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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2025
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE
sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins,
Président
M. Jean-François ROUSSET
Rapporteur
M. Christophe NAEGELEN
Députés
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TOME 1
RAPPORT
Voir les numéros : 877 et 934.
La commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, est composée de :
– M. Jean-François Rousset, président ;
– M. Christophe Naegelen, rapporteur ;
– Mme Béatrice Bellamy, M. Théo Bernhardt, M. Guillaume Garot, Mme Murielle Lepvraud, vice‑présidents ;
– M. Laurent Alexandre, M. Romain Eskenazi, M. Thierry Frappé, Mme Annie Vidal, secrétaires ;
– Mme Anchya Bamana, Mme Géraldine Bannier, Mme Véronique Besse, M. Matthieu Bloch, Mme Sylvie Bonnet, M. Jorys Bovet, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Julie Delpech, Mme Alma Dufour, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Anne Le Hénanff, M. Julien Limongi, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, M. Yannick Monnet, Mme Stéphanie Rist, Mme Sabrina Sebaihi, M. Lionel Tivoli, M. Jiovanny William.
SOMMAIRE
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Pages
1. Le numerus clausus : la source de la désertification médicale
B. Une Mutation de l’exercice libÉral qui conduit À la rÉduction du temps mÉdical disponible
1. Un exercice libéral en mutation
2. Les structures de coordination des professionnels : des modèles différents.
3. Le temps médical : un décrochage bien réel
2. Pourtant la nécessité d’assurer l’ancrage territorial des professionnels de santé demeure
A. La planification sanitaire : une action rÉgalienne qui peine À s’affirmer
1. Des agences régionales de santé aux compétences trop larges en comparaison de leurs moyens
3. La « démocratie sanitaire » : une ambition louable, une mise en œuvre difficile
3. Les relations entre les ARS et les élus : chronique d’un malentendu
III. Le constat d’une hausse des inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins
c. Les professions paramédicales et les pharmacies
2. Le zonage actuel des aides financières à l’installation contribue à rigidifier l’offre de soins
1. Une nécessité de libérer les praticiens des tâches administratives
2. La vague de délégation de compétences reste insuffisante
3. Un statut d’IPA encore fragile et insuffisamment articulé avec les autres professionnels de santé
C. La persistance des risques rÉcurrents liÉs à la prise en charge de publics fragiles
1. Une gestion de la dépendance et du virage ambulatoire qui n’a pas été anticipée
2. La périnatalité et la tension entre proximité et qualité des soins produits
3. La prise en charge psychiatrique : « cause nationale », moyens modestes
A. La crise À l’hôpital public, entre mythes et rÉalitÉ
1. Le binôme directeur – président de la CME : un duo à renforcer
2. Le GHT critiqué pour son manque de moyens et sa fragmentation
3. Une permanence des soins « à la carte » en attendant la réforme de la PDSES
1. Une spécialisation des établissements souvent révélatrice d’un champ d’activité restreint
3. Des modalités de financement qui fragilisent leur participation au service public hospitalier
I. parachever la rÉforme des Études de santÉ, donner la primautÉ aux formations pratiques
2. Développer l’alternance, réduire la durée des études, favoriser le redoublement
2. Renforcer le taux de recours aux voies internes par l’amélioration des conditions d’études
A. RECENTRER L’État et ses Établissements sur la planification de l’offre de soins
1. Clarifier la chaîne de décision, renforcer la déconcentration des moyens
3. Réaffirmer le pilotage politique de l’administration en santé
1. Pour un contrat local de santé au cœur de l’organisation des soins de premier niveau
IV. Soigner mieux partout : lutter contre les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins
1. Le développement nécessaire des assistants médicaux
2. IPA : renforcer l’accès en ville et l’attractivité du métier
3. Le cas des PADHUE : des examens pratiques à entamer
B. Mettre un terme au renoncement aux soins sous toutes ses formes :
2. Approfondir la stratégie décennale de lutte contre le cancer
3. Le « sport santé » : une nouvelle stratégie nationale à déployer dans l’après J.O.P
D. Financer la dépendance : un poste de dépenses à accroître pour nos aînés
E. santé périnatale et fermeture des maternités : un équilibre entre sécurité et proximité
1. Sortir des logiques de seuils pour privilégier la sécurité des soins
2. Revaloriser le métier de sage-femme
3. Renforcer l’attractivité de l’hôpital public
B. Soins non-programmés : passer de l’urgence à la permanence
1. Réglementer les centres de soins non-programmés pour prévenir les départs de personnel
2. Renforcer la régulation des urgences
3. Permanence des soins en établissements de santé publics et privés : sanctionner les carences
1. La psychiatrie et les urgences : renforcer l’impact des dotations populationnelles
cONTRIBUTION DU GROUPE rassemblement national
Contribution de Mme Géraldine Bannier, députée de la DEUXIÈme CIRCONSCRIPTION DE LA Mayenne.
Contribution de M. ROMAIN ESKENAZI, député de la SEPTIÈME CIRCONSCRIPTION DU VAL-D’OISE.
Liste des personnes auditionnées
programme du dÉplacement du RAPPORTEUR EN RÉGION GRAND EST
Le sujet des difficultés d’accès aux soins à l’hôpital public, qui a fait l’objet d’une commission d’enquête sous la précédente législature, et celui, plus large, de l’organisation du système de santé et des difficultés d’accès aux soins qui constitue l’intitulé de cette commission, figure parmi les préoccupations majeures de nos concitoyens et la crise sanitaire du covid-19 en a accentué la criticité.
Il convient à cet égard de souligner la détermination du rapporteur qui a été, avec son groupe LIOT, à l’origine de la création de ces deux commissions d’enquête dans le cadre du droit de tirage prévu par l’article 141 du règlement de notre assemblée. Le 5 mars 2025, la commission d’enquête s’est réunie pour constituer son bureau ; elle a ainsi élu M. Christophe Naegelen rapporteur, et en application de la règle qui veut que majorité et opposition se partagent la direction des travaux d’une commission d’enquête, elle m’a fait l’honneur de m’élire comme président.
En cinq mois de travaux, nous avons consacré près de 60 heures pour conduire 28 auditions, qui nous auront permis d’entendre 87 personnes. Ces auditions ont été complétées par une mission de délégations de la commission d’enquête dans la région Grand Est. Ce déplacement a eu l’immense avantage de permettre une appréhension des réalités au plus près des territoires.
L’important travail mené depuis le mois de mars a été l’occasion d’auditionner l’ensemble des acteurs de notre système de santé, de procéder à des comparaisons avec d’autres États européens et de présenter un certain nombre de réflexions et pistes de réforme aux ministres compétents. Ce travail a permis de confirmer plusieurs constats dont le principal est celui de la pénurie généralisée de personnels soignants, dont les médecins, qui génèrent une série de dysfonctionnements supposés ou existants au sein de l’écosystème de soins. Toutefois, je tiens à souligner, qu’au cours de nos auditions, aucun sujet n’est apparu comme le seul permettant de les expliquer. En effet, ce travail nous aura permis de considérer qu’il s’agit d’une somme de difficultés qui entretient la situation.
Cette commission aura également permis d’évaluer l’impact des lois successives intervenues depuis dix ans, la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, celle relative à l'organisation et à la transformation du système de santé de 2019, les lois dites « Rist 1 »visant à « améliorer le système de santé par la confiance et la simplification en 2021 et « Rist 2 » portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé en 2023, enfin la loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels dite « loi Valletoux » également en 2023. Toutes ces lois ont eu pour but d’améliorer l’accès aux soins en permettant notamment de favoriser la coordination des professionnels de santé à travers le développement de structures de soins coordonnés comme les Communautés professionnelles territoriales de santé, les maisons de santé pluriprofessionnelles ou encore les centres de santé mais également l’accès direct à certaines professions de santé et les transferts de compétences permettant de libérer du temps médical. Récemment, l’Assemblée a voté en faveur de la proposition de loi sur la profession d’infirmier permettant de valoriser leur activité en reconnaissant leurs compétences et ainsi, en libérant du temps médical. C’est la preuve que le Parlement souhaite poursuivre dans cette voie de réorganisation des rôles et des missions pour les professions de santé en conservant comme seuls objectifs l’accès, la qualité et la continuité des soins.
Notre système de santé et d’accès aux soins, hérité pour une large part de l’après-guerre mais qui puise ses racines dans premiers hôpitaux ou hospices, les domus dei (« Hôtels-Dieu ») ([1]) qui étaient principalement dirigés par des ordres religieux et se voyaient investis d’une mission de soin et d’accueil des couches sociales fragiles, est sans conteste un des plus sophistiqué et était considéré comme le meilleur au monde au début des années 2000. Il est aussi l’un des plus complexe puisqu’il combine l’existence d’une pluralité d’acteurs publics, privés lucratifs et non lucratifs, le principe irréfragable de liberté d’installation pour les médecins, et une prise en charge des coûts pour les patients associant un régime obligatoire de sécurité sociale et un régime complémentaire autour des mutuelles. L’ensemble faisant l’objet d’une gouvernance centralisée assurée par les directions centrales du ministère de la santé, partiellement déconcentrée aux agences régionales de santé, et qui associe la caisse nationale d’assurance maladie, établissement public national à caractère administratif, et le réseau des caisses primaires d’assurance maladie, organismes de droit privé exerçant une mission de service public.
Ce modèle hybride dans lequel cohabitent des logiques diverses peut certes être considéré comme un atout, il peut aussi constituer une source de complexités dans la période critique que nous connaissons et qui se caractérise par le cumul de différents phénomènes.
Je pense à cet égard que si l’on ne peut parler de crise de notre système de soins il s’agit assurément d’un moment de transformations profondes qui se combine avec un creux historique de la démographie médicale en raison de décisions prises il y a plusieurs décennies pour endiguer la « pléthore » ([2]) de professionnels, principalement l’instauration en 1971 d’un numerus clausus pour les étudiants en médecine et son durcissement conséquent au début des années 1990.
Cette transformation a lieu dans tous les pays du monde. Elle est liée au changement démographique et aux défis sociaux et épidémiologiques auxquels doivent faire face tous les acteurs de la santé. C’est particulièrement vrai et sensible dans les pays occidentaux, où les systèmes de santé de l’après-guerre, très hospitalo-centrés, doivent se transformer en profondeur pour aller vers plus de soins de proximité.
S’il y a un enseignement à tirer des errements du numerus clausus c’est que le système de santé a une extrême inertie et que son pilotage nécessite une grande capacité d’anticipation, de l’ordre de vingt à trente ans. Cet état de fait est lié à la longueur des études de médecine et à la durée de vie de nos structures hospitalières. Ainsi, lorsqu’on veut réformer l’offre de soins, on se trouve face à des structures qu’il est très difficile de transformer et à des étudiants qui ont vocation à devenir des professionnels dix à douze ans plus tard. Comme l’avait rappelé l’ancienne ministre Agnès Buzyn au cours des travaux de la précédente commission d’enquête, « le système de santé est semblable à un gros paquebot : voilà pourquoi il est si difficile de le piloter » ([3]). Toutefois, les mesures mises en œuvre depuis 2017 le démontrent, il est possible d’améliorer durablement la structure organisationnelle des soins pour un meilleur accès aux soins.
Un des sujets mis en lumière par la commission d’enquête est la nécessité de trouver un équilibre entre la qualité des soins – qui est liée à la pratique des professionnels, à la qualité et à la taille critique des plateaux techniques – et l’accès aux soins sur les territoires qui cristallise les débats autour des « déserts médicaux » et ressurgit à l’occasion de fermetures d’établissements à l’activité trop réduite, particulièrement des maternités. Force est de constater que, qualité et accès ne vont pas toujours de pair et trouver le point d’équilibre pour assurer partout des soins de qualité est ce à quoi nous devons collectivement œuvrer.
Il convient également de souligner que l’état de santé d’une population est avant tout lié à son mode de vie et à ce que l’on appelle les « déterminants de santé ». Le système de soins, notamment l’hôpital, n’arrive qu’en bout de chaîne et n’a qu’un effet marginal sur l’état de santé moyen d’une population. C’est ce qu’ont montré la Banque mondiale et l’OMS et c’est aussi la raison pour laquelle, en matière d’investissement sur le long terme, il convient, comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises lors des auditions, de renforcer avant tout nos politiques de prévention et de promotion de la santé. Enfin, la situation varie beaucoup d’un territoire à l’autre, en matière de besoins et d’offre de soins – et c’est vrai aussi des structures hospitalières, dont les difficultés sont très variables. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de solution unique, mais des solutions adaptées et différenciées par territoire. Il est d’ailleurs essentiel que les instances de gouvernance, qu’elles soient nationales, régionales ou départementales tiennent compte de ces réalités diverses, tirent le meilleur des exemples locaux de ce qui fonctionne tout en favorisant les échanges entre tous les acteurs. Je voudrais rappeler ce que nous accordons budgétairement au système de soins en France. Le budget de la santé est actuellement supérieur à 250 milliards d’euros, soit 11,9 % du PIB. En 2022, nous étions le troisième pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour les dépenses de santé, après les États-Unis et l’Allemagne. En moyenne, les pays occidentaux consacrent 11 % de leur PIB à la santé et ceux de l’OCDE, autour de 8 % : nous sommes au-dessus de la moyenne dans les deux cas. La question n’est donc pas forcément celle du budget global, mais plutôt celle de l’efficience de notre système.
C’est une tendance observée dans tous les pays du monde, les dépenses de santé augmentent plus vite que le PIB, de 4 % en moyenne. Cela est dû au vieillissement de la population : ayant gagné vingt ans de durée de vie en deux générations, de plus en plus de gens ont des maladies chroniques et coûtent beaucoup plus cher au système de santé. Dans la mesure où peu de pays ont une croissance de l’ordre de 4 %, une tension se crée entre le budget que l’on attribue à la santé et les besoins liés au vieillissement de la population.
Au cœur de ces mutations, notre système de soins se trouve également dans le creux de la vague pour ce qui concerne les effectifs soignants, particulièrement les médecins généralistes dont une proportion significative n’exerce pas cette spécialité. Reste, et c’est un constat récurrent, que les inégalités se renforcent en matière d’accès aux soins, mais la solution d’instaurer des contraintes en matière d’installation des jeunes médecins ne ferait que décourager les étudiants et aurait des effets pervers sur la démographie médicale.
Mais, comme l’a expliqué le ministre Yannick Neuder lors de son audition, les effectifs de médecins sont appelés à croître assez rapidement en raison de la conjonction de plusieurs phénomènes :
« La réforme de simplification du contrôle des compétences et des connaissances des Padhue, les effets du numerus apertus et le transfert des étudiants formés à l’étranger – moyennant l’évaluation de leurs compétences et de leurs connaissances, prévue dans la loi Valletoux de 2023, coconstruite avec les doyens de médecine –, nous permettront d’avoir, en 2027, 12 000 Padhue, 33 000 médecins issus de la formation initiale en France et 5 000 médecins formés à l’étranger, soit un total d’environ 50 000 médecins supplémentaires. » ([4])
J’ajoute, et cette commission d’enquête a permis de le souligner, sur le plan organisationnel, beaucoup de dispositifs ont permis de mieux assurer l’accès aux soins comme le SAS, les GHT, les consultations avancées, les IPA, les possibilités de prescription aux pharmaciens, le recours à la télémédecine et le développement des IPA. La généralisation des options santé au lycée, à l’image de l’expérimentation conduite au lycée Jean Vigo de Millau, me semble une perspective intéressante pour faciliter l’installation des jeunes praticiens au plus près de leurs territoires d’origine, c’est un point de vue que je partage volontiers avec le rapporteur comme sur d’autres sujets visant par exemple à renforcer les compétences managériales des étudiants, instaurer des modules communs au cours de la formation des professions médicales et paramédicales ou encore développer les stages au sein des centres hospitaliers. Elle a également permis de souligner la complémentarité des activités publiques et libérales qui, sous réserve d’une bonne organisation et une coordination efficace, sont collectivement une véritable richesse pour notre système de soins.
Les débats auront également démontré l’importance de la formation des professionnels de santé qui définit les fondements de l’avenir du système de santé. La double tutelle Ministère de la santé et Ministère de l’Enseignement supérieur engendrent une grande complexité quant aux réflexions menées pour envisager une réforme de la formation, qui me paraît pourtant essentielle pour répondre aux besoins de soins, contemporains et futurs. Les facultés de santé permettent de regrouper dans une même structure les filières de formations aux métiers de la santé. Elles répondent aux exigences nécessaires pour mieux former et permettre une évolution du mode d’exercice vers l’exercice coordonné que nous construisons et favorisons depuis 2017. Le regroupement des différentes formations en santé suscite parfois certaines réticences, notamment de la part des instances dirigeantes des facultés concernées, en particulier les doyens. Ces réserves ne sont pas inhabituelles dans un contexte de transformation : toute proposition d’évolution peut naturellement engendrer des interrogations et des inquiétudes. La volonté de certaines universités, comme c’est le cas par exemple à Toulouse, démontre qu’il est possible de faire évoluer l’organisation des facultés. Il est donc essentiel de favoriser un dialogue constructif et d’associer l’ensemble des parties prenantes à la réflexion pour accompagner le changement dans les meilleures conditions.
L’exercice d’une présidence de commission d’enquête a ceci de paradoxal qu’il s’agit d’introduire un rapport dont l’auteur n’appartient pas au même groupe politique. Cela n’empêche pas la qualité du travail commun et des relations personnelles. Je veux à ce titre, remercier tout particulièrement le rapporteur Christophe Naegelen qui a conduit nos travaux avec beaucoup de pugnacité et proposé nombre de pistes d’évolution pertinentes.
Je me félicite que les recommandations du rapport portent sur l’ensemble du spectre d’action allant de la préformation des étudiants à l’organisation concrète de l’offre de soins, du rôle des ARS et de la réforme de la tarification des actes hospitaliers pour prendre en compte les gains d’efficience observé dans divers traitements. Le sujet de cette commission d’enquête est certes vaste mais je pense que seule une approche systémique permet d’identifier les améliorations à apporter dans ces différents domaines au service, en premier lieu, des patients usagers du service public de la santé mais aussi des professionnels qui chacun dans sa filière participe à la sauvegarde de la santé, première des richesses selon Emerson.
Jean-François Rousset
Député de l’Aveyron
Président de la commission d’enquête
Le 3 février 2025 le groupe parlementaire auquel j’appartiens « Libertés indépendants, outre-mer et territoires » (LIOT) a choisi, à mon initiative, d’utiliser son « droit de tirage » relatif à la création d’une commission d’enquête afin d’aborder la question centrale, difficile et douloureuse de « l’organisation du système de santé et des difficultés d’accès aux soins ».
Ce thème revêt pour nous élus ruraux, citadins, insulaires, ultramarins, une importance particulière. L’accès à un médecin, à une maternité, à une aide spécialisée est des demandes qui pavent notre quotidien de parlementaire en circonscription.
À Remiremont, au Fossat en Ariège, dans le Gers ou encore en Guadeloupe nos permanences constituent, bien souvent, un lieu de recours et de réconfort pour des administrés qui ne se soignent plus.
C’est donc afin de répondre à ces situations de détresse que j’ai conduit, en étroite collaboration avec mon collègue aveyronnais le président Jean-François Rousset, des travaux qui ont amené cette commission à auditionner l’essentiel des acteurs du système de santé.
Formation des étudiants, financement des établissements de santé, planification de l’offre de soins, service à l’usager, nous avons minutieusement étudié les différentes ramifications de notre organisation de soins.
Le bilan que je tire de ces cinq mois de travaux, sans être catastrophique, est alarmant.
Notre système de santé garantit encore un haut niveau de prise en charge et cette réalité est à mettre l’honneur de l’engagement de nos professionnels.
Toutefois, son organisation produit des inégalités sociales, territoriales, statutaires et financières insupportables, tant pour les professionnels que pour nos concitoyens.
À cet égard, je rappellerai que 11 % des français résident dans un territoire marqué par un stade avancé de désertification médicale. En ruralité, en outre-mer et dans les quartiers populaires, cette réalité est une constante qui nourrit une profonde désaffection vis-à-vis de la puissance publique.
Elle est également source d’un épuisement professionnel réel pour les derniers médecins de ville qui demeurent, bien souvent, seuls pour répondre aux mutations démographiques et épidémiologiques de nos territoires.
À l’hôpital la situation n’est pas plus satisfaisante.
En ce sens, la commission d’enquête a pu constater la persistance d’une concurrence déloyale entre un hôpital public fidèle à sa fonction historique d’accueil quoi qu’il lui en coûte et certains établissements privés faisant le choix de la rente au détriment du soin, du tarif contre l’urgence.
Enfin, notre formation aux études de santé n’a pas pleinement rompu avec sa logique « malthusienne ».
Elle garantit certainement la qualité de nos professionnels mais pousse, dans le même temps, les élèves malheureux à de coûteux départs à l’étranger. Dix ans, c’est la durée moyenne de formation d’un médecin en France, dans des conditions souvent perfectibles. Un excès d’examens et de cours théoriques, une absence de formation à la difficile posture médicale, notre université de santé est encore marquée par un certain archaïsme.
Il est donc nécessaire, indispensable, urgent de résoudre, pas à pas, cette succession de défaillances.
Ma conviction profonde est que notre système de santé est confronté à des choix cruciaux d’organisation. Ni parfaitement régalienne ni proprement décentralisée, notre politique publique de santé se fige dans une forme insidieuse de déresponsabilisation. Dans ce brouillard institutionnel, chacun concerte, tout le monde consulte mais bien peu décident.
Pire, ce statu quo favorise une véritable myopie des pouvoirs publics dont les décisions, à l’instar de la création néfaste du numerus clausus, engagent l’état de santé et la qualité de prise en charge de notre population pour les quinze ans à venir. Cette absence de vision de long terme est d’ailleurs patente quand on constate que notre pays, cinq ans après une crise sanitaire d’une ampleur inédite, n’a, toujours pas produit de stratégie nationale en santé.
Clarifier, c’est donc la mission première de ce rapport sur l’état du pays. Pour ce faire, nous proposons des mesures qui touchent chaque aspect de notre organisation des soins, de la formation au financement, à la planification.
En matière de gouvernance, nous proposons d’acter une décentralisation claire de la gestion des soins de premier recours pour donner à l’échelon intercommunal les marges de manœuvre adéquates pour coordonner les soins de ville. Ce mouvement sera associé à une profonde transformation de l’action des services de l’État avec la création d’un « sous-préfet à l’accès aux soins » dans chaque département en lieu et place des agences régionales de santé.
À l’université, nous proposons d’acter la rupture définitive avec le numerus clausus en augmentant sensiblement le recours aux passerelles et en généralisant un cursus de formation par alternance inspirée du modèle allemand.
Enfin, nous soutenons un approfondissement du modèle de financement hybride des établissements de santé et ce dans un souci d’améliorer le service rendu aux patients.
En conclusion, j’insisterai sur la nécessité de faire de la santé un objet politique, au sens noble du terme.
Nos concitoyens attendent de leurs représentants des solutions pérennes, décidées en transparence pour rétablir ce droit constitutionnel d’accès à la santé.
C’est donc par la volonté politique et non une série d'ajustements techniques formulés dans une chambre technocratique qu’une voie pourra être tracée afin de résoudre la crise, aujourd’hui maladie chronique, de notre système de santé.
PREMIÈRE PARTIE : Les racines de la crise du systÈme de santÉ : des dÉcisions prÉjudiciables et une tendance ÉpidÉmiologique dÉfavorable
I. Les CAUSES DE LA DIMINUTION DE L’OFFRE DE SOINS DISPONIBLE : LES mutations de l’exercice professionnel des mÉdecins et les carences du systÈme de formation
A. Une rÉforme des Études de santÉ aux effets encore timides, Une DÉperdition des Étudiants en santÉ.
1. Le numerus clausus : la source de la désertification médicale
Mère des batailles de l’accès aux soins, les multiples défaillances affectant la formation des professionnels de santé sont, logiquement, à la source de la situation de pénurie actuelle à laquelle font face patients et soignants.
En ce sens, votre rapporteur considère que l’organisation des études de santé cristallise tout particulièrement les difficultés de gouvernance d’un système de santé marqué par des logiques corporatistes et une incapacité à anticiper les besoins futurs de la population. Des mots mêmes du ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, les acteurs de la formation en santé ont, au fil des années, « perdu le contrôle du système » ([5]).
● Sur ce point, le choix, qualifié de « malthusien » par le directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), ([6]) de réduire le nombre d’étudiants en médecine exprime clairement la logique de corps qui prévalait alors dans la conception des politiques de santé. Fruit d’une alliance d’intérêts entre professionnels favorables au maintien de leur statut et une administration soucieuse de garantir la qualité de la formation dans un contexte « post-soixante-huitard » ([7]) , la création du numerus clausus était moins le fruit d’une politique cohérente et planifiée que la conséquence d’une mobilisation médicale approuvée par les instances administratives de l’époque.
Ce consensus favorable à un contrôle strict de la démographie médicale s’est d’ailleurs maintenu dans le temps, avec une diminution continue du plafond d’étudiants, jusqu’à atteindre le seuil minimal de 3 500 étudiants, en 1993 ([8]).
Retour sur le fonctionnement du numerus clausus : un outil de pilotage de l’offre de formation en santé
Le numerus clausus désignait, avant sa suppression en 2021, le nombre maximum de places ouvertes en deuxième année d’études de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique.
Son existence était encadrée par l’article L. 631-1 du code de l’éducation et son niveau déterminé par voie réglementaire, sur la base d’une évaluation des besoins en santé du territoire et des capacités de formation par université.
Le niveau du numerus clausus a connu une évolution décroissante entre 1972 et 1990 avant d’être réhaussé, dans une logique de rattrapage, à partir du début des années 2000.
Du fait de la durée des études de santé, les effets négatifs du numerus clausus sur l’offre de soins se sont matérialisés sur deux décennies, avec pour principale conséquence l’aggravation du déséquilibre entre l’offre et la demande de soins.
● Sur ce point, le rapport du sénateur Bruno Rojouan relatif aux inégalités d’accès aux soins constatait, en 2024, l’entrée dans une « décennie noire » de la démographie médicale ([9]).
Pour la seule médecine générale, la diminution du nombre d’omnipraticiens est estimée à hauteur de 7 % sur les quatre prochaines années, pour atteindre le seuil critique de 92 500 médecins généralistes.
Pour les autres spécialités, le constat n’est guère plus favorable. Ainsi, la Fédération hospitalière de France (FHF) estime que 23 % des postes médicaux en psychiatrie sont vacants à l’hôpital public, avec un contexte aggravé dans 40 % des cas ([10]). Les services d’urgences, pourtant très sollicités, sont également confrontés à de fortes pénuries de personnels avec, en moyenne, 23 % des postes vacants par service ([11]). La situation est encore plus préoccupante pour la santé périnatale avec 75 % des postes de praticiens hospitaliers en néonatologie qui ne sont pas pourvus et ce dans un contexte de hausse inédite de la mortalité infantile ([12]).
Votre rapporteur constate d’ailleurs que l’ampleur de la pénurie constitue une singularité française en comparaison de pays européens à niveau de développement équivalent. En effet, la France se place, avec les pays de l’Est de l’Union européenne comme la Pologne, parmi les derniers pays en termes de densité médicale ([13]).
La création unanime du numerus clausus en 1971 constitue, par conséquent, la preuve d’un échec patent des politiques de planification des besoins de santé ([14]). Sur ce point précis, votre rapporteur pose la question plus large de la place des corporations médicales dans la conception des politiques d’accès aux soins.
2. Une réforme des études de santé qui peine à produire ses effets et une trajectoire d’augmentation du nombre de professionnels intenable en l’état
Tirant les leçons de l’effet négatif d’un encadrement trop contraint des besoins en professionnels, le numerus clausus a été remplacé, tardivement, en 2021, par le système dit du numerus apertus.
● Cette évolution fait suite à la remise du rapport relatif à la « Refonte du premier cycle des études de santé pour les métiers médicaux » ([15]), dont les principales recommandations ont été transcrites dans la loi n° 2019-774 du mercredi 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (OTSS) ([16]). Elle visait principalement à contrebalancer le vieillissement des praticiens médicaux par une plus large ouverture de leur recrutement.
Ainsi, la loi prévoyait la fixation d’un objectif de formation des professionnels de santé pour une durée de cinq ans – sous la forme d’une fourchette de besoins – déterminé en concertation avec l’observatoire national de la démographie des professionnels de santé (ONDPS).
Cet objectif devait ensuite être décliné en cibles pluriannuelles d’admission en deuxième année votées par les universités ([17]), elles-mêmes déclinées annuellement en capacités d’accueil en deuxième et troisième année.
Le principal apport du numerus apertus résidait donc dans la mise en place d’une évaluation concertée des besoins de santé, en lieu et place de la logique de verticalité qui prévalait avant 2021.
● Néanmoins, quatre ans après l’entrée en vigueur du dispositif, force est de constater que le choc d’attractivité promis n’a pas eu lieu. En effet, la part des étudiants en santé admis en deuxième année a augmenté de 18 % pour les filières de médecine et d’odontologie mais s’est réduite pour les étudiants en pharmacie et maïeutique ([18]). De plus, la hausse du nombre d’étudiants en médecine ne s’explique pas du seul fait de la suppression du numerus clausus. La Drees note, sur ce point, une augmentation de 30 % du nombre d’étudiants en médecine entre 2014 et 2024. En conséquence, la suppression du « totem » du numerus clausus n’a fait qu’entériner une tendance de plus long terme à l’assouplissement des conditions d’accès aux études de santé ([19]).
De plus, la prise en compte par l’ONDPS de la période quinquennale antérieure à la réforme comme base de calcul de ses effets emporte de réels biais statistiques comme la prise en compte d’expérimentations d’assouplissement du numerus clausus antérieures à la réforme. À partir d’un indicateur plus objectif ([20]), la Cour des comptes estime – toutes filières confondues – que la hausse du nombre d’étudiants en formation en santé serait plutôt de quatre points inférieure au chiffre indiqué par l’ONDPS, soit 11 % au lieu de 15 % ([21]).
La montée en charge partielle de la réforme des études de santé s’explique donc à raison de plusieurs facteurs.
En premier lieu, la campagne de définition des besoins des professionnels de santé a été retardée du fait de la crise sanitaire et la conférence nationale entérinant les objectifs de formation n’est intervenue qu’au mois de mars 2021. De façon plus tardive encore, l’arrêté fixant les objectifs de formation n’a été pris qu’au mois de septembre de la même année, soit plus de deux ans après la promulgation de la loi ([22]).
En outre, votre rapporteur note qu’à ce retard de calendrier, s’ajoutent des défauts réels de pilotage de la politique de planification et ce du fait du manque de moyens dédiés.
Enfin, et ce point a été porté à l’attention de la commission d’enquête à l’occasion de l’audition des doyens d’université ([23]), l’augmentation des capacités de formation en santé demeure, en définitive, une question financière, dans un contexte où les études de santé sont parmi les formations les plus coûteuses.
À cet égard votre rapporteur note qu’aucun chiffrage consolidé du coût des formations n’est, à ce jour, disponible. Sur la base d’une simple division à partir de données de la Drees, il a estimé le coût des formations à hauteur de 9 960 euros par étudiant ([24]). Il relève toutefois que cette estimation présente des limites du fait de la disparité des formations concernées.
Le coût d’un étudiant en médecine est, en effet, probablement bien supérieur à cette estimation. Si le Professeur Philippe Pomar, doyen de la faculté de médecine de Toulouse, le situe entre 10 000 et 15 000 euros par an et par étudiant ([25]), un ancien doyen de faculté de médecine a même fait mention d’un coût unitaire de 27 000 euros par étudiant, par an, durant les six premières années d’études ([26]).
En toute hypothèse, un consensus se dégage au sein du monde universitaire pour indiquer que la trajectoire d’évolution du nombre d’étudiants formés – en médecine notamment – prévue par le Gouvernement au mois d’avril 2024 n’est pas tenable en l’état des crédits votés au bénéfice des établissements d’enseignement supérieur.
En ce sens, les doyens d’universités rappellent que la France forme approximativement 11 500 étudiants et qu’un saut quantitatif pour former 16 000 médecins chaque année à partir de 2027 n’est, sans moyens et locaux supplémentaires, pas envisageable, à moins d’une dégradation significative des conditions d’études ([27]).
La précarisation des conditions d’études en santé : une réalité relevée par nombre de professionnels
Les auditions menées par le rapporteur et les déplacements réalisés sur le terrain l’ont amené à considérer la question de la précarité comme une problématique majeure de la réforme des études de santé.
Cette problématique n’est, évidemment, pas propre à ces cursus mais présente une dimension particulière du fait de la durée des études et de la pénibilité qui y est associée.
En ce sens, une étude menée par les principales associations étudiantes en médecine relève un taux d’épuisement professionnel (« burn out ») de 66 % chez les externes et les internes (1).
Cette situation – confirmée par la récente enquête de l’inspection générale des affaires sociales sur ce thème – trouve racine dans l’intensité des rythmes de travail des internes qui représentent près 40 % du personnel médical à l’hôpital public et qui conduisent pas moins de 200 000 consultations en ville (2).
Les associations étudiantes relèvent une densité horaire moyenne de 59 heures par semaine avec 10 % des internes qui cumulent des semaines de 80 heures (3).
Un constat similaire peut être réalisé pour les cursus infirmiers.
Ainsi, la coordinatrice générale des soins du centre hospitalier universitaire de Nancy a insisté, lors d’un déplacement du rapporteur, sur le fort taux de déperdition d’étudiants en instituts de formation des soins infirmiers, du fait de la densité des formations et des exigences des stages pratiques (4). Ce constat est partagé à l’échelle nationale par les principales organisations représentatives des infirmiers libéraux qui déplorent un taux d’abandon d’études de l’ordre de 20 % et ce alors même que le cursus bénéficie d’une réelle attractivité sur Parcoursup (5).
Enfin, les études médicales n’échappent pas à la problématique des violences sexistes et sexuelles (VSS). Le Conseil national de l’ordre des médecins a ainsi indiqué que 29 % des médecins en exercice – essentiellement des femmes – avaient été victimes de faits relevant de cette catégorie, en majorité dans le cadre de leurs études (6).
(1) ANEMF, Isnar-MG, Isni, « L’enquête sur la santé mentale des étudiants en médecine de la deuxième année à la fin de l’internat », dossier de presse, p. 9, 2024.
(2) M. Kilian L’Helgouarc’h, audition de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, 20 mai 2025. Inspection générale des affaires sociales (Igas), « Rapport la qualité de vie des étudiants en santé » (QVES), Mme Muriel Dahan, Monsieur Fabrice Wiitkar, p. 37, Juillet 2022.
(3) Idem, p. 4.
(4) Mme Catherine Müller, coordinatrice générale des soins au centre hospitalier régional universitaire de Nancy, déplacement du rapporteur, 15 avril 2025.
(5) Assemblée nationale, rapport n °1029 (2024-2025), fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi sur la profession d’infirmier, Mme Nicole Dubré-Chirat, députée, 5 mars 2025.
(6) Ordre national des médecins, « Résultats de l’enquête sur les violences sexistes et sexuelles au sein du corps médical », p. 27, novembre 2024.
● Concernant l’évolution du profil des étudiants en santé et du contenu des formations, votre rapporteur note que les promesses de la réforme de 2021 n’ont, là encore, pas été parfaitement tenues.
En effet, le constat d’une trop faible diversification des profils des étudiants en santé demeure, particulièrement pour ceux inscrits en études de médecine. À titre d’exemple, la conférence des doyens de faculté de médecine a relevé que près des deux-tiers des parents des étudiants inscrits en médecine appartenaient aux « catégories socio-professionnelles supérieures » ([28]).
Cette persistante homogénéité sociale des étudiants est accentuée par la multiplication de formations privées préparant au concours de première année – dont les tarifs s’élèvent, en moyenne, à hauteur de 8 000 euros par an – et par la possibilité pour les étudiants de suivre de coûteuses formations à l’étranger ([29]).
Pourtant, la réforme des études de santé de 2021 prévoyait une multiplication des voies d’accès alternatives au « parcours d’accès aux études de santé » ([30]). À cette fin, elle a acté la création de deux instruments :
– la licence accès santé (LAS). C’est une formation universitaire qui sanctionne un niveau validé par l’obtention d’au moins 180 crédits ECTS et qui s’articule autour d’une majeure hors-santé et d’une mineure constituée d’un enseignement spécifique de santé. Elle permet à un étudiant – sous réserve d’une validation d’un nombre suffisant de crédits – de présenter sa candidature aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique, dans la limite de deux essais. En outre, chaque université – y compris celles qui ne disposent pas d’une unité de formation et de recherche en santé (UFR) – peut créer des licences accès santé, ce qui contribue à une diversification des profils géographiques des étudiants ([31]) ;
– la troisième voie d’accès aux études de médecine. Elle est ouverte aux étudiants inscrits dans un cursus d’auxiliaire médical d’une durée d’au moins trois ans. Pour rappel, les auxiliaires médicaux regroupent l’ensemble des professions paramédicales suivantes : les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les orthophonistes, les orthoptistes, les manipulateurs d’électroradiologie médicale, les audioprothésistes, les opticiens lunetiers, les diététiciens.
La répartition de ces formations sur le territoire est précisée par voie réglementaire ([32]), suivant une certaine souplesse, afin de permettre aux universités d’ajuster la nature des cursus selon leurs moyens et les besoins du territoire. Par exception et afin d’assurer la diversification des profils, le gouvernement a établi, au moyen d’arrêté, des quotas d’admission en deuxième année d’études de santé afin d’assurer une représentation équilibrée de chaque voie d’accès ([33]).
L’effet produit par ces dispositifs, au demeurant très complexes, est à relativiser. Ainsi, en 2023, 50 % des étudiants admis en deuxième année d’études de santé sont issus de la voie PASS, soit la version modernisée de la PACES. Enfin, bien que la part des admis issue des LAS soit également significative, à hauteur de 50 %, seuls 38 % des admis ont suivi l’intégralité de leur cursus dans une « licence accès santé » ([34]). De fait, 12 % des admis présentent un cursus hybride marqué par un premier échec en PASS, avant de bénéficier d’une passerelle en licence accès santé (LAS) et de réussir l’entrée en deuxième année par ce biais ([35]).
Plus préoccupant encore, votre rapporteur note que la troisième voie d’accès à destination des étudiants inscrits en cursus d’auxiliaires médicaux n’a quasiment pas été empruntée. Il déplore cette situation qui s’inscrit à contre-courant de la montée en compétences des professions paramédicales dans le parcours de soins.
3. Les départs à l’étranger, l’abandon d’études et le développement de pratiques médicales « de niches » aggravent la crise de l’offre de soins
Défi supplémentaire de l’organisation des études de santé, le « taux de perte » des étudiants dans les cursus médicaux traditionnels a augmenté. Cette situation est le fruit de plusieurs facteurs bien identifiés.
● En premier lieu, le développement de pratiques alternatives à l’exercice classique de la médecine, contribue à détourner les étudiants et jeunes professionnels de l’image traditionnelle du « médecin de famille ». En ce sens, le Dr Sayaka Oguchi, présidente du syndicat national des jeunes médecins généralistes, relevait qu’environ un tiers des médecins généralistes ne pratiquaient plus, à ce jour, la « médecine générale traditionnelle » ([36]). Cette situation a d’ailleurs été documentée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) qui relève le choix, de plus en plus prononcé, de praticiens généralistes pour les pratiques médicales dites « de niche », à l’instar de la médecine esthétique ([37]).
Cette tendance, à la fois néfaste pour l’accès aux soins et la qualité des soins esthétiques, a conduit le Cnom à soutenir un durcissement du cadre juridique d’exercice de la médecine esthétique par la création d’un diplôme inter-universitaire (DIU), ouvert aux seuls médecins justifiant de plus de trois ans d’exercice ([38]).
● Le second facteur, plus ancien et mieux évalué par les services de l’État, est à trouver dans le départ d’étudiants afin de suivre des cursus d’études de médecine à l’étranger. Ce choix, généralement motivé par un échec à l’entrée des études de santé à la suite de la première année, se matérialise également par la croissance des départs prémédités dès la fin du lycée ([39]). Il n’est d’ailleurs pas propre à la médecine, l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes estimant que près de la moitié des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre sont, aujourd’hui, titulaires d’un diplôme étranger ([40]).
Toutes formations confondues, la Cour relevait que 10 % des étudiants qui ont échoué à intégrer les cursus dits « MMOP » faisaient le choix d’un départ à l’étranger. Sur la longue durée, la Drees estime le niveau moyen de départs à hauteur de 1 200 étudiants par an et ce jusqu’en 2050 ([41]).
Si le contexte européen d’harmonisation des formations d’enseignement supérieur joue un rôle-clé dans cette dynamique, la multiplication des actions de démarchage et le développement de services qui encouragent la fuite des étudiants vers l’étranger apparaissent particulièrement préoccupants.
L’exemple bien connu de la faculté de Cluj en Roumanie illustre parfaitement cette dynamique avec des formations spécifiques pour les francophones qui regroupent, par promotion, plus de 70 % d’étudiants français ([42]).
En Espagne, l’attrait pour les formations en santé des étudiants français a amené l’offre privée d’enseignement supérieur à développer également des cursus francophones et le pays a connu un bond de la part des étudiants français inscrits dans les universités privées ([43]). Ainsi, les effectifs d’étudiants français inscrits en odontologie ont été multipliés par plus de cent entre 2008 et 2022, par plus de dix-sept pour ce qui concerne les étudiants inscrits en médecine ([44]).
Face à cette dynamique, votre rapporteur estime nécessaire de s’interroger sur les causes profondes de ce tropisme pour les études à l’étranger. S’il convient qu’elle peut être pour partie expliquée par des stratégies d’évitement sophistiquées, il relève également que ces départs sont liés aux défaillances structurelles des formations françaises en santé.
Trop longues et trop souvent sujettes à réforme, les études de santé sont également marquées par un haut niveau de sélectivité qui restreint fortement les chances de réussite des étudiants. Cette situation est jugée avec d’autant plus d’incompréhension que la France manque de professionnels de santé et ce à tous les niveaux de qualification.
● Enfin, le choix de jeunes professionnels diplômés d’utiliser leurs formations à d’autres fins que l’exercice du soin contribue, bien que de façon plus marginale, à diminuer le nombre de soignants en exercice. À cet égard, les professions de santé ne sont pas imperméables aux évolutions du monde du travail et se caractérisent par une individualisation croissante des parcours de carrière, suivant le « modèle biographique » décrit par le sociologue Robert Castel, en 2009 ([45]). Il n’est, par conséquent, pas rare d’observer des changements de cursus de professionnels de santé qui décident de se reconvertir dans l’industrie du médicament ou dans d’autres secteurs parallèles à l’exercice strict de la médecine.
Cette situation est un des facteurs qui contribuent à une diminution du rapport entre le nombre de médecins inscrits au tableau de l’Ordre et ceux en activité régulière depuis 2010, passant de 76,5 % des inscrits à 59,9 % en 2025 ([46]).
B. Une Mutation de l’exercice libÉral qui conduit À la rÉduction du temps mÉdical disponible
1. Un exercice libéral en mutation
De façon historique, la pratique de la médecine, en France, est gouvernée par le principe de liberté à chaque étape du parcours de soins.
● Pour autant, les « libertés médicales » ont connu une réduction de leur champ d’exercice, tant pour des raisons politiques – liées à la naissance de l’assurance maladie et du service public hospitalier – qu’en raison de l’évolution des pratiques professionnelles ([47]).
En ce sens, la pratique libérale traditionnelle – bien que largement partagée avec près de 43 % de médecins installés qui exercent à titre libéral « exclusif » ([48]) – a été dépassée par l’exercice salarié qui concerne, à ce jour, 46,5 % des médecins en activité ([49]). Sur la longue période, l’exercice libéral est, en outre, en net repli avec une diminution de 4,7 % de la part des médecins libéraux à exercice exclusif, contre une hausse de 18,8 % pour l’exercice salarié et de 17,4 % pour l’exercice mixte ([50]).
● À ce déclin de l’exercice libéral est également associé celui de l’exercice médical solitaire. En effet, en raison des avantages qu’il procure en matière de mutualisation des investissements, de facilité à mobiliser un médecin correspondant, l’exercice coordonné s’est généralisé sous différentes formes.
Le développement de l’exercice coordonné : le cas des communautés professionnelles territoriales en santé (CPTS)
Les communautés professionnelles territoriales de santé sont des organisations souples constituées sous la forme d’associations régies dans un souci de coordination des acteurs de santé d’un territoire donné (1).
Leur organisation est encadrée par les dispositions des articles L. 1 434-12 et suivants du code de la santé publique (CSP) et celles relevant de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) signé le 20 juin 2019 (2) .
Leur constitution est soumise à autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) qui peut s’y opposer en cas d’absence de respect des objectifs du projet régional de santé (PRS) ou de difficultés liées à leur champ d’action géographique (3) .
Les CPTS peuvent, en outre, conclure des conventions – en contrepartie d’aides financières spécifiques – avec l’agence régionale de santé et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) afin d’assurer différentes missions de service public dont :
– l’amélioration de l’accès aux soins ;
– l’organisation de parcours de soins ;
– le développement d’actions territoriales de prévention ;
– le développement de la qualité et de la pertinence des soins ;
– l’accompagnement des professionnels de santé sur leur territoire ;
– la participation à la réponse aux crises sanitaires (4).
À ce jour, les CPTS couvrent, en moyenne, 49 % du territoire (5) et présentent un taux d’adhésion de professionnels supérieur à 65 % (6). La Direction générale de l’offre de soins a même indiqué que 90 % de la population était couverte par une CPTS (7) .
D’après les données fournies par la fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS), l’impact de ces structures de soins coordonnées sur le système de soins peut être appréhendé positivement.
Ainsi, d’après la FCPTS, 20 000 patients sans médecins traitants ont ainsi pu nommer un médecin référent du fait des réseaux de ces communautés et 17 000 usagers ont – au moyen d’actions d’aller-vers notamment – été réintégrés dans un parcours de soins.
(1) Article L.1 434 –12-1 du code de la santé publique.
(2) Arrêté du 21 août 2019 portant approbation de l’accord conventionnel interprofessionnel en faveur du développement de l’exercice coordonné et du déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé signé le 20 juin 2019.
(3) Article L.1 434 –12 alinéa 4 du code de la santé publique.
(4) Article L.1 434 –12-2 du code de la santé publique.
(5) Cour des comptes, Contribution à la revue des dépenses publiques : « Notes thématiques : accélérer la réorganisation des soins de ville pour en garantir la qualité et maîtriser la dépense », p. 22, Juillet 2023.
(6) M. Jean-François Moreul, président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS), audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 3 juin 2025.
(7) Mme Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soins, réponses aux questionnaires du rapporteur, p. 18, mars 2025
● En conséquence si l’image du « médecin de campagne » ([51]), héritée de la littérature, continue d’irriguer les représentations collectives, elle ne correspond manifestement plus aux évolutions de l’organisation du système de soins. On observe, sur ce plan, une recomposition de la place du travail dans la vie de professionnels régulièrement confrontés à des situations d’épuisement.
Dans le détail, il apparaît que l’exercice salarié améliore singulièrement les conditions de travail des praticiens. Les médecins généralistes exerçant en groupe pluriprofessionnel travaillent, en moyenne, deux heures de temps en moins par semaine que les médecins exerçant seuls. Ils bénéficient, en outre, de congés annuels plus importants du fait des rotations d’activité ([52]). En parallèle, le développement de l’exercice coordonné ne s’est pas traduit pas une diminution significative de la « file active », c’est-à-dire du nombre de patients pris en charge, cette dernière a même augmenté de 5 % par médecin généraliste, depuis 2016 ([53]).
Néanmoins si l’exercice coordonné présente de nombreux avantages la diversité des moyens mobilisés pour le développer pose des difficultés.
2. Les structures de coordination des professionnels : des modèles différents.
Les travaux menés par votre rapporteur l’ont amené à considérer les évolutions de la médecine de ville comme un ensemble hétérogène, du fait de la multiplicité des acteurs impliqués (collectivités, professionnels, patients, services de l’État, caisses de sécurité sociale) et de la diversité des modèles d’exercice proposés.
Cette tendance à la multiplication des modèles d’exercice en médecine de ville est nourrie par un activisme des différents acteurs du système de soins afin de répondre aux situations de pénurie sur l’ensemble du territoire. Pour intéressante qu’elle soit au regard des enjeux de territorialisation des politiques de santé, cette dynamique n’en est pas moins porteuse d’effets ambivalents sur l’offre de soins.
● En effet, le déploiement des maisons de santé pluriprofessionnelles, des centres de santé, des centres de santé participatifs améliore la couverture des soins primaires :
– les centres de santé ont ainsi renforcé l’accès aux soins dans les territoires les plus fragiles avec un taux de présence de l’ordre de 20 % dans les quartiers relevant de la politique de la ville (QPV) et de 58 % en zone d’intervention prioritaire (ZIP), soit les zones concernées au premier chef par la désertification médicale ([54]).
Le centre de santé participatif « La Place santé » : un déploiement réussi d’un centre de santé dans un quartier marqué par de fortes inégalités d’accès aux soins
Le centre situé dans le quartier des Francs-Moisins à Saint-Denis a été créé en 2011 avec le soutien de la ville de Saint-Denis, de l’agence régionale de santé Ile-de-France et d’autres acteurs de la politique de la ville.
La structure – établie depuis 2023 en coopérative – est animée par « l’association communautaire santé bien-être » (ASCBE) en collaboration avec les habitants du quartier qui disposent de 20 % des droits de vote au sein du conseil coopératif.
Sa patientèle se distingue par une forte prévalence des maladies environnementales (maladies respiratoires infectieuses notamment), des maladies chroniques, et un indicateur de développement humain bien inférieur à celui observé à l’échelle de la région (1).
Son budget de 1,345 million d’euros assure l’emploi de huit praticiens, quatre accueillants, un psychologue et un infirmier de pratique avancée (2).
Les actions du centre relèvent tant du champ de la prévention – au moyen d’ateliers de santé et de campagnes de vaccinations ou de dépistage – que du suivi médical par le biais de consultations. De façon prospective, il réalise également des études sur des problématiques de santé spécifiques à la population du quartier.
(1) Mme Katy Bontinck, première adjointe au maire de Saint-Denis chargée de la santé, réponse au questionnaire du rapporteur, p. 2, 27 mars 2025.
(2) Idem, p. 7.
– les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) permettent, quant à elles, de lier les exigences de coordination du parcours de soins avec la préservation de l’exercice libéral. Constituées dans les conditions prévues par l’article L. 6 323-3 du code de la santé publique, elles sont dotées de la personnalité morale et donnent lieu à la création d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA).
Le revenu des praticiens qui y exercent augmente, en moyenne, plus vite – toutes rémunérations confondues ([55]) – que celui des médecins généralistes n’y exerçant pas ([56]). Enfin, leur file active est plus importante, en moyenne de 10 % ([57]) et leur présence tend à renforcer la probabilité d’installation des jeunes praticiens ([58]).
Un état des lieux du développement des centres de santé et des maisons de santé pluriprofessionnelles
Les centres de santé représentent une part marginale (1,2 %) des dépenses de soins de ville en 2024. Toutefois leur développement est marqué d’un dynamisme réel avec une croissance de près de 169 % du nombre de centres de santé médicaux depuis 2016 (1).
À date, les centres de santé recouvrent 586 structures, soit un total de 10 614 médecins salariés dont 5 933 médecins généralistes (2).
Les maisons de santé pluriprofessionnelles regroupent près de 40 000 professionnels, dont 29 % d’infirmiers et 23 % de médecins généralistes (3).
Ils sont répartis dans 2 758 structures (4) bien qu’un plan spécifique visant le déploiement de 4 000 maison de santé pluriprofessionnelles a été initié au mois de juin 2023 (5).
(1) Dr Hélène Colombani, présidente de la fédération nationale des centres de santé (FNCS), audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, mardi 3 juin 2025.
(2) M. Frédéric Villebrun, président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, mardi 3 juin 2025.
(3) Mme Emmanuelle Barlerin, présidente d’AVECsanté, réponse au questionnaire du rapporteur de la commission d’enquête, p. 4, 30 mai 2025.
(4) Mme. Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soins, réponses aux questionnaires du rapporteur, p. 18, mars 2025
(5) Ministère de la santé et de la prévention, « Plan d’action 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles », p. 2, Juin 2023.
● Toutefois, aux bénéfices générés par la multiplication de ces structures viennent se superposer des difficultés de divers ordres :
– en premier lieu, celles relatives à la cohérence territoriale. En effet, le déploiement des centres de santé et des MSP est très largement dépendant des capacités de coopération locales et de l’engagement des pouvoirs publics, territoire par territoire.
Ce point a d’ailleurs été relevé par la présidente d’AVECsanté, Emmanuelle Barlerin, à propos du développement des maisons de santé pluriprofessionnelles : « de fortes disparités territoriales persistent, notamment en raison de la gestion différenciée des moyens par les agences régionales de santé (ARS) ce qui nuit à l’atteinte de cette politique publique » ([59]). En l’absence d’un véritable service public des soins de proximité capable d’organiser la territorialisation des structures, votre rapporteur considère que leur développement est susceptible d’alimenter une concurrence entre territoires dans l’accès aux professionnels.
– ensuite, celles concernant l’effet limité de certains modèles sur le temps médical disponible. Ainsi, un médecin salarié en centre de santé réalise, en moyenne, 36 % d’actes en moins qu’un médecin installé en libéral et la « file active » d’un médecin généraliste est inférieure de 325 patients par rapport à celle d’un médecin installé en libéral ([60]).
– enfin, certaines structures coordonnées souffrent de modèles de financement complexes qui ne permettent pas, à ce stade, d’assurer leur pérennité. L’inspection générale des affaires sociales a ainsi relevé que deux-tiers des centres de santé dégageaient un résultat d’exploitation négatif ou nul ([61]).
Le modèle de rémunération des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP)
et des centres de santé
À l’instar d’autres structures de santé, les maisons de santé et les centres de santé bénéficient d’un modèle de financement double qui associe rémunération à l’activité (« la file active ») et rémunération forfaitaire, le plus souvent sur la base d’indicateurs de santé publique ou relatifs à la coordination des soins.
Cette rémunération forfaitaire est déterminée de la manière suivante :
– pour les MSP : celles-ci peuvent bénéficier d’une rémunération spécifique en adhérant à l’accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles de 2017 et ce sous réserve du respect d’une série d’indicateurs socles (1) ;
– pour les centres de santé : ils peuvent choisir d’adhérer à l’accord susmentionné ou à l’accord national des centres de santé de 2015 qui leur donne également accès à une rémunération forfaitaire spécifique ;
Pour ce qui concerne le montant de la rémunération prévue par l’ACI relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles, celui-ci est calculé selon différents critères liés à la taille de la structure, au niveau de précarité des patients, au volume d’activité ou encore à la date d’adhésion à l’ACI. Chaque indicateur va donner lieu à un calcul de points – chaque point étant valorisé à raison de sept euros par point – des ajustements de dotation pouvant être réalisés.
Enfin, le versement de la rémunération intervient en deux temps avec, en premier lieu, une avance de 60 % du montant au printemps puis, dans un second temps, le paiement d’un solde de 40 % en fin d’année, une fois l’évaluation des indicateurs réalisée.
En ce qui concerne l’accord national des centres de santé, le modèle de rémunération est similaire avec une déclinaison des indicateurs par catégorie de profession. Il permet, en sus, aux professionnels de bénéficier du forfait patientèle médecin traitant qui sera remplacé, à partir du 1er janvier 2026, par le forfait médecin traitant (2).
(1) Arrêté du 24 juillet 2017 portant approbation de l’accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles.
(2) Arrêté du 20 juin 2024 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, article 21, p. 22.
3. Le temps médical : un décrochage bien réel
Évolutions des pratiques professionnelles, développement de modes d’exercice aux effets contrastés sur le temps médical disponible, la crise de l’offre de soins est également influencée par un véritable « décrochage » de l’activité médicale à la suite de la pandémie de la Covid-19. Cette diminution est d’autant plus préoccupante qu’elle intervient dans un contexte où le suivi des patients chroniques – toujours plus nombreux du fait du vieillissement de la population – tend à allonger la durée des consultations et, en conséquence, la demande globale en temps médical.
Ainsi, en quatorze ans, l’Ordre des médecins a relevé une diminution alarmante de la proportion des médecins installés en libéral en activité régulière, de l’ordre de neuf points de pourcentage ([62]).
● À l’hôpital public, ce décrochage se caractérise par un taux de départ significatif des personnels et un recours plus régulier à l’intérim médical et paramédical. En moyenne, une infirmière hospitalière sur deux a ainsi quitté l’hôpital public ou changé de métier après dix ans de carrière, notamment du fait de conditions de travail marquées par des sujétions plus importantes ([63]). En réponse à ce phénomène votre rapporteur constate une dynamique haussière du recours à l’intérim médical qui, en dépit de sa proportion marginale dans l’emploi hospitalier global, a plus que doublé depuis 2021 ([64]).
Cette tendance de perte d’attractivité des emplois hospitaliers trouve notamment racine dans un « effet Covid » dont le rapporteur note qu’il n’a pas été encore parfaitement étudié.
Néanmoins, le constat demeure que les mesures du « Ségur de la santé » n’ont manifestement pas permis de fidéliser les personnels hospitaliers. En effet, 68 % des personnes mobilisées dans les services dits « Covid » ont connu des périodes inhabituelles de surcharge de travail. Pourtant, 80 % des personnels interrogés considèrent qu’ils « ne ressentent pas plus de reconnaissance envers leur travail qu’avant la crise » ([65]).
● En ville, la perte de temps médical se caractérise par une diminution prononcée de l’activité sur certaines plages horaires et un suivi, par patient, raccourci. En effet, la gestion des soins non-programmés illustre la difficulté à mobiliser de façon souple le temps médical disponible. En 2022, seuls 48 % des omnipraticiens participaient à la permanence des soins contre 54 % dix ans auparavant ([66]). Dans 48 % des cas, les médecins de garde justifient cet abandon en raison de difficultés à accéder en sécurité à certaines zones et, dans plus de 37 % des cas, du fait d’une demande de soins trop importante ([67]).
● Concernant le temps médical par patient, la diminution constatée en ville pose, selon votre rapporteur, des difficultés de deux ordres :
– d’une part, elle ne permet pas de traiter efficacement les questions de prévention et d’éducation à la santé qui constituent pourtant un enjeu central du virage préventif de l’offre de soins ([68]) ;
– d’autre part, une durée moyenne de consultation de 18 minutes par patient, 15 minutes dans 40 % des cas ([69]) , n’apparaît pas adaptée aux évolutions épidémiologiques récentes. En ce sens, la multiplication des cas de cancers et, plus largement, des affections relevant des dispositifs « d’affections de longue durée » (ALD) ([70]), implique un allongement des temps de consultation par l’adjonction d’un temps d’annonce du diagnostic – souvent difficile à recevoir – et d’un supplément de pédagogie sur les tenants et les aboutissants du parcours de soins.
Votre rapporteur considère donc, par l’analyse du temps médical disponible dans sa dimension qualitative, qu’un réel décrochage se fait jour nuisant tant à la qualité qu’à la permanence des soins.
C. Des unitÉs de formation et de recherche (UFR) en mÉdecine qui peinent À relever les enjeux de territorialisation de l’offre de soins
1. Une offre de formation en santé encore largement concentrée dans les territoires urbains et métropolitains
Au-delà de la crise globale de l’offre de soins se pose la question des inégalités de répartition entre territoires.
Sur ce point, votre rapporteur considère que la première étape dans le processus de désertification réside dans une insuffisante territorialisation de l’offre de formation. Cette problématique de la centralisation excessive des cursus d’enseignement supérieur, si elle abonde dans le sens de la dénonciation d’un « jacobinisme sanitaire » ([71]), n’est pas réservée aux études de santé ([72]). Toutefois, le maintien des formations en santé au sein des centres urbains demeure une réalité porteuse de conséquences spécifiques sur la répartition des professionnels.
À cet égard, le ministre délégué en charge de l’enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a insisté sur la nécessité de « former au plus près des territoires » afin d’augmenter « à terme, le nombre d’installations de professionnels dans les déserts médicaux » ([73]). Par symétrie, une concentration trop forte des cursus est donc susceptible de maintenir, voire d’aggraver dans un contexte démographique défavorable, les inégalités de dotations.
L’objectif de territorialisation du cursus est d’ailleurs partagé par les représentants des professionnels qui, à l’instar du Dr Franck Devulder, insistent sur la « baisse de la diversité de l’origine sociale et géographique des étudiants en médecine » ([74]). En conséquence, ils préconisent notamment « d’universitariser les territoires, en premier lieu, au moment de l’internat » ([75]).
En ce sens, la réforme des études de santé et le développement des « licences accès santé » (LAS) ont permis une plus grande territorialisation des cursus d’études en santé. En effet, toutes les universités – y compris celles ne présentant pas d’UFR en santé – peuvent proposer des formations LAS.
Néanmoins, votre rapporteur – en cohérence avec les travaux des corps d’inspection sur le sujet – relève la persistance d’une centralisation des cursus susceptible d’aggraver la désertification médicale. À titre d’exemples :
– la région Grand Est d’une superficie supérieure à 57 400 kilomètres carrés et dont 20 % de la population réside en zone d’intervention prioritaire (ZIP) ne dispose que de trois sites d’enseignement dotés d’unités de formation et de recherche (UFR) en santé ([76]) ;
– la Guyane, pourtant marquée par une désertification médicale particulièrement forte – elle compte 39 médecins généralistes pour une population de 295 385 habitants ([77]) – n’est, pour ce qui la concerne, en capacité de former qu’une vingtaine d’étudiants à partir de la deuxième année de médecine ([78]).
De plus, le rythme de développement des antennes universitaires n’apparaît pas, à date, satisfaisant. Compte tenu du nombre de départements qui n’offrent pas, aujourd’hui, la possibilité de suivre une première année de médecine, votre rapporteur estime qu’au moins dix ans s’écouleront avant que la couverture du territoire puisse être complète ([79]).
● Ce constat n’est d’ailleurs pas propre aux antennes universitaires. En effet, le développement des options santé dans les lycées fait face à plusieurs limites. Manque de moyens pour assurer les heures supplémentaires, risque d’un faible nombre d’inscrits dans un contexte de dévalorisation des carrières scientifiques, difficultés à mobiliser les acteurs professionnels, la généralisation semble compromise ([80]).
Les options santé dans les lycées : un déploiement encore hétérogène à l’heure d’envisager leur généralisation
L’article 24 de la loi n°2023-1 268 du mercredi 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite « loi Valletoux », a permis d’expérimenter, pour une durée de trois ans, la mise en place d’une option santé dans les lycées d’académies situés en zones sous-dotées (1).
Le développement des options santé visait : « à encourager l’orientation des lycéens issus de déserts médicaux vers les études » (2).
Ces enseignements, délivrés en classes de première et de terminale, associent des cours théoriques de renforcement dans les matières scientifiques fondamentales et des visites pratiques de sites. Ils prévoient également des échanges directs avec les professionnels afin de parfaire l’orientation des élèves. Leur volume horaire varie de deux à trois heures par semaine.
Aucun chiffre consolidé ne permet de déterminer, à ce jour, le nombre de lycéens inscrits en option santé ou leur répartition géographique.
Des analyses préliminaires permettent toutefois de relever que le déploiement de la mesure profite essentiellement aux établissements secondaires urbains situés dans des zones marquées par des difficultés d’accès aux soins (3).
(1) Au sens de l’article L.1 434-4 du code de la santé publique.
(2) Article 24 de la loi n °2023-1268 du mercredi 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.
(3) Mme Véronique Guillotin, sénatrice, audition commune avec la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport de MM. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, et Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur l’accès aux études de santé, Sénat, 26 mars 2025.
2. Pourtant la nécessité d’assurer l’ancrage territorial des professionnels de santé demeure
En ce qui concerne le lien entre la décision d’installation et le lieu d’études, la littérature converge autour d’une très forte corrélation, croissante avec le statut de l’étudiant ([81]).
En effet, si cette variable semble négligeable dans le cadre du premier cycle, elle revêt une dimension explicative particulièrement forte à partir de l’internat. L’Insee, a ainsi observé que 50 % des médecins généralistes formés en 2000 exerçaient, en 2019, à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance et, pour la moitié d’entre eux, à moins de 43 kilomètres de leur université d’internat ([82]). Une étude réalisée au début des années 2000 avait conclu à un résultat similaire, les trois-quarts des médecins y participant résidant dans la région de leur soutenance de thèse ([83]). En odontologie, la tendance est encore plus forte avec 89 % des dentistes qui exercent aujourd’hui à proximité de la localisation de leur ancien UFR ([84]).
De plus, le lien entre la localisation des études et le choix de l’installation n’est pas seulement statique – du fait d’une appartenance à un territoire donné – mais également dynamique.
Ainsi, un étudiant affecté lors de son internat dans une université située dans un autre territoire que son territoire de naissance, s’y installera plus facilement.
Julien Silhol, administrateur de l’Insee, a notamment établi que la hausse de 1 % de la population d’internes dans un territoire donné était associée, en moyenne, à une augmentation de 0,4 % de la proportion de médecins généralistes installés en exercice libéral ([85]).
La redistribution des étudiants au moment de l’internat est donc un enjeu clé de l’incitation à l’exercice en zone sous-dense. Ce constat se vérifie d’autant plus que les territoires sont dotés en services publics. À cet égard, 62 % des internes estimaient – dans une enquête menée par le Conseil de l’Ordre en 2019 – que la présence de services publics jouait un rôle significatif dans leur décision d’installation ([86]).
Votre rapporteur, député vosgien, insiste par conséquent sur la nécessité d’inclure la territorialisation des formations en santé dans le cadre d’une réflexion plus large tendant au retour des services publics de proximité dans les territoires ruraux.
II. uNE GOUVERNANCE DU SYSTÈME DE SOINS lointaine, PARFOIS OPAQUE et qui bride Les nÉcessaires rÉformes du systÈme de santÉ
A. La planification sanitaire : une action rÉgalienne qui peine À s’affirmer
1. Des agences régionales de santé aux compétences trop larges en comparaison de leurs moyens
L’apparition d’une politique globale et coordonnée en santé est assez récente à l’échelle de l’Histoire des politiques publiques. En effet, c’est à partir du XIXe siècle que la santé – problématique éminemment individuelle – entre dans le champ des préoccupations collectives ([87]).
Décliné au domaine sanitaire, le terme de planification présente une double signification ([88]). Il exprime à la fois l’ensemble des actions visant l’atteinte d’objectifs de santé publique et, selon un usage plus spécifique, les pratiques administratives de régulation du système hospitalier et de la médecine de ville.
La planification désigne donc, dans le même temps, la finalité – en termes sanitaires, financiers ou de mortalité évitée – d’une politique de santé et les moyens mobilisés pour l’atteindre. Elle est, sous cet aspect, la pierre angulaire de la politique publique du soin et trouve des traductions à chaque étape, depuis la prévision des besoins jusqu’à leur prise en charge.
L’échelon territorial de décision est, en outre, variable selon les pays considérés. Ainsi, certains pays européens, à l’instar de l’Allemagne, de la Suède ou de l’Espagne, ont pris le parti d’une forte décentralisation des politiques de planification en santé. La France a, pour ce qui la concerne, maintenu un rôle prégnant de l’État, sans toutefois réussir à intégrer la politique publique de santé dans le champ régalien.
Décentraliser la planification, le financement et l’organisation du système de santé : les choix suédois et allemands
La Suède se caractérise par un haut degré de territorialisation des politiques de santé avec une décentralisation des composantes de financement, d’organisation et de recrutement des professionnels.
À l’échelle nationale, un total de seize agences (myndighet) dont deux considérées comme « pivot » est en charge des actions de pharmacovigilance, d’inspection des établissements ou encore du déploiement d’actions relevant du « numérique en santé » (1) .
Les dépenses de santé sont financées à 90 % par les régions qui disposent d’une large autonomie dans les politiques d’incitation à l’exercice médical en zones « sous-denses » (2) .
De plus, la mise en œuvre, en 2009, de la loi relative à la liberté de choix dans les prestataires de santé (réforme dite « LOV ») permet aux communes – de façon optionnelle et aux régions – de façon obligatoire – de mettre en concurrence des prestataires de soins principalement dans le domaine des soins primaires (vårdcentraler). La Cour des comptes suédoise (Riksrevisionen) a tiré un bilan positif des effets de l’application de cette réforme sur les inégalités sociales et territoriales de santé (3).
L’Allemagne, quant à elle, se caractérise par une organisation décentralisée et auto-administrée du système de soins (Selbstverwaltung). Les professionnels de santé jouent un rôle-clé dans la mise en œuvre de chaque pan de la politique publique (4).
L’association régionale des médecins conventionnés détermine ainsi, en coopération avec le comité fédéral conjoint (G-BA), les besoins de santé, länder par länder.
Concernant le financement, l’assurance maladie publique assure la couverture de 90 % des dépenses de soins de ville, sur la base d’un catalogue d’actes et de prestations dont le contenu est négocié avec les représentants des professions de santé.
Afin de contenir l’évolution des dépenses, chaque médecin se voit attribuer un volume maximal de prestations, fixé selon les besoins du territoire. En cas de dépassement de cette enveloppe (constituant la « rémunération globale résultant de la morbidité ») le remboursement des actes par patient supplémentaire est réduit progressivement (5).
En matière hospitalière, la gouvernance est – pour des raisons propres à l’organisation administrative allemande – décentralisée aux länders bien que son financement relève, comme en France, d’un modèle de « tarification à l’activité ».
(1) M. Xavier Schmitt, conseiller aux affaires sociales de l’ambassade de France en Suède, réponses au questionnaire du rapporteur, p. 2-3, 11 juin 2025.
(2) Idem.
(3) Idem, p 10.
(4) M. Francis Bouyer, conseiller aux affaires sociales de l’ambassade de France en Allemagne, réponses au questionnaire du rapporteur, p. 6-7, 2 juin 2025.
(5) À cette rémunération plafonnée vient s’ajouter une enveloppe de rémunération déplafonnée afin de répondre à certains besoins de santé publique (croissance des soins de prévention, des actes relatifs à la prise en charge en santé mentale).
● En France, la planification sanitaire est – contrairement à d’autres pays comme la Suède ou l’Allemagne – essentiellement le fait des services de l’État réunis, depuis 2010, au sein des agences régionales de santé.
La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients à la santé et aux territoires, dite « HPST », a créé ces établissements publics administratifs afin de décloisonner l’action des administrations intervenant dans le champ de la santé.
Cette ambition était d’ailleurs partagée par « l’ensemble du spectre politique », ainsi que l’a relevé le directeur général de l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur à l’occasion d’une audition de la commission d’enquête ([89]).
Pour autant, leur création n’a pas, aux dires des acteurs, contribué à renforcer une gestion « en proximité » des problématiques de santé. Votre rapporteur note, sur ce point, les grandes difficultés qu’il a pu rencontrer, dans son département des Vosges, pour échanger avec la directrice départementale compétente de l’ARS.
En outre, la logique de décloisonnement des compétences des services de l’État n’a pas été pleinement concrétisée. Ainsi, la critique d’une organisation du système de soins marquée par la prééminence du « tout à l’hôpital » perdure et les actions de coordination ville-hôpital sont encore marquées par de réelles difficultés, notamment dans la gestion des soins non programmés ([90]).
La création des ARS : une fusion d’organismes aux gains d’efficience limités
La loi dite « HPST » a amené à la création de « mastodontes » (1) , intervenant sur chaque pan de la politique publique de santé.
Sans entrer dans une critique récurrente, souvent stérile, du fonctionnement des agences régionales de santé, votre rapporteur souhaite relever l’ampleur du transfert de compétences réalisé à cette occasion.
En effet, les ARS ont été créées par la fusion de quatre catégories d’organismes :
– les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) : groupements d’intérêts publics présents dans chaque région et chargés de piloter l’organisation de l’offre de soins hospitalière ;
– les unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) : chargées de la coordination du parcours de soins en ville et des échanges avec les professionnels de santé ;
– les missions régionales de santé (MRS) : en charge des politiques dédiées à la lutte contre la désertification médicale (zonage des territoires marqués par des difficultés d’accès aux soins, attribution des aides à l’installation, coordination du parcours de soins) ;
– les groupements régionaux de santé publique (GRSP) : constitués aux fins de veille sanitaire avec les collectivités, les agences sanitaires antérieures à la création de Santé publique France et certains représentants de l’assurance maladie.
Le détail de répartition des compétences entre les organismes susmentionnés est présenté en annexe du présent rapport (annexe n° 1).
La création des ARS a amené à un transfert de l’ensemble des compétences détenues par les ARH, les URCAM, les MRS et les GRSP. Les établissements nouvellement créés ont ainsi été chargés, aux termes des articles L. 1431-2 à L. 1431-4 du code de la santé publique :
– de la régulation de l’offre de soins en ville comme à l’hôpital, à travers notamment le régime des autorisations ;
– de l’organisation de l’offre de soins et notamment de son articulation entre les différents niveaux de recours (soins primaires, soins spécialisés notamment) ;
– de la mise en œuvre de la déclinaison régionale de politique nationale de santé, notamment à travers les actions de veille sanitaire, d’hygiène et de prévention en santé ;
– de la gestion de crises sanitaires éventuelles, sous réserve des compétences préfectorales en la matière.
(1) Assemblée nationale, rapport d’information n° 4267 déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de sécurité sociale sur les agences régionales de santé, Mme Agnès Firmin le Bodo et M. Jean-Carles Grelier, députés, p. 1, 16 juin 2021.
● Si la régionalisation des politiques de santé produite par la création des ARS a pu conduire à un éloignement de l’échelon de prise de décision, cet effet a été largement accentué par la réforme territoriale opérée par loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ([91]) .
De façon concomitante, les ARS se sont vues concurrencées dans l’exercice de certaines de leurs compétences par un échelon encore plus centralisé, celui de la caisse nationale de l’assurance maladie. En ce sens, de nombreuses associations de patients, d’élus et de professionnels regrettent que les politiques de zonages relevant, en principe, de la compétence des agences soient, en pratique, élaborées par la Cnam et ce sans dialogue approfondi avec les territoires ([92]).
● La faiblesse des moyens alloués aux agences régionales de santé (ARS) et la qualité relative des personnels qui y sont affectés contribuent également à ce bilan « en demi-teinte » de l’action des agences, plus de dix ans après leur création. La secrétaire générale des ministères sociaux, Sophie Lebret, reconnaissait, à ce titre, qu’il était « impératif de faire évoluer le profil des agents » ([93]) positionnés à l’échelle des directions départementales.
Pourtant, en dépit des efforts consentis afin de renforcer la présence de fonctionnaires relevant de l’encadrement supérieur de l’État, votre rapporteur relève la faible attractivité des carrières en agence, que ce soit à un échelon départemental ou régional.
Ce constat lui apparaît d’autant plus surprenant que la France dispose d’une fonction publique hospitalière de grande qualité mais qui n’investit pas suffisamment les fonctions d’encadrement au sein des ARS.
Par ailleurs, les agences font face à des besoins de recrutement croissants pour les corps de métiers spécialisés en santé publique (inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, techniciens sanitaires) ce qui se traduit par de forts taux de vacance de ces emplois, pourtant essentiels à la régulation et au contrôle sanitaire. À titre d’exemple, la région Occitanie, présente un taux d’emplois vacants pour les postes de médecins inspecteurs de la santé publique (MISP) estimé à 42 % ([94]). Pour l’ARS PACA, un seul poste sur les quatre demandés a été pourvu, à la suite du concours organisé en 2025.
En outre, l’importance des effectifs au sein des « fonctions supports » retient l’attention de votre rapporteur. Ainsi, pour l’ARS Occitanie, celles-ci représentent 23,1 % des effectifs alors qu’à peine 5 % de la masse salariale est consacrée aux actions de prévention et de promotion de la santé publique ([95]). Une proportion similaire a été observée pour l’ARS Grand Est, avec 24 % des effectifs répartis entre les missions de « management pilotage et animation territoriale » (18 %) et « d’assistance et de gestion » (6 %) ([96]).
● Enfin, le contrôle de la mise en œuvre de la politique de santé par les ARS n’apparaît pas, non plus, adéquat. À cet égard, votre rapporteur insiste sur la nécessité de définir un modèle qui puisse garantir un contrôle politique renforcé de ce champ crucial de l’action publique. Or, en l’état, l’évaluation de l’action des ARS relève principalement d’actions de contrôle administratif peu structurantes.
En effet, le conseil d’administration des agences – chargé d’approuver le compte financier de l’agence et d’émettre un avis sur le projet régional de santé et sur le contrat d’objectifs et de moyens – fonctionne moins comme une instance de contrôle que comme une « chambre d’enregistrement » et ce malgré le renforcement de la présence des élus en son sein ([97]).
En parallèle, le suivi réalisé par le conseil national de pilotage (CNP) dans le cadre du « dialogue stratégique » apparaît fragile. En effet, les documents consultés par le rapporteur à l’occasion d’un contrôle réalisé au secrétariat général des ministères sociaux l’ont amené à considérer avec précaution les indicateurs de mesure de la performance de l’action des ARS.
Certains présentaient un caractère peu opérationnel et étaient associés à des objectifs trop larges pour qu’une réelle évaluation puisse être réalisée ([98]).
Dans le même temps des indicateurs essentiels relatifs à la qualité des soins ou au renoncement aux soins (nombre d’évènements indésirables graves, part de patients pris en charge relevant de la protection universelle maladie, taux de participation à la permanence des soins) ne figuraient pas dans le suivi de l’action des ARS.
Enfin, votre rapporteur souligne que l’évaluation de la performance de ces établissements publics gagnerait à bénéficier d’une appréciation plus qualitative – moins standardisée – afin de saisir précisément la qualité de l’environnement local et de la coordination entre les professionnels et les administrations d’un territoire donné.
2. Des contractualisations et des supports administratifs qui contribuent à la complexification du pilotage de la politique publique
Si les défauts de gouvernance des ARS alimentent les défaillances d’organisation de l’offre de soins, votre rapporteur considère, plus largement, que la politique publique de santé souffre d’une « suradministration ». En effet, la production d’une myriade de documents administratifs porte atteinte, selon lui, à la clarté du pilotage de ladite politique publique.
Cette tendance à la mise en œuvre d’une politique « par schémas » lui apparaît d’ailleurs d’autant plus critiquable qu’elle alimente une certaine inflation normative. À titre d’exemple, votre rapporteur souhaite indiquer que le projet régional de santé de la région Ile-de-France, dans toutes ses composantes, approche les 1 000 pages ([99]).
Sans que ce seul exemple constitue un argument définitif, votre rapporteur partage, à cet égard, le constat réalisé par l’ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle, selon lequel la production normative est, pour partie, le fait d’un exercice intellectuel des cadres dirigeants de l’État, aux traductions pratiques variables ([100]).
Plus généralement, la commission d’enquête a répertorié près d’une dizaine de documents de planification dans l’organisation du système de santé :
– la stratégie nationale de santé qui constitue la feuille de route interministérielle en matière de santé pour une durée de cinq ans ([101]) ;
– le projet régional de santé qui décline les orientations – notamment à travers une série d’autorisations d’exercice – de la stratégie sur une période de cinq ans. Il est lui-même constitué à partir d’un cadre d’orientation stratégique chargé de fixer les orientations décennales de la politique publique ([102]). Le programme régional de prévention et relatif à l’accès aux soins des personnes démunies en constitue la traduction sur le public spécifique des personnes précaires ;
– les projets territoriaux de santé assurent, quant à eux, la déclinaison départementale des PRS et constituent, se faisant, le cadre d’action des directions départementales de chaque ARS ([103]) ;
– le diagnostic territorial partagé arrêté par les agences régionales de santé avec la participation des conseils territoriaux de santé correspond à une étude des besoins de santé, sociaux et médico-sociaux du territoire ([104]) ;
– les contrats locaux de santé, signés généralement à l’échelon intercommunal avec les ARS et qui permettent de mutualiser les moyens des collectivités afin de répondre aux besoins de santé à un niveau infra-départemental ([105]) ;
– les contrats territoriaux de santé qui constituent le cadre d’action général des ARS et de leurs partenaires à l’échelle départementale ([106]) ;
– le projet médical partagé enfin, qui traduit la stratégie médicale des groupements hospitaliers de territoires (GHT) et, in fine, la territorialisation du service public hospitalier ([107]).
● En définitive, votre rapporteur considère qu’un tel éclatement des actes de « droit mou » est nuisible à l’exercice d’une planification sanitaire de qualité. En ce sens, il rappelle que le Conseil d’État donnait une précieuse définition de la notion de plan, la désignant comme le processus permettant de clarifier : « l’articulation entre les compétences des échelons centraux et celles des échelons déconcentrés [...] et les chaînes de décision » ([108]) .
À l’évidence, cet objectif n’est pas, dans le cas français, parfaitement atteint, pour preuve le retard, de plus de deux ans, dans la publication du document socle de la planification sanitaire, la stratégie nationale de santé ([109]).
En outre, il relève que la multiplication de documents susceptibles de constituer des lignes directrices pour l’administration accroît le risque juridictionnel pesant sur les services de l’État et ce dans un contexte d’une ouverture croissante du prétoire ([110]).
3. La « démocratie sanitaire » : une ambition louable, une mise en œuvre difficile
Le choix d’instaurer un modèle de démocratie en santé se heurte, en pratique, à la capacité à faire émerger une composante participative dans un champ – celui de la santé – marqué par un rapport d’inégalité historique entre patients et soignants ([111]).
● Pour autant le concept de « démocratie sanitaire » est apparu dans le débat public il y a plus de vingt ans, à l’occasion des « États généraux du cancer et de la santé », en 1998. À l’origine, il renvoie tout à la fois à la notion de consentement « libre et éclairé » du patient dans le cadre de son parcours de soins et à une aspiration à une plus grande participation à la construction des politiques de santé.
Cette dernière avait d’ailleurs été concrétisée par la réforme de l’assurance maladie, deux ans auparavant, à travers la création des premiers organes de concertation des politiques sanitaires, les conférences régionales de santé et, à l’échelle du pays, la conférence nationale de santé.
● En 2002, une inflexion supplémentaire intervient avec la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Celle-ci reconnaît alors un droit des personnes accompagnées à la participation et à la conception de leur projet d’accueil et d’accompagnement ([112]).
De façon plus poussée encore, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé pose, dans un second temps, l’obligation d’associer une multiplicité d’acteurs à la mise en œuvre de la politique de santé ([113]).
Les commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC) – aujourd’hui commission des usagers – ont d’ailleurs été créées à l’échelle de l’établissement afin d’en garantir la traduction pratique.
● Enfin, le concept de « démocratie sanitaire » a progressivement infusé à travers la création d’une multiplicité d’instances.
En ce sens, la loi dite « HPST » a donné une base juridique à la notion de « territoires de santé », dont le périmètre est défini par le directeur général de l’ARS et au sein desquels les conférences de territoire – divisées en onze collèges – contribuent à la définition des orientations territoriales de la politique sanitaire.
Enfin, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a renforcé l’action des conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) ainsi que l’échelon départemental, par la création des conseils territoriaux de santé en lieu et place des conférences de territoire.
Les CRSA et les CTS : des instances essentiellement consultatives ?
La CRSA intervient, à titre consultatif, dans la définition et la mise en œuvre de la politique régionale de santé.
Elle se compose de huit collèges et quatre commissions spécialisées représentant les principaux acteurs du système de santé régional dont les collectivités territoriales, les associations d’usagers, les représentants des conseils territoriaux de santé, les organismes de protection sociale ou encore les acteurs de la prévention et de l’éducation pour la santé.
La CRSA a pour mission principale de rendre des avis publics, notamment sur le projet régional de santé (PRS), la doctrine d’utilisation du fonds d’intervention régional, la politique d’investissements des établissements publics ou encore le plan régional santé environnement (PRSE).
En ce qui concerne le CTS, son rôle consiste à décliner le projet régional de santé à l’échelle d’un territoire de santé et à organiser les parcours de santé en coopération avec les professionnels du territoire.
Il est composé des députés et sénateurs du territoire, de personnalités qualifiées ainsi que de quatre collèges réunissant professionnels, usagers, collectivités territoriales et représentant des services de l’État et des caisses de sécurité sociale.
Chaque CTS présente également deux commissions spécialisées en santé mentale et permettant l’expression des usagers en situation de précarité.
Le CTS a pour mission de participer à l’élaboration du diagnostic territorial partagé (DTP) arrêté par les ARS, à l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation du PRS, au suivi des dispositifs d’appui à la coordination (DAC), des dispositifs spécifiques régionaux (DSR) et des contrats territoriaux et locaux de santé (CLS).
Enfin, depuis la loi dite « Valletoux », le CTS participe à l’élaboration et à l’évaluation des projets territoriaux de santé.
Le directeur général de l’ARS est, par ailleurs, tenu de lui rendre un rapport annuel sur l’état de santé de la population, de l’offre de soins et relatif à l’organisation de la permanence des soins sur son territoire de santé (1) .
(1) Article 1 de la loi n° 2023-1 268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.
● Le concept de « démocratie sanitaire » a donc alimenté une certaine production législative sans, pour autant, que ces dispositions légales trouvent toujours une application, en pratique.
En ce sens, la crise dite de « la Covid » a permis de mettre en lumière avec une certaine acuité un recours quasi-inexistant aux instances de démocratie en santé en période d’état d’urgence sanitaire.
Ce constat de dysfonctionnement est également valable hors période d’exception. Ainsi, les associations d’usagers relèvent régulièrement la faiblesse du dialogue qu’elles entretiennent avec les agences régionales de santé. La présidente de la « coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité », Michèle Leflon, relevait, par exemple, que les ARS consultent mais « n’entendent pas » les demandes et recommandations des usagers ([114]) . Certaines associations, à l’instar « d’APF France handicap », ont même intenté des actions en justice à l’endroit des agences, preuve manifeste des défaillances des instances de concertation dans le domaine du soin ([115]).
Plus largement, les moyens dédiés par les agences aux actions de démocratie en santé n’ont pas contribué à inscrire la culture de la participation des usagers sur le temps long. De fait, ces actions sont, le plus souvent, financées au moyen de crédits du fonds d’intervention régional, dont le caractère pluriannuel n’est pas toujours garanti ([116]).
En définitive, le bilan du développement de la démocratie en santé apparaît à votre rapporteur particulièrement décevant. Sur ce point, il invite l’ensemble des acteurs – au premier rang desquels les élus – à investir pleinement ce champ, notamment par une présence accrue aux instances de décision que sont le conseil territorial de santé et la conférence régionale de la santé et de l’autonomie.
Il rejoint, à cet égard, le constat réalisé par l’agence régionale de santé du Grand Est qui, reconnaissant les bienfaits d’une plus grande ouverture aux décideurs publics a, dans le même temps, observé des taux de présence variables au sein de ces instances.
B. Des collectivitÉs territoriales qui s’affirment en rÉponse À l’extensioN de LA dÉsertification mÉdicalE
1. Le département au croisement des politiques d’accès aux soins d’action sociale et de prise en charge de la dépendance
De façon historique, l’échelon départemental a été tenu à l’écart de la définition et de l’organisation des politiques de santé, au sens strict. Néanmoins, l’intensification des problématiques d’accès aux soins, au fil des années, a incité les départements à investir, bien que de façon indirecte, le champ sanitaire.
La « clause de compétence générale », étendue au département et aux régions par la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (dite « loi Defferre »), a ainsi donné une première base juridique à l’action départementale en santé et ce jusqu’à sa suppression, en 2015 ([117]). Sous réserve de la justification d’un « intérêt public local », l’usage de la clause permettait à ces collectivités de proposer des actions spécifiques de prévention en santé ou visant à renforcer l’accès aux soins des publics précaires ([118]) .
Dans une perspective similaire, la dévolution des compétences en matière de protection de l’enfance a contribué à asseoir la légitimité de l’échelon départemental pour mettre en œuvre une action en santé, notamment dans le domaine périnatal ([119]).
● C’est néanmoins au prisme de l’action sociale que le département s’est affirmé comme un acteur de l’accès aux soins de premier recours. Ainsi, la compétence de principe du département en matière sociale – inscrite à l’article L. 3 211 -1 alinéa 2 du code général des collectivités territoriales – a, de façon régulière, sous-tendu les actions visant à apporter un complément aux politiques publiques de santé décidées à l’échelle de l’État.
Le département de la Meuse a notamment porté, sur ce fondement, un programme innovant d’accès aux soins par la télémédecine, pour un coût total de 26 millions d’euros ([120]). De même, le département du Loiret a indiqué son souhait d’investir 360 000 euros dans le financement de bus mobiles et ce afin de favoriser les consultations itinérantes dans les zones enclavées ([121]).
Au total, ce sont près de 60 départements qui ont fait le choix de présenter un plan santé ([122]). Cette situation constitue, pour votre rapporteur, la preuve d’un décalage manifeste entre la répartition des compétences en matière de santé et la pratique de terrain d’acteurs soumis, bien souvent, à une obligation de résultats en matière d’accès aux soins.
Le rapport public de la Cour des comptes pour l’année 2023 dressait, à cet égard, un constat similaire en soulignant l’intervention croissante des collectivités dans un domaine « ni clairement décentralisé (es), ni clairement partagé (es) », celui de l’accès aux soins de premier recours ([123]).
En réponse à cette situation de fait, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite « 3DS ») a entériné cet activisme départemental, en donnant aux départements la compétence nécessaire à la promotion de « l’accès aux soins de proximité sur le territoire départemental » ([124]).
Si votre rapporteur considère cette tentative de décentraliser une compétence proprement sanitaire comme très partielle ([125]), elle s’accompagne d’une série d’évolutions qui donnent une base juridique consolidée à l’action départementale en santé. Ainsi, la même loi reconnaît le département comme étant compétent :
– en matière de police sanitaire ([126]) ;
– pour gérer des centres de santé ([127]) ;
– pour financer des établissements de santé, notamment pour garantir l’accès aux soins de proximité ([128]).
● Plus largement, les compétences départementales en matière de dépendance constituent un moyen supplémentaire pour justifier leur intervention dans le champ des politiques de santé.
Pour rappel, l’échelon départemental contribue à hauteur de 14 % des dépenses – pour un total de 13 milliards d’euros – relatives à l’effort national en faveur du soutien à l’autonomie ([129]). Ladite contribution prend, sur ce point, la forme d’un financement de la section « dépendance » des budgets des établissements d’hébergement pour personnes âgées.
S’il peut être relevé que les actions financées par ce biais n’entrent pas, stricto sensu, dans le champ des politiques publiques de santé, il est, en revanche, difficile de ne pas leur attribuer des effets sur l’état de santé des résidents. De fait, les actions de restauration, de toilette – bien que conduites par un personnel non-médical – gagneraient à être considérées, selon votre rapporteur, comme entrant dans le champ des politiques publiques de santé.
Enfin, sur un plan purement réglementaire, les départements sont en charge de la délivrance d’autorisations administratives pour près de neuf catégories d’établissements sociaux et médico-sociaux ([130]). Il convient de mentionner que cette compétence d’autorisation est partagée avec l’agence régionale de santé qui centralise l’essentiel du volet sanitaire des autorisations.
Sans avoir de compétence claire en santé, le département a donc su s’imposer comme un acteur notable de ce champ de l’action publique.
2. Bloc communal et accès aux soins : le risque d’une compétition désorganisant l’accès à un médecin en ville
L’intervention des communes dans le champ de la santé, sans être pleinement reconnue, a néanmoins été admise de façon plus précoce que celle des départements.
● En effet, la loi et les juridictions administratives ont reconnu très tôt, dès le XIXe siècle, la compétence du maire – sur le fondement de son pouvoir de police administrative générale – pour prendre des mesures intéressant le champ de la santé ([131]). Si la jurisprudence récente a pu encadrer de façon plus resserrée cette tendance, notamment à l’occasion de la crise de la Covid-19 ([132]), il demeure que l’action des maires dans le champ de la santé s’est renforcée sur deux plans.
En premier lieu, celui des aides à l’installation des jeunes professionnels. Il n’est, en effet, pas rare que les communes proposent à des jeunes professionnels une série d’aides complémentaires du droit commun.
Subventions à l’investissement, compléments de revenus, aides à la mobilité, ces mesures viennent, le plus souvent, se superposer aux dispositifs prévus par la sécurité sociale et qui pèsent déjà significativement sur les finances publiques. À cet égard, l’assurance maladie chiffrait à près de 226 millions d’euros les crédits décaissés sur la période allant de 2017 à 2022 pour l’ensemble des « contrats démographiques » d’aides à l’installation ([133]).
En outre, dans le champ de la coordination des politiques d’accès aux soins, les communes disposent d’un pouvoir d’influence notable. En effet, les maires président, pour nombre d’entre eux, le conseil de surveillance de l’établissement public de santé de leur commune et peuvent, au moyen de leur « clause de compétence générale », intervenir dans le financement de certaines structures, comme l’illustre l’exemple « La Place santé » à Saint-Denis.
Plus largement, les centres communaux d’action sociale, administrés à l’échelle des communes, participent à l’orientation dans le parcours de santé au travers du registre des personnes fragiles qu’ils complètent ou de l’évaluation des besoins sociaux qu’ils conduisent pour chaque bénéficiaire. De façon plus secondaire, les CCAS peuvent également être amenés à produire du soin – par le biais d’un prestataire le plus souvent – au sein des établissements d’hébergement pour personnes dépendantes qu’ils administrent (11 % du nombre total d’EHPAD sont administrés par des CCAS) ([134]).
Ce rôle d’influence et d’orientation dévolu au bloc communal, s’il demeure restreint ainsi que le relève l’AMF ([135]), se matérialise enfin au plan institutionnel par la signature des « contrats locaux de santé ». Outil pivot des politiques de santé à l’échelon communal et intercommunal, le CLS est généralement porté de façon commune avec les services de l’État, suivant un modèle souple. C’est d’ailleurs en raison de cette souplesse que son usage s’est répandu depuis sa création par la loi dite « HPST ». Certains territoires, à l’instar de la région Nouvelle-Aquitaine, présentent, à titre d’exemple, des taux de couverture en CLS très élevés avec près de 80 % de la population couverte par un contrat ([136]).
Les contrats locaux de santé : un instrument pertinent pour territorialiser l’accès aux soins de premier recours
Le fonctionnement du contrat local de santé est régi par les dispositions de l’article L. 1 434 -10 du code de la santé publique (IV).
Celui-ci est conclu – en cohérence avec le projet régional de santé – entre les services de l’agence régionale de santé et les collectivités ou groupements de collectivités afin d’assurer :
– la promotion de la santé ;
– les actions de prévention ;
– les politiques de soins et d’accompagnement social et médico-social.
Un CLS comporte – de façon obligatoire – des actions relevant du champ de la santé mentale, en coordination avec les dispositions du projet territorial correspondant.
En outre, il sert de cadre d’orientation à l’action des communautés professsionnelles territoriales en santé qui doivent, en présence d’un CLS, s’appuyer sur leurs actions pour concevoir et exécuter leur projet de santé.
Enfin, sur un plan territorial, la conclusion des CLS, si elle ne constitue pas une obligation, doit intervenir prioritairement dans les zones marquées par des difficultés d’accès aux soins.
● Néanmoins, le développement de plans santé au sein des collectivités du bloc communal relève moins, selon votre rapporteur, d’une planification déclinée à l’échelle de la commune que du constat d’une incapacité de l’État à soutenir une politique publique qui relève pourtant de sa compétence.
Sur ce point, le développement d’aides à l’installation à l’échelle des territoires relève, selon votre rapporteur, d’une forme de concurrence déloyale susceptible d’alimenter – au frais des contribuables locaux – d’importantes rivalités entre des collectivités qui n’ont pas toutes les mêmes potentiels financiers. Il est d’ailleurs rejoint dans cette analyse par M. Gilles Noël, vice-président en charge de la santé de l’AMRF qui appelle, purement et simplement, à « mettre un terme à la logique de concurrence financière entre collectivités pour attirer les professionnels de santé » ([137]).
Au-delà de ces risques de distorsion votre rapporteur note que l’action municipale en santé se traduit également par une hausse des contentieux administratifs impliquant l’État. En effet, démunies face à des problématiques d’accès aux soins grandissantes, certaines communes font le choix d’enjoindre, par le biais d’arrêtés, l’État à mettre en œuvre un plan d’urgence pour assurer un accès équitable à la santé ([138]). Sans véritable portée contentieuse, ces actions sont néanmoins révélatrices, selon votre rapporteur, d’une inadéquation entre l’échelon de responsabilité mis en cause, le plus souvent local, et celui, national, détenteur de la compétence.
3. Les relations entre les ARS et les élus : chronique d’un malentendu
Force est de constater que l’affirmation croissante des collectivités territoriales dans la lutte contre la désertification médicale s’est heurtée à une absence de reconnaissance de la part des services des agences régionales de santé.
Si ce déficit persistant de coordination et de dialogue entre les ARS et les représentants des collectivités territoriales a pu s’atténuer dans la période récente, votre rapporteur a néanmoins observé la persistance de certaines pratiques.
Ainsi, il a pu être confronté, au cours des travaux de la commission, au refus catégorique des services départementaux de l’ARS des Vosges d’organiser une réunion avec les principaux élus du département sur les difficultés d’accès aux soins. Si ce cas de figure peut relever de l’épiphénomène, les auditions ont permis d’observer que certaines agences avaient, par le passé, édicté pour consigne de ne pas répondre aux sollicitations des élus ([139]).
Le sentiment des représentants des collectivités territoriales – qui soulignent les délais de traitement de leurs sollicitations et la faible qualité des informations reçues – ne traduit donc pas une simple critique artificielle des services de l’État, mais bien une réalité documentée.
Un tel sentiment est d’ailleurs renforcé pour les élus issus des territoires ruraux qui sont confrontés, avec une acuité particulière, à la désertification médicale ([140]). L’institut de sondage Ipsos relevait, sur ce point, qu’une majorité d’élus (68 %) souhaitait que les ARS adaptent plus efficacement leurs actions aux besoins de santé des territoires, notamment ruraux ([141]).
La crise sanitaire de la Covid-19 a témoigné, en ce sens, de la transmission très imparfaite des informations entre services et collectivités. Ainsi, 58 % des élus interrogés alors estimaient que la qualité des informations communiquées pendant la crise par les ARS était « faible » voire « très faible » ([142]). Les résultats de ce sondage retiennent d’autant plus l’attention de votre rapporteur, que les élus locaux constituent, bien souvent, « la première ligne » vers laquelle se tournent les citoyens en période de crise.
III. Le constat d’une hausse des inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins
La problématique de l’accès aux soins est principalement marquée par la démographie des professionnels de santé.
Si le Cnom relevait, dans son édition 2025 de l’Atlas de la démographie médicale ([143]), une augmentation du nombre global de médecins, avec 241 255 médecins en activité au 1er janvier 2025, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2024 et de 10 % depuis 2010, cette augmentation faciale apparaît comme un trompe-l’œil.
En effet, ce nombre chute à 201 239 médecins si l’on considère seulement les médecins en activité dite « régulière » ([144]). En cause, le développement de l’activité intermittente et une augmentation des médecins retraités reprenant une activité partielle. Cette situation entraîne des effets notables pour les médecins généralistes et sur les spécialités déjà en tension (gynécologues, dermatologues et rhumatologues par exemple). Toutefois, elle tend à s’améliorer grâce à l’assouplissement du numerus clausus, devenu numerus apertus, et à la montée en puissance du cumul emploi-retraite, donnant lieu à une hausse de 1,1 % de l’effectif de médecins en activité régulière depuis 2024 et de 0,6 % depuis 2010.
Si le rôle des professionnels de santé varie d’un système de santé à l’autre, et bien que la densité de médecins ne soit qu’une composante de l’offre médicale qui dépend également de l’organisation des soins ou du nombre d’heures travaillées, la DREES présente des comparaisons internationales dont les conclusions révèlent la crise démographique française. À l’exception du Luxembourg, la France enregistre la densité la plus faible de médecins avec 340 médecins pour 100 000 habitants et celle-ci croît moins rapidement que dans le reste de l’UE ([145]). Mais au-delà de la démographie globale par profession, la répartition territoriale de l’offre de soins se révèle fortement inégale et accentue les difficultés d’accès aux soins primaires.
L’offre de soins se contracte avec, notamment, une baisse notable du nombre de médecins généralistes en exercice, praticiens vers lesquels se tournent naturellement les personnes en demande de soins médicaux. Le médecin généraliste est par ailleurs, bien souvent, la porte d’entrée vers le monde de la médecine spécialisée dans le cadre du parcours de soins coordonnés. En 2024, la France comptait environ 99 500 médecins généralistes en activité, accusant une diminution de 2,5 % depuis 2022 (soit 2 500 praticiens), particulièrement préoccupante dans les zones sous dotées où l’accès aux soins primaires est déjà limité. En effet, dans 70 départements, le nombre de médecins généralistes par habitant diminue depuis 2010, ayant pu baisser jusqu’à 28 % dans certains cas ([146]).
D’après les données de la DREES relatives à l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée, qui mesure à la fois la proximité et la disponibilité des professionnels de santé (cf. infra), l’accessibilité aux médecins généralistes s’établit en moyenne à 3,3 consultations par an et par habitant en 2023 contre 3,8 consultations en 2015 ([147]). Outre la croissance démographique et le vieillissement de la population française, cette dégradation résulte de la baisse quantitative du nombre de médecins généralistes libéraux et de la diminution du nombre d’heures travaillées liées à des évolutions socioculturelles (cf. supra).
De même, l’augmentation de la file active des médecins généralistes amène ces derniers à opposer davantage de refus aux patients en recherche de médecins traitants. Cette situation conduit à raréfier l’offre de soins, en particulier dans les zones sous-dotées, et alimente des situations de renoncement aux soins ou d’automédication.
Au-delà de l’allongement des délais d’obtention de rendez-vous, un indicateur supplémentaire vient traduire ces tensions entre l’offre et la demande : la part de patients sans médecin traitant s’accroît, de même que le nombre de patients se rendant aux urgences sans justification médicale évidente. Dans certains territoires, près du quart des patients n’ont pas de médecin traitant (soit deux fois plus que la moyenne) et le taux de recours inadéquat aux urgences atteint 40 % sur certains territoires, comme les Ardennes. Ainsi, 65 % des médecins déclarent être amenés à refuser de nouveaux patients comme médecin traitant, contre 53 % d’entre eux en 2019 selon la DREES ([148]). Or, les chiffres communiqués par la Cnam révèlent une situation inquiétante : en 2023, environ 6,7 millions d’assurés ne disposent pas d’un médecin traitant, soit environ 11 % des patients, dont 472 000 patients en ALD ([149]). Pourtant, le choix d’un médecin traitant dans la coordination du parcours de soins, dont le rôle a été consacré par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, est obligatoire pour tous les assurés de plus de 16 ans.
Les prévisions s’annoncent également alarmantes concernant la population de médecins généralistes en raison d’un vieillissement démographique. En effet, 30,7 % des médecins généralistes en activité ont plus de 60 ans en 2024, contre seulement 24 % en 2018. De même, 44 % des médecins généralistes ont plus de 55 ans et devraient être nombreux à cesser leur activité d’ici 2030. Ainsi, le renouvellement des médecins généralistes ne devrait pas suffire à compenser les départs en retraite ([150]).
Le Cnom évalue une croissance de la population médicale à hauteur de 2 % par an, « très prochainement et au moins jusqu’en 2040 », prévoyant que « les discours malthusiens risquent de s’inviter dans les débats, à l’instar de ce qu’ils furent de la fin des années 1970 à la décennie 1990 » ([151]). Ces projections à plus long terme, dont la fiabilité est, par définition, moins grande ne garantissent pas pour autant une répartition uniforme des médecins sur le territoire national, laissant craindre la subsistance de zones sous-denses en matière d’accès aux soins.
Les tendances démographiques en matière de vieillissement confirment une inégale répartition au détriment des départements déjà concernés par une faible densité médicale. Les médecins sont en effet concentrés dans les régions les plus peuplées : 20 % des actifs exercent en Île‑de‑France et 12 % en Auvergne-Rhône-Alpes. La région PACA détient la plus haute densité de médecins, avec 442,7 médecins pour 100 000 habitants, suivie par l’Île-de-France. Les régions Centre-Val de Loire, Normandie et le département de la Guyane sont les moins bien dotés et rencontrent les densités les plus basses, inférieures à 308 médecins pour 100 000 habitants ([152]). Les situations sont similaires concernant les médecins spécialistes et les médecins généralistes.
La situation de l’Île-de-France est toutefois assez particulière : si la densité de la région est haute pour l’ensemble des médecins et pour les spécialistes, elle est très basse s’agissant des médecins généralistes. La région s’inscrit ainsi dans le bas du classement aux côtés de la Normandie, du Centre-Val de Loire et de la Guyane, avec moins de 139 généralistes pour 100 000 habitants. De plus, la densité globale de la région masque de fortes disparités entre les départements d’Île‑de‑France, la Seine-et-Marne, l’Essonne, le Val-d’Oise et les Yvelines souffrant d’une plus faible densité médicale que les départements voisins ([153]).
Enfin, depuis 2010, les départements où les densités de médecins en activité sont les plus faibles subissent les variations négatives de densité les plus importantes, créant de véritables déserts médicaux. Les 10 % de la population les mieux dotés en médecins généralistes ont accès en moyenne à 5,6 consultations par an tandis que les 10 % de la population les moins bien dotés ont accès en moyenne à 1,4 consultation par an : l’accessibilité des premiers est ainsi 4,1 fois supérieure à celle des seconds. Ce rapport augmente de 5 % entre 2022 et 2023, ce qui témoigne de la croissance des inégalités territoriales d’accessibilité aux médecins généralistes ([154]).
Selon un rapport d’information du Sénat ([155]), 14 départements présentent des fragilités significatives en cumulant, pour l’accès à trois spécialités au moins, des délais médians deux fois supérieurs aux chiffres obtenus à l’échelle nationale, voire davantage. Ainsi, par exemple, 37 départements métropolitains comptent moins de 5 dermatologues inscrits dans leur zone géographique respective. La situation est analogue dans 19 départements pour l’accès aux ophtalmologistes et dans 22 départements pour les 5 cardiologues. Ces déserts de spécialistes sont souvent cumulatifs et les cartes des zones sous-denses – quelle que soit la profession de santé retenue - ont tendance à se superposer.
La sous-représentation de spécialistes dans une même région entraîne un effet de congestion permanent, ce qui allonge le délai moyen pour obtenir un rendez-vous : le temps médian pour un rendez-vous avec un cardiologue atteint 42 jours, 36 jours pour un dermatologue et 22 jours pour un gynécologue ([156]).
Des inégalités territoriales alarmantes se superposent à ce constat général. En effet, selon le département retenu, les délais pour avoir accès à un ophtalmologue peuvent varier de 6 à 123 jours, pour un pédiatre de 1 à 97 jours et pour un cardiologue de 17 à 93 jours ([157]).
c. Les professions paramédicales et les pharmacies
● Les professions paramédicales sont également concernées par cet effet ciseaux, entre démographie des praticiens en berne et besoins en soins primaires en forte augmentation, et ce, de manière inégale sur le territoire, alimentant les dynamiques de désertification paramédicale.
Près de 600 000 infirmiers et infirmières sont en emploi en 2021, à la suite d’une hausse de 8 % de leur nombre depuis 2013 ([158]). D’après les prévisions de la DREES, ces effectifs continueraient d’augmenter, à hauteur de 37 % entre 2021 et 2050, pour atteindre 821 000. Pourtant, en parallèle, la couverture des besoins en soins infirmiers diminuerait en raison du vieillissement accéléré de la population. Il faudrait alors 80 000 infirmières supplémentaires en 2050 par rapport à cette projection pour assurer la même couverture de besoins en soins qu’actuellement.
De même, d’après la DREES, après avoir progressé au cours des dix dernières années, le nombre d’infirmières libérales diminue légèrement entre 2022 et 2023, tout comme l’activité en centre de soins infirmiers, conduisant à une décrue de l’accessibilité aux infirmières en général ([159]).
Par ailleurs, des inégalités d’accès aux infirmiers se développent progressivement sur le territoire : selon le Syndicat des infirmières et infirmiers libéraux (Snill), « les densités d’infirmiers libéraux varient de 1 à 6 », en particulier dans le Centre-Val de Loire, en Île-de-France ou en Auvergne, qui présentent des déficits importants avec une densité allant de 1,8 à 8,7 infirmiers libéraux pour 10 000 habitants ([160]).
Au-delà des infirmiers, l’ensemble des professions paramédicales est concerné par ces tendances lourdes d’inégalités d’accessibilité. Selon la DREES, le rapport entre l’accessibilité moyenne des 10 % de la population les mieux dotés et celle des 10 % les moins dotés est de 6,7 pour les kinésithérapeutes, 6,1 pour les infirmières, et 5,1 pour les sages-femmes ([161]).
● Les pharmacies d’officine ont encore un maillage territorial dense et équitable qui permet d’assurer la proximité et l’accessibilité d’un professionnel de santé pour l’ensemble des Français. Elles jouent un rôle essentiel dans les zones médicalement sous-dotées, comme le souligne le Conseil national de l’ordre des pharmaciens : les pharmaciens « peuvent être une solution dans la prise en charge de soins de premiers recours, en particulier dans un contexte de difficultés d’accès aux soins » ([162]).
Pourtant, la France a perdu 4 000 officines de pharmacie entre 2007 et 2023, soit un rythme de 25 fermetures par mois. Désormais, entre 3 % et 5 % de la population vivraient dans des territoires considérés comme fragiles au regard de leur offre selon la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) ([163]). Selon le Cnop, la France compte 30 officines pour 100 000 habitants en 2024, la moyenne de l’OCDE étant à 28 officines. Cependant, cette densité est en baisse, 9,3 % des officines ayant disparu entre 2013 et 2023.
L’accès à un pharmacien reste néanmoins plus équitable que pour les autres professionnels de santé grâce au mécanisme de régulation à l’installation. L’ouverture d’une officine dans une commune peut ainsi être autorisée lorsque le nombre d’habitants recensés est au moins égal à 2 500 ([164]). L’ouverture d’une officine supplémentaire peut être autorisée par voie de transfert ou de regroupement à raison d’une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune. Ces règles ne s’appliquent que pour l’ouverture d’une nouvelle officine : un nouvel acquéreur peut reprendre une pharmacie dans une commune comptant moins de 2 500 habitants. Ce régime de planification garantit correctement la répartition territoriale des pharmacies.
2. Le zonage actuel des aides financières à l’installation contribue à rigidifier l’offre de soins
L’inégale répartition des soignants sur le territoire engendre des disparités territoriales d’accès aux soins marquées en défaveur de certains territoires sous-dotés, souvent ruraux, pour lesquels la situation est particulièrement dégradée.
Le pouvoir réglementaire a redéfini en 2017 les contours de sa politique de fiscalité comportementale à destination des professionnels de santé ([165]). Bien que les déterminants à l’installation des médecins soient multiples et ne se résument pas à des considérations financières, ce type d’aides apparaît susceptible de conforter des projets d’installation et de renforcer l’attractivité des territoires fragiles ([166]).
Les aides apportées aux professionnels de santé sont nombreuses et diversifiées : les collectivités territoriales ont parfois orienté leurs aides vers d’autres professions de santé ; les ARS ont déployé des aides sous forme de contrats ; l’assurance maladie, enfin, a inséré dans les conventions pluriannuelles conclues avec les différentes professions de santé des dispositions favorisant, plus ou moins selon les professions, l’installation en zones sous-denses.
Depuis la LFSS 2023, les contrats signés par les ARS et par l’assurance maladie ont été rationalisés, les ARS visant désormais exclusivement les contrats de pré-recrutement avec des professionnels qui ne peuvent pas encore être conventionnés (étudiants de deuxième et surtout de troisième cycles). Dans la plupart des conventions a été intégré un objectif de meilleure répartition des professionnels sur le territoire (et donc une palette d’incitations à l’installation en zones sous-denses et parfois des restrictions à l’installation en zones sur-dotées).
Le régime des aides accordées par la Cnam résulte donc d’un ensemble complexe de conventions avec les professions, faisant l’objet d’un suivi annuel paritaire qui conduit à en modifier les critères de « déclenchement » et d’attribution, ainsi que d’avenants fréquents qui modifient parfois substantiellement ces règles.
Le maillage repose sur une nouvelle échelle de territoire définie au niveau national : les territoires de vie-santé (TVS). Il s’agit d’un découpage construit en fonction des possibilités d’accès d’une population donnée aux équipements et services les plus fréquents au quotidien. Le territoire de vie-santé, qui peut se situer sur plusieurs départements ou régions, regroupe en général une ou plusieurs communes et reflète l’organisation des déplacements courants sur ce territoire.
Les zones d’intervention prioritaire (ZIP) et les zones d’actions complémentaires (ZAC), deux dispositifs concourant à faciliter l’installation de praticiens, ont été complétées par une « zone de vigilance » dans laquelle les professionnels de santé sont non éligibles aux aides mais peuvent bénéficier d’un accompagnement dans la mise en place d’exercice coordonné pluriprofessionnel. Le classement en « ZIP » concerne les territoires les plus durement touchés par l’attrition médicale et constitue le plus haut niveau d’intervention pour l’ARS, permettant de déployer l’ensemble des aides à l’installation. Le classement en « ZAC » complémentaire est destiné à des territoires moins exposés au manque de médecins et permet également l’attribution de certaines aides à l’installation.
Enfin, un zonage spécifique existe depuis 2019 au sein des ARS Bretagne et Hauts-de-France, la « zone d’accompagnement régional » (ZAR), qui permet de cibler des territoires nécessitant une vigilance sur l’offre de soins de médecine et bénéficiant à ce titre d’aides régionales au maintien et à l’installation des professionnels de santé.
Le zonage médical au sein des QPV
Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dont le périmètre a été révisé en décembre 2023, constituent une unité géographique à part entière dans l’élaboration du zonage « médecine générale ».
Les QPV étant par essence dans une situation de grande précarité, ceux-ci sont systématiquement catégorisés a minima en « ZAC » par les ARS, qui ont la possibilité de classer le QPV indépendamment de son territoire d’appartenance.
Enfin, la convention médicale de 2024 prévoit que les aides conventionnelles à l’installation et au maintien en « ZIP » s’appliquent également aux QPV, permettant ainsi d’y renforcer l’accès aux soins.
Source : réponses de la DGOS aux questionnaires du rapporteur.
Pour choisir les territoires de vie-santé qui seront classés en « ZIP » et en « ZAC », les ARS s’appuient sur les résultats d’un indicateur de référence, l’accessibilité potentielle localisée (APL), ou sur des indicateurs qu’elles estiment plus adaptés compte tenu des caractéristiques de leurs territoires.
L’accessibilité potentielle localisée
L’indicateur d’APL, développé par la DREES et l’IRDES en 2012, est calculé chaque année par le ministère de la santé et mesure l’offre médicale disponible sur un territoire de vie-santé (nombre de médecins généralistes jusqu’à 65 ans, pour anticiper les futurs départs à la retraite). L’APL met en évidence des disparités d’offres de soins qu’un indicateur usuel de densité, calculé sur des mailles beaucoup plus larges (bassins de vie, départements, etc.), aura tendance à masquer.
L’APL tient également compte du niveau d’activité des professionnels de santé en exercice (mesuré par le nombre de consultations ou visites effectuées dans l’année), du temps d’accès aux praticiens ainsi que de la structure par âge de la population de chaque commune qui influence les besoins en soins.
Sous sa forme actuelle, l’APL est disponible pour les médecins généralistes, les infirmières, les sages-femmes, les masseuses-kinésithérapeutes et les chirurgiens-dentistes.
Si l’on regarde le seul indicateur APL pour les médecins généralistes, celui-ci tend à se dégrader au cours de ces dernières années, notamment sous l’effet de la démographie médicale : ainsi, les zones très sous-denses (« ZIP ») passent de 29,9 % du territoire en 2019 à 36,7 % en 2023 selon la DGOS.
Face au constat de désertification médicale, une double dynamique s’est donc accentuée ces dernières années : non seulement le champ des bénéficiaires potentiels des aides s’est élargi mais les critères de sélectivité de celles-ci se sont également allégés ([167]). Si les « ZIP », territoires dans lesquels les médecins installés sont éligibles aux aides des ARS et de l’assurance maladie, représentaient 18 % de la population nationale en 2019, elles en représentent aujourd’hui 30 %. Les aides des collectivités territoriales, quant à elles, sont conditionnées par l’installation du professionnel en « ZIP » mais aussi en « ZAC ». Or, ces dernières zones ont été étendues par un arrêté de novembre 2017, jusqu’à représenter 45 % de la population nationale. Elles en représentent 42 % depuis 2021 ([168]). Le cumul des deux zonages atteint presque 75 % de la population française alors que la population qui connaît un problème caractérisé d’accès aux soins de premier recours représente entre 6 % et 20 % de la population ([169]).
Votre rapporteur est par conséquent attaché au fait de resserrer le champ des bénéficiaires de ces aides afin d’en améliorer l’efficience sur les zones les plus sous-dotées.
Recommandation n° 1 : resserrer le champ des bénéficiaires des aides à l’installation afin d’en améliorer l’efficience sur les zones les plus sous-dotées.
L’offre de soins dans les territoires ultramarins
La situation de l’offre de soins dans les outre-mers ne peut faire l’objet d’un constat et d’une analyse uniforme. Le territoire de la Réunion connait, par exemple, une densité de 98 médecins généralistes pour 100 000 habitants quand Mayotte en compte seulement 9 et où l’ensemble du territoire est placé en « ZIP ». Selon la Cnam, les territoires de la Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe connaissent une densité médicale en médecine générale supérieure au territoire hexagonal.
Ces disparités entre le territoire métropolitain et les territoires d’outre-mer touchent également les médecins spécialistes de manière non linéaire. Ainsi, si par exemple la Martinique a une densité d’ophtalmologues équivalente à celle du territoire métropolitain, elle se révèle fortement sous-dotée en cardiologues, pédiatres ou anesthésistes.
S’agissant des DROM, il existe des adaptations spécifiques du zonage notamment liées à l’insularité ou aux situations archipélagiques permettant notamment aux ARS de retenir l’échelle de la commune ou du grand-quartier pour appliquer le zonage.
Cependant, ces zonages sont accusés de rigidifier l’offre de soins et de ne pas s’adapter à l’évolution des besoins locaux. Pour Raphaël Dachicourt, président du Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants (ReAGJIR), « les zonages actuels offrent une vision biaisée de la réalité territoriale. Une véritable territorialisation nécessite une identification directe des besoins sur le terrain et une mise en relation efficace avec les professionnels de santé » ([170]).
Le zonage est établi par la Cnam en concertation avec les syndicats professionnels, avant d’être transmis à l’ARS, qui dispose d’une marge de modulation actuellement limitée à 5 %. Dans une optique de meilleure adaptation aux spécificités locales, il pourrait être pertinent d’élargir cette marge à 15 %, afin de donner aux ARS davantage de souplesse dans l’application des critères. De même, votre rapporteur appelle à généraliser un dialogue étroit entre l’association départementale des maires et les ARS pour l’élaboration de ces zonages.
Enfin, une certaine agilité dans la définition et l’actualisation de ces zones doit être mise en place. Élaborés tous les cinq ans à leur mise en place, ces zonages sont maintenant réétudiés et adaptés tous les trois ans. Chaque ARS peut modifier son arrêté régional dès lors que la situation locale le nécessite, en requalifiant des zones pour ajuster les aides en fonction des besoins. En effet, si la réglementation pose le principe d’une révision de l’arrêté régional tous les 3 ans, elle prévoit également que dans l’intervalle, les ARS peuvent si nécessaire actualiser l’identification de leurs zones sous-denses.
Si, selon Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, le rythme de mise à jour trisannuel « paraît tout à fait pertinent au vu de son impact sur l’application de mécanismes coercitifs ou incitatifs afin de garantir la régularité et la prévisibilité des actualisations » ([171]), les associations d’élus et d’usagers par la commission d’enquête ont réclamé un rythme de révision plus régulier afin d’établir une cartographie plus fine, réactive et adaptée aux réalités de terrain.
Votre rapporteur préconise donc une actualisation des zonages selon une périodicité annuelle afin d'être en adéquation avec la réalité démographique des territoires, sur la base des données actualisées du Cnom.
La Cnam met en évidence des résultats modestes pour les différentes professions qui ont bénéficié d’aides à l’installation dans un cadre conventionnel ([172]). Sauf pour les infirmiers et pour les chirurgiens-dentistes, le rapport entre la densité départementale la plus élevée et la densité la plus faible, par profession, a augmenté entre 2016 et 2021. Pour les médecins généralistes plus particulièrement, et malgré des aides significatives d’environ 32 millions d’euros en 2020, la part des médecins exerçant en « ZIP » a diminué : à zonage de 2015 inchangé (correspondant alors à 18 % de la population), la part des médecins dans ces zones représentait 13 % du total des médecins généralistes en 2015 et un peu moins de 12,5 % en 2021. Le vieillissement plus marqué des professionnels dans les zones déficitaires explique en partie cette évolution mais on note aussi que les généralistes « primo-installés » dans ces zones représentaient 11 % des installations en 2015 et 13 % en 2021. Néanmoins, le léger progrès ainsi constaté ne permet même pas de stabiliser la part des médecins généralistes dans les ZIP.
Recommandation n° 2 : mettre en place une actualisation annuelle des zonages par les ARS et généraliser un dialogue étroit avec l’association départementale des maires pour leur élaboration.
Des facteurs sociaux, économiques ou territoriaux peuvent alimenter des phénomènes de « renoncement aux soins ».
● L’accès aux soins est de fait restreint en raison des coûts élevés pour certains patients dus à des dépassements d’honoraires ou à une couverture maladie insuffisante. En effet, même si, depuis 2011, le taux moyen de prise en charge de la consommation de soins par l’Assurance Maladie augmente de façon continue pour atteindre 79,6 % en 2023, des situations de renoncement aux soins pour des raisons financières peuvent perdurer. Sur une dépense moyenne en santé de 3 475 euros par an et par habitant en France, couverte à raison de 2 765 euros par la sécurité sociale et de 439 euros par les complémentaires santé (Ocam), le reste à charge (RAC) moyen des ménages s’établit ainsi à 250 euros par an et par habitant en moyenne en 2023 selon la DREES ([173]).
La part des dépenses de santé financée par les ménages diffère sensiblement selon le poste de la consommation en santé : faible sur les soins hospitaliers (1,5 % pour les hôpitaux publics) et modérée pour les consultations de médecins généralistes (5,4 %), elle est plus élevée pour d’autres soins de ville : masseurs-kinésithérapeutes (15,4 %), orthoptistes (13,6 %) et médecins spécialistes (10,3 %).
La part prise en charge par les ménages est plus limitée pour les soins des sages-femmes (2,7 %), des infirmiers (3,3 %) ainsi que pour les prestations des laboratoires de biologie médicale (4,3 %), que l’assurance maladie obligatoire (AMO) couvre plus largement. S’agissant des biens médicaux, le RAC pour les médicaments en ambulatoire s’établit à 13,8 %, plus élevé que le RAC moyen.
Enfin, en dépit de la mise en œuvre de la réforme du 100 % santé, le RAC reste le plus élevé en proportion de la dépense sur l’optique médicale hors lentilles et accessoires (23 % en 2022), les audioprothèses (35,7 %) et les prothèses dentaires (15,4 %). Ces taux relativement élevés reflètent le niveau limité des bases de remboursement de la sécurité sociale pour ces types de soins et de biens médicaux (celle-ci est fixée, à titre d’exemple, à 2,84 euros pour une monture, dont 60 %, soit 1,70 euro, pris en charge par l’AMO), et symétriquement la part des Ocam dans leur financement (près de 72 % des frais de soins optiques, 57 % des frais de prothèses dentaires et 42 % des frais d’audioprothèses sont financés par les Ocam).
Il apparaît que le taux d’effort des Français pour leurs dépenses de santé, c’est-à-dire la part du revenu d’un ménage affecté au paiement des cotisations d’assurance maladie complémentaire (AMC) et du reste à charge après intervention de l’AMO et de l’AMC, décroît avec le revenu et représente des montants importants chez les plus modestes. Il représentait ainsi environ 7 % du revenu des ménages du premier décile en 2017, contre un peu plus de 2 % de celui des ménages du dernier décile. En outre, le taux d’effort augmente avec l’âge, passant de 2,7 % entre 30 et 39 ans à 8,2 % après 80 ans. De fait, la prime mensuelle due au titre d’un contrat individuel par un assuré de référence sans ayant droit et dont le revenu appartient à la tranche la plus basse s’élèverait à 33 euros en moyenne à 20 ans et à 146 euros à 85 ans.
Sur la période 2020 à 2022, la part de la population déclarant n’avoir pas pu satisfaire un besoin d’examens ou de traitements médicaux pour des raisons financières est relativement stable autour de 2 %, tandis que celle mesurée sur les 20 % les plus modestes augmente de 3,9 % à 4,3 %. Selon l’association UFC-Que Choisir, plus de 70 % des gynécologues médicaux réalisent des dépassements d’honoraires. Il appartient en conséquence à l’Assurance Maladie, en lien avec les autres financeurs du système de soins, notamment les organismes complémentaires, de réduire les obstacles financiers à l’accès aux soins des assurés.
Il existe également un lien étroit entre l’intensité du renoncement aux soins et les inégalités sociales et territoriales en matière d’accès à la santé. Selon l’enquête « Statistique sur les ressources et conditions de vie » (SRCV) de l’Insee, 4,4 % des personnes de 16 ans ou plus vivant en France métropolitaine déclarent avoir renoncé à un examen ou à un traitement médical en 2020 ([174]).
Un effet cumulatif entre pauvreté et difficultés d’accès géographique aux soins est visible : les zones rurales sous-dotées en médecins généralistes aggravent le risque de renoncement aux soins, notamment pour les personnes pauvres. Ces dernières ont ainsi 3,53 fois plus de risques de renoncer à des soins dans des zones très sous-dotées par rapport à des zones mieux dotées. Dans les ZIP, leur risque est plus de huit fois supérieur à celui du restant de la population ([175]).
● Le système de ticket modérateur a été historiquement conçu comme un outil d’incitation à la modération du recours aux soins. Depuis la création de la sécurité sociale, cette participation aux tarifs servant de base au remboursement des frais de santé par l’AMO a été laissée à la charge de l’assuré mais elle peut éventuellement lui être remboursée par l’AMC. Ce ticket modérateur dépend des catégories de prestations, des conditions dans lesquelles sont dispensés les soins ou de la nature de l’établissement où les soins sont dispensés. Ainsi, il est de 20 % pour les soins hospitaliers mais peut atteindre 85 % pour les médicaments à service médical « faible ».
Lorsqu’un assuré consulte un médecin hors du parcours de soins coordonnés, le ticket modérateur peut être majoré de 40 % de la base de remboursement de la sécurité sociale, le portant ainsi à 70 % de ce tarif. À l’inverse, certaines situations, pour la plupart mentionnées à l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, bénéficient d’une prise en charge dérogatoire du droit commun par l’assurance maladie, caractérisée par la suppression du ticket modérateur à la charge de l’assuré ou de sa complémentaire santé : femmes enceintes, titulaires d’une pension d’invalidité, patients atteints d’une affection de longue durée, etc.
En outre, une participation forfaitaire qui se cumule avec le ticket modérateur – et s’impute donc sur la partie des frais remboursée par l’AMO – est acquittée par l’assuré pour chaque acte ou pour chaque consultation pris en charge par l’AMO et réalisé par un médecin, à l’exclusion des actes ou consultations réalisés au cours d’une hospitalisation, ainsi que pour tout acte de biologie médicale.
Son montant a été doublé en 2024, pour atteindre deux euros. En tout état de cause, le nombre maximum de participations forfaitaires supportées par le bénéficiaire des soins au cours d’une année civile étant fixé à 25, la participation globale pouvant être exigée d’un assuré est plafonnée à 50 euros par an.
Une franchise médicale à la charge de l’assuré s’ajoute également au ticket modérateur pour les frais relatifs à plusieurs prestations et produits de santé pris en charge par l’AMO. Celle-ci a été doublée en 2024 et s’élève désormais à un euro par boîte de médicaments, un euro par acte effectué par un auxiliaire médical – dans la limite de quatre euros par jour – et quatre euros par transport sanitaire – dans la limite de huit euros par jour. Son montant maximal est lui aussi fixé à 50 euros par année civile.
Enfin, d’autres mécanismes existent tels que le forfait journalier hospitalier, au titre des frais d’hébergement et d’entretien, au tarif de 20 euros par jour en hôpital et en clinique, ou encore, depuis 2022, le forfait patient urgences, fixé à 19,61 euros (ou à 8,49 euros pour les personnes atteintes d’une ALD notamment).
Les tickets modérateurs sont couverts par les assurances complémentaires et les exonérations sociales dont bénéficient les contrats collectifs encouragent des couvertures étendues qui alimentent la progression des dépassements d’honoraires, ce qui nuit à l’accès aux soins des individus moins bien couverts.
● Les acteurs du système de santé ont déployé des mesures à destination des publics les plus fragiles, à l’instar des personnes les plus éloignées du système de santé et dépourvues de médecin traitant. On observe en effet, sur le long terme, une progression de la proportion de patients sans médecin traitant, passée de 10,2 % de la population fin 2014 à 11,3 % fin 2023.
Parmi ces patients, ceux pour lesquels cette situation est la plus problématique sont les patients en affection de longue durée (ALD), car ils nécessitent d’être suivis régulièrement par un médecin. Le Gouvernement avait alors déployé un plan visant à attribuer un médecin traitant à ces patients. Selon la Cnam, le taux de patients en ALD sans médecin traitant est ainsi passé de 5,6 %, ce qui représente 616 922 patients, en février 2023, à 4,18 %, soit 472 505 patients, fin décembre 2023 ([176]). Cela équivaut à une baisse de 25 % du taux de patients en ALD sans médecin traitant. Le plan ainsi lancé a donc eu des effets positifs. Il n’en reste pas moins que l’objectif d’atteindre un taux résiduel de patients en ALD sans médecin traitant n’est pas encore atteint.
1. Une nécessité de libérer les praticiens des tâches administratives
● Afin de lutter contre le décrochage du temps médical disponible, les autorités publiques ont entendu limiter les tâches administratives de gestion, de secrétariat et de comptabilité des professionnels.
Une piste de travail, déjà éprouvée, concerne le dispositif d’aide à l’emploi d’un assistant médical, lancé en 2019 dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 », qui a pour objectif de permettre à un médecin de se faire aider au quotidien dans sa pratique. Les postes d’assistants médicaux ont été conçus pour réduire le temps médical perdu, en leur confiant des tâches annexes aux consultations médicales. En raison de l'augmentation rapide de la demande de soins, les assistants médicaux sont déjà devenus un élément clé de l'organisation des soins primaires dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne.
Un arrêté de 2019 vient définir les missions et les compétences des assistants médicaux ([177]) :
– l’organisation de la préparation et du déroulement de la consultation (aide à l’habillage et déshabillage, prise de constantes, préparation et aide à la réalisation d’actes techniques, mise à jour du dossier patient concernant les dépistages et les vaccinations) ;
– la gestion des tâches dites « administratives » (accueil du patient, gestion du dossier informatique du patient, mise en place de télémédecine) ;
– l’organisation et la coordination, en lien avec les autres acteurs intervenant dans la prise en charge des patients.
Pour autant, la définition des tâches effectivement accomplies par les assistants médicaux est laissée à l’appréciation des praticiens.
L’aide à l’emploi d’un assistant médical concerne tous les médecins libéraux dès lors qu’ils exercent en secteur 1 ou en secteur 2 avec adhésion à l'Optam ou Optam-CO (devenue Optam-ACO), à l’exception de certaines spécialités.
Afin d’en bénéficier, le praticien doit justifier d’un certain niveau d’activité : ainsi, les 30 % des médecins généralistes ayant les patientèles les moins nombreuses et les 30 % des médecins des autres spécialités ayant les files actives les plus faibles ne sont pas éligibles à la mesure ([178]).
Le Gouvernement avait défini un objectif ambitieux de 10 000 assistants médicaux déployés au début de l’année début 2025 mais seuls 7 596 contrats ont été signés – dont 5 507 pour les généralistes et 2 089 pour les spécialistes – depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif selon les données de la Cnam ([179]). Bien que l’objectif n’ait pas été atteint, le bilan reste largement positif, notamment sur l’effectif de la file active et de la patientèle médecin traitant des professionnels ayant fait le choix d’en bénéficier : après 48 mois de recours à un assistant médical, les médecins enregistrent une progression moyenne de leur patientèle médecin traitant de 19,5 % et de leur file active de 4,5 %, contre respectivement des évolutions de 6,6 % et de -5,3 % pour les professionnels n’y ayant pas eu recours sur la même période ([180]).
L’aide à l’emploi des assistants médicaux, en contrepartie d’engagements pris par les médecins d’augmenter leur activité, est en forte croissance. Le coût du dispositif, estimé par la Cnam et la direction de la sécurité sociale, sur le fondement du barème actuel, en valeur 2023, atteint environ 300 millions d’euros par an à l’horizon 2027 (l’aide décroît et se stabilise à partir de la troisième année d’exercice) ([181]) .
2. La vague de délégation de compétences reste insuffisante
L’ouverture de certaines tâches à des professions paramédicales ou à des pharmaciens représente un levier majeur pour répondre aux besoins de santé. Il s’agit alors d’élargir l’accès aux soins, même en cas d’indisponibilité du médecin. C’est également une question de reconnaissance des acteurs et d’attractivité des métiers.
Pourtant, comme le note Mathias Wargon, le déploiement de dispositifs de délégation de tâches « est encore limité, souvent freiné par des résistances institutionnelles » ([182]), notamment du Cnom. Une fois actées par le législateur ces évolutions ont pris un temps de concertation très long en raison des différences de point de vue entre les acteurs. Même après la publication des textes d’application, les polémiques se poursuivent comme l’illustre le texte relatif aux primo-prescriptions par les IPA.
Le législateur a ainsi entendu élargir les domaines de compétences des professions paramédicales et des pharmaciens, ce qui était un souhait exprimé par plusieurs d’entre eux, afin que les médecins puissent reconquérir du temps qualitatif de soins. Ceux-ci se repositionnent en effet vers des actes plus complexes et à plus haute valeur ajoutée, tout en assurant la validation médicale d’un diagnostic et la supervision de la qualité et en étant garant du dispositif de sécurité des soins. À l’inverse, selon le syndicat Alizé, représentant les kinésithérapeutes, un plus grand recours à ces praticiens permettrait « une diminution de la durée des arrêts de travail, une moindre prescription d’imagerie médicale et la diminution du passage à la chronicité des patients » ([183]).
Plusieurs initiatives ont donc déjà été mises en œuvre en ce sens. La loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification dite « Rist 1 » permet aux femmes enceintes de désigner une sage-femme référente auprès de l’Assurance Maladie. Cette sage-femme, en lien avec le médecin traitant, assure la coordination du parcours de soins, notamment en ce qui concerne les examens prénatals et postnatals, la prévention et les liens avec la maternité. Par ailleurs, les pharmaciens ont vu leurs prérogatives élargies, notamment avec la possibilité d’administrer des vaccins et de réaliser des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) pour les angines ainsi que des tests urinaires pour le diagnostic des cystites.
Le protocole « Osys » prévoyant l’extension des actes pouvant être accomplis par les pharmaciens, a fait la preuve de son efficacité selon un premier audit de la Cour des comptes ([184]) : 19 % des patients ont pu éviter le recours à un médecin et 3,5 % éviter le recours aux urgences tandis que 12 % ont évité une automédication inappropriée.
Ces dernières années ont également vu l’élargissement des compétences infirmières (prévention, vaccination, certificats de décès, permanence des soins en ambulatoire), en particulier après l’adoption récente de la proposition de loi sur la profession d'infirmier dite « Dubré-Chirat ». Ces élargissements contribuent à redonner du sens au métier, qui doit évoluer pour mieux répondre aux besoins de santé mais aussi de revaloriser le métier. La proposition de loi redéfinit la profession d’infirmier diplômé d'État (IDE) en attribuant quatre missions principales : réalisation et évaluation des soins, suivi du parcours de santé, prévention et participation à la formation.
Elle introduit également la possibilité de consultations infirmières et de pratiques avancées, permettant aux infirmiers, après formation et expérience, d’assumer des tâches habituellement réservées aux médecins, comme le suivi des patients, les examens cliniques ou la prescription de certains traitements, mais aussi de permettre un accès direct au rôle propre infirmier qui concerne 2 domaines : celui de la perte d’autonomie ou de la dépendance mais aussi celui de la prise en charge des plaies.
L’accès direct à d’autres professionnels de santé que le médecin constitue une autre réponse à la problématique des zones sous-denses, et permet à la fois de libérer du temps médical pour les médecins et de reconnaître les compétences des autres praticiens en revalorisant leur formation et leur métier. La loi dite « Rist2 » du 19 mai 2023 a ainsi largement ouvert l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeutes (renouvellement de prescriptions datant de moins d’un an) ou encore aux orthophonistes sous plusieurs conditions. La réalisation des vaccins a fait aussi l’objet d’extensions, en faveur des infirmiers, pharmaciens, sages-femmes, par étapes successives.
Si « l'évolution du périmètre des métiers et le travail en coordination avec les autres professions de santé représentent une piste sérieuse pour faciliter l'accès aux soins de nos concitoyens » pour Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), ce dernier rappelle également qu’elles « doivent se mettre en œuvre dans le cadre d’un exercice protocolisé et coordonné afin que ses pratiques se développent sans perte de chance pour les patients » ([185]).
● Les protocoles de coopération, prévus par la loi dite « HPST », permettent aux professionnels de santé de transférer des activités ou actes de soins ou de prévention à d’autres professionnels de santé de titre et de formation différents. Il constitue le fondement des délégations de tâches dont l’extension représente un levier majeur pour aider à répondre aux difficultés d’accès aux soins. Le délégué se voit donc accorder le droit de réaliser de nouveaux actes ou activités qui n’entrent pas dans son champ de compétences réglementaire, dans le cadre précis du protocole.
Les objectifs assignés aux coopérations entre professionnels de santé ont varié dans le temps : fluidifier les filières de soins, apporter aux patients des services supplémentaires, donner davantage de responsabilités aux professionnels non médicaux, alléger le travail des médecins ou fixer un objectif d’accès plus direct aux soins ([186]).
La conclusion de ces protocoles peut, d'abord, viser à expérimenter des partages de tâches, en dérogeant aux périmètres législatifs et réglementaires des compétences des professions de santé. Le comité national des coopérations interprofessionnelles (CNCI) est, ainsi, chargé d'identifier et de prioriser les projets en tenant compte des besoins nationaux de santé et de l'accès aux soins.
Si la liste des protocoles de coopération ne répond pas aux besoins de certains territoires, il est possible pour les équipes intéressées de rédiger un protocole de coopération local, institué par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé dite « OTSS » puis étendu par la loi dite « Rist 1 ». À la différence du protocole national, le protocole local sera réservé à la seule équipe promotrice. Le protocole de coopération local offre une grande souplesse aux professionnels de santé quant au nombre de structures éligibles : établissements publics ou privés de santé, établissements d’un même groupement hospitalier de territoire, structures médico-sociales et structures d’exercice coordonné en ville.
La Haute Autorité de Santé a rappelé sa position sur ce sujet en mars 2024 ([187]). Les collaborations entre professionnels de santé, quelles que soient leurs formes dépassent la simple réponse à des difficultés conjoncturelles d’accès aux soins. Elles méritent d’être développées parce qu’elles renforcent la crédibilité du « virage ambulatoire », sont cohérentes avec l’objectif d’amélioration continue de la qualité des soins et favorisent la cohésion des équipes professionnelles mobilisées. En outre, les partages de tâches et les protocoles de coopération permettent d’intégrer les innovations technologiques autant qu’ils favorisent les innovations organisationnelles indispensables à l’amélioration de l’expérience comme des résultats observés par les patients. Cependant, les protocoles sont de plus en plus ambitieux et complexes, et dépassent le cadre du décret de la pratique avancée. Ils dérogent aux compétences et aux conditions habituelles d’exercice de manière beaucoup plus large.
Malgré ces dispositions volontaristes, le nombre, le périmètre et l’appropriation des protocoles conclus demeurent décevants. L’IGAS observait, dans un rapport relatif à la profession infirmière de 2022, que « depuis 2009, les protocoles souffrent d'un manque d'adhésion des acteurs en raison de procédures qui, malgré les assouplissements récents, restent longues et lourdes à initier » ([188]). Elle dénombrait 56 protocoles de coopération nationaux autorisés, dont 43 concernaient les infirmiers.
Le protocole « Asalée »
Ce protocole a pour objectif d'améliorer la prise en charge des maladies chroniques par une coopération entre infirmiers et médecins généralistes. Il a été créé en 2004 en Poitou-Charentes, avant de couvrir progressivement le territoire national.
Le médecin propose aux patients repérés une consultation auprès d’un infirmier formé à l’éducation thérapeutique du patient. Si le patient accepte, il bénéficie alors de consultations gratuites sur le lieu d’exercice du médecin. Quatre protocoles ont été définis : suivi du patient diabétique de type 2, suivi du patient à risque cardiovasculaire, suivi du patient tabagique à risque de broncho-pneumopathie chronique obstructive, consultation de repérage des troubles cognitifs.
Dans le cadre de leurs missions d’éducation thérapeutique, les infirmiers peuvent aussi réaliser des actes dérogatoires de dépistage ou de suivi inscrits dans les protocoles, le médecin restant responsable des actes ainsi délégués. Les médecins participants sont rémunérés, pour les temps de concertation, et l’association qui porte le dispositif au niveau national est financée par l’assurance-maladie.
Un effectif de 1 800 infirmiers a ainsi été placé auprès de 7 800 médecins, sur 2 555 lieux implantations ([189]). Après une longue période d’expérimentation, d’évaluation et de procédures dérogatoires, ledit protocole est finalement entré dans le droit commun en 2021.
Toutefois, à l’exception du protocole « Asalée » (cf. encadré), les protocoles conclus n'aboutissent que rarement sur une évolution pérenne de la répartition des compétences entre professions de santé. L'IGAS observait, en 2022, que « les protocoles nationaux qui concernent les infirmiers impliquent une proportion trop faible de professionnels ou demandent une formation trop spécifique pour qu'on puisse vraiment envisager de les inclure dans la profession socle sans prévoir (…) des formations complémentaires » ([190]).
De même, les délégations sont moins larges que dans les autres pays développés, le médecin généraliste demeurant plus qu’ailleurs le pivot et le dispensateur des soins, notamment pour les infirmières ([191]), les sages-femmes ou les pharmaciens ([192]).
3. Un statut d’IPA encore fragile et insuffisamment articulé avec les autres professionnels de santé
Tardivement, en comparaison des pays anglo-saxons, la possibilité d’une « pratique avancée » des professions paramédicales a été reconnue en France par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Pour autant, la pratique avancée n’est encore organisée que pour les infirmiers. Il existe toutefois une expérimentation d'accès à la pratique avancée pour les masseurs-kinésithérapeutes, lancée par l'ARS Île-de-France, mais celle-ci n'a pas fait l'objet d'une généralisation à ce jour.
L’objectif de ces IPA est de faciliter l’accès aux soins en répartissant de manière différente la charge de travail entre ceux-ci et les médecins, d’améliorer la prise en charge des maladies chroniques dans le contexte du vieillissement de la population et de proposer aux infirmiers des perspectives de carrière meilleures, par l’instauration d’un nouveau métier.
Pour prétendre à cet exercice, en ville ou en établissement de santé, les infirmiers doivent disposer d’une ancienneté de pratique de 3 ans en équivalent temps plein ([193]) puis avoir suivi une formation complémentaire d’une durée de deux années, de niveau master ([194]), dans l’une des cinq « mentions » retenues par le législateur :
– pathologies chroniques stabilisées (PCS) ;
– oncologie et hémato-oncologie ;
– maladie rénale chronique, dialyse et transplantation rénale (MRC) ;
– psychiatrie et santé mentale ;
– urgences.
Cependant, ces mentions ont été pensées pour répondre seulement aux besoins des hôpitaux puisqu’elles correspondent à des fonctions utilisées dans les CHU, et ne sont pas toujours adaptées à l’exercice en ville ([195]).
L’IPA « dispose de compétences élargies, par rapport à celles de l'infirmier diplômé d'État (IDE) » et « participe à la prise en charge globale des patients » ([196]). Il peut, par exemple, procéder à l'examen clinique du patient, adapter son suivi ou son traitement, ou disposer d'un pouvoir de prescription étoffé par rapport à un IDE : il peut notamment prescrire des examens de biologie médicale, certains médicaments et dispositifs médicaux non soumis à prescription médicale obligatoire, voire dans des cas définis par un récent arrêté, des produits de santé ou prestations soumis à prescription médicale obligatoire. Il est aussi fondé à renouveler ou adapter des prescriptions médicales. L’IPA se distingue ainsi d'un IDE en ce qu'il dispose d'une autonomie renforcée et d'une responsabilité accrue. L'accès direct est ouvert, depuis la loi dite « Rist 2 », aux IPA exerçant en établissement de santé, en établissement ou service médico-social (ESMS), ou dans une structure d'exercice coordonné (maison de santé, centre de santé, équipe de soins primaires).
Le ministère s’était fixé une cible de 3 000 IPA formés ou en formation d’ici à 2022 et, à terme, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice. Or, ce chiffre n’a été atteint qu’en décembre 2024 avec 3 080 IPA diplômés et 1 934 en formation ([197]). Aucune donnée n’est disponible sur l’exercice de ces professionnels dans les établissements de santé et les structures médico-sociales.
À l'aube de la création du statut d'auxiliaire médical en pratique avancée, le Gouvernement s'était fixé un objectif de 3 000 professionnels en activité à horizon 2022. Pourtant, trois ans plus tard, le Conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI) ne dénombre que 2 365 IPA inscrits au tableau de l'ordre, exerçant pour plus de la moitié sous la mention pathologies chroniques stabilisées, prévention et polypathologies courantes en soins primaires. Le nombre d'infirmiers en pratique avancée exerçant sous statut libéral ou mixte s'avère particulièrement faible, avec seulement 419 professionnels inscrits sur l'ensemble du territoire ([198]). Les IPA bénéficient d'une « forte implantation » dans certaines régions, comme Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, ce que le CNOI attribue à « une véritable volonté politique de formation et de revalorisation » ([199]).
Cependant, la Cour des comptes relève plusieurs freins au déploiement de la pratique avancée ([200]). Tout d’abord, les médecins éprouvent des réticences à se dessaisir d’une partie de leur activité au profit des IPA. Le parcours de soins de référence reste celui basé sur la relation directe entre le patient et son médecin traitant, qui assure sa prise en charge et son orientation dans le parcours de soins. Or, lorsque des IPA sont installés en ville, les médecins refusent trop souvent d’orienter vers eux des patients dont la situation relève des compétences de ces professionnels paramédicaux, par méconnaissance ou par crainte de concurrence.
Le second frein découle du modèle économique qui ne permet pas aux IPA exerçant en ville de vivre de leur activité. Malgré des évolutions, ce modèle ne lève pas pour autant l’obstacle de l’orientation des patients par les médecins, ce qui les maintient dans une situation économique précaire. De même, l'accès direct aux IPA libéraux n'exerçant pas dans une structure d'exercice coordonné n'est pas possible.
La valorisation de l'activité en pratique avancée varie en fonction de la filière d'orientation du patient vers l'IPA. On distingue ainsi, d'une part, les patients suivis régulièrement par l'IPA, pour lesquels un protocole d'organisation a été signé avec le médecin et, d'autre part, les patients adressés ponctuellement. La prise en soins des premiers se fait sur une base forfaitaire, ouverte par l’avenant 7 à la convention nationale des infirmiers libéraux. L'IPA peut facturer, chaque trimestre, un forfait de suivi de 50 euros par patient dès lors que le patient a bénéficié d'une séance au moins une fois sur la période. A contrario, la valorisation de l'activité auprès des patients adressés ponctuellement – ouverte par l'avenant n° 9 – se fait plutôt selon une logique de rémunération à l'acte.
Malgré une formation allongée et des responsabilités renforcées, il y a « très peu d’augmentation voire une perte financière importante lors du passage du statut d’IDE au statut d’IPA », selon l'Unipa qui considère que « cette situation constitue un frein majeur au déploiement de la pratique avancée, et un signal négatif envoyé à toute une génération de professionnels engagés » ([201]).
Le troisième résulte des conditions de formation. Au coût direct, que constituent les frais de scolarité (évalués par la Cnam à environ 10 000 euros en moyenne pour la formation), s'ajoutent en effet des coûts indirects, liés à la réduction ou à l'interruption d'activité qu'une formation de ce niveau d'exigence présuppose.
Les études, qui s’inscrivent dans un cadre de formation continue, supposent des sacrifices de la part des infirmiers eux-mêmes ou de leurs employeurs, ces derniers étant confrontés à une pénurie de main-d’œuvre qui ne les incite guère à favoriser le départ en formation de leurs salariés. S’y ajoutent la quasi-impossibilité de recourir à l’apprentissage ou à la valorisation des acquis de l’expérience ainsi que l’hétérogénéité du contenu des formations selon les universités.
Pour limiter le coût de la formation, différents dispositifs existent, à l'initiative des pouvoirs publics ou, le cas échéant, de l'employeur. La plupart des ARS agissent, via le FIR, pour accompagner financièrement les infirmiers en formation pour accéder à la pratique avancée. Cependant, l'Unipa regrette l'hétérogénéité des montants et modalités de l'accompagnement selon les ARS ([202]).
Les infirmiers libéraux en formation pour exercer en pratique avancée peuvent bénéficier d'une aide de 15 000 euros, versée en une fois par la Cnam et prévue par l'avenant n° 10 à la convention nationale des infirmiers libéraux. Enfin, les infirmiers exerçant en établissement ou sous statut salarié peuvent bénéficier d'un maintien de rémunération total ou partiel par l'employeur, ou d'une formation en alternance permettant d'éviter les coûts directs liés à la formation.
1. Une gestion de la dépendance et du virage ambulatoire qui n’a pas été anticipée
● La France est confrontée à un « effet ciseaux » en matière de dépendance, entre une nette augmentation du nombre de personnes âgées et la trop faible augmentation de l’offre en matière d’accompagnement adapté.
D’après l’INSEE, 17 % des Français avaient plus de 65 ans en 2004 contre 22 % en 2024 ([203]). Le nombre des 75-84 ans va enregistrer une croissance inédite de 49 % entre 2020 et 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions. Les « baby-boomers », nés en 1945, auront 85 ans en 2030. Cette transition démographique pose d’immenses défis à l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs, qui se doivent d’y répondre en anticipant les transformations sociales que ces évolutions impliqueront nécessairement. Dès 2030, le nombre de personnes de plus de 65 ans sera supérieur à celui des moins de 15 ans.
Si les tendances démographiques se poursuivaient, la France (hors Mayotte) compterait 4 millions de seniors en perte d’autonomie en 2050, soit 16,4 % des personnes âgées de 60 ans ou plus (contre 15,3 % en 2015). Les personnes en grande perte d’autonomie représenteraient alors 4,3 % de la population des 60 ans ou plus (contre 3,7 % en 2015).
Or, l’espérance de vie en bonne santé des Français est aujourd’hui inférieure à la moyenne européenne. Le rapport de M. Dominique Libault, consécutif à la concertation grand âge autonomie, indique ainsi qu’à 65 ans, une femme française peut espérer vivre encore près de 23,7 ans mais 10,6 sans incapacité contre 16,6 en Suède et 12,4 en Allemagne ([204]). Selon ce même rapport, la part de l’espérance de vie à 65 ans en bonne santé atteint en effet 77,2 % en Suède pour les femmes (79,1 % pour les hommes), contre 44,7 % en France (48,5 % pour les hommes).
En France, les dépenses liées à la dépendance s’élèvent à 30 milliards d’euros, sans même prendre en compte le travail des proches-aidants des personnes âgées, dont la valorisation était estimée entre 7 et 18 milliards d’euros en 2014. Le rapport Libault évaluait le besoin de financement annuel additionnel à environ 10 milliards d’euros à horizon 2030, le besoin de financement pouvant être évalué à un montant plus élevé en cas de reste à charge limité ([205]). Ce RAC s’élève en moyenne à 1 950 euros par mois, sachant que la retraite moyenne se situe à un peu plus de 1 420 euros net de cotisations et de contributions sociales par mois.
En dépit d’avancées importantes depuis la loi °2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement et face à la hausse de la dépendance, les moyens ne sont pas encore réunis pour réussir l’accompagnement des personnes âgées. Le secteur médico-social se trouve dans une situation critique avec 85 % d’Ehpad publics déficitaires et un déficit cumulé des exercices 2022 et 2023 atteignant 1,3 milliard d’euros. Les besoins de recrutement sont estimés à 200 000 postes dans les Ehpad et à 100 000 postes dans le secteur de l’aide à domicile. Les conditions de travail dans le secteur médico-social sont fortement dégradées, comme en témoigne le taux de sinistralité, trois fois supérieur à la moyenne constatée pour l’ensemble des secteurs d’activité.
● La pratique de la chirurgie ambulatoire, c'est-à-dire sans nuit passée à l'hôpital, est autorisée en France depuis 1992 et s’est développée lentement mais régulièrement depuis trente ans ([206]) . Le développement de la chirurgie ambulatoire constitue un avantage pour le patient auquel elle évite les contraintes de l'hospitalisation complète et les risques d'infections nosocomiales. Son suivi a évolué dans le temps : initialement ciblé sur quelques actes à partir de 2003, le suivi s’est ensuite étendu à partir de 2015 à la totalité des actes de chirurgie. Le taux national de chirurgie ambulatoire sur la totalité de la chirurgie est ainsi passé de 47 % en 2013 à 61 % en 2021, avec une progression annuelle de 2 à 2,5 points entre 2013 et 2016. On observe ensuite un ralentissement de la progression, entre 1,5 à 2 points par an entre 2017 et 2019, puis une stagnation en 2020, et une reprise de la progression en 2021 selon la tendance observée depuis 2017 ([207]). Un objectif de 70 % avait été fixé pour 2022, mais a été repoussé en raison de la crise sanitaire.
Le Haut Conseil de la santé publique encourage la poursuite de cette évolution, préconisant de relever la cible à 80 % des actes de chirurgie, objectif qui lui paraît atteignable en utilisant l'outil « Visuchir », mis à disposition des établissements. Elle doit toutefois s'effectuer sur la base systématique d'une évaluation préalable des possibilités de suivi du patient après son hospitalisation, ce qui suppose une meilleure coordination avec les soins de ville. L'organisation de la sortie et du retour à domicile demeure en effet un point à améliorer. Dans ce cadre, des programmes de récupération améliorée après chirurgie se développent sur la base des recommandations de la HAS, pour sécuriser les sorties à domicile et limiter les complications.
En revanche, le HCSP note une stagnation de l'offre de médecine ambulatoire hospitalière, qui s'expliquerait en grande partie par un manque d'incitation financière et par la crainte d'une requalification des hôpitaux de jour en consultations externes par les pouvoirs publics, induisant une perte financière conséquente ([208]). L'instruction du 10 septembre 2020 relative à la gradation des prises en charge ambulatoires réalisées au sein des établissements de santé vise toutefois à sécuriser la tarification des hôpitaux de jour, afin d'en favoriser le développement.
Enfin, des écarts de développement de l’ambulatoire existent ([209]). En 2021, alors que les deux tiers de la chirurgie sont pris en charge dans le secteur privé (cliniques privées lucratives et non lucratives), les parts de marché ambulatoires du secteur privé s’élèvent à 74 % contre 26 % pour le public (centres hospitaliers régionaux universitaires et centres hospitaliers). Les taux moyens nationaux de chirurgie ambulatoires sont respectivement de 38 % pour les CHR/U, 51 % pour les centres hospitaliers (CH), 54 % pour les centres de lutte contre le cancer (CLCC), 62 % pour le privé non lucratif (Espic) et 71 % pour les cliniques privées commerciales. Même en prenant en compte l’indicateur de performance de chirurgie ambulatoire, le secteur privé présente non seulement les taux de chirurgie ambulatoire les plus élevés, mais est aussi globalement plus performant que le public.
2. La périnatalité et la tension entre proximité et qualité des soins produits
La santé périnatale connaît une crise depuis plusieurs années avec une dégradation de ses indicateurs nationaux et de son offre de soins. En 2024, selon l’INSEE, près de 2 700 enfants âgés de moins d'un an sont morts en France, soit un décès pour 250 naissances. À rebours de ce qui s'observe en Europe, le taux de mortalité infantile augmente depuis 2011 en France, ce qui le place au 23ème rang au sein de l’UE ([210]).
L’évolution de la mortalité périnatale et infantile est préoccupante sur la quasi-totalité du territoire mais cette situation est accentuée dans certains départements. En 2022, les taux moyens de mortinatalité au sein de l'Hexagone varient de 7,6 %o en Normandie et Occitanie à 9 %o dans les Hauts-de-France et 9,3 %o en Île-de-France. De plus, selon l'Insee, en moyenne sur la période 2020-2022, si le taux de mortalité infantile est de 3,6 %o en France, il est de 8 %o dans les Drom, contre 3,4 %o en France hexagonale, avec des disparités notables entre territoires ([211]).
Les décrets Périnatalité du 9 octobre 1998 ont posé un cadre d’organisation des soins en réseau, afin de garantir une meilleure adéquation entre le niveau de risque de la patiente et du nouveau-né et le type de la maternité d’accueil. Quatre types de maternités, qui correspondent à des niveaux de spécialisation des soins aux nouveau-nés, sont ainsi définis :
– les maternités de type 1 possèdent un service d'obstétrique ;
– les maternités de type 2a disposent également d'un service de néonatalogie ;
– les maternités de type 2b disposent, en outre, de lits dédiés aux soins intensifs en néonatalogie ;
– les maternités de type 3 sont en mesure de prendre en charge les grossesses à risque et possèdent, outre des services d'obstétriques et de néonatalogie, un service de réanimation néonatale.
Les décrets assignent en outre des obligations en matière de présence de personnels, de locaux et de matériels aux établissements et aux différents services. Ces obligations sont majorées au-delà de certains seuils d'accouchement.
Cette gradation des soins s'accompagne d'une coordination entre maternités pour organiser les transferts in utero et en post-partum, avec l'appui des dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité (DSRP). Elle intègre également la question des transports et notamment des transports d’urgence
Des dynamiques territoriales contrastées en matière de natalité ont conduit une diminution du nombre d'accouchements dans certaines maternités, tandis que d'autres ont connu une augmentation significative. Selon la Drees, en 2022, 37 % des maternités accueillaient au moins 1 500 accouchements dans l’année, contre 13 % en 1996 en France métropolitaine ([212]). À l’opposé, 3 % d’entre elles prennent en charge moins de 300 accouchements alors que cette proportion était de 12 % en 1996. Pour rappel, la réduction du volume d'activité interroge sur la capacité d’un établissement à offrir à ses équipes une pratique suffisamment régulière garantissant la qualité et la sécurité des soins.
Bien qu’aucun seuil d'un nombre d'accouchements annuels minimal ne fasse consensus, la nécessité de se mettre en conformité avec les règles de sécurité des décrets de 1998, qui ont imposé des investissements dans l'équipement et le respect de ratios de soignants par type de maternité, ont entraîné la fermeture de nombreuses maternités depuis plus de 20 ans.
En effet, les décrets ont instauré un seuil minimum de 300 accouchements par an pour les autorisations d’ouverture ou de renouvellement en obstétrique. Une dérogation exceptionnelle est prévue « lorsque l’éloignement des établissements pratiquant l’obstétrique impose des temps de trajet excessifs à une partie significative de la population » ([213]). Ce seuil avait à l’époque été fixé sur les recommandations du Haut Conseil de santé publique qui avait considéré la sécurité insuffisamment assurée dans ces établissements.
Ainsi, depuis 1995, le nombre de maternités a été réduit de 40 %, passant de 816 en 1995 à 464 en 2022, en particulier celles ne disposant pas de service de néonatalogie (type 1), dont le nombre a été divisé par trois. En parallèle, le nombre d'accouchements dans les structures de types 2 et 3 a augmenté, au risque de saturer certaines de ces structures.
Au-delà des difficultés des établissements à respecter les ratios de soignants prévus par les décrets de 1998, un rapport sénatorial rappelle que les causes de fermeture semblent avoir été initialement financières, en particulier pour les établissements tenus par des groupes privés, en lien avec une diminution du nombre d'accouchements mais aussi avec des stratégies de restructuration.
Selon la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) ([214]), le nombre de maternités privées a diminué de 26 % au cours des dix dernières années, avec en particulier la fermeture de 40 maternités privées de type 1 entre 2013 et 2022. Selon la DGOS, en l'état actuel de la tarification, le point d'équilibre économique pour les maternités se situe autour de 1 200 accouchements par an ([215]). Les établissements pratiquant alors moins d'accouchements sont confrontés à des difficultés financières plus importantes.
En conséquence, la désertification médicale en matière périnatalité s’avère inquiétante : 20 départements n’ont plus de maternité privée et 60 ont des maternités qui réalisent moins de 1 000 accouchements par an. D’autres enfin, avec des niveaux inférieurs à 400, vont disparaître dans les 5 ans.
Selon la DGOS, « le seuil de 30 à 45 minutes est un niveau à partir duquel les acteurs s'accordent, au regard des données de la littérature, à reconnaître une augmentation associée du risque de mortalité périnatale » ([216]). Cet élément a conduit à retenir le seuil de 45 minutes pour la mise en place du dispositif engagement maternité permettant un hébergement temporaire non médicalisé à proximité de la maternité dans certains territoires ([217]). Or, la réduction du nombre de maternités s’est accompagnée d’une augmentation considérable des distances à parcourir pour accoucher dans certains territoires.
D’après la DREES, le temps d’accès médian n’a que très faiblement augmenté, en passant de 8 à 9 minutes entre 2000 et 2017 ([218]). Mais cette médiane masque d’importantes disparités territoriales : en moyenne, la part des femmes en âge de procréer vivant à plus de 30 minutes d’une maternité est passée de 5,7 % à 7,6 %, soit 900 000 femmes, et celles à plus de 45 minutes de 0,8 % à 1,14 %, soit une augmentation de 40 %. Dans de nombreux départements, plus de 10 % des femmes en âge de procréer vivent désormais à plus de 45 minutes d’une maternité.
En outre, la stabilité des équipes a été quasi systématiquement désignée comme un critère déterminant de la qualité et de la sécurité des soins dans les maternités. Or, selon Mme Margaux Creutz-Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), « de nombreux plateaux techniques de naissance ne sont plus sûrs, ce qui accroît, du reste, les inégalités territoriales d’accès aux soins et les inégalités sociales en matière de santé » ([219]).
Le ratio du nombre de professionnels rapporté à celui des naissances est très inférieur en France au niveau européen, où il est estimé à « 1 pour 1 ». De même, 24 354 sages-femmes exerçaient sur le territoire en 2023, soit une hausse de 23 % entre 2011 et 2022, cette dynamique démographique favorable dans un contexte de baisse de la natalité masque néanmoins une profonde transformation de l'exercice du métier et des attentes, qui se traduit par une fuite des sages-femmes vers l'exercice libéral et un manque de sages-femmes à l'hôpital ([220]).
Alors que la stabilité des équipes est un facteur majeur pour la sécurité des soins, la situation des établissements sur ce point montre des différences notables et une fragilité particulièrement identifiée des petits établissements. En ce sens, 41 % des maternités pratiquant entre 1 000 et 1 500 accouchements ont recours, à raison de plusieurs fois par mois, à des intérimaires ou des vacataires pour les postes de gynécologues-obstétriciens ([221]).
Enfin, principal symptôme de la crise des maternités, les fermetures temporaires de certaines structures, pour des durées plus ou moins longues, sont révélatrices des fragilités réelles de l'offre de soins. Selon une enquête de la FFRSP, en deux ans, 43 établissements sur 468 maternités, ont suspendu leurs activités de maternité ou de néonatologie, à une ou à plusieurs reprises ([222]). À chaque fois, la fermeture était liée à la difficulté d'assurer le maintien de la permanence des soins.
3. La prise en charge psychiatrique : « cause nationale », moyens modestes
La détérioration de la santé mentale de la population au cours des dernières années est observée par les études sanitaires et épidémiologiques, à l’image du baromètre Santé publique France 2021 qui mesure l’augmentation de la prévalence des épisodes dépressifs à l’issue des périodes de confinement ([223]). Selon cette étude, 13,3 % des 18‑75 ans avaient présenté, en 2021, un épisode dépressif au cours des douze derniers mois, contre 9,8 % en 2017, soit une augmentation de 3,5 points.
Cette hausse de la prévalence des épisodes dépressifs concerne tous les segments de population. Elle est particulièrement marquée chez les 18-24 ans, les femmes, les personnes seules et les familles monoparentales, les personnes en difficultés financières et au chômage ([224]).
Ainsi, 13 millions de Françaises et de Français, soit un cinquième de la population, sont touchés par des troubles psychiques. Les analyses soulignent aussi que la prévalence des épisodes dépressifs a augmenté en France. Dans une étude de 2022, Santé publique France indique que « la tendance, déjà amorcée depuis 2010, a connu une accélération sans précédent entre 2017 et 2021, en particulier chez les jeunes adultes ». Chez les 18-75 ans, la prévalence des épisodes dépressifs caractérisés a ainsi augmenté de 3,5 points, passant de 9,8 % à 13,3 %, entre 2017 et 2021, cette augmentation concernant tous les segments de population analysés.
Les conséquences pour la société sont dramatiques sur le plan sanitaire – les personnes atteintes de troubles sévères voient leur espérance de vie réduite de dix à vingt ans – comme sur le plan économique et social, le coût total lié à la santé mentale étant évalué à près de 163 milliards d’euros, en augmentation de 50 % depuis 2012.
La souffrance psychique se traduit par une hausse de l’activité d’urgence depuis fin 2020, principalement dans le secteur public. Santé publique France observe une augmentation de l’activité des services d’urgences pour les troubles de l’humeur, les idées suicidaires et en particulier les gestes suicidaires depuis l’épidémie de la Covid-19 ([225]). Cette tendance est marquée chez les adolescents âgés de 11 à 17 ans et les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans.
Les consultations pour motif psychiatrique dispensées dans les services d’accueil des urgences hospitaliers sont en hausse constante depuis 2020. L’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih), mobilisant des données de codage de l’activité hospitalière, recense 566 000 passages aux urgences pour motif psychiatrique en 2023 (soit 2,7 % des passages) contre 466 000 en 2019, soit une hausse de plus de 21 % sur la période. L’accroissement des consultations aux urgences pour motif psychiatrique est plus de deux fois supérieur à la progression de l’activité globale des urgences entre 2019 et 2023 (+ 2,7 % contre + 1,1 %). La prise en charge des urgences psychiatriques est assurée par le secteur public au sein des services d’urgences générales des CHU, par les centres hospitaliers ainsi que par les établissements privés à but non lucratif.
En 2021, la France enregistre l'une des densités de psychiatres parmi les plus élevées d'Europe avec 23 psychiatres pour 100 000 habitants, ce qui la situerait à la 4ème place des 27 États de l’Union européenne et à la 4ème place parmi les pays de l’OCDE en termes de densité pour 1 000 habitants. En 2023, selon la Drees, le pays compte 15 582 psychiatres en exercice.
Ces professionnels exercent dans des structures diverses : 25 % sont en libéral, 12 % exercent leur activité d’une manière mixte (une partie de leur activité en libéral et l’autre à l’hôpital), 51 % exercent exclusivement à l’hôpital quand 4 % sont des salariés hospitaliers non-exclusifs et 8 % des salariés non-hospitaliers exclusifs.
Ainsi, la France présente une démographie de psychiatres en apparence satisfaisante par rapport à ses voisins. La situation est néanmoins susceptible de devenir problématique en raison du manque d’attractivité de la profession et de la baisse du temps médical par médecin. À long terme, l’offre de soins ne suffira plus, selon votre rapporteur, à répondre aux besoins de la population.
Malgré une situation globale favorable au regard des autres pays de l’OCDE en ce qui concerne la densité de psychiatres, la prise en charge de la santé mentale en France est, en outre, marquée par de fortes disparités territoriales. En effet, selon l’IRDES : « si le secteur de la psychiatrie mis en place dans les années 1960, avec une équipe pluridisciplinaire en charge de la prévention, du soin et de la réinsertion des personnes souffrant de troubles psychiques au sein d’un territoire géographiquement défini, a longtemps constitué un cadre organisationnel ou fonctionnel commun, les capacités d’accueil et les moyens humains, mais également les pratiques organisationnelles sont très disparates. » ([226]).
Les problèmes de recrutement des psychiatres au sein de l’hôpital public renvoient au manque d’attractivité de la profession pendant les études de médecine. Alors que tous les postes en psychiatrie étaient pourvus en 2010 et 2011, une tendance inverse s’est installée où on constate que la spécialité ne parvient plus à remplir l’ensemble de ses postes d’internes, avec 4 % des offres non pourvues en moyenne à la suite de l’Examen de Classement National (ECN).
En 2021, 13,2 % des places d’internes en psychiatrie sont restées vacantes ([227]). Ainsi, la psychiatrie a été, sur l’année 2020‑2021, l’une des spécialités les moins attractives auprès des futurs internes (avec la gériatrie, la santé publique et la médecine du travail), alors même qu’en 2023, il s’agissait de la spécialité ouvrant le plus de places derrière la médecine générale et cette tendance se poursuit depuis plusieurs années.
IV. La crise des Établissements de santÈ : un management inadaptÉ À un marchÉ marquÉ par des dÉfaillances concurrentielles
Le recul de la densité médicale, notamment pour les médecins généralistes, induit une tension croissante sur le système hospitalier public.
La Cour des comptes décrit, en ce sens, des services d’urgences saturés en raison du délabrement de la médecine de ville qui pousse les malades à s’adresser aux urgences : entre 2019 et 2024, le nombre d’appels au Samu a augmenté de 26,4 % ([228]) . Le nombre d’entrées aux urgences croît continûment depuis 1996 (à l’exception de 2020 et 2021, période de crise sanitaire) et plus rapidement que l’augmentation de la population.
En 2022, 13,9 millions de personnes, soit 20 % de la population, ont sollicité les urgences. Le recours aux urgences est d’autant plus important parmi les personnes qui n’ont pas de médecin traitant : il est de 23 % contre 19 % pour celles ayant un médecin traitant. Sans possibilité de consulter un médecin généraliste, les patients se rendent aux urgences pour des cas peu graves, embolisant des services déjà sous tension : selon la Cour des comptes, 70 % des passages aux urgences correspondent à des cas peu urgents.
Les services d’urgences sont fortement sollicités et, selon la Haute Autorité de santé, les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) se multiplient, notamment en raison du retard des prises en charge. Selon Samu Urgences de France, 45 262 patients ont déclaré être restés la nuit sur un brancard entre décembre 2021 et mars 2024 ([229]).
Pour autant, la Cour des comptes souligne une baisse continue du nombre de lits de 23 % depuis 2000 pour l’ensemble des hôpitaux publics et privés ([230]). Cette réduction du nombre de lits est imputable, pour la dernière décennie, à une politique d’incitation au développement de l’hospitalisation en ambulatoire en raison d’un contexte financier contraint. En effet, en 2023, l’équivalent de 7 % des capacités d’hospitalisation en MCO étaient fermées, dans la grande majorité des cas en raison de tensions sur les effectifs.
Seuls 22 % des établissements interrogés par la Fédération hospitalière de France (FHF) n’ont fermé aucun lit pendant cette année ([231]). La fédération révèle que 98 % des établissements de santé interrogés indiquent éprouver des difficultés à recruter des personnels médicaux.
Ces difficultés de recrutement génèrent, dans trois établissements sur quatre, une augmentation du volume de temps de travail additionnel et une augmentation du recours aux PADHUE ou à l’intérim. Cette situation est aggravée par le manque de moyens de l’hôpital public, avec un déficit global de 2,4 milliards d’euros et un résultat net de -2,3 % en 2023 ([232]).
La gouvernance hospitalière souffre d’un modèle hiérarchique pyramidal et a un besoin d’un pilotage équilibré.
L’imposition de règles ne saurait suffire à obtenir le consentement à une autorité quelle qu’elle soit. Selon votre rapporteur, ce management doit favoriser le plus possible une autonomie en proximité et plus fortement entraîner la communauté des soignants (praticiens, personnels paramédicaux et autres professionnels) dans un projet d’établissement.
Or, comme le souligne M. Thierry Godeau, président de la Conférence nationale des présidents de CME de centres hospitaliers, « si la formation au management dans le milieu hospitalier a considérablement progressé ces dernières années pour les responsables de service, les chefs de pôle ou les présidents de CME, il subsiste une difficulté majeure dans l'exercice médical : l'absence d'une véritable formation au management et au travail en équipe, y compris pluridisciplinaire, durant les études » ([233]).
Comme en témoigne le ministre Yannick Neuder, « le directeur de l’hôpital et la communauté médicale forment un couple qui doit faire avancer les choses, chacun dans son rôle. ». Néanmoins, les binômes insistent davantage sur le fait que leur bonne entente relève davantage de la qualité de leur relation interpersonnelle que d’un respect de règles clairement définies au plan national.
Il convient, dès lors, de renforcer l’effectivité du couple PCME – directeur afin de lutter contre les critiques d’une commission médicale d’établissement considérée comme une simple « chambre d’enregistrement ».
Selon votre rapporteur, cet objectif peut être atteint en leur confiant un réel pouvoir de sanction et en renforçant leur capacité de gestion des effectifs et de leurs rémunérations.
La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 a institué le GHT, modalité de coopération obligatoire des établissements publics de santé, poursuivant ainsi deux objectifs : d’une part, mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient grâce à un projet médical partagé, d’autre part assurer la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissements. Il existe aujourd’hui 136 GHT sur le territoire national.
Si un calendrier ambitieux a été défini pour la structuration de ces GHT, celle-ci s’est révélée plus laborieuse que prévu. Le caractère rapide et inédit de cette projection territoriale demandée a induit des situations où la structuration en GHT a plutôt résulté du volontarisme des directions d’établissement et des ARS que d’une véritable dynamique portée par les acteurs médicaux et soignants.
Derrière l’appellation commune de GHT, se trouve en réalité une très grande diversité de situations. En raison des périmètres, des caractéristiques propres à chaque territoire, de la présence ou non d’un CHU à l’intérieur du GHT ou encore de l’entente plus ou moins bonne entre les acteurs des différents établissements, tous les GHT sont loin de se ressembler et ne peuvent pas prétendre au même niveau de réalisations.
● Un rapport de la MECSS avait établi, en 2021, un panorama des différents GHT ([234]). Elle avait fait le constat du caractère généralement peu adapté des périmètres des GHT se situant aux deux extrêmes : des GHT trop petits ou trop grands d’un territoire à l’autre.
La Cour des comptes relevait, en 2020, qu’un quart des GHT comptaient au plus deux centres hospitaliers et que quinze d’entre eux ne comptaient qu’un seul établissement avec une activité médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). La Cour notait que, dans cette situation, une gradation des soins entre établissements était difficilement concevable. À l’autre extrême, il existe des GHT manifestement trop grands, à la fois pour avoir une cohérence territoriale sur le plan des filières de soins, et pour pleinement tirer parti d’une organisation intégrée qui aurait pour effet d’éloigner déraisonnablement les décisions et les choix du terrain.
De nombreux GHT ont adopté un périmètre départemental, qui présente des avantages pour faciliter le dialogue avec le champ médico-social piloté par le conseil départemental, mais aussi avec les préfectures, les délégations territoriales des ARS, ou encore les Samu centres 15, les zones de défense, les SDIS et les ordres professionnels. Cependant les départements sont très divers, et ce choix n’est pas toujours adapté. Ainsi, le GHT des Bouches-du-Rhône couvre une population de plus de 2 millions d’habitants. La gouvernance d’un GHT de cette taille s’avère particulièrement complexe du fait d’instances nombreuses et d’un processus de prise de décision extrêmement long.
En outre, la problématique du périmètre des GHT se trouve complexifiée par la question des CHU qui peuvent se trouver pris dans un « conflit de loyauté » entre leur GHT et les autres établissements de leur subdivision universitaire ou de leur aire de rayonnement. Cette situation implique en réalité de maintenir plusieurs échelles de coopération selon la taille du GHT et selon les sujets abordés.
● La Cour des comptes soulignait que, bien que l’outil GHT ait été conçu dans une logique fédérative, il est majoritairement mis en œuvre à ce jour selon une logique de coopération, qui n’aboutit que rarement à une véritable restructuration de l’offre de soins publique sur le territoire ([235]). Six GHT ont cependant atteint un niveau d’intégration très poussé qui s’est traduit par une fusion des établissements du groupement tandis que trente-deux GHT ont une direction commune pour l’ensemble de leurs établissements MCO.
Le nombre et la portée des projets médicaux conduits à l’échelle des GHT sont extrêmement variables d’un GHT à l’autre. Certains GHT avec un faible portage par les communautés médicales et soignantes et – souvent – une pénurie de moyens, notamment médicaux, ont eu tendance à se concentrer entièrement sur la mise en place des structures et n’ont pratiquement pas porté de projets médicaux. Là où une meilleure dynamique existe, avec la possibilité de projeter des moyens d’un établissement à un autre, des projets ont pu prospérer : mise en place de consultations avancées dans des établissements isolés, de filières gériatriques avec des équipes mobiles, de filières pharmaceutiques, gestion centralisée des lits, etc.
Néanmoins, la crise sanitaire a permis d’accélérer les mutualisations logistiques et l’intégration médicale au sein des GHT. L’établissement support a ainsi été amené à jouer un rôle important, notamment dans le dialogue avec les ARS. De même, des coopérations médicales se sont nouées pour répondre à l’urgence, et ce au-delà des frontières de l’hôpital public.
Souhaitant pérenniser cette dynamique, votre rapporteur propose de revoir le périmètre de certains GHT pour en améliorer l’efficience et la coopération territoriale, en y intégrant notamment les établissements privés participant au service public hospitalier.
Recommandation n° 3 : actualiser le cadre des GHT pour revoir leur périmètre et intégrer des établissements privés participant au service public hospitalier.
1. Une qualité des soins expliquée par une activité concentrée sur un faible nombre d’actes et des soins programmés
Les établissements privés à but lucratif contribuent largement à la pratique de certaines activités chirurgicales ou à la fluidification des parcours programmés. Toutefois, leur positionnement économique centré sur la rentabilité, leur spécialisation sur des soins simples et programmés, et leur faible implication dans les missions de service public créent un déséquilibre systémique introduisent une forme d’iniquité au sein du secteur.
Cette situation pose la question de la complémentarité entre les secteurs public et privé, mais aussi de la régulation nécessaire pour garantir une répartition équitable des charges, des missions et des financements. À défaut, le système hospitalier risque de se fragmenter davantage, avec un secteur privé performant pour les plus favorisés, et un secteur public épuisé pour les plus vulnérables.
Les enquêtes de satisfaction des patients – comme les résultats du dispositif e-Satis ([236]) – démontrent que les établissements privés obtiennent souvent de meilleurs scores que les hôpitaux publics. Les patients y perçoivent de manière nettement plus positive la qualité des relations avec les médecins et les chirurgiens. De même, la satisfaction liée à la préparation de la sortie y est globalement plus élevée.
Toutefois, ces résultats doivent être interprétés à la lumière du profil des patients pris en charge. Les patients accueillis dans le secteur privé sont plus jeunes, en meilleure santé, et hospitalisés pour des actes programmés de courte durée. Ils nécessitent moins de coordination complexe et de soins intensifs, et présentent un risque réduit de complications.
À l’inverse, les hôpitaux publics assurent une prise en charge globale et complexe, avec des pathologies multiples, des états de dépendance, des interventions en urgence, et une dimension sociale souvent lourde (isolement, précarité, troubles mentaux, etc.). Ces conditions rendent la satisfaction plus difficile à atteindre, non pas à cause d’un défaut de qualité intrinsèque, mais en raison de la complexité du contexte.
Par ailleurs, la qualité dans le secteur public repose sur des critères plus larges : accessibilité des soins, continuité de la prise en charge, recherche médicale, coopération interdisciplinaire, formation des professionnels.
Autant d’éléments qui, bien qu’indispensables au bon fonctionnement du système de santé, ne sont pas toujours perceptibles dans les indicateurs de satisfaction classiques.
Dans ce contexte, les établissements privés à but lucratif ont développé une stratégie de rentabilité fondée sur une spécialisation dans les actes programmés, à faible complexité médicale, à faible variabilité clinique et à haut rendement économique. Les cliniques privées sont particulièrement bien implantées dans les secteurs du court et du moyen séjour, où elles assurent respectivement 48,7 % et 47,2 % des journées d’hospitalisation partielle. Leur présence est encore plus marquée en chirurgie ambulatoire, représentant 64,7 % de l’activité. À l’inverse, les hôpitaux publics conservent une position largement dominante en matière d’hospitalisation complète en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), avec 70 % des séjours, ainsi qu’en psychiatrie, où ils réalisent 65,7 % des hospitalisations complètes et 60,5 % des journées en hospitalisation partielle. S’agissant des soins de longue durée, ils sont majoritairement assurés par le secteur public, qui prend en charge 88,7 % des journées d’hospitalisation complète ([237]). Enfin, les établissements publics assurent l’essentiel des prises en charge en médecine d’urgence et en obstétrique ([238]).
Cette spécialisation crée une forme d’iniquité vis-à-vis du secteur public, qui assure des missions plus complexes, souvent non programmée – médecine d’urgence, oncologie lourde, gériatrie, psychiatrie – qui demandent des plateaux techniques sophistiqués, une permanence des soins 24h/24, et une mobilisation constante de personnels spécialisés et qui sont moins rémunératrices. Ce type d’organisation, beaucoup plus contraignant et moins prévisible, nuit mécaniquement à la rentabilité financière et à la fluidité du parcours de soins.
Le choix stratégique des établissements privés à but lucratif permet de maximiser les marges bénéficiaires tout en limitant les coûts fixes liés aux imprévus médicaux. La programmation des soins permet une gestion plus efficiente des blocs opératoires, du personnel médical et des équipements. Les séjours sont plus courts, souvent limités à quelques heures, ce qui réduit les dépenses d’hébergement, de restauration, ou encore d’assistance médicale lourde. Les actes réalisés – tels que la chirurgie de la cataracte, les arthroscopies ou certaines opérations orthopédiques – présentent des protocoles standardisés, un taux de complications faible et une récupération rapide des patients.
L’une des inégalités structurelles majeures réside dans la répartition des obligations entre les secteurs public et privé. Alors que les hôpitaux publics doivent assurer la continuité du service public – gardes, astreintes, prises en charge en urgence, soins palliatifs, réanimation, etc. – les cliniques privées ne participent pas, pour l’essentiel, au service public hospitalier. Cela leur permet de concentrer leurs ressources sur les actes les plus rentables et de réduire leur masse salariale.
Cette différence de régime crée une situation de concurrence déséquilibrée. Le secteur public assume une mission de service public dans son intégralité, y compris les prises en charge lourdes, longues, et peu attractives d’un point de vue économique. Il doit également accueillir tous les patients, quels que soient leur âge, leur situation sociale, leur état de santé ou leur lieu de résidence. À l’inverse, les cliniques privées peuvent adapter leur activité à leur stratégie économique, en sélectionnant les patients, les spécialités et les actes réalisés, contrairement à ce que M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP), affirmait lorsqu’il avançait que certaines cliniques assuraient « également une présence continue, notamment dans les services d'urgence, de réanimation, d'obstétrique, et garantissons la continuité des soins pour nos patients opérés, y compris les week-ends » ([239]).
Aussi, cette division structurelle déséquilibrée du travail hospitalier, favorable aux établissements privés à but lucratif, est accentuée par la répartition territoriale : les cliniques privées sont concentrées dans les zones urbaines et attractives, tandis que certaines régions rurales sont principalement couvertes par le secteur public.
Ainsi, au niveau national les établissements de santé publics concentrent 60 % des lits et des places, les cliniques privées 25 % et les établissements privés à but non lucratif 15 %, cette répartition varie fortement suivant les départements. Les cliniques privées sont totalement absentes de certains territoires, notamment en Ariège, en Lozère et à Mayotte. Elles restent également très marginales — représentant moins de 10 % de la capacité totale en lits et places — dans treize autres départements, dont quatre situés dans la région Grand Est. À l’inverse, leur présence est nettement plus marquée sur le pourtour méditerranéen et en Île-de-France. Elles représentent ainsi 40 % ou plus de la capacité d’hospitalisation dans plusieurs territoires, notamment dans quatre départements d’Occitanie (Tarn-et-Garonne, Pyrénées-Orientales, Hérault et Haute-Garonne), en Seine-Saint-Denis, en Guadeloupe, à La Réunion, dans les deux départements de Corse, ainsi que dans les Bouches-du-Rhône et le Var ([240]).
Enfin, le phénomène de « segmentation par l’âge » est bien documenté : les jeunes adultes sont surreprésentés dans le secteur privé, tandis que les nourrissons et les personnes âgées sont principalement pris en charge par les hôpitaux publics. Cette répartition caractéristique de la spécialisation des établissements par type de patientèle se confirme en analysant l’ensemble des recours à l’hôpital par groupe d’âge : aux deux périodes extrêmes de la vie, les séjours pour soins aigus sont surtout réalisés dans le secteur public.
Toutes pathologies confondues, 80,6 % des enfants de moins de 5 ans sont pris en charge par des établissements publics, un taux qui atteint 89,7 % pour les nourrissons de moins d’un an. Chez les personnes âgées de 85 ans ou plus, cette proportion s’élève à 69 %, contre 55,5 % en moyenne sur l’ensemble de la population ([241]).
2. Une politique des ressources humaines attractive qui masque une concurrence vis-à-vis du secteur hospitalier
Bien que minoritaires en termes de part de marché globale, les établissements privés à but lucratif occupent une position singulière et concentrent une activité ciblée, rentable et à forte intensité médicotechnique. Leur politique de ressources humaines – plus souple, plus réactive et financièrement compétitive – permet d’attirer des profils médicaux spécifiques, au détriment des établissements publics. Cette situation induit une forme de concurrence inéquitable, fragilisant l’équilibre du service public hospitalier.
En effet, les établissements privés à but lucratif bénéficient de modalités de recrutement plus souples et attractives que les hôpitaux publics. Contrairement à ces derniers, soumis à des règles de concours et de statut, les cliniques peuvent conclure des CDI ou des contrats d’exercice libéral immédiatement, sans contrainte réglementaire.
De plus les contraintes horaires sont moins exigeantes dans les établissements de santé privés dans les établissements publics du fait d’une moindre participation à la permanence des soins.
Enfin, en matière de revenus, ceux tirés de l’activité salarié des praticiens apparaissent singulièrement plus élevés à l’hôpital public. Toutefois, selon votre rapporteur, les revenus tirés des honoraires compensent largement cette situation, créant un appel d’air favorable au privé lucratif.
3. Une permanence des soins « à la carte » en attendant la réforme de la PDSES
Les établissements de santé privés à but lucratif occupent une place croissante dans l’offre de soins en France, mais cette expansion repose principalement sur une stratégie économique fondée sur la rentabilité des soins programmés. Contrairement aux établissements publics, ces structures se concentrent sur des actes techniques planifiés avec peu d’aléas et réalisés en semaine et en journée. Leur fonctionnement est optimisé pour maximiser l’occupation des plateaux techniques en semaine, du lundi au vendredi, avec une intensité d’activité moindre en soirée, la nuit et les week-ends.
Cette organisation permet de limiter les charges liées à la gestion de l’imprévu et d’éviter les sujétions humaines et financières de la permanence des soins.
La permanence des soins en établissements de santé (PDSES), instaurée par la loi dite « HPST », est définie comme l’accueil et la prise en charge de « nouveaux patients » dans les services de MCO des établissements de santé « la nuit (…), le week-end (sauf le samedi matin) et les jours fériés ». La PDSES se distingue à la fois de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), de l'organisation des services d'urgences (SU) et de la continuité des soins, en permettant la réalisation de soins spécialisés en aval des SU ou en accès direct en lien avec la régulation médicale. Cependant, le dispositif mis en œuvre n’a pas réussi à faire de la PDSES une mission de service public plus largement répartie.
L’orientation économique des établissements privés de santé se traduit par une faible implication dans la PDSES, un dispositif central pour la continuité des soins la nuit, les week-ends et jours fériés. Organisée par les ARS, la PDSES repose sur les gardes et astreintes dans une trentaine de spécialités. En 2023, selon l’enquête SOLEN, 82 % des gardes et 77 % des astreintes sont assurées par le secteur public, contre seulement 13 % et 18 % respectivement pour les cliniques privées lucratives ([242]). Ainsi, le poids des établissements de santé privés dans la PDSES ne reflète pas leur place dans l’offre de soins.
À l’échelle nationale, les données issues du programme de médicalisation des systèmes d'information montrent que l’activité de soins en fin de semaine repose principalement sur les hôpitaux publics. Toutefois, les établissements privés y contribuent également de manière notable lorsqu’ils disposent d’une autorisation pour accueillir les urgences. Les niveaux d’activité observés les samedis et dimanches varient selon les territoires, mais restent fortement conditionnés par la présence ou l'absence d’une autorisation de service d’urgence. En 2019, sur les 629 structures autorisées à exercer des activités d’urgence, 470 relevaient du secteur public, 123 étaient des cliniques à but lucratif, et 36 appartenaient au secteur privé non lucratif ([243]).
Dans les villes petites et moyennes, la charge des soins en fin de semaine repose majoritairement sur les établissements publics. En revanche, dans certaines grandes agglomérations comme Marseille, Lyon, Reims ou Strasbourg, des opérateurs privés participent de manière significative à cette activité durant le week-end, tout en étant confrontés à de fortes contraintes pour constituer et stabiliser leurs équipes soignantes.
La PDSES, dans son fonctionnement actuel, fragilise l’égal accès aux soins sur le territoire. Elle menace aussi la soutenabilité du système de santé, particulièrement en période estivale ou de fêtes, où la raréfaction du personnel rend la situation critique.
Aussi, la part du secteur privé lucratif est plus importante dans les astreintes (18 %) que pour les gardes (13 %), en lien avec les spécialités dans lesquelles il est le plus représenté. En effet, la contribution consacrée ou reconnue au secteur privé dans le fonctionnement de la PDSES est plus particulièrement concentrée sur certaines activités. Dans le secteur privé à but lucratif, les quatre spécialités les plus représentées (anesthésie-réanimation, soins critiques cardiologiques, soins critiques adultes et gynécologie-obstétrique) mobilisent 84 % des lignes de gardes.
A contrario, ces établissements sont très peu représentés dans les activités neurovasculaires (0,4 % contre 2,1 %), l’imagerie interventionnelle (0,1 % contre 1,4 %) ou encore les endoscopies bronchiques (0 % contre 1 %) ([244]).
Ce déséquilibre révèle une iniquité profonde : les établissements publics supportent l’essentiel de la charge de continuité des soins, tandis que les établissements de santé privés à but lucratif bénéficient des avantages économiques d’un fonctionnement optimisé, sans assumer les sujétions associées à la permanence des soins. Cette situation pose un enjeu de justice sociale et d’organisation territoriale, notamment dans un contexte de démographie médicale tendue et d’accès inégal aux soins non programmés.
Cette organisation « à la carte » crée une situation de concurrence déséquilibrée entre les établissements privés à but lucratif et les hôpitaux publics. En effet, les établissements publics, en tant que parties prenantes du service public hospitalier, imposent à leurs praticiens de garantir la continuité et la permanence des soins.
À l’inverse, les établissements privés, pourtant responsables à titre collectif de la permanence des soins, ne s’estiment généralement pas tenus à cette obligation, comme votre rapporteur a pu le constater lors de son déplacement au CHU de Nancy.
L’organisation actuelle de la PDSES repose donc sur les établissements publics et ce surinvestissement crée un cercle vicieux de surcharge et de désaffection.
Ce système dual pénalise les établissements publics sur plusieurs plans. Tout d’abord, ils doivent réorganiser leur fonctionnement, réduire les lits en semaine ou suspendre les activités électives. Aussi, ils absorbent la charge de soins non programmés dans les territoires sous-dotés. Finalement, ils subissent une pression accrue sur les ressources humaines, alimentant une crise d’attractivité.
Cette charge supplémentaire pèse lourdement sur les ressources humaines, déjà mises à mal par la pénurie médicale. Les gardes répétées, l’intensité des nuits de travail, la fatigue cumulative, l’empiètement sur la vie privée participent à la crise de l’attractivité du secteur public. Cela alimente les départs vers des structures privées plus flexibles, voire vers des modes d’exercice libéraux sans sujétions. Dans ce cadre, l’impact croissant de la PDSES sur les ressources médicales fragilise la pérennité et la soutenabilité des organisations à l’aune des incidences fortes sur le temps et les conditions de travail des praticiens. En effet, les contraintes liées à l’exercice hospitalier ont un impact significatif sur l’organisation personnelle des professionnels de santé. Elles influent directement sur l’attractivité des établissements, la stabilité des équipes soignantes et leur capacité à répondre efficacement aux besoins des usagers.
À l’aune des évolutions sociétales en cours, et notamment les nouveaux arbitrages faits par les professionnels entre la recherche d’effets revenus et d’effets temps, il apparaît que la maximisation des revenus des acteurs hospitaliers n’est désormais plus la finalité principale de nombreux professionnels dont les choix tendent à mieux réguler leur temps de travail.
Cette situation influence directement l’acceptabilité, par les professionnels de santé, des contraintes liées à la PDSES, ainsi que leurs choix de carrière, pour des modes d’exercice ou segments d’activités non soumis aux contraintes de la permanence des soins (départs de l’hôpital public, concentration sur des activités de chirurgie gynécologique au détriment de l’obstétrique…). Cette situation représente une menace sérieuse pour la stabilité et la soutenabilité des organisations de PDSES, d’autant que sa pénibilité est d’autant plus fortement ressentie qu’elle pèse sur un petit nombre de professionnels. Lorsque les équipes se réduisent le risque augmente d’atteindre le point de bascule. Or, si le bon fonctionnement de la PDSES est indispensable pour désengorger les services d’urgence, il est aujourd’hui source de fortes inquiétudes.
Dans un contexte de tension démographique croissante et de conditions de travail de moins en moins supportées, la permanence des soins nuit à l’attractivité du secteur public. Face à ces déséquilibres et tensions croissantes, une réforme de la PDSES est engagée. Elle repose sur six grands principes :
– l’engagement collectif territorial autour d’une responsabilité partagée ;
– la contribution obligatoire graduée de tous les établissements ;
– la reconnaissance renforcée des sujétions (repos, indemnités) ;
– la gouvernance régionale consolidée par les ARS ;
– l’assouplissement de l’accès au service public hospitalier pour les établissements privés à but lucratif, conditionné à leur implication dans la PDSES ;
– la mutualisation des moyens techniques et humains.
Le nouveau dispositif de mobilisation repose sur un modèle hybride : un volontariat initial, appuyé sur la définition des besoins par les ARS, puis une mobilisation contrainte en cas de carence, via les schémas régionaux. Ce modèle hybride cherche à dépasser les oppositions entre volontariat et obligation généralisée, souvent inefficace ou contre-productive.
Mais la réussite de cette réforme dépend de l’adhésion réelle des cliniques privées, aujourd’hui peu enclines à s’engager, notamment en raison de la faiblesse des indemnités (229 euros par garde, contre 277 euros dans le public), de la désorganisation de leur activité du lendemain et de l’absence d’actes facturables en garde.
Ce sont les voies d’une permanence des soins mieux partagée entre professionnels qui doivent être recherchées. Cela ouvre la voie à des organisations de PDSES plus resserrées, concentrant une activité plus dense, mais reposant sur une fréquence de participation allégée et des contraintes mieux reconnues. Cette évolution s’inscrirait dans une logique de renforcement des droits et des devoirs liés à la permanence des soins.
1. Une spécialisation des établissements souvent révélatrice d’un champ d’activité restreint
Les établissements de service à but non lucratif sont régulièrement pris pour modèle, combinant le respect des missions et obligations de service public, une grande liberté d’organisation et une pleine responsabilité financière.
D’après la DREES, en 2022, il existait 658 établissements privés à but non lucratif (22 % des établissements de santé) pour 53 957 lits d’hospitalisation (14 % contre 62 % pour les hôpitaux publics et 24 % pour les cliniques) et 15 418 places (18 %). Ils représentent un poids relativement modeste comparé à d’autres pays développés avec près de 30 % des lits en Allemagne, voire plus de 70 % en Belgique ([245]). Parmi ces établissements figurent 20 centres de lutte contre le cancer, 133 établissements de soins de courte durée ou pluridisciplinaires et 348 établissements de soins de suite et de réadaptation.
Les établissements privés à but non lucratif peuvent être qualifiés d’établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) dès lors qu’ils assurent le service public hospitalier (article L. 6 161-5 du CSP). Opérant sous statut d’association ou relevant de fondations ou de mutuelles, ils couvrent une large gamme d’établissements, y compris les centres de lutte contre le cancer (CLCC) définis à l’article L. 6 162-1 du CSP. Ces Espic représentent huit établissements privés à but non lucratif sur dix.
La part du secteur privé à but non lucratif est très variable d’un département à l’autre. Si, dans nombre d’entre eux, ce secteur est peu voire pas du tout présent, il représente à l’inverse plus de 30 % des lits et des places dans sept départements (la Haute-Saône, la Haute-Loire, la Lozère, le Lot, le Haut-Rhin, la Moselle et les Hautes-Alpes).
Les établissements privés à but non lucratif sont relativement plus développés sur le moyen séjour, où ils regroupent 36 % des places. Ils assurent 18,5 % des journées d’hospitalisation partielle, 13,3 % des journées d’hospitalisation complète et 10 % des séjours d’hospitalisation complète parmi l’ensemble des établissements de santé, quel que soit leur statut juridique.
Le secteur privé étant plus réactif au signal tarifaire, il a la faculté d’évoluer vers les activités dont l’écart entre coût et tarification est le plus favorable ([246]). Une spécialisation des établissements privés à but non lucratif s’affirme donc puisqu’ils assurent 40 % des séances de dialyse et 24 % des radiothérapies tandis que les CLCC prennent en charge 14 % des séances de chimiothérapie ([247]) . Selon la Cour des comptes, les établissements privés à but non lucratif sont fortement positionnés – au regard de leur capacité – sur la prise en charge de certains cancers ([248]). En 2019, ils ont accueilli, 41,5 % des séjours de cancer du sein et 12,3 % des cancers de la prostate.
● Le secteur privé non lucratif est chargé, au même titre que le secteur public, de missions de service public hospitalier (permanence de l’accueil et de la prise en charge, égal accès aux soins et, jusqu’à une date récente, absence de dépassement de tarifs), qualifiées comme telles en réponse à une vision solidaire de la santé (publics précaires, fragiles, soins de proximité, permanence de soins, formation, recherche, prévention…) et caractérisées par leur absence de logique lucrative.
La participation des établissements adhérents aux missions de service public s’illustre également par le type de patientèle soignée, via l’accueil d’une forte proportion de personnes âgées (21 % de leur patientèle) et personnes en situation de handicap (6 % de leur patientèle). Le secteur privé non lucratif intervient ainsi en complémentarité de l’offre de soins constituée par les hôpitaux publics qui, quant à eux, comportent une gamme d’établissements de toutes tailles afin de couvrir l’ensemble du territoire et d’assurer l’ensemble missions de soins, d’enseignement et de recherche.
2. Un dialogue social singulier « administratif – personnel médical » au sein des établissements FEHAP
Les établissements privés à but non lucratif disposent d’une grande liberté dans la définition de leur gouvernance interne et dans le recrutement et la gestion de leurs personnels.
● Le principe de liberté contractuelle, principe général du droit applicable aux contrats et obligations, implique une liberté accordée aux associations quant à leur gouvernance. Celle-ci donne souvent un rôle prééminent au conseil d’administration, qui définit la stratégie et l’organisation interne de l’établissement, décide des évolutions d’activité, sélectionne et recrute le directeur qui est responsable devant lui.
Comme l’affirme Charles Guépratte, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap), « dans le secteur public, la gouvernance semble plus complexe, avec une forme de dissolution des responsabilités et des centres de pouvoir, rendant parfois le pilotage des établissements plus difficile. Chez nous, la relation entre le corps médical et l'établissement est très claire, tous les personnels étant recrutés sous la responsabilité du chef d'établissement » ([249]).
Le code de la santé publique impose simplement une représentation du personnel de l’établissement au sein du conseil d’administration ou de l’instance équivalente ainsi que la Constitution d’une conférence médicale chargée de veiller à l’indépendance des praticiens et de contribuer à la définition de la politique médicale de l’établissement ([250]). S’ajoute, pour les établissements habilités à assurer le service public hospitalier, l’obligation de prévoir une représentation des usagers au sein des instances de gouvernance.
Cette souplesse et cette agilité managériale sont extrêmement précieuses. Ainsi, Charles Guépratte constate que « les conférences médicales d'établissement jouent un rôle plus générique, offrant plus de flexibilité dans la gestion. L'organisation en pôles, par exemple, n'est pas imposée. Chaque établissement décide de sa structure en fonction de ses besoins » ([251]).
● Les médecins occupent majoritairement des postes salariés (73 % des postes de médecins fin 2022). En effet, l’exercice selon le mode libéral n’est pas ouvert aux médecins salariés à plein temps. Les personnels sont recrutés sous contrat de droit privé et relèvent d’une convention collective spécifique. Celle-ci constitue un socle minimal, notamment en matière de rémunération, des dispositions plus favorables pouvant être arrêtées par l’établissement. Les médecins salariés sont toutefois autorisés, comme leurs confrères du secteur public, à pratiquer des expertises ainsi que des activités à caractère social ou d’enseignement. Mais les établissements privés non lucratifs peuvent être autorisés par l’ARS à acquitter, sur leur budget, des honoraires de médecins libéraux qui concourent à leurs missions.
Au regard de l’uniformité qui régit les établissements publics de santé et le statut des personnels hospitalier, les Espic font fréquemment valoir les atouts que représente la possibilité de s’adapter aux spécificités de leur activité et de leur territoire, que ce soit en matière d’organisation ou d’individualisation des carrières et des rémunérations. À l’inverse, les rémunérations des praticiens de l’hôpital public sont identiques quelles que soient les spécialités, et sont uniformes, pour l’ensemble des personnels, dans toutes les régions d’exercice sans véritable prise en compte de paramètres tels que le coût du logement. Par ailleurs, le risque de liquidation judiciaire, que n’ont pas les hôpitaux publics, contraint ces établissements à rechercher une certaine efficience de gestion.
Le fonctionnement des établissements privés non lucratifs, notamment leurs possibilités de différenciation en matière d’organisation et de gestion des ressources humaines, par opposition à l’application de règles uniformes, constitue donc un modèle à imiter.
3. Des modalités de financement qui fragilisent leur participation au service public hospitalier
Les établissements à but non lucratif partagent les règles de financement des établissements publics. Ainsi, les mêmes tarifs sont applicables pour des activités de soins identiques dans les établissements publics et dans la très grande majorité des établissements privés à but non lucratif. De même, l’article R. 6 161-43 du code de la santé publique rend applicables aux établissements à but non lucratif les dispositions relatives à l’état prévisionnel des ressources et des dépenses et à l’approbation de celui-ci par le directeur général de l’ARS, ainsi que la possibilité pour cette autorité de demander la présentation d’un plan de redressement.
Cependant, les prélèvements obligatoires applicables à ces deux catégories d’établissements diffèrent. Les établissements de santé à but non lucratif se voient notamment appliquer depuis 2018 un coefficient de minoration destiné à récupérer les avantages retirés notamment du crédit d’impôt sur la taxe des salaires (CITS). En octobre 2020, l’IGAS et l’IFGF avaient publié un rapport portant sur l’analyse de ce différentiel de charges et préconisaient de supprimer ce coefficient pour les établissements privés habilités à assurer le service public hospitalier.
Ce coefficient de reprise des allègements fiscaux et sociaux était de – 2,17 % pour les cliniques et de – 0,64 % pour les établissements à but non lucratif en 2024. Il est désormais nul pour ces deux catégories d’établissements en 2025. Votre rapporteur espère donc que le Gouvernement poursuivra sur cette voie afin de limiter cette situation inéquitable.
D’autres coefficients existent concernant le coût des augmentations consécutives au Ségur de la santé qui diminuent la proportion des bas salaires dans l’effectif des établissements privés, et donc l’effet des allègements de cotisations sociales. Comme recommandé par l’IGF et l’IGAS, votre rapporteur appelle à une réévaluation régulière, par le ministère de la santé, du différentiel de charges applicables aux secteurs public et privé.
DeuxiÈme PARTIE : Affirmer un service public de la santÉ continu et cohÉrent de la formation jusqu’À la prise en charge
Le bilan en demi-teinte des réformes des études de santé invite, selon votre rapporteur, moins à un nouveau « choc de formation » – qui déstabiliserait étudiants et personnels des facultés – qu’à une série d’ajustements afin d’alléger la durée des cursus et de renforcer la diversité des enseignements.
● Le premier de ces ajustements consiste dans la réduction de la part des études consacrée à la seule sélection, au moyen des examens et des concours. En effet, l’attention portée aux concours pose, selon votre rapporteur, plusieurs difficultés. Une limite financière tout d’abord, en ce que les facultés peuvent, pour certaines, consacrer entre 200 000 et 250 000 euros chaque année à l’organisation des concours ([252]).
En outre, la multiplication de procédures de sélection essentiellement conduites sur la base de questionnaires à choix multiples (QCM) génère de nombreux biais et ne valorise qu’à la marge les compétences d’écoute et d’expression qui sont pourtant centrales dans les métiers du soin. S’il note les évolutions concédées de haute lutte – notamment par la création d’épreuves orales à la fin de la première année des études de santé ([253]) – celles-ci ne semblent ni suffisantes ni parfaitement stabilisées, ainsi que le relevait le doyen de la faculté de médecine de Bordeaux ([254]).
En conséquence, votre rapporteur préconise d’augmenter la part du contrôle continu dans la validation des études de santé, à partir de la deuxième année, et de mener un travail de réduction du nombre de cours magistraux délivrés aux étudiants dans leur cursus.
La définition du seuil minimal de validation des crédits par contrôle continu pourra donner lieu à une concertation avec les syndicats représentatifs des jeunes étudiants et la conférence des doyens de facultés. Son application pourra être limitée aux nouveaux entrants dans les cursus de santé dans un double souci de stabilisation du cadre des études de santé et de préservation de la qualité de formation. Une attention particulière devra, enfin, être apportée au respect du principe d’autonomie des universités dans la mise en œuvre cette recommandation.
Recommandation n° 4 : confier conjointement au ministère chargé de la santé et de l’enseignement supérieur le soin de définir un seuil minimal de validation des crédits universitaires des études de santé par contrôle continu.
● En parallèle de ces mesures, votre rapporteur souhaite renforcer la part des enseignements ne relevant pas strictement du champ de la santé dans les cursus médicaux, dans la continuité des efforts entreprise en 2021 avec la création des LAS.
Conscient des évolutions de la pratique médicale (gestion de la douleur, questions relatives au genre, accompagnement de la fin de vie), il préconise une ouverture plus forte aux approches relevant des sciences humaines et sociales (SHS).
En outre, il est convaincu qu’un praticien, installé en ville ou relevant d’un établissement de santé, gagnerait à bénéficier d’une formation renforcée aux sciences de gestion (management, gestion, relations humaines) afin d’améliorer les interactions entre le personnel médical et paramédical.
En conséquence, votre rapporteur propose qu’une révision des maquettes pédagogiques soit menée dans les meilleurs délais afin d’y inclure, au moins une fois par semestre, un enseignement relevant des sciences sociales ou de gestion.
Recommandation n° 5 : conduire une révision des maquettes pédagogiques des études de santé afin d’inclure des enseignements en sciences sociales ou de gestion.
● Concernant la généralisation des « options santé » dans les lycées, celle-ci présente un intérêt, selon votre rapporteur, à la condition d’y associer un renforcement des moyens dédiés au sein des établissements secondaires. Sans présumer d’une hausse des plafonds d’emplois du ministère de l’éducation nationale, il recommande d’accompagner cette généralisation par une mobilisation des instances de représentation des professionnels de santé, au moyen d’une convention spécifique avec les agences régionales de santé.
La convention pourrait avoir pour objectif de proposer une série d’actions menées par les URPS et les syndicats représentatifs de professionnels au bénéfice des étudiants (actions de sensibilisation à leur exercice professionnel, développement d’actions de prévention en santé, visites de sites).
Recommandation n° 6 : donner aux ARS l’instruction de conclure une convention visant le développement des options santé dans les lycées avec les unions régionales des professionnels de santé, les dispositifs des cordées de la réussite et les académies des territoires concernés.
Abandon de la logique de sélection, diversification des maquettes pédagogiques, votre rapporteur est également favorable à un renforcement de la part dédiée aux enseignements pratiques. S’il note que les études de santé se caractérisent en France par l’importance d’une formation pratique ([255]), il relève également que d’autres pays ont permis de mobiliser plus efficacement sur le terrain leurs étudiants en médecine.
Devenir médecin en Allemagne : la primauté de la formation pratique
L’Allemagne se caractérise, en comparaison de la France, par une durée d’études plus courte, de 6 ans en moyenne, contre 10 ans en France (1).
Un médecin allemand formé à l’issue de ce seul cursus initial ne sera, en revanche, en mesure de prescrire ou de réaliser qu’un nombre limité d’actes médicaux.
En complément, un dispositif de formation continu est offert à tout étudiant avec un contenu variable selon les spécialités.
Ainsi, pour devenir médecin généraliste l’étudiant devra justifier d’une pratique de cinq ans comme médecin généraliste assistant auprès d’un médecin installé (2).
Pour les autres spécialités, le contenu de la formation – essentiellement théorique – diffère selon les länders et les chambres régionales de médecins (Ärztekammer). Les cursus peuvent alors varier, passant d’une durée de 24 mois à 72 mois (3).
Un élément notable des formations de santé en Allemagne réside dans l’importance accordée à la formation continue. Tous les cursus réalisés au-delà de la formation commune de six ans sont ainsi intégrés dans le système de formation tout au long de la vie.
(1) M. Francis Bouyer, conseiller des affaires sociales de l’Ambassade de France en Allemagne, réponse au questionnaire du rapporteur, p. 15, juin 2025.
(2) Idem.
(3) Idem.
À la lumière des contraintes d’une démographie médicale déclinante et d’une hausse continue de la demande de soins, votre rapporteur estime nécessaire de mobiliser la ressource médicale dès l’université par le biais d’une ouverture de l’alternance à compter de la deuxième année des études de médecine.
Cette solution présente, selon lui, le double avantage de renforcer la formation pratique des étudiants et de libérer du temps médical, sans pour autant porter atteinte à la qualité des soins. Cette formation pourrait être ouverte à l’ensemble des étudiants souhaitant exercer comme médecin généraliste et présenterait le bénéfice de faciliter les transmissions de patientèle.
Enfin, une hausse du nombre de maîtres de stages universitaires semble indispensable. Votre rapporteur préconise, à cet effet, une concertation avec les professionnels sur les conditions de valorisation de l’exercice de MSU.
Recommandation n° 7 : créer une voie de formation en alternance à partir de la fin de la deuxième année de médecine, sous réserve de la réduction de la durée d’études de premier cycle de trois à deux ans.
De façon complémentaire, il propose également de réduire la durée des cursus de santé à 8 ans en compressant notamment la durée d’organisation du premier cycle et en revenant sur la mise en œuvre de la quatrième année de médecine générale ([256]).
Cette série de mesures s’explique à raison de plusieurs facteurs. En premier lieu, votre rapporteur entend les « vives inquiétudes » formulées par les étudiants et internes de médecine générale tant sur le contenu des formations que sur leur rémunération ou les conditions d’accueil en stage ([257]).
Ensuite, il est convaincu que la situation de la démographie médicale implique non pas d’ajouter une année à un cursus déjà très éprouvant mais, au contraire, d’amener plus vite et plus tôt les étudiants au contact du patient, afin d’affermir leur vocation.
Recommandation n° 8 : réduire la durée des études de médecine à 8 ans en compressant la durée du premier cycle et en ajournant la réforme créant la quatrième année de médecine générale.
Enfin, et ce dans un souci de justice vis-à-vis des étudiants, votre rapporteur considère indispensable de permettre à chacun de redoubler une fois son cursus de première année d’études en santé, en PASS comme en LAS. Il est, en outre, favorable à une transformation du modèle de passage en deuxième année en substituant au système actuel de concours, un examen garantissant la validation d’un niveau minimal de connaissances. À la manière du « certificat d’aptitude à la profession d’avocat », cet examen fixera un seuil de moyenne à atteindre pour valider le passage en deuxième année
Recommandation n° 9 : permettre aux étudiants de redoubler la première année des études de santé, quelle que soit leur voie d’accès.
Recommandation n° 10 : étudier la possibilité de substituer un système d’examen au concours existant à la fin de la première année.
B. DÉvelopper massivement la formation continue afin de pallier les carences du systÈme de formation initiale
1. Consolider le développement de passerelles pour les professions médicales : un enjeu d’efficacité, une exigence méritocratique
Ainsi que le rappelle le directeur général de l’assistance publique – hôpitaux de Paris (AP- HP), Nicolas Revel, dans une note récente publiée par le cercle de réflexion « Terra Nova », la « première des urgences me semble être de lancer un plan massif de développement professionnel », notamment par le développement de la valorisation des acquis de l’expérience au bénéfice des professionnels paramédicaux ([258]). Toutefois la mise en œuvre de ces mesures se heurte à de nombreuses limites.
La première, celle de la prééminence de la formation initiale sur la formation continue. Ensuite, le maintien d’une séparation hermétique entre les cursus médicaux et paramédicaux qui contribue, selon votre rapporteur, à limiter les coopérations entre professionnels. Enfin, une barrière financière, du fait des variations de revenus induites par le choix d’une reprise d’études.
En outre, les voies passerelles sont également ouvertes à d’autres catégories de diplômés ce qui tend à réduire la proportion globale des paramédicaux dans ces voies d’accès. En 2023, ils ne représentaient qu’à peine 25 % des effectifs admis dans le cadre des passerelles pour la deuxième année du premier cycle de médecine ([259]).
Pourtant, le développement – voire même la généralisation – des passerelles de formation au bénéfice des paramédicaux présente de multiples avantages.
Elle est d’abord cohérente avec le développement de la troisième voie d’accès aux études de médecine, ouverte aux étudiants inscrits dans un cursus d’auxiliaire médical.
De plus, le développement d’une voie interne d’accès aux professions médicales est susceptible de renforcer l’attractivité de la profession et ce, alors que les besoins en auxiliaire médicaux vont croissants ([260]). Enfin, elle permet de répondre au besoin de reconnaissance des professionnels expérimentés, régulièrement manifesté par les associations représentatives ([261]).
Par conséquent votre rapporteur préconise d’approfondir cet effort de promotion interne des professionnels paramédicaux, notamment par la simplification des conditions d’accès en deuxième année de médecine pour les infirmiers titulaires du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée. La préparation du dossier demeurera mais son contenu sera seulement apprécié au cours de l’examen oral par les membres du jury.
Recommandation n°11 : supprimer l’étape d’étude du dossier pour les candidats à la voie « passerelle » titulaires du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée depuis au moins deux ans.
2. Renforcer le taux de recours aux voies internes par l’amélioration des conditions d’études
Afin de lever les freins financiers à la reprise d’études, un soutien financier spécifique devrait être développé au bénéfice des étudiants issus de la promotion interne. En ce sens, votre rapporteur considère qu’un assouplissement des conditions d’accès au contrat d’engagement de service public (CESP) devrait être réalisé en parallèle d’une revalorisation du montant de l’indemnité versée aux bénéficiaires.
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II. Assumer une territorialisation marquÉe du service public en santÉ par une dÉcentralisation renforcÉe et une dÉconcentration adaptÉe
A. RECENTRER L’État et ses Établissements sur la planification de l’offre de soins
1. Clarifier la chaîne de décision, renforcer la déconcentration des moyens
Une analyse fine de l’organisation du système de santé a conduit votre rapporteur à se forger une double conviction. La première réside dans la nécessité de créer un véritable service public des soins de premier recours, doté d’un chef de file clairement identifié. La seconde porte sur l’assurance d’une plus grande proximité dans la gestion de l’organisation des soins, l’échelon régional des agences n’étant manifestement pas adapté pour territorialiser de façon adéquate les politiques de santé.
● Concernant la création d’un service public des soins de premier niveau, votre rapporteur rejoint le constat établi par Martin Hirsch dans une récente tribune au journal « Le Monde » ([262]). L’ancien directeur général de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) observait, en ce sens, l’absence d’autorité organisatrice des parcours de soins et susceptible d’agir sur la démographie des professionnels. Si la logique de la loi « HSPT » voulait que les ARS tiennent ce rôle, force est de constater qu’elles ne le remplissent pas, à ce jour, suffisamment.
Dans ce contexte, votre rapporteur estime indispensable d’inscrire dans le droit la création d’un service public des soins de premiers recours en charge de l’exercice des missions qui suivent :
– l’assurance d’une répartition équilibrée des professionnels de santé sur le territoire ;
– la prise en charge en soins de ville des patients dans le cadre d’un parcours de soins coordonné ;
– les actions de prévention en santé de premier niveau, y compris en santé mentale ou sexuelle ;
– le diagnostic et le traitement d’affections ne nécessitant pas des plateaux techniques hospitaliers.
Le service public hospitalier : un modèle d’organisation à appliquer
aux soins de premier recours
Le service public hospitalier désigne l’ensemble des missions dévolues aux établissements de santé exercées en cohérence avec les principes généraux d’organisation du service public (1).
Son exercice se caractérise, pour les établissements de santé y contribuant, par le maintien d’un certain nombre de garanties relatives à la permanence du service, au caractère adapté de l’accueil réservé au patient ou encore au respect des grilles tarifaires fixées par l’autorité administrative (2).
Il est ouvert à une diversité d’acteurs relevant du secteur public de la santé, du secteur privé à but non-lucratif – on parlera alors des établissements de santé privés d’intérêt collectif – ou du secteur privé but lucratif (3).
Le respect des missions du service public hospitalier est assuré, en l’état du droit, par l’agence régionale de santé qui peut, en cas de manquement constaté et à l’issue d’une procédure contradictoire, infliger une pénalité financière d’un montant maximal de 5 % des produits reçus des régimes d’assurance maladie ou retirer l’habilitation accordée à l’établissement (4).
En définitive, les dispositions juridiques qui encadrent l’organisation du service public hospitalier permettent d’en identifier distinctement les missions, les obligations, les parties prenantes ainsi que les sanctions éventuelles. C’est cet exercice de clarté que le rapporteur souhaite appliquer à l’organisation des soins dits « primaires ».
(1) Article L. 6 112 - 1 du code la santé publique.
(2) Article L. 6 112 - 2 du code la santé publique.
(3) Article L .6 112 - 3 du code de la santé publique.
(4) Article L. 6 112 - 4 du code de la santé publique.
● Dans cette perspective, la gestion de ce nouveau service public pourrait être confiée aux intercommunalités sous réserve d’une contractualisation avec les services de l’État, représentés par un « sous-préfet délégué à l’accès aux soins ». Cette nouvelle catégorie de sous-préfet dit « à mission » serait créée dans le cadre d’une restructuration des services des agences régionales de santé. Lesdits sous-préfets seront placés sous la tutelle hiérarchique du ministère de l’intérieur et fonctionnelle du ministère de la santé.
Recommandation n° 12 : inscrire dans le code de la santé publique la définition d’un service public des soins de premier recours et en confier la gestion aux intercommunalités dans le cadre de la conclusion des contrats locaux de santé.
Chargé de coordonner les politiques d’accès à la santé dans le département, le « sous-préfet délégué à l’accès aux soins » se verra attribuer le pouvoir d’organisation des services départementaux dans le domaine de la santé.
En outre, il rendra compte, à raison d’une fois par trimestre, de son action au niveau régional lors d’un « comité d’administration régionale » en santé, spécifiquement créé à cet effet.
Enfin, le préfet de région reprendra la tutelle des services régionaux en santé. Il pourra, dans les conditions de droit commun, déléguer les pouvoirs qu’il tire de sa fonction au « sous-préfet délégué à l’accès aux soins », présent auprès de lui au sein de la préfecture de région.
Transformer les ARS : une reprise en main par les services préfectoraux
Le modèle cible visé par le rapporteur entend assurer une profonde réorganisation de la gouvernance des agences régionales de santé au bénéfice du corps préfectoral.
Dans cette perspective, la loi sera modifiée afin de supprimer l’établissement public administratif « agence régionale de santé », au profit de la création d’une « direction régionale à l’accès aux soins ».
Les directions départementales des agences, dont l’existence relève aujourd’hui du champ réglementaire, seront intégrées aux services de l’État dans le département (1) .
Un « sous-préfet délégué à l’accès aux soins » sera nommé en conseil des ministres afin de coordonner l’action des services de l’État dans le domaine de la santé et d’assurer, dans le respect des compétences des intercommunalités, l’organisation du service public des soins de premier recours.
Les personnels départementaux de l’agence seront placés sous l’autorité conjointe du secrétaire général de la préfecture et du « sous-préfet à l’accès aux soins ».
En matière de gouvernance régionale, le préfet de région aura autorité sur les services de la direction régionale et rendra compte de son action au conseil national de pilotage, pour ce qui relève de son action stratégique, et dans le cadre du dialogue de gestion, pour ce qui relève de l’exécution budgétaire.
(1) Cons. const. Décision n° 2015-260-L du 19 novembre 2015 et article L.1 432 -2 du code de la santé publique.
Recommandation n° 13 : mener une restructuration des « agences régionales de santé » et transférer leurs compétences aux directions régionales à l’accès aux soins, sous réserve de la répartition des autres compétences tel que proposée dans le présent rapport.
Recommandation n° 14 : créer une nouvelle catégorie de « sous-préfet délégué à l’accès aux soins » en lieu et place des directeurs départementaux. Confier la tutelle de la direction régionale à l’accès aux soins au préfet de région.
Recommandation n° 15 : maintenir le rôle de contrôle stratégique de l’action en santé des services de l’État et notamment le conseil national de pilotage.
● Si les propositions du rapporteur impliquent une profonde réorganisation de l’action de l’État en santé, elle présente des avantages significatifs. En premier lieu, la création d’un service public des soins de premier recours donnera enfin aux intercommunalités la base juridique leur permettant de répondre, à leur échelle, aux problématiques locales d’accès aux soins.
En outre, la réintégration des compétences des ARS au sein des services de l’État facilitera la gestion de leur masse salariale et permettra un pilotage allégé de leur action. En effet, le format de l’établissement public impliquant une certaine autonomie, les impulsions de politique publique peinent à être pleinement transmises aux agences. À cet égard, votre rapporteur observe que le contrat d’objectifs de moyens et de performance est un instrument à la gestion lourde et qui ne constitue pas le support d’un dialogue stratégique suffisant.
Enfin, le choix de revaloriser – par la création d’une catégorie spécifique de sous-préfet « à mission » – les carrières au sein des services de l’État en charge de la santé permettra, selon votre rapporteur, de résoudre la problématique de qualité de la ressource humaine relevée au cours des auditions.
● Concernant l’exigence de proximité, votre rapporteur estime que la réorganisation de la gouvernance territoriale des politiques de santé pourrait s’accompagner d’une déconcentration plus forte des moyens financiers, en cohérence avec les orientations données par le président de la République, en 2024, à l’occasion de la « conférence managériale de l’État » ([263]).
Sur ce point, il convient d’observer que les agences régionales de santé ont, d’ores et déjà, initié de tels changements en déléguant une partie de la gestion des crédits relevant du fonds d’intervention régional (FIR) à leurs directions départementales respectives. Néanmoins, l’intensité de ces délégations est variable selon les régions, l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur ayant, à titre d’exemple, délégué à peine 5 % de son enveloppe contre plus du double pour la région Grand Est (14 %) ([264]).
En conséquence, votre rapporteur juge nécessaire de consolider une doctrine commune à chaque agence, ou « direction régionale de l’accès aux soins » nouvellement créée, afin d’entériner le principe d’une délégation systématique d’une fraction des crédits relevant du FIR à l’échelle départementale.
Recommandation n° 16 : modifier les articles L. 1 438-8 et L. 1 438-10 du code de la santé publique afin d’assurer une délégation de la gestion à l’échelle départementale d’au moins un tiers des crédits des enveloppes budgétaires régionales des FIR.
2. Internaliser les compétences de gestion et de planification sanitaire par une régulation renforcée du recours aux prestataires extérieurs
La définition des politiques de santé relève, pour votre rapporteur, de l’exercice d’une mission régalienne qui, par construction, a vocation à être conduite, en priorité, par une administration.
Or si cette définition semble, en principe, largement partagée dans un contexte « post-Covid » de déclinaison de la notion de souveraineté au champ sanitaire, les travaux de la commission d’enquête ont permis d’observer un recours persistant des administrations et opérateurs en santé à des sociétés de conseil privées.
S’il ne nie pas l’utilité d’un recours à une expertise extérieure pour des missions pour lesquelles l’État ne dispose pas, en son sein, de compétences techniques adéquates, votre rapporteur s’interroge, en revanche, sur le fait de confier des missions de rédaction de comptes rendus ou visant à identifier des indicateurs susceptibles de déterminer le montant d’une dotation forfaitaire à des prestataires privés ([265]).
Plus largement, il questionne la compétence des prestataires de services pour organiser le déploiement de structures d’accès aux soins non-programmées, dont l’enjeu est non seulement critique pour le système de soins mais nécessite, au surplus, des compétences médicales rarement présentes dans les métiers du conseil. En termes chiffrés, les documents produits dans le cadre d’un contrôle, permettent d’estimer l’ampleur du recours aux prestations de conseil de la direction générale de l’offre de soins à plus de deux millions d’euros (2 163 553 euros) ([266]).
Si cette estimation peut sembler marginale au regard des dépenses des administrations de santé, elle ne constitue pas, pour autant, une photographie fidèle du taux de pénétration des cabinets de conseil dans le champ de cette politique publique. À cet égard, les conclusions du rapport de la commission d’enquête sénatoriale relative à l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques estiment à hauteur de 11 %, le montant des dépenses de conseil de l’État en 2021 relevant du domaine sanitaire et social ([267]).
La tendance n’est d’ailleurs pas à la baisse, ainsi que le rappelle Nicolas Belorgey, professeur agrégé de sciences économiques et qui a consacré sa thèse de doctorat à l’influence des cabinets de conseil sur les établissements de santé : « il y a bien eu une emprise croissante des consultants dans le secteur de la santé » ([268]).
La Cour des comptes abondait en ce sens dans un référé établi au mois d’avril 2018 et qui indiquait un recours « fréquent » des établissements de santé aux prestataires extérieurs, source de « résultats décevants » ([269]), tant pour la conduite de missions d’audit que de projets stratégiques.
Si votre rapporteur note que des mesures de plafonnement des montants des marchés passés et de ré-internalisation des compétences ont été prises, il estime néanmoins nécessaire d’approfondir l’encadrement du recours aux prestataires privés dans le domaine sanitaire.
Le développement du conseil interne et l’encadrement des conditions d’accès aux prestataires extérieurs n’ont pas permis d’enrayer le recours aux cabinets privés
L’encadrement de l’accès à des prestataires extérieurs dans le domaine de la santé s’est matérialisé, au même titre que pour d’autres pans de l’action publique, par un encadrement des conditions de recours, d’une part, et par le développement des métiers du conseil interne au sein de l’État et des administrations publiques, d’autre part.
Concernant les dispositifs de régulation, le Gouvernement a, dès 2022, donné pour consigne de justifier chaque demande de prestation intellectuelle ou de conseil par l’insuffisance des ressources disponibles en interne (1). Enfin, en 2023, un plafonnement du montant des missions, à hauteur de deux millions d’euros par mission, a été acté.
En matière de développement des métiers de l’accompagnement, la création de l’agence de conseil interne au sein de la délégation interministérielle à la transformation publique, en 2018, a contribué à renforcer les capacités de l’État pour soutenir les opérateurs, notamment dans le domaine de la santé. La DITP a ainsi conduit, pour le compte de l’assurance maladie et de la délégation au numérique en santé, une étude visant à développer les parcours de prévention en santé au moyen des plateformes numériques (2).
Plus spécifiquement dans le champ des agences relevant de la tutelle des ministères sociaux, l’agence nationale de l’appui à la performance (Anap) propose, depuis 2009, un large répertoire de services à destination des opérateurs du monde de la santé.
Financée sur la base d’une dotation de l’assurance maladie et d’enveloppes fléchées, elle met à disposition – sous la forme d’appuis collectifs ou individuels – des pratiques et guides à destination des établissements de santé, administrations ou communautés de professionnelles.
En termes chiffrés, l’Anap a, par exemple, accompagné près d’un tiers des hôpitaux de proximité dans le développement de leur activité et la définition de leur projet médical. En matière de transport sanitaire, elle a également conduit un appui collectif auprès de 110 établissements, dont cinq CHU, afin de moderniser leur fonction de transport sanitaire et de répondre au mieux à la demande des usagers (3).
(1) Circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022, précisée par la circulaire n° 6391 SG du 7 février 2023 relative aux prestations intellectuelles informatiques.
(2) Délégation interministérielle à la transformation publique, étude : « Développer les parcours de prévention en santé via les plateformes numériques », 18 juillet 2023.
(3) M. Stéphane Pardoux, réponses aux questionnaires du rapporteur, p. 6, 12 mai 2025.
En conséquence, il propose, en cohérence avec le rapport de la Cour des comptes portant sur ce thème, de limiter encore plus fortement le recours aux prestataires extérieurs par une sensibilisation renforcée des administrations ([270]).
À cet effet, votre rapporteur recommande une modification du code de la commande publique afin de soumettre tout recours à un prestataire privé pour des missions relevant du pilotage stratégique de la politique de santé à une analyse de besoins préalable conduite par les agences et corps d’inspection compétents.
Recommandation n° 17 : modifier le code de la commande publique afin de soumettre à une analyse de besoins préalable le choix de recourir à un prestataire privé pour la conduite de missions relevant de la gouvernance de la politique de santé.
3. Réaffirmer le pilotage politique de l’administration en santé
Parmi les leçons tirées des travaux de la commission d’enquête, la nécessité d’alléger la gouvernance administrative des politiques publiques de santé au profit d’un pilotage politique clair est apparue comme une priorité.
En préambule, il est nécessaire de rappeler qu’aux termes de la Constitution c’est bien le Gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la nation » et use, à cet effet, des moyens administratifs dont il « dispose » ([271]).
Or, votre rapporteur a pu constater, pour des raisons aussi bien conjoncturelles – liées à une certaine instabilité ministérielle récente – que structurelles – du fait de la dimension conventionnelle de pans entiers de la politique publique – la faible capacité des ministres à traduire leurs choix politiques, en matière de santé. C’est à cette forme de dépolitisation de la politique publique de santé qu’il convient désormais de s’attaquer.
Votre rapporteur recommande, à cet effet, de créer une loi de programmation relative aux besoins de santé qui permettra au Gouvernement de traduire plus clairement ses priorités politiques et au Parlement de se prononcer, tous les cinq ans, sur ces grandes orientations. Il insiste sur le fait que la discussion annuelle du PLFSS devra tenir compte des trajectoires d’investissements inscrites au sein de la loi de programmation.
Recommandation n° 18 : créer une loi de programmation des besoins d’investissement en santé dotée d’un horizon pluriannuel de cinq ans.
B. ACTER LA DécentralisATION D’UN SERVICE PUBLIC DES SOINS DE PREMIER RECOURS, RENFORCER l’Échelon dÉpartemental dans la prise en charge de la dÉpendance
1. Pour un contrat local de santé au cœur de l’organisation des soins de premier niveau
En cohérence avec les recommandations précédentes relatives à la création d’un service public des soins de premier recours, votre rapporteur estime nécessaire d’acter une décentralisation concertée de ce pan des politiques de santé.
À cet égard, il considère que les contrats locaux de santé – négociés et signés avec les services de l’État – doivent constituer le principal outil de territorialisation de ce nouveau service public, en lieu et place des dispositifs existants. Cette conviction est d’ailleurs partagée par un certain nombre d’auditionnés qui considèrent le CLS comme la maille adéquate d’organisation des soins de ville. Ainsi, selon Jean-François Moreul, président de la fédération des communautés professionnelles territoriales de santé : « Les contrats locaux de santé jouent également un rôle important. Il est particulièrement intéressant de faire collaborer les professionnels de santé et les élus dans ce cadre » ([272]).
Dès lors, il convient d’intégrer l’ensemble des contractualisations existantes au sein de cet outil unique afin d’en renforcer la portée. Dans cette perspective, une modification législative devrait être conduite afin de fusionner le contrat territorial de santé – dont la définition apparaît d’ailleurs très large – dans le contrat local de santé.
Recommandation n° 19 : fusionner les contrats territoriaux de santé au sein des contrats locaux de santé, en cohérence avec la proposition relative à la création du sous-préfet à l’accès aux soins.
En outre, toutes les structures de prise en charge en soins de ville doivent être associées à la définition de cette politique des soins de premier recours à l’échelle locale. Si des instances de consultation existent, à l’instar du conseil territorial de santé, son positionnement institutionnel reste fragile, pour bon nombre d’acteurs ( leur positionnement institutionnel demeure flou » ([273])).
La suppression de cette instance du CTS en lui substituant, intercommunalité par intercommunalité, le CLS comme principal instrument du dialogue constitue, pour votre rapporteur, une option crédible.
Toutefois, celle-ci ne serait possible et souhaitable qu’à la condition d’associer obligatoirement toutes les structures de coordination en santé à la signature du CLS (CPTS, équipes de soins de premier recours, URPS, plateformes territoriales d’appui).
Recommandation n° 20 : étudier la possibilité de supprimer les CTS au profit de l’élargissement du nombre de signataires des contrats locaux de santé.
2. L’échelon départemental : affirmer une tutelle de principe sur le secteur médico-social avec un soutien de l’État pour pallier les risques de carences
Toujours dans une perspective de territorialisation des politiques sanitaires, la tutelle des établissements sociaux et médico-sociaux gagnerait également à être simplifiée.
Pour des raisons historiques – liées à ses compétences en matière d’aide sociale – et financières du fait de sa participation à l’attribution de l’APA –, le département apparaît comme le principal acteur identifié gestionnaire de ces établissements, y compris pour ceux relevant de l’accueil de personnes âgées dépendantes.
Toutefois, aux termes de l’article L. 313-3 du code de l’action sociale et des familles, les autorisations d’exercice sont, en l’état du droit, délivrées conjointement par le directeur général de l’ARS et le président du conseil départemental, notamment pour les EPHAD et les foyers d’accueil médicalisée (FAM).
Dans ce contexte, votre rapporteur suggère d’aller au bout de la logique de décentralisation des compétences d’autorisation en transférant les compétences encore à la main des ARS aux conseils départementaux. Cette réflexion gagnerait d’ailleurs à s’insérer dans le cadre plus large des conclusions du rapport remis par Éric Woerth au président de la République relatives à la création d’un « service départemental des solidarités » et à une refonte du financement des compétences de cet échelon de collectivité ([274]).
Recommandation n° 21 : modifier le code de l’action sociale et des familles afin de supprimer la double-tutelle administrative des ARS et des départements sur les établissements sociaux et médico-sociaux. Prévoir la compensation de la charge financière ainsi créée au profit des départements.
IV. Soigner mieux partout : lutter contre les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins
1. Le développement nécessaire des assistants médicaux
Libérer les médecins et les professionnels de santé des activités administratives chronophages qui font perdre du temps médical est l’un des leviers qui semblent le plus nécessaire d’actionner à court terme. Plusieurs initiatives législatives ont entendu œuvrer en faveur d’une simplification administrative pour libérer du temps médical.
Pourtant, la mission Albertini-Franzoni ([275]) a constaté un écart important entre ce qu’impose la réglementation concernant la délivrance d’un certificat médical et les demandes issues des organisations et structures (associations sportives, lieux d’accueil des jeunes enfants…) en la matière. À cet effet, plusieurs mesures, ont été prises pour réduire la production de certificats médicaux ([276]).
Votre rapporteur entend accélérer cette dynamique en proposant d’abroger les dispositions légales instituant des obligations injustifiées de certificats médicaux.
Recommandation n° 22 : en cohérence avec les dispositions de la proposition de loi déposée par le président Mouiller, supprimer par voie législative les certificats médicaux considérés comme non essentiels.
2. IPA : renforcer l’accès en ville et l’attractivité du métier
Une deuxième piste de travail concerne le développement de la pratique avancée. À cet égard, l’IGAS encourageait le déploiement des IPA, eu égard à « l'impact très positif de l'installation des premières IPA en matière de qualité de suivi et de soins des patients comme d'amélioration des conditions d'exercice des médecins impliqués » ([277]).
Pourtant, cette réforme ne porte pas encore pleinement ses fruits. L’IGAS soulignait que l’essor de la pratique avancée a été « contrarié à la fois par la dépendance au médecin qu’elle instaure pour l’accès à la patientèle, et un modèle économique inadapté et sous-dimensionné » ([278]).
La loi transpartisane sur la profession d’infirmier, récemment adoptée par le Parlement ([279]), a entendu faciliter l'évolution des IPA, qui pourront désormais exercer dans de nouveaux secteurs : dans les services de protection maternelle et infantile (PMI), de santé scolaire, d'aide sociale à l'enfance (ASE) ou d’accueil du jeune enfant. Les infirmiers de spécialité (anesthésie, bloc opératoire, puériculture) pourront eux-aussi exercer en pratique avancée tout en conservant leur spécialité. Enfin, une procédure facultative de reprise d'activité est mise en place pour les infirmiers et les IPA ayant interrompu leur carrière pendant plus de six ans.
Il faut accélérer leur déploiement afin de répondre aux besoins de soins exprimés dans les territoires. Le législateur avait estimé qu’ils pouvaient concerner entre 1 % et 3 % des infirmiers recensés. Une telle proportion reviendrait aujourd’hui à disposer d’environ 6 000 à 18 000 IPA, en retenant le nombre actuel d’infirmiers en exercice. Le déploiement des IPA est largement inférieur aux objectifs qui avaient été fixés. Le « Ségur de la santé » visait 3 000 IPA formés ou en formation d’ici à la fin de 2022. Afin d’atteindre les objectifs fixés, votre rapporteur invite les pouvoirs publics à accélérer le déploiement des IPA. À cet égard, il préconise un maintien partiel de rémunération pour les infirmiers libéraux en formation pour exercer en pratique avancée d’une part, et une refonte du modèle économique de l’exercice libéral en pratique avancée d’autre part.
Si les dernières évolutions législatives ont permis de surmonter certains freins au déploiement de la pratique avancée, il apparaît nécessaire d’aller encore plus loin car les retours d’expérience des professionnels sur ce dispositif sont très encourageants. À cet égard, pour le rapporteur, la redéfinition du cadre d’exercice des IPA doit aller vers la reconnaissance du caractère « intermédiaire » de la profession, entre le médecin et l’IDE, afin de renforcer sa place dans le parcours de soins. Le champ des prérogatives des IPA doit être étendu, notamment en matière de prescription médicamenteuse dans le cadre de pathologies stabilisées ou en prévention, afin d’éviter des consultations médicales de routine. L’accès direct doit être renforcé pour les activités d’orientation, d’éducation, de prévention, et de dépistage. Par ailleurs, les protocoles d’organisation doivent être assouplis et les modalités d’adressage du patient doivent être simplifiées afin de favoriser la mise en œuvre d’un exercice coordonné entre praticiens.
Recommandation n° 23 : Assurer une revalorisation de l’indemnité des infirmiers de pratique avancée.
Recommandation n° 24 : Assouplir les protocoles d’organisation et simplifier les modalités d’adressage du patient afin de mieux coordonner l’exercice des praticiens.
Étendre le champ des prérogatives et renforcer l’accès direct aux IPA pour les activités d’orientation, d’éducation, de prévention et de dépistage.
3. Le cas des PADHUE : des examens pratiques à entamer
Les PADHUE constituent une opportunité, voire une nécessité pour le système hospitalier, face à la désertification médicale et à la baisse de la densité des praticiens.
Le statut de « praticien associé à diplôme hors Union européenne » a été créé par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a entendu rénover la procédure de droit commun d'autorisation d'exercice afin de sécuriser le parcours de ces praticiens et d'améliorer leur accueil en établissement.
Aujourd’hui, le nombre de médecins étrangers (dont les médecins diplômés en Union européenne) disposant du plein exercice en activité et inscrits au tableau du Cnom est de 30 961, soit deux fois plus qu’en 2010. Ils représentent désormais 13,1 % des médecins en activité, contre 7,1 % en 2010 ([280]). Ces médecins sont inégalement répartis sur le territoire et sont majoritairement présents dans les départements d’Île-de-France, qui comptabilisent près de 30 % des médecins diplômés à l’étranger. Pour autant, le Cnom remarque que les médecins étrangers sont davantage présents en proportion dans les départements où la densité médicale est faible. Dès lors, les Padhue contribuent pleinement au maintien de l'offre de soins et permettent de répondre aux besoins importants de recrutement des établissements de santé.
Les médecins ayant obtenu leur diplôme hors Union européenne représentent, en 2024, 7,5 % des médecins en activité, soit une augmentation de 3,5 points par rapport à 2010. Leur augmentation est particulièrement visible dans les spécialités chirurgicales et médicales (10,6 % des médecins en activité). Au 1er janvier 2024, 17 619 PADHUE exerçaient en France, dont 3 430 médecins généraux, 1 528 psychiatres et 1 413 anesthésistes-réanimateurs. Après cinq ans d’exercice, 50 % des PADHUE exercent toujours en milieu hospitalier et 17,6 % exercent en libéral. Les médecins diplômés à l’étranger en activité en France sont des médecins du quotidien, tant au sein d’établissements de santé public et de cabinets libéraux que de structures privées.
L’augmentation du nombre de médecins PADHUE régularisés depuis 2010 marque le besoin de recrutement des établissements de santé. Chaque année, le nombre de postes ouverts aux épreuves de validation des compétences – parcours de droit commun pour obtenir une autorisation d’exercice – est en augmentation. La Fédération hospitalière de France souligne que les spécialités ayant le plus recours aux PADHUE sont celles pour lesquelles les difficultés de recrutement sont les plus marquées, telles que la psychiatrie, la médecine d’urgence, la pédiatrie, la médecine générale et la gériatrie ou encore la gynécologie-obstétrique.
Les épreuves de validation des compétences, communes à tous les médecins étrangers, apparaissent mal calibrées, ne prenant pas en compte l’expérience pratique des praticiens ayant exercé en France et favorisant les médecins tout juste sortis de formation. Il apparaît nécessaire de créer des épreuves spécifiques de validation des compétences mieux adaptées aux praticiens ayant une expérience préalable de deux ans au sein d’une structure de santé.
À cet effet, votre rapporteur propose de confier aux présidents de CME le soin de titulariser des PADHUE, après avis conforme du conseil régional de l’Ordre des médecins et sous réserve d’une durée minimale d’exercice.
Recommandation n° 25 : Confier aux présidents de CME en lien avec le conseil de l’Ordre le soin de titulariser au cas par cas les PADHUE qui justifient d’une durée minimale d’exercice en France.
1. « La Grande Sécurité sociale » : assurer une meilleure couverture aux publics précaires, soulager les finances de la branche maladie
Cette piste de travail est considérée par beaucoup comme un véritable « serpent de mer » mais mérite pourtant une attention accrue, tant en faveur d’une meilleure couverture des publics précaires que pour réaliser d’importantes économies budgétaires liées aux frais de gestion. À cet égard, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM) a publié un rapport en janvier 2022 sur l’évolution de l’articulation entre la sécurité sociale et l’assurance maladie complémentaire.
Le HCAAM rappelle que 4 % des Français ne bénéficient pas d’une assurance maladie complémentaire (AMC), et ce taux monte d’ailleurs à 13 % pour les chômeurs. Pour les personnes précaires, le reste à charge se révèle important sur des soins essentiels, en particulier en matière de séjours hospitaliers. Par ailleurs, le rapport souligne que la protection est moindre pour les risques plus lourds : incapacité temporaire, invalidité, décès ou chômage. Quant aux frais de gestion, la France se place au deuxième rang de l’OCDE et les taux d’effort des ménages pour leurs dépenses restent importants.
Le Haut Conseil estime également que la multiplication segmentée des aides pour généraliser l'accès aux mutuelles (réforme du « 100 % santé ») a créé des inégalités et des « ruptures de mutualisation qui n'ont pas été forcément anticipées ». En effet, les aides sont liées à la situation professionnelle et bénéficient aux personnes ayant un emploi dans le secteur privé via des contrats collectifs. Cette politique crée un effet d’éviction, notamment pour les retraités qui ne peuvent prendre en charge les frais d’assurance qui augmentent avec l’âge. Ainsi, en 2020 les primes et les restes à charge dans le revenu étaient plus élevés de 6,6 % en moyenne pour les ménages dont la personne le plus âgée a plus de 80 ans.
Le scénario 3 (« augmentation des taux de remboursement de la sécurité sociale ») entend renforcer l'équité et garantir l'accès aux soins, restituer aux ménages une fraction importante des frais de gestion des complémentaires dans une perspective de renforcement du pouvoir d'achat et simplifier le système tout en le rendant plus transparent. Il prévoit d’augmenter les taux de remboursement de l’assurance maladie obligatoire (AMO) et de supprimer les tickets modérateurs, en contrepartie d’une réduction du champ d’intervention des assurances complémentaires aux seules dépenses de santé non comprises dans le panier de soins de l’AMO (dentaire, optique, audioprothèse, etc.) et aux dépassements d’honoraires. Par ailleurs, seraient supprimés l’obligation de souscription des employeurs à une complémentaire, les dispositifs similaires dans la fonction publique et les exonérations fiscales des contrats collectifs.
D’après le HCAAM, la mise en œuvre de ce scénario entraînerait une augmentation des remboursements de l'AMO de près de 19 milliards d'euros par an, avec un coût total pour les finances publiques évalué à 22,5 milliards d'euros, dont une diminution des recettes de la taxe de solidarité additionnelle, due sur les cotations des contrats d’AMC de l'ordre de 3,6 milliards d'euros. Dans le même temps, le marché des complémentaires se contracterait à hauteur de 70 %, soit 27 milliards d'euros, en raison notamment, selon le HCAAM, de la désaffiliation de 50 % des assurés. Une telle réforme induirait des gains pour toutes les catégories d'assurés (jusqu'à 260 euros par an pour les retraités) et une baisse des primes croissante avec l'âge (jusqu'à 1 100 euros par an pour les plus de 80 ans). Elle profiterait davantage aux personnes âgées, le gain moyen étant estimé à 450 euros par an pour les plus de 80 ans, mais conduirait dans le même temps à une hausse des cotisations d'AMO ou de CSG.
Par ailleurs, la « Grande sécu » impliquerait la mise en place d'un plan d'accompagnement à l'attention des salariés des complémentaires santé (reclassement interne, reprise volontaire par les organismes de sécurité sociale, reconversion dans d'autres métiers), dont le coût absorberait une partie des 7,6 milliards de frais de gestion économisés par la réforme.
Votre rapporteur souligne la pertinence de cette piste d'évolution de l'articulation entre l’AMO et l’AMC afin de limiter les frais de gestion et améliorer la couverture santé des plus précaires.
Recommandation n° 26 : Étudier la possibilité de créer une « Grande Sécurité sociale ».
2. La médiation en santé et les centres de soins participatifs : renforcer et pérenniser leurs financements
● Le rôle de la médiation en santé est majeur pour améliorer l’accès aux droits et aux soins curatifs et préventifs en favorisant l’autonomie des plus vulnérables et des plus éloignés du système de santé d’une part, et pour sensibiliser les professionnels de santé aux éventuelles difficultés des patients à réaliser leurs parcours de soin et de prévention selon le référentiel édicté par la Haute Autorité de Santé en 2017 ([281]) .
Face à la multiplication des fractures financières, sociales ou territoriales d’accès aux droits sanitaires, qui se traduisent par des différences d’espérance de vie ou d’incidence de certaines pathologies évitables (cancers, diabète, obésité, etc.), la médiation en santé constitue une réponse pertinente à généraliser pour faciliter le parcours de soins de patients cumulant des vulnérabilités telles que la précarité sociale, la barrière linguistique, la perte d’autonomie, les troubles de santé mentale, l’isolement géographique ou encore la fracture numérique. Ces diverses vulnérabilités aboutissent à des interruptions ou des renoncements dans les parcours de soins, tant curatifs que préventifs. La commission d’enquête a pu auditionner Mme Katy Bontinck, première adjointe au maire de Saint-Denis, chargée de la santé, ville particulièrement innovante en la matière. Cette notion se trouve au cœur de la démarche « d’aller vers » pour favoriser l’accès aux droits sanitaires à laquelle le rapporteur est sensible.
● Les centres et maisons de santé « participatifs » (également appelés « communautaires ») visent à offrir une prise en charge sanitaire et sociale en ville de premier recours, tournée vers les besoins de leurs usagers et généralement implantée dans des territoires défavorisés. Cette prise en charge est particulièrement adaptée aux populations précaires ou éloignées du soin, car elle se fonde sur un accompagnement médico-psycho-social mis en œuvre par une équipe pluriprofessionnelle, associant notamment des médecins généralistes et auxiliaires médicaux, des psychologues, des agents d’accueil, des médiateurs en santé et des interprètes professionnels. Ces professionnels, par différents biais, font participer les usagers au projet de santé de la structure, en visant à les rendre acteurs de leur propre santé. Leurs modes de financements actuels ne permettent pas d’assurer la soutenabilité de ces structures, tant en termes d’équilibre budgétaire que de pérennité des financements. Dans le cadre de l’article 51 de la LFSS pour 2018, une expérimentation d’innovation en santé intitulée « Structures d’exercice coordonné participatives » (SECPA) a été lancée en 2021. L’objectif est d’inscrire les centres et maisons de santé « participatifs » dans un modèle économique pérenne et soutenable et ainsi, permettre les conditions de leur essor. L’évaluation menée sur la période d’expérimentation présente des résultats favorables au sein des 26 structures – dont 13 centres de santé et 13 maisons de santé pluriprofessionnels – et dès 2026, le modèle de SECPA pourra intégrer le droit commun et être transposé sur d’autres territoires.
Néanmoins, ces structures sont actuellement financées sur la base de crédits d’expérimentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SNPLP). Votre rapporteur s’inquiète de l’absence de financement pérenne et propose un fléchage de moyens adéquats vers ces actions.
Recommandation n° 27 : Pérenniser le financement des centres de soins participatifs.
1. Les collectivités territoriales : une contractualisation obligatoire sur les grands thèmes de prévention
Aux termes de l’article L. 1 411-1 du code de la santé publique dispose que « La politique de santé relève de la responsabilité de l'État ». Cependant, les collectivités territoriales participent de manière substantielle à la prévention et la promotion de la santé. L’article L. 1 110-1 du code de la santé publique précise que les collectivités territoriales et leurs groupements contribuent à développer la prévention, à garantir l'égal accès de chaque personne aux soins et assurer la continuité des soins et la sécurité sanitaire, « dans le champ de leurs compétences respectives fixées par la loi ».
Ainsi, les collectivités financent des actions et campagnes d’information, de promotion et d’éducation à la santé, de vaccination, des examens de santé. Les départements financent les services de protection maternelle et infantile, les centres de santé sexuelle et parfois des associations départementales du Planning Familial et une autre partie du planning familial. Les départements portent également une partie du dépistage et de la lutte contre les maladies infectieuses et une partie du dépistage organisé de cancers. Les communes complètent le financement de la PMI et sont chargées pour partie de la médecine scolaire et d’autres examens de prévention. Selon le jaune budgétaire relatif à la prévention en santé du PLF 2024, 1,018 milliard d’euros avaient été recensés au titre des dispositifs de prévention portés par les collectivités territoriales (soit 17 % du total des moyens recensés).
Néanmoins, la multiplicité de plans de prévention sanitaire, amplifiée par les nombreuses initiatives des collectivités territoriales, génère des difficultés de lisibilité et affaiblit la cohérence et l’efficacité de l’action publique. D’après la Cour des comptes, au niveau régional, la coordination interministérielle dans le domaine de la prévention sanitaire s’est avérée insuffisante, même après la mise en place des ARS en 2010 ([282]). Les ARS se sont souvent largement mobilisées, notamment par le biais des contrats locaux de santé, et collaborent avec de nombreuses collectivités locales mais ces actions sont hétérogènes, engagent une multiplicité d’acteurs et sont souvent dépourvues d’indicateurs, rendant difficile une vision d’ensemble au niveau d’une région ou d’un territoire.
2. Approfondir la stratégie décennale de lutte contre le cancer
En 2019, 3,3 millions de personnes en France étaient prises en charge pour un cancer actif ou faisaient l’objet d’une surveillance post-traitement, représentant 4,92 % de la population. Ce chiffre a progressé de 10 % entre 2015 et 2019, représentant près de 300 000 cas supplémentaires. L’augmentation observée s’explique principalement par l’amélioration significative de la survie, rendue possible par les avancées thérapeutiques, tandis que le nombre de nouveaux cas et les décès enregistrent une légère diminution. Le cancer représente la première cause de mortalité chez les hommes et la seconde chez les femmes. Par ailleurs, la France affiche des résultats moins favorables que la moyenne européenne en matière de mortalité prématurée liée au cancer, selon les standards internationaux ([283]).
Trois Plans cancers ont déjà été mis en œuvre et ont permis des avancées majeures. Ainsi, grâce à la recherche en médecine, il est désormais possible de guérir un malade du cancer sur deux. Pourtant, sur près de 400 000 nouveaux cas de cancers diagnostiqués chaque année, 40 % d’entre eux, soit 160 000 cas, pourraient être prévenus en agissant sur des facteurs du quotidien et en améliorant la prévention. La Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021- 2030 ([284]) est marquée par une volonté forte d’améliorer l’offre de santé, sur les champs de la prévention primaire, du dépistage et des parcours de soins. Elle mobilise l’ensemble des moyens d’intervention disponibles, de la recherche jusqu’aux soins, pour faire face aux inégalités de santé et réduire la mortalité liée à des cancers évitables. Dans ce cadre, la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 se fixe des objectifs ambitieux.
La stratégie entend réduire de 60 000 cas par an le nombre de cancers évitables, à horizon 2040, alors qu’ils sont aujourd’hui estimés à environ 153 000 cas par an. En vue de l’atteinte de cet objectif, il est programmé la réalisation d’un million de dépistages des cancers colorectal, du sein et du col de l’utérus supplémentaires d’ici 2025. L’amélioration de l’accès aux dépistages est ainsi essentielle afin de dépasser les objectifs de couverture recommandés au niveau européen. La stratégie entend également garantir l’équité d’accès aux soins et de prise en charge en matière de lutte contre le cancer sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les outre-mer.
La lutte contre les cancers s’appuie sur une stratégie de moyen terme, déployée sur une période de dix ans, afin d’offrir une vision claire aux acteurs concernés et de permettre des transformations structurelles. Dotée de 237 actions et d’un budget global de 1,74 milliard d’euros pour les cinq premières années, cette stratégie bénéficie d’un financement à la hauteur de ses ambitions. Sa mise en œuvre s’inscrit dans une logique évolutive ([285]) : les objectifs et priorités peuvent être ajustés en fonction des résultats obtenus, grâce à une évaluation réalisée à mi-parcours.
L’évaluation intermédiaire du plan est en cours et, à l’issue de ce bilan de mi-parcours, le travail d’élaboration de la seconde feuille de route de la stratégie décennale, pour la période 2026-2030 pourra débuter. La proposition de seconde feuille de route sera adressée par l’Institut national du cancer au Gouvernement à la fin de l’année 2025 pour une mise en place effective au début de l’année 2026.
3. Le « sport santé » : une nouvelle stratégie nationale à déployer dans l’après J.O.P
Alors que l'inactivité physique est aujourd'hui responsable de 9 % des décès par an en France, votre rapporteur constate l’urgente nécessité de mener une politique publique ambitieuse en faveur du sport-santé, tant pour les enfants que pour les seniors.
La précédente Stratégie nationale sport santé (2019-2024) a permis la création de 573 structures reconnues comme « maisons sport santé », qui contribuent à la prévention du surpoids et de l’obésité. Pourtant, comme le rappelle le récent rapport de la mission Delandre ([286]), elle souffre d’un défaut de prescription du sport-santé sur ordonnance et d’un manque de financement équitable et pérenne. Une enquête de l'Union nationale des maisons sport-santé (UNMSS) révèle que 94 % des maisons sport-santé (MSS) considèrent leur modèle économique précaire et 20,8 % déclarent avoir un modèle déficitaire.
La fragilité de ce modèle interpelle votre rapporteur qui a pu en constater les bienfaits dans son territoire à travers de l’exemple de la maison sport santé « APS Vosges ». En conséquence, il propose d’inciter les collectivités à inscrire plus régulièrement le développement du sport-santé dans leurs contrats locaux de santé.
Il souhaite également instaurer un financement pérenne au sein de l’ONDAM et assurer le remboursement par la Cnam des séances d’activité physique adaptée pour la prévention des chutes chez les personnes âgées ou à risque.
Recommandation n° 28 : Inciter à l’inscription d’actions relevant du sport-santé dans les contrats locaux de santé.
Instaurer un financement pérenne au sein de l’ONDAM.
Assurer le remboursement par la Cnam des séances d’activité physique adaptée pour la prévention des chutes chez les personnes âgées ou à risque.
1. Accompagner le « virage domiciliaire » : le développement des équipes mobiles dans la lignée de l’hospitalisation à domicile
La commission a porté son attention sur les alternatives au « tout-hospitalisation », tant pour soulager les praticiens hospitaliers que pour améliorer le bien-être des patients. Le développement de l’hospitalisation à domicile (HAD), en particulier pour les personnes âgées dépendantes, constitue une piste pertinente pour éviter ou raccourcir une hospitalisation conventionnelle et assurer le « virage domiciliaire ».
L’HAD se concentre sur certains types de prise en charge : soins palliatifs, pansements complexes, assistance respiratoire ou nutritionnelle, chimiothérapies, soins à des patients lourdement dépendants. Avec 281 structures d’hospitalisation à domicile et 7,2 millions de journées en 2023 selon les données de l’agence nationale d’appui à la performance hospitalière (ANAP), l’HAD est en pleine croissance avec une hausse de 52 % du nombre de journées entre 2013 et 2021 ([287]).
L’augmentation de l’activité est notamment due à l’extension des pathologies habilitées à en bénéficier, à l’instar de la réhabilitation améliorée après chirurgie cardiaque. Par exemple, Mme Margaux Creutz Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), a évoqué en audition le projet « CoPa » ou « coaching parental », dans le cadre d’une expérimentation de type article 51, qui « vise à offrir à toutes les femmes un accompagnement à domicile par une auxiliaire de puériculture hospitalière à domicile » ([288]). Le déploiement des nouvelles autorisations ainsi que des nouvelles mentions (enfants de moins de 3 ans, ante et post-partum, réadaptation) permet ainsi une offre d’HAD plus riche, plus précise et une couverture territoriale plus large afin de garantir un accès aux soins d’HAD optimal sur tout le territoire, y compris dans les départements et régions d’outre-mer.
L’HAD propose un système organisé et coordonné de soins complexes et continus entre l’hôpital et le médecin traitant de ville. L’admission en HAD et la sortie d’HAD peuvent ainsi être prescrites aussi bien par le médecin hospitalier que par le médecin traitant. Selon la DREES, en 2022, 159 000 patients sont pris en charge en hospitalisation à domicile (HAD), pour 274 600 séjours, dont plus de la moitié concerne des patients de 65 ans ou plus ([289]).
La part de patients admis directement depuis leur domicile poursuit sa progression (48 % en 2022, après 37 % en 2019). Pour une majorité d’entre eux, l’HAD évite une hospitalisation en établissement de santé avec hébergement, puisque 33 % de ces séjours permettent aux patients de demeurer chez eux après le séjour (contre 25 % en 2019).
Même si l’HAD n’a pas pour mission de répondre spécifiquement aux besoins des personnes âgées, leur part y est de plus en plus importante : en 2022, les patients de 65 ans ou plus totalisent ainsi 57,6 % des séjours (dont 27,3 % pour les 80 ans ou plus). L'HAD pourrait s'avérer particulièrement appropriée pour des patients âgés résidant en EHPAD si les établissements s'organisaient pour faciliter ce type de prise en charge dans leurs locaux.
Cependant, l’hospitalisation à domicile reste trop peu mobilisée, en raison d’un recours trop systématique à l’hébergement hospitalier et d’une méconnaissance de ses prescripteurs éventuels sur les modes de prise en charge, malgré la feuille de route stratégique nationale 2021-2026 relative à la HAD. L’enjeu d’une meilleure connaissance de cette activité auprès des prescripteurs demeure essentiel.
Afin d’améliorer la coordination et la complémentarité avec les filières gériatriques et les équipes mobiles hospitalières, votre rapporteur préconise d’accroître le recours à l’HAD par les services hospitaliers de gériatrie, et de développer les liens avec les équipes mobiles intervenant dans les champs des personnes âgées, en situation de handicap, atteintes de troubles psychiatriques ou en situation de précarité.
Recommandation n° 29 : Accroître le recours à l’hospitalisation à domicile par les services hospitaliers de gériatrie, et développer les liens avec les équipes mobiles intervenant auprès des personnes âgées, en situation de handicap, atteintes de troubles psychiatriques ou en situation de précarité.
2. Maîtriser l’évolution du reste à charge en cas de dépendance lourde : la création d’une assurance dépendance obligatoire
La couverture de la dépendance se compose aujourd'hui de deux éléments principaux :
– l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) en constitue la part principale : versée pour compenser les besoins de la personne âgée dépendante, elle peut engendrer un important reste à charge selon les ressources du bénéficiaire et n’ouvre droit qu’à des prestations en nature ;
– l’assurance privée facultative peut venir compléter ce premier étage de couverture assuré par la solidarité nationale : elle est très majoritairement fournie par des organismes complémentaires (assurances complémentaires, mutuelles, institutions de prévoyance). Les garanties dépendance individuelles sont généralement proposées dans le cadre de deux types de contrats : les contrats de prévoyance (dans lesquels elle est la garantie principale) et les contrats d'assurance-vie (dont elle constitue une garantie complémentaire optionnelle).
Les garanties et les conditions proposées par ces offres sont hétérogènes. C'est en effet le contrat d'assurance qui définit la notion de dépendance, la plupart des contrats faisant appel à des critères relatifs à la dépendance psychique ou à la dépendance fonctionnelle ou physique, ainsi que les conditions de mise en jeu de la garantie. Selon les contrats, l'état de dépendance peut être soit déterminé par le médecin traitant, soit par le médecin désigné par la compagnie d'assurance. Les garanties couvrent soit la dépendance totale, soit la dépendance partielle.
Cependant, la couverture actuellement assurée par la solidarité nationale se situe à un niveau structurellement insuffisant via l'APA. Le secteur assurantiel facultatif peine quant à lui à remplir simultanément l'objectif d'une couverture large et efficace (soit la couverture est mutualisée mais trop rigide, soit elle est individualisée mais trop onéreuse). Ce marché est très faiblement développé car, couvrant 7,4 millions de personnes, il ne génère que 814 millions d'euros de cotisations, à comparer aux 40 milliards d'euros générés par le marché des complémentaires santé. De plus, elle alimente de phénomènes de sélection adverse, qui écartent une grande partie des classes moyennes de la couverture dépendance.
Dans ce contexte, l’action publique doit s’efforcer d’apporter une réponse durable et efficace aux difficultés rencontrées par les familles dans le cadre de la prise en charge de la dépendance totale. Votre rapporteur plaide pour offrir une couverture équitable du risque de dépendance en instaurant un mode complémentaire de financement de la dépendance et de solvabilisation de la demande, celui d’un système d’assurance dépendance obligatoire par répartition. Il reposerait ainsi sur une large mutualisation des coûts afin de limiter le reste à charge des assurés, en particulier ceux souffrant de dépendance lourde (soient des groupes iso-ressources 1 et 2), sur la base d’un contrat défini par la puissance publique dont la gestion serait confiée à des assureurs privés en concurrence régulée ([290]).
Ce dispositif, obligatoire, permettrait à tous les assurés de bénéficier d'un tarif unique. Le socle de base du dispositif offrirait une garantie prévoyant le versement d'une rente viagère, dont le montant pourrait être de 300 euros à 500 euros selon le niveau de la cotisation, en cas de « dépendance totale » définie par référence aux GIR 1 et 2. Dès que l’assuré perçoit l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), il se voit verser automatiquement la rente pour financer les dépenses liées à sa perte d’autonomie. Cette prestation dépendance généralisée pourrait ainsi prendre en charge une partie du reste à charge des personnes âgées, que ce soit à domicile ou en établissement. Pour les résidents d'Ehpad, ceci pourrait permettre de supprimer le reste à charge sur la section dépendance et de réduire le reste à charge sur la section hébergement et ce, en déduisant la réduction d'impôt sur les frais d'accueil en Ehpad ([291]).
Ainsi, le recentrage des budgets aujourd’hui affectés au financement de l’APA permettrait de mettre en place une assurance du risque de dépendance lourde qui couvrirait très largement l’ensemble des surcoûts liés à la dépendance (soins, dépendance stricto sensu et hébergement).
Pour les situations de dépendance légère, un financement public sous condition de ressources viendrait compléter cette offre car ce risque ne pose véritablement problème que pour les ménages à faibles ressources, ce qui justifie un dispositif de soutien, mais non une assurance obligatoire et universelle ([292]).
1. Sortir des logiques de seuils pour privilégier la sécurité des soins
● Le rapport d’Yves Ville publié par l’Académie de médecine appelait en 2023 à une réforme structurelle urgente des maternités, constatant « la saturation des maternités de type 2 et 3 ; la raréfaction de l'offre privée à but lucratif ; la crise d'attractivité des métiers de la périnatalité ; l’accélération de la fermeture des plus petites structures, voire des structures moyennes (de 1000 à 2000 accouchements) ; (…) le retentissement sur l'offre de soins et sur l'activité chirurgicale des établissements supprimant leur activité obstétricale » ([293]).
La transformation de l'offre de soins doit affronter dans le même mouvement deux défis qu'elle ne peut éviter : d’une part, le décrochage de sécurité et de qualité des soins par une inadéquation de l'offre aux risques ; d’autre part, la raréfaction durable de la ressource médicale et paramédicale.
Selon Mme Margaux Creutz-Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), pour remédier à ces problèmes, « la réalisation de diagnostics territoriaux partagés avec les ARS permettrait d’établir les véritables besoins du territoire, d’identifier les solutions possibles, en gardant en tête les indicateurs de périnatalité, et de sécuriser les maternités essentielles » ([294]).
Recommandation n° 30 : Réaliser un audit de l'offre de soins périnatale territoire par territoire.
● La révision des décrets de 1998 est également considérée comme indispensable par l’ensemble des acteurs entendus par le rapporteur. Selon M. Bertrand Lacroix de Vimeur de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, « cette activité soumise à autorisation est la seule dont la réglementation n’a pas été revue depuis 1998 ! » ([295]).
Pourtant, les décrets de 1998 visaient à renforcer la sécurisation des maternités. En dépit de progrès notables, cet objectif n'a pas été totalement atteint, la Cour des comptes constatant en 2015 que « les résultats médiocres de la France en matière de périnatalité s'expliquent en partie par le respect encore très inégal, malgré des progrès, des normes instituées par les décrets du 9 octobre 1998 » ([296]).
La sûreté de l’exercice d’une maternité semble davantage liée à l’organisation de la structure et au niveau d’encadrement présent qu’au nombre de naissances selon la littérature scientifique – bien que la pratique semble davantage risquée en-deçà d’un certain nombre d’actes par an. En effet, selon M. Bertrand Lacroix de Vimeur de Rochambeau, « c’est à ce titre que le seuil de 300 accouchements – soit moins d’un accouchement par jour – est critique. Comment voulez-vous qu’une équipe soit performante vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept si elle effectue moins d’un acte par jour ? » ([297]).
Votre rapporteur refuse pour autant de retenir un nouveau seuil de naissances annuel comme seul indicateur de viabilité d’une structure. Ce paramètre numérique, qu’il s’agisse d’un seuil de 300 ou de 1 000 accouchements par an, doit s’accompagner de critères qualitatifs et sécuritaires afin de mieux prendre en compte l'évolution des situations et du profil des patientes de même que certains impératifs comme l’isolement géographique ou l’intégration à un réseau de structures. Les sociétés savantes des professionnels de santé périnatale ont d’ailleurs formulé depuis 2018 plusieurs propositions de renforcement des seuils minimaux par catégories de soignants, notamment pour les infirmières au sein des unités d'obstétrique et de néonatologie.
S’il est illusoire de redéployer un maillage serré de petites maternités sur tout le territoire, il convient d'anticiper les effets que pourraient avoir la réorganisation des activités de maternité sur l'ensemble des activités des établissements. La Cour des comptes pointait déjà ces effets en 2014, soulignant que « les implications possibles de ces restructurations sur le maintien des autres activités chirurgicales de l'établissement, gynécologiques ou plus générales, doivent être examinées à l'échelle de l'offre de soins territoriale » ([298]).
Recommandation n° 31 : Étudier l’opportunité de réviser les décrets de 1998 afin de supprimer les seuils quantitatifs de naissances au profit d’indicateurs moins standardisés portant sur la stabilité et la qualité des équipes.
2. Revaloriser le métier de sage-femme
● Face à une crise d’attractivité de la profession de sage-femme, il apparaît impératif d’œuvrer pour une meilleure considération à travers la reconnaissance du statut de praticien hospitalier pour les sages-femmes hospitalières, comme le réclame le Conseil national de l’ordre des sages-femmes (CNOSF). En effet, les maïeuticiens demeurent administrativement assimilés à des professionnels non médicaux, malgré des responsabilités autonomes de haut niveau, les empêchant de prétendre à une gratification à la hauteur de leurs compétences. Ce statut permettrait aux praticiens de développer l’exercice mixte, aujourd’hui limité à seulement trois ans d’exercice, et améliorerait l’offre de soins disponible tant en structures hospitalières qu’en libéral.
Recommandation n° 32 : Assurer la reconnaissance du statut de praticien hospitalier aux sages-femmes hospitalières.
V. Hôpitaux publics et établissements de santé privés : passer d’une concurrence défaillante à une solidarité réelle
1. Pouvoir de sanction et capacité d’intéressement : les enjeux d’un renforcement du pouvoir de chef d’établissement
Les procédures disciplinaires existantes, tant pour le personnel médical que pour le personnel non médical, établissent de manière exhaustive la liste des sanctions administrables par le chef d’établissement en cas de fautes avérées, avec un impact éventuel sur la rémunération des sanctionnés. Comme le propose la FHF, il serait pertinent d’élargir la liste de ces sanctions sans passage par la réunion préalable à un Conseil de discipline (aujourd’hui limitée essentiellement à celles du premier groupe, soit les plus légères – avertissement, blâme, exclusion temporaire – l’échelle comptant quatre groupes) pour gagner en réactivité.
M. Francis Saint-Hubert, président de la Conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers (CNDCH), constate que « le centre national de gestion ne peut plus gérer efficacement toutes les situations individuelles. Une réflexion sur la régionalisation de certaines compétences s'impose, tout en maintenant la gestion de certains aspects au niveau des établissements, y compris pour les médecins et les directeurs » ([299]).
Une moindre centralisation des procédures disciplinaires médicales permettrait par conséquent de renforcer la cohérence des sanctions entre personnel médical et non médical concernant les fautes relevant de dimensions comportementales (notamment les faits de harcèlement et les violences à caractère sexiste et sexuel), sans lien avec l’exercice direct de la médecine.
Selon M. Thierry Godeau, « la portée du disciplinaire dans nos établissements mérite une réflexion approfondie. Pour des cas mineurs, un blâme ou un avertissement du CNG n'a pas nécessairement d'impact significatif, surtout lorsque ces décisions sont notifiées avec un retard considérable » ([300]). Les commissions régionales paritaires, où les syndicats sont présents, offrent donc une alternative qui permettrait de garantir les droits de la défense.
Recommandation n° 33 : Décentraliser les procédures disciplinaires médicales à l’échelle de l’établissement pour les fautes comportementales et à l’échelle des commissions régionales de l’Ordre des médecins pour les fautes liées à l’exercice de l’art.
Étudier dans cette perspective l’opportunité de supprimer le centre national de gestion et de confier ses compétences de formation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
● Par ailleurs, l’existence d’une part variable de la rémunération des personnels n’est pas systématique dans tous les établissements de santé et, lorsqu’il existe un élément pouvant s’en approcher, il revêt à ce jour des formats très différents d’une catégorie professionnelle à l’autre (prime de service, indemnité forfaitaire technique, etc.), par ailleurs très encadrés réglementairement.
Selon la mission Claris, l’intéressement collectif apparait comme un élément de motivation important, en particulier dans le cadre d’une délégation de gestion renforcée. Il doit permettre de renforcer ou soutenir la cohésion d’équipes pluriprofessionnelles sur la base du projet de service. Votre rapporteur préconise un mécanisme d’intéressement collectif sous la forme d’une enveloppe annuelle à la main des pôles, dans le respect des orientations fixées par le projet d’établissement.
Recommandation n° 34 : Créer une prime variable dans la rémunération des personnels soignants attribuée sur la base d’indicateurs RH et de qualité de l’offre de soins.
2. Construire une culture commune de la gouvernance auprès des praticiens et des directeurs administratifs
Si les textes permettent aujourd'hui à un praticien hospitalier d'être nommé à un poste de directeur d'établissement, après une formation d'adaptation à l'emploi organisée par l'EHESP, cette possibilité reste inappliquée. Les centres de lutte contre le cancer, établissements privés à but non lucratif, sont souvent cités pour illustrer la capacité de médecins à gérer des établissements importants, comme cela peut être le cas au Royaume-Uni, même si ces établissements n'ont pas la même gamme d'activités qu'un CHU ou qu’un grand centre hospitalier. Votre rapporteur préconise une intégration renforcée de praticiens dans les équipes de direction qui, dans certains établissements, pourrait utilement contribuer à un enrichissement mutuel des approches au sein des équipes de direction.
D’ailleurs, le recrutement des équipes de direction des hôpitaux repose quasi-exclusivement sur l'École des hautes études en santé publique (EHESP), bien que la loi HPST ait prévu la possibilité de nommer des non-fonctionnaires comme chefs d'établissement, dans la limite d'un plafond de 10 %. La formation, d'une durée de deux ans, s'effectue pour moitié sous forme de stage en milieu professionnel et pour moitié sous forme de cours théoriques.
Le recrutement des directeurs d’hôpital est aujourd’hui très majoritairement concentré sur une origine universitaire de haut niveau et très « resserrée » selon la mission Claris. Le recrutement doit s’ouvrir davantage à d’autres parcours, notamment aux acteurs soignants motivés pour renforcer leur appétence pour les responsabilités managériales (praticiens, cadres paramédicaux, etc.). Les voies d’accès (3e concours, concours interne) sont peu adaptées aux trajectoires des acteurs hospitaliers.
Votre rapporteur est sensible à l’idée de favoriser une diversification des profils en s’ouvrant davantage aux soignants, aux ingénieurs, aux formations en sciences humaines et sociales et aux médecins. Le concours de recrutement, actuellement géré par le CNG, pourrait être confié à l’EHESP afin d’assurer une meilleure adéquation avec l'évolution du contenu de la formation. Il conviendrait également de redéfinir un dispositif favorisant davantage la promotion interne de professionnels hospitaliers désireux d’accéder à des fonctions de direction, via le concours de l’EHESP.
Recommandation n° 35 : Favoriser la diversification des profils au concours de recrutement de l’EHESP, en créant une voie interne pour les professionnels hospitaliers.
3. Renforcer l’attractivité de l’hôpital public
Les hôpitaux sont confrontés à de lourdes difficultés de recrutement et de fidélisation des professionnels. Il apparaît plus qu’urgent d’améliorer l’attractivité du service public. Au-delà de l’amélioration des conditions de travail (cf. infra), votre rapporteur propose une régionalisation des recrutements de praticiens hospitaliers. En effet, en raison des transformations socioculturelles, les jeunes générations ne souhaitent plus être affectées au sein d’un seul établissement mais aspirent à plus de fluidité dans leurs parcours professionnels. L’option d’une régionalisation des recrutements à la sortie des études permettrait de s’orienter dans cette direction tout en permettant aux hôpitaux d’avoir un volant de recrutements plus souple.
La permanence de soins est une mission de service public qui traduit une volonté d’assurer une « responsabilité populationnelle en santé ». Chaque acteur, quel que soit son statut, est investi d’une fraction de la mission de service public et ce afin de garantir une couverture de soins optimale. À cet effet, on distingue la permanence des soins en établissement (PDSES), qui donne lieu à des engagements formalisés de chaque établissement avec l’ARS, de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), fondée sur le volontariat des praticiens libéraux.
1. Réglementer les centres de soins non-programmés pour prévenir les départs de personnel
Les soins non-programmés (SNP) se sont largement développés ces dernières années, en réponse à une demande croissante de soins immédiats et à une baisse de l’accessibilité aux soins de premier recours. Entre les tensions hospitalières, la raréfaction des médecins traitants et les difficultés croissantes de permanence des soins ambulatoires (PDSA), les centres de soins non-programmés (CSNP) ont comblé un vide, en créant toutefois de nouveaux déséquilibres.
Ces CSNP dispensent une forme intermédiaire de soins, entre la médecine de ville et la médecine d’urgence, en réponse à la demande semi-urgente de soins non programmés. En proposant une réponse rapide aux besoins de soins immédiats, les centres de soins non programmés peuvent jouer un rôle utile dans la réduction de la pression exercée sur les services d’urgences. Toutefois, leur essor, souvent déconnecté de l’organisation territoriale existante (absence de participation à la permanence des soins ambulatoires, manque de coordination avec les hôpitaux ou les maisons médicales de garde), peut produire des effets contre-productifs.
Présents depuis une quinzaine d’années, ces organismes ont connu une expansion rapide à la suite de la crise sanitaire. Alors qu’il en existait moins d’une vingtaine en 2018, 93 CSNP ont été recensés fin 2022 par l’Observatoire régional des urgences d’Occitanie ([301]). La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a, quant à elle, recensé 84 centres de soins non programmés adossés à des établissements privés, au terme d’une enquête réalisée pendant l’été 2023 ([302]).
Par ailleurs, ces structures ne remplissent pas le rôle de médecin traitant. En facilitant un recours ponctuel et opportuniste aux soins, elles peuvent encourager une forme de consumérisme médical, au détriment du suivi global du patient. Cela peut conduire à un contournement du médecin traitant, dont l’activité se retrouve alors concentrée sur les cas les plus lourds et complexes. En effet, les CSNP absorbent une part croissante de l’activité de soins urgents « légers », laissant aux structures hospitalières les cas complexes, chronophages et moins rentables, sans compensation en ressources humaines. Cela accentue la pression sur les équipes hospitalières.
Par exemple, malgré l’ouverture d’un centre de soins non programmés en 2020 dans son environnement proche, le centre hospitalier du Puy-en-Velay n’a pas identifié de conséquence notable sur son activité qui reste croissante alors même que le centre assure une activité soutenue de 60 patients par jour. Des observations similaires émanent des CHU de Rennes, d’Angers et de Lille. De plus, certains établissements – comme les CHU de Lille, d’Orléans et le CH du Puy-en-Velay – constatent le départ de médecins urgentistes de leur service d’urgences pour exercer dans ces structures, attirés par des conditions de travail plus confortables (absence de travail de nuit, meilleure rémunération, etc.) ([303]).
Ces centres peuvent dès lors capter des ressources humaines issues de l’hôpital, notamment médicales, ou générer des tensions avec les maisons médicales de garde voisines, dont ils fragilisent parfois l’équilibre économique et organisationnel. Ainsi, le développement rapide et non régulé de ces structures – souvent à l’initiative d’acteurs privés lucratifs – a entraîné une désorganisation territoriale et un phénomène préoccupant de captation des professionnels de santé. Ces effets induisent une fragilisation du système public, déjà confronté à une crise d’attractivité et de fidélisation des personnels, en particulier dans les services d’urgence. Cette fuite des effectifs vers le secteur privé non régulé s’explique en partie par le fait que les CSNP proposent souvent des conditions de travail plus souples : horaires choisis, travail de jour, absence de gardes, faible charge administrative. Ce modèle attire de nombreux praticiens fatigués des contraintes hospitalières ou de la médecine libérale traditionnelle. Toutefois, cette attractivité repose sur un modèle « à la carte » qui évite les astreintes collectives, ne s’inscrit pas dans la permanence des soins et tend à détourner des professionnels des fonctions les plus nécessaires.
Aussi, la préservation des ressources humaines hospitalières est une condition essentielle pour la survie des urgences. La crise actuelle des urgences hospitalières résulte de deux dynamiques conjointes : une augmentation continue et non régulée de la demande, et une érosion préoccupante des effectifs soignants. Dans ce contexte, le développement rapide et peu encadré des CSNP apparaît comme un facteur aggravant : il détourne certains flux vers les urgences en cas de réponse inadaptée et capte une partie des ressources humaines, notamment médicales, au détriment des hôpitaux.
La pénurie de médecins urgentistes, déjà structurelle, est accentuée par la perte d’attractivité de cette spécialité. Celle-ci s’explique à la fois par la pénibilité propre à l’activité (intensité, horaires, permanence des soins) et par un environnement de travail de plus en plus dégradé, marqué par la saturation des services, les difficultés à trouver des lits d’aval, mais aussi la montée des incivilités et des violences à l’encontre du personnel.
L’essor des centres de soins non-programmés a répondu à un besoin réel d’accès rapide aux soins. Mais leur développement anarchique met aujourd’hui en péril la permanence des soins, la qualité des parcours, et l’équilibre des ressources humaines dans le système de santé. Pour éviter une crise structurelle, leur régulation devient une priorité. Dans ce cadre, il conviendrait de réglementer les CSNP pour préserver la cohérence de l’offre de soins et prévenir les départs de personnel médical et paramédical.
En outre, le développement rapide des CNSP a participé à la fragmentation des parcours de soins. L’absence de lien obligatoire entre les CSNP et les dispositifs de coordination territoriale (CPTS, SAS, PDSA) engendre un morcellement du suivi médical. Les patients consultent en « one shot », souvent hors de tout parcours médical structuré. La qualité du soin s’en ressent, tout comme la pertinence des actes effectués. Dans ce cadre, l’absence de régulation favorise des parcours morcelés, où la logique de rentabilité prime sur la coordination et la qualité globale du suivi patient. Cela va à l’encontre des objectifs des politiques de santé publique.
À l’heure où l’hôpital souffre d’une pénurie chronique de personnel et où la médecine de ville peine à assurer ses missions de continuité, réglementer les CSNP est un levier essentiel pour préserver un socle solidaire de soins d’urgence et de premier recours.
La Cour des comptes avait ainsi appelé à « établir un régime d'autorisation spécifique pour les centres de soins non programmés, les intégrant dans le cadre de la régulation de l'offre de soins, dans les services d’accès aux soins et dans la permanence des soins ambulatoires » ([304]). De plus, au sein de son rapport annuel « charges et produits » publié en juillet 2024, l’Assurance maladie avait jugé « opportun, dans un contexte de rationalisation des soins non programmés et des valorisations associées, et également pour s'assurer de leur intégration au sein de l'offre de ville et en partenariat avec l'offre hospitalière, de stabiliser le cadre de régulation des centres de soins non programmés à travers la diffusion d'un cahier des charges national », en pointant « une pratique d'optimisation, d'une part, peu compatible avec les règles de prise en charge par l'assurance maladie et, d'autre part, qui peut conduire à une désorganisation des territoires ». ([305])
Dans ce cadre, des mesures législatives ont participé à rigidifier l’encadrement réglementaire des CSNP. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025 procède à une régulation de l’implantation des CSNP. Effectivement, son article 44 institue un nouveau chapitre au sein du Code de la santé publique consacré aux « structures de soins non programmés ». La LFSS pour 2025 impose ainsi à ces structures de « respecter un cahier des charges relatif aux principes d’organisation et aux caractéristiques de leur exercice, à l’accessibilité de leurs locaux, à leurs services, aux délais de prise en charge, à l'orientation des patients dans le parcours de soins et aux prestations minimales attendues ». Aussi, ces structures devront obligatoirement se déclarer à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et à l'agence régionale de santé (ARS) compétentes. De plus, elles sont tenues de participer au service d'accès aux soins (SAS) et à la permanence des soins ambulatoire (PDSA). L’objectif est ainsi d’établir un régime d’autorisation spécifique pour inscrire les CSNP dans les organisations territoriales existantes, afin de ne pas déstabiliser davantage une offre de soins de ville et hospitalière fragilisée.
Finalement, il conviendrait que ce régime d’autorisation spécifique soit renforcé par une autorisation préalable d’ouverture délivrée par le directeur de l’ARS, fondée sur une analyse territoriale des besoins et par l’exclusion de l’installation dans les zones à offre sur-dotée, pour préserver les zones en tension. Une régulation rigoureuse des CSNP permettrait :
– de rééquilibrer la répartition des soins légers et complexes entre ville et hôpital ;
– d’alléger la charge des urgences hospitalières, en redirigeant les soins non urgents vers des structures bien intégrées ;
– de freiner la désaffection des professionnels pour l’hôpital, en restaurant une forme d’équité entre modes d’exercice.
2. Renforcer la régulation des urgences
● Le nombre de passages aux urgences est en hausse quasi-constante depuis 1996 avec 10,1 millions de passages, contre 21,2 millions en 2019, soit une augmentation moyenne de 3,3 % par an, avec une croissance plus modérée, de 1,5 % par an, entre 2016 et 2019.
Selon M. Thierry Godeau, « nous devons mettre fin à l'absurdité du recours systématique aux urgences. Le système de soins non programmés fonctionne mal. Malgré le SAS et une permanence des soins ambulatoires couvrant presque tout le territoire, 30 à 40 % des passages aux urgences pourraient être évités, notamment du fait d’une prise en charge trop tardive. Le réflexe du « tout urgence » reste trop ancré dans la population. » ([306])
Les moyens humains et matériels des services n'ont pas augmenté dans les mêmes proportions, d'où un phénomène d'intensification du travail et d'engorgement des services. Dans son rapport annuel de 2019, la Cour des comptes relevait « un sous-effectif médical générateur de tension dans un nombre croissant d'établissements », une profonde modification des modes d'exercice, avec plus des trois-quarts des médecins travaillant à temps partiel, des « difficultés de recrutement de personnels médicaux », « une hausse exponentielle du recours à l'intérim », « un besoin supplémentaire d'ETP d'urgentistes de l'ordre de 20 % » ([307]) .
Une augmentation capacitaire et des mesures d'attractivité de nature à pourvoir les recrutements correspondants sont indispensables. En termes d'organisation, il est parfois estimé que le mode de financement forfaitaire des urgences peut induire un effet pervers conduisant à accepter des patients qui ne sont pas de leur ressort. La LFSS 2019 a prévu l'expérimentation d'un forfait visant à encourager, lorsqu'elle est envisageable, la réorientation du patient vers une consultation de ville (praticien, maison de santé, maison médicale de garde) à une date compatible avec son état de santé. L'objectif est de pouvoir toucher 5 à 10 % des passages au sein des urgences hospitalières sans hospitalisation. Fixé à 60 euros, ce forfait a été mis en place au printemps 2021.
La Cour des comptes, dans son rapport public annuel de 2019, préconisait d'expérimenter la mise en place de consultations par un cabinet médical dans le local des urgences (de 19 heures à minuit la semaine et de 9 heures à minuit le week-end) ([308]).
● Le service d'accès aux soins (SAS), proposé en 2019 dans le cadre du Pacte de refondation des urgences, a été codifié par l'article 28 de la loi Rist du 26 avril 2021. Ce dispositif est encore en cours de déploiement mais couvre d’ores et déjà presque 96 % de la population grâce à 93 SAS qui fonctionnent dans 95 départements en mars 2025 selon la DGOS. Ce sont l’ensemble des SAMU de France qui sont mobilisés avec près de 13 000 professionnels de santé libéraux
L'objectif du SAS est de favoriser la coopération entre la médecine de ville et les services d'urgences pour le traitement des soins non programmés. Il a pour objet « d'évaluer le besoin en santé de toute personne qui le sollicite, de délivrer à celle-ci les conseils adaptés et de faire assurer les soins appropriés à son état » ([309]). Le dispositif se présente comme une plateforme permettant aux personnes d'accéder à toute heure de la journée à un professionnel de santé, qui peut notamment l'orienter vers une consultation sans rendez-vous en médecine de ville ou vers un service d'urgence.
Le SAS repose donc sur une collaboration étroite de l’ensemble des professionnels de santé d’un même territoire, qu’ils relèvent de la filière de l’aide médicale urgente (AMU) ou de celle de médecine générale. Cette collaboration se traduit par la mise en place d’un plateau de régulation des appels du SAS, accessible 24H/24 et 7J/7, auquel participent les deux filières : d’une part, la régulation médicale de l’aide médicale urgente (SAMU), et d’autre part, une régulation de médecine générale en journée pour les soins non programmés, mise en place avec des associations de médecins libéraux du territoire pour répondre aux besoins de soins non programmés pendant la semaine de 8 à 20 heures et le samedi matin. Les places sont dans un premier temps réservées pour les consultations de médecine générale, et il est prévu que le SAS s'ouvre dans un second temps vers les spécialités.
Le SAS permet de fournir un conseil médical (entre 50 % et 60 % des appels relevant de la médecine ambulatoire selon la DGOS), trouver un rendez-vous médical sur le territoire (prise de rdv par le SAS, en l’absence du médecin traitant) ou orienter vers les urgences ou déclencher l’intervention du SMUR en cas de besoin.
La commission d'enquête est favorable au SAS dans son principe, mais elle insiste sur la nécessité de rester vigilant au sujet des conditions de son déploiement, et à celui de la participation de la médecine de ville. Le dispositif connaît en effet plusieurs limites à l'heure actuelle.
Le premier risque est que le SAS se substitue aux autres modalités de prise en charge, dont le suivi par le médecin généraliste. Le SAS ne doit pas conduire à des phénomènes de « surconsommation des soins ». Deuxièmement, le dispositif n'apparaît pas à l'heure actuelle assez incitatif pour la médecine de ville. La participation à la régulation, à environ 90 euros de l'heure à partir d'avril 2022, peut paraître insuffisamment rémunérée pour renoncer à l'exercice en cabinet. En outre, les modalités de rémunération des médecins qui y participent sont complexes.
Enfin, le coût du SAS est pour l'instant difficile à appréhender. L’annexe 7 de la LFSS pour 2022 évoque un montant total de 350 millions d'euros consacrés à la compensation de « l'amélioration de l'accès aux soins non programmés », mais il recouvre un champ plus large que le seul SAS. Il importera donc de précisément évaluer le coût réel du dispositif au regard des bénéfices constatés, notamment au niveau des passages aux services des urgences.
En outre, le SAS ne doit pas conduire à nuire aux initiatives prises par les médecins libéraux et même par certains services hospitaliers sur le terrain. Le SAS doit être un facilitateur de l'accès aux soins, et non pas une solution unique qui s'appliquerait de manière uniforme sur le territoire, quels que soient leurs besoins et leurs propres solutions d'organisation des soins non programmés.
Afin de garantir un accès aux soins 24 heures/24, 7 J/7, partout sur le territoire, votre rapporteur souhaite renforcer le rôle de la régulation médicale téléphonique qui permet de faire « tomber » entre 50 % et 70 % de la demande de soins sur seul conseil médical et élargir les régulateurs et effecteurs des soins non programmés en impliquant les infirmiers, les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes.
Concernant les établissements de santé, il est estimé qu’entre 20 % et 40 % des patients fréquentant les services d’urgences ne relèvent pas de ce plateau technique et pourraient être mieux traités par des structures de SNP. Pondérée par le nombre estimé de passages aux urgences en 2022, la part des passages relevant des SNP varierait entre 4 et 8 millions de passages.
De même, il apparaît indispensable de clarifier les règles de tarification, permettant de mieux valoriser ces prises en charge spécifiques, en particulier des visites, seul recours pour les personnes âgées isolées et dont la demande est médicalement justifiée, tout en palliant certaines dérives constatées.
Recommandation n° 36 : Poursuivre la clarification des règles et la revalorisation des incitations et majorations tarifaires liées à la participation à la PDSA ou au SAS.
3. Permanence des soins en établissements de santé publics et privés : sanctionner les carences
La PDSES garantit à chaque citoyen la possibilité d’être pris en charge, en tout temps, dans une structure de santé adaptée. Restreinte au seul champ de la médecine, de la chirurgie et de l’obstétrique (MCO), elle donne lieu à une mobilisation de 6 775 professionnels de santé en 2022 et garantit, a minima, la prise en charge au sein d’une structure de soins, d’un établissement de santé en aval et dans les réseaux de médecine d’urgence la nuit, le week‑end et les jours fériés. Elle se traduit par : une présence continue (la « garde sur place ») au sein de l’établissement de santé ; une astreinte opérationnelle à domicile ; une astreinte de sécurité pour les disciplines n’étant pas sollicitées régulièrement.
Cependant, cette obligation, historiquement assumée par les établissements publics, révèle aujourd’hui un déséquilibre profond avec le secteur privé lucratif. En effet, 82 % des gardes sont assumées par les hôpitaux publics contre seulement 13 % pour les cliniques privées à but lucratif, une proportion qui est bien en deçà de son poids dans le système de santé ([310]). Cette répartition inégale est d’autant plus problématique qu’elle ne reflète ni le poids réel du secteur privé dans l’offre de soins, ni ses capacités techniques et humaines. Cette disparité conduit à une surcharge chronique du service public hospitalier et à un risque de démobilisation croissante des professionnels de santé, en particulier dans les territoires sous-dotés.
En termes de répartition entre les établissements publics et les établissements privés, les dernières données disponibles démontrent que les établissements publics et les établissements de santé privés d’intérêt collectif contribuent à 87 % des gardes réalisées dans le cadre de la PDSES, alors que le secteur privé n'en assure que 13 %, selon un récent un rapport de l’IGAS. Si la DGOS a rappelé que cette situation provenait d’une volonté des établissements publics d’assurer la majeure partie de la PDSES, elle souligne que cette situation doit être amenée à évoluer.
Il convient ainsi de redonner à l'engagement dans la permanence des soins sa place centrale en tant que valeur fondamentale des professions de santé. Le bon fonctionnement du système de santé ne peut reposer durablement sur un nombre restreint de professionnels et sur la seule invocation d’un devoir moral. Par ailleurs, les directeurs généraux des ARS ne disposent aujourd’hui d’aucun levier réellement efficace pour répondre aux situations de fragilité, voire de carence, en matière de permanence des soins.
Les établissements de santé pouvaient déjà être appelés par le directeur général de l’ARS à assurer en tout ou partie la permanence des soins ([311]). Mais la loi Valletoux est venue renforcer cette disposition : « Les établissements de santé sont responsables collectivement de la permanence des soins en établissement dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional de santé et de l’organisation territoriale de la permanence des soins. Le directeur général de l’ARS assure la cohérence de l’organisation de la permanence des soins […] au regard des impératifs de continuité, de qualité et de sécurité des soins » ([312]). Dès lors, la PDSES n’apparaît plus comme une mission optionnelle et est désormais posée par la loi comme une responsabilité collective des établissements de santé, et ce quel que soit leur statut (public ou privé) et leur positionnement en termes d’offre de soins sur le territoire (établissement de proximité, de référence, de recours, disposant d’un plateau technique et d’activités restreint ou élargi).
L’article L.6 111-1-3 du Code de la santé publique dispose que l’ensemble des établissements sont tenus de participer à la permanence des soins, dans le cadre du schéma régional de santé (SRS) et de l’organisation territoriale de la PDSES. L’objectif du législateur était ainsi d’inclure le secteur privé lucratif dans la mission de permanence des soins, qui était jusque-là souvent exclu des dispositifs contraignants en matière de continuité des soins. Symboliquement, cette disposition représente une avancée majeure : elle pose clairement que le service de santé ne peut être morcelé, et que tous les acteurs doivent contribuer à la couverture des besoins du territoire. Pour garantir à chaque concitoyen un accès aux soins à proximité permanent, cette loi a donné la possibilité aux ARS de contraindre l'ensemble des établissements de santé à assurer, si besoin, la permanence des soins en établissement. Cette possibilité concerne en particulier les établissements privés, afin de rééquilibrer leurs contributions avec le secteur public. Ainsi, en cas de carence, l’ARS aura un pouvoir renforcé pour désigner certains établissements en dernier recours.
Le décret n° 2025-101 du 3 février 2025 précise les modalités d’action du directeur général de l’ARS en cas de carence. Ainsi, lorsque l’« appel à candidatures » mis en place pour désigner les structures qui seront chargées de la permanence de soins reste « tout ou partie infructueux », le directeur général de l’ARS devra dresser un « constat de carence » en précisant « les zones » et « les spécialités médicales concernées » ([313]). Il devra réunir les établissements de santé des territoires impactés, ainsi que « des représentants des professionnels de santé exerçant en leur sein » dans le but de les « inviter » à « répondre aux nécessités d'organisation collective de la permanence des soins ». Si cette réunion ne permet pas de pourvoir à « l’ensemble des besoins » et qu’aucune proposition n’aboutit, l’ARS pourra « désigner un ou plusieurs » établissements et professionnels de santé qui y exercent pour « assurer » ou « contribuer » à la permanence des soins. ([314]) Une désignation qui restera « temporaire » et ne vaudra que « jusqu’à ce qu’une structure soit désignée » au terme de l’appel à candidatures « sauf à ce qu'il se révèle infructueux ».
Plus globalement, le directeur général de l’ARS a donc la responsabilité d’assurer une organisation qui respecte les principes de qualité et de sécurité des soins. En cas de carence persistante à l’issue de l’appel à la solidarité territoriale, le directeur général de l’ARS peut décider de :
– Désigner un établissement chef de file répondant au cahier des charges, renforcé par des ressources du territoire (mobilisation spontanée) ;
– Prendre une décision d’inscription des praticiens de la spécialité et du territoire au tableau de garde ou d’astreinte de l’établissement désigné chef de file (mobilisation d’office) ;
– Désigner un établissement non-candidat comme chef de file de la PDSES territoriale, renforcé le cas échéant par des ressources du territoire ;
– Acter une situation de carence et engager un réexamen du schéma régional afin d’envisager de nouvelles modalités d’organisation de la PDSES pour les lignes en défaut ([315]).
Cette possibilité constitue une avancée importante en conférant aux ARS un véritable pouvoir de réquisition temporaire. Elle permet d’éviter que certains établissements ne se dérobent à leurs obligations, au détriment de l’intérêt général. Toutefois, ce mécanisme repose essentiellement sur un processus de concertation et de désignation sans véritable levier coercitif. En effet, même en cas de désignation, aucune sanction juridique, administrative ou financière n’est automatiquement prévue en cas de refus ou de non-exécution. Aussi, les ARS ne disposent pas toujours des moyens humains, juridiques ou politiques pour appliquer de manière homogène et rigoureuse les dispositifs de désignation et de sanction. Certaines utilisent encore de manière parcimonieuse les outils existants, comme la conditionnalité des autorisations, par manque d’orientation claire ou de soutien institutionnel.
Il en résulte un paradoxe : le principe de responsabilité est affirmé, la capacité d’organisation est encadrée, mais la défaillance n’est que peu, voire pas, sanctionnée. Ainsi, le principe de responsabilité collective ne suffit pas, et il doit s’accompagner de mécanismes effectifs de régulation, d’incitation, voire de sanction.
Dans ce cadre, il apparait nécessaire d’envisager des sanctions proportionnées et réalistes en cas de non-respect de la PDSES. Si la suspension d’autorisation peut être jugée trop radicale et difficilement applicable, il conviendrait plutôt de mettre en place des sanctions financières. Votre rapporteur estime ainsi qu’il serait opportun de donner la possibilité aux ARS de sanctionner une carence manifeste des établissements de santé dans le cadre de leur mission de permanence des soins, par l’application d’un malus sur les dotations forfaitaires de ces établissements. Ainsi, la non-participation à une obligation collective de santé publique entraînerait effectivement une forme de contrepartie, et rétablirait en partie l’équité entre les établissements qui assument leur mission de permanence des soins et ceux qui s’y soustraient.
Par ailleurs, les autorisations d’activité de soins pourraient être conditionnées plus systématiquement à un engagement formel de participation à la PDSES, comme le prévoit l’article L. 6 122-7 du Code de santé publique. Cette conditionnalité offrirait un levier supplémentaire pour contraindre les établissements à s’inscrire dans une logique de solidarité territoriale.
Dès lors, c’est une véritable culture de la responsabilité collective qu’il faut installer. Celle-ci suppose une volonté politique forte, mais aussi une transparence accrue sur les efforts fournis par chaque établissement, un dialogue structuré avec les représentants des professionnels, et une mobilisation effective des outils juridiques existants.
Recommandation n° 37 : sanctionner les carences des établissements de santé en matière de permanence des soins par l’application d’un malus sur les dotations forfaitaires.
1. La psychiatrie et les urgences : renforcer l’impact des dotations populationnelles
● Votre rapporteur estime nécessaire d’accélérer la transition du modèle de financement de l’activité hospitalière pour adopter un « mix de financement » composé à la fois d’une tarification à l’acte, d’une dotation populationnelle liée aux besoins de santé identifiés pour le territoire et sa population, et enfin d’un financement à la qualité encore marginal.
Si un lien entre financement et activité réelle de l’établissement doit demeurer pour ne pas revenir aux travers de l’ancienne dotation globale, il souscrit à la transition en cours d’une réduction de la part de la T2A dans le financement global des activités hospitalières du champ « médecine, chirurgie, obstétrique » (MCO) et appelle à en accélérer la mise en œuvre.
La montée en charge d’une dotation populationnelle, au cœur des modèles retenus pour le financement de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation (SSR), a vocation à constituer un socle de financement adapté à la situation de l’établissement, à ses contraintes et aux missions dont il a la charge dans le territoire où il est situé.
L’un des enjeux sera d’aboutir à une grille transparente pour pondérer la dotation populationnelle selon les établissements ([316]). Celle-ci devra notamment permettre d’analyser les enjeux et d’évaluer les besoins liés au profil de la population selon son âge, la prévalence de certaines pathologies, les enjeux particuliers de santé publique mais aussi l’offre de soins disponible sur le territoire, tant en ville qu’en établissements de santé, quand les lacunes de celles-ci se répercutent souvent sur l’hôpital. À cette fin, une approche territoriale doit être retenue pour faire correspondre le diagnostic des besoins, les documents de planification et les dotations attribuées aux établissements. Il apparaît que le pilotage des ARS doit être favorisé, sur la base de critères objectifs.
● La réforme du financement des activités de psychiatrie, entrée en vigueur en 2022, a permis d’harmoniser les modalités de financement du secteur.
L’activité de psychiatrie était initialement financée suivant deux modalités différentes selon le rattachement de la structure de soins au secteur public ou au secteur privé à but lucratif :
– la dotation annuelle de financement (DAF) était une enveloppe globale de financement allouée par les ARS aux établissements publics et privés à but non lucratif, indépendamment du niveau d’activité. Le ministère de la santé définissait par arrêté un plafond de ressources par région en précisant par circulaires budgétaires le montant et la nature des missions financées par ces dotations ;
– l’objectif quantifié national (OQN) était à l’inverse un financement à l’activité établi sur la base de tarifs journaliers, rattachés à une prestation et à une discipline, pour l’activité accomplie au sein des cliniques privées du secteur commercial et de certains établissements privés à but non lucratif, également appelés « établissements sous OQN ». L’État déterminait un taux d’évolution des tarifs par région et par type de dépense, tandis que chaque région fixait les tarifs des établissements dans le respect du taux d’évolution moyen régional défini par l’État.
L’existence de deux modèles distincts de financement a toutefois accentué les différences de prise en charge entre établissements publics et privés ainsi que les disparités dans l’allocation des moyens entre établissements selon leur implantation régionale ou leur nature juridique. La situation a justifié une importante réforme du financement de la psychiatrie.
La rémunération au prix de journée liée à l’OQN exerçait en effet une pression à la hausse sur le taux d’occupation des lits. Non seulement, elle dissuadait les établissements de se tourner vers les alternatives ambulatoires (hôpital de jour, hospitalisation à domicile), mais elle incitait les cliniques psychiatriques à allonger les durées de séjour, et ce, pour des patients ayant des pathologies moins lourdes et socialement moins délicates. À l’inverse, le DAF ne permettait pas d’analyse des coûts d’une prise en charge en l’absence de prise en compte de la durée d’hospitalisation ou de la sévérité des pathologies. Elle conduisait ainsi à des inégalités budgétaires selon les régions et les établissements et renforçait des voies de contournement identifiées par une récente mission d’information de l’Assemblée nationale : en cas de sous exécution de la DAF, les crédits non consommés seraient versés dans le budget de l’hôpital afin d’améliorer le résultat net comptable en fin d’exercice, au lieu d’être reportés sur la seule activité de psychiatrie d’un exercice à l’autre ([317]).
Dans ce contexte, une réforme du financement de l’activité de psychiatrie a été initiée en 2019 pour une entrée en vigueur entre 2022 et 2026 ([318]). Celle-ci prévoit l’harmonisation des modalités de financement au profit de huit « compartiments » :
– une dotation populationnelle visant à corriger les inégalités régionales de financement ;
– une dotation à la file active pour valoriser l’activité des établissements ;
– un compartiment relatif aux activités spécifiques pour reconnaître et financer certaines activités à portée suprarégionale ;
– plusieurs actions de financement ciblées afin de soutenir la transformation du secteur (dotation transformation), la structuration de la recherche en santé mentale (dotation recherche) et le développement d’activités innovantes (dotations nouvelles activités) ;
– un financement à la qualité à travers l’extension à la psychiatrie du dispositif d’incitation financière à la qualité (Ifaq), assorti, en l’absence d’atteinte des indicateurs retenus, d’une pénalité financière ne pouvant « excéder un montant équivalent à 0,5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement » ([319]) ;
– la création d’un compartiment dédié au financement de la qualité du codage.
Les modalités de calcul de la dotation et la liste des indicateurs retenus sont fixées annuellement par arrêté, le plus récent datant du 20 décembre 2024 ([320]). La dotation populationnelle devient ainsi la principale source financière des établissements publics et privés non lucratifs tandis que la dotation à la file active devient le vecteur majoritaire de financement public des établissements privés à but lucratif.
Les critères nationaux d’allocation de la dotation populationnelle élaborés pour le calcul du versement attribué à chaque région depuis la réforme sont : le nombre d’habitants de la région (critère pondéré à hauteur de 80 %) ; la densité de psychiatres libéraux (critère pondéré à hauteur de 5 %) ; le taux de pauvreté (critère pondéré à hauteur de 9 %) ; la taille moyenne des ménages (critère pondéré à hauteur de 1 %) ; le nombre de places dans le secteur médico-social (critère pondéré à hauteur de 5 %).
L’entrée en vigueur de la réforme suscite pourtant des appréhensions ([321]) . Le nouveau modèle de financement incite les établissements à augmenter le nombre de patients accueillis, à développer des prises en charge ambulatoires et à limiter les durées de séjour, faisant redouter à certains acteurs de terrain que l’efficience des soins et leur rentabilité économique soit priorisée au détriment d’un suivi au long cours menant éventuellement à des hospitalisations à temps complet prolongées. Quant à l’abandon du prix de journée, il pourrait induire des pertes de recettes importantes pour les établissements du secteur privé lucratif, sans adaptation de leurs modes de prise en charge. Le fléchage des crédits alloués à la psychiatrie au sein des établissements publics non spécialisés sera en revanche garanti avec l’entrée en vigueur de la réforme qui rompt avec la logique d’enveloppe globale au profit d’un financement spécifique par compartiments, gage d’une utilisation plus lisible des crédits.
L’année 2025 constitue la troisième année de mise en œuvre opérationnelle du modèle de financement combiné de la psychiatrie. La progression des ressources de la psychiatrie inscrite dans l’ONDAM, notamment du fait des engagements pris dans le cadre des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, permet en particulier d’apporter une réponse plus adaptée aux besoins de soins urgents et non programmés par le développement du volet psychiatrie du service d’accès aux soins (SAS). Au-delà des mesures prévues par les Assises de la santé mentale, la progression des ressources consacrées à la psychiatrie vise notamment à poursuivre le renforcement de l’offre de prise en charge psychiatrique à destination des enfants et adolescents (pédopsychiatrie), à organiser un nouvel appel à projets du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie ainsi qu’à anticiper la nouvelle stratégie nationale autisme et troubles neuro-développementaux.
● Jusqu’alors, le mode de financement des services d’urgence était seulement basé sur le niveau d’activité et le maillage constaté ne permettait pas de répondre de manière satisfaisante aux problématiques de régulation de l’offre de soins. L’articulation entre les structures des urgences et les soins non programmés de ville entraînait un déséquilibre au détriment des structures des urgences hospitalières. De plus, ni l’intensité ni la qualité de prise en charge n’étaient valorisées : les passages aux urgences de faible gravité et nécessitant peu de soins étaient ainsi sensiblement mieux financés que les cas les plus lourds dont l’accueil était pourtant le plus justifié ([322]).
Une réforme du financement des urgences est donc intervenue en loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([323]). Les structures d’urgence sont désormais soumises à un mode de financement mixte comprenant ([324]) :
– une dotation populationnelle qui représente 53 % de l’enveloppe nationale, dont l’attribution aux établissements est individualisée par les ARS, et qui est censée couvrir les frais fixes des structures des urgences au regard des besoins de la population concernée ;
– des recettes liées à l’activité dont l’enveloppe nationale représente 45 % du coût attendu de l’activité des urgences et qui repose sur la facturation des forfaits « urgences » pour les passages non suivis d’hospitalisation ; cette part prend en compte les différences au sein de l'éventail des cas médicaux et chirurgicaux traités selon l’intensité de la prise en charge et la gravité de l’état des patients ;
– une dotation qualité complémentaire qui représente 2 % du financement prévisionnel des urgences au niveau national, versée en fonction d’indicateurs fixés chaque année par le ministère de la santé.
Pour chaque établissement, les proportions sont susceptibles de varier sensiblement, en particulier en fonction du niveau de dotation populationnelle allouée et du niveau d’activité constaté. Cinq forfaits, pris en charge à 100 % par l’assurance maladie, tiennent compte de l’âge des patients et de l’intensité de leur prise en charge. En outre, un forfait « patient urgences » (FPU) se substitue depuis 2022 à l’ensemble des tickets modérateurs et participations qui étaient précédemment acquittées par les patients lors d’un passage aux urgences non programmé non suivi d’hospitalisation. Ce forfait simplifie et uniformise la participation du patient, permettant de diminuer les coûts de gestion des hôpitaux et d’améliorer son recouvrement.
Le financement à la qualité s’est enrichi en 2023 de nouveaux indicateurs pour inciter notamment à diminuer les durées de passage des patients de plus de 75 ans aux urgences, y compris dans les unités d’hospitalisation de courte durée ainsi qu’assurer une continuité de l’activité.
Cependant, votre rapporteur constate que la part attribuée en fonction de la qualité du service rendu est particulièrement modeste : 2 % théoriquement à l’échelle nationale, 1 % dans les faits en 2023, selon la Cour des comptes ([325]). Le levier de la dotation de soutien à la qualité ne sera efficace que si son poids relatif est accru dans les financements reçus par les établissements.
2. Lutter contre la souffrance au travail par un modèle de financement qui valorise la qualité du soin et le travail en équipe
● Le financement à la qualité constitue une puissante incitation financière pour l’amélioration de la qualité des soins que votre rapporteur souhaite amplifier. En effet, le principe d’un signal financier sur la qualité est défendu par les acteurs hospitaliers pour soutenir la démarche managériale indispensable au déploiement d’une politique qualité.
Expérimentée en 2012, l’incitation financière à la qualité des soins (Ifaq) a été généralisée dès 2016 à tous les établissements du champ MCO, y compris l’hospitalisation à domicile (HAD), puis a été étendue aux établissements de soins médicaux et de réadaptation (SMR) et aux centres psychiatriques ([326]) . Le programme IFAQ repose sur une logique incitative, sans pénalité pour les établissements les moins bien classés, en fonction de plusieurs indicateurs de qualité, de sécurité des soins et de satisfaction des patients proposés par la DGOS et la HAS. Dans le cadre du programme Ma santé 2022, les enveloppes consacrées à l’Ifaq ont été progressivement augmentées de 50 millions d’euros à 700 millions d’euros en 2022. Le dispositif, financé par un prélèvement sur la dotation de financement à l’activité, a alors été transformé de manière à bénéficier à la quasi-totalité des établissements. En parallèle, des valorisations financières à la qualité ont été progressivement introduites dans certains domaines (financement des urgences et des hôpitaux de proximité, forfait pour la prise en charge des maladies rénales chroniques), et plusieurs expérimentations ont été menées dans le cadre de l’article 51 de la LFSS pour 2018.
Depuis 2019, la rémunération s’effectue désormais indicateur par indicateur et non plus sur la base d’un score global. Les indicateurs intégrés au dispositif IFAQ pour « scorer » les établissements de santé sont revus chaque année par arrêté. Ils appartiennent à des catégories définies par décret : qualité des prises en charge perçue par les patients ; qualité des prises en charge cliniques ; qualité des pratiques dans la prévention des infections associées aux soins ; qualité de la coordination des prises en charge ; performance de l’organisation des soins ; qualité de vie au travail ; certification.
Selon un récent rapport de l’IGAS, le dispositif Ifaq « souffre en pratique de nombreux défauts qui en limitent considérablement la portée » ([327]). Les financements à la qualité sont souvent perçus comme « trop peu lisibles, insuffisamment porteurs pour les professionnels et ayant des procédures d’évaluation excessivement décalées dans le temps ou déconnectées des efforts réels » selon un rapport sénatorial ([328]).
De surcroît, la Haute Autorité de santé déplore que ce mécanisme soit devenu « un compartiment budgétaire » et non « un dispositif incitatif ». La HAS estime que « le seuil minimal de rémunération au titre d’Ifaq devrait correspondre à un seuil minimal de qualité attendue et non à une valeur dépendante du pourcentage d’établissements à rémunérer » ([329]). Elle regrette dans le même temps une insuffisante valorisation de la certification des établissements et déplore l’absence de bonus attribué aux établissements bénéficiant de la certification « haute qualité des soins » ([330]).
Bien que la réforme en cours de l’Ifaq soit conçue de telle sorte qu’elle permette aux établissements d’anticiper le résultat de leurs efforts sur la dotation, l’Ifaq reste fondé sur des indicateurs de processus calculés au niveau des établissements et peu appréhendables par les soignants ni même par la gouvernance des établissements pour soutenir la démarche qualité.
Le rapport de l’IGAS postule dès lors le principe selon lequel « toute réforme du financement à la qualité devrait se donner pour objectif principal de donner des incitations porteuses de sens pour les soignants, au sein d’une politique qualité dont la cohérence d’ensemble serait lisible pour eux » ([331]).
Votre rapporteur souscrit à ce constat et appelle, d’une part, à simplifier l’IFAQ et, d’autre part, à augmenter sa part dans le financement des établissements de santé.
● Le travail de nuit est beaucoup plus fréquent dans le secteur hospitalier qu’en dehors pour les mêmes professions. 39 % des aides-soignants, 47 % des infirmiers et sages-femmes et 62 % des médecins travaillant en secteur hospitalier déclaraient ainsi en 2019 travailler de nuit, contre moins de 20 % hors du secteur hospitalier ([332]) . Il en va du même du travail le dimanche, puisque 87 % des aides-soignants, 75 % des sages-femmes et infirmiers, ainsi que 72 % des médecins du secteur hospitalier déclaraient en 2019 travailler le dimanche. Seuls les infirmiers et sages-femmes hors secteur hospitalier présentent des niveaux comparables (71 %) à ce qu’on observe à l’hôpital.
Pour les praticiens hospitaliers, le travail de nuit ou le week-end découle des obligations de permanence des soins mais aussi de continuité des soins qui se traduisent, pour eux, par des gardes sur place, compensées par une indemnité de sujétion, et des astreintes, compensées par une indemnité forfaitaire de base. Un tableau nominatif mensuel comporte l’indication détaillée des périodes de temps de travail de jour et de nuit et d’astreinte à domicile, dont l’extrait est communiqué à chaque praticien, de même qu’un récapitulatif individuel sur quatre mois, pour permettre le décompte des indemnités qui lui sont dues. Or, le taux horaire de l’indemnité de nuit est de 0,17 euro de l’heure auquel s’ajoute une majoration pour travail intensif de nuit de 0,90 euro de l’heure, soit un total de 1,07 euro de l’heure entre 21 heures et 6 heures. Cette indemnité compensatrice n’a pas été réévaluée depuis 2001, induisant une perte significative de pouvoir d’achat pour une heure travaillée la nuit.
Les contraintes associées à ces obligations de service paraissent d’autant plus fortes que les médecins libéraux n’ont plus l’obligation de participer à la permanence des soins depuis septembre 2003. Dans ces conditions, une revalorisation de la permanence des soins assurée par les praticiens hospitaliers doit être envisagée.
Recommandation n° 38 : Revaloriser l’indemnité compensatrice de travail de nuit pour le personnel hospitalier.
● Afin de pallier les difficultés de recrutement et compléter les plannings de présence, les personnels hospitaliers sont mobilisés jusqu’à l’usure en fournissant de plus en plus d’heures supplémentaires. Les praticiens hospitaliers doivent effectuer dix demi-journées de travail dans la limite de 48 heures hebdomadaires et lissées au quadrimestre au titre de leurs obligations de service, qui incluent également des périodes de garde et d’astreinte. Elles sont majoritairement calculées en demi-journées. Néanmoins, les praticiens hospitaliers (hors personnels hospitalo-universitaires et étudiants de 3e cycle) peuvent, sur la base du volontariat, accomplir des heures supplémentaires donnant lieu soit à récupération, soit au versement d’indemnités de participation à la continuité des soins et, le cas échéant, d’indemnités de temps de travail additionnel. Un contrat de temps de travail additionnel est conclu entre le praticien, le responsable de la structure, le chef de pôle et le directeur de l’établissement. Des registres de temps de travail sont mis à la disposition du directeur afin de lui permettre de contrôler le recours à la contractualisation pour tout dépassement à la durée maximale du travail de 48 heures et de restreindre ou interdire ce dépassement lorsque la santé et la sécurité des praticiens sont affectées. Ces dispositions paraissent encore largement sous-appliquées ([333]).
Cette dépense d’heures supplémentaires représentait 402 millions d’euros en 2022, soit 5 % de la dépense totale de personnel médical, et a quasiment doublé entre 2017 et 2022 ([334]). Pourtant, les situations où les heures supplémentaires sont rémunérées trop tardivement, ou ne sont pas rémunérées du tout, sont trop fréquentes. Dans son bilan social pour 2022, l’ATIH signale que le nombre d’heures supplémentaires non encore récupérées ou rémunérées par agent est passé en moyenne de 16,7 à 20,8 heures entre 2018 et 2022 pour le personnel non médical et de 4,7 à 6,1 demi-journées pour le personnel médical ([335]).
Ces considérations doivent être mises en rapport avec le renforcement du sentiment éprouvé par les personnels hospitaliers de devoir effectuer une quantité de travail excessive. Ainsi, entre le début de la crise sanitaire et l’été 2021, 68 % des personnes mobilisées dans des « services Covid » ont connu des périodes inhabituelles de surcharge de travail, contre 28 % pour l’ensemble des personnes en emploi en France ([336]). Une enquête de la DREES insiste sur le fait que les conditions de travail à l’hôpital sont responsables d’une plus forte dégradation de la santé mentale des personnels qui y travaillent. Au sein du personnel hospitalier s’observe « une prévalence accrue de la dépression et de l’anxiété » : 41 % d’entre eux ont ainsi remonté des symptômes de dépression légère à sévère, contre 33 % pour le reste des personnes en emploi ([337]). Ainsi, selon cette enquête, « le personnel de l’hôpital est exposé à un niveau élevé de risques psychosociaux. En particulier, les situations de tension au travail comportant une demande psychologique forte et une latitude décisionnelle faible, identifiées comme accroissant ces risques, sont plus fréquentes à l’hôpital ».
● L’intérim est une modalité de remplacement « normalement exceptionnelle » mais, dans un contexte de pénurie de médecins, certains établissements ont un recours récurrent à des intérimaires, dits fidélisés, parfois depuis plusieurs années, y compris pour permettre le fonctionnement normal d’activités. Malgré de récents mécanismes de régulation de l’intérim médical, notamment via le plafonnement des rémunérations applicables, des stratégies de contournement ont été observées, notamment par une hausse du nombre des contrats de vacataires ([338]).
La Cour des comptes constate que « le collectif de travail et la qualité du fonctionnement institutionnel souffrent de la réduction des effectifs permanents » ([339]). Comme le souligne la HAS, les établissements ayant régulièrement recours à des emplois temporaires font état de difficultés à intégrer dans des démarches qualité et de gestion des risques de long terme des intérimaires ([340]). Le renforcement du turn-over constitue un des facteurs explicatifs de la hausse des évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) ([341]).
De même, la Cour des comptes constate un recours excessif à l’intérim paramédical dans les établissements de santé. En 2023, l’intérim paramédical a ainsi représenté une dépense de 825 millions d’euros, dont 472 millions d’euros pour les hôpitaux publics, soit une augmentation de 600 % en 10 ans. Votre rapporteur s’inquiète de cette dérive et appelle à une régulation renforcée en matière de recours aux personnels intérimaires au sein des établissements de santé, notamment en définissant de manière plus restrictive les règles de recours à certains contrats temporaires de motif 2.
Recommandation n° 39 : Renforcer la régulation en matière de recours aux personnels intérimaires au sein des établissements de santé, notamment en définissant de manière plus restrictive les règles de recours à certains contrats temporaires de motif 2.
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Liste des RECOMMANDATIONS ([342])
Recommandation n° 1 : restructurer les « agences régionales de santé » et transférer leurs compétences aux directions régionales à l’accès aux soins, sous réserve de la répartition des autres compétences tel que proposé dans le présent rapport.
Recommandation n° 2 : sanctionner les carences des établissements de santé en matière de permanence des soins par l’application d’un malus sur les dotations forfaitaires.
Recommandation n° 3 : réduire la durée des études de médecine à 8 ans en compressant la durée du premier cycle et en ajournant la réforme créant la quatrième année de médecine générale.
Recommandation n° 4 : permettre aux étudiants de redoubler la première année des études de santé, quelle que soit leur voie d’accès.
Recommandation n° 5 : créer une loi de programmation des besoins d’investissement en santé dotée d’un horizon pluriannuel de cinq ans.
Recommandation n° 6 : resserrer le champ des bénéficiaires des aides à l’installation afin d’en améliorer l’efficience sur les zones particulièrement sous-dotées.
Recommandation n° 7 : inscrire dans le code de la santé publique la définition d’un service public des soins de premier recours et en confier la gestion aux intercommunalités dans le cadre de la conclusion des contrats locaux de santé.
Recommandation n° 8 : créer une nouvelle catégorie de sous-préfet délégué à « l’accès aux soins » en lieu et place des directeurs départementaux. Confier la tutelle de la direction régionale à l’accès aux soins au préfet de région.
Recommandation n° 9 : modifier le code de l’action sociale et des familles afin de supprimer la double-tutelle administrative des ARS et des départements sur les établissements sociaux et médico-sociaux. Prévoir la compensation de la charge financière ainsi créée au profit des départements.
Recommandation n° 10 : mettre en place une actualisation annuelle des zonages par les ARS et généraliser un dialogue étroit avec l’association départementale des maires pour leur élaboration.
Recommandation n° 11 : conduire une révision des maquettes pédagogiques des études de santé afin d’inclure des enseignements en sciences sociales ou de gestion.
Recommandation n° 12 : créer une voie de formation en alternance à partir de la fin de la deuxième année de médecine, sous réserve de la réduction de la durée d’études de premier cycle de trois à deux ans.
Recommandation n° 13 : étudier la possibilité de substituer un système d’examen au concours existant à la fin de la première année.
Recommandation n° 14 : supprimer l’étape d’étude du dossier pour les candidats à la voie « passerelle » titulaires du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée depuis au moins deux ans.
Recommandation n° 15 : revaloriser le montant de l’indemnité associée au contrat d’engagement de service public pour les auxiliaires médicaux issus des voies passerelles d’accès aux études de médecine.
Recommandation n° 16 : fusionner les contrats territoriaux de santé au sein des contrats locaux de santé, en cohérence avec la proposition relative à la création du sous-préfet à « l’accès aux soins ».
Recommandation n° 17 : assurer une revalorisation de l’indemnité des infirmiers de pratique avancée.
Recommandation n° 18 : donner au directeur la capacité de sanctionner les fautes disciplinaires ne relevant pas de l’exercice de la médecine.
Recommandation n° 19 : décentraliser les procédures disciplinaires médicales à l’échelle de l’établissement pour les fautes comportementales et à l’échelle des commissions régionales de l’Ordre des médecins pour les fautes liées à l’exercice de l’art.
Étudier dans cette perspective l’opportunité de supprimer le centre national de gestion et de confier ses compétences de formation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Recommandation n° 20 : créer une prime variable dans la rémunération des personnels soignants attribuée sur la base d’indicateurs RH et de qualité de l’offre de soins.
Recommandation n° 21 : poursuivre la clarification des règles et la revalorisation des incitations et majorations tarifaires liées à la participation à la PDSA ou au SAS.
Recommandation n° 22 : revaloriser l’indemnité compensatrice de travail de nuit pour le personnel hospitalier.
Recommandation n° 23 : renforcer la régulation en matière de recours aux personnels intérimaires au sein des établissements de santé, notamment en définissant de manière plus restrictive les règles de recours à certains contrats temporaires de motif 2.
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Au cours de sa réunion du mardi 2 juillet 2025 à 15 heures, la commission a procédé, à huis clos, à l’examen du projet de rapport suivi d’un vote. |
M. le président Jean-François Rousset. Nous nous retrouvons aujourd’hui à l’occasion de la présentation du rapport de notre collègue Christophe Naegelen. Je tiens à saluer son engagement, ainsi que celui de son groupe, le groupe LIOT, et je les remercie d’être à l’initiative de cette commission d’enquête sur un sujet aussi important pour notre pays.
Ce fut un honneur de présider les travaux de cette commission. En tant que chirurgien retraité, et parce que la santé constitue un des piliers de mon engagement politique, il m’a semblé naturel de prendre une part active à cette mission.
Je souhaite remercier le rapporteur pour son implication, ainsi que l’ensemble des collègues parlementaires ayant suivi les nombreuses auditions. En cinq mois, près de soixante heures de travaux ont été consacrées à l’écoute de quatre-vingt-sept intervenants représentant toute la diversité de notre système de soins : professionnels de santé, responsables d’établissement, représentants de patients, étudiants, et bien d’autres encore. Ces échanges se sont déroulés dans un esprit de respect et de responsabilité, à la hauteur des enjeux.
Ce travail d’investigation a également été enrichi par une mission sur le terrain dans la région Grand Est, ainsi que par un contrôle sur pièces effectué par le rapporteur.
Je tiens également à exprimer mes remerciements aux administrateurs qui nous ont accompagnés tout au long de cette démarche, la qualité de leur travail doit être soulignée.
L’objectif de cette commission d’enquête était clair : identifier les dysfonctionnements existants dans l’organisation des soins et proposer des pistes d’amélioration concrètes. Le constat principal est certes celui d’une pénurie généralisée de professionnels de santé, mais notre travail a aussi permis de mettre en lumière la complexité croissante de l’exercice professionnel. Il est important de souligner que ces difficultés ne s’expliquent pas par un seul facteur, mais par un ensemble de causes structurelles et conjoncturelles.
Notre analyse ne s’est pas limitée aux dysfonctionnements. Elle a également permis de valoriser les avancées récentes. Depuis 2017, plusieurs textes majeurs ont été adoptés pour améliorer l’accès aux soins, dont la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (loi Rist) et la visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (loi Valletoux). Ces textes partagent un objectif commun : mieux organiser l’offre de soins, renforcer la coordination entre professionnels et optimiser le temps médical. Cela se traduit notamment par la suppression du numerus clausus, la création de structures de soins coordonnées – communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), maisons et centres de santé –, l’accès direct à certains professionnels et les transferts de compétences.
Plus récemment, une loi a été adoptée pour renforcer la reconnaissance du rôle des infirmiers.
L’instauration d’une quatrième année d’internat en médecine générale, les « docteurs juniors », qui s’appliquera dès la rentrée 2027, permettra d’irriguer l’ensemble du territoire avec des professionnels détenteurs d’une thèse qui pourront recevoir des patients et qui découvriront des zones où ils pourront choisir de s’installer à la fin de leur année.
Le développement des services d’accès aux soins, désormais largement déployés, participe également au désengorgement des urgences et à une meilleure coordination entre la médecine de ville et l’hôpital.
L’ensemble de ces mesures témoigne de la volonté constante du Parlement de faire évoluer l’organisation des soins en réponse aux besoins des citoyens.
Je souhaite également mettre en valeur les initiatives locales, qui jouent un rôle clé dans cette dynamique. À titre d’exemple, le lycée Jean-Vigo de Millau, dans ma circonscription, propose une option « santé » dès la classe de seconde. Ce dispositif vise à sensibiliser les jeunes aux métiers du soin et à susciter des vocations, afin de favoriser à terme l’installation de professionnels dans leur territoire d’origine.
Un point mérite une attention particulière : la formation des professionnels de santé. Ce sujet, largement abordé lors de nos travaux, appelle des réformes structurelles. La double tutelle exercée par les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur complexifie les parcours. Il serait pertinent d’évoluer vers des facultés de santé unifiées, à l’image de ce qui se fait à Toulouse, afin de mieux préparer la collaboration entre les futurs acteurs du soin. Pour cela nous devons mener un dialogue constructif et associer l’ensemble des parties prenantes à la réflexion pour accompagner ces évolutions.
Enfin, je souhaite rappeler que l’enjeu fondamental de nos politiques publiques reste l’accès, la qualité et la continuité des soins pour tous, partout sur le territoire. Pour cela, nous devons pouvoir compter sur l’engagement des professionnels, sur la connaissance fine des élus locaux et sur le soutien indispensable des administrations, notamment les agences régionales de santé (ARS), dans la mise en œuvre des réformes.
Si je ne partage pas l’ensemble des recommandations formulées dans le rapport, j’en salue la richesse et la diversité. Une approche systémique est indispensable pour améliorer durablement notre système de santé. Ce rapport y contribue.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Nous voici arrivés au terme de cinq mois de travaux menés de concert avec le président Jean-François Rousset, dont je tiens à saluer l’implication. Ayant été rapporteur d’autres commissions d’enquête parlementaires, j’ai connu des présidents moins présents et plus enclins à déléguer. Jean-François Rousset a présidé l’intégralité des auditions, et nous avons réellement travaillé ensemble pendant cinq mois, même si nous pouvons avoir des divergences sur certaines recommandations. Je l’en remercie. Je tiens aussi à remercier nos administrateurs ainsi que les stagiaires sans lesquels nous n’aurions pu mener ces travaux à leur terme – une commission d’enquête demande beaucoup de travail et de recherches. Quoi qu’il en soit, je pense avoir réussi à personnaliser ce rapport autant que je le voulais : ces propositions sont vraiment les miennes, élaborées à l’issue des nombreuses auditions.
Je suis plus que jamais convaincu que cette commission d’enquête était indispensable. Nous avons essayé de poser un diagnostic clair sur ce qui est l’une des priorités des Français : notre système de santé. Plutôt que de mettre des pansements sur une grosse hémorragie, nous prônons un changement systémique par le biais de recommandations fortes qui vont bien au-delà des préconisations faites au cours des dernières années, notamment par l’administration. Notre diagnostic met en lumière des choix politiques parfois bien mal inspirés, dont le meilleur exemple est le numerus clausus, responsable de la majeure partie des maux de notre système de santé. Alors que les nouveaux médecins diplômés étaient 7 500 en 1973, leur nombre est passé à moins de 4 000 par an entre 1983 et 2003. Cette année, ils devraient être environ 9 000, en ajoutant les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), et un peu plus si l’on compte aussi les étudiants français qui sont allés étudier à l’étranger. Il est prévu de former 33 000 nouveaux médecins en trois ans, soit autant qu’en dix ans entre 1993 et 2003.
Certaines évolutions étaient difficiles à anticiper, comme le changement de mentalité des médecins qui aspirent plus que par le passé à profiter de leur vie familiale. En revanche, le vieillissement de la population et l’augmentation des affections de longue durée (ALD) étaient hautement prévisibles. On peut donc déplorer un manque d’anticipation et d’inspiration en matière de politiques publiques. C’est à l’État et aux collectivités de planifier et de tracer les orientations dans le domaine sanitaire. Sans excès et sans omnipotence mais avec clarté, la puissance publique doit fixer les règles du jeu.
Au-delà de ce premier constat, je souhaite insister sur le caractère exhaustif de nos auditions. Face à nous, sont venus témoigner des infirmières dont les indemnités compensatrices de nuit n’ont pas été revalorisées depuis 2001, des présidents de commissions médicales d’établissement (CME) qui souffrent d’une bureaucratisation de leur hôpital, des usagers qui se plaignent de devoir attendre très longtemps pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste, ou encore des internes qui cumulent des semaines à 80 heures.
En miroir, nous avons pu relever les réponses souvent insuffisantes, voire artificielles des administrations. Plutôt que renverser la table, on propose une révision de schéma, un critère supplémentaire d’autorisation. Il ne s’agit pas de remettre en cause la compétence ou l’engagement des personnels administratifs, mais un constat lucide s’impose : nous avons délégué la gestion de ce champ capital de l’action de l’État à de puissantes administrations, sans toujours assortir cette délégation d’un véritable contrôle politique.
Nous devons faire des choix cruciaux d’organisation pour éviter que ne s’enkystent les maux de notre système : épuisement professionnel ; suradministration ; concurrence déloyale entre hôpitaux publics et cliniques privées ; renoncement aux soins faute de moyens, faute de médecins. Optons pour une méthode simple : clarifier chaque aspect du système de soins, de la formation à la planification côté offre et, côté demande, de la prévention à la guérison. C’est à cet effort de clarté que participe le présent rapport, que je vous invite à adopter. La crise sanitaire a mis en exergue la nécessité d’une réforme de notre système de santé. C’est un défi d’ampleur mais je suis certain que nous pourrons collectivement le relever.
Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur le rapporteur, je peux louer le travail fourni et la qualité des auditions – celles auxquelles j’ai pu assister étaient toutes plus intéressantes les unes que les autres –, mais je ne vous cache pas que je ne suis pas vraiment en phase avec votre première recommandation : supprimer les ARS. Qu’est-ce qui motive une recommandation aussi lourde de conséquences ? Avant de supprimer l’organisation actuelle – qui n’est certes pas parfaite –, il faut être sûr de pouvoir la remplacer sans bloquer le système.
Vous proposez aussi de modifier le code de l’action sociale et des familles (CASF). Pour éviter la double tutelle département-ARS, vous proposez en quelque sorte de confier aux départements tout ce qui relève du CASF. C’est l’inverse de l’option choisie pour l’expérimentation en cours pour les établissements médico-sociaux.
Enfin, qu’attendez-vous de la fusion des conseils territoriaux de santé (CTS) avec les contrats locaux de santé (CLS) ? Comment voyez-vous l’articulation des CTS et du projet régional de santé (PRS) ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vos dernières questions sont liées à ma recommandation n° 1 : supprimer les ARS, sous réserve de la répartition des autres compétences tel que proposé dans le présent rapport. Les ARS possèdent quatre compétences principales : l’organisation de l’offre de soins, la prévention, la dépendance et la santé environnementale. C’est énorme. Pour ma part, j’estime qu’elles devraient se focaliser uniquement sur l’offre de soins, ce qui répond à vos questions sur la modification du CASF, sur les CTS et les CLS. Les communautés de communes seraient chargées de la prévention et les départements de la dépendance. Quant à la santé environnementale, elle pourrait être du ressort de la direction départementale des territoires (DDT) ou d’une autre administration placée sous l’autorité du préfet.
La population et les professionnels auraient alors un interlocuteur unique en matière d’accès aux soins, priorité des Français. Nous sommes en démocratie et non pas en « administrocratie ». Il faut redonner du poids aux départements en leur confiant l’intégralité de la dépendance, avec les moyens adéquats, au lieu de leur retirer la part qui leur revient actuellement pour la donner à l’administration comme proposé dans cette expérimentation, car peu de personnes connaissent aussi bien leur territoire que les élus locaux.
Dans la structuration que j’envisage, des directeurs généraux d’offre de soins seraient placés sous l’autorité des préfets de région, et un sous-préfet en charge de l’offre de soins sous celle du préfet de département.
En France, nous avons trois priorités : l’économie, la sécurité, la santé. Dans les préfectures, un directeur de cabinet est chargé de la sécurité et un secrétaire général est chargé de l’économie. Je trouverais normal que quelqu’un s’occupe de la santé, d’autant que les élus locaux ont nettement plus d’interactions avec les préfectures qu’avec les ARS qu’ils trouvent beaucoup plus éloignées de leurs préoccupations.
Mais il ne faut pas tout jeter dans les ARS : la santé doit se structurer au niveau régional avec un centre hospitalier universitaire (CHU), des hôpitaux départementaux, des cliniques. Je ne veux pas revenir à l’époque où il n’y avait que les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS). J’essaie de prendre le meilleur des deux systèmes – ARS et DDASS – pour créer un hybride. Je garde l’échelon régional pour structurer l’offre de soins tout en redonnant du pouvoir aux départements qui sont au plus près des gens. Mais la réorganisation proposée doit s’envisager de façon globale : on fait tout ou on ne fait rien.
Mme Annie Vidal (EPR). C’est une approche que je ne partage pas.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Ce n’est que l’une de mes recommandations.
Mme Annie Vidal (EPR). Dans les départements, il y a un enjeu majeur concernant la dépendance : suivre les enveloppes financières versées aux départements et s’assurer qu’elles arrivent là où elles doivent arriver.
M. Michel Lauzzana (EPR). Dans votre recommandation n° 3, vous préconisez de régionaliser les recrutements de praticiens hospitaliers à la sortie des études médicales. Ne serait-il pas plus intéressant de les régionaliser à l’entrée pour que les gens retournent dans leur région ? En outre, je m’interroge sur la possibilité de le faire à la sortie.
La recommandation n° 9 sur le sous-préfet en charge de l’offre de soins me semble créer des complications là où il faudrait plutôt simplifier.
Votre recommandation numéro n° 14 invite à étudier la possibilité de substituer un système d’examen au concours existant à la fin de la première année. À votre avis, faudrait-il questionner la motivation des étudiants à la faveur de cet examen pour ne pas se focaliser sur la seule technique au détriment de l’aspect humain de cette profession ?
Vous n’avez pas recommandé la désignation d’un chef de file dans les groupements hospitaliers de territoire (GHT), organes de concertation où les décisions doivent en quelque sorte se prendre à l’unanimité. Or il me semble qu’une vraie mutualisation est impossible en l’absence de pilotage unique.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. La recommandation n° 3 n’avait pas lieu d’être et elle aurait dû être supprimée. J’évoque dans le corps du rapport cette régionalisation des recrutements de praticiens hospitaliers à la sortie des études médicales, mais je ne voulais pas en faire une recommandation.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je suggérais de régionaliser à l’entrée des études.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Vous pourriez créer un blocage, avoir moins d’étudiants dans telle ou telle région et aggraver le déficit en médecins de ce territoire. Si l’on suit les autres recommandations, notamment en matière de sélection et de nombre d’étudiants en médecine, on n’aura pas besoin de régionaliser.
M. Michel Lauzzana (EPR). Pour moi, le but de la régionalisation était de faire en sorte que les étudiants en médecine retournent dans leur région, manière de lutter contre la désertification médicale.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si l’évolution du numerus clausus conduit à une multiplication par trois ou quatre du nombre d’étudiants en médecine, ceux-ci seront nécessairement mieux répartis sur le territoire. C’est ce raisonnement qui m’a conduit à ne pas voter pour la proposition de loi de Guillaume Garot visant à lutter contre les déserts médicaux. L’obligation d’installation n’est pas une réponse cohérente à un moment où l’insuffisance de médecins est nationale. Elle pourra le devenir si nous avons un jour trop de médecins.
Nous avons, lors de nos déplacements, visité des hôpitaux de toutes tailles, grands et petits. Je suis moi-même un défenseur des petits hôpitaux. Les témoignages que nous avons recueillis nous ont conduits à réfléchir à une suppression de l’unanimité pour les décisions au sein d’un GHT. Nous y avons finalement renoncé, car cela aurait conduit à des mariages forcés, qui, on le sait, ne peuvent pas bien se passer.
M. Michel Lauzzana (EPR). Permettez-moi de préciser ma proposition. Aujourd’hui, personne n’est responsable de rien. Il serait donc intéressant d’avoir un chef de file – le plus grand hôpital du groupement par exemple – responsable de la mutualisation des médecins et des moyens, pour permettre, par exemple, à un plus petit hôpital de faire face à des difficultés de fonctionnement. Je ne propose donc pas l’unanimité.
M. Théo Bernhardt (RN). Nous ne pouvons qu’être d’accord avec vos critiques des ARS et de la loi Notre, qui les a encore plus déconnectées. Je rappelle que nous proposons de les remplacer par un préfet de santé.
Le comité de pilotage de l’hôpital de ma circonscription, qui se trouve dans une situation financière catastrophique, est en train de réfléchir à son futur. On m’a interrogé sur la territorialisation des contrats de travail des personnels hospitaliers. L’hôpital est en effet associé à deux autres centres hospitaliers, mais les contrats de travail ne lient les personnels qu’à un seul des trois hôpitaux, ce qui complique les choses.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. La question se pose sans doute davantage pour les personnels paramédicaux, car il est très rare qu’un médecin travaille pour un seul hôpital, mais ce besoin n’a pas été évoqué lors de nos auditions. C’est une réflexion que nous pourrons avoir à l’avenir, mais j’ai préféré ne pas faire de recommandation à ce sujet.
Mme Christine Loir (RN). Dans le paramédical, il peut être inscrit dans nos contrats que nous pouvons avoir à travailler dans plusieurs établissements.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. J’imagine que cela ne peut être fait que pour des hôpitaux qui ont une direction commune.
Mme Christine Loir (RN). Il m’est arrivé de faire des nuits dans un autre hôpital en manque de personnel, mais il faut effectivement que les hôpitaux aient un lien.
M. Guillaume Garot (SOC). Je souhaite remercier et féliciter le rapporteur et toute l’équipe pour la rédaction de ce rapport, qui marque une étape. Cette réflexion contient en effet des éléments nouveaux qui sont vraiment intéressants. Je suis désolé de n’avoir pas pu être plus assidu aux réunions, mais le rapport contient des propositions qui me conviennent tout à fait.
Je pense notamment à la révision de la maquette des études de médecine, qui est indispensable car il faut répondre à la pression et à la charge mentale qui pèsent aujourd’hui sur les étudiants. L’idée d’une programmation pluriannuelle des investissements est également très intéressante, car elle ouvre des perspectives aux territoires.
Je continue de m’interroger sur l’avenir des ARS. Le rapport propose de les remplacer par une direction régionale. Mon département est le moins peuplé de la région Pays de la Loire et je constate que, du temps des DDASS, la coordination de l’action régionale et de l’action départementale était plus efficace qu’aujourd’hui.
Je regrette que la régulation de l’installation des médecins ne soit pas mentionnée dans le rapport. Je suis en désaccord avec le rapporteur lorsqu’il dit que cela ne peut pas marcher. Je ne pense pas que la main invisible du marché permettra de répartir les forces médicales où nous en avons besoin. Sans encadrement minimal, cela n’est pas possible. Je rappelle que ma proposition de loi n’oblige pas les médecins à s’installer à tel ou tel endroit, elle leur impose simplement de ne pas s’installer là où il y a déjà un nombre suffisant de médecins. C’est déjà le cas pour les dentistes et cela ne choque personne. On constate une tendance de fond depuis une quinzaine d’années : il y a plus de médecins dans les territoires où il y en avait déjà en nombre et moins dans les territoires qui étaient déjà dans une situation fragile.
Malgré ce désaccord, je veux encore saluer ce travail solide, sérieux et complet.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Nous avons travaillé avec le même administrateur, qui me faisait régulièrement part de toute l’intelligence de votre proposition de loi. J’émets toutefois quelques doutes sur son efficacité à court terme.
Concernant la proposition n° 1 sur les ARS, plutôt que de parler de suppression, sans doute est-il préférable de parler de restructuration ou de refondation. En effet, je ne propose pas de leur enlever toutes leurs compétences, mais qu’elles se focalisent uniquement sur celle relative à la régulation de l’offre de soins.
M. Thierry Frappé (RN). Le terme de restructuration est préférable. Les ARS emploient en effet beaucoup de monde – de mémoire, l’ARS des Hauts-de-France en emploie plus de 800 – et il faudrait, en cas de suppression, recaser toutes ces personnes.
M. Guillaume Garot (SOC). Je préfère moi aussi le terme de restructuration.
Mme Annie Vidal (EPR). En effet, il faut remplacer la suppression par la restructuration.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Nous allons procéder à cette modification.
La commission adopte le rapport.
cONTRIBUTION DU GROUPE rassemblement national
Les députés du Rassemblement National tiennent à saluer le travail mené par la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins. Le président et le rapporteur ont fait preuve, tout au long des travaux, d’une attitude respectueuse et ouverte à tous les points de vue, ce qui a permis des échanges constructifs sur un sujet aussi vital que complexe. Le groupe du Rassemblement National remercie également l’ensemble des acteurs de terrain, des associations, des élus, qui ont accompagné les travaux de cette commission par leur expertise et leurs témoignages, tout comme les services de l’Assemblée nationale pour leur dévouement et leur professionnalisme.
Ce nouveau rapport dresse une fois encore un constat accablant dont les Français sont victimes au quotidien. Si le problème se limitait au seul temps d’attente aux urgences, sa résolution serait bien plus simple. Malheureusement, la crise est bien plus profonde. Il ne s’agit pas uniquement de l’hôpital mais bien de l’entièreté de notre système de santé.
Les délais d’attente, notamment pour consulter certains spécialistes, la désertification médicale, des conditions de travail éprouvantes pour les soignants composent le délitement du maillage médical dans nos territoires. Combien de fois avons-nous entendu dans nos circonscriptions que le « système craque de partout », « je dois attendre plusieurs mois avant de consulter un cardiologue », « j’ai dû emmener ma femme accoucher à 2 heures de route, faute de maternité à proximité ».
Si la France conserve l’un des plus faibles taux de mortalité évitable de l’Union européenne, ces signaux d’alerte doivent néanmoins être pris impérativement très au sérieux. Il est urgent de lancer des réformes avant que la santé de la population ne se détériore davantage sous l’effet de plusieurs facteurs : l’évolution démographique, les finances publiques sous pression à cause des présidences d’Emmanuel Macron avec la tentation de dérembourser les soins et les médicaments, les départs à la retraite du personnel médical, et la faible attractivité des métiers hospitaliers. L’augmentation croissante du taux de mortalité infantile, l’un des plus élevés d’Europe, est une des alertes concrètes.
Pour réorganiser notre système de santé, le rapporteur propose de réformer les agences régionales de santé (ARS), qu’il juge dotées de compétences trop étendues et responsables de la création excessive de postes administratifs. Il préconise notamment la création d’un sous-préfet santé. Créées par la loi Bachelot en 2009, elles sont un véritable rouleau-compresseur administratif pour les hôpitaux. Elles sont infiltrées dans la gouvernance de l’hôpital et des services de soins au détriment des médecins, notamment des chefs de service. Elles cannibalisent du temps précieux des soignants pour qu’ils remplissent des formulaires ou encore des fichiers Excel. Avec tout ce travail de centralisation extrêmement détaillé, jusqu’à l’absurde, les ARS auraient dû être de véritables chefs d’orchestre lors de la pandémie puisqu’une de leurs missions principales est d’organiser les soins y compris en période de crise. Sans grand étonnement, elles ont échoué. Cette organisation technocratique s’est encore plus coupée du terrain suite à la loi NOTRe de 2015 fusionnant les régions pour en créer des immenses, réforme que le Rassemblement National a toujours critiquée.
Contrairement au rapporteur, le Rassemblement National propose de supprimer ces mastodontes administratifs puisqu’aucune plus-value n’émane de ces structures. Au contraire, elles sont l’archétype des principaux maux français dans ce secteur : lourdeur bureaucratique, manque de réactivité, décisions technocratiques loin des besoins concrets des territoires, défiance de la population ne percevant pas leur utilité alors que ce sont leurs impôts qui les financent, et une méfiance des professionnels.
Le rapporteur souhaite créer un préfet-santé. Il fait écho au programme présidentiel porté par Marine Le Pen souhaitant confier la tutelle des hôpitaux aux préfets de région à travers les directions régionales des affaires sanitaires et sociales. Cette mesure prouvera son efficacité si les ARS sont supprimées, contrairement au rapporteur souhaitant les conserver et donc créant une complexité administrative supplémentaire.
Malgré l’urgence de la situation, le cumul emploi-retraite est un pansement sur une jambe de bois. Bien qu’il tente de maintenir le nombre de médecins en activité, ce dispositif ne constitue pas une réponse efficace et durable face à l’ampleur de la pénurie et des déserts médicaux.
Il est regrettable que le rapport ne mentionne pas la difficulté pour les communes de mettre en place les maisons de santé. Il se contente d’affirmer qu’il s’agit d’une compétence relevant avant tout de l’État, tout en reconnaissant que les maires peuvent néanmoins en créer sous certaines conditions restrictives. Mais il omet totalement d’aborder la réalité des charges financières que cela implique pour une commune, la lourdeur du montage budgétaire et la complexité de l’accès aux subventions nécessaires. Cette lacune occulte un obstacle majeur à la diffusion de ces structures, alors même que la question du financement local en constitue un facteur limitant déterminant.
Au cours de son audition devant la commission d’enquête, le directeur de la haute autorité de santé (HAS) a précisé que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), bien qu’inscrits dans le champ médico-social, sont évalués par des organismes externes « indépendants » dont le choix et le financement relèvent des établissements eux-mêmes. Cette organisation soulève des interrogations majeures quant à l’indépendance et à l’objectivité des évaluations menées. En effet, le fait pour un établissement d’être à la fois prescripteur et financeur de sa propre évaluation est de nature à introduire un biais structurel dans le dispositif de contrôle. Cette situation peut conduire, volontairement ou non, à un affaiblissement du niveau d’exigence attendu de ces missions, compromettant ainsi la fiabilité des diagnostics posés sur la qualité de l’accompagnement et des soins.
De l’aveu même du président de la HAS, « cela mérite réflexion ». Les conséquences de ce dispositif sont d’autant plus préoccupantes qu’il concerne une population particulièrement vulnérable, pour laquelle l’évaluation de la qualité des soins et de la bientraitance constitue un enjeu crucial. La commission estime que cette organisation actuelle des inspections contribue, par son ambiguïté, à fragiliser l’effectivité du droit à des soins dignes, sûrs et accessibles en établissement médico-social. Le groupe RN proposera une approche alternative, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint et sans augmenter la complexité administrative, pour formuler une proposition alternative pour mettre fin à cette méthode d’auto-évaluation biaisée. Un contrôle défaillant des EHPAD a des conséquences directes sur la qualité des soins apportés aux résidents, notamment les plus vulnérables.
Le système de santé est un chantier considérable. Les défis structurels et conjoncturels pourront être surmontés avec du courage politique et une volonté forte. Ils seront portés par le Rassemblement National, sous l’égide de Marine Le Pen et Jordan Bardella, et tous les élus souhaitant œuvrer pour le bien-être des citoyens français. Une fois le constat posé, il est impératif que les solutions soient mises en œuvre concrètement.
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Contribution de Mme Géraldine Bannier, députée de la DEUXIÈme CIRCONSCRIPTION DE LA Mayenne.
La commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins est bien nommée tant les défauts structurels semblent se traduire concrètement dans la difficulté d’accès aux soins de nos concitoyens.
Les disparités territoriales se sont accrues et se traduisent, dans un territoire comme le mien, la Mayenne, par des réalités très difficiles : 10 % des habitants sans médecin traitant, des délais dépassant très largement les sept ou huit mois pour un rendez-vous chez le dentiste ou les dix mois pour accéder à un rendez-vous d’ophtalmologiste. Des dermatologues qui se comptent sur les doigts d’une main.
Dans nos hôpitaux le constat n’est pas plus réjouissant : ce ne sont pas moins de vingt postes d’urgentistes qui manquent avec un échec de la régulation, et 38 plages annoncées sans SMUR en juillet-août, laissant nos concitoyens sans solution, sinon par une mise en place, in extremis et avec l’intervention du ministère, d’un appui d’urgence par les hôpitaux des départements voisins.
L’inquiétude est grande alors que le territoire est pourtant dynamique, sûr, pourvoyeur d’emplois, et organisateur l’été, de grands événements…
Le constat porté par le rapport sur le défaut des choix politiques qui ont pu conduire à accentuer plutôt qu’à résorber les inégalités d’accès aux soins est juste. On peut particulièrement retenir l’erreur d’un numerus clausus alors qu’on savait que les besoins de la génération « baby-boom » allaient se présenter, l’accent mis sur la fuite de nos étudiants à l’étranger, l’allongement d’études très centrées en zones urbaines qui éloignent les jeunes diplômés de zones qui deviennent alors encore davantage perçues comme non-attractives, les atteintes au « temps médical » que ce soit par évolution sociétale - les médecins n’étant plus prêts à enfiler des semaines de soixante-dix heures à la tâche - ou par croissance de la part administrative, les défauts des aides incitatives qui mènent à des concurrences entre collectivités délétères et à des attributions bien trop larges, le recours excessif à l’intérim ou aux contrats temporaires, l’inefficience enfin de la gouvernance du système, avec des défauts de pilotage tant de l’Ars, décrite comme lointaine, opaque, qu’au niveau des établissements de santé, où la sanction est pointée comme difficilement applicable, la qualité du soin peu récompensée…
Ainsi, la formulation de préconisations variées mérite d’être regardée attentivement, notamment ce qui peut permettre à davantage d’étudiants, issus de parcours variés ou via des passerelles, et même après redoublement, d’accéder à l’exercice de la médecine, ainsi que les réformes structurelles indiquées.
Certaines des recommandations attirent particulièrement mon attention ; ainsi, sur l’actualisation des zonages chaque année par l’ARS, il semble qu’il faille rendre plus lisibles les « zones d’intervention prioritaires » et « zones d’action complémentaire », éligibles aux Pamsu, comme les QPV, pour rendre la chose compréhensible par nos concitoyens et améliorer le « thermomètre » : comment un département comme la Mayenne, souvent classé parmi les premiers des déserts médicaux français, ne présente à l’issue du dernier classement que deux intercommunalités vulnérables ? Le critère retenu est l’isolement géographique et la très faible densité médicale mais nos concitoyens risquent d’être très surpris et fort déçus par ce classement et un déploiement au final très resserré du dispositif « volontariat des médecins ».
La 4ème recommandation du rapport propose que la durée des études de santé soit ramenée à huit ans, la 4ème année supprimée, l’alternance la règle dès la deuxième année d’études. Il est juste de s’interroger sur l’opportunité de ces années de « passage » pendant les études sur les territoires sous-dotés : les étudiants, docteurs juniors doivent être encadrés par des maîtres de stage universitaires, par principe moins nombreux dans les territoires sous-dotés. Le développement de cycles complets d’étude, dans tous les départements, y compris ruraux, par l’évolution aussi de centres hospitaliers en centres hospitaliers universitaires, est une voie souhaitable.
Une proposition d’un engagement post-diplôme, d’une année d’exercice en zone sous-dense, renouvelable deux fois, sous la forme d’un volontariat, a trouvé un bon accueil et chez les étudiants, et chez les internes. C’est aussi une proposition de l’Académie de médecine. Cette année d’engagement d’exercice volontaire en zone sous-dense ne nécessite pas l’encadrement de maîtres de stage universitaires et répond au besoin de sens et de mobilité qu’exprime la jeunesse. Elle serait d’autant plus facilitée qu’il y aurait un raccourcissement global de la durée d’études. C’est donc une préconisation que je me permets de formuler, élue d’un territoire où le problème de l’accès aux soins est premier, malgré de forts atouts et un dynamisme avéré par ailleurs.
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Contribution de M. ROMAIN ESKENAZI, député de la SEPTIÈME CIRCONSCRIPTION DU VAL-D’OISE.
Le député Romain Eskenazi salue l’engagement de la commission d’enquête parlementaire et exprime sa gratitude aux personnalités auditionnées pour la qualité et la richesse de leurs contributions. Ces travaux sont essentiels pour répondre à la crise multidimensionnelle qui affecte le système de santé français, dont la problématique des déserts médicaux constitue un symptôme particulièrement préoccupant.
La situation actuelle met en lumière une fracture croissante dans l’accès aux soins. Selon les données de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM, 2023), environ 6 millions de Français ne disposent pas de médecin traitant. Par ailleurs, 87 % du territoire national est classé en zone sous-dense en médecins généralistes (Zonage ARS). Ces disparités territoriales s’aggravent : entre 2013 et 2023, la densité de médecins par habitant a augmenté de 27,9 % dans les Hautes-Alpes, tandis qu’elle a diminué de 15,7 % dans la Creuse (Ordre des médecins, 2024). À titre d’exemple, Paris compte 17 fois plus d’ophtalmologues par habitant que la Creuse (Ordre des médecins, 2023). Ces écarts, conjugués à des disparités infra-départementales, compromettent l’égalité d’accès aux soins et exacerbent les inégalités sociales de santé.
Dans les territoires sous-dotés, l’accès aux soins n’est plus systématiquement garanti, entraînant des délais d’attente prolongés et des temps de déplacement souvent rédhibitoires. Cette situation engendre une saturation des professionnels de santé, confrontés à une demande croissante de patients en quête de solutions. Malgré leur dévouement exemplaire, tant en médecine de ville qu’en milieu hospitalier, ces professionnels peinent à répondre aux besoins, ce qui conduit à une hausse alarmante du renoncement aux soins. En l’absence de soins de proximité, les pathologies s’aggravent, les recours aux urgences se multiplient, et la continuité des politiques de santé publique est menacée. Ainsi, la fracture sanitaire s’ajoute à la fracture territoriale, transformant la répartition des effectifs médicaux en un enjeu systémique touchant l’organisation même de l’accès aux soins.
Cette situation critique est aggravée par des mesures d’économie, telles que le gel, pour six mois, des revalorisations tarifaires prévues pour les professionnels de santé au 1er juillet 2024, et la réduction du plafond de remises sur les médicaments génériques de 40 % à 20 %, suite à l’avis du comité d’alerte du 18 juin 2024 anticipant un dépassement de 1,3 milliard d’euros de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Ces décisions, bien que visant un redressement budgétaire, fragilisent davantage les professionnels de santé libéraux, notamment les pharmaciens et les kinésithérapeutes, et menacent la viabilité du maillage territorial des soins, accentuant ainsi les déserts médicaux. La croissance actuelle de l’ONDAM est jugée insuffisante par les acteurs du secteur, notamment en raison des pressions démographiques (vieillissement de la population) et des surcoûts liés à l’inflation. Pour répondre à ces défis, il est crucial d’augmenter la trajectoire de l’ONDAM, en alignement avec les besoins réels, pour couvrir l’inflation et les évolutions démographiques. Un plan ambitieux de sauvetage du système de santé, co-construit avec les professionnels, est nécessaire pour garantir un accès équitable aux soins et soutenir les soignants.
En complément, le député propose, par cette contribution, d’aborder plusieurs leviers complémentaires pour éviter d’aggraver ces difficultés et améliorer l’accès à l’offre de soins.
Le développement des maisons de santé pluridisciplinaires : un outil encore insuffisamment structuré face aux déserts médicaux
Dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux, les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), regroupant en moyenne 6 à 12 professionnels, constituent une réponse pertinente, notamment en zones rurales et sous-denses où elles sont implantées à 90 %. Près de 2 300 structures sont en activité en 2025, avec un objectif gouvernemental de 4 000 d’ici 2027, pour un financement de 50 millions d’euros supplémentaires.
Si les MSP favorisent l’installation des professionnels de santé grâce à des conditions de travail améliorées et à la mutualisation des moyens, leur déploiement demeure lent et inégal. Le rythme de création prévu (1 700 MSP supplémentaires en 2 ans) apparaît irréaliste au regard des moyens alloués, alors que chaque structure nécessite plusieurs centaines de milliers d’euros. La commission souligne également l’absence de modèle organisationnel unifié (SISA, SCIC, portage communal…), qui freine la gouvernance et la coordination des soins. Ce manque de pilotage national entretient de fortes disparités territoriales.
Le député suggère ainsi d’envisager de renforcer les moyens financiers, à hauteur d’au moins 150 millions d’euros sur 3 ans, et d’établir un maillage planifié, piloté par les ARS et coordonné par la DGOS. La création d’un fonds régional d’amorçage destiné aux jeunes professionnels de santé, incluant des aides à l’installation, à la mobilité et au numérique, contribuera à l’efficience de ces mesures, tout comme l’instauration d’un modèle national de coordination pluriprofessionnelle avec des formations obligatoires financées et des systèmes d’information interopérables. Enfin, une évaluation systématique des MSP devra être réalisée dans les deux ans suivant leur ouverture.
La régulation de l’intérim paramédical : un levier pour préserver le budget des hôpitaux et améliorer la qualité des soins
La fragilisation humaine et financière de l’hôpital public s’explique notamment par le recours au personnel paramédical intérimaire – principalement des infirmiers, aides-soignants et manipulateurs radio – pour pallier les difficultés de recrutement et faire face à la désaffection croissante des postes fixes dans la fonction publique hospitalière. Selon les chiffres de la Fédération hospitalière de France (FHF), en 2023, près de 30 % des hôpitaux ont eu recours à l’intérim paramédical de manière régulière, avec une forte concentration dans les services d’urgences, de réanimation et de soins gériatriques. Ce phénomène s’est accéléré depuis la crise de la Covid-19.
Loin de pallier le manque de 60 000 personnels qualifiés auquel font face les urgences, ce phénomène a des effets néfastes pour les hôpitaux. Il entraîne une hausse des dépenses de 25 % entre 2017 et 2022 (147,5 millions d’euros en 2022), car un infirmier intérimaire peut coûter entre 400 et 600 euros contre environ 200 euros pour un agent titulaire (incluant les charges). Pire, il incite les agents à devenir intérimaires pour augmenter leur rémunération, plongeant le système de santé dans une logique de concurrence entre établissements.
Ce système doit être réformé d’urgence. Il est proposé de limiter l’intérim paramédical pour préserver le budget des hôpitaux et améliorer la qualité des soins, par l’application de la loi Rist (2021) à l’intérim paramédical, avec ses plafonds de rémunération. Les outils de suivi des contrats d’intérim doivent être renforcés et leur usage limité à des besoins ponctuels urgents, tandis que les grilles salariales doivent être revalorisées. Le recours à l’intérim privé devra être compensé par l’instauration, dans chaque groupement hospitalier de territoire, d’un vivier mutualisé de soignants remplaçants, avec des contrats à temps partiel ou modulables, sous statut hospitalier.
Les taxis sanitaires : un maillon nécessaire pour garantir l’accessibilité des soins
Dans les territoires ruraux, d’outre-mer ou sous-dotés, les taxis sanitaires représentent souvent l’unique solution de transport médicalisé léger pour les personnes isolées, précaires ou âgées. Leur rôle est central dans l’accès effectif aux soins et dans le maintien du lien social et sanitaire.
Cependant, la réforme tarifaire envisagée par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) menace de fragiliser gravement l’activité des taxis sanitaires. Elle remettrait en cause le cadre tarifaire national qui garantit aujourd’hui leur viabilité économique. Or, ce modèle est déjà sous tension : les tarifs réglementés évoluent lentement, alors que les charges (carburant, salaires, entretien) augmentent fortement. Sans revalorisation adaptée, le risque de désengagement massif est réel, notamment dans les zones rurales, périurbaines et d’outre-mer, où les taxis sont souvent le seul moyen d’accéder aux soins. Cette réforme aggraverait ainsi les inégalités territoriales et médicales.
Par ailleurs, les économies visées (300 millions d’euros) sont illusoires : l’UNCAM elle-même reconnaît qu’aucun gain réel ne serait atteint. La hausse des dépenses de transport sanitaire s’explique par des facteurs structurels – vieillissement de la population, hospitalisation à domicile, éloignement des centres de soins – dont les taxis ne sont pas responsables. Ils exécutent des prescriptions médicales et ne sauraient être la variable d’ajustement d’une politique de restriction budgétaire.
Enfin, la méthode pose problème : contrairement aux autres professions de santé, les taxis sanitaires ne bénéficient pas d’une négociation conventionnelle nationale avec l’assurance maladie, mais seulement d’un avis consultatif. Il est urgent d’aligner leur statut sur celui des autres acteurs du soin et de garantir un dialogue équilibré pour préserver un service indispensable à l’accès aux soins et à l’aménagement du territoire.
Une piste alternative consisterait à instaurer une franchise de 1 euro par trajet pour deux ans, à la charge des taxis, soit 42 millions d’euros annuels, complétée par le développement du transport simultané. Il est également nécessaire de mettre en place un système national de collecte et de partage des données de transport pour éclairer les décisions publiques à partir de 2026. Enfin, la revalorisation tarifaire doit être fondée sur les coûts réels, l’attente et le kilométrage, ainsi que sur la mise en place d’une convention nationale obligatoire avec l’UNCAM, garantissant un cadre de négociation équitable, et la création d’un observatoire national du transport sanitaire, associant professionnels, élus et assurance maladie, chargé d’identifier les zones à risque de rupture d’offre.
Pharmaciens d’officine : des acteurs de proximité essentiels à préserver
Dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux, le rôle stratégique des pharmaciens d’officine dans le maintien d’un accès aux soins de proximité, notamment en zones rurales ou faiblement médicalisées, est incontestable. Ces professionnels assurent des missions élargies (téléconsultation, vaccination, prévention), souvent en l’absence d’autres acteurs de santé.
La réforme engagée, qui prévoit de réduire de 40 % à 20 % les remises commerciales sur les médicaments génériques, met en péril l’équilibre économique des officines, surtout dans les zones rurales. Intégrée au PLFSS pour réaliser une économie de 100 millions d’euros, cette mesure frappe un maillon essentiel du système de santé, déjà fragilisé. En dix ans, plus de 2 000 pharmacies ont fermé, et 20 000 emplois sont aujourd’hui directement menacés par cette réforme. Ce recul de l’offre officinale aggraverait les inégalités d’accès aux soins et accélérerait l’extension des déserts médicaux, notamment dans les zones rurales et les quartiers populaires.
Cette décision est d’autant plus incohérente que les médicaments génériques permettent à l’assurance maladie plus de 2,5 milliards d’euros d’économies annuelles, sans contribuer à l’inflation des dépenses. Leur inclusion dans les dispositifs de régulation apparaît injustifiée.
Il est donc proposé de réexaminer l’exclusion des génériques du champ de la clause de sauvegarde, de soutenir les officines par une rémunération adaptée pour les actes de coordination, d’éducation thérapeutique et de missions de santé publique, et de garantir des financements spécifiques pour leur intégration dans les MSP, en soutenant la formation continue et l’attribution de nouvelles missions cliniques.
Kinésithérapeutes : un levier de prévention à renforcer pour contenir la pression sur le système de santé
Dans un contexte de vieillissement de la population et de pression accrue sur le système de santé, la kinésithérapie constitue une réponse efficace, préventive et économiquement soutenable. Elle joue un rôle essentiel dans le maintien de l’autonomie, la prévention des chutes, la réduction des hospitalisations et l’amélioration de la qualité de vie, notamment des personnes âgées.
Cependant, 80 000 kinésithérapeutes libéraux restent exclus d’une revalorisation pourtant promise au 1er juillet 2024, malgré les sacrifices consentis dans le cadre d’un accord formel avec le gouvernement. L’affaiblissement de l’attractivité de cette profession, notamment en zones rurales, constitue une menace directe pour l’accès aux soins de rééducation dans les territoires déjà fragiles.
Le député recommande de généraliser l’accès direct encadré à la kinésithérapie, notamment pour les pathologies courantes (lombalgies, rééducation post-opératoire), et d’intégrer systématiquement les kinésithérapeutes dans les parcours de soins coordonnés, en particulier au sein des MSP et des CPTS. Le financement de programmes de prévention ciblés pour les personnes âgées à risque de chute, ainsi que le remboursement de la télérééducation, prioritairement en zones sous-dotées, sont également requis.
La kinésithérapie doit être pleinement reconnue comme un pilier de la médecine préventive et du maillage territorial. La mobilisation de cette profession est indispensable pour contenir la pression sur le système de santé et garantir une prise en charge de qualité sur l’ensemble du territoire.
Régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) : un enjeu vital pour les territoires en tension
Les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) jouent un rôle déterminant dans la couverture médicale des territoires les plus fragiles. Ils représentent 7 % du corps médical en France et jusqu’à 38 % des soignants en Île-de-France, avec une présence marquée dans les spécialités en tension : médecine générale, psychiatrie, anesthésie.
Pourtant, ces professionnels exercent dans des conditions précaires, avec des rémunérations largement inférieures à celles de leurs confrères, et restent exclus de perspectives de carrière stables en raison de procédures de régularisation inéquitables. Les Épreuves de vérification des connaissances (EVC), au taux de réussite très bas, sont dénoncées pour leur manque de transparence : elles s’apparentent à un concours implicite aux critères contestables, provoquant un sentiment d’injustice et d’incompréhension chez les praticiens, notamment les plus expérimentés. En effet, les modalités d’évaluation tiennent insuffisamment compte de l’expérience professionnelle avérée de nombreux candidats, qui travaillent activement sur le territoire depuis plusieurs années. Les PADHUE exerçant en France et se voyant refuser la validation se retrouvent dans une situation de précarité administrative, financière et professionnelle, qui fragilise le maintien de leur activité, pourtant essentielle pour garantir une offre de soins accessible.
Il est urgent d’assurer la validation des PADHUE de la promotion 2024 ayant obtenu une note supérieure à 10 aux EVC et disposant d’au moins trois années d’expérience en établissement, ainsi que de repenser les modalités des processus de sélection pour les promotions à venir, en créant une troisième voie de concours adaptée aux praticiens expérimentés.
Valorisation du point d’indice : un impératif pour l’attractivité des métiers hospitaliers
L’attractivité des métiers hospitaliers, en particulier les infirmiers diplômés d’État (IDE) et les sages-femmes, est un enjeu central pour garantir une offre de soins accessible. Or, le système actuel de rémunération, fondé sur le point d’indice, s’avère inadapté.
Gelé sur de longues périodes et non indexé sur l’inflation, il a entraîné une perte de pouvoir d’achat de près de 10 % entre 2000 et 2020. Cette rigidité salariale nuit fortement à la fidélisation et à l’attractivité, notamment dans les zones sous tension, où les hôpitaux publics sont structurellement désavantagés face au secteur privé. Le système actuel ne valorise ni l’ancienneté réelle ni les compétences avancées.
Face à cette situation, il est proposé d’instaurer une clause d’indexation partielle automatique du point d’indice sur l’indice des prix à la consommation (IPC), de créer des dispositifs de primes ciblées (prime de résidence médicale élargie, primes d’engagement dans les territoires fragiles) et de permettre l’attribution d’enveloppes locales de valorisation, permettant aux établissements, via les ARS ou les directions hospitalières, d’ajuster certains compléments de rémunération selon les besoins. Enfin, ces mesures doivent s’accompagner de la reconnaissance des compétences spécifiques par la création de grades dédiés, de grilles statutaires différenciées et de parcours de progression accélérée pour les métiers en tension.
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ANNEXE : LA RÉpartition des compÉtences au sein des services de l’État AVANT LA CRÉATION DES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ
Source : Assemblée nationale, rapport d’information n° 4267 déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de sécurité sociale sur les agences régionales de santé, Mme Agnès Firmin le Bodo et M. Jean-Carles Grelier, députés, 16 juin 2021.
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Liste des personnes auditionnées
(par ordre chronologique et alphabétique)
Audition commune
– M. Arnaud Fontanet, directeur d’unité épidémiologique à l’Institut Pasteur
– M. Emmanuel Vigneron, géographe, membre du Haut conseil de la santé publique (HCSP)
– M. Mathias Wargon, chef du service d’urgence du centre hospitalier Delafontaine
Audition commune
– Mme Marie Daudé, directrice générale de l’Offre de soins (DGOS)
– M. Stéphane Pardoux, directeur de l’Agence nationale de l’appui à la performance des établissements de santé et médico sociaux (ANAP)
Audition commune
– M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)
– M. Jean-François Fruttero, président de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) *
– Mme Magali Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales de la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole (CCMSA) *
Table ronde « collectivités territoriales et nouvelles pratiques de soins
– Mme Katy Bontinck, première adjointe au maire de Saint-Denis (93), chargée de la santé ;
– Professeur Lionel Collet, président de la Haute autorité de santé (HAS) ;
– M. Jean-Charles Dron, directeur du programme e-Meuse santé ;
– M. Patrick Genre, maire de Pontarlier, président des maires du Doubs, représentant de l’Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ;
– M. Philippe Gouet, président du groupe de travail « Santé » pour Départements de France (ADF), président du département du Loir-et-Cher ;
– M. Gilles Noël, maire de Varzy et membre du bureau de l’Association des maires ruraux de France (AMRF).
Table ronde sur le système hospitalier public
– M. Vincent Prévoteau, président de l’association des directeurs d’hôpital, directeur des Centres hospitaliers de Rodez, d’Espalion, de St Geniez d’Olt, du Vallon, de Decazeville et de l’EHPAD d’Aubin ;
– M. Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) et Mme Zaynab Riet, déléguée générale.
Table ronde sur les établissements de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC
– M. Charles Guepratte, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés (FEHAP) et M. Arnaud Joan Grange, directeur de l’offre de soin et de la coordination des parcours de santé * ;
– Mme Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer et Mme Sandrine Boucher, directrice de la stratégie médicale et performance. *
Table ronde « Agences régionales de santé »
– Dr Sergio Albarello, directeur général de l’ARS de Mayotte ;
– M. Yann Bubien, directeur général de l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur ;
– Dr Didier Jaffre, directeur général de l’ARS Occitanie ;
– Dr Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ARS Grand-Est.
Table ronde « Syndicats et Ordre des médecins »
– Dr François Arnault, président du Conseil national de l’Ordre des médecins ;
– Dr Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML) * ;
– Dr Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF) ;
– Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé * ;
– Dr Agnès Giannotti, présidente du Syndicat des médecins généralistes (SMG France).
Table ronde des syndicats de professionnels paramédicaux
– M. Philippe Besset, président de la Fédération des pharmaciens de France * ;
– Mme Diane Braccagni Desobeau, présidente de l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (ONSIL) * ;
– M. Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) * ;
– M. John Pinte, président du syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) * ;
– Mme Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière (CI).
Table ronde des associations d’usagers
– Dr Philippe Bergerot, président de la Ligue contre le cancer * ;
– Mme Michèle Leflon, présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité ;
– Mme Claudia Marchetti, médiatrice en santé à médecin du monde, représentante du collège des médiateur-rices en santé * ;
– M. Gérard Raymond, président de France Assos Santé * ;
– Mme Marie-Amandine Stevenin, présidente de UFC-Que Choisir ;
– M. Serge Widaski, directeur général de l’Association des paralysés de France (APF).
Table ronde des doyens d’universités de médecine
– M. Pierre Merville, doyen de la faculté de médecine de Bordeaux ;
– Pr Philippe Pomar, doyen de la faculté de médecine de Toulouse ;
– Pr Stéphane Zuily, doyen de la faculté de médecine de Nancy.
Table ronde des syndicats de jeunes médecins
– M. Bastien Bailleul, président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) ;
– M. Raphaël Dachicourt, président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) ;
– M. Killian L’Hergouarc’h, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI) ;
– Dr Sayaka Oguchi, présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) * ;
– M. Lucas Poittevin, président de l’Association nationale des étudiants de médecine de France (ANEMF) *.
Table ronde sur « les centres hospitaliers généraux »
– M. Thierry Godeau, président de la Conférence nationale des Présidents de CME de CH ;
– M. Francis Saint-Hubert, président de la Conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers (CNDCH).
Table ronde sur « le parcours périnatal »
– Mme Caroline Combot, présidente de l’Organisation nationale des syndicats de sages-femmes (ONSSF) ;
– M. Antony Cortes, journaliste à l’Humanité et coauteur du livre « 4,1. le scandale des accouchements en France » ;
– Dr Margaux Creutz Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP) ;
– Dr Bertrand Lacroix de Vimeur de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France.
Audition de Mme Sophie Lebret, secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales et M. Yann Debos, chef de service et responsable du pôle santé.
Table ronde sur « l’accompagnement de la dépendance »
– Mme Céline Boreux, directrice par intérim de la Fondation Aulagnier, membre du Collectif des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (COD3S) ;
– M. Louis Champion, président de la Fédération des prestataires de santé à domicile (FEDEPSAD) et Mme Alexandra Duvauchelle, déléguée générale * ;
– M. Mathurin Laurin, délégué général de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) * ;
– Mme Jade Lemaire, présidente du Cercle des proches aidants en EPHAD ;
– Dr Joëlle Martinaux, vice-présidente de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS).
Table ronde sur « l’état des lieux de l’industrie des produits de santé »
– M. Pierre Mezeray, directeur exécutif de Roche Diagnostics * ;
– Mme Laurence Peyraut, directrice générale du LEEM *.
Table ronde sur « le transport médical et les urgences »
– Dr Laurent Maillard, président des Observatoires régionaux des urgences (FEDORU) ;
– Dr Marc Noizet, président de SAMU urgences de France ;
– M. Marc Van Driesten, représentant le président de l’Association française des ambulanciers SMUR et hospitaliers (AFASH).
Table ronde sur « les perspectives internationales de l’organisation du système de soins »
– M. Francis Bouyer, conseiller aux affaires sociales de l’ambassade de France en Allemagne ;
– M. Xavier Schmitt, conseiller aux affaires sociales de l’ambassade de France en Suède.
Table ronde sur « l’hospitalisation privée »
– M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP) * ;
– M. Benjamin Guiraud-Chaumeil, président de Clinavenir et M. Bernard Assoun, président directeur général ;
– M. Patrick Jourdain, directeur médical France de Ramsay Santé * ;
– Dr François-Bruno Le Bot, médecin, administrateur du groupe Vivalto ;
– M. Sébastien Proto, président du groupe Elsan * .
Audition de M. Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po.
Table ronde sur les « acteurs de proximité / centres de santé / communautés professionnelles territoriales en santé »
– Mme Emmanuelle Barlerin, coprésidente de AVECsanté ;
– Dr Margot Bayart, présidente de la Fédération des soins primaires ;
– Dr Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) * ;
– M. Jean-François Moreul, président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) ;
– M. Frédéric Villebrun, président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS).
– Audition de Mme Sarah Sauneron, directrice générale de la Santé par intérim (DGS).
– Audition de M. Pierre Pribile, directeur de la Sécurité sociale (DSS).
– Audition de M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
– Audition de M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles, chargé de la Santé et de l’Accès aux soins.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
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programme du dÉplacement du RAPPORTEUR
EN RÉGION GRAND EST
Mardi 15 avril
– Accueil et échange avec le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy et le président de la commission médicale d’établissement.
– Visite de l’unité neuro-vasculaire de prise en charge des patients en Lorraine.
– Visite du service des urgences pour adultes.
– Entretien avec le directeur général et le président de la commission médicale d’établissement.
– Entretien avec la coordinatrice générale des soins et les représentants syndicaux des personnels paramédicaux.
– Rencontre avec le professeur Marc Braun ancien doyen de la faculté de médecine de Nancy.
– Visite du centre hospitalier psychiatrique Ravenel de Mirecourt et échange avec la direction et les représentants des professionnels médicaux et paramédicaux.
Mercredi 16 avril
– Visite du centre hospitalier de Remiremont et rencontre avec le directeur général.
– Rencontre avec les représentants des personnels médicaux et paramédicaux de l’hôpital de Remiremont.
– Déjeuner avec le président de France Asso Santé Grand Est.
– Visite de l’hôpital d’Épinal et rencontre avec les représentants des professionnels médicaux et paramédicaux.
– Rencontre à la direction départementale de l’agence régionale de santé Grand Est avec la directrice générale de l’ARS, la directrice départementale de l’ARS et la secrétaire générale de la préfecture des Vosges.
– Rencontre à la préfecture avec le président du conseil départemental des Vosges, le maire d’Épinal et l’adjoint au maire de Remiremont en charge de la santé.
([1]) Créés à partir du concile d’Orléans en 549.
([2]) Bungener Martine. Une éternelle pléthore médicale ?. In : Sciences sociales et santé. Volume 2, n° 1, 1984. pp. 77-110.
([3]) Commission d’enquête sur les difficultés d’accès aux soins à l’hôpital public, Audition, ouverte à la presse, de Mme Agnès Buzyn, conseillère maître à la Cour des comptes, ancienne ministre des solidarités et de la santé, 22 mai 2024.
([4]) Audition du 5 juin 2025.
([5]) M. Yannick Neuder, ministre délégué chargé de la santé et de l’accès aux soins, audition de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, 5 juin 2025.
([6]) M. Thomas Fatôme, directeur général, caisse nationale d’assurance maladie, audition de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, 19 mars 2025.
([7]) Marc-Olivier Déplaude, « La hantise du nombre. Une histoire des numerus clausus de médecine », Paris, Les Belles Lettres, 2015.
([8]) Cour des comptes, Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, « L’accès aux études de santé : quatre ans après la réforme une simplification indispensable », p. 52, décembre 2024.
([9]) Sénat, rapport d’information n° 137 (2024-2025), fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, relatif aux inégalités territoriales d’accès aux soins, par M. Bruno Rojouan, sénateur, p. 8, 13 novembre 2024.
([10]) Fédération hospitalière de France, Résultats de l’enquête FHF Psychiatrie, p. 1, septembre 2023.
([11]) Quels facteurs d’attractivité médicale pour les services d’urgence en France ? Annales françaises de médecine d’urgence, volume 12, numéro 5, septembre 2022.
([12]) Cour des comptes, La politique de périnatalité, p. 58-59, mai 2024.
([13]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de la statistique (Drees), « Les dépenses de santé en 2023 », édition 2024, p. 166, 21 novembre 2024. La France présente une densité médicale particulièrement faible de 340 médecins pour 100 000 habitants contre 491 pour l’Autriche et 544 pour l’Allemagne.
([14]) Le numerus clausus a été instauré par la loi 71 – 557 du 12 juillet 1971 aménagement certaines dispositions de la loi n° 68 – 978 du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur.
([15]) Jean-Paul Saint-André, « Rapport au président de la République sur la refonte du premier cycle des études de santé pour les métiers médicaux », 17 décembre 2018.
([16]) Et notamment son article premier.
([17]) Les cibles sont également déterminées sur une période de cinq ans.
([18]) Respectivement de 6 % et 4 % selon le rapport de la Cour des comptes précité.
([19]) Drees, « Démographie des professionnels de santé au 1er janvier 2024 », 13 mai 2025. Pierre Merville, doyen de la faculté de médecine de l’université de Bordeaux, réponses au questionnaire adressé par le rapporteur, 18 mai 2025.
([20]) En ne tenant compte que du nombre d’étudiants inscrits un an avant la réforme.
([21]) Idem, p. 62.
([22]) Arrêté du 13 septembre 2021 définissant les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former pour la période 2021 - 2025.
([23]) M. Philippe Pomar, doyen de la faculté de santé de Toulouse, audition de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, 14 mai 2025.
([24]) Drees, « Les dépenses de santé en 2018 : les dépenses de formation et de recherche en santé », p. 106, 10 septembre 2019. Le coût par étudiant est estimé à partir de la division entre les dépenses de formation aux professions de santé, chiffrées à 2,3 milliards d’euros, et le stock de « futurs professionnels » estimé à 231 000.
([25]) M. Philippe Pomar, doyen de la faculté de santé de Toulouse, audition de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, 14 mai 2025.
([26]) M. Marc Braun, ancien doyen de la faculté de médecine de Nancy, déplacement du rapporteur à Nancy, 15 avril 2025.
([27]) Et notamment des examens cliniques objectifs structurés (ECOS) qui assurent la validation du deuxième cycle d’études de médecine et une mobilisation importante de matériel permettant des épreuves de simulation (mannequins, tablettes mobiles).
([28]) M. Pierre-Gilles Merville, doyen de la faculté de médecine de Bordeaux, réponses au questionnaire du rapporteur, p. 5, 18 mai 2025.
([29]) Certaines formations de santé réalisées à l’étranger peuvent générer un coût moyen de 20 000 euros par étudiant.
([30]) La réforme des études de santé induite par la loi dite « OTSS » a amené à la création de trois voies d’accès aux études de santé : le PASS, la LAS et la troisième voie.
([31]) Article R. 631 –1 du code de l’éducation.
([32]) Et notamment les articles L.631 –1, R. 631–1, R. 631–1–1 et R. 631 –1–2 du code de l’éducation.
([33]) Arrêté du 4 novembre 2019 relatif à l’accès aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique dans sa version modifiée par l’arrêté du 5 juillet 2024.
([34]) Cour des comptes, Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, « L’accès aux études de santé : quatre ans après la réforme une simplification indispensable », p. 73-74, décembre 2024.
([35]) Idem.
([36]) Dr Sakaya Oguchi, présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 20 mai 2025.
([37]) Assemblée nationale, rapport n° 1180 (2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane, par Guillaume Garot, député, p. 44, 26 mars 2025.
([38]) Ordre des médecins, Bulletin de l’ordre national des médecins, n° 94, p. 12-p.13, novembre-décembre 2024.
([39]) Sénat, rapport d’information n° 137 (2024-2025), fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, relatif aux inégalités territoriales d’accès aux soins, par M. Bruno Rojouan, sénateur, p. 80, 13 novembre 2024.
([40]) Idem.
([41]) Drees, « Projections d’effectifs de médecins : flux de diplômés à l’étranger scénario tendanciel », consulté le 12 juin 2026, lien URL : https://drees.shinyapps.io/Projection-effectifs-medecins.
([42]) Cour des comptes, Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, « L’accès aux études de santé : quatre ans après la réforme une simplification indispensable », p. 60, décembre 2024.
([43]) Cour des comptes, Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, « L’accès aux études de santé : quatre ans après la réforme une simplification indispensable », p. 61, décembre 2024.
([44]) Idem.
([45]) Analyses de la commission d’enquête sur la base des données extraites du rapport de la Cour des comptes précité.
([46]) Ordre des médecins, « Atlas de la démographie médicale en France », p. 15, 1er janvier 2025.
([47]) Didier-Roland Tabuteau, « Les libertés médicales et l’organisation des soins en France », Titre VII, n° 11, p. 1, octobre 2023.
([48]) Ordre des médecins, « Atlas de la démographie médicale en France », p. 43, 1er janvier 2025. On estime également que 10,6 % des médecins ont un exercice mixte.
([49]) Idem.
([50]) Ordre des médecins, « Atlas de la démographie médicale en France », p. 42, 1er janvier 2025. L’évolution est analysée sur une période de 10 ans entre 2015 et 2025.
([51]) Honoré de Balzac, « Le médecin de campagne », édition charpentier, 1833.
([52]) Drees, « Des conditions de travail plus satisfaisantes pour les médecins généralistes exerçant en groupe », études et résultats, n °1229, p. 1, mai 2022.
([53]) Assurance maladie, « Convention médicale multilatérale : évolution de l’activité clinique et de la patientèle des médecins généralistes entre 2016 et 2020 », p. 19, 21 décembre 2023.
([54]) Inspection générale des affaires sociales, « Évaluation du modèle économique des centres de santé pluriprofessionnels », p. 4 et p. 37, 11 février 2025.
([55]) Il s’agit notamment de la rémunération issue des honoraires pratiqués par chaque médecin et des rémunérations forfaitaires versées en application de l’accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures de santé pluri-professionnelles du 20 avril 2017.
([56]) Le revenu des praticiens en MSP a augmenté à hauteur de 2,5 % sur la période par rapport à celui des médecins n’y exerçant pas. Source : Irdes, « Revenu et activité des médecins généralistes : impact et l’exercice en regroupement pluriprofessionnel en France », document de travail n °84, p. 1, juin 2021.
([57]) Drees, « Exercer en maison de santé pluriprofessionnelle a un effet positif sur les revenus des médecins généralistes », études et résultats, n °1193, 11 mai 2021.
([58]) Guillaume Chevillard & Julien Mousquès, « Les maisons de santé attirent-elles les jeunes médecins généralistes dans les zones sous-dotées en offre de soins ? », Questions d’économie de la santé, n °247, mars 2020.
([59]) Mme Emmanuelle Barlerin, présidente d’AVECSanté, audition de la commission d’enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, 17 juin 2025.
([60]) Inspection générale des affaires sociales, « Évaluation du modèle économique des centres de santé pluriprofessionnels », p. 3 et p. 5, 11 février 2025.
([61]) Idem, p. 5.
([62]) Celle-ci étant passée de 92,8 % en 2010 à 83,4 % en 2024.
([63]) Drees, « Près d’une infirmière hospitalière sur deux a quitté l’hôpital ou changé de métier après dix ans de carrière », études et résultats, n °1277, p. 1, 24 août 2023.
([64]) Idem, p. 1.
([65]) Drees, « Crise sanitaire : à l’hôpital, la surcharge de travail a touché l’ensemble des familles professionnelles », études et résultats, n °1235, p. 2, juillet 2022.
([66]) Ordre des médecins, « Enquête du conseil national de l’ordre des médecins sur l’état des lieux de la permanence des soins ambulatoires en médecine générale », p. 75, 31 décembre 2022.
([67]) Idem, p. 75.
([68]) M. Grégory Émery, « La prévention doit devenir la seconde jambe de notre système de santé », discours du directeur général de la santé à l’occasion des Journées de rentrée de la mutualité française, 25 septembre 2024.
([69]) Drees, « Deux tiers des médecins généralistes libéraux déclarent travailler au moins 50 heures par semaine », études et résultats, n °1113, mai 2019.
([70]) Qui représentent, en moyenne, 20 % de la population. Source : Inspection générale des finances & Inspection générale des affaires sociales, « Rapport : revue de dépenses relative aux affections de longue durée – Pour un dispositif plus efficient et équitable », IGF n °2023-M-109-03 & IGAS n °2023-126R, p. 1 Juin 2024.
([71]) École nationale de santé publique, « La participation des usagers de l’action sociale : vieille idée, nouvelles attentes », rapport de séminaire, p. 4, 2002.
([72]) Christine Musselin, « La longue marche des universités françaises », les Presses universitaires de France (PUF), p. 5, 2001.
([73]) M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, audition de la commission d’enquête du 4 juin 2025.
([74]) Dr Franck Devulder, réponses au questionnaire du rapporteur, 12 mai 2025.
([75]) Idem.
([76]) Analyse réalisée sur la base du rapport de la Cour des comptes précité, annexe n ° 6, p. 125.
([77]) Assemblée nationale, rapport n° 1180 (2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane, par Guillaume Garot, député, p. 45, 26 mars 2025.
([78]) Idem.
([79]) Analyse réalisée sur la base de données fournies dans le dossier de presse du Gouvernement relatif aux déserts médicaux. Source : Gouvernement, « Pacte de lutte contre les déserts médicaux, présentation par le Premier ministre du plan d’action pour renforcer l’accès aux soins des français, p. 18, 25 avril 2025.
([80]) Ordre des médecins, réponses au questionnaire adressé par le rapporteur, p. 4, 13 juin 2025.
([81]) De premier, de deuxième ou de troisième cycle.
([82]) Insee, « Les médecins généralistes libéraux s’installent souvent à proximité de leurs lieux de naissance ou d’internat », novembre 2024.
([83]) Éric Delattre & Anne-Laure Samson, « Stratégies de localisation des médecins généralistes français : mécanismes économiques ou hédonistes ? », Insee, Économie et Statistique, 455‑456, 115 –142, 2012.
([84]) ONDPS, Démographie des chirurgiens-dentistes : état des lieux et perspectives, p. 15, novembre 2021. Cette étude relève que « le taux de retour » qui peut être compris comme le rapport entre le numerus clausus et les effectifs de professionnels installés qui en sont issus.
([85]) Julien Silhol, « La répartition des internes en médecine générale : un outil de régulation des lieux d’installation ? », Insee, Économie et statistiques, n ° 542, p. 17, 2024
([86]) Conseil national de l’Ordre national des médecins, « Étude sur l’installation des jeunes médecins », p. 13, 11 avril 2019.
([87]) M. Didier-Roland Tabuteau, « Santé et politique en France », Recherche en soins infirmiers, juin 2012 ; 109 : 6 – 15.
([88]) Haut Conseil de la santé publique, Dossier : « Les nouveaux outils de planification sanitaire », p. 1, 11 juin 1995.
([89]) M. Yann Bubien, directeur général de l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, mardi 6 mai 2025.
([90]) La France présente un taux d’accès aux soins non programmés de vingt points inférieur à celui des meilleurs pays européens comme la Norvège ou les Pays-Bas.
([91]) Assemblée nationale, rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociales sur les agences régionales de santé, présenté par Mme Agnès Firmin Le Bodo et M. Jean-Carles Grelier, députés, p. 42, 16 juin 2021. Notamment les articles 1 à 32 relatifs au redécoupage des régions.
([92]) M. Philippe Gouet, président du groupe de travail « Santé » de « Départements de France », audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 1er avril 2025. Arrêté du 1er octobre 2021 modifiant l’arrêté du 13 novembre 2017 relatif à la méthodologie applicable à la profession de médecin pour la détermination des zones prévues au 1° de l’article L.1 434 -4 du code de la santé publique. Avis du conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie en date du 14 septembre 2021.
([93]) Mme Sophie Lebret, secrétaire générale des ministères sociaux, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, mardi 27 mai 2025.
([94]) Calculs réalisés sur la base des données transmises par l’ARS Occitanie en réponse au questionnaire du rapporteur, p. 27, 28 avril 2025.
([95]) Calculs réalisés sur la base des données transmises par l’ARS Occitanie en réponse au questionnaire du rapporteur, p. 5, 28 avril 2025.
([96]) M. Didier Jaffre & Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directeurs généraux des agences régionales de santé Occitanie et Grand Est, réponses au questionnaire du rapporteur, p. 6-7, 28 avril 2025.
([97]) Depuis le décret n° 2024-556 du 19 juin 2024 pris en application de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 (article 119) relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, la part d’élus locaux siégeant au conseil d’administration de l’ARS est de 30 %.
([98]) Notamment pour l’objectif n° 5 visant à faciliter les parcours de soins s’appuyant sur le numérique, la télésanté et le service public départemental de l’autonomie pour faire de l’usager un acteur de sa prise en charge. Des indicateurs comme le nombre de « centres de santé » en fonctionnement y étaient associés sans qu’un lien réel entre l’objectif et l’indicateur mesuré puisse être établi.
([99]) En additionnant l’ensemble des pages des documents de planification relevant du cadre d’orientation stratégique (COS), du schéma régional de santé ou encore du programme régional relatif à l’accès à la prévention et aux soins des personnes démunies (PRAPS). Source : agence régionale de santé Ile-de-France, « Le projet régional de santé 2023-2028 », 25 avril 2025.
([100]) Jean-Denis Combrexelle, « Les normes à l’assaut de la démocratie », p. 40, Odile Jacob, 11 septembre 2024.
([101]) R. 1 411 -1 du code de la santé publique.
([102]) L. 1 434 -1 du code de la santé publique.
([103]) Article L 1 434-10 du code de la santé publique.
([104]) Idem.
([105]) Idem.
([106]) Aux termes de l’article L.1 434 –13 du code de la santé publique.
([107]) Article R.6 132 –3 du code de la santé publique.
([108]) Conseil d’État, « Les états d’urgence : la démocratie sous contraintes », étude annuelle 2021.
([109]) Ministère de la santé, « Stratégie nationale de santé 2023 – 2033 : projet soumis à consultation », 8 Septembre 2023.
([110]) Et ce d’autant plus que les juridictions administratives ont assoupli leur jurisprudence quant à la recevabilité des actes de « droit souple ». Source : Conseil d’État, Section, 12/06/2020, n° 418142, publié au recueil Lebon.
([111]) Drees, « Entres fonctions et statuts, les relations hiérarchiques dans les établissements de santé », Nicolas Jounin & Loup Wolff, n° 64, octobre 2006.
([112]) Article 6 de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.
([113]) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
([114]) Mme Michèle Leflon, présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, p. 15, 14 mai 2025.
([115]) Mme Michèle Leflon, présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, p. 15, 14 mai 2025.
([116]) M. Serge Widaski, président d’APF France Handicap, réponses au questionnaire de la commission d’enquête, p. 15, 14 mai 2025.
([117]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, article 1er.
([118]) Conseil d’État, « Commune de Villeneuve-d’Ascq », Lebon 324, 28 juillet 1995.
([119]) Thierry Dieuleveux, « Les départements : acteurs de la santé publique ? », actualité et dossier en santé publique, n 5, décembre 1993.
([120]) M. Jean-Charles Dron, directeur du programme E-Meuse santé, réponses au questionnaire du rapporteur, 23 juin 2025. Le Département de la Meuse n’a, en propre, investi que deux millions d’euros.
([121]) Département du Loiret, « Plan priorité santé 2023-2027 : favoriser l’accès aux soins des loirétains ».
([122]) M. Philippe Gouet, réponses au questionnaire du rapporteur, 9 mai 2025.
([123]) Cour des comptes, rapport public annuel, « La décentralisation 40 ans après », p. 69, mars 2023.
([124]) Article L.3 211-1 du code général des collectivités territoriales. Article 128 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.
([125]) Elle doit notamment, aux termes de l’article, s’articuler avec les attributions des régions et des communes en la matière.
([126]) Article L. 201 -10 -1 du code rural et de la pêche maritime, créé par l’article 128 de la loi 3DS.
([127]) Articles L. 6 323 -1 -3 et L. 6 325 -1 -5 du code de la santé publique, modifié par les articles 127 et 128 de la loi 3DS.
([128]) Articles L. 1 422 -3, L. 1 423 -3, L. 1 424 -2 du code de la santé publique, créés ou rétablis par l’article 126 de la loi 3DS.
([129]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1318 déposé en application de l’article 145 du Règlement par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux du Printemps social de l’évaluation, Mme Farida Amrani et Monsieur Paul Christophe, députés, p. 31-32, 2 juin 2023. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, annexe n 7, « Dépenses de la branche autonomie et effort de la nation en faveur du soutien à l’autonomie », p. 45.
([130]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 4267 déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de sécurité sociale sur les agences régionales de santé, Mme Agnès Firmin le Bodo et M. Jean-Carles Grelier, députés, p. 20, 16 juin 2021.
([131]) Conseil d’État n° 07496, publié au recueil Lebon, 6 février 1903. Loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale, article 97.
([132]) Conseil d’État, n° 440057, juge des référés, publié au recueil Lebon, 17 avril 2020.
([133]) M. Thomas Fatôme, directeur général de la caisse nationale d’assurance-maladie, réponses au questionnaire du rapporteur, 16 avril 2025.
([134]) Madame Joëlle Martinaux, vice-présidente de l’UNCCAS, réponses au questionnaire du rapporteur, p. 3 et 5, 12 juin 2025.
([135]) M. Patrick Genre, maire de Pontarlier et représentant de l’association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 1er avril 2025.
([136]) Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, « Le contrat local de santé : un outil porté conjointement par l’ARS et une collectivité pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé », 17 février 2025.
([137]) M. Gilles Noël, maire de Varzy, vice-président de l’association des maires ruraux de France, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 1er avril 2025.
([138]) Le Monde, « C’est regrettable de devoir aller sur le terrain judiciaire » : des maires ruraux prennent des arrêtés appelant l’État à un plan d’urgence d’accès à la santé », 6 septembre 2024.
([139]) M. Didier Jaffre, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins, 6 mai 2025.
([140]) M. Gilles Noël, maire de Varzy, vice-président de l’association des maires ruraux de France, réponses au questionnaire du rapporteur, 14 avril 2025.
([141]) Enquête IPSOS pour le Collège des directeurs généraux d’ARS, octobre 2024.
([142]) Sénat, rapport d’information n° 712 fait au nom de la mission commune d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités relatif à la place des collectivités territoriales comme acteurs de la politique de santé publique, rapporteurs MM. Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, p. 15-17, 24 juin 2021.
([143]) Cnom, Atlas de la démographie médicale en France, mars 2025.
([144]) Les médecins en activité dite « régulière » exercent de manière stable et continue, généralement sur un temps de travail significatif et régulier, souvent défini comme au moins 50 % d’un temps plein.
([145]) DREES, Les dépenses de santé en 2023.
([146]) Sénat, rapport d’information n° 137 (2024-2025), fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, relatif aux inégalités territoriales d’accès aux soins, par M. Bruno Rojouan, sénateur, 13 novembre 2024.
([147]) DREES, Accessibilité aux soins de premier recours en 2023, décembre 2024.
([148]) DREES, mai 2023, « Les deux tiers des généralistes déclarent être amenés à refuser de nouveaux patients comme médecin traitant ».
([149]) Cnam, réponses aux questionnaires.
([150]) DREES, « Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques ? », mars 2021.
([151]) Cnom, Atlas de la démographie médicale 2025.
([152]) Sénat, rapport d’information n° 137 précité.
([153]) Idem.
([154]) DREES, Accessibilité aux soins de premier recours en 2023, décembre 2024.
([155]) Sénat, rapport d’information n° 137 précité.
([156]) Sénat, rapport d’information n° 137 précité.
([157]) Fondation Jean Jaurès, avril 2024, « Cartes de France de l’accès aux soins. Soignants et patients face aux inégalités territoriales ».
([158]) DREES, Le nombre d’infirmières augmenterait fortement d’ici à 2050, mais moins que les besoins en soins de la population vieillissante, décembre 2024.
([159]) DREES, Accessibilité aux soins de premier recours en 2023, décembre 2024.
([160]) Sénat, rapport d’information n° 137 précité.
([161]) DREES, Accessibilité aux soins de premier recours en 2023, décembre 2024.
([162]) Sénat, rapport d’information n° 137 précité.
([163]) Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, réponses aux questionnaires.
([164]) Article L. 5 125-4 du code de la santé publique.
([165]) Arrêté du 13 novembre 2017 relatif à la méthodologie applicable à la profession de médecin pour la détermination des zones prévues au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique.
([166]) Rapport du Dr Sophie Augros, « Évaluation des aides à l’installation des jeunes médecins », septembre 2019.
([167]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, mai 2024, p. 68.
([168]) Arrêté du 1er octobre 2021 modifiant l'arrêté du 13 novembre 2017 relatif à la méthodologie applicable à la profession de médecin pour la détermination des zones prévues au 1° de l'article L. 1 434-4 du code de la santé publique.
([169]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, mai 2024, p. 68.
([170]) Raphaël Dachicourt, président du Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants (ReAGJIR), audition de la commission d’enquête du 20 mai 2025.
([171]) Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, audition de la commission d’enquête.
([172]) Cnam, Bilan quantitatif et qualitatif des dispositifs d’aide à l’installation des professionnels de santé, présenté en commission « gestion du risque » en juin 2022.
([173]) DREES, La dépense de santé en 2022, édition 2023.
([174]) DREES, La mesure du renoncement aux soins est très sensible à la formulation des questions, août 2023.
([175]) DREES, « Renoncement aux soins : la faible densité médicale est un facteur aggravant pour les personnes pauvres », juillet 2021.
([176]) Cnam, réponses au questionnaire du rapporteur.
([177]) Arrêté du 19 juillet 2019 relatif à la formation conduisant au diplôme d'assistant de régulation médicale et à l'agrément des centres de formation d'assistant de régulation médicale.
([178]) Cnam, réponses aux questionnaires.
([179]) Idem.
([180]) Cnam, Points de repère n° 55, Le dispositif d’aide à l’emploi d’assistants médicaux, décembre 2024.
([181]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, mai 2024, p. 75.
([182]) Mathias Wargon, chef de service des urgences et du SMUR du centre hospitalier Delafontaine, audition de la commission d’enquête.
([183]) Sénat, rapport d’information n° 137 (2024-2025), fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, relatif aux inégalités territoriales d’accès aux soins, par M. Bruno Rojouan, sénateur, 13 novembre 2024.
([184]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, p. 75, mai 2024.
([185]) Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), audition de la commission d’enquête, 7 mai 2025.
([186]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, p. 61, mai 2024.
([187]) Haute Autorité de Santé, Accélérer les coopérations et les partages de tâches entre professionnels de santé, mars 2024.
([188]) IGAS, Évolution de la profession et de la formation infirmières, octobre 2022.
([189]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, p. 62, mai 2024.
([190]) IGAS, Évolution de la profession et de la formation infirmières, octobre 2022.
([191]) IGAS, La trajectoire de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé, novembre 2021.
([192]) Cour des comptes, Organisation territoriale des soins de premier recours, p. 62, mai 2024.
([193]) Article D. 4 301-8 du code de la santé publique.
([194]) Article D. 636-75 du code de l’éducation.
([195]) Sénat, rapport d’information n° 137 (2024-2025), fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, relatif aux inégalités territoriales d’accès aux soins, par M. Bruno Rojouan, sénateur, 13 novembre 2024.
([196]) Article R. 4 301-1 du code de la santé publique.
([197]) Communiqué de presse de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée, décembre 2024.
([198]) Réponses de la DGOS aux questionnaires du rapporteur.
([199]) Idem.
([200]) Cour des comptes, Les infirmiers en pratique avancée, juillet 2023.
([201]) Sénat, rapport n° 576 (2024-2025), fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, par Mme Corine Imbert, sénatrice, 6 mai 2025
([202]) Idem.
([203]) INSEE, Bilan démographique 2024, janvier 2025.
([204]) Rapport de Dominique Libault, « Concertation Grand âge et autonomie », mars 2019.
([205]) Idem.
([206]) Haut conseil de la santé publique, Le virage ambulatoire : sécurité des patients et inégalités de santé, juin 2022.
([207]) Idem.
([208]) Idem.
([209]) Idem.
([210]) INSEE, Un enfant sur 250 meurt avant l’âge d’un an en France, avril 2025.
([211]) Sénat, rapport d’information n° 753 (2023-2024), fait au nom de la mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, par Mme Véronique Guillotin, 10 septembre 2024.
([212]) DREES, Les établissements de santé en 2022, juillet 2024.
([213]) Article R. 6 123-50 du code de la santé publique.
([214]) Sénat, rapport d’information n° 753 (2023-2024), fait au nom de la mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, par Mme Véronique Guillotin, 10 septembre 2024.
([215]) Idem.
([216]) Idem.
([217]) Décret n° 2022-555 du 14 avril 2022 relatif à l'hébergement temporaire non médicalisé des femmes enceintes et à la prise en charge des transports correspondants.
([218]) DREES, Rapport d’activité 2021.
([219]) Mme Margaux Creutz-Leroy, audition de la commission d’enquête.
([220]) DREES, Les dépenses de santé en 2023.
([221]) Santé Publique France, Enquête nationale périnatale de 2021, octobre 2022.
([222]) Fédération française des réseaux de santé en périnatalité, réponses aux questionnaires.
([223]) Santé publique France, Prévalence des épisodes dépressifs en France chez les 18-85 ans : résultats du baromètre santé 2021, publié le 11 novembre 2022.
([224]) Assemblée nationale, Rapport d’information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, déposé le 11 décembre 2024.
([225]) Santé publique France, Prévalence des pensées suicidaires et tentatives de suicide chez les 18-85 ans en France : résultats du baromètre santé 2021, publié le 5 septembre 2023.
([226]) IRDES, Les disparités territoriales d’offre et d’organisation des soins en psychiatrie en France : d’une vision segmentée à une approche systémique, décembre 2014.
([227]) Haut-Commissariat au Plan, La prise en charge des troubles psychiques et psychologiques : un enjeu majeur pour notre société, juin 2024.
([228]) Cour des comptes, L’accueil et le traitement des urgences à l'hôpital, novembre 2024.
([229]) Idem.
([230]) Cour des comptes, Chapitre VIII La réduction du nombre de lits à l’hôpital, entre stratégie et contraintes, 2024.
([231]) Fédération hospitalière de France, Baromètre de l’accès aux soins, mars 2024.
([232]) DREES, Les établissements de santé en 2023, édition 2025.
([233]) M. Thierry Godeau, président de la Conférence nationale des présidents de CME de centres hospitaliers, audition de la commission d’enquête.
([234]) Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la MECSS sur les groupements hospitaliers de territoire, par M. Marc Delatte et Pierre Dharréville, députés, décembre 2021.
([235]) Cour des comptes, Chapitre IV Les groupements hospitaliers de territoire : un bilan en demi-teinte, une réforme à poursuivre, octobre 2020.
([236]) Cour des comptes, Les établissements de santé publics et privés, entre concurrence et complémentarité, 12 octobre 2023, p. 91.
([237]) DREES, Les établissements de santé en 2022 - Édition 2024, 18 juillet 2024, p. 39.
([238]) Idem, p. 13.
([239]) M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP), audition de la commission d’enquête, 28 mai 2025.
([240]) Ibid. p. 26.
([241]) Ibid. p. 84.
([242]) IGAS, La permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter, juin 2023, p. 5.
([243]) DREES, Les établissements de santé en 2022 - Édition 2024, 18 juillet 2024, p. 139.
([244]) IGAS, La permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter, juin 2023, p. 38.
([245]) Sénat, rapport d’information n° 587 précité.
([246]) Cour des comptes, Les établissements de santé publics et privés, octobre 2023.
([247]) DREES, Les établissements de santé en 2022, édition 2024.
([248]) Cour des comptes, Les établissements de santé publics et privés, octobre 2023.
([249]) Audition de Charles Guépratte, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap).
([250]) Article L. 6 161-1 du Code de la santé publique.
([251]) Idem.
([252]) M. Philippe Pomar, doyen de la faculté de santé de Toulouse, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 14 mai 2025.
([253]) En PASS comme en LAS.
([254]) M. Pierre Merville, doyen de la faculté de médecine de l’université de Bordeaux, réponses au questionnaire de la commission d’enquête.
([255]) La validation du premier cycle est soumise à la réalisation d’un total de seize semaines de stages. Au cours du deuxième cycle les externes doivent accomplir près de la moitié de leur parcours d’études en stage. Enfin, le troisième cycle se distingue par une multiplicité stages, en moyenne six, de six mois chacun.
([256]) article 37 de la loi n °2022-1616 du vendredi 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.
([257]) M. Bastien Bailleul, président de l’intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, p. 5, 20 mai 2025.
([258]) M. Nicolas Revel, « La santé des français : sortir de l’impasse », Terra Nova, p. 5, 26 mai 2025.
([259]) Sénat, rapport n° 712 (2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’accès aux soins par la territorialisation et la formation, par Khalifé Khalifé, sénateur, p. 8, 18 juin 2025.
([260]) France Stratégie & Dares, « Les Métiers en 2030 : rapport du groupe prospective métiers et qualifications », p. 17, mars 2022.
([261]) Mme Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 13 mai 2025.
([262]) Le Monde, « Et si on créait un service public de la santé ? », Martin Hirsch, 12 mai 2025.
([263]) Emmanuel Macron, président de la République, « Rencontre des cadres dirigeants de l’État », p. 8, 12 mars 2024.
([264]) Mme Christelle Ratignier-Carbonneil & M. Yann Bubien, directeurs généraux d’agences régionales de santé, réponses au questionnaire du rapporteur, p. 19-20, 28 avril 2025.
([265]) Analyses réalisées sur la base des documents fournis par la direction générale de l’offre de soins dans le cadre du contrôle réalisé le 21 mai 2025.
([266]) Et ce sur la période allant de 2020 à 2024.
([267]) Sénat, rapport fait au nom de la commission d’enquête sur « Un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », n° 578 (2021-2022), « synthèse du rapport »,Mme Éliane Assassi, sénatrice, p. 2, 16 mars 2022.
([268]) Sénat, compte-rendu de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, audition de Monsieur Nicolas Belorgey, p. 172, 18 janvier 2022.
([269]) Cour des comptes, « Le recours aux marchés publics de consultants par les établissements publics », référé, 23 avril 2018.
([270]) Cour des comptes, « Rapport d’initiative citoyenne : le recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil », p. 13 et p. 15, juillet 2023.
([271]) Article 20 de la Constitution du 4 octobre 1958.
([272]) M. Jean-François Moreul, audition de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins.
([273]) M. Patrick Genre, audition de la de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, 1er avril 2025.
([274]) Éric Woerth, « Décentralisation : le temps de la confiance », rapport au président de la République, p. 30, mai 2024
([275]) Rapport Simplifier et réduire les tâches administratives pour libérer du temps médical, février 2023.
([276]) Décret n° 2023-853 du 31 août 2023 relatif à la liste des disciplines sportives à contraintes particulières.
([277]) Expertise sur la pratique infirmière avancée, IGAS, 2023.
([278]) Idem.
([279]) Loi n° 2025-581 du 27 juin 2025 sur la profession d'infirmier.
([280]) Conseil national de l’Ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale en France, 2024
([281]) Haute Autorité de Santé, La médiation en santé pour les personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins, octobre 2017
([282]) Cour des comptes, La politique de prévention en santé, novembre 2021.
([283]) Cour des comptes, La politique de prévention en santé, novembre 2021.
([284]) Ministère de la Santé et de l’Accès aux soins, Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, Feuille de route 2021-2025.
([285]) Article L1415-2 1° du Code de la santé publique.
([286]) Rapport de la mission interministérielle sport-santé Delandre, 7 avril 2025. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/delandre_rapportsportsante.pdf
([287]) ANAP, HAD : évolutions et révolution en cours à l’international, mai 2025.
([288]) Margaux Creutz-Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), audition de la commission d’enquête.
([289]) DREES, Les établissements de santé en 2022, édition 2024.
([290]) Recommandation du Comité consultatif du secteur financier, 24 janvier 2024.
([291]) Article 199 quindecies du code général des impôts.
([292]) Conseil d’analyse économique, Quelles politiques publiques pour la dépendance, n° 35, octobre 2016.
([293]) Académie de médecine, « Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. », 28 février 2023.
([294]) Margaux Creutz-Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), audition de la commission d’enquête.
([295]) Dr Bertrand Lacroix de Vimeur de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, audition de la commission d’enquête.
([296]) Cour des comptes, « La politique de périnatalité. Des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier », mai 2024.
([297]) Dr Bertrand Lacroix de Vimeur de Rochambeau, audition de la commission d’enquête.
([298]) Cour des comptes, Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, « Les maternités », décembre 2014.
([299]) M. Francis Saint-Hubert, président de la Conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers (CNDCH), audition de la commission d’enquête.
([300]) M. Thierry Godeau, audition de la commission d’enquête.
([301]) Séminaire Fédoru 2024, présentation du Dr Pascal Capelle, médecin urgentiste exerçant au sein du centre de soins médicaux et de traumatologie de Castries (34).
([302]) Les centres de consultations non programmées - Enquête FHP-MCO, octobre 2023.
([303]) Cour des comptes, L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, Novembre 2024, p. 34.
([304]) Cour des comptes, L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, Novembre 2024, p. 59.
([305]) Cnam, rapport « Charges et produits », 19 juillet 2024.
([306]) M. Thierry Godeau, audition de la commission d’enquête.
([307]) Cour des comptes, Rapport public annuel, chapitre VI « Les urgences hospitalières : des services toujours trop sollicités ».
([308]) Idem.
([309]) Article L. 6 311-3 du code de la santé publique.
([310]) IGAS, La permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter, juillet 2023, p. 5.
([311]) Article L.6 111-1-3 du Code de la santé publique.
([312]) Article 17 de la loi n° 2023-1 268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.
([313]) Article R. 6 111-46 du Code de la santé publique.
([314]) Art. R. 6 111-47 du Code de la santé publique.
([315]) IGAS, La permanence des soins en établissements de santé face à ses enjeux, une nouvelle ambition collective et territoriale à porter, juin 2023, p. 66.
([316]) Sénat, rapport n° 587 (2021-2022), fait au nom de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, par Mme Catherine Deroche, sénatrice, 29 mars 2022.
([317]) Assemblée nationale, Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, n° 714, déposé le mercredi 11 décembre 2024.
([318]) Partie I- 8° de l’article 34 de la loi n° 2019-1 446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, article 51 de la loi n° 2020-1 576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, décret n° 2021-1255 du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie.
([319]) Article L. 162 23 15 du code de la sécurité sociale.
([320]) Arrêté du 20 décembre 2024 fixant les modalités de calcul du montant de la dotation allouée aux établissements de santé en application de l'article L. 162-23-15 du code de la sécurité sociale, la liste des indicateurs obligatoires pour l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et les conditions de mise à disposition du public de certains résultats par l'établissement de santé.
([321]) Assemblée nationale, Rapport d'information n° 714 précité.
([322]) Cour des comptes, L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, novembre 2024.
([323]) Loi n° 2019-1 446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 ; décret du 25 février 2021.
([324]) Article L. 162-22-8-2 du code de la sécurité sociale.
([325]) Cour des comptes, L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, novembre 2024, p. 106.
([326]) Article L162-23-15 du Code de la sécurité sociale.
([327]) IGAS, Financer la qualité des soins dans les établissements de santé : un levier pour redonner du sens aux soignants, février 2024.
([328]) Sénat, rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le PLFSS pour 2024, novembre 2023.
([329]) Idem.
([330]) Idem
([331]) Idem.
([332]) DREES, « L'exposition à de nombreuses contraintes liées aux conditions de travail demeure, en 2019, nettement plus marquée dans le secteur hospitalier qu'ailleurs », novembre 2021.
([333]) Rapport sénatorial n° 587 précité.
([334]) Cour des comptes, Intérim médical et permanence des soins dans les hôpitaux publics, juillet 2024.
([335]) ATIH, Analyse des bilans sociaux des établissements publics de santé 2022.
([336]) DREES, A l’hôpital, la surcharge de travail a touché l’ensemble des familles professionnelles, juillet 2022.
([337]) DREES, À l’hôpital, une prévalence accrue de la dépression et de l’anxiété liée aux conditions de travail, juin 2023.
([338]) Cour des comptes, RALFSS, Chapitre IV L’intérim paramédical dans les établissements de santé : un dispositif à réguler, mai 2025.
([339]) Cour des comptes, Intérim médical et permanence des soins dans les hôpitaux publics, juillet 2024.
([340]) HAS, Manuel de certification des établissements de santé, 2023.
([341]) HAS, Retour d’expérience national – Les évènements indésirables associés à des soins (EIGS).
([342]) Les propositions présentées ici sont volontairement présentées par ordre d’importance et non par ordre d’apparition dans le rapport. En outre, toutes les propositions présentes dans le rapport ne sont pas listées dans ce résumé qui est volontairement non-exhaustif.