N° 2118

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 novembre 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l’établissement de l’égalité d’accès au service public postal en outre-mer (n° 1962)

PAR M. Perceval GAILLARD

Député

 

 

 

 

 

 

 

 

 Voir le numéro : 1962.

 


SOMMAIRE

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Pages

AVANT-propos

COMMENTAIRE des ARTICLES

Article 1er (Article L. 1 du code des postes et des communications électroniques) Extension du principe du tarif postal unique des envois de correspondance à l’unité à l’ensemble du territoire de la république

Article 2 (chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services) Gage financier

examen en commission

liste des personnes auditionnées

 

 


   AVANT-propos

La proposition de loi relative à l’établissement de l’égalité d’accès au service public postal en outre-mer poursuit un objectif de cohésion nationale. En étendant à l’ensemble du territoire de la République le bénéfice du tarif postal unique pour les envois de correspondance à l’unité, elle vise à rétablir l’égalité entre les usagers du service universel postal, aujourd’hui soumis à des disparités tarifaires selon leurs lieux de résidence.

Elle fonde cet alignement sur un mécanisme de péréquation qui reprend, dans son principe, la logique de mutualisation déjà reconnue dans le domaine de la fourniture d’électricité. Cette approche garantit que la charge économique de la cohésion territoriale ne repose pas sur les seuls usagers ultramarins, mais sur l’ensemble de la collectivité.

Concrètement, l’alignement tarifaire se traduira, pour les envois à l’unité des particuliers et des petites entreprises des outre-mer, par une réduction significative du coût d’envoi de leurs lettres. Il mettra fin à une inégalité quotidienne dans l’accès aux échanges et aux démarches administratives.

Afin d’assurer la pleine effectivité de cette mesure, votre rapporteur proposera une légère évolution du dispositif destinée à élargir le champ de l’alignement tarifaire à l’ensemble des envois postaux à l’unité relevant du service universel, et non exclusivement aux envois de correspondance. Cette mesure est essentielle pour intégrer les envois de colis à l’unité au dispositif.

 


   COMMENTAIRE des ARTICLES

Article adopté par la commission avec modifications

 

Cet article modifie l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques afin d’étendre le principe du tarif postal unique des envois de correspondance à l’unité à l’ensemble du territoire de la République et affirme le rôle de ce tarif en matière de cohésion sociale.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT : une inÉgalitÉ de traitement manifeste entre les outre-mer et le territoire hexagonaL
    1.   Un tarif postal partiellement harmonisé entre l’hexagone et les outre-mer pour les envois de correspondance à l’unité

Aux termes de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), le service universel postal (SUP) consiste à garantir « à tous les usagers, de manière permanente et sur l’ensemble du territoire national, d’avoir accès à des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées » et ce « à des prix abordables pour tous les utilisateurs ». En ce sens, le SUP concourt « à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire » et « est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale ». Enfin, les services du SUP sont « offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

Le champ du SUP comprend, en principe, « des offres de services nationaux et transfrontières d’envois postaux d’un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu’à 20 kilogrammes, d’envois recommandés et d’envois à valeur déclarée ». En ce sens, « les services d’envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire métropolitain ».

Toutefois, des exceptions perdurent pour les outre-mer :

● D’une part, pour les envois de correspondance à l’unité en provenance (ou à destination) des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna ainsi que des Terres australes et antarctiques françaises, un alignement tarifaire est garanti, mais uniquement lorsque le poids de l’envoi demeure inférieur à 100 grammes. Au-delà de ce seuil, aucune obligation légale n’impose l’application du tarif hexagonal, ouvrant ainsi la voie à des différenciations tarifaires ;

● D’autre part, le tarif applicable aux envois de correspondance à l’unité relevant de la première tranche de poids en provenance du territoire hexagonal ou des collectivités précitées et à destination de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie est également celui en vigueur sur le territoire hexagonal. Ce parallélisme tarifaire, limité à la première tranche, cesse cependant de s’appliquer pour les envois plus lourds, qui demeurent soumis à une tarification propre.

Avant la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques n’opérait pas de distinction entre le régime d’alignement tarifaire des collectivités relevant, d’une part, de l’article 73 de la Constitution, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna ainsi que des Terres australes et antarctiques françaises, et, d’autre part, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. Dans tous les cas, l’alignement tarifaire se limitait à la première tranche, c’est-à-dire s’opérait selon le régime qui demeure applicable à la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Or, cette première tranche correspondait alors au premier palier tarifaire applicable aux envois de correspondance à l’unité, c’est-à-dire aux lettres standard d’un poids inférieur à vingt grammes.

Si la loi du 28 février 2017 précitée a permis d’améliorer la situation des départements et régions d’outre-mer, ainsi que de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises, elle a laissé subsister le régime antérieur pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, créant une distinction nouvelle de nature à affaiblir la portée du principe d’égalité entre les territoires de la République.

Il convient enfin de noter que l’alignement tarifaire entre les outre-mer et l’Hexagone, tel que prévu à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, ne vise que les « envois de correspondance à l’unité », lesquels ne constituent qu’une des sous-catégories de l’envoi postal.

Catégories de l’envoi postal et champ du service universel postal

L’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques établit une distinction fondamentale entre plusieurs catégories d’envois relevant du service postal universel.

En premier lieu, la notion générale d’« envoi postal » désigne « tout objet destiné à être remis à l’adresse indiquée par l’expéditeur sur l’objet lui-même ou sur son conditionnement, y compris sous forme de coordonnées géographiques codées, et présenté dans la forme définitive dans laquelle il doit être acheminé ». Sont notamment inclus dans cette catégorie les livres, catalogues, journaux, périodiques et colis postaux contenant des marchandises, qu’elles aient ou non une valeur commerciale.

Au sein de cette catégorie générale, le code identifie une sous-catégorie spécifique : les envois de correspondance, définis comme des envois « ne dépassant pas deux kilogrammes et comportant une communication écrite sur un support matériel, à l’exclusion des livres, catalogues, journaux ou périodiques ». Ces envois correspondent essentiellement aux lettres, cartes postales, courriers administratifs ou publicitaires et autres documents écrits. Ils ne comprennent pas les envois de colis postaux.

Parmi les envois de correspondance, le législateur distingue ensuite ceux qui sont réalisés à l’unité, par opposition aux envois en nombre. Les envois à l’unité se caractérisent par une facturation et un traitement individuels de chaque envoi, tandis que les envois groupés correspondent à des remises massives de courriers bénéficiant de tarifs de volume. Les envois de correspondance à l’unité sont les seuls pour lesquels s’applique, aujourd’hui, un alignement tarifaire partiel entre les territoires ultramarins et l’Hexagone.

Les colis postaux, bien qu’ils fassent eux aussi partie des envois postaux, ne figurent pas parmi ces envois de correspondance à l’unité. En conséquence, ils ne bénéficient pas du tarif harmonisé actuellement prévu entre l’Hexagone et les outre-mer. En revanche, sur le territoire hexagonal, les colis envoyés à l’unité entrent bien dans le champ de la péréquation nationale, qui garantit un tarif unique pour tous les envois postaux à l’unité.

Enfin, comme le rappelle l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ([1]), les colis postaux à l’unité relevant du service universel correspondent exclusivement à la gamme Colissimo de La Poste. Ce service permet au public des envois individuels de colis. À l’inverse, la gamme Chronopost, qui s’adresse principalement aux entreprises et repose sur des prestations contractuelles multiples, n’entre pas dans le périmètre du service universel postal.

 

 

 

 

Représentation simplifiée du champ du SUP et de la péréquation tarifAIre (Art. L. 1 Du CPCE)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Commission des affaires économiques.

  1.   Des différences tarifaires qui demeurent importantes entre l’hexagone et les outre-mer pour la plupart des envois postaux à l’unité

Des tarifs différenciés s’appliquent aujourd’hui entre les outre-mer et l’Hexagone s’agissant des envois de correspondance à l’unité dépassant le seuil d’harmonisation, soit 100 grammes (ou le grammage de la première tranche selon les collectivités ultramarines), ainsi que des envois postaux à l’unité n’entrant pas dans la catégorie des « envois de correspondance ».

Cette situation est de nature à faire perdurer une atteinte substantielle au principe d’égalité entre les territoires de la République, ainsi qu’au principe d’égalité entre les citoyens. En outre, elle induit quotidiennement des difficultés pratiques et matérielles pour les habitants des territoires ultramarins, contraints de devoir procéder à des règlements financiers supérieurs à leurs concitoyens hexagonaux.

S’agissant des seuls colis, une mission « flash » de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale sur l’augmentation des prix des colis postaux, clôturée le 24 juin 2025, rappelait qu’en 2021 l’Arcep avait validé une hausse inédite de 20 % des tarifs des colis expédiés depuis l’hexagone vers les outre-mer tandis que, dans le même temps, la hausse moyenne des tarifs des colis du service universel postal n’avait été que de 3.9 % ([2]).

En outre, comme le rappelaient nos collègues Émeline K/Bidi, Karine Lebon, Stéphane Lenormand, Max Mathiasin, Jean-Philippe Nilor, Jean-Hugues Ratenon et Jiovanny William, rapporteurs de cette mission flash, dans la mesure où le dépassement du plafond d’une tranche tarifaire, exprimé en grammes, entraîne immédiatement le paiement du prix de la tranche supérieure, l’existence de tranches tarifaires plus étendues en outre-mer que dans l’Hexagone constitue un enjeu. En effet, cela contribue, en diminuant le caractère progressif de la grille tarifaire, à majorer le coût des envois de colis en provenance des outre-mer, en rupture avec le principe de péréquation tarifaire et au détriment de l’égalité d’accès au service public postal.

  1.   Le dispositif proposÉ : une uniformisation du tarif postal unique des envois de correspondance à l’unité sur l’ensemble du territoire français
    1.   Une extension de l’alignement tarifaire À tous les envois de correspondance à l’unité

L’article 1 de la proposition de loi prévoit, en ses alinéas 1 à 4, une modification de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques afin d’étendre le tarif postal unique des envois de correspondance à l’unité à l’ensemble du territoire de la République. En ce sens :

● Il procède d’abord au remplacement du mot « métropolitain » par le mot « français » à la fin de la première phrase du sixième alinéa, afin de supprimer la limitation territoriale du tarif unique actuellement restreint à l’Hexagone ;

● Il prévoit ensuite le remplacement des deux dernières phrases de ce même alinéa par une rédaction nouvelle, étendant expressément l’alignement tarifaire à toutes les collectivités ultramarines, qu’elles soient régies par l’article 73 de la Constitution ou par un statut particulier : sont ainsi visées la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises.

Ainsi, le tarif appliqué aux envois de correspondance à l’unité en provenance et à destination de ces collectivités serait désormais identique à celui en vigueur sur le territoire hexagonal, quelle que soit la tranche de poids. Ce faisant, la proposition de loi renonce également à la distinction persistante entre territoires ultramarins introduite par la loi précitée du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer, qui réservait l’alignement tarifaire jusqu’à 100 grammes aux seules collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, tandis que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie demeuraient soumises au régime antérieur.

Votre rapporteur déplore toutefois que le dispositif proposé ne vise que les envois de correspondance à l’unité, à l’exclusion des autres envois postaux à l’unité, notamment des colis postaux jusqu’à vingt kilogrammes expédiés par des particuliers.

Or, ces colis font pleinement partie du champ du service universel postal, tel que défini à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, et bénéficient, sur le seul territoire hexagonal, du principe de péréquation tarifaire nationale.

Aussi, puisque leur exclusion maintiendrait une différenciation tarifaire, votre rapporteur proposera un amendement tendant à étendre le bénéfice du tarif unique à l’ensemble des envois postaux à l’unité relevant du service universel postal – et non plus aux seuls envois de correspondance.

  1.   Un mÉcanisme de pÉrÉquation nécessaire au financement de l’alignement tarifaire, faute d’une compensation suffisante de l’état

La mise en place d’un tel alignement tarifaire entraînera nécessairement, pour La Poste, un surcoût. Or, votre rapporteur considère qu’il n’est dans l’intérêt de personne de dégrader les finances du service universel postal, d’autant qu’une absence de compensation pour La Poste ne serait pas financièrement supportable.

En ce sens, il appartiendrait naturellement à l’État de garantir la soutenabilité économique du dispositif envisagé, l’article L. 2-2 du code des postes et des communications électroniques ([3]) prévoyant déjà que la mission de service universel postal donne lieu à une compensation, assise sur le coût net du service universel évalué par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

Toutefois, comme l’ont souligné à plusieurs reprises des travaux parlementaires relatifs au financement du service universel, le niveau de cette compensation demeure structurellement inférieur au coût réel du déficit constaté. La Cour des comptes a ainsi estimé à 479 millions d’euros la sous-compensation enregistrée pour l’exercice 2023 ([4]. Dans ces conditions, une extension du champ de la péréquation tarifaire sans ajustement corrélatif de la dotation de l’État reviendrait à aggraver le déséquilibre structurel du service universel postal.

Dès lors, les alinéas 5 et 6 de l’article 1 de la proposition de loi proposent d’inscrire dans la loi un principe explicite de péréquation nationale des tarifs. Concrètement, une telle disposition s’inspire du dispositif de péréquation nationale institué à l’article L. 121-5 du code de l’énergie, selon lequel « la fourniture d’électricité concourt à la cohésion sociale, au moyen de la péréquation nationale des tarifs ».

Transposé au champ postal, ce dispositif vise à répartir les surcoûts logistiques liés à l’alignement tarifaire sur l’ensemble du réseau postal, selon un principe de solidarité nationale analogue à celui qui régit la fourniture d’électricité.

Il s’agirait ainsi de garantir la neutralité financière du tarif unique, en mutualisant les charges d’acheminement entre les territoires.

Une telle mesure supposerait un effort collectif limité des usagers : la mission flash relative à la hausse des tarifs des colis postaux en outre-mer rappelle que, s’agissant des colis, la péréquation tarifaire entraînerait une augmentation moyenne de quelques centimes par envoi.

  1.   Les modifications apportées par la commission.

La commission des affaires économiques a adopté un amendement n° CE3 de votre rapporteur remplaçant la notion d’ « envois de correspondance à l’unité » par la notion « d’envois postaux à l’unité » à l’alinéa 4 de l’article 1er. Conformément à la volonté exprimée par votre rapporteur, cette nouvelle rédaction permet de sécuriser l’inscription des colis postaux à l’unité au rang des envois couverts par l’alignement du tarif postal entre l’Hexagone et les outre-mer.

Un amendement rédactionnel (n° CE1) du rapporteur a également été adopté.

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Article adopté par la commission sans modification

 

Cet article prévoit la compensation financière de la mesure prévue à l’article 1er de la proposition de loi.

Cet article vise à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi, au regard des dispositions de l’article 40 de la Constitution.

Afin de couvrir les surcoûts résultant de la mise en place de l’alignement tarifaire, il propose de modifier le code des impositions sur les biens et services en créant une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.


examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 19 novembre 2025 matin, la commission des affaires économiques a examiné, sur le rapport de M. Perceval Gaillard, la proposition de loi relative à l’établissement de l’égalité d’accès au service public postal en outre-mer (n° 1962).

M. le président Stéphane Travert. Il est prévu que la proposition de loi que nous examinons soit discutée en séance publique le jeudi 27 novembre, en septième point de l’ordre du jour de la journée réservée au groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.

L’organisation du service public postal dans les collectivités ultramarines est un sujet sensible pour nos concitoyens qui vivent dans les territoires concernés, éloignés de l’Hexagone et souvent insulaires. La tarification, en particulier, soulève des questions relatives à l’égalité des usagers, à l’aménagement du territoire et à l’efficacité économique.

M. Perceval Gaillard, rapporteur. Nos territoires dits « d’outre-mer » connaissent un phénomène de vie chère insoutenable : les prix y sont en moyenne 30 % à 40 % plus élevés que dans l’Hexagone, alors que la pauvreté, la précarité, le chômage et les bas salaires les frappent de plein fouet.

Les prix élevés des produits postaux participent à la cherté générale. Ils constituent une rupture manifeste du principe constitutionnel d’égalité devant le service public. Par exemple, dans l’Hexagone, l’expédition d’un colis pesant entre 15 et 20 kilos coûte 37,85 euros, quel que soit le trajet ; mais de l’Hexagone vers les départements et régions d’outre-mer (Drom), elle coûte 150,55 euros – et jusqu’à 302,35 euros vers le Pacifique. Rien ne peut justifier cette inégalité de traitement.

Ce scandale alimente un sentiment d’injustice légitime, d’autant que les envois de colis permettent aux ultramarins qui vivent dans l’Hexagone d’entretenir le lien avec leur famille qui réside au pays, et encore plus pendant les fêtes de fin d’année.

Il existe un tarif harmonisé entre l’Hexagone et les outre-mer, mais qui ne s’applique pas aux envois de correspondance à l’unité qui dépassent le seuil d’harmonisation, c’est-à-dire 100 grammes – ou le grammage de la première tranche dans certaines collectivités – ni aux envois postaux à l’unité qui n’entrent pas dans la catégorie de la correspondance, en particulier les colis.

En revanche, les colis expédiés à l’unité à l’intérieur du territoire hexagonal font l’objet d’une péréquation qui garantit un tarif unique pour tous les envois. La République a donc volontairement exclu les territoires ultramarins du champ de la péréquation tarifaire. Puisque seule la volonté politique a entravé la généralisation de cette dernière, nous soutenons que celle-ci est possible.

À titre de comparaison, la péréquation tarifaire de l’électricité, pourtant bien plus onéreuse, s’applique sur l’ensemble du territoire national. Nous, ultramarins, sommes des Français à part entière, non des Français entièrement à part.

Par ailleurs, le service universel postal est très fragilisé. Ce monopole fut longtemps rentable ; il ne l’est plus. L’activité relative au courrier diminue en moyenne de 9 % par an et le déficit, qui atteint 600 millions d’euros (M€), ne cesse de se creuser. La compensation instaurée par le Gouvernement ne le couvre plus. Néanmoins, aucune contrainte juridique ne s’oppose à l’augmentation de cette compensation, qui devra mécaniquement progresser pour faire face au surcoût engendré par l’alignement tarifaire – il n’est dans l’intérêt de personne de dégrader les finances du service universel postal.

S’agissant des colis, le marché est fortement concurrentiel. L’État doit donner à La Poste les moyens d’assurer sa survie et sa compétitivité tout en accomplissant ses missions de service public.

Au premier semestre, la délégation aux outre-mer de notre assemblée a mené une « mission flash » sur l’augmentation des prix des colis postaux, dont elle a approuvé les conclusions à l’unanimité. Selon les rapporteurs, la péréquation tarifaire entraînerait une augmentation de quelques centimes seulement par colis expédié.

La présente proposition de loi y fait écho. Elle vise à étendre l’application du tarif postal unique à tous les envois relevant du service universel postal, quelles que soient leur destination sur le territoire de la République et leur tranche de poids.

Dans sa rédaction actuelle, le texte limite le bénéfice du tarif unique aux envois de correspondance à l’unité. Cette formule exclut les colis à l’unité, qui sont pourtant intégrés au périmètre du service public universel. J’ai donc déposé un amendement pour étendre la disposition à tous les envois postaux.

Pour toutes les raisons évoquées, pour changer la vie, pour mettre fin à une discrimination qui dure depuis bien trop longtemps, je vous invite à voter ce texte qui n’est que justice et égalité pour nos territoires. Nou tien bo, nou larg pa ! – Courage !

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Joseph Rivière (RN). Nos compatriotes des outre-mer sont français : si l’on peut affirmer cette vérité, les preuves manquent pour la confirmer. Le service public postal, par exemple, déroge au principe d’égalité, puisqu’il distingue les correspondances selon qu’elles circulent en Hexagone ou en outre-mer. Or, cette logique économique inflige à nos territoires une double peine : l’inégalité d’accès au service public aggrave encore la pauvreté d’une population déjà durement touchée.

Pour de nombreux concitoyens ultramarins, envoyer une lettre ou quelques épices dans un colis vers l’Hexagone permet de garder le lien avec les parents ou les amis. Cela met du baume au cœur – mais le prix à payer est très élevé. L’expédition en Hexagone d’un colis pesant entre 1 et 2 kilogrammes coûte 10,70 euros ; d’un territoire d’outre-mer vers l’Hexagone, c’est 22,70 euros ; et c’est presque le triple (27,50 euros) de l’Hexagone vers les outre-mer. Une telle distinction ravale le mot « fraternité » au statut de décoration sur le fronton des mairies.

Cette proposition de loi va dans le bon sens en finançant l’extension du tarif unique des services postaux grâce à un dispositif de péréquation appliqué à l’ensemble des usagers. Son adoption renforcerait les liens qui unissent les territoires d’outre-mer et la mère patrie, apaisant les velléités d’indépendance de certains acteurs politiques locaux. La mission flash, en se fondant sur les cinq cents millions de colis acheminés en 2021, évalue le coût supplémentaire par colis à quelques centimes seulement. La péréquation serait donc soutenable et l’égalité dans l’accès au service postal servirait l’ambition du Rassemblement national de renforcer les relations économiques entre l’Hexagone et les outre-mer ainsi qu’entre les territoires ultramarins.

Toutefois, cette mesure ne suffira pas à engager le développement économique pérenne que nous souhaitons, ni à libérer les territoires d’outre-mer des importations extra-européennes, notamment chinoises. Nous ne pourrons résoudre le problème de la vie chère, notamment lié au coût des importations, sans réformer en profondeur l’octroi de mer.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). L’objectif de cette proposition de loi est évidemment partagé : l’accès de tous à un service postal de qualité, partout sur le territoire, est une exigence républicaine. Toutefois, la rédaction suscite des réserves.

D’abord, il serait prématuré de modifier partiellement les obligations de service public de La Poste. Une refonte globale du service universel postal, qui en redéfinira les missions, est attendue après 2027. Nous pourrons alors utilement revoir les équilibres et réviser les obligations qui lui incombent. Intervenir avant ce rendez-vous législatif risque de fragiliser la cohérence d’un système déjà sous tension.

L’article 1er modifie directement la définition du service universel postal – c'est-à-dire la levée, le tri, l’acheminement et la distribution des envois postaux dans le cadre de tournées régulières –, première des quatre missions fondatrices qui structurent l’action de La Poste, avec notamment l’accessibilité bancaire. Or, dans les outre-mer, l’accès à l’argent liquide et la continuité du service bancaire constituent un enjeu majeur. Avant toute modification, il faut donc s’assurer que ces missions essentielles resteront garanties.

S’agissant des tarifs, on ne peut réformer le modèle économique applicable aux outre-mer de manière isolée, par une proposition de loi. Il faut d’abord mener un travail de fond, au niveau central, avec la participation du ministère de l’économie, en prenant en compte l’octroi de mer et les mécanismes de compensation. Ce chantier, en cours, doit être mené à son terme pour garantir que le modèle choisi après 2027 sera soutenable et équitable.

Pour toutes ces raisons et même si son intention est louable, le groupe Ensemble pour la République ne soutiendra pas cette proposition de loi.

M. Perceval Gaillard, rapporteur. Nous n’avons pas le loisir de patienter jusqu’en 2027. Nous attendons l’égalité tarifaire depuis bien trop longtemps déjà.

Par ailleurs, l’accessibilité bancaire est à part ; le texte ne vise pas à la réformer.

Lors de son audition, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) nous a donné quelques éléments intéressants. Ainsi, environ 1 million de colis sont échangés entre l’Hexagone et les outre-mer, qui rapportent à La Poste 30 M€, quand les 22 millions de colis qui restent sur le sol hexagonal rapportent une centaine de millions d’euros. On voit bien où est le profit. Pour le dire autrement, c’est nous qui finançons l’envoi de colis postaux dans l’Hexagone. Dans notre situation, c’est insupportable. Le texte tend juste à corriger cette aberration.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). La vie chère outre-mer est une réalité indiscutable, qui concerne aussi le service postal, comme l’a confirmé la mission flash de la délégation aux outre-mer. Celle-ci a révélé une rupture d’égalité manifeste : pour envoyer un paquet de 10 à 15 kilos, un ultramarin paiera jusqu’à 137 euros, alors que cela coûte 30,55 euros dans l’Hexagone, quelle que soit la distance. Une telle différence pour un même service public est inadmissible, intolérable. Dans nos territoires, envoyer un colis n’est pas un geste banal : c’est souvent le seul moyen de faire parvenir des effets personnels ou de maintenir un lien familial. Quand le prix du billet d’avion dépasse 1 000 euros, c’est un geste de solidarité, la réaffirmation de l’identité familiale.

J’ai donc défendu la présente proposition dès 2019 et j’ai déposé le texte réactualisé en vue de la niche parlementaire de notre groupe. Il vise simplement à garantir une réelle égalité d’accès au service postal, partout en France. La solution repose sur l’élargissement de la péréquation tarifaire en vigueur dans l’Hexagone. Ce système existe déjà pour l’électricité afin de garantir aux zones non interconnectées, notamment en outre-mer, les mêmes tarifs qu’aux autres.

La Poste nous dira qu’elle est déficitaire depuis 2018 ; nous répondrons qu’il existe une caisse de compensation et que le déficit n’est pas du fait des outre-mer, mais de l’Hexagone. Nous ne réclamons pas un privilège, nous défendons le respect d’un principe fondateur de la République : le droit pour chaque citoyen, où qu’il vive, de bénéficier du même service public, au même prix, que les autres.

En votant cette loi, nous choisissons de mettre fin à une injustice, de faire que l’égalité de traitement ne soit plus un slogan, mais un engagement concret. Cela ne se négocie pas.

M. Philippe Naillet (SOC). La présente proposition de loi ne s’attaque pas seulement à un problème tarifaire, elle vise à faire cesser une inégalité réelle et ancienne et, partant, à renforcer la cohésion nationale.

À mon tour, je prends l’exemple d’un colis, un tout petit, pesant entre 1 et 2 kilos : cela coûte deux à trois fois plus cher de l’envoyer de l’Hexagone vers nos territoires que de Lyon à Strasbourg – ou à Saint-Étienne. En aggravant la cherté de la vie, l’absence de péréquation pèse sur le pouvoir d’achat des familles ultramarines qui sont déjà plus vulnérables que celles de l’Hexagone – à La Réunion, par exemple, 36 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le problème est aussi économique : le coût supplémentaire des commandes affecte également les artisans, qui subissent encore une distorsion de concurrence avec les entreprises de plus grande taille.

Le groupe socialiste soutient pleinement cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la suite des travaux de la mission flash sur l’augmentation des prix des colis postaux. Le service public postal, qui devrait favoriser l’égalité, est devenu facteur d’exclusion. Il faut appliquer le tarif unique dans tout le territoire – ce n’est rien d’autre que la péréquation nationale. Quand le service public recule ou disparaît, c’est le secteur privé qui gagne, au détriment des usagers, de la population et des agents.

M. Perceval Gaillard, rapporteur. Vous avez raison, à l’enjeu d’égalité s’ajoute celui de cohésion nationale.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Nous saluons la volonté de réduire les disparités tarifaires en outre-mer. Cependant, la réforme proposée ne prend pas en compte les surcoûts résultant de l’acheminement du courrier sur de longues distances. Vouloir résoudre le problème par la seule application d’un tarif uniforme n’est pas réaliste : des mesures structurelles seront nécessaires pour absorber les coûts additionnels inhérents à la géographie spécifique des outre-mer. En l’absence d’un financement pérenne ou de compensations, une telle réforme compromettrait la viabilité à moyen et long termes du service postal dans les régions concernées.

Pire, elle pourrait fragiliser davantage un groupe déjà éprouvé par l’obligation de supporter les charges supplémentaires qui découlent de l’éloignement des territoires ultramarins et d’une réalité économique, le coût élevé du fret. Il est impératif de trouver des solutions adaptées pour soutenir les infrastructures postales dans ces territoires, tout en identifiant les modèles économiques à même d’assurer un équilibre financier. C’est nécessaire pour garantir à la fois un service postal de qualité et une réduction des prix pour les usagers.

Nous nous abstiendrons sur ce texte dont nous reconnaissons les intentions positives, dans l’espoir de mesures mieux adaptées.

M. Perceval Gaillard, rapporteur. À l’issue des auditions et des recherches que nous avons menées, nous avons choisi la péréquation, car c’est le système qui aurait le plus faible impact. Puisque c’est possible pour l’énergie, cela devrait l’être pour les services postaux, dont les coûts structurels sont sans commune mesure.

Quant au déficit, rien n’empêche l’État de le compenser. De toute façon, il n’est pas dû aux outre-mer et les chiffres que j’ai donnés montrent bien que les ultramarins paient proportionnellement beaucoup plus que les Hexagonaux. Cette réforme ne l’aggravera pas de manière significative.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). La vie chère dans les outre-mer est une réalité documentée et, surtout, vécue par nos concitoyens depuis de nombreuses années. Les données de l’Insee montrent que les prix à la consommation y sont plus élevés qu’en métropole – de 9 % à La Réunion et de 16 % en Guadeloupe, par exemple. Ces écarts s’expliquent par des réalités structurelles : éloignement, insularité, forte dépendance aux importations, rareté du foncier, concentration des acteurs économiques, surcoûts logistiques et réglementaires. Cette situation pèse lourdement sur le quotidien de nos compatriotes ultramarins et renforce un sentiment légitime d’injustice.

Nous partageons ce constat, sans ambiguïté. Les tarifs postaux en sont une illustration supplémentaire : envoyer un colis de 2 kilos coûte environ 11 euros vers la métropole, 27 euros vers les Drom et jusqu’à 35 euros vers la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie. Cette différence s’explique par le coût réel du transport maritime ou aérien.

Le groupe Horizons et Indépendants est favorable à l’alignement progressif des tarifs postaux sur l’ensemble du territoire national, mais ce doit être économiquement tenable. La proposition de loi prévoit l’instauration immédiate d’un tarif unique grâce à une péréquation nationale ; mais, faute d’étude d’impact, il est impossible de prévoir le coût de cette mesure pour les consommateurs (par l’augmentation des tarifs) ou pour les contribuables (en cas de nouvelle compensation budgétaire).

Le service universel postal est déjà structurellement déficitaire. En 2023, la Cour des comptes chiffrait la sous-compensation à près de 480 M€. Étant donné le contexte budgétaire, on peut difficilement envisager d’alourdir la charge sans savoir précisément de combien ni sans prévoir de financement.

Pour lutter contre les inégalités économiques qui pèsent sur les outre-mer, des réponses structurelles et durables sont nécessaires : il faut développer la production locale, diversifier les approvisionnements régionaux, renforcer la concurrence dans la distribution et la rendre plus transparente. Le projet de loi de lutte contre la vie chère, dont l’Assemblée nationale a été saisie, sera une étape essentielle pour apporter des solutions concrètes et pérennes.

Dans un esprit de responsabilité alliant solidarité avec nos compatriotes ultramarins et exigence de sérieux budgétaire, nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Perceval Gaillard, rapporteur. Lors de leur audition, les représentants de l’Arcep ont souligné qu’une étude d’impact serait peu pertinente, en raison du grand nombre d’incertitudes qui entoure la question. Ainsi, si le prix de l’expédition des outre-mer vers l’Hexagone diminue largement, les particuliers enverront-ils beaucoup plus de colis ? On ne peut non plus exclure des effets d’aubaine pour certains opérateurs économiques, qui pourraient expédier avec le statut de particulier et non plus de professionnel. Le seul chiffre sur lequel ils ont pu se prononcer, c’est une augmentation de quelques centimes pour chaque colis postal envoyé, à l’échelle nationale. C’est très raisonnable. Puisque, pour le moment, c’est nous qui finançons les envois de colis dans l’Hexagone, cette réforme remettrait les choses à l’endroit.

Mme Karine Lebon (GDR). Cette proposition de loi raconte une vérité que trop de nos concitoyens connaissent par cœur : l’égalité d’accès au service public n’est pas encore une réalité dans les outre-mer. La mission flash de la délégation l’a confirmé. L’expédition d’un même colis entre La Réunion et l’Hexagone coûte deux à trois fois plus cher qu’à l’intérieur de l’Hexagone. Payer trois fois plus cher pour la même opération, pour le même service universel ? Nous ne pouvons plus accepter que les familles réunionnaises aient à s’acquitter d’un impôt invisible pour maintenir un lien vital avec leurs proches.

Cette injustice tarifaire contribue à la vie chère, complique l’accès aux biens essentiels et isole encore davantage un territoire déjà séparé de l’Hexagone par dix mille kilomètres.

Pour les ultramarins, un colis n’est pas un simple confort : c’est la possibilité d’obtenir un produit indispensable ou un soutien moral – surtout en cette période de fêtes de fin d’année. Faire payer plus cher ce lien, c’est fragiliser encore celles et ceux qui subissent déjà de nombreuses inégalités structurelles.

Sur le plan juridique, tout est clair : le droit européen autorise la péréquation postale et le Conseil d’État confirme que le législateur peut l’étendre aux outre-mer. Quant à l’impact financier, il est dérisoire : quelques centimes par colis au niveau national, pour garantir enfin l’égalité tarifaire ! Quelques centimes peuvent changer la vie de millions de familles ultramarines. Faire payer à la collectivité un droit fondamental n’est pas inéquitable ; ce qui le serait, ce serait de continuer à faire payer plus cher ceux qui sont déjà les plus éloignés, les plus dépendants et les plus fragilisés.

S’il est politiquement trop risqué de faire supporter à La Poste seule un rééquilibrage tarifaire, alors c’est à l’État d’endosser la charge. Ne pas agir, c’est faire peser l’injustice sur les seuls ultramarins. La présente proposition de loi ferait tomber ce mur tarifaire et contribuerait à lutter contre la vie chère. J’espère que la commission va l’adopter.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nous soutiendrons cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de notre niche parlementaire. Il faut rétablir l’égalité entre les citoyens français, quel que soit le territoire où ils habitent, parce qu’il n’est pas normal que nos concitoyens ultramarins payent pour la péréquation dans l’Hexagone et non l’inverse.

Avant la fin de cette année, nous aurions dû débattre d’un projet de loi de modernisation et d’actualisation du service public postal dans l’ensemble du territoire. Or, ce texte a été reporté sine die, alors que des coupes budgétaires de 110 M€ sont prévues, que les fermetures de bureaux de poste se poursuivent un peu partout et que l’accessibilité bancaire demeure un problème pour nombre de nos concitoyens précaires.

Pour la cohésion du pays et l’aménagement du territoire, il est crucial que le Parlement puisse débattre et voter au sujet des grands objectifs du service public postal dans l’Hexagone et les outre-mer. Le présent texte vise à résoudre, partiellement, les problèmes auxquels nous sommes confrontés en raison de l’inaction du Gouvernement.

M. Joseph Rivière (RN). Monsieur le rapporteur, je souhaite vous poser une question simple, dont la réponse serait utile aux Réunionnais : avez-vous des informations précises sur les retards de livraison et les pertes de colis dans les territoires d’outre-mer ? En cette période de préparation des fêtes de fin d’année, on sait que les Réunionnais échangent beaucoup avec l’Hexagone.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Je rejoins les propos de monsieur Tavel. Hier, en commission des finances, nous avons adopté un amendement visant à rétablir au niveau prévu dans la loi de finances pour 2025 la compensation versée à La Poste au titre de ses missions de service public.

Il y a des gens, dans l’Hexagone ou dans les outre-mer, qui ne voient que le facteur de toute la journée. Le service de qualité et de proximité que La Poste apporte aux habitants constitue aussi un lien social qu’il faut maintenir. C’est effectivement une question d’aménagement du territoire. C’est pourquoi cette proposition de loi va dans le bon sens.

Toutefois, les surcoûts qu’elle implique doivent être compensés : La Poste ne peut les supporter seule – vous connaissez l’état de son budget. Par quel financement pérenne envisagez-vous de financer ce texte ?

M. Charles Fournier (EcoS). Les populations ultramarines s’acquittent de tarifs postaux largement supérieurs à ceux appliqués dans l’Hexagone – du double, parfois du triple, comme pour les territoires du Pacifique.

La Poste, service public fondé sur l’égalité et la continuité territoriale, a failli à sa mission : elle a été autorisée à pratiquer des tarifs distincts de ceux appliqués dans l’Hexagone. Le principe de péréquation s’arrête aux portes des outre-mer, privant des milliers d’usagers de prix abordables. Cette rupture d’égalité manifeste pèse durablement sur la vie de nos concitoyens ultramarins. Ces derniers recourent davantage à l’envoi de colis, qui sont un véritable trait d’union pour les familles vivant à distance ; mais envoyer des colis à ses enfants qui étudient à plus de cinq mille kilomètres – dans le meilleur des cas – est trop coûteux. En outre, ces prix élevés participent à la vie chère.

Nous soutiendrons cette proposition de loi, qui vise à mettre fin à cette inégalité persistante grâce à une mesure concrète. Elle est la traduction claire d’une volonté politique de corriger des écarts de prix discriminants.

M. Perceval Gaillard, rapporteur. Comme monsieur Tavel, je regrette que la grande loi postale promise n’ait jamais vu le jour. Elle demeure nécessaire : si nous avons déposé le présent texte, c’est que nous attendons cette loi depuis bien trop longtemps.

Monsieur Rivière, je ne dispose pas de chiffres relatifs aux pertes et aux retards des colis, mais nos concitoyens réunionnais nous font part de difficultés croissantes, en particulier depuis l’année dernière. Nous aurions pu interroger les représentants de La Poste à ce sujet, mais nous n’avons malheureusement pas pu les auditionner.

Monsieur Vigier, la compensation de la dette de La Poste par l’État est un combat que nous devrions mener en commun, mais elle n’a rien à voir avec les outre-mer. Ne faites pas payer aux territoires d’outre-mer un déficit qui n’est pas le leur, alors même qu’ils participent à sa résorption proportionnellement plus que les autres territoires !

Certains chiffres relatifs au surcoût qu’entraînerait l’adoption de ce texte relèvent du secret des affaires, mais il ne serait de toute façon pas exorbitant. Environ un million de colis seraient concernés : pas de quoi modifier les grandes lignes du déficit de La Poste. La véritable question que nous devons nous poser est celle de la compensation de l’État permettant de financer le service postal universel.

M. le président Stéphane Travert. Je souscris aux propos de monsieur Tavel sur la compensation : l’État doit tenir ses engagements, notamment s’agissant de la mission de La Poste relative à l’aménagement du territoire.

Permettez-moi de m’exprimer en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale. J’ai déposé des amendements au projet de loi de finances afin de garantir le maintien des missions de service universel postal : la distribution du courrier six jours sur sept, l’accessibilité bancaire – l’accès au cash est particulièrement important dans les territoires ultramarins –, la distribution de la presse et l’aménagement du territoire, grâce aux dix-sept mille points de contacts dont le maintien doit être assuré.

Nous sommes en discussion avec le Gouvernement pour obtenir le dégel de l’enveloppe allouée à La Poste. Si je n’ose plus croire à une compensation à hauteur de 174 M€ dans le budget pour 2026, j’espère qu’elle atteindra au moins 125,3 M€ et je remercie la commission des finances d’avoir voté hier un amendement en ce sens.

Nous devons faire en sorte que le service public postal soit rendu conformément aux attentes de nos concitoyens, qu’ils vivent dans l’Hexagone ou dans les territoires ultramarins.

Article 1er : (Article L. 1 du code des postes et des communications électroniques) : Extension du principe du tarif postal unique des envois de correspondance à l’unité à l’ensemble du territoire de la république

Amendement rédactionnel CE1 de M. Perceval Gaillard

M. Perceval Gaillard, rapporteur. Il s’agit simplement de remplacer le mot « français » par le mot « national », afin que le texte soit conforme à la terminologie employée dans le code des postes et des communications électroniques.

Mme Karine Lebon (GDR). Je ne saurais détailler le surcoût que représenterait l’adoption de ce texte pour les consommateurs, mais je sais qu’il serait inférieur à 10 centimes par colis. Les représentants de La Poste, que nous avons auditionnés dans le cadre de la mission flash sur l’augmentation des prix des colis postaux, considèrent qu’une telle augmentation provoquerait un effondrement du nombre de colis envoyés et la ruine de La Poste. J’ai donc demandé une étude de l’élasticité-prix, que personne n’a été en mesure de mener à bien.

J’entends que cette augmentation poserait un problème à La Poste, mais son impact doit être précisément chiffré et évalué. On nous parle d’étude d’impact, mais nous manquons d’éléments à charge et à décharge.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE3 de M. Perceval Gaillard

M. Perceval Gaillard, rapporteur. Cet amendement, qui porte sur l’alinéa 4, a pour objet de coordonner juridiquement l’extension du bénéfice du tarif unique à l’ensemble des envois postaux à l’unité, c’est-à-dire des envois entre particuliers.

L’alinéa 3 du présent article prévoit déjà que les services d’envoi postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés aux mêmes tarifs sur l’ensemble du territoire français. Il s’agit de sécuriser cette mesure.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : (chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services) : Gage financier

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

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   liste des personnes auditionnées

Autorité de Régulation des Communications Électroniques, des Postes et de la distribution de la Presse (ARCEP)

M. Olivier Corolleur, directeur général

Mme Anne Yvrande Billon, directrice Économie, Marchés et Numérique

Mme Virginie Mathot, conseillère de la présidente


([1]) Arcep, Caractéristiques de l’encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel postal sur la période 2026-2029, 15 avril 2025.

([2]) Avis n° 2021-0292 de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en date du 4 mars 2021 relatif à une modification du catalogue des prestations du service universel postal.

([3]) Aux termes de cet article, le « prestataire du service universel postal reçoit de l’État une compensation au titre de sa mission de service universel postal définie à l’article L. 1 ».

([4]) Cour des comptes, « La trajectoire financière de La Poste », 5 décembre 2024.