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N° 1617

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 juin 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET de loi, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social,

 

 

 

 

Par MM. Nicolas TURQUOIS et Stéphane VIRY,

 

 

Députés.

 

——

 

 

 

 

 

Voir les numéros : 

 Sénat : 600, 667, 668 et T.A. 133 (2024‑2025).

 Assemblée nationale : 1526.


  1  

SOMMAIRE

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Pages

Introduction

COMMENTAIRE des articles

Titre Ier Renforcer le dialogue social sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés

Article 1er Création d’une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés au niveau des branches

Article 2 Création d’une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés dans les entreprises d’au moins trois cents salariés

Titre II Préparer la deuxième partie de carrière

Article 3 Renforcer l’impact de l’entretien professionnel des salariés au cours de la deuxième partie de carrière

Titre III Lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi seniors

Article 4 Mise en place d’une expérimentation d’un contrat de valorisation de l’expérience

Titre IV Faciliter les aménagements de fin de carrière

Article 5 Précision des justifications devant être apportées par l’employeur en cas de refus d’une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive

Article 6 Possibilité de négocier par accord collectif un versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’un passage à temps partiel

Article 7 Sécurisation de la mise à la retraite d’un salarié recruté après avoir atteint l’âge de départ à la retraite à taux plein

Titre V AmÉliorer la qualitÉ du dialogue social

Article 8 Suppression de la limite de trois mandats successifs pour les élus du comité social et économique

Titre VI Assurance chômage

Article 9 Adaptation des conditions d’activité requises pour les primo-entrants à l’assurance chômage

Titre VII Transitions professionnelles

Article 10 Habilitation à légiférer par ordonnances sur les dispositifs de transition professionnelle

Travaux de la commission

annexe n° 1 : Liste des personnes ENTENDUEs par les rapporteurS

annexe n° 2 : Liste des Contributions reçues par les rapporteurs

ANNEXE N° 3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen DU PROJET de loi

 

 


  1  

   Introduction

Si le taux d’emploi des seniors augmente continûment en France depuis les années 2000, en lien avec les réformes des retraites successives allongeant les durées de cotisation et reculant l’âge d’ouverture des droits, ces travailleurs sont encore nombreux à ne pas retrouver un emploi adapté à leurs compétences en fin de carrière. Davantage confrontés au chômage de longue durée, ils rencontrent des freins à l’embauche multiples et spécifiques nécessitant la mise en œuvre de dispositifs d’action publique ambitieux et ciblés.

En 2023, 58,4 % des personnes âgées de 55 à 64 ans ont un emploi en France contre 82,6 % pour les personnes âgées de 25 à 49 ans. Ce taux demeure inférieur de 5,5 points à la moyenne de l’Union européenne qui s’élève à 63,9 % ; ce qui place la France en dix-septième position parmi les vingt-sept pays de l’Union européenne ([1]).

Évolution du taux d’emploi par âge depuis 1975 (gauche) et taux d’emploi des 55-64 ans dans l’union européenne en 2023 (droite)

Source : direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares).

France Travail observe qu’entre 2008 et 2024, la proportion de demandeurs d’emploi âgés de plus de 50 ans a fortement augmenté, passant de 16 % à 27 %. Lorsqu’ils sont au chômage, les travailleurs seniors rencontrent sensiblement plus de difficultés pour retrouver un emploi en comparaison des autres classes d’âge. La durée d’inscription moyenne à France Travail des demandeurs d’emploi sortants âgés de 50 ans et plus s’élève ainsi à 582 jours (contre 311 jours pour les 25-49 ans) ; 35 % des demandeurs d’emploi âgés de plus de 50 ans sont des demandeurs d’emploi de longue durée (contre 19 % pour les 25-49 ans). Enfin, leur taux de retour à l’emploi est inférieur d’environ 40 % à celui des 25-49 ans ([2]).

Constatant la persistance des freins à l’embauche et à l’emploi des seniors en France et afin d’accompagner l’allongement de la durée d’activité, le 21 novembre 2023, les partenaires sociaux ont été invités par le Gouvernement à engager une négociation nationale interprofessionnelle visant à identifier les mesures favorables au maintien et au retour en emploi des seniors.

Ces négociations ont abouti à la conclusion d’un accord national interprofessionnel (ANI) le 14 novembre 2024 sur l’emploi des salariés expérimentés. Signé par les trois organisations patronales représentatives au niveau national – le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) – et quatre des cinq organisations syndicales de salariés – la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Force ouvrière (FO), la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – , cet accord s’articule autour de quatre grandes priorités :

1° Renforcer le dialogue social dans les branches professionnelles et les entreprises sur l’emploi et le travail des travailleurs expérimentés ;

2° Mieux préparer la deuxième partie de carrière ;

3° Lever les freins à l’embauche des travailleurs seniors par la création d’un contrat spécifique dit de valorisation de l’expérience ;

4° Faciliter les aménagements de fin de carrière ainsi que les transitions progressives vers la retraite.

Parallèlement, les partenaires sociaux ont également conclu un ANI sur l’évolution du dialogue social le 14 novembre 2024 (signé par le Medef, l’U2P, la CFDT, la CGT, FO, CFE-CGC et la CFTC) ainsi qu’une convention relative à l’assurance chômage le 15 novembre 2024.

En avril 2025, le Gouvernement a également invité les partenaires sociaux à négocier sur la refonte des dispositifs de transitions et de reconversions professionnelles.

Déposé sur le bureau du Sénat le 7 mai 2025 et adopté en première lecture le 4 juin 2025 au Sénat, le projet de loi faisant l’objet du présent rapport vise à assurer une transposition fidèle des dispositions nécessitant des modifications législatives prévues dans les deux ANI susmentionnés ainsi que de la convention relative à l’assurance chômage.

Préalablement à l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, les rapporteurs ont consulté et auditionné l’ensemble des partenaires sociaux, les administrations de l’État compétentes au sein du ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et du ministère de l’économie et des finances, l’opérateur France Travail ainsi que l’association Fédération France sénior.

Les rapporteurs saluent les travaux menés par les organisations patronales et syndicales de salariés ainsi que la qualité du dialogue social qu’ils auront engagé pour aboutir à des solutions dont le caractère consensuel, pragmatique et équilibré a été unanimement souligné par l’ensemble des personnes auditionnées. Dans le prolongement des travaux menés au Sénat et dans le respect du paritarisme et du dialogue social, ils entendent veiller à une transcription fidèle et complète des dispositions des ANI dont la mise en œuvre requiert l’intervention du législateur.

● Le titre Ier vise à renforcer le dialogue social sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés. L’article 1er instaure une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, au niveau des branches professionnelles. L’article 2 prévoit une obligation de négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés dans les entreprises et groupes d’au moins trois cents salariés.

 Le titre II concerne la préparation de la deuxième partie de carrière. Il ne comprend que l’article 3, lequel renforce la portée de l’entretien professionnel ayant lieu tous les deux ans au bénéfice du salarié conformément à l’article L. 6315-1 du code du travail. Il prévoit notamment que cet entretien soit organisé dans un délai de deux mois à compter de la visite médicale de mi-carrière prévue durant l’année civile du quarante-cinquième anniversaire du salarié. Ce calendrier vise à améliorer la prise en compte des mesures d’aménagements ou de transformations du poste de travail pouvant être formulées par le médecin du travail à l’issue de ladite visite.

● Le titre III entend lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi séniors au moyen d’un article 4 qui crée, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, un nouveau contrat dit « de valorisation de l’expérience ». Lors de la mise à la retraite du salarié, ce contrat, ouvert aux demandeurs d’emploi inscrits à France et âgés d’au moins 60 ans (ou dès 57 ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit) ouvre droit à une exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite.

● Avec le titre IV sont prévues des mesures de facilitation des aménagements de fin de carrière.

L’article 5 précise les justifications que l’employeur peut opposer à un salarié qui demande à réduire sa quotité de travail pour bénéficier du dispositif de retraite progressive. Celui-ci permet à un assuré de liquider provisoirement ses droits à pension tout en poursuivant son activité professionnelle à temps partiel ou à temps réduit. Il constitue à la fois un outil pour favoriser la prolongation de l’activité de travailleurs qui souhaitent différer sa cessation complète qu’un moyen d’aménager la fin de carrière d’assurés souhaitant diminuer progressivement le temps passé au travail au cours des années précédant leur départ à la retraite.

Depuis la réforme des retraites de 2023, l’employeur qui refuse de faire droit à la demande du salarié de travailler à temps partiel ou à temps réduit doit justifier de l’incompatibilité de la durée de travail sollicitée avec l’activité économique de l’entreprise. L’article 5, qui transpose l’article 4.3.1 de l’ANI du 14 novembre 2024 précité, précise que l’employeur justifie de cette incompatibilité en rendant compte de l’incidence qu’aurait la réduction du temps de travail demandée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service concerné ainsi que, si cette incidence implique un recrutement, des tensions pour y procéder sur le poste concerné. Le même article de l’ANI prévoit d’autres mesures susceptibles de favoriser le recours à la retraite progressive qui ne relèvent pas de la compétence du législateur. Il en va notamment ainsi de l’abaissement de l’âge minimal de la retraite progressive, actuellement fixé à 62 ans, qui serait fixé à 60 ans – la publication du décret prévoyant cette mesure devant intervenir dans un délai permettant l’application de cette mesure à compter du 1er septembre prochain ([3]).

L’article 6, qui transpose l’article 4.2 de l’ANI du 14 novembre 2024, prévoit qu’un accord collectif puisse permettre le versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite à un salarié en fin de carrière qui souhaite réduire son temps de travail. Cette indemnité serait affectée au maintien total ou partiel de la rémunération dudit salarié.

Quant à l’article 7, conformément à l’article 4.3.2 de l’ANI précité, il étend aux salariés recrutés après l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein les dispositions relatives à la mise à la retraite d’office. Ce faisant, il tend à lever un frein au recrutement de salariés dans le cadre du dispositif de cumul-emploi retraite.

● Formé du seul article 8, le titre V améliore la qualité du dialogue social en supprimant la limite, mise en place en 2017 pour renouveler la composition des instances de représentation mais n’ayant pas eu cet effet, de trois mandats consécutifs pour les délégués du personnel au comité social et économique (CSE).

Il transpose l’article 2 de l’ANI du 14 novembre 2024 relatif à l’évolution du dialogue social et répond au souhait des syndicats de salariés et d’employeurs de ne pas se priver de l’expérience acquise par les élus en les empêchant de se présenter alors même que le manque de néo-candidats est un problème qui appellera d’autres solutions, à travers la reconnaissance de cet engagement dans la carrière.

● Le titre VI, comprenant uniquement l’article 9, ouvre dans la loi la faculté pour des textes conventionnels d’abaisser la condition antérieure d’activité pour les primo-affiliés, ou primo-entrants, à l’assurance chômage, c’est-à-dire les personnes qui n’ont jamais été inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi ou qui ne l’avaient pas été pendant une durée qui pourrait être de vingt ans. Sur une période de référence qui resterait de vingt-quatre mois pour les chômeurs de moins de 53 ans et de trente‑six mois pour ceux dépassant cet âge, la condition d’affiliation passerait de six mois à cinq mois, ce qui est plus adapté aux jeunes bénéficiant du régime sans avoir déjà constitué des droits assez longtemps – ni pouvoir dans la plupart des cas solliciter le revenu de solidarité active (RSA) – comme aux seniors longtemps éloignés du marché du travail (arrêts importants, séjour à l’étranger, etc.).

Cette mesure reprend l’article 2 de la convention nationale du 15 novembre 2024 relative à l’assurance chômage, laquelle marque l’aboutissement d’un fort long processus puisque le Gouvernement avait transmis aux partenaires sociaux une lettre de cadrage dès le 1er août 2023, avant que les négociations entraînent la signature d’une convention le 15 novembre, sans que celle-ci aborde néanmoins les conditions d’affiliation des seniors, ce qui a mené le Premier ministre, le 10 mai 2024, à ne pas donner son agrément au texte ; au regard de la carence, un décret aurait dû être pris avec des dispositions s’appliquant au 1er juillet et au 1er décembre, mais la dissolution de l’Assemblée nationale a conduit le Gouvernement à ne pas le publier, pour prendre plutôt trois décrets prorogeant les règles alors en vigueur jusqu’au 31 octobre 2024 puis inviter les organisations syndicales et patronales à discuter du sujet, ce qu’ils sont parvenus à faire en novembre, certaines stipulations ayant été agréées sur la base d’un arrêté du 19 décembre 2024 mais la question des primo-entrants nécessitant une modification de la loi.

● Enfin, le titre VII est afférent aux transitions professionnelles. Son unique article 10 présente ceci de particulier qu’il demandait initialement une habilitation pour que le Gouvernement prenne par ordonnance des mesures de simplification des outils que l’État, les régions, France compétences et d’autres opérateurs gèrent dans le domaine de la formation et de la reconversion professionnelles. L’examen du texte au Sénat a conduit à supprimer le recours à une ordonnance, car la Haute Assemblée n’est pas favorable par principe à ce type de véhicule et surtout car de manière inédite la ministre chargée du travail a indiqué que l’exécutif ne souhaitait qu’une accroche pour permettre de transposer, si cela se révélait possible et opportun, un accord sur les transitions qui était en voie de négociation au début de la première lecture par le Sénat et qui, avec les précautions d’usage que le respect de la démocratie syndicale et plus largement l’observation de l’actualité politique nécessitent, serait peut-être finalisé dans un délai compatible avec son étude par l’Assemblée nationale.

*

*     *


  1  

   COMMENTAIRE des articles

Titre Ier
Renforcer le dialogue social sur l’emploi
et le travail des salariés expérimentés

Modifié par la commission

L’article 1er assure la transposition des mesures prévues aux articles 1.1. et 1.3. de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés. Il instaure à l’article L. 2241-1 du code du travail une obligation de négociation au niveau des branches professionnelles sur « l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge. » Cette négociation a lieu a minima une fois tous les quatre ans. À défaut d’accord de méthode précisant la périodicité et les thèmes de la négociation, elle se tient une fois tous les trois ans et porte sur le recrutement des salariés expérimentés, leur maintien dans l’emploi, l’aménagement des fins de carrière, ainsi que la transmission de leurs savoirs et compétences.

  1.   Le droit en vigueur

Si les branches n’ont à ce jour plus d’obligation légale de négociation portant spécifiquement sur l’emploi des salariés seniors, cette thématique a pu être encadrée par des dispositions légales antérieurement à 2017. La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites avait ainsi instauré une obligation de négociation sur l’emploi des salariés âgés au moins une fois tous les trois ans, au niveau national, de la branche et de l’entreprise ([4]). Cette disposition a été supprimée par l’article 2 de la loi n° 2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération. L’article 1er de cette même loi y a substitué une mention à « des engagements en faveur de l’emploi des salariés âgés et de la transmission des savoirs et des compétences » ([5]) au sein des accords collectifs d’entreprise, de groupe ou de branche dont la conclusion conditionnait l’attribution d’aides au titre de contrats de génération.

La suppression du contrat de génération par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a abouti à l’abrogation de toute référence légale à une négociation spécifique de branche sur l’emploi des seniors dans le code du travail. L’absence de mention à l’emploi des salariés âgés n’exclut pas la possibilité pour les branches d’aborder ce thème dans le cadre d’autres négociations, notamment celles portant sur la formation professionnelle et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Toutefois, en pratique, en l’absence d’obligation légale, d’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, seules la branche des sociétés d’assistance et celle des casinos ont conclu des accords spécifiques sur l’emploi des seniors depuis 2017 ([6]).

  1.   le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi

En application de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, l’article 1er vise à instituer au niveau des branches professionnelles une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés seniors. Il introduit à cette fin des dispositions nouvelles au chapitre Ier du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail, consacré à la « négociation de branche et professionnelle ».

Le complète la liste des thèmes mentionnés à l’article L. 2241-1 du code du travail faisant l’objet d’une négociation entre les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels. Il instaure ainsi, au moins une fois tous les quatre ans, une obligation de négociation relative à « l’emploi et au travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge ». Cette disposition est d’ordre public c’est-à-dire qu’elle constitue une obligation minimale, en l’absence de dispositions plus favorables inscrites dans une convention ou un accord (article L. 2251-1).

Le insère à la suite un nouvel article L. 2241-2-1 précisant que l’accord de branche conclu dans le cadre de la négociation susmentionnée peut comporter un « plan d’action type » pour les entreprises de moins de trois cents salariés. À défaut d’accord collectif conclu dans une entreprise, et après avoir informé et consulté, le cas échéant, le comité social et économique (CSE) ainsi que les salariés « par tous moyens », l’employeur peut appliquer ce plan sous la forme d’un document unilatéral.

Les 3° et 4° précisent que les branches fixent, dans le cadre de l’accord de méthode prévu à l’article L. 2241-4, les thèmes de cette nouvelle négociation et sa périodicité, dans la limite minimale de quatre ans.

Enfin, le complète la troisième section du chapitre précité par un cinquième paragraphe intitulé « Salariés expérimentés » et composé de deux articles L. 2241-14-1 et L. 2241-14-2. Ces dispositions sont supplétives c’est-à-dire qu’elles s’appliquent en l’absence d’accord de méthode :

– le nouvel article L. 2241-14-1 instaure un rythme de négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés tous les trois ans et précise que cette négociation porte sur les quatre thématiques suivantes : le recrutement de ces salariés ; leur maintien dans l’emploi ; l’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ; les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences ;

– le nouvel article L. 2241-14-2 définit à titre facultatif cinq autres thématiques pouvant intégrer le champ de cette négociation dont : le développement des compétences et l’accès à la formation ; les impacts des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ; les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ; la santé au travail et la prévention des risques professionnels ; ainsi que l’organisation et les conditions de travail.

  1.   Les modifications apportées par le sénat

Le Sénat a adopté l’article 1er du projet de loi sans modifications autres que rédactionnelles dans le but d’assurer une transposition fidèle de la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans l’ANI du 14 novembre 2024.

  1.   les modifications apportées par la commission

Dans le prolongement des travaux menés au Sénat, le rapporteur, M. Stéphane Viry, a également défendu au cours de l’examen du texte en commission l’exigence d’une transposition stricte des mesures issues des négociations entre les partenaires sociaux. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a ainsi adopté l’article 1er modifié par deux amendements rédactionnels du rapporteur (AS83 et AS84) et un unique amendement de fond de Mme Océane Godard et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (AS1) visant à ajouter à la liste des thèmes pouvant être abordé au cours de la négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés, le sujet des « pratiques managériales mobilisables » qui figurait à l’article 1.3. de l’ANI sans avoir été transposé dans le présent projet de loi.

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Article 2
Création d’une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés dans les entreprises d’au moins trois cents salariés

Adopté par la commission sans modification

L’article 2 assure la transposition de la mesure prévue à l’article 1.2. de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés. Dans les entreprises et groupes d’au moins trois cents salariés, il instaure une obligation de négociation sur « l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge » codifiée dans un nouvel article L. 2242-2-1 du code du travail. Cette négociation a lieu au moins une fois tous les quatre ans. L’article prévoit qu’à défaut d’accord de méthode précisant la périodicité et les thèmes de la négociation, celle-ci se tient une fois tous les trois ans et porte sur les mêmes thématiques que celles définies pour les branches professionnelles à l’article 1er du projet de loi.

  1.   Le droit en vigueur

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites avait instauré dans les entreprises une obligation de négociation, tous les trois ans, sur « les questions de l’accès et du maintien dans l’emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle. » ([7]) La portée de cette obligation avait été renforcée en 2008 par la mise en place d’une pénalité financière fixée à 1 % de la masse salariale visant les entreprises de plus de cinquante salariés non couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des seniors ([8]). Ces dispositions ont été abrogées par la loi n° 2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération.

Les entreprises n’ont désormais pas d’obligation de négociation sur les conditions de travail de leurs salariés seniors. À titre supplétif uniquement, à défaut d’un accord de méthode mentionné à l’article L. 2242-10 devant préciser la périodicité et les thèmes de négociations au niveau de l’entreprise, l’article L. 2242‑21 prévoit que puissent être abordés dans le cadre des négociations relatives à la gestion des emplois et des parcours professionnels et à la mixité des métiers :

– « l’emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences » ;

– et « l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés. »

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi

En application de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, l’article 2 vise à instituer au niveau des entreprises de plus de trois cents salariés une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés seniors. Il introduit à cette fin plusieurs dispositions nouvelles au chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail consacré à la « négociation obligatoire en entreprise ».

Le insère à la suite de l’article L. 2242-2un nouvel article L. 2242-2-1 ayant pour objet la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. Cet article instaure une obligation de négociation « sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge » dans les entreprises et groupes d’entreprises d’au moins trois cents salariés. Cette négociation a lieu a minima (disposition d’ordre public) au moins une fois tous les quatre ans.

Le procède en conséquence à une coordination juridique à l’article L. 2242-4, qui dispose que l’employeur ne peut arrêter de décisions unilatérales dans les matières traitées par négociation.

Le prévoit que l’accord de méthode prévu à l’article L. 2242-10 précise les thèmes de la négociation sur l’emploi des salariés expérimentés, sa périodicité (dans la limite de quatre ans), le contenu de chacun des thèmes, le calendrier et les lieux de réunion, les informations transmises par l’employeur sur les thèmes, ainsi que les modalités de suivi des engagements.

Le prévoit, à l’article L. 2242-13, que, à défaut de l’accord de méthode précédemment mentionné, le rythme de négociation est triennal.

Le supprime de la liste des thématiques pouvant être traitées dans le cadre de la négociation portant sur la gestion des emplois et des parcours professionnels la mention à « l’emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences » (article L. 2242-21).

Le complète le chapitre précité par une sous-section intitulée « Salariés expérimentés » composée d’un article unique L. 2242-22 (nouveau). Cet article précise que la négociation sur l’emploi des salariés expérimentés est précédée d’un « diagnostic » et porte sur les mêmes matières que celles prévues dans le cadre de l’accord de branche sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés et définies aux articles L. 2241-14-1 et L. 2241-14-2.

  1.   Les modifications apportées par le sénat

Le Sénat a adopté l’article 2 du projet de loi sans modifications dans le but d’assurer une transposition fidèle de la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans l’ANI du 14 novembre 2024.

  1.   Les modifications apportées par la commission

Dans le prolongement des travaux menés au Sénat, le rapporteur, M. Stéphane Viry, a également défendu au cours de l’examen du texte en commission l’exigence d’une transposition stricte des mesures issues des négociations entre les partenaires sociaux. La commission des affaires sociales du Sénat a ainsi adopté l’article 2 sans modification.

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Titre II
Préparer la deuxième partie de carrière

Article 3
Renforcer l’impact de l’entretien professionnel des salariés au cours de la deuxième partie de carrière

Modifié par la commission

L’article 3 assure la transposition des mesures prévues aux articles 2.1 et 2.2. de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés. Il renforce les obligations légales associées à l’entretien professionnel mentionné à l’article L. 6315-1 du code du travail.

Il vise tout d’abord à améliorer la prise en compte des mesures pouvant être formulées par le médecin du travail à l’issue des diverses visites médicales prévues par le même code, en particulier la visite médicale de mi-carrière effectuée à l’âge de 45 ans.

Il précise ensuite le contenu de l’entretien professionnel intervenant dans les deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié. Celui-ci aborde en particulier les « conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagement de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive ».

  1.   Le droit en vigueur

L’article 22 de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a instauré une « visite médicale de mi-carrière » codifiée à l’article L. 4624-2-2 du code du travail. Cette visite est organisée au bénéfice du travailleur à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile de son quarante-cinquième anniversaire.

L’examen médical auquel cette visite médicale donne lieu vise à :

– établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, à date, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels ;

– évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;

– et sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.

À l’issue de la visite, le médecin du travail ou, le cas échéant, l’infirmier de santé au travail à qui peut être délégué l’examen peuvent proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste du travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail. Ces mesures sont mentionnées à l’article L. 4624-3.

En 2023, le nombre de visites de mi-carrière effectuées par des salariés s’élève à 66 425 visites dont 80 % dans les services de prévention et de santé au travail (SPST) ([9]). Ce nombre a été multiplié par trois entre 2022 et 2023 avec une délégation croissante de leur organisation aux infirmiers en santé au travail. 38,5 % des visites de mi-carrière ont ainsi été déléguées aux infirmiers dans les SPST « interentreprises » et près de 19 % dans les SPST « autonomes » en 2023 contre respectivement 25 % et 5 % en 2022.

La montée en charge de la visite de mi-carrière ne semble néanmoins pas s’accompagner systématiquement d’aménagements ou de transformations du poste de travail des travailleurs qui en bénéficient. Les organisations syndicales de salariés, entendues par les rapporteurs, ont pu souligner une prise en compte insuffisante des recommandations pouvant être formulées par les professionnels de santé à l’issue de ces visites.

En application de l’article L. 6315-1 du code du travail, issu de l’ANI du 14 décembre 2013 et codifié par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, un entretien professionnel consacré aux « perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi » est par ailleurs proposé au moins tous les deux ans au salarié. Cet entretien est également systématiquement proposé au moment d’une reprise de poste à l’issue d’un congé (congés parentaux, arrêt longue maladie, mandat syndical, etc.). Il donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi

Le titre II du projet de loi, intitulé « Préparer la deuxième partie de carrière », se compose d’un article unique (article 3 du projet de loi) dont la vocation est de transposer les mesures prévues aux articles 2.1. et 2.2. de l’ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés.

Le I de cet article inscrit à l’article L. 4624-3 du code du travail une obligation d’aborder au cours de l’entretien professionnel prévu à l’article L. 6315‑1 les mesures proposées par le médecin du travail à l’issue de :

– la visite d’information et de prévention (VIP) réalisée après l’embauche du salarié et mentionnée à l’article L. 4624-1 du code du travail ;

– l’examen médical d’aptitude prévu à l’article L. 4624-2, qui se substitue à la VIP dans le cas d’un poste présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du travailleur ;

– ou de l’examen médical de reprise mentionné à l’article L. 4624-2-3 après un congé de maternité ou une absence au travail justifiée par une incapacité résultant de maladie ou d’accident.

Le II renforce également la portée des entretiens professionnels réalisés au cours de la seconde partie de carrière, à l’âge de 45 ans et dans les deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié :

– d’une part, il améliore l’articulation entre la visite de mi-carrière prévue durant l’année civile du quarante-cinquième anniversaire du salarié et l’entretien professionnel conduit la même année, afin d’améliorer la prise en compte par l’employeur des propositions issues de la visite et de l’examen médical associé.

Il complète à cette fin l’article L. 6315-1 du code du travail de façon à y préciser que l’entretien professionnel doit être organisé dans un délai de deux mois à compter de la visite médicale de mi-carrière.

Au cours de cet entretien, doivent être évoquées les mesures proposées par le médecin du travail ou, en cas de délégation, l’infirmier, à l’issue de la visite, et, s’il y a lieu, sont abordées « l’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste du travail, la prévention de situations d’usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié ». Le document remis au salarié à l’issue de l’entretien récapitule l’ensemble des éléments discutés avec l’employeur ;

– d’autre part, il renforce la portée de l’entretien professionnel intervenant dans les deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié en précisant que celui-ci aborde « les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagement de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive ».

  1.   Les modifications apportées par le sénat

Le Sénat a adopté l’article 3 sans modifications autres que rédactionnelles assurant en ce sens une « transposition fidèle » de l’ANI du 14 novembre 2024 ([10]).

  1.   Les modifications apportées Par la commission

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur (AS89 et AS85), la commission a adopté l’amendement AS81 de Mme Sophie Taillé-Polian et des membres du groupe Écologiste et Social visant à préciser qu’à l’occasion de l’entretien professionnel organisé dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière du salarié, « l’employeur ne peut avoir accès aux résultats de la visite médicale. » L’article L. 4624-8 du code du travail dispose par ailleurs à ce titre que l’établissement du dossier médical par le médecin du travail respecte le principe du secret médical.

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Titre III
Lever les freins au recrutement
des demandeurs d’emploi seniors

Article 4
Mise en place d’une expérimentation d’un contrat de valorisation
de l’expérience

Modifié par la commission

L’article 4 vise à lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi seniors et assure en ce sens la transposition de la mesure prévue à l’article 3 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés. Il crée, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, un nouveau contrat à durée indéterminée dit « de valorisation de l’expérience ».

Lors de la mise à la retraite du salarié, ce contrat ouvre droit à une exonération pour trois ans de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite.

La signature de ce contrat, ouvert aux demandeurs d’emploi inscrits à France Travail âgés d’au moins 60 ans, s’accompagne de la transmission à l’employeur d’un document mentionnant la date prévisionnelle à laquelle le travailleur remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

  1.   Le droit en vigueur

Dans le but d’inciter les employeurs à l’embauche des salariés âgés de 55 à 64 ans dits « seniors » dont le taux d’emploi demeure en France structurellement inférieur à la moyenne dans l’Union européenne (58,4 % en 2023 contre 63,9 %) ([11]), plusieurs dispositifs ciblant spécifiquement cette catégorie de demandeurs d’emploi ont pu émerger ces dernières années dont :

– le contrat à durée déterminée (CDD) « senior » : créé en 2006 à l’issue de l’ANI du 13 octobre 2005 relatif à l’emploi des seniors en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi, ce contrat, codifié à l’article D. 1242-2 du code du travail, est ouvert aux salariés de plus de 57 ans, inscrits comme demandeurs d’emploi depuis plus de trois mois ou bénéficiant d’un contrat de sécurisation professionnelle ([12]) après un licenciement économique. À la différence du CDD de droit commun ([13]), l’employeur n’a pas à justifier de circonstances particulières pour y recourir et peut le proposer pour pouvoir un emploi lié à une activité normale et permanente de l’entreprise. Il permet au salarié d’acquérir des droits supplémentaires en vue de la liquidation de sa retraite à taux plein ;

– le contrat de génération : créé par la loi n° 2013-185 du 1er mars 2013, ce contrat permettait aux entreprises de moins de trois cents salariés de bénéficier d’une aide financière de 4 000 euros par an pour le maintien en emploi d’un salarié âgé de 57 ans ou plus lors de l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans en contrat à durée indéterminée (CDI). L’aide s’élevait à 8 000 euros pour l’embauche simultanée d’un jeune et d’un senior. Ce dispositif a été supprimé par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

Ces dispositifs ciblés n’ont néanmoins pas toujours rencontré leur public. Le recours au CDD « senior » demeure rare ; d’après l’étude d’impact du présent projet de loi, à la date du 1er mars 2023, seules 38 offres d’emploi en CDD senior étaient disponibles sur le site de France Travail. S’agissant du contrat de génération, alors que l’objectif fixé était de 500 000 contrats en cinq ans, au 31 juillet 2017, moins de 64 000 demandes d’aides avaient été acceptées par France Travail (anciennement Pôle emploi).

Dans le prolongement de ces dispositifs, la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 prévoyait l’expérimentation d’un « CDI senior » pour les chômeurs de longue durée de plus de 60 ans du 1er septembre 2023 au 1er septembre 2026. Ce contrat était exonéré de cotisations familiales pour l’employeur pendant un an. L’article, introduit au Sénat, a été censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier social ([14]). Le coût de ce dispositif avait été estimé en séance publique par le ministre chargé des comptes publics à 800 millions d’euros.

Les seniors peuvent également bénéficier de dispositifs qui ne leur sont pas réservés tels que les contrats aidés « parcours emplois compétences » (PEC) dans le secteur non marchand. En 2022, 27 % des PEC, soit 20 362 contrats, ont ainsi été signés par des personnes âgées de cinquante ans et plus. La loi n° 2020‑1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » permet également aux structures de l’insertion par l’activité économique (IAE) (entreprises d’insertion, associations intermédiaires, ateliers et chantiers d’insertion) de conclure des contrats à durée déterminée dits d’insertion (CDDI) avec des personnes âgées de plus de 57 ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 3 de l’ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés prévoit la création d’un nouveau type de contrat ciblant spécifiquement les travailleurs expérimentés. En application de cet accord, l’article 4 du projet de loi instaure pour une durée de cinq ans le contrat dit de valorisation de l’expérience et en précise les modalités de mise en œuvre.

Le I prévoit que ce contrat soit ouvert aux demandeurs d’emploi inscrits à France Travail âgés d’au moins 60 ans, ou dès 57 ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit.

Au moment de l’embauche, le candidat ou la candidate à l’embauche ne doit pas remplir les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein et ne doit pas avoir été employé dans l’entreprise ou dans une entreprise appartenant au même groupe, au cours des six mois précédents.

Le II prévoit qu’à la signature du contrat de valorisation de l’expérience, le salarié remette à l’employeur un document communiqué par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Cette disposition permettrait de donner de la visibilité à l’employeur au moment de l’embauche d’un salarié expérimenté et pourrait, d’après les organisations patronales, constituer un levier majeur pour lever les freins à l’embauche des seniors du point de vue des employeurs.

Le III précise que la mise à la retraite ne peut être envisagée que lorsque le salarié a atteint l’âge légal de départ à la retraite et qu’il remplit les conditions de liquidation à taux plein. Autrement dit, l’employeur ne peut pas procéder avant cette échéance à une mise à la retraite du salarié.

Le IV précise que si les conditions du III ne sont pas respectées, la mise à la retraite du salarié constitue un licenciement.

Le V dispose que, dans le cadre d’un contrat de valorisation de l’expérience, lors de la mise à la retraite du salarié, l’employeur est exonéré jusqu’à la fin de la troisième année suivant la publication de la présente loi de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite.

Le coût de cette exonération demeure difficile à estimer compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la propension des employeurs et des demandeurs d’emploi à se saisir de ce nouveau contrat. D’après les estimations communiquées par la direction générale du travail (DGT), si 1 % des demandeurs d’emploi actuels éligibles y recouraient, le coût s’élèverait à 35 millions d’euros.

La durée d’exonération fixée à trois ans a vocation à être ultérieurement étendue à cinq ans ; la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) prévoyant un monopole de la LFSS s’agissant des dispositions fixant des exonérations d’une durée supérieure à trois ans.

  1.   Les modifications apportées par le sénat

Suivant l’avis rendu par le Conseil d’État sur le présent projet de loi, le Sénat a précisé, par un amendement des rapporteures adopté par la commission des affaires sociales, le caractère expérimental du contrat de valorisation de l’expérience au I de l’article. En conséquence, il a complété l’article par un VI prévoyant la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation. Celui « présente notamment le bilan du recours au contrat de valorisation de l’expérience ainsi que le montant des exonérations qui y sont associées ».

  1.   Les modifications apportées par la commission

Outre trois amendements rédactionnels du rapporteur (AS86, AS87 et AS88), la commission a adopté l’article 4 du projet de loi modifié par deux amendements identiques de Mme Océane Godard et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (AS4) et de M. Gaëtan Dussausaye et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National (AS9) visant à étendre le délai de carence prévu au cinquième alinéa de six mois à deux ans. En conséquence, l’employeur ne peut conclure un contrat de valorisation de l’expérience avec une personne ayant été employée dans l’entreprise ou, dans une entreprise appartenant au même groupe, au cours des deux années précédentes et non plus des six derniers mois.

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Titre IV
Faciliter les aménagements de fin de carrière

Article 5
Précision des justifications devant être apportées par l’employeur
en cas de refus d’une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive

Modifié par la commission

Cet article vise à mieux encadrer le refus, par l’employeur, de la demande d’un salarié qui souhaite réduire son temps de travail pour bénéficier du dispositif de retraite progressive. Alors que le droit en vigueur permet à l’employeur de refuser cette demande lorsque la durée de travail demandée par le salarié est incompatible avec l’activité économique de l’entreprise, cet article prévoit que la justification apportée par l’employeur rende compte des conséquences de cette réduction de la durée de travail sur « la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des tensions pour y procéder ».

  1.   Le droit existant : Le dispositif de retraite progressive demeure peu utilisée malgré l’élargissement de son champ d’application
    1.   La retraite progressive : un dispositif de prolongation de l’activité professionnelle et d’aménagement de la transition de l’emploi à la retraite

Le dispositif de retraite progressive permet aux assurés sociaux de percevoir une fraction de leur pension de retraite obligatoire et complémentaire en liquidant provisoirement leurs droits tout en poursuivant leur activité professionnelle soit à temps partiel par rapport à la durée du travail à temps complet, soit à temps réduit par rapport à la durée de travail maximale exprimée en nombre de jours ([15]). Au même titre que la surcote ou que le cumul de l’emploi et de la retraite, il constitue l’un des mécanismes au moyen desquels un assuré peut « ajuster la transition entre sa vie active et sa retraite selon ses préférences » ([16]).

Pour bénéficier de la retraite progressive, un assuré doit remplir les conditions suivantes :

– avoir atteint l’âge de 62 ans ([17]) ;

– justifier d’une durée d’assurance au moins égale à cent cinquante trimestres ([18]) ;

– et, selon la situation de l’assuré :

* dans le cas d’un salarié ou d’un agent public, exercer une activité impliquant une quotité de temps de travail comprise entre 40 % et 80 % ([19]) ;

* dans le cas d’un travailleur indépendant, exercer à titre exclusif une activité qui lui procure un revenu minimal et donne lieu à une diminution des revenus professionnels, ces derniers devant être compris entre 40 % et 80 % du montant moyen des revenus des cinq années précédant la demande de retraite progressive ;

* dans le cas d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, s’engager dans la cessation progressive de son activité – cette condition étant appréciée au regard de la surface minimale d’assujettissement ou, dans le cas d’une société, du nombre des parts cédées ; en outre, lorsque la surface ne peut être prise en compte, la cessation progressive de l’activité professionnelle est réalisée par la diminution des revenus professionnels ([20]).

Lorsque l’assuré demande le bénéfice de la retraite progressive, la pension est liquidée provisoirement. La même fraction de celle-ci est servie dans l’ensemble des régimes de base. Cette fraction est égale à la différence entre 100 % et la quotité de travail – à titre illustratif, un salarié dont la quotité de travail est de 80 % perçoit une pension représentant 20 % d’une retraite à taux plein.

Les périodes cotisées pendant la retraite progressive procurent de nouveaux droits à la retraite, qui sont pris en compte au moment du départ définitif. Le service de la fraction de pension est alors remplacé par le service de la pension complète. La pension complète est liquidée en tenant compte du montant de la pension initiale et de la durée d’assurance accomplie depuis la liquidation de celle-ci ([21]).

  1.   Un dispositif conçu pour favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés et les transitions de l’activité à la retraite

La création de la retraite progressive en 1988 ([22]) répondait d’abord au constat suivant lequel « la "retraite couperet", qui se traduit par une cessation totale d’activité, ne permet pas de prendre en compte les aspirations personnelles de nos concitoyens, qui sont placés devant une alternative de tout ou rien », et qu’elle prive en outre « les entreprises de salariés expérimentés qui pourraient, en poursuivant une activité réduite, continuer à remplir un rôle très utile » ([23]).

En incitant les assurés ayant atteint l’âge d’ouverture des droits à retarder la liquidation définitive de leurs droits à pension, la retraite progressive devait aussi favoriser le relèvement de l’âge moyen de départ à la retraite et, ce faisant, améliorer la situation financière des régimes concernés.

La retraite progressive peut plus généralement être considérée comme un outil d’aménagement des fins de carrière dans la mesure où elle permet à un assuré d’alléger sa charge de travail au cours des années précédant la liquidation complète de sa pension. Cette finalité du dispositif a été confortée par l’abaissement de l’âge minimal d’accès à celle-ci, lequel est depuis le 1er janvier 2015 inférieur à l’âge d’ouverture des droits – cf. infra.

  1.   Les conditions d’accès à la retraite progressive ont été assouplies

Ce dispositif était initialement réservé aux assurés pouvant bénéficier de leur retraite à taux plein – soit, au moment de l’entrée en vigueur de la loi qui l’a institué, les salariés âgés d’au moins 60 ans et totalisant cent cinquante trimestres d’assurance. En outre, il ne concernait que les assurés relevant du régime général, du Régime social des indépendants (RSI), de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et des régimes des salariés et des non-salariés agricoles – ce qui excluait notamment les fonctionnaires ainsi qu’une partie des travailleurs indépendants.

Après que le recours à ce dispositif est longtemps demeuré marginal voire « confidentiel » ([24]) – il ne concernait que 2 409 assurés en 2013 ([25]) –, les conditions d’éligibilité à celui-ci ont été progressivement assouplies.

Ainsi, depuis 2015 ([26]), la retraite progressive est accessible à compter de l’âge d’ouverture des droits diminué de deux années et non plus à partir de l’âge légal de départ à la retraite. Cette modification conduisait en fait à rétablir à 60 ans l’âge minimal de la retraite progressive qui avait été porté à 62 ans par suite du relèvement de l’âge d’ouverture des droits prévu par la réforme des retraites de 2010 ([27]). Cet élargissement des conditions d’accès au dispositif a contribué à transformer la retraite progressive, qui avait été d’abord été envisagée comme un « dispositif de prolongation d’activité », en un outil d’aménagement des transitions de l’emploi à la retraite ([28]).

En outre, également depuis la réforme des retraites de 2014, les périodes d’activité accomplies au sein de l’ensemble des régimes sont prises en compte dans le calcul de la durée d’assurance requise pour bénéficier de la retraite progressive – alors que les trimestres cotisés au titre d’un régime spécial ou d’un régime de la fonction publique ne pouvaient auparavant être comptabilisés.

La retraite progressive a ensuite été étendue aux salariés employés simultanément à temps partiel dans plusieurs entreprises ([29]), puis à ceux relevant d’une convention de forfait en jours ([30]) ainsi qu’à une partie des travailleurs assimilés aux salariés pour leur affiliation aux assurances sociales – notamment les mandataires sociaux ([31]).

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 a ensuite élargi son champ d’application aux professionnels libéraux, aux avocats, aux assurés des régimes spéciaux et aux fonctionnaires ([32]).

  1.   La LFRSS pour 2023 a instauré une procédure spécifique de demande de réduction du temps de travail pour bénéficier de la retraite progressive

La même LFRSS a également précisé la procédure préalable à la réduction de la quotité de travail d’un salarié qui souhaite recourir à la retraite progressive.

En premier lieu, à défaut de réponse écrite et motivée dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande du salarié qui sollicite une réduction de sa quotité de travail, l’accord de l’employeur est réputé acquis.

En outre, l’employeur ne peut s’opposer à la demande du salarié qu’à la condition que la durée de travail sollicitée par celui-ci soit incompatible avec l’activité économique de l’entreprise.

Ces règles s’appliquent aussi bien aux salariés dont le temps de travail est défini à la durée légale du travail ([33]) qu’à ceux ayant conclu une convention de forfait en jours ([34]).

  1.   Le nombre des bénéficiaires de la retraite progressive demeure limité malgré la montée en charge du dispositif
    1.   Une augmentation du recours à la retraite progressive, notamment depuis 2015

Les modifications apportées aux conditions d’accès à la retraite progressive ont permis une forte augmentation du nombre de ses bénéficiaires.

Au sein du régime général, ce nombre a pratiquement quintuplé entre 2015 et 2022 – passant de 5 208 à 24 237 assurés ([35]). Selon l’étude d’impact du projet de loi, au 31 décembre 2023, 26 824 retraites progressives étaient recensées dans ce régime, soit une augmentation de 10,7 % par rapport à l’année précédente.

évolution des effectifs d’assurés en retraite progressive au sein du régime général

Source : direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (Drees), Les retraités et les retraites, 2024, p. 191.

En 2020, plus de quatre assurés sur cinq entraient dans le dispositif avant d’avoir atteint l’âge d’ouverture des droits – l’âge moyen du début de la retraite progressive était alors de 60 ans et 10 mois ([36]).

D’après la Drees, les femmes représentaient 71 % des bénéficiaires d’une retraite progressive recensés au sein du régime général au 31 décembre 2022. Ceux-ci étaient en moyenne âgés de 61,8 ans – 61,6 ans pour les femmes et 62,1 ans pour les hommes. En outre, à la même date 780 assurés – parmi lesquels 60 % de femmes – relevant du régime des salariés agricoles avaient recours à ce dispositif, ces assurés étant âgés de 63,7 ans en moyenne ([37]). Une étude publiée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) lie la surreprésentation des femmes dans le dispositif au fait que celles‑ci occupent plus souvent que les hommes des emplois à temps partiel ([38]).

Effectifs des bénéficiaires de la retraite progressive en 2022

Source : direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques, Les retraités et les retraites, 2024, p. 189.

Par ailleurs, la documentation annexée au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024 indique que, de manière stable depuis 2015, un peu plus de cinq bénéficiaires de la retraite progressive sur six « ont une fraction de pension inférieure ou égale à 50 % » – ce qui correspond à une quotité de travail supérieure ou égale à un mi-temps ([39]).

  1.   Un recours qui demeure marginal

Malgré l’augmentation du nombre des bénéficiaires de la retraite progressive, les effectifs concernés restent limités, notamment lorsqu’on les rapporte à ceux du dispositif de cumul emploi-retraite. Ainsi, en 2022, 541 000 personnes exerçaient une activité professionnelle tout en percevant une pension de retraite ([40]), les assurés recourant à la retraite progressive représentant environ 4 % de ce total.

La Cnav estime qu’en 2018, « le non-recours à la retraite progressive concern[ait] 32 200 assurés ayant directement demandé leur retraite définitive au régime général alors qu’ils remplissaient les principales conditions pour bénéficier d’une retraite progressive sans modifier leur quotité de temps de travail et sans retarder leur départ à la retraite » ([41]).

  1.   Le dispositif proposé : mieux encadrer le refus de la réduction du temps de travail d’un salarié qui souhaite bénéficier de la retraite progressive

L’article 4.3.1 de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés prévoit plusieurs mesures pour étendre l’accès à la retraite progressive et renforcer l’attractivité de ce dispositif, notamment la poursuite de l’encadrement, engagé en 2023, du refus opposé par l’employeur au salarié qui souhaite réduire son temps de travail pour bénéficier de la retraite progressive.

  1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 5 propose de compléter les articles L. 3123-4-1 et L. 3121-60-1 du code du travail – qui concernent respectivement les salariés dont le temps de travail est défini au regard de la durée légale et ceux ayant conclu une convention de forfait en jours – pour préciser que la justification apportée par l’employeur doit notamment rendre compte des conséquences de la réduction de la durée de travail demandée par le salarié sur « la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des tensions pour y procéder ».

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 5 modifié par deux amendements rédactionnels du rapporteur Nicolas Turquois ([42]).

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Article 6
Possibilité de négocier par accord collectif un versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’un passage à temps partiel

Modifié par la commission

Cet article propose qu’un accord collectif puisse permettre le versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite à un salarié qui, avec l’accord de son employeur, souhaite passer à temps partiel ou à temps réduit. Cette indemnité – qui en l’état du droit n’est versée en principe qu’à liquidation complète des droits à pension – serait ainsi affectée au maintien total ou partiel de la rémunération d’un salarié qui demande à réduire son temps de travail.

  1.   Le droit existant : Le salarié qui fait valoir ses droits à la retraite reçoit une indemnité qui lui est versée en principe lors de la première liquidation complète de ses droits
    1.   Le salarié a droit à une indemnité lors de son départ à la retraite

● Le départ à la retraite d’un salarié donne lieu au versement à ce dernier d’une indemnité selon des modalités distinctes en fonction des conditions dans lesquelles l’intéressé est conduit à liquider ses droits à pension :

– lorsque le salarié est mis à la retraite d’office par l’employeur ([43]), il bénéficie d’une indemnité au moins égale à celle à laquelle a droit, sauf en cas de faute grave, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée licencié alors qu’il compte au moins huit mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur ([44]) ;

– lorsque le départ à la retraite intervient à l’initiative du salarié, celui-ci a droit à une indemnité dont le taux – qui est défini par voie réglementaire ([45]) – varie en fonction de l’ancienneté du bénéficiaire dans l’entreprise ([46]). Le montant de cette indemnité est déterminé en application du barème présenté ci-dessous.

Barème de l’indemnité de départ à la retraite

Ancienneté du salarié dans l’entreprise

Montant de l’indemnité
(en nombre de mois de salaire)

Entre 10 et 15 ans

½ mois

Entre 15 et 20 ans

1 mois

Entre 20 et 30 ans

1 mois et ½

Au moins 30 ans

2 mois

Source : article D. 1237-1 du code du travail.

Le salaire à prendre en considération pour calculer cette indemnité est, selon la formule la plus avantageuse pour l’intéressé, soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le départ à la retraite, soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou autre élément de salaire annuel ou exceptionnel qui aurait été versé au salarié pendant cette période est pris en compte à due proportion ([47]).

L’indemnité de départ à la retraite d’un salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l’entreprise ([48]).

  1.   L’utilisation anticipée de l’indemnité de départ volontaire à la retraite est déjà mise en œuvre dans certaines entreprises pour aménager la fin de carrière de salariés expérimentés

Chaque salarié ne peut en principe bénéficier que d’une seule indemnité de départ ou de mise à la retraite, laquelle est attribuée lors de la première liquidation complète de la retraite ([49]). Cette limitation, introduite par la LFRSS 2023 dans le cadre des modifications apportées au dispositif du cumul emploi-retraite ([50]), exclut en principe que cette indemnité soit versée avant que l’assuré ne liquide ses droits à pension.

Néanmoins, certains accords collectifs de branche, de groupe ou d’entreprise ont permis l’utilisation anticipée d’une partie de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’une réduction du temps de travail. L’étude d’impact mentionne ainsi :

– l’accord du 28 mai 2021 relatif à l’emploi des seniors et à la seconde partie de carrière dans la branche des sociétés d’assistance, qui a permis la transformation de cette indemnité en jours de repos pouvant être utilisés au cours des deux années précédant le départ à la retraite ;

– l’accord du groupe Schneider Electric relatif à la gestion des emplois et des parcours professionnels du 10 juillet 2024, qui permet aux salariés de convertir le montant de l’indemnité conventionnelle de départ à la retraite en mois de dispense d’activité ;

– l’accord du 30 juin 2023 d’adaptation des dispositifs de retraite du socle social commun à la suite de la réforme des retraites adopté au sein du groupe Total, lequel prévoit qu’un salarié puisse convertir, sous certaines conditions, tout ou partie de son indemnité de départ à la retraite en dispense d’activité dans le cadre d’un congé de conversion professionnelle ([51]).

Au regard des modalités de versement de l’indemnité de départ à la retraite prévues par le code du travail depuis 2023, ces accords paraissent dépourvus de base légale. Il apparaît cependant que la réduction du temps de travail peut constituer une modalité de transition de l’activité salariée à la retraite dans la mesure où elle constitue une alternative tant à la cessation de toute activité professionnelle qu’à la poursuite de cette dernière à temps complet jusqu’à la liquidation des droits à la retraite, raison pour laquelle il peut être légitime de favoriser les dispositifs permettant aux salariés de limiter leur activité professionnelle tout en maintenant leur rémunération.

  1.   Le dispositif proposé : Permettre le versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite à un salarié en fin de carrière qui souhaite réduire son temps de travail
    1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 4.2 de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 relatif à l’emploi des travailleurs expérimentés prévoit d’instaurer un « temps partiel de fin de carrière » distinct du dispositif de retraite progressive.

À cette fin, l’article 6 prévoit qu’un accord collectif puisse autoriser le versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite à l’occasion du passage d’un salarié à temps partiel ou à temps réduit, afin de compenser la diminution de ses revenus.

Le du I, qui modifie le dernier alinéa de l’article L. 1237-9 du code du travail, précise que l’indemnité de départ volontaire à la retraite est versée en principe au moment où le salarié fait valoir ses droits à pension de vieillesse de droit propre au titre du régime de base auquel il est affilié à raison de l’emploi qu’il occupe dans l’entreprise.

Le du même I, qui complète ledit article L. 1237-9, permet néanmoins à un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, à une convention ou un accord de branche de prévoir que l’indemnité de départ à la retraite puisse être affectée au maintien total ou partiel de la rémunération d’un salarié en fin de carrière si celui‑ci demande à passer à temps partiel ou à temps réduit avec l’accord de son employeur. Le nouvel alinéa précise que, si le montant de l’indemnité de départ qui aurait été due au moment où le salarié fait valoir ses droits à la retraite est supérieur au montant des sommes affectées au maintien de sa rémunération, le reliquat lui est versé.

Le II fait obstacle à ce qu’un assuré qui bénéficie du versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite recoure concomitamment au dispositif de retraite progressive. Il introduit au II de l’article L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale – qui définit le régime de cette dernière – une nouvelle exception à l’application de ce dispositif qui, en l’état du droit, ne s’applique ni aux assurés qui bénéficient d’un avantage de préretraite prévu par des dispositions réglementaires, par des stipulations conventionnelles ou par une décision unilatérale de l’employeur ; ni à ceux exerçant à titre exclusif certaines activités professionnelles ([52]).

La nouvelle rédaction dudit article L. 161-22-1-5 est conforme à l’accord conclu par les partenaires sociaux, l’article 4.2 précité proposant que le temps partiel de fin de carrière soit mis en œuvre « jusqu’à la liquidation de la retraite à taux plein ou jusqu’au recours au dispositif de retraite progressive ». L’interdiction du cumul de la retraite progressive et du versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite permet notamment d’éviter que les revenus des assurés dépassent le montant des revenus professionnels perçus avant le passage à temps partiel, ce qui constituerait un effet d’aubaine ([53]).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 6 modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur Nicolas Turquois ([54]).

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Article 7
Sécurisation de la mise à la retraite d’un salarié recruté après avoir atteint l’âge de départ à la retraite à taux plein

Modifié par la commission

Cet article propose d’autoriser l’application des dispositions relatives à la mise à la retraite d’office aux salariés recrutés après avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite à taux plein.

  1.   Le droit existant : Un employeur ne peut mettre à la retraite un salarié recruté après 70 ans
    1.   La mise à la retraite d’office d’un salarié fait l’objet d’un encadrement strict

Le départ d’un salarié à la retraite suppose la rupture de son contrat de travail, laquelle peut intervenir soit à la demande de l’intéressé ([55]), soit à l’initiative de son employeur ([56]).

Cette seconde hypothèse – qualifiée de mise à la retraite d’office – s’analyse comme une exception au principe de non-discrimination à raison de l’âge ([57]), ce qui justifie que sa mise en œuvre soit strictement encadrée par la loi.

Aussi, l’article L. 1237-5 du code du travail distingue plusieurs hypothèses :

– la mise à la retraite d’office est impossible dans le cas d’un salarié qui n’a pas atteint l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein même s’il ne justifie pas de la durée d’assurance requise, fixé à 67 ans depuis la dernière réforme des retraites ([58]). Dans cette hypothèse, la rupture du contrat de travail par l’employeur constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ([59]) ;

– un salarié âgé de 67 à 70 ans ne peut être mis à la retraite sans son accord, mais l’employeur peut l’interroger par écrit sur son intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse. En cas de réponse négative de l’intéressé, la même procédure est applicable chaque année ([60]) ;

– l’employeur peut mettre à la retraite un salarié âgé d’au moins 70 ans, sous réserve de respecter un délai de préavis égal à celui prévu en cas de licenciement ([61]).

Depuis 2006, aucune convention ou accord collectif prévoyant la mise à la retraite d’office d’un salarié à un âge inférieur à celui de l’âge de départ à la retraite à taux plein ne peut être signé ou étendu, les accords comportant une telle clause ayant cessé de produire leurs effets au 31 décembre 2009 ([62]).

La mise à la retraite d’un salarié lui donne droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l’indemnité légale de licenciement, laquelle est définie en fonction de son ancienneté dans l’entreprise et peut être majorée par un accord collectif ou une clause contractuelle ([63]).

  1.   La jurisprudence interdit à un employeur de mettre à la retraite un salarié recruté après 70 ans

Le législateur n’a cependant pas prévu expressément le cas où le salarié est recruté alors qu’il a déjà atteint l’âge de départ à la retraite à taux plein – cette hypothèse pouvant notamment être réalisée dans le cas où un salarié recourt au cumul emploi-retraite.

Dès lors, la jurisprudence distingue deux cas de figure :

– en premier lieu, la circonstance que le salarié pouvait déjà bénéficier d’une, retraite à taux plein lors de son recrutement ne fait pas obstacle à sa mise à la retraite d’office passé 70 ans ([64]) ;

– en revanche, lorsque le salarié était âgé d’au moins 70 ans au moment de son engagement, son âge ne peut constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail ([65]). Dans cette hypothèse, la mise à la retraite d’office constitue une rupture irrégulière du contrat de travail à raison de l’âge du salarié et peut donc être annulée.

  1.   Le dispositif proposé : appliquer l’encadrement de droit commun de la mise à la retraite d’office aux salariés recrutés après 70 ans
    1.   Les dispositions du projet de loi

L’interdiction de mettre à la retraite un salarié recruté après 70 ans présente le double inconvénient de constituer un frein à l’embauche de salariés expérimentés – notamment dans le cadre du dispositif de cumul emploi-retraite – et d’introduire une différence de traitement entre ceux-ci et les autres salariés du même âge, y compris avec ceux qui ont mené toute leur carrière au sein de la même entreprise.

L’article 4.3.2 de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés propose de sécuriser la mise à la retraite à l’initiative de l’employeur afin de favoriser le recours au cumul emploi-retraite.

Aussi, le a du précise à l’article L. 1237-5 précité qu’un employeur peut mettre à la retraite un salarié ayant atteint l’âge de départ à taux plein « y compris si c’était déjà le cas à la date de son embauche ». Compte tenu de la jurisprudence, cette modification serait de fait dépourvue d’incidence sur la situation des salariés âgés de moins de 70 ans au moment de leur recrutement, dans la mesure où ceux-ci peuvent déjà être mis à la retraite par leur employeur dans les mêmes conditions que les autres salariés. Elle permettrait en revanche de mettre à la retraite un salarié recruté après 70 ans, à quoi la jurisprudence fait actuellement obstacle.

Le b apporte une précision au septième alinéa du même article, qui concerne les conditions dans lesquelles l’employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l’entreprise. La rédaction actuelle de cet alinéa envisage uniquement le cas où le salarié pourrait quitter ses fonctions « pour bénéficier d’une pension de retraite » et ne rend donc pas compte de la situation d’un salarié qui a déjà liquidé ses droits à pension. Il est ainsi proposé de préciser que l’intention exprimée par le salarié peut concerner indifféremment le fait de bénéficier d’une telle pension ou de « continuer à [en] bénéficier ».

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des affaires sociales du Sénat a procédé au toilettage d’autres dispositions du code du travail relatives à la mise à la retraite d’office.

Elle a ainsi adopté un amendement des rapporteurs ajoutant un et un à l’article 7 et proposant une nouvelle rédaction des articles L. 1237-5-1 et L. 1524-10 du code précité. Celle-ci supprime les dispositions permettant l’application à titre transitoire d’accords conclus ou étendus avant le 22 décembre 2006 prévoyant la possibilité de la mise à la retraite d’office d’un salarié à un âge inférieur à celui permettant un départ à la retraite à taux plein.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 7 modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur Nicolas Turquois ([66]).

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Titre V
AmÉliorer la qualitÉ du dialogue social

Adopté par la commission sans modification

Cet article supprime la limite du nombre de mandats que peuvent successivement exercer les membres de la délégation du personnel au comité social et économique.

  1.   Le droit existant

Les sixième et huitième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 proclament que « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » et que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » ([67]).

En application du dix-septième alinéa de l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical.

Au sein de la deuxième partie du code du travail, consacrée aux relations collectives de travail, ses livres Ier et III concernent respectivement les syndicats professionnels et les institutions représentatives du personnel.

● Pour les salariés du secteur privé et les agents employés par des personnes publiques dans des conditions de droit privé, la représentativité des organisations syndicales est appréciée grâce à cinq critères mentionnés à l’article L. 2121-1 : le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, l’audience aux élections qui se tiennent à diverses échelles, l’influence et les effectifs, ainsi que les cotisations.

Or seuls les syndicats représentatifs :

– participent aux concertations qui, sur le fondement de l’article L. 1, ont lieu à la faveur de « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle » d’une part et qui « relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle » d’autre part ;

– peuvent, à raison soit de leur représentativité propre, soit de leur affiliation à une organisation représentative au niveau national, mais toujours « dès lors qu’ils ont plusieurs adhérents dans l’entreprise ou dans l’établissement », y constituer une section syndicale, comme l’indique l’article L. 2142-1 ;

– dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, désigner un ou plusieurs délégués syndicaux, « parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique » ou, si aucun des candidats ne remplit ces conditions ou si tous les élus les remplissant renoncent par écrit à leur droit d’être délégué, « parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi [l]es adhérents [de l’organisation] ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l’article L. 2314-33 » (cf. infra), ainsi que le prévoient les deux premiers alinéas de l’article L. 2143-3 ;

– dans les entreprises d’au moins deux mille salariés comportant au moins deux établissements d’au moins cinquante salariés, désigner des délégués centraux, sur le fondement de l’article L. 2143-5 ;

– dans les entreprises de moins de cinquante salariés, désigner un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical, conformément à l’article L. 2143-6.

● Le personnel est représenté dans le comité social et économique, le conseil d’entreprise, le comité de groupe, le comité d’entreprise européen, le comité de la société européenne, le comité de la société coopérative européenne et la commission paritaire régionale interprofessionnelle (CPIR) pour les entreprises de moins de onze salariés : ces institutions font l’objet des titres Ier à VI et du titre XI du livre III précité, lesquels sont précédés d’un titre préliminaire relatif au calcul des effectifs et auxquels s’ajoutaient des titres VIII à X avant leur abrogation par l’article 1er de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, dite Pénicaud ([68]).

Le comité social et économique est l’instance représentative installée par la même ordonnance à la place du comité d’entreprise, des délégués du personnel et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Suivant les articles L. 2311-1 et L. 2311-2, le comité social et économique est mis en place dans les entreprises, les établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) et les établissements publics à caractère administratif (EPA) dont tout ou partie du personnel est employé dans les conditions du droit privé, dès lors qu’ils ont au moins onze salariés.

Les attributions de la délégation du personnel au comité social et économique varient selon l’effectif :

– en-dessous de cinquante salariés, elles sont de « présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords », de « promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail », de « réalise[r] des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel », de faire usage du « droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché », voire de « saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations », comme en dispose l’article L. 2312-5, sans que cela empêche les travailleurs de présenter eux-mêmes leurs observations à l’employeur, ainsi que le rappelle l’article L. 2312-7 ;

– à partir de ce seuil, elles visent à une « expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions », l’article L. 2312-8 prévoyant son information et sa consultation sur de nombreuses mesures, l’article L. 2312-9 indiquant qu’il « procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels » ([69]), qu’il « contribue notamment à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité, l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail afin de faciliter l’accès et le maintien des personnes handicapées à tous les emplois » et qu’il « peut susciter toute initiative [...] et des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes » ([70]).

L’article L. 2314-1 dispose que le comité social et économique comprend l’employeur et une délégation du personnel, laquelle comportant un nombre égal de titulaires et de suppléants. Chaque syndicat représentatif peut y avoir un représentant dont la voix est consultative, d’après l’article L. 2314-2.

Étant entendu que les articles L. 2314-4 à L. 2314-32 organisent les élections de la délégation du personnel (collèges, électorat, éligibilité, mode de scrutin, etc.), l’article L. 2314-33 dispose que le mandat des délégués du personnel au comité social et économique est de quatre ans et qu’il ne peut en être exercé plus de trois successivement, sauf dans les entreprises de moins de cinquante salariés et sous la réserve des aménagements qui peuvent être apportés dans celles de moins de trois cents salariés par un protocole d’accord préélectoral conclu entre l’employeur et les organisations syndicales. La durée du mandat peut elle-même être raccourcie par un accord, comme le mentionne l’article L. 2314-34.

Le nombre de titulaires, à défaut de stipulations dans un accord à l’échelon concerné, est défini dans un tableau figurant à l’article R. 2314-1 du code du travail et varie d’un seul pour les entreprises de onze à vingt-quatre salariés à trente-cinq pour celles de plus de dix mille salariés.

● Une étude récente de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère chargé du travail indique qu’en 2023, 35,8 % des entreprises de plus de dix salariés dans le secteur privé non agricole avaient une instance de représentation, la proportion variant selon leur taille (cf. infra([71]).

Couverture syndicale et reprÉsentative en 2023
dans l’ensemble des entreprises (haut) et selon leur taille (bas)

(en pourcentage)

 

Entreprises

Salariés

Délégué syndical

10,5

56,1

Représentant de section syndicale

1,7

26,8

Instance élue : comité social et économique ou conseil d’entreprise

35,8

76,7

Représentants de proximité

1,6

19,4

Commission de la santé, de la sécurité et des conditions de travail

6,4

48,6

Source : Dares (février 2025).

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi

Dans sa version déposée sur le bureau du Sénat, l’article 8 du projet de loi supprimait, dans un alinéa unique, les deuxième à cinquième alinéas et le septième alinéa de l’article L. 2314-33 du code du travail, afférent au mandant des délégués du personnel au comité social et économique.

● Le point le plus important est la suppression du deuxième alinéa, disposant que « le nombre de mandats successifs est limité à trois ».

Celle des autres alinéas en découle :

– les troisième et quatrième prévoient les deux exceptions précitées à cette limite, lesquelles disparaîtront en même temps que le principe ;

– le cinquième précise que ce maximum s’applique aux membres du comité social et économique central ou d’établissement, avec les mêmes exceptions ;

– le septième et dernier renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des conditions d’application de ces dispositions, mais cette précision n’aura plus d’objet car les seuls alinéas subsistant, à savoir les actuels premier et sixième, se suffiront, l’un fixant à quatre ans le mandat des délégués et l’autre indiquant que leurs fonctions « prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible », tandis qu’elles ne sont pas affectées par un « changement de catégorie professionnelle ».

● Il s’agit de transposer l’article 2 de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 relatif à l’évolution du dialogue social, aux termes duquel : « afin de permettre le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles, en préservant l’expérience et les compétences acquises [...], les organisations signataires demandent la suppression dans le code du travail de la limite du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ».

En effet, le nombre de volontaires pour représenter leurs collègues est trop faible pour maintenir ce frein législatif à la présentation de candidatures éprouvées, qui à rebours de son objectif de favoriser le renouvellement des instances, compromet leur fonctionnement effectif.

Les partenaires sociaux ont indiqué de façon claire l’intérêt de ne pas perdre la connaissance et le savoir-faire d’anciens élus. Les rapporteurs les rejoignent pour soutenir cette simplification de la démocratie professionnelle et estiment aussi que la reconnaissance de l’expertise acquise au sein des instances représentatives doit être améliorée dans l’évolution de la carrière même des délégués.

Après l’entrée en vigueur de la loi, il reviendra au Gouvernement d’abroger l’article R. 2314-26 du code du travail, qui prévoit que « les stipulations du protocole d’accord préélectoral relatives à l’exception à la limitation du nombre de mandats successifs [...] sont à durée indéterminée » mais n’aura plus lieu d’être.

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

● La commission a adopté l’amendement n° COM-19 de Mmes Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat, rapporteures, opérant dans un nouveau une coordination avec le deuxième alinéa de l’article L. 2143-3 du code du travail, où il est fait référence à la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique qui est supprimée, et transformant l’alinéa unique de l’article 8 du projet de loi en un .

Une correction a conduit à substituer à la mention, dans le 2°, du « septième » alinéa de l’article L. 2314-33 du code du travail par celle de son « dernier » alinéa.

● Le Sénat n’a pas modifié l’article 8 en séance.

  1.   Les modifications apportÉes par la commission

La commission a adopté l’article 8 sans modification.

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Titre VI
Assurance chômage

Adopté par la commission sans modification

Cet article prévoit la modulation des conditions d’activité antérieure pour la constitution et la durée des droits à l’assurance chômage concernant l’allocataire n’ayant jamais été demandeur d’emploi ou ne l’ayant pas été dans un passé récent.

  1.   Le droit existant

La cinquième partie du code du travail est relative à l’emploi.

Le titre Ier du livre IV comprend les droits et obligations du demandeur d’emploi, c’est-à-dire de la personne inscrite sur la liste gérée par France Travail, parce qu’elle recherche un emploi, qu’elle demande le revenu de solidarité active (RSA) ou qu’elle sollicite un accompagnement par une mission locale ou une structure spécialisée dans l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, à l’exception dans ces trois cas des « invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque », comme le prévoient les articles L. 5411‑1 du code du travail et L. 341‑4 du code de la sécurité sociale.

Le principe suivant lequel les demandeurs d’emploi « ont droit à un revenu de remplacement », qui peut être une « allocation d’assurance », des « allocations de solidarité » ou une « allocation des travailleurs indépendants », résulte, dès lors qu’ils « accomplissent des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer, reprendre ou développer une entreprise » des articles L. 5421‑1 à L. 5421‑3 du code du travail.

Le chapitre II du titre II dudit livre IV concerne l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) :

– son attribution, aux termes de l’article L. 5422‑1, dépend de critères d’âge et d’activité antérieure, ainsi que du fait que la privation d’emploi soit involontaire, tenant par exemple à la fin d’un contrat à durée déterminée, à un licenciement pour motif économique ou à une rupture conventionnelle du contrat ;

– son bénéfice est accordé, d’après l’article L. 5422‑2, pour une durée limitée tenant compte de l’âge et de l’activité antérieure de l’intéressé ;

– inséré dans le code du travail par le 2° de l’article 2 de la loi n° 2022‑1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, l’article L. 5422‑2‑2 indique que « les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail » ;

– le montant de l’indemnisation, sans excéder la rémunération nette perçue avant l’inscription à France Travail, est calculé soit en fonction de cette rémunération dans la limite d’un plafond, soit de l’assiette, pour l’intéressé, des contributions à la charge de son employeur pour le financement du régime.

Les conditions d’activité antérieure sont fixées par le règlement constituant l’annexe A du décret n° 2019‑797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage, dont l’article 3 prévoit :

– qu’un primo-entrant sur les listes des demandeurs d’emploi ait, pour bénéficier d’une indemnisation, à justifier d’une durée d’affiliation au moins égale à 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées au cours des vingt-quatre mois précédant la fin du contrat de travail pour les salariés âgés de moins de 53 ans à la date de la fin de leur contrat de travail, ou au cours des trente-six mois la précédant pour les salariés âgés de 53 ans et plus à la date de la fin de leur contrat de travail, cette date correspondant au terme du préavis ;

– que sont retenus cinq jours travaillés par semaine civile pour chaque période d’emploi égale à une semaine civile ou le nombre de jours travaillés par semaine civile lorsque la période d’emploi est inférieure à cette durée ;

– qu’en principe, le temps effectif ne peut excéder les quarante-huit heures prévues à l’article L. 3121‑20 du code du travail ;

– que sont exclues les périodes correspondant au congé sabbatique relevant de l’article L. 3142‑28 du même code ou au congé de plus d’un mois civil, dès lors qu’elles n’ont pas donné lieu au versement des contributions susmentionnées.

Les périodes de travail retenues pour la satisfaction du critère d’affiliation peuvent avoir été accomplies pour un employeur établi dans un État membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou en Suisse, suivant l’article 61 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Des périodes non travaillées sont assimilées à l’emploi dans le calcul de l’affiliation : congés de maternité, de paternité, d’adoption, de proche aidant, d’arrêt pendant lequel est perçue une indemnité journalière de l’assurance maladie, volontariat dans le cadre du service civique, etc.

Enfin, l’article L. 5424‑1 du code du travail prévoit que les parties à l’accord entre les syndicats des employeurs et des salariés, relatif au régime d’assurance chômage, confient sa gestion à un organisme de droit privé de leur choix.

L’organisme dont il est question est une association formée selon les termes de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association : l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unedic), constituée par la convention du 31 décembre 1958 créant un régime national interprofessionnel d’allocations spéciales aux travailleurs sans emploi de l’industrie et du commerce, approuvée par un arrêté du 12 mai 1959 ([72]).

Le service de l’allocation d’aide au retour à l’emploi est assuré par France Travail.

L’essentiel des contributions dues à l’Unedic est recouvré par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), dont la tête de réseau pour le régime général est l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), et par les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) dans les territoires ultramarins.

Aussi récemment que le 12 juin 2025, l’Unedic a mis à jour ses prévisions financières pour les années 2025 à 2027, dont il ressort que « l’assurance chômage se trouverait en 2025 et 2026 en situation de déficit modéré, dans un contexte macroéconomique qui se détériore » :

– la croissance du produit intérieur brut ne s’élèverait qu’à 0,6 % pour l’exercice en cours et 0,9 % pour celui à venir, contre 1,1 % pour 2024 ;

– 91 000 emplois seraient détruits cette année avant que 55 000 soient créés l’année prochaine, même si l’effectif des chômeurs indemnisés baisserait un peu pour atteindre 2,60 millions en 2025 puis 2,55 millions en 2026, le régime jugeant que l’effet des réformes de 2019, 2021 et 2023 jouerait plus fortement qu’en sens inverse la dégradation de la conjoncture ;

– le taux de chômage au sens de la définition établie en 1982 par le Bureau international du travail serait de 7,4 % à la fin du premier trimestre 2025 puis de 7,7 % à la fin de l’année 2025 et de 7,9 % à la fin de 2026. Les rapporteurs se borneront à constater que cela ne correspond pas au plein emploi ;

– les recettes du régime atteindraient 45 milliards d’euros en 2025 pour reculer à 44,1 milliards d’euros en 2026. Les dépenses diminueraient dans une ampleur très légèrement supérieure, de 45,2 milliards d’euros à 44,2 milliards d’euros, si bien que le solde resterait négatif à hauteur de 0,3 milliard d’euros puis de 0,4 milliard d’euros. Il ne redeviendrait excédentaire de 5,3 milliards d’euros qu’en 2027 ([73]).

Variation du solde financier de l’assurance chômage de 2008 à 2027

(en milliards d’euros)

Source : Unédic (juin 2025).

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 9 du projet de loi complète l’article L. 5422‑2‑2 du code du travail par une phrase aux termes de laquelle les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits à l’allocation d’assurance et la durée de leur bénéfice pourraient « être modulées », donc varier aussi bien à la hausse qu’à la baisse, « en tenant compte, soit de ce que le demandeur d’emploi n’a jamais bénéficié de l’allocation d’assurance, soit ce qu’il n’en a plus bénéficié depuis une durée importante ».

Il s’agit ainsi de transposer le paragraphe 3 de l’article 2 de la convention relative à l’assurance chômage signée le 15 novembre 2024.

Selon ses stipulations, « afin de mieux sécuriser la situation des primo-entrants sur le marché du travail, définis comme les salariés privés d’emploi ne justifiant pas d’une admission au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi dans les vingt années précédant leur inscription comme demandeur d’emploi, la condition minimale d’affiliation permettant l’ouverture d’un droit qui leur est appliquée est abaissée de manière dérogatoire au droit commun à 108 jours travaillés (ou 758 heures travaillées), correspondant à cinq mois, au cours de la période de référence pour la recherche de l’affiliation [...] ».

La transposition n’a pu être effectuée par simple agrément, à travers un arrêté du Premier ministre du 19 décembre 2024, puisque la stipulation en question manquait de base légale.

L’article 9 du projet de loi est donc nécessaire pour ajouter aux adaptations de la condition d’affiliation en fonction de l’âge, de la conjoncture et des modalités particulières d’exercice d’une profession, prévues aux articles L. 5422‑2, L. 5422‑2‑2 et L. 5422‑6 du code du travail, un nouveau cas relatif à la situation de l’allocataire lui-même vis-à-vis de l’assurance chômage.

Cette mesure est surtout opportune dans la mesure où, ainsi que le montre l’étude d’impact, « quel que soit l’âge du demandeur, le taux d’accès à l’emploi est plus faible pour les primo-entrants » que pour les allocataires qui avaient déjà été inscrits sur la liste des chômeurs au cours des vingt années précédentes.

Taux d’accès à l’emploi au bout de six mois pour les primo-entrants
et les autres nouveaux inscrits À l’assurance chômage

(en pourcentage)

Source : étude d’impact du projet de loi (p. 76) d’après les données de France Travail.

Si la rédaction de l’article 9 évoque une « durée importante », cela tient à ce que la période minimale pendant laquelle n’aura été perçue aucune indemnisation au titre du chômage et permettant à un allocataire d’entrer dans la catégorie des primo-entrants (ou primo-affiliés) a vocation à rester conventionnelle ou, en cas de carence, réglementaire. L’intention des partenaires sociaux, rejointe par celle du législateur, est toutefois claire : il s’agit de vingt ans.

De même, l’abaissement de la durée d’affiliation, qui sécurisera le parcours des primo-entrants, ne figurera pas dans la loi. Les organisations signataires se sont entendues sur vingt-deux jours (soit un mois).

Pareillement, le dispositif proposé se place sur le terrain d’une modulation, pour préserver la latitude des partenaires sociaux ou, si leurs négociations échouent, de l’autorité administrative. Mais l’accord dont la transposition fait l’objet du présent rapport envisage uniquement une diminution de la durée d’activité.

Avec ce paramètre, le Gouvernement estime que 65 000 chômeurs de plus seraient indemnisés pour un coût de 130 millions d’euros par an.

Les rapporteurs soutiennent ce traitement favorable pour les personnes qui accèdent pour la première fois au marché du travail ou qui en ont été éloignées pour une période prolongée :

– les jeunes gens seraient favorisés, puisque la part des moins de 25 ans parmi les primo-entrants avec une affiliation comprise entre cinq et six mois est de 62 % (contre 22 % pour l’ensemble des allocataires non-primo-entrants) et atteint même 83 % pour les moins de 35 ans ;

– les travailleurs plus âgés le seraient également, car ils peuvent tout aussi bien avoir été inactifs pendant longtemps, par exemple en ayant suivi un conjoint à l’étranger ou en ayant cessé leur activité pour élever des enfants, ou avoir eu une carrière professionnelle riche tout en manquant d’expérience dans la recherche d’un emploi, de sorte que même avec une période de référence de trente-six mois au lieu de vingt-quatre, les conditions d’affiliation à l’Unedic sont un facteur de précarité ;

– indépendamment de l’âge, parmi les primo-entrants justifiant d’une affiliation comprise entre cinq et six mois, 88 % l’étaient à la suite d’un contrat précaire, c’est-à-dire au terme d’un contrat à durée déterminée (59 %) ou d’un d’intérim (29 %).

Le Conseil d’État relève que la mesure « prévoit des conditions allégées de durée préalable d’affiliation [...] soit lorsque le demandeur d’emploi n’a jamais été indemnisé par l’assurance chômage, afin de faciliter l’indemnisation de jeunes entrants sur le marché du travail, soit lorsqu’il ne l’a pas été depuis au moins vingt ans avant sa nouvelle inscription, afin de faciliter l’indemnisation de personnes qui, au terme d’une carrière fragmentée ou interrompue pendant longtemps, perdent leur emploi après une brève reprise » et souligne qu’elle « ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi » ([74]).

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

L’article 9 du projet de loi n’a été modifié ni en commission ni en séance.

  1.   Les modifications apportÉes par La commission

La commission a adopté l’article 9 sans modification.

*

*     *

Titre VII
Transitions professionnelles

Adopté par la commission sans modification

Dans sa rédaction initiale, cet article habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification des dispositifs de transition professionnelle et d’amélioration du fonctionnement des institutions ou organismes qui concourent ou financent les actions de formation et de conseil concernées.

Dans celle issue du Sénat, cet article se borne à rappeler que de tels outils sont mobilisés par les salariés et leurs employeurs pour favoriser les mobilités et prévenir l’usure ainsi que la désinsertion professionnelle.

  1.   Le droit existant

La sixième partie du code du travail porte sur la formation professionnelle tout au long de la vie.

● Sans que la transition et la reconversion soient une catégorie juridique propre, les trois premières phrases du premier alinéa de l’article L. 6111-1 et la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 6121-2 disposent que :

– « la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale ; elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ; elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés » ;

– « toute personne cherchant à s’insérer sur le marché du travail dispose, quel que soit son lieu de résidence, du droit d’accéder à une formation professionnelle afin d’acquérir un premier niveau de qualification, de faciliter son insertion professionnelle, sa mobilité ou sa reconversion ».

 Peut d’abord être cité le conseil en évolution professionnelle (CEP), que l’article L. 6111-6 fait figurer au nombre des missions du service public régional de l’orientation mentionné à l’article L. 6111-3 et dont il indique que son objectif est de « favoriser l’évolution et la sécurisation [du] parcours professionnel ». Le CEP peut être mis en œuvre par France Travail, par les missions locales, par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) ou par divers opérateurs agréés, notamment ceux spécialisés vis-à-vis des personnes en situation de handicap.

● Le compte personnel de formation (CPF), intégré au compte personnel d’activité (CPA), est un autre instrument qui, aux termes de l’article L. 6323-4, peut financer une formation certifiante ou sanctionnée par une attestation de validation de blocs de compétences, une validation des acquis de l’expérience (VAE), un bilan de compétences et diverses actions plus spécifiques dans le cadre du permis de conduire, du service civique ou de la formation des élus locaux.

● En outre, la reconversion et la promotion par alternance offrent aux salariés en contrat à durée indéterminée (CDI), en contrat à durée déterminée (CDD) conclu en application de l’article L. 222-2-3 du code du sport pour les compétiteurs et les entraîneurs de haut niveau ou en contrat unique d’insertion (CUI), de changer de métier ou de s’engager dans une VAE pour « bénéficier d’une promotion sociale ou professionnelle », selon l’article L. 6324-1. Les démarches menées dans ce cadre (parfois appelé « Pro-A ») ne peuvent suspendre la rémunération du salarié mais font l’objet d’un avenant au contrat.

● Le contrat de professionnalisation, ouvert aux moins de 25 ans jusqu’à la fin de leur formation initiale, aux demandeurs d’emploi de plus de 26 ans, ainsi qu’aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), des allocations de solidarité spécifique (ASS) ou aux adultes handicapés (AAH) et enfin aux anciens signataires d’un CUI, leur offre d’être aidés dans leur insertion ou leur réinsertion par l’acquisition d’une qualification soit enregistrée dans le répertoire national des certifications (RNCP), soit reconnue par la convention collective nationale de la branche concernée, ainsi que le prévoit l’article L. 6325-1.

● Enfin, le projet de transition professionnelle (PTP), lui-même éligible sous conditions aux crédits du CPF, prépare les salariés à un changement de métier après une formation certifiante, s’ils justifient de deux ans d’ancienneté, comme le précisent les articles L. 6323-17-1 à L. 6323-17-6 et R. 6323-14 à D. 6323-14-5. Si la formation est réalisée pendant le temps de travail, sont prévus un droit à congé et le maintien de la rémunération à 100 % jusqu’à deux fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de formation (Smic) et à 60 % ou 90 % au-delà. Le contrat de travail est suspendu et reprend s’il n’y a pas changement de poste ou d’employeur.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a récemment pu s’intéresser à la façon dont les PTP sont soutenus par France compétences au moyen du fonds pour l’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu) mis en place par l’article 17 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 ([75]).

● Tous ces dispositifs font intervenir des personnes morales dont les offices se complètent ou se chevauchent :

– aux termes du premier alinéa de l’article L. 6121-1, l’État est compétent pour la formation initiale des jeunes sous statut scolaire et universitaire ou suivant un service militaire adapté et la région est chargée de la « politique régionale d’accès à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle » ;

– le premier alinéa de l’article L. 6121-4 dispose que France Travail « attribue des aides individuelles à la formation » ;

– le I de l’article L. 6122-1 indique que l’État « peut organiser et financer, au profit des personnes à la recherche d’un emploi, des formations dont le faible développement ou le caractère émergent justifient, temporairement ou durablement, des actions au niveau national pour répondre aux besoins de compétences » ;

– d’après l’article L. 6123-5, France compétences finance les opérateurs de compétences (Opco) à raison des contrats d’apprentissage et de professionnalisation d’une part et des reconversions ou promotions par alternance d’autre part, ainsi que les centres de formation d’apprentis (CFA) et les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR – ou « associations transition pro », voire « AT pro ») pour ce qui concerne soit les PTP, soit l’utilisation du CPF à des fins de formation, d’exercice d’un bilan de compétences ou de réalisation d’une VAE, mais seulement dans le cas où leur but est une reconversion professionnelle ;

– le rôle des CPIR, d’après l’article L. 6323-17-6, est de financer le PTP ;

– les organismes paritaires agréés que sont les Opco, sur le fondement des 1°, 2°, 4° et 5° de l’article L. 6332-1, financent les contrats de professionnalisation, appuient les branches dans la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), accompagnent les très petites (TPE), petites et moyennes (PME) entreprises dans l’analyse de leurs besoins en matière de formation professionnelle, notamment au regard des mutations économiques et techniques de leur secteur d’activité, etc. ;

– les partenaires sociaux sont impliqués via les branches ou les CPIR.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 10 du projet de loi habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances, dans un délai douze mois à compter de la promulgation du texte et un projet de loi de ratification étant déposé sous trois mois après la publication de l’ordonnance, toute mesure qui est normalement du domaine de la loi pour :

– « simplifier et harmoniser les dispositifs de formation professionnelle prévus par la sixième partie du code du travail, en les aménageant et le cas échéant en les fusionnant ou en créant de nouveaux, en vue de mieux accompagner les salariés dans leurs parcours d’évolution ou de transition professionnelle » () ;

– « améliorer, aux mêmes fins, l’organisation et le fonctionnement des réseaux d’institutions et d’organismes qui concourent, par des actions de formation ou de conseil, à l’accompagnement des transitions professionnelles, ou qui les prennent en charge » () ;

– mettre en cohérence les dispositions qui l’appelleraient ou abroger celles qui deviendraient sans objet ().

Dans son étude d’impact, l’exécutif justifie par la mesure par l’insuffisante utilisation des dispositifs de transition et de reconversion professionnelles, ainsi que par le manque d’articulation entre les formations ou autres outils qui les composent et le suivi ultérieur de leurs bénéficiaires, alors que les avoir suivis peut ne pas être une sécurisation en soi, par exemple en cas de déconnexion entre les contenus de ces parcours et les besoins réels des employeurs. La faible mobilisation de ces instruments n’est pas sans lien avec leur variété, laquelle se retrouve dans leurs critères d’éligibilité et de financement, mais l’offre peine aussi à se structurer du fait des mutations du marché du travail, en particulier dans les secteurs les plus concernés par les évolutions technologiques, ce qui conduit parfois les structures susmentionnées à se réfugier dans une logique de qualification, ne servant pas toujours in fine, alors qu’une approche par les compétences serait plus pertinente ; encore ces intervenants sont-ils inégalement répartis sur le territoire ([76]).

  1.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Quoique la procédure afférente aux ordonnances implique une autorisation puis une ratification expresse par le législateur, le Sénat y est classiquement opposé.

● La commission a adopté l’amendement n° COM-20 de Mmes Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat, rapporteures, supprimant les cinq alinéas relatifs à l’ordonnance (I) et complétant l’article 10 par un nouvel alinéa rappelant, dans ce que les rapporteures admettent qu’il s’agit d’une « coquille vide », que les dispositifs susmentionnés (CEP, CPF pour les changements de métier, reconversion ou promotion par alternance et contrat de professionnalisation) et les autres dispositifs servant à la reconversion professionnelle « sont mobilisés par les salariés et leurs employeurs » dans quatre buts : la mobilité, la prévention de l’usure, celle de la désinsertion et l’amélioration des transitions (II).

L’introduction d’une disposition dépourvue de toute portée normative ne doit pas être mal interprétée, mais doit être replacée dans le contexte de l’audition de la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi, par la commission des affaires sociales du Sénat :

– « nous avons adressé une lettre aux partenaires sociaux, afin de relancer les négociations sur les dispositifs de transition et de reconversion ; cette question avait fait l’objet d’un accord très partiel au printemps 2024, dans le cadre de la négociation [sur le] pacte de la vie au travail » ;

– « aujourd’hui, les organisations représentatives sont de nouveau réunies [...], avec la volonté de parvenir à un accord dans des délais raisonnables » ;

– « si un tel accord devait être conclu, il pourrait être intégré à ce projet de loi [...; cet article 10 donnera au Parlement la possibilité de débattre sur ce sujet et, s’il le juge nécessaire, d’amender le dispositif pour tenir compte d’un éventuel accord ; le Gouvernement [...] s’engage à déposer un amendement, dans le respect total de l’accord, si celui-ci intervient » ;

– « en l’absence d’accord, cette habilitation sera supprimée » ([77]).

● Le Sénat n’a pas modifié l’article 10 en séance.

● Avant tout commentaire en opportunité, les rapporteurs soulignent qu’ils ne sauraient prendre l’initiative du rétablissement de l’article 10 du projet de loi dans sa rédaction initiale, le Conseil constitutionnel ayant eu souvent l’occasion de juger que les membres du Parlement ne pouvaient pas être eux-mêmes à l’origine d’un tel dessaisissement au profit de l’exécutif ([78]).

Ils partagent l’avis de leurs homologues du Sénat suivant lequel l’article 10, sous sa forme initiale ou celle transmise à l’Assemblée nationale, est une accroche pour permettre la transposition d’un accord qui, selon les informations qui leur ont été communiquées par les organisations syndicales et patronales qu’ils ont reçues, pourrait être signé le 25 juin 2025, de sorte que sa traduction au moment de l’examen du texte en séance, sans être évidente, n’est pas inenvisageable.

  1.   Les modifications apportÉes par la commission

La commission a adopté l’article 10 sans modification.


  1  

   Travaux de la commission

Lors de sa première réunion du lundi 23 juin 2025, la commission auditionne Mme Astrid PanosyanBouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (n° 1526) ([79]).

M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, le projet de loi, adopté par le Sénat, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social a été inscrit à l’ordre du jour de la séance publique à compter du jeudi 3 juillet. Je remercie Mme la ministre Astrid PanosyanBouvet de venir nous présenter ce texte.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi. Ce projet de loi a pour objectif de transposer trois accords intervenus entre les partenaires sociaux le 14 novembre dernier. Le premier ministre de l’époque – Michel Barnier – et moi-même avons rapidement fait le choix de demander aux partenaires sociaux de reprendre plusieurs négociations récentes, qui n’avaient pas pu aboutir : celle relative à l’assurance chômage, qui avait donné lieu, à l’automne, à un accord qui n’avait pas été agréé par le gouvernement d’alors ; celle sur l’emploi des seniors, qui constituait un volet de la négociation sur le pacte de la vie au travail et qui n’avait pas pu aboutir au printemps 2024. En relançant le dialogue social au niveau national, le Gouvernement a fait le choix de la démocratie sociale. Au final, un triple accord est intervenu le 14 novembre 2024.

Il prend la forme de deux accords nationaux, l’un sur les travailleurs expérimentés, l’autre sur le dialogue social, ainsi que d’un avenant au protocole d’accord sur l’assurance chômage de novembre 2023, qui demande une transposition législative. Ces trois accords ont été signés largement, voire très largement. Celui sur l’emploi des salariés expérimentés a été signé par trois organisations patronales et les organisations syndicales, à l’exception de la CGT. L’accord national interprofessionnel (ANI) relatif au dialogue social a été signé par deux des trois organisations patronales – la Confédération des petites et moyennes entreprises faisant exception – et toutes les organisations syndicales. L’avenant au protocole d’accord de 2023 sur l’assurance chômage a été signé par les trois organisations patronales et trois des cinq organisations syndicales, à l’exception de la CGT et de la CFE-CGC.

Sans recueillir l’unanimité, ces trois accords ont donc suscité une très large adhésion, donnant le sentiment que le dialogue social avait véritablement sa place dans notre pays, sur des sujets potentiellement épineux : après avoir échoué, ils ont finalement pu être conclus. Il appartient désormais au Parlement – au Sénat, début juin, et à l’Assemblée nationale le 3 juillet – d’en assurer la transposition législative, sur la base d’un projet de loi qui a fait l’objet d’échanges avec les partenaires sociaux depuis plusieurs mois. De leur aveu, il a été transposé fidèlement, dans le texte qui vous est soumis aujourd’hui.

Je précise que cette transposition a non seulement été vue avec les partenaires sociaux qui ont signé ces accords, mais aussi avec ceux qui ne les ont pas signés. C’est une manière de respecter les organisations non-signataires, qui contribuent aussi au dialogue social à travers les négociations.

Les articles 1er à 7 du projet de loi concernent l’emploi des travailleurs expérimentés.

Les deux premiers articles renforcent le dialogue social en obligeant les branches et les entreprises d’au moins trois cents salariés à mener des négociations spécifiques tous les quatre ans au moins. Il était en effet important qu’à tous les niveaux, le dialogue social puisse se saisir des sujets du recrutement des seniors, des moyens pour les maintenir en emploi et en bonne santé, avec des compétences actualisées, des aménagements de fin de carrière et de transmission de savoir-faire. Afin d’apporter les bonnes réponses en fin de carrière, employeurs et salariés doivent se préparer en amont. Il s’agit de l’un des grands enseignements constaté dans les pays où les taux d’emploi des travailleurs expérimentés sont plus élevés : ils arrivent à anticiper ces sujets bien plus en amont que nous.

L’article 3 renforce le dispositif de mi-carrière, prévu autour de 45 ans –les branches en décideront –, en ajoutant à la visite médicale obligatoire un nouvel entretien professionnel, pour avoir une vision à 360 degrés – compétences et santé. Ces deux obligations combinées constitueront un rendez-vous de mi-carrière, qui permettra de mieux répondre aux enjeux de santé au travail et d’aborder l’ensemble des questions liées aux compétences et aux qualifications, aux besoins de formation, aux mobilités, aux reconversions.

L’article 4 lance, pour cinq ans, l’expérimentation d’un contrat de valorisation de l’expérience, pour rendre plus incitatif le recrutement des salariés de 60 ans et plus, en tirant les enseignements des raisons pour lesquelles des dispositifs existants – contrat à durée déterminée pour les seniors, contrats de génération – n’ont pas fonctionné. Ces travailleurs expérimentés pourront ainsi bénéficier d’un contrat à durée indéterminée (CDI), spécifique ; en contrepartie, les entreprises pourront bénéficier d’une sécurité et d’un avantage. La sécurité, c’est la certitude de voir le salarié partir à la retraite lorsqu’il aura atteint l’âge légal de départ à taux plein ; l’avantage, c’est une exonération de cotisation sur l’indemnité de mise en retraite.

Les articles 5, 6 et 7 facilitent les aménagements de fin de carrière. Dans les pays comme la Suède et le Danemark, qui ont des taux d’emploi élevés de travailleurs âgés de 61 à 64 ans – parfois deux fois plus que le nôtre –, le recours au temps partiel est beaucoup plus important. Nous apporterons de meilleures réponses si nous sortons de la logique binaire consistant à considérer que la dernière partie de carrière doit s’effectuer soit à 100 % en activité soit pas du tout.

L’article 5 vise à faciliter les aménagements de fin de carrière, en obligeant les entreprises à motiver précisément les refus qu’elles sont en droit d’opposer aux demandes de passage à temps partiel. L’article 6 permet à l’employeur d’un salarié qui décide de réduire son temps de travail de lui verser de manière anticipée tout ou partie de l’indemnité de départ à la retraite, afin de compenser en partie la rémunération ainsi perdue. L’article 7 clarifie les règles relatives à la mise à la retraite d’office, pour les rendre pleinement applicables aux salariés qui bénéficient d’un cumul emploi-retraite.

Toutes les stipulations de l’accord du 14 novembre n’impliquaient pas de transposition législative. Tel est cependant le cas de la retraite progressive, dont l’âge d’ouverture sera établi à 60 ans, contre 62 ans dans la réforme Borne de 2023. Cette mesure a le même objectif : favoriser les aménagements de fin de carrière, pour sortir d’une logique binaire. En effet, la retraite progressive n’est pas assez mobilisée : 30 000 bénéficiaires seulement chaque année, soit moins de 0,5 % de la cohorte annuelle des 700 000. Grâce à l’accord du 14 novembre, le salarié pourra réduire son temps de travail, en commençant à percevoir une partie de sa pension, tout en continuant à cotiser à taux plein. La publication prochaine du décret permettra une entrée en vigueur au 1er septembre 2025. La retraite progressive qui existait, certes de manière très marginale, dans le secteur privé, sera désormais accessible aux agents des trois fonctions publiques.

Concernant le dialogue social, l’article 8 prévoit de supprimer la limite du nombre de mandats successifs pour les membres élus siégeant dans les comités sociaux et économiques. Le cumul des mandats faisait l’objet de débats, un arbitrage délicat devant être rendu entre liberté de choix, renouvellement, continuité et efficacité. Les partenaires sociaux ont trouvé un accord très large, presque unanime, pour écarter cette limite.

S’agissant de l’assurance chômage, les circonstances sont un peu différentes : le gouvernement de l’époque avait choisi de ne pas agréer l’accord de novembre 2023 auquel étaient parvenus les partenaires sociaux. En octobre 2024, nous avons demandé aux partenaires sociaux de reprendre la négociation. Ils sont parvenus à un accord sur la base de celui de 2023 et la nouvelle convention de l’Unedic a été agréée par le Gouvernement, par un décret du 20 décembre 2024. Elle permet l’adaptation de certaines dispositions applicables aux salariés de plus de 55 ans, la mensualisation du versement de l’allocation et la suppression de plusieurs mesures d’effets d’aubaine liées à l’allocation pour les créations ou les repreneurs d’entreprises. Au total, en régime de croisière, l’économie pour l’Unedic devrait atteindre 1,5 milliard d’euros en année pleine.

Cette nouvelle convention d’assurance chômage prévoit également d’améliorer les droits des saisonniers et des primo-entrants, composés à 62 % de jeunes. Sur ce second point, l’abaissement de la durée d’affiliation des personnes s’inscrivant pour la première fois à l’assurance chômage – les primos-entrants de six à cinq mois, dont il faut mieux sécuriser la situation, particulièrement fragile – n’a pu être agréée, faute d’avoir une base législative. L’article 9 du projet de loi permettra ainsi d’intégrer cette disposition à la convention d’assurance chômage, pour mieux protéger les primo-entrants, dans un contexte où le taux de chômage – celui des jeunes en particulier – a récemment augmenté.

Enfin, le Gouvernement a souhaité être prévoyant en introduisant un article 10, qui traite des transitions et des reconversions professionnelles. Les dispositions en la matière sont très importantes pour mieux répondre aux secondes parties de carrière, soit pour les personnes confrontées à des métiers à forte usure professionnelle, pénibles et usants, soit pour les salariés dans des secteurs en pleine restructuration économique. Il n’existe pas de solution unique. Pour apporter les bonnes réponses, nous devons rendre nos dispositifs plus simples et lisibles, pour qu’ils soient plus utilisables par les entreprises et les salariés. Par une lettre en date du 10 avril, nous avons donc demandé aux partenaires sociaux, qui l’avaient réclamé, de relancer les négociations sur les dispositifs de transition et de reconversion. Cette négociation est dans sa dernière ligne droite, puisqu’elle doit se conclure demain. Il s’agit d’une relance car cette question avait fait l’objet d’un accord très partiel dans le cadre de la négociation sur le pacte de la vie au travail au printemps 2024.

Notre objectif est de mieux accompagner les salariés en mobilité, interne et externe, et de développer l’alternance pour les adultes. On évoque souvent l’exemple du dispositif Transitions collectives, qui a permis à des personnes travaillant dans une entreprise en restructuration d’être recrutées, avec une formation, dans une entreprise qui embauche, dans le même territoire. Or ce très beau dispositif concerne actuellement peu de personnes alors qu’il a été créé en 2019. Il faut donc le simplifier et changer d’échelle : les partenaires sociaux y travaillent.

Dans le projet initial, l’article 10 habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires à la transposition d’un nouvel accord, de façon à embarquer dans ce véhicule législatif ce qui aura été négocié par les partenaires sociaux, pour que nos salariés et nos entreprises puissent en bénéficier dès la rentrée prochaine. Le Sénat a souhaité supprimer les dispositions habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. En bonne entente avec le Gouvernement, et pour ne pas supprimer l’article qui constitue une accroche légistique, il a choisi de reprendre les objectifs généraux de la négociation tels que nous les avons formulés. À cette heure, la négociation se poursuit ; nous verrons ce qu’il en sera lorsque le texte sera examiné par les députés en séance publique. Nous serons particulièrement attentifs, pour apporter les réponses aux entreprises qui restructurent.

Votre commission se réunit à un moment où tous les regards sont braqués sur la délégation paritaire permanente. Le dialogue social est essentiel, parce qu’il est toujours utile, comme le montre la transposition de ces accords. Il joue également un rôle d’apaisement, en permettant une vraie discussion, qui prend le temps d’aller au fond des sujets. Accord ou pas, certaines de ces questions avancent : alors que cela n’a pas été le cas les années précédentes, elles trouvent enfin une conclusion. Le dialogue social contribue aussi à renforcer une culture du compromis, qui permet de rapprocher un certain nombre de points de vue.

Les trois accords que nous transposons témoignent de cet état d’esprit. La transposition du fruit d’un accord entre partenaires sociaux, articulation entre deux formes de démocratie, est un exercice particulier, pour l’Assemblée nationale comme pour le Sénat. Je sais que vous l’avez déjà fait à plusieurs reprises, sur le partage de la valeur, ou, plus récemment, l’ANI accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) – dont nous avions discuté durant le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, sur la faute inexcusable de l’employeur. Je suis confiante : nous réussirons aussi à faire une belle transposition de ces trois accords.

M. Stéphane Viry, rapporteur. En 2020, les plus de 65 ans représentaient déjà 20 % de la population française, une part qui atteindra près de 30 % d’ici à 2050. Ce ne sont pas de simples projections ; c’est une réalité démographique qui avance à grand pas et à laquelle notre pays doit se préparer, en particulier sur la question de l’emploi des travailleurs expérimentés. En effet, alors que la population vieillit, la part des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans a presque doublé en quinze ans. Cette progression rapide, trop souvent passée sous silence, appelle une réponse structurée.

Face à cela, les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités. Ils se sont saisis de ce sujet complexe, parfois clivant, et sont parvenus à un accord équilibré. L’ANI sur l’emploi des salariés expérimentés, signé le 14 novembre 2024, est le fruit de ce dialogue social, que l’on croit parfois perdu : il prouve ici toute sa vitalité. Je tiens à saluer leur méthode, leur persévérance et leur sens du compromis.

Cet accord s’inscrit dans la continuité du travail que j’avais moi-même entamé lors des précédentes législatures, avec une proposition de loi sur le même sujet, issue d’une mission d’information menée en 2021 sur l’emploi des seniors. Dans un contexte de tension budgétaire et de fragilité de notre protection sociale, notre pays doit mobiliser toutes ses forces sur cette question. Les travailleurs expérimentés, riches de compétences et d’envie, sont une ressource que nous ne pouvons plus laisser de côté. Trop souvent, ils se heurtent à des freins injustes ou à des stéréotypes dépassés.

Soyons clairs : il n’y a pas d’âge, en France, pour créer de la valeur. Il est grand temps que notre législation le reconnaisse pleinement. Le projet de loi qui nous est soumis vise à transposer fidèlement les dispositions de l’ANI du 14 novembre 2024. Il s’articule autour de quatre priorités, qui s’adressent aux branches, aux entreprises, aux salariés et aux demandeurs d’emploi.

Le titre Ier pose les bases du dialogue social. L’article 1er crée une négociation obligatoire, dans chaque branche professionnelle, sur l’emploi des travailleurs expérimentés. L’article 2 impose la même démarche dans les entreprises de plus de trois cents salariés. C’est une manière de sortir les seniors de l’angle mort des discussions collectives et de reconnaître leur place dans la stratégie des ressources humaines.

Le titre II – l’article 3 – renforce l’entretien professionnel. Il devra désormais avoir lieu dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière, organisée l’année des 45 ans. Cela permettra de mieux articuler les recommandations du médecin du travail avec les évolutions possibles du poste. On passe ainsi d’une logique de réparation à une logique d’anticipation.

Le titre III – l’article 4 – introduit le contrat de valorisation de l’expérience. Ce contrat, expérimenté pendant cinq ans, s’adresse aux demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans ou dès 57 ans lorsque la branche le prévoit. Il prévoit une exonération de 30 % sur la contribution patronale à l’indemnité de mise à la retraite, afin de rendre l’embauche plus attractive. C’est un signal clair au marché du travail : l’expérience a toute sa place dans l’entreprise.

Le projet de loi a été adopté au Sénat en première lecture le 4 juin, dans un esprit de respect de l’accord négocié par les partenaires sociaux. Les quelques amendements adoptés sont venus clarifier le texte sans jamais le dénaturer. Avec Nicolas Turquois, nous avons mené de nombreuses auditions qui ont confirmé un large consensus autour de ce projet. C’est pourquoi, je vous invite à faire preuve de la même rigueur et du même respect que nos collègues sénateurs : conservons l’équilibre du texte. Le travail mené par les partenaires sociaux mérite d’être transposé, sans déviation.

Je veux aussi rassurer celles et ceux qui pourraient s’inquiéter d’un texte figé : non, ce projet de loi ne clôt pas le débat, bien au contraire ; il en est le point de départ. Nous aurons d’autres occasions d’approfondir la question de l’emploi des seniors, notamment dans le cadre du prochain PLFSS, ou lors de nos futurs débats sur le travail.

En effet, la question de l’emploi des seniors ne se résume pas à un contrat ou à une visite médicale : elle interroge le sens que nous donnons au travail tout au long de la vie. Je terminerai en citant les conclusions du groupe de réflexion « Travail en commun », que j’ai eu le plaisir de coanimer en 2023, avec Dominique Potier et vous-même, madame la ministre, chère Astrid : « Depuis quarante ans, les gouvernements successifs et les partenaires sociaux ont considéré la question du travail avant tout sous l’angle de l’emploi et de la lutte contre le chômage. Mais la question du sens du travail doit être replacée au centre de nos débats. »

Ce projet de loi n’épuise pas la question. Il la structure. Il la rend visible. Il nous engage à continuer à avancer collectivement dans cette direction. Alors ne dévions pas ce texte de sa trajectoire. Votons-le dans le respect de l’accord qu’il transpose et préparons, ensemble, les prochaines étapes du débat.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je partage la conclusion de mon co‑rapporteur Stéphane Viry sur le sens du travail. L’objet du présent texte est de transposer des accords trouvés, largement, entre organisations syndicales et patronales. Au-delà du contenu, cet accord souligne l’importance du dialogue social. Alors que notre assemblée est régulièrement bloquée par des oppositions politiques stériles, les organisations syndicales et patronales ont su trouver un accord utile pour notre pays et pour le monde du travail. Nous devons donc être à la hauteur de cet accord et ne pas en modifier les équilibres. Cela n’empêche pas d’y apporter des améliorations juridiques et techniques – c’est le rôle des rapporteurs, et, plus largement, celui du législateur –, pour donner aux conventions toute leur force : cela invite à ne rien en supprimer et à ne rien ajouter qui n’aurait été signé.

Il me revient de rapporter les titres IV à VII. D’abord, sont prévues des facilitations des aménagements de fin de carrière. Comme vous le savez, depuis la réforme des retraites de 2023, lorsqu’il refuse de faire droit à la demande du salarié de travailler à temps partiel ou à temps réduit, l’employeur doit justifier de l’incompatibilité de la durée de travail sollicitée avec l’activité économique de l’entreprise. À travers l’accord du 14 novembre 2024, les organisations représentatives sont convenues de limiter pour l’employeur les raisons d’un refus d’une demande de passage à un temps partiel. Je précise que l’accord verra aussi sa transposition faite par voie réglementaire, pour faciliter le recours à la retraite progressive, dès l’âge de 60 ans, contre 62 ans actuellement.

Il est aussi prévu que l’indemnité de départ à la retraite puisse être versée de manière anticipée à un salarié en fin de carrière qui souhaite réduire son temps de travail, pour maintenir tout ou partie de sa rémunération. Pour lever un frein au recrutement de salariés dans le cadre du cumul entre l’emploi et la retraite, il est également prévu que les personnes embauchées après l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein se voient appliquer les dispositions relatives à la mise à la retraite d’office.

Ensuite, les partenaires sociaux reviennent sur la limitation, introduite par les ordonnances de 2017, du nombre de mandats que peut successivement exercer un délégué au comité social et économique (CSE) de l’entreprise. L’objectif du plafonnement à trois mandats était d’encourager le renouvellement des représentants du personnel. Il faut prendre acte que cela n’a pas fonctionné pour endiguer le manque de candidats et même que cela peut rompre des relations qui, pour être de qualité, mettent du temps à s’établir entre les délégués eux-mêmes, ou entre les délégués et les employeurs. Nos auditions ont montré à quel point ce retour à la possibilité d’acquérir une expérience solide en matière de droit du travail et de prévention était souhaité par les organisations syndicales et patronales.

Par ailleurs, les partenaires sociaux ont conclu une convention nationale dans le champ de l’assurance chômage, dont une partie a déjà été transposée du seul fait de son agrément par arrêté : elle requiert encore une intervention législative pour baisser de six à cinq mois la condition minimale d’affiliation antérieure au bénéfice de l’aide au retour à l’emploi pour les primo-affiliés ou primo-entrants – les personnes qui n’ont jamais été inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi ou qui ne l’auraient pas été pendant une durée qui pourrait être de l’ordre vingt ans. Je précise que si ces deux termes de la modulation – l’activité antérieure et la période de référence sans inscription comme chômeur – correspondent à l’intention très claire des signataires de la convention, que partagent le Gouvernement, le Sénat et nous-mêmes en tant que rapporteurs, leur valeur n’est pas de rang législatif. Sur le fond, cet article est favorable aux jeunes comme aux seniors longtemps éloignés du marché du travail – en raison d’arrêts importants ou de séjour à l’étranger.

Enfin, le tout dernier article du texte ne manque pas d’originalité sur le plan procédural. Dans sa version initiale, était sollicitée une habilitation, pour l’exécutif, à simplifier par voie d’ordonnances les outils que l’État, les régions, France compétences et d’autres opérateurs gèrent dans le domaine de la formation et de la reconversion professionnelles. Ils se chevauchent en effet de manière peu efficiente, sur le plan financier mais surtout sur le plan opérationnel.

Comme vous l’avez dit avec clarté au Sénat, madame la ministre, et comme nos collègues sénatrices Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat l’expliquent très bien dans leur rapport, l’exécutif ne souhaitait pas tant utiliser ce levier juridique qu’insérer dans le projet de loi une accroche pour éventuellement y faire figurer les dispositions dont sont en train de discuter les partenaires sociaux sur les sujets de la formation et des transitions professionnelles. Pensez-vous, madame la ministre, qu’un accord puisse être formalisé après‑demain ? Quelle forme prendrait alors l’amendement du Gouvernement, en vue de la séance ?

Je me réjouis de nos échanges à venir sur des sujets qui me sont chers et je forme le vœu que les dispositions dont nous parlons puissent trouver un large consensus dans notre assemblée, pour entrer en vigueur rapidement.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Thomas Ménagé (RN). Je salue à mon tour saluer la méthode retenue, celle de la transposition d’un accord national interprofessionnel qui repose sur le dialogue social et non sur une décision imposée par un ministère. Le groupe Rassemblement National considère le recours aux partenaires sociaux comme un préalable, à chaque fois que cela est possible, dans le monde du travail. C’est une question de bon sens, car personne ne connaît mieux la réalité des entreprises, des branches et des métiers que les partenaires sociaux. Cet accord, signé par une large majorité d’organisations syndicales et patronales, en est la preuve.

Pour que le dialogue social soit réellement efficace, il faut surtout que les partenaires sociaux soient libres d’évoquer les sujets qu’ils veulent, dans le périmètre qu’ils veulent, et qu’ils ne soient jamais muselés par le Gouvernement. Il y aurait un grand nombre de sujets à traiter : l’assurance chômage, la formation professionnelle, la question des salaires ou encore l’emploi des jeunes. Ma question porte sur ce dernier thème. Madame la ministre, comptez‑vous ouvrir des discussions et travailler sur la question de l’âge d’entrée sur le marché du travail, afin que nos jeunes entrent plus tôt et dans des métiers qui recrutent ?

Selon notre groupe, pour équilibrer nos systèmes de retraite, il est plus simple de demander aux Français de travailler deux ans plus tôt que deux ans en fin de carrière. Je ne peux en effet pas m’abstenir d’évoquer la réforme des retraites de 2023 : cette réforme imposée à coups de 49.3 n’a jamais été votée par cette assemblée. On ne peut prétendre traiter dignement l’emploi des seniors sans interroger cette réforme, qui pèse lourd sur ceux qui ont commencé à travailler tôt, ceux dont la santé s’abîme plus vite, sur les femmes, sur tous les grands perdants de la réforme Macron-Borne. Peu importe ce qui ressortira du conclave, un jour ou l’autre, il faudra rouvrir ce débat avec un nouveau vote, par une nouvelle majorité, avec une nouvelle présidence de la République : ce sera en 2027. Le Rassemblement national est clair auprès des Français : nous reviendrons sur cette réforme des retraites.

Mme Christine Le Nabour (EPR). En 2023, moins de six seniors sur dix étaient en emploi en France, contre sept sur dix en Allemagne, au Portugal ou en Suède. La comparaison est brutale, mais parlante : les freins à l’embauche, à la formation et au maintien dans l’emploi résultent de représentations dépassées que ce texte entend faire bouger.

Un salarié expérimenté n’est pas un salarié fatigué mais un professionnel solide, un repère, un levier de transmission. Dans une société où l’on parle sans cesse de sens au travail, de compétences et de confiance, comment pouvons-nous continuer de considérer l’âge comme un facteur d’exclusion ?

Ce projet de loi, fruit du dialogue entre partenaires sociaux, trace la voie d’un changement culturel dans l’entreprise que nous encourageons. Il s’agit non pas de brandir de nouvelles obligations, mais d’ancrer durablement le sujet des fins de carrière dans les pratiques sociales, dans les négociations collectives et dans les stratégies RH, et ce, à tous les niveaux : branches, entreprises et parcours individuels.

Certes, les mesures proposées sont parfois modestes, mais elles répondent à des attentes pressantes et sont le fruit d’un travail collectif. Par le biais du contrat de valorisation de l’expérience, de la reprise des négociations de branche ou encore de la revalorisation du temps partiel choisi, nous voulons redonner des perspectives à celles et ceux qui, trop souvent, se voient reléguer en marge du marché du travail bien avant l’âge légal de départ à la retraite.

Nous approuvons cette transposition fidèle des accords interprofessionnels, parce qu’elle traduit une conviction simple : notre pays ne pourra atteindre le plein emploi sans revaloriser l’expérience. La justice consiste aussi à permettre à chacun de terminer sa vie professionnelle avec dignité, utilité et fierté ; le groupe Ensemble pour la République votera en ce sens.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Madame la ministre, on ne va pas se mentir : ce projet de loi est la pommade de Michel Barnier après la réforme des retraites, qui n’a jamais été votée par personne – ce qui est pour le moins baroque.

La situation politique est assez étrange : vous avez succédé à Mme Vautrin comme ministre du travail et, après la censure du gouvernement Barnier, vous voici à nouveau ministre du travail, sous l’autorité de la même Mme Vautrin ! Or vous ne devriez même pas être ministre puisque vous avez perdu les dernières élections législatives.

On peut toujours essayer de revenir sur la réforme des retraites avec une petite pommade, mais ce texte ne propose que des mesures à propos desquelles l’employeur peut décider unilatéralement de faire ce qu’il veut, puisqu’aucune sanction n’est prévue. Sans compter que ce projet de loi ne prévoit rien à propos de la pénibilité ! De plus, tout en disant qu’il faut remplir les caisses, vous prévoyez des exonérations de cotisations sociales pour le CDI senior, pour corriger vos erreurs.

La vraie question consiste à se demander pourquoi autant de seniors sont sans emploi. En France, entre 500 000 et 800 000 emplois sont non pourvus alors que près de 6 millions de personnes n’ont pas de travail. Suffit-il vraiment de traverser la rue pour trouver du boulot ? Si certains ici le pensent, nous ne pourrons jamais être d’accord avec eux : notre pays fait face à une pénurie d’emplois. Revenir sur la réforme des retraites, c’est soulever à nouveau la question de sa légitimité politique.

Permettez-moi de m’adresser aussi aux socialistes : le conclave est en train de faire « pschitt » et les 12 milliards d’euros de crédits promis ont tous été annulés par décret.

Le groupe La France insoumise n’a pas vraiment de question à vous poser sur ce texte, madame la ministre ; pas plus qu’une pommade il ne résoudra le problème créé par l’imposition de la réforme des retraites par 49.3. Nous travaillons à une nouvelle motion de censure ; parce que vous vous êtes trahis sur tous les plans au sujet des retraites, nous allons vous censurer une deuxième fois et j’espère ne pas vous revoir dans cette commission, avec tout le respect que je vous dois.

Mme Océane Godard (SOC). Madame la ministre, le 19 mai dernier au Sénat, vous avez présenté l’ambition de ce texte : « [...] changer la loi, mais aussi changer les regards et les pratiques, pour en finir avec le [gâchis du] sous-emploi des plus de 50 ans ». Nous partageons ce constat et nous saluons le travail mené par les partenaires sociaux. Nous avons la responsabilité de respecter la parole collective qui a abouti à ce compromis solide, qui renforce la démocratie sociale dont nous avons tant besoin. Le groupe Socialistes et apparentés soutient donc la transposition fidèle de cet accord.

Néanmoins, ce texte laisse de côté les nombreuses entreprises qui ne seront pas couvertes par des accords de branche ou des négociations internes. Que prévoyez-vous pour elles, madame la ministre ? Comment faire en sorte que les nouveaux droits ne restent pas de simples principes ?

Ce projet de loi pose enfin un cadre clair permettant de mener une réflexion collective sur l’emploi des seniors au niveau des branches professionnelles. Nous soutenons pleinement cette ambition tant il est urgent de dépasser la vision limitée du maintien dans l’emploi. Nous ne devrions d’ailleurs pas aborder la situation des salariés expérimentés sous l’angle de l’emploi puisque c’est avant tout une question d’organisation et de conditions de travail, ainsi que de management.

Le renforcement des entretiens professionnels est une avancée, à condition que l’on y parle de travail et d’organisation du travail, pour accompagner individuellement les parcours, anticiper les besoins et lutter contre l’usure professionnelle. Leur succès dépendra de la qualité du dialogue instauré et de la capacité des entreprises, notamment les petites et les moyennes, à mobiliser les moyens nécessaires.

Nous sommes favorables aux mesures visant à aménager le temps de travail, comme la retraite progressive et le versement anticipé de l’indemnité de départ, qui permettent de proposer une transition plus sereine vers la retraite.

Lors de l’examen du texte au Sénat, les rapporteurs ont supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance sur les transitions professionnelles, pour éviter que le Gouvernement puisse transposer un futur accord sans débat parlementaire. Nous nous en réjouissons, parce que nous tenons à ce qu’il n’y ait pas de transposition automatique : le dialogue social élabore des compromis, que la démocratie parlementaire transforme en droit. Réinventer la vie professionnelle ne peut se faire sans débat démocratique.

Nous voterons ce projet de loi, non pour le sanctuariser, mais pour ouvrir les chantiers suivants, pour parler du travail, de son organisation, de conditions de travail et pour ne plus opposer la flexibilité à la protection des salariés.

Mme Josiane Corneloup (DR). Je salue ce projet de loi qui vise à transposer deux accords nationaux interprofessionnels relatifs à l’emploi des salariés expérimentés et au dialogue social.

Ce texte n’est pas simplement technique : il résulte d’un véritable dialogue social, exercice que nous respectons profondément incarnant à la fois la responsabilité des partenaires sociaux et l’intérêt national. Qui, mieux que les partenaires sociaux, pourrait identifier les mesures favorables au maintien dans l’emploi et au retour à l’emploi des seniors ?

Augmenter le taux d’emploi des seniors est l’un des grands défis de notre temps. L’âge ne doit pas être un facteur d’exclusion ; chacun doit pouvoir terminer sa vie professionnelle avec dignité et respect. Je fais miens vos propos, madame la ministre : il faut changer le regard et les pratiques. Le taux d’emploi des seniors ne peut plus être relégué au second plan : il doit devenir une priorité dans toute réforme du marché du travail ou du système de retraite.

En 2023, seuls 38,9 % des 60-64 ans occupaient un emploi en France, contre 50,9 % en moyenne dans l’Union européenne. Ce n’est pas qu’une statistique sociale, c’est un levier budgétaire majeur : si nous atteignions simplement le niveau de l’Allemagne, nous dégagerions près de 20 milliards d’euros supplémentaires de recettes issues des prélèvements sociaux. C’est, non pas un détail, mais une marge de manœuvre considérable pour notre modèle social.

Ce texte prévoit des outils concrets, utiles et attendus : des négociations obligatoires sur l’emploi des salariés expérimentés, le renforcement des entretiens professionnels de milieu et de fin de carrière, l’expérimentation d’un contrat de valorisation de l’expérience, l’assouplissement des conditions d’aménagement de fin de carrière – retraite progressive, cumul emploi-retraite.

Toutefois, nous serons vigilants à ce que le débat parlementaire ne permette ni le retour par la petite porte d’une réforme des retraites ni la réintroduction de mesures qui n’auraient pas été validées par les partenaires sociaux. Le respect du cadre de la négociation est fondamental.

Le groupe Droite Républicaine votera en faveur de ce projet de loi avec la conviction qu’il s’agit d’une étape importante vers une meilleure reconnaissance de l’expérience des salariés et la concrétisation d’une société du travail plus inclusive.

M. Paul Christophe (HOR). Ce texte revêt une importance particulière pour l’avenir du marché du travail et la cohésion de notre société. Alors que la France a connu depuis 2017 des avancées majeures en matière d’emploi et de formation professionnelle, notre pays reste confronté à un défi de taille : l’emploi des salariés seniors.

Les chiffres sont sans appel : en 2023, seuls 36 % des 60-64 ans sont en emploi contre 61 % en Allemagne et 70 % aux Pays-Bas. Près de 30 % d’entre eux ne sont ni en emploi ni en retraite, et la durée moyenne de chômage des plus de 55 ans excède dix‑huit mois. Ces chiffres témoignent d’une précarité subie que nous pourrions éviter.

Le présent projet de loi est le fruit d’un dialogue social exemplaire, qui a abouti à deux accords nationaux interprofessionnels, signés le 14 novembre dernier par l’ensemble des partenaires sociaux. Il vise à transposer fidèlement ces accords autour de quatre axes : renforcer le dialogue social sur l’emploi des seniors, préparer la seconde partie de carrière, lever les freins au recrutement des demandeurs d’emploi seniors, notamment grâce à la création du contrat de valorisation de l’expérience, et faciliter les aménagements de fin de carrière.

Le groupe Horizons & Indépendants votera résolument ce texte, qui respecte l’équilibre trouvé par les partenaires sociaux dans un contexte de vieillissement démographique et de transition économique rapide. Toutefois, si nous saluons la méthode privilégiant la concertation et la confiance, nous serons néanmoins vigilants à ce que ce texte demeure fidèle à l’esprit et à la lettre des accords, sans surtransposition ni dénaturation. Je pense notamment à l’article 10, qui, dans sa version initiale, prévoyait une habilitation à légiférer par ordonnance sur les transitions professionnelles, disposition finalement supprimée par le Sénat. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser votre position à ce sujet et nous indiquer si le Gouvernement entend proposer une nouvelle rédaction, le Parlement ne pouvant prendre l’initiative du rétablissement de cet article ?

M. Paul-André Colombani (LIOT). Le groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires continue de penser que le Gouvernement a pris le problème à l’envers en reculant l’âge légal de départ à la retraite alors que le taux d’emploi des seniors n’est pas bon.

Nous soutiendrons le rétablissement d’une obligation formelle de négociation sur l’emploi des seniors au niveau des branches et des entreprises, comme nous l’avons fait à de nombreuses reprises, mais pourquoi ne pas prévoir un mécanisme de sanction en cas d’absence d’accord ?

Les entretiens professionnels seront mieux articulés, grâce aux visites médicales de milieu de carrière et de fin de carrière, mais ces nouveaux rendez-vous demandent du temps et du personnel, que la pénurie de médecins du travail ne permettra pas de fournir.

Nous sommes plus dubitatifs sur le contrat de valorisation de l’expérience, puisqu’il est possible de mettre un salarié à la retraite dès lors qu’il est en mesure de la prendre à taux plein ; nos doutes portent également sur l’exonération de cotisation sur l’indemnité de mise en retraite. Les seniors sont nettement plus vulnérables aux accidents et aux maladies et 37 % des salariés ne se sentent pas capables de travailler jusqu’à leur retraite. Cela montre l’importance d’aménager les fins de carrière, en donnant notamment la possibilité de réduire le temps de travail et de mobiliser des dispositifs comme la retraite progressive. Notre groupe avait aussi proposé d’abaisser la condition d’âge à 57 ans ; l’annonce du Gouvernement de la remettre à 60 ans est une première étape.

Au-delà des mesures relatives au dialogue social et à l’accès facilité à l’assurance chômage, nous promouvons la reprise des dispositions de notre proposition de loi visant à protéger l’assurance chômage et à soutenir l’emploi des seniors, adoptée avant la dissolution, afin de rendre moins contraignant le document de cadrage. Si nous soutenons la transposition fidèle d’accords nationaux interprofessionnels importants, alors que le Gouvernement avait pris l’habitude de contourner le paritarisme, nous ne devons pas faire l’impasse sur ce débat essentiel dont nous avons toujours été privés.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Vous réparez les pots cassés, mais vous les réparez mal : quel dommage !

Nous avions donné l’alerte sur les conséquences désastreuses de la réforme des retraites pour les salariés les plus abîmés par le travail, pour les plus précaires, pour les femmes, les plus âgées. Nous avions aussi proposé des mesures portant sur la question précise de l’emploi des seniors, véritable angle mort de la réforme.

Il y a deux ans déjà, nous remarquions votre politique contradictoire visant à repousser l’âge de départ à la retraite sans vous préoccuper de la précarité des seniors exclus du marché du travail. En France, à 62 ans, 40 % des personnes qui ne sont pas encore à la retraite ne sont déjà plus en emploi et sont davantage exposées à la précarité. Quant à ceux qui restent en emploi, c’est souvent dans de mauvaises conditions. Le report à 64 ans a des effets similaires, plaçant 200 000 personnes supplémentaires dans le sas de précarité, pour une hausse de l’emploi des seniors estimée à environ 300 000 par Michaël Zemmour.

Nous souscrivons à l’objectif d’amélioration du taux d’emploi des seniors de ce projet de loi, mais comment peut-on appréhender le sujet ô combien important de l’employabilité des seniors en faisant l’impasse sur la question de la santé au travail ?

Le groupe Écologiste et Social reconnaît quelques avancées : la suppression de la limite du nombre de mandats successifs des délégués du personnel au CSE et la réintroduction de l’obligation de négocier sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, malgré l’absence de sanctions en cas de non-application. Cette dernière mesure est toutefois une avancée en demi-teinte : sa suppression par les ordonnances Macron de 2017 a donné lieu à une dégradation du climat social dans les entreprises et à l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans, passé de 312 000 en 2008 à 809 000 fin 2022 et à 868 000 au quatrième trimestre 2024. La santé au travail ne fait pas l’objet d’un plan doté de moyens massifs à la hauteur de l’enjeu, alors que dans le même temps, on ne compte plus les cadeaux faits aux entreprises.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste et Social défendra des amendements pour améliorer les conditions de travail et d’emploi des seniors, mais s’abstiendra sur l’ensemble du texte.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Didier Le Gac (EPR). Ce projet de loi nous permet d’examiner les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour faire croître significativement le taux d’emploi des seniors. S’il vise à créer un contrat de valorisation de l’expérience, il met aussi l’accent sur la formation des salariés seniors, dont les besoins doivent être identifiés aussi tôt que possible, notamment grâce à l’entretien de mi-carrière. Ce dispositif peut contribuer à orienter les salariés qui le souhaitent vers un autre métier, moins pénible.

Mais pour que les salariés soient bien formés, il faut des organismes de formation. Permettez-moi, madame la ministre, de profiter de votre audition ce jour pour vous interroger au sujet de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), qui a déjà connu une grave crise il y a quelques années et qui se trouve à nouveau en difficulté.

Les salariés de cet organisme très présent sur l’ensemble du territoire – neuf centres et 380 salariés dans ma seule région de Bretagne – s’inquiètent des décisions qui pourraient être prises dans les prochaines semaines, mettant un terme à leur carrière. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour préserver l’avenir de cet acteur historique de la formation et de la reconversion professionnelle ?

M. Jérôme Guedj (SOC). Je voudrais formuler une remarque et deux questions.

Tout d’abord, je suis attaché à la démocratie sociale, qu’il faut chérir et respecter. Mais permettez-moi de vous faire part du malaise du parlementaire que je suis à chaque fois qu’il s’agit de transposer un ANI. Si nous sanctuarisons la démocratie sociale, nous aliénons dans le même temps notre faculté à aller plus loin, de manière interstitielle, pour compléter et enrichir le travail des partenaires sociaux.

Je regrette que sur un texte consensuel, le Gouvernement n’ait pas saisi l’occasion de prendre d’autres mesures relatives à l’emploi des seniors. La démocratie parlementaire aurait pu être utilement complémentaire de la démocratie sociale. Je regrette l’impuissance que nous nous assignons à nous-mêmes.

Par ailleurs, l’un des objectifs de l’augmentation du taux d’emploi des seniors est l’amélioration des finances publiques. Or cet objectif n’a pas été chiffré dans l’étude d’impact, qu’il s’agisse de son effet sur la croissance ou des montants des cotisations supplémentaires pour la sécurité sociale, en particulier pour la branche vieillesse.

Enfin, je me réjouis des dispositions relatives à la retraite progressive et de la sortie de la règle des deux années et de l’abaissement de l’âge à 60 ans. Cependant, cette faculté demeure soumise à l’autorisation de l’employeur. Quel est votre avis, madame la ministre, sur la possibilité de créer un droit opposable à la retraite progressive, qui pourrait figurer dans un texte soumis au Parlement à la suite du conclave sur les retraites ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous devons augmenter le taux d’emploi des seniors, par le biais du dialogue social et de discussions au sein des branches. Mais comment accélérer la prise en considération du travail des seniors par les chefs d’entreprise, au-delà des efforts menés en ce sens par France Travail ?

Nous avons voté l’instauration de consultations de prévention, à des âges clefs de la vie. Les médecins généralistes qui les effectuent, ainsi que les médecins du travail, devraient pouvoir tenir compte des éléments relatifs aux conditions de travail de leurs patients et contacter leurs employeurs à ce sujet.

La loi reste nécessaire, mais il nous faut avant tout changer d’état d’esprit quant aux capacités de certains salariés à poursuivre leur activité pendant encore plusieurs années et quant à leur possibilité de suivre une formation pour se réorienter. Sans ce changement d’état d’esprit, nous ne parviendrons pas à faire émerger une véritable prise de conscience de l’état de santé des salariés en fin de carrière.

M. Frédéric Petit (Dem). Au nom du groupe Les Démocrates, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de transposer fidèlement les différents accords conclus entre partenaires sociaux sur le dialogue social, l’accès à l’assurance chômage et l’emploi des seniors.

La comparaison avec l’Allemagne, qui se trouve dans ma circonscription, est riche d’enseignements. Nous accusons un retard préoccupant en matière d’insertion sur le marché du travail des personnes en fin de carrière : seuls 39 % des personnes entre 60 et 64 ans sont en emploi en France, contre 51 % en moyenne en Europe et 65 % en Allemagne – l’écart est énorme. Je n’ai pourtant pas l’impression d’être dans une prison ou un pays sous-développé lorsque je suis en Allemagne.

De plus, l’augmentation de la population active est essentielle à la soutenabilité de notre modèle ; certaines études évoquent 150 milliards d’euros de recettes supplémentaires, ce qui équivaut aux budgets de l’éducation nationale et de la défense réunis.

Outre-Rhin, de nombreux patrons sont passés par l’apprentissage et on constate une plus grande capacité d’évolution et de plus fréquentes trajectoires ascendantes, quoique pas nécessairement rectilignes ou circonscrites à une même entreprise. Au-delà de l’exemple allemand, nous pouvons nous inspirer des différents travaux de l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui témoignent de l’importance des politiques publiques dites incitatives en matière d’emploi, à savoir le durcissement de l’assurance chômage et le relèvement de l’âge de départ à la retraite.

Nous nous réjouissons de l’instauration des rendez-vous professionnels de milieu et de fin de carrière, prévus à l’article 4. Toutefois, madame la ministre, quelle ambition pourrions-nous avoir, au-delà de l’application de ce texte, pour changer d’état d’esprit, comme vient de le suggérer Mme Dubré-Chirat, et aller vers quelque chose de beaucoup plus positif ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Il a été beaucoup question de démocratie sociale, de dialogue social et de décisions collégiales entre partenaires sociaux. Toutefois, il y a un décalage entre les discours et les décisions concrètes prises par la Macronie depuis huit ans. En matière de démocratie sociale, nous avons vu successivement un passage en force de la réforme des retraites en 2023, contre l’avis de la majorité des parlementaires et des partenaires sociaux, puis un conclave sur les retraites dont tous les échanges ont été conditionnés à l’absence de remise en cause de l’âge légal de départ. Derrière les intentions affichées, le dialogue social n’est pas au beau fixe en Macronie.

Par ailleurs, l’emploi des seniors ne relève pas uniquement d’une dimension sociale ou d’un enjeu d’employabilité. J’en conviens, il est préférable d’adapter l’emploi aux demandeurs plutôt que l’inverse, mais il n’en demeure pas moins vrai que le sujet fondamental est la création d’emplois. Combien de personnes, après 50 ans, se retrouvent sur le carreau parce que leur usine a fermé ? Après avoir travaillé quinze ou vingt ans dans la même entreprise, il n’est pas évident de retrouver un emploi, notamment pour des raisons d’employabilité. Si vous voulez aborder la dimension sociale du travail, peut-être devriez‑vous tirer les leçons des réformes qui ont été appliquées.

À cause de la réforme de l’assurance chômage et de celle des retraites, des Français de plus de 50 ans sont restés particulièrement longtemps en dehors du travail et de la retraite, dans une situation de précarité. Plutôt que d’invoquer la responsabilité des employeurs, il est temps de se pencher sur la responsabilité des décisions politiques, en particulier macronistes.

Mme la ministre. Permettez-moi une remarque liminaire générale, avant que je m’efforce de répondre à vos questions.

On a souvent eu tendance à opposer le taux d’activité des jeunes à celui des seniors, comme si l’amélioration de l’un se faisait au détriment de l’autre. Cette erreur, propre à la France, a été commise par la gauche comme par la droite depuis les années 1970. Diverses mesures, comme les départs en préretraite, ont été prises pour faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail ; pourtant, le taux d’activité des personnes entre 60 et 64 ans est moitié moins important en France qu’en Allemagne, comme l’a rappelé M. Frédéric Petit, et celui des jeunes de 15 à 24 ans est de 42 %, contre 54 % en Allemagne. Comme le montrent les exemples de l’Allemagne et des pays d’Europe du nord, il n’existe pas de vases communicants : nous devons améliorer ces taux aux deux extrémités de la vie active.

Je préfère parler de travailleurs expérimentés plutôt que de seniors, pour éviter toute confusion avec les résidences seniors ; de même, je préfère parler de la valorisation de leur expérience, qui a de la valeur sur le marché du travail comme dans la vie.

La situation des travailleurs de plus de 50 ans agit comme un miroir grossissant des dysfonctionnements du marché du travail tout au long de la vie, au premier rang desquels se trouve la discrimination. Comme l’a montré la Défenseure des droits, la discrimination sur le fondement de l’âge est plus importante sur le marché du travail : un demandeur d’emploi de plus de 50 ans a deux à trois fois moins de chance d’être convoqué à un entretien d’embauche qu’un demandeur d’emploi de moins de 50 ans.

Elle est aussi un miroir grossissant s’agissant de la formation professionnelle ; c’est pourquoi nous avons demandé aux partenaires sociaux de travailler en particulier sur les transitions et les reconversions. L’accès à la formation des salariés de plus de 50 ans est presque divisé par deux par rapport à celui des autres salariés : le taux de formation des salariés de 55 à 64 ans s’élève à 35 %, contre 57 % pour les moins de 44 ans et contre 60 % pour les plus de 55 ans en Suède.

Nous avons là, par ailleurs, un miroir grossissant des dysfonctionnements en matière de santé au travail, comme l’a dit M. Peytavie. Certains métiers sont surreprésentés : un tiers des ouvriers non qualifiés de la manutention et du bâtiment passent en inaptitude professionnelle entre 51 et 59 ans, de même que 25 % des aides-soignantes.

La situation se cristallise vraiment à partir de 50 ou 55 ans – j’y reviendrai – en matière de maintien au travail ou de recrutement. Quand on a plus de 50 ans, la durée moyenne d’inscription à France Travail est de 582 jours, contre 311 jours pour les 25‑49 ans. Les chômeurs de longue durée sont ainsi surreprésentés parmi les plus de 50 ans.

Je suis d’accord avec l’idée selon laquelle la loi ne suffit pas. Le ministère du travail a néanmoins lancé une immense mobilisation en lien avec les entreprises pour changer la loi, afin d’améliorer ce qui peut l’être dans le cadre du dialogue avec les partenaires sociaux. Il ne s’agissait pas de leur passer de la pommade. Je rappelle que 75 % des organisations syndicales et 100 % des organisations patronales ont voté pour l’accord relatif aux seniors, ce qui n’est pas rien en matière de représentativité.

Il faut aussi changer les pratiques. De plus en plus d’entreprises, de toutes tailles, s’intéressent à ces questions. Nous avons engagé un travail avec l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), les organisations patronales et les organisations professionnelles pour valoriser les bonnes pratiques des entreprises, petites ou grandes, en matière de recrutement, de maintien en emploi, de mobilité et de formation.

Enfin, on doit changer les regards. La révolution culturelle viendra de là. Nous nous sommes tous habitués, depuis quarante ans, à penser qu’on n’a plus tout à fait sa place dans l’entreprise après 50 ou 55 ans. Un travail de très longue haleine doit être mené à cet égard.

Monsieur Ménagé, vous m’avez interrogée sur les jeunes. Je ne veux pas opposer – mais je ne pense pas que vous le fassiez de votre côté – leur taux d’activité et celui des travailleurs expérimentés. Je travaille en ce moment même à une stratégie pour l’insertion professionnelle des jeunes. Leur taux d’activité, je l’ai dit, est plus bas en France qu’en Allemagne, et surtout leur insertion professionnelle est plus lente et plus difficile, quel que soit le niveau de qualification. Selon une étude du Conseil d’analyse économique, le taux d’activité des jeunes diplômés qui arrivent entre 22 et 24 ans sur le marché du travail met un ou deux ans à être comparable à ce qu’on observe au Royaume‑Uni ou en Allemagne. C’est une vraie question, qui nécessitera une mobilisation des entreprises – cela ne relève pas seulement de la loi – et je m’y emploie. Passer quatre entretiens pour un simple stage, ce n’est pas possible !

Madame Godard, si les partenaires sociaux ont retenu un seuil de trois cents salariés, c’est qu’il s’agit du niveau auquel s’imposent les dispositions relatives à la gestion des parcours et des compétences. Les entreprises de plus petite taille seront néanmoins rattrapées par la patrouille si elles ne veulent pas elles-mêmes prendre le sujet en main. D’abord, le texte impose aux branches de traiter la question tous les trois à quatre ans. Il y a, ensuite, toute la mobilisation que nous avons lancée avec le ministère du travail, les organisations patronales, « Les entreprises s’engagent » et l’ANDRH. Dans toute la France, une vingtaine d’événements ont été organisés pour échanger sur les bonnes pratiques et montrer que la question des travailleurs expérimentés, qu’il s’agisse du maintien en emploi ou du recrutement, concerne l’ensemble des entreprises.

En ce qui concerne les retraites progressives, je vous remercie pour vos encouragements. Ce dispositif, très prometteur, est très largement sous-utilisé en France. Si le taux d’activité des travailleurs expérimentés s’approche de 70 % en Suède, il y a derrière beaucoup de retraites progressives, en réalité – beaucoup plus, en tout cas, que nos actuels 0,5 %.

Monsieur Guedj, la question de l’opposabilité a fait l’objet de discussions entre les partenaires sociaux, mais ils n’ont pas nécessairement trouvé un point d’équilibre en la matière – en tout cas ils n’ont pas trouvé de compromis, même pour une durée d’un jour.

M. Jérôme Guedj (SOC). Et vous, qu’en pensez-vous ?

Mme la ministre. J’ai été une femme d’entreprise : quand une personne demande à bénéficier, dans un délai de six mois, d’une retraite progressive, c’est un signal. L’employeur doit s’adapter pour l’entendre, sinon ce sera concrètement compliqué en matière d’organisation du travail. Mais je suis également sensible à la négociation et à la question du point d’équilibre. Ce qui était important, plus que l’opposabilité, c’était de passer à quatre ans au lieu de deux avant l’âge légal de départ à la retraite et de demander à l’employeur de justifier un éventuel refus, ce qui peut enclencher une discussion.

S’agissant des transitions et reconversions professionnelles, je suis totalement à l’aise avec le fait d’enlever du texte la transposition d’un futur accord par ordonnance – j’en ai discuté avec les rapporteures du Sénat. L’idée est néanmoins de garder à l’article 10 une accroche pour embarquer un accord si les négociations sont conclusives. Nous procéderons exactement de la même façon qu’aujourd’hui, dans des délais plus restreints mais en consultant les partenaires sociaux ainsi que les députés et les sénateurs qui s’intéressent à la question, afin de nous assurer de la fidélité de la transposition à l’esprit de la négociation.

Monsieur Peytavie, vous avez parlé d’impasse sur la santé. Je crois, pour ma part, aux entretiens de mi-carrière, à 45 ans, qui associent une visite médicale et un entretien relatif aux compétences. Cette approche globale, qui est franchement neuve en France, permettra de décider, en partant des compétences et de l’état de santé, soit d’un aménagement de poste soit d’une reconversion – il y aura des éléments concrets pour se poser ces questions. Certes, cela ne répondra pas à la problématique des moyens de la médecine du travail, mais on voit déjà que le nombre d’entretiens de mi-carrière a doublé à la suite de la conclusion, en 2021, de mémoire, d’un accord national interprofessionnel portant sur la santé au travail, et que les visites médicales de mi-carrière se font vraiment en partenariat entre la médecine du travail et les infirmiers et infirmières – il existe vraiment un bon niveau de délégation en la matière. Il faut naturellement continuer à avancer, mais je vois le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide : on considère maintenant la mi-carrière comme un rendez-vous important aussi bien en matière de santé que de compétences.

Monsieur Le Gac, l’Afpa joue un rôle absolument essentiel, en particulier pour l’emploi des seniors. Des expérimentations valent vraiment la peine d’être déployées au niveau national, comme celles qui se déroulent dans l’Aveyron. J’entends l’inquiétude des salariés de l’Afpa. Sa situation économique, actuellement difficile, nécessite que des mesures de rationalisation et de redressement soient prises. Nous recevrons jeudi l’intersyndicale pour échanger au sujet de la construction du futur contrat d’objectifs et de performance 2026‑2029, qui se poursuivra avec la gouvernance de l’Afpa en vue d’un aboutissement à la rentrée. L’Afpa a mis en place des dispositifs alliant de l’individuel et du collectif, des formations courtes, professionnalisantes, et une mise en application en entreprise, qui marchent pour les seniors. France Travail est en train de s’en inspirer pour développer des dispositifs plus globaux, portant sur l’ensemble du territoire.

Monsieur Guedj, vous avez eu tout à fait raison de parler de l’étude d’impact. Le deuxième rapport remis par la Cour des comptes dans le cadre de la délégation paritaire permanente, en avril 2025, a repris un certain nombre d’études montrant à quel point la question des retraites était liée à celle du taux d’activité des plus de 55 et 60 ans. Selon une modélisation purement théorique de la direction générale du Trésor, qui a été reprise par la Cour des comptes et le Haut Conseil du financement de la protection sociale, l’alignement du taux d’emploi des seniors français sur celui des seniors allemands, c’est-à-dire le passage d’un taux d’activité de 37 % à 61 % entre 60 et 64 ans, se traduirait, hors ajustement du temps de travail, par la création de 3,6 millions d’emplois, soit plus du double de la hausse observée depuis la crise sanitaire. Une augmentation du taux d’emploi d’environ 4 points aurait un impact positif majeur sur les finances sociales : le PIB pourrait croître de quelque 3 %, ce qui se traduirait par 15 milliards d’euros supplémentaires pour la protection sociale. Au total, cette hausse du taux d’emploi pourrait entraîner une augmentation des prélèvements obligatoires perçus par toutes les administrations publiques d’environ 38 milliards d’euros, les personnes en activité cotisant et payant des impôts. Ces chiffres ont été fournis à titre indicatif – ils doivent naturellement être considérés avec prudence compte tenu des hypothèses et des limites de l’analyse – mais ils montrent qu’une augmentation du taux d’activité des plus de 55 ans aurait un véritable impact macroéconomique, au-delà de la question fondamentale, du questionnement existentiel que peuvent se poser nos compatriotes de 55 ou 60 ans – et auquel vous êtes tous confrontés, en tant que députés de terrain – quant à leur place sur le marché du travail.

J’en profite pour apporter une précision. On évoque souvent les 55-64 ans. Or il faut désormais dissocier les 55-59 ans et les plus de 60 ans. S’agissant des premiers, nous avons beaucoup progressé puisque leur taux d’emploi se situe maintenant 1 point au-dessus de la moyenne européenne. C’est à partir de 60 ans que nous avons vraiment des marges de progrès : le taux d’activité est de 37 %, soit 13 points de moins que la moyenne européenne et presque deux fois moins que dans les pays d’Europe du Nord.

En ce qui concerne l’état d’esprit, madame Dubré-Chirat, je vous rejoins totalement. Il faut aussi une déconstruction des regards : avoir de l’expérience et de la bouteille a de la valeur – je pense d’ailleurs que vous n’êtes plus les mêmes, en tant que députés, qu’au moment de votre élection. Il faut faire passer ce message auprès des entreprises, même si elles en sont déjà conscientes. Il faut aussi se rendre compte que les aspirations des travailleurs de plus de 55 ans peuvent être très différentes : certains ont envie d’être à temps partiel, parce qu’ils sont des aidants familiaux ou désirent s’impliquer dans une association, d’autres souhaitent participer à la transmission des savoirs, quand d’autres encore veulent continuer leur activité. Les entreprises qui ont vraiment gagné leur pari en la matière – je n’en citerai pas, mais j’en ai rencontré un certain nombre – sont celles qui ont été capables d’appréhender les aspirations multiples des travailleurs expérimentés.

S’agissant de la France et de l’Allemagne, dont Frédéric Petit a beaucoup parlé, je ne reviens pas sur la question du différentiel entre les deux pays. En revanche, je tiens à souligner qu’on peut être très bon pour le taux d’activité des jeunes comme pour celui des travailleurs de plus de 55 ans. Pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant ? Je me rendrai le 1er juillet à Berlin, avec Catherine Vautrin, pour rencontrer la ministre allemande du travail, ancienne présidente social-démocrate du Bundestag, en compagnie d’une délégation de huit organisations patronales et syndicales, qui rencontreront leurs homologues d’Allemagne. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, que ce soit au sujet de défis qui sont les mêmes en France et en Allemagne, comme le vieillissement de la population, l’insertion des jeunes et l’impact de l’intelligence artificielle, ou de questions comme celle relative à l’industrialisation.

Monsieur Dussausaye, vous avez salué le dialogue social. Je ne suis ministre du travail que depuis septembre, mais j’ai eu la chance d’avoir comme premiers ministres M. Michel Barnier et M. François Bayrou, qui, malgré des différences de parcours et d’histoire sur le plan politique, sont très attachés, comme moi, au dialogue social. Cette question dépasse les clivages : il s’agit, d’abord, de croire à la capacité des syndicats et du patronat à agir, à tous les niveaux et à tous les échelons, en étant force de proposition et en créant du compromis au plus près du terrain. Un très important accord concernant la branche AT‑MP a ainsi été conclu avant 2024, de même qu’un accord, lui aussi majeur, sur le partage de la valeur et un autre sur la santé au travail, qui date de 2021. Je suis une ministre du travail qui croit au dialogue social. Outre la transposition, importante, qui vous est proposée avec ce texte, nous verrons ce que donnent la délégation paritaire permanente et la discussion sur les reconversions, dont les partenaires sociaux attendent beaucoup.

M. le président Frédéric Valletoux. Merci, madame la ministre, pour votre présentation du texte et vos réponses à toutes les questions qui vous ont été posées.

*

*     *

La commission examine ensuite le projet de loi, adopté par le Sénat, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (M. Nicolas Turquois et M. Stéphane Viry, rapporteurs) (n° 1526) ([80]).

TITRE IER
RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L’EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTÉS

Article 1er : Création d’une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés au niveau des branches

Amendement AS28 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le projet de loi ne nous paraît pas aller assez loin sur de nombreux points. Cet amendement consensuel – nous savons que d’autres, en revanche, ne passeront pas – demande que l’accord de branche « comporte » et non « peut comporter » un plan d’action type. Quand on parle d’emploi des seniors, c’est de discriminations qu’il est question – même la ministre l’a dit. Il ne s’agit pas seulement de comportements individuels, qu’il faudrait réprimer, mais d’une dynamique collective. Si on s’exprime de manière conditionnelle, en ne fixant aucune obligation, on n’arrivera pas à avancer.

M. Stéphane Viry, rapporteur. La transcription d’un ANI est toujours un exercice particulier. Un tel accord est par nature le résultat d’un cheminement des partenaires sociaux. S’agissant des textes dont nous discutons, ils se sont mobilisés en cherchant vraiment une convergence. Ils ont suivi une approche très collective et ma ligne, en tant que rapporteur, même si je pourrais être d’avis que nous pourrions faire autrement, pour aller un peu au‑delà, sera de jouer le jeu, comme les acteurs sociaux ont su le faire pendant plusieurs mois, comme le Gouvernement l’a également fait, en transposant fidèlement les décisions qui ont été prises, et comme le Sénat l’a fait à son tour lorsqu’il a eu à connaître du projet de loi en première lecture. J’adopterai donc une approche très prudente à l’égard de toutes les modifications qui nous sont proposées.

Pour ce qui est de l’ANI du 14 novembre 2024, les partenaires sociaux ont souhaité que l’élaboration d’un plan d’action dans les entreprises soit une faculté et non une obligation. Outre le fait que l’exposé des motifs, qui évoque des données relatives à l’emploi des seniors, est sans rapport avec l’objet de l’amendement, je trouve que celui-ci dénaturerait le texte par rapport à ce qu’était la volonté des partenaires sociaux.

Même si je comprends l’objectif visé, je ne peux émettre un avis favorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, je vous comprends aussi, mais si nous partons du principe qu’il s’agit seulement de retranscrire l’ANI, autant éteindre la lumière et rentrer tout de suite chez nous. Si nous débattons de ces questions à l’Assemblée nationale, c’est pour écrire la loi. Nous ne sommes pas ici pour servir l’intérêt général tel que les partenaires sociaux peuvent le voir, mais en agissant en tant que représentants du peuple français.

Ce texte comporte beaucoup de dispositions facultatives ou optionnelles. S’agissant d’un sujet aussi structurel, nous n’avons pas à faire ce que les partenaires sociaux ont estimé bon dans le cadre d’une négociation entre syndicats et patronat. Ne nous plaçons pas uniquement de leur point de vue : suivons l’intérêt général. Si nous ne rendons pas certaines dispositions obligatoires, le dispositif ne sera pas opérationnel et ne servira donc pas les personnes que nous prétendons défendre. Votre posture ne correspond pas à ce que l’on peut attendre de l’Assemblée nationale, qui doit légiférer au nom de l’intérêt général.

Le texte, par exemple, ne comporte pas d’objectifs chiffrés. Je comprends qu’on fasse appel à la bonne volonté, mais ce n’est pas le rôle de la loi. Si votre réponse, monsieur le rapporteur, doit être à chaque fois qu’il s’agit simplement de retranscrire un ANI, alors il ne sert à rien d’étudier le texte au sein de la commission des affaires sociales. Je suis sûr que vous pouvez comprendre ce que je dis.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Je le comprends très bien, en effet. Vos nombreux amendements nous permettront de débattre de ce que vous auriez aimé voir dans cet accord, qui est pour moi, je le répète, le résultat d’un cheminement et d’une maturation. Malgré leurs divergences structurelles, les partenaires sociaux ont réussi à s’engager dans un parcours commun.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS26 et AS27 de M. Louis Boyard (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Le premier amendement prévoit une obligation de négociation quadriennale dans les entreprises de plus de cinquante salariés, au lieu de trois cents. Cela permettrait d’inclure 4,5 millions de salariés supplémentaires et de garantir que l’ensemble des seniors, et pas uniquement ceux des très grandes entreprises, sont concernés. On sait que les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) de moins de cinquante salariés n’ont pas la capacité de mener de telles négociations, mais au‑delà de ce seuil les entreprises sont dotées des structures syndicales nécessaires.

L’amendement suivant est de repli. Il tend à porter le seuil à 250 salariés, conformément aux critères en usage à l’échelle européenne, y compris du côté de la Commission. Nous aurons ainsi une meilleure lecture de ce qui se passe dans les entreprises, puisqu’il s’agit du seuil retenu en matière d’emploi des seniors.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Je me suis interrogé sur la portée de ces amendements. Il m’a semblé, tout d’abord, qu’ils se rapportaient davantage à l’obligation de négociation dans les entreprises et que, sur le fond, ils concernaient plutôt l’article 2 du projet de loi, raison qui me conduirait à émettre une demande de retrait. Par ailleurs, je crains que les amendements ne produisent pas l’effet que vous souhaitez. Ils seraient restrictifs, car ils limiteraient la possibilité de recourir au plan d’action défini au niveau de la branche aux seules entreprises de moins de cinquante salariés, s’agissant du premier amendement, ou de moins de 250 salariés, s’agissant de l’amendement suivant. Nous n’irions donc pas dans la bonne direction.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS62 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il faut rappeler le contexte politique : à son arrivée, lorsqu’il a fait sa déclaration de politique générale, M. Barnier a décidé de passer un peu de pommade au sujet de la réforme des retraites, qui a accentué les difficultés des seniors, et on a donc abouti à cet ANI.

J’entends dire qu’il faudrait respecter les partenaires sociaux, mais pardon : la situation dans laquelle nous nous trouvons résulte notamment du fait qu’ils n’ont pas été respectés, pas plus que le peuple français. Quand tout le monde était dans la rue contre la réforme des retraites, les grands discours de morale sur le respect des partenaires sociaux n’étaient pas à l’ordre du jour. La réforme et ses conséquences ont été imposées.

Cet amendement de bon sens vise à corriger l’erreur qu’a été la réforme des retraites en prévoyant des objectifs de progression chiffrés, qui seront transmis à l’autorité administrative, afin d’atteindre, à terme, une proportion de 15 % de seniors dans les entreprises. Vous ne pouvez pas tenir un double discours en nous demandant, d’une part, de respecter les partenaires sociaux alors que vous ne l’avez pas fait à l’époque et, d’autre part, de ne pas prévoir d’obligation alors que c’est précisément ainsi que vous avez procédé quand il s’agissait de faire travailler les seniors plus longtemps.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Vous avez dit, dans votre prise de parole initiale, vouloir muscler le texte. Pour ma part, je m’efforce de transposer le plus fidèlement possible l’accord conclu entre les partenaires sociaux, considérant qu’il constitue une première brique, qui va dans le sens de l’intérêt général. Cet accord vise non pas à fixer un cadre rigide et uniforme pour tous, mais à instaurer une obligation de négociation collective, branche par branche, afin de tenir compte des spécificités professionnelles et d’insuffler plus de respiration et de pragmatisme. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS32 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Une négociation au terme de laquelle l’employeur peut décider, de manière unilatérale, de faire ce qu’il veut n’est pas un dialogue social constructif ! C’est plutôt un mauvais remake de la réforme des retraites, laquelle nous a placés dans cette situation. En définitive, nous ne sommes ici que pour jouer le rôle d’une chambre d’enregistrement.

En effet, l’article 1er indique, en son alinéa 9 : « Si à l’issue d’une négociation sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés » – le mot pénibilité n’apparaît même pas ! – « en considération de leur âge, avec les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise, un accord collectif n’a pu être conclu, l’employeur peut l’appliquer au moyen d’un document unilatéral après avoir informé et consulté le comité social et économique [...] ».

Je vous propose donc de prendre les choses à rebours : si vous voulez vraiment aboutir à un dialogue social constructif, dans lequel tout le monde se mettra autour de la table pour trouver un compromis, soutenez cet amendement, monsieur le rapporteur ! Car, j’y insiste, on ne peut pas parler de dialogue constructif lorsqu’une partie peut décider de tout, toute seule.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les partenaires sociaux sont convenus qu’en l’absence d’accord collectif, l’employeur pourrait, par décision unilatérale, appliquer le plan d’action. Fruit d’une négociation menée au niveau de la branche professionnelle, ce dernier traduit la volonté conjointe des représentants des employeurs et des salariés. Il est donc positif et ne signifie nullement que l’employeur décidera de tout, tout seul ; il ne s’agit ni d’un oukase ni d’une décision subjective de sa part. C’est en cela que nos interprétations divergent : je considère que le plan d’action constitue une avancée concrète en faveur de l’emploi des seniors dans l’entreprise.

Or votre amendement n’instaure pas un droit de veto, comme vous l’indiquez dans l’exposé sommaire, mais supprime la possibilité pour l’employeur d’appliquer, en l’absence d’accord collectif, le plan d’action défini par la branche. Il est donc excessif. C’est pourquoi, au-delà de ma volonté exprimée jusqu’à présent de transposer fidèlement l’ANI – comme un gardien du temple –, je suis en profond désaccord avec cet amendement.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Gardons à l’esprit toutefois qu’à défaut d’accord, il sera facile à l’employeur d’établir un plan d’action, liste de beaux mots et de vœux pieux, sans aucune action ni réalité derrière, comme cela s’est déjà produit dans le passé. J’en veux pour preuve l’égalité salariale entre les hommes et les femmes : alors que chaque entreprise doit tout mettre en œuvre pour atteindre l’égalité, nous en sommes encore loin – au rythme actuel, il faudra plus de quatre cents ans pour que, à compétences égales, les salaires des femmes rattrapent enfin ceux des hommes.

Pourquoi ne pas introduire des mesures coercitives, sachant que les employeurs ne sont pas tous de bonne foi, en particulier lorsqu’ils n’ont pas de contraintes ? D’ailleurs, le risque c’est que l’employeur ne trouve jamais d’accord qui le satisfasse, d’autant qu’il aura ensuite le pouvoir de décider seul et d’appliquer sa volonté, laquelle sera minimale puisque aucune contrainte ne pèse sur lui.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS83 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS29 de M. Louis Boyard

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous poursuivons la même dynamique : en instaurant des sanctions financières, nous voulons contraindre les employeurs à se montrer plus volontaires dans leur démarche d’emploi des seniors. Le but est que ce projet de loi ne fasse pas pschitt à l’arrivée.

M. Stéphane Viry, rapporteur. J’observe que les partenaires sociaux se sont entendus sur une obligation de négociation dans les entreprises de plus de trois cents salariés et n’ont pas retenu l’option d’une pénalité financière qui serait, par ailleurs, susceptible d’affaiblir la qualité du dialogue social en plaçant la négociation sous contrainte. Or votre amendement en change fondamentalement la philosophie, en transformant l’obligation de négocier en obligation de conclure un accord, ce qui dépasse très largement ce dont les partenaires sociaux sont convenus. Compte tenu de ma volonté de m’en tenir à la transposition de l’ANI, je ne peux pas émettre un avis favorable à votre amendement.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Si vous voulez vraiment favoriser l’emploi des seniors et le développement des plans d’action dans les entreprises, arrêtez d’avoir une vision angélique des employeurs. Certes, certains d’entre eux font bien les choses, appliquent les règles, voire les anticipent. Néanmoins, ce n’est pas le cas de tous. Les entreprises du CAC40, par exemple, qui réalisent des milliards de bénéfices et distribuent des dividendes à leurs actionnaires, augmentent leurs salariés d’à peine 1 %, soit bien en deçà du taux de l’inflation. Pourtant, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires, elles devraient faire preuve de bonne foi et proposer une répartition plus équilibrée des bénéfices. Ces mêmes employeurs sont tenus de respecter l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ; mais comme la loi ne comporte ni contrainte, ni obligation, ni sanction, elle n’est pas opérante et il faudra attendre quatre cents ans avant qu’elle soit pleinement appliquée. Croire que les employeurs agiront de bonne foi vis-à-vis des seniors est totalement angélique.

Je veux bien admettre que les partenaires sociaux – dont le Medef probablement – ne sont pas favorables à des pénalités financières. Néanmoins, nous devons aussi penser aux travailleurs et aux travailleuses, qui auront besoin d’être accompagnés jusqu’au bout de leur carrière.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Je prends mon corapporteur Nicolas Turquois à témoin : il ressort des auditions menées que la volonté de l’ensemble des parties prenantes, y compris des organisations syndicales, est de permettre aux entreprises d’avancer sur la question de l’emploi des seniors et d’aboutir à des mesures très concrètes. Je respecte votre vision des choses, mais je ne la partage pas. Au risque d’être lassant, je le répète, notre feuille de route est de ne pas aller au-delà de ce qu’ont voulu les partenaires sociaux – tout au plus pourrons-nous procéder à de petits ajustements techniques.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. J’entends votre frustration. Toutefois, et ce n’est pas la première fois que je suis rapporteur, j’ai été très surpris par ce que les organisations syndicales et patronales nous ont demandé lors des auditions, auxquelles certains d’entre vous ont d’ailleurs assisté : au vu du fonctionnement de notre assemblée, elles tenaient vraiment à ce que l’accord conclu soit retranscrit tel quel et nous ont confié cette responsabilité. Les représentants du patronat ont même parlé d’un texte fondateur à propos du rapport qui s’est créé avec les organisations salariales, toutes confondues. Je comprends, monsieur Guedj, que vous soyez frustré de ne pas pouvoir enrichir le texte ; nous-mêmes, en tant que rapporteurs, aurions aimé aller plus loin sur certains aspects. Néanmoins, j’y insiste, j’ai été marqué par les propos des organisations professionnelles, quelles qu’elles soient : elles ont fait des concessions et tiennent désormais à ce que l’accord reste en l’état. Nous devons nous y attacher.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Personnellement, je n’ai passé d’accord avec personne, si ce n’est avec mes électeurs. J’entends que ce texte résulte d’un travail de fond mené entre les partenaires sociaux et que vous ne souhaitiez pas le modifier. Cependant, nous devons trouver une solution efficace et pérenne, qui garantisse l’emploi des seniors – c’est dans l’intérêt de tous, si nous ne voulons pas être obligés de nous pencher de nouveau sur cette question l’année prochaine.

Nous pourrions aussi revenir sur la réforme des retraites et permettre aux seniors de partir à la retraite, tout simplement. Cela ne me pose aucun problème, au contraire ! Mais vous, vous préférez qu’ils restent au travail plus longtemps. Faisons au moins en sorte qu’ils en aient ! Or, en l’absence de contrainte, vous êtes assurés de devoir examiner, dans un an, un nouveau texte pour favoriser l’emploi des seniors.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS33 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je pourrais presque être d’accord avec vous, messieurs les rapporteurs, si vous n’aviez pas eu une posture différente au moment de la réforme des retraites – dans la continuité de laquelle s’inscrit ce texte, voulu par Michel Barnier : à travers vos votes, vous n’avez pas respecté les partenaires sociaux. Et, aujourd’hui, vous vous présentez comme leurs premiers défenseurs ! Permettez-nous au moins de pointer l’incohérence et d’expliquer que nous sommes complètement désabusés. Comme l’a rappelé ma collègue Amiot, nous, nous n’avons signé qu’avec le peuple français.

Il se trouve que j’ai parlé de ce texte, hier, avec Sylvie, une travailleuse senior : elle pense qu’il ne changera rien. Que devrais-je lui dire, lorsque je la reverrai ? Que le Medef et la CFDT étant d’accord, nous ne pouvions rien modifier à ce projet de loi qui, pourtant, ne règle rien au problème de l’emploi des seniors ? En tant que député, ce n’est pas tenable. Les gens attendent de nous que nous changions les choses. Le sujet est grave : la ministre a parlé d’une discrimination à l’embauche, qui a des conséquences graves dans la vie de nombreuses personnes.

Par nos amendements, nous voulons au moins obliger les partenaires à aboutir à un accord. En l’état, le texte ne prévoit aucune obligation ni aucune sanction si l’accord n’est pas respecté. Nous débattons donc dans le vent et sommes amenés à nous prononcer sur du vide. En définitive, cette pommade sur la réforme des retraites n’apaise même pas !

M. Stéphane Viry, rapporteur. Vous souhaitez obliger les partenaires sociaux à conclure un accord. Ils ne sont pas sur cette ligne. C’est même juridiquement contraire au principe de liberté conventionnelle : on ne peut pas entamer une discussion sous la contrainte absolue d’aboutir à une issue positive ; on peut avoir des désaccords !

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le problème, c’est que l’employeur a le dernier mot, à la fin. Notre objectif est précisément d’éviter ce scénario. Ce texte, voulu par Barnier, est censé servir de pommade à la réforme des retraites laquelle, en plus d’entraîner des conséquences dans la vie des gens, constitue une fracture démocratique dans l’histoire de notre pays dont nous parlerons encore dans vingt ou vingt-cinq ans – à l’instar de la fracture de 2005, concernant le non à l’Europe. Il n’y a pas d’obligation de parvenir à un accord et, en définitive, c’est l’employeur qui a le dernier mot – et même en cas d’accord, il n’est pas vraiment contraignant.

Le seul argument que vous opposez à nos arguments, c’est que ce texte a déjà été discuté et qu’on ne peut plus rien changer, alors pourtant qu’il est inopérant. Circulez, il n’y a rien à voir ! À quoi bon, dans ce cas, poursuivre la réunion ? Nous sommes pourtant bien ici pour faire la loi. Et nous ne pourrons pas empêcher la discrimination à l’embauche des seniors si nous nous contentons de bonne volonté et de vœux pieux ; il faut imposer des contraintes. Nous demandons simplement que les négociations aboutissent à un accord. Franchement, nous avons déjà été plus durs que cela dans le passé !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS35 de M. Louis Boyard

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Dans la mesure où il existe une réelle discrimination à l’embauche, les entreprises ne savent pas vraiment ce que c’est que d’employer des seniors – encore moins jusqu’à 64 ans, l’âge de départ à la retraite. Cela pose la question de la santé au travail de l’ensemble de salariés, y compris d’une population vieillissante, et de la prévention des risques professionnels, sujets que nous estimons essentiels et qui doivent faire partie des négociations.

Selon l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, l’âge moyen d’inaptitude dans ce secteur est de 54 ans. L’âge de départ à la retraite ayant été repoussé, il faudra donc que les personnes restent en poste dix années supplémentaires. La conséquence, c’est que les organismes de prévention ont augmenté les cotisations de presque 10 %, parce que la santé et la sécurité des salariés n’évolueront pas si nous n’imposons aucune contrainte. C’est pourquoi il faut intégrer cette dimension de la santé au travail et de la prévention des risques professionnels, axée sur les seniors, dans les accords.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’article 1.3 de l’ANI définit des thèmes de négociation obligatoires – recrutement des salariés expérimentés, maintien dans l’emploi et aménagement des fins de carrière, transmission des savoirs et des compétences – et d’autres facultatifs, qui portent notamment sur les politiques en matière de santé au travail et de prévention des risques professionnels. Je le précise car, depuis une demi-heure, une petite musique commence à monter selon laquelle cet accord serait vide et aucune obligation ne pèserait sur les parties prenantes. Je m’inscris en faux contre cette idée : il y a bien une obligation de négocier au niveau des branches, pour les entreprises de plus de trois cents salariés.

J’en appelle donc à respecter la ligne de partage à laquelle sont parvenus les partenaires sociaux, au terme de nombreuses heures de discussion, entre les thèmes obligatoires et facultatifs. Ne voulant pas dénaturer leur accord, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je soutiens l’amendement de M. Boyard. Force est de constater que les négociations obligatoires, qui ne sont pas forcément conclusives, n’aboutissent souvent qu’à un théâtre, dans lequel on joue à faire semblant de négocier : il suffit de dire qu’on a essayé de négocier et il ne se passe rien.

S’agissant de l’emploi des seniors, la France connaît un décrochage majeur par rapport aux autres pays européens. C’est pourquoi il faut prévoir des mesures coercitives : s’en remettre à la bonne volonté du dialogue social ne changera rien à la réalité sur le terrain. On note d’ailleurs que lorsque les partenaires sociaux parviennent à un accord, il est tellement modeste que l’on sait d’avance qu’il ne réglera rien en profondeur. Nous devons donc prendre nos responsabilités, en tant que législateurs, pour aller plus loin.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). On nous reproche souvent de ne pas faire confiance au dialogue social et lorsque nous proposons d’en tenir compte, il est remis en cause ! Il y a un juste milieu à trouver.

Je rappelle que nous avons institué un entretien et une consultation médicale de mi‑carrière, afin d’anticiper, grâce à la formation, une possible réorientation et d’éviter d’en arriver à un stade où la santé est affectée. Il faut donc mener un travail d’anticipation et de prévention. Dans le cas des aides-soignantes, par exemple, il existe dans certaines maisons de retraite des systèmes qui aident à lever les patients, des rails au plafond, voire des exosquelettes : la charge physique diminue, même si la charge mentale, elle, reste la même.

Grâce à ce projet de loi, nous répondons au présent et anticipons le futur, afin de tenir compte, branche par branche, des améliorations à apporter ; nous ne nous contentons pas de dire que rien n’est possible.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Imposer la négociation sur la santé au travail, sur les conditions de travail et sur la prévention des risques professionnels permettrait aussi de prévenir la survenue de maladies professionnelles qui obligent à se réorienter. Vous avez raison, madame Dubré-Chirat : du matériel existe pour faciliter certaines tâches et ne plus se casser le dos. Toutefois, combien d’établissements en sont équipés ? Et combien cherchent réellement des solutions novatrices ou modifient l’organisation du travail pour prévenir l’épuisement des corps et des esprits et éviter des situations d’inaptitude au poste, avant l’âge de départ à la retraite ? En ne faisant rien, on perd des travailleurs qui aiment pourtant leur boulot et ont envie de continuer à l’exercer. Il faut donc investir ce champ, pour garantir aux salariés qui sont en poste qu’ils pourront poursuivre leur carrière le plus longtemps possible.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS37 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). C’est plutôt vous, madame Dubré-Chirat, qui faites ce qui vous arrange ! Lorsque les partenaires sociaux ne sont pas d’accord, vous répondez qu’en tant que législateurs il nous revient de décider ; à l’inverse, vous expliquez aujourd’hui que les partenaires sociaux étant parvenus à un accord, il ne faut plus toucher à rien ! Reconnaissez au moins, chez nous, une certaine cohérence, même si vous ne la partagez pas. Tel n’est pas votre cas : vous n’écoutez pas toujours les partenaires sociaux. Par conséquent, ne venez pas nous reprocher de ne respecter le dialogue social que lorsque cela nous arrange ; c’est plutôt à vous qu’il faut le dire !

Ce texte ne fera pas bouger les lignes. Et même si je comprends la position du rapporteur qui souhaite respecter la philosophie générale de l’accord, je pense qu’en tant que législateurs nous avons le droit d’affirmer que certains sujets, tels que l’organisation et les conditions de travail des seniors, ne peuvent pas être des thèmes facultatifs et qu’ils doivent obligatoirement faire partie des négociations – malgré mes doutes sur ce qui en résultera.

Pensez-vous que les partenaires sociaux s’offusqueraient de la volonté du législateur d’intégrer les conditions de travail dans les discussions obligatoires ? Je pense qu’ils le comprendraient. Alors que les Français, eux, ne comprendraient pas que ces thèmes en soient absents. Sur ce point, vous pouvez, monsieur le rapporteur, modifier légèrement les lignes.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Pour aboutir à des mesures concrètes en faveur de l’emploi des seniors, les partenaires sociaux ont évidemment abordé les questions de la santé au travail, de la prévention des risques et des conditions de travail. Ces éléments ne figurent pas dans cet article, mais des mesures concrètes sont bien incluses en ce qui concerne la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). On ne peut donc pas dire que ces points ont été oubliés.

Chaque parlementaire est libre de présenter ses arguments, sa vision et sa ligne politique. Nicolas Turquois et moi-même avons pour mission de défendre ce qui a été négocié. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous savons tous que l’âge de 50 ans constitue un véritable cap. C’est à ce moment-là qu’on commence à recevoir des dizaines de courriers d’information en faveur de dépistages ou de suivis. En effet, il n’y a pas qu’à l’adolescence que les corps changent. À 50 ans, on est encore parfaitement en mesure de travailler, mais certaines choses évoluent, qu’il s’agisse des capacités physiques ou des sensations – je pense à la soif en ces temps de canicule – et il faut s’y adapter. De même, la période de la ménopause et à la préménopause, parfois très longue, peut demander des aménagements, ou du moins une réflexion sur l’organisation du travail, afin qu’il reste supportable physiquement.

Si nous voulons que les seniors continuent de travailler, on ne peut ignorer qu’ils sont des seniors. L’organisation et les conditions de travail ne sont pas accessoires et ne peuvent être facultatives dans les négociations. J’y insiste : il faut absolument considérer les gens pour ce qu’ils sont, en l’occurrence des personnes dont le corps change.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1 de Mme Océane Godard

Mme Océane Godard (SOC). Cet amendement vise à corriger – je l’espère – un oubli, alors même que le projet de loi se veut la transposition fidèle de l’ANI de novembre dernier.

L’article 1.3 de l’accord inclut en effet les « pratiques managériales mobilisables » parmi les thèmes pouvant faire l’objet de négociations au sein des entreprises et des branches professionnelles, ce point étant d’ailleurs développé dans l’article 2.2. Pourtant, cet aspect n’apparaît pas dans le présent texte. Cette omission me semble d’autant plus problématique que les enjeux relatifs aux salariés expérimentés ont d’abord trait au travail et non uniquement à l’emploi. Ainsi que l’ont dit les partenaires sociaux lors des auditions, mais aussi des acteurs de terrain tels que des consultants, des directeurs des ressources humaines ou des représentants syndicaux, les fins de carrière interrogent les missions, l’organisation du travail, les marges d’autonomie, sans oublier les pratiques managériales.

L’enjeu est d’innover, d’inventer, d’adapter, de permettre une gestion plus fluide et évolutive des parcours de fin de carrière, donc de sortir des logiques rigides. Cela suppose un vrai travail de la part des entreprises, au plus près des collectifs, sur le rôle du management et en faveur de la souplesse des organisations et de l’ajustement des tâches.

Les entreprises manquent de soutien pour affronter l’enjeu de l’organisation du travail. C’est pourquoi nous proposons cet amendement, qui nous semble de bon sens et cohérent avec l’esprit de l’accord national. Il permettrait d’ouvrir la voie aux pratiques transformatrices que nous recherchons.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les « pratiques managériales mobilisables » figuraient effectivement parmi les thèmes de négociation énumérés dans l’ANI. Si cette formulation n’a pas été retenue dans le projet de loi, c’est parce que le Conseil d’État l’a jugée imprécise et peu normative, raison pour laquelle nous avons préféré les mots « modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement [des] salariés ».

Je m’en remettrai à la sagesse de la commission sur ce point. Il est vrai que les partenaires sociaux ont retenu la formulation que vous proposez, madame Godard, mais, comme je l’ai dit, celle-ci est perfectible sur le plan légistique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS76 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement vise à insister sur la sous-utilisation du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu), d’ailleurs identifiée par Cyrille Isaac-Sibille et Hadrien Clouet dans un récent rapport d’évaluation. L’amendement est proche, dans sa philosophie, de l’amendement AS35, défendu par Louis Boyard et Ségolène Amiot, qui prévoyait que les négociations relatives aux conditions, à l’organisation et à la santé au travail ne devaient pas seulement être obligatoires, mais aboutir.

Les organisations patronales ne peuvent pas dire que les entreprises et l’État n’ont pas les moyens, car tel n’est pas le cas. Il faut faire en sorte que les négociations aboutissent sur des projets concrets, qui amélioreront la vie des travailleurs et des travailleuses. Si les moyens sont sous-utilisés, c’est par manque de volonté et par manque de compétences techniques et d’ingénierie au sein des entreprises.

Nous saluons les organisations, qui ont essayé de faire progresser les choses au maximum, mais force est de constater que cet ANI n’est en réalité qu’un minimum, alors même que de l’argent public est prévu pour améliorer les conditions de travail et prévenir l’usure – ou ce que j’appelle pour ma part la pénibilité. Mobiliser le Fipu est essentiel. L’outil est à la disposition des employeurs et des organisations syndicales, aussi rendons son recours davantage obligatoire pour qu’il bénéficie aux travailleurs et aux travailleuses.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Le Fipu est un outil de financement récent, créé en 2024, qui soutient des actions de sensibilisation et de prévention des risques ergonomiques à l’origine des troubles musculo-squelettiques. Dans le cadre du projet de loi, le choix a été fait d’une formulation large, qui ne détaille pas les différents fonds existants. En effet, si le Fipu était cité, il faudrait faire de même du Fonds national de prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles, qui ne figure pas non plus dans le texte. Et si le Fipu était amené à changer de nom, ce qui peut arriver, nous serions « coincés ».

Je demande donc le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable. Ce n’est pas une objection de fond : je préfère rester prudent vis-à-vis des éventuelles conséquences.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’entends vos arguments, mais préfère maintenir cet amendement, quitte à en revoir ultérieurement la rédaction. Il faut insister sur le fait que certaines entreprises sont réticentes à s’emparer de cette question, alors que l’État y consacre des moyens.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS84 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS30 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je comprends votre volonté de préserver la philosophie du texte, mais, en l’occurrence, cet amendement n’y touche pas. Nous demandons simplement qu’avant toute négociation, soit établie, pour chaque branche professionnelle, une liste des métiers et activités particulièrement exposés aux risques professionnels. C’est une nécessité si nous voulons que les discussions entre partenaires sociaux soient efficaces, particulièrement en ce qui concerne les seniors. Nous n’introduisons ici aucune contrainte : nous faisons en sorte que les négociations reposent sur des éléments concrets – la reconnaissance des métiers à risque – et non sur du vent.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Je comprends votre intention et si la prévention des risques professionnels est un enjeu important, celui-ci concerne l’ensemble des salariés et pas seulement les seniors. L’amendement excède donc le champ des négociations qui ont eu lieu au sujet des salariés expérimentés. Une telle liste devrait plutôt être établie dans le cadre de la négociation obligatoire, prévue à l’article L. 2241-1 du code du travail, sur la GPEC et qui inclut « la prise en compte des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ».

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je soutiens cet amendement, car c’est à l’échelon des branches que la prévention des risques professionnels doit avoir lieu. Cet élément ne s’inscrit pas seulement dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, mais dans une logique globale d’accompagnement des travailleurs et des travailleuses, afin que la vie professionnelle ne réduise pas l’espérance de vie, ni la capacité à vivre sa retraite en bonne santé – voire simplement à l’atteindre.

Disposer d’une telle liste, branche par branche, serait un atout considérable, car les entreprises pourraient ainsi bâtir des plans de prévention et parce que le compte personnel de prévention serait moins individualisé et accessible plus simplement. Dans le cadre du conclave sur les retraites, la CFDT a d’ailleurs insisté sur le fait que la prévention ne devait pas se fonder seulement sur la carrière de chaque personne, individuellement et année après année – c’est une usine à gaz qui ne marche pas –, mais qu’elle doit bénéficier de l’identification, branche par branche, des métiers liés à des risques structurels. Une telle approche collective est essentielle d’un point de vue global et pas seulement pour la GPEC.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il faut éviter de faire des listes de métiers. Nous avons eu un mal de chien à établir celle des métiers en tension et il est ensuite souvent impossible de les réactualiser. Dans la mesure où les métiers évoluent, plutôt que de les graver dans le marbre, il serait préférable de définir des critères de pénibilité, valables pour tous les âges. J’y insiste : les métiers n’ont pas les mêmes contenus dans le temps, aussi bien physiquement que psychologiquement.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Une telle liste serait réactualisée lors de chaque négociation, si bien qu’elle suivrait l’évolution des métiers. Vous pouvez donc voter cet excellent amendement, madame Dubré-Chirat.

Par ailleurs, si j’entends que ce n’est pas le moment d’adopter de tels amendements, car le texte reprend le contenu de l’ANI, je ne sais pas quand je pourrai le faire. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut faire œuvre utile et il me paraît important de saisir cette occasion, d’autant que, je le répète, cet amendement respecte la philosophie du texte.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Création d’une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés expérimentés dans les entreprises d’au moins trois cents salariés

Amendements identiques AS41 de M. Louis Boyard et AS64 de Mme Sophie TailléPolian et amendements identiques AS43 de M. Louis Boyard et AS63 de Mme Sophie TailléPolian (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends les amendements AS41 et AS43. Comme nous l’avons dit précédemment, nous souhaitons abaisser de 300 à 50 le nombre minimal de salariés à partir duquel des négociations devraient avoir lieu au sein d’une entreprise. De cette manière, nous augmenterions de manière considérable le nombre de travailleurs concernés, étant rappelé que 4,5 millions de personnes travaillent dans une PME en France et qu’elles aussi emploient des seniors. De plus, je rappelle que ces sociétés sont déjà dotées des structures nécessaires aux négociations. L’abaissement du seuil ne représenterait donc pas une usine à gaz, comme on a pu l’entendre. Dans la mesure où les négociations permettent d’améliorer l’accueil et les conditions de travail des seniors, elles doivent aussi avoir lieu au sein des PME.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Mes amendements visent à abaisser le seuil respectivement à 50 et à 250 salariés. En effet, le monde du travail souffre d’un immense problème d’égalité des droits entre ceux qui travaillent dans une grande entreprise et les autres. J’entends qu’il faut peut-être consacrer davantage de moyens à l’accompagnement des petites entreprises pour appliquer ce type de politiques, mais ceux qui payent le prix sont bien les salariés des PME. Rappelons d’ailleurs qu’avec les niches fiscales ou encore le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, nous aidons bien plus les grandes entreprises que les petites. Les salariés de ces sociétés sont laissés de côté. Nous en avons ici une nouvelle illustration puisqu’ils seront exclus des négociations alors qu’ils sont soumis aux mêmes risques professionnels, susceptibles d’avoir une très forte incidence sur leur santé. Nous ne pouvons l’accepter.

Je comprends que les organisations syndicales, dans le cadre du dialogue social, aient fixé un seuil, mais il revient à la puissance publique, à l’État, au législateur de s’assurer de l’égalité des travailleurs devant la loi et donc de consacrer des moyens supplémentaires pour accompagner les petites et moyennes entreprises. Je ne comprendrais pas que nous ne le fassions pas, d’autant que, comme je le disais précédemment, des enveloppes budgétaires sont sous-employées. Il faut que tous les travailleurs et toutes les travailleuses bénéficient des négociations.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). En effet, c’est bien l’inégalité entre les seniors qui travaillent dans les grandes entreprises et ceux employés dans les PME qui justifient l’intervention du législateur. Ainsi, l’accès à la retraite progressive, prévue à l’article 5 de l’ANI, ne concernera, dans l’immense majorité des cas, que les salariés des très grandes entreprises. L’égalité des droits entre les salariés n’est donc pas assurée. Et encore ne s’agit-il ici que d’organiser une négociation, ne comportant rien de contraignant et au terme de laquelle les employeurs pourront, in fine, établir un plan de manière unilatérale.

Enfin, collègues macronistes, je rappelle que la Commission européenne considère que les grandes entreprises sont celles qui emploient plus de 250 salariés. Adopter mon amendement AS43 reviendrait donc aussi à agir en Européens et à se mettre en conformité avec le droit communautaire. Qu’il s’agisse du climat, du droit du travail, ou de tout autre sujet, je vous ai entendus le placer au-dessus de tout. J’espère que vous ferez de même sur cette question de justice.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Nous avons eu cette discussion à l’article 1er et je ne peux que rappeler que l’article 1.2 de l’ANI a retenu le seuil de trois cents salariés pour l’organisation obligatoire de négociations sur l’emploi des salariés expérimentés. Sauf erreur, ce seuil a été choisi par parallélisme avec celui prévu par le code du travail s’agissant de l’obligation de négociations sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences.

J’ajoute que l’ANI prévoit que les entreprises dont l’effectif n’atteint pas ce seuil peuvent engager volontairement une négociation sur le thème de l’emploi des seniors et qu’en l’absence d’accord, elles sont incitées à adopter le plan d’action unilatéral négocié à l’échelle de la branche, après consultation, le cas échéant, des instances représentatives élues du personnel. Ce n’est donc pas parce qu’elles ne sont pas obligatoires que les négociations sont impossibles.

Afin de préserver l’équilibre trouvé, je serai défavorable à l’ensemble de ces amendements, qui visent à modifier le seuil.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous nous renvoyez aux accords de branche s’agissant des entreprises de moins de trois cents salariés, mais nous constatons chaque année qu’il s’agit de véritables usines à gaz, dont l’application prend d’ailleurs souvent beaucoup de retard – un, deux voire trois ans – et nécessite l’intervention du ministère du travail. J’ai donc du mal à vous suivre. Je le répète, les accords de branche ne sont pas efficients et les travailleurs et travailleuses des TPE et PME sont ceux qui souffrent le plus, car ils sont moins accompagnés que les autres. Il faut que nous proposions quelque chose aux seniors de ces entreprises pour leur permettre de travailler le plus longtemps possible.

Par ailleurs, je souligne que certaines sociétés s’organisent sous la forme d’une holding et de plusieurs structures séparées afin de ne jamais atteindre ce seuil de trois cents salariés, qui impose des contraintes. Il faut donc cesser de faire preuve de naïveté et d’angélisme vis-à-vis de ces entreprises, qui usent de tous les stratagèmes pour ne pas avoir à négocier sur les questions de ce type.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS48 de M. Louis Boyard

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement vise à prévoir que les entreprises employant moins de 15 % de seniors, c’est-à-dire celles qui ne font pas suffisamment d’efforts pour en intégrer et organiser le travail de telle manière qu’ils restent en emploi le plus longtemps possible, doivent accroître cette part d’au moins 5 % par an.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Nous avons eu ce débat lors de l’examen de l’amendement AS62 de M. Boyard et j’émettrai le même avis défavorable, pour la même raison : ce n’est pas ce qu’ont décidé les partenaires sociaux lors des négociations. Plutôt qu’un cadre rigide et unifié, ils ont préféré des négociations obligatoires par branche, afin d’aboutir à des spécificités métier par métier, au plus près du terrain et de la réalité.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je souhaite que jamais les partenaires sociaux n’écrivent sur une feuille de papier qu’il faut sauter dans le ravin – vous seriez en mauvaise posture, monsieur le rapporteur ! Je pousse le raisonnement jusqu’au bout pour que l’on comprenne que notre débat n’a pas de sens.

Notre amendement vise à inciter les entreprises à employer au moins 15 % de seniors, alors que ceux-ci représentent 17 % des actifs : nous sommes donc encore en-dessous des besoins. Alors que la situation de l’emploi de seniors a été aggravée par la réforme des retraites, nous constatons que l’ANI ne fait que passer de la pommade puisqu’il n’a même pas pour objectif de mettre fin aux discriminations. Je ne suis pas d’accord avec un texte qui ne sert à rien – je ne vois même pas pourquoi nous en discutons !

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS65 de Mme Sophie Taillé-Polian et AS50 de M. Louis Boyard (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée de plus de cinquante ans a nettement augmenté, passant de 312 000 en 2008 à 809 000 en 2022 et à 868 000 au quatrième trimestre 2024. La durée moyenne du chômage des plus de cinquante ans était de 370 jours début 2008 mais a atteint 665 jours fin 2022. Telle est l’évolution. Or, en 2017, les ordonnances Macron, qui ont fait beaucoup de mal au monde du travail, ont supprimé les sanctions pécuniaires en cas de non-mise en place des négociations, pourtant obligatoires.

Quand les partenaires sociaux ne se mettent pas autour de la table, les entreprises doivent en être pour leurs frais. Face à un tel niveau d’insécurité sociale, nous ne pouvons pas nous contenter d’observer, en espérant que des dispositions non obligatoires et non assorties de sanctions permettent d’améliorer les choses. Il faut muscler nos politiques publiques, parce que la situation sociale l’exige. Nous proposons donc le rétablissement de la sanction pécuniaire en cas de non-respect de l’obligation de négociation.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je suis entièrement d’accord pour que les partenaires sociaux discutent mais ils ne peuvent pas aller jusqu’à prévoir une sanction si l’accord n’est pas respecté : c’est le rôle du législateur. S’il n’y a pas de négociations, ou si l’accord n’est pas respecté par l’employeur : le législateur doit prévoir une sanction – c’est un amendement de bon sens.

M. Stéphane Viry, rapporteur. C’est un amendement de présomption de défaillance de la part des entreprises. Je vous renvoie encore une fois au contenu de l’ANI : ce n’est pas ce que les partenaires sociaux ont voulu. De plus, on ne négocie pas bien sous la contrainte.

Il me semble prématuré de prévoir dès maintenant une sanction à l’encontre des entreprises au motif qu’on ne leur ferait pas confiance. Il faut au contraire laisser du temps au dialogue social pour que la confiance s’installe. La volonté de mettre en place des mesures en faveur de l’emploi des seniors existe.

Avis défavorable à ces deux amendements.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il faut être conscient du pays dans lequel on vit. En France, si l’on fixe une interdiction sans prévoir de sanction en cas de son non-respect, la loi n’est pas appliquée. Ainsi, une limitation de vitesse n’est respectée que si l’on installe un radar et que l’on envoie des amendes aux contrevenants : c’est comme cela qu’on a fait baisser le nombre de morts sur la route. Nous sommes en France.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes malheureusement instruits par l’expérience : en l’absence de politique publique très incitative, ou très coercitive, voire les deux, il n’y a bien souvent pas d’amélioration pour un très grand nombre de salariés. C’est le cas de l’index égalité femmes-hommes : on observe, mais il n’y a pas d’amélioration à la hauteur des problèmes que rencontrent les femmes sur le marché du travail. Ce n’est pas suffisant.

Les seniors n’ont pas le luxe d’attendre, parce que nombre d’entre eux vont se retrouver sur le carreau, avec des durées de chômage qui se sont allongées et des difficultés qui se sont aggravées. La situation se dégrade depuis plusieurs années – on ne peut pas faire comme si on le découvrait. Si les organisations patronales et syndicales sont de bonne foi, où est le problème ? Elles n’auront pas l’obligation de parvenir à un accord mais, au moins, elles négocieront : il n’y a donc pas de risque à prévoir une sanction.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). À ce stade, nous ne parlons que d’une obligation de négociation : c’est le tout début du processus ! Si vous décidez dès maintenant que la négociation n’est pas obligatoire, ou que l’employeur pourra décider unilatéralement même si les partenaires sociaux parviennent à un accord, alors à quoi bon ? Il en va des entreprises comme de nos concitoyens : si la majorité est de bonne foi et respecte la loi, nous savons qu’une minorité ne la respectera pas ; c’est pour cela qu’il faut prévoir une sanction dans la loi.

Par ailleurs, vous dites que l’on négocie mal sous la contrainte. Alors que penser du conclave, organisé sous la menace d’une application de la réforme des retraites si jamais aucun accord n’est trouvé ? Si cela n’est pas une négociation sous la contrainte, je ne sais pas ce que c’est !

Monsieur le rapporteur, j’ai du mal à comprendre votre position. En dépit des incohérences et contradictions de ce texte que nous avons soulignées et des arguments de fond que nous avons avancés, vous maintenez qu’il faut transposer fidèlement l’ANI, alors que celui-ci ne sera pas opérant. Nous avons là un désaccord politique, et j’aimerais vous voir expliquer factuellement l’intérêt de cette pommade, qui ne soignera pas la réforme des retraites.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS77 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Afin que le Fipu soit davantage utilisé, il est proposé que l’ensemble des partenaires sociaux puissent le mobiliser, et pas seulement les employeurs.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Nous avons évoqué cette question lors de l’examen de votre amendement AS76 à l’article 1er. Pour les mêmes raisons, je souhaite le retrait du présent amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je maintiens mon amendement mais je suis tout à fait disposée à trouver, avec le rapporteur, une formulation qui convienne mieux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS46 de M. Louis Boyard

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Tel que le texte est rédigé, l’employeur dispose de fait d’un droit de véto puisqu’il prendra la décision quelle que soit l’issue de la négociation. Il nous paraît primordial d’équilibrer la négociation en accordant le même droit aux instances représentatives du personnel. En effet, si l’accord proposé est positif pour les salariés, alors ils ne s’y opposeront pas. Ils ne pourront s’y opposer que si l’accord n’est pas bon, c’est-à-dire s’il ne permet pas d’atteindre l’objectif d’amélioration de l’accueil des seniors dans l’emploi. Cela permettrait en outre de s’assurer de la bonne foi de toutes les parties prenantes.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Nous avons là un désaccord politique : nous ne partageons pas votre vision conflictuelle du dialogue social. Je rappelle qu’un accord n’est valide qu’à la condition d’avoir été approuvé par l’employeur et par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des salariés ayant reçu au moins 50 % des suffrages exprimés. Il n’est donc pas nécessaire d’aménager un droit de véto.

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). « Si [aucun] accord collectif n’a pu être conclu, l’employeur peut l’appliquer au moyen d’un document unilatéral [...] » : c’est quelle conception du dialogue social, ça ?

M. Stéphane Viry, rapporteur. Il y a un accord de branche.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’employeur, qui peut décider unilatéralement, dispose de fait d’un droit de veto, mais vous refusez d’accorder aux employés un pouvoir équivalent – et c’est nous qui aurions une vision dure du dialogue social ? Pourquoi le CSE ne pourrait-il pas, lui aussi, produire un document unilatéral ? Ce serait super ! Puis-je avoir une réponse sur ce point ?

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’accord de branche ou, par défaut, le plan d’action embarque toutes les entreprises de la branche – ce n’est pas comme s’il n’y avait rien. L’employeur ne peut donc pas imposer ce qu’il veut, de façon unilatérale, concernant l’emploi des seniors.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je peux vous rétorquer la même chose concernant le CSE.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 non modifié.

TITRE II
PRÉPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE

Article 3 : Renforcer l’impact de l’entretien professionnel des salariés au cours de la deuxième partie de carrière

Amendements AS54 et AS56 de M. Louis Boyard (discussion commune)

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous sommes critiques s’agissant de la loi El Khomri, qui a supprimé la visite médicale d’aptitude à l’embauche. On nous rétorquera qu’il existe une visite médicale de mi-carrière. Quelqu’un sait-il combien de visites médicales de mi-carrière ont été organisées en 2022, date du dernier rapport ? 20 000 !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il y en a eu 60 000 l’année dernière.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Même 60 000, cela reste insuffisant, et aucun accord de branche ne traite cette question.

Nous faisons donc toute une série de propositions permettant de rendre cette disposition plus opérante, afin que les visites médicales assurent aux salariés de bonnes conditions de travail, respectueuses de leur santé.

M. Stéphane Viry, rapporteur. La proposition que vous faites excède largement le champ de l’ANI et même de l’emploi des seniors. La transposition de l’ANI n’est pas le bon véhicule législatif pour évoquer les dispositions de la loi El Khomri.

J’aimerais quand même évoquer un chiffre : 66 425 visites médicales de mi‑carrière ont été effectuées par des salariés en 2023. La visite médicale d’aptitude a été remplacée par la visite d’information et de prévention, qui a fait ses preuves, et cela n’empêche pas un suivi renforcé pour les salariés exposés à des risques particuliers. Ainsi, pour les postes à risques, l’examen médical d’aptitude préalable à l’embauche continue à être obligatoire.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Ce chiffre de 60 000 est à comparer aux 8 millions de visites effectuées chaque année par les services de prévention et de santé au travail selon le rapport de 2022 : on ne peut pas parler d’un franc succès !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il s’agit du nombre de visites médicales de mi‑carrière, que l’on passe vers 45 ans : ce n’est pas le nombre total de visites.

Lors des auditions, la question de la difficulté à trouver des professionnels de santé pour passer les visites médicales a été évoquée. Une très forte progression a été notée concernant cet entretien de mi-carrière.

La commission rejette successivement des amendements.

Puis elle adopte l’amendement AS89, rédactionnel, de M. Stéphane Viry.

*

*     *

Lors de sa seconde réunion du lundi 23 juin 2025, la commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (n° 1526) ([81]).

TITRE II
PRÉPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE

Article 3 (suite) : Renforcer l’impact de l’entretien professionnel des salariés au cours de la deuxième partie de carrière

Amendement AS81 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Afin de renforcer le secret médical et d’éviter que l’employeur ne soit tenté d’obtenir des informations quant aux difficultés de son salarié à exercer ses missions dans la durée, je propose de compléter l’article par la phrase suivante : « L’employeur ne peut avoir accès aux résultats de la visite médicale. »

M. Stéphane Viry, rapporteur. Votre amendement est totalement satisfait par les dispositions en vigueur qui imposent le secret dans le suivi médical des travailleurs. Leur dossier médical ne peut être consulté qu’avec leur consentement par les professionnels de santé, en aucun cas par l’employeur.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS85 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS74 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le maintien en emploi des salariés expérimentés est directement lié à la question de leurs conditions de travail. Nous proposons d’inclure « le contenu technique du travail, son organisation, les conditions de travail et les relations au travail » parmi les sujets abordés lors de l’entretien de mi-carrière.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’article 3 du projet de loi transpose fidèlement l’article 2.1 de l’accord national interprofessionnel, qui prévoit notamment que l’entretien aborde « l’adaptation ou l’aménagement des missions et du poste de travail, la prévention de situations d’usure professionnelle ». Nous devons conserver cette transcription. Or, votre amendement s’en éloigne.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS79 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je propose que le salarié puisse « solliciter l’intervention de professionnels de santé au travail pour évaluer l’organisation collective de travail ». Il s’agit de ne pas se focaliser sur les questions individuelles – qu’elles soient d’ordre physique ou psychologique – puisque la pénibilité est également liée à l’organisation du travail et qu’elle demande l’intervention de professionnels de plusieurs disciplines.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Cette mesure n’a pas fait l’objet de discussions entre les partenaires sociaux. Elle ne concerne pas les travailleurs expérimentés, mais l’organisation du travail en général.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les politiques de prévention ont souvent le tort d’individualiser les problèmes alors qu’il faut s’interroger sur l’organisation générale du travail, qui a davantage d’impact sur la santé des plus âgés.

M. Stéphane Viry, rapporteur. La question de l’organisation collective de travail a davantage sa place à l’article 2 du projet de loi, qui prévoit des négociations sur « l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés ». Je rappelle en outre que, au cours de la visite médicale de mi-carrière, le salarié peut solliciter des professionnels de santé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS78 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le compte professionnel de prévention est su peu utilisé que ses effets sont microscopiques. Cette sous-utilisation est liée à sa restriction par les ordonnances dites « Macron » de 2017, mais elle relève aussi de difficultés d’accès au droit. Nous proposons que l’entretien soit une occasion d’informer le salarié de ses droits liés à ce dispositif.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’amendement est satisfait par l’article L. 6315‑1 du code du travail, qui prévoit que l’entretien professionnel comporte des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces informations ne concernent pas le compte professionnel de prévention. Il peut donc arriver que, par manque d’information, le salarié confronté à des situations de dangerosité n’accomplisse pas les démarches nécessaires au bénéfice de ses droits. Je maintiens mon amendement et je le redéposerai en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS11 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Cet amendement d’appel propose que l’entretien professionnel intervienne cinq ans avant le soixantième anniversaire du salarié, et non deux ans auparavant. En 2023, 19 % des Français âgés de 55 à 59 ans étaient sans activité. Cette proportion augmente avec l’âge. Par conséquent, plus l’entretien intervient tôt, plus nous aurons de possibilités d’anticiper les difficultés.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les partenaires sociaux ont convenu, à l’article 2.2 de l’accord national interprofessionnel, que l’entretien professionnel, au cours duquel seront notamment abordées les options de passage au temps partiel et de retraite progressive, ait lieu dans les deux années qui précèdent le soixantième anniversaire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

TITRE III
LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D’EMPLOI SENIORS

Article 4 : Mise en place d’une expérimentation d’un contrat de valorisation de l’expérience

Amendement de suppression AS42 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’article 4 va à contre-courant de ce qu’il faut faire. Nous proposons donc de le supprimer. On ne peut pas d’un côté dire qu’il faut alimenter les caisses et de l’autre créer un dispositif d’exonération de cotisations sociales. L’étude d’impact évalue le coût de la mesure à 3,5 millions d’euros si 1 % des seniors optent pour ce nouveau contrat, soit 3,5 milliards d’euros pour l’ensemble des personnes concernées. Ce n’est pas un petit budget. Il faut aussi considérer l’effet d’aubaine, car des entreprises réembaucheront des salariés déjà employés au cours des six mois précédents.

En outre, notre pays connaît une pénurie d’emplois. La ministre du travail a déclaré qu’il ne fallait pas opposer l’emploi des jeunes et l’emploi des seniors. Elle semble oublier que la quantité d’emplois est un stock : plus vous faites entrer de personnes qui en occupent, moins il en reste pour les demandeurs. C’est mathématique. Je rappelle qu’il existe aujourd’hui entre 500 000 et 800 000 emplois non pourvus contre 6 millions de demandeurs d’emploi.

C’est pourquoi nous sommes défavorables à ce nouveau contrat, que nous proposons de supprimer.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’article 4 transpose une mesure essentielle de l’accord. Ce dispositif simple et lisible mérite d’être expérimenté car il s’attaque à la difficulté pour l’employeur d’anticiper le coût et les conditions de départ à la retraite. Il s’agit d’un des principaux freins à l’embauche des travailleurs plus âgés. Nous avons pu le constater lors des auditions préparatoires, je le constatais déjà au cours de la mission d’information menée en 2021 avec notre ancien collègue Didier Martin sur l’emploi des travailleurs expérimentés. Malgré leur expérience a durée moyenne de chômage des personnes de plus de 55 ans atteint 588 jours.

Le dispositif proposé comporte certes une incitation financière, mais il s’agit surtout de donner de la visibilité à l’employeur. En tant que rapporteur, ma mission n’est pas de supprimer un article et, à titre personnel, j’ai la conviction qu’il faut mettre à la disposition de France Travail et des opérateurs de l’emploi un mécanisme adapté. Il existe actuellement une carence dans l’offre de contrats de travail. Nous disposons de contrats différenciés, notamment pour les jeunes. Celui-ci sera-t-il plus efficace que le contrat de génération promu par François Hollande ? Je l’ignore, mais il faut l’expérimenter avant d’en dresser un bilan le moment venu.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’argumentaire de notre collègue Boyard appelle deux remarques. D’abord, je ne suis pas un grand amateur de ce type d’expérimentation ; on se souvient de ce qu’avaient donné les contrats première embauche chers à Dominique de Villepin. Chaque fois, on invente un dispositif qui concerne un faible public et qui ne résout pas les problèmes de fond. Celui-ci suscite une plus grande confiance dans la mesure où l’idée ne vient pas de François Bayrou, mais des syndicats et des organisations patronales. S’ils se sont mis d’accord, je veux bien essayer.

Toutefois, le préalable à tout succès est la création d’emplois. Si l’on continue de délocaliser et de supprimer des postes, il sera impossible de mettre tout le monde au travail, quelles que soient les conditions sociales. C’est d’ailleurs ce qu’a dit en substance notre collègue Boyard : si le stock de travail est trop réduit, il y aura moins d’offre que de demande et il n’y aura pas un emploi pour chacun. Si l’on suit ce raisonnement, il faut immédiatement arrêter l’immigration : les immigrés, eux aussi, occupent des emplois. Je suis agréablement surpris par cette argumentation dont les accents rappellent Georges Marchais.

Je reste toutefois en désaccord avec l’amendement sur le fond.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Manifestement, vous ne connaissez pas le texte. L’article 4 n’est pas une proposition des partenaires sociaux ; c’est le cavalier social, censuré par le Conseil constitutionnel, qui avait été négocié entre les Républicains et les partisans d’Emmanuel Macron au moment de la réforme des retraites en 2023.

Deuxièmement, il y a une différence fondamentale entre votre groupe et le mien : nous avons un programme cohérent qui vise à créer de l’emploi. Il faut, par exemple, 300 000 agriculteurs supplémentaires pour une agriculture biologique respectueuse des sols. Toutefois, puisque vous votez plus ou moins toutes les lois proposées par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, nous serons d’accord sur le sujet.

Troisièmement, il faut prendre en compte la question de la démographie, qui risque d’occuper notre commission longtemps. L’indice conjoncturel de fécondité plafonne actuellement à 1,6. La moitié du programme du Rassemblement national en matière de protection sociale consiste à relancer la natalité. Mais je ne connais pas un pays qui y soit parvenu, y compris par des politiques d’extrême droite : en Hongrie, où l’État est revenu sur énormément de droits des femmes, l’indice conjoncturel de fécondité continue de baisser.

Enfin, bien que vous parliez constamment de la situation des finances publiques, vous êtes rarement présents quand il s’agit de trouver des recettes pour la sécurité sociale. En revanche, pour une nouvelle dépense, tout le monde est là ! La mécanique est toujours la même : une réforme censée faire entrer de l’argent dans les caisses puis, pour en corriger les erreurs, de nouvelles dépenses. C’est une spirale infernale dont vous ne sortirez pas. Je vous invite à la cohérence : si vous êtes libéraux et si vous voulez limiter les dépenses pour préserver notre système de sécurité sociale, votez contre l’article 4 !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je m’abstiendrai sur cet amendement de suppression car je considère que nous devons étudier ces contrats pour y apporter plusieurs modifications. Mon vote sur l’article 4 dépendra de leur adoption.

Il n’est pas ahurissant d’envisager des dépenses sociales pour lutter contre certaines discriminations, y compris celles dont sont victimes les seniors à l’embauche. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment de leurs droits. Or, les contrats proposés ici présentent un problème majeur : ils permettent à l’employeur de mettre à la retraite d’office la personne embauchée à l’instant où celle-ci pourra prétendre au taux plein. En d’autres termes, on lui refuse la possibilité de prétendre à une surcote, même si elle s’en sent capable. Quand on sait les difficultés que de nombreux pensionnés rencontrent à vivre une retraite digne, même à taux plein – sans même parler de celui qui sera fixé à l’avenir –, cette proposition est inacceptable. Elle créerait un précédent en permettant une mise à la retraite d’office, sans surcote, d’autant plus dommageable que les femmes sont celles qui ont le plus intérêt à valider des trimestres supplémentaires.

Cet allégement de cotisations sociales risque de créer un effet d’aubaine pour les entreprises en même temps qu’une rupture d’égalité avec d’autres travailleurs. Voilà les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’article 4, s’il n’est pas amélioré.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS45 de M. Louis Boyard, amendements identiques AS47 de M. Louis Boyard et AS66 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons par les amendements AS45 et AS47 de réduire la durée de cette expérimentation qui coûtera très cher – 3,5 milliards d’euros annuels – à un an au lieu de cinq. À défaut, nous proposons trois ans.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comme nos collègues, je considère que trois ans suffisent pour évaluer l’expérimentation. Il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à cinq.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les cinq ans ont été fixés par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel. Chaque fois que nous avons voté des expérimentations, comme celle des Territoires zéro chômeur de longue durée, en 2016 et 2020, c’était pour une durée de cinq ans, et c’est pourquoi j’ai été rapporteur d’une proposition de loi de prolongation il y a quelques semaines. Pour les partenaires sociaux, dont je partage le raisonnement, la durée de cinq ans permet une évaluation de qualité. Cela laisse au dispositif le temps de trouver son public ; en l’espèce, cela garantit aux entreprises et aux salariés une sécurité juridique suffisante. Le dispositif étant ouvert aux salariés de plus de 60 ans, il faut un certain délai avant d’enregistrer les premiers départs à la retraite dans le cadre du contrat.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à tous les amendements.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Un amendement de Mme Taillé-Polian a déjà été adopté ainsi qu’un amendement socialiste. La boîte de Pandore est ouverte, allons-y pour un troisième consensus !

Il y a une différence entre les Territoires zéro chômeur de longue durée et le contenu de l’accord national interprofessionnel. Les premiers étaient une avancée sociale tandis que le second, qui laisse l’employeur décider unilatéralement d’une mise à la retraite, constitue un recul. Cinq ans, c’est trop long pour une expérimentation. C’est la durée d’un mandat présidentiel.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). S’il faut cinq ans pour constater que les réformes ont un impact, je m’interroge sur le nombre de textes liés à l’immigration – plus d’un par an –, sans même parler des réformes du chômage. J’entends l’argument, encore faudrait-il que chacun se l’applique à soi-même !

M. Stéphane Viry, rapporteur. J’assume ce qui m’est imputable mais je ne prends pas la responsabilité du reste. Je siège dans un groupe d’opposition.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La durée de l’expérimentation me paraît excessive. Avec une évaluation bien menée, deux ans suffiraient. Nous avons déjà essayé ce type de mécanisme par le passé ; cela n’avait pas fonctionné et, compte tenu du montant important de l’indemnisation versée à chaque nouveau contrat, je ne suis pas sûre que celui-ci permette de développer réellement le travail à tout âge. Certes, on récupère de l’argent parce que les personnes au travail cotisent, mais la démarche me semble exagérée.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il y a confusion au sujet de l’indemnisation. En règle générale, un contrat qui se termine légalement donne le droit à une indemnité de départ à la retraite de deux mois de salaire au bout de trente ans dans la même entreprise. Puisque les gens seront embauchés après 60 ans et partiront à 65 ans, l’indemnité liée à ce contrat sera de quinze jours de salaire. Cela représente un faible montant global, de l’ordre de quelques millions d’euros.

Je vous invite à vous rendre dans les petites et moyennes entreprises des territoires ruraux qui ont du mal à recruter et où il arrive que des personnes de qualité se retrouvent au chômage à 60 ans. Si vous êtes employeur et que vous embauchez l’une de ces personnes en contrat à durée indéterminée, il y a une incertitude sur le temps qu’elle passera dans l’entreprise car la loi lui permet de rester jusqu’à 70 ans. Vous ne pouvez pas vous opposer à son maintien, à moins de la licencier. C’est un frein à l’embauche en contrat à durée indéterminée des plus de 60 ans. Cette expérimentation propose un contrat qui semble équilibré : l’employeur, qui connaîtra à l’avance la date de départ à taux plein de la personne embauchée, pourra s’en séparer à cette date.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous venez de réinventer le contrat à durée indéterminée et le contrat à durée déterminée. Un contrat à durée indéterminée n’a pas de date de péremption ; la seule personne qui peut y mettre fin est le salarié, hors cas particuliers encadrés par la loi. L’employé doit avoir la possibilité de se maintenir dans l’emploi jusqu’à ce qu’il décide le contraire, qu’il ait dépassé ou non l’âge légal de départ à la retraite. C’est son choix et son droit. Si l’employeur souhaite une date de fin connue, il n’a qu’à opter pour le contrat à durée déterminée, mais ce n’est pas à lui de décider de la fin de carrière de son employé. Ce que vous proposez représente un recul social majeur.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Effectivement, j’ai du mal à entendre que l’on appelle indéterminé un contrat à durée déterminée. Je ne suis pas hostile aux emplois aidés pour lutter contre les discriminations, mais on propose ici un outil censé aider le patronat à surmonter sa prévention contre l’embauche des seniors, et cela aboutit à pénaliser les personnes recrutées qui seront obligées de partir si leur employeur le veut. Parce qu’on a été embauché à 60 ans, on n’aurait pas le droit de poursuivre sa carrière pour obtenir une surcote ? Au lieu de lancer une grande politique de lutte contre les stéréotypes qui empêchent les plus âgés d’accéder à l’emploi, alors même que le taux d’employabilité baisse dès 45 ans, on dit aux employeurs de ne pas s’inquiéter, qu’ils pourront s’en débarrasser à une date précise. Cette philosophie pose problème.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur Turquois, je vous remercie d’avoir explicité votre pensée : le fait que les personnes vieillissent n’arrange pas l’employeur. Pourquoi ? Parce que certaines d’entre elles, physiquement, du fait de leur âge, ne peuvent plus assumer la charge de travail. C’est ce que nous n’avons pas cessé de répéter lors de la réforme des retraites : passé un certain âge, les gens ont le droit de partir à la retraite !

Pour lutter contre le chômage des plus âgés, il faut prendre à bras-le-corps le problème de la pénurie d’emplois. Mais c’est avant tout aux jeunes d’occuper ces emplois, non à ceux qui resteraient travailler pour une surcote. D’ailleurs, si vous créez le contrat à durée indéterminée senior, de nombreux travailleurs qui anticipent une petite retraite ne pourront viser la surcote. Ils postuleront des offres d’emploi et on les orientera forcément vers ce dispositif, faute de quoi ils ne seront pas embauchés car c’est trop cher. Ce n’est pas un petit procédé que vous proposez là. Le rapport indique qu’il coûtera 3,5 millions d’euros par an si 1 % des personnes éligibles y recourent, mais il touchera bien plus de gens. Je le dis pour convaincre les radicaux des finances publiques : tout cela va coûter cher.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. La réalité du terrain, c’est que la plupart des personnes de 60 ans au chômage qui veulent travailler ne trouvent pas de contrat à durée indéterminée. Si elles préfèrent un contrat à durée déterminée, ou si l’employeur est prêt à les garder longtemps, il n’y a pas de souci. Mais une petite ou moyenne entreprise qui doit embaucher quelqu’un sans le connaître ne lui proposera pas un contrat à durée indéterminée.

Les représentants syndicaux nous ont fait part de leurs questionnements sur ce dispositif. Par le passé, plusieurs mécanismes ont eu du mal à trouver leur public car ils manquaient de clarté ; celui-ci a le mérite d’être simple à comprendre. L’équilibre a été proposé à titre expérimental. C’est la raison pour laquelle a été prévue une durée de cinq ans.

Mme Océane Godard (SOC). Nos échanges montrent que ce projet de loi ne tient pas compte de la réalité du marché du travail : chacun a conscience que l’adéquationnisme ne fonctionne plus, et pourtant nos politiques publiques s’inscrivent toujours dans une quête du contrat à durée indéterminée, alors même que ce dernier n’est plus forcément la norme. Cela démontre les limites de l’innovation en matière de sécurisation des parcours professionnels.

Je comprends la nécessité d’aboutir à un texte équilibré. Mais la réalité est que, depuis des années, seules 10 % des déclarations préalables à l’embauche concernent des contrats à durée indéterminée. 40 % des embauches se font en contrat à durée déterminée et 50 % en intérim. Dans le même temps, la proportion de contrat à courte durée déterminée et de temps partiels augmente, voire explose. Ces contrats précaires concernent avant tout les seniors, les jeunes et les femmes.

Dès lors, ne pourrait-on pas – peut-être dans une prochaine étape, puisque cela ne semble pas être l’objet du présent texte – imaginer d’autres formes de sécurisation des parcours professionnels, particulièrement en fin de carrière ? Je regrette notre absence de marge de manœuvre pour réfléchir en ce sens.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS87 de M. Stéphane Viry.

Amendements identiques AS3 de Mme Océane Godard et AS49 de M. Louis Boyard

Mme Océane Godard (SOC). Nous souhaitons supprimer la possibilité de conclure un contrat de valorisation de l’expérience avec une personne ayant déjà travaillé dans l’entreprise ou dans une entreprise du même groupe. L’objectif principal de ce dispositif est d’aider les salariés expérimentés et éloignés de l’emploi à retrouver un travail stable. Si l’on permet aux entreprises de se tourner vers d’anciens salariés, il risque d’être détourné et utilisé comme une sortie de contrat à durée indéterminée qui ne dit pas son nom. L’entreprise pourrait licencier un salarié puis l’embaucher immédiatement sous un nouveau statut plus avantageux pour elle.

Il est ici question de salariés âgés, souvent fragilisés par leurs années de travail et dont la santé mentale pourrait être lourdement affectée par cette instabilité. Le fait d’être réembauché sous un contrat différent est susceptible d’engendrer stress, anxiété et sentiment d’insécurité.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Au-delà du risque de tuer la surcote et du caractère un peu étrange de ce nouveau contrat à durée indéterminée à durée pourtant déterminée, le délai de six mois prévu à l’article 4 est dangereux. Il créera forcément un effet d’aubaine puisqu’un salarié dont le contrat n’est pas renouvelé ou qui quitte l’entreprise pourra, s’il ne retrouve pas d’emploi rapidement, être réembauchée six mois plus tard par le même employeur. Je prends le pari que cela se produira et j’aimerais beaucoup que vous démontriez le contraire. Nous proposons donc de supprimer la fin de l’alinéa 5 pour éviter cet effet d’aubaine.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Les partenaires sociaux ont âprement discuté des conditions d’éligibilité à ce nouveau contrat. De nombreuses bornes ont été posées : le salarié doit avoir plus de 60 ans et un délai de carence de six mois s’impose. Tout a été fait, me semble‑t‑il, pour éviter les effets d’aubaine.

Le délai de carence prévu vise à prévenir la transformation des contrats à durée indéterminée classiques en contrats de valorisation de l’expérience. Nous en convenons tous : ce ne serait pas souhaitable. Cette durée de six mois s’applique déjà, de façon assez conventionnelle, dans le cumul emploi-retraite, pour renouveler un contrat à durée déterminée au-delà de dix-huit mois, ou encore à la suite d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Vos amendements conduiraient à interdire l’embauche de tout salarié antérieurement employé par une entreprise, alors que l’objectif est précisément de faciliter le retour à l’emploi. Des salariés passés dix ou quinze ans plus tôt dans une entreprise seraient privés de la chance d’y retourner et de retrouver un emploi grâce à ce nouveau contrat. Ce n’est pas la volonté des partenaires sociaux. Je rappelle également, s’il était besoin, qu’il est question ici d’une simple expérimentation.

Avis défavorable.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je partage l’inquiétude exprimée par nos collègues. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement AS9, identique à celui de Mme Godard, pour porter le délai de carence de six mois à deux ans.

Je crains en revanche que ces amendements, qui ne prévoient aucune limite de temps, ne créent un effet de bord au détriment de personnes qui, passées au tout début de leur vie professionnelle par une entreprise installée de longue date dans leur territoire – dans ma circonscription, l’usine Clairefontaine est implantée depuis 1858 –, ne pourraient plus jamais y retourner. Je suis donc plutôt favorable aux amendements suivants, qui semblent plus justes.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Au premier trimestre 2022, la durée moyenne d’inscription à Pôle emploi était de 293 jours, soit dix mois. Elle était, chacun le sait, beaucoup plus longue pour les seniors, dont beaucoup sont des chômeurs de longue durée, voire ne retrouvent jamais d’emploi avant l’âge légal de départ à la retraite.

Avec votre nouveau contrat, nous sommes en train de créer une procédure de licenciement systématique des salariés arrivant à l’âge d’éligibilité, qui seront renvoyés puis réembauchés à des tarifs défiant toute concurrence après six mois de vacances aux frais de la communauté appelée, par le biais des cotisations, à payer leurs six mois de chômage. Ce n’est même plus un effet d’aubaine : les entreprises seraient stupides de ne pas le faire. Ce que vous proposez est véritablement contre-productif.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je ne prétends pas qu’il n’y aura aucun abus. Mais, outre le fait que de tels licenciements devraient donner lieu à indemnité, une entreprise n’a pas intérêt à licencier un collaborateur pour le réembaucher six mois plus tard. Des milliers d’employeurs nouent avec leurs salariés des liens qui vont au-delà de relations purement professionnelles. Il est vrai que certains ne sont pas corrects mais, dans la majorité des cas, quand une entreprise emploie des gens qui travaillent correctement, elle ne s’en sépare pas.

Il existe en revanche une réelle difficulté pour des personnes âgées de plus de 60 ans, qui n’ont aucun espoir de trouver un contrat à durée indéterminée chez un employeur qui ne les connaît pas. Le dispositif proposé ouvre une nouvelle possibilité. Trouvera-t-il son public ? Je n’en sais rien. Mais ne laissons pas croire que tous les employeurs sont toxiques et cherchent à profiter de toutes les failles du code du travail. Ce n’est pas le cas, tant s’en faut.

M. François Gernigon (HOR). Les seniors ont une valeur : quand ils partent à la retraite, c’est un capital d’expérience et d’expertise qui est perdu. Les entreprises ne souhaitent pas les licencier, mais plutôt les maintenir dans l’emploi, ne serait-ce que parce que la transmission de leur savoir fait souvent défaut. Il faut raison garder : les chefs d’entreprise ne sont pas tous des mauvais qui cherchent absolument à licencier leurs salariés.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous légiférons pour 70 millions de personnes. La question n’est pas de savoir si le dispositif rencontrera un succès massif ou non, mais de reconnaître que l’effet d’aubaine est inévitable tout simplement parce qu’il y a, à la clef, une exonération de cotisations sur l’indemnité de mise à la retraite. Admettons que ces amendements vous paraissent excessifs. Nous en avons déposé un autre, prévoyant que les entreprises rendent compte de leur politique en matière d’emploi des seniors.

Vous ne pouvez pas prétendre que cet effet d’aubaine n’existera pas. L’enjeu est de savoir comment l’éviter. J’aimerais entendre ce que les rapporteurs comptent faire en ce sens.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS4 de Mme Océane Godard et AS9 de M. Gaëtan Dussaussaye, amendement AS68 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Océane Godard (SOC). Pour limiter le risque d’effet d’aubaine, nous proposons un amendement aux termes duquel aucun contrat de valorisation de l’expérience ne peut être conclu avec une personne ayant déjà été employée dans l’entreprise ou dans une entreprise du même groupe au cours des deux années précédentes.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je retire mon amendement au profit de celui de Mme Godard.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Même avis que précédemment. Je me borne à respecter le délai de carence de six mois retenu par les partenaires sociaux, d’autant qu’il s’applique à d’autres dispositifs prévus par le code du travail.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Si les partenaires sociaux vous demandaient de sauter dans un ravin, vous ne le feriez pas. Or, c’est bien ce dont il est question ici : ce n’est pas verser dans la caricature que de dire qu’à l’évidence, certaines entreprises chercheront à tirer profit de ce nouveau contrat pour bénéficier d’une exonération de cotisations sociales. Nous devons réfléchir à la façon de l’éviter, à moins que vous nous démontriez que des garde-fous existent. Quels sont-ils ?

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’expérimentation nous le dira : soit elle infirmera vos craintes, soit elle déjugera les partenaires sociaux et moi-même.

L’amendement AS68 est retiré.

La commission adopte les amendements AS4 et AS9.

Amendements identiques AS52 de M. Louis Boyard et AS67 de Mme Sophie TailléPolian

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je n’ai pas beaucoup aimé la réponse du rapporteur mais, ce soir, nous fabriquons du consensus. Nous co-construisons. Par cet amendement, nous proposons d’imposer aux entreprises souhaitant conclure ces nouveaux contrats de faire la transparence sur leur pratique. Dès lors qu’on lance une expérimentation, il importe d’étudier les comportements des acteurs vis-à-vis du dispositif créé. Je suggère que nous nous donnions les moyens de cette analyse et de corriger le tir si cet effet d’aubaine était avéré.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les données sont claires : les entreprises ont tendance à se séparer brutalement de leurs salariés âgés et elles les recrutent moins que les salariés des autres classes d’âge. Cette discrimination documentée repose sur des idées reçues, absentes dans d’autres pays et dont nous devrions nous défaire. Nous ne pouvons que la regretter, d’autant qu’elle coûte cher aux entreprises car l’expérience de ces travailleurs pourrait leur profiter.

Comment envisager d’aider des entreprises qui licencient leurs salariés de plus de 50 ans à recruter moins cher des salariés de 60 ans, à travers les exonérations de cotisations prévues dans le contrat proposé ? Mes collègues dénonçaient le risque, avéré mais limité à des cas individuels, qu’une entreprise licencie un salarié pour l’embaucher de nouveau à moindre coût grâce à ce nouveau mécanisme. En fait, l’effet d’aubaine sera plus large : les entreprises pourront se débarrasser des quinquagénaires qu’elles tiennent pour des canards boiteux, augmentant au passage le chômage de longue durée de cette catégorie d’âge, puis embaucher d’autres actifs, supposément plus compétitifs, pour moins cher et avec l’aide de la puissance publique. Nous ne pouvons l’accepter.

Le bon sens commande que les entreprises qui licencient à tour de bras les salariés de plus de 50 ans n’aient pas accès à ce contrat.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Vous souhaitez subordonner le bénéfice du contrat de valorisation de l’expérience à la publication d’indicateurs annuels. La proposition est intéressante et non dénuée de bon sens, mais je la trouve prématurée.

Vous prévoyez ceinture et bretelles pour éviter tout effet d’aubaine, au nom du préjugé selon lequel on ne peut pas faire confiance aux employeurs. Or, nous ne savons pas encore si le contrat prévu à cet article atteindra sa cible. Des dispositifs similaires tels que le contrat de génération ou le contrat à durée déterminée pour les seniors, par exemple, n’ont jamais trouvé leur public. Attendons donc avant de l’alourdir. Évitons de réduire son attractivité en ajoutant des contraintes. En outre, vos amendements ne prévoient pas de seuil. Même les plus petites entreprises devraient assumer une charge administrative supplémentaire.

Le contrat de valorisation de l’expérience a l’avantage de la lisibilité et de la clarté. L’expérimentation montrera s’il y a lieu ou non d’encadrer davantage un dispositif qui l’est déjà largement.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il ne s’agit pas de spéculations : les données montrent que les salariés de plus de 55 ans représentent une part beaucoup plus importante des licenciements que les plus jeunes. C’est l’une des raisons du sous-emploi massif des seniors.

Non seulement l’accord national interprofessionnel ne fait rien pour lutter contre ce problème, mais il permettra à des entreprises qui licencient leurs salariés quand ils atteignent 50 ans ou 55 ans d’embaucher des sexagénaires en bénéficiant d’exonérations de cotisations sociales, sous couvert de favoriser l’emploi des plus âgés. C’est incroyable, ubuesque ! Nous aiderions les entreprises qui mènent ces politiques discriminatoires et qui licencient à tour de bras à baisser le coût du travail ? C’est une question de bon sens et de cohérence dans l’allocation des fonds publics.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le souci du bon usage des fonds publics impose la transparence de l’expérimentation. Nous verrons, dites-vous. Mais encore faudrait-il que nous puissions voir ! C’est l’objet de cet amendement. Nous nous gardons bien de jeter la suspicion sur les entreprises. J’en appelle à votre sens des responsabilités : au vu du nombre de personnes concernées par ce contrat, le phénomène que nous dénonçons va se produire. Il nous faut donc des indicateurs.

Vous regrettez l’absence de seuil dans l’amendement. Nous déposerons en séance publique un amendement qui en prévoira un. J’espère que vous émettrez un avis favorable.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Des statistiques pourraient enrichir l’évaluation de cette expérimentation.

Madame Taillé-Polian, pendant des décennies, tous les groupes politiques ont massivement utilisé l’emploi des seniors comme variable d’ajustement à travers les mesures relatives aux préretraites et aux départs anticipés. Les grands groupes ont intégré cette politique, même si les auditions ont montré une prise de conscience de la valeur de l’expérience de ces travailleurs.

Dans le passé, l’expérimentation du contrat de travail partagé aux fins d’employabilité, destiné aux publics très éloignés de l’emploi, n’a pu donner lieu à des statistiques comme l’ont noté les corps d’inspection. En effet, la déclaration sociale nominative ne permettait pas aux employeurs d’indiquer spécifiquement le recours à ces contrats.

Il faut que j’évoque le sujet avec le co-rapporteur, mais une case pourrait être imaginée dans la déclaration sociale nominative concernant le contrat de valorisation de l’expérience. À l’issue des cinq années d’expérimentation, nous saurions quelles entreprises recourent à ces contrats et si certaines d’entre elles licencient en parallèle des salariés âgés, comme vous le craignez. Voilà qui satisferait votre demande.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Déposerez-vous un amendement en ce sens lors de l’examen du texte en séance publique ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Il faut que je vérifie si cet élément a été évoqué. Je ne vois pas en quoi les partenaires sociaux seraient gênés si nous permettions aux employeurs de documenter leur recours au contrat de valorisation de l’expérience dans la déclaration sociale nominative. Il faudrait que la ministre s’engage en séance publique à le permettre. Mme Catherine Vautrin l’avait déjà fait pour le contrat de travail partagé aux fins d’employabilité, il y a quelques mois.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS5 de Mme Océane Godard et AS53 de M. Louis Boyard

Mme Océane Godard (SOC). Nous proposons de supprimer les alinéas 8 et 9, qui imposeraient aux salariés de donner à leur employeur, dès la signature du contrat de travail, une date prévisionnelle de départ à la retraite. Ils permettraient à l’employeur de mettre fin au contrat dès que le salarié atteint l’âge légal et la durée d’assurance nécessaires au taux plein.

De telles mesures priveraient le salarié de la capacité de choisir quand partir à la retraite. Elles forceraient son départ et iraient à l’encontre de la liberté individuelle. En outre, les employeurs pourraient utiliser ce cadre pour déguiser des ruptures du contrat de travail ou planifier des départs forcés.

Enfin, les alinéas visés pourraient être contraires au code du travail, qui interdit toute différence de traitement fondée uniquement sur l’âge, sauf si elle est nécessaire et proportionnée.

Lors des auditions, les organisations syndicales ont rappelé que le contrat créé à cet article doit rester protecteur et que le salarié doit y souscrire volontairement. Il ne doit pas servir à pousser vers la sortie des travailleurs expérimentés.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge, vous demandez aux salariés de fournir les outils d’une nouvelle discrimination. Les bras m’en tombent.

Tout d’abord, il n’est pas certain que les seniors disposeront des documents demandés. Il faut parfois plus d’une année pour connaître la date à laquelle il est possible de partir à la retraite à taux plein. Tous ceux qui arrivent en fin de carrière subissent ainsi le manque de telle ou telle fiche de paie. Certains continuent même de travailler après la date légale de départ à la retraite, faute de la connaître.

Mais supposons tous les documents réunis : comment fixer avec l’employeur une date de départ en retraite dès la signature du contrat ? Il faudrait pour cela savoir ce que la vie réserve à chacun.

En outre, ce dispositif renforcera les inégalités entre hommes et femmes. Celles‑ci cherchent à compenser l’infériorité de leurs salaires tout au long de leur carrière en cotisant plus longtemps, pour bénéficier d’une surcote. Le dispositif les en empêchera. Vous ajoutez une discrimination fondée sur l’âge de manière totalement contre-productive.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Il est essentiel que le salarié puisse transmettre à son employeur un document communiqué par la Caisse nationale d’assurance vieillesse mentionnant la date prévisible à laquelle il pourra partir à la retraite à taux plein, si nous voulons lever les freins à l’embauche de cette catégorie de la population.

Actuellement, les employeurs renoncent à embaucher parmi les plus âgés, faute de savoir quand ceux-ci partiront à la retraite, comme l’indiquent la littérature et les partenaires sociaux. Pour les employeurs, c’est un problème de visibilité, de garantie, de sécurité. Nous proposons donc, à titre expérimental, le partage d’informations entre l’employeur et le salarié, pour augmenter le taux d’emploi des travailleurs expérimentés.

Par ailleurs, pourquoi proposer de supprimer l’alinéa 9, qui garantira que les salariés concernés ne pourront être mis à la retraite s’ils n’ont pas atteint l’âge de départ et ne remplissent pas les conditions de la liquidation à taux plein ? Cet alinéa assure les conditions dans lesquelles ils quitteront leur emploi.

La suppression de ces deux alinéas serait contre-productive pour les salariés, et mettrait à mal l’objectif incitatif de l’article 4.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Comme les employeurs l’expliquaient à l’époque où ils pouvaient l’assumer publiquement, s’ils emploient moins de femmes que d’hommes, c’est parce que celles-ci risquent de tomber enceintes, de demander des temps partiels et des congés parentaux. Si l’on suit votre logique, il faudrait donc instaurer un contrat spécial pour les femmes où elles indiqueraient à quelle date elles prévoient une grossesse et quelle durée de congé parental elles souhaitent. Vous utilisez des outils de discrimination pour lutter contre une discrimination. Cette logique absurde ne fera que conforter les inégalités !

Qu’il s’agisse de la date de départ à la retraite ou de celle d’une maternité, l’incertitude est la même et le parallèle montre l’absurdité de votre argument.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Oui, le problème est clairement la discrimination à l’embauche des travailleurs de plus de 60 ans.

Si les employeurs souffrent du manque de visibilité quant à l’âge de départ à la retraite de leurs salariés, instaurez la retraite à 60 ans et vous aurez résolu le problème. De fait, nous nous arrachons les cheveux à propos du chômage d’une catégorie de la population dont une part n’est plus capable de travailler.

Si, comme vous le prévoyez, les contrats de valorisation de l’expérience donnent droit à plusieurs milliers d’euros d’exonérations, au vu des tensions sur le marché, certaines entreprises n’embaucheront plus qu’avec ce contrat de travail. Ainsi, tous ceux qui ne peuvent produire les documents administratifs nécessaires, dont on a vu qu’il fallait parfois un an pour les obtenir, seront exclus du marché de l’emploi.

Puisque les entreprises cherchent à améliorer leur image en embauchant des seniors, elles utiliseront ce dispositif et elles les empêcheront, de fait, d’accéder à la surcote. Ce n’est pas une question mineure alors que la pension à taux plein de certains retraités ne leur permet pas de vivre correctement. Supprimons donc les alinéas 8 et 9 !

La commission rejette les amendements.

Amendement AS72 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement supprime l’alinéa 8. C’est un leitmotiv du patronat depuis des décennies : les entreprises n’embaucheraient pas à cause de la complexité des procédures de licenciement. Cet argument, qui justifie ici la transmission à l’employeur de la date à laquelle il pourra faire partir le salarié, est utilisé à tort et à travers. Si nous l’acceptons, pourquoi ne pas supprimer tous les contrats à durée indéterminée ?

Deuxièmement, la retraite est un droit et non pas une obligation. C’est la raison pour laquelle la gauche défend le droit à la retraite à 60 ans, mais pas l’obligation de la prendre à cet âge. Nombre de travailleurs souhaitent poursuivre leur vie professionnelle, que ce soit pour avoir une pension plus importante ou parce qu’ils ne souhaitent pas encore de partir. Ne transformez donc pas un droit en un couperet !

S’il s’agit, comme vous le répétez, de travailler plus, n’en empêchez pas ceux qui souhaiteraient le faire en permettant aux entreprises de s’en séparer avant l’heure après avoir perçu des exonérations de cotisations sociales à l’embauche. Les travailleurs expérimentés ont une valeur en soi. Ne penser qu’à s’en débarrasser au moment où on les embauche, c’est leur renvoyer une bien mauvaise image d’eux-mêmes. Il faut, au contraire, les valoriser, et ce n’est certainement pas en les obligeant à prendre leur retraite que vous le ferez.

Suivant l’avis de M. Stéphane Viry, rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS86 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS71 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement de repli vise, lui aussi, à supprimer l’obligation pour les salariés de remettre à leur employeur un document mentionnant la date prévisionnelle à laquelle ils justifieraient des conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Le fait de transmettre cette information personnelle n’est en réalité utile qu’aux employeurs.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Le fait que l’employeur connaisse cette date me semble conforme à l’esprit de l’article 4 voulu par les partenaires sociaux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS88 de M. Stéphane Viry.

Amendements identiques AS6 de Mme Océane Godard, AS55 de M. Louis Boyard et AS70 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement supprime l’exonération de la contribution patronale de 30 % sur les indemnités de licenciement créée par l’article 4. C’est un cadeau injustifié aux employeurs, qui pourraient ainsi profiter à la fois d’une main-d’œuvre expérimentée recrutée à moindre coût et d’un allègement de cotisations au moment de la rupture du contrat. Dans un contexte de finances publiques contraintes, alors que les niches sociales prolifèrent et creusent le déficit de la sécurité sociale, ni le coût ni l’efficacité de cette mesure n’ont été évalués.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS55. Il est grand temps d’arrêter les exonérations de cotisations. Les rapports de la Cour des comptes montrent que le problème de la sécurité sociale est celui des recettes, non des dépenses. Plutôt que d’exonérer, à plus forte raison sans compensation comme c’est souvent le cas, il faut réfléchir et envisager d’autres incitations.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Cette exonération est l’unique avantage socio-fiscal associé au contrat de valorisation de l’expérience : la supprimer revient à retirer toute sa pertinence au dispositif négocié par les partenaires sociaux. L’avantage social est, du reste, modéré : au Sénat, la ministre en a estimé le coût à une trentaine de millions d’euros, soit bien moins que les 800 millions d’euros avancés pour le mécanisme introduit dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui ouvrait droit à une exonération de cotisations familiales. Qui plus est, si les demandeurs d’emploi visés retrouvent une activité et un bulletin de salaire, outre les coûts évités de l’allocation chômage, les cotisations sociales versées par l’employeur au titre du contrat de valorisation de l’expérience abonderont les caisses de la protection sociale.

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). De nombreuses questions restent sans réponse : elles portent sur la surcote, sur l’effet d’aubaine et sur les personnes qui pourraient ne pas être embauchées faute d’aller au bout des longues démarches administratives requises. Au terme des discussions et au moment d’inscrire le dispositif dans la loi, notre rôle de législateur est d’en constater les effets : les rapporteurs ne pourraient-ils pas prendre acte des observations des autres députés et procéder à certains changements d’ici à l’examen en séance publique ?

M. Stéphane Viry, rapporteur. La ministre, qui sera présente en séance publique, pourra contribuer au débat avec des éléments dont les rapporteurs que nous sommes n’ont peut-être pas connaissance. Notre ligne est d’être fidèles au document que les partenaires sociaux ont signé et qui est le fruit d’un compromis obtenu au terme de débats serrés. Qui sommes-nous pour considérer leur travail insuffisant et imparfait, et nous asseoir dessus ? Nous respectons non seulement ce qui a été signé, mais aussi le chemin qui a mené à cette signature. Des discussions entre le patronat et les organisations syndicales sur une question aussi sensible que les retraites, et renvoyant aux problèmes politiques des mois passés, n’ont pu être qu’ardues. Certains éléments ont été écartés et d’autres retenus. Nous ne pouvons pas rejouer la partie par la voie parlementaire indépendamment de la matière première qui nous a été fournie.

Notre débat est néanmoins d’une excellente qualité et, bien qu’émettant des avis défavorables sur vos amendements, je prends note de vos propositions, de vos idées et de vos interpellations. Je m’interroge aussi. Nous verrons ce qu’il en advient, mais les heures que nous venons de passer ont été fructueuses, même si vous trouvez que la ligne n’a pas assez bougé.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS73 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’amendement remet le débat parlementaire au cœur de l’évaluation et des décisions à venir sur la fin de l’expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience. J’ajoute qu’au vu des propositions qui ont été rejetées et des graves risques d’effet d’aubaine induits, nous nous opposerons à l’article 4.

M. Stéphane Viry, rapporteur. L’amendement ajoute un élément qu’il ne semble pas nécessaire de préciser car il est déjà implicitement admis que le rapport d’évaluation d’une expérimentation a vocation à éclairer le législateur sur l’opportunité de reconduire ou de pérenniser le dispositif.

Je demande donc un retrait. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement AS7 de Mme Océane Godard

Mme Océane Godard (SOC). Je demande la remise au Parlement, dans un délai de six mois, d’un rapport évaluant l’intérêt, la faisabilité et le coût d’un mécanisme permettant de ne pas faire peser sur l’employeur les dépenses liées à une maladie professionnelle reconnue pour un salarié embauché en contrat de valorisation de l’expérience.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Le législateur s’est déjà attaché, au cours des dernières années, à favoriser la mutualisation, entre les employeurs successifs d’un salarié, des cotisations à la branche accidents du travail et maladies professionnelles dues lorsque celui-ci déclare une maladie professionnelle. En outre, la mesure que vous proposez ne figure pas dans l’accord conclu par les partenaires sociaux, que nous nous attachons à transposer fidèlement.

Je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

TITRE IV
FACILITER LES AMÉNAGEMENTS DE FIN DE CARRIÈRE

Article 5 : Précision des justifications devant être apportées par l’employeur en cas de refus d’une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS90 et AS91 de M. Nicolas Turquois.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Suivant l’avis de M. Nicolas Turquois, rapporteur, la commission rejette l’amendement AS40 de M. Louis Boyard.

Article 6 : Possibilité de négocier par accord collectif un versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’un passage à temps partiel

Suivant l’avis de M. Nicolas Turquois, rapporteur, la commission rejette l’amendement AS57 de M. Louis Boyard.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS92 de M. Nicolas Turquois.

Elle adopte ensuite l’article 6 modifié.

Article 7 : Sécurisation de la mise à la retraite d’un salarié recruté après avoir atteint l’âge de départ à la retraite à taux plein

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS93 de M. Nicolas Turquois.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

TITRE V
AMÉLIORER LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL

Article 8 : Suppression de la limite de trois mandats successifs pour les élus du comité social et économique

Amendement AS58 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’amendement réduit de quatre à deux ans la durée du mandat au sein du comité social et économique afin de dynamiser la démocratie en entreprise. C’est un effet dont témoigne l’exemple fructueux des dernières élections législatives, que nous pourrions appliquer aux entreprises, où n’existe pas le droit de dissolution du Président de la République.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Avis défavorable.

Les partenaires sociaux ont été unanimes à cet égard. On a voulu, en 2017, pour favoriser le renouvellement, limiter à trois le nombre de mandats, avec des élections tous les quatre ans. La réalité est qu’il est difficile de susciter des candidatures. Par ailleurs, le renouvellement et la diversité ont certes du sens, mais que le fait de disposer de représentants du personnel expérimentés en a aussi. Il faut du temps pour s’imprégner des sujets, pour maîtriser la réglementation et la législation. C’est aussi une question de confiance entre partenaires sociaux, et cela demande aussi du temps.

Avis doublement défavorable donc, au motif de la difficulté de recruter de nouveaux représentants et du besoin de représentants expérimentés.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). On pourrait opposer à cela un contre-argument : s’il est difficile de trouver des candidats, une personne qui fait bien son travail peut sans difficulté se représenter et être réélue. Il n’est pas vrai que l’organisation d’élections tous les deux ans serait cause d’instabilité et de rotation excessive dans les comités sociaux et économiques. Pour dynamiser la démocratie, des élections plus régulières permettent précisément une meilleure intégration et une meilleure participation.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 non modifié.

TITRE VI
ASSURANCE CHÔMAGE

Article 9 : Adaptation des conditions d’activité requises pour les primo-entrants à l’assurance chômage

La commission adopte l’article 9 non modifié.

Après l’article 9

Amendement AS10 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Cet amendement d’appel prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité d’abroger la dernière réforme de l’assurance chômage. Qu’il s’agisse de réformes exécutées ou d’annonces, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, ce sont toujours les mêmes recettes qui sont utilisées : réduction des durées d’indemnisation et dégressivité accrue des allocations. En réalité, on ne s’attaque pas aux droits de ceux qui ne travaillent pas mais bien aux droits de ceux qui travaillent, puisqu’on réduit les prestations pour lesquelles ils ont cotisé.

C’est l’occasion pour notre groupe de rappeler sa complète opposition aux réformes de l’assurance chômage qui ont eu lieu au cours des deux quinquennats d’Emmanuel Macron.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Sur le fond, ces réformes limitant l’accès aux allocations chômage sont nécessaires face à un certain nombre d’abus. Sur la forme, même si vous avez le mérite de la constance, votre amendement ne correspond pas à l’objet de ce texte.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

TITRE VII
TRANSITIONS PROFESSIONNELLES

Article 10 : Habilitation à légiférer par ordonnances sur les dispositifs de transition professionnelle

Amendement de suppression AS61 de M. Louis Boyard

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Il est vrai que cet article n’a pour l’instant pas véritablement de contenu. Mais il convient de le maintenir pour transposer éventuellement lors de l’examen en séance publique des mesures de nature législative en cas d’accord sur les transitions et les reconversions professionnelles.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 non modifié.

Enfin, la commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/yQFIqf

 Texte comparatif : https://assnat.fr/ERBg9H


  1  

   annexe n° 1 :
Liste des personnes ENTENDUEs par les rapporteurS

        Mme Frédérique Puissat, sénatrice de l’Isère, co-rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi

        Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)* – M. Thierry Grégoire, membre de la commission sociale, Mme Karine Jan, responsable de la formation, et M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

      Table ronde des organisations syndicales de salariés :

 Confédération française démocratique du travail (CFDT)  M. Olivier Guivarch, secrétaire national

 Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO)  Mme Patricia Drevon, secrétaire confédérale chargée de l’organisation, des affaires juridiques et des outre-mer, et M. Valentin Rodriguez, secrétaire général de la fédération FO Métaux

 Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFECGC) – M. Jean-François Foucard, secrétaire national chargé des parcours professionnels

        Direction générale du travail (DGT)  M. Pierre Ramain, directeur général, et Mme Eva Jallabert, sousdirectrice des relations du travail

        Direction de la sécurité sociale (DSS) – M. Louis Tapon, adjoint au chef de bureau de la législation financière et sociale, et M. Hedi Brahimi, adjoint à la sous-directrice des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire

        Fédération France Sénior  M. Jean-Louis Chapelet, président, et M. Jean-François Izambert, directeur des ressources humaines et expert de l’emploi des salariés expérimentés

        Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  M. Benjamin Maurice, délégué général, Mme Isabelle Grandgérard, cheffe du pôle juridique, Mme Kathleen Agbo, directrice de cabinet, et Mme Stéphanie le Blanc, sous-directrice des mutations économiques et de la sécurisation de l’emploi

        Mouvement des entreprises de France (Medef)*  Mme France Henry-Labordère, responsable du pôle social, M. Pierre-Matthieu Jourdan, directeur de la politique de l’emploi et des relations sociales, et Mme Marie David, chargée de mission pour les affaires publiques

        France Travail  M. Aymeric Morin, directeur général adjoint délégué chargé de l’offre de services, et M. Olivier Midière, chargé de mission pour les seniors

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


  1  

   annexe n° 2 :
Liste des Contributions reçues par les rapporteurs

        Mouvement des entreprises de France (Medef)*

        Union des entreprises de proximité (U2P)

        Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


  1  

   ANNEXE N° 3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen DU PROJET de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code du travail

L. 2241-1, L. 2241-1 [rétabli], L. 2241-5, L. 2241‑6, L. 2241-14-1 et L. 2241-14-2 [nouveaux]

2

Code du travail

L. 2242-2-1 [nouveau], L. 2242-4, L. 2242-11, L. 2242-12, L. 2242-13, L. 2242-21 et L. 2242-22 [nouveau]

3

Code du travail

L. 4624-3 et L. 6315-1

5

Code du travail

L. 3121-60-1 et L. 3123-4-1

6

Code du travail

L. 1237-9

6

Code de la sécurité sociale

L. 161-22-1-5

7

Code du travail

L. 1237-5, L. 1237-5-1 et L. 1524-10

8

Code du travail

L. 2143-3 et L. 2314-33

9

Code du travail

L. 5422-2-2

 


([1]) Dares, « Les seniors sur le marché du travail en 2023 », Dares Résultats n° 55, septembre 2024.

([2]) D’après des données communiquées aux rapporteurs par France Travail.

([3]) D’après les représentants de la direction de la sécurité sociale entendus par les rapporteurs.

([4]) Articles 11 et 12 de la loi précitée codifiés aux articles L. 132-12 et L. 132-27 du code du travail (abrogés).

([5]) Article L. 5121-11 (abrogé).

([6]) Accord du 28 mai 2021 relatif à l’emploi des seniors et à la seconde partie de carrière s’agissant de la branche des sociétés d’assistance ; avenant 36 du 18 décembre 2023 relatif à l’emploi des seniors modifiant l’accord du 30 juin 2008 relatif à l’emploi des seniors (branche des casinos).

([7]) Article L. 132-27 du code du travail (abrogé).

([8]) Article 87 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale ; article L. 138‑24 du code de la sécurité sociale (abrogé).

([9]) D’après le rapport annuel sur l’activité des services de prévention et de santé au travail (SPST) pour l’année 2023.

([10]) Rapport de Mmes Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat (2024-2025, n° 667).

([11]) Dares, « Les seniors sur le marché du travail en 2023 », Dares Résultats n° 55, septembre 2024.

([12]) Articles L. 1233-65 à L. 1233-70 du code du travail.

([13]) Article L. 1242-2 du code du travail.

([14]) Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023.

([15]) Article L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale.

([16]) Cour des comptes, « Le cumul emploi-retraite : un coût élevé, une cohérence à rétablir » in Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025, p. 247.

([17])  Article D. 161-2-24 du code de la sécurité sociale et article D 732-167 du code rural et de la pêche maritime.

([18])  Article R. 161-19-5 du code de la sécurité sociale et article D. 732-167 du code rural et de la pêche maritime.

([19]) Article R. 161-19-6 du code de la sécurité sociale. Des modalités spécifiques de calcul de la durée de travail sont prévues dans le cas des salariés des particuliers employeurs et des assistants maternels.

([20]) Article D. 732-169 du code rural et de la pêche maritime.

([21]) Article L. 161-22-1-8 du code de la sécurité sociale.

([22]) Article 2 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale. L’instauration de la retraite progressive répondait à une préconisation de la Commission d’évaluation et de sauvegarde de l’assurance-vieillesse, présidée par Pierre Schopflin, qui a remis son rapport en avril 1987.

([23]) Rapport n° 198 fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la sécurité sociale, par Mme Nelly Rodi, sénateur, première session ordinaire de 1987-1988, annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 1987, p. 9.

([24]) Ce qualificatif figure dans le rapport de la commission présidée par Mme Yannick Moreau, Nos retraites demain : équilibre financier et justice, juin 2013, p. 160.

([25]) Rapport n° 1400 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, par M. Michel Issindou, député, XIVe législature, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2013 p. 57.

([26])  Article 18 de la loi n° 2014-40 du 24 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([27]) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([28]) Cnav, « La retraite progressive, un dispositif peu utilisé : entre potentiel d’assurés éligibles et non-recours », Les cahiers de la Cnav, n° 18, février 2024, p. 3.

([29]) Article 44 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017. Dans le cas de ces assurés, la quotité de travail est définie en additionnant soit les rapports entre le nombre d’heures de travail et la durée de travail à temps complet soit les rapports entre le nombre de jours et la durée de travail maximale exprimée en jours applicables à chacun des emplois.

([30]) Article 110 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022. La Cour de cassation avait jugé en 2016 que les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours à temps – c’est-à-dire fixant la durée annuelle de leur travail à un niveau inférieur au plafond légal ou conventionnel – ne pouvaient pas bénéficier de la retraite progressive, au motif que ceux-ci n’avaient pas la qualité de salariés à temps partiel au sens du code du travail. Dans sa décision n° 2020-885 QPC du 26 février 2021 Mme Nadine F., le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions prévoyant la retraite progressive des salariés à temps partiel, au motif que la différence de traitement entre les salariés dont la durée de travail est exprimée en heures et ceux qui exercent une activité quantifiée en jours méconnaissait le principe d’égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel a différé l’abrogation des dispositions concernées au 1er janvier 2022 pour permettre au législateur de tirer les conséquences de sa décision, ce qu’il fit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Cf. rapport n° 4568 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 par M. Thomas Mesnier, Mme Caroline Janvier, Mme Monique Limon, M. Cyrille Isaac-Sibille et M. Paul Christophe, XVe législature, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2021, tome II, pp. 463-465.

([31]) Ibid.

([32]) Article 26 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([33]) Article L. 3123-4-1 du code du travail et article D. 3123-1-1 du même code.

([34]) Article L. 3121-60-1 du code du travail et article D. 3121-36 du même code.

([35]) Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (Drees), Les retraités et les retraites, 2024, p. 191.

([36])  Cnav, « La retraite progressive, un dispositif peu utilisé : entre potentiel d’assurés éligibles et non-recours », loc. cit., p. 8.

([37]) Drees, Les retraités et les retraites, 2024, p. 190.

([38]) Cnav, « La retraite progressive, un dispositif peu utilisé : entre potentiel d’assurés éligibles et non-recours », loc. cit., p. 8.

([39]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) de la branche vieillesse annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024, p. 84.

([40]) Drees, Les retraites et les retraités, op. cit., p. 189.

([41]) Cnav, « La retraite progressive, un dispositif peu utilisé : entre potentiel d’assurés éligibles et non-recours », loc. cit., p. 44.

([42]) Amendements AS90 et AS91.

([43]) En application de l’article L. 1237-5 du code du travail. Cf. commentaire de l’article 7.

([44]) Article L. 1234-9 du code du travail. Les modalités de mise à la retraite d’office sont présentées dans le commentaire de l’article 7.

([45]) Article D. 1237-1 du code du travail.

([46]) Article L. 1237-9 du code du travail.

([47]) Article D. 1237-2 du code du travail.

([48]) Article L. 3123-5 du code du travail.

([49]) Article L. 1237-9 du code du travail.

([50]) Article 26 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([51]) Étude d’impact, pp. 55-56.

([52]) La liste des professions concernées, définie par décret, figure à l’article D. 161-2-24-5-1 du code de la sécurité sociale. Elle comprend en particulier certains collaborateurs occasionnels du service public et les administrateurs des groupements mutualistes qui ne relèvent pas d’un régime de sécurité sociale.

([53]) Étude d’impact, p. 76.

([54]) Amendement AS92.

([55]) Article L. 1237-9 du code du travail.

([56]) Article L. 1237-5 du code du travail.

([57]) Article L. 1132-1 du code du travail.

([58]) Article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.

([59]) Article L. 1235-2 du code du travail.

([60]) Septième, huitième et neuvième alinéas de l’article L. 1237-5 du code du travail.

([61]) Article L. 1237-6 du code du travail.

([62]) Articles L. 1237-5-1 et L. 1524-10 du code du travail.

([63]) Article L. 1237-7 du code du travail.

([64]) Cour de cassation, civile, chambre sociale, 27 novembre 2024, 22-13-694. La Cour de cassation a annulé l’arrêt dans lequel la cour d’appel avait accueilli le recours d’un salarié qui avait été recruté après avoir atteint l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein et que son employeur avait mis à la retraite à l’âge de 70 ans.

([65]) Cour de cassation, civile, chambre sociale, 17 avril 2019, 17-29.017.

([66]) Amendement AS93.

([67]) Ces libertés sont rappelées et précisées par les articles L. 2141 à L. 2141-4 du code du travail.

([68]) Prise sur le fondement de diverses dispositions – principalement de l’article 2 – de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ; ratifiée par l’article 18 de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances.

([69]) L’article L. 4161-1 du code du travail indique que les risques professionnels ont pour facteurs les contraintes physiques marquées (manutentions manuelles de charges, postures pénibles avec positions forcées des articulations et vibrations mécaniques), les environnements physiques agressifs (agents chimiques dangereux, activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes et bruit) et certains risques de travail (de nuit, dans certaines conditions, en équipes successives alternances et au caractère répétitif avec la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte).

([70]) Les agissements sexistes sont définis par l’article L. 1142-2-1 comme « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

([71]) Dares, Les instances de représentation du personnel en 2023, février 2025.

([72]) Les statuts de l’Unedic ont connu de trop nombreuses modifications pour être commentés dans le présent rapport. Leur dernière rédaction a été enregistrée au registre du commerce et des sociétés tenu par le greffe du tribunal de commerce de Paris le 31 juillet 2023 (récépissé n° 96.147).

([73]) Si l’assurance chômage ne fait pas partie des régimes obligatoires de base de sécurité sociale gérant les cinq branches maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse, famille et autonomie ou de leurs satellites formant le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale, elle entre dans le champ des administrations de sécurité sociale (Asso), défini par la direction générale des statistiques de la Commission européenne (Eurostat).

([74]) Conseil d’État, Ass., 30 avril 2025, avis n° 409.510 (par. 14 à 17).

([75]) Évaluation « Le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle » par MM. Hadrien Clouet et Cyrille Isaac-Sibille, in Rapport en conclusion des travaux du Printemps social de l’évaluation (n° 1649, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2025).

([76]) Cour des comptes, La formation professionnelle ses salariés, juin 2023.

([77]) Compte rendu de la réunion de la commission des affaires sociales du 21 mai 2025.

([78]) Conseil constitutionnel, décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005, Loi relative aux compétences du tribunal d’instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance (cons. 28 et 29) ; décision n° 2006‑534 DC du 16 mars 2006, Loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (cons. 4 et 5) ; décision n° 2014-700 DC du 31 juillet 2014, Loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (cons. 6 et 9) ; décision n° 2021-820 DC du 1er juillet 2021, Résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité (par. 11).

([79])  https://assnat.fr/0q47lH

([80]) https://assnat.fr/0q47lH

([81]) https://assnat.fr/scDyDX