N° 2042
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juin 2019.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES
en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)constituée le 24 octobre 2017
sur Mers et océans : quelle stratégie pour la France ?
Co-rapporteurs
M. Jean-Luc MÉLENCHON
M. Joachim SON-FORGET
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
Synthèse des propositions des rapporteurs
premiÈre partie POLLUTION MARITIME : LES ACTIVITÉS HUMAINES RESPONSABLES DE LA MORT LENTE DES OCÉANS
1. Les océans sont devenus la poubelle plastique de l’humanité
2. Une menace pour la biodiversité marine
4. Une action collective et déterminée est nécessaire
1. Une conséquence des activités humaines
2. Une aggravation exponentielle du phénomène
DEUXIÈME PARTIE LES EAUX SOUS JURIDICTION FRANÇAISE INSUFFISAMMENT SURVEILLÉES ET PROTÉGÉES
A. LA FRANCE Délaisse SA ZONE ÉCONOMIQUE EXCLUSIVE
1. Des aires marines pour protéger les espèces marines contre les activités humaines
2. Des objectifs internationaux peu suivis
b. La France peut montrer l’exemple en matière de protection des océans
i. Protection des eaux des îles Saint-Paul et Amsterdam
ii. Protection des eaux des îles Marquises
iii. Protection des eaux des îles Australes
iv. Protection des eaux de Nouvelle-Calédonie
v. Protection des eaux de Clipperton
C. LE RÔLE ÉCOLOGIQUE DE LA MARINE NATIONALE
TROISIÈME PARTIE LA SURPÊCHE DÉTRUIT LA BIODIVERSITÉ MARINE
A. Ne PLUS prendre à la mer davaNtage qu’elle ne peut reconstituer
1. Œuvrer pour un mode d’exploitation durable des ressources halieutiques
a. La surpêche : une agression pour la biodiversité marine
b. Les méthodes de pêche destructrices doivent être interdites
2. Lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée
QuatriÈme partie Pillage du sous-sol marin : extraction de minéraux et forages pétro‑gaziers
1. Les richesses des fonds marins
B. le rôle de l’autorité internationale des fonds marins
C. le trésor des grands fonds marins français
E. Protéger enfin la haute mer : le Processus « BBNJ »
CINQUIÈME PARTIE Les câbles sous-marins : un enjeu stratégique
1. Une toile sous-marine particulièrement dense
2. Un secteur stratégique en pleine mutation
3. Un enjeu central de souveraineté
sixiÈme partie le problème du tourisme dans les écosystèmes fragiles
1. Une activité touristique en expansion
2. Des risques avérés de pollution et de perturbations pour les populations locales
3. Il faut encadrer fermement le tourisme des pôles
B. Dans les taaf le tourisme doit restér très limité
1. Une activité touristique heureusement limitée
SEPTIÈME PARTIE La piraterie : une source d’instabilité maritime
1. La piraterie prospère toujours dans les régions pauvres
2. L’engagement de la communauté internationale
3. Lutter efficacement contre l’instabilité maritime
1. Une présence insuffisante en Arctique
2. La France est un acteur majeur en Antarctique
3. Une présence stratégique et souveraine dans les îles subantarctiques
B. Faire de la France une nation cheffe de file s’agissant de la protection de l’antarctique
2. Des succès en trompe-l’œil en mer de Ross et dans les îles Orcades du Sud
a. L’aire marine protégée de la mer de Ross
b. L’aire marine protégée des îles Orcades du Sud
C. Promouvoir et préserver la singularité de la recherche française en milieu marin
listes des personnes entendues par les co-rapporteurs
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Le cycle de l’eau est au cœur de tous les processus vitaux de notre écosystème. Notre dépendance à l’eau est extrême. Près de 60 % du corps humain d’un adulte est constitué d’eau. À 2 % de manque d’eau, l’être humain a soif, à 10 % il délire, à 12 % il meurt. Le cycle de l’eau est directement lié aux mers et aux océans.
Les eaux des océans recouvrent 71 % de la surface du globe, il fournit près de la moitié de l’oxygène essentiel à la vie sur notre planète et il concentre 1/5e des protéines animales que l’humanité consomme. Par ailleurs, l’océan joue un rôle primordial en tant que régulateur du climat : sans les masses maritimes, les températures dans l’atmosphère seraient d’au moins 35°C plus élevées.
La mer est fondamentale pour l’existence de l’humanité mais elle est en danger et les êtres humains en sont les premiers responsables. Plusieurs menaces pèsent sur les mers et les zones côtières : le réchauffement climatique entraîne une élévation des eaux des océans et leur acidification, la surpêche provoque un anéantissement de la biodiversité marine, les activités humaines entraînent une accumulation des déchets et une plastification alarmante des mers. Il y a urgence à agir individuellement et collectivement car en saccageant ainsi les espaces marins, nous détériorons durablement des écosystèmes exceptionnels dont nous dépendons directement, nous exposant ainsi à d’autres dangers plus grands encore.
Pour éviter un désastre écologique irrémédiable dans les mers et les océans, il nous faut lutter résolument contre le dérèglement climatique dans la droite ligne de l’accord de Paris. Mais il nous faut aussi œuvrer énergiquement en faveur d’une pêche durable et responsable et protéger efficacement les aires marines contre toutes les formes de pollution.
Les enjeux écologiques nous paraissent de plus en plus évidents. Mais la mer demeure également un espace stratégique essentiel sur lequel la puissance des nations s’est construite ou défaite. Dominer les mers, c’est dominer le monde. En 2017, 9/10e des marchandises circulaient par les mers. Le commerce maritime mondial n’a eu de cesse de s’intensifier ces quarante dernières années passant de 2,6 milliards de tonnes transportées en mer en 1970, à 6 milliards en 2000 et à 11 milliards en 2017. L’Asie fait de plus en plus figure de leader dans le domaine maritime. Les États-Unis reculent. Mais pas dans tous les domaines puisqu’ils conservent notamment la main mise sur les câbles sous-marins. Ceux-ci assurent l’essentiel du transport des données. Voilà un enjeu maritime stratégique trop souvent inaperçu.
La France, grâce notamment à sa présence Outre-mer, dispose du deuxième domaine maritime mondial. Il couvre près de 11 millions de km2.
En tant que nation maritime nous devons donner l’exemple et protéger plus efficacement encore les mers et les océans se trouvant sous juridiction française.
Le vaste domaine maritime français est un avantage. C’est une responsabilité. Comment faire face aux deux ? C’est le sujet d’un débat. Pour qu’il s’organise encore faut-il que ces enjeux et défis soient correctement identifiés.
Dans cette optique, vos rapporteurs ont identifié huit grands défis maritimes que la France se doit impérativement de relever :
- La lutte contre la pollution en mer ;
- Le développement de véritables sanctuaires marins ;
- La promotion d’une pêche durable et responsable à l’échelle internationale ;
- La protection des fonds marins internationaux qui constituent un « patrimoine commun de l’humanité » ;
- La juste prise en compte de l’enjeu stratégique des câbles sous‑marins ;
- La régulation stricte du tourisme de masse ;
- La lutte contre les actes de piraterie ;
- La promotion de la recherche scientifique.
Synthèse des propositions des rapporteurs
Lutte contre la pollution plastique :
1) Lutter contre la pollution plastique en mer Méditerranée en instaurant un partenariat entre l’Union européenne et l’ensemble des pays de la rive sud de la Méditerranée afin de mettre un œuvre un plan d’action global et cohérent ;
2) Prohibition totale du plastique à usage unique, excepté dans le domaine médical ;
3) Développement d’une fiscalité pollueur-payeur pour les industriels : une telle taxation des producteurs vise à aligner le prix du plastique neuf sur celui du plastique recyclé dont le coût est actuellement 30 % plus élevé ;
4) Renforcement de la réglementation s’agissant de l’écoconception des produits plastique : nécessité d’harmoniser les types de plastiques utilisés afin de faciliter le recyclage ;
5) Prohibition totale des produits en plastiques colorés, dont le recyclage est impossible ;
6) Réglementation stricte concernant le suremballage et promotion de la vente en vrac ;
7) Promouvoir le nettoyage des plages dans le cadre d’activités scolaires avec pour objectif la sensibilisation des plus jeunes aux questions de la pollution en mer et de la pollution plastique en particulier ;
8) Développer la production d’écoplastiques de substitution.
Lutte contre les filets « fantômes » :
1) Inciter les pêcheurs à recycler leurs matériels de pêche usagés ou défectueux ;
2) Inciter les pêcheurs à remonter les filets dérivants détectés en mer ;
3) Améliorer la collecte des matériels de pêche usagés ou défectueux dans les ports, avec l’installation d’espaces dédiés pour le recyclage du matériel de pêche, de préférence sans redevance spéciale ;
4) Estampiller les équipements de pêche pour une meilleure traçabilité des filets.
Lutter contre les « zones mortes » en mer :
1) Réduire de façon drastique les charges en nutriments déversés dans les océans pour les besoins de l’agriculture ;
2) Favoriser le développement de l’agriculture biologique, compatible avec un objectif de fertilisation équilibrée ;
3) Réduire nos émissions de gaz à effet de serre, en conformité avec les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris de 2015 ;
4) Vérifier l’alignement du budget annuel de l’État vis‑à‑vis des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris de 2015.
Lutter contre la pollution sonore :
1) Réduire voire interdire le trafic dans certaines zones, notamment dans et aux abords des aires marines protégées ;
2) Encadrer plus strictement la vitesse des navires.
Développement des aires marines protégées (AMP) :
1) Réserver la notion d’aires marines protégées aux zones excluant toute activité industrielle, et interdisant toute extraction ou capture ;
2) Réviser la typologie des aires marines protégées, en se fondant non plus sur des objectifs mais sur les impacts des activités autorisées afin d’évaluer plus finement l’efficacité écologique des aires marines protégées ;
3) Concrétiser les projets de grandes réserves marines projetées dans les eaux ultramarines françaises. Nécessité de faire preuve d’une véritable volonté politique en la matière aux échelons nationaux (Clipperton, TAAF) et territoriaux (Nouvelle‑Calédonie, Polynésie française).
Protection des eaux sous juridiction française :
1) Renforcer les moyens de surveillance (bâtiments, surveillance satellitaire, oiseaux de mer équipés de balises…) ainsi que les capacités d’intervention dans les eaux sous juridiction française afin de permettre une adéquate protection de nos eaux territoriales et de nos zones économiques exclusives.
Lutte contre la surpêche et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée :
1) Réviser les critères d’attribution des subventions au secteur de la pêche en y intégrant des obligations concernant la qualité sociale et écologique de l’activité pratiquée ;
2) Mise en place d’accords de partenariat favorisant le développement d’un environnement propice à la pêche durable notamment avec les pays riverains du golfe de Guinée ;
3) Lutter contre le pillage des ressources halieutiques en encourageant et en facilitant la mise en œuvre de solutions circulaires telles que la culture d’insectes pour nourrir les animaux d’élevage qui n’ont nullement besoin de protéines issues de la mer ;
4) Prohibition de l’utilisation de farines animales dans l’alimentation des animaux non piscivores.
Exploration et exploitation des grands fonds :
1) Mobilisation de la France au sein de l’Union européenne et de l’Autorité internationale des fonds marins pour l’établissement d’un moratoire de durée indéfinie sur l’exploitation minière dans les grands fonds internationaux afin de préserver ces écosystèmes foisonnants et encore mal connus ;
2) Maintenir en Antarctique le régime d’interdiction des activités de prospection et d’exploitation des ressources minérales, sauf à des fins scientifiques. Promouvoir l’extension de cette interdiction en Arctique.
Négociations en cours sur la haute mer (processus « BBNJ ») :
1) Promouvoir au plus haut niveau politique la création d’aires marines protégées dans les eaux internationales ;
2) Faire de la pêche en haute mer l’un des piliers de la négociation du processus BBNJ.
Les câbles sous‑marins :
1) Assurer l’indépendance stratégique de la France dans le domaine des câbles sous‑marins ;
2) Mobilisation des pouvoirs publics pour qu’ASN – leader mondial du marché des câbles sous-marins – redevienne, à part entière, une entreprise française.
Tourisme dans les écosystèmes marins :
1) Protéger les régions antarctique et arctique en adoptant une réglementation internationale stricte des activités touristiques dans les régions polaires ;
2) Réduire la pollution atmosphérique provoquée par les bateaux et notamment les navires de croisières en promouvant le classement de la mer Méditerranée en zone ECA (emission control area) obligeant ainsi tous les navires à recourir à des carburants beaucoup moins polluants et respectueux de l’environnement et de la santé des populations locales ;
3) Encadrer strictement le tonnage des navires au niveau international afin d’empêcher l’apparition de « monstres des mers » représentant une menace pour l’environnement.
Lutte contre la piraterie
- M. Jean‑Luc Mélenchon estime que la lutte contre la piraterie doit rester du ressort des seuls États et donc de leurs forces armées. Ces prérogatives régaliennes ne doivent en aucun cas être déléguées à des sociétés privées ;
- M. Joachim Son‑Forget soutient pour sa part le fait de recourir à des équipes de protection privées embarquées ainsi qu’à la généralisation de bonnes pratiques pour lutter contre les actes de pirateries.
Soutien à la recherche scientifique en milieu marin :
1) Œuvrer avec détermination pour le développement de la recherche scientifique, le renforcement de la coopération internationale et l’élaboration d’une règlementation ambitieuse permettant d’assurer la protection de l’environnement dans les zones antarctique et arctique ;
2) Renforcer les crédits alloués au financement de travaux scientifiques en région arctique et antarctique afin que la France puisse conserver son utilité de nation polaire ;
3) Combler les lacunes capacitaires françaises en se dotant d’un brise‑glace à des fins stratégiques et scientifiques ;
4) Inciter les pouvoirs publics à entretenir, voire renouveler les capacités d’intervention française dans les grands fonds en maintenant la double approche actuelle, avec a minima un sous‑marin habité (le Nautile) et un robot téléopéré (le Victor) ;
5) Inciter les pouvoirs publics à augmenter, entretenir et restaurer les outils scientifiques spécifiques dont dispose la France à l’instar du marégraphe de Marseille qui permet de mesurer l’évolution du niveau de la mer.
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premiÈre partie
POLLUTION MARITIME : LES ACTIVITÉS HUMAINES RESPONSABLES DE LA MORT LENTE DES OCÉANS
1. Les océans sont devenus la poubelle plastique de l’humanité
D’après l’association WWF, d’ici 2050 et au rythme actuel, il y aura plus de plastique dans les océans que de poissons. La dissémination de matières plastiques dans l’ensemble des océans du globe représente une pollution planétaire dont nous commençons à peine à mesurer l’étendue. Plus de 6 milliards de tonnes de déchets plastiques provenant principalement de la terre, se sont accumulés dans l’océan mondial depuis les années 1950. Chaque année, nous y ajoutons encore 13 millions de tonnes, soit quatre fois plus qu’en 1950. 70 % de ces déchets terminent au fond des océans, 15 % arrivent sur les côtes et 15 % flottent à la surface des océans. L’océan mondial est la poubelle de notre surproduction de plastiques.
Une étude de décembre 2014 ([1]), basée sur des mesures provenant de vingt-quatre expéditions dans l’océan mondial évalue la présence d’un minimum de 5,25 trillions de particules de plastiques dont 5 250 milliards de microplastiques correspondant à une masse totale de 268 940 tonnes de plastique.
Les microplastiques, qui sont des particules de moins de 5 millimètres de diamètre représenteraient 90 % des plastiques flottants pour environ 10 % en poids. Ce sont des débris peu visibles, voire invisibles à l’œil nu, résultant de la décomposition des macro-déchets plastiques (sacs et emballages, granulés industriels, microfibres de tissus et de vêtements, microbilles, engins de pêche…).
Les gyres ([2]) de plastiques focalisent une grande part de l’attention médiatique. Ils concentrent une part considérable de matières plastiques. Le plus étendu, le Great Pacific Garbage, fait une surface de 3,4 millions de km2. Néanmoins, comme l’ont fait remarquer des représentants de la fondation Tara, le plastique est présent partout dans les océans du globe et pas seulement dans ces « continents de plastique ». Le plastique fragmenté, qui se transforme peu à peu en microplastique, représente, à leurs yeux, l’une des menaces les plus diffuses et les plus inquiétantes.
La carte ci-après présente la localisation des principaux gyres de déchets plastiques à l’échelle mondiale :
LOCALISATION DES GYRES DE DÉCHETS PLASTIQUES À L’ÉCHELLE MONDIALE
Source : Science et avenir (2017).
La source principale de la pollution plastique des océans provient des terres. Les principaux vecteurs de cette pollution des océans sont les bassins versants. C’est par les cours d’eau terrestres qu’arrive la plupart des pollutions plastiques dans les océans. Entre 60 et 80 % des débris marins seraient d’origine terrestre ([3]). Selon une étude allemande ([4]), publiée dans la revue Environnemental Science & Technology, dix fleuves seraient principalement à l’origine de la pollution plastique des océans. Huit sont situés en Asie – à l’instar du Yangtze (fleuve Bleu) et du Gange – et en Afrique – à l’instar du fleuve Niger et du Nil. Les auteurs de cette étude estiment qu’entre 410 000 et 4 millions de tonnes de plastique provenant des fleuves finissent dans les océans chaque année.
Les principales sources de la pollution proviennent de zones où les déchets sont peu ou pas collectés et recyclés. Le débit hydraulique des cours d’eau est un autre facteur déterminant : neuf des fleuves les plus pollueurs comptent aussi parmi ceux ayant le plus fort débit du monde.
Ainsi, les océans sont devenus le point d’arrivée systématique des déchets produits par nos modes de production et de consommation. Ils fonctionnent comme les poubelles du monde.
2. Une menace pour la biodiversité marine
L’augmentation du nombre de plastiques dans les océans est responsable de l’extinction d’une partie de leur biodiversité. La densité de certaines matières plastiques les maintient à la surface des océans. C’est aussi une zone de nourrissage pour de nombreuses espèces marines. Ces déchets plastiques sont ainsi confondus par des animaux marins avec leur nourriture habituelle. Les oiseaux et les tortues prennent par exemple les sacs plastiques pour des méduses. Environ un million d’oiseaux de mers et 100 000 mammifères marins meurent chaque année en raison de la pollution plastique des océans. Ces animaux se retrouvent pris au piège dans des filets de pêche abandonnés ou ingurgitent des matières plastiques qu’ils ne peuvent digérer ([5]). Près de 690 espèces animales subissent directement les effets nocifs de la pollution plastique dans les océans.
Ces matières plastiques contiennent des polluants organiques persistants. Il s’agit par exemple des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ou des polychlorobiphényles (PCB) ainsi que des additifs, comme les phtalates ou du bisphénol. Ces polluants affectent en premier lieu, la santé des poissons et des organismes filtreurs (moules, huîtres…). Ils ont par la suite un impact sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, y compris sur les humains.
De surcroît, les débris plastiques favorisent le développement d’un nouvel écosystème conduisant à la prolifération de milliers de microbes et bactéries, nocives pour l’ensemble de la biodiversité. Les débris plastiques dérivants transportent sur des milliers de kilomètres à travers le globe des espèces invasives et des organismes pathogènes. Près de 1 000 espèces de bactéries ont déjà été observées sur des échantillons de déchets plastiques en mer. Sur certains débris étudiés, la population dominante appartenait ainsi au genre vibrio, qui comprend notamment les bactéries du choléra et les bactéries vectrices de maladies gastro‑intestinales. La pollution plastique des océans deviendra donc dans le futur une menace sanitaire pour l’ensemble de la planète. La présence de microplastiques a pu être observée dans des organismes prélevés à 7 000 mètres de profondeur. Cela montre bien l’étendue de cette pollution et son effet négatif sur l’ensemble de l’écosystème marin, même pour les espèces les plus reculées.
Enfin, les déchets plastiques contribuent également au réchauffement climatique en libérant des gaz à effet de serre.
La pollution plastique a également un impact économique non négligeable pour les populations vivant en bord de mer. Ainsi, d’après une étude de l’université de Bejaïa, les pêcheurs algériens remontaient en 2010 dans leurs filets 40 % de déchets plastiques pour 60 % de poissons. En 2017, en Espagne, la moyenne était déjà de 30 % de déchets plastiques pour 70 % de poissons ([6]).
Une situation cataclysmique en mer Méditerranée
La Méditerranée est une mer semi‑fermée. Le renouvellement complet de ses eaux prend environ un siècle. Elle est au cœur d’échanges économiques, culturels et géopolitiques décisifs pour la paix dans le monde. L’avenir de cette région, constituant un des berceaux de la civilisation, est aujourd’hui menacé par la prolifération des déchets plastiques. Elle est à présent considérée comme l’une des mers les plus polluées au monde ([7]). Quotidiennement, 730 tonnes de déchets sont déversées en mer Méditerranée. Selon le dernier rapport du WWF sur la pollution plastique de la Méditerranée (juin 2019) : chaque année 11 200 tonnes de plastique déversées dans la nature se retrouvent en mer Méditerranée dont 21 % viennent s’échouer sur les côtes françaises.
Les 150 millions d’habitants du bassin méditerranéen font partie des plus gros producteurs de déchets urbains solides au monde : entre 208 et 760 kg par an et par personne. Par ailleurs, le bassin méditerranéen constitue la première destination touristique mondiale avec plus de 200 millions de personnes chaque année. Au sommet de la saison touristique, la génération de déchets peut augmenter de 75 % sur certaines zones littorales. L’équivalent de 66 000 bennes à ordure de plastiques sont déversées dans notre mer commune tous les ans.
En Méditerranée, les micro-plastiques atteignent des niveaux record de concentration : 1,25 million de fragments par km2. Soit près de quatre fois le niveau du vortex le plus important de déchets plastiques situé dans le Pacifique nord. La concentration en plastique dans les fonds marins méditerranéens atteint 10 000 par km2.
Les particules de petite taille représentent environ 90 % du nombre total de plastiques flottants en Méditerranée, avec une estimation de 280 milliards de microplastiques flottants.
On estime qu’un consommateur moyen de coquillages méditerranéens ingère en moyenne 11 000 morceaux de plastique par an.
La mer Méditerranée est ainsi confrontée à une véritable invasion de déchets et de polluants provenant des bassins-versants de l’ensemble des pays riverains.
4. Une action collective et déterminée est nécessaire
Les déchets plastiques, qui dérivent au gré des courants, ne connaissent pas les frontières. Le phénomène étant global, il paraît impératif que soit mise en œuvre de manière renforcée une action concertée et harmonisée à l’échelle européenne et internationale permettant de lutter efficacement contre cette forme particulière de pollution marine. Seule une réglementation internationale pourrait être en mesure, aux yeux de vos rapporteurs, de juguler ce désastre écologique qui progressivement asphyxie les océans du globe.
Cinq mers et un océan jouxtent l’Union européenne. Vingt-trois États membres disposent d’au moins une façade maritime. L’Union européenne est à la fois responsable et victime de la pollution plastique des espaces maritimes. L’Union européenne serait ainsi pleinement légitime à intervenir dans ce domaine pour limiter efficacement ce type particulier de pollution et sauvegarder les milieux naturels marins. La lutte contre les pollutions plastiques doit impérativement se faire dans le cadre d’une coopération avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
La convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée dite « convention de Barcelone » ([8]) et le Plan bleu ([9]) apparaissent comme les cadres actuels disponibles pour mener à bien cette action internationale. Il est primordial d’associer dans cette lutte contre la pollution plastique tous les pays riverains de la mer Méditerranée. Une action isolée de la seule Union européenne ne serait pas en mesure d’apporter des solutions probantes à ce problème dont les causes et les effets sont partagés sur les deux rives de la Méditerranée.
Les équipements de pêche abandonnés ou perdus ont, par exemple, des répercussions conséquentes sur l’environnement. La flotte européenne étant présente dans tous les océans du globe et la conservation des ressources biologiques marines dans le cadre de la politique commune de la pêche étant une compétence exclusive de l’Union européenne, il lui revient d’agir résolument pour apporter des réponses concrètes à ce phénomène.
Ces filets « fantômes » entraînent un véritable écocide en occasionnant des captures continuelles de poissons, de tortues, de mammifères marins et d’oiseaux de mer, en provoquant des altérations du sol sous-marin et représentent également un danger pour la navigation. Les pouvoirs publics doivent en priorité mettre sur pied une stratégie visant à prévenir et atténuer cette forme particulière de pollution, notamment par la mise en place de moyens de contrôles efficaces.
La lutte contre les filets « fantômes » peut prendre plusieurs formes :
- des incitations financières encourageant les pêcheurs à recycler leurs matériels de pêche usagés ou défectueux et à remonter les filets dérivants détectés en mer ;
- une amélioration de la collecte dans les ports, avec l’installation d’espaces dédiés pour le recyclage du matériel de pêche, de préférence sans redevance spéciale ;
- un estampillage des équipements de pêche permettant une meilleure traçabilité des filets ;
- un soutien à la recherche permettant le développement de nouveaux matériaux de pêche fabriqués dans des matières biodégradables ([10]).
Un bon déchet est un déchet qui n’existe pas. Pour éviter toute nuisance en aval, il paraît nécessaire d’agir en amont afin de limiter drastiquement la production des déchets plastiques et donc des matières plastiques elles-mêmes. Le nettoyage des océans est une « fausse bonne idée ». Les différents projets se révèlent, dans les faits, inefficaces et mobilisent inutilement des sommes d’argent très conséquentes ([11]). En outre, le ratissage de la surface de l’océan risque d’avoir des conséquences néfastes sur les micro-organismes qui jouent un rôle important dans l’équilibre des chaînes trophiques.
En revanche, le nettoyage des plages constitue un outil intéressant du point de vue de la pédagogie et de l’information, notamment à destination des plus jeunes. Mais il est primordial de garder à l’esprit que le nettoyage est une conséquence et non une solution. Pour lutter contre la plastification des mers, il faut agir en amont et capter ces déchets avant leur dispersion, voire empêcher leur production. Les solutions se trouvent sur terre et non en mer.
Il nous faut donc impérativement minimiser la production de matières plastiques. Vos rapporteurs exhortent les pouvoirs publics à prendre des mesures fortes dans ce domaine comme :
- le développement d’une fiscalité pollueur-payeur en direction des industriels : il faut que le plastique recyclé coûte le même prix, voire moins cher, que le plastique neuf. Actuellement le plastique neuf revient 30 % moins cher que le plastique recyclé tuant ainsi dans l’œuf toute incitation à œuvrer en faveur de la protection de l’environnement ;
- la prohibition totale plastique à usage unique, excepté dans le domaine médical ;
- l’imposition pour les industriels de certaines règles élémentaires d’écoconception. Il faut harmoniser les types de plastiques utilisés. Les matières plastiques simples sont celles qu’il est possible de recycler. Pour faciliter le tri et le recyclage, il faut éviter de mélanger différents types de polymères et bien les identifier et créer des produits qui permettent leur séparation en dernier recours. Eux seuls devraient donc être utilisés ;
- la prohibition totale des bouteilles en plastiques colorées. Elles sont impossibles à recycler et représentent donc une catastrophe écologique ;
- réglementer strictement le suremballage dans la grande distribution et promouvoir le recours au vrac.
Le congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui se tiendra, à Marseille, du 10 au 19 juin 2020 doit être l’occasion, pour la France, de formuler des propositions fortes et ambitieuses sur ce sujet.
La désoxygénation des océans entraîne la présence de « zones mortes » en mer. C’est l’une des autres menaces importantes que l’humanité fait peser sur la planète. Il est essentiel de pleinement prendre en considération ce phénomène mettant en péril la survie des espèces marines, y compris celles vivant dans les aires marines protégées (AMP).
1. Une conséquence des activités humaines
Ce phénomène se produit lorsque l’oxygène présent dans l’eau est consommé à un rythme plus rapide qu’il n’est produit. La tendance au déclin des teneurs en oxygène dans l’océan s’explique en partie :
- par une fertilisation excessive des sols, générée par des pratiques agricoles intensives entraînant des rejets de nutriments, comme l’azote et le phosphore, via les bassins versants. Dans certains pays, cela s’accompagne également de rejets d’eaux usées non traitées. Ces rejets entraînent une surproduction d’algues en surface. Elles consomment une grande partie de l’oxygène au détriment des autres espèces ;
- par les fermes d’aquaculture. Quand elles sont densément implantées en zones côtières, elles peuvent contribuer à la désoxygénation de par la consommation d’oxygène engendrée par la respiration des organismes des élevages et par la population microbienne qui décompose leurs pelotes fécales ;
- par le dérèglement climatique global, induit par les activités humaines, le rejet de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et leur impact sur le cycle de l’eau.
2. Une aggravation exponentielle du phénomène
Les eaux côtières sont les plus touchées. La surface des « zones mortes » en mer y a été multipliée par dix depuis 1950. En haute mer, les zones dépourvues d’oxygène ont quadruplé sur la même période. En cinquante ans, les océans ont ainsi perdu 77 milliards de tonnes d’oxygène.
La carte, ci-après, indique la localisation des zones côtières hypoxiques (points rouges) et des zones de minimum d’oxygène (dégradés de bleu) :
« Zones mortes » ou faiblement dotées en oxygène à l’échelle mondiale
Source : Breitburg et al. 2018.
Ce phénomène entraîne une sévère dégradation de la biodiversité marine. Elle peut également avoir un impact socio-économique important sur les pêcheries artisanales locales en tuant massivement poissons et invertébrés. C’est par exemple le cas au large des côtes de la Namibie ou en mer Baltique.
L’exposition à un bas niveau d’oxygène impacte de manière différente selon les espèces la croissance, la mortalité, la reproduction et la mobilité des individus. Certaines espèces adoptent des stratégies d’évitement. À titre d’exemple, l’anchois apparaît comme plus tolérant aux faibles concentrations d’oxygène que la sardine ou le jack maquereau. Les thons, les espadons, les marlins, ou les voiliers sont, en revanche, des espèces qui nécessitent des eaux oxygénées ([12]). Les bivalves (moules, huîtres etc..) sont, quant à elles, très sensibles aux conditions d’hypoxie, en zones côtières. Les méduses apparaissent comme les plus résistantes à face à la désoxygénation des océans de par leur capacité à stocker l’oxygène dans leur mésoglée. La désoxygénation entraîne donc des déséquilibres entre les espèces : la prolifération de certaines et la disparition d’autres.
La compression des habitats marins, du fait de la présence de couches dépourvues d’oxygène, augmente la vulnérabilité des poissons à la pêche, voire à la surpêche.
Par ailleurs, la désoxygénation des océans joue un rôle dans l’accélération du dérèglement climatique par ses effets sur le cycle de l’azote. En effet, lorsque l’oxygène n’est plus suffisant pour la respiration aérobie, la population microbienne pratique la dénitrification pour obtenir de l’énergie. Ceci produit du protoxyde d’azote (N2O), un gaz à effet de serre puissant. Les « zones mortes » océaniques sont ainsi des sources majeures de N2O. Elles renforcent sévèrement l’effet de serre.
Bien sûr, l’extension des « zones mortes » océaniques représente un véritable danger pour la biodiversité. Il est donc indispensable de réduire de façon drastique les quantités d’azote et de phosphores déversés dans les océans d’un côté et de l’autre de réduire de toute urgence nos émissions de gaz à effet de serre, en conformité avec les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris de 2015.
Une volonté et des choix politiques forts peuvent produire des résultats et inverser ce phénomène. À titre d’exemple, l’estuaire de la Tamise, au Royaume‑Uni, a pu voir dans les années 1980 son niveau d’oxygène connaître une remontée. De même pour le delta du Danube dans les années 1990 et 2000.
Le développement de l’agriculture biologique est évidemment un autre moyen d’éviter et de combattre la prolifération des « zones mortes ».
La pollution induite par les sargasses dans les Antilles et en Guyane
Les sargasses sont des algues brunes qui dérivent dans la mer du même nom, sous forme de tapis pouvant mesurer plusieurs kilomètres de long. Elles s’échouent régulièrement de manière plus ou moins massive sur les côtes des Antilles notamment des îles de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint‑Martin et de Saint‑Barthélemy ainsi qu’en Guyane.
Les impacts liés à l’échouage des sargasses sont de plusieurs ordres : sanitaire (odeurs nauséabondes, gaz dégagés), économique (en pénalisant directement le tourisme, les activités de pêche et l’aquaculture) et environnemental (perturbation des écosystèmes).
Avant 2011, aucun échouage massif de sargasses n’avait été constaté dans les Antilles. Les activités humaines pourraient expliquer ce nouveau phénomène. La surexploitation des bassins des grands fleuves équatoriaux, en déversant en quantité des nutriments en milieu marin, favoriserait la multiplication des algues. Par ailleurs, le dérèglement climatique en provoquant une élévation des températures marines jouerait également un rôle dans la prolifération des sargasses.
Pour vos rapporteurs, la mobilisation des services de l’État et des collectivités territoriales concernées va dans la bonne direction. Ils insistent cependant pour que les pouvoirs publics intensifient leurs actions contre le fléau des sargasses. Des moyens doivent être mobilisés afin d’assurer une surveillance des zones maritimes touchées ainsi qu’un ramassage et une valorisation des algues en cas d’échouage massif. Par ailleurs, la recherche scientifique doit être soutenue afin de renforcer nos capacités de prévention en la matière.
L’étude de la pollution sonore dans les mers est nouvelle. Les conséquences de ce phénomène ne sont pas toutes établies à ce jour. Il est néanmoins déjà avéré que de nombreux animaux marins, en particulier les cétacés, sont directement affectés, parfois mortellement ([13]).
La pollution sonore du Pacifique est, à titre d’illustration, dix fois plus élevée de nos jours que ce qu’elle était dans les années 1960 ([14]).
Le milieu aquatique est particulièrement sensible à la pollution sonore. Les sons, notamment graves, s’y propagent loin et particulièrement vite – 1 500 mètres par seconde contre 340 mètres par seconde dans l’air ([15]). Cette caractéristique permet, par exemple, aux baleines de communiquer avec leurs congénères situés à plusieurs centaines de kilomètres. De nombreux animaux ont ainsi développé des techniques de communication ou de chasse fondées sur le son, leur permettant de se déplacer et communiquer en l’absence de lumière, la nuit ou à des profondeurs très importantes. L’acidification des océans liée au changement climatique pourrait encore renforcer la portance des sons, et donc multiplier d’autant les effets de la pollution sonore ([16]).
La portance du son dans l’eau démultiplie l’impact sonore des activités humaines par rapport au milieu terrestre. En outre, les fonds marins ont tendance à se comporter comme des miroirs acoustiques, contrairement à l’effet que peut produire la végétation en milieu terrestre, tout comme la surface de l’eau, qui renvoie près de la totalité des sons qu’elle reçoit ([17]).
Les principales sources de bruit et vibrations sous-marines d’origine humaine sont :
- le trafic maritime ;
- la plupart des systèmes de géopositionnement sous l’eau utilisant des signaux acoustiques ;
- la prospection sismique ;
- les forages sous-marins ;
- l’utilisation de sonar et de certains dispositifs de télémétrie ;
- les exercices militaires ou le pétardage de munitions immergées ;
- les vibrations provenant de la côte, à l’occasion de travaux d’aménagement et se propageant dans l’eau.
Les sons anthropiques intenses, en particulier les explosions, peuvent blesser les animaux physiquement. Ils provoquent chez certains cétacés la surdité temporaire ou définitive. Cela les prive de leur capacité à chasser pour se nourrir et engendre donc leur mort. Les échouages de masse de grands cétacés sont la conséquence la plus visible de la pollution sonore. Mais retenons qu’ils ne représentent qu’une faible proportion du problème.
La pollution de basse intensité est également un problème important, le bruit constant des moteurs pouvant parasiter l’audition des cétacés, les épuisant et les empêchant de chasser sereinement. La fréquence de ces bruits se situe essentiellement entre 20 et 300 Hz, ce qui correspond à la gamme de fréquences qu’utilisent plusieurs espèces de baleines. Le bruit maximum naturel en mer ne dépasse pas les 90 dB, tandis que les navires peuvent produire un bruit atteignant les 110 dB ([18]) ([19]). Ainsi, le fort trafic, lié au commerce ou au tourisme, dans des zones d’habitat, a pour conséquence l’épuisement et la baisse de fécondité des mammifères. Le tourisme d’observation des baleines est ainsi particulièrement néfaste pour ces animaux et devrait être fortement encadré et limité. Par ailleurs, des expériences menées sur des invertébrés ont montré leur sensibilité aux bruits anthropiques pourtant ils ne possèdent pas de système auditif. Le bruit en mer produit donc un impact encore très mal connu.
L’infographie, ci-après, montre que les bruits d’origine anthropique sont émis sur les mêmes fréquences que les sons des animaux utilisés pour la communication :
bruits d’origine anthropique utilisant les mêmes fréquences
que les sons des animaux pour leur communication.
Source : The oceaonography society, d’après Slabberkoorn et al. 2010, Elsevier - adaptation Futura-Sciences (2012).
La principale solution pour limiter les pollutions sonores consiste à limiter au maximum les nuisances en réduisant le trafic dans certaines zones et en encadrant la vitesse des navires dans les autres. En effet, la réduction de la vitesse d’un nœud pourrait utilement, selon certaines études, permettre de réduire les nuisances sonores.
Par ailleurs, certains navires de pêche utilisent des bruiteurs. Ces dispositifs destinés à éloigner les cétacés de leurs filets ont montré leur efficacité et ont permis de réduire les prises accidentelles de mammifères marins. Cependant il conviendrait d’étudier sur le long terme les répercussions de tels instruments sur les baleines.
Certaines réserves, comme le sanctuaire Pélagos, interdisent l’utilisation de sonars sur leur territoire et œuvrent pour éloigner les navires. Mais ces zones demeurent restreintes, peu ou mal surveillées, et sont en outre touchées par le bruit provenant des alentours.
La France, à la suite du Grenelle de la mer et via la loi Grenelle II, a reconnu officiellement, en 2010, la pollution sonore comme une des formes de pollutions marines. Notre pays doit résolument porter ce sujet au niveau européen et international. À l’échelle nationale il faut prendre des mesures fortes visant à réduire drastiquement les pollutions sonores. Il est impératif d’agir en priorité dans certaines zones, notamment dans et aux abords des aires marines protégées.
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DEUXIÈME PARTIE
LES EAUX SOUS JURIDICTION FRANÇAISE INSUFFISAMMENT SURVEILLÉES ET PROTÉGÉES
A. LA FRANCE Délaisse SA ZONE ÉCONOMIQUE EXCLUSIVE
La zone économique exclusive française, présente dans tous les océans, est la deuxième du monde. Les forces de souveraineté, basées dans les territoires ultramarins (Antilles, Guyane, Réunion, Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française) sont notamment investies de missions de préservation des droits souverains de la France sur la zone économique exclusive (ZEE) s’y rattachant. Ces forces armées peuvent être mobilisées pour faire face à des menaces de nature militaire et sécuritaire ou pour pallier les conséquences de catastrophes naturelles.
Si les moyens de surveillance se sont récemment renforcés, grâce notamment aux progrès technologiques (surveillance satellitaire, oiseaux de mer équipés de balises…), les capacités d’intervention dans les eaux sous juridiction française se sont, ces dernières années, considérablement amoindries. Les coupes budgétaires successives et les besoins des forces de la Marine nationale sur de nouveaux théâtres ont conduit la France à laisser les zones de l’océan sous sa juridiction avec une présence et une protection amoindries. Les conclusions du Livre blanc de 2008 avaient préconisé de réduire de moitié les capacités militaires françaises dans le Pacifique, « y laissant des forces à peine suffisantes pour exprimer la souveraineté de notre pays sur ces territoires » ([20]) selon les mots du vice‑amiral Jean-Louis Vichot. La réorganisation engagée par les précédentes lois de programmation militaire (LPM) a conduit à des réductions de près de 25 % des effectifs. Cette baisse s’est avérée particulièrement forte dans le Pacifique. La Polynésie française a par exemple perdu 50 % de ses effectifs. En outre, une érosion inquiétante de certaines capacités opérationnelles s’est faite jour pour les moyens aériens et maritimes indispensables aux missions des forces de souveraineté.
La réduction des moyens a provoqué une baisse des capacités opérationnelles des forces de souveraineté, notamment dans le domaine des moyens navals, compte tenu de l’étendue de notre zone économique exclusive.
Lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées, le 26 juillet 2017, l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état‑major de la marine (CEMM) indiquait : « nous n’avons plus que quatre patrouilleurs au lieu de huit, et je sais qu’en 2021 je n’en aurai plus que deux ; or ces navires nous servent à exercer notre souveraineté dans les zones économiques exclusives » ([21]).
M. Patrick Boissier, président du groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) faisait valoir pour sa part, lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées, le 7 décembre 2016, que « le nombre de patrouilleurs en service est à peu près l’équivalent de deux voitures de police pour surveiller le territoire de la France métropolitaine » ([22]).
Comme le relevait Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat dans son rapport sur le projet de loi relatif à la LPM 2019‑2025 : « ces moyens sont insuffisants au regard des besoins et du rôle que notre pays entend jouer. C’est particulièrement le cas des patrouilleurs de souveraineté dit P400 dont trois sur dix sont encore en activité. La quasi-disparition de la flotte de patrouilleurs a entraîné une surveillance moindre de pans entiers du territoire maritime français. En outre, le fort taux d’emploi accélère le vieillissement des P400 et leur indisponibilité en mer. Le trou capacitaire, prévu, risque de s’accroître. Il a été partiellement atténué par la livraison de quatre bâtiments multi-missions (B2M) et deux patrouilleurs légers guyanais (PLG) entre 2016 et 2018. Mais un déficit capacitaire est prévu entre 2020 et 2024 outre-mer. Cette situation n’est pas tenable, l’effort budgétaire à réaliser n’étant pas si conséquent au regard des enjeux ! »
Afin de remédier, en partie, à cette situation inquiétante pour la surveillance des eaux sous juridiction française, la LPM 2019-2025 a prévu la livraison de dix-neuf patrouilleurs d’ici 2030, dont onze avant 2025. Pour autant, la Marine nationale ne devrait alors retrouver qu’un nombre équivalent de bâtiments outre-mer à celui dont elle disposait au début des années 1980 ([23]). Mais depuis, les enjeux, notamment dans le Pacifique, ont pris une tout autre dimension. Notre pays doit assurer la protection des mers dont il a la responsabilité non seulement contre le pillage et la piraterie mais surtout contre la pêche illégale et le narcotrafic.
B. DÉVELOPPER DE VÉRITABLES AIRES MARINES PROTÉGÉES POUR ASSURER UNE RÉELLE CONSERVATION DE la BIODIVERSITÉ MARINE
1. Des aires marines pour protéger les espèces marines contre les activités humaines
Les aires marines protégées (AMP) doivent constituer des sanctuaires dont les effets bénéfiques pour le vivant marin se répercutent dans l’ensemble de l’océan. Pour l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), une aire marine protégée correspond à « un espace géographique clairement défini, reconnu, spécialisé et géré par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, visant à assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques et des valeurs culturelles qui y sont associés ». Les aires marines protégées peuvent permettre « une utilisation modérée des ressources naturelles », mais « non industrielle et compatible avec la conservation de la nature » ([24]).
Les aires marines protégées ont ainsi pour objectifs principaux : la conservation des espèces et des habitats, la gestion durable des pêcheries et la prévention des diverses formes de pollution marine. Elles permettent de prémunir les zones concernées contre les impacts d’activités destructrices et extractives. Cela vaut pour la pêche comme pour l’exploitation minière. Elles ont bien pour objectif d’avoir in fine des répercussions positives sur les écosystèmes marins. En effet, les aires marines protégées contribuent au renforcement de la résilience des milieux marins face aux effets du changement climatique. En particulier, elles réduisent les stress liés aux activités humaines et favorisent une plus grande diversité biologique et génétique.
L’infographie ci-après présente les différents types de bénéfices que les aires marines protégées peuvent fournir aux océans face aux effets du dérèglement climatique :
Les bénéfices que les AMP peuvent fournir aux océans face
aux effets du dérèglement climatique
Source : Ivan Gromicho - Université des sciences et technologies du roi Abdallah (Arabie saoudite).
Il existe différentes catégories d’aires marines protégées avec différents niveaux de protection. Les aires à protection intégrale engendrent les bénéfices les plus importants ([25]). En effet, les zones sans capture ([26]) permettent une véritable reconquête et une préservation effective de la biodiversité et participent au renforcement de la résilience de l’écosystème marin concerné. Elles permettent la régénération des ressources halieutiques au-delà de l’aire marine protégée elle-même. La présence de sanctuaires engendre donc des bénéfices pour les activités de pêche en améliorant les rendements dans les zones avoisinantes ([27]).
La carte ci-après montre les effets bénéfiques que peut entraîner du point de vue de la pêche, la création d’une aire marine protégée intégralement protégée sur l’ensemble d’une zone :
Les effets bénéfiques d’une AMP sur l’ensemble d’une zone maritime
Source : Goñi et al. 2008 – MEPS.
Selon une étude publiée dans la revue du Conseil international pour l’exploration de la mer, l’évolution de la biomasse dans les aires marines protégées intégralement protégée est 670 % meilleure que dans les aires marines adjacentes non protégées. Elle est de 343 % meilleure dans les aires marines protégées quand elles ne sont que partiellement protégées.
Les aires marines protégées sanctuaires doivent être privilégiées. En effet, la tendance actuelle visant à privilégier les zones à usage multiples a pour effet d’atténuer très significativement le niveau de protection des océans.
Étude de cas : l’aire marine protégée de Karaburun-Sazan, illusion ou réalité ?
Créée en 2010, l’aire marine protégée de Karaburun-Sazan, auprès de laquelle s’est rendue la mission d’information, est située à proximité de Vlora dans le sud de l’Albanie ([28]). D’une superficie totale de 12 428 hectares, cette zone protégée se compose de deux étendues marines, qui entourent respectivement la péninsule de Karaburun et l’île de Sazan. Elle recouvre une région riche d’habitats (corail rouge, posidonies) et d’espèces de flore et de faune marines, dont certaines sont en voie d’extinction (poissons, requins, tortues marines, dauphins, phoques moines).
Carte de l’aire marine protégée de Karaburun-Sazan
(l’aire marine protégée apparaît en bleu marine sur la carte)
Source : Plan de gestion de l’aire marine protégée de Karaburun-Sazan (PNUD).
Le projet visait la création d’une aire continue et plus vaste. Cette ambition n’a pas pu être achevée mais l’aire dispose par un cadre juridique assurant un haut niveau de protection. Les autorités albanaises ont en effet classé l’aire marine protégée de Karaburun-Sazan en catégorie 2 UICN ([29]). Pour M. Auron Tare, directeur de l’Agence nationale du littoral albanais, le projet avait donc bien commencé, grâce à l’adoption d’une première loi sur le littoral, l’élaboration d’un plan de gestion ambitieux et précis de l’aire marine protégée en partenariat avec le Conservatoire du littoral français. Un travail sérieux de communication avait permis de s’assurer du soutien des populations locales.
Le projet s’est toutefois rapidement heurté à des difficultés de mise en œuvre. En dépit d’un arsenal juridique complet, les moyens humains et financiers alloués pour en assurer le respect sont restés insuffisants. Aujourd’hui, seuls un centre d’information pour les visiteurs, un petit bateau de surveillance et quelques garde-côtes permettent d’assurer la protection du parc. Si le projet initial prévoyait la création d’un centre de recherche sur le monde sous-marin, la conduite d’activités de recherche est d’abord dépendante de la protection effective des lieux. Selon M. Auron Tare, Karaburun-Sazan ne peut donc être considéré aujourd’hui comme une véritable aire marine protégée.
De fait, l’aire marine protégée de Karaburun-Sazan fait face à de nombreux défis parmi lesquels :
- La persistance de la pêche illégale ;
- Le maintien des activités d’aquaculture en périphérie du parc marin ;
- Le développement d’un tourisme de masse sur l’île de Sazan ;
- Le déversement des eaux usées en mer.
Comment expliquer ces difficultés ? En dépit d’un consensus de façade, les rapporteurs déplorent un manque de volonté politique, favorisé par une certaine opacité autour de la chaîne de responsabilité du parc. Cette faiblesse politique est sans doute attribuable à l’importance des intérêts économiques, des activités d’aquaculture aussi bien que du tourisme, qui font concurrence à l’exigence de protection de la zone. Elle peut aussi s’expliquer, dans une moindre mesure, par le poids de l’histoire, les Albanais ayant toujours perçu la mer, par laquelle arrivaient les envahisseurs, comme une menace tandis que la montagne constituait un refuge.
En raison de sa faiblesse, le système administratif, et en particulier le réseau des agences chargées de la gestion des espaces protégées, ne peut combler la carence du politique. En Albanie, des permis de construire continuent d’être délivrés de manière irrégulière dans des aires protégées. Mme Violeta Zuna, directrice du projet aire marine protégée au programme des Nations unies pour le développement (PNUD), évoquait quant à elle la difficulté à sanctionner les auteurs d’infraction à la réglementation.
La mobilisation internationale autour de l’aire marine protégée de Karaburun-Sazan, couplée à l’action de certains acteurs sur le terrain, incite toutefois à l’optimisme. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l’Union européenne, ainsi que plusieurs pays comme l’Italie et la France, sont engagés pour faire réussir cette aire marine protégée. Une coopération bilatérale entre la France et l’Albanie, soutenue par le Conservatoire du littoral, s’est en effet structurée. Le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) finance notamment un programme de coopération avec les autorités albanaises relatif à la gestion de Karaburun-Sazan. De même, l’Association pour le financement durable des aires marines protégées méditerranéennes (M2PA), qui réunit la France, la Tunisie, Monaco et la Fondation Albert II, apporte son soutien financier aux activités de gestion de l’aire marine protégée albanaise.
Ces partenariats internationaux font progresser des idées concrètes pour protéger le parc marin, et notamment :
- l’introduction de récifs de corail artificiels, permettant de briser les filets de pêche et de protéger les posidonies, et la signalisation des limites de l’aire marine protégée par des bouées marines à destination des diverses embarcations ;
- l’installation de panneaux d’information pour sensibiliser les touristes qui se rendent sur l’île de Sazan, préalable à un meilleur contrôle des flux, voire à une fermeture de certaines parties ou de l’intégralité de l’île ;
- l’amélioration de la formation des garde-côtes albanais pour renforcer la surveillance de l’aire marine protégée ;
- la conduite de projets de connexion des canalisations et de traitement des eaux usées afin d’éviter une pollution du parc marin.
Certes, cette aire marine protégée, la première en Albanie, ne pouvait donner pleinement satisfaction en un temps si court. Ainsi que le notait M. Eduard Shalsi, président de la commission des activités productives, du commerce et de l’environnement du Parlement albanais, la transition de l’Albanie vers l’économie de marché a conduit à une forme d’irresponsabilité écologique.
Pourtant, il est nécessaire d’aller de l’avant. Les rapporteurs regrettent une forme d’attentisme de l’État albanais qui semble se décharger d’une partie de ses responsabilités sur ses partenaires internationaux. Or, c’est la combinaison de l’engagement de l’État albanais et du soutien apporté par les partenaires internationaux qui permettra d’assurer la protection effective de la zone.
Au-delà de ce rééquilibrage des rôles, il paraît nécessaire de :
- mieux coordonner l’expertise internationale qui est aujourd’hui trop dispersée et, par voie de conséquence, trop faible ;
- assurer une continuité entre l’aire marine protégée et les milieux voisins, la mer, la côte et l’île de Sazan, dont la gestion affaiblit la protection de l’aire marine ;
- développer des indicateurs permettant de disposer de données fiables sur l’état de protection réelle du parc.
2. Des objectifs internationaux peu suivis
Face à la dégradation croissante du milieu marin, la communauté internationale a reconnu la nécessité de promouvoir la création d’aire marine protégée. La conférence des parties à la convention sur la biodiversité de Nagoya en 2010 a fixé l’objectif de 10 % des zones marines et côtières protégées d’ici 2020.
En outre, en 2015, les chefs d’État et de gouvernement réunis lors du sommet spécial sur le développement durable, ont adopté, sous l’égide l’Organisation des Nations unies, l’agenda 2030. Il fixe dix-sept objectifs de développement durable (ODD) dont l’objectif n° 14 vise à « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable » ([30]). Cet objectif cible également un seuil de 10 % des zones maritimes et côtières protégées d’ici à 2020.
Par ailleurs, en 2016, le Congrès mondial de la nature de l’UICN, a exhorté les chefs d’État et de gouvernements à étendre la protection marine et à porter l’objectif à 30 % de protection stricte de chaque habitat marin des océans d’ici 2030, sans aucune activité extractive.
Au niveau mondial, en moins de dix ans, de nombreuses aires marines hautement protégées de grande taille, couvrant chacune plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés, ont été annoncées ou créées dans les eaux de pays précurseurs comme le Royaume‑Uni, les États‑Unis, le Chili, l’Australie, les Palaos, les Kiribati et le Mexique, ainsi que dans la mer de Ross en Antarctique. Ces vastes réserves marines, dans lesquelles toute activité industrielle est interdite, recouvrent déjà une surface totale de près de 10 millions de km² ([31]).
Le tableau, ci-après, présente les principales aires marines hautement protégées créées dans le monde :
Principales aires marines hautement protégées à l’échelle internationale
Rang mondial |
Réserve marine |
Pays |
Localisation |
Taille (km²) |
Date de création |
1 |
Aire marine protégée de la région de la mer de Ross |
Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique |
Océan austral |
2 060 000 |
2016 |
2 |
Monument national marin de Papahānaumokuākea |
États-Unis |
Océan Pacifique |
1 500 000 |
2006 |
3 |
Réserve marine des îles Pitcairn |
Royaume-Uni |
Océan Pacifique |
830 000 |
2016 |
4 |
Aire marine protégée de Rapa Nui et parc marin de Motu Motiro Hiva |
Chili |
Océan Pacifique |
720 000 |
2018 |
5 |
Réserve marine des Chagos |
Royaume-Uni |
Océan Indien |
640 000 |
2010 |
6 |
Sanctuaire marin national des Palaos |
Palaos |
Océan Pacifique |
500 000 |
2015 |
7 |
Atoll Johnston |
États-Unis |
Océan Pacifique |
464 000 |
2009 |
8 |
Atoll Wake |
États-Unis |
Océan Pacifique |
433 000 |
2009 |
9 |
Aire protégée des îles Phoenix |
Kiribati |
Océan Pacifique |
408 000 |
2008 |
10 |
Île Jarvis |
États-Unis |
Océan Pacifique |
318 000 |
2009 |
11 |
Parc marin de Nazca-Desventuradas |
Chili |
Océan Pacifique |
297 000 |
2016 |
12 |
Parc marin de la mer de corail |
Australie |
Océan Pacifique |
252 000 |
2012 |
13 |
Parc national de l’archipel Revillagigedo |
Mexique |
Océan Pacifique |
248 000 |
2017 |
14 |
Parc marin de la Grande barrière de corail |
Australie |
Océan Pacifique |
115 000 |
1975 |
15 |
Aire marine protégée du plateau sud des îles Orcades du Sud |
Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique |
Océan austral |
9 4000 |
2009 |
16 |
Monument national des îles Trindade et Martin Vaz et de Monte Colombia |
Brésil |
Océan Atlantique |
69 000 |
2018 |
17 |
Parc marin de l’île Macquarie |
Australie |
Océan austral |
58 000 |
1999 |
18 |
Récif de l’atoll Palmyra et île Kingman |
États-Unis |
Océan Pacifique |
54 000 |
2009 |
19 |
Île Howland et île Baker |
États-Unis |
Océan Pacifique |
52 000 |
2009 |
20 |
Monument naturel de l’archipel de São Pedro et São Paulo |
Brésil |
Océan Atlantique |
47 000 |
2018 |
21 |
Fosse des Mariannes |
États-Unis |
Océan Pacifique |
42 000 |
2009 |
Source : The Pew Charitable Trusts.
Néanmoins, en décembre 2018, malgré ces efforts, les aires marines protégées ne représentent que 4,8 % de la surface de l’océan mondial. Les zones fortement protégées ne représentent que 2,2 % des habitats marins ([32]). Ainsi, la communauté internationale reste éloignée de la cible des 10 % fixée dans le cadre des objectifs d’Aïchi (2010) ou des objectifs du développement durable (2015), voire des objectifs autrement plus ambitieux fixés par l’UICN (2016).
Le Gouvernement français doit se mobiliser de manière plus volontariste pour créer davantage d’aires marines protégées dans les eaux sous juridiction française et leur allouer plus de moyens afin d’assurer une protection drastique de ces zones. Une telle mobilisation permettra la reconquête de la diversité biologique en mer.
a. Les aires marines protégées françaises : une politique d’affichage sans contenu suffisant pour la biodiversité marine
À l’issue du Grenelle de la mer en 2009, la France s’était engagée à créer des aires marines protégées sur 20 % de ses eaux, dont la moitié en réserve de pêche, sans aucune activité extractive.
Afin de mettre en œuvre ses engagements internationaux et nationaux, la France s’est dotée en 2012 d’une stratégie nationale relative à la création et à la gestion d’aires marines protégées pour la période 2012-2020. Par ailleurs, un établissement, l’agence des aires marines protégées, a été mis en place en 2006 pour accompagner cette politique. Cette agence a ensuite été intégrée dans l’agence française pour la biodiversité (AFB) au 1er janvier 2017. La création d’un nouvel opérateur, dénommé Office français de la biodiversité (OFB), est actuellement en cours d’examen au Parlement. Il devrait reprendre les missions de l’agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Sur le papier, les chiffres semblent très positifs. Le réseau français d’aires marines protégées, qui couvrait moins de 5 % des eaux marines en 2012, couvre désormais selon le ministère de la transition écologique et solidaire 22,36 % de l’ensemble des eaux sous juridiction française en métropole et dans les Outre-mer.
Cette extension rapide du réseau d’aires marines protégées s’explique notamment par la création, depuis septembre 2007, de nombreux parcs naturels marins, dans l’hexagone comme en Outre-mer (Nouvelle‑Calédonie, mer d’Iroise, Mayotte, golfe du lion, Glorieuses, estuaires picards et mer d’Opale, bassin d’Arcachon, estuaire de la Gironde et mer des Pertuis, Cap Corse et Agriate, Martinique) et de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises.
La carte, ci-après, présente le réseau français d’aires marines protégées en métropole et Outre-mer :
Le Réseau français d’aires marines protégées en métropole et Outre-mer