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N° 2082

 

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de lAssemblée nationale le 27 juin 2019

 

RAPPORT  DINFORMATION

déposé

en application de larticle 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE LADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

sur les services publics face à la radicalisation

et présenté par

MM. Éric DIARD et Éric POULLIAT,

Députés


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La mission dinformation sur les services publics face à la radicalisation est composée de MM. Éric Diard et Éric Poulliat, rapporteurs.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Mesdames, Messieurs,

I. Radicalisation : LA RÉponse des pouvoirs publics face à un phénomène protÉiforme

A. Un phénomène mieux cerné

1. Une définition complexe

2. Des facteurs multiples

() « Terrorisme : quel est le profil des djihadistes ? », Le point, 19 aout 2017.

3. Un bilan chiffré plus précis

B. De la prévention à la détection : de nouveaux outils mis en place

1. Les plans gouvernementaux de lutte contre la radicalisation et le renforcement de larsenal législatif de lutte contre la radicalisation

2. La mise en place de procédures de signalement des personnes soupçonnées de radicalisation

3. Le développement de la formation

4. Les enquêtes administratives réalisées par le SNEAS

a. La création dun service interministériel en charge des enquêtes administratives

b. Les conséquences dun avis dincompatibilité

c. Des pistes damélioration

C. Une prise en charge relayÉe au niveau local

1. Une place croissante des collectivités territoriales

2. Des exemples locaux

a. La région Hauts-de-France

b. La région Île-de-France

c. La ville de Paris

d. La ville dArgenteuil

e. Lassociation CAPRI à Bordeaux

II. Personnel des forces de sécurité, de la justice et de lÉducation nationale : un phénomène de radicalisation limité mais une vigilance qui doit rester constante

A. De nouveaux outils issus de la loi SILT

1. Le contrôle en cours de carrière de la compatibilité entre le comportement et les fonctions

2. Lextension du contrôle de compatibilité aux militaires

B. des forces armÉes globalement Étanches À la radicalisation

1. Des chiffres faibles pour les militaires en fonction comme pour les anciens militaires

a. Larmée de terre

b. La marine

c. Larmée de lair

2. Des moyens de lutte et de prévention efficaces

C. des forces de sécurité prÉservÉes dans lensemble de toute radicalisation significative

1. La Gendarmerie nationale

2. La Police nationale

3. Le problème des « notes blanches »

D. Les autres services régaliens

1. Les surveillants pénitentiaires

2. La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

3. Les services départementaux dincendie et de secours (SDIS)

4. Les ambassades

E. Lécole et la culture

III. Des zones dombre persistantes

A. Les détenus radicalisés

1. Une radicalisation ancrée chez les détenus pour terrorisme et chez un nombre significatif de détenus pour faits de droit commun

2. Les quartiers dévaluation de la radicalisation et laffectation des détenus

3. La montée en puissance du renseignement pénitentiaire

B. Les transports publics

1. Le développement du criblage dans le cadre de la loi « Savary »

2. Des interrogations persistantes et des pistes damélioration

a. Des interrogations persistantes

b. Des pistes damélioration

C. LES professions de santÉ face À la radicalisation

D. universitÉ : une culture trop faible en matiÈre de prévention de la radicalisation

E. une radicalisation en milieu sportif insuffisamment mesurÉe et contrÔlÉe

1. Une radicalisation multiforme difficile à quantifier

2. Des réactions encore insuffisantes

3. Une prise de conscience urgente

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des propositions

Annexe : indicateurs de basculement dans la radicalisation

liste des Personnes entendues ()


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Mesdames, Messieurs,

 

La mission d’information sur les services publics face à la radicalisation a été créée par la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2018. Elle s’est fixé pour double objectif de dresser un état des lieux de la radicalisation, s’agissant aussi bien du personnel que des usagers, dans les principaux services publics, et de formuler des préconisations pour en améliorer la prévention et la détection.

Par « radicalisation », la mission entend tout extrémisme potentiellement violent à contenu politique ou religieux, visant par là au premier chef la radicalisation islamiste, compte tenu du contexte post-attentats dans lequel est plongé notre pays, mais sans exclure d’autres types possibles de radicalisation.

L’objet de la mission ne consiste pas à étudier en quoi les services publics peuvent contribuer à la lutte contre la radicalisation dans la société française, mais d’examiner dans quelle mesure leurs agents, d’une part, et les citoyens qui s’adressent à eux, d’autre part, peuvent être concernés. Il est aussi de s’interroger sur les outils mis en place pour empêcher, repérer, voire sanctionner, cette radicalisation.

Les rapporteurs ont retenu une acception large des « services publics » en faisant porter leurs travaux sur les grands domaines de l’action publique, même lorsqu’elle fait intervenir des acteurs de droit privé. Ils ont ainsi abordé les champs de la sécurité, de la justice, de la diplomatie, des collectivités territoriales, des transports ou encore de l’école et de l’université.

Le champ de leurs travaux ayant ainsi été défini, les rapporteurs ont mené cinquante-et-une auditions, rencontrant de nombreux directeurs ou représentants d’administrations centrales, des préfets, des élus, des syndicalistes, des universitaires ou encore des responsables des services de renseignement. Ils se sont également rendus à la préfecture de Bobigny où une vaste table ronde a réuni, sous l’égide de la préfète déléguée pour l’égalité des chances, l’ensemble des représentants des services de l’État dans le département.

Les rapporteurs se sont efforcés, dans un premier temps de leur étude, de mieux cerner le phénomène lui-même de la radicalisation, particulièrement délicat à appréhender, et de dresser un panorama des initiatives engagées à partir de 2014 pour y répondre, au niveau de l’État comme à l’échelon local. Leurs travaux les ont ensuite amenés à la conclusion que le personnel des forces de sécurité et de la justice (auquel on peut ajouter celui de l’Éducation nationale) n’était touché que de façon marginale par la radicalisation, et que celle-ci semblait sous contrôle grâce à la mise en place d’une série d’outils de prévention et de détection. Il semble en revanche aux rapporteurs que des zones d’ombres persistent sur d’autres secteurs de l’action publique, qu’il s’agisse du sport, de la santé, de l’université, des transports ou encore de la détention carcérale, soit que les dispositifs de prévention et de détection y soient encore incomplets, soit que l’enjeu posé par la radicalisation elle-même n’y ait pas encore fait l’objet d’une prise de conscience suffisante. Au terme de leurs travaux, les rapporteurs formulent trente-cinq recommandations destinées à renforcer les acteurs publics dans leur lutte contre la radicalisation de leurs agents comme du public.

Les rapporteurs forment le vœu que leurs conclusions seront utiles à la fois au Gouvernement et à leurs collègues, sur quelque banc qu’ils siègent, pour apporter au droit, lorsque c’est nécessaire, les évolutions qui s’imposent. Ils espèrent qu’elles serviront aussi à tous les acteurs, dans les préfectures, les collectivités territoriales ou encore les associations, qui œuvrent à la prévention de la radicalisation. Ils dédient leurs travaux à tous ceux, militaires, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires, éducateurs, professeurs, directeurs d’hôpitaux, agents de la RATP et de la SNCF, et tant d’autres, qui servent l’intérêt commun sans transiger jamais avec les valeurs de la République.

 

 


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I.   Radicalisation : LA RÉponse des pouvoirs publics face à un phénomène protÉiforme

Après les attentats de 2015, l’État a mis en place une politique de prévention et de détection de la radicalisation, dont le chef de file est le ministère de l’Intérieur. La circulaire du 14 décembre 2018 prévoit que la coordination de l’ensemble des services chargés de la lutte contre le terrorisme est assurée par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). L’Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), quant à elle, recueille les signalements reçus par le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation et administre le Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

Au-delà de la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, la coordination de la politique de prévention de la radicalisation au niveau national est assurée par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Créé en 2006 sous le nom de Comité interministériel de prévention de la délinquance, le comité a vu son champ de compétences englober la problématique de la radicalisation avec le décret du 6 mai 2016 portant modifications de dispositions relatives à la prévention de la délinquance ([2]).

A.   Un phénomène mieux cerné

1.   Une définition complexe

Plusieurs interlocuteurs entendus par la mission ont rappelé quil était particulièrement difficile de définir ce quétait la radicalisation.

Lors de son audition, M. Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS, a constaté que le terme de « radicalisation », comme celui de « terrorisme », connaissait de multiples définitions dans le domaine des sciences sociales et qu’elles dépendaient souvent de l’énonciateur, ce terme pouvant définir à la fois un processus dans lequel un individu est totalement convaincu par une idéologie mais également un processus menant à la violence, le premier ne menant par forcément au second.

Dans un rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat relatif aux collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation ([3]), les rapporteurs, MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas, constatent : « Si elle est entrée dans le langage courant, la notion de radicalisation est en fait ambiguë. Dabord, parce quelle ne nomme pas, dans sa simplicité, la réalité de la menace, qui est islamiste. Ensuite, parce quelle hésite en permanence : sagira-t-il de sintéresser à toute forme de radicalisation ? Ou, comme cela transparaît parfois, à la seule radicalisation violente ? La seconde hypothèse est peu pertinente parce que lexpérience montre que le choix de laction violente est généralement précédé dune radicalisation où la question des moyens ne se pose pas encore. En dautres termes, pour quil y ait radicalisation violente, il faut quil y ait dabord radicalisation et le passage de lune à lautre obéit à des critères que nul ne maîtrise réellement. »

Plusieurs définitions permettent cependant de mieux cerner le phénomène de radicalisation.

M. Romain Seze, chercheur à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), a cité lors de son audition la définition proposée par Mme Isabelle Sommier, professeure de science politique à l’Université Paris 1, qui définit comme « radical » l’engagement qui, « à partir dune posture de rupture vis-à-vis de la société dappartenance, accepte au moins en théorie le recours à des formes non conventionnelles daction politique éventuellement illégales, voire violentes ». ([4])

Sur son site internet, le CIPDR souligne qu’il envisage la radicalisation avec « le prisme du risque de passage à lacte violent », la République ne pouvant « contester une croyance ni même lexpression de cette dernière tant quelle nincite pas à la haine » mais devant « veiller à ce quelle nimplique pas une mise en danger de soi-même ou des autres ». La définition du sociologue Fahrad Kosrokhavar retenue par le CIPDR s’inscrit dans cette logique puisqu’il définit la radicalisation comme le « processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente daction, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste lordre établi sur le plan politique, social ou culturel ».

Le site internet http://www.stop-djihadisme.gouv.fr souligne quant à lui que : « se radicaliser, ce nest pas seulement contester ou refuser lordre établi. La radicalisation djihadiste est portée par la volonté de remplacer la démocratie par une théocratie basée sur la loi islamique (la charia) en utilisant la violence et les armes. Elle suppose donc ladoption dune idéologie qui donne un cadre de vie et des repères guidant lensemble des comportements. Les personnes radicalisées divisent les hommes et les femmes en deux catégories : ceux qui adhèrent à leur cause et ceux qui ne la partagent pas et sont, à ce titre, appelés à mourir. »

Le site distingue trois profils de personnes tentées de rejoindre des groupes terroristes djihadistes :

– les non-radicalisés : des individus plutôt inspirés par des motifs idéalistes, humanitaires, « romantiques » ;

– les radicalisés identitaires : des individus en rupture avec la société française et les valeurs occidentales, la dimension religieuse étant partiellement présente ;

– les radicalisés politico-religieux : des individus qui ont la guerre sainte pour projet politique, leur identité étant religieuse avant d’être nationale ou ethnique.

Par ailleurs, la radicalisation ne doit pas être confondue avec une pratique rigoriste de la religion ou avec le fondamentalisme.

M. Arnaud Schaumasse, chef du bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur, a indiqué à la mission qu’il lui semblait plus pertinent de parler de « radicalisation violente » car cela permettait de distinguer le fondamentalisme qui, s’il implique un repli communautaire très marqué, n’a pas pour ambition de renverser l’ordre social et politique, de la radicalisation qui, en partant du même constat, conduit à « prendre les armes » contre la société jugée impure.

Pour cette raison, il convient également de distinguer les atteintes à la laïcité de la part d’un agent du service public et un processus de radicalisation. En effet, un agent peut avoir certaines pratiques remettant en cause la laïcité et la neutralité du service public en adoptant une pratique très rigoriste de la religion ou en affichant ses convictions religieuses, sans pour autant rejeter la société ou évoluer vers un comportement violent.

De même, la radicalisation ne peut être assimilée à un mouvement sectaire. Lors de son audition, Mme Anne Josso, secrétaire générale de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), a souligné que, si l’on retrouvait dans les deux phénomènes une croyance extrême hostile à la société et un repli sur soi, les personnes radicalisées ne pouvaient être considérées comme des victimes au même titre que les personnes sous l’influence d’une secte. En outre, la violence des personnes radicalisées est clairement tournée vers la société, ce qui n’est pas le cas des sectes, dont la violence est par ailleurs plus insidieuse.

Il convient enfin de ne pas confondre les provocations, notamment chez des adolescents, et un processus de radicalisation : les premières témoignent d’une remise en cause des institutions et de la famille ou d’un mal-être fréquent chez des adolescents, la seconde implique une véritable rupture et une possible dérive vers la violence. Dans la communication de la commission des Affaires culturelles relative à la prévention de la radicalisation à l’école ([5]), les rapporteurs Mmes Sandrine Mörch et Michèle Victory constatent : « Il serait (…) totalement contre-productif, voire incitatif, de confondre radicalisation et provocation. Lancer un  Je suis Coulibaly  en cour de récréation fait toujours son effet, et permet une rébellion  efficace ” à peu de frais. Mais en appliquant le qualificatif stigmatisant de  radicalisation , on risque dy entraîner des jeunes qui ne sont que dans la provocation. En cherchant des pistes pour comprendre la radicalisation religieuse, nous avons souvent rencontré des adolescents en plein désarroi, souvent en rupture avec le monde adulte, confrontés à une certaine violence, et que les parents avaient, de guerre lasse, abandonnés aux réseaux sociaux. »

Deuxième constat, la radicalisation peut prendre différentes formes.

L’enquête menée de septembre 2016 à décembre 2017 par MM. Laurent Bonelli et Fabien Carrié, chercheurs à l’université Paris X Nanterre, sur 133 jeunes issus de milieux populaires poursuivis pour des affaires de terrorisme ou suivis par les services de la protection judiciaire de la jeunesse depuis 2014 et ayant adopté des attitudes ou des propos jugés inquiétants par les travailleurs sociaux ([6]), montre, quil nexiste pas un mais plusieurs types de radicalités qui appellent des réponses institutionnelles différentes. Cette étude distingue, en effet, quatre grandes trajectoires de radicalisation :

– la première qualifiée de « radicalité apaisante » concerne principalement des jeunes filles issues de familles instables. Elles se tournent vers la radicalisation en quête de protection face à des violences subies ou des désordres familiaux ;

– la deuxième, qualifiée de « radicalité rebelle », touche des enfants vivant dans des familles plus protectrices, au sein desquelles l’adoption d’un discours radical répond à un besoin d’opposition au cadre familial. Ce type de radicalité, comme celui de la radicalité apaisante, reste peu fréquent (de l’ordre de 5 % pour la radicalité apaisante et de 8 % pour la radicalité rebelle) et les signalements sont souvent le fait des familles ;

– la « radicalité agnostique » est majoritairement le fait de garçons vivant dans des familles déstructurées. La radicalisation relève d’une démarche de provocation et de revalorisation de soi dans les interactions avec les agents des institutions d’encadrement de la jeunesse. 32 % des cas étudiés s’inscrivent dans ce cadre et les signalements sont souvent le fait des éducateurs ;

– la « radicalité utopique » remet en cause l’image traditionnelle du jeune délinquant radicalisé, comme le soulignent MM. Laurent Bonelli et Fabien Carrié dans un article du journal Le Monde diplomatique ([7]) : « Contrairement aux représentations communes, il ne sagit pas de petits délinquants, déscolarisés et élevés dans des familles précarisées. Leurs parents, majoritairement des immigrés de première génération (venant principalement du Maghreb), ont tous en commun dappartenir aux fractions stables des milieux populaires (ils sont plus volontiers ouvriers qualifiés ou artisans quouvriers spécialisés) et davoir poussé leurs enfants à réussir scolairement afin de connaître une ascension sociale par procuration. (…) »

Ils décrivent dans ce même article comment ces jeunes en arrivent à se radicaliser : « [la protection parentale] fonctionne assez bien dans un premier temps : la plupart de ces jeunes sont de bons élèves du primaire au collège. Mais lentrée au lycée change la donne. Une grosse moitié dentre eux accèdent aux filières générales, dans lesquelles ils découvrent un univers social assez différent de celui du collège. (…) Ils perdent la protection du groupe et sont confrontés à une intensification de la compétition scolaire pour laquelle ils sont moins bien armés que leurs camarades. Cela se traduit par une baisse de leurs résultats (ils deviennent moyens, voire médiocres) et par de multiples petites brimades et humiliations, tant de la part des enseignants (sous la forme de commentaires oraux, dappréciations écrites) que de celle des autres élèves, qui font volontiers bloc contre ces nouveaux venus. (….) En raison des sanctions de lunivers scolaire, ils ne peuvent endosser la mission dascension sociale qui leur a été confiée par leurs parents, sans pour autant pouvoir la renier (en sintégrant dans le monde des bandes, de la délinquance et de la consommation de stupéfiants, par exemple), à cause des dispositions qui ont été forgées tout au long de leur enfance pour mener à bien ce projet (ascétisme, appétence pour létude). Incapables de remplir le rôle que lon attendait deux et portés par cette expérience à remettre en question lécole et la famille simultanément, ils vont trouver dans le djihadisme un vecteur pour porter la critique. »

Cette étude, bien que se limitant aux cas des mineurs, met en évidence la multiplicité des parcours et des profils.

Les rapporteurs sont convaincus que le processus de radicalisation ne peut être caractérisé que sil repose sur un faisceau dindicateurs. Les seuls indicateurs ayant trait à lapparence physique ou vestimentaire, par exemple, ne peuvent, à eux seuls, caractériser un basculement dans la radicalisation.

Dans le Guide interministériel de prévention de la radicalisation ([8]), le CIPDR constate : « Un seul indice ne suffit pas pour caractériser lexistence dun risque de radicalisation et tous les indices nont pas la même valeur. Cest la combinaison de plusieurs indices qui permet le diagnostic. Cette approche en termes de faisceau dindices permet dinsister sur le fait quaucune attitude, aucun fait, ni contenu doctrinal ne peut être à lui seul révélateur dun processus de radicalisation. Un faisceau dindices permet un diagnostic de la situation, il ne peut être interprété comme signe prédictif de lévolution du processus. » Ce guide récapitule les indicateurs de basculement dans la radicalisation ([9]).

les indicateurs de basculement dans la radicalisation

 

Domaine

Indicateurs

Ruptures

Comportement de rupture avec l’environnement habituel

Changement d’apparence(physique, vestimentaire)

Pratique religieuse hyper ritualisée

Environnement personnel de l’individu

Image paternelle et/ou parentale défaillante voire dégradée

Environnement familial fragilisé

Environnement social

Traits de personnalité

Réseaux relationnels

Théories et discours

Théories complotistes et conspirationnistes

Changements de comportements identitaires

Prosélytisme

Techniques

Usage de réseaux virtuels ou humains

Stratégies de dissimulation / duplicité

Judiciaire

Condamnation pénale et incarcération

Antécédents

Commission de certaines infractions

Comportement en détention

Source : « Guide interministériel de prévention de la radicalisation », CIPDR, mars 2016.

Troisième constat, on ne peut mettre en place une action de « déradicalisation » à proprement parler. Ce terme n’est d’ailleurs pas satisfaisant car il laisse entendre qu’il s’agirait d’un « abcès dans le cerveau » que l’on pourrait supprimer. Plusieurs personnes entendues par la mission ont préféré les termes de « désembrigadement » ou de « désengagement ».

Dans les éléments transmis aux rapporteurs, le CIPDR rappelle que « les premières expérimentations publiques en matière de  dé radicalisation , menées à travers le centre de réinsertion et de citoyenneté de Pontourny en Indre-et-Loire nont pas été couronnées de succès, notamment du fait des oppositions suscitées localement par le regroupement de jeunes radicalisés et des limites du volontariat. Parallèlement, la radicalisation sest installée comme une menace durable pour notre sécurité et notre cohésion sociale. Les leçons tirées de cet échec, auxquelles sajoutent les enseignements des autres pays européens ont démontré quil nexistait pas de méthode de  dé radicalisation , ni en France, ni en Europe, ni ailleurs dans le monde, mais quil existe en revanche de bonnes pratiques de prévention et de désengagement. »

Le CIPDR adopte par conséquent le terme de « désengagement » en précisant sur son site internet que ce terme « correspond à un objectif de renoncement à la violence distinct dun objectif de déradicalisation qui impliquerait une modification des convictions et de la façon de penser de la personne. Cest lobjectif principal des différentes actions expérimentées et menées au cours de ces deux dernières années et celles prolongées par le Plan national de prévention de la radicalisation. »

2.   Des facteurs multiples

Il nexiste pas de processus-type de la radicalisation : celui-ci peut être progressif ou intervenir de façon rapide. En outre, les facteurs de radicalisation sont multiples et dépendent du parcours des personnes radicalisées. Comme le souligne le site stop-djihadisme.gouv.fr, la radicalisation djihadiste « est le résultat dun processus évolutif et non dun  basculement  soudain. Elle est la conséquence de cheminements personnels et il nexiste pas dexplications systématiques à ces parcours ».

Le directeur général de la sécurité intérieure, M. Nicolas Lerner, a indiqué que l’étude des profils des personnes radicalisées qui avaient commis des actes violents montrait que les critères qui avaient prévalu par le passé étaient beaucoup moins applicables et que les ressorts pour « passer à l’acte » étaient beaucoup plus difficiles à appréhender.

Plusieurs facteurs favorisant la radicalisation peuvent cependant être évoqués.

Les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle dans le processus de radicalisation en donnant une résonance très forte à la propagande islamiste, en permettant de nouer rapidement des contacts et en créant des « phénomènes de groupe ». L’utilisation d’un réseau social tel que Skype a pu ainsi être évoqué comme outil d’embrigadement. Ils ne constituent pas cependant un facteur unique de radicalisation. Dans le rapport précité de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat ([10]), les rapporteurs, MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas, constatent « avec le recul, que limpact dinternet et des réseaux sociaux a été sans doute surévalué, en tout cas comme acteur autonome, et en particulier en termes de passage à lacte, et notamment dans la décision de rejoindre physiquement les rangs terroristes. Le passage à lacte est, en effet, selon le chef de lUCLAT, généralement précédé de contacts humains bien concrets, le plus souvent dans le cadre de lieux, plus ou moins officieux, fréquentés par des personnes radicalisées ».

Lors de son audition, M. Romain Sèze a rappelé qu’il fallait considérer avec précaution les facteurs généralement évoqués pour expliquer la radicalisation d’un individu. Ainsi, dans les parcours étudiés par le chercheur, linfluence dune mosquée ou dun imam radical sest avérée relative : les jeunes sensibles aux idéologies pro djihad, se faisant généralement discrets à la mosquée car le prosélytisme est mal perçu par les fidèles. De même, M. Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure, a indiqué que les lieux de cultes n’étaient plus « les incubateurs quils ont pu être » en raison de l’attention des pouvoirs publics et de la prise de conscience des cultes eux-mêmes.

Par ailleurs, le lien entre troubles psychiatriques et radicalisation doit être considéré avec précaution. M. Romain Sèze et M. Xavier Crettiez, professeur de sociologie, qui ont réalisé une enquête auprès de treize hommes condamnés pour des faits de terrorisme de type djihadiste relativisent le facteur psychiatrique de la radicalisation en constatant que les djihadistes « ont pu connaître des situations familiales déstructurées, mais [qu’ils] ne se réduisent pas aux grands traumatisés dont lengagement relèverait davantage de la psychopathologie. Ils ne se réduisent pas non plus à des individus en situation déchec » ([11]).

De même, le secrétariat général des affaires sociales, dans les éléments transmis à la mission, relativise le lien entre les troubles psychologiques et la radicalisation en rappelant que la Fédération française de psychiatrie a souligné que « la radicalisation [était] une notion dorigine sociologique » et que « les études sinterrogeant sur le lien entre maladie mentale et terrorisme montrent un consensus général selon lequel les terroristes nont pas une psychopathologie spécifique (…) et quil ny a pas plus de troubles mentaux chez les terroristes quen population générale. Ils auraient une santé mentale solide et seraient jugés  normaux  sur le plan psychologique » ([12]).

3.   Un bilan chiffré plus précis

Au 29 mai 2019, 21 039 individus sont inscrits au Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) dont 10 092 ont le statut : « pris en compte », 10 616 le statut : « clôturé », 167 le statut : « poursuite de l’évaluation », et enfin 164 le statut : « en veille ».

Selon les données transmises à la mission par l’UCLAT, 20 649 personnes étaient inscrites au FSPRT au 23 décembre 2018, soit une augmentation de 1 131 individus supplémentaires inscrits sur l’année 2018. On assiste à un ralentissement de l’augmentation du nombre de personnes inscrites dans ce fichier, puisque 6 095 personnes supplémentaires avaient été inscrites en 2016 et 4 202 personnes en 2017.

Par ailleurs, dans le même temps, le nombre de fiches actives a décru, les dossiers clôturés ayant augmenté de 85,8 % depuis le début de l’année 2018. Au début de l’année 2019, 12 809 fiches sont dites « actives », c’est-à-dire faisant l’objet d’un suivi par les services ([13]). Selon l’UCLAT « La baisse du nombre des fiches actives tient essentiellement au contrôle qualité exercé par les services sur leur  portefeuille  de personnes radicalisées. Le FSPRT a atteint aujourdhui une certaine maturité, les services cernant mieux le problème de la radicalisation violente quà lorigine du FSPRT. Il découle de cette action une augmentation des clôtures, pour une plus grande efficience du FSPRT. »

Si, comme on l’a vu, il n’existe pas de « profil type » des personnes radicalisées, l’analyse du FSPRT permet de dégager certaines tendances :

– la radicalisation est un phénomène essentiellement masculin puisque les hommes représentent 78 % des individus inscrits dans le fichier. En revanche la part des femmes radicalisées est loin d’être négligeable et le site stop-djihadisme.fr rappelle que sur les presque 700 Français présents sur la zone de combat irako-syrienne, près de 300 sont des femmes ;

– seuls 3 % des individus inscrits sont des mineurs (alors que les mineurs représentent plus de 20 % de la population française), il s’agit donc un phénomène touchant essentiellement des majeurs relativement jeunes : moins de 5 % des individus inscrits sont âgés de plus de 50 ans (alors qu’ils représentent environ un tiers de la population française) ;

– près de 30 % des inscrits sont des personnes converties à l’Islam (cette notion devant toutefois être maniée avec précaution) et 80 % sont de nationalité française ;

– la radicalisation est un phénomène plutôt urbain et périurbain et concentré en Île-de-France, dans le couloir rhodanien, l’arc méditerranéen, dans les agglomérations du nord et du nord-est ; toutefois, il suffit d’un leader prosélyte pour constater des cas de radicalisation dans des territoires ruraux et pratiquement tous les départements sont concernés par un ou plusieurs signalements ;

– c’est un phénomène lié à la délinquance puisque plus de 1 800 condamnés ou prévenus sont inscrits au FSPRT et, plus largement, une part importante d’individus signalés a des antécédents judiciaires ;

– c’est un phénomène marqué par la prégnance de difficultés sociales au sens large : 3 708 individus inscrits au FSPRT sont « sans profession » et 3 250 ([14]) présentent des difficultés dans la sphère familiale (séparation, parents divorcés, famille d’accueil, famille maltraitante, décès d’un proche, placement en foyer…).

Depuis octobre 2017, douze domaines professionnels sont qualifiés de « sensibles » et font l’objet d’un suivi particulier dans le FSPRT. Selon les données transmises par l’UCLAT au 21 décembre 2018, on dénombre :

– 1 609 individus exerçant ou ayant exercé une ou plusieurs professions qualifiées de « sensibles » en raison notamment soit de la nature de l’activité exercée, soit de l’accueil du public ([15]) ;

– 1 702 mentions relatives aux professions sensibles (un individu peut avoir exercé plusieurs professions qualifiées comme telles). Les plus fréquemment citées concernent les transports terrestres (642 mentions, soit 37,72 % des mentions relatives aux professions sensibles), le transport aérien (298 mentions, soit 17,51 %) et les activités privées de sécurité (212 mentions, soit 12,46 %).

B.   De la prévention à la détection : de nouveaux outils mis en place

Le dispositif de lutte contre la radicalisation s’est construit au rythme de l’adoption de plans gouvernementaux depuis 2014, mais également par l’adoption de plusieurs lois :

– la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014 ([16]) a accentué la répression de l’apologie du terrorisme en punissant cette infraction de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende et en prévoyant une peine pouvant aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication en ligne (article 421-2-5 du code pénal). Un magistrat référent est par ailleurs mis en place au sein de chaque parquet à compter du 5 décembre 2014 pour le suivi des affaires de terrorisme ;

– la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement ([17]) a donné un cadre légal aux activités de renseignement et créé un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) ayant pour but de faciliter la surveillance des personnes présentant des antécédents judiciaires en matière de radicalisation ;

– la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ([18]) a notamment renforcé les moyens de police administrative : en particulier la collecte des données de connexion (articles R. 851-1 et R. 851-4 du code de la sécurité intérieure), la géolocalisation (articles R. 851-2 et R. 851-3 du même code), ou les interceptions de sécurité (articles R. 852-1 et R. 852-2 du même code) ;

– et la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ([19]), dite loi « SILT », a consolidé l’arsenal juridique de prévention : en prévoyant la fermeture des lieux de culte faisant l’apologie du terrorisme, ou encore la possibilité pour l’autorité administrative d’instaurer des contrôles et des mesures de surveillance visant toute personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses permettent de penser que son comportement constitue une menace d’une « particulière gravité ».

1.   Les plans gouvernementaux de lutte contre la radicalisation et le renforcement de l’arsenal législatif de lutte contre la radicalisation

Le plan de lutte antiterroriste (PLAT) du 29 avril 2014 a mis en place une politique de prévention de la radicalisation. Composé de 22 mesures, il visait à renforcer le dispositif législatif et prévoyait un dispositif destiné à la détection et la réinsertion des individus radicalisés.

Le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), adopté le 9 mai 2016, a complété et approfondi les mesures prévues par le PLAT. Il a élargi la palette d’acteurs pouvant être mobilisés (clubs sportifs, Éducation nationale et caisses d’allocations familiales). Les budgets et les effectifs, notamment de la protection judiciaire de la jeunesse, ont été accrus. La coordination entre acteurs a été encouragée (création d’une cellule de coordination au sein du CIPDR, réseaux d’opérateurs). Les villes ont été invitées à se positionner sur le sujet, les maires et les préfets devant « développer un volet de prévention de la radicalisation au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) (…) partout où la situation lexige », et un plan d’action devait être inscrit dans chaque contrat de ville. Enfin, le plan prévoyait de développer la formation des acteurs.

La politique de prévention de la radicalisation actuelle se fonde sur le plan national de prévention de la radicalisation (PNPR) présenté par le Premier ministre le 23 février 2018. Intitulé « prévenir pour protéger », il formule 60 mesures et suit 5 axes.

Mesures du plan national de prévention de la radicalisation

1.– Prémunir les esprits face à la radicalisation

– mesure 1 : développer les dispositifs de soutien à la laïcité et renforcer la formation aux valeurs républicaines des enseignants ;

– mesure 3 : fluidifier la détection dans les établissements scolaires et former les gendarmes et policiers intervenant à leur proximité ;

– mesure 5 : mieux encadrer l’ouverture des établissements privés hors contrat dans la loi ;

– mesure 9 : développer l’éducation aux médias et à l’information (EMI) ;

– mesure 11 : enrayer la diffusion en ligne de la propagande terroriste en collaborant avec les grandes plates-formes pour développer des outils d’identification et de retrait de contenus ;

– mesure 18 : poursuivre le développement d’un contre discours institutionnel ciblé et encourager le signalement des jeunes radicalisés (numéro vert) et les contenus illicites (plate-forme Pharos).

2.– Compléter le maillage détection / prévention

– mesure 21 : inciter les collectivités locales à nommer des référents sur la prévention de la radicalisation ;

– mesure 22 : élaborer des formations pour les élus et les agents territoriaux ;

– mesure 23 : mener des actions dans le champ sportif, notamment avec les fédérations ;

– mesure 27 : amplifier la sensibilisation des entreprises et des fédérations d’entreprises.

3.– Comprendre et anticiper lévolution de la radicalisation

– mesure 33 : mettre en place un réseau des cellules de prospective des ministères des affaires étrangères en Europe et avec les pays voisins des territoires ultramarins concernés ;

– mesure 37 : organiser des États généraux de la recherche et de la clinique en psychologie et en psychiatrie sur la radicalisation.

4.– Professionnaliser les acteurs locaux et évaluer les pratiques

– mesure 40 : réaliser un guide commun des pratiques professionnelles référentes en matière de prévention de la radicalisation au profit des grands réseaux associatifs de travail social ;

– mesure 46 : développer des actions de coopération entre les collectivités territoriales et les services de l’État dans la prise en charge de personnes présentant des signes de radicalisation, ainsi que dans l’accompagnement de leurs familles.

5.– Adapter le désengagement

– mesure 52 : renforcer la professionnalisation des acteurs dans la prise en charge pluridisciplinaire des mineurs de retour de la zone irako-syrienne ;

– mesure 55 : création de quatre quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) en prison ;

– mesure 56 : créer des quartiers de prise en charge des personnes radicalisés (QPR). Adapter le régime spécifique de détention des détenus terroristes et radicalisés.

Sagissant de la détection des usagers radicalisés du service public, le CIPDR indique, dans les éléments transmis à la mission, que les mesures du PNPR ont pour objectif de « développer, auprès des administrations et de leurs services déconcentrés une culture de la vigilance, de la détection et du signalement, en particulier dans des secteurs qui assurent une prise en charge lourde de leurs usagers : léducation (mesures 1 à 10 du PNPR), la santé (mesures 38 et 39), ladministration pénitentiaire (mesures 52 à 60). » Elles visent également à « mettre en mouvement des secteurs jusque-là considérés comme des angles morts de la détection : lenseignement supérieur (mesures 31 et 32), les collectivités territoriales (mesures 21 et 22), le sport (23 à 26), les entreprises (mesures 27 à 30). » Les moyens utilisés sont notamment : la systématisation de réseaux de référents, la formation des agents (portant sur la détection et sur le signalement) assortie d’outils pédagogiques adaptés sous forme de kits ou de vade-mecum.

Sagissant des agents des services publics radicalisés, la problématique de la radicalisation est traitée par les mesures 19 et 20 du plan :

la mesure 19 concerne « les agents publics exerçant des missions de souveraineté nationale ». L’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure autorise l’éviction (mutation, reclassement, radiation ou licenciement…) d’agents dont la radicalisation est incompatible avec leurs missions. Les décisions sont prononcées après l’avis d’une commission ad hoc offrant les garanties comparables à celles du droit disciplinaire. La mesure 19 prévoit l’accompagnement des « ministères dans la mise en œuvre des enquêtes administratives prévues par larticle L. 114-1 du code de la sécurité intérieure modifié et les suites à leur donner. » À cette fin une instruction interministérielle en cours d’élaboration, devrait préciser les modalités des enquêtes préalables à la poursuite devant les organismes ad hoc (commission pour les fonctionnaires civils et conseil pour les militaires), notamment le circuit des signalements, le ou les services saisis, les obligations d’avis ainsi que le formalisme des transmissions et des rapports ;

la détection dans les services non associés aux missions de souveraineté, notamment ceux dont les usagers sont des mineurs ou des personnes vulnérables, est lobjet de la mesure 20 du plan. Dans les éléments transmis à la mission, le CIPDR indique que : « Lenjeu est de déterminer si un nouvel outil juridique est nécessaire pour traiter les situations de radicalisation jugées dangereuses ou incompatibles avec la mission. À ce stade des échanges la question nest pas tranchée. Il convient, là encore, de distinguer les cas de radicalisation repérés dans le cadre de lexercice de la mission, de ceux relevant de la vie privée. Dans la première hypothèse il semble que le droit disciplinaire existant permette dapporter les réponses nécessaires. Dans la seconde hypothèse se pose le problème de la transmission des informations au service demploi pour la constitution dun dossier disciplinaire. La circulaire du 13 novembre 2018 relative à linformation des maires a commencé à répondre à cette difficulté. La réflexion se poursuit autour de cette problématique de circulation et de transmission de linformation y compris avec les associations délus locaux. »

2.   La mise en place de procédures de signalement des personnes soupçonnées de radicalisation

La circulaire du ministre de l’Intérieur du 29 avril 2014 ([20]) a mis en place un numéro national dappel et dorientation pour permettre aux familles et aux proches des personnes concernées de signaler des situations inquiétantes et de bénéficier d’une écoute et de conseils. Il est complété par une page web dédiée (http://www.stop-djihadisme.gouv.fr/), accessible depuis le site internet du ministère de l’Intérieur, qui offre, en dehors des heures de fonctionnement du numéro national, une possibilité de contact aux familles ou aux proches qui souhaitent effectuer un signalement ou demander un conseil.

La circulaire précitée précise la procédure suivie pour les signalements de jeunes radicalisés :

– après le filtrage réalisé par le Centre national d’appels, les signalements sont adressés aux préfets qui avisent les procureurs territorialement compétents. Cet avis doit lui permettre notamment d’envisager la mise en œuvre de mesures d’assistance éducative lorsqu’il s’agit de mineurs ;

– le préfet doit informer ensuite le maire de la commune concernée en vue de la mise en place d’actions d’accompagnement et de prévention à destination des jeunes concernés ;

– une orientation vers un mode de prise en charge adapté des familles et des jeunes doit être organisée et une cellule de suivi, incluant notamment le procureur de la République, doit être mise en place. L’ensemble des services de l’État et opérateurs (police, gendarmerie, Éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse, pôle emploi, missions locales, collectivités territoriales) ainsi que le réseau associatif et éventuellement les « responsables religieux de confiance » peuvent être associés à cette prise en charge ;

– des actions concrètes doivent être proposées aux jeunes repérés afin de favoriser leur sortie du processus de radicalisation, plusieurs outils pouvant être mobilisés (chantiers et séjours éducatifs, parcours citoyens, inscription dans un établissement public d’insertion de la défense…).

La circulaire précise que les préfets peuvent proposer aux parents de s’opposer à la sortie du territoire de leur enfant mineur sur lequel pèse un risque de départ à l’étranger par la procédure d’opposition administrative à la sortie du territoire ([21]).

Les signalements peuvent prendre aujourd’hui trois canaux :

● Le Centre national dassistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) au sein de l’UCLAT constitue la porte d’entrée pour les signalements effectués par les particuliers. Le CNAPR fonctionne de neuf heures à dix-huit du lundi au vendredi, sauf événements exceptionnels ([22]), auxquels cas la plateforme reste ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre autant de jours qu’il est nécessaire.

Entre avril 2014 et novembre 2018, le CNAPR a reçu 62 011 appels téléphoniques et 5 781 formulaires internet. 7 304 signalements de radicalisation concernant un ou plusieurs individus ont été transmis aux services spécialisés, 5 379 ont fait l’objet d’un suivi, et 2 556 continuent d’être suivis par les services. Dans les éléments transmis à la mission, l’UCLAT précise : « Parmi ces signalements, plusieurs cas particulièrement préoccupants ont pu être ainsi portés à la connaissance des services. Disposant du concours de deux psychologues, le CNAPR assure également la première prise en charge sociale des appelants quand cela savère nécessaire, et leur orientation vers une personne-relai de la préfecture concernée pour un suivi éventuel ».

● Les signalements par les préfectures via les états-majors de sécurité (EMS) sont constitués des diverses remontées au niveau local, qu’il s’agisse des services locaux de police et de gendarmerie, mais aussi des autres administrations (pénitentiaire, Éducation nationale, administration territoriale, etc.), ainsi qu’en provenance du secteur privé par le biais des contacts institutionnels. 9 516 signalements ont été inscrits au FSPRT via les EMS, dont 5 862 continuent d’être suivis par les services.

● Les signalements des services constituent le troisième mode d’entrée dans le FSPRT. Le principe reste que l’individu doit être apparu au préalable dans une enquête administrative ou judiciaire, et être déjà évalué par le service en question comme potentiellement dangereux sur le plan de la radicalisation violente. Dès lors les services peuvent procéder directement au signalement sans passer par les états-majors de sécurité, au regard des critères précités. Sur les 7130 signalements des services inscrits au FSPRT, 5337 continuent d’être suivis par les services.

Au total, 13 755 signalements, correspondant à 12 809 individus signalés ([23]) continuent de faire lobjet dun suivi. Il convient de préciser que 7 833 signalements clôturés ne font plus l’objet d’un suivi.


Diapositive1

 

3.   Le développement de la formation

Depuis 2014, le CIPDR organise, avec le concours des services du ministère de l’Intérieur, plusieurs types de formations à destination des agents des services publics (État et collectivités territoriales). Ainsi 27 000 agents ont pu bénéficier des formations suivantes :

des sessions nationales de sensibilisation à la prévention de la radicalisation de 2 jours (5 sessions par an) qui permettent aux professionnels d’appréhender le phénomène de radicalisation, le contexte géopolitique, et la réponse publique en matière de prévention et de lutte contre la radicalisation. Les sessions organisées par le CIPDR ont désormais vocation à être dédiées aux publics prioritaires visés par le plan national de prévention de la radicalisation. Ont été notamment concernés, depuis 2018, les acteurs de l’université, du travail et de l’entreprise. Les élus et collectivités, les acteurs du sport, de la politique de la ville ou encore les médiateurs du fait religieux devraient être concernés par ces formations en 2019 ;

des formations déconcentrées sous légide des préfectures sur des thématiques particulières telles que les concepts clés de l’Islam ou la prise en charge des personnes signalées pour radicalisation ;

des formations spécifiques à destination des agents des ministères (Éducation nationale, Santé et solidarité, Armées, Cohésion des territoires...) ;

– de l’e-formation créée sous la forme de 12 vidéos autour de la prévention de la radicalisation à disposition des agents des services via un lien d’accès spécifique sur le site du Centre des hautes études du ministère de l’Intérieur (CHEMI).

Ces formations complètent les formations dispensées par les écoles de services publics ([24]) et des organismes publics, pour les agents des collectivités territoriales ([25]).

La formation des agents publics, notamment dans les collectivités territoriales, reste cependant encore peu développée.

M. Nicolas Henin, président de la société de conseil et formation en contre-terrorisme et radicalisation, a indiqué aux rapporteurs que le terme de radicalisation était devenu extrêmement stigmatisant et que les programmes de formation dont l’intitulé était « prévention de la radicalisation » se heurtaient à la réticence des agents publics concernés.

La mise en place de formations plus larges relatives à la laïcité et la neutralité du service public, qui aborderaient également la question de la radicalisation, serait de nature à limiter les réticences des agents à suivre des formations sur la radicalisation.

Proposition  1 : Mettre en place à destination des agents publics des parcours de formation axés sur les notions de laïcité et de neutralité du service public et pouvant aller jusquà la lutte contre la radicalisation.

4.   Les enquêtes administratives réalisées par le SNEAS

a.   La création d’un service interministériel en charge des enquêtes administratives

Le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS), créé par le décret du 27 avril 2017 ([26]) portant création du service à compétence nationale dénommé « service national des enquêtes administratives de sécurité », est le service interministériel chargé des enquêtes administratives prévues par les articles L.114-1, L.114-2 et L.211-11-1 du code de la sécurité intérieure.

En effet, aux termes de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, les décisions administratives de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation concernant « soit les emplois publics participant à lexercice des missions de souveraineté de lÉtat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit laccès à des zones protégées en raison de lactivité qui sy exerce, soit lutilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux » peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier « que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées nest pas incompatible avec lexercice des fonctions ou des missions envisagées ».

Ces enquêtes administratives peuvent donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l’article 230–6 du code de procédure pénale, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation.

La liste des décisions pouvant donner lieu à ces enquêtes administratives est fixée par les articles R. 114-2 à R. 114-5 du code de la sécurité intérieure.

Exemples de décisions pouvant donner lieu à ces enquêtes administratives sur le fondement des articles R. 114-2 à R. 114-5 du code de la sécurité intérieure

 Article R. 114-2 du code de la sécurité intérieure : décisions relatives aux emplois publics participant à lexercice des missions de souveraineté de lÉtat ainsi quaux emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense :

1° Autorisation ou habilitation :

a) Des personnes physiques ayant accès aux informations et supports protégés au titre du secret de la défense nationale (…) ;

d) Des agents des services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens, préalablement à leur affectation (…) ;

i) Des personnes mettant en œuvre le dispositif technique permettant le contrôle à distance des personnes placées sous surveillance électronique (…) ;

2° Recrutement des membres des juridictions administratives, des magistrats de l’ordre judiciaire et des juges de proximité ;

3° Recrutement ou nomination et affectation :

a) Des préfets et sous-préfets (…) ;

b) Des ambassadeurs et consuls (…) ;

j) Des militaires ;

4° Agrément :

a) Des agents de police municipale (…) ;

i) Des agents de surveillance et gardiennage et des agents du service d’ordre des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, habilités à procéder à des palpations de sécurité en application des articles L. 613-2 et L. 613-3 du présent code (…) ;

k) Des agents employés pour exercer une activité privée de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux (…) ;

l) Des agents des exploitants de transports publics de personnes habilités à relever l’identité et l’adresse des contrevenants, dans les conditions prévues à l’article 529-4 du code de procédure pénale.

 Article R. 114-4 : autorisations daccès aux lieux suivants protégés en raison de lactivité qui sy exerce :

1° Zones militaires ou placées sous le contrôle de l’autorité militaire (…) ;

3° Établissements, installations ou ouvrages d’importance vitale, mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense (…)

L’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, créé par la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs ([27]), dite loi « Savary », a étendu le champ des enquêtes administratives aux décisions de recrutement et d’affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses. Ces enquêtes sont « destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées nest pas incompatible avec lexercice des fonctions ou des missions envisagées » et précisent « si le comportement [des personnes concernées] donne des raisons sérieuses de penser [qu’elles sont susceptibles] de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à lordre publics ».

Ces contrôles ont été étendus aux établissements ou installations accueillant des événements de grande ampleur par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ([28]) (article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure).

Les interventions du SNEAS concernent, par conséquent, les domaines suivants :

en matière de détention et dacquisition darmes par les particuliers, le SNEAS est saisi par les préfectures afin de vérifier si le comportement de la personne laisse craindre une utilisation dangereuse de ces armes pour elle-même ou pour autrui. L’avis du SNEAS, transmis à la préfecture à l’origine de la demande, est motivé lorsqu’il est défavorable car il peut permettre à l’autorité préfectorale de s’y référer pour émettre un refus d’autorisation ou mettre en œuvre une procédure de dessaisissement ;

– pour les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein dune entreprise de transport public de personnes ou dune entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l’obligation d’adopter un plan de sûreté, les enquêtes administratives concernent les décisions de recrutement et d’affectation ;

– pour les grands événements « exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste », le contrôle concerne l’accès aux établissements et aux installations pour toute personne, à l’exception des spectateurs et des participants, chargée notamment de la maintenance, de la logistique et de la sécurisation ([29]). L’avis rendu par le SNEAS est transmis à l’organisateur du grand événement lorsque l’autorité compétente est le ministre de l’Intérieur (le SNEAS agit alors par délégation) ou au préfet lorsqu’il est désigné comme autorité administrative compétente par le décret organisant le grand événement ;

– s’agissant du recrutement des agents actifs, techniques et scientifiques ainsi que les adjoints de sécurité de la police nationale et le recrutement des sous-officiers, officiers, gendarmes volontaires adjoints et réservistes de la gendarmerie, le SNEAS vérifie que le comportement des personnes intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou missions envisagées. En cas d’avis d’incompatibilité, une note d’attention du SNEAS contenant les éléments de motivation est rédigée puis transmise au service demandeur.

Le CoSSeN et le CNAPS

Deux services sont chargés de contrôler les professions sensibles dans certains secteurs spécifiques :

– Le CoSSeN (commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire) est un service à compétence nationale créé par le décret du 20 avril 2017 ([30]) et rattaché au directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN). Il a pour mission d’assurer le contrôle et le suivi administratif des personnes accédant aux installations et activités nucléaires (instruction des enquêtes administratives liées aux procédures administratives de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation ; accès à tout ou partie d’un point d’importance vitale) ;

– Le CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité), établissement public administratif créé par la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ([31]) et placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, est chargé de l’autorisation et du contrôle des professionnels de la sécurité privée (délivrance des autorisations, mission disciplinaire et mission de conseil et d’assistance à la profession).

Pour réaliser ses enquêtes, le SNEAS s’appuie sur l’application ACCReD (Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données), qui est un traitement de données à caractère personnel pour la réalisation des enquêtes administratives ([32]) conçue pour gérer un volume important de criblages, en permettant la consultation simultanée de fichiers ou la mise en relation avec des fichiers.

L’application ACCReD

Le traitement ACCReD permet de procéder à la consultation automatique et, le cas échéant, simultanée de traitements de données à caractère personnel pour vérifier si la personne concernée y est enregistrée. À partir de cette information, le SNEAS procède à la collecte des informations dans les fichiers sources et effectue des vérifications complémentaires.

Dans ce cadre, les fichiers suivants peuvent être consultés :

– le traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) ;

– le fichier des enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP) ;

– le fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP) ;

– le fichier de gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP) ;

– le fichier des personnes recherchées (FPR) ;

 le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ;

– le traitement automatisé des données relatives aux objets et véhicules volés ou signalés (FOVeS)

Peuvent également être consultés indirectement le fichier CRISTINA de la DGSI et le fichier GESTEREXT de la Préfecture de Police de Paris.

Le service comprend actuellement 23 agents ([33]) et 5 réservistes. En 2017, 91 798 enquêtes ont été réalisées en 5 mois. En 2018, 318 464 enquêtes ont été réalisées, dont 317 979 avis sans objection et 485 avis d’incompatibilité.

Les enquêtes du SNEAS en 2018

 

Nombres denquêtes

Avis sans objection

Avis défavorables

Transport public personnes ou marchandises dangereuses

8 473

8 349

116

Autorisation d’acquisition d’armes

225 232

224 947

266

Recrutement fonctionnaires et agents de la police nationale

10 840

10 834

5

Recrutement des militaires de la gendarmerie nationale

11 287

11 280

7

Grands événements

62 632

62 541

91

Source : SNEAS

Le SNEAS devrait connaître un important élargissement de son domaine de compétence en 2019 et en 2020 : le nombre annuel d’enquêtes devrait alors s’élever à 1,6 million et le service devrait comprendre 69 agents.

En effet, en 2019, le SNEAS devrait intervenir dans les domaines suivants :

– l’agrément des policiers municipaux, des artificiers et des transporteurs de fonds (5 750 enquêtes par an) ;

– l’examen des demandes d’asile (20 000 enquêtes par an) ;

– le recrutement dans l’administration pénitentiaire (7 000 enquêtes par an) ;

– le recrutement et l’accès aux zones protégées et la participation aux enquêtes préalables à habilitation au secret défense (360 000 enquêtes par an) ;

– le port d’arme des agents privés de sécurité (5 000 enquêtes par an) ;

– l’accès aux points d’importance vitale (PIV) (entre 39 000 à 93 000 enquêtes par an) ;

– l’accès aux zones d’accès restreint aéroportuaires (enquêtes initiales : 119 000 par an et criblage régulier : 440 000 par an).

En outre, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit dasile effectif et une intégration réussie ([34]) prévoit la possibilité d’enquêtes administratives dans le cadre des procédures de délivrance et de renouvellement des titres de séjour des étrangers. Des échanges ont actuellement lieu avec la direction générale des étrangers pour la réalisation de ces enquêtes par le SNEAS au courant de l’année 2019.

En 2020, de nouveaux domaines d’enquête pourraient relever de la compétence du SNEAS :

– l’acquisition à la nationalité française (100 000 enquêtes par an) ;

– le contrôle régulier des détenteurs d’armes (1,5 million de criblages par an) ;

Ce calendrier prévisionnel ne pourra être tenu que si le service dispose, comme prévu, des moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de ces enquêtes.

Pour les transports et l’accès aux grands événements, les enquêtes administratives sont réalisées intégralement par le SNEAS. À terme, seront également concernées les enquêtes relatives aux agréments des policiers municipaux et des artificiers, aux ports d’armes des agents de sécurité privée, aux demandes d’asile et aux recrutements de l’administration pénitentiaire.

Pour les autres enquêtes, le SNEAS fournit une prestation en complément d’une enquête menée par d’autres services (services de police ou de renseignement).

b.   Les conséquences d’un avis d’incompatibilité

L’article L.114-2 du code de la sécurité intérieure prévoit deux cadres juridiques distincts permettant de réaliser des enquêtes administratives :

celui applicable aux personnes candidates à un emploi, qu’elles soient extérieures à l’entreprise et souhaitent l’intégrer, ou qu’elles soient déjà présentes dans l’entreprise sur un autre emploi (I des articles R. 114-8 et R. 114-10 du code de la sécurité intérieure). Dans le cadre d’une procédure de recrutement, en cas d’avis d’incompatibilité, l’employeur est libre de procéder ou non au recrutement de la personne visée par l’enquête administrative ; il n’est pas lié par l’avis rendu par le SNEAS ;

celui applicable aux salariés en poste sur lun de ces emplois et dont le comportement laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec lexercice de ses missions (II des articles R.114-8 et R.114-10 du code de la sécurité intérieure). En effet, l’employeur peut saisir le SNEAS sur le fondement de la procédure applicable aux salariés occupant un emploi correspondant à l’une des fonctions mentionnées à l’article R.114-7 du code de la sécurité intérieure dont le comportement laisse apparaître des doutes sur sa compatibilité avec l’exercice de cet emploi. La demande d’enquête est subordonnée à la démonstration d’éléments circonstanciés justifiant le doute de l’employeur sur le comportement de l’agent.

En cas davis dincompatibilité, lemployeur doit rechercher les possibilités dun reclassement au sein de lentreprise correspondant aux qualifications du salarié. Si ce reclassement est impossible, lemployeur peut alors engager une procédure de licenciement.

À ce jour, le SNEAS a été saisi de 23 enquêtes administratives relatives à des salariés en poste, dont 7 sur saisine des employeurs et 16 sur saisines des préfectures. Il n’a pas encore émis d’avis d’incompatibilité, notamment parce que les éléments apportés étaient insuffisants et relevaient, pour certains, de la procédure disciplinaire.

c.   Des pistes d’amélioration

Compte tenu de limportance croissante de sa mission, les rapporteurs considèrent quil est primordial aujourdhui daugmenter le champ de compétences du SNEAS et de renforcer ses moyens.

La généralisation du criblage à l’ensemble des métiers de sécurité et de souveraineté apparaît aujourd’hui nécessaire. Ainsi, les rapporteurs saluent l’élargissement de l’intervention du SNEAS aux policiers municipaux ou au recrutement dans l’administration pénitentiaire en 2019 et aux détenteurs d’armes en 2020.

Une réflexion doit également être menée sur l’extension du champ d’action du SNEAS en matière de transport (les rapporteurs traiteront ultérieurement de ce sujet) ([35]) et en matière de fournitures d’énergie (eau, électricité…), compte tenu des enjeux de sécurité particuliers dans ce domaine.

Cette extension des compétences du SNEAS doit s’accompagner d’un renforcement de ses effectifs et de ses moyens budgétaires.

Proposition  2 : Renforcer les effectifs et les moyens budgétaires du SNEAS.

Le SNEAS a fait part à la mission de plusieurs évolutions susceptibles d’améliorer l’efficacité de son action.

En premier lieu, les enquêtes administratives réalisées dans le cadre de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure permettent la consultation du fichier des traitements d’antécédents judiciaires (TAJ).

Si l’article R.40-29 du code de procédure pénale autorise l’accès du SNEAS à ce fichier, la procédure de vérification des suites judiciaires ne lui est pas applicable ce qui ne lui permet pas de consulter les données à caractère personnel relatives aux procédures judiciaires en cours ou closes sans autorisation du ministère public. Une modification de l’article R. 40-29 du code précité paraît donc nécessaire.

Interrogé à ce sujet, le ministère de l’Intérieur a indiqué que cette modification « sera en effet entreprise (…) dans les meilleurs délais » et que des discussions « sont par ailleurs en cours entre le ministère de lIntérieur et le ministère de la Justice dans la perspective de permettre au SNEAS de consulter une procédure judiciaire afin de fonder son avis lorsque la personne est connue du TAJ ». Le ministère précise qu’une telle disposition nécessite toutefois « une analyse plus poussée sagissant des moyens du ministère de la Justice pour répondre à de telles demandes ».

Proposition  3 : Modifier larticle R. 40-29 du code de procédure pénale afin de permettre au SNEAS de procéder à la vérification des suites judiciaires après la consultation du fichier des traitements dantécédents judiciaires.

En outre, en cas de résultat positif au TAJ, le SNEAS a l’obligation, conformément à l’article 10 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, de procéder à des vérifications complémentaires. Il interroge par conséquent les services à l’origine de la procédure pour obtenir des précisions sur l’implication de la personne concernée. Or, des refus sont émis sur le fondement de l’article 11 du code de procédure pénale qui exigent l’accord d’un magistrat pour la transmission de pièces ou de copies de pièces de ces procédures. Certains parquets sollicités par les services pour communiquer les informations demandées ne répondent pas ou dans des délais trop longs.

Cette exigence d’autorisation conduit dans les faits le magistrat à se prononcer sur l’opportunité de l’enquête administrative pourtant prescrite par la loi. Par ailleurs, ce dispositif est incompatible avec les délais de traitement impartis pour la réalisation des enquêtes administratives (de quelques jours à 2 mois).

Cette dérogation au secret de l’instruction ne serait pas sans précédent. Par exemple, en matière d’asile, l’article L.713-5 du code de lentrée et du séjour des étrangers et du droit dasile fait obligation à l’autorité judiciaire de communiquer tout élément susceptible de conduire l’OFPRA à apprécier la menace grave qu’un demandeur ou un protégé peut représenter pour l’ordre public.

Proposition  4 : Prévoir lobligation pour lautorité judiciaire dautoriser la communication de toute information complémentaire demandée par le SNEAS en cas dinscription de la personne faisant lobjet de lenquête au TAJ.

Par ailleurs, afin de garantir la fiabilité des enquêtes diligentée, le SNEAS souhaite pouvoir s’assurer de l’identité des personnes soumises à l’enquête administrative et demande l’accès au fichier des titres électroniques sécurisés (TES) afin de pouvoir lever le doute en cas d’homonymie ou d’usurpation d’identité et de permettre la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire ([36]). Cet accès nécessite une modification du décret du 28 octobre 2016 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité ([37]).

La consultation du bulletin n° 2 (B2) du casier judiciaire n’est prévue légalement que pour les enquêtes administratives en matière de transports, conformément à l’article L.114-2 du code de la sécurité intérieure. Or, les rapporteurs considèrent que l’accès aux mentions du B2 peut s’avérer utile dans le cadre général des enquêtes administratives, et pas uniquement pour les transports.

Proposition  5 : Permettre au SNEAS de sassurer de lidentité des personnes soumises à lenquête administrative en ayant accès au fichier des titres électroniques sécurisés (TES) et de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire.

C.   Une prise en charge relayÉe au niveau local

Depuis 2014, l’État sollicite de manière croissante l’échelon local et plus particulièrement les préfets et les collectivités territoriales en matière de prévention de la radicalisation. Cette sollicitation s’inscrit parfaitement dans le rôle croissant des collectivités territoriales, et plus particulièrement des communes, dans la prévention de la délinquance.

1.   Une place croissante des collectivités territoriales

À la suite de la première vague dattentats de Toulouse et de Montauban de 2012, la réponse locale sest essentiellement organisée autour du préfet. MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas dans le rapport précité relatif aux collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation ([38]) rappellent que l’État « à la recherche dans de brefs délais dune méthode efficace pour lidentification de radicalisés susceptibles de commettre des violences » a privilégié « la construction dun dispositif spécifique centré sur le préfet et nassociant que de loin les collectivités territoriales. Celles-ci étaient les grandes absentes du Plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes, rendu public à lissue du Conseil des ministres du 23 avril 2014. »

Ainsi, le Gouvernement a demandé aux préfets de constituer des cellules préfectorales de suivi de la radicalisation et daccompagnement des familles (CPRAF).

La cellule préfectorale de suivi pour la prévention
de la radicalisation et l’accompagnement des familles (CPRAF)

Cette cellule est composée de membres issus des services de l’État (police, Éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse, Pôle emploi...), des collectivités territoriales (les services sociaux du conseil départemental, les mairies...) et du réseau associatif. Cette cellule préfectorale suit les jeunes signalés comme étant « en voie de radicalisation », mais non inculpés pour des faits « à caractère terroriste ». Une réunion mensuelle est organisée en préfecture et coprésidée par le procureur, pour suivre et mettre en place des actions spécifiques en fonction des profils des personnes en voie de radicalisation. Elle permet de suivre les jeunes et leur famille afin de prévenir les actes violents.

 

Des actions concrètes doivent être proposées aux jeunes repérés afin de favoriser leur sortie du processus de radicalisation, plusieurs outils pouvant être mobilisés (chantiers et séjours éducatifs, parcours citoyens, inscription dans un établissement public d’insertion de la défense…).

Le rapport précité relatif aux collectivités territoriales et la prévention de la radicalisation ([39]) constate que cette circulaire « voyait les collectivités exclusivement comme déventuels prestataires de service en matière daccompagnement social. Les trois volets du dispositif concernaient, au niveau national, le Centre national dassistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) et son numéro vert, et le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) et, au niveau local, le rôle majeur des préfets ».

Ces mesures ont été complétées par le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme du 9 mai 2016 qui accorde une place plus importante aux collectivités territoriales. Lors de la présentation de ce plan, M. Manuel Valls, alors Premier ministre, a déclaré : « Nous devons faire en sorte que les collectivités territoriales soient considérées comme des acteurs à part entière de cette nouvelle politique publique globale. […] Les maires, les conseils départementaux et les services publics gérés par les collectivités ont un rôle fondamental à jouer dans la prise en charge de certaines personnes radicalisées » ([40]) et il a rappelé que ces collectivités territoriales disposaient « de capacités de détection de la radicalisation sans égales, en tant quéchelons administratifs de proximité. »

Ce plan prévoyait les mesures suivantes :

– l’ajout d’un « plan d’action contre la radicalisation » aux contrats de ville afin de systématiser le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

– le développement par les maires et les préfets d’un « volet de prévention de la radicalisation » au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) « partout où la situation lexige » ;

– la possibilité pour les collectivités territoriales d’être représentées au comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation ;

– la création, au sein du secrétariat général du comité interministériel, d’une cellule nationale de coordination et d’appui à l’action territoriale ouverte aux sollicitations des collectivités ;

– la proposition dans tous les départements d’un protocole opérationnel pour renforcer la complémentarité entre l’État et les conseils départementaux en matière de protection des mineurs face au phénomène de radicalisation et pour accompagner les familles.

La politique de prévention de la radicalisation a progressivement conféré un rôle croissant aux maires.

En effet, les maires mettent en œuvre la politique de lutte contre la radicalisation sur le terrain. Aux termes de l’article D. 132-7 du code de la sécurité intérieure, en fonction de la situation locale, les compétences du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) peuvent s’étendre aux actions de prévention de la radicalisation. Il en est de même pour le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance prévue par l’article D. 132-11 du même code.

Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

En 2007, le législateur, en même temps qu’il a consacré le maire comme acteur central de la politique de prévention de la délinquance, a rendu obligatoire la création d’un CLSPD dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comportant une zone urbaine sensible ([41]).

Ces conseils, qui constituent le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité et de la prévention de la délinquance sur le plan local, peuvent être institués au niveau de la commune ou de l’intercommunalité. Ils sont présidés par le maire ou, lorsqu’ils sont créés au niveau intercommunal, par le président de l’intercommunalité ou le maire d’une des communes membres de l’intercommunalité. Ils sont composés des différents acteurs compétents en matière de prévention de la délinquance, le préfet et le procureur de la République étant membres de droit de ces instances ([42]).

De même, un cadre juridique définit les modalités d’échange d’informations pour permettre aux maires d’accéder à certaines informations confidentielles. Ainsi, aux termes des articles L. 132-5 et L. 132-123 du code de la sécurité intérieure, un conseil local ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance peut « constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et déchange dinformations à vocation territoriale ou thématique. (…) Des informations confidentielles peuvent être échangées dans le cadre de ces groupes. Elles ne peuvent être communiquées à des tiers. Léchange dinformations est réalisé selon les modalités prévues par un règlement intérieur établi par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance sur la proposition des membres du groupe de travail. »

Par ailleurs, une convention cadre de partenariat signée avec l’Association des maires de France le 19 mai 2016 prévoit, dans son article 4, qu’avec « laccord du procureur de la République, le préfet peut informer le maire des situations de radicalisation concernant le territoire de sa commune. Les maires peuvent proposer au préfet un accompagnement de certaines personnes en voie de radicalisation et conduire des actions dans le cadre de dispositifs communaux et intercommunaux ».

Le bilan des premières actions mises en place par les collectivités territoriales a pu être jugé mitigé. Dans le rapport précité de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat ([43]), les rapporteurs, MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas constatent : « En dépit de nombreuses communications, séances de formation ou de sensibilisation, la notion de radicalisation est encore mal cernée par nombre dintervenants locaux. Ce sont ainsi 60 % des répondants à la consultation nationale des élus locaux organisée par vos rapporteurs qui répondent  non  à la question  Globalement, diriez-vous que vous disposez de tous les éléments d’informations qui vous sont nécessaires pour saisir le phénomène de radicalisation ?” ».

Le plan national de prévention de la radicalisation présenté à Lille le 23 février 2018 prévoit que l’implication et la mobilisation des collectivités territoriales soient encore intensifiées :

la mesure 21 vise à d’inciter, en fonction de la situation locale, les collectivités territoriales à nommer des référents (élus ou coordonnateurs de conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance afin de renforcer et sécuriser l’échange d’informations avec les CPRAF et améliorer les dispositifs de détection, de signalement et de prise en charge des personnes radicalisées ;

la mesure 22 annonce l’élaboration d’un cadre national de formation en direction des élus, destiné à être décliné au niveau territorial, en vue d’intensifier les actions de formation des agents territoriaux, en liaison avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), le Conseil national de la formation des élus locaux et les organismes agréés ;

la mesure 46 prévoit de développer des actions de coopération entre les collectivités territoriales et les services de l’État dans la prise en charge de personnes présentant des signes de radicalisation, ainsi que dans l’accompagnement de leurs familles, en s’appuyant sur les sous-préfets d’arrondissement et les délégués du préfet en fonction des situations, en lien avec les CPRAF ainsi que les opérateurs sociaux de proximité, notamment les caisses d’allocations familiales et les missions locales ;

– et la mesure 48 annonce la généralisation des plans de prévention de la radicalisation dans le cadre des contrats de ville et prévoit d’assurer leur articulation avec les stratégies territoriales de prévention de la délinquance ainsi que l’adaptation des plans départementaux et des contrats locaux de sécurité ou des stratégies territoriales de prévention de la radicalisation.

En application de ces mesures, la circulaire du ministère de l’Intérieur du 13 novembre 2018 ([44]) appelle au renforcement du dialogue entre l’État et les maires dans le domaine de prévention de la radicalisation violente. La circulaire rappelle que la politique de prévention de la radicalisation « nécessite limplication de lensemble des acteurs de lÉtat mais également de ceux qui constituent les principaux capteurs de terrains, les collectivités territoriales et les membres de la société civile ».

Cette circulaire prévoit que le préfet, ou un membre du corps préfectoral désigné par le préfet, veille à informer les maires qui le souhaitent sur l’état de la menace sur le territoire de leur commune. Cette information devrait être actualisée régulièrement, au moins deux fois par an pour l’ensemble des maires qui le désirent, et autant que nécessaire si la situation le justifie. Elle peut prendre la forme d’une réunion restreinte du conseil local ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), d’une rencontre bilatérale ou d’une réunion réunissant les communes présentant des problématiques identiques. La circulaire précise que « les informations couvertes par le secret de la défense nationale ainsi que celles susceptibles de porter atteinte au secret de lenquête sont exclues du champ dapplication de linstruction et ne peuvent pas faire lobjet dune transmission au maire ».

La circulaire invite également les préfets à développer les échanges à caractères confidentiels « dans le cas où le maire aurait à en connaître au regard de ses missions ».

Si la circulaire exclut un accès direct aux fiches S, car « elles constituent des mesures opérationnelles de suivi discrètes, qui doivent, pour rester efficaces, rester inconnues de celui qui en fait lobjet », une information confidentielle pourra être fournie à l’initiative du préfet dans le cadre d’une charte de confidentialité.

Cet échange d’information entre le préfet et le maire devrait permettre :

– de garantir aux maires un retour succinct sur les signalements qu’ils effectuent, notamment quant à leur prise en compte effective ;

– de développer la prise en charge par les collectivités territoriales des individus du « bas du spectre ». Ainsi les maires devront être mieux associés à la prise en charge de personnes suivies en CPRAF qui devra avoir lieu de préférence, dans le cadre de groupes restreints des CLSPD et CISPD qui permettent l’échange d’informations confidentielles ;

– et de prévoir l’information ponctuelle du maire de situations individuelles dont il a à connaître dans le cadre de ses prérogatives. La circulaire précise que « dans certaines situations et dans le cadre légal fixé pour les CLSPD et CISPD et précisé par la charte de confidentialité annexée » les préfets seront invités « à informer personnellement le maire, même lorsque ce dernier nest pas à lorigine du signalement, dès lors que cette information peut être utile à lélu » , toute transmission d’information devant « être accompagnée dune recommandation au maire quant à la suite à donner au signalement ».

Cette transmission d’information doit, par exemple, permettre d’appeler l’attention du maire sur le profil de ses employés, les risques associés au subventionnement d’une association ou au fonctionnement d’un commerce, les risques associés à la mise à disposition de locaux par la collectivité et les questions pouvant justifier un contrôle du maire dans le cadre de ses compétences. Si le maire doit mettre en place une action, celui-ci s’engagera à ne révéler ni la nature ni l’origine de l’information dont il dispose, sauf aux membres du groupe restreint du CLSPD et du CISPD.

L’échange d’information dans le cadre de la Charte de confidentialité

La charte de confidentialité, signée par le préfet de département, le maire et le procureur de la République territorialement compétent, a vocation à inciter les maires ou les présidents d’EPCI concernés :

– à créer au sein des CLSPD ou des CISPD des groupes de travail dédiés à cette thématique et un groupe de travail restreint dédié à l’échange d’information ;

– et à désigner un référent identifié chargé d’animer le groupe opérationnel ou de siéger en CPRAF lorsque cette commission concerne le suivi de la prise en charge.

Selon les informations transmises par l’UCLAT, au mois d’avril 2019, 147 chartes, qui concernaient 269 communes, étaient signées ou en cours de signature dans 34 départements.

Les rapporteurs considèrent quil est aujourdhui prioritaire de développer la formation des agents territoriaux en matière de prévention et de détection de la radicalisation.

Dans cet objectif, le CNFPT souhaite mettre en place un dispositif de formation et créer ainsi un réseau d’acteurs des collectivités territoriales autour de la radicalisation. La formation des élus locaux doit être également développée dans les instituts de formation dédiés. La mise à disposition par le CIPDR d’ici la fin de l’année d’un kit pédagogique de formation sur la prévention de la radicalisation devrait faciliter la multiplication des formations.

La mise en place de formations communes aux agents des collectivités territoriales et aux agents de services déconcentrés serait de nature à favoriser le développement d’une culture commune et l’application de référentiels communs.

Proposition  6 : Mettre en place de formations déconcentrées interservices entre les agents de lÉtat et ceux des collectivités territoriales permettant de forger une culture commune en matière de prévention de la radicalisation.

2.   Des exemples locaux

Un certain nombre d’initiatives locales a vu le jour dans les territoires sur les différents champs de la prévention de la radicalisation. S’il n’est pas possible d’en faire une présentation exhaustive, les rapporteurs ont souhaité exposer quelques exemples utiles de bonnes pratiques.

a.   La région Hauts-de-France

Le 15 juin 2018, la région Hauts de France a adopté une charte régionale de la laïcité et des valeurs républicaines et un plan régional de prévention de la radicalisation avec pour objectif de « contribuer pleinement à la prise en charge de cet enjeu de société qui relève de lintérêt supérieur de la Nation, en mobilisant lensemble des leviers dont elle dispose, en complémentarité avec les actions portées par lÉtat, les autres collectivités et les acteurs de la société civile. »

Ce plan régional comprend 6 axes :

– le premier concerne la prévention de la radicalisation dans les lycées, notamment par le financement d’actions éducatives dans le domaine de la lutte contre la radicalisation, par des actions de formation à l’attention des agents régionaux travaillant dans les lycées afin de les sensibiliser et de les former à détecter d’éventuels signes de radicalisation ;

– le second axe porte sur la mise en place d’une charte régionale de la laïcité et des valeurs républicaines. L’attribution de financements régionaux à des associations devra être conditionnée à l’adhésion et au respect de cette charte, cette dernière devenant une pièce obligatoire du dossier de demande de subvention. Depuis octobre 2018, 1 350 associations ont signé cette charte ;

– le troisième axe traite de la contribution de la région à la professionnalisation des acteurs locaux en matière de prévention de la radicalisation, notamment par l’organisation de formations auprès des ligues, des comités régionaux sportifs et des têtes de réseaux cultuelles pour sensibiliser leurs cadres à la détection de signes d’une radicalisation et par la mise en place d’un référent « valeurs de la République, laïcité, prévention de la radicalisation » au sein de ces structures ;

– le quatrième axe porte sur le soutien aux projets d’association ou de collectivités pour la défense des valeurs républicaines, du principe de la laïcité et pour la prévention de la radicalisation, notamment dans le cadre des contrats de ville ;

– le cinquième axe porte sur la mobilisation de la région en matière de recherche et d’enseignement supérieur ;

– et le sixième axe concerne les actions de formation et de sensibilisation à destination des agents de la région. Une première session de formation est en train d’être organisée. La formation des agents travaillant dans les lycées devrait être également développée et concernera en 2019 environ 400 agents. L’objectif est de former en priorité les encadrants, puis, à partir de 2020, de déployer les formations à l’attention de l’ensemble des agents régionaux travaillant dans les lycées (5 800 au total).

b.   La région Île-de-France

Le 8 juillet 2016, la région Île-de-France a adopté un plan régional de défense des valeurs de la République et de prévention de la radicalisation. Ce plan comprend quatre axes :

– l’adoption d’une charte de la laïcité et des valeurs de la République applicable à l’ensemble des organismes subventionnés par la région ;

– la mise en place, au sein des réseaux associatifs et sportifs régionaux, d’un réseau d’alerte visant à défendre les valeurs de la République, le principe de laïcité et à prévenir les situations de radicalisation ;

– des partenariats renforcés avec des organismes spécialisés dans la défense des droits et dans la promotion de la laïcité et des valeurs de la République afin de conduire des sessions de sensibilisation et de formation des référents « prévention de la radicalisation » désignés au sein des têtes de réseaux associatifs et sportifs ;

– et la mobilisation d’outils d’accompagnement pour répondre aux besoins des acteurs associatifs et sportifs de terrain.

Dans le cadre de ce plan, la région a, à compter de mai 2016, conduit une politique de prévention et de sensibilisation des lycéens en lançant une initiative pédagogique intitulée « Les grands témoins contre le terrorisme ».

« Les grands témoins contre le terrorisme »

Ces conférences, animées par des personnes qui ont été confrontées au terrorisme, ont pour objectif de permettre aux lycéens, aux apprentis et aux stagiaires de la formation professionnelle de mieux appréhender la problématique de la radicalisation et de la décrypter.

En 2017-2018, ces témoignages ont bénéficié à plus de 1 700 élèves dans 18 établissements scolaires (lycées d’enseignement général et professionnel).

Si les élus ont été sensibilisés à la question de la radicalisation au moment de l’adoption des différents plans régionaux, en revanche, aucune session de formation spécifique des élus régionaux ou des responsables de services régionaux sur ce sujet n’a été organisée. Par ailleurs, la région n’ayant pas été confrontée à des cas concrets de radicalisation au sein de ses services, aucune formation spécifique n’a été mise en place ou aucun outil n’est mis à disposition pour permettre aux agents régionaux de détecter ou de faire face à des usagers, des prestataires ou des collègues radicalisés.

c.   La ville de Paris

La mairie de Paris a mis en place une politique spécifique sur la question de la laïcité et de la radicalisation :

– en juin 2015, une chargée de mission dédiée aux questions liées à la laïcité et à la prévention de la radicalisation a été nommée au secrétariat général de la ville. Le secrétariat général a, d’autre part, été chargé de la coordination de cette politique de prévention en lien avec la direction de la « prévention sécurité protection » (DPSP) la direction de « l’action sociale enfance santé » (DAES), et la direction des ressources humaines ;

– en décembre 2015, a été ouverte une boîte mail dédiée : radicalisation@paris.fr, dont l’adresse a été largement diffusée auprès du personnel de la ville. Par ailleurs, une cellule d’accompagnement ([45]) a été mise en place afin d’écouter et conseiller les agents et les encadrants ;

– en janvier 2016, le secrétaire général a nommé le directeur de la DPSP référent en charge notamment de faire le lien avec les services de l’État.

Depuis sa mise en place, la boîte mail a été très peu été utilisée, seul quatre cas ont été signalés. Les supérieurs de ces agents ont été informés et les cas ont été transmis à la préfecture de police. Sur les quatre personnes, trois d’entre elles relevaient de la direction de la propreté et de l’eau. Elles ont fait l’objet d’une sanction disciplinaire (blâme). Le quatrième cas concernait une agente en attente de titularisation de la direction des familles et de la petite enfance. Son stage n’a pas été validé.

La cellule d’accompagnement n’a, quant à elle, jamais été sollicitée.

Par ailleurs, la ville de Paris a développé une politique de prévention de la radicalisation en subventionnant à hauteur de 400 000 euros par an :

– des projets associatifs à destination des publics placés sous-main de justice considérés comme vulnérables face au risque de radicalisation violente ;

– des projets plus ciblés de prévention de la radicalisation à destination d’un public jeune en général ou placé sous main de justice, qui ont pour thématiques le contre-discours, l’éducation à l’image, aux médias et aux réseaux sociaux pour développer l’esprit critique et l’éducation à la citoyenneté pour diffuser et partager les valeurs démocratiques et républicaines (liberté, égalité, tolérance…).

Projets soutenus par la mairie de Paris

● Le projet de contre-discours « radicalisons la prévention », porté par les associations Espoir 18 et Entr’aide à destination de jeunes issus des quartiers populaires parisiens, a réuni un groupe de jeunes au sein d’ateliers hebdomadaires d’éducation à l’image sur le thème de la radicalisation. L’objectif final est la réalisation, par ces jeunes, de capsules vidéos (vidéos de quelques minutes) visant à élaborer un contre-discours sur les thématiques en lien direct ou indirect avec la radicalisation violente (presse satirique, liberté d’expression, laïcité, intégration, religion, radicalisation des jeunes…).

Ce projet s’est déroulé en 2017-2018. Il a reçu le prix national de la prévention de la délinquance sur la thématique « Radicalisation violente » décerné par le Forum Français de Sécurité Urbaine le 21 mars 2018. Il se poursuit sous la forme d’ateliers théâtre en 2019.

● L’action « Média Villette » (7 sessions par an) mise en œuvre par l’Association de prévention du site de la Villette vise à proposer sur une semaine, à des jeunes, dans le cadre de l’exécution d’une mesure de travail d’intérêt général, différents modules : rencontres avec des journalistes, dessinateurs de presse, élu ou magistrat ; sensibilisation sur les phénomènes de manipulation sur les réseaux sociaux et internet ainsi que sur les théories du complot ; atelier de reportage vidéo. À l’issue, un journal « papier » est réalisé par le groupe de jeunes sur la base des expériences vécues lors de la semaine.

● Le projet « Renvoyé Spécial » mis en œuvre par La maison des journalistes prévoit l’organisation de rencontres et de débats entre des journalistes étrangers professionnels réfugiés en France. Le projet s’est décliné en partenariat avec le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation), à destination des personnes suivies placées sous-main de justice (suivi en milieu ouvert, écroué au centre de semi-liberté ou incarcéré à la maison d’arrêt de la Santé).

Enfin s’agissant de la formation, le secrétariat général de la ville organise chaque année depuis 2016 quatre sessions de formation animées par l’UCLAT destinées aux agents. 1 200 agents de la ville ont bénéficié de ces séances de sensibilisation. Par ailleurs, depuis 2015, la DASES a organisé en direction des travailleurs sociaux deux sessions de formation par an d’une journée. Environ 800 professionnels ont bénéficié de ces formations. À ce jour environ 2 000 agents ont pu ainsi être sensibilisés aux phénomènes de radicalisation, sur un total de 58 000 agents municipaux.

d.   La ville d’Argenteuil

La ville d’Argenteuil a nommé un référent « discrimination et extrémisme » – l’enseignant-chercheur Chems Akrouf – et mis en place, en septembre 2018, le plan d’action « Lutte contre l’extrémisme violent et la discrimination » qui comprend plusieurs volets :

– la mise en place de formations à destination des agents de la collectivité à compter de janvier 2019. Ces formations portent sur quatre thèmes : lutter contre les discriminations, comprendre l’extrémisme violent et le processus de radicalisation, appréhender la menace et les risques sur les réseaux sociaux. Des agents référents devraient bénéficier d’une formation continue ;

La formation des agents de la ville d’Argenteuil

De janvier à mai 2019, 246 formations ont été suivies par les agents de la ville :

– 31 sur le module « appréhender les risques des réseaux sociaux »

– 96 sur le module « lutte contre la discrimination » ;

– 79 sur le module « appréhender l’extrémisme violent » ;

– et 40 sur le module « les nouveaux risques ».

1 854 inscriptions sont enregistrées sur le calendrier de formation jusqu’en décembre 2019, représentant 1 500 agents (71 % du personnel de la collectivité).

Un séminaire de formation à destination des élus est également programmé en juin 2019.

– l’élaboration d’un guide pratique à destination des managers ;

– la mise en place d’une procédure de remontée des informations liées à la radicalisation via le référent. L’information est ensuite traitée de façon concertée avec les services de police, de justice et l’Éducation nationale et une Charte de confidentialité a été signée le 5 février 2019 ;

– la mise en place en 2019 du dispositif « Passerelle citoyenne » qui permet aux habitants d’assister à des interventions sur les questions de laïcité, de la discrimination et des valeurs républicaines. Ainsi en avril, un débat sur les « fake news » et les dangers des réseaux sociaux était ouvert aux jeunes de la ville.

S’agissant du référent, les services de la ville d’Argenteuil indiquent, dans les éléments transmis à la mission : « Le référent de la collectivité est en contact permanent avec lautorité préfectorale, le Service du Renseignement territorial et le SRT. Dès lors quun signalement émane des services, le référent analyse la remontée dinformations, collecte au besoin des informations complémentaires et transmet le signalement aux services de lÉtat. Si le signalement concerne un agent de la collectivité, la directrice des ressources humaines et la directrice générale des services sont informées du signalement. Le dispositif est récent et les processus doivent encore être affinés, notamment en ce qui concerne les suites données au signalement. De manière générale, les services de lÉtat font un retour strictement utile au référent de la collectivité qui les tient informés en retour des suites données au plan administratif. Cest un processus qui se construit progressivement au fil des situations et de lexpérience des acteurs, lencadrement lié à la Charte de confidentialité étant récent. »

e.   L’association CAPRI à Bordeaux

À l’automne 2015 a vu le jour à Bordeaux, avec l’aide de la préfecture de Gironde, le Centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus (CAPRI). Il a pour particularité de proposer une approche pluridisciplinaire du phénomène de radicalisation puisqu’il compte dans ses rangs des psychiatres, des psychologues, des juristes ainsi que des experts en théologie.

Ses missions sont les suivantes :

– repérer et agir sur les facteurs de radicalisation en diffusant un contre-discours sur internet et en formant les acteurs du champ social et de la jeunesse sur les signes de radicalisation afin de favoriser un repérage précoce non stigmatisant ;

– prendre en charge des personnes radicalisées en tenant compte de l’aspect psychologique mais également de la dimension religieuse en faisant intervenir des experts en théologie. Depuis la création de l’association, plus de 60 personnes ont été suivies et accompagnées.

Dans les éléments transmis aux rapporteurs, l’association souligne l’aspect pluridisciplinaire et individualisé de son intervention : « Au niveau des prises en charge, le CAPRI ajuste les modalités de prise en charge en fonction des besoins de la situation : les accompagnements peuvent se traduire par des entretiens individuels ou familiaux (thérapeutique, soutien à la parentalité…)  des accompagnements socio-éducatifs (insertion professionnelle, orientation vers les services de droits communs, sorties culturelles…) – travail de coordination avec les professionnels de terrain (éducateurs, assistantes sociales…). »

L’association est financée par la préfecture, le CIPDR, les collectivités territoriales (ville de Bordeaux, conseil départemental de la Gironde, conseil régional de Nouvelle Aquitaine) et la protection judiciaire de la jeunesse.


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II.   Personnel des forces de sécurité, de la justice et de l’Éducation nationale : un phénomène de radicalisation limité mais une vigilance qui doit rester constante

L’UCLAT veille, dans le cadre des signalements effectués par les préfectures, à ce que la fiche de chaque personne inscrite au FSPRT mentionne son activité professionnelle, à caractère sensible ou non, ainsi que, le cas échéant, son appartenance au service public. Ce point fait l’objet d’une vigilance particulière. Lors de son audition, M. Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, a confirmé qu’il était demandé aux préfets d’apporter une attention soutenue aux cas d’agents publics radicalisés.

Les membres des forces de sécurité et de la justice, et en particulier ceux des forces armées, de la police et de la gendarmerie, auxquels on peut ajouter le personnel de l’Éducation nationale, semblent, pour ce qui les concerne, préservés en grande partie de toute radicalisation significative. On doit cette préservation notamment à l’existence dans ces services d’un certain nombre d’outils efficaces en matière de détection, de prévention et de gestion des ressources humaines. La vigilance n’en doit pas moins rester constante car si les cas de radicalisation sont rares dans ces services, ils n’en sont pas pour autant inexistants.

A.   De nouveaux outils issus de la loi SILT

L’une des innovations de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) ([46]) a consisté à permettre de vérifier, non plus seulement au stade du recrutement, mais également en cours de carrière, l’éventuelle radicalisation de certains fonctionnaires ou militaires, et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Elle visait ainsi à répondre aux difficultés rencontrées par certains services publics, notamment les plus exposés, pour gérer la situation des personnes radicalisées en leur sein.

1.   Le contrôle en cours de carrière de la compatibilité entre le comportement et les fonctions

Outre des mesures propres à l’état d’urgence (fermetures de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, etc.), la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) a donné à certaines administrations des outils adaptés pour lutter contre toute radicalisation en leur sein, même si le terme de « radicalisation » lui-même n’apparaît pas dans la loi ([47]). Ce texte tend d’ailleurs de manière générale à donner à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, toute sa place dans la prévention du terrorisme.

La loi SILT ([48]) a ainsi complété l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure. Celui-ci prévoyait déjà, dans sa version antérieure, que les décisions de recrutement, d’affectation, de titularisation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation, concernant un certain nombre d’emplois « stratégiques » (emplois publics participant à l’exercice des missions de souveraineté de l’État, emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, etc. ([49])) pouvaient être précédées d’enquêtes administratives vérifiant que le comportement des personnes intéressées n’était pas incompatible avec les fonctions envisagées. L’article R. 114‑2 du même code dresse la liste des décisions concernées (recrutement des militaires ou des fonctionnaires et agents contractuels de la police nationale, des personnels des services de l’administration pénitentiaire, mais aussi de nombreuses autres personnes occupant certains emplois publics ou privés ([50])).

La loi SILT a ajouté à ce dispositif la possibilité de mener des enquêtes administratives pour des personnes déjà en poste. Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 114‑1 précise ainsi qu’il « peut également être procédé à de telles enquêtes administratives en vue de sassurer que le comportement des personnes physiques ou morales concernées nest pas devenu incompatible avec les fonctions ou missions exercées (…) ([51]) ». Lorsque l’enquête fait ainsi apparaître que le comportement de la personne bénéficiant d’une décision d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation est devenu incompatible avec le maintien de cette décision, il est procédé à son retrait ou à son abrogation. En cas d’urgence, l’autorisation, l’agrément ou l’habilitation peuvent être suspendus sans délai pendant le temps nécessaire à la conduite de la procédure.

Lorsqu’il résulte de l’enquête que le comportement d’un agent public occupant spécifiquement « un emploi participant à lexercice de missions de souveraineté de lÉtat ou relevant du domaine de la sécurité ou de la défense » est « devenu incompatible avec lexercice de ses fonctions », l’administration procède, dans l’intérêt du service, à l’affectation ou à la mutation de la personne dans un autre emploi. En cas d’impossibilité de mettre en œuvre une telle mesure ou lorsque le comportement du fonctionnaire est incompatible avec l’exercice de toute autre fonction (eu égard à la menace grave qu’il fait peser sur la sécurité publique), il est procédé à sa radiation des cadres. Ces décisions sont entourées de garanties. Elles interviennent au terme d’une procédure contradictoire et, sauf pour un simple changement d’affectation, après avis d’une commission paritaire. Un décret du 27 février 2018 ([52]) précise la composition et le fonctionnement de cette commission ([53]). Cette commission n’a pas encore, à ce jour, été réunie. À la connaissance des rapporteurs, aucun « rétrocriblage » (c’est-à-dire contrôle de compatibilité en cours de carrière) dans les services dits de souveraineté n’a encore été effectué, dans l’attente d’une instruction interministérielle, relative notamment au déroulement de l’enquête, préparée actuellement par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Il paraît urgent aux rapporteurs que cette instruction soit prise afin que la procédure de « rétrocriblage » des fonctions de souveraineté puisse devenir effective.

Lors d’une réunion interministérielle du 22 juin 2018, le SNEAS a été désigné pour mener les enquêtes administratives de l’article L. 114-1, en complément de celles menées par d’autres services de police ou de renseignement. Ces enquêtes donnent lieu à la consultation d’un panel de traitements automatisés de données, dont le FSPRT, le fichier CRISTINA de la DGSI et le fichier GESTEREXT de la Préfecture de Police de Paris ([54]). Ceci a représenté un net progrès par rapport aux enquêtes de moralité pratiquées antérieurement et qui ne donnaient lieu qu’à la consultation de quelques fichiers tels que le casier judiciaire, le TAJ, etc.

Le dispositif qui vient d’être décrit apparaît utile en particulier pour les entités qui, ne disposant ni de services d’enquête, ni d’une forte expérience en matière disciplinaire, se sentent souvent démunies pour écarter leurs agents radicalisés.

Pour les administrations dépendant du ministère des Armées ou du ministère de l’Intérieur, qui bénéficient déjà d’une expérience approfondie en matière d’enquêtes et de mise en œuvre du pouvoir disciplinaire, ce dispositif n’en offre pas moins un complément efficace à la procédure de sanction. En effet, cette dernière ne peut réprimer que les violations par l’agent de ses obligations professionnelles. La procédure de l’article L. 114-1 permet, quant à elle, de prendre en compte l’ensemble du comportement de l’agent, y compris des actes qui ne constituent pas des manquements aux obligations professionnelles, par exemple parce qu’ils sont commis en dehors du service. La loi SILT et son décret d’application du 27 février 2018 ont donc apporté des marges de manœuvre utiles aux services de police et aux forces armées.

Quand un employeur public aura le choix entre emprunter la procédure de l’article L. 114-1 ou user de la voie disciplinaire, il tendra plutôt à opter, d’après ce qui a été indiqué aux rapporteurs en audition, pour la seconde, qui apparaît plus souple. Là où l’article L. 114-1 n’offre que deux possibilités, la mutation d’office ou la radiation des cadres, la procédure disciplinaire permet de disposer de tout un panel de sanctions qui peuvent être finement proportionnées. Tel est également le sentiment dont a fait part le préfet de police Michel Delpuech aux rapporteurs : « La consultation de cette instance pourra se révéler utile dans les cas où la suspicion de radicalisation est difficile à objectiver mais que les circonstances justifient a minima une demande de déplacement de lagent, dans lintérêt du service. En ce qui concerne les corps actifs de la Police nationale, le recours aux procédures disciplinaires est plus approprié que la consultation de cette instance interministérielle. »

2.   L’extension du contrôle de compatibilité aux militaires

La loi SILT a prévu, pour les militaires en fonctions, une procédure similaire à celle prévue à l’article L. 114‑1 du code de la sécurité intérieure. Elle a inséré à cet effet dans le code de la défense un nouvel article L. 4139-15-1. Aux termes de cet article, lorsqu’une enquête administrative fait apparaître que le comportement d’un militaire (y compris un militaire de la gendarmerie) est devenu incompatible avec l’exercice de ses fonctions (eu égard, là encore, à la menace grave qu’il fait peser sur la sécurité publique), il est procédé, après mise en œuvre d’une procédure contradictoire, à sa radiation des cadres ou à la résiliation de son contrat, « après avis dun conseil dont la composition et le fonctionnement sont fixés par décret en Conseil dÉtat ». L’enquête, effectuée dans le cadre de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, est confiée au SNEAS.

Un décret du 27 février 2018 ([55]) précise la composition et le fonctionnement du conseil appelé à rendre un avis ([56]). Ce conseil n’a pour l’instant pas non plus été réuni. Les représentants de l’institution militaire auditionnés par les rapporteurs ont indiqué que, les cas de suspicion de radicalisation étant souvent traités soit au moment du recrutement, soit par le biais du non-renouvellement de contrat, cette instance paritaire pourrait n’être jamais consultée.

S’agissant du personnel civil de la défense, c’est la commission paritaire visée à l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure qui est compétente. Aucun dossier de personnel civil de la défense ne lui a été soumis à ce jour.

B.   des forces armÉes globalement Étanches À la radicalisation

Le personnel des forces armées, qu’il s’agisse de l’armée de terre, de la marine ou de l’armée de l’air, paraît dans notre pays à l’abri, pour l’instant, de toute radicalisation notable. Par essence, l’institution militaire est peu permissive, ne laissant ainsi que peu de place à des comportements incompatibles avec le service de la nation et les valeurs républicaines. L’existence de très rares cas individuels ne remet pas en cause ce constat mais appelle à ne pas baisser la garde, compte tenu de la gravité des conséquences que pourrait avoir un passage à l’acte de la part d’un individu ayant reçu une formation au métier des armes. On se souvient ainsi qu’un ancien militaire radicalisé a été arrêté aux abords de la base d’Évreux le 5 mai 2017 alors qu’il menait des préparatifs d’attentat. Tous les niveaux de commandement semblent sensibilisés à cette menace.

1.   Des chiffres faibles pour les militaires en fonction comme pour les anciens militaires

Un rapport d’information de la commission de la défense de l’Assemblée nationale du 22 juin 2016 ([57]) citait des propos du général Jean-François Hogard, directeur de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD), affirmant suivre en priorité « une cinquantaine de dossiers de radicalisation » parmi les militaires. Auditionnée par les rapporteurs au début de l’année 2019, la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD ([58])) a indiqué que « le niveau de la menace du fait de la radicalisation liée à lislam djihadiste sunnite au sein du ministère des Armées est aujourdhui considéré comme faible, à la fois du fait du profil mais également du volume de personnel concerné », les autres formes de radicalité confessionnelle ou doctrinale étant qualifiées de « très marginales ». La DRSD travaille actuellement sur quelques cas présentant des signaux faibles et ne montrant pas de dangerosité immédiate ou de velléité de départ via des filières djihadistes.

En ce qui concerne les anciens militaires, le nombre de ceux ayant rejoint les filières du djihad est de l’ordre d’une trentaine. Au vu de leur profil et de celui des militaires ayant été écartés de l’institution pour radicalisation, rien ne permet de conclure qu’ils avaient rejoint l’armée dans le but délibéré d’acquérir un savoir‑faire en vue de conduire des actions terroristes. La très grande majorité des anciens militaires candidats aux filières djihadistes n’avait fait qu’un bref passage sous les armes et est partie pour le Levant plusieurs années plus tard.

a.   L’armée de terre

Au sein de l’armée de terre, la radicalisation, qu’elle soit islamique ou politique, apparaît marginale. La proportion de suspicion de radicalisation est évaluée à 0,05 %. Après une hausse des signalements en 2016 ([59]), et une stabilisation en 2017, le nombre des signalements a baissé en 2018. Il s’agit essentiellement de cas d’islam radical (mais aussi d’ultra-droite, principalement dans la réserve). La radicalisation de type islamique peut se manifester par un changement dans le discours, l’aspect physique, l’alimentation, etc. Rapidement informé de ces changements, le commandement de contact ne peut tolérer par exemple une barbe « mal taillée » (contraire au règlement) ou un discours discriminant.

Afin d’assurer une information rapide, l’armée de terre a mis en place une chaîne des officiers de protection du personnel (OPP). Il s’agit de cadres insérés dans les régiments et vers qui convergent les informations concernant d’éventuelles radicalisations. Ils sont en contact avec les forces de sécurité intérieure et le poste DRSD et sont placés sous les ordres de l’officier de sécurité. Les échanges fréquents entre le référent islam radical, le commandement et la DRSD permettent de réaliser un suivi des effectifs surveillés.

L’armée de terre n’a pas remarqué de risque particulier de radicalisation au contact des populations rencontrées, dans le cadre des opérations extérieures (OPEX).

b.   La marine

La radicalisation au sein de la marine est évaluée à seulement 0,03 %, sur un effectif assez limité de 37 800 marins. Aucun marin ne fait l’objet d’une fiche S ni n’est inscrit au FSPRT. Lors de l’opération contre les forces syriennes en avril 2018, les membres d’équipage n’ont eu, d’après ce qui a été indiqué aux rapporteurs en audition, aucune réticence à exécuter les ordres. Cette étanchéité vis-à-vis de la radicalisation peut s’expliquer par le fait que les périodes où les marins sont à terre sont trop courtes pour être propices au prosélytisme. Le seul cas de radicalisation ayant conduit à affecter une personne dans un poste très peu exposé a concerné l’ultra-droite.

c.   L’armée de l’air

Aucun aviateur n’est actuellement suivi pour radicalisation clairement démontrée. Le commandement, la DRSD et la gendarmerie de l’air suivent seulement, de manière conjointe, quelques cas isolés de militaires du rang et de sous-officiers dont le changement d’apparence physique (port de la barbe, etc.) ou de comportement (vestimentaire, mode de vie, pratique religieuse, etc.), les relations, le prosélytisme ou la fréquentation de certaines mosquées justifient une attention accrue. Ces dossiers sont en nombre très limité et, à ce stade, présentent majoritairement des signaux faibles. Ils concernent pour un quart d’entre eux des sous-officiers et pour les trois quarts des militaires du rang. Seulement un quart de ces dossiers fait l’objet d’une surveillance renforcée, les autres ne faisant aujourd’hui que l’objet d’une veille, à titre préventif, au regard d’une relation à l’islam assez fluctuante (conversion, fréquentations, repli identitaire, etc.). Le plus souvent, les signalements concernent des militaires convertis à l’islam.

Comme pour l’armée de terre, le nombre des signalements a baissé en 2018 (après une hausse significative en 2017). La tendance du nombre de personnels surveillés est donc aussi à la baisse. Les échanges très réguliers entre le référent islam radical de l’armée de l’air (positionné au sein du cabinet du chef d’état-major de l’armée de l’air), la gendarmerie de l’air et la DRSD permettent de réaliser ce suivi. Il est par ailleurs demandé au commandement sur le terrain de poursuivre ses actions de sensibilisation et d’information sur la détection des indicateurs de radicalisation, en lien avec la gendarmerie de l’air, et de favoriser les signalements dès l’observation de signaux de basculement potentiel.

2.   Des moyens de lutte et de prévention efficaces

Dans les différentes forces armées, une enquête de sécurité, menée en amont du recrutement, doit permettre d’écarter tout candidat présentant des signaux, même faibles, de radicalisation. Chaque candidat fait l’objet d’un « contrôle élémentaire », qui vise à évaluer le degré de confiance qui peut lui être accordé. Ce contrôle est conduit par les personnels du Centre national des habilitations défense (CNHD), dépendant de la DRSD. Le casier judiciaire, les antécédents, etc., sont étudiés.

Une radicalisation peut néanmoins intervenir a posteriori, notamment lorsque l’intéressé est en contact moins fréquent avec l’institution militaire (congé maladie, reconversion, etc.). Lorsqu’elle reçoit un signalement, la DRSD procède dans un premier temps à une levée de doute en enquêtant à charge et à décharge. Il lui appartient de caractériser la menace et le risque induit. La DRSD peut ensuite apporter au commandement une aide à la décision et, en fonction du cas, proposer des mesures d’entrave. Service de renseignement du premier cercle, cette direction joue donc un rôle essentiel ([60]), en co-traitement avec les services du ministère de l’Intérieur (DGSI, SCRT, etc.).

En présence d’une personne radicalisée, l’armée peut recourir à la non-habilitation à certains emplois ou stages. S’il apparaît nécessaire de se séparer de l’individu, le statut général des militaires offre alors comme outil le non‑renouvellement de contrat, qui est relativement simple à mettre en œuvre. Il permet aux forces armées de se séparer des personnes concernées, sans se placer en porte-à-faux vis-à-vis d’elles. Si nécessaire, les forces armées peuvent par ailleurs recourir au nouveau dispositif prévu par la loi SILT, décrit plus haut, autorisant la radiation des cadres ou la résiliation du contrat après enquête administrative ([61]).

En matière de prévention de la radicalisation, les aumôneries des armées, en particulier l’aumônerie musulmane, jouent, par leur présence sur le terrain, un rôle fondamental. Elles concourent à la sensibilisation des militaires et du commandement sur le sujet.

C.   des forces de sécurité prÉservÉes dans l’ensemble de toute radicalisation significative

D’après le ministère de l’Intérieur, une trentaine de situations fait aujourd’hui l’objet d’un suivi pour radicalisation, au sein des forces de sécurité intérieure dans leur ensemble (police et gendarmerie). Ce chiffre (qui porte sur les cas justifiant une attention particulière mais pas nécessairement sur des cas avérés de radicalisation) est objectivement très faible, surtout si on le compare au vivier global de 130 000 gendarmes et de 150 000 fonctionnaires de police.

Cette forte étanchéité du personnel des forces de sécurité intérieure peut s’expliquer d’abord par l’incompatibilité de nature entre le métier de policier ou de gendarme, centré sur la préservation de l’ordre public et le respect de la loi, et toute tendance à l’extrémisme violent. Comme l’a indiqué M. Éric Morvan, directeur général de la Police nationale, les fonctionnaires qui font l’objet de signalements sont bien souvent placés en arrêt maladie pour des périodes plus ou moins longues. Certains vivent très mal la contradiction qu’ils perçoivent entre l’exercice de leur profession et leur propre radicalisation religieuse. Cette prise de conscience les conduit parfois à démissionner.

Cette protection par rapport à la radicalisation s’explique aussi par l’efficacité des outils de détection dont disposent les forces de sécurité intérieure, en particulier au moment du recrutement. Le SNEAS a ainsi indiqué aux rapporteurs que, dans le cadre des enquêtes menées au stade du recrutement des policiers et des gendarmes, quatre avis d’incompatibilité avaient été rendus en 2018 ([62]), et deux depuis le 1er janvier 2019, pour des motifs liés à la radicalisation religieuse (motifs tels que : « suivi depuis 2017 pour la présence de membres de la mouvance islamiste radicale dans sa sphère relationnelle » ou encore « suivi depuis 2011 pour avoir évolué au sein dun groupe prosélyte Tabligh ([63]) œuvrant sur tel département »).

1.   La Gendarmerie nationale

Les futurs gendarmes font l’objet, au moment de leur recrutement, d’une enquête administrative menée par le SNEAS, et par la gendarmerie elle-même. Elle inclut la consultation des principaux fichiers de sécurité, de renseignement et judiciaires. En cas d’avis d’incompatibilité, une note d’attention du SNEAS contenant les éléments de motivation est rédigée puis transmise au service demandeur. En 2018, le SNEAS a mené, sur le fondement de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, 11 287 enquêtes concernant le recrutement de militaires de la Gendarmerie nationale. 11 280 d’entre elles ont donné lieu à un avis sans objection et 7 à un avis défavorable.

La gendarmerie a accentué son suivi de la radicalisation en interne à partir de 2013, après avoir vu un ancien gendarme adjoint volontaire partir pour la Syrie ([64]). Ce suivi est effectué par le bureau de la lutte antiterroriste (BLAT), dépendant lui-même de la direction des opérations et de l’emploi (DOE) ([65]) (le suivi ne relève plus de la DRSD depuis que la gendarmerie a quitté la tutelle fonctionnelle du ministère des Armées). Le suivi est réalisé en lien avec les services de renseignement, et notamment la DGSI. La détection est facilitée par la vie en caserne. Le nombre de personnes faisant l’objet d’un suivi est, d’après la direction générale de la gendarmerie nationale, extrêmement faible (à mettre en relation avec l’effectif total d’environ 130 000 gendarmes, dont 100 000 gendarmes d’active et 30 000 réservistes).

Pour se séparer d’une personne radicalisée, la gendarmerie dispose d’un arsenal juridique qui lui paraît aujourd’hui suffisant, allant du non-renouvellement de contrat à la radiation des cadres (après consultation d’un conseil d’enquête), en passant par les différentes sanctions disciplinaires existantes. La gendarmerie dispose par ailleurs, comme les autres forces armées, de la procédure, non disciplinaire, de sortie du service (radiation des cadres ou résiliation de contrat) prévue par l’article L. 4139-15-1 du code de la défense, lorsque « le comportement [du] militaire est devenu incompatible avec lexercice de ses fonctions eu égard à la menace grave quil fait peser sur la sécurité publique ». Comme cela a été dit plus haut, cette procédure, qui prévoit l’avis préalable d’un conseil, n’a jamais été utilisée à ce jour, dans l’attente d’une instruction interministérielle en préparation.

2.   La Police nationale

Le principal mécanisme protecteur vis-à-vis de la radicalisation dans la police nationale consiste en l’agrément nécessaire pour y être recruté. Cet agrément est délivré par l’autorité préfectorale territorialement compétente, après réalisation d’une enquête administrative visant à recueillir des éléments se rapportant à des faits réels et vérifiés. L’enquête comporte, d’une part, la consultation et l’analyse par le SNEAS d’un certain nombre de fichiers (TAJ ([66]), FPR ([67]), FSPRT ([68]), PASP ([69]), GIPASP ([70]), CRISTINA ([71]), GESTEREXT ([72])). Elle inclut, d’autre part, un rapport établi par les services de renseignement territorial à l’issue d’une enquête environnementale et d’un entretien avec le candidat. Un refus d’agrément par le préfet doit être motivé. De simples doutes ne suffisent pas à justifier un refus. Celui-ci est notifié au candidat, sans que les motifs en soient précisés. Toutefois, ces motifs doivent être communiqués au juge administratif si un recours contentieux est introduit.

Mme Brigitte Jullien, cheffe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), a confirmé que le recrutement donnait lieu systématiquement à un criblage et à des investigations ([73]) concernant notamment l’entourage de la personne et son usage des réseaux sociaux. En 2018, le SNEAS a mené, sur le fondement de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, 10 840 enquêtes concernant le recrutement des fonctionnaires et agents de la Police nationale. 10 834 d’entre elles ont donné lieu à un avis sans objection et 5 à un avis défavorable. Par ailleurs, si un candidat apparaît comme potentiellement radicalisé, l’information en sera donnée à l’autorité préfectorale, chargée de superviser le suivi des signalements en la matière.

Il reste que, en raison d’une dissimulation toujours possible, il n’existe pas de garantie absolue qu’une personne radicalisée ne puisse pas être recrutée. En outre, une radicalisation peut intervenir postérieurement à l’entrée dans la police, en particulier à la suite d’une conversion. Pour faire face aux dangers de cette radicalisation post-recrutement, une cellule spéciale de l’IGPN, en charge de la surveillance des policiers soupçonnés de radicalisation, a été créée en 2016. Une réunion trimestrielle rassemblant la DGSI, le Renseignement territorial, la direction de la formation de la Police nationale et l’IGPN permet d’évoquer les personnes sources de préoccupation. Ce sont généralement les services de renseignement qui alertent sur l’existence de signes de radicalisation (fréquentation d’une mosquée de tendance salafiste, par exemple).

Selon M. Éric Morvan, directeur général de la Police nationale, sur un effectif de 150 000 fonctionnaires de la Police nationale, 28 seulement feraient actuellement l’objet d’un suivi pour radicalisation. D’après M. Morvan, le chiffre d’une trentaine de cas serait stable. Ces cas de radicalisation concerneraient essentiellement des policiers de la sécurité publique, celle-ci comptant les effectifs les plus nombreux. Ils se répartiraient en quatre catégories :

– agents réputés en lien ou en contact avec des milieux islamistes radicalisés ;

– agents ayant des pratiques religieuses ostentatoires ;

– agents ayant des prises de positions publiques ou manifestant un intérêt soutenu pour l’islamisme radical ;

– agents dont le comportement se serait radicalisé.

S’agissant de la Préfecture de Police de Paris, M. Michel Delpuech ([74]) a indiqué que ses services de renseignement avaient recensé une quinzaine de signalements (sur plus de 43 000 agents) : une dizaine pour des suspicions de comportements radicalisés et quatre ou cinq cas de fonctionnaires en contact avec des milieux radicalisés.

Pour traiter les cas de radicalisation en cours de carrière, la Police nationale dispose d’une panoplie d’outils, dont :

– le report, puis le refus, de titularisation ;

– le non-renouvellement du contrat d’adjoint de sécurité ;

– l’adaptation du poste de travail (non armé, sans possibilité de consulter les fichiers de police) ;

– les sanctions disciplinaires (avertissement, blâme, exclusion temporaire, révocation, etc.) ;

– le retrait de l’habilitation au secret Défense ;

– la procédure spécifique de radiation prévue à l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure ([75]).

D’après les informations fournies par le ministère de l’Intérieur, six révocations (prononcées dans le cadre disciplinaire ([76])) auraient été prononcées en lien avec des faits de radicalisation. Ce n’est pas la radicalisation en tant que telle qui motive la révocation (tout comme les autres sanctions disciplinaires), mais ce sont les manquements au devoir de neutralité (prosélytisme), à l’obligation de loyauté, au devoir d’exemplarité, au devoir de réserve (en dehors du service) ([77])etc., ainsi que les atteintes au bon fonctionnement du service dont ils peuvent être la cause. Un arrêté de révocation du ministre de l’Intérieur du 6 septembre 2018 révoquant un individu de ses fonctions de brigadier de police a été suspendu par la voie d’un référé-liberté en attente de la décision au fond ([78]). Un second recours contre un arrêté de révocation a été rejeté par la juridiction administrative.

3.   Le problème des « notes blanches »

Dans le contentieux relatif aux refus d’agrément ou aux sanctions disciplinaires réprimant des comportements liés à une radicalisation, les services de police se heurtent à la réticence des services de renseignement à ce que soient versés aux débats les éléments de preuve (sous forme de « notes blanches ») dont ils sont en possession ([79]). Le principe du contradictoire exige en effet normalement que les pièces fournies à la juridiction soient également communiquées au requérant. Les services de renseignement craignent que la publicité donnée à ces éléments ne donne l’éveil à certaines personnes surveillées, voire ne mette en danger certaines de leurs sources. Ne pas fournir ces éléments au juge, toutefois, fait courir le risque de fragiliser les procédures et de voir prononcer des décisions tendant à la réintégration de la personne concernée.

Les rapporteurs invitent à réfléchir à la possibilité d’introduire dans la procédure une forme de contradictoire, dit « asymétrique », consistant à donner au juge, mais pas au requérant, accès à certaines notes confidentielles des services de renseignement, ce qui suppose que le magistrat soit habilité au secret Défense.

Certes, les rapporteurs n’ignorent pas que le principe du contradictoire se rattache à celui des droits de la défense, qui résulte de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ([80]). Il découle également des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Toutefois, ce principe fait d’ores et déjà l’objet de certaines adaptations, s’agissant notamment du contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation, qui est confié à une formation spécialisée du Conseil d’État dont les membres sont habilités ès qualités au secret de la défense nationale. L’article L. 5 du code de justice administrative dispose ainsi que « les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de lurgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ». De même, selon le régime prévu aux articles L. 773-1 et suivants du même code, « le président de la formation de jugement ordonne le huis-clos lorsquest en cause le secret de la défense nationale » et « lorsque la formation de jugement constate labsence dillégalité dans la mise en œuvre dune technique de recueil de renseignement, la décision indique au requérant ou à la juridiction de renvoi quaucune illégalité na été commise, sans confirmer ni infirmer la mise en œuvre dune technique ».

Proposition n° 7 : Engager une réflexion sur lintroduction en procédure administrative (voire civile) dadaptations au principe du contradictoire, pour mieux garantir la confidentialité et la sécurité du travail des services de renseignement.

D.   Les autres services régaliens

Si les services relevant de la justice, de la sécurité civile et des affaires étrangères paraissent relativement prémunis contre la radicalisation de leurs agents, la vigilance doit toutefois, en ce qui les concerne, être encore plus forte que pour les militaires et les policiers dans la mesure où ils ne bénéficient pas des mêmes outils que ces derniers (outils offerts par le statut militaire, expertise de l’IGPN ([81]), etc.).

1.   Les surveillants pénitentiaires

Lors de son audition, M. Stéphane Bredin, directeur de l’administration pénitentiaire, a reconnu que les surveillants pénitentiaires étaient particulièrement exposés au risque de radicalisation, compte tenu notamment de la radicalisation d’une proportion non négligeable des détenus eux-mêmes. Il a toutefois affirmé que très peu d’agents de l’administration pénitentiaire étaient inscrits au FSPRT, moins d’une dizaine sur un effectif total proche de 41 000 personnes. L’UFAP UNSa Justice avance, quant à elle, le cas d’une trentaine d’agents signalés, dont certains feraient l’objet d’une fiche S. Les cas en cause concerneraient davantage des situations individuelles ([82]) que des groupes d’agents radicalisés, selon la direction de l’administration pénitentiaire. Cette radicalisation a pu se manifester, par exemple, par le refus de serrer la main d’une collègue. L’une des organisations syndicales auditionnées par les rapporteurs a cité l’exemple d’un surveillant qui avait été surpris en train de faire sa prière avec un détenu, dans la cellule de celui-ci.

M. Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires Paris-Île-de-France, a confirmé, de son côté, qu’il n’avait pas observé de phénomène significatif de radicalisation parmi le personnel placé sous son autorité. Les cas de suspicion, lorsqu’ils existent, font l’objet d’un suivi par les services partenaires. L’affaire évoquée dans la presse en 2016 (affaire dite des « Barbus aux Baumettes ([83]) »), aurait, d’après l’administration pénitentiaire et les organisations syndicales, été montée en épingle, comme une inspection menée sur place l’aurait démontré.

Il a pu exister dans le passé une difficulté en termes de repérage et de signalement. Cependant, depuis qu’en 2017 le renseignement pénitentiaire a intégré les GED ([84]), l’administration pénitentiaire est systématiquement informée de l’inscription d’un de ses agents au FSPRT. Par ailleurs, le service du renseignement pénitentiaire a été autorisé par l’article 89 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice précitée à faire porter ses investigations non seulement sur les détenus, mais aussi sur les agents. La réserve figurant à l’article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure selon laquelle les techniques de renseignement utilisées par le renseignement pénitentiaire ne pouvaient être utilisées qu’ « à lencontre des seules personnes détenues » a en effet été supprimée. Les signalements, provenant des établissements pénitentiaires ou des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) font l’objet, via les directions interrégionales, d’une remontée vers l’administration centrale. Il semble toutefois manquer, selon les rapporteurs, une structure spécialement consacrée au suivi des personnels radicalisés, qui pourrait être destinataire des signalements et assurer un rôle de coordination.

Proposition n° 8 : Mettre en place, au sein de ladministration pénitentiaire, une cellule nationale spécifiquement dédiée au suivi des personnels radicalisés.

Les agents inscrits au FSPRT sont suivis par les services de renseignement partenaires. Il n’est pas apparu à ce jour d’éléments suffisants (tels que des fautes professionnelles) pour les sanctionner disciplinairement. Un courrier d’un préfet au directeur de l’administration pénitentiaire, non accompagné d’éléments factuels, ne permet pas à celui-ci d’agir. Auditionné par les rapporteurs, un représentant du syndicat CGT Pénitentiaire a confirmé que, depuis six ans qu’il siège à la commission de discipline, aucun fait de radicalisation de fonctionnaire n’y a été abordé ([85]). En revanche, certains agents concernés ont été affectés à des postes administratifs ou dans des centres de semi-liberté, sans accès aux miradors ni à l’armurerie.

S’agissant du recrutement des personnels des services de l’administration pénitentiaire, il est visé à l’article R. 114-2 du code de la sécurité intérieure parmi les hypothèses pouvant donner lieu à enquête administrative en application de l’article L. 114-1 du même code. Il semble, d’après plusieurs organisations syndicales, que ces enquêtes soient pour l’instant rarement menées et que, lorsqu’elles le sont, leurs conclusions arrivent souvent tardivement (au moment du stage, voire de la titularisation). La reprise au cours de l’année 2019 de ces enquêtes administratives de recrutement par le SNEAS devrait être de nature à répondre à ces critiques. Le SNEAS évalue le nombre de ces enquêtes à environ 7 000 par an. Les rapporteurs insistent sur la nécessité que ce criblage soit systématique.

Proposition n° 9 : Garantir que les recrutements de surveillants pénitentiaires fassent systématiquement lobjet dune enquête administrative menée par le SNEAS.

Les organisations syndicales ont également mis en cause la baisse d’exigence dans le recrutement du personnel pénitentiaire ([86]), recrutement davantage orienté vers la quantité que vers la qualité, d’autant plus que ce corps de fonctionnaires connaît beaucoup de démissions et de départs (par voie de concours ou de détachement) vers d’autres services (douanes, police, gendarmerie, voire polices municipales). Ce faisant, comme l’a souligné le SNEPAP, on prend le risque d’employer des personnes non sûres du point de vue de la radicalisation, ou en tout cas qui ne disposent pas des armes intellectuelles pour se défendre contre le prosélytisme.

Proposition n° 10 : Élever le niveau dexigence dans le recrutement du personnel pénitentiaire.

La durée de la formation initiale a, en parallèle, été réduite de huit à six mois, comme l’ont souligné le SNEPAP et la CGT Pénitentiaire. D’après l’UFAP UNSa Justice, le personnel ne bénéficie d’aucune formation efficace sur la question du terrorisme islamiste, de la diffusion de l’idéologie djihadiste et de l’islam radical en milieu carcéral. L’information dispensée sur le sujet reste très sommaire et engendre plus de confusion et d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses et de moyens d’agir et de réagir. Le raccourcissement de la formation paraît peu opportun si l’on veut armer intellectuellement et moralement les fonctionnaires concernés, pour beaucoup jeunes et peu expérimentés, face au prosélytisme auquel ils peuvent être confrontés dans le milieu pénitentiaire (collègues, mais surtout détenus) ou à l’extérieur.

Proposition n° 11 : Augmenter la durée de formation des surveillants pénitentiaires et lenrichir en matière de prévention et de détection de la radicalisation.

2.   La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

Si elle est très rare, la radicalisation n’est pas pour autant totalement inconnue chez la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Elle n’a pas été traitée, certes, sous l’angle disciplinaire à ce jour. En revanche, d’une part, une personne, dont on avait appris par ailleurs qu’elle était en contact avec une association radicalisée et avec des personnes poursuivies pénalement, a vu son stage non validé. D’autre part, un centre éducatif fermé (CEF) a dû cesser son activité en raison d’un certain nombre de dysfonctionnements mais aussi de la présence d’éducateurs donnant des signes de radicalisation (dont au moins un faisait l’objet d’une fiche S).

Préalablement à un recrutement ou une affectation, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et ses directions régionales peuvent consulter le Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS ([87])) et le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT ([88])). En revanche, le code de la sécurité intérieure ne permet pas, à ce jour, de réaliser des enquêtes administratives sur le fondement de l’article L. 114‑1 du code de la sécurité intérieure. Celui-ci vise en effet « les emplois publics participant à lexercice des missions de souveraineté de lÉtat » ou encore « les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense », mais pas les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse.

Les rapporteurs suggèrent de compléter l’article L. 114‑1 afin que le personnel de la PJJ, auquel on peut adjoindre celui de l’aide sociale à l’enfance (ASE), puissent faire l’objet d’enquêtes administratives confiées au SNEAS.

Proposition 12 : Permettre la réalisation denquêtes administratives, confiées au SNEAS, concernant les emplois relevant de la protection judiciaire de la jeunesse et de laide sociale à lenfance.

Lors de son audition, M. Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, s’est déclaré favorable à une extension du criblage vers les personnels en contact avec les publics jeunes ou vulnérables.

Cette préconisation rejoint également la mesure n° 20 du PNPR qui appelle, s’agissant notamment des agents publics en contact régulier avec des mineurs, à « engager une réflexion (…) pour mobiliser et compléter les instruments juridiques permettant décarter de ses fonctions un agent public en contact avec des publics sur lesquels il est susceptible davoir une influence, et dont le comportement porte atteinte aux obligations de neutralité, de respect du principe de laïcité, voire comporte des risques dengagement dans un processus de radicalisation ». Les conclusions de cette réflexion, menée sous l’égide du CIPDR et de la DGAFP, devaient être remises avant la fin du premier trimestre 2018. Elles ne sont toujours pas connues à ce jour.

Proposition n° 13 : Faire connaître les conclusions de la réflexion engagée à linitiative du Gouvernement au premier trimestre 2018 sur la modification des instruments juridiques permettant décarter de ses fonctions un agent public radicalisé en contact avec un public influençable.

3.   Les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS)

La radicalisation semble très peu toucher le monde des sapeurs-pompiers. D’après le préfet Jacques Witkowski, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), seuls trois d’entre eux seraient inscrits au FSPRT (et tous ne seraient plus en fonctions). La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) avance quant à elle le chiffre de cinq sapeurs-pompiers inscrits au FSPRT, hors personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS) des services d’incendie et de secours. Le système de la vie en caserne, certainement, contribue à une détection précoce de toute dérive.

Un rapport du colonel Stéphane Millot, intitulé La radicalisation et les services dincendie et de secours, a montré que cette étanchéité à toute radicalisation n’allait pourtant pas entièrement de soi. Comme l’indique la présentation de son rapport ([89]), « si radicalisation et sapeurs-pompiers semblent presque être antinomiques au premier abord, une analyse plus fine fait apparaître un certain nombre dinteractions. Les services dincendie et de secours (SIS), à linstar des forces de sécurité intérieure, des armées, des administrations ou des entreprises, ne peuvent-ils être confrontés à lexistence de la radicalisation dans leurs propres rangs ? » Encore est-il indispensable de distinguer, bien entendu, suivant les 97 SDIS répartis sur le territoire.

Les rapporteurs insistent sur le fait que seuls le Bataillon de marins‑pompiers de Marseille (BMPM) et la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) pratiquent un criblage à l’engagement et au rengagement (tous les cinq ans). Les autres sapeurs-pompiers, de même que les PATS des services d’incendie et de secours ([90]) (même ceux occupant des postes « à risque »), ne font pas l’objet d’enquêtes administratives, que ce soit au recrutement ou en cours de carrière. Les bénévoles des associations de sécurité civile ne sont pas non plus soumis à un criblage. Il y a là un vide qu’il convient de combler.

 


 

Proposition n° 14 : Permettre la réalisation denquêtes administratives, confiées au SNEAS, au stade du recrutement et en cours de carrière, concernant les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels ainsi que les personnels administratifs, techniques et spécialisés occupant des postes sensibles (cartographes, spécialistes des systèmes de sécurité incendie, ingénieurs « risques », etc.), voire certains bénévoles des associations de sécurité civile.

Il apparaît en outre que les sapeurs-pompiers ne sont manifestement pas assez formés à la prévention de la radicalisation. Afin d’améliorer les choses, il faudrait prioritairement former les officiers, les sous-officiers supérieurs (encadrement en centre de secours), les organisations syndicales des SIS, les PATS d’encadrement et les animateurs des sections de jeunes sapeurs-pompiers à cette problématique. Il a été indiqué en audition aux rapporteurs que l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) était sur le point de mettre en place un module de sensibilisation en la matière (enjeux liés à la radicalisation, compréhension du phénomène, détection et signalement). Ces séances ont vocation à être animées par des référents en charge de la prévention de la radicalisation. Il y a là un premier pas dans la bonne direction ([91]).

Proposition  15 : Former les officiers, les sous-officiers supérieurs, les organisations syndicales des SIS, les PATS dencadrement et les animateurs des sections de jeunes sapeurs-pompiers à la prévention et à la détection de la radicalisation.

Depuis les années 2000, les SIS participent aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), mais uniquement dans leur volet délinquance, pas dans leur volet radicalisation, ce qui paraît regrettable. Par ailleurs, ils ne sont membres ni des Groupes d’évaluation départementaux (GED), ni des Cellules départementales de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles (CPRAF). Leur participation à ces instances aurait pourtant un sens, non pas tant peut-être pour la prévention des dérives en leur sein que pour la lutte contre la radicalisation dans la société française en général. Les pompiers sont en effet amenés à intervenir en tout lieu (une intervention en moyenne toutes les sept secondes ([92])), sur la voie publique mais aussi au domicile de tout un chacun, et ils peuvent à cette occasion repérer des signes de radicalisation (emblèmes de Daesh ou d’Al-Qaïda, matériel suspect, etc.). Il est important que ce type d’information puisse être analysé et débattu afin, le cas échéant, de donner lieu à signalement. La désignation d’un référent radicalisation au sein de chaque SDIS, demandée par le DGSCGC dans une note du 19 mars 2019, permettra aux préfectures d’avoir un interlocuteur. Ceci constitue, là encore, un pas dans la bonne direction, mais qui n’est pas suffisant aux yeux des rapporteurs.

Proposition  16 : Intégrer un officier représentant les SDIS au sein de chaque Groupe dévaluation départemental (GED) et de chaque cellule départementale de suivi pour la prévention de la radicalisation et laccompagnement des familles (CPRAF).

4.   Les ambassades

Le personnel du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), toutes catégories confondues, sert pour les deux tiers à l’étranger. Parmi les agents servant à l’étranger, la moitié est employée sous droit local (l’autre moitié étant constituée d’expatriés). La presse s’est fait l’écho, en septembre 2017, de la présence, parmi les employés locaux des ambassades de France au Royaume-Uni et au Qatar, de personnes liées aux mouvances djihadistes et repérées par les services de renseignement ([93]).

Les rapporteurs ont auditionné à ce sujet Mme Hélène Farnaud‑Defromont, directrice générale de l’administration et de la modernisation au MEAE. Celle-ci est en charge de la sécurité en matière d’habilitation des personnels. Selon elle, il n’y a eu qu’un seul véritable cas de radicalisation sur l’ensemble du réseau diplomatique. Il s’agissait d’un agent de droit local de l’ambassade de France à Londres. Il a été identifié après des échanges avec les services de renseignement locaux. Cette personne, qui travaillait dans les services support et n’était pas au contact du public, a été licenciée dans la semaine qui a suivi le signalement.

Depuis 2015, le MEAE a développé une politique de prévention et de repérage de la radicalisation. Pour ce qui est de la prévention et plus précisément de la sensibilisation à la détection, le ministère a, avec les services de la sécurité diplomatique, mis en place une formation pour les expatriés qui comporte un volet sur la détection de la radicalisation. Les chefs de poste, les officiers de sécurité, les ambassadeurs, mais aussi tous les agents de catégorie C en bénéficient de manière systématique depuis 2015.

Par ailleurs, les personnels précités font tous l’objet d’une habilitation dès lors qu’ils sont affectés à l’étranger. Le nombre des emplois soumis à habilitation a été multiplié par quatre au cours des dernières années. Les services instructeurs font face à un engorgement croissant depuis trois ans. La procédure peut prendre jusqu’à dix-huit mois pour certains personnels. C’est pourquoi les demandes d’habilitation ont été hiérarchisées de manière à privilégier les personnels de haut niveau de responsabilité et ceux qui partent pour des pays particulièrement sensibles.

En ce qui concerne les agents de droit local, le premier contrat, au stade du recrutement, donne lieu à un criblage, systématique depuis 2015. Dans les États avec lesquels la France a établi une forte relation de confiance, ce criblage est confié aux services spécialisés du pays. Dans ceux avec lesquels la relation de confiance est moins forte, il est recouru au représentant du ministère de l’Intérieur et à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Pour les agents de droit local qui servent déjà et qui pourraient être amenés à se radicaliser, les sensibilisations effectuées auprès des agents, et surtout des officiers de sécurité, ont pour objet de permettre une détection la plus rapide possible.

Les rapporteurs attirent l’attention sur le fait que le MEAE ne dispose pas des mêmes moyens que le ministère des Armées ou que celui de l’Intérieur pour se séparer de fonctionnaires radicalisés (hors agents de droit local), sauf à ne pas titulariser les intéressés si leur radicalisation est détectée au cours de l’année de stage. De même, il arrive que le MEAE soit informé, de manière indirecte, que certains agents font l’objet d’une fiche S. Le ministère est alors assez démuni quant à la façon de gérer la situation de la personne concernée (étant rappelé que la fiche S constitue avant tout un outil de travail pour les services de renseignement et de police). Les rapporteurs invitent à engager une réflexion sur les moyens de doter le MEAE de moyens juridiques accrus pour faire face à cette problématique.

E.   L’école et la culture

À la fois lieu de transmission des valeurs républicaines et de détection de phénomènes de radicalisation, l’école constitue une priorité de la politique de prévention de la radicalisation. Ainsi, les dix premières mesures du Plan national de prévention de la radicalisation lui sont consacrées dans son volet « prémunir les esprits contre la radicalisation ».

L’école dans le Plan national de prévention de la radicalisation

● Défendre les valeurs de lécole républicaine

– Mesure 1 : développer les dispositifs de soutien à la laïcité aux niveaux national et académique, en les adaptant aux besoins locaux et en renforcer la formation aux valeurs républicaines des enseignants et de l’ensemble des personnels de la communauté éducative ;

– Mesure 2 : développer plus particulièrement dans les quartiers sensibles les plans « devoirs » et « mercredis » pour mieux accompagner les élèves dans leurs apprentissages y compris en matière d’éducation aux médias, sur les temps scolaires et périscolaires ;

● Fluidifier la détection dans lensemble des établissements scolaires

– Mesure 3 : diffuser dans l’ensemble des établissements scolaires le guide établi par l’Éducation nationale à l’attention des chefs d’établissements afin de fluidifier encore davantage la détection dans les établissements relevant de l’Éducation nationale. Sur la base de kits de formation conçus et mis à disposition par CIPDR, former les policiers et les gendarmes exerçant déjà des missions de prévention et de proximité auprès des établissements scolaires pour améliorer les actions de prévention de la radicalisation et la détection des indicateurs de basculement ;

– Mesure 4 : diffuser le guide et les formations développées par l’Éducation nationale dans les lycées maritimes, agricoles, militaires et dans les centres de formation des apprentis (en lien avec les régions), afin de faciliter la détection et l’accompagnement des jeunes signalés. Dans l’enseignement agricole, étendre les formations dispensées aux personnels de direction, aux équipes pédagogiques et éducatives, et favoriser l’utilisation des outils existants tant en interne qu’en externe ;

Travailler en réseau dans le contrôle de la scolarisation en établissements denseignement hors contrat et de linstruction dans la famille

– Mesure 5 : faire évoluer le régime juridique encadrant l’ouverture des établissements d’enseignement privés hors contrat en unifiant les trois régimes déclaratifs actuels et en renforçant leur efficience ;

– Mesure 6 : au niveau national, spécialiser des équipes d’inspecteurs académiques et diffuser au niveau territorial un guide de bonnes pratiques sur les contrôles des établissements d’enseignements privés hors contrat ;

– Mesure 7 : au niveau départemental, mettre en place une formation restreinte de la cellule de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles (CPRAF), pour coordonner les contrôles des établissements hors contrat et des situations d’instruction à domicile en cas de suspicion de radicalisation ;

– Mesure 8 : en cas de signalement de radicalisation et sous le pilotage du préfet, améliorer la fluidité de la transmission de l’information avec le maire et l’inspection académique. L’objectif étant de s’assurer du caractère exhaustif du recensement des enfants soumis à l’obligation scolaire et d’accélérer la mise en œuvre des contrôles obligatoires en matière d’instruction dans la famille. Les services académiques doivent s’assurer que le suivi de la situation du mineur se fait dans les meilleures conditions ;

Renforcer les défenses des élèves

– Mesure 9 : prémunir les élèves face au risque de radicalisation dans l’espace numérique et aux théories du complot en systématisant l’éducation aux médias et à l’information (EMI), tout en développant leur pensée critique et la culture du débat ;

– Mesure 10 : poursuivre la formation pédagogique des personnels, développer les ressources et outils à disposition.

Les rapporteurs ont constaté que les mentalités avaient évolué au sein de l’Éducation nationale et que les personnels n’hésitaient plus à mettre en œuvre les procédures de signalement. Lors de son audition par la mission, Mme Muriel Domenach, secrétaire générale du CIPDR, a confirmé ce changement de culture qui permet d’avoir désormais des signalements rapides, notamment lorsqu’il semble y avoir un risque de départ de jeunes pour le Djihad. Selon les chiffres transmis par l’UCLAT, environ 900 mineurs ont été signalés en 2015, 580 l’ont été en 2016 et 310 en 2017, l’Éducation nationale étant à l’origine d’environ un tiers des signalements de mineurs effectués auprès des états-majors de sécurité.

L’Éducation nationale a mis en place plusieurs outils et plusieurs structures pour mieux prévenir et détecter la radicalisation :

– des outils de sensibilisation à destination des personnels de l’Éducation nationale et des chefs d’établissements (un livret actualisé en 2017 et un guide présentant le cadre partenarial de la prise en charge des jeunes en voie de radicalisation) ;

– un vade-mecum sur la laïcité à l’école qui propose des conseils et des sanctions susceptibles d’être prononcées afin de donner une référence commune à tous les établissements ;

– un référent « radicalisation » nommé par chaque recteur à l’échelle académique et un référent départemental « radicalisation » nommé par chaque directeur des services départementaux de l’Éducation nationale.

Le référent « radicalisation » académique a pour mission de coordonner la politique académique de prévention de la radicalisation (diffusion de la documentation nationale, formations académiques, mise en relation des référents départementaux). Selon le guide interministériel de prévention de la radicalisation publié en mars 2016, « il doit veiller à la complémentarité de son action avec les autres référents académiques pouvant intervenir dans ce domaine : le correspondant chargé de la prévention contre les dérives sectaires, le référent laïcité et tout autre personnel susceptible, par les fonctions quil occupe, daider à prévenir les phénomènes de radicalisation. »

Le référent départemental, nommé par le directeur académique des services de l’Éducation nationale, est membre de la cellule de suivi préfectorale et doit être l’interface entre les établissements scolaires et cette cellule. Il a pour mission :

– d’accompagner les établissements ;

– d’aider au repérage des élèves susceptibles d’être en voie de radicalisation en faisant connaître les outils à disposition pour reconnaître les signaux faibles et les indicateurs de basculement et les procédures de signalement à suivre ;

– de veiller à l’organisation de formations à l’échelle départementale en lien avec les partenaires territoriaux concernés ;

– de participer en fonction des décisions prises par la cellule préfectorale, au suivi des jeunes en voie de radicalisation ou radicalisés en assurant, en lien étroit avec les équipes éducatives, une continuité de la scolarité du jeune concerné.

Ce réseau de référents a pour mission d’animer territorialement la politique conduite par le ministère de l’Éducation nationale pour prévenir le plus en amont possible les phénomènes de radicalisation.

Ces outils sont complétés par la loi du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat ([94]) et par le décret d’application du 29 mai 2018 ([95]) qui précisent les conditions d’ouverture de ces établissements et les modalités de contrôle.

La loi du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat

Cette loi a pour objectif d’encadrer davantage les ouvertures d’écoles privées hors contrat en permettant notamment aux maires de s’y opposer plus facilement. Il prévoit ainsi que le directeur académique des services de l’Éducation nationale, le maire, le préfet ou le procureur de la République peuvent s’opposer, dans un délai de trois mois, à l’ouverture de ces écoles, en listant les motifs sur lesquels ces derniers peuvent s’appuyer pour refuser l’ouverture d’un établissement.

La loi précise également toutes les pièces que doivent fournir les personnes désirant ouvrir une telle école et alourdit les peines encourues si ces personnes passent outre l’opposition formulée par les autorités compétentes ou ne remplissent pas l’ensemble des conditions requises. La sanction se traduit par une amende de 15 000 euros.
Le texte prévoit par ailleurs des contrôles renforcés sur la qualification des enseignants ainsi que sur le contenu de l’enseignement dispensé. Ainsi, les écoles hors contrat doivent communiquer, chaque année, à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation « les noms et les titres des personnes exerçant des fonctions denseignement » et un contrôle par l’État est effectué au cours de la première année d’exercice des écoles hors contrat.

La loi prévoit également qu’à la suite de la mise en demeure de la fermeture d’un établissement, les parents des élèves qui y sont scolarisés doivent les inscrire, dans un délai de quinze jours, dans un autre établissement.

Enfin, le fait de diriger un établissement hors contrat en dépit de l’opposition formulée par les autorités ou ne remplissant pas les conditions requises peut être puni d’une amende de 15 000 euros ainsi que d’une interdiction de diriger un établissement et d’y enseigner à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus. Dans ces conditions, l’établissement est également fermé.

Par ailleurs, le projet de loi pour une école de la confiance qui devrait être prochainement promulgué, renforce les contrôles en matière d’instruction en famille : son article 5 renforce les pouvoirs de l’inspecteur d’académie en lui permettant de mettre en demeure les familles, qui ne respectent pas les dispositions encadrant l’instruction en famille, d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire.

Lors de son audition par la mission, Mme Stéphanie Gautier, chef de cabinet du directeur académique des services de l’Éducation nationale des Bouches-du-Rhône, a indiqué qu’elle avait signalé dix membres du personnel de l’Éducation nationale sur les douze derniers mois et que se posait la question de suites administratives pouvant être données à un signalement si aucune faute professionnelle n’était, par ailleurs, constatée. Elle a également considéré que le délai de trois mois prévu par la loi du 13 avril 2018 pour s’opposer à l’ouverture d’un établissement hors contrat était trop court pour permettre de procéder à toutes les vérifications nécessaires.

Les rapporteurs considèrent qu’un renforcement des outils de détection de la radicalisation est nécessaire et que l’extension de la compétence du SNEAS aux personnels de l’Éducation nationale qui sont en contact avec des mineurs serait pertinente.

Proposition n° 17 : Étendre la compétence du SNEAS aux personnels de lÉducation nationale qui sont en contact, de par leurs fonctions, avec des mineurs.

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Les auditions menées par les rapporteurs les amènent à juger que la radicalisation demeure un phénomène limité et contrôlé, de façon incontestable dans les forces armées et les forces de sécurité intérieure, mais aussi, avec plus de nuances, dans les autres services régaliens qu’ils ont étudiés. Des progrès demeurent toutefois possibles et justifient la série de propositions formulées par les rapporteurs. À ces propositions, ils souhaitent en ajouter une autre, tendant à engager une réflexion sur l’opportunité et les moyens (notamment juridiques) d’étendre les enquêtes administratives de sécurité aux membres de la famille des candidats à un emploi.

Si les rapporteurs dressent donc un constat plutôt rassurant du traitement de la radicalisation dans le personnel des forces de sécurité et de la justice, ils tiennent en revanche à faire part, dans la logique du continuum de sécurité, de leurs préoccupations en ce qui concerne les polices municipales ([96]) et, plus encore, la sécurité privée ([97]). Ces secteurs font lobjet de contrôles moins stricts alors même que leurs membres remplissent des missions de sécurité et peuvent être armés.

Le secteur de la sécurité privée est certes supervisé par le CNAPS, établissement public administratif, a été créé par la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 ([98]). Placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, il est chargé de l’autorisation et du contrôle des professionnels (délivrance des autorisations ; discipline, conseil et assistance à la profession). Dans son rapport annuel 2018, toutefois, la Cour des comptes s’est inquiétée de ce que plus de neuf demandes d’exercer sur dix soient satisfaites et a fait part de ses doutes sur la fiabilité des enquêtes administratives menées : « Tant en 2012 quen 2016, 92,7 % des demandeurs obtiennent un titre. Malgré lextension en 2015 des prérogatives denquête des agents du CNAPS qui ont obtenu un niveau de consultation supérieur pour deux fichiers de police, le fichier des personnes recherchées (FPR) et le traitement des antécédents judiciaires (TAJ), le taux très élevé dentrée dans la profession conduit à poser la question de la fiabilité des enquêtes administratives diligentées. Or, la qualité du processus au terme duquel un titre est délivré est dautant plus importante quen létat actuel du droit, la durée de validité des titres est de cinq années ([99]). » Il y a là matière à vigilance d’autant plus que des milliers d’agents de sécurité vont être recrutés en vue des Jeux Olympiques de Paris en 2024.

En ce qui concerne les polices municipales, une piste intéressante pourrait consister à créer un corps d’inspection qui lui soit propre, comme le réclament certains de leurs représentants syndicaux. Mme Alice Thourot et M. Jean-Michel Fauvergue, de leur côté, préconisent dans leur rapport de septembre 2018 de « créer à lIGA une mission permanente de contrôle des polices municipales, qui serait réalisée avec le concours de lIGPN et de lIGGN ([100]) ».

Le fait que le SNEAS prenne en charge au cours de l’année 2019 les enquêtes relatives à l’agrément des policiers municipaux (5 750 enquêtes par an si l’on inclut celles concernant les artificiers et les transporteurs de fonds) et celles relatives au port d’arme des agents privés de sécurité (5 000 enquêtes par an) constitue un premier pas dans la bonne direction.


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III.   Des zones d’ombre persistantes

Les principaux services régaliens, dans les domaines de la sécurité, de la justice ou de la diplomatie, semblent largement préservés de toute radicalisation significative de leur personnel, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ne reste pas des progrès à accomplir en termes de prévention et de détection. D’autres secteurs de l’action publique au sens large apparaissent en revanche, à des degrés divers, davantage touchés par la radicalisation soit du personnel, soit du public.

A.   Les détenus radicalisés

Les personnes incarcérées font partie des « usagers » du service public et, à ce titre, les rapporteurs se sont penchés sur l’ampleur de la radicalisation parmi eux.

1.   Une radicalisation ancrée chez les détenus pour terrorisme et chez un nombre significatif de détenus pour faits de droit commun

La prise de conscience d’une véritable problématique de radicalisation islamique en prison date de 2014. L’administration pénitentiaire connaissait déjà bien entendu des personnes incarcérées pour faits de terrorisme (Basques, Corses) mais ceux-ci tendaient à rester entre eux. Les radicalisés islamiques se caractérisent au contraire par leur prosélytisme. On sait que Cherif Chekatt, auteur de l’attentat de Strasbourg du 11 décembre 2018, s’est radicalisé au cours de ses divers allers-retours en prison à compter de 2008. Cette évolution avait été repérée par le renseignement pénitentiaire si bien qu’un suivi par la DGSI avait été mis en place lors de sa dernière sortie de détention, fin 2015. Il était inscrit au FSPRT. Ce suivi n’a malheureusement pas pu prévenir l’attentat du marché de Noël.

L’administration pénitentiaire distingue deux profils différents de détenus liés à l’islam radical. Il existe tout d’abord les détenus incarcérés pour des faits de terrorisme en lien avec l’islam radical, dits « TIS ([101]) » (Terrorisme Islamiste). Ils sont actuellement au nombre de 511 (dont 51 femmes). Ce chiffre est relativement stable depuis 18-24 mois (compris entre 490 et 510). Il est particulièrement objectif puisqu’il repose sur les condamnations judiciaires et les mandats de dépôt (bien que, pour certaines personnes catégorisées comme « TIS », l’islam radical puisse n’avoir été qu’un prétexte à une violence globale ou motivée par d’autres fins). Tous les « TIS » sont inscrits au FSPRT. La plupart d’entre eux sont détenus en région parisienne pour des raisons de proximité avec le pôle antiterroriste.

Il y a ensuite les détenus incarcérés pour des faits de droit commun mais signalés pour radicalisation (DCSR ([102])). Leur dénombrement est par définition plus délicat. L’administration pénitentiaire les évalue à un peu moins de 1 100, chiffre qui serait en légère baisse en raison, selon sa direction, d’une approche plus stricte du phénomène. M. Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure, évoque, quant à lui, un chiffre de plus de 1 100 détenus concernés. D’après l’UFAP-UNSa Justice ([103]), le personnel pénitentiaire en estimerait le volume plutôt entre 1 500 et 2 000, étant précisé qu’il est difficile de donner un chiffre précis, compte tenu du caractère évolutif du processus de radicalisation. Des biais peuvent, d’après le SNEPAP, affecter cette évaluation. Ainsi, certains détenus exagèrent une radicalisation largement artificielle dans l’espoir de bénéficier par priorité des dispositifs d’insertion et de probation. D’autres, soumis à la pression de leurs codétenus, affichent une radicalisation de façade pour avoir la paix en détention. À l’inverse, de véritables radicalisés peuvent ne pas être détectés du fait de leur pratique de la taqiya (dissimulation). Parmi les détenus incarcérés pour des faits de droit commun mais signalés pour radicalisation, environ 700 à 750 sont inscrits au FSPRT ([104]).

Devant l’incertitude des chiffres concernant la population carcérale de droit commun radicalisée, d’une part, et les stratégies mises en place par certains détenus pour cacher leurs véritables convictions, d’autre part, les rapporteurs invitent à retravailler et à affiner les critères de détection de la radicalisation. Cet effort devra s’accompagner, comme cela a été dit plus haut, d’une véritable formation du personnel sur l’islam radical en milieu carcéral et la diffusion de l’idéologie djihadiste ainsi que sur les attitudes professionnelles à adopter pour y faire face.

Proposition  18 : Affiner les critères de détection de la radicalisation chez les détenus de droit commun.

S’agissant du milieu ouvert, 635 personnes étaient suivies en 2018 au titre de la radicalisation par les SPIP : 135 poursuivis pour des faits de terrorisme islamiste (85 sous contrôle judiciaire et 50 condamnés en milieu ouvert) et 500 poursuivis pour des faits de droit commun ([105]).

Le nombre élevé de détenus radicalisés accroît le risque de propagation de la radicalisation parmi les autres détenus. Ce nombre élevé est aussi susceptible de renforcer certains réseaux islamistes (par la multiplication des contacts et l’échange de « compétences » entre détenus) et de faciliter l’organisation de passages à l’acte (voire de projets terroristes). L’expérience dont dispose l’administration pénitentiaire dans la gestion des détenus terroristes « politiques » (Corses, Basques) ne lui est pas d’une grande aide face aux risques de prosélytisme islamiste et de passage à l’acte violent en détention.

La surpopulation carcérale est par ailleurs un facteur d’aggravation de la radicalisation, comme l’a souligné M. Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires Paris‑Île-de-France ([106]). Mme Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, le soulignait dès 2015 : « Limportance de la surpopulation carcérale, dont les pouvoirs publics semblent avoir pris la mesure mais sans y apporter de réponse suffisante, a un impact direct sur les conditions de prise en charge des personnes détenues (…) Les phénomènes de prosélytisme sy développent à lévidence beaucoup plus facilement. Ce lien de causalité nest pas suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics dans la réflexion sur la radicalisation en milieu carcéral ([107]). »

Face à cette radicalisation amplifiée par la surpopulation carcérale, il semble aux rapporteurs que les aumôniers musulmans ne remplissent pas tout le rôle de prévention qu’ils pourraient jouer, en complément de mesures d’insertion par l’éducation, la formation, l’emploi, etc. Ils sont tout d’abord insuffisamment nombreux. En 2018, on comptait 231 aumôniers musulmans contre 720 aumôniers catholiques, pour 188 établissements pénitentiaires.

Ensuite, les aumôniers musulmans ne peuvent s’appuyer, à la différence de l’aumônerie catholique par exemple, sur un clergé constitué, rémunéré et protégé. Ils peuvent ainsi être confrontés à une certaine précarité, aussi bien salariale que sur le plan de la protection sociale. Les indemnités de vacations ne sont en effet pas soumises aux cotisations vieillesse et maladie, cette activité n’étant pas appelée à être exercée à plein-temps. Si la plupart des aumôniers de prison sont rattachés à un régime de protection sociale, certains, qui ont pour seule activité et rémunération les vacations d’aumônerie, peuvent se retrouver dépourvus de protection sociale, notamment si l’association cultuelle ne les rattache pas à la Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes. Ces conditions d’exercice sont la cause de difficultés de recrutement croissantes, étant souligné que la tâche des aumôniers musulmans est déjà en soi ardue dans la mesure où ils sont considérés par certains détenus comme des aumôniers institutionnels dont il faut se détourner.

Les rapporteurs reprennent à leur compte la proposition formulée par M. Bruno Questel, dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019 ([108]), visant à engager la réflexion sur un rapprochement du statut, de la rémunération et de la couverture sociale des aumôniers pénitentiaires sur ceux applicables aux aumôniers militaires, lesquels sont des contractuels de l’armée. Ils partagent également sa préconisation tendant à augmenter les moyens dont sont dotées les aumôneries nationales pénitentiaires, sous réserve, au préalable, de déterminer plus précisément leurs besoins en se fondant sur un référentiel indicatif élaboré par l’ensemble des aumôniers nationaux sur la base des données relatives aux inscriptions dans chaque culte, sans qu’il soit nécessaire d’établir des statistiques religieuses.

Proposition  19 : Renforcer les moyens et le statut des aumôniers pénitentiaires, et en particulier des aumôniers musulmans.

2.   Les quartiers d’évaluation de la radicalisation et l’affectation des détenus

Pour répondre à l’enjeu de la radicalisation, des « Quartiers d’Évaluation de la Radicalisation » (QER) ont été mis en place ([109]) à Fresnes, à Osny (Val-d’Oise), à Fleury-Mérogis et à la Maison centrale de Vendin-le-Vieil (à proximité de Lens) ([110]). L’ouverture prochaine de deux autres QER est prévue. Les QER ont pris la suite des « Unités de prévention de la radicalisation » (UPRA) qui avaient été un échec ([111]).

Les activités qui s’y déroulent (entretiens avec différents professionnels, débats, activités sportives, culturelles ou artistiques, etc.) ont des objectifs spécifiques à l’évaluation. Le passage en QER vise plus précisément à évaluer :

– le risque de passage à l’acte violent fondé sur un motif extrémiste religieux ;

– le niveau d’imprégnation idéologique et d’influence afin de déterminer le risque de nuisance en détention ordinaire en termes de prosélytisme et de contrainte sur les autres détenus.

Une session en QER rassemble douze détenus pour une période de dix‑sept semaines. Elle fait intervenir une équipe pluridisciplinaire (psychologues, personnels des SPIP, éducateurs) dont les membres vont croiser leurs regards sur la personne évaluée. À l’issue de cette évaluation, les détenus concernés sont orientés en fonction de leur dangerosité vers différents établissements pénitentiaires.

Tous les détenus écroués pour faits de terrorisme islamiste (TIS) passent par un QER. Les rapporteurs s’interrogent sur la pertinence de la stratégie de l’administration pénitentiaire, ayant consisté à évaluer par priorité les « TIS », alors que, s’agissant d’individus poursuivis pour faits de terrorisme islamiste, on peut présumer que leur radicalisation est avérée. Il aurait paru plus opportun de commencer par évaluer les DCSR, en contact direct avec le reste de la population carcérale et dont le prosélytisme paraît le plus dangereux. On rappellera, à titre d’illustration, que Michael Chiolo, auteur de l’attentat commis le 5 mars 2019 contre deux surveillants de la prison de Condé‑sur‑Sarthe (il affirmait vouloir « venger Cherif Chekatt »), était précisément un détenu de droit commun qui s’était radicalisé en prison tout comme Mohammed Merah, Amedy Coulibaly et Mehdi Nemmouche.

Proposition n° 20 : Évaluer par priorité la radicalisation et la dangerosité des détenus de droit commun susceptibles de radicalisation (DCSR).

Aux évaluations faites en QER s’ajoutent celles effectuées par les équipes pluridisciplinaires locales. Toutes contribuent à la politique d’affectation des détenus qui vise à concilier les impératifs de sécurité du personnel et de prise en charge des détenus.

Politique d’affectation des détenus

Niveau de radicalité

Affectation

Objectifs

Idéologue très prosélyte et/ou très violent incompatible avec une prise en charge collective

Quartier d’isolement (QI)

Étanchéité

Sécurité du personnel

Endiguement du prosélytisme

Idéologue prosélyte ou susceptible d’être violent. Toutefois, moins risqué et compatible avec une prise en charge collective

Quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) ([112])

Étanchéité avec le reste de la population pénale

Sécurité du personnel et endiguement du prosélytisme

Désengagement possible (renoncement à la violence tout en restant radicalisé)

Public radicalisé, vulnérable, non prosélyte

Détention ordinaire

Réaffiliation sociale, réhabilitation

Insertion sociale et professionnelle

Non radicalisé, neutre, indifférent, rejet des organisations terroristes

Détention ordinaire

Insertion sociale et professionnelle

Source : Direction interrégionale des services pénitentiaires Paris-Île-de-France

Dans 78 établissements pénitentiaires sont par ailleurs mis en œuvre des programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV), qui visent à déconstruire l’appareil doctrinal des détenus radicalisés, à augmenter leur esprit critique et à faciliter leur réinsertion.

L’UFAP-UNSa Justice estime insuffisante l’étanchéité des modes de détention des TIS et des détenus de droit commun radicalisés, et donc pas assez garantie la sécurité du personnel. Cette organisation syndicale juge urgent de déployer des structures totalement étanches avec un régime de détention spécifique.

Les rapporteurs notent par ailleurs que la question des femmes détenues radicalisées ne semble pas avoir, à ce jour, été véritablement prise en compte par l’administration pénitentiaire. L’on sait que, sur les 511 détenus actuellement incarcérés pour faits de terrorisme en lien avec l’islam radical, 51 sont des femmes. Ce chiffre devrait augmenter avec les retours de certaines femmes de la zone irako-syrienne au cours des prochains mois. Plus généralement, le ministère de la Famille, de l’enfance et des droits des femmes indiquait en mars 2017 que les femmes représentaient 27,5 % des personnes signalées « radicalisées ». Il n’y a aucune différence à faire entre un homme et une femme en matière de jihadisme ; les niveaux de détermination et de dangerosité sont les mêmes. Pourtant, les détenues radicalisées ne font pas l’objet d’une évaluation ou d’une prise en charge spécifiques. Les établissements pour femmes ne sont pas adaptés à leur spécificité. Il n’y a ni QER ni QPR en ce qui les concerne. Les rapporteurs appellent à un changement de regard global sur cette question.

Proposition  21 : Engager une réflexion sur la gestion des femmes détenues radicalisées (évaluation de leur dangerosité et de leur propension au prosélytisme, adaptation du régime de détention, etc.).

3.   La montée en puissance du renseignement pénitentiaire

Le défi de la radicalisation en prison a également suscité, en réaction, un accroissement du rôle dévolu au renseignement pénitentiaire. Créé en 2003, le Bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) a d’abord eu pour mission d’assurer une surveillance des détenus dits difficiles, avant de voir sa mission étendue, après les attentats de Londres et de Madrid en 2005, aux phénomènes de radicalisation. La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a doté l’administration pénitentiaire de pouvoirs étendus à travers l’accès à certaines techniques de renseignement. Par arrêté du 29 mai 2019, le BCRP a été transformé en un service à compétence nationale, dénommé « Service national du renseignement pénitentiaire » et rattaché au directeur de l’administration pénitentiaire. Il appartient au « second cercle » du renseignement.

Cette montée en puissance s’est accompagnée de moyens supplémentaires. Le BCRP comptait 300 agents en 2018. 70 embauches supplémentaires sont prévues d’ici à 2020. Son organisation repose sur dix cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire (CIRP) et sur l’existence de délégués dans les établissements.

Le renseignement pénitentiaire est présent, depuis 2017, dans les Groupes d’évaluation départementaux (GED) qui se réunissent sous l’autorité des préfets. Lorsqu’un individu inscrit au FSPRT est incarcéré, c’est le renseignement pénitentiaire qui devient chef de file pour son suivi. Il entretient par ailleurs des échanges permanents avec les autres services de renseignement grâce à sa participation au CPO (Comité de pilotage opérationnel), qui évoque l’ensemble des dossiers sensibles, et à l’EMaP (État-major permanent), chargé de suivre l’évolution des dossiers évoqués en CPO. Les échanges entre services ont également été facilités par la mise en place au BCRP d’un officier de liaison du SCRT (Service central du renseignement territorial). L’UCLAT assure quant à elle le suivi centralisé de la problématique des sortants de prison.

Le renseignement pénitentiaire a accès au FSPRT depuis deux ans. Il crible systématiquement toutes les personnes incarcérées. En revanche, comme l’a indiqué aux rapporteurs Mme Charlotte Hemmerdinger, directrice du renseignement pénitentiaire, l’accès au FPR ([113]) lui fait toujours défaut. Une personne fichée S peut ainsi être écrouée sans qu’il en soit immédiatement informé. Les rapporteurs sont partisans d’ouvrir au Service national du renseignement pénitentiaire l’accès au sous-fichier S du FPR.

Proposition  22 : Donner au service du renseignement pénitentiaire accès au Fichier des personnes recherchées (FPR), et en particulier au sous-fichier S (Sûreté de lÉtat).

B.   Les transports publics

1.   Le développement du criblage dans le cadre de la loi « Savary »

Les transports constituent un secteur dans lequel la radicalisation doit faire l’objet d’une attention particulière compte tenu de l’enjeu pour la sécurité des personnes.

Comme il a été évoqué précédemment, l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, créé par l’article 5 de la loi « Savary », permet aux entreprises de transport public de personnes ou de marchandises dangereuses de faire précéder l’embauche ou les décisions d’affectation de leurs salariés d’enquêtes « destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées nest pas incompatible avec lexercice des fonctions ou des missions envisagées ». L’enquête doit déterminer si le comportement de la personne concernée « donne des raisons sérieuses de penser quelle est susceptible, à loccasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à lordre publics. »

L’employeur (SNCF, RATP, Keolis, etc.) peut également saisir le SNEAS en cas de doute sur un salarié en poste.

Dans le cadre d’une enquête administrative réalisée pour un recrutement ou un changement d’affectation, le SNEAS transmet à l’employeur, dans un délai de deux mois, le résultat de l’enquête sous la forme d’un simple avis (non motivé) indiquant si le comportement de l’intéressé est compatible ou non. Lorsqu’il s’agit d’une enquête administrative réalisée pour un salarié en poste, l’avis motivé d’incompatibilité avec l’emploi occupé est par ailleurs notifié au salarié dans un délai d’un mois.

Selon les éléments transmis par le SNEAS à la mission, le bilan de la loi Savary est, à ce jour, le suivant :

– 312 transporteurs terrestres de personnes se sont enregistrés auprès du SNEAS ;

– 71,7 % des enquêtes concernent le recrutement, 28,1 % les changements d’affectation et 0,2 % des personnes en poste ;

– 84,15 % des enquêtes diligentées concernent la SNCF (25,36 %) et la RATP (58,79 %) ;

– le taux d’incompatibilité s’élève à 1,35 %.

Même si le nombre denquêtes reste encore relativement modeste, on observe une forte augmentation des saisines des transporteurs en 2018. En effet, la moyenne mensuelle de ces saisines sélevait à 314 en 2017 alors quelle sélève 702 en 2018, soit une augmentation de 223 %. Le dispositif devrait monter encore en puissance avec la prise en compte en 2019 du transport de marchandises dangereuses.

Dans les éléments transmis aux rapporteurs, la RATP indique avoir transmis 5 808 dossiers au SNEAS au 31 décembre 2018 et reçu 5 550 avis positifs et 124 avis négatifs. 134 dossiers étaient en attente à cette date.

M. Stéphane Volant, secrétaire général de la SNCF a quant à lui indiqué avoir reçu un peu plus de vingt avis négatifs pour 2 125 recrutements et 2 avis négatifs pour 300 mutations internes.

S’agissant du groupe Aéroports de Paris, M. Jean-Michel Comet, directeur général adjoint et secrétaire général du groupe, a rappelé que pour garantir la sécurité des aéroports, seuls les personnels titulaires d’un badge rouge pouvaient accéder à la zone « réservée ». Ces badges sont attribués et retirés par l’autorité préfectorale après une enquête de police. Les titulaires de ce badge reçoivent une formation qui porte notamment sur la détection de comportements anormaux.

En décembre 2015, le PDG d’Aéroport de Paris, M. Augustin de Romanet, avait indiqué que près de 70 badges d’agents sur les 85 000 qui travaillaient dans les zones sécurisées des aéroports d’Orly et de Roissy, avaient été retirés après les attentats de novembre 2015 notamment « pour des faits de radicalisation ».

À l’heure actuelle, sur près de 80 000 personnes titulaires d’un badge rouge à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, 80 font l’objet d’un suivi régulier pour radicalisation et 29 d’un suivi ponctuel. 25 personnes font l’objet d’un suivi régulier et 5 d’un suivi ponctuel à l’aéroport d’Orly.

2.   Des interrogations persistantes et des pistes d’amélioration

a.   Des interrogations persistantes

Si, comme il a été constaté précédemment, le phénomène du communautarisme doit être distingué de la problématique de la radicalisation, les rapporteurs considèrent néanmoins que ce phénomène doit néanmoins requérir toute l’attention des pouvoirs publics notamment parce qu’il porte atteinte au principe de laïcité quand il est le fait d’agents publics et parce qu’il peut constituer un terrain propice à des phénomènes de radicalisation.

Pour cette raison, le phénomène de communautarisme constaté au sein de certains dépôts de la RATP doit faire l’objet de la plus grande attention. Des ouvrages ([114]) et des articles de presse ([115]) ont ainsi fait état de la montée du communautarisme dans certains dépôts de bus. Ont pu être évoqués les exemples d’agents priant sur leur lieu de travail ou refusant de serrer la main d’une femme ou l’apparition d’un syndicat communautariste dans les élections professionnelles de certains dépôts.

Les rapporteurs constatent cependant quil agit dun phénomène assez difficile à appréhender et à quantifier.

Interrogés à ce sujet, les représentants des syndicats de la RATP ont considéré que ces phénomènes restaient marginaux et que ce genre de comportement était sanctionné.

Dans les éléments transmis à la mission, la RATP indique que « la manifestation de lexpression du fait religieux peut prendre diverses formes à la RATP » mais qu’elle reste « marginale » : « des prières dans les locaux et/ou équipements ont été relevées de façon éparse. Parfois ces manifestations sont le fait des prestataires (notamment de nettoyage). Le regroupement communautaire est difficilement mesurable, compte tenu des organisations de travail, notamment à lexploitation ; il y a eu par le passé une  tradition  de se rassembler entre bretons ou antillais. Pour ce qui est des demandes particulières en termes de congés ou dhoraire, le manager na pas à être informé des raisons qui conduisent un agent à demander un jour de congé. Il apprécie au cas par cas les demandes dabsence ou daménagement de service qui sont formulées, uniquement au regard du bon fonctionnement du service, dès lors que la continuité du service est garantie et quil sest assuré quil ny a pas de rupture dégalité avec les autres salariés. Il peut arriver que quelques agents, mais là aussi cest très marginal, refusent de serrer la main de leurs collègues féminines, cependant la plupart dentre eux a bien intégré la règle permettant de ne pas discriminer. »

La RATP a mis en place plusieurs outils pour réaffirmer le nécessaire respect par ses agents des principes de laïcité et de neutralité :

– depuis 2005, une clause de laïcité et de neutralité a été introduite dans les contrats de travail des salariés et est reprise au sein des règlements intérieurs ([116]) ;

– un code d’éthique, rappelant les principes généraux du droit et précisant la conduite à tenir pour chacun, a été diffusé en 2011. Ce travail a été complété en 2013 par la diffusion d’un « guide de la laïcité et de la neutralité dans l’entreprise ». Ce document, qui se présente sous forme de fiches pratiques correspondant à différentes situations susceptibles de se présenter, a été diffusé à l’ensemble des managers ;

– une délégation générale à l’éthique a été créée en 2015. Elle permet d’accompagner les managers sur ce sujet et de s’assurer que les cas problématiques sont traités et sanctionnés. Cette délégation a lancé en février 2016 un plan « Travailler ensemble à la RATP ».

Le plan « Travailler ensemble à la RATP »

Le plan s’articule autour de deux points :

– le rappel du « travailler ensemble » (la laïcité, la neutralité et la non-discrimination s’appliquent à la RATP, entreprise publique chargée d’une mission de service public) ;

– la nécessité « d’en parler », d’une manière générale, avec ses collègues, etc.

Il se décline en 15 actions qui traitent notamment du recrutement, de la formation, de l’affectation, de l’évaluation, de la communication, et met l’accent sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

b.   Des pistes d’amélioration

Si la procédure du criblage présente un bilan positif dans le domaine de transports, les représentants des entreprises publiques de transports ont unanimement souhaité l’extension du champ des personnes visées.

En premier lieu, certains métiers de la maintenance pourraient être intégrés au processus de criblage en raison des risques potentiels liés à ces métiers et aux équipements sur lesquels ils interviennent.

Proposition  23 : Intégrer les fonctions sensibles des métiers de la maintenance dans le champ de compétence du SNEAS.

En second lieu, il n’est pas possible de faire une demande de criblage lorsque des salariés sous contrat de travail temporaire (intérimaires) et des salariés d’entreprises sous-traitantes occupent les fonctions sensibles visées par le décret du 3 mai 2017. En effet, ces salariés ne sont pas directement sous contrat avec l’entreprise de transport et les entreprises les employant ne sont pas nécessairement des entreprises de transport qui peuvent saisir le SNEAS.

Il conviendrait donc de permettre aux entreprises de transport de déposer une demande de criblage auprès du SNEAS pour tout agent intérimaire ou salarié d’une entreprise sous-traitante occupant un emploi sur un poste sensible.

Proposition  24 : Permettre aux entreprises de transport de solliciter une enquête pour toute personne, salariée dune entreprise sous-traitante ou intérimaire, amenée à intervenir sur des fonctions sensibles.

Enfin, dans les éléments transmis à la mission, la RATP fait remarquer qu’elle possède une soixantaine de filiales travaillant dans le secteur des transports, qui embauchent et emploient elles aussi des agents occupant des postes sensibles. Or, la RATP n’a pas la possibilité de demander des enquêtes administratives pour les agents de ses filiales : chaque entité doit saisir séparément l’autorité administrative, ce qui multiplie les points d’entrée et ne facilite pas les procédures. Une centralisation des demandes par la société mère serait de nature à simplifier le processus.

Proposition  25 : Permettre, dans le cadre dun groupe, de faire émaner de la société-mère les demandes denquête auprès du SNEAS pour les salariés des filiales.

La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique ([117]) a complété larticle L. 114-2 du code de la sécurité intérieure en instaurant une procédure permettant à lemployeur de tirer les conséquences dune enquête faisant apparaître que le comportement du salarié concerné est incompatible avec lexercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté.

Dans ce cas, lemployeur doit rechercher les possibilités dun reclassement au sein de lentreprise correspondant aux qualifications du salarié. Si les résultats de cette recherche sont infructueux, lemployeur peut alors engager une procédure de licenciement, lincompatibilité relevée par ladministration constituant la cause réelle et sérieuse du licenciement relative à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.

Les entreprises de transport sont également tenues, en cas de changement daffectation dun poste non visé par larticle L. 114-2 du code de la sécurité intérieure vers un poste visé par ce même article de conserver le salarié dans ses anciennes fonctions.

Lors de son audition par la mission, M. Jean Agulhon, directeur des ressources humaines de la RATP a indiqué que cette obligation de reclassement était en pratique inapplicable : lavis dincompatibilité démontrant la dangerosité du salarié, lobligation de sécurité qui repose sur lentreprise ne permet pas de reclasser le salarié sur un autre poste.

Une évolution de cette obligation de reclassement apparaît dès lors nécessaire. Plusieurs amendements au projet de loi dorientation des mobilités ont été déposés par des députés du groupe Les Républicains pour supprimer cette obligation de mobilité, mais ils nont pas été adoptés.

M. Jean Agulhon a également relevé que le SNEAS n’informe pas systématiquement les personnes sur lesquelles elle rend un avis négatif, la charge en incombant le plus souvent à l’employeur bien que le décret du 3 mai 2017 relatif aux enquêtes administratives ([118]) prévoie expressément que l’avis est notifié au salarié par le ministère de l’Intérieur, dans le cas des salariés déjà recrutés.

Les entreprises se trouvent donc aujourd’hui dans la situation d’informer les intéressés de l’émission d’un avis d’incompatibilité – et souvent de les licencier – sans disposer de la moindre information quant au fond du dossier.

Les représentants des entreprises de transport ont donc demandé que le SNEAS informe systématiquement les personnes faisant l’objet d’un avis d’incompatibilité.

Proposition  26 : Prévoir que le SNEAS informe systématiquement les personnes faisant lobjet dun avis dincompatibilité.

Enfin, les entreprises de transports ont souhaité pouvoir licencier directement un salarié protégé qui a fait l’objet d’un avis d’incompatibilité sans devoir demander l’autorisation du licenciement à l’inspecteur du travail. Compte tenu de la nécessité d’évincer rapidement un salarié soupçonné de radicalisation, les rapporteurs considèrent qu’une telle exception à l’autorisation obligatoire de l’inspecteur du travail avant le licenciement d’un salarié protégé apparaît nécessaire.

Proposition  27 : Permettre le licenciement dun salarié protégé radicalisé sans autorisation préalable dun inspecteur du travail.

Les rapporteurs constatent enfin que comme dans les métiers de souveraineté, se pose la problématique du manque de motivation des décisions de licenciement prononcées après un avis négatif du SNEAS.

Dans un arrêt du 15 janvier 2019 ([119]), le tribunal administratif de Paris a annulé l’avis d’incompatibilité émis par le ministère de l’Intérieur sur le fondement de l’article L.114-2 du code de la sécurité intérieure et qui avait abouti au licenciement de deux agents de la RATP au motif que ces agents faisaient courir un risque à la sécurité de leurs collègues et des usagers.

S’agissant du premier requérant, le juge a estimé que le ministère de l’Intérieur n’avait produit « aucun élément factuel » permettant de démontrer que le salarié « constituerait une menace pour la sécurité ou lordre public ». Du fait de cette « inexacte application » de la loi, le requérant était « fondé » à demander l’annulation de l’avis d’incompatibilité. Pour le deuxième requérant, le juge administratif a considéré que l’agent « aurait dû avoir notification de lavis dincompatibilité » et ce dernier aurait dû, de surcroît, « être motivé ».

Plus récemment, le 7 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé pour un motif similaire l’avis d’incompatibilité du ministère prononcé à l’encontre d’un ancien salarié de la SNCF. Un recours a également été déposé devant les prud’hommes.

C.   LES professions de santÉ face À la radicalisation

L’implication et la mobilisation des professionnels de la santé mentale constituent l’un des axes du plan national de prévention de la radicalisation qui prévoit :

– de renforcer la relation entre les agences régionales de santé et les préfectures sur l’articulation entre la santé mentale et la prévention de la radicalisation, via des conventions cadres précisant le rôle de chacun et d’encourager la généralisation des bonnes pratiques dans les territoires, notamment celles relatives à l’appui apporté par les professionnels de santé mentale. Il prévoit également de favoriser la présence de professionnels de santé ou de santé mentale aux côtés des référents de l’ARS au sein des cellules préfectorales ;

– d’actualiser les dispositions existantes relatives à l’accès et la conservation des données sensibles contenues dans l’application de gestion des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement (HOPSY).

Cette seconde mesure a donné lieu à l’adoption du décret du 6 mai 2019 modifiant le décret du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement ([120]) qui permet le croisement des données du fichier des personnes en soins psychiatriques sans consentement et du FSPRT. Le décret prévoit « linformation du représentant de lÉtat [préfet ou préfet de police de Paris] sur ladmission des personnes en soins psychiatriques sans consentement nécessaire aux fins de prévention de la radicalisation à caractère terroriste ». À cette fin, « les noms, prénoms et dates de naissance [de ces personnes] font lobjet dune mise en relation avec les mêmes données [du FSPRT]. Lorsque cette mise en relation révèle une correspondance des données comparées, le représentant de lÉtat et, le cas échéant, les agents placés sous son autorité quil désigne à cette fin en sont informés ».

Ce décret suscite cependant des critiques dans le milieu médical. Un premier recours a été déposé contre le décret du 23 mai 2018 par le Conseil national de l’Ordre des médecins et par le Syndicat des psychiatres des hôpitaux. Un second recours devrait être déposé contre le décret du 6 mai 2019. Interrogé à ce sujet par la mission, M. Laurent Nuñez, secrétaire d’état auprès du ministre de l’Intérieur, a rappelé que 12 % des personnes inscrites au FSPRT souffraient de troubles psychologiques et qu’un tel croisement visait à prévenir le passage à l’acte d’une personne radicalisée présentant des troubles psychiatriques. La mission d’information sur l’organisation territoriale de la psychiatrie, dont les rapporteures sont Mme Caroline Fiat et Mme Martine Wonner, devrait se pencher plus précisément sur ce sujet qui excède le champ de la présente mission d’information.

Au-delà de cette problématique, les rapporteurs constatent que la politique de prévention et de détection de la radicalisation reste encore peu développée au sein du service public de santé.

En effet, les agences régionales de santé rencontrent des difficultés pour trouver leur place au sein du système de santé en matière de prévention de la radicalisation. Leur rôle dans la prévention et la prise en charge des phénomènes de radicalisation a pourtant été défini par les instructions ministérielles des 8 janvier et 2 décembre 2016. Elles ont ainsi pour mission de :

– sensibiliser et informer les professionnels et les établissements sur les dispositifs mis en place pour la prévention de la radicalisation ;

– informer les cellules départementales préfectorales de suivi sur l’offre existante en santé mentale ([121]) ;

– organiser l’interface entre les services préfectoraux et les structures ou les professionnels de santé mentale ;

– rappeler les droits et obligations concernant le respect du secret médical et les dérogations possibles ;

– diffuser le numéro vert du centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation aux établissements de santé ;

– organiser les réseaux territoriaux à partir des référents régionaux et des référents départementaux ;

– organiser chaque année une session régionale de sensibilisation à la prévention de la radicalisation ;

– jouer un rôle d’interface dans le cadre des études et de la recherche appliquée ;

– et participer aux dispositifs de prévention en respectant le secret professionnel.

En outre, en application des instructions ministérielles du 23 mars 2017 et du 23 février 2018, les ARS se sont vues confier la mise en place d’un dispositif organisant un bilan médical complet des mineurs de retour de la zone de conflit irako-syrienne, réalisé le plus précocement possible à leur arrivée sur le territoire français.

Enfin, un référent « radicalisation », désigné au sein de chaque agence, est chargé de l’organisation des sessions de sensibilisation au niveau régional, de l’animation du réseau des référents départementaux radicalisation, de la coordination de la prise en charge sanitaire des mineurs de retour de zone de conflit et plus généralement de l’interface avec les partenaires extérieurs, en coordonnant les réponses en termes de prévention, de soins et en mettant en place des actions.

Pourtant le rôle des ARS en matière de prévention de la radicalisation reste peu développé.

En premier lieu, les référents « radicalisation » n’exercent pas cette fonction à plein-temps, comme le constate l’ARS d’Île-de-France : « Force est de constater également que ces fonctions sont toutes assurées par des collaborateurs en sus de leurs missions premières, et quaujourdhui cela pose question en terme de temps consacré. En effet, il apparaît de plus en plus, pour lensemble des ARS, que cette mission nécessiterait un temps dédié. En outre, lorganisation régionale de cette mission est très variable dune agence à lautre. Se pose donc la question du rattachement et du portage hiérarchique. »

C’est pourquoi, les rapporteurs considèrent que compte tenu de l’importance de cette mission, la création de postes dédiés à temps plein pour les référents « radicalisation » est aujourd’hui nécessaire. D’ailleurs, cette problématique de temps plein pour les référents radicalisation se pose également au sein de l’Éducation nationale et dans les collectivités territoriales.

Proposition  28 : Prévoir des postes dédiés à temps plein pour les référents « radicalisation » des agences régionales de santé.

En outre, les ARS ne sont destinataires d’aucune remontée d’information concernant des éventuels cas de radicalisation d’usagers ou d’agent. Ainsi, l’ARS d’Ile-de-France indique, dans les éléments transmis à la mission que « Les signalements concernant la possible radicalisation dune personne sont réalisés auprès de la plateforme du Centre national dassistance et de prévention de la radicalisation – CNAPR – gérée par lUnité de coordination de la lutte contre le terrorisme – UCLAT. Il ny a pas de retour dinformation de la plateforme vers les ARS permettant aux agences de chiffrer le phénomène. » De même, l’agence ne dispose pas de remontées d’information permettant « de chiffrer ou danalyser qualitativement le phénomène dans les établissements sanitaires ou médico-sociaux » ou dans « les instituts de formations paramédicales (IFPM) ».

Les médecins qui sont confrontés à un agent ou à un usager présentant des signes de radicalisation peuvent effectuer un signalement par le CNAPR ou se tourner vers les conseils départementaux de l’ordre des médecins, pour solliciter un avis et des conseils. En revanche, aucune centralisation d’information n’est prévue auprès des ARS.

Plusieurs personnes entendues par la mission ont souligné les réticences des personnels de santé pour effectuer un signalement, ce dernier leur semblant peu compatible avec leur mission de soin du patient (tout particulièrement dans le domaine de la psychiatrie) et incompatible avec le respect du secret médical.

Pourtant, le code pénal et le code de l’action sociale et des familles prévoient des dérogations au secret médical qui sont tout à fait applicables face à un individu radicalisé.

Les dérogations au secret médical

Les dérogations au secret médical sont les suivantes :

– pour la population générale : l’article L. 223-6 du code pénal oblige le signalement par tout citoyen en cas de danger imminent ;

– l’article L. 226-14 du code pénal prévoit qu’un médecin ou tout autre professionnel de santé, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, les sévices ou privations qu’il a constatés sur le plan physique ou psychique dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ;

– pour les mineurs : l’article L. 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles permet le partage d’informations entre les personnes qui mettent en œuvre la politique de protection sociale et ce, dans le respect de ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la notion de protection de l’enfance.

Le développement de la formation des personnels soignants dans le cadre de la formation continue mais également dans le cadre des instituts de formations paramédicales devrait permettre une évolution des mentalités et des comportements. Cette formation doit donner une place essentielle aux cas pratiques pour aider les personnels à gérer les atteintes à la laïcité et à signaler les comportements préoccupants.

Proposition  29 : Développer la formation des personnels soignants dans le cadre de la formation continue mais également dans le cadre des instituts de formations paramédicales.

Par ailleurs, les hôpitaux étant des lieux où les usagers du service public sont en situation de vulnérabilité, les rapporteurs considèrent qu’il pourrait être pertinent de prévoir la compétence du SNEAS pour réaliser des enquêtes administratives au moment du recrutement des personnels soignants.

Proposition  30 : Étendre la compétence au SNEAS pour réaliser des enquêtes administratives au moment du recrutement des personnels soignants.

Au-delà de la formation des personnels soignants, les rapporteurs regrettent le manque de remontées d’information au sein du service public de santé. Certes l’autonomie des établissements de santé doit être respectée, mais une problématique telle que la radicalisation doit imposer des échanges d’information entre les établissements de santé et l’échelon central et une transmission des signalements de radicalisation aux agences régionales de santé.

Proposition  31 : Prévoir une transmission obligatoire des signalements de radicalisation par les établissements de santé aux agences régionales de santé.

D.   universitÉ : une culture trop faible en matiÈre de prévention de la radicalisation

Le manque de suivi des étudiants a pu être une des raisons des failles dans la détection de la radicalisation de certains individus au cours des dernières années, comme dans le cas de Mohamed Belhoucine, ancien élève ingénieur à l’École des mines d’Albi (mort en Syrie en 2016). Les rapporteurs ont donc souhaité se pencher sur la radicalisation dans l’enseignement supérieur, et notamment à l’université. Ils ont auditionné à cette fin M. Franck Bulinge, professeur des universités et référent radicalisation à l’université de Toulon.

Celui-ci a d’abord souligné la grande difficulté pour évaluer l’importance et la nature de la radicalisation au sein des universités, et ce pour plusieurs raisons :

– le phénomène n’est pas forcément visible : la radicalisation prend désormais de plus en plus des formes discrètes et non affichées et les indicateurs adaptés à ce phénomène dynamique font défaut ;

– l’université est un milieu peu au fait des problématiques de sécurité et dont la culture est plus intellectuelle qu’opérationnelle ; son système de gouvernance démocratique, en lien avec les syndicats, et ses valeurs de tolérance et d’ouverture, la rendent rétive à toute mesure qui pourrait apparaître de nature à remettre en cause les libertés d’opinion et d’expression ;

– l’université est aussi un milieu assez cloisonné où l’information et la communication circulent peu, du fait de l’hétérogénéité des personnels et de la distance qui sépare enseignants et étudiants ;

– les universités et écoles supérieures constituent des entités grandes comme des villes, ce qui rend la détection de la radicalisation particulièrement malaisée ; ainsi, l’université d’Aix-Marseille compte pas moins de 80 000 étudiants (dont 12 000 étrangers) et 8 000 membres du personnel, répartis sur 58 sites.

M. Bulinge a ensuite souligné que la radicalisation à l’université était un phénomène encore mal cerné, faute de données disponibles. Il n’est pas possible à ce jour de savoir si des disciplines ou des régions sont plus concernées que d’autres. De manière générale, M. Bulinge a dressé un constat sévère de l’état de la réponse à la radicalisation dans les universités : « Actuellement, la grande majorité des universités ne sont pas encore en situation de faire face à des problèmes de sûreté ou à des situations de crise. La connexion des universités avec les réseaux de prévention de la radicalisation nest pas encore faite. De même, il ny a pas de dispositif interne susceptible de faire face collectivement et à haut niveau à la menace éventuelle. La communauté universitaire nest pas informée ni sensibilisée. »

Ce constat rejoint celui effectué par le préfet de police Michel Delpuech, qui indiquait aux rapporteurs que, concernant l’enseignement supérieur, aucun protocole institutionnel n’avait été défini entre les universités parisiennes et la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP). Il y a, selon lui, une certaine frilosité à communiquer auprès des services de police, la DRPP n’ayant jamais ce jour été destinataire d’un signalement provenant d’une université. Tout juste existe-t-il quelques contacts informels avec la Vice-Chancellerie des Universités de Paris, une université et un IUT.

La mission de sécurisation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, conduite par M. Christophe Sinnassamy sous l’égide du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) adjoint, M. le préfet Xavier Inglebert, supervise actuellement, d’après M. Bulinge, la mise en place de référents radicalisation dans les universités. Ceci répond au demeurant à la préconisation n° 32 du PNPR tendant à « encourager la systématisation de référents « radicalisation » dans les établissements de lenseignement supérieur, ainsi que la participation des présidents duniversité et directeurs décoles aux CPRAF ». Ces référents seraient choisis, d’après lui, parmi les fonctionnaires de sécurité de défense (FSD) sans connaissance précise des enjeux et actions à mener. Des efforts de formation sont néanmoins en cours en ce qui les concerne.

Les rapporteurs invitent à s’inspirer du dispositif mis en place par M. Franck Bulinge à l’université de Toulon et qui n’existe pas ailleurs à ce jour. Ce dispositif a pour objet de détecter les signaux faibles concernant les étudiants aussi bien que les agents et, le cas échéant, de passer le relais aux services de renseignement. Le référent radicalisation est ainsi en lien avec la préfecture et avec le renseignement territorial. Des efforts d’information ont permis que l’existence d’un référent radicalisation au sein de l’université soit connue, de même que les moyens (par téléphone et par mail) de lui transmettre des signalements ou de la saisir de certaines problématiques. Les associations d’étudiants peuvent ici jouer un rôle de centralisation et de remontée d’informations. Les agents et les étudiants sont également informés du numéro vert du CNAPR et de la nécessité, en cas trouble à l’ordre public, d’appeler le 17. Un arrêté permanent a par ailleurs été pris par le président de l’université permettant aux forces de sécurité de pénétrer sur le campus (lieu en principe protégé), si cela est nécessaire. Enfin, un « comité de sûreté », composé de membres directement concernés par les enjeux liés à la radicalisation (président de l’université, directeur général des services, directeur de la sécurité des systèmes d’information, fonctionnaire de sécurité et de défense, responsable de la sûreté, référent radicalisation, etc.) a été créé.

Proposition  32 : Mettre en place dans chaque université un dispositif de vigilance, reposant notamment sur la nomination dun référent radicalisation et la création dun comité de sûreté.

E.   une radicalisation en milieu sportif insuffisamment mesurÉe et contrÔlÉe

Le sport, lieu emblématique de l’intégration et de l’apprentissage des règles, est devenu à bien des égards celui d’une forme de désocialisation dans la mesure où la radicalisation, quoique difficile à quantifier précisément, semble y progresser. Si le secteur sportif ne constitue pas en tant que tel un service public, il constitue néanmoins un domaine privilégié de l’action publique. L’on sait, par exemple, que le financement de la construction des équipements sportifs est largement assumé par les communes. De même, les fédérations qui se sont vu délivrer un agrément par le ministre chargé des sports participent à l’exécution d’une mission de service public ([122]). Quant aux fédérations délégataires ([123]), leurs décisions ont le caractère d’actes administratifs lorsqu’elles mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique. Les associations sportives agréées peuvent bénéficier, pour leur part, de l’aide de l’État. Les collectivités territoriales emploient, quant à elles, des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives (ETAPS) qui sont des fonctionnaires de catégorie B. Eu égard à tous ces éléments, les rapporteurs ne pouvaient écarter le domaine sportif du champ de leurs investigations.

1.   Une radicalisation multiforme difficile à quantifier

L’ampleur de la radicalisation islamique dans le secteur sportif (que ce soit dans le milieu associatif, dans le secteur marchand, dans le secteur universitaire ou dans le secteur socioculturel ([124])) est difficile à cerner, compte tenu notamment de la difficulté pour les services de renseignement à pénétrer ce milieu. Les remontées d’informations de la part des fédérations et des clubs paraissent également faibles, peut-être par crainte que la prévention et la détection de la radicalisation ne se fassent au détriment des résultats sportifs. Un autre obstacle consiste en la difficulté pour le ministère des Sports d’intervenir dans le cadre de certaines pratiques émergentes ou non instituées (MMA ([125]), etc.). L’existence de salles privées ne facilite pas non plus la détection de la radicalisation.

Pourtant, dès 2015, une note du SCRT, citée par la presse ([126]), rapportait que, dans certaines salles de sport ou certaines équipes, « le recrutement sexerce principalement, voire uniquement, au sein de la communauté musulmane. Des facilités sont accordées pour prier. La mixité est bannie des bureaux de gestion ou des clubs. Le prosélytisme au profit de lislam ou en faveur de la Palestine y devient monnaie courante (…) De façon délibérée, certains fidèles musulmans aux pratiques radicales investissent le terrain social et sportif, afin dexercer au fil du temps une "pression amicale" sur leurs coreligionnaires, et les amener à modifier leur comportement quotidien, voire à adhérer à leur philosophie rigoriste. Cette évolution se traduit notamment par des prières, très visibles, sur les terrains sportifs ou, plus discrètes, dans les vestiaires. » S’il n’est pas radicalisant en soi, le sport peut cependant constituer un facteur aggravant de la radicalisation, soit en raison du regroupement d’individus radicalisés ou de la situation de communautarisation de certains clubs (s’agissant de sports collectifs notamment), soit par l’aguerrissement et le renforcement de la dangerosité potentielle de ces individus (sports de combat, musculation, tir sportif, pratiques aéronautiques, etc.).

Les rapporteurs ont auditionné M. Médéric Chapitaux, ancien sous-officier de gendarmerie de 1995 à 2008, professeur de sport de 2008 à 2014 et doctorant du Laboratoire creSco à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, qui travaille depuis plusieurs années sur la radicalisation dans le milieu sportif ([127]). Citant des responsables du renseignement, il indique que « 12,5 % des personnes suivies dans le cadre de la radicalisation islamiste sont connues pour pratiquer une activité physique et sportive », chiffre qui serait lui-même en constante évolution. D’après le ministère des sports (se référant à ses échanges avec l’UCLAT), le nombre d’individus inscrits au FSPRT et faisant l’objet d’un suivi actif, et pour lesquels une pratique sportive est identifiée, serait d’un peu moins de mille (incluant des encadrants et des sportifs de haut niveau). M. Chapitaux déclare avoir lui-même constaté, lors de ses enquêtes de terrain, « une très forte augmentation du communautarisme religieux au sein des clubs sportifs ». Si, au-delà de la radicalisation, on s’intéresse au terrorisme lui-même, on relève quasi systématiquement chez les auteurs d’attentats la pratique d’une activité physique et sportive. On sait aussi que Daesh a invité, par le biais de sa propagande sur internet, ses partisans à s’entraîner aux sports de combat dans des clubs ([128]). Ces liens entre terrorisme, radicalisation et sport ont également été observés dans les enquêtes menées à la suite des attentats commis en Espagne, aux États-Unis, en Angleterre, au Danemark, etc.

La radicalisation islamiste dans le cadre de la pratique sportive est susceptible de revêtir diverses formes. Celles-ci peuvent aller de la prière collective dans les vestiaires, voire pendant les compétitions, à la nourriture exclusivement halal et à l’obligation du port du caleçon dans la douche. Certains individus refusent de s’incliner devant leur adversaire au motif qu’on ne s’incline que devant Allah. En ce qui concerne les tenues vestimentaires, les leggings qui couvrent toutes les parties du corps, les hijabs et les voiles se répandent dans la pratique sportive et compétitive. Certains règlements interdisent ce type de vêtements. À l’inverse, il semblerait que des fédérations délégataires avalisent certaines de ces tenues (port de legging autorisé, par exemple). En cas de conflit, le voile est parfois remplacé par un bandana. Certains clubs ne sont pas ouverts aux femmes ou bien celles-ci ne peuvent s’y entraîner en même temps que les hommes. D’après M. Chapitaux, « une fédération de sports de combat aurait même demandé à son directeur technique national de prendre en compte les fêtes religieuses pour établir le calendrier des compétitions ».

La radicalisation des encadrants (dont certains font l’objet de fiches S d’après M. Chapitaux) est particulièrement dangereuse, compte tenu de l’influence que ceux-ci peuvent avoir, notamment auprès des plus jeunes. M. Chapitaux indique que « le problème majeur décelé au cours de [ses] travaux de recherche réside autour de ce [qu’il a] modélisé sous le concept  déducateur sportif radicalisé/recruteur (ESR)  et des techniques dendoctrinement qui en découlent ».

Les sports les plus concernés par cette dérive sont les sports de combat (la lutte, les différentes boxes, le MMA, le jiu jitsu brésilien…), la musculation, le football ([129]), le « foot en salle » ou encore le tir sportif.

2.   Des réactions encore insuffisantes

Les pouvoirs publics ont commencé à prendre quelques initiatives pour contrer les progrès de la radicalisation dans le sport. Le Plan national de prévention de la radicalisation (PNPR) de février 2018 a ainsi prévu la mise en place de mesures concrètes. La mesure n° 23 invite à « développer une culture commune de la vigilance dans le champ sportif en lien avec les référents "radicalisation" du ministère des Sports », à « sensibiliser les cadres techniques des fédérations sportives mais aussi ceux qui organisent des activités physiques et sportives non instituées (musculation, fitness, paintball, air soft, etc.) » et enfin à sensibiliser aussi « les directeurs des sports des municipalités (réseau association nationale des directeurs dinstallations et des services des sports — ANDIISS — en vue de développer les signalements dans le cadre des dispositifs existants auprès des préfets ». La mesure n° 24 demande d’ « intégrer la prévention de la radicalisation à la formation interfédérale des éducateurs sportifs et des formateurs de formateurs ». La mesure n° 25 fixe l’objectif suivant : « sous la coordination locale du préfet de département, développer les actions de contrôle administratif et les orienter vers les disciplines et les territoires impactés par la radicalisation ». La mesure n° 26 appelle à « identifier dans chaque fédération sportive nationale un "responsable de la citoyenneté", au sens large, comme relais auprès des autorités déconcentrées et point de contact pour les forces de sécurité intérieure » et à « affecter un officier de liaison (gendarmerie ou police) auprès du ministre des Sports ([130]) ».

Quelques pas ont toutefois été accomplis. Ainsi, un officier de liaison du ministère de l’Intérieur (appartenant à la gendarmerie) a été affecté à la direction des sports en octobre 2018. 34 fédérations ont désigné des « référents citoyenneté » qui ont bénéficié d’une formation organisée par la direction des sports avec le CIPDR. 95 actions de sensibilisation ou de formation organisées par les services déconcentrés ont permis de toucher près de 2 000 acteurs du champ sportif (dirigeants, éducateurs, officiels d’arbitrage).

Une circulaire conjointe du ministre de l’Intérieur et de la ministre des Sports du 8 novembre 2018 est par ailleurs venue rappeler le cadre d’action des contrôles à organiser dans le domaine sportif. Sous la coordination des préfets, en lien avec les services de police, de gendarmerie et de renseignement, une trentaine de contrôles ont été menés en 2018 par sept directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) des territoires concernés par les Plans de Lutte contre la Radicalisation dans les Quartiers (PLRQ), notamment dans six salles de remise en forme, cinq clubs de lutte, un club de football et onze salles de sports de combat. 42 contrôles ont été recensés dans onze départements au cours du premier quadrimestre 2019. Ces contrôles ont ciblé des structures au sein desquelles une dynamique de groupe avait pu être identifiée (fort communautarisme, encadrant radicalisé et prosélyte, etc.), et prioritairement les pratiques à risque (tir, sports de combat, musculation, etc.). Ce type de contrôle s’appuie sur le code du sport et porte sur les aspects relatifs à l’hygiène et la sécurité, les qualifications, l’honorabilité, le statut, les agréments et l’observation de la vie démocratique de l’association. D’après la direction des sports, deux fermetures administratives temporaires et une mise en demeure ont été décidées à la suite de ces contrôles, mais pour des manquements relatifs à l’hygiène, à la sécurité et aux qualifications.

3.   Une prise de conscience urgente

Aux yeux de M. Chapitaux, la mise en œuvre des mesures du PNPR reste inégale et globalement insuffisante à ce jour, de la part de la direction des sports aussi bien que des collectivités territoriales, en raison selon lui d’un « blocage idéologique ». La formation des éducateurs à la détection et à la prévention de la radicalisation, par exemple, serait encore loin d’être satisfaisante.

Les rapporteurs partagent le sentiment que toute la mesure n’a pas été prise de la gravité de la radicalisation dans le milieu sportif. La peur de remettre en cause les résultats, ou la crainte d’interférer avec l’organisation de grands événements sportifs (comme les JO de Paris en 2024), expliquent sans doute en partie sinon une forme de déni, à tout le moins une tendance à minimiser le phénomène.

De manière très générale, le ministère des Sports a proposé notamment de lancer des travaux de recherche sur le sport et la radicalisation dans le cadre du Conseil scientifique sur les processus de radicalisation ([131]) (COSPRAD) en croisant les regards et les disciplines (sociologie, ethnographie, psychologie, criminologie, etc.) ([132]). Les rapporteurs en sont partisans comme de toute initiative susceptible de faire progresser la connaissance de la radicalisation dans le milieu sportif.

Il a été également proposé, lors des auditions, d’engager une réflexion sur les possibilités de s’inspirer, pour le monde du sport, des principes posés par la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes religieux à l’école ([133]), dans la mesure où l’État reconnaît au sport des valeurs éducatives. Il peut y avoir là une piste de réflexion même si les possibilités de réglementer, dans des structures sportives de droit privé (associations régies par la loi du 1er juillet 1901, sociétés commerciales, etc.), des comportements religieux (même ostensibles) paraissent limitées, compte tenu de l’atteinte qui serait ainsi portée au principe de la liberté individuelle, garanti par la Constitution. S’agissant spécifiquement des fonctionnaires territoriaux de la filière sportive ([134]), ceux-ci sont bien entendu, comme tous les fonctionnaires, soumis à une obligation de neutralité qui leur interdit d’adopter un comportement professionnel qui leur serait dicté par des convictions religieuses personnelles tout comme le port de signes religieux visibles dans l’exercice de leurs fonctions.

La possibilité, parfois évoquée, de suspendre les éducateurs sportifs (ayant le statut de fonctionnaires territoriaux), lorsqu’ils font l’objet d’une fiche S ou d’une inscription au FSPRT, paraît, sans contestation possible, irrecevable aux rapporteurs. Comme cela a été dit plus haut, ces fichiers constituent avant tout des outils de travail pour les services de renseignement et de police. Une personne peut faire l’objet d’une fiche de renseignement davantage en raison du milieu familial, amical ou professionnel dans lequel elle évolue que pour une dangerosité ou une radicalisation qui seraient avérées en ce qui la concerne.

En revanche, les rapporteurs sont partisans d’une extension du champ des enquêtes administratives de sécurité aux éducateurs sportifs ([135]), ce qui nécessiterait de compléter l’article L. 114‑1 du code de la sécurité intérieure. Comme cela a été dit plus haut, M. Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, s’est, de son côté, déclaré favorable à une extension du criblage vers les personnels en contact avec les publics jeunes ou vulnérables.

Proposition  33 : Permettre la réalisation denquêtes administratives, confiées au SNEAS, concernant les éducateurs sportifs.

Les rapporteurs appellent par ailleurs à un recours beaucoup plus substantiel au retrait de subventions lorsqu’un club ou une association cautionne une radicalisation en son sein. Comme l’a indiqué la direction des sports, « pour lÉtat, la subvention restant un outil relevant dune décision discrétionnaire, son attribution peut être remise en cause sans quil soit besoin den indiquer la cause à la structure ». Quant aux collectivités territoriales, elles peuvent conditionner leurs subventions au respect de certaines règles, notamment dans le cadre de conventions de subventionnement et de chartes incluant une dimension de valorisation de la neutralité religieuse, de la mixité, etc. Aux collectivités locales également de se donner les moyens de contrôler ce respect. Dans un cas comme dans l’autre, il faut une volonté politique d’employer, sans faiblesse, l’« arme » du retrait de subventions.

Proposition n° 34 : Encourager lÉtat et les collectivités territoriales à utiliser davantage le levier du retrait de subventions aux structures sportives cautionnant ou favorisant la radicalisation de leurs membres.

Depuis une mesure de simplification issue d’une ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015, ayant modifié l’article L. 121-4 du code du sport, l’affiliation d’une association sportive à une fédération sportive agréée par l’État vaut agrément ([136]). Antérieurement, toutes les associations sportives désirant être agréées devaient passer par un arrêté préfectoral, même si elles étaient déjà affiliées à une fédération agréée.

Reprenant à leur compte une proposition de M. Médéric Chapitaux, les rapporteurs préconisent de redonner aux préfets la compétence pour délivrer l’agrément à toutes les associations sportives, affiliées ou non à une fédération. En effet, une telle affiliation ne garantit pas aujourd’hui de remplir de façon satisfaisante les conditions prévues par la loi, et ce d’autant moins que les fédérations se saisissent rarement de leur pouvoir disciplinaire. Restaurer cet agrément contribuerait à renforcer les pouvoirs de contrôle de l’État vis-à-vis d’éventuelles dérives et à rétablir à cette fin l’autorité préfectorale, comme le prévoit la mesure n° 25 du PNPR qui vise, « sous la coordination locale du préfet de département, [à] développer les actions de contrôle administratif et [à] les orienter vers les disciplines et les territoires impactés par la radicalisation ». Le préfet conservera par ailleurs bien entendu son pouvoir de retirer l’agrément, tel qu’il est aujourd’hui prévu aux articles R. 121-5 et R. 121‑6 du code du sport.

Proposition n° 35 : Redonner aux préfets la compétence de délivrer lagrément aux associations sportives, même déjà affiliées à une fédération agréée.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Lors de sa réunion du mercredi 26 juin 2019, la commission des Lois a examiné ce rapport d’information et en a autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte-rendu écrit et sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/wxe7P7

    

 


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   Liste des propositions

Proposition  1 : Mettre en place à destination des agents publics des parcours de formation axés sur les notions de laïcité et de neutralité du service public et pouvant aller jusqu’à la lutte contre la radicalisation.

Proposition  2 : Renforcer les effectifs et les moyens budgétaires du SNEAS.

Proposition  3 : Modifier l’article R. 40-29 du code de procédure pénale afin de permettre au SNEAS de procéder à la vérification des suites judiciaires après la consultation du fichier des traitements d’antécédents judiciaires.

Proposition  4 : Prévoir l’obligation pour l’autorité judiciaire d’autoriser la communication de toute information complémentaire demandée par le SNEAS en cas d’inscription de la personne faisant l’objet de l’enquête au TAJ.

Proposition  5 : Permettre au SNEAS de s’assurer de l’identité des personnes soumises à l’enquête administrative en ayant accès au fichier des titres électroniques sécurisés (TES) et de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Proposition  6 : Mettre en place de formations déconcentrées interservices entre les agents de l’État et ceux des collectivités territoriales permettant de forger une culture commune en matière de prévention de la radicalisation.

Proposition  7 : Engager une réflexion sur l’introduction en procédure administrative (voire civile) d’adaptations au principe du contradictoire, pour mieux garantir la confidentialité et la sécurité du travail des services de renseignement.

Proposition  8 : Mettre en place, au sein de l’administration pénitentiaire, une cellule nationale spécifiquement dédiée au suivi des personnels radicalisés.

Proposition  9 : Garantir que les recrutements de surveillants pénitentiaires fassent systématiquement l’objet d’une enquête administrative menée par le SNEAS.

Proposition  10 : Élever le niveau d’exigence dans le recrutement du personnel pénitentiaire.

Proposition  11 : Augmenter la durée de formation des surveillants pénitentiaires et l’enrichir en matière de prévention et de détection de la radicalisation.

Proposition  12 : Permettre la réalisation d’enquêtes administratives, confiées au SNEAS, concernant les emplois relevant de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’aide sociale à l’enfance.

Proposition  13 : Faire connaître les conclusions de la réflexion engagée à l’initiative du Gouvernement au premier trimestre 2018 sur la modification des instruments juridiques permettant d’écarter de ses fonctions un agent public radicalisé en contact avec un public influençable.

Proposition  14 : Permettre la réalisation d’enquêtes administratives, confiées au SNEAS, au stade du recrutement et en cours de carrière, concernant les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels ainsi que les personnels administratifs, techniques et spécialisés occupant des postes sensibles (cartographes, spécialistes des systèmes de sécurité incendie, ingénieurs « risques », etc.), voire certains bénévoles des associations de sécurité civile.

Proposition  15 : Former les officiers, les sous-officiers supérieurs, les organisations syndicales des SIS, les PATS d’encadrement et les animateurs des sections de jeunes sapeurs-pompiers à la prévention et à la détection de la radicalisation.

Proposition  16 : Intégrer un officier représentant les SDIS au sein de chaque Groupe d’évaluation départemental (GED) et de chaque cellule départementale de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles (CPRAF).

Proposition  17 : Étendre la compétence du SNEAS aux personnels de l’Éducation nationale qui sont en contact, de par leurs fonctions, avec des mineurs.

Proposition  18 : Affiner les critères de détection de la radicalisation chez les détenus de droit commun.

Proposition  19 : Renforcer les moyens et le statut des aumôniers pénitentiaires, et en particulier des aumôniers musulmans.

Proposition  20 : Évaluer par priorité la radicalisation et la dangerosité des détenus de droit commun susceptibles de radicalisation (DCSR).

Proposition  21 : Engager une réflexion sur la gestion des femmes détenues radicalisées (évaluation de leur dangerosité et de leur propension au prosélytisme, adaptation du régime de détention, etc.).

Proposition  22 : Donner au service du renseignement pénitentiaire accès au Fichier des personnes recherchées (FPR), et en particulier au sous-fichier S (Sûreté de l’État).

Proposition  23 : Intégrer les fonctions sensibles des métiers de la maintenance dans le champ de compétence du SNEAS.

Proposition  24 : Permettre aux entreprises de transport de solliciter une enquête pour toute personne, salariée d’une entreprise sous-traitante ou intérimaire, amenée à intervenir sur des fonctions sensibles.

Proposition  25 : Permettre, dans le cadre d’un groupe, de faire émaner de la société-mère les demandes d’enquête auprès du SNEAS pour les salariés des filiales.

Proposition  26 : Prévoir que le SNEAS informe systématiquement les personnes faisant l’objet d’un avis d’incompatibilité.

Proposition  27 : Permettre le licenciement d’un salarié protégé radicalisé sans autorisation préalable d’un inspecteur du travail.

Proposition  28 : Prévoir des postes dédiés à temps plein pour les référents « radicalisation » des agences régionales de santé.

Proposition  29 : Développer la formation des personnels soignants dans le cadre de la formation continue mais également dans le cadre des instituts de formations paramédicales.

Proposition  30 : Étendre la compétence au SNEAS pour réaliser des enquêtes administratives au moment du recrutement des personnels soignants.

Proposition  31 : Prévoir une transmission obligatoire des signalements de radicalisation par les établissements de santé aux agences régionales de santé.

Proposition n° 32 : Mettre en place dans chaque université un dispositif de vigilance, reposant notamment sur la nomination d’un référent radicalisation et la création d’un comité de sûreté.

Proposition  33 : Permettre la réalisation d’enquêtes administratives, confiées au SNEAS, concernant les éducateurs sportifs.

Proposition  34 : Encourager l’État et les collectivités territoriales à utiliser davantage le levier du retrait de subventions aux structures sportives cautionnant ou favorisant la radicalisation de leurs membres.

Proposition  35 : Redonner aux préfets la compétence de délivrer l’agrément aux associations sportives, même déjà affiliées à une fédération agréée.

 


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   Annexe : indicateurs de basculement dans la radicalisation

    

 


    

 

 


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   liste des Personnes entendues ([137])

   M. Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste

   M. Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS

— M. Romain Sèze, chercheur à l’INHESJ

   M. Nicolas Hénin, président de la société de conseil et formation en contre-terrorisme et radicalisation Action Résilience

   Mme Anne Josso, secrétaire générale

   Mme Audrey Keysers, secrétaire générale adjointe, chargée de la communication et des relations avec les élus

   M. Fabien Carrié, chargé de recherche au Fonds de la recherche scientifique (FRS-FNRS)

   M. Laurent Bonelli, sociologue, maître de conférences à Paris X‑Nanterre

   M. Michel Delpuech, préfet de police de Paris

   Mme Françoise Bilancini, directrice du renseignement

   M. Frédéric Dupuch, directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne

   M. Thibaut Sartre, préfet, secrétaire général pour l’administration

   M. Mathieu Orsi, conseiller chargé de la prévention de la radicalisation

   M. Lucas Demurger, conseiller technique chargé de la prospective

 

   M. Stéphane Bredin, directeur

   Mme Charlotte Hemmerdinger, cheffe du bureau central du renseignement pénitentiaire

   M. François Toutain, chef de la mission lutte contre la radicalisation violente

   M. Laurent Belleguic, adjoint à la sous-directrice des ressources humaines et des relations sociales

   M. Laurent Ridel, directeur interrégional

   M. Amin Boutaghane, chef de l’UCLAT

   Colonel Yvan Carbonnelle, adjoint au chef de l’UCLAT

   M. Olivier Chazette, commissaire divisionnaire fonctionnel de police, adjoint au chef de l’UCLAT, chef du département de lutte contre la radicalisation

   Mme Lucile Rolland, directrice centrale adjointe à la sécurité publique, cheffe du SCRT

   M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques

   Mme Pascale Léglise, adjointe au directeur

   M. Arnaud Schaumasse, chef du bureau central des cultes

   Mme Muriel Domenach, secrétaire générale

   Mme Agnès Bouty-Triquet, sous-préfète

   M. Francis Vincenti, commissaire divisionnaire

   Colonel Thierry Garreta, chef de cabinet du chef d’état-major de l’armée de l’air (CEMAA)

   Lieutenant-colonel Candice Pérot, chef de la cellule Affaires réservées du cabinet du CEMAA

   Colonel Maxime Do Tran, membre du cabinet du chef d’état-major de l’armée de terre

   Capitaine de Frégate Christophe Daniélo, officier de sécurité de l’état‑major de la marine

   M. Henri-Michel Comet, préfet hors classe, directeur général adjoint et secrétaire général du groupe Aéroports de Paris

   M. Nicolas Lerner, directeur général

   M. Stéphane Volant, secrétaire général, président du Club des directeurs de sécurité et de sûreté des entreprises

   Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire

   Mme Carine Vialatte, commissaire divisionnaire de police, cheffe du SNEAS

   Mme Lucie Montoy, attachée d’administration de l’État, cheffe du bureau des affaires juridiques

   Vice-amiral d’escadre Philippe Hello, directeur des ressources humaines du ministère des Armées

   Lieutenant-colonel Pierre-Yves Mesplède, chargé de mission

   Colonel Grégory Allione, président de la FNSPF

   Colonel Hugues Deregnaucourt, vice-président de la FNSPF, chargé des affaires politiques

   M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet

 

 

   M. Jean Agulhon, directeur général adjoint, directeur des ressources humaines

   M. Patrice Obert, délégué général à l’éthique

   M. Stéphane Gouaud, directeur du département de la sûreté

   M. Jacques Witkowski, prféte, directeur général

   Colonel Didier Rahmani, conseiller sécurité intérieure.

   Mme Pilar Arcella-Giraud, responsable du département contractualisations territoriales et santé urbaine

   Mme Marion Cinalli, directrice de projet chargée de l’appui au pilotage de la transformation interne

   Mme Karine Galaup, conseillère médicale auprès du directeur de cabinet

   Mme Sylvie Escalon, adjointe au sous-directeur de la régulation de l’offre de soins

   Mme Maud Soulier, adjointe au sous-directeur des ressources humaines du système de santé

   Mme Corinne Pasquay, chargée de mission radicalisation auprès du secrétariat général du ministère

   M. Jacques Merino, conseiller thématique « sécurité – prévention de la délinquance – radicalisation »

   M. Alexandre Touzet, vice-président délégué à la prévention de la délinquance, à la sécurité, à la citoyenneté, à l’égalité femmes-hommes et au monde combattant au conseil départemental de l’Essonne

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère en charge des relations avec le Parlement.

   M. Grégoire Leblond, maire de Chantepie, président de la commission « sécurité et prévention de la délinquance » de l’APVF

   M. Matthieu Vasseur, chargé de mission

   M. Eric Morvan, directeur général de la police nationale

   Mme Brigitte Jullien, cheffe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN)

   M. Bertrand Michelin, directeur adjoint de l’IGPN

   M. Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale

   Mme Corinne Pasquay, chargée de mission secrétariat général

   Colonel Sylvain Tortellier, chargé de mission au cabinet du DGGN

   Général de corps d’armée François Gieré, directeur des opérations et de l’emploi

   Mme Marie Houssel, responsable du pôle ressources humaines

   M. Alexandre Mokédé, responsable du pôle offre de soins

   Mme Madeleine Mathieu, directrice

   Mme Angèle Roisin, chargée de mission au sein de la mission nationale veille et information

   M. Thierry Le Goff, directeur général

   Mme Julia Di Ciccio, cheffe du bureau du statut général, de la diffusion du droit et du dialogue social

   M. Sébastien Mouton (bureau du statut général, de la diffusion du droit et du dialogue social)

   M. Laurent Vercruysse, directeur général des services

   Mme Emmanuelle Chèvre, conseillère technique à la direction générale des services

   Mme Elizabeth Johnston, déléguée générale

     CGT pénitentiaire

   M. Christopher Dorangeville

   M. Nicolas Peyrin

     CGT Insertion probation

—Mme Aurélie Soulie

—Mme Émilie Ecoiffier

     SNEPAP-FSU

   Mme Laura Lalardie,

   M. Gautier Schont

     UFAP-UNSa Justice

   M. Jean-Francois Forget

   M. David Calogine

   M. Wilfried Fonck

   M. Laurent Scassellati

   Mme Hélène Farnaud-Defromont, directrice générale de l’administration et de la modernisation

   M. Patrick Karam, vice-président en charge de la jeunesse, des sports et de la vie associative

   Mme Lucile Bertin, chargée de mission Laïcité, déontologie, citoyenneté et prévention de la radicalisation au secrétariat général de la Ville de Paris

   M. Pierre‑Charles Hardouin, chef du département des actions préventives et des publics vulnérables à la direction de la prévention, de la sécurité et de la protection

   M. Gilles Quénéhervé, directeur des sports

 

   Mme Christèle Gautier, cheffe du bureau du développement des pratiques sportives, de l’éthique du sportive et des fédérations multisports et affinitaires

   M. Philippe Sibille, officier de liaison au sein du bureau du développement des pratiques sportives, de l’éthique du sportive et des fédérations multisports et affinitaires

   M. Daniel Picotin

   Mme Alice Dalaine

   M. Wassef Lemouchi

   M. Pierre Laborde

   Mme Muriel Domenach, secrétaire générale

   M. Arnaud Colombié, chargé de mission

     CFE-CGC Groupe RATP

   M. Frédéric Ruiz, président

   Mme Valérie Vovk, juriste en droit social

   M. Fabrice Cognard, coordinateur du secteur bus

     UNSA Groupe RATP

   M. Thierry Babec, secrétaire général

   M. Mourad Chikh

   M. Sébastien Morice

   M. François Deluga, président

   M. David Rey, conseiller du président

   Mme Christiane Ayache, directrice générale des services

   Mme Christine-Louise Mainnevret-Sadowski, directrice de la prévention, de la tranquillité publique et de la sécurité civile

   M. Chems-Eddine Akrouf, chargé de mission

   M. Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur

   Colonel Yvan Carbonelle, adjoint au chef de l’UCLAT

   M. Frédéric Rose, préfet, chargé de la police de sécurité au quotidien et de la reconquête républicaine

   M. Etienne Stoskopf, directeur du cabinet du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur

   Mme Clémence Lecoeur, conseillère auprès du ministre, chargée des relations avec le Parlement


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Décret n° 2016-553 du 6 mai 2016 portant modifications de dispositions relatives à la prévention de la délinquance.

([3]) « Les collectivités territoriales et la prévention de la décentralisation » par MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas, délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat (n° 483, 29 mars 2017) p. 16.

([4]) Mme Isabelle Sommier, « Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture », Lien social et Politiques, 68, 2012, p.15-35.

([5]) Mission de la commission des affaires culturelles sur la prévention de la radicalisation à l’école, communication de Mmes Sandrine Mörch et Michèle Victory (16 mai 2018).

([6]Radicalité engagée, radicalités révoltées, enquête sur les jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), MM. Laurent Bonelli et Fabien Carrié (Université de Paris Nanterre, Institut des sciences sociales du politique, janvier 2018).

([7]) « En finir avec quelques idées reçues sur la radicalisation », MM. Laurent Bonelli et Fabien Carrié, Le Monde diplomatique, septembre 2018.

([8]Guide interministériel de prévention de la radicalisation, Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, mars 2016.

([9]) Les indicateurs de basculement dans la radicalisation sont détaillés en annexe du présent rapport.

([10]) « Les collectivités territoriales et la prévention de la décentralisation », op.cit., p.23.

([11]) « Terrorisme : quel est le profil des djihadistes ? », Le point, 19 aout 2017.

([12]) Rapport de la Fédération française de psychiatrie « psychiatrie et radicalisation » (novembre 2017).

([13]) La différence entre les chiffres du début de l’année 2019 et ceux du mois de mai résultent d’un important toilettage opéré sur le FSPRT depuis le début de l’année 2018 et poursuivi depuis janvier 2019.

([14]) Ce chiffre est à considérer comme un seuil bas, l’information n’étant pas toujours complète dans le FSPRT.

([15]) Il s’agit des individus inscrits quel que soit leur statut, y compris des fiches clôturées. En outre, la profession peut ne plus être exercée.

([16]) Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

([17]) Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

([18]) Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([19]) Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

([20]) Circulaire NOR INTK1405276C du 29 avril 2014.

([21]) L’article 371-3 du code civil permet d’empêcher le départ à l’étranger d’un mineur en l’absence d’un titulaire de l’autorité parentale.

([22]) Tels que les attentats du Bataclan ou les attentats de Nice.

([23]) Un seul individu peut faire l’objet de plusieurs signalements d’origines différentes par exemple via l’EMS ou le CNAPR.

([24]) École nationale supérieure de police, École nationale de la magistrature, École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, École nationale de l’administration pénitentiaire, École supérieure de l’Éducation nationale…

([25]) Centre national de la fonction publique territoriale, Institut de formation des élus territoriaux et de leurs collaborateurs).

([26]) Décret n° 2017-668 du 27 avril 2017 portant création du service à compétence nationale dénommé « service national des enquêtes administratives de sécurité ».

([27]) Loi n° 2016‑339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

([28]) Loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([29]) Agents de nettoyage, serveur, cuisinier, conducteurs, vendeur, hôte/hôtesse, agent de sécurité, parking, etc.).

([30]) Décret n° 2017-588 du 20 avril 2017 portant création dun service à compétence nationale dénommé « Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire ».

([31]) Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([32]) Décret n° 2017-1224 du 3 août 2017 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données » (ACCReD).

([33]) Personnels issus de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

([34])  Loi  2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit dasile effectif et une intégration réussie.

([35]) Cf. partie B du II du présent rapport.

([36]) En effet, la consultation du B2 nécessite que les identités fournies par les demandeurs soient identiques à celles du casier judiciaire constitué à partir du répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), sous peine du rejet lors de la requête du B2 (par exemple : absence de précisions de l’arrondissement de naissance pour les villes de Paris, Lyon et Marseille sur la CNI de nouvelle génération ; patronyme figurant sur le titre différent de celui communiqué par l’état civil au casier judiciaire).

([37]) Décret n°2016-1460 du 28 octobre 2016 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité.

([38]) « Les collectivités territoriales et la prévention de la décentralisation », op.cit., p. 51.

([39]) « Les collectivités territoriales et la prévention de la décentralisation », op.cit, p. 51.

([40]) Discours du 9 mai 2016.

([41]) Article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure.

([42]) Articles D. 132-7 à D. 132-10 du même code.

([43]) « Les collectivités territoriales et la prévention de la décentralisation », op. cit., p. 17.

([44]) Circulaire NOR INTK1826096J, 13 novembre 2018.

([45]) Cette cellule est composée d’un membre de la direction des ressources humaines, de la direction de la prévention sécurité protection, de la direction des affaires juridiques, de la direction de l’action sociale enfance santé et du secrétariat général.

([46]) Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT).

([47]) Sauf à l’article 6, relatif à la possibilité pour les autorités administratives de verser des subventions, sous réserve de conventionnement, aux « structures ayant pour objet ou activité la prévention et la lutte contre la radicalisation ».

([48]) Article 11, entré en vigueur le 1er mars 2018, de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017.

([49]) Les autres cas visés sont « les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses », « laccès à des zones protégées en raison de lactivité qui sy exerce » et « lutilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux ».

([50]) Autorisation ou habilitation des agents de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) appelés à participer à la mise en œuvre des missions de vérification de traitements de données à caractère personnel, de certains agents de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, etc. ; recrutement ou nomination et affectation des agents des douanes, des officiers de port et officiers de port adjoints, des agents de l’Autorité de sûreté nucléaire, etc. ; agrément des agents de police municipale, des gardes champêtres, des agents des concessionnaires d’une autoroute, etc.

([51]) IV de l’article L. 114‑1 du code de la sécurité intérieure.

([52]) Décret n° 2018-141 du 27 février 2018 portant application de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure.

([53]) Présidée par un conseiller d’État, la commission comprend en nombre égal des membres, représentants du personnel, nommés sur proposition de chacune des organisations syndicales de fonctionnaires appelées à siéger au sein du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, et des membres désignés par arrêté du Premier ministre, sur proposition du ministre de l’Intérieur, du ministre de la Justice, du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, du ministre des Armées et des ministres chargés du budget et de la fonction publique, en qualité de représentants de l’administration.

([54]) Cf. M. Didier Paris, M. Pierre Morel-À-L’Huissier, Rapport d’information de l’Assemblée nationale sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, n° 1335, 17 octobre 2018, p. 57 (« Le SNEAS et le COSSEN utilisent l’application “ ACCReD ” (“ Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données ”) permettant le “ criblage ” d’une personne grâce à la consultation simultanée des fichiers TAJ, FPR, FOVeS, PASP, EASP, GIPASP et FSPRT et la consultation indirecte des fichiers CRISTINA et GESTEREXT. En cas d’inscription de la personne concernée dans l’un de ces fichiers, le SNEAS et le COSSEN procèdent aux vérifications complémentaires auprès des services gestionnaires des fichiers auxquels ils n’ont pas d’accès direct. »)

([55]) Décret n° 2018-135 du 27 février 2018 portant application de l’article L. 4139-15-1 du code de la défense.

([56]) Le conseil est présidé par un conseiller d’État et comprend quatre officiers généraux issue des trois armées et de la Gendarmerie, le directeur des ressources humaines du ministère des Armées, un officier général « représentant la force armée ou la formation rattachée dont relève le militaire en cause » et un contrôleur général des armées de 1ère section.

([57]) Rapport sur la présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national, 22 juin 2016, n° 3864.

([58]) La transformation de la DPSD en DRSD résulte du décret n° 2016-1337 du 7 octobre 2016.

([59]) Les périodes post-attentats (comme celle ayant suivi les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray en 2016) connaissent généralement une hausse des signalements.

([60]) La DRSD apporte également son concours au suivi des individus radicalisés qui ont le statut de réserviste du ministère des Armées.

([61]) Article L. 4139-14 du code de la défense : « La cessation de létat militaire intervient doffice dans les cas suivants : (…) 9° Par radiation des cadres ou résiliation du contrat prise en application de larticle L. 413915-1. »

([62]) Sur un total de douze avis d’incompatibilité rendus par le SNEAS.

([63]) Le mouvement fondamentaliste Tabligh, très prosélyte, prône une vision rigoriste et littérale de l’islam. Il a été mis en cause dans le départ pour la zone irako-syrienne d’une vingtaine de jeunes fréquentant la mosquée de Lunel.

([64]) L’intéressé avait passé quelques mois dans la gendarmerie.

([65]) La DOE relève elle-même de la direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN), direction générale du ministère de l’Intérieur.

([66]) Traitement des antécédents judiciaires (géré par la DGPN et la DGGN).

([67]) Fichier des personnes recherchées (géré par la direction centrale de la police judiciaire).

([68]) Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (géré par l’UCLAT).

([69]) Prévention des atteintes à la sécurité publique (géré par la DGPN).

([70]) Gestion de l’information et la prévention des atteintes à la sécurité publique (géré par la DGGN).

([71]) Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux (géré par la DGSI).

([72]) Gestion du terrorisme et des extrémismes violents (géré par la Préfecture de police de Paris).

([73]) L’agrément du préfet a ainsi, par exemple, été refusé à un militant néo-nazi.

([74]) Préfet de Police de Paris jusqu’en mars 2019.

([75]) Non encore utilisée dans l’attente de l’instruction interministérielle précitée.

([76]) Qui implique donc la réunion du conseil de discipline, instance paritaire.

([77]) La consultation intempestive de fichiers de police pour le compte de personnes elles-mêmes radicalisées serait également de nature à donner lieu à sanction disciplinaire.

([78]) Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ordonnance du 5 décembre 2018, n° 1811169.

([79]) On rencontre une problématique proche à propos des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), prévues par la loi SILT.

([80]) Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, consid. 24.

([81]) Il existe bien une Inspection générale de la justice, qui a repris entre autres les compétences de l’ancienne Inspection des services pénitentiaires, mais elle n’exerce pas sur les agents pénitentiaires un contrôle aussi poussé que celui assuré sur les policiers par l’IGPN, où une cellule spéciale « radicalisation » a été mise en place.

([82]) Essentiellement situés dans le sud de la France, bien qu’un cas ait été signalé en Île-de-France.

([83]) http://www.lamarseillaise.fr/marseille/societe/46326-l-equipe-des-barbus-clouee-au-pilori

([84]) Réuni autour du préfet, le « Groupe dévaluation départemental » (GED) réunit des policiers (renseignement territorial, antenne locale du renseignement intérieur), des gendarmes et des représentants de l’administration pénitentiaire (renseignement pénitentiaire).

([85]) Décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État.

([86]) Les surveillants pénitentiaires sont des fonctionnaires de catégorie C. L’inscription au concours nécessite simplement d’être titulaire du brevet des collèges ou d’un diplôme ou titre équivalent.

([87]) Article R. 53-8-24 du code de procédure pénale.

([88]) Article R. 50-52 du code de procédure pénale.

([89]) Cf. https://allchemi.eu/course/view.php?id=312.

([90])  Les PATS sont au nombre de 11 200.

([91]) Une note du DGSCGC du 19 mars 2019 encourage aussi « lintroduction dun temps dinformation  prévention de la radicalisation au sein des Formations de Maintien et de Perfectionnement des Acquis (FMPA) au sein des SDIS ». On observe par ailleurs des initiatives locales de la part de certains SDIS, sous la forme de participation à des sessions de sensibilisation à la prévention de la radicalisation organisées par les préfectures.

([92]) Pour du secours d’urgence aux personnes dans 84 % des situations.

([93]) https://www.lepoint.fr/monde/des-djihadistes-infiltres-dans-deux-ambassades-de-france-06-09-2017-2154907_24.php.

([94]) Loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.

([95]) Décret n° 2018-407 du 29 mai 2018 pris pour l’application de la loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements d’enseignement scolaire privés hors contrat.

([96]) Une possibilité de contrôle est aujourd’hui prévue à l’article L. 513-1 du code de la sécurité intérieure mais ce contrôle est particulièrement lourd à mettre en œuvre.

([97]) Précisons que, dans le cadre de l’inscription d’une personne au FSPRT, il est en principe fait mention de l’exercice d’une profession sensible telle que celle d’agent de sécurité privée.

([98])  Loi n° 2011‑267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([99]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2018 (février 2018), tome I, pp. 171 et suivantes.

([100]) Cf. Rapport au Premier ministre de Mme Alice Thourot et de M. Jean-Michel Fauvergue, D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, 11 septembre 2018.

([101]) Les personnes poursuivies pour apologie du terrorisme ne sont pas incluses dans la catégorie des TIS.

([102]) DCSR : détenus de droit commun susceptibles de radicalisation.

([103]) Union fédérale autonome pénitentiaire.

([104]) Rappelons que le FSPRT comptait au total, au 4 juin 2019, 21 039 individus inscrits, dont 10 092 pris en compte et 10 616 clôturés.

([105]) D’après les chiffres mentionnés par le Plan national de prévention de la radicalisation (23 février 2018).

([106]) C’est en Île-de-France que le surencombrement est le plus élevé avec un taux d’occupation de 170 à 210 %. Le taux d’occupation est de 200 % à la maison d’arrêt de Fresnes.

([107]) Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, avis du 11 juin 2015 sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral.

([108]) Cf. Avis budgétaire fait par M. Bruno Questel au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2019, Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse.

([109]) Leur création a été annoncée par le garde des Sceaux le 25 octobre 2016.

([110]) La concentration en Île-de-France de la majeure partie des détenus poursuivis pour des actes de terrorisme, et donc des QER, est directement liée à la compétence juridictionnelle centralisée au pôle anti-terrorisme du TGI de Paris.

([111]) Cf. la grave agression à la maison d’arrêt d’Osny en septembre 2016.

([112]) Les Quartiers de Prise en charge de la Radicalisation (QPR) sont actuellement au nombre de deux (Lille-Annœullin et Condé-sur Sarthe). D’autres sont en cours de réalisation en province et à Paris (La Santé).

([113]) Le FPR recense toutes les personnes faisant l’objet d’une mesure de recherche ou de vérification de leur situation juridique. Il se subdivise en 21 catégories telles que « Interdiction du territoire » (IT), « Évadés » (V), « Sûreté de lÉtat » (S), etc.

([114]) Inch’allah : l’islamisation à visage découvert, MM. Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Fayard, 17 octobre 2018).

([115]) Ces  barbus qui embarrassent la RATP, Le nouvel observateur, 29 novembre 2015.

([116]) Les contrats de travail des agents de la RATP, qu’ils soient statutaires ou contractuels, intègrent ainsi la formule suivante : « Vous vous engagez à adopter, dans lexercice de vos fonctions, un comportement et des attitudes visant au respect de la liberté et de la dignité de chacun. En outre, la RATP étant une entreprise de Service Public qui répond au principe de neutralité, vous vous engagez à proscrire toute attitude ou port de signe ostentatoire pouvant révéler une appartenance à une religion ou à une philosophie quelconque ».

([117]) Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

([118]) Décret n° 2017-757 du 3 mai 2017 relatif aux enquêtes administratives

([119]) Tribunal administratif de Paris, M. Younes Merzoug, 15 janvier 2019, n° 1822085/3-1.

([120]) Décret n° 2019-412 du 6 mai 2019 modifiant le décret n° 2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement

([121]) Mise en place d’une cartographie des dispositifs de prise en charge médicaux et médico-sociaux.

([122]) Article L. 131-9 alinéa 1er du code du sport : « Les fédérations sportives agréées participent à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives. »

([123]) Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports (cf. articles L. 131‑14 et suivants du code du sport).

([124]) Maisons des jeunes et de la culture.

([125]) Mixed martial arts ou arts martiaux mixtes.

([126]) Le Point, 2 mai 2019, « Des sports sous surveillance », p. 52 et suivantes.

([127]) Il est l’auteur de l’ouvrage : Le sport, une faille dans la sécurité de lÉtat, Enrick B. éditions, 2016.

([128]) https://archive.org/stream/How_can_I_train_myself_for_Jihad/How_can_I_train_myself_for_Jihad_djvu.txt

([129]) Au club de football de Lagny (77), deux éducateurs bénévoles suivis pour radicalisation - l’un d’entre eux était assigné à résidence - ont fait l’objet d’une décision administrative d’interdiction d’exercer.

([130]) L’on pourrait citer aussi la mesure n° 17 qui vise à encourager le contre-discours républicain sur plusieurs registres, porté par différents intervenants, y compris des sportifs, auprès de publics divers, notamment les jeunes.

([131]) La mission du COSPRAD est de favoriser l’articulation et le dialogue entre recherche académique et politique publique, en vue de développer la structuration de la recherche sur les radicalisations en France et de faire des propositions au Premier ministre qui le préside.

([132]) Comme cela a été fait en 2014-2015 sur le racisme avec la publication du livre Le sport en France à lépreuve du racisme.

([133]) Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Ce texte interdit, dans les écoles, collèges et lycées publics, « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » (article L. 141-5-1 du code de l’éducation).

([134]) Éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives, conseiller des activités physiques et sportives, conseillers principaux territoriaux des activités physiques et sportives, opérateurs territoriaux des activités physiques et sportives, etc.

([135]) Le ministère des sports définit l’éducateur sportif comme « une personne titulaire dun diplôme, dun titre à finalité professionnelle ou dun certificat de qualification permettant lenseignement, lanimation, lencadrement ou lentrainement dune activité physique ou sportive » (http://www.sports.gouv.fr/prevention/protection-securite/Reglementation-des-APS/article/Educateurs).

([136]) Article L. 121-4 alinéa 2 du code du sport : « Laffiliation dune association sportive à une fédération sportive agréée par lÉtat en application de larticle L. 131-8 vaut agrément. »

([137]) Les auditions sont présentées par ordre chronologique.