N° 3126

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2020.

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

 

sur les « métiers du lien »

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Bruno Bonnell et François Ruffin

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

synthÈse

Liste des propositions

Introduction

Propos introductifs de M. Bruno Bonnell, rapporteur

Propos introductifs de M. François Ruffin, rapporteur

I. Des mÉtiers essentiels mais sans vrai statut, sans revenu suffisant et sans reconnaissance sociale             

A. des métiers amenés à se développer fortement à l’avenir

1. Des métiers qui devraient bénéficier, à l’avenir, d’une forte dynamique de l’emploi 

a. En 2030, plus de 862 000 personnes pourraient occuper un emploi d’aide à domicile 

b. Le nombre d’assistantes maternelles devrait fortement augmenter dans les années à venir             

c. L’évolution du nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) est corrélée aux progrès en termes d’inclusion scolaire             

d. L’évolution du nombre d’animatrices périscolaires est liée à la politique publique du périscolaire             

2. Des métiers résolument modernes

3. Revaloriser les métiers du lien est le seul moyen de répondre aux forts besoins de main-d’œuvre non pourvus : l’immigration choisie est une solution inacceptable             

B. Des métiers fortement précarisés : état des lieux

1. Des métiers très mal rémunérés sans vraie progression salariale

a. Les aides à domicile : un salaire moyen qui, selon les branches, peut être inférieur à la moitié du SMIC             

i. Les aides à domicile travaillant dans des associations

ii. Les aides à domicile salariées du particulier employeur

iii. Les aides à domicile travaillant dans les entreprises de services à la personne

b. Les assistantes maternelles : un salaire moyen inférieur au SMIC

c. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap : un salaire mensuel net de 750 euros en moyenne             

d. Les animatrices périscolaires : des rémunérations généralement inférieures à 580 euros nets par mois             

2. Des métiers caractérisés par des temps de travail fractionnés et non reconnus

a. Les aides à domicile

b. Les assistantes maternelles

c. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

d. Les animatrices périscolaires

3. Des métiers aux conditions de travail très difficiles et qui pâtissent d’un manque de formation continue             

a. Les aides à domicile

i. Une forte pénibilité physique et psychique

ii. Des conditions de travail qui diffèrent en fonction du mode d’intervention

b. Les assistantes maternelles

i. De l’auto-entreprenariat déguisé souvent source de pénibilité

ii. Un manque d’accompagnement de la part des institutions

c. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

i. Un statut précaire

ii. Une absence de préparation au poste

iii. De nombreuses situations d’épuisement

iv. Des relations parfois compliquées avec le corps enseignant

d. Les animatrices périscolaires

i. Une absence de continuité dans les contrats qui pèse durement sur les projets
personnels

ii. Une pénibilité significative

iii. Un métier en pleine évolution mais une formation largement insuffisante

4. Des métiers qui souffrent d’une absence manifeste de reconnaissance sociale

a. La tolérance de la société à la précarité des métiers du lien

i. Les aides à domicile

ii. Les assistantes maternelles

iii. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

iv. Les animatrices périscolaires

b. Une fierté des salariées à exercer des métiers aussi essentiels qui contraste avec le manque de reconnaissance institutionnel             

C. Des politiques publiques qui n’ont, pour l’instant, pas su être à la hauteur des enjeux de revalorisation des métiers du lien             

1. Les aides à domicile

a. L’âge d’or de 2002 : les débuts de structuration du métier

b. Le recul du plan dit « Borloo » en 2005

c. Les échecs des politiques d’exemptions fiscales et sociales

i. Une inutilité économique

ii. Une inutilité sociale

iii. Faut-il maintenir ces exemptions ?

d. Une précarité accentuée par la décentralisation

i. Les conseils départementaux financent la demande d’aide (APA, PCH)

ii. Les départements régulent l’offre de services à la personne

2. Les assistantes maternelles

a. Une amélioration, sur le papier, des conditions de travail depuis la fin des années 1970 

b. Des progrès qui ont mis beaucoup de temps à se traduire dans les faits

c. Une amélioration des conditions de travail encore très largement incomplète

3. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a. Une succession de lois et de décrets contribuant à l’instabilité des statuts et la précarité du métier             

b. La loi dite « pour une école de la confiance » : des progrès notables mais encore bien insuffisants             

4. Les animatrices périscolaires

a. Les évolutions du métier liées à l’histoire de l’éducation populaire

b. Une absence de vraie politique nationale du périscolaire

II. Propositions pour de meilleurs statuts et de meilleurs revenus

A. Comptabiliser les temps de travail invisibles et revaloriser les salaires

1. Les métiers d’aide à domicile

a. Proposer de « vrais » temps pleins aux salariées en comptabilisant les heures invisibles et en réduisant l’amplitude horaire             

i. Inciter à la sectorisation et à l’organisation « en tournée »

ii. A minima, inciter les structures à comptabiliser différemment le temps de travail effectif et à mieux indemniser les déplacements             

iii. Prévoir des durées minimales d’intervention

b. Faire de l’aide à domicile aux personnes fragiles une vraie délégation de service public             

i. Mettre fin à l’emploi direct et au mode mandataire pour les personnes fragiles

ii. Prévoir que les entreprises intervenant dans l’aide aux personnes fragiles soient des sociétés à mission ou des entreprises ayant obtenu l’agrément entreprises solidaires d’utilité sociale dit « ESUS »             

c. Réformer en profondeur la tarification des services à domicile pour revaloriser le salaire des aides à domicile             

i. Augmenter et harmoniser les tarifs de l’APA et de la PCH

ii. Mettre en place un tarif horaire plancher d’intervention au niveau national

2. Les assistantes maternelles

a. Revaloriser le salaire minimum

b. Prévoir une garantie de paiement des salaires

c. Réduire la variabilité des rémunérations

3. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a. Revaloriser les rémunérations

b. Prendre en compte la totalité du temps de travail

i. Préciser ce qui peut être compté dans le temps de travail des AESH hors accompagnement physique des élèves             

ii. Permettre davantage aux AESH qui le souhaitent d’intervenir sur le temps périscolaire 

4. Les animatrices périscolaires

a. Harmoniser par le haut les rémunérations des animatrices périscolaires

b. Construire de vrais « temps pleins »

B. Reconnaître la pénibilité de ces métiers et améliorer les conditions de travail 

1. Les aides à domicile

a. Garantir des conditions de travail décentes

b. Prévenir les accidents du travail

i. S’assurer que les aides à domicile sont suffisamment préparées pour leurs interventions 

ii. Obliger les employeurs à fournir des tenues adaptées et faciliter l’entrée de l’inspecteur du travail chez la personne aidée             

c. Développer les temps d’échange entre professionnels

2. Les assistantes maternelles

a. Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les institutions

i. Mettre en place des plateformes publiques d’appui technique et juridique aux assistantes maternelles             

ii. Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les services départementaux et harmoniser les pratiques entre les départements             

iii. Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les relais assistantes maternelles (RAM) et prévoir un temps suffisant d’analyse des pratiques             

b. Sécuriser le métier d’assistante maternelle en crèche familiale

c. S’assurer de l’accès des assistantes maternelles à la médecine du travail

3. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a. Réduire la pénibilité du métier

i. Améliorer la gestion des ressources humaines

ii. Ne pas recourir à la mutualisation selon des logiques purement budgétaires de réduction des coûts.             

iii. Évaluer les conséquences des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) sur la vie professionnelle et personnelle des AESH             

b. Prévoir davantage de temps d’échanges entre les différents professionnels intervenant à l’école             

4. Les animatrices périscolaires

a. Garantir le droit à un suivi médical et réduire les risques psychosociaux 

b. Améliorer le dialogue entre animatrices ainsi qu’avec les enseignants

C. Améliorer la reconnaissance de ces métiers par la société, créer un vrai statut et de réelles perspectives de carrière             

1. Les aides à domicile

a. Donner aux aides à domicile le même accès au matériel de protection que les autres professions de santé             

b. Renforcer la formation continue et les passerelles avec les métiers du sanitaire.

c. Développer la représentation salariale des aides à domicile

2. Les assistantes maternelles

a. Renforcer la formation initiale des assistantes maternelles

b. Faciliter l’accès à la formation continue des assistantes maternelles et leur offrir de nouvelles perspectives de carrière             

3. Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a. Mettre fin aux contrats précaires

i. Fonctionnariser les AESH ou prévoir un recrutement direct des AESH en CDI de droit public 

ii. Prévoir que les AESH qui prennent un congé parental ne perdent pas l’ancienneté acquise donnant droit à un CDI             

iii. A minima, mettre fin à une forme de « sous-précarité » au sein de la précarité : le cas des « AESH hors titre II »             

b. Améliorer la formation initiale et continue

i. Renforcer la formation initiale

ii. Mettre en place une vraie formation continue

4. Les animatrices périscolaires

a. Mettre en place une politique nationale du périscolaire ambitieuse

b. Faciliter l’accès à la formation continue

c. Offrir de vraies perspectives de carrière aux animateurs

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées

I. Auditions à l’AssemblÉe nationale ou par visioconférence

II. DÉplacements

1. Déplacement à Dieppe

2. Déplacement à Amiens

III. Contributions Écrites


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   synthÈse

Le présent rapport s’intéresse à quatre métiers qui tissent du lien entre les personnes, et ce « du berceau à la tombe » : assistante maternelle, accompagnante d’enfant en situation de handicap, animatrice périscolaire et auxiliaire de vie sociale.

Nous mettons ces professions au féminin. Parce que, bien sûr, ces emplois sont très largement occupés par des femmes. Et c’est pour cette raison, à coup sûr, que ces quatre métiers souffrent d’un statut précaire, de revenus parcellaires. Le raisonnement inconscient dans la société semble : « Après tout, pendant des siècles, au foyer, elles se sont occupées gratuitement des bébés, des enfants, des malades, des personnes âgées. Aujourd’hui, on les paie un peu. Alors, de quoi elles vont se plaindre ? » Et l’éloge de la « vocation » sert alors à mieux masquer la pauvreté, la peine, l’invisibilité, de ces carrières.

Dans ces quatre métiers, en effet, le « salaire partiel » est la règle : les rémunérations y sont extrêmement faibles, la plupart du temps bien en deçà du salaire minimum mensuel. Ce salaire partiel correspond à un « temps partiel », qui occupe en fait les journées, découpées entre un quelques heures le matin et autant le soir, avec une énorme amplitude. Et sans que ne soient comptés les temps d’auto formation, de coordination, de prise de poste, d’échanges entre collègues, de préparation, de déplacements, ou simplement de relation humaine avec les personnes et leur famille. C’est la clé : comment est compté leur temps de travail ? Doit-on rémunérer le seul temps d’intervention ? Qu’en serait-il alors pour le journaliste, le pompier, le député ? Par ailleurs, les formations, à la fois initiales et continues paraissent insuffisantes, n’offrant pas une qualification, laissant la professionnalisation dans le flou. Et avec, faute de structuration du métier, une pénibilité physique et psychique importante, des taux d’accident du travail supérieurs au bâtiment.

L’heure est venue de sortir ces métiers des « vies de galère, salaires de misère ». Toutes les études montrent que ces métiers seront des gisements d’emplois : la quantité sera là, mais pour quelle qualité ? Quelles conditions de travail, quels revenus, quels statuts ? dignes du travail qu’elles effectuent ? Jusqu’à présent, les politiques publiques ont échoué à les structurer, quand elles ne les ont pas déstructurées davantage…

Les propositions contenues dans le rapport sont nécessaires : hausse des rémunérations, revalorisation des grilles salariales, prise en compte de l’ensemble du temps de travail effectué. Il convient, également, de modifier l’organisation du travail afin de leur garantir des temps pleins, avec du collectif, des moments d’échanges, de formation. Et aussi, que la relation entre la salariée et la personne aidée, souvent purement interpersonnelle, s’opère davantage en équipe. Avec, enfin, des statuts protecteurs, des perspectives de carrière, l’accès à la formation continue – que les rapporteurs privilégient par rapport à l’instauration de barrières à l’entrée. Le présent rapport préconise, par exemple, l’instauration d’une formation qualifiante pour toutes les salariées (qui serait, bien sûr, spécifique à chaque métier), dans un délai d’un an après leur prise de fonction.

Il le faut désormais.

Il le faut pour des raisons féministes, on l’a dit. Il le faut pour des raisons sociales, avec des centaines de milliers de travailleuses à sortir de la pauvreté. Mais il le faut, également, pour des raisons écologiques : la modernité, encore plus que le numérique, ce sont ces métiers du lien. C’est par là que se fera le progrès humain, plus que par les biens. Ces femmes sont les héroïnes de la transition.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Liste des propositions

Proposition n° 1 : Inciter à la sectorisation et à lorganisation du travail « à la tournée » des aides à domicile

– Renforcer les aides de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) pour aider les structures à mettre en place la sectorisation et le travail « à la tournée » (loi de financement de la sécurité sociale) ;

– Généraliser les partenariats entre les conseils départementaux et les agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) (bonne pratique) ;

– Valoriser, dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), les structures d’aide à domicile qui mettent en place des modes de fonctionnement permettant d’améliorer les conditions de travail des salariés (bonne pratique) ;

– Dans le cadre du travail « à la tournée », prévoir au moins une heure par semaine consacrée à la coordination du travail en équipe et rémunérée comme du travail effectif (bonne pratique).

Les quatre piliers pour une organisation du travail vertueuse :

1° La sectorisation des aides à domicile sur des territoires limités ;

2° Le travail « à la tournée », aussi appelé travail posté, lequel garantit des temps d’intervention plus souples auprès des personnes aidées ;

3° Une organisation du travail plus collective ;

4° Une plus grande autonomie des aides à domicile dans la manière d’organiser leur travail ;

5° L’encouragement à participer à des actions de formation et le développement des parcours professionnels.

 

Proposition n° 1 alternative : Dans lattente de la généralisation de lorganisation « à la tournée », inciter les structures à comptabiliser différemment les temps de travail effectif et à mieux indemniser les déplacements

– Prévoir qu’à partir du moment où une aide à domicile réalise plus d’une heure d’intervention (chez une seule ou chez plusieurs personnes aidées), l’ensemble de la demi-journée soit rémunéré OU décompter forfaitairement 20 minutes pour chaque intervention, afin de l’ajouter au temps de travail rémunéré (conventions collectives) ;

– Mieux indemniser les temps de déplacement en revalorisant les indemnités kilométriques prévues dans les conventions collectives (conventions collectives) et en obligeant toute structure d’aide à domicile d’une certaine taille à mettre à la disposition des salariées des véhicules propres (conventions collectives voire législatif). Prévoir pour cela, comme le préconise le rapport dit « El Khomri », la négociation d’offres commerciales de location de véhicules par les fédérations avec l’appui technique de l’État.

 

Proposition n° 2 : Fixer un minimum dune heure pour toutes les interventions à domicile auprès de publics fragiles (conventions collectives voire législatif).

 

Proposition n° 3 : Supprimer la possibilité pour des personnes physiques de bénéficier de lallocation personnalisée dautonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) si elles emploient directement ou à travers le mode mandataire une aide à domicile pour lassistance aux actes de la vie quotidienne (législatif).

 

Proposition n° 4 : Prévoir que seules les sociétés à mission et les entreprises de léconomie sociale et solidaire agréées ESUS peuvent intervenir auprès des publics fragiles, aux côtés des associations et des collectivités (législatif).

 

Proposition n° 5 : Faire en sorte que les conventions collectives prévoient une clause dindexation sur le SMIC des niveaux de rémunération (conventions collectives).

 

Proposition n° 6 : Augmenter et harmoniser les tarifs de lAPA et de la PCH

– Renforcer la participation de l’État dans le financement de l’APA et de la PCH (loi de financement de la sécurité sociale) ;

– Prévoir un tarif de référence national pour valoriser les plans d’aide APA (législatif).

 

Proposition n° 7 : Mettre en place, au niveau national, un tarif horaire plancher dintervention des services daide à domicile (législatif).

 

Proposition  8 : Revaloriser les salaires des assistantes maternelles

– Relever le minimum horaire par enfant à 0,333 SMIC (réglementaire) ;

– Étudier l’opportunité de créer un salaire national ;

– Permettre à davantage d’assistantes maternelles de travailler avec quatre agréments en modifiant les règles actuelles concernant la présence simultanée de mineurs au domicile des assistantes maternelles (législatif) ;

 Ne plus considérer comme des revenus imposables les indemnités de repas ou les prestations de repas en nature fourniture (législatif).

 

Proposition n° 9 : Faire en sorte que la revalorisation du salaire des assistantes maternelles ne réduise pas les aides auxquelles ont droit les familles.

Pour cela, supprimer (législatif) ou augmenter (réglementaire) le plafond de la rémunération des assistantes maternelles en deçà duquel la prise en charge des cotisations de sécurité sociale liées à l’emploi d’une assistante maternelle est totale.

 

Proposition n° 10 : Prévoir une garantie de paiement des salaires des assistantes maternelles. Pour cela, créer un fonds national de garantie des salaires des assistantes maternelles financé par la Caisse d’allocations familiales (législatif).

 

Proposition n° 11 : Réduire la variabilité des rémunérations des assistantes maternelles

– Améliorer l’accompagnement des assistantes maternelles par Pôle emploi en identifiant, dans chaque structure Pôle emploi, un interlocuteur qui aurait préalablement reçu une formation spécifique à l’accompagnement des assistantes maternelles (bonnes pratiques) ;

– Augmenter l’indemnité versée à l’assistante maternelle en cas de rupture du contrat, par retrait de l’enfant, à l’initiative de l’employeur (convention collective).

 

Proposition  12 : Revaloriser les rémunérations des AESH

– Revaloriser la grille indiciaire (convention collective) ;

– Permettre aux AESH de bénéficier de l’indemnité de sujétion lorsqu’elles exercent dans un établissement relevant des programmes REP et REP+ (réglementaire).

 

Proposition n° 13 : Prendre en compte la totalité du temps de travail des AESH

Reconnaître le temps de préparation des AESH (environ 30 % du temps de travail) dans le temps de travail effectif ainsi que le temps de formation, d’auto-formation et les temps collectifs (convention collective) ;

– Élaborer un document précis remis aux AESH et aux directeurs et chefs d’établissement pour préciser ce qui peut être compté dans le temps de travail des AESH hors accompagnement physique des élèves (bonne pratique) ;

– Compléter la circulaire du 3 mai 2017 pour clairement faire figurer « l’adaptation des supports de cours conçus par les enseignants » dans les missions que peuvent exercer les AESH conjointement avec les enseignants (circulaire).

 

Proposition  14 : Informer davantage les collectivités territoriales sur la possibilité quelles ont de proposer aux AESH un contrat daccompagnement des enfants en situation de handicap sur le temps périscolaire (bonne pratique).

 

Proposition n° 15 : Harmoniser par le haut les rémunérations des animatrices, quelle que soit la nature juridique de leur employeur (conventions collectives).

 

Proposition n° 16 : Construire de « vrais » temps pleins pour les animatrices périscolaires

– Reconnaître le temps de préparation des animatrices (environ 30 % du temps de travail) dans le temps de travail effectif ainsi que le temps d’auto-formation (convention collective) ;

Prévoir que toute heure de travail effectuée entraîne la rémunération de l’ensemble de la demi­‑journée (convention collective) ;

– Prévoir l’obligation de proposer un CDD à une animatrice périscolaire qui aurait travaillé plus de six mois comme vacataire (législatif) ;

– Réfléchir aux complémentarités avec d’autres métiers, pour éviter les coupures trop importantes dans les emplois du temps des animatrices et adapter les formations en conséquence ;

– Instaurer un temps de travail minimum à 17 h 30 pour les animatrices de la fonction publique territoriale pour résorber l’emploi précaire et les temps partiels subis (réglementaire).

 

Proposition  17 : Ratifier la convention n° 189 de lOrganisation internationale du travail (OIT).

 

Proposition n° 18 : Sassurer que les aides à domicile sont suffisamment préparées pour leurs interventions

– Améliorer l’échange d’informations entre les équipes médico-sociales du conseil départemental et les structures d’aide à domicile (bonnes pratiques) ;

– Prévoir qu’une aide à domicile soit présente lors de l’élaboration, par la structure de services à la personne, du diagnostic permettant de repérer les risques d’accidents professionnels et de mieux comprendre les besoins des personnes aidées (bonne pratique) ;

– Généraliser autant que possible la pratique des binômes d’intervention lors de la première intervention d’une aide à domicile (idéalement en présence de la personne qui a réalisé le diagnostic) ou lors d’interventions engendrant une forte pénibilité physique (bonnes pratiques).

 

Proposition n° 19 : Réduire le nombre daccidents au travail des aides à domicile

– Introduire dans toutes les conventions collectives une clause prévoyant la mise à disposition par les employeurs du matériel adéquat et des équipements de protection individuelle (convention collective) ;

– Mieux faire connaître les contrats de prévention (pour les structures de moins de 200 salariés) et les subventions prévention TPE (moins de 50 salariés) mis en place par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) pour aider les structures d’aide à domicile à financer des équipements de prévention ou des formations (bonnes pratiques) ;

– Sensibiliser les structures d’aide à domicile sur la nécessité de faciliter l’entrée de l’inspecteur du travail chez la personne aidée (bonnes pratiques) ;

– Permettre aux agents de contrôle de l’inspection du travail de saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance en vue d’obtenir l’autorisation d’accéder aux locaux habités sous certaines conditions (législatif).

 

Proposition n° 20 : Développer les temps déchange entre professionnels

– Imposer le principe de temps collectifs d’au moins 4 heures par mois dans tous les établissements et services du secteur de l’aide à domicile (conventions collectives voire législatif) ;

– Développer les programmes mis en place par les CARSAT permettant de mettre à la disposition des services d’aide à domicile des personnes ressources (loi de financement de la sécurité sociale). Permettre aux aides à domicile dotées d’une certaine expérience de jouer, après avoir suivi une formation spécifique, ce rôle de personne ressource (réglementaire).

 

Proposition  21 : Renforcer laccompagnement des assistantes maternelles dans leurs tâches administratives

– Mettre en place des plateformes publiques d’aide aux assistantes maternelles (bonne pratique) ;

– Encourager les collectivités à recruter un professionnel compétent pour les questions administratives, financières et juridiques (bonne pratique).

 

Proposition n° 22 : Renforcer laccompagnement des assistantes maternelles par les services départementaux et harmoniser les pratiques entre les départements

– Prévoir que les assistantes maternelles soient systématiquement destinataires du rapport établi à leur sujet par la PMI, comme cela est déjà dans le cas dans certains départements (bonne pratique) ;

– Renforcer les effectifs de la PMI pour lui permettre de jouer davantage son rôle d’accompagnement des assistantes maternelles ;

– Harmoniser les pratiques entre départements en précisant le référentiel réglementaire fixant les critères d’agrément des assistantes maternelles (réglementaire).

 

Proposition n° 23 : Renforcer laccompagnement des assistantes maternelles par les relais assistantes maternelles (RAM) et prévoir un temps danalyse des pratiques suffisant

– Développer davantage les RAM sur l’ensemble du territoire, augmenter le nombre de places dans chaque RAM et inciter les assistantes maternelles à s’y rattacher (bonnes pratiques) ;

– Ouvrir aux assistantes maternelles dotées d’une certaine expérience la possibilité d’occuper le poste d’animateur de RAM. Prévoir une formation pour les animateurs de RAM dans l’année qui suit leur prise de fonction pour les aider à accompagner au mieux les assistantes maternelles (réglementaire) ;

– Comptabiliser le temps d’analyse des pratiques dans les RAM comme du temps de travail effectif rémunéré par la caisse d’allocation familiale (législatif).

 

Proposition  24 : Sécuriser le métier dassistante maternelle en crèche familiale

– Élaborer un référentiel juridique sur le statut des assistants maternels en crèche familiale et faciliter son appropriation par les gestionnaires et acteurs concernés (réglementaire) ;

– Réfléchir à l’opportunité de mettre en place un financement spécifique pour la gestion administrative inhérente au fonctionnement d’une crèche familiale (législatif).

 

Proposition n° 25 : Améliorer le dialogue entre les AESH et les services académiques. Pour cela, prévoir que l’interlocuteur des AESH au sein du rectorat accompagne pendant quelques jours des professionnelles dans leur travail pour mieux comprendre les réalités de leur métier (circulaire).

 

Proposition  26 : Ne pas recourir à la mutualisation selon des logiques purement budgétaires de réduction des coûts ; recruter davantage dAESH (loi de finances).

 

Proposition  27 : Évaluer les conséquences des PIAL sur la vie professionnelle et personnelle des AESH (création dune mission dinformation parlementaire ou dune mission dinspection de léducation nationale).

 

Proposition n° 28 : Prévoir davantage de temps déchanges entre professionnels intervenant à lécole

– Systématiser les temps d’échanges de pratiques entre pairs dont la possibilité est prévue par la circulaire du 5 juin 2019 (réglementaire) ;

– Allonger la durée des formations sur les positionnements respectifs des AESH et des enseignants en situation de classe (réglementaire).

 

Proposition n° 29 : Garantir aux animatrices périscolaires le droit à un suivi médical et réduire les risques psychosociaux

– Développer les formations à la prévention des risques psycho-sociaux dans le secteur de l’animation (réglementaire et bonnes pratiques) ;

– Systématiser les visites médicales d’embauche et périodiques (bonnes pratiques), notamment en renforçant les effectifs des services de santé au travail (loi de financement de la sécurité sociale).

 

Proposition n° 30 : Développer les temps déchange entre les animatrices périscolaires ainsi quavec les enseignants (conventions collectives).

 

Proposition n° 31 : Inscrire les aides à domicile dans les répertoires nationaux des professions de santé ou, a minima, leur donner le même niveau de priorité pour laccès au matériel de protection et leur offrir la possibilité de disposer dune carte professionnelle et dutiliser un macaron professionnel pour leur véhicule (réglementaire).

 

Proposition n° 32 : Renforcer la formation continue et les passerelles avec les métiers du sanitaire

– Prévoir que les conseils départementaux garantissent à l’ensemble des aides à domicile qui interviennent dans les structures autorisées par le département, l’accès à une formation qualifiante qui pourrait être le diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social (DEAES) (réglementaire) ;

– Fusionner l’OPCO services de proximité, l’OPCO cohésion sociale et l’OPCO santé pour encourager la formation continue et développer la mobilité professionnelle des salariés (législatif) ;

– Mettre à profit la refonte du référentiel de formation du DEAES pour consolider un socle commun et des passerelles avec le métier d’aide-soignante (réglementaire). À terme, aller vers un métier unique d’accompagnant au quotidien des personnes en perte d’autonomie.

 

Proposition  33 : Considérer que chaque salarié compte pour un dans le calcul des effectifs qui conditionnent la mise en place de représentants du personnel dans l’entreprise, même s’il est à temps partiel (législatif).

 

Proposition n° 34 : Renforcer la formation initiale des assistantes maternelles

– Doubler la durée de la formation initiale pour qu’elle soit de la même durée que la formation des assistants familiaux (240 heures de formation) ;

– Prévoir que les conseils départementaux garantissent à l’ensemble des assistantes maternelles, un an après l’obtention de leur agrément, l’accès à une formation qualifiante qui pourrait être le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) accompagnant éducatif petite enfance (AEPE) (réglementaire) ;

– Rendre obligatoire l’obtention certificat d’aptitude professionnelle « accompagnant éducatif petite enfance » (du moins les épreuves EP1 et EP3), non pas au moment de l’obtention de l’agrément, ce qui créerait une trop forte barrière à l’entrée du métier, mais au moment de son renouvellement. 

 

Proposition n° 35 : Simplifier laccès à la formation continue des assistantes maternelles et leur offrir de nouvelles perspectives de carrière

– Faciliter le remplacement d’une assistante maternelle qui part en formation en prévoyant systématiquement, dans chaque agrément, une place d’accueil d’urgence (législatif) ;

– Mettre fin au quasi-monopole de l’organisme de formation Iperia (conventions collectives) ;

– Guider davantage, à travers des plateformes publiques, le « parent facilitateur » chargé d’effectuer les démarches nécessaires à la formation de l’assistante maternelle (bonnes pratiques) ;

– Ouvrir la possibilité aux assistantes maternelles, après un certain nombre d’années d’expérience, d’accéder par la VAE à des postes d’animateurs de relais ou à des postes au sein des pôles « petite enfance » des départements (réglementaire).

 

Proposition n° 36 : Prévoir un statut suffisamment protecteur pour les AESH

– Intégrer les AESH à la fonction publique territoriale ou à la fonction publique d’État (législatif) ;

A minima, prévoir un recrutement direct des AESH en CDI de droit public (législatif).

 

Proposition n° 37 : Faire en sorte que les AESH qui prennent un congé parental ne perdent pas lancienneté acquise permettant laccès à un CDI (réglementaire)

 

Proposition n° 38 : Mettre fin à une forme de « sous-précarité » au sein de la précarité : le cas des « AESH hors titre II »

– Prévoir que la loi de finances soit davantage transparente sur le nombre d’AESH recrutées sur le hors titre II (documents budgétaires accompagnant la loi de finances) ; 

– Prévoir que les AESH hors titre II aient les mêmes droits que les AESH rémunérées sur le titre II.

 

 

Proposition n° 39 : Renforcer la formation initiale des AESH

– Prévoir que la formation initiale ait lieu systématiquement avant la prise de fonction (circulaire) ;

– Améliorer le contenu de la formation initiale de 60 heures : prévoir une formation par troubles spécifiques plutôt que par type de handicap (circulaire) ;

– Augmenter le budget alloué à la formation initiale des AESH, notamment pour prendre en compte la hausse des effectifs d’AESH. Abonder les crédits de l’action 3 « Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap », du programme 230 « Vie de l’élève » destinés à la formation des AESH chargés de l’aide humaine aux élèves en situation de handicap (loi de finances).

 

Proposition n° 40 : Mettre en place une vraie formation continue pour les AESH

– Prévoir que les rectorats garantissent à l’ensemble des AESH, un an après le début de leur contrat, l’accès à une formation qualifiante qui pourrait être le DEAES (réglementaire) ;

– Mieux accompagner les AESH qui souhaitent obtenir le DEAES par la voie d’une VAE (bonne pratique, circulaire) ;

– Ouvrir et financer davantage de formations communes aux différents personnels (circulaire) ;

– Accroître l’utilité de la plateforme Cap École Inclusive en proposant davantage de vidéos et d’articles sur les troubles de l’enfant à accompagner, sur les adaptations à mettre en place pour répondre aux besoins de l’enfant en situation d’apprentissages ainsi que sur la place de l’AESH dans la classe (bonne pratique) ;

– Augmenter le nombre de personnes ressources, AESH référents ou professeurs ressources (bonne pratique).

 

Proposition n° 41 : Mettre en œuvre une politique nationale ambitieuse en matière de périscolaire

– Revaloriser les loisirs, indépendamment de tout enjeu scolaire ;

– Faire de l’accueil périscolaire une compétence obligatoire des collectivités et prévoir une hausse des dotations de l’État en conséquence (législatif) ;

Élaborer des statistiques nationales spécifiques à l’animation en milieu périscolaire (nombre d’animatrices, caractéristiques socio-démographiques, etc.) (bonne pratique).

 

Proposition n° 42 : Faciliter laccès à la formation continue et mieux prendre en compte les qualifications dans les rémunérations

– Faire en sorte que toutes les animatrices périscolaires passent, un an après le début de leur contrat ou de leur entrée dans les cadres, une formation qualifiante (conventions collectives et réglementaires) ;

– Faciliter la possibilité de passer des modules du BPJEPS en VAE (réglementaire) ;

– Permettre l’ouverture du CQP Animateur périscolaire à l’apprentissage et développer, à terme, l’apprentissage dans le cadre du BPJEPS (législatif) ;

– Renforcer la prise en compte des qualifications dans les grilles salariales de la branche de l’animation (conventions collectives).

 

Proposition n° 43 : Offrir de vraies perspectives de carrière aux animateurs

– Organiser des passerelles plus claires entre le monde associatif et la filière territoriale de l’animation (réglementaire) ;

– Dans la filière territoriale de l’animation, fonctionnariser l’ensemble des animatrices périscolaires contractuelles. Cesser les glissements de missions de la catégorie B vers la C et créer un cadre d’emplois de catégorie A pour permettre une vraie progression de carrière. Prévoir l’obligation de proposer un CDD à une animatrice périscolaire qui aurait travaillé plus de six mois comme vacataire (législatif et réglementaire).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Introduction

« On ne voit bien quavec le cœur. Lessentiel est invisible pour les yeux »

Antoine de Saint-Exupéry

 

« Il nous faudra nous rappeler que notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. »

« Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur lutilité commune. Ces mots, les Français les ont écrits il y a plus de 200 ans. Nous devons aujourdhui reprendre le flambeau et donner toute sa force à ce principe. »

Emmanuel Macron

 

Propos introductifs de M. Bruno Bonnell, rapporteur

Une tradition séculaire attribue aux mères de famille la responsabilité de fonctions sociales spécifiques au nom de « linstinct maternel » et de leurs « compétences ménagères ». Parmi celles-ci, on peut citer : soccuper denfants, assister une personne fragile, malade ou handicapée, et accompagner les seniors en perte dautonomie.

Ces tâches, qualifiées de « naturelles », ont historiquement été exécutées comme des contributions féminines, plus ou moins volontaires, et rarement associées à une rémunération.

Au fil du temps, elles ont pu toutefois être déléguées à des tiers en se transformant en métiers encore mal compris : lassistante maternelle reste une babysitter de jour, lanimatrice périscolaire, une monitrice de loisirs, laccompagnante denfant en situation de handicap se limite à suppléer aux déficiences physiques ou mentales et laide à domicile oscillent entre la femme de ménage et la bonne à tout faire.

Ce sont les quatre métiers que nous analysons dans ce rapport qui souligne leur manque de reconnaissance, une géométrie variable de leurs statuts et de faibles rémunérations en rapport à leurs utilités sociales.

Invisibles et toutefois indispensables, ils sont des rouages critiques dune mécanique de vie sociale inclusive et méritent un ajustement moral, statutaire et économique.

Cest lobjet du présent rapport qui fait des propositions pour une reconnaissance forte de ces quatre « métiers du lien » aux impacts sociétaux majeurs pour le vieillissement de la population ou légalité femme-homme.

Changer de regard sur les métiers du lien

La reconnaissance des métiers du lien commence par changer notre regard sur eux. On pense à tort quils se développent spontanément comme une extension de capacités naturelles alors quils requièrent des compétences spécifiques et un véritable savoir-faire.

Les très nombreuses auditions que nous avons menées ont montré la complexité du quotidien de ces professions que lon résume trop souvent à des tâches dentretien, de gardiennage ou doccupation du temps libre. Les situations rencontrées sont extrêmement diverses, demandent des expertises ou des capacités dadaptation singulières, et ceci très souvent en étant isolé, avec une hiérarchie distante et des formations limitées.

Les professionnelles rencontrées lors des auditions, les métiers étant très majoritairement féminins, revendiquent avec véhémence de pratiquer de vrais métiers, mal compris par les familles et les pouvoirs publics.

Parmi les qualités nécessaires à la pratique de ces métiers, elles citent en exemple : lobservation pour pouvoir alerter les familles ou des professionnels de santé en cas de problèmes ; la patience et la résilience pour aider les personnes quelles accompagnent à gravir des échelons de vie; loptimisme et la joie de vivre pour apporter énergie et réconfort aux plus fragiles.

De belles valeurs souvent masquées par une vision réductrice de leurs fonctions par leur environnement.

Mais elles soulignent également laspect technique de leurs métiers pour, par exemple soulever une personne alitée, ou reconnaître et contrôler une crise dangoisse. Elles insistent sur cette technicité trop souvent oubliée derrière une analyse simpliste de leurs tâches.

« Mes ptits vieux mappellent leur rayon de soleil ! », « il a réussi à mettre son manteau seul à la fin de lannée scolaire ! », « Quand je sens que ça ne va pas, je nhésite pas à déranger le médecin ! », autant de phrases simples, autant de victoires pour valoriser leurs missions essentielles du quotidien.

Certifier la compétence

Un moyen de reconnaître ces métiers est de les légitimer par une certification de compétence. Pour les sortir de la sphère de métiers dinstinct ou naturels, il faut établir des chemins dapprentissages qui complètent la transmission dexpérience par de lacquisition de connaissances.

Les professionnelles regrettent de devoir trop souvent seules, et sur leur temps de repos, aller chercher de linformation sur des réseaux ou auprès de collègues. Elles souhaitent pouvoir bénéficier de formations ad-hoc débouchant sur des certificats ou diplômes.

Cette reconnaissance formelle aurait trois avantages : valider lexpertise de ces métiers, permettre une évolution de carrière, et attirer de nouvelles vocations en augmentant leur attractivité.

« Google est mon meilleur ami ! », « Cest vu comme un job, pas comme un travail, parce quon na pas de diplôme ! », « On ne trouve personne qui veuille encore le faire ! », sont des remarques pertinentes glanées dans les conversations qui soulignent la demande de formalisation des carrières.

Payer le juste prix de lutilité sociale

Ces quatre métiers ont en commun des mécanismes de rémunération hétérogènes avec une complexité de comptage dheures, destimation de tâches, de fragmentation des journées de travail, des plages horaires mal définies, etc.

La conséquence est une activité précaire, généralement sous-rémunérée et trop souvent vue comme un job de complément ou de transition avec un turn-over important.

Le rapport sinterroge sur cette « taylorisation » de ces métiers segmentés en tâches de demi-heure, heure, parfois même de quart-dheure. Cette méthode historique de quantification du travail sexplique par la structure de financement public qui est basée principalement sur des subventions en heures déléguées à des structures associatives ou professionnelles.

Il sensuit une chaîne de répartition de la valeur qui se fait au détriment de la qualité dun travail qui se retrouve découpé en tâches élémentaires (lever, repas, toilettes, coucher...) ou éclaté au long de la journée sans continuité géographique ou temporelle.

Ces temps partiels subis, ces plages horaires distendues, cette désorganisation du travail expliquent le renoncement à ces métiers par les professionnelles.

Mais au-delà, la rémunération est dans la majorité des cas en dessous dun SMIC pour des temps effectifs de travail comptabilisés trop strictement et ne prenant pas en compte les temps de trajet, déchange ou de formation.

Le rapport fait des propositions pour améliorer les conditions de travail en incluant plus de continuité dans les activités pour aller, dans certains métiers, jusquà sinterroger sur un changement structurel de paiement à la demi-journée par exemple et non plus à lheure. Les rémunérations « à la tournée » pratiquées par certains organismes semblent aller dans ce bon sens pour laide à domicile.

Il propose un changement de paradigme où lutilité sociale de ces métiers prime sur leur standardisation et où la responsabilité des professionnelles est encouragée.

« On sait ce quon a à faire et on connaît le temps pour le faire ! », « Des fois, je pointe mon quart dheure pour le réveil et je reste car je sens quil a besoin de plus ! », « Pour éviter un aller-retour inutile de plus, je reste à attendre devant la porte dans ma voiture ». Ces quelques commentaires de professionnelles illustrent leur sens de la responsabilité. Ces situations dattente ou dattention devraient être inclues dans le temps de travail.

Établir un statut à lutilité sociale

Le contrat de travail est la pierre angulaire de la reconnaissance dune profession et au regard de limportance que vont prendre les métiers du lien dans lavenir, il est indispensable dharmoniser les conventions collectives les régissant.

Les quatre métiers analysés pourraient représenter jusquà deux millions demplois dici 2040.

Il est critique de structurer ces professions avec des statuts protecteurs et de vraies perspectives de carrière.

Former et engager sur le long terme du personnel compétent est un bénéfice social important qui rentre parfaitement dans une politique de santé privilégiant la prévention plutôt que la curation.

Sur le plan budgétaire, investir plus sur les métiers du lien permet des économies sur la gestion de la santé des personnes fragiles ou dépendantes.

Prendre soin permet de reculer, voire déviter, lobligation de faire des soins.

Les propositions du rapport poussent également à une meilleure représentation salariale des professionnelles isolées à domicile pour établir un dialogue constructif avec leurs employeurs. La pénibilité physique ou psychique, la sécurité ou la protection de leur santé sont aujourdhui trop souvent vécues en solitaire en conduisent à des renoncements et des abandons de poste.

« La famille me dit quelle ne saurait pas quoi faire sans moi », « grâce à moi, ce gosse a trouvé un voie extra-scolaire », « jai alerté les parents que quelque chose nallait pas et ils ont trouvé », sont quelques exemples de lutilité sociale de ces métiers du lien.

 

 

 

 

 

Imposer les entreprises à mission

La gestion de ces professionnelles est intégrée par les collectivités ou déléguée soit à des associations, soit à des entreprises et plus rarement en contrat de particulier-employeur.

Le rapport suggère de supprimer notamment ce dernier type de contrat pour les personnes âgées ou handicapées potentiellement défaillantes en tant quemployeur.

Pour les entreprises, il est fondamental que seules les entreprises à mission ou de léconomie sociale et solidaire agréés ESUS soit habilitées à gérer les professionnelles des métiers du lien.

On ne peut en effet considérer la demande dassistance et dencadrement comme un produit exclusivement soumis aux lois du marché et une composante de responsabilité sociale est indispensable pour assurer un équilibre entre bonne gestion et qualité de services. Cela inclut le bien-être des employés et lévolution de leurs compétences.

Lentreprise à mission trouve dans ces activités un sens et des objectifs quil convient de formaliser dans ses statuts.

Impact du Covid-19 sur le rapport

Les auditions ont commencé avant la crise du Covid-19 et se sont poursuivies à distance ensuite.

Cette crise a mis en lumière un certain nombre de métiers invisibles comme les caissières de supermarché ou les éboueurs, salués comme ils se doit pour leur dévouement.

En ce qui concerne les métiers analysés dans ce rapport, elle a surtout révélé leur précarité et leur fragilité. Nombre déducateurs périscolaires vacataires se sont soudainement trouvé sans rémunération, les écoles étant fermées. Les AESH ont été prises en charge mais ont vu leurs revenus complémentaires comme laide aux devoirs seffondrer. Les aides à domicile ont dû continuer leurs activités en gérant seules leurs protections individuelles.

La crise est une preuve de plus de la nécessité dorganiser ces professions pour quelles soient protégées et préparées à faire face aux aléas au même titre que dautres professions de santé publique.

La plus grande décision de cette crise ayant été de privilégier la santé sur léconomie en réponse à la pandémie, cest dans le même élan que le rapport privilégie le lien comme élément pivot du corps social et souhaite le valoriser à ce titre.

 

Conclusion : vers une croissance écologique

Ce rapport conclut à la nécessité de revaloriser les métiers du lien et de réinventer pour eux de nouveaux modèles de rémunération. Il fait dans ce sens un nombre important de propositions.

En fonction de leur sensibilité politique, les rapporteurs justifieront lurgence sous langle de rapports de classe à rééquilibrer pour lun et par le prisme de limportance daugmenter lattractivité des métiers de lhumain à lheure dun monde numérisé pour lautre.

Même si les points de vue politiques divergent, tous deux saccordent sur le fait que le temps pour lautre sera la matière première dune nouvelle forme de croissance quon peut qualifier « décologique », pour lopposer à une croissance strictement économique.

Écologique car elle intègre lutilité sociale et non la rentabilité comme premier paramètre de la valeur ajoutée de ces métiers du lien.

Par conséquent, on peut regarder les rémunérations des métiers du lien comme des investissements sociétaux. Le « retour sur ces investissements » nétant pas quantifiable mais qualifiable : de meilleures chances dintégration sociale pour les jeunes si les professionnelles ont eu les moyens de faire leur travail dapprentissage et la préservation de leur dignité pour les personnes âgées aidés à domicile par des personnes reconnues pour leurs compétences.

Cest en résumé un investissement pour une société plus équilibrée et plus humaine.

Si, à linverse, on conserve une logique de coûts pour les métiers du lien en ne cherchant quà les optimiser, on prend le risque de voir augmenter considérablement la note sociale ultérieure.

Ces réflexions, où le mieux doit prévaloir sur le plus, devraient guider le raisonnement réglementaire et législatif pour établir un cercle vertueux de croissance durable de ces activités du liens, indispensables au mieux vivre ensemble.

 


—  1  —

Propos introductifs de M. François Ruffin, rapporteur

« Il nous faudra nous rappeler que notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » C’est le président de la République, Emmanuel Macron, qui énonçait cela durant la crise du Covid. Et il ajoutait, citant la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : « ’Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune’. Ces mots, les Français les ont écrits il y a plus de 200 ans. Nous devons aujourd’hui reprendre le flambeau et donner toute sa force à ce principe. »

« Jai même récolté une amende… » À Abbeville, durant la crise du Covid, Martine nous raconte ses mésaventures en enfilant les bas de Madame Galand, ex‑dame pipi à la mairie : « Entre deux personnes âgées, je me suis dit : Tiens, ce soir, je mettrais bien un peu de gruyère sur mes pâtes. Je me suis rendue au supermarché pour acheter un sachet et en sortant, les policiers mont contrôlée. Jai donné mon attestation de déplacement professionnel. Mais ça, cest pour vous ?, ils mont demandé, en montrant le fromage. Bah oui. – Et vous avez un papier pour les produits de première nécessité ? – Bah non. Jaurais dû mentir, dire que cétait pour une vieille dame… Le gruyère ma coûté 135 €. Déjà quon ne gagne pas lourd. »

« Ça, cétait ma journée dhier. »

Martine nous tend son PDA, son assistant électronique.

« Quand je rentre chez une personne âgée, je pointe avec ça, y a un boîtier contre le mur. Quand je sors, je pointe. Et cest là-dessus que lassociation menvoie des messages : Bonjour, les plannings clients sont dans vos casiers.

- Donc, tu as débuté à 8 h ?

- Oui, chez Monsieur T.

- Pour trente minutes ?

- Cest ça. Il faut faire vite, ouvrir les volets, le soulever, la toilette, le bol au micro-ondes… Javais un quart dheure chez Madame B., mais un quart dheure, ça vaut pas le coup. Javais à peine le temps denfiler ses bas. Maintenant, cest une demi-heure minimum. Quand jétais en Touraine, cétait plus tranquille, on avait une heure, jamais moins, parfois deux heures, on pouvait bavarder, et les horaires montaient vite. Je faisais 1200 €, 1300 €, je dépassais toujours le Smic…

- Ensuite, tu as un quart d’heure de battement ?

- Oui. Cest le temps de déplacement.

- Il est payé ?

- Comme hier jétais en mode prestataire, oui.

- Donc, si je compte bien, tu enchaînes quatre visites le matin, avec une grosse pause le midi…

- Ça me permet de rentrer chez moi.

- Quatre visites en fin d’après-midi, et là tu as un trou de deux heures…

- Je suis restée dans ma voiture. Jen ai profité pour passer des appels, faire le lien avec les collègues pour aujourdhui : Monsieur T. a un escarre aux fesses… Madame L. tattend vers midi. Jai rassuré Madame L., derrière, elle est toujours inquiète quand il y a un changement dAVS, elle a peur quon loublie.

- C’est pas compté comme du temps de travail ?

- Non, jamais.

- Et tu termines à 20 h 30 ?

- 21 h. À 21 h, jarrête.

- Donc, une amplitude de douze heures, un peu plus.

- Cest ça, il faudrait une prise en compte de lamplitude horaire. Si je pars pendant huit heures, je suis payée huit heures.

- Tu fais ça combien de jours par semaine ?

- Six jours. Et deux dimanches sur trois. Un week-end en prestataire, un week-end en mandataire, et le troisième en repos. Faut dire que je prends tous les remplacements, y a quatorze AVS en arrêt-maladie sur mon secteur…

- Tu pourrais me montrer ta fiche de paie, maintenant ? »

Martine sort un dossier de son sac.

« Ça cest ma feuille doctobre. »

Je vois 110,96 h. Et en face, en net, 759,18 €.

« Je touche à peu près 800 € par mois, mais après ma saisie sur salaire, ça me fait 759 €, parce que je nai pas payé mes impôts locaux. Cest complété avec du RSA activité. Et ma fille touche 300 € de pension…

- Tu as quoi comme avantages, à côté ?

- Comme avantages ?

- Je ne sais pas, les tickets restau ?

- On nen a pas.

- Les frais de déplacements ?

- Cest 35 centimes du kilomètre. Ma voiture est tombée en panne, je navais pas les moyens de la réparer. Durant un an et demi, jai fait du vélo tous les jours, par tous les temps, à soixante ans. Lassociation navait pas de véhicule professionnel, ou de vélo électrique à me prêter. Ce qui serait bien, cest 1 000 €. Si javais 1 000 €, je serais contente… »

Martine ne constitue pas l’exception, mais la règle, dans les professions que nous avons retenues : auxiliaires de vie sociale, animatrices du périscolaire, accompagnantes d’enfants en situation de handicap, assistantes maternelles. Le travail occupe leurs journées, souvent du matin au soir, parfois le samedi, voire le dimanche, c’est un temps plein. Et pourtant, au bout du mois, elles ne récoltent qu’un piètre salaire, sous le Smic et le seuil de pauvreté. Au-delà même des revenus, elles sont dépourvues de statut, maintenues dans la précarité, dans l’incertitude du lendemain, inexistantes, non-reconnues, un lumpenprolétariat des services.

Quel paradoxe ! Car tous les discours, toutes les proclamations de bonnes intentions en dégoulinent : ces femmes s’occupent des êtres qui nous sont les plus chers, les plus précieux, nos bébés, nos enfants, nos personnes âgées, handicapées… Du berceau à la tombe, elles prennent en charge les plus fragiles… Elles sont le fondement de notre société…

Quel fossé, entre les paroles et les actes ! Valorisées dans les mots, dévalorisées dans les faits.

Pourquoi, alors, cette maltraitance des aidants ?

Pourquoi les politiques publiques entérinent, voire encouragent, financent, cette indécence salariale, plutôt que de la combattre ?

Pourquoi les rapports parlementaires, jusqu’ici, évitent cette question sociale : « Comment vivre, et vivre bien, de ces métiers ? » ? Pourquoi ne les abordent-ils que par le défi du vieillissement, comme avec le « Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge » établi par Myriam El Khomri. Ou, pour le handicap, pourquoi ils ne l’abordent que par le vécu des élèves : «  cette situation est à lévidence difficile pour les auxiliaires de vie scolaire, mais elle oblitère surtout la qualité, la fluidité et la continuité de laccompagnement proposé aux jeunes en situation de handicap » « Professionnaliser les accompagnants pour la réussite des enfants et adolescents en situation de handicap », Pénélope Komites, 2013 ([1]). Questions importantes, certes, mais pourquoi les aborder sans se centrer, jamais, sur les travailleuses, leurs horaires, leurs formations, leurs rétributions ?

Ou alors, par le chômage : « Comment créer de l’emploi ? », mais sans se demander quels emplois ? ou quels bouts d’emplois ? pour quoi faire ? Ou à la rigueur par l’ « attractivité » : « ajuster loffre à la demande par la revalorisation des conditions de travail et des salaires » ([2]) envisageant si besoin de recourir à l’immigration.

Pourquoi ne pas viser, pour ces femmes, le travail décent ?

Parce que ce sont des femmes, justement. À plus de 80 %, 87,3 % exactement.

Et des femmes pauvres : avec 26 heures de travail hebdomadaire, en moyenne, et 832 euros de salaire net, 1 190 euros pour un (rare) temps plein.

Et des femmes peu éduquées, souvent : à 80 %, un niveau inférieur au BEP (niveau secondaire deuxième cycle court).

Et des femmes étrangères, parfois : 14,5 % dans les services à la personne.

Les dominations s’ajoutent, de genre, de classe, d’origines. Ou, dit autrement, elles cumulent les « fragilités » : « Dans le service à la personne, ce sont deux vulnérabilités qui se font face », formule Geneviève Fraisse.

Il faut dire le non-dit : « Ces tâches relevaient du travail domestique, note Sandra Laugier, et étaient donc effectuées, gratuitement, bénévolement, par des femmes. » Non seulement les femmes n’étaient pas payées, mais elles en payaient le prix, comme en témoigne cet échange avec la philosophe Cynthia Fleury :

François Ruffin : Vous avez écrit Le soin est un humanisme, et je m’interroge sur une contradiction, confuse. Avec ces « métiers du lien », je vise, au fond, à salarier, à professionnaliser, voire à fonctionnariser le soin. Des soins qui étaient, jusqu’alors, délivrés à l’intérieur des familles, bénévolement, pas comme un service marchand. Est-ce que le soin, payé, ça demeure un humanisme ?

Cynthia Fleury : Pour ma part, je n’aperçois pas de contradiction. Et j’irais beaucoup plus loin : ce soin ne peut pas être porté par la famille, cest-à-dire par la femme, pas entièrement. Ça ne doit pas l’être.

Mon point de vue, ici, n’est pas moral, il est clinique : un soin intégralement porté par la famille produit de l’érosion, l’érosion de soi, la dépression des aidants. Après, c’est chacun son rythme : au bout d’une semaine certains pètent les plombs, d’autres tiendront dix ans. Mais ça craque toujours. La politisation du soin, la professionnalisation du soin, sont obligatoires.

François Ruffin : Et vous diriez ça pour tous les soins ? Dans nos métiers du lien, on a retenu les auxiliaires de vie sociale pour personnes âgées, les accompagnants pour enfants en situation de handicap, mais aussi les assistantes maternelles pour les bébés… Vous portez le même diagnostic pour tous ?

Cynthia Fleury : Pour tous. C’est désagréable de l’entendre : une maman toute seule pète les plombs. Seule, vous entrez dans une érosion de vous-même, avec une porosité sur l’enfant. Comme on a pensé l’histoire autrement, avec comme idéal familial, la mère à plein temps, au foyer, comme le patriarcat raconte que c’est « naturel », on ne veut pas entendre cette vérité. Mais si vous regardez les niveaux d’hystérie au XIXème siècle, on disait que c’était une pathologie féminine, et aujourd’hui elle a disparu. Il n’y a plus d’hystérie. Le peu d’hystérie qui demeure est autant masculine que féminine.

Dans votre rapport, il faut le dire : la politisation du soin est nécessaire. Pour des raisons cliniques. Ça ne veut pas dire qu’il faut éliminer le soin familial, filial, parental, ils sont absolument nécessaires. Mais on ne peut pas tout leur refiler.

Pour le dire autrement : la création de l’État social, c’est la politisation de la solidarité. Avant, la solidarité n’existait pas, ce qui existait, c’était la charité, la compassion, les familles, la philanthropie etc. Face à l’État social, les conservateurs ont dit : « Mais vous êtes en train de déresponsabiliser l’individu, de le démoraliser, vous lui enlevez l’obligation de la piété filiale, cette affaire là c’est les familles ». Donc, il y a eu deux camps : d’un côté la « naturalisation », de l’autre côté la politisation. Moi, je défends, cliniquement, une solidarité politisée. Ça veut dire quoi ? Que le care, c’est du travail. Que le care, c’est de la compétence. Que le care, ce n’est pas du don.

Mais on reste marqués, aujourd’hui encore, par cette « naturalisation », par des approches sacrificielles, de la vocation, et on manque l’efficacité du soin. Pourquoi ? Parce que je vois des familles qui portent, seules, une réalité autistique, Alzheimer et tout ça. Au bout, ce n’est pas la personne avec Alzheimer qui va déconner, ce sont les vingt qui l’entourent ! C’est pragmatique. En l’espace de deux, trois, quatre ans, tout l’entourage est atteint. Ça fait exploser le travail, parfois les couples.

Or, c’est un enjeu pour demain : nous vivons plus longtemps. Mais nous allons vivre avec du poly-pathologique. Si on ne veut pas pourrir la vie des enfants, des familles, il faut affirmer la politisation, la collectivisation de cette question. Sans ça, on ne pourra pas affronter la transition épidémiologique.

La maltraitance des « métiers du lien » prolonge, au fond, la maltraitance économique, symbolique, psychologique, des femmes au foyer. Voilà, grosso modo, l’inconscient de notre société : « Durant des siècles, elles l’ont fait à leur maison pour pas un rond. Aujourd’hui, on les rémunère un peu. De quoi se plaindraient-elles ? »

Cette maltraitance tient, également, à une honte, une honte sociale.

Ces « métiers du lien » sont aujourd’hui jetés dans le gros paquet des « services à la personne ». Volontairement (on verra pourquoi), « les activités relevant de laction sociale et les services domestiques ont été réunis », regrette Florence Jany-Catrice. On a instauré une confusion : les aides aux personnes âgées, handicapées, malades, sont désormais confondues avec les prestations destinées aux classes aisées, le jardinage et le bricolage, la promenade des animaux de compagnie, l’assistance informatique ou administrative, la cuisine à domicile, l’enseignement à domicile, et surtout, surtout, massivement, le ménage.

« Lintimité, cest le sale, et le sale ne se montre pas, pointe Geneviève Fraisse. Ce tabou aboutit à une invisibilité du travail à domicile. » Comme si en lavant les taches, ces femmes portaient un peu de cette tâche à leur tour. Comme si en masquant leurs tâches, on effaçait la tâche.

D’autant que cette nouvelle domesticité comporte, pour les dominants, une autre honte : « On sépare, abusivement, les vulnérables dun côté, les autonomes de lautre, relève Cynthia Fleury. La vérité, cest que les « autonomes » parviennent à cacher leur vulnérabilité, et même leur dépendance. Comme lénonce Joan Tronto, une universitaire américaine, spécialiste du care : « Ils ont des ressources pour rendre leur vulnérabilité invisible. » Et donc, en les regardant, on se dit : « Eux, ils nont besoin de rien. » Alors que, derrière eux, il y a des femmes de ménage, des serveurs dans les restaurants, des cuisiniers, des coaches, des comptables, des baby-sitters, des familles super-soudées pour soccuper des enfants. Mais tout cela disparaît : ce qui apparaît, cest de la super-puissance. De lindépendance. »

Mettre en lumière cet assistanat, c’est ébrécher un mythe social : « L’invisibilité imposée à ceux qui assument les tâches ménagères, compare Mona Chollet, n’est plus aussi spectaculaire que dans ce manoir du Suffolk où les serviteurs devaient tourner leur visage contre le mur quand ils croisaient un membre de la maisonnée. Pourtant, elle demeure. Une campagne de communication de l’Agence nationale des services à la personne montrait ‘des aspirateurs et des pulvérisateurs de nettoyants pour vitres qui semblaient animés par l’opération du Saint-Esprit »… La plupart du temps, les femmes de ménage sont des fantômes : elles viennent chez leur employeur en son absence et communiquent avec lui par petits mots. « Le rêve, c’est d’arriver comme ça et de trouver tout fait, et d’être tranquille chez moi quand j’arrive », énonce une quadragénaire... L’employeur comme le mari peuvent ainsi se faire servir tout en s’épargnant l’embarras, même vague, d’y être confrontés. Mais ce refus de voir le travail domestique permet aussi de maintenir l’illusion d’un intérieur propre et bien tenu comme par magie… » Et l’essayiste de nous amener chez le plus célèbre des magiciens, Harry Potter : « Dans les familles riches ou à Poudlard, s’activent les elfes de maison qui ne touchent aucun salaire. Comme leurs homologues humains, ils sont condamnés à la clandestinité. À l’école des sorciers, ils nettoient les salles communes la nuit, quand les élèves dorment, et les dortoirs le jour. Mais leur invisibilité atteint son paroxysme au réfectoire : à l’heure des repas, des montagnes de victuailles apparaissent sur les tables, comme surgies du néant. Il faut plus de deux ans de scolarité à Hermione pour réaliser que les plats sont envoyés depuis les cuisines par des elfes. À la suite de cette révélation, elle refuse un temps de s’alimenter, révoltée à l’idée que son bien-être repose sur un esclavage. Cette sensibilité sociale prononcée suscite l’incompréhension et la réprobation de son entourage. ‘Ne va pas leur mettre des idées en tête en leur disant qu’il leur faut des vêtements et des salaires !’ la prévient l’un des jumeaux Weasley. Mais Hermione persiste et fonde la Société de libération des elfes de maison… »

Comment, dès lors, valoriser des « services à la personne » que l’on cache, que l’on maintient dans l’ombre ? C’est la part obscure de notre société, comme les esclaves de la cité athénienne, avec autour le consensus de l’oubli.

Cette maltraitance, enfin, des « métiers du lien », tient à la maltraitance des liens eux-mêmes, à leur négligence, dans nos sociétés.

Car dans quelle société vivons-nous ? De consommation. Ainsi définie par Le petit Robert : « Type de société où le système économique pousse à consommer et suscite des besoins dans les secteurs qui lui sont profitables. » Ou encore, dans Le petit Larousse : « Société d’un pays industriel avancé où l’économie, pour fonctionner, s’efforce de créer sans cesse de nouveaux besoins, et où les jouissances de la consommation sont érigées en impératifs au détriment de toute exigence humaine d’un autre ordre. »

Apporter de la dignité à une personne âgée, contribuer à l’autonomie d’une personne handicapée, participer à l’« élaboration imaginative » d’un enfant, à sa « capacité de création », à sa « capacité de résilience », bref, par le soin, donner aux plus vulnérables quelque chose à espérer de ce monde, et cela, quelles que soient les bourses, quelles que soient les fortunes : ces « besoins », bien réels, même essentiels, pas du tout artificiels, sont-ils « profitables au système économique » ? Ils relèvent à coup sûr d’une « exigence humaine d’un autre ordre ». D’où le mépris, tacite, mais collectif, qu’ils subissent. Ces liens ne sont pas comptés, pas comptés comme une richesse, juste comme un « supplément d’âme » lorsqu’ils sont gratuits, délivrés par la famille, ou comme une dépense, comme un coût, lorsqu’ils sont payés. Et on le sait : ce qui n’est pas compté, économiquement, ne compte pas.

Ce qui compte, en revanche, ce sont les biens. Le PIB, jusqu’aux années 70 et l’adoption en 1976 du Système élargi de comptabilité nationale (SECN), n’a comptabilisé que les biens, agricoles et industriels. Les Trente glorieuses se racontent d’abord par le supermarché, le charriot rempli, le réfrigérateur pour tous, plus que par la Sécurité sociale, les retraites, l’éducation secondaire pour tous, qui furent pourtant la toile de fond de décennies où le confort s’accrut. Et aujourd’hui encore, en un prolongement de cette période, comment nous est vendu le progrès ? Sous la forme un portable i-phone 11, bientôt pourvu de la 5 G, et avec des frigos connectés. Mais qui ce progrès-là fait-il vraiment rêver ? Comme l’écrit Dominique Bourg : « On comprendra aisément que ladduction deau, lélectricité, le chauffage central, laccroissement des surfaces dhabitation, les machines à laver linge et vaisselle, la chaîne du froid, une forme de mobilité aient débouché sur une augmentation réelle et tangible de notre bien-être. Mais ces améliorations fondamentales et qualitatives ne peuvent avoir lieu quune fois. La simple accumulation indifférenciée de biens matériels ne saurait suffire à elle seule à augmenter notre sentiment de bien-être. »

Avec cette mission, il nous faut afficher notre ambition : à travers les « métiers du lien », c’est un projet de société que nous portons. Nous ne venons pas, seulement, techniquement, construire un statut pour les auxiliaires de vie sociale, il le faut, garantir un revenu pour les accompagnantes d’enfants en situation de handicap, il le faut, assurer une reconnaissance aux animatrices du périscolaire, il le faut, bâtir un filet de sécurité pour les assistantes maternelles, il le faut. Il faut tout cela. Il faut les sortir de la marge, de la périphérie, de l’oubli. Mais il faut plus. Il faut la société qui va avec. Il faut la société qui place le lien en son cœur. Qui en fait son moteur, son mantra : par où passera le progrès demain ? Par le lien.

C’est un basculement que nous réclamons, et qui ne correspond pas qu’une conviction éthique. Il répond à moment historique. Et à une nécessité écologique.

Quel « moment historique » ? La croissance ne fait plus le bonheur. Un tableau fourni par l’Organisation des Nations unies le montre bien :

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Que nous dit-il ? Que dans les premières phases du développement, la richesse apporte en effet un supplément de bien-être, avec une alimentation plus calorique, de meilleurs soins, de l’éducation : l’espérance de vie s’élève très rapidement. C’est vrai dans les pays pauvres. Mais ensuite : plus le niveau de vie augmente, plus le lien entre revenu et espérance de vie s’atténue. Il finit par disparaître entièrement : à partir d’environ 20 000 dollars par habitant, la courbe ascendante devient horizontale.

Faisons maintenant un zoom sur les pays les plus riches.

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Que remarque-t-on ? Eh bien justement, rien ! Dans les pays les plus riches, il n’y a plus de lien entre le niveau de richesse et le niveau de bien-être. Les nations se trouvent distribuées de façon aléatoire : les États-Unis, le pays plus riche, ont une espérance de vie inférieure à celle de l’Espagne ou de la Nouvelle-Zélande, et des pays où le revenu par habitant est presque deux fois moindre ! Et même de Malte, de Cuba ou du Costa-Rica ! Cela signifie une chose simple et essentielle : la croissance ne fait plus le bonheur.

D’ailleurs, depuis quarante ans, depuis le milieu des années 70, le revenu par habitant en France a quasiment doublé. Mais pour le taux de bonheur, cela n’a rien à voir : il stagne. Les deux courbes sont disjointes.

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Comme l’énonce l’épidémiologiste anglais Richard Wilkinson : « C’est la fin d’une époque. Jusqu’ici, pour améliorer notre condition, il y avait une réponse qui marchait : produire plus de richesses. Nous avons passé un certain seuil, et ce lien est désormais rompu. C’était un schéma prévisible : si notre estomac crie famine, manger du pain est le soulagement ultime. Mais une fois notre estomac rassasié, disposer de nombreux autres pains ne nous aide pas particulièrement…

Nous sommes la première génération à devoir répondre de façon plus novatrice à cette question : comment apporter de nouvelles améliorations à la qualité réelle de la vie humaine ? Vers quoi nous tourner si ce n’est plus la croissance économique ? »

« Vers quoi nous tourner ? »

Une étape est franchie, dans notre développement, et voilà qui nous remplit moins de satisfaction que d’inquiétude : quel est le sens, désormais ? Quel est le sens de l’histoire ? Quel est le sens de nos jours ? Nous assistons à l’effritement d’une croyance, à une crise d’espérance :

« On sort de la société de consommation, tranche le philosophe Dominique Bourg. Ce n’est pas rien. La consommation avait (j’en parle au passé) une fonction spirituelle, elle donnait un sens à notre existence, et à l’histoire, à la société. À travers la consommation, on se réalisait. Cette magie jouait à plein durant les années 60, mais elle s’est assez vite effritée. Dès les années 70, apparaît une contestation de ce culte. Et aujourd’hui, dans nos pays, ça ne marche plus : lors des « focus groups », lorsqu’on invite des gens lambda pour discuter d’un nouveau produit, toute fascination a disparu. J’ai rencontré des professionnels de ces analyses marketing, qui m’en ont témoigné : « La magie, c’est fini. Complètement fini. » Mais même l’Inde ou la Chine, à la limite, ils n’auront jamais connu cette magie de la consommation. Parce que, d’emblée, elle est associée à la destruction très visible de l’environnement. Ils savent. C’est sans innocence, habité par une culpabilité.

François Ruffin : Et comme la magie est morte, le système jette toutes ses forces pour que l’idéologie survive ? Avec des écrans publicitaires partout ? Des chaînes de télé gorgées de pubs ?

Dominique Bourg : On met un fric monstre pour continuer à vendre n’importe quoi. Sinon, si toutes les conneries ne se vendent plus, le système est foutu.

« Vers quoi nous tourner ? »

Eh bien, avec ce rapport, à tâtons nous répondons, nous ouvrons le chemin : vers les liens, plutôt que vers les biens. Dans notre moment historique, voilà l’étape d’après, la direction, pour « apporter de nouvelles améliorations à la qualité réelle de la vie humaine ».

Ce nouveau cap, par ailleurs, l’urgence écologique l’exige.

François Ruffin : Vous dites souvent que le progrès, demain, ne sera plus dans la technologie, mais dans la qualité des relations…

Dominique Bourg : Non pas demain, mais dès aujourd’hui en fait ! Dans les pays riches, comme le nôtre, on le voit déjà dans les enquêtes : le bien-être provient désormais, non plus du PIB, mais du relationnel, du temps passé en famille, d’une disponibilité pour ses amis, etc.  C’est ça qui rend les gens heureux, épanouis, et non pas le fait d’avoir trois bagnoles.

Bruno Bonnell : Si on en vient à notre sujet, ça veut dire, dans cette logique, qu’il faudrait valoriser les métiers qui créent du lien, plutôt que ceux tournés vers la marchandise ? 

Dominique Bourg : Évidemment ! On est cul par-dessus tête ! Ce n’est pas très sympa, mais le vendeur de SUV, le publicitaire qui vante ces véhicules, l’ingénieur qui dessine les plans, ces emplois sont valorisés, bien payés, bien considérés. Alors que, non seulement ils n’apportent qu’un plaisir éphémère, si ce n’est de la frustration, mais surtout ils contribuent à la dégradation de l’habitabilité de la Terre. Est donc rémunéré ce qui détruit.

À l’inverse de vos métiers, qui participent d’une chose essentielle : la reconnaissance de l’autre. Revenez au vieil Hegel, on est au début du 19ème siècle, il dit : « Qu’est-ce qui fait qu’une société sera accomplie ? C’est quand il n’y aura plus aucun individu qui ne sera pas reconnu dans son humanité. » C’est le fondement de la vie sociale : la reconnaissance, par la société, de la valeur de tout un chacun. C’est le drame terrible du chômage : il rend les « hommes inutiles », et ça c’est destructeur, moralement, mentalement.

François Ruffin : Là, c’est la reconnaissance à la fois des gens qui sont aidés et des gens qui aident ?

Dominique Bourg : Les deux ! Tu reconnais les deux d’un coup ! D’un côté la personne qui aide, si son boulot lui plait, si elle s’y reconnaît, obtient justement une reconnaissance de la personne qu’elle aide, et de la société ; de l’autre, elle-même et la société reconnaissent la personne aidée dans son humanité. Cette dernière sort de l’isolement, de la trappe mentale où sont abandonnés les gens qui ne peuvent se débrouiller seuls. Tu renforces de manière générale les liens, et c’est un signal que tu donnes à la société en disant : "La société ne se borne pas au marché, c’est d’abord l’entraide. Ce qui va être de plus en plus important aujourd’hui, c’est les liens."

François Ruffin : C’est le volet « social ». Mais c’est vert aussi ?

Dominique Bourg : C’est la clé de tout en matière d’écologie. Si la planète devient de moins en moins habitable pour notre espèce, et pour les autres espèces, la première cause, ce sont les flux d’énergie et les flux de matière, tous les objets qu’ils permettent de produire. D’autant que nous sommes sur une industrie du petit gadget obsolescent, sans grand intérêt, avec une Terre transformée en atelier géant. Avec un effacement de la géographie, des mers, des distances. Avec pour seule boussole, le coût, la concurrence, le meilleur prix, et qui fait que chaque stylo, ici, chaque vêtement sur nous, ont parcouru des milliers de kilomètres. Donc, effectivement, une société qui s’écologiserait, c’est forcément une société qui va privilégier les liens plutôt que les biens, une société où les activités de production et leurs volumes, et leurs transports, baissent, drastiquement même dans un premier temps.

Les deux se tiennent : la valorisation, ou la dévalorisation, des « métiers du lien », et la valeur, ou la non-valeur, accordée aux liens. Méprisés tous deux, négligés, marginalisés, ou au contraire placés au cœur de la cité.

« Pour revaloriser les métiers du care, indique Sandra Laugier, il faut inverser les normes de valeurs dans notre société. On donne de la valeur à ce qui n’en a pas, et pas assez à ce qui en a. Nous avons une dépendance collective au care, et pourtant, c’est un point aveugle. On ne s’en aperçoit que lorsque le travail n’est plus fait. Nous devons finalement glisser de la valeur financière vers la valeur sociale. Mieux rémunérer ces emplois est une priorité. C’est la voie pour changer, en profondeur, le regard sur ces métiers du care. C’est le minimum : qu’ils permettent de vivre décemment. Le care doit donner de la dignité à la personne aidée, mais aussi à la personne aidante. »

Durant la crise du Covid, le président de la République relevait que « notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Et il citait la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

Évaluer cette « valeur sociale », plus que cette valeur financière, cette « utilité commune » pour reprendre les propos du président de la République, des études s’y efforcent. Ainsi du rapport rendu en 2009 par trois chercheuses britanniques, Eilis Lawlor, Helen Kersley et Susan Steed, pour la New Economic Foundation ([3]). D’après leurs calculs, l’employée de crèche, par l’éducation prodiguée aux enfants, par le temps libéré pour les parents, rend à la société 9,43 fois ce qu’elle perçoit en salaire. À l’autre bout de la chaîne, le conseiller fiscal : son art consiste à priver la collectivité du produit de l’impôt. Il détruit quarante-sept fois plus de valeur qu’il n’en crée.

Le « retour social sur investissement » diverge alors, et grandement, du « retour sur investissement » pour l’actionnaire. Avec des « externalités » tantôt positives, tantôt négatives.

Dans le cas d’un ouvrier du recyclage, payé 6,10 livres sterling de l’heure (environ 7 euros), les auteures estiment que « chaque livre dépensée en salaire générera 12 livres de valeur » pour l’ensemble de la collectivité. En revanche, « alors qu’ils perçoivent des rétributions comprises entre 500 000 et 10 millions de livres, les grands banquiers d’affaires détruisent 7 livres de valeur sociale pour chaque livre de valeur financière créée ».

Le publicitaire, par exemple. Son activité vise à accroître la consommation. Il en découle, d’un côté, une création d’emplois (dans le secteur de la publicité, mais aussi dans les usines, le commerce, les transports, les médias) et, de l’autre, un accroissement de l’endettement, de l’obésité, de la pollution, de l’usage d’énergies non renouvelables. Une fois évalués les bénéfices et les coûts, « pour chaque livre sterling de valeur positive, 11,50 livres de valeur négative sont générées. » Autrement dit : les cadres du secteur publicitaire « détruisent une valeur de 11,50 livres à chaque fois qu’ils engendrent une livre de valeur ».

C’est l’inverse pour un agent de nettoyage à l’hôpital. Un travail invisible, sous-traité et mal traité, mais qui contribue à la santé : le journal BMC Med a montré que l’embauche d’un nettoyeur supplémentaire diminuait le risque d’infections nosocomiales, évitait des complications ([4]). Donc, d’après les auteures, « pour chaque livre sterling qu’elle absorbe en salaire, cette activité produit plus de 10 livres de valeur sociale ». Et encore, précisent-elles, « il s’agit probablement d’une sous-estimation ».

Les professions les plus nuisibles sont donc surpayées, tandis que, symétriquement, l’échelle des salaires décourage des activités profitables au plus grand nombre.

C’est un continent invisible qu’il s’agit de rendre visible. Il est déjà-là, sous nos yeux, statistiquement, économiquement, massivement, mais plutôt que de l’organiser, de le structurer, de le financer, on se refuse à le voir, comme une honte qu’on cache. Rédacteur au Monde diplomatique, sociologue de formation, Pierre Rimbert observe ainsi « l’évolution des actifs en France » :

Pierre Rimbert : Il y a quelque chose de très frappant : d’ordinaire, on associe les classes populaires aux figures masculines (ouvrier métallo, sidérurgiste, etc.). Or, d’après les statistiques de l’INSEE, le salariat des classes populaires aujourd’hui est majoritairement constitué de femmes : 51 % des employés et des ouvriers sont des femmes. La proportion était de 35 % en 1968. C’est vraiment un des traits les plus frappants, à mon avis, dans ce dernier demi-siècle, de la transformation sociologique de la société : le nombre d’emplois masculins n’a pas changé, quasiment pas, de 13,3 millions d’emplois masculins en 1968, on est passés à 13,7 millions en 2017. La force de travail supplémentaire, enrôlée par le système économique ces dernières décennies, est féminine, et notamment dans les professions que vous mentionnez. En janvier, là, pour la première fois de manière durable, les femmes ont dépassé les hommes dans la force de travail américaine. C’est une première dans l’histoire du capitalisme.

François Ruffin : Donc, c’est une tendance de fond, mais presque souterraine, peu visible…

Pierre Rimbert : C’est la question centrale, sans doute, cette invisibilité. Pourquoi ? Quelles en sont les causes ?

D’abord, ces secteurs sont éclatés : par le lieu d’exercice, tantôt chez les particuliers, tantôt dans des institutions, premier facteur de séparation. Et deuxième facteur, celui des diplômes, entre, par exemple, une femme de ménage et une aide‑soignante dans un hôpital. L’unité ne va pas de soi. Même si d’autres facteurs les rassemblent : ce sont des professions relativement mal payées, qui travaillent dans des conditions pas toujours flatteuses, et qui réalisent des tâches invisibles.

Voilà qui est important : le propre de ces métiers, c’est qu’on ne les voit que quand ils ne sont pas faits, ou mal faits. C’est, finalement, la charpente de l’état social, que les femmes tiennent à bout de bras. Au-delà des métiers du lien, ou du soin, j’ajouterais le ménage, et même l’administration, les tâches de bureau… Tout un salariat qui contribue à la reproduction de la société, c’est-à-dire : pour que la production puisse s’effectuer, il faut des gens en bonne santé, éduqués, avec un environnement sain, etc. Ces missions sont essentielles, et pourtant elles sont comme à l’arrière-plan.

Enfin, il y a une bataille de l’imaginaire : qu’est-ce que la modernité ?

Bruno Bonnell : C’est-à-dire ?

Pierre Rimbert : Aujourd’hui quand on dit « modernité », on pense aux nouvelles technologies, un secteur qui emploie 85 % d’hommes, ou à la finance, 88 % d’hommes. Or, l’éducation, le soin, prendre soin des vieux, des jeunes, c’est une forme, quand on regarde l’histoire longue, de modernité, qui est tout à fait unique dans l’histoire des civilisations… Et pourtant, la modernité, dans nos imaginaires, c’est Facebook, et pas l’État social qui s’est instauré depuis quatre-vingts ans, on ne pense pas aux auxiliaires de vie sociale, aux assistantes maternelles, aux aides-soignantes…

Quand vous regardez la liste, aux États-Unis, des dix métiers pour l’avenir, vous avez une partie d’hommes qui installent des panneaux solaires, des programmeurs informatiques, et puis viennent des massothérapeutes, des femmes qui s’occupent des enfants, des femmes qui s’occupent des vieux, etc. Et d’ailleurs, qu’on observe cela : les personnes impliquées, on va dire, dans cette automatisation du monde, comment ils élèvent leurs enfants ? Il y a une grande discordance. Dans la baie de San Francisco, les gens payent des humains à leurs enfants, à tel point qu’un métier apparaît aux États-Unis : « assistant personnel du coach pour enfants ». Pas seulement le coach, mais l’assistant du coach, le coach permet à l’enfant, entre zéro et trois ans, de rentrer dans une maternelle à entre 20 000 $ par an. Donc, ces mêmes personnes qui, par leurs entreprises, par la technologie, vont priver les autres de rapports humains, pour elles-mêmes, pour leurs familles, elles surinvestissent dans l’humain, elles en reconnaissent le caractère absolument nécessaire… Il y a un caractère très inégalitaire de l’automatisation.

La modernité est tellement incarnée par la technologie, si peu par l’humain, qu’on n’aperçoit pas le mouvement en cours. Ça fait vingt ans qu’on répète : « l’État social est en train de disparaître », etc., et certes, des politiques lui sont contraires. Et pourtant, les budgets sociaux augmentent, ces métiers que vous citez sont en train d’exploser. Le paradoxe, c’est que l’État social se renforce, mais par le bas et dans le privé : par des associations, des sous-traitants, des auto-entreprises, avec des bas salaires et des temps partiels. C’est vrai jusque dans l’hôpital : l’aide-soignante a remplacé l’infirmière, qui au quotidien a quasiment remplacé le médecin. Qui remplace l’aide-soignante ? L’ASH, l’agent spécialisé. Et la femme de ménage, elle, est sous-traitée au privé. Donc, à la fois l’État social croît, et en même temps, ces métiers font l’objet de restrictions de coûts, d’externalisation…

Donc, il faut changer cette imaginaire de la modernité : c’est le professeur, pas la téléconférence. Et dans un registre proche, il faut changer de langage : ces métiers féminins ne sont pas exprimés dans l’ordre de la production, mais du service. Même ici, dans cette assemblée, on entend systématiquement parler de « dépenses de santé », jamais de « production de soins ». C’est significatif. Le monde politique, les médias, présentent la santé et l’éducation comme si c’était des bienfaits, dispensés par des femmes dévouées, alors que ce sont des richesses produites par des travailleuses. C’est important, pas seulement pour l’estime de soi, la dignité des gens qui font ce métier, mais pour le regard de la société. Au sortir de la guerre, gaullistes et communistes, pour accélérer la production, avaient fabriquée une mythologie du mineur de charbon. Eh bien, aujourd’hui, la puissance publique devrait accompagner la montée de ces métiers avec le même effort culturel…

François Ruffin : Vous voulez dire que, aujourd’hui, ces métiers du lien croissent, mais presque malgré la société, en catimini, comme une honte ? Alors que ça devrait être une fierté ?

Pierre Rimbert : Tout à fait. Quand on parle de « transition écologique », les héros de cette transition sont des héroïnes. Ce sont des femmes qui rendent la société vivable. Elles sont les nouveaux mineurs de fond, qui produisent des services vitaux de la société...

Structurer ces « métiers du lien », les sortir de la précarité, comporte donc – au moins – un triple enjeu :

1. Féministe. La vaste majorité, sinon la quasi-totalité, de ces emplois sont occupés par des femmes.

2. Social. Ce sont des centaines de milliers d’employées, de salariées, qu’on doit sortir de la pauvreté.

3. Écologique. Valoriser ces « métiers du lien », c’est dessiner la priorité pour demain : l’humain.

Ce rapport vise donc à établir un état des lieux de ces professions, à présenter des propositions très directes, très concrètes. Mais aussi à participer d’un choc culturel : voilà les héroïnes de la transition.

Pourquoi les « métiers du lien » ?

AESH, Assistante maternelle, auxiliaire de vie sociale et animatrice du périscolaire, quel lien entre ses professions ? Le lien, justement.

Nous navons pas choisi les terminologies du secteur, comme « services à domicile » par exemple, puisque certaines professions ne sexercent pas à domicile mais aussi puisquelles ne disent rien de la qualité du travail fourni. Nous avons exclu le « service à la personne », puisque le développement de cette notion est inextricablement lié à des politiques de création demplois tous azimuts sans aucune réflexion sur le sens de ces métiers : prendre soin, ou externaliser du travail domestique pour les ménages les plus riches et ainsi, donner des miettes aux travailleuses précaires ?

Nous aurions pu choisir de les appeler « les métiers du soin », mais le soin est trop centré sur lacte physique, sur la santé physique ou psychique. Lessentiel ne se situe pas là. Lappellation « métiers du care » est peut-être la plus proche, mais de par son histoire liée au monde anglo-saxon, et en tant quanglicisme, la notion masque lobjectif de cette mission.

Les « métiers du lien » disent mieux le chemin et la finalité recherchée par vos rapporteurs. Le chemin, cest que le progrès demain viendra des liens, plutôt que des biens, dune société qui valorise la solidarité contre la concurrence. Les « métiers du lien » disent quelque chose de ce que doit être une « République bienveillante ».

« Les liens », ces professions nont pas été construites pour ça, mais ils sont centraux dans la pratique. « Les liens », cest en deçà des gestes effectivement fournis, mais ça dit ce qui est au-delà des gestes fournis.

Comme lexpliquait Xavier Guchet, philosophe auditionné par la mission : « On ne sait pas par où ça passe. Par exemple, un enfant dans la cours de récré ne se fait pas des amis en cherchant des amis, mais en jouant au foot, aux billes... il a quelque chose à faire et ça rend possible autre chose. Dans vos métiers, il y a quelque chose de cet ordre. Le soin peut passer tout à fait par autre chose que des fonctionnalités techniques, sans quon sache par où ça passe. »

Avec notre définition, il nous semble évident quil y a bien plus que ces quatre « métiers du lien » : enseignant, comédien, cafetier, député, journaliste... sont aussi des métiers du lien.

Mais nous avons identifié ces quatre métiers comme étant à structurer en priorité. Ils sont sans statut ni revenu, ou presque.

Il sagit moins pour les rapporteurs de se bagarrer sur le choix des mots, leurs intitulés, que leur réalité à transformer.


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Pour vos rapporteurs, il ny a pas de métiers plus essentiels et plus invisibles que les « métiers du lien ». Cette terminologie, peu usuelle, regroupe lensemble des métiers qui permettent de tisser du lien entre les personnes dans notre société. Beaucoup de métiers ayant vocation à créer du lien, vos rapporteurs ont souhaité se concentrer sur quatre dentre eux qui sont particulièrement invisibles et précarisés, à savoir le métier daide à domicile, celui dassistante maternelle, celui daccompagnante denfants en situation de handicap et celui danimatrice périscolaire ([5]).

Les métiers étudiés par la mission viennent en aide aux personnes qui en ont besoin, et ce « du berceau à la tombe ». Ils sont essentiels au vivre‑ensemble. Les assistantes maternelles sont des professionnelles de la petite enfance qui accueillent, le plus souvent chez elles, des enfants généralement âgés de moins de six ans. Les accompagnantes denfants en situation de handicap aident, guident et participent à lautonomie denfants et dadolescents en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, à lintérieur même de la salle de classe et parfois lors des temps de pause. Quant aux animatrices périscolaires, elles mettent en œuvre des animations (activités ludiques, artistiques, manuelles, éducatives et collectives) avant ou après lécole ainsi que le mercredi et pendant les vacances scolaires. Les aides à domicile accompagnent les personnes fragilisées (dépendantes ou en situation de handicap) chez elles dans les tâches de leur vie quotidienne.

Contrairement à la quasi-totalité des études existantes portant sur lun de ces quatre métiers, le présent rapport se concentre sur les salariés et non sur les bénéficiaires de laide. Il cherche avant tout à répondre au paradoxe suivant : comment expliquer que ces métiers, si essentiels pour notre société, soient fortement précarisés et peu reconnus ? Ce choix est inédit. Les rapports existants adoptent davantage un angle prospectif (comment répondre aux besoins de main-d’œuvre ?) ou budgétaire (quels sont les impacts des dispositifs de soutien public, tant en matière de création d’emplois que d’aide apportée aux personnes bénéficiaires ?). Ils n’abordent la question des conditions de travail que de manière secondaire, dans l’objectif d’améliorer la prise en charge de la personne aidée et non dans celui de réduire la précarité des salariés leur venant en aide. La professionnalisation est ainsi perçue comme « un enjeu de premier ordre pour susciter, en nombre suffisant, des vocations, y compris masculines » ([6]) . L’amélioration des conditions de travail est vue comme un moyen et non comme une fin puisqu’il s’agit d’« ajuster loffre à la demande par la revalorisation des conditions de travail et des salaires » ([7]). Quand les mauvaises conditions de travail sont reconnues, ce sont leurs conséquences sur le service rendu qui sont soulignées et non pas celles sur les professionnels : « cette situation est à lévidence difficile pour les auxiliaires de vie scolaire, mais elle oblitère surtout la qualité, la fluidité et la continuité de laccompagnement proposé aux jeunes en situation de handicap » ([8]).

Alors même que les réflexions collectives sur la nécessaire revalorisation des métiers du lien sont aujourdhui bien avancées dans le monde académique, elles font encore trop peu lobjet de débats politiques. Pourtant, l’extrême utilité de ces métiers et leur intolérable degré de précarisation nous obligent à réfléchir à la manière d’offrir de vrais statuts et de vrais revenus aux professionnels qui nous permettent de continuer à bien vivre. La crise sanitaire que nous venons de traverser le rappelle à tous ceux qui en doutaient encore.

Le présent rapport vise, dans une première partie, à dresser un état des lieux de la précarité dans laquelle se trouvent lensemble des métiers étudiés. Ils ont tous en commun non pas dêtre « à temps partiel » mais plutôt « payés à temps partiel » ([9]). Dans tous ces métiers, n’est considérée et rémunérée comme du travail effectif qu’une part réduite du travail réellement effectué. Ainsi, par exemple, sont très rarement pris en compte ou rémunérés les temps de formation (souvent d’auto-formation !), de coordination, de prise de poste, d’échanges entre collègues, de préparation, de déplacements ou de relation humaine avec les personnes et leur famille. Les rémunérations dans l’ensemble de ces métiers sont extrêmement faibles (souvent bien en deçà du salaire minimum), les formations continues insuffisantes et les conditions de travail très souvent pénibles, tant sur le plan physique que psychique.

La seconde partie propose des évolutions qui sont nécessaires pour être à la hauteur de limportance de ces métiers pour notre société (hausse des salaires, réduction des temps partiels, baisse de la pénibilité physique et morale, droit effectif à une formation ouvrant de vraies perspectives de carrière, reconnaissance sociale de l’ensemble de ces professionnels). Vos rapporteurs insistent tout particulièrement sur l’importance de la formation continue pour revaloriser les métiers du lien plus que sur l’instauration de nouvelles barrières à l’entrée de ces métiers. Ces propositions proviennent de longs échanges tant avec des chercheurs, qu’avec des professionnelles. En plus d’une trentaine d’auditions conduites à l’Assemblée nationale, la mission a réalisé plusieurs déplacements, notamment à Dieppe et à Amiens.

 

I.   Des mÉtiers essentiels mais sans vrai statut, sans revenu suffisant et sans reconnaissance sociale

Dans son ouvrage « Bullshit Jobs » ([10]) (emplois « à la con »), l’anthropologue américain David Graeber explique que pour savoir si un métier est essentiel, il faut imaginer les conséquences sociétales de sa disparition. La récente crise sanitaire du coronavirus rappelle à tous l’importance des métiers qui nous permettent de continuer à bien vivre, notamment les métiers du lien. Toutes les études montrent que les besoins de la population engendreront à l’avenir une forte croissance de ces métiers. Pourtant, force est de constater que ces derniers sont encore extrêmement précarisés.

A.   des métiers amenés à se développer fortement à l’avenir 

De manière générale, l’ensemble des professions du lien, du soin et de l’aide aux personnes fragiles devraient bénéficier, à l’avenir, d’une forte dynamique de l’emploi. Celle-ci s’explique notamment par le vieillissement de la population et par les moindres possibilités de prise en charge par les familles (avec la poursuite de la hausse du taux d’activité des femmes après 45 ans et la fragmentation croissante des structures familiales). Elle s’explique également par le caractère non délocalisable et peu automatisable de ces métiers qui nécessitent un contact humain prolongé. Enfin, les métiers du lien et du « prendre soin » sont moins sensibles que d’autres à la conjoncture économique et pourraient donc se développer même en période de crise.

Comme l’explique le journaliste Pierre Rimbert, les métiers féminins du lien (qu’il appelle « le salariat féminin des services vitaux ») sont en passe, dans un grand nombre de pays, de devenir numériquement beaucoup plus importants que les métiers dits « masculins ».

« Aux États-Unis, la liste des métiers à forte perspective de croissance publiée par le service statistique du département du travail prédit, dun côté, la création demplois typiquement masculins, tels quinstallateur de panneaux photovoltaïques ou déoliennes, technicien de plate-forme pétrolière, mathématicien, statisticien, programmateur ; de lautre, une myriade de postes traditionnellement occupés par des femmes, tels quaide de soins à domicile, aide-soignante, assistante médicale, infirmière, physiothérapeute, ergothérapeute, massothérapeute. Pour un million demplois de développeur informatique prévus dici à 2026, on compte quatre millions daides à domicile et daides-soignantes — payées quatre fois moins. »

« La puissance insoupçonnée des travailleuses », article publié dans Le Monde diplomatique, Pierre Rimbert, janvier 2019

1.   Des métiers qui devraient bénéficier, à l’avenir, d’une forte dynamique de l’emploi

a.   En 2030, plus de 862 000 personnes pourraient occuper un emploi d’aide à domicile

Dans son étude « Les métiers en 2022 » ([11]) réalisée en 2015, France Stratégie précisait que le métier d’aide à domicile serait celui qui créerait le plus de postes entre 2012 et 2022, aussi bien en taux de croissance qu’en nombre (près de 160 000 postes créés en dix ans pour atteindre 702 000 emplois en 2022, soit une hausse de 2,6 % en moyenne chaque année). Si l’on considère que le taux de croissance annuel de 2,6 % demeurera identique dans les années à venir, vos rapporteurs ont calculé qu’en 2030, plus de 862 000 personnes occuperaient un emploi d’aide à domicile (ce qui correspond à 160 000 créations de poste entre 2022 et 2030).

Il est probable que le taux de croissance annuel des emplois dans l’aide à domicile soit plus élevé dans les années à venir en raison de l’augmentation des personnes en perte d’autonomie. L’amélioration des conditions de travail des aides à domicile que vos rapporteurs appellent de leurs vœux (augmentation des temps d’échanges entre salariées, généralisation des binômes d’aides à domicile pour les interventions les plus difficiles, etc.) pourrait également engendrer de plus forts besoins de recrutement et remédier à la difficulté actuelle de pourvoir les postes. Le nombre d’aides à domicile pourrait donc approcher le million de salariées en 2030.

b.   Le nombre d’assistantes maternelles devrait fortement augmenter dans les années à venir

Au deuxième trimestre 2014, 320 000 assistantes maternelles étaient employées par des particuliers en France. Elles sont environ 400 000 aujourd’hui et leur nombre pourrait atteindre 499 000 en 2022 ([12]). Dans son étude « Les métiers en 2022 » ([13]), France Stratégie souligne que le nombre d’assistantes maternelles devrait augmenter plus rapidement que l’ensemble des métiers pour répondre aux besoins encore insatisfaits de prise en charge des jeunes enfants.

c.   L’évolution du nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) est corrélée aux progrès en termes d’inclusion scolaire

Selon les chiffres du Gouvernement, notre pays comptait, pour l’année scolaire 2018-2019, 71 175 AESH. De 2006 à 2017, le nombre d’élèves en situation de handicap bénéficiant d’un accompagnement en milieu scolaire a été multiplié par cinq ([14]). Si cette augmentation se poursuit, le nombre d’AESH pourrait être amené à croître fortement. L’inclusion scolaire en milieu ordinaire n’est en effet possible que par la mise en place d’un accompagnement spécifique des jeunes concernés.

d.   L’évolution du nombre d’animatrices périscolaires est liée à la politique publique du périscolaire

Vos rapporteurs appellent de leurs vœux une statistique publique recensant précisément le nombre d’animatrices périscolaires et leurs caractéristiques socio‑économiques. Il n’y a aujourd’hui pas de statistiques nationales spécifiques au périscolaire mais uniquement des données, rares, issues de monographies réalisées dans un territoire donné.

La branche de l’animation compte environ 124 000 emplois ([15]) (tout type d’animateur confondu), tandis que la filière de l’animation dans la fonction publique territoriale en compte 117 000 ([16]). Parmi ces emplois, certains sont occupés par des animatrices périscolaires. Le Conseil national des employeurs d’avenir (CNEA), interrogé par vos rapporteurs, n’a pas su indiquer le nombre d’animateurs périscolaires au sein de la branche de l’animation ([17]). On connaît donc les emplois dans l’animation sans connaître l’animation périscolaire. Notre incapacité à pouvoir compter celles qui exercent ce métier dit tout de leur invisibilité : la non-statistique est un signe politique important. Le développement du métier dans les années à venir est fortement corrélé à la politique qui sera poursuivie en matière de périscolaire.

2.   Des métiers résolument modernes

Les métiers du lien sont donc des métiers davenir. Leur modernité ne doit pas être sous-estimée. Aujourd’hui, la « modernité » est associée à des figures principalement masculines que sont les traders ou les start-upers de la Silicon Valley. Pour autant, cette conception de la modernité pourrait se voir éclipsée par une autre perception de cette même modernité, plus humaine et plus durable, qui valorise les liens par rapport aux biens et tire le meilleur des changements technologiques à venir.

La place de la technique dans les métiers du lien devra ainsi faire lobjet dune réflexion approfondie de manière à ne les pas déshumaniser. Pour le philosophe Xavier Guchet, auditionné par la mission, il faut intégrer les exigences du « prendre soin » dès la conception technique d’un dispositif. Selon lui, les technologies ont vocation, non pas à se substituer à des institutions du soin ou du « prendre soin » défaillantes, mais à mieux instrumenter les aides à domicile ou les personnels soignants. Lautomatisation dun certain nombre de tâches nest souhaitable que si elle est comprise par les aides à domicile et leur permet de libérer du temps de manière à renforcer la qualité de la relation avec la personne aidée

3.   Revaloriser les métiers du lien est le seul moyen de répondre aux forts besoins de main-d’œuvre non pourvus : l’immigration choisie est une solution inacceptable

En 2019, d’après Pôle emploi, les plus grandes difficultés de recrutement ont touché, dans cet ordre, les aides à domicile et ménagères, les agents d’entretien de locaux, les aides-soignants, les conducteurs routiers, les employés et agents polyvalents de cuisine, etc. Afin de répondre aux forts besoins de main-dœuvre non pourvus, le Gouvernement a annoncé le 6 novembre 2019 quil mettrait en place dici janvier 2021 une importante refonte des règles de limmigration professionnelle. Elle devrait être organisée autour de cibles quantitatives (des quotas) fondées sur des niveaux de qualification et des secteurs en tension. La délivrance des autorisations de travail sera simplifiée « dans lobjectif dêtre placée au service des besoins des employeurs sur les métiers et secteurs en tension, dont la liste sera actualisée chaque année sous le contrôle du Parlement » ([18]). L’arrêté fixant la liste des métiers en tension pour lesquels l’immigration professionnelle est ouverte pourrait être modifié pour inclure l’aide à domicile.

Actuellement, les femmes immigrées sont déjà très présentes dans les services à la personne. Elles représentaient, en 2012, 12 % des aides à domicile et des assistantes maternelles. Les femmes actives portugaises, algériennes et marocaines constituent la moitié des femmes actives immigrées dans ces métiers ([19]).

Pour vos rapporteurs, limmigration professionnelle est une solution inacceptable pour répondre aux forts besoins de main-dœuvre. Ils s’opposent donc à une logique d’immigration choisie qui conduirait à enfermer les salariées dans une précarité durable. Comme l’a bien expliqué l’économiste François-Xavier Devetter lors de son audition, « lidée (avec le recours à limmigration) est, malheureusement, quil nest pas nécessaire de structurer ces métiers car sil ny a plus de précarité ici, on ira la chercher ailleurs ». Créer des filières d’immigration fortement précarisées dans le but de venir combler des besoins de main-d’œuvre en France permet en réalité aux décideurs de s’affranchir de toute réflexion sur la manière de rendre plus attractifs ces métiers en tension. Pour vos rapporteurs, l’alternative est claire : revaloriser les revenus et les statuts des personnes qui exercent les métiers du lien.

B.   Des métiers fortement précarisés : état des lieux

1.   Des métiers très mal rémunérés sans vraie progression salariale

Les métiers du lien seront donc amenés à se développer de manière très importante à l’avenir. S’ils représentent un gisement d’emplois non négligeable, c’est bien la qualité de ces emplois qui doit être au cœur de nos préoccupations : comment garantir à ces salariées des conditions de travail, des revenus et des statuts dignes du travail qu’elles effectuent ? Force est de constater qu’aujourd’hui, les métiers du lien ont beau être essentiels au bon fonctionnement de notre société, leurs salariées ne disposent pas de statut suffisamment protecteur ou de revenu suffisant.

Les métiers qui font l’objet du présent rapport ont en commun d’être tous très mal rémunérés et de ne pas offrir de vraies progressions salariales. Dans tous ces métiers, l’équilibre entre l’engagement attendu de la salariée et la récompense salariale et sociale de cet engagement est rompu. De nombreuses salariées des métiers du lien gagnent moins que le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) mensuel. Elles ne vivent pas aujourd’hui dignement de leur travail. Ces faibles revenus s’expliquent à la fois par le recours presque systématique au temps partiel, souvent contraint, par le faible salaire horaire (égal au SMIC ou très légèrement supérieur) et par une comptabilisation « au rabais » des heures, ne prenant pas en compte le temps de travail réel.  Dans les métiers du lien étudiés par la mission, ce sont les salariées qui assument quasi-exclusivement les fluctuations des besoins et de la demande :  par exemple, le décès d’une personne âgée, l’entrée d’un enfant à l’école maternelle ou le changement de collège d’un enfant en situation de handicap se traduisent mécaniquement par une perte de salaire pour les salariées concernées.

a.   Les aides à domicile : un salaire moyen qui, selon les branches, peut être inférieur à la moitié du SMIC

Dans le cadre du présent rapport, sont appelées « aides à domicile » toutes les salariées exerçant une fonction d’accompagnement dans les gestes de la vie courante d’une personne fragilisée (dépendante ou en situation de handicap) mais dont l’intervention exclut, en théorie, les soins infirmiers et médicaux.

Le taux de pauvreté est élevé chez les aides à domicile : on compte ainsi 17,5 % de ménages pauvres parmi les intervenants à domicile contre 6,5 % en moyenne pour l’ensemble des salariés ([20]). Quelles que soient la nature de l’employeur et la convention collective dont dépendent les aides à domicile, leur salaire reste extrêmement faible. « Cest un métier quon quitte parce quon narrive pas à en vivre, cest indécent » ont ainsi indiqué plusieurs syndicalistes à la mission.

Les aides à domicile dépendent de trois conventions collectives qui fixent leur rémunération horaire minimale

La nature juridique des organismes de service à la personne peut être publique (centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, notamment) ou privée (associations ou entreprises commerciales).

Selon la nature juridique de leur employeur, les aides à domicile dépendent de la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (celle des associations), de celle des entreprises de proximité ou de celle des salariés du particulier employeur.

Aujourd’hui, presqu’un tiers des aides à domicile travaillent chez des particuliers employeurs, un peu plus de la moitié (54 %) sont salariées du secteur privé et 14 % sont employées du secteur public (1).

(1) « Les métiers de laction sociale », Pôle emploi, décembre 2018

i.   Les aides à domicile travaillant dans des associations

Les aides à domicile travaillant dans des associations sont appelées, en fonction de leurs qualifications, « agents à domicile », « employés à domicile » ou « auxiliaires de vie sociale » par la convention collective nationale de la branche de laide, de laccompagnement, des soins et des services à domicile ([21]) :

 les agents à domicile, qui représentent 41 % des salariées de la branche, sont moins directement concernés par le présent rapport dans la mesure où elles réalisent et aident à l’accomplissement des activités domestiques et administratives simples essentiellement auprès des personnes en capacité d’exercer un contrôle et un suivi de celles-ci et non auprès d’un public fragile ;

– les employées à domicile, qui représentent 21 % des salariées de la branche, assistent et soulagent les personnes qui ne peuvent faire seules les actes ordinaires de la vie courante. Elles sont, soit en cours d’accès au diplôme d’État de technicien de l’intervention sociale et familiale, soit en cours d’accès au diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social (DEAES), soit titulaire d’un des diplômes, certificats ou titres listés dans la convention collective ;

– les auxiliaires de vie sociale, qui représentent 16 % des salariées de la branche, effectuent également un accompagnement social et un soutien auprès des publics fragiles, dans leur vie quotidienne. Elles sont titulaires du DEAES ou du certificat d’aptitude aux fonctions d’aide à domicile (CAFAD) mention complémentaire « aide à domicile ».

La rémunération mensuelle brute moyenne des aides à domicile est de 1 520 euros (€) pour les auxiliaires de vie sociale (98 % du SMIC), de 1 132  pour les employés à domicile (73 % du SMIC) et de 1 145 € pour les agents à domicile (74 % du SMIC). Dans cette branche, les salariés restent entre neuf et treize ans au SMIC.

contrats, durÉe de travaIl et RÉmunération des aides À domicile

Emploi

Pourcentage de salariés à temps partiel

Pourcentage de salariés en contrat à durée indéterminée (CDI)

Rémunération mensuelle brute moyenne

Durée moyenne mensuelle de travail

Auxiliaire de vie sociale

73 % des salariés sont à temps partiel (70 % des salariés en CDI ; 98 % des salariés en CDD)

93 % des salariés sont en CDI.

La durée des contrats à durée déterminée (CDD) est brève (26 % des CDD durent moins d’un mois et 46 % durent entre un et six mois).

Entre 2014 et 2016, on observe une augmentation dun point du recours aux CDD.

1 520 

118 heures (118 heures en CDI et 120 heures en CDD).

Employé à domicile

85 % des salariés sont à temps partiel (83 % des salariés en CDI ; 96 % des salariés en CDD)

85 % des salariés sont en CDI.

La durée des CDD est brève (27 % des CDD durent moins d’un mois et 38 % durent entre un et six mois).

Entre 2014 et 2016, on observe une augmentation dun point du recours aux CDD.

1 132 

104 heures (101 heures en CDI et 112 heures en CDD).

Agent à domicile

88 % des salariés sont à temps partiel (86 % des salariés en CDI ; 96 % des salariés en CDD)

82 % des salariés sont en CDI.

La durée des CDD est brève (18 % des CDD durent moins d’un mois et 50 % durent entre un et six mois).

Entre 2014 et 2016, on observe une augmentation de deux points du recours aux CDD.

1 145 

99 heures (95 heures en CDI et 108 heures en CDD).

Source : Tableau établi par la mission à partir des données du rapport de branche de 2017

Les rémunérations pourraient être prochainement augmentées. L’avenant 43 à la convention collective a en effet été signé par la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et Force ouvrière (FO) en mars dernier et est en cours d’agrément ([22]). Néanmoins, la revalorisation qui pourrait advenir est très décevante pour les métiers daide à domicile. Ce seront les métiers les moins revalorisés : alors que les employées à domicile verront leur salaire augmenter de 62,42 € bruts par mois (+ 6,10 %), les agents de maîtrise, cadres, et cadres supérieurs, seraient quant à eux augmentés entre 24,5 % et 35,5 %([23]).

ii.   Les aides à domicile salariées du particulier employeur

Les aides à domicile travaillant chez un particulier employeur occupent, en fonction de la nature du poste et de leurs qualifications, les emplois d’assistant de vie A, B, C ou D. Les taux de salaire horaire brut sont sensiblement supérieurs au taux horaire brut du SMIC, ce qui ne garantit néanmoins pas que les aides à domicile gagnent un salaire mensuel supérieur à ce dernier. Le rapport sectoriel des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile ([24]) ne donne malheureusement pas d’élément relatif au salaire mensuel moyen ([25]). Pour cela, il faudrait connaître le temps de travail des aides à domicile du particulier employeur. En moyenne, un salarié à domicile (hors garde denfants) travaille 57 heures par trimestre chez un particulier employeur mais il peut être employé par plusieurs particuliers.

La convention collective nationale des salariés du particulier employeur identifie vingt et un « emplois repères » dans la grille de classification à laquelle correspond une grille de salaires minima fixée par voie conventionnelle. Quatre « emplois repères » correspondent à des emplois venant en aide aux personnes fragiles à domicile et ne requérant pas de diplôme dans le secteur du médical. Ces emplois (assistant(e) de vie A au niveau III, assistant(e) de vie B au niveau IV, assistant(e) de vie C au niveau V ou assistant(e) de vie D au niveau VI) se distinguent par les connaissances requises, la technicité, l’autonomie, la résolution des problèmes et la dimension relationnelle.

Minima conventionnels bruts des salariÉs du particulier employeur

Niveau

Salaire horaire brut

Salaire
mensuel brut
(174 heures)

Pourcentage
de majoration
pour certification
de branche

Salaire horaire brut avec
certifications
de branche

Salaire mensuel
brut avec
certifications de branche
(174 heures)

I

10,13

1 762,62

3 %

10,43

1 814,82

II

10,20

1 774,80

3 %

10,51

1 828,74

III

10,40

1 809,60

3 %

10,71

1 863,54

IV

10,60

1 844,40

3 %

10,92

1 900,08

V

10,80

1 879,20

4 %

11,23

1 954,02

VI

11,33

1 971,42

4 %

11,78

2 049,72

VII

11,60

2 018,40

 

 

 

VIII

12,01

2 089,74

 

 

 

IX

12,72

2 213,28

 

 

 

X

13,49

2 347,26

 

 

 

XI

14,37

2 500,38

 

 

 

XII

15,31

2 663,94

 

 

 

Source : Convention nationale collective des salariés du particulier employeur

iii.   Les aides à domicile travaillant dans les entreprises de services à la personne

Les aides à domicile employées par une entreprise de services à la personne occupent, en fonction de la nature du poste et de leurs qualifications, les emplois d’assistante de vie 1, 2 ou 3. Les taux horaires bruts prévus par la convention collective pour les emplois dassistante de vie 1 et 2 (respectivement 10,03  et 10,09 ) étant devenus inférieurs au SMIC horaire brut à la suite de sa revalorisation automatique, cest ce dernier (10,15 ) qui sapplique. Le taux horaire brut est de 10,19 € pour les assistantes de vie 3.

La convention collective nationale des entreprises de services à la personne distingue trois « emplois repères » qui correspondent à des emplois venant en aide aux personnes fragiles à domicile et ne requérant pas de diplôme dans le secteur du médical. Ces emplois (assistant(e) de vie 1, 2 ou 3) se distinguent par les connaissances requises, la technicité, l’autonomie, la résolution des problèmes et la dimension relationnelle. L’emploi d’assistant(e) de vie (1) est accessible sans certification particulière alors que les emplois d’assistant(e) de vie (2) ou (3) sont accessibles à partir d’une certification de niveau V.

La faiblesse des rémunérations est l’élément de démotivation le plus partagé par les salariées de la branche ([26]). Le salaire mensuel moyen brut des assistantes de vie 1 (812 € pour 81 heures) équivaut à 50 % du SMIC, celui des assistantes de vie 2 (1 230 € pour 122 heures) à 80 % du SMIC et celui des assistantes de vie 3 (682  pour 67 heures) à 44 % du SMIC ([27]).

b.   Les assistantes maternelles : un salaire moyen inférieur au SMIC

Les assistantes maternelles peuvent exercer sur des modes très différents. La plupart des assistantes maternelles sont salariées des parents, dans un accord de gré à gré. Un nombre croissant d’assistantes maternelles choisissent la possibilité donnée par la loi de se regrouper à quatre dans un local extérieur à leur domicile, agréé pour l’accueil d’enfants, appelé maison d’assistantes maternelles (MAM) ([28]). Certaines, de moins en moins nombreuses, sont embauchées et salariées d’une structure appelée « crèche familiale ». Elles exercent alors à leur domicile mais doivent participer chaque semaine à des activités collectives au sein de la structure.

Si les assistantes maternelles tendent à être dans une situation moins difficile que d’autres salariées des métiers du lien (elles sont plus souvent en couple ([29]) et vivent dans des logements plus grands), nombreuses sont celles qui doivent néanmoins vivre avec de très faibles revenus. Dans un récent rapport, la Cour des comptes met d’ailleurs en exergue « le caractère plus rémunérateur des indemnités chômage par rapport à la rémunération dassistante maternelle » ([30]).

Un récent baromètre sur la qualité de vie au travail des assistantes maternelles ([31]) montre que la précarité des contrats et le faible niveau des rémunérations sont les deuxième et troisième facteurs de pénibilité au travail les plus importants, après le manque de reconnaissance. Daprès ce baromètre, 58 % des 8 000 assistantes maternelles interrogées ont un revenu mensuel brut inférieur à 1 500 (dont 22 % inférieur à 1 000 €), 26 % ont un revenu compris entre 1 500 et 2 000 € et 16 % ont un revenu supérieur à 2 000 €. Une grande partie du temps partiel ([32]) est subie. Ainsi, 60 % des assistantes maternelles à temps partiel interrogées indiquent qu’elles souhaiteraient travailler davantage.

 

Le salaire mensuel net des assistantes maternelles était, en 2014, de 1 108 €, soit léquivalent de 90 % du SMIC. Les niveaux de salaire mensuel sont relativement plus faibles dans le Nord et le quart nord-est en particulier, ainsi que le centre de la France, par rapport au reste du territoire. Ils sont particulièrement bas dans les communes rurales.

CaptureSalaire des assistantes maternelles en 2014 en fonction des unitÉS urbaines

 

 

 

 

 

 

 

Source : « Les assistantes maternelles ont gagné en moyenne 1 108 euros en juin 2014 », direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), août 2017

Au-delà du montant du salaire qui peut être faible, nombreuses sont les assistantes maternelles qui vivent dans lincertitude. Certaines craignent des chutes brutales de revenu en cas de départ d’un enfant. D’autres redoutent le non‑paiement de leur salaire en temps et en heure, voire, dans les cas les plus conflictuels, le non-paiement des heures dues ou des congés. Les retraites sont également un sujet de grande inquiétude. « Après 46 ans de métier, je gagne seulement 900 euros par mois à la retraite » a ainsi indiqué lors de son audition une membre active de l’association nationale des assistants maternels assistants et accueillants familiaux (ANAMAAF).

c.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap : un salaire mensuel net de 750 euros en moyenne

Comme le prévoit lavant-dernier alinéa de larticle L. 917-1 du code de léducation, toutes les AESH sont des agents contractuels engagés par contrat de droit public. La carrière d’une AESH comporte huit échelons, chacun correspondant à un indice de rémunération. La rémunération mensuelle brute tient compte de lindice de rémunération et de la quotité travaillée. Concrètement, le salaire mensuel brut dune AESH à temps plein, sil nest pas revalorisé, est de 1 523 €, ce qui correspond à un traitement net denviron 1 223 € (très légèrement variable selon la zone dexercice).

Néanmoins, 70 % des AESH ont un contrat dune quotité inférieure à 60 % dun temps plein. En raison de ce temps partiel subi, leurs rémunérations sont extrêmement basses. Le salaire moyen mensuel des AESH est ainsi de 752,50  net ([33]). Les AESH rencontrées sont presque toutes dans lobligation de cumuler des « petits boulots » à côté, notamment de ménage. Aux faibles revenus s’ajoute l’inquiétude de ne pas être payée à temps. Les retards de paiement de salaire étaient particulièrement prégnants à l’autonome 2019 dans certaines académies.

Des salaires qui ne permettent pas de vivre dignement

 

 

 

 

 

 

Lors d’une enquête conduite par le collectif AESH en action, 96,3 % des répondants ont indiqué que leur salaire ne leur permettait pas de vivre dignement.

Source : collectif AESH en action, sondage Facebook réalisé début 2019

Les instructions nationales précisent uniquement que le réexamen de lindice de rémunération de lAESH doit intervenir au moins tous les trois ans. De nombreuses professionnelles déplorent ainsi que le changement dindice au cours de leur carrière, et donc leur évolution salariale, soit laissé au libre arbitre des différentes académies. Selon les collectifs AESH en action et AESH Île-de-France auditionnés par la mission, la progression salariale ne serait que de 179  bruts sur lensemble dune carrière dAESH.

« Moi jai commencé, avec 18 heures par semaine, comme un métier détudiant. Aujourdhui, même en CDI, avec notre salaire, il est impossible dacheter… on ne peut pas avoir de projet. On survit, on paie notre loyer et nos charges mais on na pas envie de continuer. On aimerait un vrai SMIC. »

Propos recueillis lors de l’entretien avec des AESH à Amiens 

d.   Les animatrices périscolaires : des rémunérations généralement inférieures à 580 euros nets par mois

Le métier danimatrice périscolaire est un métier marqué par de très faibles rémunérations. Les chiffres du Gouvernement indiquent que la rémunération mensuelle brute à temps plein (pour 151,67 heures travaillées) d’une animatrice périscolaire est de 1 435 € ([34]). Les animatrices travaillant le plus souvent entre 15 et 20 heures par semaine, leur rémunération brute mensuelle moyenne est généralement comprise entre 567 et 757  (environ 580  net). Cela correspond à la réalité rapportée par les professionnelles rencontrées par la mission. Ces très faibles revenus s’expliquent à la fois par le recours au temps partiel, par le faible salaire horaire et par une comptabilisation « au rabais » des heures.

En fonction de la nature juridique de leur employeur (association ou collectivités), les animatrices et animateurs périscolaires dépendent soit de la convention collective de la branche de l’animation, soit de la fonction publique territoriale. La rémunération horaire brute moyenne pour les salariés du groupe B de la convention collective de l’animation – dont dépendent la majorité des animatrices périscolaires – est de 11,54 euros. Dans la fonction publique territoriale, les animateurs peuvent être recrutés en tant qu’adjoints d’animation de catégorie C (sans concours pour le premier grade mais sur concours pour les grades suivants) ou en tant qu’animateurs territoriaux de catégorie B sur concours. Leur salaire dépend de leur catégorie, de leur grade et de leur échelon.

De fortes hétérogénéités territoriales dans le niveau de rémunération des animatrices périscolaires sont observables. D’après le sociologue Francis Lebon, si dans la région parisienne, les animatrices périscolaires sont majoritairement payées au SMIC, dans de petites communes, le contrat d’engagement éducatif (CEE) est encore parfois utilisé au détriment des salariées. Ce contrat fixe le salaire minimum à un niveau extrêmement bas : 22,33 € brut par jour. L’argument mis en avant par les défenseurs de ce contrat (associations, État, certaines animatrices elles‑mêmes) est qu’il permet à une majorité d’enfants de pouvoir partir en vacances. « La cause des enfants et des vacances est mise en avant pour justifier les faibles rémunérations » a ainsi regretté le sociologue lors de son audition.

2.   Des métiers caractérisés par des temps de travail fractionnés et non reconnus

L’invisibilité des métiers du lien est double : « non seulement ces métiers ne sont pas reconnus mais lensemble du service rendu nest pas non plus reconnu » ([35]). Pour tous les métiers étudiés, le décalage entre la faiblesse du temps de travail rémunéré et lamplitude des journées de travail est, en effet, criant. C’est comme si on considérait, pour un député, que seuls les moments d’intervention en commission ou dans l’hémicycle était du travail. Comme si, pour un journaliste, seul le moment de rédiger l’article était du travail. Dans les métiers du lien, les temps souvent non payés (déplacements, attente entre deux interventions, prestations réalisées sur le temps personnel, auto-formation, temps d’échange et de préparation etc.) expliquent l’importance de l’amplitude de la journée. Les contraintes temporelles sont fortes et la conciliation entre vie professionnelle et vie privée compliquée pour lensemble des salariées des métiers du lien. Pour répondre au mieux aux besoins sociaux des personnes aidées, les horaires effectués par les salariées des métiers étudiés sont en effet très souvent atypiques et demandent une grande disponibilité et flexibilité temporelle (les horaires de travail peuvent changer d’une semaine à l’autre dans la plupart des métiers). Dans lensemble des métiers étudiés, le temps partiel subi limite les rémunérations et maintient les salariées dans une logique de travail dappoint.

a.   Les aides à domicile

Le temps de travail considéré comme effectif et payé ne reflète pas suffisamment le temps de travail réel des salariés. Ce dernier comprend le temps d’intervention mais également les temps de trajet et les temps informels qui peuvent être très divers (échanges entre aides à domicile pour améliorer le suivi des personnes aidées ou appels téléphoniques passés le soir ou le week-end par les aides à domicile aux personnes dont elles s’occupent pour s’assurer que tout va bien). D’après les syndicats du secteur des services à la personne, certains salariés sont considérés comme étant à temps partiel, alors même quils travaillent 53 heures par semaine ! C’est ce décalage entre le temps de travail payé et le temps de travail réel qui fait dire à Emmanuelle Puissant, que « ce nest pas le temps partiel qui est répandu, mais les temps pleins qui ne sont pas reconnus dans le secteur ». Puisque de nombreuses tâches, comme l’aide à la toilette, le lever et le coucher ou les repas, doivent être réalisées dans des plages horaires restreintes, la « journée-type » d’une aide à domicile commence très tôt (parfois vers 6 h 30) et finit tard (les dernières interventions se situent souvent aux alentours de 20 h 00) avec de fortes coupures (le plus souvent le matin entre 10 h 30 et 12 h 00 ou l’après‑midi entre 14 h 00 et 17 h 00).

« Les salariés peuvent effectuer 40 heures semaine, en comptabilisant lamplitude horaire, pour un contrat de 28 heures. La plupart des remontées de terrain nous informent que cest du temps partiel contraint. Jai des exemples tel que : jai un contrat de travail à 105 heures, je reviens dun arrêt maladie, on ne me donne plus que 46 heures par mois . »

Propos recueillis auprès du syndicat FGTA FO

Le temps de travail rémunéré est dautant plus faible que les temps de déplacement ne sont souvent pas indemnisés. Il n’y a aujourd’hui aucune compensation des temps de trajet dans la convention collective des salariés du particulier employeur. Dans les conventions collectives de la branche de l’aide à domicile ou des entreprises de proximité, les temps de trajet entre deux interventions successives sont théoriquement rémunérés. Néanmoins, dans les faits, ces temps ne le sont pas toujours. La convention collective de l’aide à domicile conditionne d’ailleurs explicitement le financement des temps de déplacement au bon vouloir des départements. Elle prévoit ainsi que le fait de considérer comme du travail effectif les temps de déplacement entre deux séquences consécutives de travail (c’est-à-dire espacées de moins de 15 minutes) n’entre « en vigueur quà compter du financement effectif des temps et frais de déplacement par lensemble des financeurs dont lÉtat et les conseils départementaux ». De plus, les salariées ne peuvent pas percevoir d’indemnité de frais kilométriques entre deux prestations si elles sont engagées en mode mandataire ou si elles alternent entre le mode mandataire et le mode prestataire ([36]). Pour Damien Bucco, « ne pas rémunérer correctement les temps de trajet revient à appliquer un système déquivalence ([37]) illicite à laide à domicile ».

Les temps de trajet, quand ils sont rémunérés, ne le sont dailleurs que très faiblement. L’indemnité kilométrique est fixée à 35 centimes par kilomètre dans la convention collective de l’aide à domicile et à 12 centimes dans celle des entreprises.

« Une heure de transport non rémunérée par jour pendant trois ans équivaut à une perte de revenu de 7 000 € pour le salarié. Certains employeurs mettent des coupures très longues dans lemploi du temps des auxiliaires de vie sociale pour pallier la jurisprudence Domidom (1) ».

Propos recueillis lors de l’audition des syndicats du secteur des services à la personne

(1) Dans l’arrêt « Domidom » n° 4459 du 2 septembre 2014, la Cour de cassation a rappelé que le temps de trajet entre deux lieux de travail n’était pas une pause et devait être rémunéré.

Le temps de travail rémunéré contraste avec lamplitude des journées de travail. D’après une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ([38]), la somme des temps d’interventions réalisées en tant qu’aide à domicile pendant une journée est souvent faible : elle est en moyenne d’un peu plus de 5 heures (4 h 09 en emploi direct, contre 5 h 36 en mode prestataire et 5 h 20 en mandataire), mais elle est étalée sur 7 h 13 en moyenne.

Les temps de formation et de réunion rémunérés sont extrêmement peu nombreux. D’après l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) ([39]), le taux de rémunération des heures considérées comme « improductives » varie, en moyenne, de 20 à 25 % seulement des heures rémunérées. Pour rappel, ces heures « improductives » sont les heures d’inter-vacation, les temps de formation, de réunion, les congés payés, les congés de maternité, les arrêts maladie et arrêts de travail mais aussi les heures programmées qui n’ont pu être réalisées (en raison d’un décès ou d’une hospitalisation, par exemple) ou le reliquat des heures non réalisées dans le cadre de la modulation du temps de travail.

 

Christine, ex-responsable de secteur :
« Choisir entre leurs enfants et des mamies à nourrir »

« Ma maman, qui était très dynamique, sest retrouvée avec une sclérose en plaque. Cest à ce moment que jai découvert les services à domicile. Je métais arrêtée de travailler pour moccuper de mes enfants, ça ma intéressée, alors je me suis re-orientée vers ça.

« Je suis devenue responsable de secteur, pour une grosse association chez moi. Là, jai vu des salariées en souffrance. Elles étaient sollicitées le matin, le midi, le soir, toute la journée, alors que cétaient souvent des femmes seules, avec des enfants, et elles étaient absentes du domicile aux moments où ils ont le plus besoin de leur mère. Lamplitude horaire nétait pas respectée, on la dépassait largement. Les filles travaillaient le samedi, six jours sur sept, et même, javais calculé, trente jours sur trente-et-un, 220 heures par mois. Elles navaient pas leur compte de repos. Elles étaient prévenues la veille à 17 h de leurs interventions, elles devaient choisir entre leurs enfants et des mamies à nourrir. Alors, forcément, on les usait, avec énormément dabsences, de turn-over.

« La plus grosse difficulté, cétait de les remplacer, de trouver quelquun. Tous les weekends, cétait la galère. On avait un classeur dédié à ça, avec des noms, mais parfois personne ne répondait. Donc, on faisait appel à une collègue, qui avait déjà travaillé toute la semaine, qui était épuisée, et quon faisait culpabiliser parce quelle laisserait sa mamie toute seule. A tel point que, parfois, jy suis allée moi-même, moccuper de personnes âgées, sans avoir aucune compétence, sans avoir le droit dailleurs, et comme bénévole. Mais je ne pouvais pas laisser ces humains dans leur lit, pas lavés, sans manger…

« Une solution, ça serait une salariée volante, en réserve, mais ce sont des heures dites  improductives ”, et le conseil départemental ne finance pas ça. Cest la clé, dailleurs, le gros souci : les tarifs sont imposés par le département sans concertation, sans rien. Il ny a aucun salarié au conseil dadministration des associations. Les administrateurs, chez moi, cétaient les copains du président, des anciens banquiers, des notables… Mais aucun professionnel.

« Tous ces problèmes de planning, je les ai remontés à ma direction, qui ne pouvait ou ne voulait rien faire. Ensuite, jai envoyé des documents à lInspection du travail. Je my suis rendue. Mais ils nont jamais bougé. Jai fini par me fâcher : Ca fait des années que je vous amène des preuves, des cas, et vous nêtes jamais venus.  Linspectrice ma répondu : Je suis comme vous, il y a du monde au-dessus de moi. Je nai pas lautorisation de fermer une structure de 650 salariées comme la vôtre. Il y a tellement de manquements à la loi et au droit du travail, si jinspecte, cest la fermeture assurée. 

« Cest toute cette histoire qui ma fait mengager dans le syndicalisme. Pour que toutes ces femmes soient reconnues, avec des choses très concrètes : des indemnités kilométriques normales, le temps de trajet domicile travail compté, une seule convention collective... Il faut rendre ces métiers attractifs, mais pas seulement avec des jolis mots et des belles photos : un commercial, il part le matin pour sa journée, on lui paie ses 8 h, même sil reprend sa voiture entre deux, quil souffle un peu. Une AVS, malgré une journée qui commence à 8 h et termine après 18 h, elle nest payée que quelques heures. Aucun autre métier nadmettrait ça. 

« Cest un métier quon quitte parce quon narrive pas à en vivre, cest indécent. »

 

b.   Les assistantes maternelles

D’après le baromètre sur la qualité de vie au travail des assistantes maternelles ([40]), 83 % des assistantes maternelles interrogées travaillent plus de 30 heures par semaine avec une amplitude horaire forte qui peut être portée, sans pause, à 13 heures dans une journée. La journée peut démarrer à 7 h 00 pour accueillir les enfants dont les parents commencent à travailler tôt (les enfants d’infirmiers par exemple) et se prolonger jusqu’à 20 h 00, voire après, pour garder les enfants dont les parents finissent leur journée de travail plus tard. L’hétérogénéité des emplois du temps des parents allonge ainsi parfois considérablement la durée de travail journalière des assistantes maternelles, alors que les horaires aux extrémités des journées sont également les moins bien rémunérés, puisque les assistantes maternelles n’y accueillent qu’une partie des enfants dont elles sont la charge.

De nombreuses assistantes maternelles pointent du doigt le non-respect des horaires par certains parents. 35 % indiquent ne pas être suffisamment informées à l’avance des changements d’horaires (« on me prévient le dimanche soir que mes horaires changent le lendemain »). Certaines assistantes maternelles interrogées soulignent que les parents ont tendance à oublier les horaires convenus ou à s’attarder chez elles pour discuter de sujets sans rapport immédiat avec l’enfant gardé.

Les éventuels temps d’(auto-)formation, de préparation d’activité pour les tout-petits ou d’achats de matériels, ne sont pas rémunérés par les parents employeurs.

c.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

Non seulement les AESH subissent un « temps partiel contraint » mais elles ne sont pas rémunérées pour lensemble de leur travail réel. D’après le collectif AESH-AVS, le nombre moyen d’heures invisibles (c’est-à-dire hors accompagnement physique des élèves) travaillées et non rémunérées chaque mois par les AESH serait de 8,10 heures. Ces heures invisibles (préparation, formation, réunions, etc.) sont, depuis la publication d’une récente circulaire ([41]), mieux comptabilisées. Désormais, le temps de service des AESH est calculé en multipliant la durée de service d’accompagnement hebdomadaire attendue de l’AESH par 41 à 45 semaines (au lieu de 39 auparavant).

Le calcul du temps de travail des AESH

Le temps scolaire est de 36 semaines par an. Les semaines en sus des 36 semaines de temps scolaire permettent de tenir compte des missions que l’AESH effectue en lien avec l’exercice de ses fonctions en dehors du temps scolaire. Cela signifie qu’il reste 5 à 9 semaines de travail « dues » par les AESH (5 semaines si le contrat de travail est de 41 semaines, 9 s’il est de 45) en heures « hors accompagnement ». Ces heures doivent, selon les académies être réalisées chaque semaine (le nombre d’heures hebdomadaires « hors accompagnement » est noté sur le contrat) ou bien globalement sur l’année.

De nombreuses AESH, qui ont limpression de ne pas compter leurs heures, regrettent un comptage parfois « mesquin » de leur temps de travail. Les cinq à neuf semaines « en plus » du temps scolaire constituent « une enveloppe dheures réclamables » souvent non quantifiées dans les contrats. Les missions qui comptent comme heures « hors accompagnement physique » sont précisées par la circulaire : il sagit des « activités préparatoires connexes pendant ou hors la période scolaire » ainsi que des « réunions et formations suivies pendant et hors temps scolaire ». Ces missions gagneraient néanmoins à être définies plus clairement pour éviter les tensions et incompréhensions entre les AESH et les directeurs ou chefs détablissement.

d.   Les animatrices périscolaires

Les emplois danimatrices périscolaires sont structurellement à temps partiel puisque lactivité se concentre sur des temps identifiés (pendant la pause méridienne, après l’école, le mercredi après-midi …) et qui, même cumulés, ne permettent pas de construire des équivalents temps plein. Ainsi, dans la branche de l’animation, 55 % des animatrices sont en temps partiel. D’après le Conseil national des employeurs d’avenir (CNEA) ([42]), ce pourcentage est sûrement plus élevé pour les animatrices périscolaires.

En moyenne, le temps de travail rémunéré des animatrices périscolaires est compris entre 15 et 20 heures par semaine scolaire. Ce temps ne reflète cependant pas l’ensemble du temps de travail des professionnelles. Les heures invisibles sont principalement de quatre ordres : les temps de préparation des activités périscolaires, les temps de convivialité avec les parents notamment (fêtes de l’école par exemple), les temps dauto-formation et enfin le temps nécessaire à la coordination avec les autres professionnels (faire circuler les informations, assister à des réunions, etc.).

Les animateurs et animatrices rencontrés par la mission semblent malheureusement sêtre habitués à cette forme de travail gratuit. « De fait, les animateurs sont sans doute les acteurs du travail éducatif qui effectuent objectivement le plus de travail gratuit (…). Alors même que pour nombre dentre eux, vacataires ou contractuels, les conditions de travail et demploi sont relativement précaires, ils sinscrivent souvent dans une éthique de la vocation qui, en articulant le registre de la profession et celui de lengagement, implique de  ne pas compter ses heures  »([43]). Ces temps invisibles rallongent considérablement les journées des animatrices périscolaires. Elles arrivent souvent avant l’heure d’ouverture des centres de loisirs et partent après l’heure de fermeture.

« Jai fait un projet sur la rénovation avec les enfants. Je leur ai appris à utiliser différents outils (scie, etc.) Pour préparer le projet, jai testé pas mal de choses chez moi. »

« Le moment où on travaille le plus chez nous, cest pour préparer les périodes de vacances scolaires ».

« Jai fait un projet comédie musicale . Quasiment tous les matins, on se retrouvait avec les autres animateurs pour écrire lhistoire. »

Propos recueillis auprès d’animateurs et animatrices de la ville d’Amiens

3.   Des métiers aux conditions de travail très difficiles et qui pâtissent d’un manque de formation continue

Malgré la fierté dexercer leur métier, les salariées auditionnées par la mission ont le sentiment de ne plus pouvoir bien le faire, tant les conditions de travail sont mauvaises. « Certains pensent que lon peut produire des services de qualité dans des conditions de travail extrêmement difficiles mais cela nest pas possible » a rappelé l’économiste Emmanuelle Puissant lors de son audition. Dans l’ensemble des métiers du lien étudié, les conditions de travail sont difficiles, tant sur le plan physique que psychique. Physiquement, il n’est pas indolore de manipuler des personnes âgées ou handicapées dépendantes, de porter des enfants dans ses bras ou de contenir des agitations. Les enjeux humains parfois lourds auxquels sont confrontées les quatre professions, comme les décès, les troubles du comportement ou les problématiques éducatives, contribuent à une charge psychique mal documentée mais non-négligeable. Les salariées des métiers du lien sont relativement isolées, en l’absence de temps collectifs de dialogue et d’échanges avec d’autres professionnelles. Elles se sentent insuffisamment accompagnées par les acteurs institutionnels et trop peu préparées, en amont, à leurs interventions. Cette absence de préparation engendre parfois des situations d’épuisement, voire des maladies professionnelles ou des accidents du travail. Elle est liée au manque de formation continue dans l’ensemble des métiers du lien. La précarité de leur statut crée beaucoup d’incertitudes et d’angoisses qui peuvent les décourager et les conduire à démissionner.

a.   Les aides à domicile

i.   Une forte pénibilité physique et psychique

Les conditions d’exercice du métier d’aide à domicile sont difficiles. Le travail fait de plus en plus l’objet d’une rationalisation, voire d’une taylorisation. L’intervenante est victime d’une pression temporelle. La plupart du temps, la durée de l’intervention qui figure sur son emploi du temps ne correspond pas aux besoins réels des personnes aidées. Dans certains départements, elle est encore de quinze minutes ! Surtout, cette durée ne permet pas toujours aux aides à domicile de créer un vrai lien avec la personne aidée, puisqu’elles doivent se concentrer sur les tâches purement matérielles afin de finir leur intervention à temps.

« Avant, on avait le temps de discuter un peu, on avait le temps de faire prendre lair à la personne pendant cinq minutes. Ça sest dégradé au niveau des heures : jai commencé javais une heure pour faire lintervention ; maintenant, les auxiliaires de vie ont 30 minutes pour faire la même chose. Il y a quelquefois un chantage affectif des personnes aidées qui souhaiteraient quon passe encore plus de temps auprès delles. »

« On a parfois limpression de bousculer les personnes âgées et de faire de la maltraitance. »

Témoignages recueillis auprès d’aides à domicile exerçant à Amiens

Le Gouvernement a même demandé aux aides à domicile, pendant la crise sanitaire que nous venons de traverser, de réduire les temps dintervention, ce qui a pu donner lieu à des situations plus que surréalistes (et ce d’autant plus que les salariées ne disposaient pas suffisamment de dispositifs de prévention comme les masques).

« Sur la préparation et la prise du repas, la fiche gouvernementale spéciale Covid-19 préconise de réduire les temps dintervention. Comment faire, pouvez-vous donner une explication plus claire ? »

« Effectivement, comment réduire ce temps dintervention puisque les temps de repas sont déjà de 30 minutes maximum, pour la préparation, la prise de repas de la personne ou la faire manger, et faire la vaisselle. Ce temps nest pas suffisant dans une activité ordinaire alors comment la réduire en suivant les recommandations de la fiche technique ? La seule solution serait-elle de nourrir les usagers par du gavage à la seringue ! »

Courrier envoyé au Gouvernement par le syndicat départemental « aide et maintien à domicile 62 » et transmis à vos rapporteurs

Les conditions dexercice (postures, rythmes de travail…) sont très compliquées et se traduisent par un grand nombre daccidents du travail et de maladies professionnelles. Dans le secteur de l’aide et des services à la personne, les accidents du travail sont trois fois plus fréquents que la moyenne, avec un indice de 94,6 accidents du travail pour 1 000 salariés. En dix ans, la sinistralité de ce secteur a augmenté de 45 % ([44]). La sinistralité dans les secteurs des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de l’aide et du soin à domicile dépasse d’un tiers celle du secteur du bâtiment et travaux publics (BTP). Le socio-juriste du travail Damien Bucco, auditionné par la mission, a mis en évidence l’existence d’un fort déni des risques professionnels de la part des employeurs du secteur de l’aide à domicile et dans une moindre mesure, de la part des salariées. Les employeurs, notamment les particuliers, refusent souvent l’idée que l’obligation d’évaluation des risques professionnels puisse s’étendre jusqu’au domicile des bénéficiaires. Les inspecteurs et contrôleurs du travail ne peuvent d’ailleurs pénétrer dans un domicile privé qu’après avoir reçu l’autorisation des personnes qui les occupent.

Les accidents du travail sexpliquent également par le fait que les employeurs ne sassurent pas suffisamment que leurs salariées sont bien préparées pour leurs interventions.

« Jai commencé en janvier 2006. Mon premier contrat, cétait daider une personne alitée : il fallait la lever, lui faire la toilette, lui préparer le petit-déjeuner et tout ça sans formation. On arrive sans savoir ce que les gens ont comme problème. Quand on arrive au domicile et que cest un couple, lun deux peut nous donner des renseignements. Sinon, cest plus difficile même si pour celui qui est débrouillard, ça va. »

Témoignage recueilli auprès d’aides à domicile exerçant à Amiens

Les aides à domicile nont bien souvent pas accès aux formations continues qui leur permettraient dexercer au mieux leur métier et de réduire la pénibilité physique. Cela est d’autant plus regrettable qu’elles n’ont bien souvent pas de formation initiale dans le domaine des services à la personne (38 % des aides à domicile recrutées depuis moins de sept ans ont au plus un brevet des collèges ([45])). Le manque de formation continue illustre bien l’absence totale de reconnaissance de la technicité et de la spécificité du métier.

À la pénibilité physique sajoutent les souffrances psychiques. Les motifs d’appels passés par les aides à domicile à la plateforme d’accompagnement psychologique Pros‑consulte ([46]) sont, à ce titre, révélateurs :

– selon les statistiques recueillies par la plateforme, le premier motif dappel reste, comme pour les autres métiers, un motif personnel (environ 30 % des appels) ;

le deuxième motif tient à lépuisement des salariées ;

– le troisième motif dappel porte sur les injures (souvent à caractère raciste), les incivilités et les agressions (pouvant aller jusquà des tentatives de viol) dont sont victimes les aides à domicile. Ces dernières peuvent rarement se tourner vers leur employeur pour demander de l’aide : soit celui-ci est lui-même la personne responsable de ces agressions (dans le cas des particuliers employeurs), soit l’employeur a tendance à « mettre sous le tapis certains problèmes ». « Cest un vieux monsieur, il voit peu souvent des femmes, il faut le comprendre » s’entendent dire un grand nombre d’aides à domicile victimes d’agressions ([47]).

le quatrième motif dappel est celui du deuil et du traumatisme lié au décès de la personne aidée, devenue une proche de l’aide à domicile (« je la considérais comme une grandmère »). Rien n’est aujourd’hui prévu pour permettre à l’AVS d’aller à l’enterrement de la personne aidée : « jai dû poser des congés pour pouvoir me rendre à lenterrement, ce qui a été très apprécié par la famille » ([48]).

« Nous avons une fierté de prendre en charge une profession aussi sinistrée. On joue un peu un rôle de SAMU… Avec laide à domicile, on se croirait dans du Zola. On a découvert le métier en 2015, on est tombé de larmoire. »

Audition de Jean-Pierre Camard, président de Pros-consulte

Parmi les pathologies déclarées par les salariés de la branche de l’aide à domicile, une prédominance des troubles physiques peut être constatée. Les troubles musculo-squelettiques représentent 42 % des pathologies déclarées, les troubles dorsaux lombalgiques 43 % et les risques psycho-sociaux 9 %.  

Les mauvaises conditions de travail (rémunération, horaires, pénibilité, temps de travail) expliquent à 89 % le fort taux de turn-over dans les métiers daide à domicile. La « mauvaise orientation » des candidats ne représente que 11 % des motifs de turnover.

Capture4Motifs de turn-over dans la branche de l’aide à domicile

 

 

 

 

 

 

 

Source : Édition 2017 du rapport de la branche de laide, de laccompagnement, des soins et des services à domicile

Ce fort taux de turn-over peut grandement compliquer la gestion du personnel et nuire aux relations avec les personnes aidées.

« Quand jétais responsable de secteur, la plus grosse difficulté, cétait de trouver quelquun, trouver des gens pour faire le travail. À tel point que je suis allée quelques fois moccuper de personnes âgées durant les week-ends, sans avoir aucune compétence, sans avoir le droit, mais je ne pouvais pas laisser les personnes dans leur lit, pas lavées, sans manger ».

Rencontre avec une syndicaliste au salon des services la personne et de l’emploi à domicile

« On a écœuré celles qui avaient une appétence pour le métier. Les services daide à domicile sont gérés comme une petite industrie. Parfois, mes camarades voient 60 auxiliaires de vie sociale dans un seul mois ! Ce turn-over complique tout. On sépuise à expliquer 35 fois la même chose et donc cela peut aller très vite au « clash »Ça mest arrivé de faire pleurer des auxiliaires de vie sociale. Quand vous êtes maltraitée, vous êtes sur la défensive et cela ne se passe pas bien ! »

Audition d’Odile Maurin, présidente de l’association Handi-Social

ii.   Des conditions de travail qui diffèrent en fonction du mode d’intervention

Les trois modes d’intervention dans l’aide à domicile

Le mode d’intervention renvoie à la relation qu’entretiennent le service et l’usager qui en bénéficie. Trois cas peuvent être distingués :

– le mode prestataire, selon lequel l’organisme de service à la personne est l’employeur de l’intervenant, le bénéficiaire étant seulement usager du service ;

– le mode mandataire, selon lequel le bénéficiaire est l’employeur de l’intervenant, mais bénéficie de l’appui juridique et comptable de l’organisme de service à la personne ;

– le mode de gré à gré (ou particulier employeur), selon lequel le bénéficiaire est seul employeur du service sans intervention de tiers.

La plupart des acteurs auditionnés considèrent que le régime salarial intermédié (en mode prestataire) est beaucoup plus protecteur que le mode mandataire ou lemploi direct. Aujourd’hui, presque un tiers des aides à domicile travaillent chez des particuliers employeurs. Or le Code du travail exclut en effet les salariés du particulier employeur d’un certain nombre de droits ([49]). De plus, la convention collective des salariés du particulier employeur, si elle a permis d’améliorer sensiblement les conditions de travail (mise en place d’un fonds de prévoyance, adoption d’un système de retraite complémentaire, etc.), semble, sur de nombreux points, moins bien garantir les droits des salariés que les deux autres conventions collectives. Elle engendrerait même une forme d’harmonisation, par le bas, de ces droits. « La convention collective du particulier employeur a pu avoir un effet de dumping sur la convention collective des entreprises » a expliqué l’universitaire spécialisée en sciences politiques, Clémence Ledoux, lors de son audition.

Le régime demploi des salariés du particulier employeur est très dérogatoire au droit du travail. Le temps plein est fixé non pas à 35 heures mais à 40 heures par semaine. La convention collective ne comporte pas d’indication d’amplitude horaire quotidienne maximale, ne prévoit pas de temps de pause, adopte une définition restrictive du travail de nuit (entre 22 h 00 et 6 h 00 du matin et non 7 h 00 comme dans les autres conventions), ne définit pas ce qu’est le temps de travail « effectif » contrairement aux autres conventions, ne prend pas en compte l’ancienneté des salariés dans les grilles de salaire, prévoit des temps de présence responsable (c’est-à-dire des temps où l’employé est sur le lieu de travail, se tenant prêt à intervenir si nécessaire, mais disposant de son temps pour ses propres activités) rémunérés à deux tiers du salaire horaire voire à un sixième la nuit. L’accès des salariés du particulier employeur à la médecine du travail est lacunaire. Un accord-cadre « santé au travail » a été signé le 24 novembre 2016 mais n’est pas encore pleinement effectif ([50]). À noter néanmoins que la pénibilité et le risque d’épuisement professionnel ne semblent pas plus importants qu’en mode prestataire ([51]).

b.   Les assistantes maternelles

i.   De l’auto-entreprenariat déguisé souvent source de pénibilité

Outre le faible niveau des salaires, la brièveté des contrats et lamplitude horaire, les pénibilités physiques rendent lexercice de ce métier particulièrement difficile. Comme l’a d’ailleurs rappelé l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) lors de son audition : « les assistantes maternelles portent des charges toute la journée, cest considéré comme du travail naturel, alors que pour les dockers qui portent des charges, cest considéré comme de la pénibilité ! ».

Les pénibilités sont également mentales. Le relatif isolement des assistantes maternelles est souvent très mal vécu, surtout s’il n’existe pas de relais assistantes maternelles (RAM) à proximité. Les formalités administratives dont doivent s’occuper les assistantes maternelles sont une charge supplémentaire qui peut venir compliquer les relations avec les parents-employeurs : pour la sociologue Geneviève Cresson, auditionnée par la mission, « les assistantes maternelles se retrouvent à faire un vrai travail administratif demployeur, ce qui revient à de lautoentreprenariat déguisé ! ».

Linterpénétration du travail au domicile et de la vie privée peut être très difficile à vivre. Certains conjoints ne « supportent pas » les contraintes liées à l’activité de leur compagne. « Des couples sont brisés parfois. Cela est très peu connu des candidates qui considèrent, au contraire, que le métier facilitera la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle » a indiqué la sociologue Marie Cartier lors de son audition. Lactivité dassistante maternelle est, en réalité, subordonnée à lautorisation du conjoint. Un changement de conjoint, notamment lorsque cela engendre un déménagement dans un logement de plus petite surface, peut donc totalement remettre en cause lactivité.

Les pénibilités physiques et mentales sont dautant plus prégnantes que les assistantes maternelles ont très peu accès aux formations continues qui leur permettraient pourtant daméliorer leur qualité de vie au travail.

Marie, Assistante maternelle, Picquigny : « C’est compliqué d’en vivre »

« Avant, jétais dans le commerce, ça a fermé, alors jai fait employée de maison. Des amis mont demandé de garder leurs enfants, cest comme ça que jai obtenu mon agrément. Jai commencé par hasard, et maintenant, jadore mon métier. Mais cest compliqué den vivre, cest précaire. ça va sil y a un salaire dhomme à côté. Mais moi, je me suis séparée…

Cétait le stress. Je vivais la peur au ventre, ça été affreux, trop dincertitude. Heureusement, jai pu garder mon domicile : quand on change de maison, lagrément nest plus valable. Avec la séparation, je nétais pas bien pour recevoir les enfants. Mais des parents très très chouettes sont restés, et je men suis sortie avec le soutien moral de ma collègue. Elle passait tous les jours, voir sil y avait à manger. Sinon, cest horrible. Je connais une assistante maternelle, elle sest séparée de son mari. Elle avait une grande résidence, un agrément pour quatre. Elle est partie sur Amiens dans une petite maison en location. Elle a appelé la PMI qui a suspendu son agrément. Elle a refait une demande, a reçu un agrément pour deux enfants. Mais en partant à dix kilomètres, elle a perdu trois contrats sur quatre, le quatrième, elle la gardé en faisant des allers retours au travail de la maman le matin et le soir.

Moi aussi, presque du jour au lendemain, jai perdu trois enfants, trois gros contrats, 1 500 euros. À cause du déménagement des parents, dune petite qui est rentrée à lécole en septembre. Et Pôle Emploi ne versait que 500 euros pour mes trois contrats perdus, je suis tombée à 700 euros. Heureusement quil y a les découverts ! A Pôle Emploi, cest jamais les mêmes interlocuteurs. Ils mont demandé les photocopies de tout, des contrats, des fiches de paie, des certificats de travail, des attestations. Lenveloppe ne rentrait pas dans leur boite aux lettres. À laccueil, ils mont dit : Cest quoi tout ça ? Mais cest vous qui me lavez demandé.  Tout ça pour toucher 500 euros…

Cest difficile, les fiches de paie. Parce quen théorie, ce sont les parents les employeurs. En théorie. Mais ils ne connaissent rien, bien souvent, à leurs obligations. Ils me demandent :  Combien je dois ? Tu me diras.  Et cest nous qui remplissons, des fois… Il faudrait que ça passe par un organisme. »

ii.   Un manque d’accompagnement de la part des institutions

De nombreuses assistantes maternelles indiquent être insuffisamment accompagnées par les institutions. Elles se considèrent trop peu informées des évolutions actuelles ou à venir dans leur secteur, ce qu’elles tentent de compenser par une adhésion à des associations, des syndicats ou des réseaux en ligne.

Ce manque dinformation et daccompagnement par les institutions sest fait durement ressentir pendant la crise sanitaire que nous venons de traverser. Dans une lettre ouverte au Gouvernement rédigée le 1er avril dernier, l’Institut petite enfance ([52]) pointait du doigt le manque d’interlocuteurs au sein des services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements ainsi que l’absence totale d’équipements de protection (alors même que ceux-ci commençaient à parvenir aux travailleurs dits « de deuxième ligne »). À noter que les responsables de PMI ont répondu à cette lettre en regrettant une carence de moyens et l’impossibilité de bien assurer leur mission. Pour l’Institut petite enfance, ce manque d’accompagnement « a joué un rôle important dans la décision dun certain nombre dassistantes maternelles de démissionner alors même que cette profession répondait à un véritable choix de carrière » ([53]).

« Cette absence de communication a été augmentée pendant cette période (de crise sanitaire). Sur certains départements, on assiste à une absence daccompagnement des services de PMI qui, faute de moyens humains aussi, nétaient presque plus présents déjà avant cette crise, auprès des assistants maternels. Mais on observe également une absence dharmonisation des consignes nationales dans les départements. En effet alors que le Gouvernement précise des consignes (les assistants maternels doivent continuer à exercer, accueils pouvant aller jusquà 8 enfants), les services de PMI sur les différents départements préconisent aux assistants maternels de ne pas exercer du tout pour se protéger. ».

Courrier transmis par Sandra Onysko pour l’union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (Ufnafaam) à vos rapporteurs pendant la crise sanitaire

c.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

i.   Un statut précaire

De nombreuses AESH ne sont pas titulaires de contrats à durée indéterminée (CDI) mais de contrats à durée déterminée (CDD). Selon les chiffres du Gouvernement, notre pays comptait, pour l’année scolaire 2018‑2019, 71 175 AESH, dont 56 634 en CDD.

Des progrès peuvent être notés. Depuis le vote de la loi pour une école de la confiance ([54]), les AESH bénéficient d’un CDD de trois ans renouvelable une fois (et non plus d’un contrat d’une durée maximale de trois ans, renouvelable dans la limite maximale de six ans). Lorsque l’État conclut un nouveau contrat avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d’AESH, le contrat est à durée indéterminée. Malgré ce progrès notable, lenchaînement de deux CDD de trois ans pour pouvoir prétendre à un CDI sapparente à une période dessai durant laquelle les AESH sont fragilisées et parfois soumises à de fortes pressions de la part de leur hiérarchie.

ii.   Une absence de préparation au poste

Les AESH sont, de manière générale, insuffisamment formées à leurs missions. Une formation de soixante heures d’adaptation à l’emploi est prévue pour les AESH non titulaires d’un diplôme professionnel dans le domaine de l’aide à la personne. Cette formation doit avoir lieu au plus tard avant la fin du premier trimestre, si possible avant même la prise de fonction. D’après les AESH rencontrées, cette formation initiale intervient souvent trop tard et s’apparente « davantage à de l’information qu’à de la formation ». Les AESH rencontrées ont toutes souligné le rôle essentiel de lauto-formation, notamment grâce aux réseaux sociaux.  « On découvre des façons de faire qui sont super, on pique les idées » ont-elles indiqué à vos rapporteurs, insistant également sur le fait que ces échanges de bonnes pratiques en ligne entre AESH leur permettaient de se sentir beaucoup moins isolées.

« Je suis entrée en 2006 en contrat aidé. La formation initiale de 60 heures nest intervenue quen 2011 car jallais obtenir un CDD. La formation était insuffisante : pour savoir ce quétait la dyslexie, on ma juste fait faire une dictée à lenvers !

Je nai pas eu une seule journée de formation entre 2011 et 2019 mais je suis allée sur internet pour me former et jai acheté des bouquins. Jai ensuite décidé de me payer une formation sur lautisme haut-potentiel par une intervenante en libéral. Le coût de la formation était de 350 euros car jai bénéficié dune remise, la formation coûtant initialement 500 euros. La formation a duré un mois mais jai mis six mois à la financer. Cela valait le coup : cette formation a été hyper constructive ! (…)

Je nai pas utilisé mon compte personnel de formation (CPF) car une de mes collègues a demandé une formation depuis trois ans à travers le CPF et ne la toujours pas obtenue  »

Propos recueillis lors d’une rencontre avec un collectif d’AESH

Alors que les académies doivent normalement veiller à ladéquation entre les compétences ou le parcours des AESH et les postes à pourvoir, il semble que cela soit très peu le cas en pratique. De plus, les AESH ne peuvent pas prévoir en amont l’organisation de leur travail. Une fois leur contrat signé, elles sont affectées (très peu de temps avant la rentrée) auprès d’un ou plusieurs élèves dont elles ignorent alors tout puisque les notifications n’indiquent que la modalité de l’accompagnement (individuel ou mutualisé ([55])). En raison du secret médical qui leur est opposé, les AESH ne connaissent pas précisément le handicap de l’enfant qu’elles auront à accompagner.

iii.   De nombreuses situations d’épuisement

Les AESH se disent épuisées par leur métier. Cet épuisement peut être physique, notamment lorsque les infrastructures ne sont pas adaptées au handicap de l’enfant (absence d’ascenseur, de rampe d’accès, cour en pente, toilettes de taille insuffisante pour les enfants en fauteuil roulant, etc.). Il peut également être psychique. Ainsi, les troubles prononcés du comportement de certains enfants peuvent être subis par les AESH si elles n’y sont pas suffisamment formées.

iv.   Des relations parfois compliquées avec le corps enseignant

Les AESH déplorent souvent être marginalisées et isolées par les professeurs présents dans lécole où elles interviennent. De manière concrète, les AESH sont souvent exclues des salles des professeurs. Selon un sondage ([56]) réalisé par le collectif AESH en action, le manque de reconnaissance de la part des enseignants, de la hiérarchie et de l’employeur apparaît comme le deuxième principal motif de démission des AESH après les faibles salaires. Les AESH ne se sentent que très rarement faire partie de la « communauté éducative » que le Gouvernement appelle de ses vœux. Certaines vont jusqu’à parler de « mépris » de la part des enseignants.

De bonnes relations entre AESH et enseignants sont néanmoins possibles. Elles améliorent sensiblement les conditions de travail des professionnels et facilitent l’inclusion de l’élève en situation de handicap.

« On a un sentiment de reconnaissance des parents et des enseignants. Lenseignante avec laquelle je travaille est formidable et tous les jours, quand je pars, elle me remercie. Cest une bouffée doxygène. Au moins, eux, ils nous reconnaissent ; ce qui nest pas le cas au-dessus. »

Propos recueillis auprès des AESH de la ville d’Amiens

d.   Les animatrices périscolaires

i.   Une absence de continuité dans les contrats qui pèse durement sur les projets personnels

Les animatrices périscolaires travaillent sous plusieurs statuts qui leur donnent accès à des droits et à une sécurité de l’emploi variable. Les associations et les collectivités territoriales sont les principaux employeurs. Les collectivités locales recrutent des animateurs et animatrices soit directement, soit au travers de structures telles que les centres communaux d’action sociale (CCAS) ou les caisses des écoles. Selon le CNEA, deux tiers des animatrices périscolaires dépendraient de la convention collective de l’animation ([57]).

Employées par les collectivités territoriales, les animatrices ont soit le statut de fonctionnaire territorial (recrutement sur concours), soit le statut de contractuel. Daprès le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), environ 31 % des personnels de la filière animation sont des agents contractuels, soit plus encore que dans les filières culturelles, sportives et médico-sociales. Or les contractuels sont particulièrement concernés par des temps de travail non complets et par des situations de multi-employeurs. Selon une enquête ([58]), 45 % des animatrices non titulaires pensent qu’il y a un risque pour elles d’être licenciées dans les deux années après leur embauche. Les animatrices peuvent être recrutées en tant qu’« adjoints d’animation » de catégorie C (sans concours pour le premier grade mais sur concours pour les grades suivants) ou en tant qu’« animateurs territoriaux » de catégorie B sur concours. D’après le CSFPT, la filière animation compte plus de 85 % des agents en catégorie C, dont 81 % au premier grade. Or, la catégorie C est marquée par des conditions de travail particulièrement difficiles (temps de travail fractionné, amplitudes horaires fortes) et des rémunérations notoirement insuffisantes. Enfin, de nombreuses animatrices périscolaires sont également employées comme vacataires, au statut extrêmement précaire. Ce dernier n’offre ni droit aux congés payés, ni droit à la formation, ni à aucun complément de rémunération (supplément familial de traitement, indemnité de résidence).

Si dans la branche de l’animation, un grand nombre d’animatrices sont titulaires d’un CDI intermittent ([59]), force est de constater que le recours aux contrats à durée déterminée nest pas rare (environ 24 % des salariés de la branche de lanimation). Certaines animatrices sont même parfois recrutées sous contrat d’engagement éducatif (CEE) ([60]).

Labsence de continuité dans les contrats empêche un certain nombre danimatrices de concrétiser leurs projets personnels. Les animateurs et animatrices rencontrés ont fait part de leurs difficultés à accéder au crédit bancaire, certains indiquant s’être vus refuser un crédit à la consommation pour l’achat d’une nouvelle machine à laver. Une des animatrices a même précisé s’interdire d’avoir des enfants, malgré son désir d’en avoir, faute d’avoir une situation suffisamment stable.

ii.   Une pénibilité significative

Les animatrices sont amenées à travailler dans un contexte anxiogène lié à la précarité de leur métier, avec des emplois du temps fluctuants, lesquels ont parfois un impact sur leur vie familiale. Elles font souvent état d’une fatigue générale associée à une charge cognitive élevée et à un manque de moyens mis à leur disposition pour leur permettre de bien faire leur travail. Selon le CNEA, « leurs conditions de travail et létat de leur santé peuvent ainsi être critiques dautant que les visites médicales dembauche ne sont pas systématiques. De nombreux animateurs à temps partiel, même employés de façon récurrente, nont jamais vu un médecin du travail ([61]) ».

iii.   Un métier en pleine évolution mais une formation largement insuffisante

Les animatrices rencontrées ont toutes indiqué que leur métier connaissait actuellement des changements importants. Ainsi, par exemple, elles doivent de plus en plus fréquemment assurer lencadrement denfants en situation de handicap. Pour autant, elles ne disposent d’aucune formation leur permettant de les prendre en charge.

La formation continue semble en effet quasiment inexistante. Les animatrices adoptent donc des stratégies d’autoformation à partir des ressources qu’elles parviennent à trouver sur internet : « Google est le meilleur ami de lanimateur » a ainsi indiqué ironiquement l’une d’entre elles.

« Tous les jours, je me lève avec la boule au ventre dans lattente de savoir si mon contrat va être renouvelé, cest frustrant. Les vacataires sont intégrés à des projets annuels sachant que du jour au lendemain, ils peuvent ne pas être renouvelés. »

« Ce qui est compliqué, cest davoir des congés ; on a deux jours de congé mais cest très dur de les prendre… »

« Jai voulu passer le brevet daptitude aux fonctions de directeur daccueil collectif de mineurs (BAFD) : ça ma été refusé quand jétais vacataire mais même quand je suis devenue contractuelle…On est là avec plein de motivation et denvie mais on est freiné à chaque fois. »

« Avec mon compagnon, on sinterdit pour linstant davoir des enfants, même si ça fait longtemps quon est ensemble ; on attend que jaie une situation plus stable… »

Propos recueillis auprès d’animateurs et animatrices périscolaires exerçant dans la ville d’Amiens

4.   Des métiers qui souffrent d’une absence manifeste de reconnaissance sociale

Malgré le fait que ces métiers sont essentiels au bon fonctionnement de notre société et appelés à se développer, ils sont très peu reconnus socialement. Comment expliquer l’absence de reconnaissance de ceux qui, pourtant, « tiennent à bout de bras la charpente de lÉtat social et contribuent à la reproduction de la société » ([62]) ?

a.   La tolérance de la société à la précarité des métiers du lien

La société est extrêmement tolérante à la précarité des salariés des métiers du lien. Ce sont en effet des métiers majoritairement exercés par des femmes, identifiés comme proches de la sphère domestique et comme étant des métiers d’appoint très peu techniques. Les compétences qui y sont déployées sont vues comme un prolongement des compétences naturelles. « La technicité des emplois (…) est difficile à appréhender pour les métiers où le relationnel est important ; on a tendance à nier la composante technique de ces pratiques et à les reléguer dans le champ du comportement personnel, du purement informel, voire du naturel » ([63]).

Labsence de valorisation des métiers du lien tient aussi au contexte économique et politique actuel. Nous traversons une période de forte précarisation des emplois et de chômage élevé qui empêche l’amélioration des conditions d’exercice de ces métiers. « Tant quil y aura un grand nombre de personnes prêtes à travailler pour un salaire aussi faible (notamment des femmes ou des personnes issues de limmigration), ces métiers ne seront pas davantage valorisés » a rappelé l’économiste François-Xavier Devetter lors de son audition par la mission. Dans ces conditions, la main invisible de l’économie de marché ne peut seule permettre à revaloriser les métiers du lien. Des politiques volontaristes sont nécessaires.

Linvisibilité des métiers du lien est également due aux difficultés, pour les salariés, de faire entendre leurs revendications. Dans ces métiers, les espaces collectifs sont peu nombreux, ce qui engendre une moins bonne connaissance des droits par les travailleurs et une moindre capacité à les faire valoir. De plus, comme l’a bien indiqué le journaliste Pierre Rimbert lors de son audition, « il est très difficile dorganiser des luttes et des grèves dans ces métiers, il nest pas envisageable darrêter de nourrir une personne en situation de dépendance de la même manière que lon peut arrêter un train ! ».

Plus largement, vos rapporteurs considèrent que la dévalorisation des métiers du lien est le reflet du regard contemporain porté sur les plus fragiles et de la faible valeur accordée aux liens en règle générale.

i.   Les aides à domicile

Le manque de reconnaissance des aides à domicile ([64]) sexplique principalement par le fait que ce métier est exercé, en très grande majorité, par des femmes. 95 % des aides à domicile récemment recrutées (depuis moins de sept ans) sont des femmes ([65]). En clair, « cest parce que ce sont des femmes que lon accepte que ces travailleuses soient moins payées » ([66]). L’invisibilité du métier est donc directement engendrée par les inégalités de genre. Aujourd’hui, il est encore malheureusement socialement admis que les femmes ne sont pas supposées avoir besoin d’une activité professionnelle à part entière. Quant au temps partiel, il reste souvent perçu comme un « avantage » dont bénéficieraient les femmes, leur permettant de concilier « leurs » charges familiales et leur activité professionnelle.

De plus, les compétences requises pour exercer en tant quaide à domicile sont souvent présentées comme découlant du « savoirêtre » des femmes. Ces compétences ne sont donc ni objectivées, ni reconnues socialement. Par exemple, l’engagement subjectif – à savoir l’implication personnelle et notamment affective – des aides à domicile, qui est un élément fondamental de la qualité du service, est perçu comme « naturel » car les femmes sont vues comme étant plus empathiques envers les personnes fragiles que les hommes. Pour la sociologue Annie Dussuet, « on peut considérer que cet engagement subjectif correspond à une ̏exploitation ̋ (du travail subjectif est réalisé mais non payé) de genre ». Ces compétences considérées comme « naturelles » sont pourtant bien loin de lêtre ! Le travail des aides à domicile et celui réalisé gratuitement dans la sphère familiale, sont extrêmement différents : « les aides à domicile interviewées expliquent combien la formation quelles ont reçue leur est indispensable pour bien faire leur travail, justement parce quelles ne sont pas des proches et quelles doivent donc appliquer des règles de type professionnel à la fois pour remplir leur mission de maintien de lautonomie des personnes aidées, et pour préserver leur propre santé au travail » ([67]).

Le manque de reconnaissance des aides à domicile tient également au lieu de travail qui est lespace privé intime de la personne aidée. « Le domicile, on sen fout » ont regretté de nombreuses personnes auditionnées par la mission. Pour la philosophe Geneviève Fraisse, la nature des tâches effectuées par les aides à domicile, qui touchent à l’intimité des personnes aidées, est également un facteur d’invisibilisation du métier : « lintimité cest le sale et le sale ne se montre pas » a-t-elle indiqué lors de son audition.

Certes, le travail des aides à domicile a été rendu quelque peu visible pendant la crise sanitaire du coronavirus. Néanmoins, beaucoup de salariées ne se sont pas senties concernées par les applaudissements qui résonnaient tous les soirs à 20 heures. Le fait que les aides à domicile pourraient ne pas toucher la prime exceptionnelle annoncée par l’État, contrairement au personnel de santé, est assez révélateur du manque de reconnaissance sociale de cette profession.

« Lorsque lon applaudit on ne parle que du personnel soignant hospitalier. Mais nous, que sommes-nous ? Rien, comme toujours. »

« On voit limportance de notre métier. Pour autant malgré un timide frémissement de reconnaissance, nous sommes toujours un peu laissés pour compte. À quand une valorisation de notre fonction ? »

Enquête « L’impact du Covid-19 sur le métier d’auxiliaire de vie » réalisée par l’entreprise Alenvi

Malheureusement, même quand elles ont la chance de voir leur travail reconnu, les aides à domicile restent perçues comme des « femmes dévouées dispensant des bienfaits et non des productrices de richesses » ([68]) alors qu’elles souhaiteraient que soit reconnue la vraie valeur, pour la société, de leur métier.

ii.   Les assistantes maternelles

Comme pour les aides à domicile, la non-reconnaissance du métier tient au fait quil est exercé majoritairement par des femmes, la plupart du temps dans un domicile (le leur cette fois-ci) privé. 99 % des assistantes maternelles, gardes d’enfants et auxiliaires de petite enfance sont des femmes ([69]). Les compétences requises pour exercer le métier d’assistante maternelle sont également présentées comme « naturelles », ce qui place les salariées dans une forme de tension permanente : « on leur dit de capitaliser sur leur expérience de  maman  mais de ne pas traiter les enfants quelles gardent de la même manière quelles traiteraient leurs propres enfants. Cest extrêmement complexe pour elle » ([70]). De nombreuses assistantes maternelles exercent à leur propre domicile ([71]). Cette situation contribue à la dévalorisation de leur métier : travailler chez soi est encore vu par beaucoup comme un indice de moindre professionnalisme.

Le manque de reconnaissance du métier tient également à son histoire. L’assistante maternelle d’aujourd’hui est l’héritière de la nourrice d’hier, laquelle a pu être pointée du doigt pour sa vénalité, le manque d’hygiène de son logement, voire, dans certains cas, sa malveillance. Aujourd’hui encore, alors que le métier d’assistante maternelle n’a plus rien à voir avec celui exercé autrefois par les nourrices, les médias ne communiquent sur le métier que lors de situations dramatiques : « on ne parle du métier que lorsquil y a un accident, que quelque chose se passe mal » ont ainsi regretté les assistantes maternelles rencontrées par vos rapporteurs au relais assistantes maternelles (RAM) de Dieppe.

iii.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

Les accompagnantes denfant en situation de handicap sont les « invisibles de léducation nationale ». Plus de 95 % des AESH sont des femmes ([72]). De nombreuses AESH rencontrées par vos rapporteurs estiment que leur travail n’est pas reconnu comme un métier au sein de l’éducation nationale mais uniquement comme une simple « fonction ». Les AESH sont relativement invisibilisées dans les statistiques publiques : une récente commission d’enquête ([73]) rapporte ainsi l’incapacité du ministère de l’éducation nationale à fournir des informations sur le nombre d’AESH, sur la durée de leurs contrats et sur leurs revenus moyens. Certaines AESH vont jusqu’à regretter « un mépris général des institutions » ([74]). Elles sont en effet peu reconnues par les services des rectorats, quelles ne rencontrent jamais et qui font parfois pression sur elles pour les empêcher dexprimer leurs revendications. Ainsi, le rectorat de l’académie d’Amiens a organisé un rendez‑vous avec les AESH de l’école Marivaux quelques jours avant leur audition par la mission, dans l’espoir sans doute d’orienter leur prise de parole. C’était la première fois que les AESH concernées rencontraient leur inspecteur académique.

« Lundi, le rectorat nous a dit quon était reconnu intégralement : vous nêtes plus invisibles, vous nêtes plus toutes seules. Vous faites partie intégrante du corps enseignant . Pourquoi attendre la veille dun entretien avec vous, députés, pour nous dire cela ? Cela fait un moment que lon se bat. »

AESH rencontrées à l’école Marivaux d’Amiens

Pour vos rapporteurs, le manque de reconnaissance du métier dAESH peut sexpliquer par labsence de légitimité du handicap à lécole. Selon la sociologue Suzy Bossard auditionnée par la mission, la politique d’inclusion scolaire des enfants handicapés ne s’est développée qu’à partir de la seconde moitié des années 1970 avec la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées ([75]), dont l’application n’a été que très progressive. Elle s’est poursuivie avec la loi pour l’égalité des droits et des chances de 2005 ([76]), instituant l’obligation pour toute école d’accepter l’inscription d’un enfant handicapé. Malgré ces évolutions, vos rapporteurs souscrivent à la conviction de Suzy Bossard selon laquelle « la politique dinclusion scolaire na pas été pensée jusquau bout ». L’État n’alloue pas suffisamment de moyens pour faciliter l’inclusion des enfants handicapés dans le système éducatif. Le rapport de la commission d’enquête rapportée par le député Sébastien Jumel ([77]) illustre bien la difficulté d’adapter les problématiques du handicap à l’école. Il relève par exemple que 23 % des enseignants intervenant auprès d’élèves à besoins éducatifs particuliers n’ont reçu aucune formation portant sur ces handicaps. La difficulté de lécole à sadapter aux besoins spécifiques du handicap rend difficile la reconnaissance du travail des AESH.

Labsence de reconnaissance du métier sexplique également par le fait quil a toujours été porté par des politiques publiques visant à créer massivement de lemploi et à répondre dans lurgence au besoin daccompagnement, au détriment des conditions de travail. De 2004 à 2015, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a doublé, passant de 133 800 à 279 000. 45,8 % d’entre eux bénéficiaient, en 2016, d’un accompagnement humain ([78]). La forte augmentation du nombre d’accompagnantes s’est faite sans réflexion sur la qualité des emplois créés et a contribué à la précarisation du métier.

Labsence de reconnaissance des AESH transparaît particulièrement lorsquil leur est demandé de réaliser des tâches qui ne relèvent pas de leurs missions (réalisation des photocopies de l’administration ou des enseignants, surveillance d’examens ou de couloirs, etc.). Vos rapporteurs rappellent que cette pratique n’est pas légale, les AESH ne devant pas se voir confier par les services académiques, par les écoles ou les établissements des tâches ne figurant pas dans les textes qui leur sont applicables.

Nathalie, Accompagnante d’enfant en situation de handicap

« Je m’accrochais à un boulot qui n’a pas d’avenir »

« Jai commencé il y a dix ans, en Contrat Unique dInsertion. Cest Pole emploi qui ma orientée vers le rectorat. Quand je me suis retrouvée devant le jury, je ne savais même pas pour quel emploi je postulais, que cétait pour faire auxiliaire de vie scolaire [précédent intitulé du poste d’accompagnante d’élèves en situation de handicap]. Cest là que jai découvert. Comme jai toujours voulu bosser avec des enfants, ça tombait bien. Mais jai construit mon poste, il ny avait personne pour me guider, personne pour me conseiller. Je me suis formée toute seule, par des sites Internet, par mon cursus  psycho”, cétait un travail énorme. Javais besoin de livres, mais le CDI na pas voulu les acheter, je les ai payés de ma poche. Jai construit des outils pour tous les  dys , pour les différentes formes dautisme. Je travaillais sur le temps du midi, le soir, je rentrais à 19 h, je rencontrais lorthophoniste de lhôpital sud.

« Francois Ruffin : Qui vous suiviez, comme élèves ?

« Mon premier enfant, javais 18 h daccompagnement avec lui, ça nétait déjà pas énorme. Il était Asperger, sa mère pleurait tout le temps. Il est allé Hôpital Psychiatrique avant le collège. Je commençais dans le dur : il fallait éviter que le prof se fasse trucider avec un couteau… »

« Vous avez fait quoi ?

« Jai parlé, jai échangé avec lui. Tout le monde voulait léjecter, même les profs. Il était dans sa bulle, il faisait des mouvements, il ne savait pas se moucher. Je lui ai appris à se moucher ! Du fait de son handicap, il partait très vite dans les tours, très sensible. On a progressé, cest beau à voir. Déjà, après, il ne voulait plus tuer les profs. Au final, il a passé son brevet. Aujourdhui, il est allé en fac dhistoire, il a obtenu son diplôme. Javais un autre élève, un hyperactif, pas méchant, je ne lavais que 12 h. On ma dit  cest pas un trouble envahissant du comportement”, ils ont changé les termes, comme ça la MDPH donne moins dheures. Moi, je le suivais à fond, jen parlais tout le temps, je bossais beaucoup pour lui à la maison. Cest un défi. Et à côté de lui, javais six élèves en mutualisés”. Le collège a augmenté mon contrat, ils se sont battus pour, car ils voyaient que je bossais bien. Jai réussi à prendre en compte lenvironnement entier, à construire mon boulot avec les profs.

« Mais sans reconnaissance du rectorat, du métier. Dabord, pour des enseignants, lAVS, ils lenvoient faire des photocopies, comme une assistante… Mais au-dessus, le rectorat sen fout. Quand on te dit mutualiser les élèves, pour moi, ça veut dire travail baclé ». Tout ce qui les intéresse, cest dassurer une présence, quils puissent dire tel élève est accompagné”, pour les statistiques. Les méthodes que tu inventes, les trucs que tu trouves, ils sen fichent. Ta formation, ils sen fichent. Du moment quils peuvent cocher il est suivi .

« Parce quil y a ça aussi, le salaire. Jétais à 900, avec 350e de loyer, sans la CAF car je travaillais. ça fait juste. Je ne mange pas, juste une fois par jour.

« ça pendant des années, et on ne te propose rien. À 37 ans, maintenant, avec aucune perspective, cest dur. À côté de mes 900e, je fais des boulots dans lanimation, jaidais les retraités pour lordi, des trucs au black. Fallait tenir. Et malgré ça, je maccrochais à un boulot qui na pas davenir. Jai eu de la chance encore, jai pu obtenir un PC, une petite salle, et 30 h. Je suis une privilégiée. Mais je voyais plus davenir. Jen ai marre. (Elle pleure.) Je ne voulais pas le signer, le CDI… Je ne voulais pas menfermer làdedans, dans la pauvreté, parce quun CDI à 900 €... On mavait prévenue : Votre CDD sarrête, et si vous ne signez pas, cest comme une démission . Aujourdhui, jai peur de lavenir. ...

« À cause du boulot ?

« Oui, oui, de mon engagement dans tout ça, et de labsence davenir. De ne pas être reconnue. De vivre mal, que ça paraisse normal que ce métier, utile, vraiment utile, tu sois dans la galère, sous le seuil de pauvreté… Du coup, jai changé, pour toucher 1 200 €, cest mieux. Alors que jaimais ce métier, je me sentais exister avec les enfants. Mais pour quel avenir ? Aucun.

« LAVS qui ma suivie, jaurais voulu la former, ce nétait pas possible, le rectorat na pas voulu. On ma répondu : Y a pas dargent.  Cest horrible. Jai accumulé dix années de pratiques, de savoirs, et on ne me laisse pas une journée pour transmettre !

« Vous avez craqué pour des raisons financières ou par manque de reconnaissance ?

« Les deux, les deux vont ensemble. Cest un sous-salaire pour un sous-métier. Mais avec la reconnaissance, jaurais peut-être mieux surmonté… À la fin, je nétais plus vraiment là, je le sentais. Lécœurement…

Le faible niveau de formation des autres AVS, ça vous dérangeait ?

« Non, car elles pourraient être formées. Elles veulent, elles sont de bonne volonté.

« La chose étrange, dans votre récit, c’est que la dépression vous saisit au moment du CDI…

« Quand on ma proposé le CDI, je me suis dit : Y a pas de perspective, intellectuelle et financière, y a pas de métier organisé, lavenir des enfants est négligé, ça ne changera jamais . Les trois dernières années, je nai fait que pleurer. À partir du moment où jai signé mon CDI, jai signé un pacte avec le diable. »

iv.   Les animatrices périscolaires

Il sagit également dun métier très majoritairement exercé par des femmes. 69 % des animateurs socio-culturels sont des femmes ([79]). Il n’existe malheureusement pas de statistique nationale portant sur les caractéristiques sociodémographiques des animateurs périscolaires. Il est probable que le pourcentage de femmes soit encore plus élevé dans le périscolaire comme le montrent certaines monographies.

Labsence de reconnaissance du métier sexplique en partie par le fait que lespace de lanimation est encore pensé comme un espace militant, jeune et « de transition ». Or, la réalité est très différente. Comme l’a bien indiqué le sociologue Francis Lebon lors de son audition, l’animation périscolaire est un espace ouvert tant à des personnes pour qui l’animation est un métier à temps plein et la seule base de leur revenu qu’à des personnes qui sont « de passage » (notamment des étudiants qui travaillent surtout le mercredi et pendant les vacances scolaires). Alors que dans les communes les plus aisées, les animatrices sont plus souvent des étudiantes que des professionnelles, on constate l’inverse dans les communes les moins aisées.

Labsence de reconnaissance des animatrices périscolaires tient également au manque de valorisation du temps périscolaire en lui-même. Ce dernier n’est en effet pas reconnu pour ce qu’il devrait être, à savoir un temps d’émancipation de l’enfant. Il reste considéré comme moins important que celui passé par les enfants pendant la classe. Le terme même de « périscolaire », qui place ce temps à la périphérie du temps scolaire, voire le terme de « garderie » illustrent cette dévalorisation. Cela s’explique par l’approche française de l’éducation qui est essentiellement centrée sur l’école, ce que le chercheur Dominique Glasman nomme si bien « l’envahissement du scolaire » ([80]). Il est pourtant essentiel d’articuler les apprentissages explicites à l’école et les apprentissages implicites en dehors de l’école. Pour vos rapporteurs, le temps périscolaire doit être l’occasion de découverte d’activités, de pratiques, de modalités de fonctionnement auxquelles souvent ni l’école, ni la famille ne donnent accès ([81]).

Labsence de valorisation du temps périscolaire engendre parfois de fortes tensions entre enseignants et animateurs : les premiers revendiquent la maîtrise de compétences qui feraient, selon eux, défaut aux animateurs. « Les enseignants se sentent remis en cause par le  nouveau visage des classes populaires  représenté par les animateurs périscolaires qui empiètent sur leur territoire professionnel » ([82]).

Si le métier danimatrice périscolaire est si peu valorisé aujourdhui, cest aussi parce que sa reconnaissance paraît socialement peu légitime face à celle du bien-être de lenfant ([83]). Ainsi, par exemple, les différentes réformes sur les temps périscolaires ont été débattues dans les champs politique et médiatique mais uniquement au regard de leurs conséquences sur les enfants et non pas au regard de leurs répercussions sur les conditions de travail des différents professionnels de l’animation.

Ce manque de reconnaissance est douloureusement vécu par celles qui exercent ces métiers alors même qu’elles éprouvent souvent une vraie fierté dans leur travail.

b.   Une fierté des salariées à exercer des métiers aussi essentiels qui contraste avec le manque de reconnaissance institutionnel  

Les salariées rencontrées ont largement mis en avant leur fierté d’exercer des métiers aussi utiles. Cette fierté est parfois renforcée par la reconnaissance que leur donnent les familles, laquelle ne pallie néanmoins pas le manque total de reconnaissance des institutions. Les salariées vivent ce manque de considération institutionnel comme une vraie déchirure : elles sont conscientes de leur utilité sociale sans pour autant voir leur situation professionnelle évoluer et pouvoir dignement vivre de leur métier.

Les aides à domicile rencontrées attachent une grande importance au fait de pouvoir passer du temps avec les personnes dépendantes qu’elles appellent rarement des « clients » mais plutôt « mes petits vieux » (car il y a le mot « vie » dans vieux) ou « ma grand‑mère / mon grand-père de cœur ». Elles apprécient permettre le maintien à domicile des personnes qu’elles aident et leur donner de la joie. Les aides à domicile rencontrées par vos rapporteurs ont indiqué être parfois appelées « mon rayon de soleil » par les personnes auxquelles elles viennent en aide.

Les assistantes maternelles considèrent également que leur métier a beaucoup de sens. Sur les réseaux sociaux, elles font parfois part de leur attachement à ce métier : « jaime ce métier car je partage avec lenfant les moments démerveillement, de contemplation, de jubilation, de fantaisie improvisée avec lui. (…) jaime me remettre en cause dans mes façons de faire et titiller mon imagination pour proposer de nouveaux moments déveil suivant le stade de développement de lenfant » ([84]).

Les AESH rencontrées racontent toutes leur satisfaction de voir l’enfant qu’elles accompagnent progresser au fil du temps et se sentent particulièrement utiles : « quand on voit le progrès de lenfant tout au long de lannée, cela nous fait un bien fou. À la fin de lannée, il tenait son crayon, il parlait avec dautres » ([85]). Elles valorisent aussi le fait de pouvoir permettre aux enfants handicapés d’être en classe comme les autres.

Les animatrices périscolaires tirent également une fierté de leur travail, particulièrement des projets qu’elles construisent avec les enfants. Celles rencontrées par la mission ont toutes indiqué que leur métier était une vraie source de satisfaction, permettant aux enfants d’évoluer, de dépasser leur timidité et de gagner en confiance en soi. Des liens forts entre enfants et animatrices se développent et se maintiennent dans la durée. L’un des animateurs rencontrés par la mission a ainsi évoqué son plaisir à revoir aujourd’hui, adultes, des enfants qu’il avait encadrés. À la question « quelle est votre plus grande réussite ? », il a spontanément répondu : « cest de voir lenfant, le soir, partir avec le sourire ».

C.   Des politiques publiques qui n’ont, pour l’instant, pas su être à la hauteur des enjeux de revalorisation des métiers du lien

Jusqu’à présent, les politiques publiques mises en place n’ont pas permis d’offrir de vrais statuts et de vrais revenus aux salariés des métiers du lien. Pire ! Certaines politiques ont pu contribuer à déstructurer ces métiers. Cela tient à l’invisibilité des métiers du lien et aux difficultés, pour les professionnels, de se faire entendre et reconnaître par les gouvernements successifs.

1.   Les aides à domicile

Les aides à domicile sont les héritières des religieuses, qui, au XIXème siècle, rendaient un grand nombre de services aux familles pauvres dont la mère était absente ([86]). Les premières associations daide à domicile aux personnes âgées en perte dautonomie ont été créées au début du XXe siècle sur le mode du bénévolat et se sont développées après la seconde guerre mondiale. Lencouragement des pouvoirs publics au maintien à domicile des personnes âgées – préconisé par le rapport Laroque ([87]) de 1962 – et le vieillissement de la population ont eu pour conséquence le développement rapide du métier daide à domicile. Les associations ont peu à peu créé, dans les années 1970 et 1980, un cadre plus structuré pour les salariées, à travers lélaboration de conventions collectives ([88]). La branche des salariés du particulier employeur s’est, elle aussi, progressivement construite, la première convention collective nationale étendue des employés de maison ayant été signée en 1980. Il a néanmoins fallu attendre un arrêté du 30 novembre 1988 pour voir apparaître la première certification professionnelle, le certificat daptitude aux fonctions daide à domicile (CAFAD).

a.   L’âge d’or de 2002 : les débuts de structuration du métier

De nombreuses personnes auditionnées ont qualifié d« âge » dor, pour le secteur de laide à domicile, le début des années 2000, et particulièrement lannée 2002. Cette année-là, plusieurs évolutions concomitantes ont permis d’améliorer la reconnaissance des aides à domicile. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico‑sociale ([89]) a permis de valoriser les services d’aide à domicile en les incluant dans la catégorie des établissements sociaux et médico-sociaux. Le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS) a succédé en 2002 au CAFAD et a été ouvert aux personnes n’ayant jamais travaillé ainsi qu’à la validation des acquis de l’expérience. L’accord de la branche de l’aide à domicile du 29 mars 2002 a, lui, revalorisé les salaires de 24 %. L’aide personnalisée à l’autonomie (APA) a également été créée en 2002, permettant aux personnes âgées de solliciter plus facilement les services d’aide à domicile.

Lors de cette période, l’enjeu central est celui de la prise en charge des personnes dépendantes par un service de qualité.

b.   Le recul du plan dit « Borloo » en 2005

Cet âge d’or n’a malheureusement pas pu durer longtemps… Qualifiée de « vaste loi de dérégulation », la loi dite « Borloo » de 2005 ([90]) a abouti à un recul de la reconnaissance des métiers daide à domicile. Elle visait prioritairement à développer un gisement d’emplois et à faciliter l’insertion des entreprises privées dans le secteur des services à la personne ([91]). Lobjectif du plan Borloo était simple : créer 500 000 emplois en trois ans. Pour ce faire, le coût des services à domicile a été réduit, à travers la création de nouvelles réductions fiscales et exonérations de cotisations sociales : taux de TVA à 5,5 %, réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile et exonération de cotisations patronales de sécurité sociale (plafonnée au SMIC) pour les salariés d’associations ou d’entreprises agréées. Le plan Borloo visait également à faciliter lentrée des entreprises sur le marché ([92]) en leur donnant un droit doption entre la procédure dagrément et la procédure dautorisation (cf. infra).

Les procédures permettant à un organisme de services à la personne d’exercer

Il existe trois régimes juridiques :

lagrément, délivré par le préfet de département ;

lautorisation, délivrée par le président du conseil départemental ;

la déclaration, procédure facultative dans son principe mais qui s’impose dans les faits car elle ouvre droit à divers avantages sociaux et fiscaux.

Le plan Borloo a créé un droit doption permettant aux organismes prestataires de choisir leur régime : autorisation délivrée par les conseils généraux ou agrément accordé par les unités territoriales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).

À noter : depuis la loi  2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à ladaptation de la société au vieillissement (dite « loi ASV »), ce droit doption a disparu. Toutes les activités d’aide et d’accompagnement à domicile qui sont exercées en mode prestataire auprès de publics vulnérables (personnes âgées, personnes handicapées ou atteintes de maladies chroniques et familles fragiles) relèvent du régime de l’autorisation. Quant au régime de l’agrément, il recouvre les activités de garde d’enfants de moins de trois ans et leur accompagnement en dehors du domicile, quel que soit leur mode d’intervention (prestataire ou mandataire), ainsi que les activités d’assistance à domicile aux personnes âgées et aux personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques réalisées en mode mandataire. Enfin, les activités de services à la personne qui ne sont pas exercées auprès d’un public fragile relèvent de la déclaration.

La logique choisie est celle du marché, construit non plus sur la base des besoins sociaux et collectifs de personnes auxquels il faut répondre, mais sur la base de demandes individuelles de clients qu’il faut satisfaire. Le plan vise uniquement à tirer parti dun potentiel gisement demplois, notamment pour faire baisser le taux de chômage, sans sinterroger sur la qualité des emplois créés.

Si le plan a échoué à créer les emplois tant espérés par ses concepteurs ([93]), il a réussi à faire entrer les entreprises sur le marché des services à la personne. Leur nombre est passé de 710 en 2005 à 4 653 en 2007 ([94]). La convention collective de branche des entreprises de services à la personne a été signée en 2012. En 2018, 21 700 entreprises privées exercent une activité de services à la personne (soit 78 % des organismes). Ce nombre est en hausse d’année en année, notamment en raison du développement des micro‑entrepreneurs. L’arrivée des entreprises a forcé les acteurs existants, dont les associations, à adopter des stratégies concurrentielles qui ont pu nuire à la qualité des emplois dans le secteur. Il ne sagit pas ici de pointer du doigt les entreprises de services à la personne mais bien de regretter que la concurrence tarifaire, cest-à-dire la loi du marché, se soit imposée comme seul mode de régulation.

Le plan Borloo peut être considéré comme un véritable recul dans la mesure où il a contribué à rompre nettement le mouvement de structuration du métier d’aide à domicile initié en 2002.

c.   Les échecs des politiques d’exemptions fiscales et sociales

Dans un contexte de ralentissement des dépenses publiques et avec pour objectif de lutter contre le chômage, les gouvernements successifs ont tous opté pour lincitation fiscale à lembauche daides à domicile.

Selon la Cour des comptes ([95]), le coût des exonérations fiscales et sociales s’élevait, en 2012, à 6,05 milliards deuros (Md€).

Les principaux dispositifs d’exonérations sociales et fiscales

le crédit dimpôt prévu à l’article 199 sexdecies du code général des impôts. Il est égal à 50 % des dépenses effectivement supportées pour le recours à un service d’aide à domicile, retenues dans une limite annuelle de 12 000 euros, éventuellement majorée ;

lexonération et labattement de charges patronales prévus à l’article L. 241-10 du Code de la sécurité sociale. Les exonérations ne portent que sur les cotisations patronales versées au titre des assurances sociales et des allocations familiales et ne s’appliquent pas aux cotisations d’accident du travail ;

les exonérations prévues pour les aides versées par lemployeur à ses salariés pour le financement de services à la personne. Ces aides ne sont pas soumises aux cotisations sociales, dans la limite d’un plafond annuel de 1 830 € par bénéficiaire et les entreprises bénéficient d’un crédit d’impôt de 25 % des aides versées. L’aide n’est pas imposable au titre de l’impôt sur le revenu, dans la limite de 1 830 euros par an et par bénéficiaire ;

la réduction du taux de TVA (laquelle ne concerne néanmoins pas lemploi direct) prévue à larticle 279 du code général des impôts. La taxe est perçue au taux de 5,5 % en ce qui concerne lassistance dans les actes quotidiens de la vie aux personnes âgées et personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques ;

lexonération de TVA prévue à l’article 261 du code général des impôts qui, depuis le 30 décembre 2018, ne concerne plus que les prestations de services réalisées par les associations exclusivement liées aux gestes essentiels de la vie quotidienne des personnes handicapées, des personnes âgées dépendantes qui sont dans l’incapacité de les accomplir et des enfants de moins de 3 ans ainsi que les mineurs et majeurs de moins de 21 ans relevant de l’aide sociale à l’enfance.

Ces exemptions ont permis de sortir de la clandestinité de nombreux travailleurs et ont donc contribué à améliorer sensiblement leurs conditions de travail. Néanmoins, les universitaires Clément Carbonnier et Nathalie Morel, auditionnés par la mission, ont fait part à vos rapporteurs d’un relatif consensus au sein de la communauté de chercheurs : ces politiques dexemptions fiscales et sociales sont aujourdhui doublement inutiles. D’une part elles ne contribuent pas à créer des emplois (inutilité économique), d’autre part, elles ont des effets anti‑redistributifs importants (inutilité sociale). D’après de nombreux acteurs auditionnés, la persistance de ce système inefficace et producteur dinjustice sexpliquerait par un lobbying de la fédération des particuliers employeurs (FEPEM).

i.   Une inutilité économique

Pour Clément Carbonnier et Nathalie Morel, le constat est sans appel : « le nombre demplois créés attribuables au crédit dimpôt est faible, pour un coût public par équivalent temps plein créé très largement supérieur à ce que serait le coût budgétaire dun financement direct de ces nouveaux emplois » ([96]). Les chercheurs s’appuient sur les variations successives du taux de plafond du crédit d’impôt pour mettre en lumière les effets de ce dispositif sur l’emploi. À titre d’exemple, la hausse de plafond introduite en 2003 (passage de 6 900 à 10 000 €) a uniquement permis la création de 553 nouveaux emplois pour un coût moyen de 159 494 € par emploi.

ii.   Une inutilité sociale

Les exemptions profitent principalement aux ménages aisés : en 2012, la moitié la plus modeste de la population a bénéficié de 6,6 % du total des dépenses fiscales alors que le décile le plus aisé a bénéficié de plus de 43,5 %([97]). Ces effets viennent surcompenser la progressivité des aides perçues par les personnes en situation de dépendance, notamment l’APA et la prestation de compensation du handicap (PCH). « Lexistence de deux systèmes parallèles, lun pour les pauvres, lautre pour les riches doit être remise en question » a ainsi indiqué Clément Carbonnier lors de son audition.

iii.   Faut-il maintenir ces exemptions ?

Face au constat de l’inutilité des exemptions fiscales et sociales se pose la question de l’opportunité de les maintenir. Pour Clément Carbonnier comme pour François-Xavier Devetter, il serait pertinent de supprimer les aides fiscales aux services de « confort » (par exemple les travaux de jardinage, de bricolage, d’assistance informatique, de livraison de repas ou de linge repassé à domicile) pour augmenter, à due concurrence, les dotations aux services venant en aide aux personnes fragiles. Cela permettrait de valoriser les salaires des aides à domicile. À l’inverse, un certain nombre acteurs auditionnés se sont prononcés contre la suppression des aides fiscales aux services de « confort », estimant que certains services qui apparaissent à première vue comme des services non vitaux peuvent parfois permettre un maintien plus long des personnes aidées à leur domicile en jouant un rôle de prévention. De plus, la suppression de ces aides fiscales risquerait de faire basculer une grande partie des salariées vers le travail non déclaré.

d.   Une précarité accentuée par la décentralisation

Si l’accompagnement des personnes fragiles par l’action publique est dessiné au niveau national, sa mise en œuvre repose sur les conseils départementaux. Ces derniers interviennent à deux niveaux : ils financent la demande d’aide qui s’adresse aux professionnels et ils régulent les professionnels eux-mêmes.

i.   Les conseils départementaux financent la demande d’aide (APA, PCH)

Lallocation personnalisée dautonomie (APA) est une aide versée par le département dans le cadre du maintien à domicile. Y est éligible toute personne âgée de plus de 60 ans et en situation d’incapacités (groupe GIR 1 à 4) ([98]). Cette allocation repose sur l’élaboration d’un plan d’aide, c’est-à-dire la détermination d’un ensemble de tâches à même de garantir l’autonomie du bénéficiaire. Le montant de l’APA est égal au montant du plan d’aide effectivement utilisé par le bénéficiaire, diminué d’une participation éventuelle laissée à sa charge et calculée en fonction de ses ressources selon un barème fixé au niveau national.

Il revient au conseil départemental d’envoyer une équipe médico-sociale au domicile du demandeur pour évaluer son niveau de dépendance et le nombre d’heures d’aide dont il a besoin pour accomplir les activités de sa vie quotidienne. La valeur monétaire du plan d’aide ne doit pas excéder un plafond fixé nationalement pour chaque GIR et réévalué chaque année. Pour pouvoir être comparées au plafond légal, exprimé en euros, les heures du plan d’aide sont converties en un montant monétaire, grâce à un tarif de valorisation fixé par le département. Ce tarif de valorisation fait lobjet de fortes disparités entre les départements. Il existe différents modes de détermination du tarif de valorisation. Certains conseils départementaux décident d’utiliser le tarif facturé par le prestataire choisi par le bénéficiaire pour valoriser les heures du plan d’aide. D’autres valorisent les heures du plan d’aide par un tarif fictif, identique pour tous les bénéficiaires.

La prestation de compensation du handicap (PCH), versée par le département aux personnes en situation de handicap, comprend cinq formes d’aides (humaine, technique, aménagement du logement, transport, aide spécifique ou exceptionnelle, animalière). Pour le recours à un service prestataire, le taux de prise en charge est de 80 % ou 100 % (selon les revenus), dans la limite de 17,77 € par heure ou dans la limite du montant fixé entre le service prestataire et le département.

ii.   Les départements régulent l’offre de services à la personne

Pour chaque structure autorisée, les conseils départementaux sont amenés à fixer le prix qui sera facturé aux usagers du service. Le cadre national prévoit ainsi que le conseil départemental arrête, pour chaque organisme de services à la personne, un tarif horaire qui corresponde à un coût de revient théorique calculé à partir des budgets prévisionnels de l’organisme. Les structures non autorisées mais agréées ([99]) déterminent, pour leur part, librement leurs tarifs, puisque seule l’évolution des tarifs est encadrée par arrêté.

Dans la mesure où la demande est financée publiquement (APA ou PCH), souvent sur la base de prix des structures, certains conseils départementaux peuvent avoir tendance à tirer vers le bas le tarif horaire des structures autorisées de manière à verser moins dAPA et de PCH. Les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) dans lesquels travaillent les aides à domicile sont donc aujourd’hui en grande majorité « sous-tarifés ». La dotation qu’ils reçoivent des conseils départementaux ne suffit pas pour couvrir l’ensemble de leurs dépenses. Une étude de 2016 ([100]) montre que le coût de revient des services est d’environ 24 € par heure. Or, le tarif moyen des SAAD tarifés est aujourd’hui de 21,67 € par heure.

Le décalage entre ce que le département est prêt à payer pour une heure daide à domicile, dans le cadre du dispositif de lAPA ou de la PCH, et le coût réel des services a plusieurs conséquences négatives. D’une part, les services d’aide à domicile sont contraints de compresser leurs coûts, ce qui se répercute sur les salaires de leurs employés et sur la qualité de leurs prestations. D’autre part, les bénéficiaires se retrouvent avec un reste à charge élevé.

Dun département à lautre, les différences dans les niveaux des tarifs sont conséquentes : pour un bénéficiaire s’adressant à la plus grosse structure de son département, le tarif de l’heure d’aide peut varier de 17,10 €/h à 30,29 €/h pour une tâche semblable ([101]). Des tarifs élevés permettent aux structures de considérablement améliorer les conditions de travail de leurs salariées et daugmenter leurs salaires ([102]).

« Le département dIlle-et-Vilaine est très volontariste. Les tarifs 2020 dAssia Réseau UNA autorisés par le département sont entre 27 et 28 euros de lheure pour les bénéficiaires de lAPA et de la PCH ! De manière très claire, cest sûr que si lon était comme certains collègues à un tarif de 20 ou 21 euros de lheure, on aurait moins de marge de manœuvre pour améliorer les conditions de travail. Jai des collègues à Marseille qui avaient très peu de salariés diplômés et qui fonctionnaient avec des contrats aidés car financièrement, leur tarification par le département ne leur permettait pas de supporter davantage de coûts. »

Audition de Ronald Lozachmeur, directeur général d’Assia Réseau UNA

Vos rapporteurs déplorent les mauvaises pratiques mises en évidence lors des auditions. Certains départements demandent aux structures d’aide à domicile de réduire leur nombre de salariés qualifiés de manière à contracter leur masse salariale et donc leurs tarifs horaires. Certains départements font également parfois pression sur les structures d’aide à domicile pour les inciter à opter pour le mode mandataire, moins coûteux que le mode prestataire, mais source d’une plus grande précarité pour les salariés. D’après les auditions menées par vos rapporteurs, environ 60 % des départements ne financeraient pas les déplacements des aides à domicile entre deux interventions, tel que le prévoit pourtant l’avenant n° 36/2017 pour la branche de l’aide à domicile. « Il est impossible pour les associations daller au contentieux car les conseils départementaux menacent alors de fermer le robinet » ont regretté les associations de services à la personne auditionnées.

Ces mauvaises pratiques ainsi que les faibles tarifs ou les courtes durées dintervention décidés par les départements sexpliquent avant tout par un manque de ressources des conseils départementaux. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) verse aux conseils départementaux une partie de ses ressources pour contribuer à financer l’APA et la PCH. Or, si les dépenses des départements se sont fortement accrues ces dernières années, les concours de la CNSA n’ont pas suivi la même évolution, comme le montrent les deux graphiques ci-après.

Évolution des dÉpenses de PCH et du concours CNSA versÉ aux dÉpartements

Capture6

Source : CNSA

Évolution des dÉpenses d’APA et des concours CNSA versÉs aux dÉpartements

Capture7

Source : CNSA

La logique initiale s’est donc inversée : au lieu de fixer les tarifs pour tenir compte des coûts réels des structures, les coûts de ces dernières, notamment les salaires des aides à domicile, ont été peu à peu ajustés en fonction des niveaux de tarification. Pour Emmanuelle Puissant, « cela revient à adapter le droit du travail aux contraintes financières du département ».

2.   Les assistantes maternelles

a.   Une amélioration, sur le papier, des conditions de travail depuis la fin des années 1970

Le statut des assistantes maternelles résulte dune loi de 1977 ([103]) qui a inscrit l’activité d’assistante maternelle dans le droit salarial commun et soumis l’accès à la profession à l’obtention préalable d’un agrément accordé par le président du conseil général. « Le statut vise alors surtout à reconnaître la fonction sociale que les assistantes maternelles remplissent plutôt que leur professionnalisation » ([104]).

Dans les années 1990, une action publique de solvabilisation de la demande des parents a été menée. La loi du 6 juillet 1990 ([105]) a créé l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA). Elle affichait alors plusieurs objectifs : la lutte contre le travail au noir, la professionnalisation des assistantes maternelles et l’augmentation du nombre de places d’accueil des tout‑petits. Deux nouveaux avantages (une majoration de l’AFEAMA et une réduction fiscale supplémentaire) ont été accordés aux parents en 1992 et accru le recours aux assistantes maternelles.

Le statut des assistantes maternelles a été renforcé par la loi du 12 juillet 1992 ([106]). Avec pour objectif principal l’amélioration de la qualité de l’accueil, cette loi a rendu la formation initiale obligatoire, a simplifié la procédure d’agrément et a institué une mensualisation de la rémunération des assistantes maternelles permanentes. La précarité de la profession a été également sensiblement réduite avec ladoption, en 2004, dune convention collective, étendue en 2005, prévoyant des droits aux congés payés, un congé pour enfant malade, l’obligation d’un contrat entre le parent employeur et l’assistante maternelle ainsi que le doublement de la durée de la formation. Le renforcement de la formation était également l’un des axes majeurs de la loi du 27 juin 2005 ([107]).

b.   Des progrès qui ont mis beaucoup de temps à se traduire dans les faits

Lambiguïté des lois votées explique que lamélioration des conditions de travail ait mis du temps à se concrétiser. « Les lois nétaient, dentrée de jeu pas très claires, notamment sur la rémunération car soccuper des enfants était encore considéré comme un plaisir » a ainsi indiqué la sociologue Marie Cartier lors de son audition. Pour elle, la pratique des institutions a également fortement contribué à labsence de traduction, sur le terrain, des améliorations votées au Parlement : « Dans les faits, un des critères qui a longtemps prévalu pour obtenir lagrément était le niveau de rémunération du mari. Les conseils départementaux considéraient que si la candidate avait un mari qui gagnait bien sa vie alors elle serait moins motivée par largent et serait une meilleure assistante maternelle ».

Les assistantes maternelles se sont peu à peu emparées de leurs droits, notamment grâce au rôle important joué par les relais assistantes maternelles et par les associations.

c.   Une amélioration des conditions de travail encore très largement incomplète

Malgré la relative amélioration des conditions de travail des assistantes maternelles au cours de l’histoire, un triptyque n’a pas encore été résolu : le niveau de revenu reste faible, l’amplitude horaire importante et la précarité trop forte.

Les lois récentes ont davantage suivi une logique daugmentation de loffre de garde de jeunes enfants quune logique damélioration des conditions de travail. Elles ont notamment introduit la possibilité pour une assistante maternelle d’obtenir un agrément pour quatre enfants simultanément ([108]) ainsi que la généralisation des expérimentations permettant de rassembler dans un seul local plusieurs assistantes maternelles ([109]).

Lexclusion, en 2008, des assistantes maternelles du Code du travail est déplorée par de nombreux syndicats et associations dassistantes maternelles. Lors de la recodification du Code du travail ([110]), les dispositions relatives aux assistants maternels employés par des personnes de droit privé ont en effet été regroupées au sein du code de l’action sociale et des familles et non au sein du Code du travail. Si, pour le Gouvernement, ce transfert de code a permis de conférer une visibilité accrue aux assistantes maternelles en rendant plus lisible le cadre juridique qui s’applique à elles, les syndicats estiment, eux, que l’exclusion des assistantes maternelles du Code du travail pose problème : « Quand cest le ministère de la santé qui réglemente les conditions de travail, il ne faut pas sétonner quil y ait des problèmes ! La direction générale de la cohésion sociale considère quelle gère uniquement une profession réglementée. Il faut remettre les assistantes maternelles dans le Code du travail ! » ([111]). À titre d’exemple, un accord‑cadre sur la santé au travail a été conclu le 24 novembre 2016 par la FEPEM et les syndicats de salariés. Le ministre du travail a étendu cet accord, mais uniquement pour les salariés du particulier employeur et non pour les assistantes maternelles au motif que ces dernières ne relevaient pas de l’article L. 4625-2 du Code du travail qui autorise une organisation spécifique de la médecine du travail.

3.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a.   Une succession de lois et de décrets contribuant à l’instabilité des statuts et la précarité du métier

Le statut d’AESH a connu de nombreuses évolutions depuis l’apparition du métier dans les années 1980. Si celles-ci ont pu conduire à des améliorations qu’il convient de souligner, l’instabilité des statuts a fortement contribué à la grande précarité de ce métier.

Le métier s’est construit dès les années 1980 à l’initiative d’association de parents d’enfants en situation de handicap qui souhaitent voir leurs enfants scolarisés en milieu ordinaire. Avant 2003, les professionnelles qui accompagnaient ces enfants, appelées alors auxiliaires dintégration scolaire (AIS), étaient relativement rares. Elles étaient engagées par des associations ou des collectivités territoriales, principalement en CDI et en emplois jeunes, pour accompagner les enfants sur le temps scolaire et périscolaire. Selon Suzy Bossard, leurs conditions de travail pouvaient être sensiblement meilleures qu’aujourd’hui : « certaines AESH que jai rencontrées ont dailleurs la nostalgie de cette époque, où elles se sentaient plus légitimes et gagnaient entre 1 200 et 1 400 euros nets par mois » a indiqué la sociologue lors de son audition.

En 2003 ([112]), afin daccélérer le recrutement daccompagnants, le statut dassistant éducation - auxiliaire de vie scolaire (AED-AVS) a été créé.  Selon Suzy Bossard, « les salariés dassociation ont alors vu une dégringolade de leurs conditions demploi ». La plupart des contrats étaient à temps partiel pour une durée d’un an.

Toujours dans une double logique de créer de l’emploi et de favoriser l’inclusion scolaire – la loi pour l’égalité des chances de 2005 ([113]) ayant créé un besoin de recrutement important – des contrats aidés ont été proposés aux accompagnantes, en plus des contrats d’assistant d’éducation. Pour Suzy Bossard, le recrutement sous contrat aidé appelé contrat unique dinsertioncontrat daccompagnement dans lemploi (CUI-CAE) a engendré « une précarisation de la précarité ». Il s’agissait de contrats courts, d’une durée maximale 24 mois, de droit privé qui ont fragilisé leurs titulaires et entraîné un turn-over important. Le ministère aurait même fait signer aux titulaires de contrat aidé des clauses précisant qu’elles acceptaient de renoncer à leur formation ! À noter : la circulaire du 11 janvier 2018 relative au parcours emploi compétence (PEC) a converti les CUI‑CAE en CUI-PEC sans que la précarité des emplois n’en soit néanmoins réduite.

Un décret de 2014 ([114]) a créé le statut dAESH, recrutés par CDD d’une durée maximale de trois ans puis par CDI au bout de six ans d’exercice effectif, faisant disparaître le statut d’AED-AVS. Un petit nombre d’AED-AVS ont alors pu obtenir un CDI.

b.   La loi dite « pour une école de la confiance » : des progrès notables mais encore bien insuffisants

En 2019, la loi dite « pour une école de la confiance » ([115]) a amélioré le statut des AESH. Ces dernières peuvent désormais bénéficier d’un CDD de trois ans renouvelable une fois (et non plus d’un contrat d’une durée maximale de trois ans, renouvelable dans la limite maximale de six ans). Le Gouvernement a également annoncé la fin des contrats aidés pour les AESH. Deux circulaires de juin 2019 ([116]) ont introduit des améliorations dans les conditions de travail des AESH. Elles permettent ainsi, avant le démarrage effectif de l’accompagnement, la rencontre entre l’AESH, un autre représentant de l’équipe éducative (professeur, directeur d’école, chef d’établissement ou son adjoint), l’élève concerné et sa famille, ce qui était auparavant impossible. Les circulaires insistent aussi sur la nécessité d’intégration des AESH à la communauté éducative en leur permettant explicitement de participer au collectif de travail des écoles et établissements.

Malgré des progrès notables, cette loi et ces circulaires ne permettent pas de garantir un vrai statut aux AESH. La nécessité d’être embauchées pendant six ans avant d’obtenir un CDI est toujours la règle. Les années de contrat aidé ne sont pas comptabilisées pour l’accès au CDI. L’accès à la formation n’est pas amélioré : la formation initiale de 60 heures d’adaptation à l’emploi est conservée et le contenu de la formation continue n’est pas précisé. Enfin, les salaires ne sont pas revalorisés.

4.   Les animatrices périscolaires

a.   Les évolutions du métier liées à l’histoire de l’éducation populaire

De la fin du XIXème siècle aux années 1950, trois grandes figures d’acteurs, correspondant aux trois clivages idéologiques alors majeurs en France, ont joué un rôle actif dans les activités mises en place en direction de la jeunesse et dans l’éducation populaire ([117]). Il s’agit du prêtre et des religieuses pour le courant catholique, de l’instituteur pour les républicains et de l’élu local ou du syndicaliste pour les réseaux socialistes. Chaque réseau fonctionnait à partir du bénévolat et du volontariat.

La relation entre l’éducation populaire et l’école « est ambivalente dès le départ, entre proximité revendiquée et méfiance réciproque » ([118]). Si l’éducation populaire a toujours valorisé une pédagogie du faire, différente de la forme scolaire, force est de constater qu’elle s’est construite en connexion étroite avec l’école et ses professionnels. Au début du XXe siècle, les instituteurs ont été encouragés par l’État à s’impliquer dans l’éducation populaire laïque pour concurrencer les œuvres de l’Église. La Ligue de l’enseignement, principale fédération d’éducation populaire, a ainsi pu obtenir le concours d’enseignants mis à disposition (MAD) payés par l’éducation nationale et conservant leur statut de fonctionnaire.

Le champ de lanimation a émergé dune double transformation de léducation populaire.

Tout dabord, léducation populaire a été institutionnalisée. Les bénévoles et les occasionnels ont peu à peu fait place à des professionnels exerçant à plein temps dans des associations ou des collectivités locales. L’animation s’est progressivement construite comme un champ professionnel à part. À compter des années 1960, des diplômes spécifiques ont été créés et une réflexion sur le statut des animateurs s’est engagée à l’échelon national, sous l’impulsion de l’État et du monde associatif. Une convention collective de l’animation a été signée en 1988 et une filière animation a été créée en 1997 au sein de la fonction publique territoriale.

Ensuite, les enseignants ont perdu lessentiel de leur rôle dans léducation populaire. La disparition de la pratique de la mise à disposition, par le ministère de l’éducation nationale, de postes d’enseignants (principalement du premier degré) auprès d’associations œuvrant à la périphérie de l’école et issues de la branche laïque de l’éducation populaire y a fortement contribué. La loi de finances pour 2006 ([119]) a transformé les mises à disposition en détachements et prévu le versement d’une subvention aux associations pour leur permettre de salarier un nombre équivalent d’enseignants détachés. Il n’y a aujourd’hui presque plus aucun personnel enseignant détaché au sein des associations.

b.   Une absence de vraie politique nationale du périscolaire

On aurait pu penser que ces deux évolutions (institutionnalisation de lanimation et éloignement du monde enseignant) conduiraient à la mise en place dune vraie politique nationale du périscolaire.

Au contraire ! Les réformes du temps scolaire se sont enchaînées sans cohérence : en 2008, la semaine de 4 jours a été instaurée ; en 2013, le retour à la semaine de 4 jours et demi a été décidé et en 2017, le choix a été laissé aux communes de revenir à la semaine de 4 jours. Il n’y a jamais eu de réel débat sur ce que l’État devait proposer aux enfants en dehors du temps scolaire. La municipalisation de la politique du périscolaire – l’accueil périscolaire est en effet un service public administratif facultatif que chaque commune décide librement de mettre en place – peut expliquer, en partie, l’absence de réflexion nationale sur le périscolaire ainsi que les hétérogénéités territoriales.

Les récentes réformes ont également très largement laissé de côté la question des conditions de travail des animatrices périscolaires. Comme le rappelle le CNEA au sujet de l’actuel « plan Mercredi », qui octroie des financements spécifiques aux collectivités pour l’organisation des activités périscolaires, « lorganisation et la qualité des temps périscolaires ne peuvent dépendre que dun plan de financement mais bien dune réflexion globale sur la qualification et lemploi dans ces secteurs ». ([120])

Pour vos rapporteurs, le politique a cependant un rôle majeur à jouer pour construire un temps périscolaire dans lintérêt de tous les enfants et pour structurer le métier danimateur. À partir du moment où l’on considère que le temps en dehors de l’école n’est pas uniquement un temps « privé » mais bien un temps « libre » constitué d’apprentissages informels de compétences civiques et sociales, une réflexion et un débat national s’imposent sur la nature des activités à mettre en place. Il est essentiel dassumer pleinement ce temps comme un temps noble de loisirs offrant des formes de socialisation différentes et permettant ainsi de redonner confiance à des élèves mis en difficulté à lécole.

 

« Jai accueilli un jour un enfant de sept ou huit ans. Il avait été exclu de son école précédente et les maîtresses, la directrice, les agents de service étaient en train de le stigmatiser à cause de ça. Cet enfant a de grandes chances dêtre en échec scolaire. Au centre, on lui donne accès au foot, une activité où il est à laise ! »

Propos recueillis auprès d’un animateur de la ville d’Amiens

Loudmila, animatrice : On m’appelle au jour le jour... ça reste une angoisse, une grosse inquiétude 

« Jai commencé en 2009, jétais encore à lécole, lannée du bac français, on était cinq à la maison, et il fallait ramener de largent pour sen sortir. Jai passé le Bafa, je lai payé de ma poche, je me suis dit : au final, derrière, ça va être rentable. Jai dû payer 500€ et quelques. Jai démarché auprès des centres de loisirs pour passer la pratique, et le centre où je suis encore ma prise, Le Vent du large. Jai fait les deux mois dété. 1 300 par mois, à peu près. Et jai continué pendant lannée, parce quon mappelait toujours pour travailler. Les midis, les soirées, les mercredis aussi. Les petites vacances. Donc, à un moment donné, jallais plus à lécole. Jétais bonne élève, pourtant…

« Francois Ruffin : Mais quand est-ce que vous vous êtes dit : En fait, ça je veux en faire mon métier ?

« Vers 21 ans, je me suis dit : Pourquoi ne pas continuer dans cette branche ?Quand jétais petite jallais au centre, et jadorais, par exemple les activités danse, ça ma donné envie den faire, cest devenu ma passion, que je transmets à mon tour, maintenant, avec les enfants.

« Donc, ça fait onze ans que vous vous êtes professionnalisée, mais finalement, côté diplômes, formations, comment ça s’est passé ? Et pour le statut ?

« Pour le diplôme, je nai que le BAFA. Jai voulu passer le BAFD, mais ça mest refusé parce quil ny a pas de besoin sur la commune. Pour le statut ? Je suis vacataire, on mappelle au jour le jour pour le mercredi. Vers 9 h 30, en fonction du nombre denfants, le centre se rend compte quil y en a trop : Oh, mince, il nous manque un animateur, on va appeler Loudmila. En plus, faut speeder. Jai tourné sur plusieurs structures.

« Donc vous faites bouche-trou ?

« Cest ça, exactement. Avec cette peur, aussi : si une autre structure tappelle, que tu réponds oui », et quensuite ton centre habituel appelle aussi, et que tu ne peux plus, tu te dis : ils ne mappelleront plus.Il y a cette peur, à chaque fois. En moyenne, on mappelait trois mercredis sur quatre. Pour les temps du soir, on mappelle parfois à 14 h. Et il faut être là à 16 h 30…

« Mais alors, pour la qualité du travail ? Vous ne pouvez pas faire des activités très structurées…

« Exactement. On peut pas préparer à lavance, on ne sait pas si on va travailler, avec qui, où, quels âges. Le mercredi pareil. Impossible de mettre en place un projet. En septembre, cest la grande angoisse. Est-ce quon va être repris ? Et en vacataire, tu es payée le mois daprès.  Le jour où on ma annoncé que jétais auxiliariat ”, jai pleuré parce que jallais avoir des vacances.

« Parce que vous n’aviez pas pris de vacances ?

« Depuis neuf ans. Tu crains toujours de partir, que les centres tappellent et quensuite ils te raient. 9 ans… Personne ne tiendrait le coup. Dautant que, sans me lancer des fleurs, je minvestis énormément au boulot…Maintenant, jai un contrat renouvelé, tous les mois, ou tous les deux mois. Ca reste une angoisse. Fin décembre, jai demandé à ma directrice de centre trois ou quatre fois des nouvelles du renouvellement, elle ne savait rien, je ne lai appris quau dernier moment.

« Et avec votre salaire…

« Cest dur. Une fois les factures payées, il ne reste pas grand-chose. Surtout, cest compliqué dimaginer une vie avec des enfants, parce que quand je fais les comptes. Avec monisieur, on comptait faire des fiançailles, avoir des enfants, donc tout est mis en attente... Pourtant, ça fait onze ans quon est ensemble. Mais jai peur de me lancer et de ne pas pouvoir assumer derrière. Un CDI, au moins, ça serait la sûreté. Je dormirais reposée, en me disant : “Bah, écoute, tu auras ton salaire à la fin du mois, quoi quil arrive.Parce que là, demain, si je suis enceinte, je nai rien, rien du tout…

« Et vous n’êtes pas sûre de retrouver votre boulot après la grossesse ?

« Exactement. Mes collègues me disent quest-ce que tu attends ?  Je réponds : Oui, mais je vais partir, et vous me rappellerez pas derrière. Et puis, je vais avoir quoi pendant mon congé ? ça ne sera même pas un congé maternité. Et ça joue énormément sur le moral. Je me donne à fond, avec quoi comme récompense derrière ? Rien, en fin de compte. On se demande limite pourquoi on travaille.

« Et avec les enfants ?

« Ça se passe super bien. Le contact avec les enfants, les parents, les enseignants, cest génial. Le mercredi, on fait un projet cinéma, avec des saynètes, avec un monsieur qui fait du théâtre. Je suis calée aussi en activités manuelles, il ny a pas que de la danse. Je me suis mise à un projet cuisine, là.

Et au-delà des projets, les enfants viennent se confier sur des choses quils vivent chez eux.. Une petite fille ma dit moi je te considère comme ma grande sœur , etc. Je me dis que je leur apporte quelque chose de fort, et dans les activités, et dans la relation. Je pense que je leur ai apporté une confiance énorme. Au projet “danse , une petite fille pleurait, elle avait peur que les autres se moquent delle. Je lui ai expliqué : quand on fait de la danse, on doit tous saider les uns les autres. Essaie, tu verras, ça va très bien se passer, je serai là pour taccompagner.  Elle a fait une séance, deux séances, et au bout de la troisième elle était complètement métamorphosée. Avec le sourire ! Et elle est venue me remercier : Tu avais raison, ça sest super bien passé.

« Les parents aussi, il faut les rassurer : le soir, je prends parfois un quart dheure pour expliquer au papa, à la maman, comment sest passée la journée.

« Comment vous voyez votre avenir, alors ? Est-ce que vous imaginez abandonner ce métier là ?

« Non, non, non, non. Franchement, pour le coup, je vois ce que je vaux, ce que je fais, je me dis non non non, je préfère rester . Cest pas un sous-métier. On porte vraiment des valeurs. Sinon, je serais déjà partie...

« Et pour obtenir un CDI, quelles discussions vous avez avec la Mairie ?

« Aucune. Il faut attendre que des postes se libèrent. Il y a une liste, qui se base sur lancienneté, le nombre dheures... Et pour cdiser  ils donnent la priorité à cette fameuse liste… Les dernières déprécarisations, je pensais faire partie du lot, y avoir droit, et au final non. Je me disais : Cest bon, ça fait dix ans, cest sûr tu vas être sur cette liste. Dans ma tête, cétait vraiment je vais être dépréca , dix ans cest sûr. Quand ils ont appelé, jai pleuré. »


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II.   Propositions pour de meilleurs statuts et de meilleurs revenus

Les propositions sur lesquelles vos rapporteurs souhaitent mettre l’accent sont nécessaires : hausse des salaires, réduction des temps partiels, baisse de la pénibilité physique et morale, droit effectif à une formation ouvrant de vraies perspectives de carrière, reconnaissance sociale de l’ensemble de ces professionnels.

Tout ne peut pas reposer sur l’espérance que les conventions collectives de demain seront plus favorables aux salariés. Le déséquilibre dans le rapport de force entre les décideurs publics (État ou collectivités), les structures employeuses et les salariées ne permettra pas d’améliorer suffisamment les conditions de travail. La puissance publique doit désormais, plus que jamais, prendre ses responsabilités et offrir aux salariés des métiers du lien un statut et un revenu dignes du service apporté à la collectivité.

A.   Comptabiliser les temps de travail invisibles et revaloriser les salaires

La revalorisation des rémunérations est, aux yeux de vos rapporteurs, le préalable à la reconnaissance sociale de tous les métiers du lien et la mesure la plus urgente à mettre en œuvre.

Les problématiques sont les mêmes pour l’ensemble des métiers du lien étudiés. L’augmentation des salaires doit passer par une revalorisation des grilles salariales mais également par une réduction des temps partiels, notamment grâce à la comptabilisation de l’ensemble du temps de travail réel effectué. Tous les temps de travail réalisés doivent désormais être rémunérés comme du travail effectif, qu’il s’agisse des temps de formation, d’auto-formation, de coordination, de prise de poste, d’échanges entre collègues, de préparation, de déplacements ou de relation humaine avec les personnes et leur famille. C’est le cas dans la plupart des métiers. Le temps qu’un journaliste met pour préparer la rédaction de son article (recherches documentaires par exemple) est bien considéré comme du temps de travail effectif, tout comme l’est le temps qu’un professeur met pour préparer ses cours. Pourquoi faudrait-il faire une exception pour les salariées des métiers du lien ? Le Code du travail indique d’ailleurs bien que le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Or, une AESH qui adapte, le soir chez elle, le cours de l’enseignant aux handicaps de l’enfant qu’elle accompagne ne vaque pas à ses occupations personnelles. Une assistante maternelle qui se forme aux techniques de l’éveil du jeune enfant ne vaque pas non plus à ses occupations personnelles, tout comme l’aide à domicile qui échange avec une autre professionnelle sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre ou l’animatrice périscolaire qui élabore, chez elle, les animations qu’elle fera avec les enfants le lendemain.

Lautonomie économique est dautant plus indispensable quelle permettra à lensemble de ces salariées de participer davantage au débat public sur la société de demain. « On ne peut pas contribuer à la définition de notre société, de ce qui est important sans en avoir les moyens financiers » ([121]).

1.   Les métiers d’aide à domicile

a.   Proposer de « vrais » temps pleins aux salariées en comptabilisant les heures invisibles et en réduisant lamplitude horaire

i.   Inciter à la sectorisation et à l’organisation « en tournée »

L’amplitude horaire des aides à domicile contraste aujourd’hui fortement avec le nombre d’heures pour lesquelles elles sont rémunérées, ce qui pèse fortement sur leur qualité de vie au travail ainsi que sur leurs rémunérations. Cette situation nest pour autant pas immuable. Elle est liée à lorganisation actuelle du travail au sein des organismes daide à domicile qui peut et doit changer. Certaines structures, auditionnées par la mission, ont récemment mis en place deux pratiques qui devraient être généralisées : la sectorisation et l’organisation du travail en tournée.

La sectorisation est la première étape vers une meilleure organisation du travail. Cette pratique consiste à faire en sorte que les interventions d’une salariée se situent toutes dans une même zone géographique restreinte. Comme le montrent les retours d’expérience de certaines structures qui l’ont mise en place en s’inspirant du modèle Buurtzog ([122]), la sectorisation permet de réduire considérablement les temps de déplacement et donc lamplitude horaire de travail dans une journée.

Si vos rapporteurs sont convaincus de la nécessité d’aller vers davantage de sectorisation, ils notent que seules les structures d’une taille suffisante peuvent néanmoins mettre en place une telle politique. Aussi, la fusion des associations de très petite taille pourrait être encouragée. Vos rapporteurs condamnent cependant la pratique de certains départements consistant à utiliser le levier budgétaire (baisse des tarifs daide à domicile) pour asphyxier les petites structures et les pousser à se regrouper. Cette pratique peut conduire certaines structures à se faire malheureusement racheter par des organismes « vautours », prédateurs dentreprises ou dassociations en difficulté.

Pour vos rapporteurs, lorganisation du travail « en tournée », qui va au-delà de la sectorisation, permet daméliorer notablement les conditions de travail des aides à domicile. Cette organisation s’inspire du fonctionnement des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Les salariées y sont rémunérées à la « tournée » – et non pas à l’heure comme les aides à domicile – et leurs horaires sont beaucoup plus souples.

« Depuis 2015-2016, le conseil dadministration a pris une décision forte, à savoir considérer lorganisation du travail des aides à domicile au maximum comme celle des aides-soignantes. On a essayé de la mettre sous forme de tournée la plus optimisée possible sur une plage horaire définie (de 8 heures à 13 heures par exemple). Toute cette plage horaire est considérée comme du temps de travail, peu importe quà lintérieur de cette plage horaire, il y ait un quart dheures ou vingt minutes de déplacement. Peu importe quil y ait un trou ! »

Propos recueillis auprès d’Assia Réseau Una

Fonctionner « à la tournée » permet aux salariées de travailler au sein dune équipe plurielle et donc de réduire lisolement quelles peuvent parfois ressentir, seules face à la personne aidée.  Un tel fonctionnement transforme la relation purement interpersonnelle entre l’aide à domicile et la personne aidée en une prise en charge par un collectif de professionnels. Si les relations interpersonnelles sont souvent des contacts humains très riches, elles peuvent être sources de pénibilité, certaines personnes aidées ayant tendance à considérer leur aide à domicile comme « leur propriété » ou « leur chose ». La prise en charge par un collectif est nécessaire pour instaurer une distance entre les intervenantes et les personnes aidées, pour créer du lien entre les professionnelles et pour développer les bonnes pratiques.

Pour vos rapporteurs, la rémunération « à la tournée » semble effectivement être une vraie avancée, à condition toutefois que la tournée soit dune durée suffisamment longue et que la rémunération englobe bien tous les temps de travail non présentiels (déplacements, échanges collectifs, temps de pause). Dans les SSIAD, des temps d’échanges entre les intervenants d’une même équipe sont prévus, le plus souvent le matin avant la prise de poste ou le midi au retour des tournées. Ces temps consacrés à la coordination du travail en équipe sont tout aussi essentiels pour l’aide à domicile. Ils devraient être d’au moins une heure par semaine et pris en compte comme du temps de travail effectif.

 

 

Les quatre piliers d’une organisation du travail vertueuse

1° La sectorisation des aides à domicile sur des territoires limités permet de diminuer leurs temps de déplacement, de réduire leur fatigue physique et de faciliter la conciliation entre leur vie privée et leur vie professionnelle.

2° Le travail « à la tournée », aussi appelé travail posté, garantit des temps d’intervention plus souples auprès des personnes aidées. Il donne une plus grande marge d’appréciation aux aides à domicile pour s’organiser comme elles le souhaitent et s’adapter à l’état de la personne aidée et à son environnement. Il permet aux aides à domicile d’être pleinement intégrées à une équipe. Il réduit également fortement l’amplitude horaire de leurs journées de travail.

3° Une organisation du travail plus collective améliore la qualité de vie au travail des aides à domicile. Le travail par binôme ou en équipe ainsi que les temps collectifs de dialogue et d’échange leur permettent de se sentir moins isolées et de partager les bonnes pratiques. Des moyens suffisants doivent être consacrés à l’encadrement pour que des « personnes ressources » assistent les aides à domiciles dans certaines de leurs interventions (une fois par trimestre par exemple), leur apportent des conseils adaptés et les valorisent dans leur travail.

4° Une plus grande autonomie des aides à domicile dans la manière d’organiser leur travail (planification des interventions ou organisation des congés par exemple) réduit le rythme effréné des cadences et offre plus de souplesse pour adapter l’intervention aux besoins réels de la personne aidée. Elle permet également aux aides à domicile de se sentir davantage valorisées dans leur travail.

5° Le développement des parcours professionnels est un enjeu central. Le personnel d’encadrement a un rôle majeur à jouer dans l’identification des besoins de formation individuels et collectifs des salariés, la diffusion de l’information concernant la formation, l’encouragement à participer à des actions de formation et l’utilisation des acquis de la formation dans les activités professionnelles.

Il est essentiel dinciter, dès aujourdhui, les structures daide à domicile à mettre en place ces nouvelles organisations du travail.

Les structures ont parfois besoin dêtre aidées dans cette transformation. La CNSA a financé récemment plusieurs projets de transformation de services à domicile sinspirant du modèle Buurtzorg via l’appel à projets « actions innovantes » ou via les conventions passées avec les conseils départementaux (dans l’Eure ou dans le Nord par exemple). Les aides de la CNSA gagneraient à être renforcées et mieux connues de lensemble des organismes de services à la personne.

Les partenariats entre les conseils départementaux et les agences régionales pour lamélioration des conditions de travail (ARACT), encore trop peu nombreux, gagneraient à être généralisés dans le secteur de laide à domicile. Les ARACT peuvent intervenir aux côtés des structures d’aide à domicile pour les aider à conduire un projet d’amélioration des conditions de travail en concertation avec les salariés. Elles ont, pour cela, besoin de l’engagement, notamment financier, des conseils départementaux.

Une incitation financière pourrait également faciliter la mise en place de la sectorisation ou du travail « en tournée ».  Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) signés entre les conseils départementaux et les structures d’aide à domicile pourraient davantage valoriser les structures qui mettent en place de telles organisations du travail.

Proposition n° 1 : Inciter à la sectorisation et à l’organisation du travail « à la tournée »

Renforcer les aides de la Caisse nationale de solidarité pour lautonomie (CNSA) pour aider les structures à mettre en place la sectorisation et le travail « à la tournée » (loi de financement de la sécurité sociale) ;

– Généraliser les partenariats entre les conseils départementaux et les agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) (bonne pratique) ;

– Valoriser, dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), les structures d’aide à domicile qui mettent en place des modes de fonctionnement permettant d’améliorer les conditions de travail des salariés (bonne pratique) ;

– Dans le cadre du travail « à la tournée », prévoir au moins une heure par semaine consacrée à la coordination du travail en équipe et rémunérées comme du travail effectif (bonne pratique).

ii.   A minima, inciter les structures à comptabiliser différemment le temps de travail effectif et à mieux indemniser les déplacements

Dans lattente de la généralisation de lorganisation « à la tournée », vos rapporteurs préconisent deux nouvelles pistes pour comptabiliser et rémunérer les heures effectuées par les aides à domicile.

La première piste serait de rémunérer les aides à domicile à la demijournée. À partir du moment où une aide à domicile réalise plus dune heure dintervention (chez une seule ou chez plusieurs personnes aidées), lensemble de la demi-journée serait rémunéré. Cela inciterait les structures employeuses à regrouper les interventions dune aide à domicile sur une tranche horaire restreinte et à réduire autant que possible les déplacements. Un nombre plafond dinterventions par demi-journée pourrait également être utilement fixé.

La seconde piste, mise en avant par François-Xavier Devetter et Emmanuelle Puissant ([123]) serait de décompter forfaitairement, afin de lajouter au temps de travail rémunéré, 20 minutes pour chaque intervention. Cela permettrait de prendre en compte les heures invisibles réalisées et conduirait à augmenter les revenus mensuels d’une aide à domicile intervenant en moyenne chez quatre usagers par jour d’environ 25 %.

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de revaloriser les indemnités kilométriques prévues dans les différentes conventions collectives. Ils appellent également de leurs vœux la mise à la disposition des salariées de véhicules propres par les structures d’aide à domicile. La proposition faite dans le rapport dit « El Khomri »([124]), à savoir la négociation d’offres commerciales de location de véhicules par les fédérations avec l’appui technique de l’État, pourrait utilement être mise en œuvre.

Proposition n° 1 alternative : Dans lattente de la généralisation de lorganisation « à la tournée », inciter les structures à comptabiliser différemment les temps de travail effectif et à mieux indemniser les déplacements

– Prévoir qu’à partir du moment où une aide à domicile réalise plus dune heure dintervention (chez une seule ou chez plusieurs personnes aidées), lensemble de la demi-journée soit rémunéré OU décompter forfaitairement20 minutes pour chaque intervention, afin de lajouter au temps de travail rémunéré (convention collective) ;

Mieux indemniser les temps de déplacement en revalorisant les indemnités kilométriques prévues dans les conventions collectives (conventions collectives) et en obligeant toute structure d’aide à domicile d’une certaine taille à mettre à la disposition des salariées des véhicules propres (conventions collectives voire législatif). Prévoir pour cela, comme le préconise le rapport dit « El Khomri », la négociation d’offres commerciales de location de véhicules par les fédérations avec l’appui technique de l’État.

iii.   Prévoir des durées minimales dintervention

Quelle que soit l’organisation du travail choisie (« à la tournée » ou non), vos rapporteurs préconisent d’augmenter notablement les durées d’intervention. Les aides à domicile ont aujourd’hui la douloureuse impression de « mal faire leur travail ». Augmenter le temps dintervention à domicile permettrait à la fois de rendre un service de meilleure qualité aux personnes fragiles, daméliorer les conditions de travail des salariées et daugmenter le temps de travail effectif pendant lequel elles sont rémunérées. L’idée de fixer un minimum de durée pour toutes les interventions n’est pas totalement nouvelle mais n’a jamais pu aboutir. « On lavait mis initialement dans la convention collective mais on la finalement transformé en temps minimum dintervention par salarié » ([125]) ont ainsi indiqué les associations de services à la personne auditionnées par la mission.

Proposition n° 2 : Fixer un minimum dune heure pour toutes les interventions à domicile auprès de publics fragiles (conventions collectives voire législatif).

L’ambivalence du numérique dans l’aide à domicile 

Le numérique a des atouts incontestables. Il peut faciliter l’organisation du travail au sein d’une structure en diffusant plus rapidement l’information et engendrer des gains de temps importants grâce à la transmission dématérialisée de certains documents comme les plannings ou les feuilles de présence. Il peut également favoriser une meilleure coordination entre les différents professionnels du maintien à domicile. Néanmoins, le numérique engendre un grand nombre de contraintes pour les aides à domicile. Il tend à renforcer le contrôle de l’activité et conduit à un sentiment de perte d’autonomie. La logique de pointage et de reporting contribue à accélérer les cadences et les rythmes de travail. Plus largement, le développement du numérique tend à individualiser le travail des aides à domicile, déjà très solitaire, à désintégrer des collectifs de travail et à désincarner le management. La qualité de vie au travail doit donc être prise en compte dans les projets de conception, de déploiement et d’évaluation des outils numériques.

b.   Faire de l’aide à domicile aux personnes fragiles une vraie délégation de service public

Vos rapporteurs sont convaincus que laide à domicile auprès de publics fragiles doit prendre la forme dun véritable service public au sens fonctionnel – il s’agit d’une activité destinée à satisfaire un besoin d’intérêt général – comme au sens organique – il s’agit d’une activité que l’État doit encore davantage réguler.

Certes, aujourdhui, la puissance publique structure déjà fortement le secteur de laide à domicile auprès des personnes fragiles. Les conseils départementaux régulent l’activité en délivrant des autorisations d’exercer et en tarifant les organismes autorisés et habilités à l’aide sociale. L’État agrée les accords négociés entre les fédérations d’associations employeuses et les organisations de salariées.

Néanmoins, le rapport salarial dans le secteur de laide à domicile nest, aujourdhui, pas assez encadré. Les droits des aides à domicile ne sont pas suffisamment protégés et rien ne leur garantit de vrais revenus. Si vos rapporteurs ne sont pas forcément favorables à fonctionnariser l’ensemble des aides à domicile – bien que dans certaines communes, comme à Dieppe, la titularisation des aides à domicile soit un progrès notable – ils estiment que l’État devrait jouer un rôle plus important pour réguler les relations entre les salariés et les structures employeuses.

La titularisation des aides à domicile des centres communaux d’action sociale (CCAS) de Dieppe et de Neuville-lès-Dieppe

En novembre 2019, 80 aides à domicile ont été intégrées au statut de la fonction publique territoriale (d’abord en tant que stagiaires puis, en novembre 2020, en tant que titulaires). Cette intégration contribue à une forte déprécarisation des métiers. Alors que jusqu’à présent le temps de travail des aides à domicile était fortement irrégulier, celles qui sont fonctionnarisées savent qu’elles travailleront désormais 130 heures par mois et un week‑end sur deux. Même si elle reste modeste, leur progression salariale est garantie à échéance régulière avec chaque changement d’échelon.

Pour le maire de Dieppe rencontré par la mission, la fonctionnarisation des aides à domicile n’est pas forcément plus coûteuse pour la collectivité dans la mesure où la stabilité de l’emploi et la régularité des horaires font diminuer l’absentéisme et les arrêts maladie.

i.   Mettre fin à l’emploi direct et au mode mandataire pour les personnes fragiles

Les particuliers employeurs qui font appel à une aide à domicile sont, par définition, fragiles et souvent âgés. Ainsi, près d’un particulier employeur sur trois (hors garde d’enfant) a plus de 80 ans. Malgré l’existence de certains dispositifs comme le « Réseau Particulier Emploi » visant à les accompagner, vos rapporteurs considèrent que les particuliers employeurs ne sont pas en situation dêtre des employeurs responsables veillant aux bonnes conditions de travail de leurs salariés et facilitant leur accès à la formation professionnelle. De plus, les droits des salariés du particulier employeur sont, sur de nombreux points, moins bien protégés par la convention collective des salariés du particulier employeur que par les autres conventions collectives (cf. supra).

Vos rapporteurs appellent de leurs vœux une suppression des modes mandataire et particulier employeur pour les personnes fragiles. Les associations et entreprises qui choisiraient de poursuivre leur activité en mode prestataire seraient alors dans l’obligation de proposer à leurs salariées préalablement employées en mode mandataire un contrat de travail. Le mode mandataire resterait néanmoins possible si le bénéficiaire souhaite employer un membre de sa famille.

Proposition 3 : Supprimer la possibilité pour des personnes physiques de bénéficier de lallocation personnalisée dautonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) si elles emploient directement ou à travers le mode mandataire une aide à domicile pour lassistance aux actes de la vie quotidienne (législatif).

ii.   Prévoir que les entreprises intervenant dans l’aide aux personnes fragiles soient des sociétés à mission ou des entreprises ayant obtenu l’agrément entreprises solidaires d’utilité sociale dit « ESUS »

Les structures d’aide à domicile aux personnes fragiles ne devraient pas avoir pour objectif la recherche de profits à tout prix mais devraient uniquement chercher à répondre, au mieux, aux besoins collectifs. Les entreprises daide à domicile devraient donc, a minima, poursuivre un objectif – idéalement à titre principal dutilité sociale. Vos rapporteurs seraient favorables à ce que seules les sociétés à mission ([126]) et les entreprises de l’économie sociale et solidaire agréées ESUS puissent intervenir auprès des publics fragiles, aux côtés des associations et des collectivités.

Le renouvellement de l’agrément ESUS tous les cinq ans ainsi que, pour les entreprises à mission, la vérification effectuée par un organisme tiers ([127]) sur l’exécution par la société des objectifs sociaux mentionnés dans ses statuts permettront de s’assurer que l’entreprise poursuit bien un objectif d’utilité sociale.

Proposition 4 : Prévoir que seules les sociétés à mission et les entreprises de léconomie sociale et solidaire agréées ESUS peuvent intervenir auprès des publics fragiles, aux côtés des associations et des collectivités (législatif).

c.   Réformer en profondeur la tarification des services à domicile pour revaloriser le salaire des aides à domicile

La création d’un mécanisme d’indexation sur le SMIC des rémunérations minimales prévues par les conventions collectives est indispensable. Néanmoins, cette indexation ne permettra pas, à elle seule, de répondre au problème de la faiblesse des rémunérations. Il faut une réforme en profondeur de la tarification des services d’aide à domicile.

Proposition 5 : Faire en sorte que les conventions collectives prévoient une clause dindexation sur le SMIC des niveaux de rémunération (convention collective).

i.   Augmenter et harmoniser les tarifs de l’APA et de la PCH

Il est essentiel daugmenter les tarifs de lAPA et de la PCH pour, ensuite, augmenter les tarifs des structures daide à domicile et les rémunérations des aides à domicile (au risque, sinon, que la hausse des rémunérations nentraîne une trop forte augmentation du reste à charge pour les personnes dépendantes). Pour cela, la compensation versée par la CNSA aux départements au titre de l’APA et de la PCH gagnerait à être augmentée. Comme le préconise le rapport Libault ([128]), il serait également opportun de prévoir un tarif de référence national de valorisation des plans d’aide APA qui soit suffisamment élevé. Ce tarif pourrait éventuellement être quelque peu modulé en fonction des caractéristiques des départements.

Proposition n° 6 : Augmenter et harmoniser les tarifs de lAPA et de la PCH

– Renforcer la participation de l’État dans le financement de l’APA et de la PCH (loi de financement de la sécurité sociale) ;

– Prévoir un tarif de référence national pour valoriser les plans d’aide APA (législatif).

ii.   Mettre en place un tarif horaire plancher dintervention au niveau national

Pour chaque structure autorisée, les conseils départementaux sont amenés à fixer le prix qui sera facturé aux usagers du service. Des tarifs élevés sont corrélés à des salaires plus élevés des services à domicile.  Un nouveau modèle de financement de l’aide à domicile est en cours d’expérimentation ([129]) mais il ne prévoit pas de tarif socle au niveau national. Vos rapporteurs sont favorables à la création d’un tel tarif.

Afin d’éviter tout effet d’aubaine lié aux différences des caractéristiques du public pris en charge entre les secteurs associatifs et secteur lucratif ([130]), ce tarif plancher pourrait ne concerner que les structures dont un fort pourcentage de l’activité concerne l’aide aux personnes dépendantes voire très dépendantes.

Proposition  7 : Mettre en place, au niveau national, un tarif horaire plancher dintervention des services daide à domicile (législatif).

2.   Les assistantes maternelles

a.   Revaloriser le salaire minimum

La revalorisation des salaires des assistantes maternelles passe, en premier lieu, par laugmentation du minimum légal. Aujourd’hui, comme le prévoit l’article D.423-9 du code de l’action sociale et des familles, les assistantes maternelles gagnent au minimum 0,281 SMIC par heure et par enfant. Cela signifie qu’il leur faut garder presque 4 enfants pour toucher un SMIC. Vos rapporteurs appellent de leurs vœux une hausse de ce minimum à 0,333 SMIC. « Il faut considérer que garder 3 enfants pendant une heure, cest un temps plein. En plus, toutes les assistantes maternelles ne peuvent pas travailler avec 4 agréments » ont ainsi indiqué les associations d’assistantes maternelles lors de leur audition. Vos rapporteurs sont conscients du fait que, dans de nombreux cas, l’augmentation du salaire horaire à 0,333 SMIC par enfant ne permettra pas aux assistantes maternelles d’atteindre un SMIC à la fin du mois. Pour avoir un salaire horaire équivalent à un SMIC, il faudrait pour cela qu’elles gardent au moins trois enfants et le plus souvent en même temps. Or, l’hétérogénéité des emplois du temps des parents conduit les assistantes maternelles à ne garder bien souvent qu’un ou deux enfants à la fois (notamment tôt le matin ou tard le soir). Bien quencore insuffisante, laugmentation du salaire horaire à 0,333 SMIC est urgente.

Afin de permettre à davantage dassistantes maternelles de travailler avec quatre agréments, il serait dailleurs opportun de modifier les règles actuelles relatives à la présence de mineurs au domicile de lassistante maternelle. Aujourd’hui, une assistante maternelle ne peut pas accueillir plus de six enfants mineurs simultanément. Cette règle pénalise les assistantes maternelles ayant des enfants mineurs en âge de relative autonomie (des collégiens et des lycéens). Il pourrait ainsi être prévu qu’une assistante maternelle ne puisse pas accueillir plus de six enfants de moins de douze ans, et non plus dix-huit ans, simultanément à son domicile.

Certaines assistantes maternelles souhaiteraient aller plus loin quune simple hausse du minimum légal et appellent de leurs vœux un salaire national unique par heure et par enfant. Cela leur éviterait d’avoir à négocier le tarif avec les parents et légitimerait leurs compétences ([131]) et lèverait toute inégalité entre assistantes maternelles. Vos rapporteurs considèrent que l’opportunité de créer un tel salaire mériterait d’être étudiée, même si elle pourrait se heurter à l’hétérogénéité des prix de l’immobilier sur l’ensemble du territoire. Les assistantes maternelles devant acquérir ou louer un logement suffisamment grand pour y accueillir les enfants, celles résidant en zone tendue et payant un loyer important ne pourraient plus augmenter leur tarif horaire et seraient donc pénalisées.

Afin de revaloriser les salaires des assistantes maternelles, il pourrait également être mis fin à certaines dispositions du régime fiscal qui leur est applicable, jugées injustes par de nombreuses salariées([132]). Aujourd’hui, en pratique, soit l’assistante maternelle fournit le repas et perçoit en contrepartie une indemnité de repas imposable, soit le parent employeur fournit le repas de l’enfant en lieu et place de l’assistante maternelle et cette fourniture de repas constitue une prestation en nature imposable au même titre que l’indemnité de repas. Les assistantes maternelles auditionnées dans le cadre la mission estiment injuste de devoir déclarer comme revenus des ressources ne leur étant pas destiné. Vos rapporteurs souhaitent donc que ne soient imposables ni l’indemnité de repas, ni la fourniture de repas.

Proposition n° 8 : Revaloriser les salaires des assistantes maternelles

– Relever le minimum horaire par enfant à 0,333 SMIC (réglementaire) ;

– Étudier l’opportunité de créer un salaire national ;

– Permettre à davantage d’assistantes maternelles de travailler avec quatre agréments en modifiant les règles actuelles concernant la présence simultanée de mineurs au domicile des assistantes maternelles (législatif) ;

Ne plus considérer comme des revenus imposables les indemnités de repas ou les prestations de repas en nature fourniture (législatif).

L’ensemble des assistantes maternelles rencontrées ont bien insisté sur un point : « laugmentation de la rémunération ne doit pas se faire au détriment des familles ». Pour rappel, les familles qui emploient aujourd’hui une assistante maternelle peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 50 % des dépenses effectivement supportées pour la garde d’un enfant de moins de 6 ans ainsi que du complément de libre choix du mode de garde (CMG). Le CMG se décompose en deux volets : le premier vise à prendre en charge les cotisations et contributions sociales liées à l’emploi d’une assistante maternelle et le second vise à prendre en charge, partiellement, la rémunération de cette dernière.

Laugmentation du salaire minimum horaire des assistantes maternelles doit aller de pair avec le déplafonnement du CMG ou, du moins, avec une hausse de son plafond. Aujourd’hui, l’article D.531-17 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la prise en charge des cotisations et contributions sociales par le CMG est totale pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée dès lors que sa rémunération ne dépasse pas, par jour et par enfant, cinq fois la valeur du SMIC horaire brut.

A minima, si le plafond actuel du CMG était conservé, il faudrait qu’il soit horaire et non pas journalier. Cela est actuellement prévu à l’article L.531-5 du Code de la sécurité sociale mais inappliqué en l’absence de consensus entre les organisations représentatives des parents-employeurs et des assistants maternels sur un taux de salaire horaire maximum ([133]).

Proposition n° 9 : Faire en sorte que la revalorisation du salaire des assistantes maternelles ne réduise pas les aides auxquelles ont droit les familles.

Pour cela, supprimer (législatif) ou augmenter (réglementaire) le plafond de la rémunération des assistantes maternelles en deçà duquel la prise en charge des cotisations de sécurité sociale liées à lemploi dune assistante maternelle est totale.

b.   Prévoir une garantie de paiement des salaires

Les assistantes maternelles sont souvent dans limpossibilité de faire valoir leurs droits, notamment en cas de non-paiement de salaires, auprès des parents-employeurs défaillants. Quand elles portent l’affaire devant le conseil des prud’hommes – ce qui est relativement rare – elles éprouvent de grandes difficultés à faire exécuter le jugement du fait de la méconnaissance de l’adresse des parents et de leur insolvabilité. D’après l’organisation syndicale UNSA auditionnée par vos rapporteurs, « lassistante maternelle doit parfois dépenser 400 ou 500 euros pour faire intervenir un huissier, et souvent pour rien ! ». Cette difficulté n’est pas nouvelle. Elle a fait l’objet d’une question écrite au Gouvernement ([134]) en 2014, à laquelle il n’a pas été apporté de réponse.

La garantie de paiement des salaires nexiste pas, en effet, pour les assistantes maternelles contrairement à dautres salariés qui bénéficient de lassurance garantie des salaires (AGS). Pour rappel, cette garantie, financée par une cotisation patronale ([135]), permet aux salariés d’obtenir le paiement de leurs créances salariales en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.

Vos rapporteurs préconisent donc la création dun fonds national de garantie des salaires des assistants maternels, lequel serait financé par la Caisse des allocations familiales (CAF). Les recettes supplémentaires nécessaires ne découleraient pas d’une hausse des cotisations payées par les parents-employeurs mais pourraient provenir d’une augmentation des impôts et taxes affectés à la branche famille ([136]).

Proposition n° 10 : Prévoir une garantie de paiement des salaires des assistantes maternelles. Pour cela, créer un fonds national de garantie des salaires des assistantes maternelles financé par la Caisse dallocations familiales (législatif).

c.   Réduire la variabilité des rémunérations

Les rémunérations des assistantes maternelles peuvent varier très rapidement, notamment lorsque des parents décident de réduire le temps de garde de leur enfant ou lorsque l’enfant gardé entre à l’école maternelle.

Lorsqu’elles perdent un des contrats en cas de départ d’un enfant, les assistantes maternelles qui gardent plusieurs enfants peuvent bénéficier d’une allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) versée par Pôle emploi qui s’ajoute au revenu des autres emplois conservés. Cette aide est essentielle mais fait l’objet de nombreux dysfonctionnements. Les agents de Pôle emploi refusent parfois de leur octroyer l’ARE, arguant qu’elles n’y ont pas droit. « En général ce refus dindemnisation nest pas clairement motivé. On a affaire à une personne qui connaît mal la profession dassistante maternelle et qui ne pense pas devoir lui appliquer lARE prévue par la circulaire de lUnedic » ([137]). De manière plus générale, les interlocuteurs des assistantes maternelles à Pôle emploi nont quune connaissance parcellaire des spécificités de leur métier. Vos rapporteurs estiment qu’il serait opportun d’identifier, dans chaque structure Pole emploi, un interlocuteur qui aurait préalablement reçu une formation spécifique à l’accompagnement des assistantes maternelles.

Afin de réduire encore davantage la variabilité des rémunérations, l’indemnité versée par les parents à l’assistante maternelle en cas de rupture du contrat à leur initiative pourrait également voir son montant augmenter. Actuellement, elle est de 1/120ème du salaire, ce qui est relativement peu comparé à l’indemnité légale de licenciement pour les salariés en CDI, laquelle ne peut pas être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté.

Proposition n° 11 : Réduire la variabilité des rémunérations des assistantes maternelles

– Améliorer l’accompagnement des assistantes maternelles par Pôle emploi en identifiant, dans chaque structure Pôle emploi, un interlocuteur qui aurait préalablement reçu une formation spécifique à l’accompagnement des assistantes maternelles (bonnes pratiques) ;

– Augmenter l’indemnité versée à l’assistante maternelle en cas de rupture du contrat, par retrait de l’enfant, à l’initiative de l’employeur (convention collective).

3.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a.   Revaloriser les rémunérations

La grille indiciaire des AESH doit absolument être revalorisée. Il s’agit une priorité absolue.

Il est également essentiel de remédier à certaines injustices en matière de rémunération. Aujourd’hui, une indemnité de sujétion est allouée aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d’éducation ainsi qu’aux psychologues de l’éducation nationale exerçant dans les écoles et établissements relevant des programmes réseau d’éducation prioritaire (REP) et REP+. Néanmoins, les AESH qui travaillent en REP ou REP+ ne bénéficient, elles, pas de cette indemnité. Cela est vécu comme une injustice : « on nous dit quon appartient à la communauté éducative mais on ne nous applique pas les mêmes règles » a ainsi regretté une des AESH rencontrées par la mission.

Proposition n° 12 : Revaloriser les rémunérations des AESH

– Revaloriser la grille indiciaire (conventions collectives) ;

– Permettre aux AESH de bénéficier de l’indemnité de sujétion lorsqu’elles exercent dans un établissement relevant des programmes REP et REP+ (réglementaire).

b.   Prendre en compte la totalité du temps de travail

i.   Préciser ce qui peut être compté dans le temps de travail des AESH hors accompagnement physique des élèves

La circulaire du 5 juin 2019 constitue un progrès incontestable. En prenant en compte 41 semaines (au lieu de 39 auparavant) pour la rémunération, le temps et quotité de service, une partie du « travail invisible » des AESH est reconnue (cf. supra). Néanmoins, les missions des AESH « hors accompagnement physique des élèves » ne sont pas clairement définies, ce qui peut être source de tensions et d’incompréhensions. De plus, la conception de supports de cours adaptés n’est pas définie comme étant une des missions des AESH mais comme étant une des missions des enseignants ([138]) alors même qu’un certain nombre d’AESH rencontrées par vos rapporteurs passent beaucoup de temps, chez elles, à adapter les cours de l’enseignant au handicap de l’enfant qu’elles accompagnent. Cette situation est extrêmement dévalorisante pour les AESH qui subissent une « triple peine » : elles ne sont pas formées à cette mission, elles doivent quand même la réaliser mais elles ne sont pas rémunérées pour ce faire.

Vos rapporteurs soulignent la différence de traitement entre les AESH et d’autres membres de la communauté éducative quant à la comptabilisation de leur temps de travail, qu’il s’agisse des heures de préparation ou du nombre de semaines travaillées. Pour permettre une rémunération plus juste des AESH, un alignement sur la méthode de calcul du temps de travail des formateurs pourrait être envisagé. La convention collective nationale des organismes de formation du 10 juin 1988 répartit le temps de travail des formateurs entre l’acte de formation (AF), les temps de préparation (PR) et les activités connexes (AC). Le temps d’AF ne peut excéder 72 % de la totalité de la durée de travail effectif consacrée à l’AF, PR et AC cumulés. Cette méthode de calcul permet de mieux prendre en compte l’ensemble du temps de travail effectivement réalisé par les formateurs. Vos rapporteurs souhaitent que des dispositions similaires soient appliquées aux AESH. Cela permettrait une prise en compte plus juste des horaires qu’elles réalisent effectivement. Avec une répartition de 70 % pour le temps d’accompagnement en classe et de 30 % pour la préparation et les activités connexes, une AESH qui réaliserait 24 heures d’accompagnement par semaine verrait son salaire augmenter par rapport à la situation actuelle.

Proposition 13 : Prendre en compte la totalité du temps de travail des AESH

– Élaborer un document précis remis aux AESH et aux directeurs et chefs d’établissement pour préciser ce qui peut être compté dans le temps de travail des AESH hors accompagnement physique des élèves (bonne pratique) ;

– Compléter la circulaire du 3 mai 2017 pour clairement faire figurer « l’adaptation des supports de cours conçus par les enseignants » dans les missions que peuvent exercer les AESH conjointement avec les enseignants (circulaire) ;

Reconnaître le temps de préparation des AESH (environ 30 % du temps de travail) dans le temps de travail effectif ainsi que le temps de formation, d’auto-formation et les temps collectifs (convention collective).

ii.   Permettre davantage aux AESH qui le souhaitent d’intervenir sur le temps périscolaire 

Afin de réduire les coupures dans les emplois du temps des AESH, vos rapporteurs préconisent d’informer davantage les collectivités territoriales sur la possibilité qu’elles ont de se rapprocher des services académiques pour proposer ensuite aux AESH qui le souhaitent un contrat d’accompagnement des enfants en situation de handicap sur le temps périscolaire ([139]).

Proposition  14 : Informer davantage les collectivités territoriales sur la possibilité quelles ont de proposer aux AESH un contrat daccompagnement des enfants en situation de handicap sur le temps périscolaire (bonne pratique).

4.   Les animatrices périscolaires

a.   Harmoniser par le haut les rémunérations des animatrices périscolaires

La rémunération des animatrices dans la fonction publique territoriale et celle pratiquée dans la convention collective de l’animation devraient faire l’objet d’une harmonisation par le haut. Cela permettrait également une plus grande mobilité des parcours.

Proposition 15 : Harmoniser par le haut les rémunérations des animatrices, quelle que soit la nature juridique de leur employeur (conventions collectives).

b.   Construire de vrais « temps pleins »

Il est urgent de reconnaître les heures invisibles effectuées par les animatrices périscolaires. Un temps de « préparation-recherche et autres activités » (PRAA) devrait être pris en compte, comme pour les formateurs. Certaines associations prennent déjà ce temps de préparation en compte dans la rémunération des animatrices périscolaires mais ces associations sont de facto moins compétitives que leurs concurrents.

Comme pour les aides à domicile, vos rapporteurs estiment que toute heure de travail effectuée devrait entraîner la rémunération de lensemble de la demijournée.

Afin de proposer aux animatrices de « vrais » temps pleins, il est également nécessaire de réfléchir aux complémentarités entre le métier danimateur et dautres métiers pour éviter les coupures trop importantes dans les emplois du temps des professionnelles et leur offrir davantage de possibilités de mobilité. Les complémentarités avec les métiers de l’animation socio‑culturelle sont à développer. Les complémentarités avec d’autres métiers, comme celui d’AESH, pourraient également être étudiées même si elles semblent plus complexes à mettre en œuvre (l’emploi d’AESH est nécessairement public contrairement à celui d’animateur périscolaire). Le succès de telles complémentarités repose bien évidemment la mise en place de formations adaptées, notamment la possibilité de passer des modules spécifiques « AESH » ou « animation culturelle » dans le cadre des certifications ou des diplômes d’animatrices périscolaires.

Dans la fonction publique territoriale, afin de réduire les temps partiels subis, la proposition faite par le CSFPT dinstaurer un temps de travail minimum à 17 h 30 pour les animatrices de la fonction publique territoriale pourrait utilement être reprise. Un tel seuil facilitera d’ailleurs l’intégration des professionnelles dans le cadre d’emplois des adjoints d’animation.

Dans la fonction publique territoriale, de nombreuses animatrices périscolaires sont aujourdhui employées comme vacataires, statut extrêmement précaire qui ne leur permet pas davoir une visibilité sur lorganisation de leur temps de travail. Elles sont souvent appelées le matin même pour venir travailler le soir ou le lendemain. Elles n’ont aucune certitude de voir leur contrat renouvelé. Vos rapporteurs souhaiteraient qu’il y ait une obligation de proposer un CDD à une animatrice périscolaire qui aurait travaillé plus de six mois comme vacataire.

Proposition n° 16 : Construire de « vrais » temps pleins pour les animatrices périscolaires

– Reconnaître le temps de préparation des animateurs (environ 30 % du temps de travail) dans le temps de travail effectif ainsi que le temps d’auto-formation (convention collective) ;

Prévoir que toute heure de travail effectuée entraîne la rémunération de l’ensemble de la demi­‑journée (convention collective) ;

– Prévoir l’obligation de proposer un CDD à une animatrice périscolaire qui aurait travaillé plus de six mois comme vacataire (législatif) ;

– Réfléchir aux complémentarités avec d’autres métiers, pour éviter les coupures trop importantes dans les emplois du temps des animatrices et adapter les formations en conséquence ;

– Instaurer un temps de travail minimum à 17 h 30 pour les animatrices de la fonction publique territoriale pour résorber l’emploi précaire et les temps partiels subis (réglementaire).

B.   Reconnaître la pénibilité de ces métiers et améliorer les conditions de travail

L’ensemble des métiers étudiés ont en commun une pénibilité encore trop peu reconnue. Afin d’améliorer les conditions de travail des salariées, vos rapporteurs estiment essentiel de renforcer leur accompagnement par les différentes institutions, de mieux prévenir les accidents du travail et de prévoir des temps suffisants d’échanges entre professionnelles.

Les services des collectivités (conseils départementaux, rectorats ou municipalités, en fonction des métiers) gagneraient à avoir une connaissance plus fine des réalités des métiers étudiés et à jouer un rôle d’accompagnement et de conseil plutôt qu’un simple rôle de contrôle souvent contre‑productif. Cela suppose d’augmenter les effectifs et les moyens des différents services. Parallèlement, des actions fortes pour garantir le droit à un suivi médical des salariées et réduire tant les risques psycho‑sociaux que les accidents du travail doivent être menées. Vos rapporteurs insistent aussi sur l’importance des temps collectifs d’échange et de dialogue pour la qualité de vie au travail et la qualité du travail effectué, et ce dans l’ensemble des métiers du lien. Les salariées ne doivent plus être isolées comme elles le sont actuellement mais bien faire partie de collectifs de professionnels.

1.   Les aides à domicile

a.   Garantir des conditions de travail décentes

Vos rapporteurs déplorent labsence de réflexion sur la décence des conditions de travail dans le secteur de laide à domicile. Contrairement à 29 autres États, la France n’a toujours pas ratifié la convention n° 189 de l’Organisation internationale du travail (OIT) offrant une protection spécifique aux travailleurs domestiques ([140]).

Interrogés par vos rapporteurs, les services de la direction du travail nont pas indiqué les raisons pour lesquelles la convention navait toujours pas été ratifiée par la France. Dans ses lettres datées du 10 septembre 2012 au président du Sénat et au président de l’Assemblée nationale, le ministre du travail de l’époque, Michel Sapin, qualifiait pourtant la convention d’« étape importante dans la reconnaissance du travail domestique comme travail à part entière » et précisait avoir « demandé à (s)es services dengager une analyse de conformité de notre législation à ces textes » en vue d’une ratification. Pour certains acteurs la ratification de la convention permettrait de mettre fin à certaines pratiques abusives au regard du texte et pourtant autorisées en France.

Proposition  17 : Ratifier la convention n° 189 de lOrganisation internationale du travail (OIT).

b.   Prévenir les accidents du travail

i.   S’assurer que les aides à domicile sont suffisamment préparées pour leurs interventions 

Il est essentiel que les aides à domicile disposent, avant leur intervention, dinformations suffisantes relatives aux besoins des personnes aidées mais également aux caractéristiques des logements. Aujourdhui, les équipes médicosociales du département collectent des éléments précis sur les caractéristiques du logement des personnes aidées, lorsquelles en établissent les plans d’aide. Pour vos rapporteurs, il faudrait que ces éléments soient systématiquement transmis aux structures d’aide à domicile.

Vos rapporteurs estiment qu’une aide à domicile gagnerait à être présente lors de l’élaboration, par la structure de services à la personne, du diagnostic permettant de repérer les risques d’accidents professionnels et de mieux comprendre les besoins des personnes aidées.

Les binômes d’intervention gagneraient à être généralisés lors des premières interventions des aides à domicile. Cette pratique pourrait être encouragée par les départements dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) qu’ils signent avec de plus en plus de structures.

Proposition 18 : Sassurer que les aides à domicile sont suffisamment préparées pour leurs interventions

– Améliorer l’échange d’informations entre les équipes médico-sociales du conseil départemental et les structures d’aide à domicile (bonnes pratiques) ;

– Prévoir qu’une aide à domicile soit présente lors de l’élaboration, par la structure de services à la personne, du diagnostic permettant de repérer les risques d’accidents professionnels et de mieux comprendre les besoins des personnes aidées (bonne pratique) ;

– Généraliser autant que possible la pratique des binômes d’intervention lors de la première intervention d’une aide à domicile (idéalement en présence de la personne qui a réalisé le diagnostic) ou lors d’interventions engendrant une forte pénibilité physique (bonnes pratiques).

ii.   Obliger les employeurs à fournir des tenues adaptées et faciliter l’entrée de l’inspecteur du travail chez la personne aidée

Aujourd’hui, les aides à domicile doivent encore trop souvent acheter leurs gants de protection, leurs gants à usage unique et leurs blouses. Il est donc essentiel d’obliger les employeurs à fournir les tenues adaptées. Les aides des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) pour aider les structures d’aide à domicile à financer des équipements de prévention gagneraient à être davantage connues.

Au-delà de la fourniture des équipements de protection, les employeurs ont un rôle à jouer pour faciliter l’entrée des agents de contrôle de l’inspection du travail au domicile des personnes aidées. Actuellement, ces agents ne peuvent pénétrer dans des locaux habités qu’après avoir reçu l’autorisation des personnes qui les occupent. Vos rapporteurs souhaiteraient quen cas de refus des occupants, les agents de contrôle de linspection du travail puissent saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance en vue dobtenir lautorisation daccéder aux locaux habités sous certaines conditions (en cas d’accident du travail grave ou s’il existe un motif raisonnable ou sérieux de suspecter que les travaux qui y sont exécutés ou que les conditions de travail mettent en danger la vie ou la santé des travailleurs à domicile, et en cas d’impossibilité d’effectuer d’une autre manière l’enquête de manière adéquate).

Proposition 19 : Réduire le nombre daccidents au travail des aides à domicile

– Introduire dans toutes les conventions collectives une clause prévoyant la mise à disposition par les employeurs du matériel adéquat et des équipements de protection individuelle (convention collective) ;

– Mieux faire connaître les contrats de prévention (pour les structures de moins de 200 salariés) et les subventions prévention TPE (moins de 50 salariés) mis en place par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) pour aider les structures d’aide à domicile à financer des équipements de prévention ou des formations (bonnes pratiques) ;

– Sensibiliser les structures d’aide à domicile sur la nécessité de faciliter l’entrée de l’inspecteur du travail chez la personne aidée (bonnes pratiques) ;

– Permettre aux agents de contrôle de l’inspection du travail de saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance en vue d’obtenir l’autorisation d’accéder aux locaux habités sous certaines conditions (législatif).

c.   Développer les temps d’échange entre professionnels

Aujourd’hui, la convention collective de l’aide à domicile prévoit un temps d’analyse des pratiques de 8 heures par an. Cela est très largement insuffisant. Il est nécessaire dinstaurer des temps déchange plus longs entre professionnels dune même structure, cest-à-dire de créer du lien entre les professionnels des métiers du lien.

Les relations entre l’ensemble des professionnels intervenant au domicile d’une même personne gagneraient également à être renforcées. Pour cela, vos rapporteurs préconisent la création de poste de « coordinateurs de terrain » ou de « personnes ressources ». Ces personnes assisteraient les aides à domiciles dans certaines de leurs interventions (une fois par trimestre par exemple), leur apporteraient des conseils adaptés, les valoriseraient dans leur travail et, dans les situations les plus difficiles, les aideraient à porter plainte en cas de harcèlement moral ou sexuel. Les aides à domicile dotées dune certaine expérience pourraient utilement jouer, après avoir suivi une formation spécifique, ce rôle de coordinatrices.

À titre d’illustration, la CARSAT de Bordeaux sans le cadre de son programme « Aidants, Aidés, une qualité de vie à préserver », forme des ressources externes spécialisées, ergothérapeutes ou ergonomes, pour intervenir à la demande des services d’aide à domicile au domicile des familles pour lesquelles la situation de travail et/ou de vie a été qualifiée de « complexe » par le SAAD et les intervenants (risques importants, difficultés d’intervention exprimées par les salariés, accidents du travail récurrents…).

Pour le SPASAD Aire sur la Lys auditionné par la mission, ces personnes ressources permettraient d’apporter « la distance nécessaire entre les auxiliaires de vie sociale et les usagers qui finissent parfois par penser que lintervenante est leur  propriété  ou leur  chose ».

Proposition n° 20 : Développer les temps d’échange entre professionnels

– Imposer le principe de temps collectifs d’au moins 4 heures par mois dans tous les établissements et services du secteur de l’aide à domicile (conventions collectives voire législatives) ;

– Développer les programmes mis en place par les CARSAT permettant de mettre à la disposition des services d’aide à domicile des personnes ressources (loi de financement de la sécurité sociale). Permettre aux aides à domicile dotées d’une certaine expérience de jouer, après avoir suivi une formation spécifique, ce rôle de personne ressource (réglementaire).

2.   Les assistantes maternelles

a.   Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les institutions

i.   Mettre en place des plateformes publiques d’appui technique et juridique aux assistantes maternelles

Les assistantes maternelles se disent insuffisamment accompagnées par l’État dans l’ensemble des tâches administratives qu’elles ont à gérer. Elles ont dès lors parfois recours à des plateformes privées qui les aident notamment à rédiger les contrats et à calculer leur rémunération. « Les plateformes privées ont un coup davance sur nos services publics » ont regretté les syndicats auditionnés par vos rapporteurs. Le recours à ces plateformes coûte souvent très cher aux assistantes maternelles et aux parents : l’abonnement peut s’élever à quatre euros par mois pour chaque partie au contrat. De plus, ces plateformes privées se dégagent de toute responsabilité en cas d’erreur de leur part. Vos rapporteurs estiment que des plateformes publiques pourraient utilement être mises en place pour offrir un service gratuit et efficace aux assistantes maternelles qui le souhaiteraient. Idéalement, les départements devraient également recruter un professionnel compétent pour les questions administratives, financières et juridiques, lequel viendrait en aide aux assistantes maternelles.

Proposition n° 21 : Renforcer laccompagnement des assistantes maternelles dans leurs tâches administratives

– Mettre en place des plateformes publiques d’aide aux assistantes maternelles (bonne pratique) ;

– Encourager les collectivités à recruter un professionnel compétent pour les questions administratives, financières et juridiques (bonne pratique).

ii.   Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les services départementaux et harmoniser les pratiques entre les départements

Le service de protection maternelle et infantile (PMI) est un service départemental chargé d’assurer la protection sanitaire de la mère et de l’enfant. Il instruit notamment les demandes d’agrément des assistantes maternelles et est chargé de leur accompagnement, de leur surveillance et de leur contrôle ([141]).

Le juste équilibre entre les deux rôles de la PMI, que sont le contrôle et l’accompagnement des assistantes maternelles n’est pas toujours présent. Dans certains départements, le contrôle des services de PMI sest substitué à laccompagnement. Cela se ressent très concrètement sur le terrain. De nombreuses assistantes maternelles auditionnées regrettent, par exemple, ne pas être destinataires du rapport établi à leur sujet par la PMI, lequel pourrait pourtant leur permettre de mettre en œuvre de meilleures pratiques. Vos rapporteurs appellent de leurs vœux un renforcement des moyens des PMI pour leur permettre de davantage jouer leur rôle d’accompagnement.

Au-delà du renforcement de laccompagnement des assistantes maternelles, il est essentiel dharmoniser les pratiques entre les départements. Un référentiel, prévu à l’article R.421-3 du code de l’action sociale et des familles, fixe les critères que doit respecter l’agrément accordé par le conseil départemental. Il prévoit notamment que le candidat doit disposer d’un logement dont l’état, les dimensions, les conditions d’accès et l’environnement permettent d’assurer le bien‑être et la sécurité des enfants. Néanmoins, pour les associations auditionnées, « en plus des exigences prévues par le référentiel, certains départements écrivent leur propre référentiel départemental. Ils peuvent en profiter pour ajouter des conditions... ». Cela est source d’insécurité juridique et d’inégalité entre les territoires.

Proposition n° 22 : Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les services départementaux et harmoniser les pratiques entre les départements

– Prévoir que les assistantes maternelles soient systématiquement destinataires du rapport établi à leur sujet par la PMI, comme cela est déjà dans le cas dans certains départements (bonne pratique) ;

– Renforcer les effectifs de la PMI pour lui permettre de jouer davantage son rôle d’accompagnement des assistantes maternelles ;

– Harmoniser les pratiques entre départements en précisant le référentiel réglementaire fixant les critères d’agrément des assistantes maternelles (réglementaire).

iii.   Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les relais assistantes maternelles (RAM) et prévoir un temps suffisant d’analyse des pratiques

Les personnes auditionnées, assistantes maternelles ou parents, se sont dites en majorité satisfaites de l’offre de service du RAM. Certaines ont néanmoins pointé du doigt l’hétérogénéité de la qualité des RAM sur le territoire. Cette qualité tient beaucoup aux financements locaux disponibles ainsi qu’au professionnel qui anime le RAM. « Notre RAM fonctionne bien et cela est lié à la personne de Françoise qui est toujours disponible pour répondre à nos questions » ont ainsi expliqué les assistantes maternelles rencontrées au RAM de Dieppe. Il est essentiel de développer davantage les RAM sur l’ensemble du territoire, d’augmenter le nombre de places dans chaque RAM et d’inciter les assistantes maternelles à s’y rattacher.

Le projet d’ordonnance prévu par l’article 50 de la loi dite « Essoc » ([142]) rebaptise les RAM en « relais petite enfance ». Leurs missions sont précisées : ils devront jouer un rôle plus important dans l’information des parents-employeurs, dans l’éveil et la socialisation des enfants ainsi que dans la professionnalisation des assistants maternels. Si ce projet d’ordonnance va dans le bon sens, il n’est néanmoins pas suffisamment ambitieux. Vos rapporteurs sont favorables à la possibilité, pour les assistantes maternelles qui disposent dune certaine expérience, doccuper le poste danimateur de RAM. Une formation pourrait être prévue pour les animateurs de RAM dans l’année qui suit leur prise de fonction pour les aider à accompagner au mieux les assistantes maternelles. 

Laccompagnement des assistantes maternelles par les RAM passe également par un temps danalyse des pratiques suffisant au sein de ces structures, lequel doit être comptabilisé comme un temps de travail effectif.

Proposition n° 23 : Renforcer l’accompagnement des assistantes maternelles par les relais assistantes maternelles (RAM) et prévoir un temps d’analyse des pratiques suffisant

– Développer davantage les RAM sur l’ensemble du territoire, augmenter le nombre de places dans chaque RAM et inciter les assistantes maternelles à s’y rattacher (bonnes pratiques) ;

– Ouvrir aux assistantes maternelles dotées d’une certaine expérience la possibilité d’occuper le poste d’animateur de RAM. Prévoir une formation pour les animateurs de RAM dans l’année qui suit leur prise de fonction pour les aider à accompagner au mieux les assistantes maternelles (réglementaire) ;

– Comptabiliser le temps d’analyse des pratiques dans les RAM comme du temps de travail effectif rémunéré par la caisse d’allocation familiale (législatif).

b.   Sécuriser le métier d’assistante maternelle en crèche familiale

Les crèches familiales sont des établissements publics ou privés employant des assistantes maternelles agréées qui accueillent à leur domicile entre un à quatre enfants. Le gestionnaire est le plus souvent une collectivité territoriale. Des temps de regroupement collectif des enfants et de leurs assistantes maternelles sont organisés, généralement une à deux fois par semaine, dans les locaux des crèches familiales. Vos rapporteurs sont convaincus que les crèches familiales peuvent répondre à un certain nombre de difficultés que connaissent aujourdhui les assistantes maternelles, à savoir lisolement, lutilisation du domicile privé comme seul lieu de travail et le manque de temps déchange avec dautres assistantes maternelles.

Un récent rapport ([143]) de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) cherche à comprendre pourquoi les crèches familiales ne se développent pas davantage. Il souligne que le statut d’assistante maternelle en crèche familiale n’est pas suffisamment lisible. Il note également que le temps de gestion administrative, important dans les crèches familiales, est peu pris en compte dans les financements. Vos rapporteurs recommandent la mise en œuvre de certaines préconisations de ce rapport.

Proposition n° 24 : Sécuriser le métier d’assistante maternelle en crèche familiale

– Élaborer un référentiel juridique sur le statut des assistants maternels en crèche familiale et faciliter son appropriation par les gestionnaires et acteurs concernés (réglementaire) ;

– Réfléchir à l’opportunité de mettre en place un financement spécifique pour la gestion administrative inhérente au fonctionnement d’une crèche familiale (législatif).

c.   S’assurer de l’accès des assistantes maternelles à la médecine du travail

Le projet d’ordonnance prévu par l’article 50 de la loi Essoc prévoit d’étendre aux assistantes maternelles l’accès à la médecine du travail (surveillance médicale obligatoire) et leur donne droit à une indemnisation chômage en cas de démission pour non-respect des obligations vaccinales par les parents. Ces mesures étaient attendues de longue date et leur application devra être minutieusement contrôlée.

3.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a.   Réduire la pénibilité du métier

i.   Améliorer la gestion des ressources humaines

La circulaire du 5 juin 2019 prévoit que le recteur d’académie mette en place une organisation qui permet d’assurer la gestion des AESH par un interlocuteur compétent en ressources humaines (RH) et spécifiquement identifié. Pour vos rapporteurs, il serait opportun de prévoir que l’interlocuteur des AESH au sein du rectorat accompagne pendant quelques jours des professionnelles dans leur travail pour mieux comprendre les réalités de leur métier.

Proposition n° 25 : Améliorer le dialogue entre les AESH et les services académiques. Pour cela, prévoir que l’interlocuteur des AESH au sein du rectorat accompagne pendant quelques jours des professionnelles dans leur travail pour mieux comprendre les réalités de leur métier (circulaire).

ii.   Ne pas recourir à la mutualisation selon des logiques purement budgétaires de réduction des coûts.

Les MDPH notifient de plus en plus d’accompagnement mutualisé, ce qui peut complexifier le travail des AESH. Cette modalité d’accompagnement des enfants peut représenter un véritable défi pour les AESH qui doivent souvent s’adapter à plusieurs handicaps différents et suivre des enfants dans plusieurs classes et sur plusieurs niveaux. La mutualisation se traduit donc par une baisse générale de la qualité de l’accompagnement pour l’enfant et une diminution de la qualité des conditions de travail pour l’AESH.

Proposition  26 : Ne pas recourir à la mutualisation selon des logiques purement budgétaires de réduction des coûts ; recruter davantage dAESH (loi de finances)

iii.   Évaluer les conséquences des pôles inclusifs daccompagnement localisés (PIAL) sur la vie professionnelle et personnelle des AESH

Les PIAL ont officiellement été institués par la loi de 2019 dite « pour une école de la confiance » ([144]). Il sagit dune nouvelle forme dorganisation du travail des AESH qui doit permettre de mieux répartir et coordonner leurs interventions en fonction des besoins et des emplois du temps des élèves concernés. De nombreuses AESH sy opposent, estimant que la flexibilité qui est exigée delles en PIAL (prise en charge d’élèves à besoins très différents, lieux d’exercice éloignés, difficulté à s’inscrire dans une équipe) naméliorera pas leurs conditions de travail.

Proposition  27 : Évaluer les conséquences des PIAL sur la vie professionnelle et personnelle des AESH (création dune mission dinformation parlementaire ou dune mission dinspection de léducation nationale).

b.   Prévoir davantage de temps d’échanges entre les différents professionnels intervenant à l’école

La circulaire du 5 juin 2019 prévoit la possibilité d’organiser des temps déchanges de pratiques entre pairs, notamment entre AESH et enseignants. Pour vos rapporteurs, ces temps déchanges devraient être systématiques dans chaque école pour permettre à la fois pour une meilleure prise en charge de lélève en situation de handicap et une plus grande compréhension, par chaque professionnel, du métier exercé par lautre. Les formations sur les positionnements respectifs des AESH et des enseignants en situation de classe, organisées par les académies et les départements, pourraient utilement voir leur volume horaire passer de trois heures à une journée.

Proposition n° 28 : Prévoir davantage de temps d’échanges entre professionnels intervenant à l’école

– Systématiser les temps d’échanges de pratiques entre pairs dont la possibilité est prévue par la circulaire du 5 juin 2019 (réglementaire) ;

– Allonger la durée des formations sur les positionnements respectifs des AESH et des enseignants en situation de classe (réglementaire).

4.   Les animatrices périscolaires

a.   Garantir le droit à un suivi médical et réduire les risques psycho‑sociaux

Aujourd’hui, ni les visites médicales d’embauche, ni les visites médicales périodiques ne sont courantes pour les animatrices périscolaires. Pourtant, cela est prévu dans la convention collective de l’animation ([145]). « Les structures associatives ne sont pas en capacité de systématiser les visites dembauche des animateurs auprès des services de santé au travail (SST). Cela peut tenir à la fois aux moyens des SST eux-mêmes, mais surtout aux temps partiels des animateurs et au manque de moyens pour gérer les ressources humaines au sein des associations » a ainsi expliqué le CNEA à vos rapporteurs. Il semble donc essentiel de renforcer les effectifs des services de santé au travail et de communiquer davantage auprès des associations sur l’importance de garantir, à leurs salariés, le droit à un suivi médical.

Vos rapporteurs insistent également sur la nécessité de développer les formations à la prévention des risques psycho-sociaux, encore trop rares dans le secteur l’animation. En 2014, elles n’ont représenté que 0,2 % des actions de formation ([146]).

Proposition n° 29 : Garantir aux animatrices périscolaires le droit à un suivi médical et réduire les risques psycho‑sociaux

– Développer les formations à la prévention des risques psycho-sociaux dans le secteur de l’animation (réglementaire et bonnes pratiques) ;

– Systématiser les visites médicales d’embauche et périodiques (bonnes pratiques), notamment en renforçant les effectifs des services de santé au travail (loi de financement de la sécurité sociale).

b.   Améliorer le dialogue entre animatrices ainsi qu’avec les enseignants

Des temps d’échanges plus importants entre les animatrices leur permettraient de se sentir moins isolées dans l’exercice quotidien de leur métier et de partager les bonnes pratiques.  Des temps de dialogue avec les enseignants sont également à développer afin d’améliorer la connaissance (et la reconnaissance !) que chaque professionnel a du métier de l’autre.

« Jai eu la chance de travailler avec une directrice pour qui tous les acteurs forment une équipe. Elle forçait un peu la main aux instituteurs présents en leur indiquant bien que les animateurs apportent quelque chose aux enfants sur les temps informels. Dans ce caslà, on se sent intégré, cest agréable et super-valorisant. »

Propos recueillis auprès des animateurs et animatrices de la ville d’Amiens

Proposition n° 30 : Développer les temps déchange entre les animatrices périscolaires ainsi quavec les enseignants (conventions collectives).

C.   Améliorer la reconnaissance de ces métiers par la société, créer un vrai statut et de réelles perspectives de carrière

Lensemble des métiers étudiés ont en commun dêtre trop peu reconnus par la société. Faire prendre conscience de l’extrême utilité de tous ces métiers au vivre ensemble n’est pas chose aisée. Cela nécessite d’inverser notre système de valeurs et de privilégier les liens humains aux biens purement matériels.

La reconnaissance de ces métiers passe par la construction de statuts protecteurs et de vraies perspectives de carrière. Une offre de formation digne de ce nom est une offre de formation suffisante et pertinente mais également accessible à tous les salariés. Le droit à la formation doit être effectif. Concrètement, cela signifie par exemple que les salariés doivent avoir la possibilité de se faire remplacer pour pouvoir se rendre à leurs formations. Les auditions ont mis en lumière une tension entre la nécessaire montée en qualification des salariées des métiers du lien et la fragilité sociale et économique dans laquelle elles peuvent se retrouver. Cest la raison pour laquelle vos rapporteurs insistent sur limportance de la formation continue plus que sur linstauration de nouvelles barrières à lentrée de ces métiers.

Dans lensemble de ces métiers, vos rapporteurs préconisent laccès à une formation qualifiante pour toutes les salariées, intervenant un an après leur prise de fonction.

1.   Les aides à domicile

a.   Donner aux aides à domicile le même accès au matériel de protection que les autres professions de santé

Vos rapporteurs jugent qu’il serait normal de faire droit à la demande de nombreuses aides à domicile d’être inscrites dans les répertoires nationaux des professions de santé ou, du moins, de leur donner le même niveau de priorité pour l’accès au matériel de protection (masques, blouses…) ainsi que de leur offrir la possibilité de disposer d’une carte professionnelle et d’utiliser un macaron professionnel pour leur véhicule.

« Quand on va à la pharmacie, on nous jette au visage : vous ne faites pas partie du personnel médical pour avoir un masque. »

« On parle des soignants de lhôpital et des EHPAD mais rien sur les auxiliaires de vie. »

Enquête « L’impact du Covid-19 sur le métier d’auxiliaire de vie » réalisée par Alenvi

Proposition 31 : Inscrire les aides à domicile dans les répertoires nationaux des professions de santé ou, a minima, leur donner le même niveau de priorité pour laccès au matériel de protection et leur offrir la possibilité de disposer dune carte professionnelle et dutiliser un macaron professionnel pour leur véhicule (réglementaire).

b.   Renforcer la formation continue et les passerelles avec les métiers du sanitaire

Aujourdhui, la construction des carrières des aides à domicile est dautant plus difficile que les salariées sont partagées entre trois conventions collectives et entre deux opérateurs de compétence (OPCO). L’OPCO « cohésion sociale » est celui du seul secteur associatif de l’aide à domicile tandis que l’OPCO « entreprises de proximité » est quant à lui commun à la convention collective du particulier employeur et à celle des services à la personne. Pour ajouter à la complexité, il faut savoir que les particuliers employeurs ont choisi de créer un organisme spécifique au sein de l’OPCO « entreprises de proximité ». Il est pourtant essentiel de développer les démarches communes des partenaires conventionnels pour faire évoluer les métiers, les compétences (harmonisation des diplômes) et développer les parcours professionnels des salariées (reprise dancienneté par exemple). Une fusion des deux OPCO serait souhaitable. Idéalement, ces deux OPCO pourraient même fusionner avec l’OPCO « santé » ([147]) bien que ce rapprochement semble plus complexe à mettre en œuvre.

Pour s’assurer d’un droit effectif à la formation continue, vos rapporteurs préconisent d’instaurer l’obligation, pour les conseils départementaux, de garantir à l’ensemble des aides à domicile l’accès à une formation qualifiante, laquelle pourrait être le diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social (DEAES).

Les aides à domicile sont de plus en plus amenées à dépasser les strictes limites de leurs métiers et à réaliser des interventions relevant du soin. Vos rapporteurs jugent souhaitable de rapprocher les métiers d’auxiliaire de vie sociale et d’aide-soignante pour aller à terme vers un métier unique d’accompagnant au quotidien des personnes en perte d’autonomie, comme cela est également préconisé par le rapport dit « El Khomri ». Pour ce faire, la refonte du référentiel de formation du DEAES doit être mise à profit pour consolider un socle commun et des passerelles avec le métier d’aide‑soignante.

Proposition n° 32 : Renforcer la formation continue et les passerelles avec les métiers du sanitaire

– Prévoir que les conseils départementaux garantissent à l’ensemble des aides à domicile qui interviennent dans les structures autorisées par le département, l’accès à une formation qualifiante qui pourrait être le diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social (DEAES) (réglementaire) ;

– Fusionner l’OPCO services de proximité, l’OPCO cohésion sociale et l’OPCO santé pour encourager la formation continue et développer la mobilité professionnelle des salariés (législatif) ;

– Mettre à profit la refonte du référentiel de formation du DEAES pour consolider un socle commun et des passerelles avec le métier d’aide-soignante (réglementaire). À terme, aller vers un métier unique d’accompagnant au quotidien des personnes en perte d’autonomie.

c.   Développer la représentation salariale des aides à domicile

La représentation salariale des aides à domicile est une condition importante à la reconnaissance sociale du métier et à lamélioration des conditions de travail. Le sous-dimensionnement actuel des instances représentatives du personnel (IRP) dans les services à la personne s’explique par la prépondérance du temps partiel. En effet, les salariés à temps partiel sont comptés au prorata de leur temps de présence dans le calcul des effectifs qui conditionnent la mise en place de représentants du personnel dans l’entreprise.

Pour le décompte de leffectif, il serait pertinent de considérer que chaque salarié compte pour un. Cette mesure, qui ne concernerait pas que le secteur des services à la personne, pourrait utilement désinciter les employeurs à recourir au temps partiel.

Proposition  33 : Considérer que chaque salarié compte pour un dans le calcul des effectifs qui conditionnent la mise en place de représentants du personnel dans l’entreprise, même s’il est à temps partiel (législatif).

2.   Les assistantes maternelles

a.   Renforcer la formation initiale des assistantes maternelles

Les modalités de formation des assistantes maternelles ont récemment été modifiées ([148]). La formation initiale est organisée et financée par le conseil départemental pour une durée totale de 120 heures. Les 80 premières heures sont assurées dans un délai de six mois à compter de la réception du dossier complet de demande d’agrément de l’assistante maternelle. Lorsque les résultats de l’évaluation sont satisfaisants, l’organisme de formation, ou le président du conseil départemental, délivre une attestation de validation des 80 premières heures de la formation, valant autorisation à accueillir un enfant. Les heures de formation restantes (soit au minimum 40 heures) doivent ensuite être effectuées dans les trois ans.

Une fois l’agrément obtenu et l’ensemble de la formation initiale suivie, les assistantes maternelles ne peuvent exercer que cinq ans si elles ne se présentent pas aux épreuves EP1 « accompagner le développement éducatif du jeune enfant » et EP3 « exercer son activité en accueil individuel » du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) accompagnant éducatif petite enfance (AEPE). Le renouvellement de l’agrément est en effet soumis à la condition que les candidates « passent » les deux épreuves (mais non pas qu’elles les réussissent). Si elles les réussissent, leur agrément sera renouvelé pour dix et non cinq ans. Certains acteurs souhaiteraient que les assistantes maternelles « passent » les trois épreuves du CAP AEPE pour le renouvellement de leur agrément, à savoir également l’épreuve EP2 relative à l’accueil en collectivité. « De fait lévolution du métier dassistante maternelle intègre la possibilité de travailler au sein de maisons dassistantes maternelles (MAM). Doù limportance de les ouvrir, dès leur formation, à cette dimension de collectivité » a ainsi indiqué l’Institut petite enfance.

Beaucoup dassistantes maternelles estiment que la formation initiale de 120 heures est insuffisante pour permettre une capitalisation sérieuse des connaissances et une reconnaissance sociale du métier. Certaines souhaiteraient voir doublée la durée de la formation initiale. D’autres aimeraient rendre obligatoire la réussite du certificat CAP AEPE pour l’obtention ou pour le renouvellement de l’agrément.

Vos rapporteurs estiment quil est essentiel de prévoir un socle commun minimal de connaissances et de compétences pour lensemble des métiers de la petite enfance. Ils pensent également qu’il est préférable de privilégier l’obtention d’un CAP, diplôme d’État, à celle d’un titre professionnel payant, valable uniquement au sein d’une branche et permettant ainsi moins de mobilité. « La Fepem a mis en place un certificat de qualification professionnelle (CQP) de branche qui qualifie les assistantes maternelles et qui coûte environ 10 000 euros. Ce CQP prend de plus en plus dimportance puisquil ouvre désormais le droit de ne pas suivre toute la formation initiale ! Il faudrait davantage faciliter laccès en validation des acquis de lexpérience (VAE) au CAP AEPE » ont ainsi indiqué des assistantes maternelles auditionnées.

Vos rapporteurs souhaiteraient mettre en place une obligation, pour les conseils départementaux, de garantir à lensemble des assistantes maternelles, un an après le début de leur contrat, laccès à une formation qualifiante qui pourrait être le CAP AEPE. Le CAP AEPE pourrait ainsi être rendu obligatoire (du moins les épreuves EP1 et EP3 ([149])) non pas au moment de lobtention de lagrément, ce qui créerait une trop forte barrière à lentrée, mais au moment de son renouvellement.

Proposition n° 34 : Renforcer la formation initiale des assistantes maternelles

– Doubler la durée de la formation initiale pour qu’elle soit de la même durée que la formation des assistants familiaux (240 heures de formation) ;

– Prévoir que les conseils départementaux garantissent à l’ensemble des assistantes maternelles, un an après l’obtention de leur agrément, l’accès à une formation qualifiante qui pourrait être le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) accompagnant éducatif petite enfance (AEPE) (réglementaire) ;

– Rendre obligatoire l’obtention certificat d’aptitude professionnelle « accompagnant éducatif petite enfance » (du moins les épreuves EP1 et EP3), non pas au moment de l’obtention de l’agrément, ce qui créerait une trop forte barrière à l’entrée du métier, mais au moment de son renouvellement.  

b.   Faciliter l’accès à la formation continue des assistantes maternelles et leur offrir de nouvelles perspectives de carrière

La formation continue permet aux assistantes maternelles dêtre plus à laise dans lexercice quotidien de leur métier et leur ouvre des perspectives de carrière intéressantes. Elle leur donne, par exemple, la possibilité de travailler en structure collective, de passer un diplôme d’auxiliaire de puériculture ou un diplôme d’éducateur de jeunes enfants.

Aujourdhui, laccès à la formation continue reste compliqué pour les assistantes maternelles. La plupart ne peuvent suivre ces formations que lors de leur temps libre (le samedi, bien souvent), faute de pouvoir se faire remplacer pendant la journée. Le projet d’ordonnance prévu par l’article 50 de la loi Essoc prend cette problématique en compte puisqu’il indique explicitement que le président du conseil départemental pourra, pour un remplacement, autoriser l’accueil de plus de quatre enfants simultanément. Pour certains acteurs auditionnés, ce projet de texte ne va pas suffisamment loin : ils souhaiteraient qu’une place d’accueil d’urgence soit systématiquement prévue dans chaque agrément.

Laccès à la formation continue est également rendu plus difficile en raison du quasi-monopole exercé par lorganisme de formation Iperia. Ce quasi-monopole est vivement contesté par les associations d’assistantes maternelles : « la Fepem nous a dit quil ny avait plus dargent pour les formations (ça coûte cher, il faut payer le transport, lhébergement) mais si on ouvrait à tous les organismes de formation et pas seulement à Iperia, cela permettrait à des assistantes maternelles de trouver des formations plus près de chez elles et coûterait moins cher !! ». Interrogé par vos rapporteurs, l’Institut petite enfance dénonce également « le non-report des heures de formation dune année à lautre en cas dannulation venant altérer la possibilité et droit même à la formation » ([150]).

Si laccès à la formation a été amélioré par lexistence récente de « parents facilitateurs » ([151]), les démarches parfois complexes que ces derniers doivent accomplir restent un frein à la formation des assistantes maternelles. Les parents facilitateurs gagneraient à être davantage guidés, notamment par les plateformes publiques d’aide aux assistantes maternelles appelées de vos vœux par vos rapporteurs (cf. supra).

Enfin, afin de leur offrir de nouvelles perspectives de carrière, vos rapporteurs appellent de leurs vœux la possibilité pour les assistantes maternelles, après un certain nombre dannées dexpérience, daccéder par la VAE à des postes danimateurs de relais ou à des postes au sein des pôles « petite enfance » des départements.

Proposition n° 35 : Simplifier l’accès à la formation continue des assistantes maternelles et leur offrir de nouvelles perspectives de carrière

– Faciliter le remplacement d’une assistante maternelle qui part en formation en prévoyant systématiquement, dans chaque agrément, une place d’accueil d’urgence (législatif) ;

– Mettre fin au quasi-monopole de l’organisme de formation Iperia (conventions collectives) ;

– Guider davantage, à travers des plateformes publiques, le « parent facilitateur » chargé d’effectuer les démarches nécessaires à la formation de l’assistante maternelle (bonnes pratiques) ;

– Ouvrir la possibilité aux assistantes maternelles, après un certain nombre d’années d’expérience, d’accéder par la VAE à des postes d’animateurs de relais ou à des postes au sein des pôles « petite enfance » des départements (réglementaire).

3.   Les accompagnantes d’enfants en situation de handicap

a.   Mettre fin aux contrats précaires

i.   Fonctionnariser les AESH ou prévoir un recrutement direct des AESH en CDI de droit public

Les multiples évolutions réglementaires et législatives ont conduit à une grande diversité de statuts au sein même de ce métier. Selon les chiffres donnés par la commission d’enquête rapportée par le député Sébastien Jumel, 14 541 AESH bénéficiaient d’un contrat de CDI en 2019 et 56 634 d’un CDD. Parmi ces dernières, seules 0,41 % bénéficiait d’un CDD de trois ans, 75 % étaient engagées via un CDD d’un an et 20 % disposaient d’un contrat d’une durée inférieure à un an. Ces contrats de courte durée représentaient une véritable source de précarité pour les accompagnantes. Fin 2017, plus de 43 000 accompagnantes étaient recrutées dans le cadre d’un contrat aidé de droit privé, également facteur de précarité. Vos rapporteurs saluent donc lallongement de la durée des CDD dAESH à 3 ans et la fin effective des embauches en contrat aidé. À ce jour, plus aucune AESH n’est recrutée en contrat aidé. Le ministère n’a cependant pas répondu à la question de vos rapporteurs visant à savoir si l’ensemble des contrats aidés existants ont bien été transformés en CDD.

Malgré ces quelques améliorations, vos rapporteurs sinterrogent sur la pertinence dun système qui conduit les AESH à devoir réaliser six années « probatoires » en CDD avant déventuellement voir leur emploi pérennisé. Ce véritable « marathon » décourage de nombreuses AESH et explique le très faible taux de CDI dans la profession. Pour vos rapporteurs, il faudrait a minima proposer un recrutement direct des AESH en CDI de droit public et, idéalement, fonctionnariser les AESH.

Proposition n° 36 : Prévoir un statut suffisamment protecteur pour les AESH

– Intégrer les AESH à la fonction publique territoriale ou à la fonction publique d’État (législatif) ;

A minima, prévoir un recrutement direct des AESH en CDI de droit public (législatif).

ii.   Prévoir que les AESH qui prennent un congé parental ne perdent pas l’ancienneté acquise donnant droit à un CDI

Actuellement, le congé parental n’interrompt pas le contrat de l’AESH, mais sa durée n’est pas prise en compte pour le calcul de l’ancienneté ([152]) permettant l’accès à un CDI. Cette disposition constitue une injustice importante pour les AESH, le code du travail précisant, à son article L. 225-24 que la durée du congé maternité « est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que la salariée tient de son ancienneté ». La non-prise en compte de la durée du congé maternité pour le calcul de lancienneté peut être un frein important dans les projets personnels des AESH.

Proposition 37 : Faire en sorte que les AESH qui prennent un congé parental ne perdent pas lancienneté acquise permettant laccès à un CDI (réglementaire)

iii.   A minima, mettre fin à une forme de « sous-précarité » au sein de la précarité : le cas des « AESH hors titre II »

Les AESH sont aujourd’hui recrutées soit par l’État soit par un établissement. Si elles sont recrutées par l’État, leurs rémunérations sont comprises dans les « dépenses de personnel » de l’État (elles figurent alors dans le « titre II » de la nomenclature des dépenses en comptabilité budgétaire). Les AESH recrutées par un établissement sont, elles, rémunérées hors titre II, sur le budget de l’établissement, avec des subventions de l’État. Le deuxième type de contrat ouvre moins de droits sociaux. Les AESH hors titre II constituent une forme de « sous précarité dans la précarité » : elles n’ont, par exemple, pas le droit aux aides au logement, aux chèques vacances ou aux fiches de paie dématérialisées.

Proposition n° 38 : Mettre fin à une forme de « sous-précarité » au sein de la précarité : le cas des « AESH hors titre II »

– Prévoir que la loi de finances soit davantage transparente sur le nombre d’AESH recrutées sur le hors titre II (documents budgétaires accompagnant la loi de finances) ;

– Prévoir que les AESH hors titre II aient les mêmes droits que les AESH rémunérées sur le titre II.

b.   Améliorer la formation initiale et continue

i.   Renforcer la formation initiale

Depuis 2014, les candidats doivent, pour devenir AESH justifier d’un diplôme professionnel dans l’aide à la personne (le DEAES), d’un diplôme de niveau 4 (baccalauréat et plus) ou d’une expérience de plus de neuf mois dans l’accompagnement d’enfants en situation de handicap. En complément de ces prérequis, les AESH suivent une formation d’adaptation à l’emploi de 60 heures assurée par la direction académique de services de l’éducation nationale. Les AESH rencontrées par la mission jugent toutes cette formation initiale très insuffisante et trop tardive (cf. supra). Selon le collectif AESH en action, plus de 70 % des AESH ne reçoivent leur formation qu’après leur entrée en fonction.

Pour vos rapporteurs, il apparaît nécessaire que la formation ait lieu suffisamment en amont de la prise de fonction. Les modules de formation devraient être adaptés par troubles spécifiques plutôt que par handicap, surtout parce que les AESH ne connaissent pas toujours lintitulé exact du handicap de lenfant.

Proposition n° 39 : Renforcer la formation initiale des AESH

– Prévoir que la formation initiale ait lieu systématiquement avant la prise de fonction (circulaire) ;

– Améliorer le contenu de la formation initiale de 60 heures : prévoir une formation par troubles spécifiques plutôt que par type de handicap (circulaire) ;

– Augmenter le budget alloué à la formation initiale des AESH, notamment pour prendre en compte la hausse des effectifs d’AESH. Abonder les crédits de l’action 3 « Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap », du programme 230 « Vie de l’élève » destinés à la formation des AESH chargés de l’aide humaine aux élèves en situation de handicap (loi de finances).

ii.   Mettre en place une vraie formation continue

Les acteurs auditionnés ont tous souligné le manque de formation continue. Il semble donc nécessaire de faciliter l’accès des AESH aux modules de formation d’initiative nationale dans le domaine de la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers (MIN-ASH) qui sont organisés tous les ans au niveau national et académique. Il est également essentiel daccompagner davantage les AESH qui souhaitent obtenir le DEAES par la voie dune VAE. Pour certains acteurs, le DEAES pourrait être revalorisé en faisant passer ce diplôme du niveau 5 (certificat d’aptitude professionnelle ou brevet d’études professionnelles) au niveau 4 (baccalauréat). Vos rapporteurs souhaiteraient mettre en place une obligation, pour les rectorats, de garantir à lensemble des AESH, un an après le début de leur contrat, laccès à une formation qualifiante qui pourrait être le DEAES.

Vos rapporteurs insistent aussi sur limportance des formations communes aux différents personnels (notamment avec les enseignants). Prévues par une récente circulaire, il semblerait que ces formations ne soient pas encore réellement ouvertes ni financées. Quant à la nouvelle plateforme numérique nationale Cap École inclusive, destinée à la compréhension des phénomènes de handicap par tous les professionnels, elle contiendrait, d’après les AESH auditionnées, presque exclusivement des conseils bibliographiques et serait donc fort peu utile.

Au-delà même des formations, vos rapporteurs préconisent lexistence de plus de personnes ressources (AESH référents ou professeurs ressources) vers lesquelles les AESH pourraient se tourner. Selon le sociologue Jean-Sébastien Eideliman auditionné par la mission, il n’existerait pas aujourd’hui de professeur ressource spécialisé sur les troubles du comportement.

Proposition 40 : Mettre en place une vraie formation continue pour les AESH

– Prévoir que les rectorats garantissent à l’ensemble des AESH, un an après le début de leur contrat, l’accès à une formation qualifiante qui pourrait être le DEAES (réglementaire) ;

– Mieux accompagner les AESH qui souhaitent obtenir le DEAES par la voie d’une VAE (bonne pratique, circulaire) ;

– Ouvrir et financer davantage de formations communes aux différents personnels (circulaire) ;

– Accroître l’utilité de la plateforme Cap École Inclusive en proposant davantage de vidéos et d’articles sur les troubles de l’enfant à accompagner, sur les adaptations à mettre en place pour répondre aux besoins de l’enfant en situation d’apprentissages ainsi que sur la place de l’AESH dans la classe (bonne pratique) ;

– Augmenter le nombre de personnes ressources, AESH référents ou professeurs ressources (bonne pratique).

4.   Les animatrices périscolaires

a.   Mettre en place une politique nationale du périscolaire ambitieuse

Aujourdhui, le périscolaire est un domaine exclusivement décentralisé et non obligatoire. Les dépenses des collectivités en la matière sont donc très hétérogènes. D’après un récent rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales ([153]), le coût des services périscolaires par heure et par enfant ([154])  se situe, dans un quart des communes, au-delà de 5 € alors que, à l’inverse, dans un autre quart il est inférieur à 2,50 €. Plus de la moitié des recettes consacrées aux services périscolaires provient d’une participation de la commune (48 %) ou de son intercommunalité (6 %). D’autres participations publiques, principalement celles de l’État, représentent 6 % des recettes. La participation financière des parents, qui représente près d’un quart des recettes (22 %), s’élève en moyenne à 0,80 euro par heure et par enfant. Enfin, les subventions de la CAF représentent une part significative des recettes (15 %).

Vos rapporteurs sont favorables à faire du périscolaire une compétence obligatoire, et non plus facultative, des collectivités. Ils préconisent également de fixer des orientations précises et ambitieuses au niveau national. Une politique nationale du périscolaire digne de ce nom doit prendre en compte tant les intérêts de l’enfant que ceux des professionnels (amélioration des conditions de travail et des rémunérations). Elle doit également prévoir loctroi de ressources suffisantes aux collectivités. La participation de lÉtat aux efforts des communes en termes de périscolaire ne peut pas stagner à 6 % comme aujourdhui.

Une volonté politique forte de revaloriser les loisirs, indépendamment de tout enjeu scolaire, est nécessaire. Un autre terme que celui de « périscolaire », qui laisse sous-entendre que le temps le plus important est le temps scolaire passé en classe, pourrait utilement être utilisé.

Proposition n° 41 : Mettre en œuvre une politique nationale ambitieuse en matière de périscolaire

– Revaloriser les loisirs, indépendamment de tout enjeu scolaire ;

– Faire de l’accueil périscolaire une compétence obligatoire des collectivités et prévoir une hausse des dotations de l’État en conséquence (législatif) ;

Élaborer des statistiques nationales spécifiques à l’animation en milieu périscolaire (nombre d’animatrices, caractéristiques socio-démographiques, etc.) (bonne pratique).

b.   Faciliter l’accès à la formation continue

Loffre de formation ([155]) nest, aujourdhui, pas suffisamment lisible. Elle repose sur une architecture relativement complexe, avec notamment :

des diplômes universitaires. Quelques centaines de diplômes universitaires de technologie (DUT) « animation » sont délivrés chaque année mais ces diplômes mènent relativement peu aux métiers de l’animation, notamment parce que leurs titulaires poursuivent généralement des études qui les conduisent, à moyen terme, vers d’autres métiers ;

– des diplômes professionnels « Jeunesse et Sports » comme le BPJEPS (brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) de niveau IV ainsi que deux diplômes pour les directeurs de structures, à savoir le DE-JEPS (diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) de niveau III, et le DES-JEPS (diplôme d’État supérieur de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport), de niveau II, spécialité « animation socio-éducative ou culturelle » ;

– le certificat de qualification professionnelle (CQP) « Animateur périscolaire », qui est une certification mise en place par la branche professionnelle de l’animation ;

– les diplômes non professionnels comme le BAFA (brevet daptitude aux fonctions danimateur) ou le BAFD (brevet daptitude aux fonctions de direction), qui restent les clefs daccès usuelles à lespace professionnel de lanimation. Vos rapporteurs sont convaincus que ces diplômes permettent une « professionnalisation » massive mais qu’ils contribuent à la fragilité des statuts d’emploi dans l’animation. Attachés à la logique du volontariat, ils ne devraient pas constituer le socle dune activité professionnelle durable. Vos rapporteurs estiment que tant les statuts de la fonction publique territoriale que la convention collective de l’animation devraient permettre aux animatrices périscolaires, un an après le début de leur contrat ou de leur entrée dans les cadres, d’avoir accès à une formation qualifiante et à un diplôme professionnel ou à une certification.

Afin de renforcer l’accès à la formation, vos rapporteurs jugent essentiel de faciliter la possibilité de passer des modules BPJEPS en VAE et de permettre louverture du CQP Animateur périscolaire à lapprentissage. À terme, il pourrait être intéressant de développer l’apprentissage dans le cadre du BPJEPS.

Ces formations doivent non seulement être rendues plus accessibles mais elles doivent également être prises en compte dans la nature des postes proposés aux animateurs une fois formés et dans leurs rémunérations. Tel est loin d’être le cas aujourd’hui. Vos rapporteurs ont fait la rencontre de Manu, directeur de centre, qui est parvenu à obtenir les diplômes du BAFA, du BAFD et du BPJEPS, des formations coûteuses sans pour autant que cela ne lui permette de sortir de la précarité.

Proposition n° 42 : Faciliter l’accès à la formation continue et mieux prendre en compte les qualifications dans les rémunérations

– Faire en sorte que toutes les animatrices périscolaires passent, un an après le début de leur contrat ou de leur entrée dans les cadres, une formation qualifiante (conventions collectives et réglementaires) ;

– Faciliter la possibilité de passer des modules du BPJEPS en VAE (réglementaire) ;

– Permettre l’ouverture du CQP Animateur périscolaire à l’apprentissage et développer, à terme, l’apprentissage dans le cadre du BPJEPS (législatif) ;

– Renforcer la prise en compte des qualifications dans les grilles salariales de la branche de l’animation (conventions collectives).

c.   Offrir de vraies perspectives de carrière aux animateurs

Afin d’assurer des parcours professionnels plus diversifiés, vos rapporteurs appellent à l’organisation de passerelles plus claires entre le monde associatif et la filière territoriale de l’animation.

Dans la filière territoriale, vos rapporteurs préconisent de fonctionnariser lensemble des animatrices périscolaires contractuelles. Vos rapporteurs souhaitent également qu’une collectivité soit obligée de proposer un CDD à une animatrice périscolaire qui aurait travaillé plus de six mois en tant que vacataire. S’il est intolérable que les employeurs privés proposent des contrats précaires aux animateurs, cela est d’autant plus critiquable de la part d’employeurs publics.

Vos rapporteurs insistent également sur l’importance des préconisations du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) ([156]). Ce dernier recommande darticuler les métiers de lanimation en véritables cadres demplois, comme dans la plupart des autres filières territoriales, afin de permettre des mobilités verticales (accès en catégorie B et A). Pour cela, il semble nécessaire de cesser les glissements de missions de la catégorie B vers la C pour permettre une vraie progression de carrière. Vos rapporteurs sont également favorables à la création d’un cadre d’emplois de catégorie A pour les animateurs. En 2016, cette proposition avait entraîné beaucoup de débats, de nombreux acteurs estimant qu’une catégorie A pour les animateurs concernerait trop peu de professionnels. Néanmoins, cette réserve pourrait ne plus être valable si l’État venait à mettre en œuvre une vraie politique du périscolaire et donc à avoir besoin de plus d’animateurs mieux formés exerçant plus de responsabilités.

Proposition n° 43 : Offrir de vraies perspectives de carrière aux animateurs

– Organiser des passerelles plus claires entre le monde associatif et la filière territoriale de l’animation (réglementaire) ;

– Dans la filière territoriale de l’animation, fonctionnariser l’ensemble des animatrices périscolaires contractuelles. Cesser les glissements de missions de la catégorie B vers la C et créer un cadre d’emplois de catégorie A pour permettre une vraie progression de carrière. Prévoir l’obligation de proposer un CDD à une animatrice périscolaire qui aurait travaillé plus de six mois comme vacataire (législatif et réglementaire).


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   Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées

I.   Auditions à l’AssemblÉe nationale ou par visioconférence

Mme Geneviève Fraisse, philosophe, historienne de la pensée féministe, directrice de recherche émérite au centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Mme Sandra Laugier, professeure des universités en philosophie à l’université Paris I - Panthéon Sorbonne

M. François Xavier Devetter, professeur des universités en économie à l’université Lille-I

Mme Annie Dussuet, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Nantes

Mme Nathalie Morel, docteure en sociologie de l’université Paris I et co‑directrice de l’axe « politiques socio-fiscales » du laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP)

M. Clément Carbonnier, maître de conférences en économie à l’université de Cergy-Pontoise et co-directeur de l’axe « politiques socio‑fiscales » du LIEPP

Mme Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, professeure titulaire de la chaire « humanités et santé » au conservatoire national des arts et métiers

M. Xavier Guchet, professeur des universités en philosophie à l’université de technologie de Compiègne

Mme Emmanuelle Puissant, maîtresse de conférences en économie à l’université Grenoble Alpes

Mme Christelle Avril, maîtresse de conférences à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS), titulaire de la chaire « sociologie des relations de service, transformations du salariat et éthique de la gratuité au travail. »

Mme Clémence Ledoux, maîtresse de conférences en sciences politiques à l’université de Nantes

M. Dominique Bourg, philosophe, professeur honoraire à l’université de Lausanne

Mme Marie-Hélène Lechien, maîtresse de conférences à l’université de Limoges

Mme Geneviève Cresson, sociologue, ancienne professeure de sociologie à l’université de Lille-1

Mme Isabelle Ville, sociologue, directrice d’études de l’EHESS

M. Loïc Trabut, chercheur à l’institut national d’études démographiques (INED)

M. Christophe Capuano, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Lumière Lyon2

M. Jean-Sébastien Eideliman, maître de conférences en sociologie à l’université Paris Descartes

M. Francis Lebon, sociologue, professeur des universités en sciences de l’éducation

M. Damien Bucco, socio-juriste du travail

Mme Marie Cartier, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Nantes

Mme Suzy Bossard, maîtresse de conférence à l’université de Bretagne Occidentale

M. Pierre Rimbert, journaliste

M. Jean-Pierre Camard, président de la plateforme Pros-consulte

Mme Odile Maurin, présidente de l’association Handi-social

Organisation internationale du travail (OIT) par visioconférence

– Mme Claire Hobden, spécialiste du travail domestique

Agence nationale pour lamélioration des conditions de travail (Anact)

– Mme Laurence Thery, directrice de l’agence régionale Hauts-de-France

– Mme Cindy Lemettre, chargée de mission

Conseil national des employeurs davenir (CNEA)

– M. David Cluzeau, délégué général

– Mme Mathilde Mirault, chargée de communication


Table ronde dassociations de services à la personne

Fédération nationale des associations de laide familiale populaire -Confédération syndicale des familles (FNAAFP-CSF)

– M. François Edouard, vice-président

Union nationale de laide, des soins et des services aux domiciles (UNA)

– M. Julien Mayet, vice-président de l’UNA et vice-président de l’union syndicale de la branche des activités sociales, médico-sociales, sanitaires et de services à domicile (USB Domicile)

– Mme Hélène Lemasson-Godin, directrice des « ressources humaines Réseau »

Union nationale ADMR

– Mme Laurence Jacquon, directrice-adjointe en charge des ressources humaines

Fédération Adédom (ex Adessadomicile)

– Mme Carine Ryckeboër, responsable du pôle « emploi et formation »

Table ronde dorganismes de services à la personne

M. Ronald Lozachmeur, directeur général d’Assia Réseau UNA

Mme Marie-Catherine Prein, directrice du service polyvalent d’aide et de soins à domicile (SPASAD) d’Aire sur la Lys

Alenvi

– M. Thibault de Saint Blancard, co-fondateur

– Mme Isabelle Vignaud, auxiliaire d’envie

– M. Simon Picherit, coach équipe

Table ronde dentreprises de services à la personne

Fédération du service aux particuliers (FESP) *

– M. Guillaume Staub, président du syndicat des entreprises de service aux particuliers (SESP)

– M. Antoine Grezaud, directeur général de la FESP 

– M. Mehdi Tibourtine, directeur juridique de la FESP

– M. Rémi Domenjoud, dirigeant de l’entreprise AGIDOM

– M. Léonidas Kalogeropoulos, président directeur général du cabinet de conseil Médiation & Arguments, conseil de la FESP

– Mme Caroline Blanchard, consultante en affaires publiques, conseil de la FESP


Fédération française de services à la personne et de proximité (FEDESAP) *

– M. Jean-François Le Gall, administrateur président de la commission « petite enfance »

– Mme Céline Martin, administratrice, présidente de la commission « dépendance Autonomie et Handicap », membre du HCFEA

– M. Julien Jourdan, directeur général

Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM) *

– Mme Marie Béatrice Levaux, présidente

– Mme Audrey Piton, responsable de la filière « dépendance et handicap »

– M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

– Mme Laure Herbreteau, chargée de mission affaires publiques

Table ronde des syndicats des services à la personne

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

– M. Frédéric Fischbach, secrétaire général de l’union départementale CFTC de la Moselle

– Mme Aline Mougenot, chargée de mission

Confédération générale du travail (CGT)

– Mme Nathalie Delzongle, membre de la direction confédérale 

– M. Stéphane Fustec, conseiller fédéral pour la fédération du commerce et des services

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

– Mme Véronique Achille, secrétaire générale adjointe de la fédération des services 

– Mme Flavie Bolard, secrétaire fédérale en charge du service à la personne

– Mme Sylvie Lagrelette auxiliaire de vie et négociatrice de branche « aide à domicile » pour la fédération « CFDT Santé Sociaux »

– M. Loïc Le Noc, secrétaire fédéral de la fédération « CFDT Santé sociaux »

Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

– Mme Martine Vignau, secrétaire nationale

Confédération française de lencadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

– M. Jean-Marie Vessoudevin, délégué national

– M. Louis Delbos, chargé d’études

Table ronde de collectifs daccompagnants denfants en situation de handicap (AESH)

– Mme Anne Falciola, membre du collectif AESH en action

– M. Jérôme Antoine, membre du collectif AESH Île-de-France

Table ronde de syndicats dassistants maternels

Syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux (SPAMAF)

– Mme Fabienne Amorsi, chargée de communication

Confédération des syndicats dassistants familiaux et dassistants maternels (CSAFAM)

– Mme Nathalie Dioré, secrétaire confédérale

Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

– Mme Liliane Delton, secrétaire générale de l’UNSA PROASSMAT

– M. Bruno Quemada, juriste

Confédération générale du travail (CGT)

– M. Joël Raffard, administrateur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

– Mme Birgit Hilpert, administratrice de la CNAF

– M. Stéphane Fustec, conseiller fédéral

Table ronde de fédérations dassistants maternels

Union fédérative nationale des associations de familles daccueil et assistants maternels (Ufnafaam)

– Mme Sandra Onyszko, directrice de la communication et du développement

– Mme Charline Badon, présidente de l’association de l’Yonne

– Mme Sabine Sollier, ancienne assistante maternelle et formatrice, ressource au bureau national du département de l’Aisne

Fédération nationale des assistantes maternelles (FNAM)

– Mme Sandrine Dubois Lambert, présidente, assistante maternelle

– Mme Elodie Charbonnel, trésorière et assistante maternelle


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Association nationale assistants maternels et assistants/accueillants familiaux (ANAMAAF)

– Mme Danielle Ferriol, vice-présidente

– Mme Marie-Noëlle Petitgas, présidente

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants dintérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants dintérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques


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II.   DÉplacements

1.   Déplacement à Dieppe

Mairie de Dieppe

– M. Nicolas Langlois, maire

– M. Laurent Vignacourt, directeur général adjoint des services

Rencontre avec des aides à domicile

Mmes Isabelle Gonel, Delphine Folliot, Chantal Leharenger, Sabrina Adeline, Véronique Dupuis et Véronique Malèvre. MM. Thomas Bergougnuioux et Guillaume Maratrat

Relais assistantes maternelles municipal (RAM) Neuville-lèqs-Dieppe.

– Mmes Natacha Thomas, Ingrid Meurget, Sandrine Chaillet (assistantes maternelles)

– Mme Marion Thuillier Marion (parent)

Collectif dAESH en colère -76

2.   Déplacement à Amiens

Rencontre avec des AESH de lécole Marivaux

Mmes Paquerette Caron-Lalouette, Hayat Matboua, Assia Nouaour et Sandie Tavernier ainsi que Mme Evelyne Carlier (directrice d’école).

Rencontre avec des animateurs périscolaires

Mmes Amandine Philipson, Salima Niati, Fouziha Bouzerar, Noria Megherbi et MM. Manu Auguste, Jean-François Benoit, Abdelkader Souna, Alexis Dupont et Hachhach Atef.

Rencontre avec des aides à domicile

Conseil départemental

– M. Laurent Somon, président du conseil départemental

– Mme Emmanuelle Augros, directrice de cabinet du président du conseil départemental

– M. David Rauscent, conseiller, ancien directeur de cabinet

 

III.   Contributions Écrites

– le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT)

– la direction générale des entreprises (DGE)

– la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

– l’équipe projet auteure du rapport intitulé « plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge » remis à la ministre Agnès Buzyn en octobre 2019

– l’Institut petite enfance

– l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS)

– la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

– la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM)

– la fédération FGTA Force Ouvrière


([1]) « Professionnaliser les accompagnants pour la réussite des enfants et adolescents en situation de handicap », Pénélope Komites, 2013

([2]) « Productivité et emploi dans le tertiaire », Pierre Cahuc et Michèle Debonneuil pour le conseil d’analyse économique (CAE), 2004

([3]) Eilis Lawlor, Helen Kersley et Susan Steed, « A bit rich. Calculating the real value to society of different professions », New Economic Foundation, Londres, 2009. Cité dans « De la valeur ignorée des métiers », Pierre Rimbert, Le Monde diplomatique, mars 2010.

([4]) Dancer SJ, White LF, Lamb J, Girvan EK, Robertson C. Measuring the effect of enhanced cleaning in a UK hospital: a prospective cross-over study. BMC Med. 2009

([5]) Ces métiers sont mis au féminin car ils sont tous très majoritairement exercés par des femmes.

([6]) « Services à la personne : bilan et prospectives », Joseph Kergueris, au nom de la délégation à la prospective, 2010

([7]) « Productivité et emploi dans le tertiaire », Pierre Cahuc et Michèle Debonneuil pour le Conseil d’analyse économique (CAE), 2004

([8]) « Professionnaliser les accompagnants pour la réussite des enfants et adolescents en situation de handicap », Pénélope Komites, 2013

([9]) « Aide à domicile : les caractéristiques de ces emplois font qu’ils ne sont pas à temps partiel mais plutôt payés à temps partiel », Emmanuelle Puissant et François-Xavier Devetter, Le Monde, 15 juin 2020

([10]) « Bullshit Jobs », David Graeber, 2018

([11]) « Les métiers en 2022 », France Stratégie et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 2015

([12]) Ibidem

([13]) Ibidem

([14]) « Évaluation de l’aide humaine pour les élèves en situation de handicap », ministère des solidarités et de la santé, ministère de l’éducation nationale, ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 2018

([15]) Chiffres transmis par le Conseil national des employeurs d’avenir (CNEA)

([16]) « Rapport sur la filière animation », Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), mai 2016

([17]) Le nouveau rapport de branche, à paraître en juillet 2020, devrait néanmoins permettre, d’après le CNEA « davoir des données précises et exploitables sur les animateurs périscolaires sur les dernières années, ce qui nétait pas le cas du dernier rapport de branche de 2015 ».

([18]) Réponse du Gouvernement à la Cour des comptes figurant dans le rapport public thématique de la Cour intitulé « L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères » de mai 2020

([19]) « L’emploi et les métiers des immigrés »,  Conseil d’analyse stratégique, février 2012

([20]) « Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge », rapport remis en octobre 2019 à la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn, établi par Myriam El Khomri

([21]) Les agents à domicile, employées à domicile et auxiliaires de vie sociale ne sont pas les seules salariées de la branche, laquelle comprend aussi d’autres personnels d’intervention, des personnels administratifs et de services généraux ainsi que des personnels d’encadrement et de direction.

([22]) Considérant limportance des financements publics dans le secteur, lÉtat a instauré un mécanisme de contrôle a priori de lentrée en vigueur des avenants à cette convention collective.

([23]) Calculs effectués par la Confédération générale du travail (CGT)

([24]) Rapport annuel du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile (édition 2019) disponible au lien suivant : https://www.fepem.fr/wp-content/uploads/2016/07/FEPEM_Rapport-Sectoriel-de-Branches_2019_VF.pdf

([25]) Le rapport sectoriel des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile indique néanmoins que le taux de salaire horaire net moyen des particuliers employeurs fragiles était de 10,16 euros en 2017.

([26]) « Étude de la branche des entreprises de services à la personne », Édition 2017, disponible au lien suivant : https://www.silvereco.fr/wp-content/uploads/2018/06/Etude_sur_les_evolutions_reglementaires_2017_Rapport_final.pdf

([27]) Ces chiffres, transmis à la mission par la fédération des services à la personne et de proximité (FEDESAP) sont issus des travaux préparatoires du rapport de branche qui aurait dû être publié au 1er semestre 2020 mais dont la publication a été reportée en raison de la crise sanitaire.

([28]) Le présent rapport ne traite pas des problématiques spécifiques des maisons d’assistantes maternelles.

([29]) 85 % des assistantes maternelles sont, d’après l’enquête Emploi de 2007, en couple.

([30]) Rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2009, disponible au lien suivant : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/Aides-garde-jeunes-enfants.pdf

([31]) Le baromètre a été réalisé du 19 janvier au 21 mars 2018  par l’UNSA-FESSAD et le SUPNAAFAM-UNSA en partenariat avec lANAMAAF. Les principaux résultats sont consultables au lien suivant : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/ra/Les%20r%C3%A9sultats%20complets%20de%20la%20premi%C3%A8re%20%C3%A9dition%20du%20barom%C3%A8tre%20des%20assistantes%20maternelles.%20.pdf

([32]) Est considérée à temps partiel une assistante maternelle dont l’agrément n’est pas utilisé totalement, l’est moins de 5 jours par semaine ou moins de 47 semaines par an.

([33]) Enquête réalisée par les représentants du collectif AESH-AVS, dans la perspective de leur audition par la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, rapportée par M. Sébastien Jumel (rapport n° 2178 enregistré le 18 juillet 2019)

([34]) https://www.economie.gouv.fr/ess/travailler-dans-less-animateur-periscolaire

([35]) Audition de la sociologue Christelle Avril le 20 novembre 2019

([36]) Voir page 68 l’encadré sur les trois modes d’intervention dans l’aide à domicile.

([37]) Le régime d’équivalence constitue un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de sa rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction. Dans les professions dans lesquelles s’applique un régime d’équivalence, des salariés peuvent ainsi être soumis à un temps de travail – comportant des temps d’inaction – dépassant la durée légale du travail mais assimilé à celle-ci. Ainsi, par exemple, la durée hebdomadaire du travail pourra être fixée, compte tenu du régime d’équivalence, à 38 heures qui seront décomptées comme 35 heures.

([38]) « Les conditions de travail des aides à domicile en 2008 », DREES, 2012

([39]) « Mission relative aux questions de tarification et de solvabilisation des services d’aide à domicile en direction des publics fragiles », IGAS, octobre 2010.  

([40]) Le baromètre a été réalisé du 19 janvier au 21 mars 2018 par lUNSA-FESSAD et le SUPNAAFAM-UNSA en partenariat avec lANAMAAF. Les principaux résultats sont consultables au lien suivant : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/ra/Les%20r%C3%A9sultats%20complets%20de%20la%20premi%C3%A8re%20%C3%A9dition%20du%20barom%C3%A8tre%20des%20assistantes%20maternelles.%20.pdf

([41]) Circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 « Cadre de gestion des personnels exerçant des missions d’accompagnement d’élèves en situation de handicap »

([42]) Le CNEA est un syndicat professionnel représentatif de l’animation, des foyers de jeunes travailleurs, du sport, et du tourisme social et familial.

([43]) « Des petites heures par-ci par-là », Francis Lebon et Maud Simonet dans Actes de la recherche en sciences sociales, 2017/5 (n° 220)

([44]) Rapport de septembre 2017 de la Caisse nationale d’assurance maladie sur les chiffres de la santé au travail et le bilan de ses actions auprès des branches et entreprises

([45]) « Les métiers de l’action sociale », Pôle emploi, décembre 2018

([46]) Pros-Consulte est une plateforme spécialisée dans la prise en charge du stress au travail et la gestion des risques psychosociaux. Dans l’aide à domicile, seule la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (les associations) a signé un contrat avec Pros-Consulte.

([47]) Citations tirées de l’audition, le 29 janvier 2020,, de syndicats des services à la personne

([48]) Citation tirée de la rencontre avec des aides à domicile de la ville de Dieppe

([49]) Article L.7221-2 du code du travail

([50]) Une expérimentation du dispositif de suivi individuel de l’état de santé des salariés résultant de l’accord-cadre interbranches doit être menée en 2020 dans les départements du Cher et du Nord pour les salariés du particulier employeur.

([51]) « Les conditions de travail des aides à domicile en 2006 », DREES, 2012

([52]) Inauguré en 2013, l’Institut petite enfance a pour objectif de mettre en place une formation continue adaptée pour l’ensemble des professionnels de la petite enfance, créer un pôle de réflexion sur les formations de ces professionnels, ainsi qu’un centre de recherche permettant de favoriser et de transmettre les évolutions et les connaissances récentes dans le domaine de la petite enfance.

([53]) Réponses écrites au questionnaire envoyé par vos rapporteurs

([54]) Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance

([55]) Pour rappel, les AESH peuvent apporter une aide individuelle (AESH-i), une aide mutualisée consacrée à plusieurs élèves (AESH-m), ou une aide collective consacrée à une classe entière, en collaboration étroite avec l’enseignant (AESH-co).

([56]) « Inclusion des élèves en situation de handicap et inclusion AESH », enquête réalisée par le collectif AESH en action et l’association #MoiToiNousEnsemble74 via un questionnaire disponible en ligne du 17 au 24 avril 2019, totalisant 908 réponses.

([57]) La convention collective de l’animation règle les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises de droit privé, sans but lucratif, qui développent à titre principal des activités d’intérêt social dans les domaines culturels, éducatifs, de loisirs et de plein air.

([58]) « La qualité de l’emploi dans l’animation », ORSEU, 2008

([59]) Le contrat de travail intermittent (CDII ou CD2I) permet au salarié d’alterner périodes travaillées et périodes non travaillées. Il peut être conclu, sous conditions, dans des secteurs connaissant d’importantes fluctuations d’activité.

([60]) D’après le CNEA, le CEE est « rare sur les temps d’animation périscolaire mais peut constituer une solution de recrutement et un mode de gestion des ressources disponibles ».

([61]) Réponses aux questions écrites de vos rapporteurs

([62]) Expression utilisée par le journaliste Pierre Rimbert lors de son audition à l’Assemblée nationale le 12 février 2020

([63]) « Un salaire égal pour un travail de valeur comparable entre les femmes et les hommes Résultats de comparaisons d’emplois », Séverine Lemière et Rachel Silvera, 2010

([64]) Dans le cadre du présent rapport, sont appelées « aides à domicile » toutes les salariées exerçant une fonction d’accompagnement dans les gestes de la vie courante d’une personne fragilisée (dépendante ou en situation de handicap) mais dont l’intervention exclut, en théorie, les soins infirmiers et médicaux.

([65]) « Les métiers de l’action sociale », Pôle emploi, décembre 2018

([66]) Audition de la sociologue Annie Dussuet à l’Assemblée nationale le 13 novembre 2019

([67]) Réponses d’Annie Dussuet aux questions écrites posées par vos rapporteurs

([68]) Audition du journaliste Pierre Rimbert le 12 février 2020

([69]) « Les métiers de l’action sociale », Pôle emploi, décembre 2018  

([70]) Audition de la sociologue Geneviève Cresson le 17 novembre 2019

([71]) La plupart des assistantes maternelles exercent chez elles-mêmes si un nombre croissant d’assistantes maternelles choisissent la possibilité donnée par la loi de se regrouper à quatre dans un local extérieur à leur domicile, agréé pour l’accueil d’enfants, appelé maison d’assistante maternelle (MAM).

([72]) Enquête réalisée par les représentants du collectif AESH-AVS, dans la perspective de leur audition par la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, rapportée par M. Sébastien Jumel (rapport n° 2178, enregistré le 18 juillet 2019).

([73]) Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, précité.

([74]) Audition à l’assemblée nationale le mercredi 22 janvier de plusieurs collectifs d’AESH

([75]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées

([76]) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

([77]) Rapport de la commission d’enquête, précité.

([78]) « Évaluation de l’aide humaine pour les élèves en situation de handicap », ministère des solidarités et de la santé, ministère de l’éducation nationale, ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 2018

([79]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), 2014

([80]) « Leur reste-t-il du temps pour jouer ? », Glasman Dominique, 2005

([81]) « Le temps des loisirs, enjeu éducatif et démocratique », Bernard Bier, 2011

([82]) « Qui fait quoi, qui est qui ? Réforme des rythmes et divisions du travail à l’école primaire », Nicolas Divert et Francis Lebon, 2017

([83]) « Introduction. Hiérarchies et conflictualité dans l’accueil des petits enfants », Marie Cartier, Marie‑Hélène Lechien et Ève Meuret-Campfort, 2014

([84]) Contribution laissée sur un forum en ligne, disponible au lien suivant : https://forum.assistante-maternelle.biz/viewtopic.php?id=218053

([85]) Rencontre avec des AESH de l’école Marivaux d’Amiens

([86]) Audition de la sociologue Annie Dussuet le 13 novembre 2019

([87]) « Commission d’étude des problèmes de la vieillesse du Haut comité consultatif de la population et de la famille », Pierre Laroque, 1962

([88]) La convention collective de la branche de l’aide à domicile est issue de trois conventions :  la convention collective des organismes de travailleuses familiales du 2 mars 1970, la convention collective des aides à domicile en milieu rural (ADMR) du 6 mai 1970 et la convention collective des organismes d’aide ou de maintien à domicile du 11 mai 1983.

([89]) Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant laction sociale et médico-sociale

([90]) Loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale

([91]) Les activités de services à la personne (SAP) sont définies comme l’ensemble des activités réalisées au domicile de la personne ou dans l’environnement immédiat de son domicile. Parmi ces activités, on retrouve notamment celles de la vie quotidienne, de la garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou dépendantes.

([92]) La loi n° 96-63 du 29 janvier 1996 en faveur du développement des emplois de services aux particuliers avait ouvert l’ensemble du champ des services à la personne aux entreprises privées lucratives mais ces dernières ne s’étaient pas beaucoup développées en 2005.

([93]) « Les services à la personne en France. L’impasse de stratégies univoques de croissance économique », Florence Jany-Catrice, 2016  

([94]) « Les services à la personne. Bilan et perspectives », Michel Debonneuil, septembre 2008

http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2008/2008-M-024.pdf

([95]) « Le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie », enquête demandée par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, juillet 2014

([96]) « Étude sur les politiques d’exemptions fiscales et sociales pour les services à la personne », Clément Carbonnier et Nathalie Morel, octobre 2018

([97]) « Étude sur les politiques d’exemptions fiscales et sociales pour les services à la personne », Clément Carbonnier et Nathalie Morel, octobre 2018

([98]) Le degré de dépendance est évalué à l’aide de la grille AGGIR. Seuls les GIR 1 à 4 ouvrent droit à l’APA.

([99]) À noter que certains services sont réputés autorisés mais non tarifés. Il s’agit des services prestataires agréés avant le 31 janvier 2016.

([100]) « Étude des prestations d’aide et d’accompagnement à domicile et des facteurs explicatifs de leurs coûts », Ernst & Young et Eneisconseil, 2016

([101]) « La tarification des services d’aide à domicile : un outil au service des politiques départementales ? », Robin Hege, Quitterie Roquebert, Marianne Tenand, et Agnès Gramain, 2015

([102]) « Pourquoi les aides à domicile sont-elles davantage rémunérées dans certains départements ? », FrançoisXavier Devetter, Annie Dussuet et Emmanuelle Puissant, février 2017

([103]) Loi 77-503 du 17 mai 1977 relative aux assistantes maternelles

([104]) « Nounou d’hier, assistante maternelle d’aujourd’hui : l’évolution d’une véritable profession », Luce Dupraz, dans Spirale 2008/4 (n° 48)

([105]) Loi n° 90-590 du 6 juillet 1990 modifiant le code de la sécurité sociale et relative aux prestations familiales et aux aides à lemploi pour la garde des jeunes enfants

([106]) Loi n° 92-642 du 12 juillet 1992 relative aux assistants maternels et assistantes maternelles et modifiant le code de la famille et de laide sociale, le code de la santé publique et le code du travail

([107]) Loi 2005-706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux

([108]) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009

([109]) Loi n° 2010-625 du 9 juin 2010 relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels

([110]) Ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007

([111]) Audition des organisations syndicales d’assistantes maternelles le 5 février 2020

([112]) Loi n° 2003-400 du 30 avril 2003 relative aux assistants d’éducation

([113]) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

([114]) Décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement des AESH

([115]) Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance

([116]) Circulaires n° 2019-088 et n° 2019-090 du 5 juin 2019

([117]) L’éducation populaire vise l’amélioration du système social et l’épanouissement individuel et collectif, en dehors des structures traditionnelles (famille) et institutionnelles (enseignement).

([118]) « De l’éducation populaire à l’animation périscolaire » , Laurent Frajerman, Sciences humaines, 2018

([119]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006

([120]) Audition du conseil national des employeurs d’avenir le 19 février

([121]) Audition de Sandra Laugier le 13 novembre 2019

([122]) Développé aux Pays-Bas depuis 2007 par l’entrepreneur Jos de Blok, le modèle Buurtzorg – littéralement « soin de proximité » – repose sur la mise en place d’équipes autonomes d’infirmiers ou d’auxiliaires de vie intervenant sur une zone géographique délimitée, proche de leur domicile.

([123]) « Aide à domicile : les caractéristiques de ces emplois font qu’ils ne sont pas à temps partiel mais plutôt payés à temps partiel », Le Monde, 15 juin 2020

([124]) « Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge », rapport remis en octobre 2019 à la, ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn, établi par Myriam El Khomri

([125]) Aujourd’hui, un salarié ne peut pas intervenir pour moins d’une heure par jour (que cette heure soit réalisée en une ou plusieurs interventions).

([126]) L’article 176 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », introduit la qualité de société à mission.

([127]) Le décret n° 2020-1 du 2 janvier 2020 précise les déclarations que la société doit effectuer lors de sa demande d’immatriculation ainsi que la vérification effectuée par un organisme tiers indépendant.

([128]) « Grand âge et autonomie », rapport remis au Gouvernement par Dominique Libault en  mars 2019

([129]) Décret n° 2019-457 du 15 mai 2019 relatif à la répartition et l’utilisation des crédits mentionnés au IX de l’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 visant à la préfiguration d’un nouveau modèle de financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile

([130]) L’aide aux personnes âgées et handicapées est le domaine traditionnel d’intervention des associations et des organismes publics même si les entreprises diversifient de plus en plus leurs activités.

([131]) « Le métier d’assistante maternelle », Études et résultats, DREES, mai 2008

([132]) Article 80 sexies du code général des impôts

([133]) http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-93508QE.htm

([134]) http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-50267QE.htm

([135]) Le taux est fixé à 0,15 % depuis le 1er juillet 2017 sur les rémunérations limitées à quatre fois le plafond de la sécurité sociale.

([136]) Parmi les taxes et impôts affectés à la branche Famille, on trouve notamment, pour un tiers, la taxe sur les salaires mais également divers droits sur les tabacs et sur les alcools, les cotisations sur les primes d’assurance automobile et la taxe spéciale sur les conventions d’assurance…

([137]) Mme Sandra Onyzko, directrice de la communication et du développement de l’Ufnafaam : https://lesprosdelapetiteenfance.fr/formation-droits/droits-et-demarches-administratives/assistantes-maternelles/les-deboires-des-assistantes-maternelles-avec-pole-emploi

([138]) La circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017 indique en effet qu’une des missions des AESH est d’ « utiliser des supports adaptés et conçus par des professionnels, pour l’accès aux activités, comme pour la structuration dans l’espace et dans le temps ».

([139]) Circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017

([140]) Ce traité a été adopté en 2011 par la Conférence internationale du travail, qui est composée de délégués gouvernementaux, travailleurs et employeurs des 183 États membres de l’OIT.

([141]) Ses missions sont définies à l’article L.2111-1 du code de la santé publique.

([142]) Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service dune société de confiance

([143]) «Étude sur les causes des difficultés des services d’accueil familiaux dits « crèches familiales » », novembre 2017, DGCS.

([144])  Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance

([145]) Elles sont prévues aux articles 3.4.2.2 et 3.4.2.3 de la convention collective.

([146])D’après le rapport de branche 2015

([147]) L’OPCO « Santé » est composé de quatre secteurs : le secteur sanitaire, médico-social et social privé à but non lucratif, le secteur de la santé au travail interentreprises, le secteur de l’hospitalisation privée, le secteur du thermalisme.

([148]) Les dispositions applicables au titre de la formation obligatoire des assistants maternels agréés (objectifs, contenu, durée, modalités de mise en œuvre, dispenses, etc.), ainsi que les modalités de renouvellement de leur agrément ont été modifiées par le décret du 23 octobre 2018 cité en référence, et les deux arrêtés du 5 novembre 2018 pris pour son application.

([149]) L’obtention de l’épreuve EP2 est plus compliquée pour les assistantes maternelles car elle requiert une expérience en structure collective, ce que ces dernières n’ont souvent pas.

([150]) Réponses aux questions écrites de vos rapporteurs

([151]) Le parent employeur à l’initiative du projet de formation ou, à défaut, un employeur choisi par l’assistant maternel sera désigné comme employeur facilitateur. Il est chargé d’effectuer les démarches nécessaires à la bonne réalisation de l’action de formation et à l’indemnisation de l’assistant maternel.

([152]) Circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019

([153]) « Les coûts locaux de l’éducation, enseignement et périscolaire », Observatoire des finances et de la gestion publique locales, novembre 2019

([154]) Hors nouveaux temps d’activités périscolaires (NAP) suite à la réforme des rythmes scolaires

([155]) À noter également : le bac professionnel « Services de proximité et vie locale » vient d’être remplacé par un bac pro « Animation - enfance et personnes âgées » dont la première session aura lieu en 2023.

([156]) « Rapport sur la filière animation », mai 2016, CSFPT