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N° 1662

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION, SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relative à la restitution d’un bien culturel à la République de Côte d’Ivoire,

 

 

 

 

Par M. Bertrand SORRE,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat  140, 529, 530 et T.A. 110 (2024-2025).

Assemblée nationale :  1350.


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SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

I. une restitution nécessitant l’adoption d’une loi d’espèce en l’absence du cadre général attendu

A. une restitution conditionnée au dépassement de l’inalienabilité

B. des précédents qui appellent à l’élaboration d’un cadre plus général

1. Les restitutions précédentes : des cas divers qui ont conduit à l’adoption de plusieurs lois d’espèce et de deux lois-cadres

2. Des difficultés qui retardent l’adoption d’un cadre idoine pour les biens culturels issus de l’étranger

II. l’aboutissement d’un processus de restitution déjà bien engagé

A. la reconnaissance de l’importance de l’objet pour sa communauté d’origine

B. un dialogue diplomatique et culturel qui nécessite une nouvelle étape

III. L’examen par le SÉnat

IV. L’examen par la commission

commentaire de l’article unique

Article unique Dérogation au principe d’inaliénabilité pour la restitution du tambour parleur dit Djidji Awôkwè à la Côte d’Ivoire

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE : Liste des personnes ENTENDUEs par le rapporteur

 


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   avant-propos

La présente proposition de loi d’espèce prévoit la restitution, dans un délai d’un an après sa promulgation, du tambour Djidji Ayôkwè à la Côte d’Ivoire, qui en a fait la demande en 2019. Après une loi comparable ayant permis la restitution de plusieurs biens culturels de grande valeur au Bénin et au Sénégal, on se prend à espérer que cette loi soit la dernière. Non pas pour mettre fin aux restitutions [ce souhait qui aurait pu trouver librement à s’exprimer il y a encore quelques années, semble heureusement avoir aujourd’hui cédé la place à une reconnaissance largement partagée de la légitimité de restitutions bien encadrées] mais parce qu’une procédure administrative spécifique, dérogatoire au principe d’inaliénabilité des collections publiques, devrait être très prochainement soumise à l’appréciation du Parlement.

Une procédure de ce type existe déjà pour deux catégories de biens présents dans les collections publiques : les restes humains et les biens ayant fait l’objet d’une spoliation à caractère antisémite dans le contexte des années 1933 à 1945. Deux lois-cadres permettent en effet désormais de surmonter le caractère inaliénable de ces biens appartenant à des collections publiques pour permettre leur restitution, sous certaines conditions précises de « restituabilité » et au terme d’un processus d’examen scientifique collégial faisant la lumière sur la provenance et l’identification de ces biens.

L’examen des projets et propositions de loi d’espèce de restitution constitue une occasion passionnante pour les parlementaires de se pencher sur des sujets aux enjeux fondamentaux pour la mémoire de notre pays, et le contrôle qu’ils exercent sur l’inaliénabilité des collections publiques tient à la propriété collective, par la nation, de celles-ci. Appeler de ses vœux une loi-cadre qui devrait conduire à réduire le rôle des élus dans le processus de restitution pourrait donc sembler paradoxal de la part du rapporteur de la présente proposition de loi d’espèce.

La nécessité d’alléger un peu le processus de restitution constitue pourtant une première raison de soutenir l’idée de l’adoption de la dernière loi-cadre manquant encore au triptyque annoncé après la remise du rapport de M. Jean-Luc Martinez ([1]). Mais il faut également souligner qu’avec une telle loi-cadre, la dernière manquant à son arsenal, la France disposera d’un cadre législatif complet et unique pour faire face aux demandes de restitution, manifestant ainsi, au niveau international, une certaine volonté d’exemplarité et de transparence qui ne peut que lui faire honneur.

Loin d’être contradictoire avec cet effort, la présente proposition de loi d’espèce semble déjà être le point d’aboutissement d’un processus similaire à ceux qui pourraient être engagés sous le régime d’une future loi-cadre. En effet, l’acte même de restitution du tambour parleur à la Côte d’Ivoire devrait à la fois venir clore un travail collaboratif culturel, scientifique et diplomatique initié il y a plusieurs années, et être le point de départ de nouvelles collaborations dans un partenariat qui ressortira encore renforcé par le retour de l’objet.

Ce travail en commun a consisté en la reconstitution du parcours du tambour, en sa restauration et en la préparation de l’écrin que devrait constituer le musée des civilisations de Côte d’Ivoire (MCCI) à Abidjan. Il a permis le développement de nouveaux outils de recherche scientifique (avec la numérisation du tambour lors de sa restauration, mais également la numérisation de toute la collection du MCCI, une première sur le continent africain !), le renouvellement des instruments de médiation culturelle et la formation de professionnels ivoiriens sur place. Ces efforts mis en œuvre dans l’anticipation du retour du tambour seront prolongés par des collaborations culturelles pérennes entre nos deux pays, car celles-ci reposent désormais sur un socle de travail commun et une connaissance réciproque des acteurs.

Le retour du tambour Djidji Ayôkwè à la Côte d’Ivoire contribuera à la réparation d’une extorsion commise à l’époque coloniale, mais il sera bien plus que cela. Il sera le témoin de notre prise de conscience de la valeur symbolique de cet objet pour renouer des fils brisés lors de son arrachement à sa communauté.

Il manifestera notre volonté de contribuer de façon positive à la redécouverte et à la réappropriation de son histoire par la jeunesse ivoirienne. C’est pourquoi il apparait nécessaire au rapporteur de soutenir sans réserve, et de façon unanime, l’aboutissement de ce long voyage.

I.   une restitution nécessitant l’adoption d’une loi d’espèce en l’absence du cadre général attendu

La restitution du tambour Djidji Ayôkwè est demandée par la République de Côte d’Ivoire depuis 2019. Par ce texte de loi d’origine parlementaire, la représentation nationale vise à permettre un transfert de propriété jugé légitime, mais qui ne saurait être opéré sans créer l’exception législative idoine au principe d’inaliénabilité, dès lors que le tambour appartient pour l’heure aux collections publiques françaises.

A.   une restitution conditionnée au dépassement de l’inalienabilité

Les biens culturels dont sont propriétaires les personnes publiques sont soumis au régime de la domanialité publique, qui leur confère une triple protection (inaliénabilité, imprescriptibilité, insaisissabilité).

Aux termes de l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, « les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 [du même code, soit l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les établissements publics], qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ».

L’article L. 2311-1 du même code dispose par ailleurs que « les biens de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics [qui incluent donc les biens des musées de France relevant des personnes publiques] sont insaisissables ».

Les biens des collections publiques au sein des collections des musées de France appartenant à une personne publique voient cette protection encore renforcée par des articles idoines du code du patrimoine.

Ils sont en effet :

– inaliénables, en application de l’article L. 451-5 du code du patrimoine : comme l’indique le Conseil constitutionnel ([2]) « l’inaliénabilité […] a pour conséquence d’interdire de se défaire d’un bien du domaine public, de manière volontaire ou non, à titre onéreux ou gratuit » et s’oppose ainsi à ce que la propriété des œuvres des collections publiques, qui appartiennent au domaine public, puisse être transférée ;

– imprescriptibles, aux termes de l’article L. 451-3 du code du patrimoine ([3]) : selon la décision précitée du Conseil constitutionnel, « l’imprescriptibilité fait obstacle […] à ce qu’une personne publique puisse être dépossédée d’un bien de son domaine public du seul fait de sa détention prolongée par un tiers ». Dans son commentaire, le Conseil constitutionnel précise : « l’imprescriptibilité des biens relevant du domaine public […] permet aux personnes publiques d’exercer de façon perpétuelle l’action en revendication de biens irrégulièrement aliénés [notamment par un vol]. D’autre part, l’imprescriptibilité interdit qu’une personne privée puisse se prévaloir de la possession prolongée d’un bien, soit pour en revendiquer la propriété, soit pour obtenir une indemnisation en cas de dépossession […]. »

Les possibilités juridiques de sortie des collections publiques des biens culturels demeurent donc tout à fait limitées. La procédure de déclassement administratif des biens du domaine public prévue par l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques apparaît souvent difficilement applicable, dès lors que l’article prévoit qu’« un bien d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ([4]), qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement », mais que l’article L. 2112-1 du même code définit comme critère d’appartenance au champ du domaine public mobilier celui de « l’intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique ».

Pour pouvoir faire l’objet d’un déclassement administratif, le bien culturel devrait donc avoir perdu cet intérêt ([5]), ce qui n’est évidemment pas le cas du tambour Djidji Ayôkwè, qui constitue au contraire un bien remarquable par sa richesse au regard des études d’histoire, d’histoire de l’art ou d’ethnologie.

En l’absence d’une loi-cadre permettant les restitutions de biens culturels à des États étrangers en faisant la demande, la seule procédure de restitution définitive à la Côte d’Ivoire de l’objet ne peut donc se fonder que sur une disposition législative. En effet, le principe d’inaliénabilité ne revêt pas une valeur constitutionnelle, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986. Dès lors, le législateur peut autoriser la sortie des collections publiques et le transfert de propriété d’un bien culturel par une loi d’espèce.

B.   des précédents qui appellent à l’élaboration d’un cadre plus général

1.   Les restitutions précédentes : des cas divers qui ont conduit à l’adoption de plusieurs lois d’espèce et de deux lois-cadres

Des lois d’espèce ont été adoptées à plusieurs reprises pour traiter au cas par cas des demandes de restitutions de biens culturels ou de restes humains. Ces demandes avaient été adressées à la France par des États étrangers ou par les héritiers des propriétaires des biens spoliés ou des individus dont étaient issus les restes humains concernés.

Concernant les biens issus de spoliations, l’adoption de la loi n° 2022-218 du 21 février 2022 relative à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites a permis le transfert de propriété d’une quinzaine d’œuvres ([6]) détenues dans les collections publiques aux héritiers des victimes lésées. L’objectif de développer une démarche plus systématique de réparation a conduit à l’adoption ultérieure d’une loi-cadre prévoyant un dispositif juridique adapté, susceptible de traiter les demandes de restitutions de biens inclus dans les collections publiques et non classés « musées nationaux récupération », ou « MNR » ([7]).

La loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 a conforté le rôle d’une commission administrative spécialisée existante, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites pendant l’Occupation (CIVS) et a introduit une dérogation limitée au code du patrimoine pour faciliter les restitutions d’œuvres spoliées. Des moyens budgétaires supplémentaires ont permis l’année suivante de renforcer l’action de la CIVS et de donner de nouvelles capacités d’action au ministère de la culture pour les recherches de provenance des biens compris dans les collections publiques.

Concernant les restes humains, les lois n° 2002-203 du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud et n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande, deux lois d’espèce, ont là aussi ouvert la voie à une loi-cadre permettant une dérogation limitée au code du patrimoine, dans le but de faciliter le retour de restes humains étrangers dans leur pays d’origine. La loi n° 2023-1251 du 26 décembre 2023 relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques établit un certain nombre de critères afin d’encadrer cette nouvelle procédure administrative : la demande de restitution doit être formulée par un État, qui peut agir au nom d’un groupe humain présent sur son territoire et dont la culture et les traditions restent actives ; les restes doivent être ceux de personnes mortes après l’an 1500 ; leurs conditions de collecte doivent avoir porté atteinte au principe de la dignité de la personne humaine ou leur conservation dans les collections contrevenir au respect de la culture et des traditions du groupe humain dont ils sont originaires. La restitution des restes humains n’est possible qu’à des fins funéraires, ce qui exclut une nouvelle exposition. Depuis l’adoption de la loi, une procédure de restitution a été menée à son terme avec la signature du décret permettant le retour de trois crânes sakalava à Madagascar le 2 avril 2025 ([8]). Une procédure de constitution d’un comité scientifique ad hoc est actuellement engagée afin d’examiner la demande de restitution de restes humains aborigènes adressée par l’Australie à la France.

Il convient de signaler qu’à la suite de cette loi-cadre créant une voie spécifique de restitution des restes humains d’origine étrangère, une mission a été confiée à son rapporteur à l’Assemblée nationale, M. Christophe Marion, afin d’étudier la possibilité d’une procédure pérenne de restitution applicable aux restes humains originaires du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle‑Calédonie et conservés dans les collections publiques. Cette mission a donné lieu à un rapport ([9]), qui a servi de base à la proposition de loi n° 838 relative aux demandes de restitution de restes humains originaires du territoire national, déposée à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025 ([10]). La proposition de loi a fait l’objet d’un avis consultatif du Conseil d’État et pourrait être inscrite prochainement à l’ordre du jour parlementaire.

Enfin, des biens culturels ayant fait l’objet d’une acquisition illégale ou illégitime durant la période coloniale ont également été restitués au moyen d’une loi d’espèce, la loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal. Le questionnement sur la position à adopter face aux demandes de restitution émanant des pays africains, dont une partie du patrimoine est conservée dans les collections françaises, avait débuté plusieurs années auparavant. Il avait conduit en 2018 le président de la République Emmanuel Macron à confier la rédaction d’un rapport sur le sujet à Mme Bénédicte Savoy, professeure au Collège de France et historienne de l’art, et M. Felwine Sarr, écrivain et universitaire sénégalais, en vue d’aboutir à des propositions ([11]). La loi d’espèce ici évoquée s’inscrivait dans la continuité de ce rapport, avant qu’un nouvel élan soit donné au mouvement vers une loi-cadre par les travaux de M. Jean-Luc Martinez, missionné en 2020 pour réfléchir de façon plus globale aux restitutions. L’ambassadeur Martinez, chargé de la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, a admis lors de son audition par le rapporteur que le calendrier de l’adoption des trois lois-cadres préconisée par ses travaux avait pris un certain retard, rendant nécessaire l’adoption d’une loi d’espèce afin de finaliser une restitution véritable et rapide du tambour parleur ivoirien.

Évoquant la loi d’espèce de 2020 en faveur d’une restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire S. E. Maurice Kouakou Bandaman a, quant à lui, souligné qu’aucun objet n’avait pour l’instant été restitué à son pays, dont les autorités ont pourtant dès 2018 communiqué à la France une liste de 148 items ivoiriens recherchés. Cette liste a permis, à partir d’un travail scientifique mené conjointement par des chercheurs français et ivoiriens, d’identifier 26 objets conservés au musée du quai Branly. Le tambour parleur est la première pièce sur cette liste à faire l’objet d’une demande officielle de restitution à la France, et la plus importante aux yeux de la partie ivoirienne.

2.   Des difficultés qui retardent l’adoption d’un cadre idoine pour les biens culturels issus de l’étranger

Lors de l’examen des différentes lois d’espèce, l’idée d’encadrer de façon plus systématique les entorses au principe d’inaliénabilité s’est donc progressivement imposée pour accroitre la célérité de certaines restitutions dont le bien-fondé apparaissait peu contestable. Il s’agit de trouver le meilleur équilibre entre le principe d’inaliénabilité, qui, comme l’a souligné lors de son audition M. Emmanuel Kasarhérou, président du musée du quai Branly, constitue « un principe cardinal de la propriété des collections publiques françaises », et les revendications légitimes de pays étrangers à retrouver la propriété de biens culturels dont la dépossession correspond souvent à de douloureux épisodes historiques.

Cette idée de procédure spécifique va de pair avec les évolutions notables de la doctrine muséale au sujet des restitutions. Comme l’a rappelé au rapporteur la présidente de l’antenne française du Conseil international des musées (Icom), Mme Émilie Girard, la communauté des conservateurs de musées – particulièrement dans les pays occidentaux concernés par de potentielles demandes – a longtemps tenu des positions très prudentes, voire réticentes, sur la question des restitutions. La crainte était double, à la fois d’un afflux de demandes qui aurait pu conduire à vider les réserves des institutions, et de la mise en cause plus profonde de la vocation universelle des musées. En prônant le retour des œuvres dans leur pays d’origine, les demandes de restitutions auraient pu avoir pour effet de mettre en question la pertinence même de la conservation d’œuvres étrangères, particulièrement par les pays occidentaux dont les musées en présentent d’innombrables. Progressivement, la légitimité des demandes de retours d’œuvres arrachées à leur pays d’origine dans des conditions particulièrement contestables, ainsi que la volonté affirmée des pays demandeurs de construire des ponts avec les pays de conservation, ont conduit à atténuer ces craintes et à rendre plus audible le plaidoyer en faveur des restitutions. Aujourd’hui, de nombreux acteurs semblent considérer les restitutions comme le point de départ de nouvelles histoires partagées, et plusieurs pays européens, notamment les Pays-Bas et l’Allemagne, manifestent une volonté d’aller plus vite et plus loin sur ces sujets.

Toutefois, la difficulté demeure de dégager des critères juridiques précis pertinents pour encadrer les restitutions de biens culturels étrangers par une procédure administrative dérogatoire. En l’absence de cette procédure qui sera définie par la prochaine loi-cadre, dont les représentants du ministère de la culture ont affirmé au rapporteur que sa rédaction était en cours, une loi d’espèce reste nécessaire pour accéder à la demande de la Côte d’Ivoire. Une convention de dépôt de l’œuvre, signée le 18 novembre 2024 à Paris entre Mme Françoise Remarck, ministre ivoirienne de la culture et de la francophonie, et Mme Rachida Dati, ministre française de la culture, apparaissait en effet comme un pas supplémentaire sur le chemin de la restitution, mais sans doute en-deçà des attentes d’un retour en pleine propriété de l’objet par la communauté ivoirienne.

II.   l’aboutissement d’un processus de restitution déjà bien engagé

A.   la reconnaissance de l’importance de l’objet pour sa communauté d’origine

Le tambour Djidji Ayôkwè est un artéfact impressionnant : long de 3,30 mètres, il pèse plus de 400 kilos. Selon les informations transmises au rapporteur par l’ambassade ivoirienne en France, il a vraisemblablement été sculpté au XIXe siècle dans le bois d’iroko – essence à forte charge symbolique – par le maître-artisan Biengui, originaire du village d’Anoumabo. Il a longtemps été utilisé comme un outil de communication au sein de la communauté atchan, servant notamment à alerter les villageois des opérations menées par les autorités coloniales pour le recrutement en vue du travail forcé ou pour l’enrôlement dans les forces militaires françaises. Il aurait d’ailleurs été volé en 1916 par l’administrateur du cercle des lagunes Marc Simon, comme cela est mentionné dès 1931 dans un article de l’ethnologue Henri Labouret ([12]), afin d’empêcher ces formes de communication entre les villages. Ainsi, le tambour n’est pas à proprement parler, ou du moins seulement, un instrument de musique, mais servait plutôt à transmettre des messages codés et à marquer les temps forts de la communauté atchan. C’est un « outil de gouvernance locale, d’organisation sociale et d’affirmation identitaire » selon les mots de l’ambassadeur S. E. Maurice Kouakou Bandaman. Il est donc un élément important de l’identité spirituelle et culturelle des Atchans, population autochtone de la région de la capitale ivoirienne actuelle, et sa restitution contribue à une reconnaissance apaisée des souffrances infligées. Celles-ci ont souvent pris des formes symboliques et culturelles qui ont eu pour conséquences de désorganiser les sociétés concernées, mais également de créer de véritables déchirures dans leur histoire.  

Après son appropriation par les autorités coloniales françaises, le tambour aurait été entreposé plusieurs années dans le jardin du palais des gouverneurs à Bingerville et y aurait subi d’importants dommages du fait des intempéries. Envoyé en France en 1929, il a rejoint les collections du musée d’ethnographie de la place du Trocadéro, puis du musée du quai Branly, où il a longtemps été exposé en vitrine. Il est désormais conservé dans une caisse dans l’attente de son retour en Côte d’Ivoire, après avoir fait l’objet d’une restauration complète en 2022.

Préalablement à celle-ci, et dans le cadre du dialogue initié par la demande officielle de restitution du gouvernement ivoirien en 2019, une cérémonie dite de « désacralisation » a eu lieu le 7 novembre 2022. Lors de celle-ci, dix membres de la fratrie des Bidjan ont fait le déplacement au musée du quai Branly à Paris pour autoriser, par leurs libations, la manipulation de l’œuvre en vue de sa restauration. L’importance spirituelle du tambour est ici manifeste, et S.E. Maurice Kouakou Bandaman n’a pas hésité lors de sa rencontre avec le rapporteur à qualifier le tambour « d’être humain, somme de tous les ancêtres partis ». Il a également comparé l’objet à « un détenu qui serait libéré plus de cent ans plus tard », son retour en Côte d’Ivoire étant alors vécu comme une « véritable résurrection ».

La reconnaissance de ces blessures passées n’équivaut pas à une condamnation sans nuance, mais constitue un témoignage de respect important par la France de la valeur symbolique et affective du tambour parleur pour la Côte d’Ivoire. La restitution dépasse cet enjeu bilatéral en apparaissant comme une véritable occasion de communion intergénérationnelle pour la Côte d’Ivoire, le retour du tambour étant pensé comme une opportunité précieuse de partager l’histoire des populations avec les jeunes générations.

Le rapporteur souhaite insister sur l’importance pour la jeunesse ivoirienne d’un tel évènement culturel : la réappropriation de ce patrimoine est attendue comme un temps national fort et perçue comme un possible vecteur de développements créatifs ultérieurs.

B.   un dialogue diplomatique et culturel qui nécessite une nouvelle étape

La restitution du tambour s’inscrit dans une démarche de coopération poussée dans de nombreux domaines avec la Côte d’Ivoire. Le pays est un acteur incontournable en Afrique de l’Ouest, et constitue un partenaire économique et stratégique essentiel de la France dans la région et, plus largement, sur le continent africain.

Concernant le champ culturel, il convient tout d’abord de rappeler que le président de la République a très tôt après son élection, en novembre 2017, affirmé la nécessité pour la France de développer avec les pays africains « un grand travail et un partenariat scientifique, muséographique » afin que, cinq ans après ce discours, « les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Ce discours était prononcé au sein de l’université de Ouagadougou, devant un parterre de chercheurs et d’étudiants, témoignant du signal donné en direction de la jeunesse pour la construction de nouvelles relations. Donner des fondations saines et durables à celles-ci implique nécessairement une politique mémorielle apaisée.

Dans le sillage de l’engagement français, les autorités ivoiriennes ont demandé officiellement en 2019 la restitution du tambour parleur, qui leur a été promise par le président français lors du sommet France-Afrique en octobre 2021 à Montpellier.

Un véritable travail de coopération scientifique a été engagé avec la Côte d’Ivoire dans le cadre d’une diplomatie culturelle française totalement repensée ces dernières années. Il s’agit en effet de renforcer les logiques de collaboration menées avec les pays étrangers, et particulièrement avec les pays ayant connu une présence coloniale française, en abandonnant toute démarche surplombante pour aboutir à une véritable co-construction.

Pour cela, un effort particulier est fait pour répondre aux besoins exprimés par nos partenaires et s’y adapter avec des propositions spécifiques, plutôt que de plaquer des formules répliquées dans chaque pays. Les moyens mis à disposition sont accompagnés des efforts de formation des professionnels sur place afin que puisse d’opérer une pleine appropriation. Ainsi, dans le cadre du partenariat développé avec la Côte d’Ivoire autour du retour du tambour, la numérisation des collections du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire a été menée de pair avec la formation des équipes du musée afin qu’ils puissent exploiter le plein potentiel de ce nouvel outil.

Les ressources financières dégagées pour moderniser les outils de médiation culturelle s’accompagnent ainsi désormais plus systématiquement de formations et d’échanges de bonnes pratiques à destination des professionnels des pays concernés. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a ainsi pu financer des actions de formation de conservateurs du patrimoine en Côte d’Ivoire, assurées par l’Institut national du patrimoine (INP) dont la grande expertise est internationalement reconnue. Dans le cadre du travail conjoint mené sur les collections des deux pays, le directeur du Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire, M. Gnoleba Francis Tagro a pu être invité par le musée du quai Branly pour trois séjours d’étude en 2016, 2019 et 2023. Ces visites, financées par le programme « Courants du Monde » du ministère de la culture, lui ont permis de participer à l’identification des objets ivoiriens présents dans les collections du musée du quai Branly et susceptibles de faire l’objet de demandes de restitution dans l’avenir.  

La création de nouvelles formes de muséographies et de scénographies spécifiques à l’accueil du tambour à Abidjan a également été pensée en étroite association entre la France et la Côte d’Ivoire, l’implication d’acteurs des deux pays permettant la circulation de savoir-faire confirmés et d’idées nouvelles. Ainsi, plusieurs entreprises françaises ont apporté leur expertise sur la numérisation de la collection dans un échange régulier et constructif avec les structures ivoiriennes sur place.

Le retour du tambour devrait s’accompagner de festivités populaires dont le détail de la programmation n’est pas encore finalisé. Avant cela, c’est toute la logistique du transport même du tambour qui devra faire l’objet de préparatifs minutieux. Si l’on sait déjà que le tambour devra être rapatrié par le biais d’un avion cargo, seul à même de transporter un chargement de ces dimensions, il semble aller de soi pour les différents représentants des ministères français concernés et entendus par le rapporteur que les autorités ivoiriennes seront en position de décider des modalités de retour les plus adaptées.

La question du calendrier se posera également, dès lors que la proposition de loi prévoit, à partir de la date de sa promulgation, un délai d’un an pour la restitution, mais que des élections importantes auront lieu à l’automne en Côte d’Ivoire. Il apparait probable que le voyage du tambour se fasse une fois ces échéances présidentielles passées, mais la date ne semble pas encore avoir été déterminée, en l’absence de visibilité sur l’adoption de l’acte législatif l’autorisant.

III.   L’examen par le SÉnat

La présente proposition de loi a été déposée par le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat M. Laurent Lafon en novembre 2024, suite au déplacement d’une délégation de cette commission en Côte d’Ivoire et au Bénin en septembre de la même année.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur le texte en mars 2025, et la proposition de loi a été discutée et adoptée au Sénat selon la procédure de législation en commission, sans que le texte ne subisse de modification lors de son examen en commission puis en séance les 9 et 28 avril 2025.

IV.   L’examen par la commission

La présente proposition de loi a été examinée en commission des affaires culturelles sous le régime de la procédure de législation en commission (article 107-1 et 107-2 du Règlement de l’Assemblée nationale). Elle a été adoptée sans modification, à l’unanimité des membres présents.

 


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   commentaire de l’article unique

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise à déroger au principe d’inaliénabilité des collections publiques afin de permettre la restitution à la Côte d’Ivoire du tambour parleur dit Djidji Awôkwê actuellement conservé au musée du quai Branly.

Cet article a été adopté par le Sénat sans modification.

Les biens culturels appartenant aux personnes publiques sont soumis au régime de la domanialité publique, qui leur confère une triple protection (inaliénabilité, imprescriptibilité, insaisissabilité), comme cela a été exposé supra.

Des dispositions spécifiques du code du patrimoine s’appliquent aux biens des collections publiques des musées de France appartenant à une personne publique, qui font « partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables » (article L. 451-5 du code du patrimoine). En application de ce principe, la personne publique ne peut transférer la propriété des œuvres des collections publiques, à moins que soit autorisé administrativement le déclassement du bien (il faut pour cela, concernant un bien culturel, qu’il ait perdu son « intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de la science ou de la technique ») ou que la loi autorise la sortie des collections publiques préalablement au transfert de propriété.

Le principe d’inaliénabilité ne revêtant pas une valeur constitutionnelle ([13]), une loi permet en effet de le surmonter. L’article unique de la présente proposition de loi autorise donc la sortie du tambour parleur dit Djidji Ayôkwè appartenant aux collections publiques, afin de permettre sa restitution au gouvernement ivoirien.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 2 juillet 2025, la commission examine selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relative à la restitution d’un bien culturel à la République de Côte d’Ivoire (n° 1350) (M. Bertrand Sorre, rapporteur) ([14]).

Mme Frédérique Meunier, présidente. L’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relative à la restitution d’un bien culturel à la république de Côte d’Ivoire suivra la procédure de législation en commission prévue aux articles 107-1 à 107-3 du règlement de l’Assemblée nationale.

Aucune motion de rejet préalable n’ayant été déposée, l’examen par notre commission ne présente aucune différence avec un examen suivant la procédure ordinaire.

M. Bertrand Sorre, rapporteur. La présente proposition de loi prévoit que le tambour Djidji Ayôkwè sera restitué à la Côte d’Ivoire, qui en a fait la demande en 2019, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi. Le Sénat a adopté le texte sans modification le 9 avril dernier. J’espère qu’il en ira de même dans notre assemblée, afin de voir aboutir dans les meilleurs délais un processus engagé il y a plusieurs années.

La loi relative à la restitution de biens culturels à la république du Bénin et à la république du Sénégal a été promulguée en 2020. Cinq ans après, on se surprend à espérer que cette loi d’espèce soit la dernière. Il ne s’agit pas, bien sûr, de mettre fin aux restitutions – si un tel souhait aurait pu s’exprimer librement il y a quelques années, leur légitimité, lorsqu’elles sont bien encadrées, semble désormais largement admise – mais de les organiser dans le cadre d’une procédure administrative adaptée, dérogatoire au principe d’inaliénabilité des collections publiques, dont la création devrait être très prochainement soumise à l’appréciation du Parlement.

De telles procédures existent déjà pour les restes humains et pour les biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Pour faciliter leur restitution, deux lois-cadres permettent en effet de surmonter le principe d’inaliénabilité de ces biens, sous certaines conditions de « restituabilité » et au terme d’un examen scientifique collégial chargé de les identifier et de faire la lumière sur leur provenance. Ces textes, que nous sommes nombreux ici à avoir eu l’honneur d’adopter, avaient fait l’objet d’un très large consensus.

Les textes de restitution offrent aux parlementaires l’occasion d’examiner des questions fondamentales pour la mémoire de notre pays. Appeler de ses vœux une loi-cadre qui devrait conduire à réduire le rôle des élus dans le processus de restitution pourrait donc sembler paradoxal de la part du rapporteur de la loi d’espèce. En effet, si cette loi-cadre est adoptée, les parlementaires auront un regard beaucoup plus lointain sur le processus de restitution. Ils ne sanctionneront plus par leur vote chaque sortie des collections publiques. C’est pourquoi, à mon sens, il nous faudra nous assurer d’introduire dans cette loi les mécanismes nécessaires à la préservation, au minimum, de la bonne information des parlementaires, qui devront être tenus au courant de la constitution des commissions scientifiques créées pour l’examen des demandes et du dépôt de ces dernières par les États étrangers. Ne nous interdisons pas non plus de réfléchir au maintien d’une forme de participation des élus à ces travaux et aux décisions, notamment aux moments décisifs.

La nécessité d’alléger le processus de restitution constitue une première raison de soutenir l’adoption de la dernière loi-cadre du triptyque annoncé après la remise du rapport de M. Jean-Luc Martinez. En second lieu, celle-ci rendrait plus transparents et objectifs des processus encore trop dépendants du pouvoir politique. En effet, les demandes devraient satisfaire à des critères historiques élaborés par la communauté scientifique, ce qui renforcerait la légitimité des décisions. Enfin, cette loi doterait la France d’un arsenal législatif exhaustif et unique pour appréhender les demandes de restitution, manifestant ainsi au niveau international une volonté d’exemplarité et de transparence qui ne peut que l’honorer.

Cette proposition de loi est, en réalité, l’aboutissement d’un processus similaire à celui qui s’appliquerait en vertu d’une telle loi-cadre. La restitution du tambour parleur à la Côte d’Ivoire viendra clore un travail collaboratif culturel, scientifique et diplomatique engagé il y a plusieurs années. Mais il devrait surtout être le point de départ de nouvelles collaborations dans un partenariat renforcé par ce retour. Le travail commun, accompli en amont de la restitution, a consisté à reconstituer le parcours du tambour, à le restaurer et à préparer l’écrin qui le recevra, le musée des civilisations de Côte d’Ivoire (MCCI), à Abidjan. Je salue les équipes du ministère de la culture et de celui de l’Europe et des affaires étrangères, qui ont fortement contribué à rendre ces collaborations efficaces, pérennes et constructives.

Le tambour Djidji Ayôkwè est très impressionnant. Sculpté au XIXe siècle dans un précieux bois d’iroko, il mesure environ 3,5 mètres et pèse plus de 400 kilogrammes. Nous n’avons malheureusement pas pu le voir au musée du quai Branly, où il est conservé, car il est depuis plusieurs mois dans une caisse qui servira à son transport. Mais il en existe une réplique en 3D, qui a été présentée lors de la Coupe d’Afrique des nations de football. Cela donne une idée de la ferveur que suscite la perspective de son retour. Nul doute que l’arrivée du tambour parleur provoquera une effervescence comparable à celle que l’on observe lors des matchs – les amoureux du ballon rond savent qu’elle est remarquable.

Longtemps, le tambour parleur a été un outil de communication de la communauté atchan. Il servait notamment à prévenir les villageois que les autorités coloniales menaient des opérations de recrutement pour le travail forcé ou d’enrôlement dans les forces militaires françaises. L’administrateur du cercle des Lagunes, Marc Simon, l’aurait d’ailleurs volé en 1916 pour empêcher ce type de communications entre les villages. Pour les occupants, il s’agissait de faire taire ce tambour trop bavard, afin de mieux asseoir leur autorité.

Le tambour n’est donc pas seulement un instrument de musique ; il servait à transmettre des messages codés et à marquer les temps forts de la communauté. Son Excellence M. Maurice Kouakou Bandaman, ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, que nous avons auditionné, l’a décrit comme « un outil de gouvernance locale, d’organisation sociale et d’affirmation identitaire ». C’est un élément important de l’identité spirituelle et culturelle des Atchans, population autochtone de la région de la capitale économique ivoirienne. Sa restitution contribue à une reconnaissance apaisée des souffrances infligées.

Le projet de coopération qui lui sert de cadre a permis le développement de nouveaux outils de recherche scientifique, le renouvellement des instruments de médiation culturelle et la formation des professionnels ivoiriens sur place, avec la participation notable des équipes du musée du quai Branly.

La numérisation du tambour effectuée pendant sa restauration a précédé celle de toutes les collections du MCCI, ce qui constitue une première sur le continent africain. Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec la notion de découvrabilité que l’on nous a présentée lors de notre déplacement au Québec. En effet, la numérisation innovante de cette collection contribue à ouvrir mondialement l’accès à des contenus culturels francophones, donc à faire rayonner la langue française dans toutes ses déclinaisons et à valoriser le patrimoine africain. En outre, la formation sur place des professionnels ivoiriens à l’utilisation de cet outil numérique est de nature à garantir sa pleine appropriation.

Les efforts déployés pour préparer le retour du tambour seront prolongés par des collaborations culturelles pérennes entre nos deux pays, grâce à un socle de travail commun et à une connaissance réciproque des acteurs. L’adaptation des infrastructures du MCCI a mobilisé l’Agence française de développement (AFD), Expertise France, le ministère de la culture et celui de l’Europe et des affaires étrangères ainsi que plusieurs entreprises françaises et ivoiriennes spécialisées dans l’ingénierie culturelle. Parce qu’il contribuera à renforcer l’offre culturelle locale et le potentiel touristique de la ville, le projet devrait donc avoir des retombées réelles pour les Ivoiriens. Très concrètement, cela signifie la création d’emplois sur place et le développement de compétences pour l’avenir.

Dès que la proposition de loi sera adoptée – ce que j’appelle de mes vœux –, les modalités de retour du tambour pourront être définies, en pleine coopération avec la partie ivoirienne, qui prévoit des festivités populaires à son arrivée. La taille de l’objet nécessite un transport en avion-cargo. Il appartiendra à la Côte d’Ivoire de déterminer les conditions et le calendrier les plus appropriés.

La restitution du tambour Djidji Ayôkwè à la Côte d’Ivoire contribuera à réparer une extorsion commise à l’époque coloniale. Bien plus, elle témoignera de notre prise de conscience de sa valeur symbolique, pour renouer les fils brisés par son arrachement à sa communauté. Elle manifestera notre volonté de contribuer positivement à la redécouverte et à la réappropriation de son histoire par la jeunesse ivoirienne. L’ambassadeur de Côte d’Ivoire disait que, avec ce tambour, l’âme des anciens revenait accompagner la jeunesse ivoirienne.

Pour toutes ces raisons, je soutiens sans réserve l’aboutissement de ce long voyage.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Ce texte est le fruit d’un long travail des commissions des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale et du ministère de la culture. La restitution du tambour parleur atchan à la république de Côte d’Ivoire s’inscrit dans une démarche plus globale, qui, fidèle à l’engagement du président de la République depuis son discours à Ougadougou en 2017, vise à renouveler nos relations avec le continent africain.

Dans ce contexte, le président de la République et son homologue Alassane Ouattara ont acté en 2021 le retour du tambour parleur. Depuis, tout a été mis en œuvre dans le cadre d’un travail partenarial pour qu’il puisse retrouver son pays d’origine ; le ministère de la culture y a pris toute sa part. Je remercie les équipes du musée du quai Branly-Jacques-Chirac, celles du musée des civilisations de Côte d’Ivoire, la direction générale des patrimoines et de l’architecture, le service des affaires juridiques et internationales du ministère et l’ambassadeur Jean-Luc Martinez.

Cet engagement a rendu possible une solution très pragmatique constituée de deux éléments : le dépôt et la restitution. Le 18 novembre dernier, mon homologue ivoirienne et moi avons signé une convention de dépôt. Cette première étape était importante pour garantir le retour du tambour à Abidjan dans un avenir très proche. Il s’agissait non pas de contourner le circuit législatif mais d’envoyer un signal volontariste à nos partenaires ivoiriens.

Parallèlement, les sénateurs ont déposé une proposition de loi pour avancer sur le chemin de la restitution définitive. Alors que les travaux sur une troisième loi-cadre se poursuivaient, il était indispensable d’élaborer une solution législative de court terme, compatible avec les enjeux diplomatiques.

L’article unique de la proposition de loi tend à déroger au code du patrimoine qui dispose que les collections nationales sont inaliénables. Le texte a été adopté à l’unanimité au Sénat le 28 avril ; j’espère qu’il en ira de même à l’Assemblée nationale.

Cette loi d’espèce est une bonne nouvelle ; dans ce domaine, les attentes sont nombreuses. Toutefois, elle ne doit pas entamer notre détermination à faire aboutir une loi-cadre relative aux restitutions de biens culturels aux États qui en ont été privés par une appropriation illicite. Pour répondre à l’amendement de M. Taché, je tiens à confirmer qu’elle verra le jour, comme cela était prévu : un avant-projet de loi sera présenté dès cet été. Je vous proposerai d’en discuter en septembre. La loi-cadre est aussi très attendue par nos partenaires étrangers. Nous sommes prêts. Seul un contexte apaisé et vertueux permettra au débat d’aboutir : nous ne pouvons pas nous permettre d’ouvrir la porte à une instrumentalisation – comme vous, je l’espère, nous veillerons à l’éviter.

La restitution du tambour parleur s’inscrit également dans la perspective de la réouverture du musée des civilisations de Côte d’Ivoire, qui en sera l’écrin. Le soutien de la France à la rénovation et à la modernisation du MCCI symbolise notre ambition en matière de coopération muséale et patrimoniale avec la Côte d’Ivoire. Il témoigne également de notre volonté d’accompagner chaque restitution d’un dispositif de coopération rassemblant des experts français et étrangers autour d’un projet commun.

Mme Frédérique Meunier, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Florence Joubert (RN). Dans notre pays à la longue histoire et au riche patrimoine, les biens du domaine public sont par principe inaliénables. Aussi la sortie d’un bien des collections publiques doit-elle recevoir l’approbation de la représentation nationale. Au cours de la précédente législature, nous avons ainsi voté avec une unanimité à la hauteur des sujets les lois du 22 juillet et du 26 décembre 2023.

Nous devons aujourd’hui nous prononcer sur la sortie des collections publiques du tambour parleur Djidji Ayôkwè, dont la communauté atchan de Côte d’Ivoire demande la restitution depuis plusieurs décennies. Outre ses qualités esthétiques certaines, il est pour ce peuple une entité spirituelle et un outil de communication symbolique. En effet, il a servi dans la résistance contre l’armée française, raison pour laquelle l’administration coloniale l’a confisqué en 1916.

Nous qui sommes attachés à l’identité nationale française ne pouvons qu’entendre l’attachement d’autres peuples à leur propre identité et au patrimoine qui en est l’émanation matérielle. La France s’est déjà engagée en 2021 à restituer le tambour parleur à la Côte d’Ivoire, qui en avait fait la demande officielle deux ans plus tôt. Il est temps que notre pays tienne sa promesse faite à un État avec lequel nous entretenons de très bonnes relations. Nous avons notamment œuvré à une collaboration muséale remarquable, afin que le musée des civilisations de Côte d’Ivoire soit prêt à accueillir le tambour atchan.

Nos homologues de la Chambre haute ont souhaité la création d’un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens, chargé de mener une expertise scientifique préalable au temps politique et diplomatique.

Le gouvernement envisage un projet de loi-cadre visant à généraliser de telles restitutions. Nous suivrons avec attention l’évolution des réflexions dans ce domaine, afin que les restitutions d’œuvres appartenant aux collections publiques soient toujours raisonnées et dépourvues de toute repentance anachronique.

Puisque la France et la Côte d’Ivoire construisent ensemble ce projet de longue date, à la suite d’une promesse que notre pays a faite il y a plusieurs années, il est légitime que le tambour parleur Djidji Ayôkwè quitte nos collections publiques pour rentrer de son long exil.

Mme Graziella Melchior (EPR). Ce texte revêt une importance particulière. En effet, il prévoit de restituer à la république de Côte d’Ivoire un bien inestimable : le tambour parleur Djidji Ayôkwè. Nous avons eu la chance d’entendre l’ambassadeur nous raconter son histoire, révélatrice des relations qui ont lié la France et la Côte d’Ivoire et de la vie d’une communauté.

Sculptée selon toute vraisemblance par le maître artisan Biengui au XIXe siècle dans un bois dont la charge symbolique importe, cette pièce colossale pèse plus de 400 kilogrammes et mesure 3,3 mètres de long. Elle doit son nom à la panthère-lion qu’elle représente, laquelle semble agripper une forme convexe.

Il jouait pour la communauté atchan un rôle tant utile que symbolique. Sa vocation anthropomorphique – il était considéré comme un être humain, somme de tous les ancêtres partis – se conjuguait à une vocation utilitaire. Capable de porter le son à 50 kilomètres, il servait à prévenir toute la communauté de l’arrivée des émissaires de l’administrateur français qui venaient chercher les hommes, vraisemblablement pour les employer aux travaux forcés. Confisqué par l’administration coloniale en 1916 et plus tard transféré en France, il est désormais conservé au musée du quai Branly. Nous nous apprêtons à le restituer, 106 ans après son départ.

Son importance est telle qu’il figurait en tête d’une liste de 148 pièces dont la Côte d’Ivoire a demandé la restitution. En novembre 2017, le président de la République, dans un discours prononcé à Ouagadougou, s’était en effet engagé à restituer des éléments du patrimoine africain. Si une telle politique se développe dans plusieurs pays anciennement colonisateurs, nous pouvons être fiers de la nôtre. Non seulement le tambour a fait l’objet d’une restauration complète, mais il a également permis l’élaboration d’un partenariat entre nos deux pays. Celui-ci contribuera notamment à la formation de conservateurs du patrimoine ivoiriens et à la muséographie, pour que le retour de cette œuvre d’art valorise le musée des civilisations de Côte d’Ivoire et participe à son développement.

La loi a déjà permis la restitution de plusieurs biens culturels de grande valeur au Bénin et au Sénégal. L’adoption de ce texte, que nous soutenons, rendra à la Côte d’Ivoire une œuvre d’art volée, pour réparer un peu des traumatismes passés.

L’aspect mémoriel de cette restitution est fondamental. Elle sera l’occasion d’une grande célébration tant le tambour est attendu par de nombreux Ivoiriens. Nous pouvons être fiers que, en adoptant ce texte, la représentation nationale reconnaisse la légitimité de la restitution. Néanmoins, beaucoup sont impatients d’examiner un projet de loi-cadre relatif à la restitution des biens mal acquis par la France. Madame la ministre, je vous remercie de nous avoir annoncé la présentation prochaine du projet en Conseil des ministres.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Enfin, nous examinons la très attendue proposition de loi visant à restituer le tambour Djidji Ayôkwè. Il était temps ! Ce tambour parleur confisqué en 1916 à l’ethnie atchan, puis conservé en France depuis 1930, a été réclamé pendant des décennies par sa communauté d’origine et officiellement par la république de la Côte d’Ivoire en 2019. Son retour, attendu, est préparé de longue date. Entité spirituelle, symbolique et politique pour sa communauté d’origine, il a été l’objet d’une spoliation coloniale. Les membres de mon groupe voteront donc en faveur de la restitution.

Cependant, le vote des Insoumis n’est pas le signe de leur naïveté ; il ne vaut pas blanchiment des opérations de communication du président. Si nous soutenons la restitution, nous exprimons de vives réserves sur la méthode. En 2021, Emmanuel Macron l’a promise alors qu’aucun projet de loi n’avait été déposé au Parlement. Celui-ci étant le seul à même de la rendre juridiquement possible, cela revenait à le réduire à une chambre d’enregistrement des opérations de communication de l’exécutif. Nous ne tolérons pas ce mépris. Faute d’un projet de loi assumé par le gouvernement, c’est encore par une proposition de loi, issue cette fois du Sénat, que le président cherche à tenir ses promesses, un peu in extremis.

Plus largement, cela montre que cette méthode des textes de restitution au cas par cas, votés à la va-vite en procédure accélérée pour satisfaire les intérêts politiques du moment, n’est pas à la hauteur des enjeux. Il faut une loi-cadre, un vrai débat, au Parlement et dans la société, sur la façon dont nous devons traiter ce patrimoine culturel, considéré comme inaliénable et pourtant fruit de la violence coloniale et de l’expropriation. Nous en avons déjà, à juste titre, adopté une relative aux biens juifs spoliés pendant la période nazie. Nous devons désormais mener la même réflexion sur le rapport de la France à son passé colonial et aux décennies de relations inégalitaires de la Françafrique. Nous devons également nous pencher sur le rôle des parlementaires et des experts dans les processus de restitution. Ainsi seulement nous éviterons d’une part l’instrumentalisation de ces textes ad hoc en outils de soft power, d’autre part la pérennisation sous d’autres formes d’une vision postcoloniale qui porte atteinte à la souveraineté des peuples africains.

Voyez-vous, nous ne sommes pas dupes du calendrier. La restitution intervient trois mois avant une élection présidentielle, dont les opposants ont été exclus et vis-à-vis de laquelle les autorités françaises font preuve d’ambiguïté – l’ambassadeur de la France s’est ainsi récemment affiché dans une tenue à l’effigie de la première dame. Ce texte ne doit pas permettre à Emmanuel Macron de prétendre qu’il a réussi à renouveler ses relations avec la Côte d’Ivoire et, plus généralement, avec les pays de la région.

Nous voterons la proposition de loi mais nous sommes convaincus que la restitution d’œuvres pillées pendant la période coloniale mérite mieux qu’un texte sans ambition et instrumentalisé à des fins de communication.

Madame la ministre, vous aviez promis un projet de loi-cadre avant l’été. Son examen aurait donné lieu à des échanges bien plus passionnants que votre acharnement législatif contre l’audiovisuel public. Vous parlez d’un projet pendant l’été : nous attendons les détails du calendrier.

M. Philippe Brun (SOC). Je m’exprime en tant qu’ancien président et actuel vice-président du groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire. Notre joie d’examiner ce texte, même si nous espérions un projet de loi, est à la mesure de l’attente qui l’a précédé – elle avait le « dur désir de durer », pour reprendre les mots de Paul Éluard.

Il y a deux ans, nous nous sommes rendus en Côte d’Ivoire, avec la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons été reçus par le président Alassane Ouattara, qui a réitéré la demande de restitution. Il est essentiel que la France honore la parole donnée lors du discours de Ouagadougou et les engagements pris en 2021.

L’acte n’est pas anodin. Il ne s’agit pas de restituer un bien culturel comme un autre, mais de payer une partie du solde, considérable, de la colonisation. Avec cette proposition de loi, nous tentons de réparer un peu des immenses sacrifices que la population locale a consentis, des violences coloniales et des crimes contre l’humanité commis dans toutes ces régions d’Afrique. Nous devrons un jour les reconnaître, comme Jacques Chirac a reconnu, dans le discours du Vél’ d’Hiv’ de 1995, les crimes de la police française de Vichy.

En revenant sur la confiscation à l’ethnie atchan du tambour Djidji Ayôkwè par l’administrateur Simon en 1916, nous ouvrons une nouvelle page de nos relations avec la Côte d’Ivoire. Nous partageons tant avec cette nation sœur et nous lui devons tant : les liens entre nos pays sont inextricables à travers les siècles. Nous participons ainsi à une œuvre de civilisation et de réconciliation, dans l’attente de la pleine reconnaissance de notre histoire, en mémoire de ceux qui ont consenti tant de sacrifices.

M. Sébastien Martin (DR). Le texte que nous examinons est tout sauf anecdotique. Touchant à la fois à notre histoire, à notre rapport aux nations partenaires et à la protection de notre patrimoine, il aborde au contraire un sujet d’importance. Si nous nous penchons sur la restitution d’un bien culturel à la Côte d’Ivoire, n’oublions pas qu’en 2021 le même cadre législatif avait été mobilisé pour permettre le retour de vingt-six œuvres au Bénin.

Le groupe Droite républicaine est favorable à ces restitutions dès lors qu’elles sont parfaitement encadrées. Nous n’ignorons pas les questions que cela peut soulever : la protection de l’intégrité des collections ; le principe d’inaliénabilité, au cœur de la démarche ; le rôle universel que jouent les musées de France qui, chaque année, accueillent des millions de personnes, donnant ainsi une visibilité universelle aux œuvres en leur sein.

Au-delà de la présente démarche législative, il est nécessaire d’établir un cadre juridique clair, fondé sur un dialogue respectueux avec les États concernés, dans le cadre d’un véritable partenariat culturel – c’est le cas entre la France et la Côte d’Ivoire –, avec la formation de professionnels sur place, le partage des pratiques et la coopération étant enrichissants pour tous. Si, aujourd’hui, nous examinons une loi d’espèce, nous attendons demain une troisième loi-cadre de restitution d’œuvres d’art, le principe des conventions de prêt n’étant absolument pas satisfaisant.

La coopération exemplaire entre la France et la Côte d’Ivoire depuis 2019 va enfin pouvoir aboutir. Le tambour parleur, qui incarne l’esprit de la communauté atchan, est plus qu’une œuvre. Cet outil de gouvernance et de communication va pouvoir retrouver son pays, renouant avec ses origines et rétablissant le lien avec une histoire née au XIXᵉ siècle.

M. Steevy Gustave (EcoS). Michel Leiris écrivait, dans L’Afrique fantôme : « […] on pille des Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et à les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes qui iront eux aussi les “aimer” et les piller ». Ce n’est pas qu’un constat : c’est une vérité longtemps étouffée.

Tel est le cas du Djidji Ayôkwè. Ce tambour sculpté dans un bois rare, gravé de signes sacrés, était bien plus qu’un instrument : c’était un pilier de la société ébrié, un outil de transmission. Il portait des messages, rythmait les cérémonies, alertait en cas de danger, rassemblait les vivants autour des traditions et des ancêtres. Il était une voix et, quand il s’est mis à parler, il a dérangé. Il était en quelque sorte un griot de bois : il disait l’histoire, il reliait les vivants et les morts, il transmettait la mémoire, la justice, le sacré. Comme les griots, il dérangeait ceux qui voulaient imposer l’oubli, car il ne faisait pas que transmettre des sons : il portait une présence, une autorité, une puissance ; il rassemblait, il éveillait un peuple. Et cela, le pouvoir colonial ne pouvait pas le tolérer.

En 1916, lors d’une expédition punitive à Adjamé, le tambour a été confisqué par l’administration coloniale. Il n’a été ni acheté ni échangé : il a été pris, pris comme on fait taire un ennemi, un ennemi trop puissant pour être combattu autrement, parce qu’il portait l’écho d’un peuple debout. Ce geste n’était pas neutre : il visait à briser un lien, à interrompre une mémoire, à affaiblir une communauté, à étouffer une force spirituelle, politique, collective.

Avec lui, comme tant d’autres objets – masques, statues, trônes –, ce sont des savoirs, des rituels, des histoires qu’on a emportés. Depuis plus d’un siècle, Djidji Ayôkwè sommeille dans les collections françaises, comme plus de 90 000 œuvres africaines. Mais ce tambour n’est pas un objet inerte : il est habité par la voix de ceux qui l’ont façonné, par les rythmes des anciens, par les silences imposés.

J’emprunte ici les mots d’un des plus grands sages du continent, Amadou Hampâté Bâ, qui disait : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » Restituer un tambour, c’est raviver une bibliothèque qu’on croyait perdue, c’est redonner souffle à des savoirs, à des voix, à une dignité volée. On l’a arraché à sa forêt et privé de sa fonction sacrée mais il continue de battre en sourdine dans le cœur de son peuple. Sa restitution ne relève pas seulement du patrimoine, elle relève du spirituel. Restituer un tambour, c’est rendre la parole aux morts.

La présente proposition de loi met fin à plus de six ans d’attente pour la république de Côte d’Ivoire, une attente née de l’engagement pris par le président de la République au Burkina Faso, en 2017, de faciliter le retour des œuvres pillées. Si quelques objets ont été rendus, le projet de loi-cadre promis reste à l’arrêt. En 2023, Rima Abdul Malak avait lancé un chantier ambitieux avec trois lois-cadres. Deux d’entre elles ont été adoptées ; la troisième, qui portait sur les biens issus de la colonisation, a été reprise par vous, madame la ministre, mais elle a été stoppée net par le Conseil d’État. Pendant ce temps, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique ont pris les devants : eux avancent et la France prend du retard.

Restituer une œuvre est une obligation morale. Les trésors de l’Afrique susciteront encore bien des textes.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Après la remise du rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine culturel africain, en 2018, une première étape a été franchie avec la signature de la convention de dépôt par les ministres de la culture française et ivoirienne, Rachida Dati et Françoise Remarck. La loi de restitution, concrétisation juridique attendue et discutée ce jour, marque l’étape suivante. Elle permettra au tambour parleur de trouver définitivement sa place au musée des civilisations de Côte d’Ivoire, à Abidjan, après la réhabilitation de ce dernier.

De quel objet parlons-nous ? Le tambour parleur Djidji Ayôkwè ou panthère-lion était utilisé pendant la période de recrutement pour la construction de routes afin d’annoncer l’arrivée des colons dans les villages et de permettre aux hommes de fuir. Il fut dérobé par ces mêmes colons en 1916, dans un faubourg d’Abidjan.

La charge symbolique de l’objet, emblème de résistance réclamé de longue date par la Côte d’Ivoire, fait de sa restitution un geste fortement historique selon Clavaire Aguego Mobio, chef traditionnel ébrié. Parmi les 148 œuvres d’art officiellement demandées à la France depuis 2018, le Djidji Ayôkwê sera la première à revenir dans son pays. Le geste de pacification des mémoires que représente cette restitution est d’autant plus fort que le tambour est par essence un objet militaire.

Le groupe Les Démocrates votera ce texte dont l’article unique prévoit une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques énoncé à l’article L. 451-5 du code du patrimoine et un transfert de l’œuvre dans un délai maximal d’un an. Le périmètre de la loi-cadre du 22 juillet 2023 consacrée aux œuvres spoliées par les nazis dans le contexte des persécutions antisémites méritera sans doute d’être redéfini ou étendu à d’autres œuvres, afin d’éviter que chaque restitution nécessite une loi spéciale.

En conclusion, je salue les rapporteurs, M. Laurent Lafon au Sénat et M. Bertrand Sorre à l’Assemblée, dont l’excellent travail permettra qu’aboutisse ce très beau geste entre la France et la Côte d’Ivoire, concrétisant ainsi la promesse présidentielle faite en 2021.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je m’exprime ce matin au nom du groupe Horizons & indépendants mais également comme coprésident du groupe d’études Tourisme et patrimoine de l’Assemblée nationale, qui rassemble des députés de tous les bords politiques attachés à la richesse et à la diversité de notre patrimoine. Je salue également le travail des rapporteurs, Laurent Lafon et Bertrand Sorre, et des services du ministère de la culture.

Le tambour que nous allons restituer à la Côte d’Ivoire n’est pas un objet anodin : il est une voix, une mémoire. Arraché au peuple atchan, il fut confisqué non pour ce qu’il était, mais pour ce qu’il disait. Ce tambour parlait : il transmettait les décisions du chef, rythmait les grandes cérémonies, reliait les vivants et les ancêtres. Il scandait l’histoire de tout un peuple, bien avant qu’elle ne soit consignée dans les livres.

Cette décision n’est pas un effacement de l’histoire : c’est une réparation. Ce que nous faisons aujourd’hui n’est ni une réécriture ni une négation. C’est bien la reconnaissance d’une blessure réelle, inscrite dans les corps, les mémoires et les silences. Restituer, ce n’est pas demander pardon, c’est dire qu’un objet qui fut volé, même il y a un siècle, garde toujours une mémoire de l’injustice. Restituer, ce n’est pas simplement réparer une injustice historique, c’est reconnaître que notre patrimoine universel ne peut exister au prix du silence des autres. C’est affirmer que la culture et le patrimoine ne sont pas des butins mais des ponts entre les peuples. Cette restitution n’est pas un geste de charité, c’est un acte de justice. Comme l’écrivait Albert Camus, le vrai génie est dans la compréhension des blessures invisibles, et c’est bien ce que nous faisons aujourd’hui.

Je me réjouis que la France aide les pays qui retrouvent leurs œuvres à les exposer dans des conditions remarquables, en participant à la création ou à la restauration de musées. C’est l’honneur de la France que d’accompagner les restitutions avec des projets ambitieux de partenariat culturel.

Enfin, nous ne pouvons pas nous contenter de lois d’espèce. Je salue, madame la ministre, votre décision de présenter une loi-cadre ; je ne doute pas que le Parlement saura trouver sa place, même si un tel texte est voté. Le groupe Horizons soutiendra donc cette proposition de loi ainsi que la loi-cadre qui devrait être examinée prochainement.

M. Salvatore Castiglione (LIOT). La quasi-totalité du patrimoine matériel des pays d’Afrique subsaharienne se trouve conservée hors du continent africain. La restitution du tambour parleur à la Côte d’Ivoire représente bien plus qu’un simple transfert d’objet patrimonial. Il s’agit d’un instrument à haute valeur symbolique, utilisé par la communauté locale comme moyen de communication et de résistance. L’administration coloniale l’a confisqué dans un but clairement politique. En cela, sa restitution n’est pas simplement une opération muséale ; c’est un geste de réparation et de vérité sur notre passé colonial.

Nous faisons pourtant face à un paradoxe : alors que des efforts opérationnels et financiers conséquents ont été consentis, rien n’a été prévu sur le plan juridique pour autoriser ce transfert, malgré une demande officielle dès 2019 et un engagement de la France en 2021. Cela suscite une incompréhension légitime, d’autant que le Sénégal et le Bénin ont déjà bénéficié de restitutions. Cette inégalité de traitement mine la cohérence de notre politique de coopération culturelle, alors même que les relations entre la France et la Côte d’Ivoire sont historiquement solides.

La convention de dépôt de cinq ans, signée en novembre dernier, constitue un pas important mais insuffisant. Les opérations de rénovation du musée des civilisations de la Côte d’Ivoire vont bientôt s’achever et permettront des conditions d’accueil optimales. Il est donc temps de permettre ce retour définitif.

Plus largement, nous devons avancer sur cette troisième loi-cadre concernant les biens culturels coloniaux, après une première consacrée aux biens spoliés par le régime nazi et une deuxième relative aux restes humains. Elle permettrait d’inscrire la restitution dans un processus institutionnalisé, transparent et scientifique. Évitons le sentiment d’arbitraire qui a pu entourer certaines décisions passées.

Accepter la restitution, ce n’est ni renier l’histoire ni fragiliser nos musées : c’est assumer notre histoire dans toute sa complexité et ouvrir un nouveau chapitre fondé sur le respect, la justice et la coopération.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). La proposition de loi que nous examinons vise à rendre à la Côte d’Ivoire un tambour parleur actuellement exposé au musée du quai Branly. La détention de ce bien culturel par un musée français est la conséquence du crime contre l’humanité que représente la colonisation.

Il y a plus d’un siècle, les représentants de la France républicaine ont saisi ce tambour qui était symbole à la fois de spiritualité et de résistance. Cet instrument est un exemple parmi tant d’autres de la spoliation systémique subie par la population autochtone sous occupation coloniale.

Le rapport Sarr-Savoy de 2018 évaluait à 90 000 le nombre d’objets d’Afrique subsaharienne présents dans les collections publiques françaises, dont près de 70 000 dans le seul musée du quai Branly. La demande de la Côte d’Ivoire de récupérer ce bien en 2021, réitérée en 2024 à la suite de l’inaction du gouvernement français, est parfaitement légitime.

Le principe d’inaliénabilité des collections publiques est fondamental pour protéger les biens culturels du marché. Cependant, la restitution de biens culturels spoliés constitue une dérogation légitime à ce principe. Elle est essentielle dans ce processus de réparation et de mémoire que la France doit mener conjointement avec les pays et peuples colonisés. Restituer ce bien culturel et spirituel à la Côte d’Ivoire est une occasion d’affronter honnêtement l’histoire coloniale française, ainsi que les logiques d’exploitation, de domination et de spoliation qu’elle a entraînées.

Ce texte ne doit toutefois pas rester sans lendemain. Il doit conduire à l’adoption d’une loi-cadre afin que les restitutions des biens culturels spoliés ne se fassent plus au compte-goutte. En outre, nous appelons le gouvernement à suivre la recommandation du rapport Ouzoulias-Brisson de 2020 tendant à créer un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens. L’absence de mise en œuvre rapide des engagements pris en 2021 par Emmanuel Macron a tendu les relations entre la France et la Côte d’Ivoire. La préparation de ce type de décision par une consultation scientifique et parlementaire, accompagnée d’une loi-cadre, permettra d’éviter les tensions et le blocage législatif.

Si nous pouvons regretter que les représentants du peuple soient sommés d’adopter un texte impulsé par une décision unilatérale du président Emmanuel Macron jouant sa propre partition, nous ne pouvons qu’en approuver le fond et le sens. Pour ces raisons, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront ce texte.

M. Bertrand Sorre, rapporteur. Je souhaite exprimer ma double satisfaction : non seulement l’ensemble des groupes entendent voter cette loi d’espèce, mais ils sont également favorables à l’adoption rapide d’une loi-cadre. Je note aussi le désir manifesté par tous les groupes de réparer, à chaque fois que cela est possible, les spoliations commises par notre pays en d’autres temps, à une autre époque.

On peut certes regretter qu’il ait fallu six années depuis la demande officielle de la Côte d’Ivoire pour que ce texte nous soit présenté. Cela étant, six ans, c’est court à l’échelle des cent années qui se sont écoulées depuis la spoliation, d’autant plus que cela s’est accompagné en amont d’un travail collaboratif sur le plan culturel – le travail accompli par le musée des civilisations de la Côte d’Ivoire pour accueillir le tambour est remarquable – mais également scientifique – la formation, la collaboration, le partage des compétences et des connaissances ont été unanimement salués lors des auditions – et diplomatique – les relations entre la France et la Côte d’Ivoire sont très bonnes, voire excellentes.

Ces six années n’ont pas été passées à ne rien faire : nous avons construit des collaborations pérennes, qui produisent un modèle transposable à toutes les futures restitutions. Celles-ci enrichissent notre patrimoine culturel et scientifique mais aussi notre diplomatie : ce n’est pas neutre concernant un continent comme l’Afrique, où la France souffre malheureusement d’une image dégradée, totalement anormale au regard des collaborations existantes.

Je vous remercie donc d’avoir exprimé, au nom de vos groupes, la volonté d’aboutir rapidement. M. Taché nous présentera dans quelques instants un amendement mais j’insiste sur l’importance que ce texte soit adopté de façon conforme afin d’éviter de perdre à nouveau du temps, ce que personne ne souhaite. Nous devons restituer le plus rapidement possible ce tambour tant attendu en Côte d’Ivoire.

Mme Rachida Dati, ministre. Je me réjouis que l’ensemble des groupes politiques s’accordent sur la nécessité d’une loi-cadre. Celle-ci est également attendue par de nombreux partenaires étrangers, comme j’ai pu le constater lors de mes rencontres avec leurs représentants depuis que je suis ministre de la culture. Le ministère de la culture procède à tous les examens nécessaires.

Vous avez eu raison de rappeler que l’image de la France était en jeu. L’objectif poursuivi est double : la réparation mais aussi la réappropriation par des peuples qui ont été privés de leurs biens. Je confirme en outre que chaque restitution est précédée d’un travail de coopération scientifique visant à documenter les conditions d’appropriation du bien culturel et ses conditions d’entrée dans les collections nationales. Ce n’est pas parce qu’un pays nous en fait la demande que nous accordons de façon automatique la restitution d’un bien ou de restes humains. Un travail d’expertise scientifique et historique est nécessaire pour déterminer dans quelles conditions nous pouvons procéder aux restitutions. L’enjeu de la loi-cadre sera donc de définir des critères précis pour que la procédure soit inattaquable.

Madame Legrain, vous êtes la seule à avoir tenu un propos dissonant, pour ne pas dire polémique, sur la défense des engagements pris par le président de la République en 2017. Certes, nous sommes en 2025 mais nous avons connu beaucoup d’aléas. Je peux en parler d’autant plus facilement que j’ai appartenu à d’autres gouvernements, à d’autres majorités pour lesquelles le sujet des restitutions constituait une ligne rouge : on ne pouvait même pas en débattre. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Vous pourriez avoir l’honnêteté de reconnaître que l’engagement pris en 2017 a prospéré.

Concernant le projet de loi-cadre, le premier engagement que j’ai pris quand j’ai été nommée ministre était de présenter un texte le plus rapidement possible. Celui-ci a été transmis début 2024 au Conseil d’État, lequel, dans son avis, a demandé qu’un nouveau travail soit réalisé sur le texte. Il n’y a donc pas eu de retard – ce n’est pas de la communication, ce sont des faits. Ce travail a été conduit ces derniers mois. Mon cabinet vous a d’ailleurs invitée à y participer, madame Legrain, tout comme d’autres parlementaires, afin de discuter et d’enrichir le texte. Vous avez annulé à plusieurs reprises ces rendez-vous. Nous n’avons donc pas pu vous rencontrer.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Parce que nous étions en train d’examiner le projet de réforme de l’audiovisuel public !

Mme Rachida Dati, ministre. L’audiovisuel public ne nous a pas occupés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Si je peux travailler sur un autre texte, vous le pouvez aussi. N’essayez pas de trouver de mauvaises raisons. Il faut savoir reconnaître son erreur – moi, quand je commets une erreur, je la reconnais.

La nouvelle version du projet de loi a été transmise au Conseil d’État ; nous attendons son avis. Je suis totalement favorable à la bonne information du Parlement concernant les décisions de restitution. Je souhaite présenter le projet de loi-cadre en Conseil des ministres ce mois-ci et j’espère qu’il sera débattu d’ici à la fin de l’année.

Article unique : Dérogation au principe d’inaliénabilité pour la restitution du tambour parleur dit Djidji Awôkwê à la Côte d’Ivoire

La commission adopte l’article unique non modifié.

Après l’article unique

Amendement AC1 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). L’engagement pris il y a quelques années se concrétise enfin : il faut le saluer. Les Ivoiriens attendaient cela depuis longtemps.

Mon amendement vise à rappeler l’intérêt que les parlementaires portent au projet de loi-cadre que vous proposerez cet été, madame la ministre. Je souhaite savoir comment les parlementaires peuvent y être associés. Vous venez de rappeler que vous aviez invité plusieurs collègues à y participer ; je vous réitère mon intérêt pour ce sujet.

Nous souhaitons savoir comment les œuvres à restituer seront recherchées dans les collections publiques, quels moyens y seront consacrés, quel cadre sera défini, comment le cas des collections privées sera traité. Beaucoup de questions se posent, notamment celle, éminemment importante, du calendrier : dans les moments politiques que nous vivons, il faut faire preuve de célérité.

Vous nous avez indiqué que le texte serait présenté en Conseil des ministres au cours de l’été. Pourriez-vous nous préciser comment les parlementaires seront associés à l’élaboration de ce projet de loi ?

M. Bertrand Sorre, rapporteur. Je perçois votre amendement comme un amendement d’appel. Vous avez parfaitement explicité quelle était son ambition. Toutefois, étant donné les engagements pris par Mme la ministre – un calendrier qui paraît précis, une consultation du Conseil d’État puis la présentation prochaine en Conseil des ministres –, je souhaite le retrait de votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable. Nous voulons tous que cette loi d’espèce soit adoptée conforme afin d’honorer notre engagement de restituer à la Côte d’Ivoire, le plus rapidement possible, ce tambour tant attendu.

Mme Rachida Dati, ministre. Même si mes services avaient émis un avis défavorable, je suis totalement favorable à votre amendement. Toutefois, notre objectif, dans l’immédiat, est de promulguer très rapidement le texte afin de pouvoir procéder à la restitution. Je souhaite donc le retrait de votre amendement, qui pourra être repris lors de l’examen du projet de loi-cadre à l’élaboration duquel vous serez conviés.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Il était important d’avoir votre engagement, madame la ministre, que le travail de préparation de la loi-cadre serait bien collectif. Vous venez de répondre à la question ; je retire donc l’amendement. Nous voulons tous que le tambour reparte le plus vite possible à Abidjan.

L’amendement est retiré.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté.

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/4KCqTH

 

 


—  1  —

 

   ANNEXE :
Liste des personnes ENTENDUEs par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

       Ministère de l’Europe et des affaires étrangères  M. Jean-Luc Martinez, ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, Mmes Valérie Brisset, directrice adjointe de la diplomatie culturelle, éducative, universitaire et scientifique, Marion Bourgain, sous-directrice d’Afrique occidentale, Marie Normand, rédactrice République de Côte d’Ivoire à la sous-direction Afrique de l’Ouest, et Mme Sandrine Bourguignat, rédactrice Patrimoine et Restitutions

       Comité français du Conseil international des musées (ICOM)  Mmes Émilie Girard, présidente, et Anne-Claude Morice, déléguée d’ICOM France

       Musée du Quai-Branly-Jacques Chirac  M. Emmanuel Kasarhérou, président

       M. Maurice Kouakou Bandaman, ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, et MM. Anthelm Prosper Angui, et Djombo Raoul Ndre, ministres conseillers

       Ministère de la culture – Mme Christelle Creff, cheffe de service, adjointe au directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée du service des musées de France, Mme Claire Chastanier, adjointe au sous-directeur des collections, M. Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales, et Mme Sarah Doignon-Sirven, adjointe au chef du bureau des affaires internationales et multilatérales

 


([1]) Jean-Luc Martinez, Patrimoine partagé : universalité, restitutions et circulation des œuvres d’art - Vers une législation et une doctrine françaises sur les « critères de restituabilité » pour les biens culturels, 27 avril 2023 : https://www.vie-publique.fr/rapport/289235-universalite-restitutions-circulation-des-oeuvres-d-art-rapport-martinez

([2]) Dans sa décision n° 2018-743 QPC du 26 octobre 2018, Société Brimo de Laroussilhe.

([3]) Cet article dispose que : « Les collections des musées de France sont imprescriptibles ».

([4]) Soit l’État, les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics.

([5]) Comme l’indique le Conseil d’État dans son avis rendu sur le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal : « Il résulte de la combinaison de cet article L. 451-5 du code du patrimoine et de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques qu’un déclassement par la voie administrative n’est possible que lorsqu’un bien a perdu tout intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique ». https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/restitution_biens_culturels_Benin_Senegal?etape=15-AN1-DEPOT

([6]) Il s’agissait du tableau de Gustav Klimt intitulé « Rosiers sous les arbres », de onze dessins de Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan, d’une cire de Pierre-Jules Mène, ainsi que d’un tableau de Maurice Utrillo intitulé « Carrefour à Sannois ».

([7]) Le sigle MNR correspond au préfixe des numéros d’inventaire des peintures anciennes confiées après la Seconde guerre mondiale au département des peintures du Louvre par la Commission de récupération artistique (environ la moitié des œuvres dont on soupçonnait le caractère spolié), le préfixe des objets d’art étant « OAR » et celui des sculptures « RFR ». Toutefois, le sigle MNR a, par extension, fini par désigner l’ensemble des 2 143 œuvres concernées. Ces œuvres, mises en dépôt, n’ont pas été inscrites dans les inventaires des musées nationaux ni des institutions dépositaires, conservant un statut particulier qui les fait échapper à l’inaliénabilité des collections publiques.

([8]) Décret n° 2025-309 du 2 avril 2025 portant restitution de restes humains à la République de Madagascar : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051421554  

([9]) Christophe Marion, Restituer au sein de la République les restes humains présents dans les collections publiques, rapport remis à la ministre de la culture Rachida Dati le 8 janvier 2025.

([10]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0838_proposition-loi#  

([11]) Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, Restituer le patrimoine africain : vers une nouvelle éthique relationnelle, novembre 2018 : https://www.culture.gouv.fr/espace-documentation/rapports/La-restitution-du-patrimoine-culturel-africain-vers-une-nouvelle-ethique-relationnelle

([12]) H. Labouret et A. Schaeffner, Un grand tambour de bois ebrié (Côte d’Ivoire). Bulletin du musée d’Ethnographie du Trocadéro, n° 2, juillet 1931, pp. 48-55.

([13]) Ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, qui précise que ce principe « s’oppose seulement à ce que des biens qui constituent ce domaine soient aliénés sans qu’ils aient été au préalable déclassés ».

([14]) https://assnat.fr/4Dfljl