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______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de lAssemblée nationale le 3 juin 2020

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA MISSION DINFORMATION ([1]),

sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19

et présenté par

M. Richard Ferrand,

Rapporteur général,

Président de la mission d’information


Député

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mission est composée de M. Richard Ferrand, président, rapporteur général, Mmes Brigitte Bourguignon, Yaël Braun-Pivet, Françoise Dumas, M. Roland Lescure, Mme Barbara Pompili, Mme Marielle de Sarnez, M. Bruno Studer et M. Éric Woerth, co-rapporteurs, M. Damien Abad, Mme Sophie Auconie, M. Olivier Becht Mme Émilie Bonnivard, MM. Jean-René Cazeneuve, Éric Ciotti, Pierre Dharréville, Jean-Pierre Door, Mme Anne Genetet, MM. David Habib, Alexandre Holroyd, Gilles Le Gendre Mme Fiona Lazaar, MM. Patrick Mignola, Mickaël Nogal, Bertrand Pancher Mme Mathilde Panot Mme Michèle Peyron, MM. Laurent Saint-Martin, Olivier Serva, Joachim Son-Forget, Boris Vallaud et, en qualité de président ou de son représentant, associé aux travaux de la mission : MM. André Chassaigne, Jean-Christophe Lagarde, Jean-Luc Mélenchon, Matthieu Orphelin, Mme Valérie Rabault, MM. Philippe Vigier, Jean-Noël Barrot, Mmes Josiane Corneloup et Marie Lebec.

 


  1  

SOMMAIRE

___

Pages

I. FACE À UNE CRISE SANITAIRE SANS PRÉCÉDENT PAR SON AMPLEUR ET SES CONSÉQUENCES, LES ÉTAPES DE LA RÉPONSE DES POUVOIRS PUBLICS             

A. LES PREMIÈRES RÉACTIONS À LA CRISE S’ENCHAÎNENT EN QUELQUES SEMAINES             

B. LA MOBILISATION DES ADMINISTRATIONS SUR TOUT LE TERRITOIRE 

C. LA MISE EN PLACE PRÉCOCE D’UN APPUI SCIENTIFIQUE AU PILOTAGE DE LA CRISE             

II. L’INSTAURATION DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ET LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT SUR SA MISE EN ŒUVRE             

A. L’ADOPTION DÈS LE DÉBUT DU CONFINEMENT DU CADRE JURIDIQUE AUTORISANT LES MESURES NÉCESSAIRES POUR AFFRONTER UNE CATASTROPHE SANITAIRE             

B. L’IMPACT DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE SUR LES LIBERTÉS PUBLIQUES             

C. LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE 

III. Les travaux de la mission sur la rÉponse sanitaire apportÉe À la crise et sur la prÉparation de la sortie du confinement             

A. SUR LA MOBILISATION ET L’ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR AFFRONTER LA PANDÉMIE             

1. Les pouvoirs publics ont fait face, dans l’urgence, à la crise

2. Une crise qui a révélé des faiblesses

3. Une crise qui soulève des questions d’organisation et de coordination

B. SUR LA MOBILISATION DE LA RECHERCHE

1. Une mobilisation massive des chercheurs en France et dans le monde

2. Les programmes de recherche ont bénéficié d’un soutien financier sans précédent 

C. SUR LE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DU DÉCONFINEMENT

1. Le choix d’un déconfinement progressif reposant sur des critères objectifs

2. Un enjeu majeur : l’isolement des personnes infectées et l’identification de leurs contacts             

IV. LES MESURES PRISES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE POUR FAIRE FACE À LA CRISE             

A. LES MESURES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES POUR PRÉVENIR LES FAILLITES LIÉES À LA RÉDUCTION D’ACTIVITÉ             

1. Le fonds de solidarité pour les très petites entreprises

2. Les prêts garantis par l’État

3. Les reports de charges fiscales et sociales

4. Les aides spécifiques à certaines catégories d’entreprises

B. LES MESURES DE SOUTIEN À L’EMPLOI ET AUX SALARIÉS

1. L’extension du dispositif d’activité partielle

2. La reconnaissance vis-à-vis des professions exposées

3. Des enjeux de santé au travail particulièrement importants dans le cadre du déconfinement             

C. LES MESURES DE SOUTIEN AUX MÉNAGES LES PLUS MODESTES

1. L’allocation exceptionnelle de solidarité pour les ménages modestes

2. La prolongation de la trêve hivernale

3. Les mesures en faveur des jeunes de moins de 25 ans

FICHES THÉMATIQUES

FICHE 1 : CHRONOLOGIE DES MESURES PRISES PAR LES POUVOIRS PUBLICS POUR RÉPONDRE À LA CRISE du COVID-19 ET AVIS DES AGENCES ET ORGANISMES COMPÉTENTS             

FICHE 2 : ACTEURS MOBILISÉS DANS LE CADRE DE LA CRISE DU COVID19             

FICHE 3 : MISE EN ŒUVRE DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE dans les territoires             

FICHE 4 : ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR RÉPONDRE À L’URGENCE SANITAIRE             

FICHE 5 : MOBILISATION DES RENFORTS DE PERSONNELS SOIGNANTS 

FICHE 6 : LES ÉQUIPEMENTS DE PROTECTION (MASQUES)

FICHE 7 : TESTS ET STRATÉGIE DE DÉPISTAGE

FICHE 8 : ILLUSTRATION DES ENJEUX DU DÉCONFINEMENT : REPRISE DE L’ÉCOLE, REDÉMARRAGE DES TRANSPORTS COLLECTIFS             

Restitution des travaux des commissions

examen par la mission d’INFORMATION

CONTRIBUTIONS DES GROUPES ET CONTRIBUTIONS INDIVIDUELLES             

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


  1  

I.   FACE À UNE CRISE SANITAIRE SANS PRÉCÉDENT PAR SON AMPLEUR ET SES CONSÉQUENCES, LES ÉTAPES DE LA RÉPONSE DES POUVOIRS PUBLICS

Apparue à la fin du mois de décembre dans la province chinoise du Hubei, l’épidémie de Covid-19 a entraîné une catastrophe sanitaire d’une ampleur et d’une brutalité inédites, en se répandant en quelques semaines dans le monde entier. Aucune région du monde n’a été épargnée, toutes ont été affectées par la vague épidémique de façon quasi simultanée – même si son centre de gravité a évolué au fil des semaines –, résultat de la très forte contagiosité du virus et de l’intensité des déplacements internationaux.

Qualifié de pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 mars dernier, la Covid-19 a conduit certains États à prendre des mesures draconiennes, conduisant à une situation sans précédent dans laquelle plus de la moitié de la population mondiale s’est trouvée confinée à son domicile au plus fort de la crise, au mois d’avril.

Au 27 mai dernier, l’on décomptait dans le monde près de 6,22 millions de cas confirmés – ce chiffre étant probablement sous-estimé, compte tenu du nombre de personnes non diagnostiquées – et 373 900 décès, dont près de la moitié sur le continent européen, et 28 836 en France ([2]).


Nombre de cas et de décès dus à l’épidémie de Covid-19 au 1er juin 2020
à travers le monde

Pays

Nombre de cas confirmés

Nombre de décès

Nombre de cas par million d’habitants

Nombre de décès par million d’habitants

États-Unis

1 691 342

99 783

5 461

318

Brésil

391 222

24 512

2 440

139

Russie

370 680

3 968

2 871

27

Royaume-Uni

268 616

37 542

4 153

580

Espagne

236 259

27 117

5 131

581

Italie

231 139

33 072

3 863

555

France

182 847

28 836

2 821

430

Allemagne

181 524

8 428

2 199

101

Turquie

159 797

4 431

2 009

54

Inde

158 077

4 534

146

3

Iran

141 591

7 564

1 863

95

Belgique

57 592

9 364

5 088

825

Mexique

74 560

8 134

711

78

Chine

84 104

4 638

60

3

Suède

37 814

4 403

3 696

430

Pays-Bas

46 749

5 981

2 705

346

Source : John Hopkins University of Medecine.

L’épidémie a placé dans une situation critique les systèmes de soins de nombreux États, ces systèmes n’étant ni pensés ni dimensionnés pour faire face à une vague épidémique de cette nature, se propageant dans des délais aussi brefs.

Le graphique ci-après illustre l’afflux de patients accueillis à l’hôpital en France en quelques semaines à partir de la mi-mars, et la relative lenteur du reflux du nombre d’hospitalisations tenant à la durée des soins devant être prodigués aux personnes les plus gravement atteintes.

Évolution du nombre de personnes hospitalisées au titre du Covid-19
en France

Source : données de Santé publique France.

Cette crise est, en outre, marquée par un fort degré d’incertitude sur les caractéristiques du virus, que ce soit sur ses modes de transmission, sur les facteurs pouvant expliquer que les personnes affectées développent ou pas une forme grave, sur la réponse immunitaire qu’il engendre ou sur les réponses thérapeutiques et vaccinales qui peuvent y être apportées. Autant d’inconnues qui rendent extrêmement difficile la prise de mesures pour endiguer et maîtriser l’épidémie. Ainsi qu’a eu l’occasion de le souligner le Premier ministre devant la mission d’information ([3]), des décisions des autorités publiques lors de cette catastrophe sanitaire ont dû être prises sur le fondement d’informations souvent incomplètes, et parfois contradictoires.

Au-delà de ses conséquences sanitaires massives, l’épidémie a eu un impact considérable sur l’ensemble de nos sociétés, se traduisant par la fermeture des frontières de la plupart des pays et par l’effondrement du trafic aérien international, tout en portant un coup d’arrêt extrêmement brutal à l’économie mondiale, avec l’interruption totale de l’activité dans certains secteurs pendant plusieurs semaines. Le FMI a ainsi estimé que l’année 2020 constituerait la pire récession mondiale depuis la grande dépression de 1929, bien plus grave que celle ayant résulté de la crise financière de 2008.

A.   LES PREMIÈRES RÉACTIONS À LA CRISE S’ENCHAÎNENT EN QUELQUES SEMAINES

Le point de départ de la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus peut être fixé au 31 décembre 2019, date du signalement par la Chine auprès de l’OMS de cas de pneumopathies inconnues et par l’isolement d’un nouveau type de coronavirus, dit SARS-CoV-2 ou Covid-19, le 7 janvier 2020.

La chronologie des mesures prises par les pouvoirs publics tout au long de la crise est présentée en détail dans la Fiche 1 du présent rapport, tandis que les principales étapes des premiers mois en sont retracées ci-après.

Dès le 10 janvier, le ministère des solidarités et de la santé transmet aux agences régionales de santé (ARS) un message sur la définition de ces cas de Covid-19, tandis qu’un message d’alerte sanitaire rapide (MARS) a été diffusé le 14 janvier auprès des établissements de santé, parallèlement à l’envoi d’un message DGS-Urgent aux professionnels de santé libéraux et à la mise en ligne de premières informations sur le site de l’agence Santé publique France (SPF). Parallèlement, SPF a saisi le Centre national de référence de l’Institut Pasteur afin qu’il mette au point des tests permettant de diagnostiquer la présence du virus, fondés sur la technique dite RT-PCR (transcription inverse-réaction de polymérisation en chaîne).

La ministre des solidarités et de la santé et le directeur général de la santé ont tenu un premier point presse le 21 janvier sur ce sujet et dès le lendemain, le centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales, ou CORRUSS, a été activé par la direction générale de la santé (DGS). La réserve sanitaire a été mobilisée à compter du 25 janvier et le centre de crise sanitaire au sein de la DGS activé deux jours après. Le numéro vert du ministère des solidarités et de la santé a été mis en place le 1er février.

Le bref rappel de ces premières étapes permet de constater que la menace sanitaire a été prise en compte dès son commencement par la mobilisation sans délai des différents acteurs, par l’activation des dispositifs prévus en cas de crise et par la diffusion d’informations auprès des professionnels de santé et du grand public.

Parallèlement, plusieurs cas sont apparus sur différents points du territoire. Ce sont d’abord trois personnes revenant de la ville de Wuhan, le 24 janvier, puis onze cas ont été détectés, le 7 février, aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie. Des premières enquêtes épidémiologiques ont été lancées par les ARS afin d’identifier les personnes ayant été en contact avec les personnes malades. Les mesures qui ont été prises aux Contamines-Montjoie, notamment une campagne de dépistage et la fermeture des écoles pendant deux semaines, ont permis d’éviter l’apparition de nouveaux cas autour de ce premier « cluster ».

Toutefois, l’arrivée de nouvelles informations en provenance de Chine laissant apparaître une dangerosité du virus bien plus forte qu’anticipée, le 14 février, le ministère de la santé a activé le plan Orsan REB (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles – Risque épidémique et biologique).

D’autres « clusters » sont ensuite apparus, principalement après un rassemblement évangélique à Mulhouse qui s’est tenu du 17 au 24 février et a réuni plus de 2 000 personnes, puis dans le département de l’Oise, qui ont conduit les pouvoirs publics à déclencher le stade 2 du plan Orsan REB, le 29 février, l’objectif étant de freiner la propagation du virus sur le territoire.

En conséquence, les rassemblements mettant en présence plus de 5 000 personnes ont été interdits par un arrêté en date du 4 mars ([4]), puis ceux de plus de 1 000 personnes le 9 mars ([5]). Le ministère de la santé a procédé à l’activation du « plan blanc » dans les hôpitaux le 6 mars, afin de déprogrammer toutes les activités médicales non indispensables pour leur permettre d’assurer l’accueil de patients atteints du Covid-19 sur tout le territoire ; ce « plan blanc » a été généralisé, au niveau 2, le 12 mars, tandis que le « plan bleu » a été déclenché dans tous les établissements médico-sociaux pour y éviter la diffusion du virus et protéger les personnes vulnérables, particulièrement les personnes âgées.

Alors que la vague épidémique parvenait en Europe et affectait fortement l’Italie, le Président de la République a annoncé le 13 mars la fermeture des crèches, des établissements scolaires et des universités ; parallèlement, l’abaissement à 100 personnes du seuil autorisé pour les rassemblements a été décidé ([6]). Le lendemain, le stade 3 du plan Orsan REB a été activé et le Premier ministre a annoncé que les lieux accueillant du public non indispensables à la vie du pays seraient fermés jusqu’à nouvel ordre.

Face au risque de diffusion de l’épidémie sur le territoire, les pouvoirs publics ont décidé de franchir une étape supplémentaire ; le 16 mars, le Président de la République a appelé les Français à rester à leur domicile, pour deux semaines dans un premier temps. Cette mesure de confinement s’est appliquée à compter du 17 mars, à midi – date à laquelle la cellule interministérielle de crise, prévue par le protocole de gestion de crise ([7]), a été activée place Beauvau.

Le Gouvernement a ainsi procédé par étapes successives avant de décider de confiner la population française, cette décision ayant été prise selon une chronologie et des modalités proches de nos voisins européens. L’Espagne a ainsi pris cette mesure deux jours auparavant, le 15 mars, de même que l’Autriche, tandis que la Belgique a opté pour le confinement le 18 mars. Le Royaume-Uni n’a fait de même que le 23 mars, comme l’Allemagne. La décision avait en revanche été prise plus en amont par l’Italie ; confrontée à l’apparition précoce de foyers épidémiques importants ([8]), l’Italie a mis en œuvre un confinement strict à partir du 8 mars, après avoir commencé par des mesures de confinement régionales.

Décision inédite et aux lourdes conséquences, notamment en termes de libertés publiques et d’impact sur l’activité économique, le confinement de la population française à son domicile a poursuivi deux objectifs, ainsi que l’a rappelé le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19, devant la mission d’information : éviter que les établissements de santé ne soient pas en mesure de faire face à l’arrivée de patients atteints de formes graves du Covid-19, d’une part, et ralentir la circulation du virus, en réduisant fortement son taux de reproduction ([9]), d’autre part, afin que le nombre de nouvelles infections théoriques à la fin de la période de confinement permette de passer à une nouvelle étape basée sur une politique de dépistage, de suivi et d’isolement des patients.

B.   LA MOBILISATION DES ADMINISTRATIONS SUR TOUT LE TERRITOIRE

Lors de l’émergence du virus, c’est tout d’abord le ministère des Solidarités et de la santé, et la direction générale de la santé, qui se sont trouvés en première ligne. La DGS est en effet chargée d’organiser et d’assurer la gestion des situations d’urgence sanitaire ([10]), en s’appuyant sur l’agence Santé publique France (SPF), dont les missions incluent la veille des risques sanitaires, ainsi que la préparation et la réponse aux menaces et crises sanitaires ([11]). À ce titre, SPF assure la gestion de la réserve sanitaire et celle des stocks stratégiques nécessaires à la protection des populations.

Ces acteurs ont travaillé en étroite collaboration avec les autres directions du ministère de la santé, notamment la direction générale de l’offre de soins (DGOS), chargée d’assurer la régulation de l’offre de soins – hôpitaux, médecine de ville, établissements médico-sociaux – ainsi qu’avec les agences régionales de santé (ARS), chargées de piloter au niveau régional le système de santé et la réponse sanitaire, et avec différentes agences, notamment l’Agence nationale de sécurité du médicament, et le service de santé des armées.

La mobilisation et le rôle de ces différents acteurs sont détaillés dans la Fiche 2 du présent rapport.

En raison des dimensions multiples de cette catastrophe sanitaire majeure, à la fois économique, sociale et internationale, ce sont bien entendu tous les ministères qui ont été amenés à se mobiliser, la coordination des pouvoirs publics étant assurée par la cellule interministérielle de crise placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur – les préfectures étant engagées sur l’ensemble du territoire (cf. Fiche 3).

La réponse à la crise dans les outre-mer

Dans les outre-mer, une importante mobilisation a été décrétée très en amont – le confinement sy est appliqué le 17 mars comme dans l’hexagone, alors que la diffusion du virus y avait un mois de retard – ce qui a permis, à lexception de Mayotte et de la Guyane, dy limiter la propagation du virus.

1.  Une réponse efficace et adaptée aux spécificités ultramarines

La mobilisation dans les outre-mer a reposé sur trois piliers.

Tout dabord, ces territoires ont été particulièrement proactifs dans la mise en œuvre des dispositions de l’état durgence sanitaire. Celles-ci ont également fait lobjet dune adaptation à leurs spécificités, notamment par linstauration dune mesure de quarantaine des personnes arrivant dans ces territoires conformément aux préconisations du Conseil scientifique du 8 avril.

Les analyses hebdomadaires des mesures préfectorales prises en application de l’état durgence sanitaire effectuées par la mission dinformation ont permis le suivi des dispositifs dordre public mis en place dans les outre-mer, comme en Guadeloupe. Dans ce territoire, l’état durgence sanitaire a reposé sur un couvre-feu des personnes et des commerces (dont les conditions ont été renforcées pendant le week-end de Pâques), la mise en place de la procédure de quatorzaine et diverses mesures de régulation de lactivité des établissements recevant du public (comme linterdiction des locations touristiques) ou des déplacements (interdiction daccès aux plages, limitation des conditions daccès des vols internationaux).

Ensuite, une réorganisation des hôpitaux dans les différentes collectivités a permis d’y augmenter la capacité des services de réanimation. Lors de son audition par la mission dinformation le mardi 14 avril, la ministre des outre-mer a présenté le dispositif qui a permis de faire passer de 241 à 357, voire 571 si nécessaire, le nombre de lits en réanimation dans les territoires doutre-mer.

Enfin, le déploiement dune partie des moyens de lopération « Résilience » (1) a été décidé par le Président de la République et a permis lenvoi de deux porte-hélicoptères porteurs dune aide matérielle et dun soutien aux services publics locaux.

Alors que la situation sanitaire paraît aujourdhui maîtrisée, le Conseil scientifique, dans son avis du 12 mai, appelle cependant les autorités à ne pas baisser la garde pour maintenir sous contrôle l’épidémie. Cet avertissement concerne en priorité la Guyane dont le territoire, placé en zone orange comme Mayotte, fait lobjet dune vigilance renforcée et spécifique pour la deuxième phase du déconfinement en raison de la circulation toujours active du virus sur place.

Le Premier ministre a annoncé, le 28 mai, lexpérimentation dune nouvelle forme de quatorzaine adaptée à la deuxième étape du déconfinement.

 

(1) cf. le suivi par la commission de la défense et des forces armées de cette opération.

2.  Les difficultés importantes qui subsistent à Mayotte

Si la situation sanitaire a été maîtrisée avec succès en outre-mer, la diffusion de l’épidémie continue toutefois de saccélérer à Mayotte où plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n'ont pas l'eau courante et où loffre de soins est principalement concentrée sur le Centre Hospitalier de Mayotte situé à Mamoudzou. Malgré la mise en place rapide des mesures de restriction du trafic aérien et maritime et de quatorzaine, la situation sanitaire y est toujours préoccupante. Mayotte comptait 1 645 cas cumulés au 27 mai.

Depuis le 3 mai, 66 personnes hospitalisées au centre hospitalier de Mayotte ont bénéficié dune évacuation sanitaire vers La Réunion. Une livraison de 6,5 tonnes de fret, dont 850 000 masques, vient dy être effectuée le mardi 19 mai. Le 26 mai, avec quinze jours de décalage par rapport à la métropole, le préfet de Mayotte a néanmoins amorcé le déconfinement progressif et nécessaire de la population. Le début du processus a concerné la réouverture des écoles, des lieux de culte et des plages.

La commission denquête sera amenée à se saisir de toutes les dimensions de la crise dans les outre-mer, et notamment ses conséquences économiques.

C.   LA MISE EN PLACE PRÉCOCE D’UN APPUI SCIENTIFIQUE AU PILOTAGE DE LA CRISE

En raison du caractère inédit de la pandémie, deux nouveaux organismes devant apporter une expertise scientifique aux pouvoirs publics ont été créés.

Le 11 mars 2020, a été mis en place, à la demande du Président de la République, le Conseil scientifique Covid-19, afin d’éclairer la décision publique dans la gestion de la crise sanitaire. Ce conseil a été consacré par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, par l’introduction d’un article L. 3131-19 dans le code de la santé publique, prévoyant la création d’un comité de scientifiques en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Cette instance pluridisciplinaire, réunissant infectiologues, épidémiologistes, virologues ou encore sociologues, a pour mission d’émettre des avis étayés par des données scientifiques sur des questions concrètes. À partir du 12 mars, le Conseil a formulé à intervalles réguliers des avis – au nombre de treize à ce jour –, dont certains portent sur des thématiques précises, tels que les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes ou la situation dans les territoires d’outre-mer.

Peu après, le 24 mars, un second comité, dit CARE (comité analyse, recherche, expertise), orienté vers les enjeux de recherche et développement, a été créé, afin d’éclairer plus spécifiquement les pouvoirs publics sur les innovations scientifiques, thérapeutiques et technologiques.

Le Conseil scientifique Covid-19 et le CARE travaillent en coordination étroite – certains membres faisant d’ailleurs partie des deux comités (cf. Fiche 2 du présent rapport).

II.   L’INSTAURATION DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ET LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT SUR SA MISE EN ŒUVRE

A.   L’ADOPTION DÈS LE DÉBUT DU CONFINEMENT DU CADRE JURIDIQUE AUTORISANT LES MESURES NÉCESSAIRES POUR AFFRONTER UNE CATASTROPHE SANITAIRE

Alors que le Président de la République annonçait, lundi 16 mars, le confinement de la population pour le 17 mars à midi, le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a été déposé sur le bureau du Sénat le 18 mars. En quatre jours, le Parlement a adopté la loi d’urgence, promulguée le 23 mars.

La loi  2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois. Elle a fait reposer ce nouveau cadre juridique sur trois piliers :

 les mesures nationales prises par le Premier ministre sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique et déterminées par le décret du 23 mars ([12]) ;

 les mesures sanitaires prescrites en application de l’article L. 3131-16 par le ministre des solidarités et de la santé et précisées par l’arrêté du 23 mars ([13]) ;

 les mesures locales décidées par les préfets, sur le fondement de l’article L. 3131-17, pour appliquer ou renforcer les mesures nationales et sanitaires précédentes, également précisées par le décret du 23 mars précité.

La loi du 23 mars 2020 a également habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour répondre, en urgence, à toutes les dimensions de la crise, qu’elles soient sanitaires, économiques ou sociales. C’est ainsi qu’entre le 25 mars et le 20 mai 2020, cinquante-sept ordonnances ont été publiées.

Ensuite, la loi  2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, adoptée en une semaine par le Parlement, a permis de proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet et d’en adapter les modalités au déconfinement qui a été amorcé à compter du 11 mai. Le décret du même jour ([14]) s’est substitué au décret du 23 mars.

B.   L’IMPACT DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE SUR LES LIBERTÉS PUBLIQUES

Le dispositif mis en place par le décret du 23 mars au niveau national et éventuellement renforcé au niveau local a reposé sur trois éléments principaux :

 l’interdiction des déplacements en dehors de huit exceptions expressément prévues ;

 l’interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes ;

 et la limitation ou l’interdiction de l’activité des établissements recevant du public.

Un décret du 17 mars ([15]) a porté l’amende pour manquement aux mesures de confinement à 135 euros. En application de la loi du 23 mars, lorsque cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende s’élève à 200 euros ([16]). Enfin, à partir de la quatrième verbalisation dans un délai de trente jours, les faits sont punis par la loi de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général.

Un premier bilan de l’application de ces mesures fait apparaître que dès le 22 mars, les forces de l’ordre avaient procédé au contrôle de 1,7 million de personnes et sanctionné plus de 90 000 d’entre elles. Au 23 avril, 15,5 millions de contrôles avaient été réalisés pour 915 000 contraventions dressées.

Le taux moyen de verbalisation est de l’ordre de 6 % et se situe dans la fourchette présentée par les préfets du Nord (5 %) et de Vaucluse (7 %) lors de leur audition par la mission d’information le jeudi 14 mai 2020.

Bilan des contrÔles effectuÉs par les forces de l’ordre

Source : mission d’information.

Ces restrictions, qui ont eu un impact important et immédiat sur la vie quotidienne des Français ([17]), n’en ont pas moins été strictement encadrées par le législateur.

Tout d’abord, le dernier alinéa de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique dispose que les mesures prescrites en application dudit article « sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et qu’il « y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ».

L’article L. 3131-18 prévoit par ailleurs que les mesures prises en application de l’état d’urgence sanitaire peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. À ce titre, le Conseil d’État a été saisi, à la date du 25 mai, de 61 recours, dont certains ont contraint le Gouvernement à adapter les mesures prises, par exemple à lever l’interdiction de rassemblement dans les lieux de culte ([18]).

Enfin, l’article 7 de la loi du 23 mars 2020 a introduit une date limite d’application des dispositions du code de la santé publique relatives à l’état d’urgence sanitaire au 1er avril 2021.

Sur le sujet des libertés publiques, la mission d’information a également pu s’appuyer sur les travaux menés par la commission des lois. Ceux-ci ont notamment porté sur les détentions provisoires et la question de leur prolongation automatique qui a été soulevée dans le cadre du suivi de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale ([19]). La commission a aussi travaillé de manière précoce sur les systèmes de traçage avant que l’application « StopCovid » ne soit approuvée à la suite de la déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 qui s’est tenue devant l’Assemblée nationale le 27 mai.

C.   LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE

Face à l’ampleur du dispositif prévu dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et son caractère inédit, l’Assemblée nationale a mis en place un contrôle renforcé dans la lignée de celui instauré sur la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Ce contrôle se fonde sur le deuxième alinéa de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, introduit par la loi du 23 mars, qui dispose que « l’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »

Afin de mener à bien cette mission, la Conférence des présidents a décidé la création, dès le 17 mars 2020, de la présente mission d’information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus Covid19.

La mission a pu bénéficier de la transmission par le Premier ministre, depuis le 31 mars, d’un point d’étape hebdomadaire recensant les mesures prises par le Gouvernement sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire. En outre, à partir du 7 avril, le ministère de l’intérieur a directement ouvert à la mission d’information l’accès à une plateforme internet qui centralise les arrêtés préfectoraux pris dans ce cadre.

La mission d’information a ainsi été en mesure de contrôler la mise en œuvre progressive de l’état d’urgence sanitaire qui a fait l’objet, depuis le 23 mars, de vingt-deux décrets et de dix-huit arrêtés. Elle a également procédé au recensement et à l’analyse hebdomadaire de plus d’un millier d’arrêtés préfectoraux dont les résultats ont été publiés de façon hebdomadaire (les principales conclusions de ces analyses sont présentées dans la Fiche 3 du présent rapport) ([20]).

III.   Les travaux de la mission sur la rÉponse sanitaire apportÉe À la crise et sur la prÉparation de la sortie du confinement

Outre le contrôle des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la mission d’information s’est attachée à suivre la gestion sanitaire de la crise, en auditionnant les principaux acteurs impliqués, au premier chef le ministre des Solidarités et de la santé, le directeur général de la santé et la directrice générale de Santé Publique France.

Puis, au fil du déroulement de la crise, la mission a suivi la préparation et l’organisation du déconfinement, en s’intéressant particulièrement à trois de ses enjeux essentiels, l’organisation du travail, la réouverture des écoles et le fonctionnement des transports collectifs. Elle a également entendu les acteurs en première ligne dans le processus de déconfinement, à savoir M. Jean Castex, spécifiquement missionné pour coordonner la stratégie de déconfinement, ainsi que les représentants d’associations d’élus locaux et des préfets, le « couple » maire/préfet étant au cœur de sa mise en œuvre et de sa déclinaison sur les territoires.

Ces auditions, complétées par des demandes écrites, constituent une première étape et ont permis d’assurer la mission constitutionnelle de contrôle qui incombe au Parlement selon des modalités adaptées à la période de l’état d’urgence sanitaire.

Parallèlement aux auditions menées par la mission d’information, les huit commissions permanentes ont examiné les textes nécessaires pour assurer la gestion de l’épidémie ([21]) et répondre à ses conséquences sur l’emploi et les entreprises ([22]), et ce dans des délais extrêmement resserrés. Elles ont également procédé au suivi et à l’analyse des 57 ordonnances prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Enfin, elles ont fait porter leurs travaux de contrôle sur les conséquences de la crise sanitaire dans leurs domaines de compétences respectifs.

C’est donc un dispositif d’ensemble reposant sur la complémentarité des travaux de la mission et de ceux des commissions qui a été mis en place : à la mission le suivi de l’état d’urgence sanitaire et celui des orientations stratégiques de gestion de la crise sanitaire, aux commissions le suivi quotidien des mesures prises et de leur impact chacune dans son champ de compétence.

Les commissions permanentes ainsi que les délégations ont été mobilisées afin d’approfondir différentes thématiques que la mission n’était pas en mesure de couvrir de façon exhaustive, compte tenu de sa durée restreinte.

À la demande de la mission d’information, la commission des affaires sociales a notamment mené un cycle d’auditions sur la situation spécifique des EHPAD face à l’épidémie et réalisé une mission flash, confiée à un binôme de députées, sur ce sujet ; elle a également examiné les conséquences de la crise sur le financement de la sécurité sociale, l’accès aux soins des patients hors Covid-19, ou encore l’impact de la crise sur le monde du travail, l’emploi et la protection des salariés, entre autres travaux.

La commission des lois a axé ses travaux sur l’utilisation des innovations numériques pour lutter contre l’épidémie, sur les risques en milieu carcéral, sur les enjeux liés à la sécurité publique et à la justice, ainsi que sur le rôle des collectivités locales dans la crise.

La commission des affaires étrangères s’est concentrée sur la réaction des institutions européennes et internationales, sur l’adaptation des réseaux diplomatiques, consulaires et éducatifs, recouvrant l’enjeu essentiel du rapatriement de nos compatriotes se trouvant à l’étranger, et sur l’adaptation de l’aide humanitaire d’urgence et de l’aide publique au développement.

La commission de la défense a travaillé sur l’apport des armées dans la lutte contre l’épidémie, notamment dans le cadre de l’opération Résilience, ainsi que sur l’impact de l’épidémie sur la poursuite des opérations, tant sur le territoire national que sur les théâtres extérieurs.

La commission des affaires économiques s’est attachée à l’examen des conséquences de la crise sur les filières agricoles, de la pêche et sur les industries agroalimentaires, sur les réseaux de communication, sur les entreprises et le commerce de proximité, sur la situation du bâtiment et du logement, ainsi que sur le secteur du tourisme et de l’énergie.

La commission du développement durable a quant à elle mené des travaux sur les conditions d’activité dans les transports en pleine crise sanitaire, puis lors du déconfinement, sur la sûreté des installations industrielles et nucléaires ou encore sur la situation des territoires face à la crise, notamment les relations entre État et collectivités et la gestion des services publics locaux indispensables ainsi que sur les causes environnementales de la crise sanitaire.

La commission des affaires culturelles a abordé les enjeux de l’épidémie en matière de recherche, sujet crucial dans un tel contexte, mais aussi les conséquences de la crise sur l’industrie culturelle et les médias, sur l’enseignement scolaire et supérieur, ainsi que sur le sport et la vie associative.

La commission des finances a examiné et adopté deux projets de lois de finances rectificatives qui ont pris en compte la dégradation exceptionnelle des finances publiques et engagé de puissantes mesures budgétaires de sauvegarde de l’économie et de soutien à l’activité. La commission a opéré un suivi régulier de la conjoncture et de la mise en œuvre du prêt garanti par l’État, et s’est penchée sur la question de la résistance du système financier, des défis posés par la crise en termes de financement de la dette publique et des risques pour les finances locales.

La mission d’information s’est réunie le mardi 26 mai pour entendre les co-rapporteurs présenter les travaux des commissions qu’ils président ; ces travaux sont annexés au présent rapport (cf. Restitution des travaux des commissions).

A.   SUR LA MOBILISATION ET L’ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR AFFRONTER LA PANDÉMIE

1.   Les pouvoirs publics ont fait face, dans l’urgence, à la crise

 Un premier constat s’impose : si notre système de soins a été soumis à rude épreuve lors de la catastrophe sanitaire, il a tenu bon et a su faire face à l’afflux massif de patients atteints du Covid-19, au prix d’une mobilisation exceptionnelle des personnels soignants, d’efforts d’adaptation sans précédent des hôpitaux et d’un fort engagement de la médecine de ville, sans doute moins visible mais qui a permis de prendre en charge une très grande part des malades atteints du Covid-19 sous des formes plus bénignes en particulier grâce au recours aux téléconsultations (Fiche 4).

Le système de santé a d’abord dû répondre à la forte hétérogénéité territoriale de la catastrophe sanitaire : les régions du Grand Est, de l’Ile-de-France et des Hauts-de-France, notamment, ont été frappées de plein fouet, tandis que d’autres, telles que la Bretagne ou la Nouvelle-Aquitaine, étaient relativement épargnées. À elle seule, l’Ile-de-France a représenté 40 % des hospitalisations de malades du Covid-19 au niveau national à la mi-avril, et le Grand Est 16 %. Pour faire face à ces disparités, les établissements de santé et les ARS des régions les plus affectées ont fait appel à des personnels soignants issus de régions moins touchées, tout en organisant des transferts de patients, selon des modalités inédites, vers des établissements disposant de capacités d’accueils.

Les établissements de santé ont conduit une adaptation massive et rapide de leurs services afin d’être en mesure d’accueillir les patients atteints de formes graves de la maladie en services de réanimation – étant rappelé que dès le début du mois de mars, le déclenchement du « plan blanc » a permis de libérer des capacités d’accueil par la déprogrammation des activités médicales non indispensables.

Les capacités de réanimation des hôpitaux ont été doublées dans des délais très courts, passant de 5 000 lits avant la crise à plus de 10 000 à la fin du mois de mars, ce qui a imposé des efforts de restructuration sans précédent, par exemple en transformant des blocs opératoires en unités de réanimation. En parallèle, les personnels soignants et administratifs ont dû et ont pu faire preuve d’une adaptabilité exceptionnelle. La crise sanitaire a conduit à lever des obstacles administratifs qui paraissaient insurmontables jusqu’alors et à faire tomber des barrières entre les services et les catégories de personnels – nombre d’entre eux ont changé de pratiques, voire de fonctions, en se formant dans l’urgence ; elle a montré les remarquables capacités d’adaptation et d’innovation de notre système hospitalier.

Pour répondre aux besoins croissants des services de réanimation, l’État a passé une commande de plus de 10 000 respirateurs, dont les livraisons sont échelonnées jusqu’à la fin du mois de juin (Fiche 4).

Cette mobilisation exceptionnelle a permis d’absorber l’arrivée brutale de milliers de patients dans les établissements de santé : le nombre de personnes hospitalisées au titre du Covid-19 est passé d’un peu moins de 3 000 patients le 18 mars à plus de 32 000 à la mi-avril, tandis que le nombre de personnes en réanimation est passé de 771 au 18 mars à plus de 7 000 trois semaines plus tard.

Le pilotage du déploiement des capacités de soins s’est appuyé sur les travaux de modélisation de l’épidémie aux plans national et régional réalisés par l’Institut Pasteur, afin de mieux anticiper les décisions à prendre, y compris les transferts de patients vers les régions moins touchées. Des évacuations sanitaires inédites ont ainsi permis de transférer plus de 660 patients entre la mi-mars et la mi-avril, essentiellement à partir des régions du Grand-Est, de l’Ile-de-France et de la Bourgogne Franche-Comté, vers d’autres régions plus épargnées, notamment la Nouvelle-Aquitaine, la Bretagne, et les Pays de la Loire, en utilisant tous les moyens de transport, de TGV médicalisés aux hélicoptères, mais aussi avions, bateaux et ambulances. D’autres transferts de patients ont été opérés vers des pays frontaliers, notamment l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suisse, qui disposaient de capacités d’accueil.

Des moyens financiers supplémentaires ont été alloués aux établissements de santé ; une enveloppe spécifique d’urgence de 377 millions d’euros, annoncée le 22 avril, a notamment été ouverte pour leur permettre de couvrir les dépenses exceptionnelles liées à l’épidémie, parallèlement aux autres mesures budgétaires, destinées notamment au versement de primes aux personnels soignants.

 La prise en charge de l’afflux de patients dans les hôpitaux n’a été possible que grâce à un engagement exemplaire des personnels soignants, unanimement salué, qui s’est traduit par la réduction de leurs heures de repos et congés, par le recours massif aux heures supplémentaires et par l’appel à des renforts, notamment des personnels exerçant dans des territoires moins touchés, mais aussi des étudiants en médecine, des étudiants infirmiers et kinésithérapeutes et des personnels retraités (cf. Fiche 5).

Le recours à des renforts s’est effectué dans le cadre de la réserve sanitaire, placée sous la responsabilité de SPF – au 27 avril 2020, les missions dédiées au Covid-19 représentaient près de 9 400 jours/homme ([23])–, et de plateformes créées au niveau régional par les ARS pour mettre en relation directe des volontaires et les établissements de santé. Ces plateformes montées de façon très rapide sont d’ailleurs apparues plus réactives et opérationnelles en période de crise aiguë que la réserve sanitaire. Celle-ci prend en charge davantage les aspects administratifs au bénéfice des établissements de santé, mais ses modalités de fonctionnement et ses délais de traitement sont apparus moins adaptés aux besoins opérationnels urgents.

Une quinzaine de rotations de personnels à destination du Grand Est et de l’Ile-de-France ont notamment été organisées depuis les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes.

 La médecine de ville et les services d’aide médicale urgente (SAMU) ont également été fortement sollicités pour la prise en charge des patients atteints du Covid-19, notamment pour les formes les moins graves. Ils ont fait face à l’afflux, en adaptant leur fonctionnement et les réponses apportées aux patients, dans un contexte complexifié par le confinement. Le nombre de patients ayant consulté un médecin généraliste pour un cas de Covid-19 était estimé, sur la base des données du réseau Sentinelle, à près de 95 000 au cours de la dernière semaine de mars, tandis que le nombre d’actes de SOS Médecins pour suspicion de Covid-19 dépassait le chiffre de 12 000 cette même semaine ([24]).

Les pratiques médicales ont également évolué, par le recours aux téléconsultations, pour lesquelles des mesures dérogatoires ont été adoptées en termes de remboursement, de parcours de soins et de mise en œuvre technique, afin de favoriser leur usage. Le nombre de téléconsultations a ainsi explosé dans le contexte du confinement, pour atteindre plus de 485 000 pendant la dernière semaine de mars (contre 10 000 par semaine début mars).

Des centres de consultations ambulatoires ont été ouverts afin d’accueillir des patients présentant des symptômes du Covid-19 – certains temporaires, s’installant dans des locaux mis à disposition par les mairies ou adossés à un hôpital, d’autres correspondant à des structures existantes (maisons de santé pluriprofessionnelles, centres de santé, cabinets de groupe…).

Pour autant, les médecins de ville ont pu avoir le sentiment, dans un premier temps, de ne pas être suffisamment associés et pris en compte dans la réponse apportée à la catastrophe sanitaire, alors que l’attention était largement focalisée sur les établissements de santé. Il sera nécessaire de réexaminer l’articulation des rôles respectifs de la médecine de ville, des hôpitaux publics et de ceux du secteur privé, lucratif ou non, face à une crise sanitaire de grande ampleur.

 Enfin, le principal objectif poursuivi par le confinement décidé le 17 mars, soit limiter la pression exercée sur le système de soins, a été atteint.

Selon une étude épidémiologique publiée le 22 avril dernier ([25]), en l’absence de confinement, au bout d’un mois seulement, la charge des hôpitaux aurait été multipliée par huit et les besoins en lits de réanimation par 15, ce qui aurait conduit à ce que le système hospitalier ne puisse pas traiter la plupart des patients nécessitant une prise en charge intensive. Le confinement pendant les seules quatre premières semaines aurait ainsi permis d’éviter près de 62 000 morts à l’hôpital et réduit ce nombre de 83,5 % par rapport à une situation sans confinement. In fine, le confinement aura réduit le taux de reproduction du virus, ou R0, de 84 %, en le faisant passer de 3,3 à 0,5 ([26]).

Sans sous-évaluer ses effets induits considérables sur la vie des Français, les risques associés – sur les plans psychologiques, sociaux et de violences intrafamiliales notamment voire ses effets sanitaires de long terme –, ainsi que ses conséquences sur l’activité économique nationale, le confinement a fait la preuve de son efficacité en termes de maîtrise de l’épidémie.

2.   Une crise qui a révélé des faiblesses

La remarquable réponse de notre système de soins ne saurait dissimuler les faiblesses mises en lumière à l’occasion de cette crise, qui ont vocation à faire l’objet de travaux approfondis dans la phase deux de la mission d’information, qui vient de se doter des prérogatives d’une commission d’enquête.

 Le premier point, qui a été abondamment commenté, est l’insuffisance des stocks stratégiques d’équipements de protection, et notamment de masques.

Comme l’a indiqué le ministre de Solidarités et de la santé dès le mois de février, le stock de masques chirurgicaux détenu par l’État et géré par Santé publique France se limitait, avant le début de la crise, à 117 millions. Le stock de masques FFP2, plus protecteurs et utilisés par les personnels soignants, avait été réduit à zéro, du fait d’une évolution de doctrine et de décisions intervenues à partir de 2011, conduisant à transférer aux employeurs, dont les hôpitaux, la responsabilité de fournir des masques de protection à leurs salariés. Or dans le cadre de la crise sanitaire, la consommation de masques dans les établissements de santé a explosé, en étant multiplié par 20, voire 40, pour certains d’entre eux ; les besoins ont fortement augmenté dans la population, ne serait-ce que pour la protection des salariés continuant à travailler dans les secteurs essentiels à la vie de la Nation, par exemple les employés des commerces indispensables, les forces de l’ordre, ou encore les services de propreté.

Cette situation a imposé de hiérarchiser la distribution des masques, en privilégiant les territoires dans lesquels le virus circulait le plus activement et en donnant la priorité aux professionnels de santé qui étaient au contact avec les malades dans les zones les plus actives, notamment les services d’urgence, de réanimation et de soins intensifs. Le Gouvernement a recouru à des mesures de réquisition et il a procédé à des commandes massives, dont le financement a été assuré par des moyens exceptionnels alloués à Santé publique France ([27]) ; au 28 mai dernier, SPF avait ainsi procédé à l’acquisition de 3,42 milliards de masques, dont 2,4 milliards de masques chirurgicaux et 978 millions de masques FFP2, pour un montant total de 2,55 milliards d’euros ([28]) (Fiche 6). Des collectivités territoriales ainsi que des ARS ont également procédé à des commandes.

L’insuffisance des stocks au niveau national, qui n’était pas compensée par des stocks locaux suffisants au sein des établissements de santé, a affecté leur situation et leur organisation pendant une partie de la crise. Dans la perspective de la sortie de crise actuelle, la reconstitution de stocks stratégiques de masques de protection et une réflexion sur la gestion et les modalités d’organisation logistique de ces stocks seront incontournables.

 La question de la fourniture de masques s’inscrit dans la problématique plus large de notre dépendance à l’égard de l’extérieur pour les approvisionnements en produits indispensables dans le contexte d’une épidémie, qu’il s’agisse des équipements de protection, des matériels et des médicaments de réanimation ou encore de réactifs et matériels nécessaires aux tests de dépistage. Cet enjeu est loin d’être propre à la France et concerne l’ensemble des pays développés. Or la pandémie mondiale, touchant au même moment tous les pays, et en premier lieu, la Chine, l’un des principaux fournisseurs, a conduit à une explosion de la demande internationale et à un tarissement des approvisionnements traditionnels, dans un contexte où les capacités de transport international étaient par ailleurs très réduites.

Cette dépendance et l’absence de capacités industrielles suffisantes pour la production d’équipements stratégiques ont ainsi considérablement complexifié ce champ de la gestion de la crise.

Les capacités de production nationales des équipements de protection, en premier lieu des masques, mais aussi des blouses, des surblouses, des charlottes, des gants, se sont révélés insuffisantes pour faire face aux besoins exponentiels des établissements de santé, en l’absence de stocks. Certes, la France dispose encore sur son territoire de capacités de production de masques – à la différence de la plupart de ses voisins ([29])–, et le Gouvernement a apporté son soutien aux quatre entreprises françaises concernées pour accompagner la montée en puissance de leur production : leur fabrication hebdomadaire est passée de 3,5 millions avant la crise à 20 millions à la fin de mois de mai ; le développement de capacités industrielles supplémentaires sera par ailleurs soutenu, avec l’installation de nouvelles lignes de production ([30]). Pour autant, pour faire face aux besoins immédiats, les commandes massives, essentiellement auprès de la Chine, ont été passées dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée, à des prix unitaires bien supérieurs à ceux d’avant la crise sanitaire ([31]) ; un véritable « pont aérien » a dû être mis en place pour permettre et sécuriser leur acheminement jusqu’en France. Certains chargements destinés à des collectivités locales françaises ont en effet été rachetés et interceptés sur le tarmac des aéroports chinois par des acheteurs peu scrupuleux.

De même, les tensions nationales constatées sur la disponibilité des tests de dépistage résultent largement de la demande soudaine et mondiale de produits réactifs, dans un contexte où les ressources avaient été fortement consommées par les pays d’Asie, touchés en premiers par l’épidémie. En mars et au début du mois d’avril, de très nombreux laboratoires avaient une visibilité de deux à trois jours en matière de réactifs ([32]) ; des tensions ont aussi été constatées sur les écouvillons nécessaires pour les prélèvements.

Des difficultés d’approvisionnement en médicaments des établissements de santé ont également été constatées, notamment pour les curares et les hypnotiques, très utilisés dans les services de réanimation ; elles sont liées là encore à la forte hausse de la demande mondiale sur plusieurs molécules, qui a augmenté, pour certaines d’entre elles, de 2 000 %, alors que la production de médicaments est aujourd’hui très largement concentrée en Inde et en Chine. Le ministère des solidarités et de la santé a dû mettre en œuvre un plan de sécurisation des approvisionnements et de régulation des stocks de médicaments répartis sur le territoire, notamment par la centralisation des achats et de la distribution de certaines molécules ; il a également engagé un processus d’internalisation de la fabrication de certains médicaments, par l’acquisition de matières premières et leur transformation auprès de façonniers nationaux ou de pharmacies hospitalières.

Face aux difficultés constatées pendant la crise, une réflexion sur la (re)constitution de capacités de production nationales et européennes permettant de sécuriser nos approvisionnements en équipements stratégiques apparaît là encore indispensable.

 La mobilisation sans faille des établissements de santé ne doit pas faire oublier la situation tendue dans laquelle ils se trouvaient avant la crise sanitaire, et qui a nécessité des personnels soignants des efforts d’autant plus importants. Compte tenu des difficultés constatées à l’automne dernier, le Gouvernement avait présenté à la mi-novembre un plan d’urgence pour l’hôpital, prévoyant notamment la hausse de l’ONDAM ([33]) hospitalier ainsi que la reprise par l’État d’un tiers de la dette des établissements. Toutefois, dans un contexte de crise, le temps de latence de la mise en œuvre et de l’effectivité de ce plan d’urgence et les montants se révèlent insuffisants.

À cet égard, le Président de la République a annoncé à la fin du mois de mars un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’hôpital. Ses contours doivent être précisés dans le cadre d’une concertation nationale, réunissant les partenaires sociaux et les collectifs hospitaliers, baptisée « Ségur de la santé » et engagée le 25 mai ; seront mis sur la table plusieurs sujets structurants, à savoir la revalorisation des salaires et des carrières des personnels soignants, l’investissement dans les bâtiments et le matériel, la mise en place d’un système plus souple et plus déconcentré ainsi qu’une nouvelle organisation du système de santé articulée au niveau du territoire. Les propositions issues de cette concertation ont vocation à trouver une traduction dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, présenté à l’automne.

 Plus largement, la crise sanitaire met en lumière la nécessité d’investir davantage la fonction de préparation et de planification à long terme de l’État en matière de sécurité sanitaire et de prévention, et de renforcer les réflexions stratégiques en la matière ; or, il est malheureusement probable que ces sujets soient tout sauf conjoncturels.

L’épidémie a de fait révélé quelques failles dans la culture de prévention sanitaire en France et un manque d’anticipation face à des crises d’une telle ampleur – sachant que le développement de réponses à ce type de situations est aussi un processus itératif, résultant des enseignements issus des crises précédentes. Si l’efficacité de la gestion de l’épidémie du Covid-19 par la Corée du Sud a été largement saluée, elle s’explique entre autres par les leçons que le pays a retirées de l’épidémie de Mers-CoV survenue en 2015 sur son territoire.

Sur la base des premiers constats sur l’épidémie, il apparaît nécessaire que la France renforce ses politiques de prévention sanitaire et améliore ses moyens de suivi épidémiologique. Sur ce dernier point, si Santé publique France a réalisé un important travail d’information, en publiant des données détaillées et territorialisées sur les hospitalisations et les admissions en réanimation, par exemple, il reste des faiblesses, par exemple sur le décompte des décès survenus dans les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui a été mis en œuvre avec retard (voir infra), ou encore sur le recensement des moyens de dépistage du virus par les laboratoires, les remontées d’informations s’avérant partielles. En outre, comme l’ont souligné les préfets devant la mission, les données épidémiologiques telles qu’elles sont collectées, notamment par les ARS, ne répondent pas nécessairement aux besoins opérationnels de gestion de la crise et les modèles épidémiologiques ne sont pas suffisamment territorialisés pour permettre de piloter la crise au plus près et d’anticiper les coûts.

3.   Une crise qui soulève des questions d’organisation et de coordination

La crise que nous traversons soulève également des questions sur l’organisation de notre système de santé et notre organisation territoriale, mais aussi sur la coordination européenne et internationale face à la crise.

 En premier lieu, l’organisation institutionnelle de la gestion des crises sanitaires, et plus spécifiquement les missions confiées à Santé publique France. Créée en mai 2016, l’agence est issue de la fusion de l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui était chargé de la veille et de la vigilance sanitaire, de l’Institut national d’éducation et de prévention pour la santé (INPES), chargé des politiques de prévention et de promotion de la santé, ainsi que de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Cet établissement, créé en 2007 à la suite de la crise du chikungunya en outre-mer ([34]), avait pour missions de préparer, d’organiser et de conduire la mobilisation des moyens de réponse à une situation de crise sanitaire. Il était chargé de gérer les stocks stratégiques nationaux (notamment en équipements de protection, mais aussi en iode ou en antibiotiques), ainsi que la réserve sanitaire.

L’absorption de l’EPRUS au sein de la nouvelle agence avait été motivée en 2016 par la volonté d’améliorer la cohérence des fonctions, assurées jusqu’alors par les trois entités fusionnées, en matière de veille sanitaire et de promotion de la santé. Elle a toutefois suscité des critiques depuis le début de la crise, au motif qu’elle aurait dilué l’action de l’EPRUS et nui à son caractère opérationnel et particulier d’établissement pharmaceutique. En tout état de cause, la nécessaire reconstitution de stocks stratégiques d’équipements de protection, la doctrine de gestion, voire une réflexion sur la gestion de la réserve sanitaire, impliqueront de réexaminer les missions de SPF face aux crises sanitaires ainsi que son organisation.

Le suivi de la situation dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) s’est avéré insuffisant aux débuts de la crise, conduisant à ce que le nombre de décès survenant dans ces établissements ne fasse l’objet d’un décompte effectif qu’à partir du 1er avril – seuls les décès dans les hôpitaux étaient recensés avant cette date.

Les personnes hébergées en EHPAD cumulent deux facteurs de risque : d’une part, l’âge avancé tout comme les polypathologies associées sont des facteurs propices à la survenue de forme grave du Covid-19, et la létalité du virus est élevée chez les personnes de plus de 75 ans ; d’autre part, l’hébergement collectif et les visites des proches favorisent les contaminations. Plusieurs mesures spécifiques ont donc été prévues pour ces établissements, avec, dès le 12 mars, le déclenchement du plan bleu dans les établissements médico-sociaux, prévoyant notamment l’interdiction des visites ([35]), la fourniture de 500 000 masques par jour aux EHPAD annoncée par le ministre de la santé le 21 mars et le lancement d’une campagne de dépistage dans ces établissements le 5 avril ([36]).

Le nombre de décès dans ces établissements s’avère élevé, avec plus de 10 248 décès comptabilisés dans les EHPAD entre le 1er mars et le 26 mai ([37]). La commission des affaires sociales a d’ailleurs pris en charge, à la demande de la mission d’information, le sujet du suivi des conséquences de l’épidémie sur la situation des EHPAD, et elle a réalisé plusieurs auditions sur ce thème.

En tout état de cause, l’organisation des remontées d’informations sur les décès survenus dans les EHPAD n’a pas été structurée au début de la crise et n’est devenue effective que tardivement ([38]). Ce constat pose la question des modalités de suivi de ces établissements au niveau national, mais aussi régional, par les ARS, et appelle sans doute des réflexions pour les améliorer.

Si la réponse apportée localement dans les territoires (cf. Fiche 3), a connu des réussites incontestables, elle a néanmoins souffert d’insuffisances dont certaines étaient déjà connues avant la crise.

Les Français ont pu constater, dans l’ensemble des territoires, une mobilisation sans précédent des différentes institutions pour faire face à l’épidémie. Qu’il s’agisse des administrations déconcentrées de l’État ou des collectivités territoriales, et ce quel que soit leur niveau ou leurs domaines de compétence, toutes se sont adaptées pour participer à lutte contre le virus tout en étant utiles à la population. Le cadre national de l’état d’urgence sanitaire a largement reposé sur une déclinaison territoriale afin d’être adapté aux spécificités locales : il s’agissait là d’un préalable indispensable à la réussite du dispositif.

L’émergence du binôme maire-préfet dans la gestion de la crise a permis de mettre en lumière certains enseignements.

En raison d’un confinement soudain mais qui pouvait difficilement être anticipé et coordonné, d’importantes questions relatives à la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire comme celles des couvre-feux ou du port du masque, ont donné lieu à des décisions unilatérales reposant sur des bases juridiques incertaines. Néanmoins, à mesure que le confinement s’est installé dans la durée et que la préparation du déconfinement a été amorcée, la relation entre les maires et les préfets a montré son caractère indispensable et pertinent. Elle a permis d’illustrer et de mettre en exergue les priorités de la continuité de l’État sur le territoire national : proximité, dialogue, confiance et efficacité. L’annonce du Premier ministre, le 28 mai, visant à permettre aux préfets, en lien avec les maires, d’imposer le port du masque dans certaines parties du territoire des communes, a permis de parachever le travail commun qui a été accompli au sujet des marchés, des couvre-feux ou de la réouverture des plages.

La question du rôle et du fonctionnement des agences régionales de santé, qui pouvaient parfois être perçues comme trop centralisées, inaccessibles ou en décalage avec les réalités et les attentes du terrain, s’est également posée avec une acuité particulière liée à l’urgence de la situation. Il serait sans doute trop facile de faire de ces agences des boucs émissaires de l’après-crise, alors que leur création par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ne les avait pas préparées à faire face à un choc d’une telle ampleur. Comme beaucoup d’autres acteurs, elles ont agi dans l’urgence et dans des situations où le facteur humain a été décisif mais inégal selon les territoires. Pour autant, les enjeux d’une territorialisation plus fine, d’une meilleure articulation avec les services déconcentrés de l’État et d’une plus grande proximité de ces agences avec les élus locaux et avec les préfets devront être approfondis.

● Plus largement, jusqu’à présent, la réponse sanitaire apportée au niveau européen à la crise n’a pas été à la hauteur. Le « chacun pour soi » l’a emporté, chaque pays a pris des mesures au niveau national, sans coordination avec ses partenaires malgré les efforts du Gouvernement français. L’Union européenne n’a pas réussi à s’affirmer dans la gestion de la catastrophe sanitaire ni à proposer une réponse commune ; la solidarité entre États membres a globalement fait défaut.

Ce manque de solidarité s’est particulièrement manifesté à l’égard de l’Italie, pays très lourdement touché par la pandémie, qui a manifesté son amertume face au manque d’aide de la part de ses partenaires. La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula Von der Leyen, a d’ailleurs présenté ses excuses, dans une tribune parue dans la presse italienne au début du mois d’avril, pour la mobilisation trop tardive de l’Europe.

Face à la pandémie, chaque pays a opté pour une stratégie nationale, les frontières entre États membres ont été fermées de façon non concertée et dans une certaine précipitation, et l’on a même pu observer des tensions entre pays à propos de saisies de masques. Certes, la santé ne constitue pas une compétence de l’Union européenne : elle reste du ressort des États, sur le fondement de l’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ([39]). Pour autant, au-delà des stricts aspects sanitaires, une meilleure coordination entre États et une action plus affirmée de l’Union auraient pu être mises en œuvre, a fortiori dans la mesure où l’Union européenne est dotée d’agences compétentes dans ce domaine (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Agence européenne du médicament).

Néanmoins, une forme de solidarité s’est progressivement mise en place, comme l’ont illustré les transferts de patients d’un État vers l’autre,  notamment l’accueil de patients français en Allemagne, au Luxembourg, en Autriche, ou en Belgique –, les dons d’équipements et de matériels médicaux, ou encore l’activation du Mécanisme européen de protection civile pour organiser les retours de ressortissants européens bloqués à l’étranger. Par ailleurs, dans le prolongement du projet proposé par le Président français et la chancelière allemande, la Commission européenne vient de proposer un plan ambitieux, à hauteur de 750 milliards d’euros, qui devrait apporter une réponse d’une ampleur inégalée à la crise économique et sociale et a vocation à bénéficier aux pays les plus affectés. Cette démarche doit faire l’objet d’un soutien sans faille afin que l’Union reprenne la main et réaffirme les principes de coopération et de solidarité en son sein.

Enfin, il apparaît nécessaire d’interroger la gouvernance sanitaire internationale, et au premier chef l’OMS, afin de tirer les leçons de la crise actuelle  l’OMS a d’ailleurs déjà connu des réformes à la suite des précédentes crises sanitaires mondiales, notamment le SRAS en 2003 et le virus Ebola en 2014-2015. Une réflexion devrait être engagée afin de renforcer l’indépendance, la réactivité et les pouvoirs d’investigation de l’OMS, de faire évoluer son mode de fonctionnement ainsi que son mode de financement. Ces sujets essentiels de la coopération européenne et internationale lors de la crise sanitaire ont été approfondis par la commission des affaires étrangères dans le cadre de ses auditions et travaux.

B.   SUR LA MOBILISATION DE LA RECHERCHE

Rarement les avancées de la recherche n’auront été à ce point la clé de la résolution d’une crise, tant la découverte de traitements et de vaccins est cruciale pour desserrer l’étau de l’épidémie, éloigner le spectre de l’apparition de nouvelles vagues épidémiques et envisager le retour à une situation maîtrisée et à une « vie normale ».

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en place à la fin du mois de mars le comité CARE (comité analyse, recherche et expertise), chargé d’éclairer les pouvoirs publics sur les grandes priorités scientifiques, technologiques et thérapeutiques sur lesquelles il importe de se concentrer de façon urgente.

Ainsi que l’a indiqué à la mission sa présidente, Mme Françoise Barré-Sinoussi ([40]), le comité CARE donne des avis au ministre de la santé sur des propositions soumises directement au ministère, sans passer par la procédure d’appel d’offres, afin d’identifier les solutions innovantes pouvant apporter des réponses rapides à l’épidémie. Il a également pour missions d’informer les ministres, sous la forme de notes flash, sur des sujets pertinents pour trouver une réponse rapide à l’épidémie, et d’émettre des propositions et des recommandations sur des recherches innovantes. Son activité est centrée sur les tests, les traitements, le développement d’un vaccin, le numérique et l’intelligence artificielle.

C’est aussi la raison pour laquelle la mission d’information a tenu à aborder cette question avec l’audition de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que des scientifiques et chercheurs dans le cadre d’une table ronde.

1.   Une mobilisation massive des chercheurs en France et dans le monde

La communauté de la recherche, au niveau national et international, s’est mobilisée de façon massive, dans des délais extrêmement brefs, en partageant les connaissances et les avancées de la recherche en temps réel.

Plus encore que lors des épidémies précédentes, l’on constate une remarquable ouverture de la communauté scientifique à l’accessibilité totale des données. L’Institut Pasteur a ainsi immédiatement partagé le séquençage intégral du génome du nouveau virus qu’il a réalisé en janvier.

En parallèle, les procédures ont été allégées ou accélérées, pour sélectionner les projets, permettre leur financement ou encore assurer le montage des protocoles d’essais cliniques.

Tous les domaines de la recherche se sont engagés dans la lutte contre l’épidémie, dans une approche pluridisciplinaire. Des partenariats se sont noués entre des équipes de virologie, d’immunologie et de bactériologie pour tenter de comprendre les mécanismes du virus ; des équipes de mathématiciens travaillent à la modélisation de l’épidémie, des chercheurs en sciences sociales analysent la diffusion territoriale du virus, des informaticiens travaillent sur le projet StopCovid, piloté par l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), des économistes à la modélisation des sorties de crise, tandis que des chercheurs en sciences environnementales étudient l’impact de la modification des écosystèmes sur les maladies infectieuses qui se transmettent de l’animal à l’homme, ou zoonoses.

Le virus représente un véritable défi pour la communauté scientifique, tant sont grandes les incertitudes sur ses caractéristiques. Chaque semaine a apporté de nouvelles études et connaissances sur le virus, qui sont venues nuancer et parfois contredire les conclusions précédentes, qu’il s’agisse des modalités de transmission – par contact, gouttelettes, mais aussi par aérosol –, des facteurs de risques pouvant susciter des formes graves, des personnes présentant un fort degré de contagiosité (par exemple les enfants), des réponses immunitaires ([41]), de l’impact du virus selon les conditions environnementales et climatiques ou encore de l’efficacité ou pas de certains traitements qui ont donné lieu à controverse … À titre d’exemple, sur la question de l’immunité, individuelle et collective, les études les plus récentes tendraient à montrer le caractère protecteur des anticorps développés par une personne ayant contracté la maladie, sans que la durée de la protection qu’ils offriraient ne soit encore établie. Cette progression en temps réel de la connaissance a conduit les pouvoirs publics à devoir ajuster les dispositions et les directives en matière de protection des populations et de prise en charge des patients, tout en permettant d’anticiper de manière séquencée les prochaines étapes.

La France jouit d’une tradition d’excellence mondialement reconnue dans les domaines de la virologie et de l’infectiologie. La lutte contre les maladies infectieuses émergentes s’appuie sur le réseau REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious disease) réunissant des équipes et des laboratoires de premier rang ; mis en place en 2013 lors des premières épidémies à risque pandémique, il est coordonné par l’Inserm et ses partenaires de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé, ou Aviesan ([42]).

À l’initiative de REACTing, dès le 11 mars, vingt projets de recherche portant sur l’épidémie de Covid-19 ont été sélectionnés. Parallèlement, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a lancé un appel à projets, clos le 23 mars, selon une procédure accélérée et allégée : 86 projets ont été sélectionnés par le conseil scientifique de l’agence sur 270 dossiers reçus, ce qui est inédit et montre la très grande réactivité de la communauté scientifique. 44 de ces projets ont pu démarrer dès le 26 mars. Le 16 avril, l’ANR a lancé un nouvel appel à projets « Recherche-Action sur COVID-19 », ouvert jusqu’en octobre 2020, qui vise à recueillir toutes les propositions de projets urgents et rapides dont les résultats pourraient être mis en œuvre en quelques mois dans la société ([43]).

● L’enjeu principal des travaux de recherche réside bien évidemment dans le développement de traitements et de vaccins, mais aussi dans les évaluations de tests (notamment les tests sérologiques) ainsi que les travaux épidémiologiques.

Une quarantaine d’essais cliniques sont développés en France pour trouver une réponse thérapeutique au Covid-19 – notamment en réorientant des molécules existantes pour tester leur potentielle efficacité. Le premier d’entre eux, Discovery, coordonné en France par l’Inserm, s’inscrit dans un cadre européen ; il prévoyait initialement d’inclure 3 200 patients dans différents pays – France, Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne,… – dont au moins 800 en France ([44]). Discovery s’articule avec l’essai clinique international Solidarity mené sous l’égide de l’OMS.

La coopération européenne sur cet essai s’est cependant heurtée à des difficultés, pour des questions de coordination entre pays et d’harmonisation des règles et procédures. Certains de ceux pressentis pour y participer ont finalement choisi de rejoindre l’essai Solidarity, tandis que le Royaume-Uni développe son propre essai, baptisé Recovery. De ce fait, la quasi-totalité des patients inclus dans l’essai clinique sont aujourd’hui français, avec 740 patients recensés le 7 mai dernier, ce qui limite de facto la puissance statistique de l’essai.

La recherche d’un vaccin mobilise également massivement les chercheurs et laboratoires pharmaceutiques. Plus d’une centaine d’équipes travaillent dans le monde sur la recherche vaccinale contre le Covid-19, selon différentes stratégies, Des essais cliniques pour tester des candidats vaccins, dans leur phase 1 ([45]), ont d’ores et déjà été lancés, notamment aux États-Unis et en Chine.

En France, l’Institut Pasteur développe notamment un candidat vaccin MV-SARS-CoV-2 utilisant le vaccin contre la rougeole comme vecteur, sur la base des travaux qui en 2003 avait déjà démontré des effets positifs en phase préclinique sur les animaux sans que le vaccin ait pu être testé sur l’homme – l’épidémie de SRAS s’étant arrêtée.

La ministre de la recherche a indiqué à la mission qu’un vaccin en essai de phase 1 pourrait être obtenu dans les prochains mois, pour un développement à l’horizon du premier trimestre de 2021. Ces propos rejoignent ceux du professeur Jean-François Delfraissy devant la mission, selon lequel il était envisageable qu’un vaccin, offrant le cas échéant une protection incomplète, puisse être prêt au début de 2021, soit au bout d’un an – ce qui constituerait par ailleurs un délai absolument inédit pour son élaboration.

2.   Les programmes de recherche ont bénéficié d’un soutien financier sans précédent

Huit millions d’euros ont été mobilisés pour le financement des vingt projets lancés par REACTing, tandis qu’un fonds d’urgence de 50 millions d’euros a été créé le 19 mars par le ministère de la recherche à destination de la recherche sur le Covid-19.

Au-delà de ces moyens dégagés en urgence, le Président de la République a annoncé la volonté d’engager un effort budgétaire sans précédent en faveur de la recherche sur les dix prochaines années : le budget de la recherche publique doit augmenter par étapes pour atteindre 5 milliards d’euros supplémentaires dans dix ans, dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle sur la recherche, soit un budget annuel de la recherche porté de 15 à 20 milliards d’euros à terme.

L’Union européenne a également dégagé des moyens financiers spécifiques, notamment par l’intermédiaire du programme Horizon 2020 et de l’Initiative relative aux médicaments innovants (IMI). Une conférence internationale en faveur de l’initiative mondiale sur les diagnostics, les traitements et les vaccins (ACT-A), organisée sous l’égide de l’OMS et de l’Union européenne, a contribué à mobiliser 7,4 milliards d’euros de financements en faveur de la coopération mondiale dans le domaine de la recherche – dont 500 millions d’euros seront versés par la France.

Si l’on ne peut que saluer l’engagement exceptionnel du monde de la recherche, la crise actuelle pose néanmoins les questions de la conduite dans la durée des travaux de recherche et de l’anticipation des risques. Il est en effet probable que les États seraient mieux armés face à l’épidémie actuelle si les recherches entamées lors des épisodes épidémiques précédents avaient été poursuivies, tant sur les traitements que sur les vaccins.

Le SRAS apparu en 2003 était déjà un coronavirus ; il était alors inconnu et des recherches avaient été lancées pour pouvoir le caractériser en urgence. Cependant, du fait de sa disparition spontanée, les efforts de recherche ont vite diminué à mesure que la menace disparaissait. Les travaux sur le vaccin ont également été arrêtés, compte tenu des coûts qu’ils représentaient et des incertitudes sur leur usage. Nul ne peut affirmer que si ces travaux avaient été poursuivis, un médicament ou un vaccin contre le Covid-19 serait aujourd’hui disponible, mais on peut penser que les recherches actuelles seraient a minima facilitées.

Il apparaît donc indispensable de favoriser une recherche soutenue et de long terme sur ces virus, afin de préparer l’avenir et d’être mieux à même d’affronter l’émergence de nouvelles maladies infectieuses.

Les restrictions budgétaires pesant sur la recherche depuis plus d’une décennie ont probablement pesé sur le développement de travaux de recherche fondamentale s’inscrivant dans le long terme. L’effort budgétaire considérable en faveur de la recherche annoncé par le Président de la République doit conduire à remédier à cette situation.

L’organisation du soutien et du financement de la recherche pharmaceutique aux États-Unis suscite également des réflexions : l’agence Barda (Biomedical Advanced Research and Development Authority) créée en 2006 pour soutenir les laboratoires privés dans la lutte contre le bioterrorisme et les maladies infectieuses émergentes, noue des partenariats avec des laboratoires, leur apporte des financements et leur passe des précommandes. En avril, l’agence Barda a apporté des financements de plusieurs centaines de millions d’euros à l’entreprise de biotechnologies Moderna ; elle a versé un premier acompte de 30 millions de dollars à Sanofi. Or ces versements peuvent conduire ensuite à réclamer un droit de priorité sur les vaccins ou les médicaments produits par les laboratoires concernés.

C.   SUR LE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DU DÉCONFINEMENT

Dès le 28 avril, le Premier ministre a présenté à l’Assemblée nationale la stratégie nationale du plan de déconfinement au moyen d’une déclaration approuvée par les députés en application de l’article 50-1 de la Constitution.

L’information de l’Assemblée a été complétée par l’audition de M. Jean Castex, coordonnateur de la stratégie de déconfinement, par la mission d’information le 12 mai, soit au deuxième jour du nouveau processus et au lendemain de la promulgation de la loi du 11 mai.

1.   Le choix d’un déconfinement progressif reposant sur des critères objectifs

Le plan de préparation de la sortie progressive publié le 27 avril ainsi que la déclaration du Premier ministre du 28 avril et sa conférence de presse du 7 mai ont permis de dévoiler une stratégie de déconfinement progressive et adaptée selon les territoires. Ces annonces se sont traduites par l’adoption de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ces dispositions, précisées par le décret n° 2020-548 pris le jour même.

Le processus de déconfinement est entré dans sa première phase le lundi 11 mai, conformément à l’annonce faite par le Président de la République lors de son allocution du 13 avril. À cette date, les médiathèques, bibliothèques et petits musées, les commerces et les marchés ont rouvert. Les crèches, les écoles maternelles et élémentaires et les collèges, d’abord pour les classes de sixième et de cinquième, ont de nouveau pu accueillir des enfants dans des conditions sanitaires strictes. L’accès aux forêts et aux cimetières a été permis, les commerces et marchés ont pu rouvrir. Le décret du 11 mai a également permis aux préfets, en lien avec les maires, d’ouvrir l’accès aux plages, lacs et plans d’eau ainsi qu’à certains musées, monuments et parcs zoologiques.

L’adaptation du dispositif en fonction de la situation des territoires a été déterminée par le classement des départements selon une couleur verte ou rouge reposant sur trois indicateurs : la circulation active du virus, la tension hospitalière sur les capacités de réanimation et le taux de couverture des besoins en tests.

Le 7 mai, les départements des régions Île-de-France, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Grand-Est, ainsi que Mayotte, ont été catégorisés en zone rouge. Dans ces départements, les parcs et jardins ainsi que les collèges n’ont pas été rouverts lors de la première phase du processus.

Comme dans la plupart des pays d’Europe confrontés à cette crise (cf. annexe : étude comparative des processus de déconfinement dans 14 pays européens), et afin de prévenir tout risque de reprise épidémique, le déconfinement en France s’est organisé de manière progressive et de nombreuses restrictions ont caractérisé sa première étape : port du masque dans les transports et limitation à un rayon de cent kilomètres des déplacements à nouveau autorisés et des rassemblements à dix personnes maximum. La réouverture des commerces n’a pas concerné les centres commerciaux dont la surface est supérieure à 40 000 m2 ainsi que les bars, les cafés, et les restaurants. Les lycées sont également demeurés fermés.

Le 28 mai, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre a présenté la deuxième étape du plan de déconfinement ouverte à compter du 2 juin. Grâce à l’amélioration de la situation sanitaire, plus aucun département ne figure en zone rouge. Les départements d’Île-de-France, Mayotte et la Guyane ont néanmoins été catégorisés en orange et placés sous vigilance renforcée. La réouverture des collèges et des lycées y sera notamment plus limitée.

Partout en France, les cafés, bars et restaurants ont rouvert à l’occasion de cette deuxième phase, réouverture cependant limitée aux terrasses en zone orange. Si la limite de cent kilomètres pour les déplacements a été levée, celle fixant à 10 personnes maximum les rassemblements dans les espaces publics a en revanche été maintenue.

La troisième étape du déconfinement a été annoncée pour le 22 juin.

2.   Un enjeu majeur : l’isolement des personnes infectées et l’identification de leurs contacts

L’article 11 de la loi du 11 mai a ouvert la possibilité juridique d’accompagner la stratégie de déconfinement des systèmes d’information nécessaires pour maîtriser la diffusion de l’épidémie. Pour cela, la loi a autorisé, et encadré, le partage des données personnelles des personnes infectées entre les personnels de santé et les autorités sanitaires.

Le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 ([46]) a fait reposer ce partage de données sur deux outils numériques :

 un système d’information national de dépistage, dénommé « SIDEP », spécialement créé et placé sous la responsabilité de la direction générale de la santé et géré par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Ce fichier centralise les résultats des tests de dépistages afin de les mettre à disposition de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ;

 un système de traitement de données, dénommé « Contact Covid », qui constitue une adaptation du système d’information « Amelipro » de la CNAM afin de permettre le suivi des personnes contaminées et de celles avec lesquelles elles ont été en contact (il s’agit du dispositif de « contact tracing »).

Lors de sa déclaration du 28 avril, le Premier ministre avait annoncé la création de « brigades sanitaires » afin d’alimenter et de gérer ces systèmes ([47]). Sur cette question, la CNAM et ses caisses primaires implantées dans les territoires sont en première ligne afin de constituer les équipes épidémiologiques nécessaires à la réussite du dispositif. À cette fin, l’Assurance maladie a annoncé la mobilisation de 6 500 agents de ses services.

Ces brigades jouent un rôle d’importance majeure dans la lutte contre l’épidémie puisqu’elles sont chargées de retrouver les personnes ayant été en contact avec des personnes infectées, de réaliser des enquêtes sanitaires en cas de contaminations groupées afin de rompre les chaînes de contamination, d’orienter, de suivre et d’accompagner les personnes concernées, et de faciliter le suivi épidémiologique.

Le VIII de l’article 11 de la loi du 11 mai a également prévu la mise en place d’un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 chargé d’associer la société civile et le Parlement – il comprendra à cette fin deux députés et deux sénateurs – aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet. Le décret nécessaire à sa mise en place a été pris le 15 mai ([48]).

Enfin, en approuvant, le 27 mai, la déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’Assemblée nationale a ouvert la voie à la mise en œuvre de l’application Stop-Covid à compter du 2 juin. Téléchargeable sur la base du volontariat, elle a vocation à retracer et alerter les personnes ayant été en contact avec une personne infectée. Cette application qui constitue le complément numérique du dispositif déployé devrait permettre de renforcer la stratégie globale de lutte contre l’épidémie et de prolonger les efforts consentis pour réussir le déconfinement afin de maîtriser et, in fine, stopper la propagation du virus.

IV.   LES MESURES PRISES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE POUR FAIRE FACE À LA CRISE

Face à l’ampleur de la crise et aux conséquences économiques des mesures de lutte contre la propagation de l’épidémie, en particulier le confinement et la mise à l’arrêt d’un certain nombre d’activités industrielles et commerciales, un arsenal sans précédent de mesures économiques et sociales a été mis en place.

Ces mesures, prises dans des délais très brefs, ont joué sur tous les leviers, de l’activité partielle pour les salariés aux garanties apportées aux prêts des entreprises, en passant par un fonds de solidarité pour les très petites entreprises et des primes pour certains ménages.

Elles représentent un effort budgétaire massif, visant à amortir les conséquences du recul de l’activité en 2020, alors qu’une récession de l’ordre de 11 % du PIB est anticipée.

Un plan d’urgence d’une ampleur exceptionnelle

Initialement fixé à 45 Md€, le montant du plan d’urgence a été relevé à 110 Md€ par la deuxième loi de finances rectificative, dont 42 Md€ affectant directement le solde public. Au sein de ce plan, près de 55 Md€ visent à améliorer la situation de trésorerie des entreprises – notamment par le report de charges et le remboursement anticipé de crédits d’impôts pour plus de 40 Md€ ou le fonds de solidarité pour 7 Md€ – 20 Md€ à protéger les secteurs stratégiques en permettant à l’État de monter au capital de certaines entreprises, 25 Md€ à sécuriser les relations de travail par la mise en place du dispositif d’activité partielle, 8 Md€ à assurer des dépenses additionnelles de santé, dont 4 Md€ pour financer une prime à destination des personnels soignants, ou encore près d’1 Md€ à soutenir le revenu des ménages modestes.

En outre, ces mesures sont complétées par le dispositif de prêts garantis par l’État à hauteur de 300 Md€.

Les principaux dispositifs sont brièvement présentés ci-après, dans la mesure où ils ont également fait l’objet d’un suivi attentif par les différentes commissions permanentes de l’Assemblée nationale, en particulier la commission des affaires économiques (mesures de soutien aux entreprises), la commission des affaires sociales (activité partielle) et la commission des finances (conséquences budgétaires de l’ensemble de ces mesures), qui ont chacune mené des travaux et des auditions sur ces sujets.

A.   LES MESURES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES POUR PRÉVENIR LES FAILLITES LIÉES À LA RÉDUCTION D’ACTIVITÉ

Très rapidement après la mise en place des mesures de fermeture administrative de certains établissements d’une part, et des mesures de confinement d’autre part, il est apparu indispensable d’apporter un soutien financier aux entreprises contraintes dans leur activité, et exposées à d’importantes pertes de chiffre d’affaires.

Aussi, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après dénommée « première loi de finances rectificative ») comportent plusieurs mesures de grande ampleur, progressivement complétées et adaptées au fil de l’évolution de la situation et des remontées émanant du terrain, témoignant de la réactivité du Gouvernement et des services de l’État.

1.   Le fonds de solidarité pour les très petites entreprises

L’ordonnance du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 ([49]) crée un fonds de solidarité pour une durée de trois mois prolongeable par décret pour une durée d’au plus trois mois. Ce fonds a vocation à apporter une aide financière aux entreprises éligibles ([50]) qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public au mois de mars 2020 ou qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % (taux initialement fixé à 70 %) au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.

Ce dispositif comporte deux niveaux :

 une aide de 1 500 €, ou égale à la perte de chiffre d’affaires si celle-ci est inférieure à 1 500 €, sur déclaration à la direction générale des finances publiques ;

 une aide complémentaire de 2 000 € puis de 5 000 aux entreprises qui emploient au moins un salarié, sont dans l’impossibilité de régler leurs dettes exigibles dans les trente jours et n’ont pu obtenir de prêt de trésorerie auprès d’une banque. Le décret n° 2020-552 du 12 mai 2020 a ensuite ouvert ce volet aux entreprises qui n’emploient pas de salarié.

La dotation du fonds a été portée par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après dénommée « deuxième loi de finances rectificative ») à 6,25 milliards d’euros (Md€) issus du budget de l’État, auxquels doivent s’ajouter 500 M€ versés par les régions et 400 M€ par les compagnies d’assurances et ses conditions d’éligibilité ont été élargies.

Ce dispositif, dont les premiers versements ont été effectués dès le 6 avril 2020, a montré son efficacité, en particulier en raison de son adaptation progressive pour répondre aux difficultés relevées sur le terrain. À la date du 27 mai 2020, le fonds a accordé 2,5 millions d’aides, pour un montant total de 3,4 Md€ (dont plus de 575 M€ aux commerces, plus de 420 M€ aux entreprises de la construction et près de 415 M€ aux entreprises de l’hébergement et de la restauration).

2.   Les prêts garantis par l’État

Parallèlement au fonds de solidarité, le Gouvernement a mis en place un dispositif de prêt garanti par l’État (PGE), de manière à soutenir la trésorerie des entreprises en difficulté.

La garantie de l’État peut être accordée aux prêts de trésorerie consentis par des établissements de crédit aux entreprises confrontées à des difficultés de financement dans le contexte de crise sanitaire, pour un encours total de garantie de 300 Md€. Ce mécanisme concerne des prêts de trésorerie conclus entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 et s’adresse aux entreprises employant moins de 5 000 salariés ou dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 Md€ lors du dernier exercice clos ([51]). Le montant des prêts bénéficiant de la garantie de l’État est limité à 25 % du chiffre d’affaires constaté en 2019, la garantie de l’État pouvant aller jusqu’à 90 % du montant du prêt.

Ce dispositif a suscité une forte demande : une semaine après son entrée en vigueur, environ 29 000 entreprises avaient bénéficié d’un PGE. Au 12 mai 2020, le montant des garanties validées concernait un encours de 66,46 Md€, pour un total de plus de 400 000 dossiers.

De plus, face au signalement de difficultés persistantes de certaines entreprises à obtenir un crédit, le Gouvernement a mis en place deux dispositifs complémentaires intervenant de manière subsidiaire pour les entreprises n’ayant pu obtenir de PGE : le recours au fonds pour le développement économique et social (FDES), dont les crédits sont abondés pour passer de 75 M€ à 1 Md€ ; l’octroi d’avances remboursables de trésorerie et de prêts bonifiés, pour un montant total de 500 M€.

3.   Les reports de charges fiscales et sociales

Au-delà des mesures législatives et réglementaires, le Gouvernement a également décidé du report des échéances de paiement des cotisations sociales et des prélèvements fiscaux pour les mois de mars, d’avril et de mai pour un montant total estimé à 42 Md€ par la deuxième loi de finances rectificative. En outre, lors de la conférence de presse du 7 mai 2020, le ministre de l’économie et des finances a annoncé que les charges sociales seraient totalement supprimées pour les très petites entreprises (TPE) ayant été́ contraintes à une fermeture administrative.

Par ailleurs, le Gouvernement a organisé le remboursement accéléré des crédits d’impôts ainsi qu’un traitement accéléré́ des demandes de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par la direction générale des finances publiques.

Enfin, les charges relatives aux loyers, factures de gaz, d’eau et d’électricité ont également été reportées, de manière à limiter la cessation d’activité des très petites entreprises.

4.   Les aides spécifiques à certaines catégories d’entreprises

Au-delà des aides générales, des aides spécifiques à certaines catégories d’entreprises ont également été instaurées :

 plusieurs dispositifs de soutien à l’export déployés par Bpifrance ont été renforcés afin de sécuriser la trésorerie des entreprises exportatrices ;

 une enveloppe de 80 M€ financée par le programme d’investissements d’avenir (PIA) est destinée aux start-up et le versement des aides à l’innovation du PIA déjà attribuées a été accéléré ;

 s’agissant des entreprises dites « stratégiques », la deuxième loi de finances rectificative prévoit le versement de 20 Md€ du budget général au compte d’affectation « participations financières de l’État », ouvrant la possibilité à l’État d’intervenir au capital de sociétés en difficulté.

En outre, des aides sectorielles ont également été mises en place ou annoncées pour certains secteurs particulièrement affectés, notamment le tourisme, la culture, la construction ou encore le transport aérien. Elles ont fait l’objet d’une étude par les commissions permanentes compétentes.

B.   LES MESURES DE SOUTIEN À L’EMPLOI ET AUX SALARIÉS

Maintenir dans l’emploi, préserver les ressources des salariés, marquer la reconnaissance de l’État envers les personnels, notamment publics, particulièrement exposés durant la crise, et assurer la sécurité au travail de l’ensemble des salariés constituent l’autre volet de la réponse apportée dans l’urgence par les pouvoirs publics.

1.   L’extension du dispositif d’activité partielle

Si le dispositif d’activité partielle préexistait à la crise sanitaire, le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle et l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle l’ont considérablement étendu et simplifié.

L’État et l’Unédic prennent désormais en charge l’intégralité des indemnités afférentes aux salaires allant jusqu’à 4,5 fois le salaire minimum de croissance (SMIC). De plus, le dispositif est étendu à de nouvelles catégories de salariés jusqu’alors non couvertes, notamment les salariés employés à domicile et assistants maternels et les salariés dont le temps de travail n’est pas décompté en heures (cadres).

En outre, l’autorisation d’activité partielle peut être accordée pour une durée maximum de 12 mois (au lieu de 6 mois) et des assouplissements ont été prévus pour en faciliter la demande. L’ordonnance apporte, enfin, des garanties s’agissant de l’indemnisation des salariés à temps partiel et des salariés en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage.

Le coût du dispositif, initialement prévu par la première loi de finances rectificative à 8,5 Md€ (dont 5,5 Md€ pour l’État, le reste étant pris en charge par l’Unédic) a été réévalué par la deuxième loi de finances rectificative à 25,8 Md€ (les deux tiers étant portés par le budget de l’État).

Au 26 mai, selon les données fournies par la direction de l’animation, de la recherche et des études statistiques (DARES), le dispositif concernait 12,9 millions de salariés pour 1,04 million d’entreprises et 5,6 milliards d’heures chômées demandées (soit environ 12 semaines de 35 heures). Trois secteurs concentrent 50 % des demandes : les activités de services spécialisés scientifiques et techniques et services administratifs de soutien ; le commerce ; la construction.

Compte tenu de la reprise progressive de l’activité dans le cadre du déconfinement, le ministère du travail a annoncé, dans un communiqué du 25 mai 2020, que la prise en charge du dispositif par l’État et l’Unédic passerait de 100 % à 85 % de l’indemnité versée au salarié, dans la limite de 4,5 SMIC, au 1er juin ([52]).

2.   La reconnaissance vis-à-vis des professions exposées

Plusieurs mesures ont également été prises pour marquer la reconnaissance de l’État aux salariés particulièrement exposés pendant la crise et valoriser le surcroît de travail occasionné par la situation sanitaire.

Ainsi, la deuxième loi de finances rectificative renforce le dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires des salariés mobilisés pendant la crise ([53]).

Des assouplissements ont également été apportés au versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat visée à l’article 7 de la loi de financement de la sécurité́ sociale pour 2020 : la date limite de versement de la prime est reportée du 30 juin au 31 août 2020 ; la prime peut être versée par toutes les entreprises dans la limite de 1 000 € ou 2 000 € pour les entreprises disposant d’un accord d’intéressement et il est possible de prendre en compte les conditions de travail liées à l’épidémie dans les critères de modulation de la prime. Plusieurs grands groupes industriels ont ainsi annoncé le versement d’une prime à leurs salariés exposés, notamment Auchan, Carrefour, Danone, les Mousquetaires et Total.

Enfin, deux primes seront versées aux agents publics mobilisés, en application de l’article 11 de la deuxième loi de finances rectificative :

 une prime versée aux agents de la fonction publique hospitalière, étudiants en médecine et apprentis relevant des établissements publics de santé ([54]), pour un montant de 1 500 € pour les personnels des 40 départements les plus touchés ainsi que pour les personnels relevant d’établissements situés dans les autres départements mais étant intervenus dans les établissements des départements les plus touchés. Le chef d’établissement pourra également relever le montant de la prime à 1 500 € pour les personnels impliqués dans la prise en charge de patients contaminés par le Covid-19, notamment dans le cadre d’un transfert de patients. Le plafond est fixé à 500 € pour les personnels des établissements situés dans les départements moins affectés par l’épidémie.

 une prime versée aux fonctionnaires et aux agents contractuels de la fonction publique d’État et territoriale particulièrement mobilisés durant l’état d’urgence sanitaire ([55]), dans un plafond de 1 000 . Le montant de cette prime pour les agents de la fonction publique d’État sera modulable, notamment en fonction de la durée de la mobilisation des agents, tandis que pour les agents de la fonction publique territoriale, les conditions d’attribution et les montants alloués doivent être définis par les collectivités. Le versement de cette prime pourrait concerner 400 000 agents de la fonction publique d’État.

Ces primes exceptionnelles sont exonérées de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu.

3.   Des enjeux de santé au travail particulièrement importants dans le cadre du déconfinement

Dès le début de la crise sanitaire, plusieurs mesures de protection de la santé au travail ont été mises en place.

Ainsi, le ministère du travail a publié des fiches pratiques détaillées, appelées « kit de lutte contre le Covid-19 », pour les secteurs ne pouvant recourir au télétravail.

En outre, les services de santé au travail ont été mobilisés dans la lutte contre le Covid-19 en orientant leurs missions vers trois priorités : diffuser des messages de prévention contre le risque de contagion ; appuyer les entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention ; accompagner les entreprises amenées, par l’effet de la crise, à accroître ou à adapter leur activité.

Dans le cadre du déconfinement, des guides pratiques de préconisations sanitaires par filière ont été rédigés par les professionnels et validés par les ministères chargés du travail et de la santé et un protocole national de déconfinement fixant un certain nombre de règles sanitaires a été publié le 9 mai.

Au regard de l’ampleur des conséquences de la catastrophe sanitaire sur l’organisation et le fonctionnement des entreprises, qu’elles soient restées en activité ou pas, et des contraintes qu’elle a occasionnées lors du confinement et du déconfinement, il sera utile que la mission utilise ses prérogatives de commission d’enquête pour examiner les réponses apportées aux besoins des entreprises tout au long de la crise.

C.   LES MESURES DE SOUTIEN AUX MÉNAGES LES PLUS MODESTES

Enfin, plusieurs mesures ont également été prises par le Gouvernement pour aider les ménages les plus modestes à faire face aux difficultés financières rencontrées dans cette période de crise.

1.   L’allocation exceptionnelle de solidarité pour les ménages modestes

Annoncée par le Président de la République lors de son allocution du 13 avril, une aide exceptionnelle de solidarité́ liée à l’urgence sanitaire, d’un montant de 150 euros, a été instituée au bénéfice des ménages les plus précaires, soit les bénéficiaires de différents minimas sociaux ([56]). À cette somme s’ajoutent 100 € supplémentaires par enfant à charge via cette allocation de solidarité ou via les aides personnalisées au logement.

Pour assurer son effectivité, cette aide exceptionnelle de solidarité́, financée par l’État et qui représente un budget de 900 M€, a été versée directement aux foyers des bénéficiaires, sans démarche de leur part, par les organismes débiteurs des diverses prestations sociales dont ils sont allocataires en un virement unique le 15 mai 2020. Elle a bénéficié à 4,1 millions de foyers, regroupant près de 5 millions d’enfants.

2.   La prolongation de la trêve hivernale

Pour limiter les risques d’expulsion pesant sur les ménages les plus modestes, le Gouvernement a décidé de prolonger la trêve hivernale, dans un premier temps jusqu’au 31 mai ([57]), puis jusqu’au 10 juillet ([58]), soit le terme actuel de l’état d’urgence sanitaire. Durant cette période, il est sursis aux mesures d’expulsion locative non exécutées. En outre, les fournisseurs de chaleur, de gaz et d’électricité ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption de leurs services en cas de non-paiement des factures.

3.   Les mesures en faveur des jeunes de moins de 25 ans

Le Premier ministre a annoncé́, le lundi 4 mai 2020, la mise en œuvre d’une aide exceptionnelle de 200 € pour 800 000 jeunes de moins de 25 ans précaires ou modestes.

Cette aide sera versée, dès le début du mois de juin, aux étudiants ayant perdu leur travail (de plus de 8 heures par semaine) ou leur stage gratifié, ainsi qu’aux étudiants originaires d’outre-mer isolés en métropole durant le confinement. Elle sera versée mi-juin pour les jeunes de moins de 25 ans (non étudiants) dans une situation précaire ou modeste, bénéficiaires des allocations personnalisées au logement.

 

 

 

 


  1  

   FICHES THÉMATIQUES

FICHE 1 : CHRONOLOGIE DES MESURES PRISES PAR LES POUVOIRS PUBLICS POUR RÉPONDRE À LA CRISE du COVID-19 ET AVIS DES AGENCES ET ORGANISMES COMPÉTENTS

Afin de faire face à l’épidémie de Covid-19, les pouvoirs publics ont activé les dispositifs de gestion de crise conventionnels complétés par plusieurs mesures spécifiques de niveaux national et régional.

Leur mise en œuvre s’est ensuite inscrite dans le cadre de la loi du 23 mars 2020 précitée et des différentes dispositions réglementaires qui en sont issues.

Les conférences de presse tenues par le Premier ministre et le ministre des Solidarités et de la santé, ainsi que les communiqués du Gouvernement ont eu pour objectif d’informer les citoyens et les principaux acteurs du domaine de la santé de l’état de l’épidémie, de son évolution, de la stratégie de gestion de crise adoptée et des ajustements apportés au fur et à mesure.

La chronologie ci-dessous recense les principales mesures ayant été prises par les pouvoirs publics en réponse à la crise du Covid-19. Elle présente également les dispositions législatives et réglementaires prises dans le domaine sanitaire ainsi que les communications significatives du Gouvernement. La chronologie comporte aussi une présentation des principaux avis rendus par les agences et organismes compétents en matière de santé, ainsi que des avis rendus par le Conseil scientifique mis en place le 11 mars 2020.

*

 

10/01/2020

Diffusion d’un message du ministère des Solidarités et de la Santé (MSS) aux Agences Régionales de Santé (ARS) sur la conduite à tenir et la définition des cas de Covid-19.

Déploiement d’un dispositif de communication à l’attention des passagers arrivant à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle.

14/01/2020

Diffusion d’un message dalerte sanitaire rapide (MARS) aux établissements de santé et d’un message DGS-Urgent aux libéraux.

21/01/2020

1er point presse du ministre des Solidarités et de la santé et du directeur général de la santé.

22/01/2020

Activation du centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) renforcé (correspondant au niveau 2 du dispositif général de gestion de crise).

25/01/2020

Mobilisation de la réserve sanitaire.

27/01/2020

Activation du Centre de Crise sanitaire au sein de la direction générale de la santé (correspondant au niveau 3 du dispositif général de gestion de crise).

30/01/2020

1ère demande dacquisition de masques FFP2 et de surblouses du ministère des Solidarités et de la Santé à Santé publique France (SPF).

01/02/2020

Activation du numéro vert du ministère des Solidarités et de la santé (MSS).

07/02/2020

2ème demande dacquisition de masques du MSS à SPF.

14/02/2020

Activation du plan Orsan REB dans lensemble des régions par le ministre des Solidarités et de la santé.

25/02/2020

Réunion interministérielle : validation du plan de réponse au Covid-19.

29/02/2020

Passage au stade 2 du plan Orsan REB avec l’objectif de freiner la propagation du virus sur le territoire.

03/03/2020

Décret du 3 mars 2020 permettant la réquisition des stocks de masques de protection et de la production en cours afin dassurer un accès prioritaire aux professionnels de santé et aux patients dans le cadre de la lutte contre le coronavirus SARS-CoV-2.

04/03/2020

Arrêté du 4 mars 2020 relatif à la mobilisation de la réserve sanitaire pour appuyer les ARS et les établissements de santé.

05/03/2020

Décret du 5 mars 2020 encadrant les prix de vente des gels hydro-alcooliques jusquau 31 mai.

6/03/2020

Déclenchement du Plan blanc. Plan destiné aux hôpitaux, il vise essentiellement à déprogrammer toutes les activités médicales non indispensables. Il a notamment pour objectif de s’assurer que chaque département comporte un hôpital pouvant accueillir des patients atteints du Covid-19.

9/03/2020

Décret du 9 mars 2020 assouplissant jusquau 30 avril les modalités de réalisation de la téléconsultation.

10/03/2020

Communiqué du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), du Conseil national de l’ordre des infirmiers (Cnoi) et de l’agence Santé publique France (SPF) appelant les médecins et infirmiers qui le peuvent à rejoindre la réserve sanitaire, alors que s’accélère encore la propagation du virus.

11/03/2020

Avis du HCSP relatif à la prise en charge des cas confirmés dinfection au coronavirus SARS-CoV-2.

11/03/2020

Installation du Conseil scientifique Covid-19 à l’Élysée.

12/03/2020

Avis n° 1 du Conseil scientifique du 12 mars 2020 établissant un bilan de lépidémie de Covid-19 en France et préconisant diverses mesures pour y répondre, dont le renforcement des mesures barrières, la limitation des déplacements, la réduction des activités non essentielles et la recommandation du télétravail.

12/03/2020

Plan blanc généralisé (niveau 2) pour tous les établissements de santé : déprogrammation France entière de tous les actes non urgents.

Plan bleu national dans tous les établissements médico-sociaux ([59]) .

13/03/2020

Diffusion par le ministère des Solidarités et de la santé de sa stratégie de gestion et dutilisation des masques de protection pour les professionnels des secteurs sanitaire, médico-social et de l’aide à domicile.

13 et 14/03/2020

Arrêtés et décrets autorisant certains établissements à produire des produits hydro-alcooliques pour pallier les risques de pénurie

14/03/2020

Passage au stade 3 du plan Orsan REB - objectif d’atténuation des effets de la vague épidémique sur le territoire. Arrêt du dépistage systématique et priorisation de la réalisation des tests virologiques pour les patients présentant un tableau clinique évocateur de Covid-19.

14/03/2020

Allocution du Premier ministre annonçant la fermeture jusquà nouvel ordre de tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays.

14/03/2020

Avis n° 2 du Conseil scientifique recommandant laccentuation des mesures de restriction de la vie sociale. Dans cet avis, le Conseil ne s’est pas opposé à la tenue du premier tour des élections municipales.

15/03/2020

Avis du HCSP dans lequel celui-ci précise les recommandations de prévention et de prise en charge pour les patients à risque de développer des formes sévères du Covid-19.

16/03/2020

Avis n° 3 du Conseil scientifique recommandant la mise en place dun confinement généralisé au niveau national. Le Conseil scientifique établit en outre des recommandations spécifiques pour les personnes les plus fragiles et insiste sur la nécessité déquiper au mieux les soignants en matériels de protection face au coronavirus.

16/03/2020

Annonce par le Président de la République du confinement pour une période de 15 jours.

16/03/2020

Fermeture des crèches, des établissements scolaires et des universités.

16/03/2020

Publication par le ministère des Solidarités et de la santé d’un « guide méthodologique » visant à préparer la phase épidémique de Covid-19, à destination des établissements de santé, de la médecine de ville et des établissements et services médico-sociaux.

17/03/2020

Activation de la Cellule Interministérielle de Crise, placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur ; début du confinement à 12 heures.

17/03/2020

Communiqué de la CNAM indiquant que les personnes à risque élevé ne pouvant se mettre en télétravail pourront faire directement une télédéclaration d’arrêt de travail « pour une durée initiale de 21 jours et sans passer par leur employeur ni par leur médecin traitant ».

18/03/2020

Transmission par la CNAM d’une « lettre réseau » aux pharmaciens d’officine précisant les modalités de distribution des masques aux professionnels de santé prioritaires.

18/03/2020

Première opération de transfert de patients entre établissements hospitaliers. Au total, 660 patients seront transférés entre le 18 mars et le 10 avril.

19/03/2020

Décret du 19 mars 2020 instaurant le remboursement à 100 % des actes de télémédecine pour les patients atteints ou suspectés avoir contracté le Covid-19.

19/03/2020

Mise en place par Santé publique France d’un dispositif de surveillance épidémiologique des cas graves d’infection à SARS-CoV-2 admis en réanimation.

20/03/2020

Lancement de la plateforme renfort-covid par l’ARS d’Ile-de-France pour mobiliser les professionnels de santé volontaires.

22/03/2020

Lancement de l’essai Discovery en France testant plusieurs médicaments dont l’hydroxychloroquine contre le coronavirus SARS-CoV-2.

23/03/2020

Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 durgence pour faire face à lépidémie de Covid-19. Déclaration de létat durgence sanitaire pour une durée de deux mois (EUS).

Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures dordre public (cf. fiche 2).

Arrêté du 23 mars 2020 du ministère de la santé, en application de lEUS, prévoyant notamment la distribution gratuite de masques aux professionnels de santé, allongeant la durée de validité des ordonnances, encadrant la dispensation de paracétamol en pharmacie, étendant le champ des téléconsultations.

23/03/2020

Avis n° 4 du Conseil scientifique alertant sur la disponibilité des matériels de protection et limportance de la médecine de ville face à l’épidémie de coronavirus. Le Conseil scientifique considère en outre « indispensable » de prolonger et renforcer le confinement.

23/03/2020

Annonce de la reconnaissance systématique et automatique du coronavirus comme maladie professionnelle pour les soignants atteints.

24/03/2020

Installation du « Comité analyse, recherche et expertise » (CARE) par le Président de la République à l’Élysée.

25/03/2020

Décret du 25 mars 2020 permettant la prescription en milieu hospitalier de lhydroxychloroquine pour les patients atteints du Covid-19 avec des complications sévères.

25/03/2020

Lancement de l’opération militaire Résilience pour l’aide et le soutien aux populations ainsi qu’au service public face à la propagation de l’épidémie de Covid-19.

26/03/2020

Décret du 26 mars 2020 donnant la possibilité aux préfets de réquisitionner tout établissement de santé ou tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de cet établissement.

27/03/2020

Prolongation du confinement jusquau mercredi 15 avril.

28/03/2020

Décret du 28 mars 2020 donnant la possibilité aux préfets de réquisitionner des établissements recevant du public pour répondre aux besoins dhébergement ou dentreposage pour lutter contre la crise sanitaire.

30/03/2020

Avis n° 5 du Conseil scientifique sur les EHPAD.

31/03/2020

Mise en place par Santé publique France d’un système de surveillance des cas de Covid-19 en EHPAD, recommandant notamment le confinement des résidents avec « une appréciation circonstanciée » et proposant deux modèles de prise en charge.

31/03/2020

Décret du 31 mars 2020 autorisant dans des départements et territoires doutre-mer, à titre dérogatoire durant létat durgence sanitaire, lexercice des médecins, dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires de diplômes obtenus dans un État autre que la France et non inscrits à lordre des professions concernées.

01/04/2020

Avis du comité consultatif national d’ethnique (CCNE) sur les mesures concernant les EHPAD et la place des équipes professionnelles (directeur, médecin coordinateur) dans la mise en œuvre du confinement.

01/04/2020

Prise en compte des décès survenus dans les EHPAD, dans le décompte total des décès dus à la Covid-19.

01/04/2020

Décret du 1er avril 2020 permettant aux préfets de réquisitionner des opérateurs funéraires, ainsi que des biens ou personnes nécessaires au fonctionnement des ARS, de Santé publique France et de lANSM ; prévoyant une mise en bière immédiate des défunts atteints du Covid-19 et interdisant la toilette mortuaire.

02/04/2020

Avis n° 6 du Conseil scientifique : état des lieux du confinement et critères de sortie.

02/04/2020

Dispositifs daides publiques ouverts aux professionnels libéraux de santé.

02/04/2020

Nomination de M. Jean Castex aux fonctions de coordonnateur à la stratégie nationale de déconfinement.

02/04/2020

Décret du 2 avril 2020 autorisant à lhôpital, en cas dimpossibilité dapprovisionnement en médicaments à usage humain, le recours à des spécialités vétérinaires « à même visée thérapeutique (…), de même substance active, de même dosage et de même voie dadministration » pour répondre aux besoins pendant lépidémie de Covid-19.

04/04/2020

Téléconsultations par téléphone autorisées pour améliorer le suivi médical en période de confinement.

05/04/2020

Décret du 5 avril 2020 permettant aux préfets de réquisitionner des laboratoires pour réaliser des tests PCR et de mobiliser les laboratoires vétérinaires et les laboratoires de recherche publics.

05/04/2020

Communiqué de l’Académie nationale de Médecine sur la sortie du confinement.

06/04/2020

Annonce du lancement du dépistage dans les établissements accueillant les « personnes les plus fragiles », principalement les EHPAD.

07/04/2020

10 000 décès comptabilisés en France ; pic du nombre de personnes en réanimation (plus de 7 000) ; près de 30 000 personnes hospitalisées.

08/04/2020

Avis n° 7 du Conseil scientifique sur létat de lépidémie dans les outre-mer.

09/04/2020

Première baisse du nombre de personnes en réanimation pour une infection au Covid-19.

12/04/2020

Mobilisation de professionnels de santé de la région PACA en renfort dans des établissements de santé de la région Grand-Est.

13/04/2020

Annonce par le Président de la République de la possibilité d’une fin du confinement strict au lundi 11 mai.

14/04/2020

Saisine de la Haute Autorité de la Santé (HAS) pour l’élaboration d’un cahier des charges sur les critères techniques et la pertinence des tests.

14/04/2020

Arrêté du 14 avril 2020 sur les téléconsultations, notamment la possibilité de recourir à lIVG médicamenteuse par téléconsultation.

15/04/2020

Première baisse du nombre dhospitalisations pour Covid-19

Mi-avril

Lancement du dispositif Covisan par l’AP-HP, pour identifier les personnes atteintes de façon bénigne par le Covid-19, leur proposer un accompagnement et le cas échéant un hébergement à l’hôtel.

18/04/2020

Décret du 18 avril 2020 autorisant Santé publique France à importer certains médicaments, afin dassurer lapprovisionnement des établissements de santé et pour éviter les cas de pénurie.

20/04/2020

Avis n° 8 du Conseil scientifique sur la sortie progressive de confinement : prérequis et mesures phares.

20/04/2020

Réintroduction du droit de visite encadré des personnes âgées dans les EHPAD avec respect strict des gestes barrières.

21/04/2020

Avis provisoire du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) relatif à ladaptation des mesures barrières et de distanciation sociale à mettre en œuvre en population générale, hors champ sanitaire et médico-social, pour la maîtrise de la diffusion du SARS-CoV-2.

23/04/2020 :

Décret du 23 avril 2020 prévoyant la centralisation de lachat de certains médicaments (curare et hypnotiques) par lÉtat et Santé publique France, pour assurer leur disponibilité et leur répartition entre les établissements de santé.

24/04/2020

Note n° 9 du Conseil scientifique concernant les enfants, les écoles et environnement familial dans le contexte de la crise Covid-19.

25/04/2020

Décret du 25 avril 2020 abaissant de 12 % le prix de vente maximum des gels et solutions hydro-alcooliques dans le cadre de létat durgence sanitaire.

25/04/2020

Arrêté du 25 avril incluant les masques en tissu dans la liste des marchandises dont les pharmaciens peuvent faire commerce dans leur officine.

27/04/2020

Deux avis du HCSP précisant les gestes barrières à mettre en œuvre en population générale, et en particulier parmi les personnes à risque de formes sévères de Covid-19, ainsi que des mesures environnementales pour maîtriser la diffusion du SARS-CoV-2.

27/04/2020 :

Communiqué de la DGS indiquant que les premiers résultats de lutilisation du tocilizumab chez des patients hospitalisés atteints de forme modérée à sévère du Covid-19 dans lessai français CORIMUNO sont encourageants.

28/04/2020

Note n° 10 du Conseil scientifique relative à létat durgence sanitaire dans laquelle le Conseil scientifique considère que l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de Covid-19, incluant ceux prévus dans la loi sur l’état d’urgence sanitaire, restent nécessaires dans la situation sanitaire actuelle.

28/04/2020

Présentation du plan de déconfinement devant l’Assemblée nationale par le Premier ministre, dans ses différents aspects.

29/04/2020

Publication par la HAS d’une note de cadrage formulant des recommandations sur lutilisation de tests sérologiques du SARSCoV2. La HAS estime qu’une stratégie de tests systématiques et exhaustifs de la totalité de la population ne semble pas pertinente et que le dépistage doit être ciblé sur certaines catégories socio-professionnelles et populations pouvant avoir été en contact avec le virus.

30/04/2020

Avis du HCSP défavorable au dépistage du Covid-19 par prise de température à l’entrée des lieux publics.

30/04/2020

Présentation d’une première carte du déconfinement, recensant les départements en rouge, orange ou vert, selon la circulation du virus et les capacités hospitalières.

2/05/2020

Décret du 2 mai 2020 plafonnant le prix de vente au détail des masques chirurgicaux à usage unique répondant à la définition de dispositifs médicaux (DM) à 95 centimes deuros toutes taxes comprises (TTC) par unité.

2/05/2020

Avis de la HAS recommandant lutilisation de tests sérologiques du SARS-CoV-2, sous prescription, à toute personne ayant présenté des symptômes, sévères ou non, évocateurs du Covid-19 et dont le diagnostic n’a pas été ou n’a pas pu être confirmé par RT-PCR, ainsi qu’à tous les soignants, au personnel travaillant dans des structures fermées et dans le cadre d’études épidémiologiques.

3/05/2020

Arrêté du 3 mai 2020 assouplissant les règles liées à la réalisation de tests du diagnostic du Covid-19.

4/05/2020

Report du déconfinement à Mayotte, l’archipel venant de passer en phase 3 de l’épidémie et dans la mesure où le coronavirus SARS-CoV-2 y circule activement.

5/05/2020

Décret du 5 mai 2020 prévoyant la prise en charge immédiate et intégrale par lassurance maladie obligatoire des frais liés aux tests PCR de détection du génome du coronavirus SARS-CoV-2.

5/05/2020

Décret du 5 mai 2020 définissant les critères permettant didentifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave dinfection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés en activité partielle.

5/05/2020

Présentation par le ministère des Solidarités et de la santé de la nouvelle stratégie de distribution des masques chirurgicaux et FFP2, en l’élargissant aux personnes contacts et aux personnes à très haut risque médical.

05/05/2020

Deux décrets du 5 mai 2020 encadrent à compter du 1er mai le recours au chômage partiel pour les salariés contraints de garder leur enfant et les personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave dinfection au SARS-CoV-2.

7/05/2020

Présentation de la carte de France du déconfinement : déblocage de 475 millions deuros de crédits à destination des EHPAD et mise en place d’une prime pour tous les personnels des EHPAD (ainsi que d’une prime pour les personnels du secteur médico-social et social qui sera précisée ultérieurement) ;

Explicitation de la stratégie nationale de dépistage et de son déploiement au niveau territorial et présentation d’un « arbre décisionnel » pour le suivi en ville des patients qui présenteraient des symptômes évocateurs du Covid-19 et leurs « cas contacts ».

7/05/2020

Arrêté du 7 mai 2020 relatif à lapplication du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux masques de protection et produits destinés à lhygiène corporelle adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

8/05/2020

Avis n° 11 du Conseil scientifique relatif aux réunions dinstallation des conseils municipaux et des établissements publics de coopération intercommunale.

11/05/2020

Déconfinement progressif.

11/05/2020

Loi du 11 mai 2020 prorogeant létat durgence sanitaire et complétant ses dispositions.

11/05/2020

Décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à lépidémie de Covid-19.

11/05/2020

Publication d’une fiche indiquant la doctrine dutilisation et dapprovisionnement en masques pour le secteur médico-social (personnes âgées, handicap, addiction et précarité), adaptée à la sortie du confinement.

11/05/2020

Arrêté du 11 mai 2020 élargissant « à titre expérimental aux secteurs de la santé, social et médico-social » la liste des personnes morales pouvant utiliser le téléservice FranceConnect.

11/05/2020

Décret du 11 mai 2020 précisant les conditions dans lesquelles les médecins du travail peuvent délivrer des arrêts de travail pour les salariés de droit privé atteints ou suspectés dinfection au Covid-19.

12/05/2020

Décret du 12 mai 2020 relatif aux systèmes dinformation de traçage Sidep et Contact Covid.

12/05/2020

Publication par la HAS de trois contributions destinées à fournir des recommandations aux professionnels du secteur médico-social sur les sujets de la fin de vie, des gestes barrières et de léquilibre entre protection et autonomie dans le contexte du Covid-19.

12/05/2020

Avis n° 12 du Conseil scientifique relatif au déconfinement en outre-mer et aux modalités d’entrée sur le territoire.

13/05/2020

Annonce de la publication d’une carte interactive des lieux de dépistage de l’infection à Sars-CoV-2 par la Direction générale de la santé.

14/05/2020

Décret du 14 mai 2020 relatif au versement dune prime exceptionnelle à certains personnels des établissements publics de santé, dans le cadre de la crise due à lépidémie de Covid-19.

14/05/2020

Publication par le ministère des Solidarités et de la santé d’une note « DGS-urgent » sur la stratégie de prise en charge des patients atteints de Covid-19 par les médecins de ville en phase de déconfinement.

15/05/2020

Annonce par le ministère de la santé du financement ministériel de 22 millions deuros pour 45 projets de recherche.

15/05/2020

Alerte de l’ANSM sur le risque de troubles neuropsychiatriques liés à lhydroxychloroquine et à la chloroquine.

15/05/2020

Adoption en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi « relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à dautres mesures urgentes ainsi quau retrait du Royaume-Uni de lUnion européenne. » Ce projet de loi contient des dispositions habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures concernant notamment le report de l’entrée en vigueur de certaines réformes et expérimentations, la modification de la durée de différents mandats, l’adaptation du fonctionnement de la justice et la continuité de l’exercice des missions d’exercice militaire et de service public ainsi que des mesures relatives au Brexit.

15/05/2020

Décret du 15 mai 2020 créant le comité de contrôle et de liaison Covid19.

17/05/2020

Avis du HCSP dans lequel il se déclare défavorable à la pratique du dépistage de linfection au SARS-CoV-2 par RT-PCR en regroupant les échantillons, estimant que le test individuel pour détecter le génome viral doit rester la règle.

18/05/2020

Recommandations de la HAS sur le recours aux tests sérologiques rapides.

18/05/2020

Avis n° 13 du Conseil scientifique relatif aux modalités sanitaires du processus électoral à la sortie du confinement.

19/05/2020

Annonce par le ministre des Solidarités et de la santé à l’Assemblée nationale du projet de proposer à tous les soignants à compter de la semaine suivante, de bénéficier dun test sérologique sur prescription.

20/05/2020

Avis du HCSP préconisant lusage de la visière de protection en complément du port d’un masque chirurgical ou FFP2 lorsque les professionnels de santé réalisent des actes invasifs.

21/05/2020

La HAS se prononce dans un communiqué en faveur du remboursement des tests sérologiques du Covid-19 validés par le CNR

22/05/2020

Publication par le ministère des solidarités et de la santé des résultats des tests Covid-19 du marché « virologiques ou sérologiques » validés par le Centre national de référence (CNR) pour les virus des infections respiratoires.

24/05/2020

Avis du HCSP recommandant de ne plus utiliser lhydroxychloroquine (Plaquenil) seule ou associée à un macrolide dans le Covid-19, d’évaluer son rapport bénéfices/risques dans les essais cliniques et de renforcer la régulation nationale et internationale des différents essais évaluant l’hydroxychloroquine dans le Covid-19.

26/05/2020

Communiqué de l’ANSM annonçant la suspension en France de lévaluation de lhydroxychloroquine dans les essais cliniques sur le Covid-19. Cette suspension intervient à la suite de lannonce par le directeur général de lOrganisation mondiale de la santé (OMS) le 25 mai, de la « mise en pause temporaire » de lévaluation de lhydroxychloroquine dans l’essai international Solidarity, en raison de la publication de données montrant une élévation de la mortalité chez les patients Covid-19 traités avec ce médicament.

 

 

 


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FICHE 2 : ACTEURS MOBILISÉS DANS LE CADRE DE LA CRISE DU COVID19

Un dispositif de crise piloté au niveau national et une coordination entre ministères ont été mis en place pour mobiliser les administrations au premier rang desquelles les administrations et agences du secteur sanitaire, au niveau national et régional.

Le ministère des Solidarités et de la santé a été rapidement en première ligne, s’appuyant sur le réseau des Agences régionales de santé et sur lagence Santé publique France, établissement public administratif sous la tutelle du ministère, chargé entre autres dassurer une veille épidémiologique, de répondre aux menaces et crises sanitaires et de piloter la réserve sanitaire et les stocks stratégiques.

Les autorités, conseils et comités ont dûment été associés, tandis que de nouveaux organes ont été mis en place pour apporter une expertise ad hoc face à cette crise en particulier, afin d’éclairer la décision publique (Conseil scientifique Covid-19 et Comité analyse, recherche et expertise-CARE) et pour préparer la stratégie de déconfinement (M. Jean Castex, missionné spécifiquement sur ce sujet).

Un dispositif de crise piloté au niveau national a été mis en place.

Il a mis en jeu le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dans le cadre de sa mission générale d’appui à la décision et de conseil au Premier ministre et de préparation de la Nation par la rédaction de plans interministériels, aujourd’hui au nombre de quinze. Le SGDSN a assuré également le secrétariat des conseils de défense et de sécurité nationale que préside le chef de l’État, et qui ont été réunis tout au long de la crise. ([60])

La cellule interministérielle de crise (CIC) a été activée le 17 mars par le Premier ministre, sur proposition du SGDSN son intervention s’inscrivant dans le cadre des circulaires d’organisation de la gestion de crise.

La CIC a été chargée de coordonner en temps réel l’action de tous les ministères dans la lutte contre le Covid-19, ainsi que d’assurer un lien avec les préfets et de les accompagner dans la mise en œuvre de l’état d’urgence.

I.   LES ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE EN PREMIÈRE LIGNE

A.   LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

● Le ministère des Solidarités et de la Santé s’est naturellement trouvé en première ligne pour répondre à cette crise d’ordre sanitaire. Il a pu s’appuyer sur ses différentes directions, au premier rang desquelles la Direction générale de la santé et la Direction générale de l’offre de soins.

– Au sein de la direction générale de la santé (DGS), la réponse à la crise s’est matérialisée par la mise en place d’une veille opérationnelle, par l’activation du centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) renforcé ([61]), puis du Centre de Crise sanitaire (CCS)([62]).

L’activation du CCS, qui correspond au niveau 3 du dispositif général de gestion de crise sanitaire, constitue le pivot de la réponse ministérielle face à l’épidémie du Covid-19, tant par son rôle de pilotage que de coordination, aux niveaux national et régional. Il a également eu à assurer le déploiement de moyens humains et l’organisation et le suivi du dispositif « santé ».

Le directeur général de la santé a été, pour sa part, le pilote de ce dispositif et a assuré quotidiennement la communication envers le public et l’interface avec les autres intervenants.

– La direction générale de l’offre de soins (DGOS), chargée d’une mission générale de régulation de l’offre de soins, a assuré, en lien avec les établissements de santé et la médecine de ville, l’adaptation du système de prise en charge des soins pour faire face aux besoins nouveaux exprimés dans le contexte de la crise.

– La direction générale de la cohésion sociale (DGCS), dont la mission est de concevoir, piloter et évaluer les politiques publiques de solidarité, a été chargée de soutenir les acteurs du secteur social et médico-social et dassurer leur information. Une cellule de crise mobilisée sept jours sur sept a été créée le 27 février 2020 pour fournir un accompagnement à ces acteurs dans la gestion de la crise du Covid-19.

– La direction de la sécurité sociale (DSS), également rattachée au ministère de l’action et des comptes publics, a quant à elle été mobilisée pour répondre aux enjeux financiers de la gestion de la crise, en lien avec l’Assurance maladie.

B.   LES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ

Les ARS ont été amenées à déployer la stratégie de gestion de crise dans les territoires et à conduire les tâches suivantes :

–  le repérage et le recensement du nombre de patients contaminés. Les ARS ont apporté un soutien à la veille épidémiologique assurée par le ministère de la santé et Santé publique France (SPF). Elles sont désormais amenées à jouer un rôle important dans la stratégie de dépistage et de recherche de cas-contacts élaborée dans le cadre du déconfinement, en lien avec l’Assurance maladie.

– l’accompagnement des établissements de santé dans la gestion de l’afflux de malades, en adaptant l’offre territoriale de soins par le soutien aux établissements dans la déprogrammation des activités non urgentes, la gestion de la capacité d’accueil en services de réanimation et le classement des hôpitaux pouvant recevoir des patients atteints du Covid-19.

– le lien avec les collectivités territoriales dans la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie de gestion de crise, afin d’adapter les modalités de la réponse à l’évolution de l’épidémie en fonction de la situation locale.

C.   L’AGENCE SANTÉ PUBLIQUE France

● L’Agence nationale de santé publique, dite Santé publique France (SPF), créée le 1er mai 2016, est issue de la fusion de trois organismes ([63]) et remplit, aux termes de l’article L. 1413-1 du code de la santé publique, cinq missions principales :

– l’observation épidémiologique et la surveillance de l’état de santé des populations ; 

– la veille sur les risques sanitaires menaçant les populations ;

– la promotion de la santé et la réduction des risques pour la santé ;

– le développement de la prévention et de l’éducation pour la santé ;

– la préparation et la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires ;

– le lancement de l’alerte sanitaire.

● Dans le cadre de la crise sanitaire, il revenait à SPF d’assurer l’analyse et la surveillance de l’épidémie, de réaliser des actions d’information et de prévention auprès des citoyens, d’anticiper les différents scenarii et de déployer des actions visant à prévenir la transmission du virus sur le territoire au travers de :

– la réalisation des bilans épidémiologiques, source d’informations indispensable pour les citoyens et l’ensemble des acteurs de santé ;

– la gestion du dispositif de réserve sanitaire afin de répondre aux tensions rencontrées en termes de personnels soignants et de mettre à disposition des volontaires dans les établissements de santé. Mi-avril, un peu plus de 1 000 volontaires ([64]) avaient ainsi été mobilisés dans le cadre de la réserve sanitaire.

Au titre de sa mission de préparation et de réponse aux crises sanitaires, il revient à l’agence de constituer et de gérer les stocks stratégiques nationaux en produits de santé. Compte tenu de l’évolution et de l’ampleur de l’épidémie au regard des stocks existants, SPF s’est vu attribuer par un arrêté du 30 mars dernier une dotation exceptionnelle d’un montant de 4 milliards d’euros ([65]). Cette somme est notamment destinée à financer des acquisitions de masques, de respirateurs et de médicaments.

D.   LES ORGANISMES ET AGENCES COMPÉTENTS EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE

Plusieurs agences et organismes ont participé à la réponse à la crise sanitaire en apportant, par leurs avis et communiqués, une aide à la décision publique ainsi qu’une information à destination des citoyens et professionnels de santé :

– le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), instance chargée d’apporter une aide à la décision au ministre de la santé sur les sujets sanitaires, a été régulièrement consulté pour éclairer la gestion de l’épidémie de Covid-19. Il s’est prononcé par plus d’une quarantaine d’avis sur des sujets tels que la prévention et la prise en charge chez les patients à risque de formes sévères, la mise en place de mesures barrières spécifiques pour les personnes à risque ou encore l’utilisation de médicaments tels que l’hydroxychloroquine.

– la Haute Autorité de la Santé (HAS), autorité indépendante chargée d’évaluer le service rendu des médicaments, des dispositifs médicaux, des actes professionnels et des prestations et technologies de santé. Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, elle a, par ses avis et fiches-réponses rapides, apporté une expertise aux pouvoirs publics et aux établissements de santé sur la manière d’organiser au mieux la prise en charge des soins dans une situation d’urgence.

– La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) est directement concernée par les mesures d’accès aux soins, sous l’angle de la prise en charge financière notamment. Elle a donc naturellement communiqué sur ces mesures, apportant aux assurés sociaux, et plus généralement à nos concitoyens des informations concrètes sur les conditions dans lesquelles les personnes à risque peuvent se mettre en arrêt de travail, les modalités des téléconsultations ou encore la distribution des équipements de protection aux personnels prioritaires.

– L’Académie nationale de médecine, institution chargée d’apporter un éclairage en matière de politique de santé, a également contribué par ses avis à l’éclairage et l’information des pouvoirs publics, des citoyens et du personnel soignant, en particulier sur les modalités de la fourniture de soins dans le contexte du Covid-19.

II.   DE NOUVEAUX ACTEURS POUR ÉCLAIRER LA DÉCISION PUBLIQUE DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE

A.   LA CRÉATION DE CONSEILS scientifiques

La situation inédite causée par la crise de Covid-19 a mené à la création de deux conseils appelés à éclairer le Gouvernement et à fournir une expertise scientifique sur les sujets liés spécifiquement à l’épidémie.

1.   Le Conseil scientifique Covid-19

Le Conseil scientifique Covid-19 a été institué le 11 mars 2020 à la demande du Président de la République, par le ministre des Solidarités et de la santé. Il a par la suite été consacré par l’article 2 de la loi du 23 mars 2020 qui a introduit l’article L. 3131-19 du code de la santé publique. Cet article prévoit en effet qu’en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, « un comité de scientifiques est réuni sans délai ».

Le président du comité est nommé par décret du Président de la République. Le comité comprend par ailleurs deux personnalités qualifiées nommées par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Le Conseil scientifique est présidé par le Professeur Jean-François Delfraissy, ancien président du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) ([66]) et comprend douze personnalités ([67]), représentant un vaste champ de disciplines scientifiques. La diversité des membres composant le conseil en fait une instance scientifique pluridisciplinaire, à même de croiser les données et les avis en présentant une approche scientifique globale des enjeux. Le Conseil est indépendant. Il peut être saisi par le ministre chargé de la santé, mais il peut également décider de s’autosaisir d’une question. Ses avis sont rendus publics et ne lient pas le Gouvernement.

Ce conseil a pour mission principale d’éclairer la décision publique dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Il rend périodiquement des avis « sur l’état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s’y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, y compris celles relevant des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 ([68]) , ainsi que sur la durée de leur application ([69]). » Le Conseil fournit un éclairage précieux et permet au Gouvernement de prendre des décisions publiques reposant sur des éléments de preuve scientifiques précis.

Aux termes de l’article L. 3131-13 du même code, le Conseil doit également émettre un avis avant que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne soit autorisée par la loi ; tel est également le cas avant qu’il ne soit mis fin à l’état d’urgence par décret avant l’expiration du délai fixé par la loi.

Le Conseil scientifique a ainsi tenu un rôle essentiel de conseil auprès des pouvoirs publics. À la date du 29 mai, le Conseil avait ainsi rendu 13 avis ([70]). Son éclairage a par exemple porté sur la nécessité de mettre en place un confinement de la population, sur la situation dans les EHPAD et dans les territoires ultramarins, sur les conditions indispensables pour envisager le déconfinement du pays ou encore sur les modalités de reprise des activités scolaires en classe.

2.   Le Comité analyse, recherche et expertise (CARE)

En parallèle du Conseil scientifique, le « comité analyse, recherche et expertise » (CARE) présidé par Mme Françoise Barré-Sinoussi a été installé par le Président de la République le 24 mars à l’Élysée. Il se compose de 12 chercheurs et médecins.

Le CARE a pour rôle d’éclairer le Gouvernement sur les sujets de traitements, de vaccins et de tests en présentant les principales innovations scientifiques dans ces domaines et en donnant un avis sur les suites pouvant y être données. Il doit :

– éclairer les pouvoirs publics dans des délais très courts sur les suites à donner aux propositions d’approches innovantes scientifiques, technologiques et thérapeutiques pour répondre à la crise sanitaire du Covid-19 et vérifier que les conditions de déploiement et de portage sont réunies ;

– solliciter la communauté scientifique pour faire des propositions sur des thématiques identifiées par les ministères de la santé ou de la recherche.

Le Comité a également pour mission de fournir un éclairage sur les pratiques de traçage qui permettent d’identifier les personnes en contact avec celles qui ont été infectées par le Covid-19. La mission du Care est donc complémentaire des travaux menés par le Conseil scientifique Covid-19. Deux des membres du Care appartiennent par ailleurs au Conseil scientifique.

B.   La mise en place d’une Équipe de coordination de la stratÉgie nationale de dÉconfinement

Dans la perspective d’une sortie de crise et à la demande du Président de la République, M. Jean Castex a été chargé le 2 avril de coordonner la sortie progressive du confinement mis en place depuis le 17 mars.

L’équipe de M. Jean Castex a été rattachée au Premier ministre et assure sa mission dans un cadre interministériel. Elle est constituée d’une quinzaine de personnes issues notamment du ministère de la santé et de l’administration préfectorale ([71]).

L’équipe a été chargée d’établir des propositions relatives à la sortie progressive du confinement et a joué un rôle essentiel dans la définition des conditions indispensables pour atteindre cet objectif. La plupart de ces propositions ont été présentées dans le cadre du plan de préparation à la sortie du confinement remis le 6 mai et publié le 11 mai sur le site du Gouvernement. Le déconfinement progressif de la population, amorcé le 11 mai, ainsi que la seconde étape de sortie du déconfinement annoncée pour le 2 juin ont largement reposé sur l’ensemble de ces propositions.

 

 


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FICHE 3 : MISE EN ŒUVRE DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE dans les territoires

Dès le début du confinement, les préfets ont été en première ligne pour mettre en œuvre et décliner létat durgence dans les territoires en fonction des spécificités de ceux-ci, en appliquant les mesures prises au niveau national, souvent dans le sens de leur renforcement.

Linstallation du confinement dans la durée ainsi que la préparation du déconfinement ont mis en exergue limportance du binôme « maire-préfet ». La prise en compte de son efficacité dessine des pistes pour loptimisation de lintervention de lÉtat dans les territoires et de ses capacités daction quand survient une crise de grande ampleur.

1.   Décliner et renforcer l’état d’urgence sanitaire : les préfets en première ligne dans la lutte contre la propagation de l’épidémie

Par lintermédiaire dune plate-forme internet mise en place par le ministère de lintérieur, la mission a pu recenser et analyser, pendant les huit semaines de confinement, 1 021 mesures préfectorales ([72]) prises sur le fondement de larticle L. 3131-17 du code de la santé publique, qui organise les modalités dintervention des préfets dans le cadre de l’état durgence sanitaire ([73]).

En tout ce sont 2 228 arrêtés qui ont fait l’objet d’une analyse hebdomadaire.

a.   Le dispositif en matière d’ordre public : limitation des déplacements et régulation de l’accueil du public

541 mesures dordre public ont été prises dans 98 départements et collectivités doutre-mer (COM). Lessentiel de ces mesures ont été prises entre le 16 et le 29 mars 2020, soit pendant la période allant du début du confinement à la semaine suivant la déclaration de l’état durgence sanitaire. En effet, cette déclaration avait été anticipée dans de nombreux départements pour faire face, en urgence, à la propagation de l’épidémie. Ensuite, la majeure partie du dispositif en matière dordre public sest constituée dès le début de l’état durgence sanitaire.

La quasi-totalité de ces mesures (plus de 90 %) concernent, dans des proportions équivalentes, la régulation des déplacements et de lactivité des établissements recevant du public. Un nombre résiduel dactes a concerné laggravation de la limitation des rassemblements ou la mise en place des dispositifs de mise en quarantaine dans les COM.

De manière concrète, il sest agi, pour les préfets, de renforcer les dispositions prévues au niveau national en interdisant laccès aux jardins publics ou aux sites naturels, en limitant les horaires des déplacements pour exercer une activité physique, en imposant un couvre-feu des personnes ou des commerces, en interdisant les locations touristiques ou encore en prononçant la fermeture administrative de certains établissements ne respectant pas les règles imposées par l’état durgence sanitaire.

Le dispositif de l’état durgence sanitaire a reposé sur limportant relais des préfets afin d’être adapté aux caractéristiques des territoires : « les arrêtés d’interdiction sont le plus souvent cousus main » a assuré à la mission M. Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France et préfet du Nord ([74]).

Évolution du nombre d’actes prÉfectoraux pris dans le cadre
de l’État d’urgence sanitaire

Source : Mission d’information

La première semaine du déconfinement s’est caractérisée par une activité normative importante (549 mesures) qui a principalement concerné l’autorisation d’accès aux plages, aux plans d’eau et aux lacs et des activités nautiques et de plaisance : 375 arrêtés de ce type ont été pris dans 35 départements.

b.   Le recours aux réquisitions sanitaires pour faire face à la propagation de l’épidémie

480 arrêtés de réquisition ont été pris au total, dans 54 départements. 80 % de ces réquisitions ont porté sur les biens, les services ou les personnes nécessaires au fonctionnement des établissements de santé, et principalement les personnels soignants. 9% ont porté sur la réquisition de lieux dhébergement soit pour loger des personnels mobilisés, soit pour mettre à labri des personnes infectées. Les stocks de trois entreprises dans le Haut-Rhin, le Nord et le Morbihan ont été saisis afin de permettre la fabrication de masques. Des opérateurs participant au service extérieur des pompes funèbres ont également été réquisitionnés dans lEssonne et le Val-de-Marne, dont celui nécessaire au fonctionnement de la morgue installée spécialement à Rungis.

L’évolution du nombre de réquisition a suivi la courbe de la propagation du virus dans le pays. Les réquisitions sont montées en puissance à mesure que la crise sanitaire sest aggravée. Alors que le pic du nombre de personnes hospitalisées en réanimation a été atteint le 8 avril, le nombre darrêtés de réquisition, de la même manière que le nombre de nouvelles mesures dordre public, a commencé à chuter lors de la quatrième semaine d’état durgence sanitaire, soit à partir du 13 avril.

Dans la perspective du déconfinement, les réquisitions ont eu pour but principal la mobilisation des laboratoires afin daccélérer le déploiement des dispositifs de tests dans les territoires.

Mesures préfectorales de mobilisation des laboratoires ([75])

Source : Mission d’information

2.   L’affirmation d’une relation efficace entre le maire et le préfet

a.   La montée en puissance du binôme

Lors des premières semaines d’état durgence sanitaire, la question du rôle des maires en matière de renforcement des dispositifs dordre public sest posée lorsque nombre dentre eux ([76]) ont décidé dimposer des mesures de couvre-feu des personnes dans un contexte juridique et opérationnel incertain.

Dans une ordonnance rendue le 17 avril, le Conseil d’État a finalement estimé que la police spéciale instituée par la loi du 23 mars au profit des préfets faisait obstacle aux pouvoirs de police générale des maires. Une exception a néanmoins été introduite lorsque « des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent lédiction indispensable » sous réserve « de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et lefficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de lÉtat ».

Devant ces initiatives, certains préfets avaient initialement fait retirer les arrêtés quils estimaient infondés. Dans un deuxième temps, une démarche de conciliation a été engagée : des préfets ont pris eux-mêmes ce type darrêté, en concertation avec les maires ou sur demande de ceux-ci, lorsque les circonstances locales lexigeaient. Ainsi, à Perpignan, la prolongation du couvre-feu, qui avait été initialement édicté par la commune, a été décidée, le 30 mars, par le préfet des Pyrénées-Orientales.

Le nombre darrêtés de couvre-feu préfectoraux a ainsi atteint un maximum le 13 avril : 50 arrêtés ont instauré un couvre-feu partiel ou général des commerces dans 39 départements ou COM et 30 arrêtés ont instauré une telle mesure pour les personnes dans 17 collectivités.

Carte des couvre-feux prÉfectoraux au 13 avril

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Source : Mission d’information

Reprenant une formule du Président le République, le Premier ministre a confirmé, à la tribune de lAssemblée nationale, que le Gouvernement sappuierait « sur les maires et sur les préfets » ([77]) pour la mise en œuvre du plan de déconfinement.

Les maires ont été particulièrement mobilisés pour la réouverture des écoles puisqu’il relevait de leur responsabilité dorganiser laccueil des élèves dans le respect des règles sanitaires, ce qui n’a pas été sans soulever des inquiétudes. Lors de leur audition par la mission dinformation le 13 mai 2020, les représentants des associations d’élus municipaux ont salué linitiative du Gouvernement, prise en amont de l’échéance du 11 mai, qui a permis aux préfets dapposer leur signature sur le protocole élaboré par les maires sous lautorité des directeurs académiques des services de l’éducation nationale permettant ainsi de renforcer la sécurité juridique de ces documents.

Comme lont fait valoir plusieurs intervenants, et notamment Mme Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, « le lien entre le maire et le préfet, ce circuit court décisionnel, a été décisif dans la gestion quotidienne et opérationnelle des problèmes que nous rencontrions » ([78]).

b.   Quelles leçons tirer en matière d’organisation territoriale de l’État ?

Laffirmation du binôme maire-préfet, qui a été en mesure de travailler efficacement et en confiance, a mis en lumière les défis de lorganisation de l’État dans les territoires.

Les auditions menées par la mission dinformation les 13 et 14 mai ont permis de soulever deux enjeux principaux. Les élus locaux ont été confrontés aux limites dun processus de décentralisation qui a pu générer des confusions ou des frustrations préjudiciables dans une telle situation de crise. Les préfets ont, quant à eux, fait face aux limites de leur autorité sur les autres administrations déconcentrées de l’État et ses Agences, élément qui a pu être préjudiciable à la construction dune mobilisation coordonnée et efficace dans les territoires.

La question de laction des administrations déconcentrées de l’État et des établissements publics a également posé celle du rôle des agences régionales de santé (ARS) non seulement dans la gestion de la crise, mais aussi dans la manière dont les questions sanitaires sont traitées dans les territoires.

Pour apprécier laction des ARS, limportance du facteur humain a été soulignée pour saluer ou, au contraire, questionner l’intervention de directeurs généraux des ARS en situation durgence ([79]). Dun département ou d’une région à lautre, les relations institutionnelles et lefficacité de la réponse à la crise a de ce fait pu varier.

Il reste que des questions plus structurelles se posent également :

– sur le rôle et les capacités d’action des ARS. Créées en 2010, les ARS n’ont pas été conçues dans la perspective de la gestion d’une crise d’une telle ampleur.

Comme l’a fait valoir M. François Baroin lors de son audition devant la mission, « la priorité au moment de la création des ARS était la maîtrise des coûts dans le cadre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (…) Jamais elles n’ont été conçues comme des dispositifs logistiques censés assurer le bon acheminement de masques, de blouses ou d’autres équipements médicaux jusqu’au moindre recoin de la plus petite de nos communes au nom du principe d’universalité du service public à la française. » ([80])

– sur l’approche centralisée, au niveau régional, qu’ont pu donner les ARS en décalage avec les réalités et les attentes des territoires ; critique d’autant plus paradoxale que ce sont des institutions régionalisées, dotées de délégations départementales.

Pour M. Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France et préfet du Nord, « ce qui donne ce sentiment de centralisation, c’est […] sans doute le rapport au territoire, à la proximité : il conviendra de s’interroger sur la territorialisation fine des ARS » ([81]). Ainsi, le rôle des délégations départementales des ARS pourrait être redéfini et renforcé ([82]).

Cette question s’inscrit dans la perspective plus large de la territorialisation des politiques publiques, elle aussi soulevée par M. Lalande lors de son audition et : « réinvestir la proximité et le dernier kilomètre : voilà le grand enjeu de cette crise pour l’État, pour tous les ministères, mais aussi pour les collectivités locales elles-mêmes et, assurément, pour les ARS ».

Lorganisation de la réponse territorialisée à la gestion dune crise de grande ampleur est une question qui sera approfondie par les travaux de la commission denquête.

 

 


  1  

FICHE 4 : ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR RÉPONDRE À LURGENCE SANITAIRE

L’ensemble du système de soins (hôpitaux et établissements de santé publics, établissements privés lucratifs ou non, médecine de ville en libéral, en exercice regroupé, centres de santé, maisons de santé) a été mobilisé pour répondre à la crise du Covid-19, dans sa structuration normale dans un premier temps, puis au titre des renforts pour un bon nombre de professionnels alors que la crise s’est intensifiée. Les services de réanimation et de soins intensifs se sont retrouvés en tension dans les territoires les plus touchés, au regard du nombre important de malades développant des formes graves de la maladie.

La réorganisation des soins, la mobilisation des personnels, la déprogrammation des activités non urgentes ainsi que les transferts de patients entre régions ont permis d’assurer une continuité de la prise en charge des malades du Covid-19. L’importance des besoins en réanimation a également rendu nécessaire la mise en place d’un suivi précis des stocks disponibles de matériels et de médicaments.

I.   L’AUGMENTATION DES CAPACITÉS DE PRISE EN CHARGE DE PATIENTS ET DE PLACES EN RÉANIMATION

A.   LA RÉORGANISATION DU SYSTÈME DE SOINS

● L’offre de soins initiale repose sur près de 3 100 sites et établissements de santé, les établissements publics représentant 45 % du total, les établissements privés d’intérêt collectif 22 % et les établissements privés à but lucratif 33 %. En prenant en compte l’ensemble des établissements de santé, la France dispose d’une capacité d’accueil en hospitalisation complète de 408 245 lits ([83]).

● L’épidémie du Covid-19 a nécessité une importante adaptation du système de soins et une augmentation significative des capacités d’accueil de patients. Le plan blanc, destiné aux hôpitaux publics et privés, a été déclenché le 6 mars 2020. Il vise essentiellement à déprogrammer toutes les activités médicales non indispensables, avec pour objectif de s’assurer que chaque département comporte un hôpital pouvant accueillir des patients atteints du Covid-19. Plus de 600 établissements de santé, publics comme privés, étaient ainsi en mesure de recevoir ce type de patients au 1er avril. Le nombre de patients hospitalisés au titre du Covid-19 a atteint son niveau maximal le 14 avril, avec 32 131 personnes prises en charge. Leur nombre a progressivement décru à partir de cette date, pour concerner 15 627 patients au 27 mai 2020.

B.   L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE LITS DE RÉANIMATION

● La crise du Covid-19 a nécessité d’augmenter les capacités d’accueil en services de réanimation. La capacité d’accueil dans ces services était de 5 000 lits au début de l’épidémie. La déprogrammation des activités médicales non urgentes, la mobilisation de l’ensemble des établissements de santé ainsi que des mesures d’adaptation des services ([84]) ont permis d’augmenter progressivement le nombre de lits disponibles en services de réanimation jusqu’à plus de 10 500 lits mi-avril ([85]). À la date du 7 avril, considérée comme le pic de l’épidémie, 7 019 patients étaient pris en charge en services de réanimation ([86]).

● La présence de foyers importants de Covid-19 dans certains territoires s’est fortement ressentie sur les capacités de réanimation de plusieurs régions (Grand-Est, de l’Île-de-France, Corse, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes). Un accroissement conséquent et rapide du nombre de lits de réanimation y a été nécessaire :

–  mi-avril, le nombre de lits disponibles avait ainsi augmenté depuis le début de la crise de 158 % dans la région Grand-Est, de 138 % en Île-de-France, de 250 % en Corse, de 121 % en Auvergne-Rhône-Alpes, de 97 % dans les Hauts-de-France et de 66 % en Bourgogne-Franche-Comté, régions les plus touchées par le Covid-19 ;

–  un hôpital de campagne, doté de 30 lits de réanimation, a par ailleurs été installé en mars 2020 dans la ville de Mulhouse en raison de l’engorgement des hôpitaux de la région.

capacitÉs en lits de rÉanimation adultes le 11 avril et Évolution depuis le dÉbut de la crise du covid-19

Source : Informations transmises par le Ministère de la santé et issues de données des ARS ; données datées du 11 avril.

● À la date du 27 mai, à l’exception de Mayotte, les indicateurs épidémiologiques de circulation du Covid-19 étaient en baisse depuis huit semaines et 1 467 patients ([87]) étaient accueillis en service de réanimation. L’objectif est de revenir peu à peu à une capacité habituelle de réanimation se situant autour de 5 000 lits, ainsi que l’a que l’a rappelé le ministre de la santé lors de la conférence de presse du 7 mai. Les régions ayant connu le plus de tensions sur leurs services de réanimation étaient à cette date dans une situation moins critique. Les régions Île-de-France et Grand-Est disposaient au 14 mai de respectivement de 305 et 239 lits de réanimation disponibles. Le taux d’occupation des lits en réanimation ne dépassait 80 % que dans les régions d’Ile-de-France et dans les Hauts de France.

C.   LES COMMANDES DE RESPIRATEURS

● Le renforcement des capacités d’accueil en services de réanimation a nécessité d’augmenter le nombre de respirateurs artificiels, nécessaires pour les soins de réanimation. Le stock de respirateurs disponibles avant la crise était estimé à environ 12 000 appareils ([88]), nombre insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins.

L’industrie française, en particulier les entreprises Air Liquide, Schneider Electric, PSA et Airbus ont été mobilisées pour fabriquer de nouveaux respirateurs. D’autres entreprises françaises ont joué un rôle important en intervenant dans les processus d’achats, à l’instar de LVMH ou de L’Oréal. Des commandes de respirateurs ont été passées dans d’autres pays mais elles sont peu nombreuses en raison d’un marché très tendu au niveau mondial.

● À la date du 6 mai, 10 141 respirateurs avaient été commandés par l’État depuis le 31 mars 2020, pour un coût total de près de 56,7 millions d’euros ([89]). Sur ces respirateurs, 1 641 sont dédiés à la réanimation pour les patients atteints de Covid-19 et 8 500, de modèle Osiris, sont destinés aux urgences et au transport de patients.

Commandes de respirateurs passées par L’ÉTAT depuis le 31 mars
(À la date du 6 mai)

Fabricant

Modèle

Quantité

Prix total

(en millions d’euros)

Air Liquide

Monnal T75

117

1,71

Monnal T60

907

10,09

Osiris 3

8 500

35,19

GE Healthcare

Carescape R860

50

1,20

MICE Group

Evone

15

0,851

Beijing Aeonmed
(via LVMH)

VG70

161

NR

Shangrila 510S

100

NR

Draeger

Savina 300

150

2,65

Philips

V60

80

1,12

Seewon tech (via L’Oréal)

SiriusMed 30 et 50

61

3,91

TOTAL

10 141

56,72

Source : données transmises par le ministère des solidarités et de la santé (6 mai 2020)

II.   LA MOBILISATION DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DE LA MÉDECINE DE VILLE

A.   La MOBILISATION des Établissements de santÉ pour faire face à la crise

● L’ampleur de l’épidémie du Covid-19 a nécessité l’implication de l’ensemble des établissements de santé, publics mais aussi privés qui ont accueilli des patients atteints du Covid-19 au titre de l’hospitalisation conventionnelle ou en services de réanimation.

La part des établissements publics dans la prise en charge des hospitalisations s’avère prépondérante, mais celle des établissements privés a augmenté au cours du mois d’avril, passant de 21 % au 15 avril à 33 % au 30 avril ; ces établissements accueillaient 8 987 patients atteints du Covid-19 à cette date, tandis que le secteur public prenait en charge 18 413 malades, soit 67 %. 3 141 patients pris en charge dans les services de réanimation l’étaient dans le secteur public, contre 810 dans le secteur privé, représentant respectivement 79 % et 21 % des hospitalisations en réanimation – cette proportion est restée quasi stable par rapport au 15 avril.

Patients atteints du covid-19, pris en charge au titre de l’hospitalisation dans le secteur public et le secteur privÉ

Source : Ministère des solidarités et de la santé (données transmises le 6 mai 2020

B.   LE RÔLE DE LA MÉDECINE DE VILLE

● La médecine de ville a également été fortement sollicitée dans la gestion de la crise, pour la prise en charge des patients atteints du Covid-19 dans ses formes plus bénignes ainsi que pour assurer un premier diagnostic de la maladie. Lors de la semaine du 23 au 29 mars, près de 95 000 personnes ont consulté un médecin généraliste pour des symptômes du Covid-19 et le nombre d’actes SOS Médecins pour suspicion de Covid-19 a été supérieur à 12 000.

Évolution du nombre de consultations et de passages aux urgences
au titre du Covid 19 depuis le 9 mars

 

Du 9 au 15 mars

Du 16 au 22 mars

Du 23 au 29 mars

Du 30 mars au 5 avril

Du 6 au 12 avril

Du 13 au 19 avril

Du 20 au 26 avril

Du 26 avril au 3 mai

Du 3 mai au 10 mai

Nombre estimé de cas de Covid-19 ayant consulté un médecin généraliste

NR

51 000

94 810

28 241

2 663

2 846

4 035

2 246

2 036

Nombre d’actes SOS médecins pour suspicion de Covid-19

2 301

9 133

12 167

8 786

5 256

3 699

2 588

8 242

6 696

Nombre de passages aux urgences pour suspicion de Covid-19

5 782

15 956

32 245

27 966

19 704

13 803

10 670

5 869

4 265

Source : Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19 sur la base des bilans épidémiologiques de Santé publique France.

● La prise en charge des patients par la médecine de ville a été possible grâce au développement massif des téléconsultations, dont les modalités d’exercice et de remboursement ont été simplifiées par voie réglementaire ([90]). 486 369 téléconsultations ont ainsi été réalisées lors de la semaine du 23 au 29 mars, alors que l’Assurance maladie comptabilisait 10 000 téléconsultations par semaine avant la première semaine de mars. Le nombre de médecins pratiquant ce type de consultations a lui-même crû de manière significative : 44 % de médecins généralistes avaient effectué une téléconsultation lors de la dernière semaine de mars ([91]).

● La réponse à l’épidémie de Covid-19 est aussi passée par la mise en place de nouvelles modalités de consultations médicales. La création de centres de consultations ambulatoires, temporaires ou adossés à des structures de santé existantes, a ainsi permis de prendre en charge des patients ayant des symptômes évocateurs du Covid-19. Dans la région Île-de-France par exemple, plus de 150 centres de ce type avaient été créés fin mars ([92]) .

III.   LES OPÉRATIONS DE TRANSFERTS DE PATIENTS

La crise du Covid-19 s’est caractérisée par d’importantes disparités régionales, certains territoires ayant été particulièrement touchés par l’épidémie. Dans les régions Île de France, Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France et Corse en particulier, les capacités d’accueil en services de réanimation ont été particulièrement sous tension. À la date du 9 avril, l’Île-de-France et le Grand-Est accueillaient à elles seules 51 % des patients hospitalisés en service de réanimation ([93]).

● Des transferts inédits de patients vers des régions où les capacités hospitalières le permettaient et où le virus circulait moins ont été organisés afin de pouvoir accueillir l’ensemble des malades nécessitant des soins en réanimation. Ces opérations ont notamment été menées avec l’appui de l’opération Résilience qui a participé à l’évacuation de patients par train médicalisé, par avion ainsi que par transports terrestres.

Entre le 13 mars et le 10 avril 2020, selon les informations transmises par le ministère des solidarités et de la santé, 660 patients ont fait l’objet d’une évacuation sanitaire à partir des régions Île de France, Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté et Corse. Parmi ceux-ci :

– 327 patients ont été transférés à partir de la région Grand-Est (dont 121 vers l’Allemagne, 88 vers la Nouvelle Aquitaine, 31 vers l’Occitanie, 28 vers la Suisse, 20 vers les Pays-de-la-Loire, 11 vers le Luxembourg et 3 en Autriche, notamment) ;

–  262 patients ont été transférés à partir d’Île-de-France (dont 76 vers la Bretagne, 47 vers la Normandie, 47 vers la Nouvelle Aquitaine, 45 vers les Pays-de-la-Loire, 27 vers le Centre-Val-de-Loire et 20 vers l’Auvergne-Rhône- Alpes,) ;

– 56 patients ont été transférés à partir de la région Bourgogne Franche Comté (dont 41 d’entre eux vers la région Auvergne Rhône-Alpes, 10 vers la région PACA et 5 vers la Suisse) ;

– 15 patients ont été transférés de la Corse (tous vers la région PACA).

Au total, 492 patients ont été transférés dans d’autres régions françaises et 168 vers d’autres pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Suisse et Luxembourg ([94])).

● À la date du 28 mai, il n’était pas programmé de nouvelles opérations d’évacuations sanitaires en métropole. Néanmoins, des transferts réguliers de patients sont organisés entre Mayotte et la Réunion.

IV.   LA GESTION DES MÉDICAMENTS DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE

A.   DES TENSIONS FORTES SUR LE STOCK DE MÉDICAMENTS DISPONIBLES

L’épidémie de Covid-19 a généré des tensions fortes sur certains médicaments, et particulièrement ceux utilisés pour le coma artificiel et la réanimation. En mars, la demande mondiale pour plusieurs molécules, notamment les médicaments de la catégorie des curares, des hypnotiques, des anesthésiques et des sédatifs, a très fortement augmenté, dans certains cas de 2 000 %.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), compétente en matière de suivi des stocks de médicaments détenus par les laboratoires pharmaceutiques, a alerté mi-mars le centre de crise sanitaire sur les tensions pesant sur cinq produits. Il s’agissait de trois curares : cistaracurium, atracurium, rocuronium et deux hypnotiques : midazolam, propofol. Concernant les hypnotiques par exemple, au regard des stocks disponibles début avril chez les fournisseurs, seuls 8 000 patients pouvaient être traités avec les doses minimales, soit au total 10 jours seulement de traitement pour la France entière ([95]).

B.   LA MISE EN PLACE D’UN PLAN D’ACTION PERMETTANT DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DE MÉDICAMENTS

● Un plan d’action, piloté par une cellule spécifique au sein du centre de crise, a été mis en place pour renforcer la sécurisation des approvisionnements en médicaments et répartir au mieux les stocks disponibles sur l’ensemble du territoire. Ainsi que le souligne le ministère de la santé, les tensions d’approvisionnement devraient en effet durer encore plusieurs mois.

Ce plan d’action repose sur plusieurs axes :

– la modulation de la consommation en médicaments, reposant sur la diffusion de recommandations professionnelles permettant de limiter les consommations au strict nécessaire, établies en lien avec les professionnels de santé et les sociétés savantes concernées ;

– la régulation des ressources, avec la mise en place d’un système d’information permettant de connaître quotidiennement l’état des stocks disponibles dans les établissements de santé et de procéder, en lien avec les Agences régionales de santé, à des dépannages inter-établissements ;

– l’achat par l’État des stocks disponibles auprès des laboratoires alimentant le marché français et auprès de laboratoires identifiés via le réseau des ambassades. En application du décret du 23 avril 2020 ([96]) prévoyant la centralisation de l’achat de certains médicaments, l’État a acheté l’intégralité des stocks disponibles chez les fournisseurs des cinq molécules critiques pour organiser une distribution des établissements de santé au plus près de leurs besoins.

– la production et l’internalisation de la fabrication, via l’acquisition de matières premières et leur transformation auprès de façonniers nationaux ou de pharmacies hospitalières.

● La mise en place de ce plan d’action a largement associé Santé publique France, devenue à partir du 27 avril 2020 l’acquéreur exclusif pour le compte de l’État des molécules prioritaires utilisées dans les services de réanimation traitant des patients Covid-19 et également nécessaires pour assurer la continuité des soins vitaux dans les autres secteurs de soin. Plusieurs contrats types ont été mis en œuvre par SPF afin d’assurer les approvisionnements de ces molécules par l’État :

– le premier contrat type a permis la signature de 11 marchés avec les filiales françaises qui commercialisent habituellement les spécialités associées à ces molécules en France : l’État acquiert les stocks et des productions prévues jusqu’au 31 juillet par ces 11 fournisseurs – ces derniers ont par ailleurs mobilisé les stocks d’autres pays pour les importer en France.

– le deuxième contrat type a permis la signature de 5 marchés avec des filiales françaises qui ne commercialisent habituellement pas les cinq molécules mais qui ont proposé leurs services en tant qu’importateurs.

– le troisième contrat a été signé le 7 mai 2020 avec le laboratoire Sanofi dont le rôle est de présélectionner des fournisseurs hors Union européenne pour les présenter à SPF, qui assure l’importation de ces produits en lien avec l’ANSM.

● Des mesures réglementaires ont aussi été prises pour répondre au risque de rupture d’approvisionnement de certaines molécules. Le décret n° 2020-393 du 2 avril 2020 ([97]) a ainsi rendu possible la prescription de médicaments à usage vétérinaire à même visée thérapeutique que des spécialités pharmaceutiques à usage humain. L’ANSM a ainsi autorisé la prescription de deux médicaments à usage vétérinaire contenant la même substance active, le propofol, utilisée chez l’homme (Proposure et Propovet ([98])).

 S’agissant de la distribution des stocks réquisitionnés, les établissements de santé sont approvisionnés par l’État selon une procédure de dotation nationale établie par l’ANSM qui prend notamment en compte l’état des leurs stocks disponibles. Les dotations étaient initialement calculées sur la base du nombre de patients pris en charge en réanimation. Depuis la fin du confinement, les dotations visent à répondre à deux besoins :

 les besoins du système de santé en situation normale de fonctionnement, à partir des consommations des établissements de santé en 2019 ;

 le traitement des nouveaux patients Covid en réanimation par semaine et de manière récurrente.

Selon les informations transmises par le ministère de la santé, malgré une situation tendue, le plan daction a permis déviter les ruptures sèches de médicaments pour les soins de réanimation. Toutefois, fin mai, les approvisionnements restaient encore insuffisants pour couvrir l’intégralité des besoins. Afin de garantir un modèle soutenable dans la durée, les dotations nationales des semaines suivantes devront être contingentées.

 

 


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FICHE 5 : MOBILISATION DES RENFORTS DE PERSONNELS SOIGNANTS

L’afflux de patients et les durées de séjour liés au Covid-19 a contraint les établissements de santé à mobiliser les personnels de manière intense, notamment par le recours aux heures supplémentaires. L’ajustement entre services, les renforts au sein des établissements, le recours à la réserve sanitaire, l’appel au volontariat lancé par les ARS via des plateformes, des réquisitions et l’accueil de personnels d’autres régions ont constitué autant de solutions pour répondre à l’urgence.

I.   LA MOBILISATION DE LA RÉSERVE SANITAIRE

A.   UN NOMBRE DE VOLONTAIRES IMPORTANT

Dès le 25 janvier, compte tenu des premières alertes, la réserve sanitaire, dont la gestion est confiée à Santé publique France ([99]), a été mobilisée. Créée en 2007 après l’épidémie de chikungunya, la réserve sanitaire intervient en renfort, en France ou à l’étranger, en cas de situation sanitaire exceptionnelle. Elle regroupe des professionnels de santé volontaires, qu’ils soient agents du secteur public, salariés du secteur privé, ou exercent en libéral. Elle comprend également des étudiants ainsi que des retraités.

Le nombre de volontaires inscrits dans la réserve a augmenté de manière significative. Lors de la conférence de presse du 28 mars, le ministre des solidarités et de la santé a indiqué qu’au début de la crise, 21 000 personnes étaient inscrites et que la réserve s’enrichissait chaque jour d’environ 1 000 soignants supplémentaires depuis le début du mois de mars. À la date du 30 avril, SPF recensait 42 122 volontaires inscrits, regroupant des professionnels de différentes spécialités. La réserve comptait par ailleurs 2 094 étudiants et 5 454 retraités. Santé Publique France a eu pour mission d’assurer le traitement administratif des dossiers et d’organiser le déploiement des réservistes sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin à une échelle inédite dans un temps très court.

RÉpartition des inscrits de la rÉserve sanitaire selon les principales spécialitÉs recherchÉes dans le cadre de la crise du covid-19 (AU 30 avril)

Aides-soignants

2 438

Anesthésistes

503

Assistants de régulation médicale

171

Infirmiers de blocs opératoires

390

Infirmiers en anesthésie-réanimation (IADE)

681

Infirmiers en soins généraux (IDE)

11 566

Manipulateurs en électro-cardiologie médicale (MERM)

153

Médecins réanimateurs

43

Médecins urgentistes

557

Pharmaciens

1 016

Techniciens de laboratoires médical

336

Autres spécialités

24 268

Total

42 122

Source : Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19 sur la base de données transmises par Santé publique France.

B.   UNE MOBILISATION DE PERSONNEL PLUS MODESTE

En dépit de l’importance des inscrits, le nombre de personnes effectivement mobilisées par la réserve sanitaire est demeuré très inférieur aux effectifs déployés directement par les plateformes mises en place par les ARS (voir infra). Mi-avril, un peu plus de 1 000 volontaires ([100]) de la réserve sanitaire avaient été mobilisés pour répondre aux besoins exprimés en matière de personnels soignants.

Ces chiffres s’expliquent notamment par le fait que, contrairement aux personnels des plateformes qui pouvaient être appelés pour des missions ponctuelles, en complément de leur activité, durant une demi-journée ou une journée, les volontaires mobilisés dans le cadre de la réserve sanitaire l’ont été principalement pour des missions longues ([101]), en substitution de leur activité principale. La comparaison entre le nombre de volontaires mobilisés dans le cadre des plateformes et au sein de la réserve sanitaire apparaît donc difficile à établir. Par ailleurs, le traitement des dossiers des inscrits dans le cadre de la réserve sanitaire amenait l’Agence à procéder à un filtrage selon les qualifications des volontaires en fonction des spécialités les plus recherchées. Sur les 42 000 personnes inscrites fin avril, SPF décomptait par exemple seulement 3 200 médecins généralistes, réanimateurs et urgentistes, alors que la demande pour ce type de spécialités était très forte. SPF a également dû exclure des volontaires compte tenu de leur profil à risque face à la maladie du Covid-19 ; elle a par exemple décidé que les personnels de plus de 65 ans ne pourraient pas être mobilisés.

Le soutien de la réserve sanitaire a néanmoins été important pour répondre à la crise. Entre le 26 janvier et le 20 mars 2020, la réserve sanitaire a ainsi répondu à l’ensemble des demandes de renfort qui lui ont été adressées. Par ailleurs, les missions dédiées au Covid-19 représentaient au 27 avril 2020, 9 396 jours/homme, ce qui constitue une mobilisation sans précédent pour la réserve sanitaire. À titre de comparaison, elle avait réalisé 6 709 jours/homme au titre de l’ensemble de l’année 2019.

La réserve sanitaire est intervenue en complément des renforts locaux ou régionaux et a pu apporter un appui significatif dans certains territoires. Les volontaires de la réserve ont par exemple constitué 66 % de l’ensemble des renforts en termes de personnels soignants de la région Grand-Est.

Origine des renforts en personnel soignant dans la rÉgion grand-est