe déjà la troisième place du podium de la surpopulation carcérale en Europe, mais cela ne vous suffit apparemment pas.

Selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la récidive n’est pas le résultat d’un manque de sévérité, mais bien la conséquence d’un système incapable de réinsérer, après des années de désocialisation liée à l’incarcération.

Nous voterons évidemment contre ce texte.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Je me réjouis qu’une bonne partie des groupes soient assez favorables à la fermeté pour répondre aux agressions inadmissibles dont sont l’objet les forces de l’ordre.

On nous a objecté à plusieurs reprises que les prisons étaient surpeuplées. J’étais députée en 2012 et nous avions alors voté, à l’initiative de Nicolas Sarkozy, la construction de 60 000 places de prison – décision que Mme Taubira avait annulée dès l’arrivée au pouvoir de François Hollande. La surpopulation carcérale est malheureusement le résultat d’une politique d’abandon, de laxisme et de renoncement. En tout état de cause, elle ne doit pas nous freiner lorsque nous essayons de trouver les moyens d’endiguer la violence extrême, dont bien des exemples ont été donnés lors des interventions précédentes.

Je remarque que nous ne tirons pas les mêmes conclusions de la lecture de la fameuse note de l’IPP, que j’ai largement citée dans mon rapport. Contrairement à ce qui a pu être dit, cette note démontre qu’un certain nombre de comportements délinquants ont diminué pendant la période d’application des peines planchers.

Nous vous proposons d’agir à une plus grande échelle, car nous devons réagir. Nous ne pouvons pas laisser des voyous sans scrupule et de plus en plus dangereux mettre impunément en danger ceux qui portent l’uniforme.

Article unique (art. 132-18-1 [rétabli], 132-19 et 132-19-1 [rétabli] du code pénal, art. 464-2 [abrogé] du code de procédure pénale) : Instauration de peines minimales de privation de liberté pour les crimes et délits commis contre certaines personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public.

Amendements de suppression CL1 de Mme Céline Thiébault-Martinez et CL9 de Mme Elsa Faucillon

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cette proposition de loi est inspirée davantage par la démagogie que par le souci de garantir la protection des policiers, des gendarmes et des sapeurs-pompiers. Pour cela, il faudrait commencer par leur donner les moyens d’assurer une présence quotidienne auprès de la population plutôt que de s’en tenir à les faire intervenir en cas de débordement, alors qu’il est déjà trop tard.

L’institution de peines planchers n’aura en aucun cas pour effet de dissuader de commettre une infraction. Il serait nécessaire que vous relisiez la note de l’IPP que vous citez dans votre rapport, car l’affirmation selon laquelle la réponse pénale ne serait pas assez ferme pour les individus qui troublent le plus gravement l’ordre public relève du café du commerce. Aucune étude n’a établi une quelconque corrélation statistique entre la durée de la peine prononcée et le taux de réitération. En revanche, les études disponibles montrent que le passage en prison favorise tendanciellement la récidive.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Cette mesure ne résorbera en rien les violences dont sont victimes les membres des forces de l’ordre et les pompiers. La proposition de loi est profondément démagogique et, comme c’est souvent le cas, elle ne s’appuie pas sur les résultats d’analyses scientifiques. Celles qui sont disponibles montrent que les peines planchers n’ont pas d’effet en matière de lutte contre la récidive. Toutes les études criminologiques soulignent l’importance des mesures de socialisation et de réinsertion ainsi que celle de l’individualisation des peines. Pourtant, il semble que vous n’en ayez que faire.

Il ne s’agit pas d’un débat binaire entre ceux qui voudraient défendre la police et ceux qui défendraient les détenus, mais bien de savoir comment faire pour sortir de la situation actuelle ?

En tout cas, une chose est certaine : les peines planchers vont à rebours de tous les enseignements de la littérature scientifique et de l’expérience.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Avis défavorable.

Il suffit de s’intéresser de manière objective au bilan de l’application des anciennes peines planchers, de 2007 à 2014, pour relever qu’elles ont eu des effets positifs incontestables.

D’abord, le dispositif a entraîné le prononcé de peines d’emprisonnement ferme jusqu’à 50 % plus élevées pour les récidivistes. Qu’on le veuille ou non, cette fermeté a eu un effet dissuasif. Je l’ai déjà rappelé dans mon propos introductif, la note de l’IPP publiée en 2024 a mis en évidence que les personnes plus sévèrement condamnées en application d’une peine plancher avaient moins récidivé.

Ensuite, le dispositif des peines planchers permet de réduire l’écart entre les peines encourues et celles qui sont prononcées. Ainsi, selon le professeur Arnaud Philippe, les personnes ne sont en moyenne condamnées qu’à hauteur de 8 % du maximum de la peine encourue. Un tel écart soulève évidemment des problèmes, notamment parce qu’il contribue à décrédibiliser la peine prononcée.

L’ancien dispositif n’était toutefois pas exempt de critiques, notamment parce que son périmètre était trop restreint et mal calibré. Il avait été conçu pour s’appliquer prioritairement – et exclusivement jusqu’en 2011 – aux récidivistes. C’est pour cela que ses effets sur la récidive ont été limités, et c’est ce que met en évidence la note de l’IPP.

Depuis 2012, les ministres de la justice successifs ont pu appliquer la politique que certains ont jugée nécessaire lors de leurs interventions, privilégiant la réinsertion des détenus et conduisant à un laxisme total par le biais de nombreux mécanismes – dont celui de l’interdiction de l’emprisonnement lorsque la peine est inférieure à un an. Ça n’a pas marché. On assiste à un ensauvagement terrible, avec une violence de plus en plus grande. Il faut réagir. Bien entendu, la prison n’est pas la seule solution. Mais elle permet de protéger les victimes en les mettant à l’abri des gens dangereux. Les peines de prison ont également – en tout cas nous l’espérons – un caractère exemplaire, et c’est ce dernier que la proposition de loi souhaite désormais promouvoir.

M. Michaël Taverne (RN). Nous allons bien évidemment nous opposer à ces amendements de suppression, qui sont complètement idéologiques.

La gauche évoque une mesure dangereuse. J’ai l’impression que nous n’avons pas la même notion du danger. Allez voir les policiers qui reçoivent des tirs de mortiers d’artifices en pleine tête et vous saurez ce qu’est véritablement le danger !

Vous ne parlez à aucun moment de protéger la société. Qui défendra les policiers, les gendarmes et ceux qui représentent l’État et la loi lorsqu’ils sont attaqués par des individus ? Vous ? Laissez-moi rire !

La gauche parle ensuite du manque de moyens. Je rappelle que c’est elle qui, par pure idéologie, a progressivement retiré tous les moyens de force intermédiaire utilisés par les gendarmes et les policiers pour se défendre lors des manifestations et des violences urbaines. C’est la raison pour laquelle il y a désormais tant de blessés parmi les membres des forces de l’ordre. Ce point a été confirmé par leurs représentants lors des travaux de la commission d’enquête sur les groupuscules violents. Les policiers auditionnés ont indiqué qu’ils essayaient désormais de se défendre comme ils le pouvaient face à des barbares qui ne reculent devant rien. Il faut une justice ferme, qui réprime véritablement ces individus pour protéger la société.

Nous allons bien évidemment voter pour cette proposition de loi car elle correspond à une demande des Français. Je rappelle que 87 % d’entre eux sont favorables aux peines minimales et aux peines planchers, notamment pour ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre. Il faut écouter les Français et cesser de se soumettre à la voyoucratie. Il faut des peines fermes et efficaces et il faut protéger ceux qui nous protègent.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Vous vous achetez une bonne conscience à peu de frais. Vos effets d’annonce ne seront pas suivis d’effets et susciteront une énorme déception de la population.

La gauche a peut-être été au pouvoir et a pu faire évoluer un peu la justice, mais cela n’a pas profondément changé la délinquance dans le pays. Je n’en suis pas forcément surpris, car la justice pénale n’est pas le seul instrument de régulation sociale. Dans une société où l’on porte atteinte aux droits, le fait que le contrat social soit de moins en moins respecté entre dominants et dominés, mais aussi entre dominés, crée de la violence et des passages à l’acte. Il est naïf de croire que l’on réglera tous les problèmes de la société en améliorant l’administration de la justice.

On peut considérer qu’une peine est mauvaise si elle ne correspond pas au maximum possible. C’est un choix philosophique contestable. Mais je souhaiterais que l’on dispose de données plus précises, car il n’y a probablement pas beaucoup de cas où des personnes qui ont agressé un policier tout en étant en état de récidive légale ne sont pas condamnées à de la prison ferme.

Vous présentez cette proposition de loi comme une révolution pour la justice pénale. Soyez modestes, car ses effets sur la société seront probablement très maigres, voire contre-productifs.

Mme Émilie Bonnivard (DR). Comme je l’ai indiqué, depuis 2000 les agressions visant les dépositaires de l’autorité publique ont augmenté de plus de 72 %. Les refus d’obtempérer ont pour leur part progressé de 60 % depuis 2017 et on en enregistre en moyenne un toutes les vingt minutes.

Que fait-on face à l’explosion de ces actes ? En reste-t-on à la forme d’impuissance de la justice et de l’autorité de l’État que l’on constate ? Accepte-t-on de se soumettre à une violence qui explose et qui vise les forces de l’ordre ? Ce n’est pas mon opinion.

En tout état de cause, rien n’allait jamais dans les différents textes que nous avons examinés aujourd’hui, À vous entendre, il faudrait donc laisser faire, laisser les choses s’aggraver dans notre pays sans se donner les moyens d’agir. Je crois précisément que cette proposition de loi mérite d’être examinée.

Par conviction, je me battrai toujours contre le Rassemblement national. Mais, s’il est aussi puissant, c’est parce que les partis républicains – et notamment ceux de gauche – n’ont pas pris la mesure de la déliquescence de l’autorité de l’État et ont toujours refusé de mener une politique de fermeté pour faire respecter la loi et la justice. Si les partis républicains ne prennent pas ce sujet à bras-le-corps, nous resterons dans la même situation. Les propos tenus depuis cet après-midi par les représentants de la gauche nourrissent le Rassemblement national.

Je suis pour la fermeté de l’État et pour cette proposition de loi, car il appartient impérativement aux partis républicains de répondre aux attentes de nos concitoyens en faisant respecter la loi et en ramenant l’ordre dans notre pays.

Mme Elsa Faucillon (GDR). C’est un débat intéressant. Pense-t-on sérieusement que l’on réduira la défiance vis-à-vis des forces de l’ordre grâce à des peines planchers qui ont prouvé leur inefficacité ? Personne ne penserait sérieusement que l’instauration de ces mêmes peines planchers permettrait de résoudre la question de la défiance envers les institutions, la politique et les élus. Le sujet est beaucoup plus général et ne saurait être réglé à coups de populisme pénal.

L’augmentation de la défiance envers la police depuis les années 2000 correspond à une période durant laquelle la démocratie a été bafouée. Les gouvernements successifs ont alors décidé de faire de la police le bras armé de politiques qui allaient à l’encontre des aspirations du peuple. La violence s’est alors malheureusement retournée contre les forces de l’ordre.

On a donc affaire à un problème nettement plus complexe et politique que ne le laisse entendre cette proposition de loi démagogique, qui essaie de faire croire que vous seriez les meilleurs défenseurs des forces de l’ordre en instaurant les peines planchers. Soyez humbles et plus honnêtes sur les résultats potentiels du dispositif que vous voulez mettre en œuvre.

Quant au délitement de l’État évoqué par Mme Bonnivard, ne résulte-t-il pas davantage d’une politique qui consiste à supprimer des services publics, ce qui suscite une colère extrêmement importante ?

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Madame Bonnivard, les partis républicains devraient, en réalité, être opposés aux peines planchers, pour une raison simple : les juges doivent pouvoir se prononcer librement, au cas par cas, en fonction des situations. Si vous voulez défendre les principes républicains, commencez par défendre l’indépendance de la justice.

Ensuite, les forces de l’ordre bénéficient déjà d’une protection supplémentaire : portant l’uniforme, elles sont, logiquement, davantage protégées par la loi, tout comme elles sont, en théorie, davantage punies lorsqu’elles commettent des actes criminels ou délictuels. Il y a là, en quelque sorte, un parallélisme des formes – même si, en pratique, si la première spécificité s’applique effectivement, il n’en va pas de même de la seconde.

Enfin, être réellement républicain, c’est défendre les principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – que vous n’aimez pas beaucoup, puisque vous hurlez chaque fois qu’elle est mentionnée, ce qui dénote un républicanisme à géométrie variable –, dont l’article 12 dispose que la fonction des forces de police et de sûreté est de préserver les droits de l’homme et du citoyen.

Notre souci est précisément de défendre ces principes républicains.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Je me réjouis de ce débat, qui montre combien les visions respectives de la gauche et de la droite sur la détention et la violence contre les forces de l’ordre diffèrent.

Mme Faucillon nous accuse de populisme pénal et de démagogie. Mais n’est-ce pas vous qui avez décidé de prévoir des peines obligatoires pour lutter contre la défiance envers les élus – je songe notamment aux peines d’inéligibilité, que vous avez voulues d’autant plus sévères qu’elles sont assorties de l’exécution provisoire ? Vous ne pouvez donc pas prétendre que la sanction n’a aucun pouvoir de dissuasion des délinquants en puissance.

M. Léaument estime que les magistrats peuvent parfaitement, en toute indépendance, prendre la mesure des infractions qui leur sont soumises sans qu’il soit besoin de les y inciter par des peines planchers, mais, contrairement à ce que prétend M. Duplessy, il est avéré que les peines de prison ferme encourues pour des faits commis contre des personnes protégées par l’uniforme ne sont pas appliquées. Ainsi, en 2023, la moitié seulement des 2 558 condamnations prononcées dans ce cadre ont donné lieu une peine de prison ferme. Cela montre bien qu’il y a un problème dans l’approche de la sanction pénale et que le dispositif mérite d’être durci, comme il le fut de 2007 à 2014, avec un succès désormais démontré. Il s’agit simplement d’en revenir à la situation antérieure. Nous avons laissé la gauche faire ses expériences, dont chacun constate le résultat : on n’a jamais vu une telle violence et une telle barbarie. Il est temps de remettre un peu d’ordre dans ce pays.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL15 de Mme Naïma Moutchou

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La présente proposition de loi rassemble en quelque sorte deux textes que nous avions déposés, tout en étant moins-disante.

S’agissant d’abord des peines planchers, le dispositif retenu porte sur un champ plus restreint que dans la proposition de loi de Mme Moutchou, qui visait à protéger non seulement les personnes dépositaires de l’autorité publique, mais aussi les magistrats, les avocats, les enseignants, les agents travaillant dans les transports publics et les personnes chargées d’une mission de service public.

Pour ce qui est des courtes peines, le texte déposé par M. Kervran prévoyait de supprimer également l’interdiction des peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois et de permettre au juge d’aménager ab initio une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à deux ans.

Nous proposons donc de réécrire l’article en ce sens.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Vous voulez remplacer notre proposition de loi par celle de Mme Moutchou, que vous avez retirée lors de son examen en séance publique le 3 avril dernier, en la combinant à celle de M. Kervran, adoptée ce même jour. Nous y sommes évidemment défavorables : même si je suis heureuse de constater que nous nous retrouvons sur ces questions, ce texte n’a pas vocation à reprendre des initiatives législatives précédentes, à plus forte raison quand l’une d’entre elles a déjà été adoptée par l’Assemblée.

S’agissant des peines planchers, il existe une différence notable entre notre proposition et la vôtre : vous souhaitez qu’elles ne s’appliquent qu’aux personnes en état de récidive légale. Nous ne sommes pas favorables à une telle restriction. Il me semble d’ailleurs que l’erreur commise en 2007 fut précisément de réserver l’application des peines planchers aux récidivistes. Il n’y a aucune raison de ne pas faire preuve de fermeté dès la première infraction commise contre les forces de l’ordre.

Je sais que votre dispositif avait vocation à s’appliquer aux délits commis contre toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique. Les peines planchers que nous proposons s’étendraient quant à elles aux crimes, tout en ciblant de manière plus précise les forces de l’ordre et les sapeurs-pompiers, en reprenant la liste établie à l’article 222-14-5 du code pénal. Ces dispositions sont équilibrées et de nature à répondre à notre objectif. Il n’y a donc aucune raison de les remplacer par la proposition de loi que vous avez choisi de retirer avant la fin de son examen en séance publique.

Quant à celle de M. Kervran, qui vise à permettre le prononcé de courtes peines d’emprisonnement et l’aménagement ab initio des peines inférieures à deux ans d’emprisonnement, je ne perçois pas l’intérêt de l’insérer dans le présent texte, d’abord parce qu’elle a déjà été adoptée – elle devrait être examinée par le Sénat le 1er juillet prochain –, et surtout parce qu’elle contredit la vocation de ce texte, qui est précisément de supprimer toute possibilité d’aménagement ab initio, notamment en abrogeant l’article 464-2 du code de procédure pénale.

C’est pourquoi je suis au regret, même si nous nous rejoignons sur la réintroduction des peines planchers, d’émettre un avis défavorable.

M. Jordan Guitton (RN). Nous irons dans le sens de la rapporteure et voterons contre cet amendement.

Nous venons surtout de constater que les macronistes, comme ils l’avaient fait lors des élections législatives de 2024, votent main dans la main avec La France insoumise lorsqu’il est question d’instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les forces de l’ordre et les pompiers. Ce faisant, ils font honte à tous ceux qui portent un uniforme dans notre pays. Nous pourrons le leur faire savoir.

Les peines planchers ont déjà été appliquées dans notre pays, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, avant d’être supprimées en 2014 sous la présidence de François Hollande. Les peines fermes prononcées étaient alors 50 % plus élevées et la récidive a diminué de 10 %. Même si ces statistiques ne portent que sur cinq ans, elles fournissent un retour d’expérience suffisant.

Je rappelle à nos collègues de gauche que, selon un sondage Odoxa paru en septembre dernier, non seulement plus de 80 % des Français sont favorables aux peines planchers, mais c’est aussi le cas de 64 % des électeurs de La France insoumise, de 63 % des sympathisants des Verts et de 84 % de ceux du Parti socialiste.

Enfin, collègues de DR, c’est au Rassemblement national de Marine Le Pen et de Jordan Bardella ainsi qu’à ses alliés, et non à vous et aux macronistes, que les Français font confiance pour rétablir la sécurité.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Pour ce qui est des sondages, je ne peux que vous inviter de nouveau à lire le rapport que j’ai produit à l’issue des travaux de la commission d’enquête consacrée à l’organisation des élections en France, notamment la partie relative à la constitution des échantillons. Vous comprendrez pourquoi les sondages d’opinion – qui, à la différence des sondages électoraux, ne sont contrôlés par personne si ce n’est les sondeurs eux-mêmes – comportent vraisemblablement quelques erreurs d’analyse.

Vous vous étonnez ensuite que les macronistes – ou plutôt une partie du socle dit commun – aient voté avec nous pour repousser les peines planchers. C’est que, voyez-vous, il y a des gens qui ont encore des principes républicains. Que Les Républicains, malgré leur nom, en viennent petit à petit à soutenir le programme du Rassemblement national, c’est déplorable.

M. Olivier Marleix (DR). Les peines planchers ont été instituées par Nicolas Sarkozy !

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Lequel vient d’ailleurs de se voir retirer sa Légion d’honneur du fait de sa condamnation. Prônez-vous des peines planchers dans son cas également ? Il me semble que non.

Certaines personnes, disais-je, ont encore des principes républicains et souhaitent que la justice soit faite par les juges, conformément à la loi. Il est plutôt rassurant, ma foi, que tous les macronistes ne soient pas engagés dans la pente qui mène directement vers le Rassemblement national.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Face à l’agressivité du député du Rassemblement national, je tiens d’abord à dire que ce n’est pas parce qu’on juge les peines planchers inefficaces dans certains cas qu’on est pour autant laxiste ou gauchiste. Je sais que vous avez une haute opinion de vous-même, mais ayez l’humilité de reconnaître qu’il existe de multiples solutions dans le code pénal et que les peines planchers ne sont pas le remède miraculeux à la délinquance en France. On peut défendre des positions de fermeté, rigoureuses, sans promouvoir systématiquement les peines planchers.

Vous nous reprochez des votes communs avec des groupes de gauche. On peut difficilement m’accuser d’être proche de LFI, qui a souvent fait de moi une tête de Turc. En revanche, c’est vous qui avez censuré, main dans la main avec LFI, le gouvernement dirigé par Michel Barnier ; c’est vous qui avez voté avec LFI le blocage des prix au cours d’une journée de niche écologiste ; c’est vous qui avez voté avec LFI contre les traités commerciaux et le CETA (ou ARCG, Accord économique et commercial global) ; c’est vous qui vous êtes opposés, avec la gauche, aux réformes du RSA et de l’assurance chômage. Votre gauchisme économique est perceptible dans de très nombreux votes – la censure du gouvernement Barnier en est une preuve supplémentaire. Je n’ai donc aucune leçon de fermeté à recevoir de votre part.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Sachez, monsieur Léaument, que je ne prends absolument pas pour moi vos leçons de républicanisme ; il me semble surtout qu’en la matière, vous devriez balayer devant votre porte. Quant à la cohésion du socle commun, peut-être devriez-vous regarder ce qu’il en est dans votre famille élargie : il y aurait sans doute de quoi dire.

Pour en revenir au sujet qui nous concerne, personne ici ne prétend faire des peines planchers un remède miracle : elles constitueraient simplement un outil supplémentaire.

Madame la rapporteure, vous savez parfaitement que si nous avons retiré la proposition de loi de Naïma Moutchou, c’est parce qu’elle n’aurait pas été votée et que nous souhaitions que le texte relatif aux orthophonistes, que je défendais et que vous avez soutenu, puisse être adopté. Nous avons une lecture divergente de votre proposition de loi : pour notre part, nous estimons que notre amendement de réécriture globale de l’article est mieux-disant. C’est pourquoi nous le maintenons.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL8 et CL7 de M. Michaël Taverne

M. Michaël Taverne (RN). L’amendement CL8 est un amendement de bon sens. Alors que les macronistes prétendent nous donner des leçons du matin au soir, force est de constater qu’ils ne sont ni les Mozart de la finance ni les Beethoven de la sécurité. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté une proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Nous avons d’ailleurs été parfaitement constructifs, puisque si ce texte est passé, c’est notamment grâce à la mobilisation des députés du Rassemblement national, les macronistes ayant boudé les débats en commission comme en séance publique : heureusement que nous étions là pour lutter contre l’idéologie de La France insoumise et de ses alliés !

Je propose de prévoir des peines planchers pour les crimes et délits liés au trafic de stupéfiants, qui, malgré les mesures récemment adoptées, donne toujours lieu à des règlements de compte – on en a encore déploré un dans ma circonscription la semaine dernière –, ainsi qu’à la criminalité organisée. La réponse pénale doit être beaucoup plus dissuasive.

L’amendement CL7 reprend une proposition avancée de longue date par le Rassemblement national, notamment dans le cadre de sa dernière niche parlementaire, à savoir le rétablissement des peines planchers pour les crimes et délits commis en état de récidive légale. Aucune étude n’a montré que ces peines ne fonctionnent pas. Que proposez-vous à la place ? De faire comme la gauche, c’est-à-dire de libérer les détenus et de légaliser le cannabis, l’héroïne et la cocaïne, après quoi nous vivrons dans un monde parfait en nous tenant tous par la main ?

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Vous souhaitez, à travers l’amendement CL8, étendre les peines planchers au trafic de stupéfiants et au blanchiment de ce trafic. Nous avons voulu limiter le texte aux seuls crimes et délits commis contre les forces de l’ordre car, à trop l’étendre, nous craignons de le fragiliser.

Par ailleurs, les peines planchers ici prévues ont vocation à s’appliquer dès la première infraction commise et non aux seules personnes en état de récidive légale. Les seuils minimums de privation de liberté ont également été rehaussés par rapport aux anciennes peines planchers. Le champ d’application de ces dispositions est donc plus large que par le passé. Vous proposez de l’étendre au-delà de l’objet initial de la proposition de loi, que nous souhaitons pouvoir faire adopter rapidement, avec un article unique. Cependant, l’ambition de ce texte est bien de cibler les atteintes à l’autorité de la République, malheureusement bien trop fréquentes, en prévoyant l’application de peines planchers aux infractions commises contre nos forces de l’ordre et nos sapeurs-pompiers.

L’amendement CL7 semble quant à lui comporter une imprécision d’ordre légistique : tel qu’il est rédigé, il aurait pour seul effet de préciser que les peines minimales instaurées pour les infractions commises contre les forces de l’ordre seraient aussi applicables aux personnes en état de récidive légale – même si je comprends que votre objectif était d’étendre le champ de la proposition de loi à toutes les infractions commises en état de récidive, ce qui, encore une fois, excède l’objectif initial du texte. Or l’article prévoit déjà que ces nouvelles peines planchers s’appliqueront aux infractions commises contre les personnes concernées dès la première infraction commise et, à plus forte raison, quand la personne condamnée est en état de récidive légale. C’est bien l’intérêt de la proposition de loi par rapport à ce qui a été proposé auparavant : les peines planchers pourront s’appliquer dès la première infraction.

Ce problème de rédaction rend votre amendement quelque peu inopérant, outre le fait que son périmètre n’est pas cohérent avec l’ambition initiale du texte.

Sur vos deux amendements, j’émets donc une demande de retrait bienveillante.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Voilà qui est intéressant : on voit apparaître des divisions au sein du bloc UDR-RN – comment l’appelez-vous, déjà ? Le bloc fasciste ? –, la rapporteure elle-même expliquant que le Rassemblement national va trop loin dans les mesures qu’il présente comme efficaces.

Venons-en au fond desdites mesures. D’après M. Taverne, aucune étude ne démontre que les peines planchers ne sont pas efficaces. C’est faux : ces études existent. En revanche, aucune ne démontre l’efficacité de telles sanctions – en tout cas, si vous en connaissez, n’hésitez pas à nous les fournir, car quand on prétend s’en tenir aux faits, mieux vaut s’appuyer sur des chiffres.

Vous proposez d’étendre les peines planchers aux infractions liées au trafic de stupéfiants. Pardon de produire autant de rapports, mais je vous invite à consulter celui que M. Mendes et moi-même avons consacré à l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics : vous y découvrirez que les mesures que nous proposons ont permis au Portugal, où elles ont été appliquées, d’afficher un des taux de consommation de stupéfiants les plus faibles d’Europe. Peut-être nos méthodes, certes plus douces, sont-elles donc aussi plus efficaces. Une récente étude a par ailleurs montré que la légalisation du cannabis par le Canada aurait rapporté 9 milliards de dollars aux finances publiques. Je me demande en outre si la pénalisation des produits stupéfiants ne contribue pas elle-même au trafic.

Enfin, vous voulez instituer des peines planchers pour éviter la récidive. Or figurez-vous que les personnes qui sortent de prison récidivent plus que les autres : vous comptez donc emprisonner des gens pour qu’ils récidivent davantage. C’est tout de même une méthode un peu particulière ! Peut-être faudrait-il plutôt questionner la place de la prison elle-même.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Ces amendements, comme les deux précédents qui n’ont pas été soutenus, visent à étendre les peines planchers à de nouvelles catégories de victimes, à de nouvelles infractions, à de nouvelles matières pénales. Ils montrent ainsi l’absurdité du texte : en réalité, si ces peines ne servent à rien, elles ne doivent pas exister ; si elles sont utiles, il faut les prévoir partout. Votre texte conduirait à discriminer entre les différentes professions en en protégeant certaines plus que les autres – pourquoi ne pas inclure les enseignants ou les professionnels de santé, par exemple ? Il y a là une faille idéologique. De la même manière, quelle est la catégorie d’infractions la plus importante ? Le trafic de stupéfiants ? Le détournement de fonds publics ? Les crimes sexistes ou sexuels ? Hiérarchiser ainsi les matières et les personnes me semble très compliqué.

En réalité, vous n’avez pas fait la démonstration de l’utilité des peines planchers. Vous présentez une proposition de loi de pur affichage, dont ces amendements montrent bien qu’elle créera simplement un désordre en matière pénale.

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Je n’ai pas bien compris le rapport avec le débat sur la légalisation du cannabis, mais qu’importe : cela vous permet de vous exprimer.

Certains amendements visaient effectivement à inclure les personnels de santé et les enseignants dans le dispositif. Seulement, ils n’ont pas été défendus. Ce texte constitue une première étape. Rien n’empêchera, bien sûr, de l’étendre à d’autres dépositaires de l’autorité publique en cas de succès. Pour l’heure, nous souhaitons nous en tenir aux porteurs d’uniforme et aux représentants des forces de l’ordre, afin d’envoyer un message fort, conformément au souhait des Français. Je vous invite à mon tour, M. Léaument, à lire très attentivement l’étude de l’IPP, qui établit très clairement les effets bénéfiques des peines planchers sur le niveau de récidive.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL16 et CL17 de Mme Brigitte Barèges, rapporteure.

Amendements CL18 et CL19 de Mme Brigitte Barèges

Mme Brigitte Barèges, rapporteure. Ces deux amendements visent à étendre l’application de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

La commission adopte successivement les amendements.

La commission adopte l’article unique modifié.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers (n° 1410) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


   Personnes entendues

 

   M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

   M. Éric Maillaud, procureur général à Bourges

   M. Philippe Astruc, procureur général à Dijon

 

 

Contribution écrite

 

 

 


([1])  Questions au Gouvernement, Assemblée nationale, compte rendu de la première séance du mardi 3 juin 2025.

([2])  Notamment la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, n° 740 rectifié, présentée par Mme Naïma Moutchou, M. Laurent Marcangeli, et plusieurs de leurs collègues, déposée le 17 janvier 2023 ; la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de l’État, n° 959, présentée par Mme Naïma Moutchou et plusieurs de ses collègues, déposée le 13 février 2025 ; la proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits, n° 262, présentée par Mme Pascale Bordes, Mme Marine Le Pen, et plusieurs de leurs collègues, déposée le 17 septembre 2024.

([3]) « Insécurité et délinquance en 2023 : bilan statistique », Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), p. 11.

([4]) Le nombre de ces infractions était déjà en hausse en 2022 par rapport à 2021, enregistrant une progression de 15 %, ibid.

([5]) L’augmentation enregistrée pour la commission de ces faits en 2022 était déjà de 10 %, ibid.

([6]) « Insécurité et délinquance en 2024 : une première photographie », Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), p. 8.

([7]) Selon l'Observatoire de la réponse pénale, communiqué de presse du 2 février 2022, p. 4.

([8]) Insee - ONDRP – SSMSI, enquêtes Cadre de vie et sécurité 2008 à 2019, traitements SSMSI.

([9])  Au sein de cette catégorie figure notamment les policiers, les gendarmes ou encore les militaires (sur cette notion, voir infra au 4 du I du commentaire d’article).

([10]) Selon les éléments communiqués par la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice le 16 juin 2025.

([11]) Ibid.

([12]) Loi n° 2007‑1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, articles 1er et 2.

([13]) Loi n° 2011‑267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, article 37, I.

([14]) Loi n° 2014‑896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, article 7.

([15]) Selon l’exposé des motifs de la loi les peines minimales « portaient directement atteinte au pouvoir d'individualisation des juridictions [et] ces dispositions n'ont eu aucun impact sur la prévention de la récidive, [mais] elles ont uniquement aggravé la surpopulation carcérale ».

([16]) Notamment dans le cadre des rapports parlementaires suivants : rapport fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, par Mme Naïma Moutchou, n° 863, 15 février 2023 ; rapport fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits, par Mme Pascales Bordes, n° 473, 23 octobre 2024.

([17]) Selon les données chiffrées de la Direction des affaires criminelles et des grâces du Ministère de la justice, reproduites dans le rapport sur la proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits, par Mme Pascales Bordes, n° 473, précité.

([18]) Ibid.

([19]) « Learning by doing – How criminals learn about criminal law », Arnaud Philippe, Université de Bristol, non traduit. étude reprise dans Arnaud Philippe, la fabrique des jugements, La Découverte, 2022

([20])  « Trois questions à Arnaud Philippe - Entretien par Arnaud Philippe », article paru dans Droit Pénal, n° 3, mars 2024.

([21]) « Les peines planchers sont-elles un outil efficace pour éviter la récidive ? », Notes de l’Institut des politiques publiques (IPP) n° 105, mars 2024.

([22]) Ibid., p. 6.

([23]) Ibid.

([24]) Ibid., p. 7.

([25]) « Trois questions à Arnaud Philippe - Entretien par Arnaud Philippe », article paru dans Droit Pénal, n° 3, mars 2024.

([26]) Proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, n° 740 rectifié, présentée par Mme Naïma Moutchou, M. Laurent Marcangeli, et plusieurs de leurs collègues, déposée le 17 janvier 2023.

([27]) Proposition de loi visant à restaurer l’autorité de l’État, n° 959, présentée par Mme Naïma Moutchou et plusieurs de ses collègues, déposée le 13 février 2025.

([28]) Proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits, n° 262, présentée par Mme Pascale Bordes, Mme Marine Le Pen, et plusieurs de leurs collègues, déposée le 17 septembre 2024.

([29]) Voir notamment « Rétablir des peines planchers : un faux remède aux maux de notre système pénal », Antoine Ory, article paru dans la Semaine Juridique Edition Générale n° 20-21, 23 mai 2022, doctr. 662.

([30]) Article 131-1 du code pénal.

([31]) À titre d’exemple, il est possible de citer l’attentat réprimé à l’article 412-1 du code pénal ou encore le mouvement insurrectionnel réprimé à l’article 412-6 du même code.

([32]) L’échelle des peines prévue par l’article 131-1 du code pénal est la suivante : perpétuité ; trente ans au plus ; vingt ans au plus ; quinze ans au plus.

([33]) Article 131-4 du code pénal. L’échelle des peines prévue par cet article est la suivante : dix ans au plus ; sept ans au plus ; cinq ans au plus ; trois ans au plus ; deux ans au plus ; un an au plus ; six mois au plus ; deux mois au plus.

([34]) Article 381 du code de procédure pénale.

([35]) Article 131-13 du code pénal.

([36]) Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([37]) Ancien article 132-18-1 du code pénal.

([38]) Ancien article 132-19-1 du code pénal.

([39]) Lequel revêt une valeur constitutionnelle (voir infra au 3 du I du présent commentaire).

([40])  En matière de crimes et pour certains délits à savoir les violences volontaires, les délits commis avec la circonstance aggravante de violences, les agressions ou atteintes sexuelles ainsi que les délits punis de 10 ans d’emprisonnement.

([41]) Ibid.

([42]) Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([43]) Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

([44]) En complétant le premier alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance de 1945, relatif à l’atténuation de la peine pour les mineurs, par la phrase suivante : « La diminution de moitié de la peine encourue s'applique également aux peines minimales prévues par les articles 132-18, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal. ». Il était précisé dans le rapport législatif que cette réécriture « ouvr[ait] la faculté d'appliquer les peines plancher aux mineurs délinquants tout en réduisant de moitié le quantum des seuils afin de tenir compte du principe de l'atténuation de la responsabilité pénale. » (rapport n° 358 fait au nom de la commission des Lois du Sénat sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, par M. François Zocchetto, 3 juillet 2007, p. 54)

([45]) Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([46]) Article 132-19-2 du code pénal.

([47]) La peine encourue était portée à cinq ans d’emprisonnement lorsque les violences étaient commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité celui-ci, ou encore lorsqu’elles étaient commises avec une circonstance aggravante et avaient entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours (ancien article 222-13 du code pénal, dans sa version issue de la loi n° 2010-930 du 9 août 2010).

([48])  Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([49]) Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Le II de l’article 37 de cette loi était ainsi rédigé : « À la dernière phrase du premier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance  45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la référence : « et 132-19-1 » est remplacée par les références : « , 132-19-1 et 132-19-2 » ».

([50]) Ibid., cons. 27.

([51]) Loi n° 2014-896 du 15 août 2014.

([52]) Exposé des motifs de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014.

([53]) Voir supra au 1 du II de l’exposé général.

([54]) C’est-à-dire une peine de réclusion ou de détention criminelle comprise entre quinze et trente ans.

([55]) Alinéa 8 de l’article 131-21 du code pénal, sans possibilité pour le juge de déroger à son prononcé.

([56]) Voir par exemple les articles L. 221-2-1, L. 321-1-1, L. 234-16, L. 234-12, L. 235-4 ou L. 413-1 du code de la route.

([57]) Voir par exemple l’article 222-49 du code pénal en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants (confiscation des installations, matériels, et de tout bien ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l’infraction, ainsi que tout produit provenant de celle-ci) ou encore le 5° de l’article 226-31 du même code (confiscation de certains appareils en cas de fabrication de dispositifs de nature à permettre la réalisation d’opérations de détournement de correspondance).

([58])  Il s’agit notamment des infractions de violences aggravées, discrimination, escroquerie, concussion, corruption active et passive, faux dans un document délivré par une administration, participation à une association de malfaiteurs ayant pour objet un crime ou un délit prévus par le dit article, et d’autres délits énumérés prévus par le code électoral, le code général des impôts, le code monétaire et financier et le code de commerce.

([59]) Article L. 232-1 du code de la route.

([60]) Article L. 235-4 du code de la route.

([61]) Article L. 234-13 du code de la route.

([62]) Il est ainsi par exemple pour les infractions d’atteintes aux personnes mentionnées à l’article 222-44 du code pénal.

([63]) Article 222-48-1 du code pénal.

([64]) Alinéa 2 de l’article 132-19 du code pénal.

([65]) Ibid.

([66]) Alinéa premier de l’article 132-19 du code pénal.

([67]) Alinéa 3 de l’article 132-19 du code pénal.

([68]) Ibid., et ce pour la totalité de la peine.

([69]) Ibid., l’aménagement pouvant toutefois dans ce cas porter sur tout ou partie de la durée de la peine.

([70]) Le tribunal peut aussi, sous certaines conditions, décerner, lors du prononcé de la peine, un mandat de dépôt ou un mandat d'arrêt contre le condamné, en application des 3° et 4° du I de l’article 464-2 du code de procédure pénale.

([71]) Cette obligation s’applique dans deux hypothèses : lorsque le tribunal correctionnel décerne un mandat de dépôt ou d’arrêt ou un mandat de dépôt à délai différé pour les peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an ; ou lorsque la durée totale de l’emprisonnement ferme prononcé est supérieure à un an.

([72]) Voir notamment cass. crim., 6 janvier 2016, n° 14-87.076.

([73]) Voir la décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

([74])  Décision n° 2007-554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, notamment cons. 13.

([75]) Ibid. notamment les cons. 9 à 19.

([76]) En effet, en cas de nouvelle récidive, la juridiction ne pouvait prononcer une peine autre que l’emprisonnement ou une peine inférieure aux seuils que si la personne condamnée « présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion » (voir supra au a. du 2 du I du présent commentaire).

([77]) Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, notamment cons. 23 et 24.

([78]) Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

([79]) Décision n° 2018-731 QPC du 14 septembre 2018, Mme Juliet I. [Peine minimale d'emprisonnement pour le délit de blanchiment douanier], notamment cons. 7 à 9.

([80]) Notamment ceux prévus à l’article 369 du code des douanes tels que la dispense d’emprisonnement, le sursis à l’exécution de la peine et la non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

([81]) Décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, M. Stéphane A. et autres [Article L. 7 du code électoral], cons. 5.

([82]) Décision n° 2010-40 QPC du 29 septembre 2010, M. Thierry B. (Annulation du permis de conduire), cons. 4 et 5.

([83]) Décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie politique, parag. 7 à 9.

([84])  C’est-à-dire pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sur réquisition légale.

([85]) Les peines sont alors portées à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsqu’une des circonstances aggravantes prévues aux 8° à 15° de l’article 222-12 du code pénal est retenue, et jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque deux de ces circonstances aggravantes sont matérialisées.

([86]) Voir supra au a. du 2 du I du présent commentaire.

([87]) Voir supra au 3 du I du présent commentaire/

([88]) Ancien article 132-19-1 du code pénal.

([89]) Ancien article 132-19-2 du code pénal.

([90]) En vertu d’un principe général du droit selon lequel la loi spéciale déroge à la règle générale. Il n’est donc pas dérogé aux règles prévues par l’article L. 121-5 du code de la justice pénale des mineurs : « Le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. La diminution de moitié de la peine encourue s'applique également aux peines minimales prévues par l'article 132-18 du code pénal. Si la peine encourue est la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité, elle ne peut être supérieure à vingt ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle. Les dispositions de l'article 132-23 du code pénal relatives à la période de sûreté ne sont pas applicables aux mineurs. »

([91]) Voir le a. du 2 du I du présent commentaire d’article.

([92]) Amendements CL16 et CL17 de Mme Brigitte Barèges, rapporteure.

([93])  Amendements CL18 et CL19 de Mme Brigitte Barèges, rapporteure.