— 1 —
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2020.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur les propositions du groupe de travail sur l’énergie
concernant la reprise et le plan de relance après l’épidémie de Covid-19
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Philippe BOLO et Anthony CELLIER
Députés
——
— 1 —
SOMMAIRE
___
Pages
première Partie : faire de la rénovation énergétique un des piliers de la relance
I. la crise a ralenti les chantiers de rénovation et ses effets pourraient être durables
II. Soutenir la reprise des chantiers
deuxième partie : promouvoir les mobilités vertes
I. les mobilités vertes, atout pour les réseaux et le climat
II. des mesures transversales pour soutenir la demande
III. des mesures sectorielles en faveur de la mobilité électrique et gaz
II. engager la reprise des projets d’énergies renouvelables interrompus par la crise
III. accélérer le développement des énergies renouvelables dans le cadre du plan de relance
B. adopter des mesures de soutien propres aux différentes filières
I. soutenir les fournisseurs d’énergie pour conserver leur capacité d’investissement
II. sécuriser et optimiser le développement des réseaux
III. développer nos capacités de stockage
cinquième partie : se donner les moyens de nos ambitions par un financement sécurisé
I. pérenNiser les sources de financement nationales et européennes
II. Vers un prix plancher du carbone ?
sixiÈme partie : accorder UNE JUSTE PLACE AU NUCLÉAIRE dans le cadre de la relance
I. Un risque pour l’approvisionnement à venir maîtrisé
II. II. accorder au nucléaire une place équilibrée dans la relance
liste des personnes auditionnées
Liste des contributions écrites reçues
annexe : NOTES HEBDOMADAIRES ÉTABLIES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL
— 1 —
Depuis le début de la crise sanitaire, le groupe de travail sur l’énergie, composé de Mme Marie-Noëlle Battistel (Socialiste), M. Philippe Bolo (Modem) et M. Anthony Cellier (LaREM) a mené un travail continu pour étudier les conséquences de l’épidémie de Covid-19 et des mesures associées (notamment le confinement) sur ce secteur, entendu au sens large. Leurs travaux et réflexions ont été construits autour de trois piliers : la gestion de la crise et la mise en place de plans de continuité d’activité par les entreprises du secteur énergétique, la préparation de la reprise et, enfin, les mesures en faveur de la relance de l’activité et de la contribution accrue des énergéticiens aux ambitions écologiques et climatiques de la France après la crise. Plusieurs sujets ont été abordés : capacité du secteur à assurer la production, la distribution et la fourniture de l’énergie nécessaire à l’activité quotidienne ; conséquences du confinement sur la consommation énergétique et répercussions sur les prix des énergies ; conséquences sur la production des énergies conventionnelles et renouvelables ; pertinence du cadre de régulation, s’agissant notamment de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) ou du soutien aux énergies renouvelables et à la rénovation énergétique ; dialogue dans l’Union européenne et réponse collective des États membres, au sein de l’Europe de l’énergie.
Ce rapport a vocation à présenter les propositions du groupe de travail dans le cadre du plan de relance de l’économie.
Vos rapporteurs soulignent que ce rapport s’est construit de manière transpartisane et collective et a été approuvé dans sa totalité par chacun d’entre eux. Il se base sur des constats partagés et des propositions communes. L’énergie a cette qualité de pouvoir rassembler, et ce dans l’intérêt général.
Vos rapporteurs souhaitent collectivement rappeler leur attachement à notre système énergétique, qui a, pendant cette crise, su montrer sa résilience. Ils tiennent ainsi à saluer l’engagement sans faille, la disponibilité, le professionnalisme et la compétence des agents du secteur de l’énergie, qui ont témoigné, par leur action, de l’excellence de la filière française, et contribué très largement à sa résilience durant la crise. Sans eux, ni le fonctionnement des hôpitaux en temps de crise, ni le développement du télétravail, ni la poursuite des activités essentielles pour la continuité économique n’auraient été possibles. Ainsi, dès l’annonce de la crise, et de manière continue, le secteur a su s’adapter pour répondre aux besoins des Français, qu’il s’agisse de la production, du transport, de la distribution, de la fourniture ou de la consommation, notamment par le déclenchement des plans de continuité de l’activité.
Il n’en demeure pas moins que la crise liée à l’épidémie de Covid-19 a bouleversé les équilibres du système énergétique, tant national que mondial.
La consommation a, tout d’abord, considérablement chuté, en raison de la baisse d’activité industrielle, d’abord en Asie, puis en Europe, ainsi que de la mise en œuvre des mesures de confinement. Le confinement des ménages à domicile n’a pas, ou très peu, augmenté leurs consommations d’énergie, celles liées au télétravail étant faibles. Selon la note de conjoncture mensuelle du commissariat général au développement durable (CGDD), publiée en juin 2020, la consommation d’énergie primaire a ainsi reculé de 27,9 % en avril 2020 par rapport au moins d’avril 2019, sous l’effet d’un mois plein de confinement. Dans le détail, la baisse de la demande est de 41,7 % pour le pétrole (et jusqu’à 62,9 % pour les carburants routiers), 37,2 % pour le charbon, 35,2 % pour le gaz naturel et 14,9 % pour le nucléaire et les énergies renouvelables électriques. Cette baisse était majoritairement ponctuelle ([1]), mais la chute de consommation rapportée à l’ensemble de l’année 2020 n’en demeure pas moins importante. Ainsi, selon le cabinet Enerdata, sur l’ensemble de l’année 2020, la consommation mondiale d’énergie devrait diminuer de 7,5 %. En France, la demande d’énergie globale devrait reculer de 10 % et jusqu’à 14 % dans le secteur des transports. La baisse devrait être de 9 % s’agissant de l’électricité. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ([2]), la demande mondiale de gaz devrait chuter de 4 % en 2020, soit le double de la baisse observée lors de la crise financière de 2008.
Ces baisses de consommation ont entraîné des chutes considérables des prix de l’énergie, l’offre étant devenue surabondante. La baisse des prix a été particulièrement rapide et brutale sur les quinze premiers jours de confinement, puis s’est poursuivie tout au long des semaines suivantes. Selon l’analyse du CGDD, sur l’ensemble du mois d’avril 2020, le prix de l’électricité a chuté de 35 % par rapport au mois d’avril 2019, celui du gaz de 51 % et celui du pétrole de 16 % à 19 %, selon qu’il est mesuré en dollars ou en euros. Cette évolution à la baisse présente plusieurs risques : elle affecte les revenus des fournisseurs d’électricité et de gaz, ainsi que ceux des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution et pourrait entraîner une réduction durable des investissements dans le secteur de l’énergie. Par ailleurs, elle n’exclut pas un effet rebond, les prix étant susceptibles de connaître une hausse brutale, notamment si la production, affectée par la crise sanitaire, ne parvient plus à satisfaire une demande en hausse.
La crise a également eu des répercussions sur les activités de rénovation énergétique, interrompues en raison de l’arrêt des chantiers, sur le développement des projets d’énergies renouvelables, dont le coût s’est trouvé renchéri du fait de la baisse des prix des énergies fossiles, ou encore sur le secteur du nucléaire, pour lequel elle a entraîné une baisse de production nucléaire, le report des visites de maintenance, ou encore de la remise en cause du cadre de régulation. L’ensemble de ces conséquences sont détaillées ci-après.
Face à la gravité de la situation, le plan de relance consacré au secteur de l’énergie, qui irrigue l’ensemble de l’économie et porte une responsabilité particulière s’agissant de nos ambitions climatiques, doit être particulièrement ambitieux, mais également concret et opérationnel.
Vos rapporteurs souhaitent distinguer deux temps :
– celui de la reprise, à court terme, pour lequel des mesures rapides doivent être mises en œuvre. Bien que cette reprise soit déjà engagée, il demeure nécessaire, dans certains secteurs, de l’accompagner et de la soutenir par des dispositifs réglementaires, budgétaires ou politiques ;
– celui de la relance, à moyen et à long terme, pour lequel des réformes plus structurelles doivent être engagées. Le monde de l’après-Covid ne saurait être identique à celui qui a précédé la crise. Des leçons doivent être tirées et des mesures volontaristes engagées pour limiter notre dépendance aux énergies fossiles, pour accroître l’indépendance et la résilience de notre système énergétique, ou encore pour améliorer la qualité de vie et le pouvoir d’achat des Français tout en nous rapprochant de nos ambitions climatiques par le développement des mobilités vertes, l’accélération de la rénovation énergétique et l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique.
Vos rapporteurs ont identifié six axes de réflexion, qui leur semblent prioritaires : le renforcement et l’accélération de la rénovation énergétique ; le développement des mobilités durables ; le développement des énergies renouvelables ; la sécurisation des réseaux et le renforcement de l’indépendance énergétique de la France ; la juste place à accorder au nucléaire ; enfin l’identification de financements solides et pérennes.
— 1 —
première Partie : faire de la rénovation énergétique un des piliers de la relance
I. la crise a ralenti les chantiers de rénovation et ses effets pourraient être durables
Le secteur de la rénovation énergétique a été particulièrement affecté par la crise, en raison de l’arrêt quasi-total des chantiers de construction et de rénovation au mois de mars. Ainsi, selon le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), 90 % des chantiers étaient à l’arrêt fin mars, et encore 80 % fin avril, alors que 17 % des entreprises avaient une activité réduite.
S’agissant plus particulièrement des certificats d’économies d’énergie (CEE), le groupement des professionnels des CEE estime que l’activité a baissé de 70 % (en volume de CEE reçus) en mars. Cette activité a baissé de 90 % en avril s’agissant des volumes reçus et de 60 % s’agissant des chiffrages de nouveaux projets de rénovation énergétique, en raison notamment de la suspension de l’activité des bureaux de contrôle, dont la validation est indispensable pour prétendre à l’acquisition de CEE et aux aides qui y sont associées. Ils estiment la baisse d’activité à - 60 % pour le mois de mai, - 45 % pour le mois de juin et - 20 % pour le mois de septembre. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) indique, en outre, que le volume des CEE délivrés en mars (28,4 TWhcumac) est en baisse par rapport aux mois précédents (près de 35 TWhcumac en février et 48,5 TWhcumac en janvier). Si le rythme de délivrance a retrouvé au mois d’avril (41 TWhcumac) un rythme proche d’avant-crise, le nombre de travaux engagés en avril pour l’isolation des combles, toitures et planchers connaît une forte chute, avec environ 47 000 chantiers, contre 115 000 en février.
De plus, pour ce secteur, la lenteur et l’inertie de la reprise sont autant à craindre que les effets du confinement lui-même : beaucoup d’entreprises et de fédérations professionnelles attendent un « creux de la vague » à retardement, dans les mois suivant le retour à la normale, en raison d’une réduction des commandes des particuliers pour la fin de l’année 2020 et l’année 2021.
II. Soutenir la reprise des chantiers
La rénovation énergétique a été considérablement ralentie par la crise. S’agissant de la reprise des travaux de rénovation énergétique, deux priorités doivent être identifiées, soulignées également par le CSCEE :
– réactualiser et simplifier le guide de préconisations sanitaires du secteur du bâtiment, pour atteindre le bon équilibre entre les exigences sanitaires et l’efficacité des chantiers ; il est important que le guide évolue pour tenir compte de l’évolution des conditions du déconfinement et des retours d’expérience, et garantir la proportionnalité des mesures aux risques, de manière à limiter les surcoûts au strict nécessaire ;
– restaurer la confiance des particuliers à laisser entrer chez eux des professionnels, à des fins de réalisation de travaux ou d’études, en les rassurant sur les conditions de sécurité sanitaire et en renforçant l’information et la communication à ce sujet. À cet égard, vos rapporteurs saluent la mise en œuvre d’un nouveau volet de la campagne de communication FAIRE (faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique) portée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en partenariat avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah), lancé mardi 16 juin.
Proposition n° 1 : restaurer la confiance des particuliers à laisser entrer chez eux des professionnels, à des fins de réalisation de travaux ou d’études, en les rassurant sur les conditions de sécurité sanitaire et en renforçant l’information et la communication à ce sujet ;
Proposition n° 2: actualiser en continu le guide de préconisations sanitaires du secteur du bâtiment pour l’ajuster à l’évolution de la situation.
Par ailleurs, le calendrier de la réforme de la rénovation énergétique a été bousculé par la crise. Ainsi, la réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui était censée entrer en vigueur en janvier 2021, a été repoussée à l’été 2021, en raison de la crise sanitaire qui a « rendu l’organisation des concertations et consultations plus complexes ». D’autres mesures ont également été reportées : l’entrée en vigueur de l’opposabilité du diagnostic de performance énergétique, prévue pour janvier 2021, est reportée « au plus tard au 1er juillet 2021 » ; la réforme du label « reconnu garant de l’environnement » (RGE), qui devrait entrer en vigueur au 1er septembre 2020, est reportée au 1er janvier 2021 (toutefois, les mesures visant la lutte contre la fraude seront bien instaurées en septembre).
Si vos rapporteurs comprennent ces reports, qu’ils estiment nécessaires pour permettre au secteur d’aborder la reprise dans des conditions sereines, sans avoir à s’adapter à de nouvelles réglementations de manière immédiate, ils appellent à la vigilance : il convient, en effet, de garantir une application suffisamment rapide de ces dispositions, de manière à ne pas repousser nos ambitions énergétiques et à donner une visibilité et un horizon clair aux professionnels. Ainsi, alors que certains professionnels demandent une entrée en vigueur de la RE2020 échelonnée jusqu’au 1er janvier 2022, vos rapporteurs sont opposés à une telle décision, dont ils estiment qu’elle apporterait davantage de complexité.
Proposition n° 3 : ne pas retarder à l’excès l’entrée en vigueur des réformes de la rénovation énergétique, au-delà des reports déjà annoncés par le Gouvernement, pour conserver les ambitions et un calendrier clair.
III. Ajuster et Optimiser les dispositifs de soutien pour entraÎner un effet massif dans le cadre de la relance
La rénovation énergétique doit, de manière unanime, constituer un pilier de la relance. En effet, elle contribue au pouvoir d’achat et à la qualité de vie des Français, soutient l’emploi non délocalisable d’artisans qualifiés, et permet d’assurer une meilleure résilience du système énergétique français, notamment en cas de crise ; surtout, elle contribue à la réduction des émissions de polluants et à l’atteinte des objectifs environnementaux de la France.
Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment représentent environ 25 % des émissions nationales et sont peu maîtrisées : le précédent budget carbone a été dépassé de 12,4 % dans ce domaine. Ce secteur est donc stratégique pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone, qui prévoit leur baisse de 49 % à horizon 2030. En outre, on dénombre plus de 20 millions de logements à rénover d’ici 2050 et plus de 7 millions de logements sont considérés comme des passoires énergétiques dans le parc résidentiel privé, dont plus de 2,5 millions occupés par des ménages modestes ([3]). La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, ci après dénommée « loi énergie-climat », a fixé l’obligation de rénovation de ces passoires énergétiques à 2028. Enfin, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ci après « loi de transition énergétique » a fixé un objectif de 500 000 rénovations énergétiques par an. Pour répondre aux objectifs ambitieux souscrits par la France, un effort massif de rénovation énergétique des logements existants est nécessaire, et devra s’accompagner, à terme, de l’amélioration des performances des nouvelles constructions, guidée notamment par la RE2020.
Le secteur du bâtiment devrait être concerné par le plan de relance présenté à la rentrée, s’agissant des dispositions consacrées à l’investissement (notamment pour la rénovation thermique) et aux simplifications administratives (pour accélérer les projets sans diminuer les exigences environnementales). En outre, la Commission européenne a lancé, le 11 juin 2020, une consultation publique sur son initiative « Vague de rénovation » et confirmé son intention de publier à l’automne une communication et un plan d’action comportant des mesures concrètes pour déployer des rénovations rapides.
À cet égard, plusieurs réformes plus structurelles doivent être proposées. Pour vos rapporteurs, il est, tout d’abord, indispensable d’accélérer la rénovation des bâtiments publics. Les pouvoirs publics doivent, en effet, être exemplaires en ce domaine. En outre, une telle rénovation est de nature à faire diminuer les charges de fonctionnement de la collectivité. Comme proposé par la fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), il peut être envisagé de créer un produit à taux préférentiel pour les collectivités territoriales, porté par la Banque des territoires, pour accompagner ces collectivités dans la rénovation énergétique des bâtiments publics. Il s’agit, également, de lancer rapidement des chantiers de rénovation énergétique des bâtiments stratégiques, en particulier les hôpitaux et les bâtiments d’enseignement. Enfin, l’identification, au sein de chaque direction régionale de l’environnement, de l’aménagement, et du logement (DREAL), d’un référent « rénovation énergétique » pour accompagner les collectivités est une piste à explorer.
Proposition n° 4 : créer un produit à taux préférentiel pour les collectivités territoriales afin d’accompagner la rénovation énergétique des bâtiments publics. Ce prêt pourrait être porté par la Banque des territoires ;
Proposition n° 5 : lancer des chantiers de rénovation énergétique des bâtiments publics stratégiques, notamment les bâtiments d’enseignement et hôpitaux publics ;
Proposition n° 6 : identifier, au sein de chaque DREAL, un référent « rénovation énergétique »
Par ailleurs, il est nécessaire d’accélérer la rénovation énergétique du parc locatif, qui accuse un retard considérable sur nos objectifs. Il apparaît nécessaire d’explorer les possibilités offertes par l’ouverture des dispositifs de soutien à la réalisation des travaux à davantage de personnes, une grande part des dispositifs de soutien à la réalisation des travaux étant aujourd’hui uniquement ouverts aux propriétaires occupants. Le parc locatif privé représente pourtant près d’une résidence principale sur quatre et est le plus énergivore. À cet égard, vos rapporteurs proposent de flécher la déductibilité des charges locatives pour les bailleurs à destination des travaux qui permettent l’amélioration de la performance énergétique du logement et concourent à une baisse des charges du locataire. La possibilité pour les locataires de réaliser eux-mêmes les travaux de rénovation énergétique, à leurs frais, doit être élargie, par l’application du modèle mis en œuvre s’agissant des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou à la perte d’autonomie (silence du propriétaire valant acceptation, non-obligation de remise en état des lieux au départ). Il est également nécessaire de publier le décret relatif à l’intégration d’un critère de performance énergétique dans la définition des logements décents.
Proposition n° 7 : flécher la déductibilité des charges locatives pour les bailleurs qui réalisent des travaux de rénovation vers les travaux qui permettent l’amélioration de la performance énergétique et concourent à une baisse des charges du locataire ;
Proposition n° 8 : simplifier la possibilité pour les locataires de réaliser eux-mêmes des travaux d’économies d’énergie à leurs frais, par la duplication du modèle des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ;
Proposition n° 9 : publier le décret prévu par la loi énergie-climat, devant intégrer un critère de performance énergétique dans la définition du logement décent.
S’agissant des particuliers, il demeure nécessaire d’accroître le soutien financier, pour réduire le reste à charge et donner une impulsion suffisante à la rénovation énergétique. Plusieurs propositions peuvent, à cet égard, être envisagées, non nécessairement cumulatives. Il s’agit, en particulier, d’améliorer l’efficacité et la distribution de l’éco-prêt à taux zéro, éco-PTZ, qui prendra fin au 31 décembre 2021. Cela nécessiterait un engagement beaucoup plus fort des banques privées, et vos rapporteurs tiennent à souligner l’importance de la mobilisation du secteur bancaire pour que ce dernier joue pleinement son rôle d’accompagnement des particuliers dans la réalisation de leurs projets. La distribution de l’éco-PTZ pourrait être renforcée, notamment par l’identification des bonnes pratiques et la publication de statistiques de distribution des différentes banques. Par ailleurs, il pourrait être pertinent de créer un système de banque de dernier recours, désignée par la puissance publique, pour délivrer un éco-PTZ à un ménage qui aurait fait deux demandes auprès de banques et se serait vu opposer deux refus. Ce prêt serait garanti par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE). Enfin, l’anticipation de la fin du dispositif de l’éco-PTZ est nécessaire. À ce titre, vos rapporteurs suggèrent de réunir les acteurs impliqués dans l’éco-PTZ pour réfléchir à un nouvel accompagnement, notamment des ménages les plus modestes, à compter du 1er janvier 2022.
En parallèle, l’augmentation des moyens financiers du dispositif Ma Prime Rénov’, venue remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) depuis le 1er janvier 2020 pour les ménages modestes, est nécessaire. Cette prime est, à ce jour, dotée d’un budget de 390 M€. Les autres ménages notamment intermédiaires qui bénéficient encore en 2020 du CITE, en seront, dès 2021, également bénéficiaires. Outre l’augmentation du budget qui découlera de l’intégration de ces ménages, il conviendra également d’augmenter de manière substantielle les investissements au bénéfice de la rénovation énergétique dans le prochain projet de loi de finances (PLF). D’ailleurs, la prime pourrait être élargie aux 9e et 10e déciles pour des travaux de rénovation globale.
Proposition n° 10 : renforcer la transparence sur la distribution de l’éco-PTZ, par la publication des statistiques de distribution du produit selon les différentes banques et l’identification des meilleures pratiques.
Proposition n° 11 : créer un système de banque de dernier recours, désignée par la puissance publique, pour délivrer un éco-PTZ à un ménage qui aurait fait deux demandes auprès de banques et se serait vu opposer deux refus ;
Proposition n° 12 : réunir les acteurs impliqués dans l’éco-PTZ pour réfléchir à un nouvel accompagnement, notamment des ménages les plus modestes, à compter du 1er janvier 2022 ;
Proposition n° 13 : augmenter de manière substantielle les investissements au bénéfice de la rénovation énergétique ; accroître le budget de Ma Prime Rénov’ dans le prochain PLF ;
Proposition n° 14 : ouvrir la prime forfaitaire aux ménages des 9e et 10e déciles qui réaliseraient un bouquet de travaux dont un geste dédié à l’isolation.
Au-delà du seul soutien financier, il est nécessaire de donner de la visibilité aux aides et de clarifier l’écosystème de soutien et de mise en œuvre de la rénovation énergétique, pour simplifier les démarches des particuliers. Vos rapporteurs proposent la création d’une plateforme numérique rassemblant en un lieu dématérialisé unique tous les acteurs de la rénovation énergétique, qu’il s’agisse des financeurs, des artisans labellisés ou de la maîtrise d’œuvre. De plus, la dématérialisation des procédures doit être approfondie.
Proposition n° 15 : créer une plateforme numérique rassemblant en un lieu dématérialisé unique tous les acteurs de la rénovation énergétique, pour leur donner davantage de visibilité et structurer l’offre ;
Proposition n° 16 : avancer dans la dématérialisation des procédures.
Il convient, également, de mettre l’accent sur la rénovation globale, en ajustant à cet égard le dispositif des CEE. En effet, étant entendu que les objectifs de la 4ème période ont été fixés, et qu’un retard a été pris pour les atteindre, soutenir le développement et élargir les possibilités d’obtention de ces CEE peut se faire sans occasionner de dépenses supplémentaires, tout en conservant leur objectif premier : réaliser des économies d’énergie. Il faut, également, donner davantage de visibilité aux professionnels en organisant rapidement les concertations sur la 5ème période, la 4ème période devant s’achever au 31 décembre 2021.
Proposition n° 17 : inciter à la rénovation globale des logements individuels par la mise en place d’une bonification de CEE pour ces travaux :
Proposition n° 18 : organiser rapidement la concertation sur la 5ème période pour donner de la visibilité aux acteurs de la filière.
Enfin, s’agissant des constructions neuves, l’ambition doit être grande. Une démarche particulière doit être entreprise dans la future réglementation environnementale pour favoriser des bâtiments producteurs d’énergie renouvelable, tout en garantissant la contribution de chacun au réseau, pour préserver les mécanismes de solidarité et de péréquation auxquels vos rapporteurs restent fortement attachés.
Proposition n° 19 : encourager l’installation d’unités de production d’énergies renouvelables dans les bâtiments neufs et au cours des rénovations pour promouvoir l’autoconsommation, tout en garantissant la contribution au réseau, afin de préserver les mécanismes de solidarité et de péréquation.
— 1 —
deuxième partie :
promouvoir les mobilités vertes
I. les mobilités vertes, atout pour les réseaux et le climat
Les mobilités vertes représentent un atout pour le climat, en ce qu’elles contribuent à limiter les émissions polluantes, le secteur des transports étant le premier émetteur de gaz à effet de serre avec 30 % des émissions de CO2 et 60 % des émissions d’oxyde d’azote. Ces mobilités contribuent également au pouvoir d’achat des ménages, en réduisant, à terme, leurs dépenses de carburant.
Mais elles constituent aussi un atout pour la résilience du réseau énergétique, notamment électrique. Ainsi, le Conseil général de l’économie a publié le 28 mai un rapport sur la contribution du pilotage de la demande des bâtiments et des véhicules électriques à la flexibilité du système électrique. Il estime que « le potentiel offert par le véhicule électrique (si les dispositions sont prises pour encourager la pénétration des solutions techniques pertinentes) concerne un déplacement temporel de consommation d’électricité d’au minimum 25 TWh/an et une pointe de consommation évitée de plus de 10 GW (par rapport à un scénario sans développement du véhicule électrique) ». Selon une étude commune de l’Association pour le développement de la mobilité électrique (Avere), RTE et Enedis, réalisée en mai 2019 sur l’hypothèse d’un scénario de 50 % de véhicules électriques en 2035, le pilotage de la recharge permettrait de diviser par deux l’adaptation du réseau à l’augmentation de la demande électrique par la mise en place un système de « vehicle to grid » (V2G). Ces véhicules représentent, ainsi, un potentiel de services au réseau encore trop peu utilisé.
C’est pourquoi, vos rapporteurs souhaitent insister sur cet axe fondamental du plan de relance. Des mesures transversales sont à promouvoir, de même que des mesures spécifiques selon les carburants utilisés.
II. des mesures transversales pour soutenir la demande
S’agissant des mesures transversales, il apparaît nécessaire de stimuler la demande, en particulier la demande publique. À ce titre, il importe de mettre en œuvre l’article 37 de la loi de transition énergétique qui impose à l’État et aux collectivités territoriales qui gèrent un parc de plus de 20 autobus ou autocars d’acquérir, lors du renouvellement de leur parc, 50 % de véhicules à faibles émissions en 2020 puis 100 % en 2025. Il s’agit, également, de renforcer l’obligation d’acquisition de véhicules à faibles émissions par l’État et ses établissements ainsi que les collectivités, à l’occasion du renouvellement de leur parc automobile, au-delà des ambitions fixées par la loi d’orientation des mobilités (à 50 % pour l’État et 30 % pour les collectivités territoriales à partir du 1er juillet 2021).
Il est également, désormais, devenu indispensable de penser la reconversion des chaînes de production de véhicules polluants vers des chaînes de production de véhicules propres. Aussi, les aides publiques doivent être conditionnées à cette reconversion.
Proposition n° 20 : renforcer la commande publique en mettant en œuvre effectivement l’article 37 de la loi de transition énergétique sur le renouvellement du parc d’autobus et d’autocars. À cet égard, réduire progressivement les exemptions de TICPE sur le diesel de manière programmée dans le temps, afin d’inciter au verdissement de la flotte ;
Proposition n° 21 : mettre en œuvre effectivement voire rehausser les ambitions de la loi d’orientation des mobilités s’agissant de l’obligation d’acquisition de véhicules à faibles émissions par l’État et ses établissements ainsi que par les collectivités, à l’occasion du renouvellement de leur parc automobile ;
Proposition n° 22 : conditionner les aides publiques, budgétaires et fiscales, à la filière automobile à l’adoption d’orientations stratégiques et de plans d’investissements compatibles avec nos engagements environnementaux, notamment à la reconversion des lignes de production de voitures thermiques vers des véhicules propres.
III. des mesures sectorielles en faveur de la mobilité électrique et gaz
S’agissant plus particulièrement de la mobilité électrique, vos rapporteurs saluent les mesures apportées par le plan de relance pour l’automobile présenté le 26 mai et en vigueur depuis le 1er juin, notamment l’objectif de 100 000 bornes de recharge avant la fin de l’année 2021, ou l’augmentation du bonus pour les particuliers de 6 000 € à 7 000 € et du bonus pour les entreprises de 3 000 € à 5 000 €. Vos rapporteurs saluent également le financement à 75 % – et non plus 40 % – du raccordement des bornes de recharge électriques par le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE).
Vos rapporteurs souhaitent, toutefois, accroître l’ambition de développement de ces véhicules. Il s’agit, en premier lieu, de promouvoir le déploiement des infrastructures de recharge, la capacité de recharge étant primordiale – ou rédhibitoire – dans la décision d’achat de véhicules électriques et hybrides rechargeables. Ceci impose de soutenir les bornes privées, à domicile ou sur le lieu de travail, utilisées à 80 % par les utilisateurs de véhicules électriques. Il convient également de remédier à la fragilité du maillage des grands axes routiers, en particulier en bornes haute puissance. En tout état de cause, il importe d’ajuster le déploiement des bornes aux besoins des territoires et d’installer les prises là où elles sont les plus efficaces, sans nécessairement mettre en place un déploiement uniforme. Un observatoire des comportements de recharge est en cours de lancement, pour mutualiser les données de syndicats d’énergie et en tirer des enseignements. Vos rapporteurs saluent cette initiative.
Proposition n° 23 : rendre progressivement obligatoire l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les bâtiments résidentiels collectifs, en accompagnant cette mesure des soutiens financiers associés, en réduisant les délais de procédure et en clarifiant l’information en assemblée générale
Proposition n° 24 : accroître le montant de prise en charge des systèmes de charge des véhicules électriques pour les bâtiments résidentiels par la prime forfaitaire remplaçant le CITE ;
Proposition n° 25 : améliorer le maillage des grands axes routiers : soutenir la création de hubs de recharge ; combler rapidement le déficit des points de recharge sur autoroute, notamment des bornes haute puissance, en facilitant l’installation sur les aires sous‑concédées ;
Proposition n° 26 : créer un nouveau programme d’investissement d’avenir consacré à la mobilité propre destiné à accompagner les territoires et zones non couvertes en installations de recharge pour véhicules électriques ;
Proposition n° 27 : développer les bornes de recharge communicantes permettant une modulation de la charge (notamment sur signal des gestionnaires de réseau).
Il est nécessaire, par ailleurs, de soutenir la demande, en particulier celle des entreprises, qui représentent encore plus de la moitié des achats de véhicules électriques neufs et permettent au public de disposer, à court terme (3 ans) d’une offre abordable de véhicules d’occasion.
Proposition n° 28 : rendre le dispositif des amortissements des véhicules électriques plus incitatif en relevant le plafond à 45 000 € (30 000 € aujourd’hui pour les véhicules émettant moins de 20 grammes de CO2 par km) ;
Proposition n° 29 : développer des solutions pour faciliter les prêts pour l’achat de véhicules électriques et hybrides rechargeables ;
Proposition n° 30 : défiscaliser l’avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un véhicule électrique à un salarié, pendant un an suivant la fin de l’urgence sanitaire ;
Proposition n° 31 : simplifier les démarches de demande d’aides par la mise en place d’un guichet unique permettant, notamment, de simuler le reste à charge à payer en fonction de l’éligibilité aux différentes aides.
Il importe, enfin, de promouvoir les mobilités légères et électriques.
Proposition n° 32 : créer un crédit d’impôt pour l’installation d’une prise de recharge pour véhicules deux roues motorisés électriques ;
Proposition n° 33 : réserver aux véhicules deux roues motorisés électriques un quota de place dans les parkings deux roues, et y associer des bornes de recharge.
La mobilité gaz (GNV, GNL, bioGNV, bioGPL) comporte également de nombreux avantages économiques et écologiques et contribue à l’indépendance énergétique. Ainsi, les véhicules gaz permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % et n’émettent pratiquement pas de particules. Ces véhicules sont financièrement abordables pour tous, le coût d’un véhicule GNV étant comparable aux véhicules actuels, pour un carburant meilleur marché. En outre, la filière de construction des poids lourds GNV et d’équipementiers des stations est très largement européenne et française, la France étant devenue le 1er marché d’Europe pour les poids lourds GNV et bioGNV. Enfin, l’équipement de véhicules essence au gaz en seconde monte constitue une expertise non délocalisable dont le potentiel de développement est important. La mobilité gaz naturel représente donc une solution de transition entre véhicules thermiques essence et diesel et véhicules électriques et fonctionnant exclusivement au gaz vert.
Toutefois, plusieurs mesures doivent être prises pour renforcer la part du gaz, notamment vert, dans la mobilité. En effet, le maillage territorial des stations d’avitaillement est un frein au développement de ces mobilités. Certains transporteurs pourraient installer leur propre station, mais le coût d’une station privative moyenne – estimé à 150 000 € environ – peut être prohibitif. Par ailleurs, il convient de stimuler la demande, en instaurant des incitations fiscales sous forme de crédits d’impôt pour les professionnels.
Proposition n° 34 : créer un nouveau programme d’investissement d’avenir relatif à la mobilité propre pour accompagner les zones blanches non couvertes en stations d’avitaillement GNV, prévoyant un minimum d’incorporation de bioGNV, et bioGNV ;
Proposition n° 35 : créer un crédit d’impôt temporaire pour la création de stations d’avitaillement privées GNV, prévoyant un minimum d’incorporation de bioGNV, et bioGNV ;
Proposition n° 36 : garantir la cohérence des réseaux et la stratégie d’ensemble par une planification régionale du déploiement des stations d’avitaillement GNV et bioGNV et des points de recharge électrique ;
Proposition n° 37 : créer un crédit d’impôt temporaire, à l’achat ou à la location d’un véhicule GNV et bioGNV de plus de 2,6 tonnes, en remplacement du dispositif de suramortissement inadapté en sortie de crise avec un avantage plus important pour les véhicules bioGNV.
Enfin, s’agissant des mobilités fonctionnant à l’hydrogène et aux biocarburants, particulièrement pertinentes pour les poids lourds, vos rapporteurs suggèrent, d’une part, de renforcer la part de l’hydrogène vert dans la mobilité électrique, notamment s’agissant de la mobilité lourde et, d’autre part, d’accélérer le remplacement du SP95 par le SP95-E10, notamment dans les 30 % de stations-service qui ne le distribuent pas encore, ainsi que de promouvoir le carburant ED95 (composé à 95 % d’éthanol) dans les flottes captives de bus, cars et poids lourds.
Proposition n° 38 : renforcer la part de l’hydrogène vert dans la mobilité électrique, notamment s’agissant de la mobilité lourde ;
Proposition n° 39 : accélérer le remplacement du SP95 par le SP95-E10, et promouvoir le carburant ED95 dans les flottes captives de bus, cars et poids lourds.
— 1 —
troisième PARTIE :
soutenir le développement des énergies renouvelables pour accélérer la transition énergétique
I. La crise a eu de lourdes conséquences pour le développement des énergies renouvelables mais un effet sur le climat seulement temporaire
La filière des énergies renouvelables (ENR) a été confrontée à de nombreuses difficultés liées à la crise sanitaire. En premier lieu, les chantiers en cours ont connu des difficultés en raison de l’arrêt des activités de construction, de l’expiration des autorisations administratives au cours de la période de confinement, ou encore de contraintes d’acheminement de matériaux en provenance de l’étranger. Par ailleurs, la baisse des prix des énergies fossiles renchérit le prix relatif des énergies renouvelables. Ceci érode la rentabilité des projets d’ENR et des investissements, faisant craindre des répercussions à long terme, sans action publique volontariste. Cette baisse des prix renchérit également le coût du soutien public à ces énergies, destiné à compenser l’écart entre le coût de production des ENR et le prix de vente de l’énergie sur les marchés de gros. Enfin, la baisse de consommation des produits énergétiques, notamment des carburants, conduit à une diminution des recettes fiscales associées, affectées au financement du soutien aux énergies renouvelables et à la transition énergétique : ainsi, la diminution de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) est estimée à 1,6 Md€ environ, cette taxe étant la principale source de financement du compte d’affectation spéciale « transition énergétique ». La pérennité de ce financement est mise en cause, d’autant plus que le compte d’affectation spéciale doit être supprimé au 1er janvier 2021.
En parallèle, la crise n’a eu qu’un effet temporaire sur le climat. Certes, la réduction des activités, notamment industrielles a eu un effet indéniable sur les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, selon le Haut Conseil pour le climat, la diminution des émissions, en France, aurait atteint 30 % durant le confinement, et s’établirait entre 5 et 15 % sur l’ensemble de l’année 2020, du fait de l’arrêt forcé de l’économie. Toutefois, les gains réalisés sont très faibles par rapport à ceux qui seraient nécessaires pour atteindre les engagements climatiques visés par les budgets carbone inscrits dans la loi énergie-climat, d’ici 2030 (de l’ordre de 6 %). En outre, un effet rebond est également à craindre, comme il avait pu être observé après la crise financière de 2008. Le Haut Conseil pour le climat résume la situation : « la baisse des émissions constatée reste marginale dans la trajectoire vers la neutralité carbone. Elle n’est pas durable et ses effets collatéraux sont indésirables et négatifs. Par ailleurs, elle repose entièrement sur une sobriété imposée et temporaire des déplacements et de la consommation ». En outre, « la probabilité d’un effet rebond est majeure ».
C’est pourquoi, le développement des énergies renouvelables doit être au cœur de la reprise de l’activité à court terme, et de la relance à moyen terme.
II. engager la reprise des projets d’énergies renouvelables interrompus par la crise
Les énergies renouvelables, particulièrement affectées, doivent faire l’objet d’une attention soutenue dans le cadre de la reprise. Le Gouvernement a pris plusieurs mesures en ce sens. La validité des autorisations administratives, permis et agréments expirés pendant l’état d’urgence sanitaire a été prolongée ([4]). Le Gouvernement a, en outre, accordé le gel jusqu’au 1er juillet des tarifs d’achat de l’électricité pour les petits projets de solaire photovoltaïque en toiture, octroyé des délais supplémentaires pour la mise en service des installations et reporté de nombreux appels d’offres. Ces mesures ont constitué une aide importante dans la période de confinement, mais doivent être accentuées pour favoriser la reprise des chantiers ENR.
À cet égard, vos rapporteurs estiment nécessaire d’accorder une attention particulière à la question des délais. En effet, la prolongation de trois mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire des autorisations administratives apparaît suffisante dans certains cas mais pas dans tous : une adaptation, par secteur ou type de projet, et par palier, doit pouvoir être organisée. Par ailleurs, le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire ([5]) peut engendrer des difficultés importantes à la reprise, dans la mesure où les organismes de contrôle ou prestataires chargés de réaliser les opérations de contrôle ou de formation, qui n’ont pu intervenir durant la période de confinement, seront trop fortement mobilisés dans les prochaines semaines pour pouvoir assurer l’ensemble des contrôles nécessaire à la mise en conformité des installations avec leurs obligations réglementaires. Certaines de ces obligations ne présentent d’enjeu ni pour la sécurité, ni pour l’environnement, et doivent pouvoir être assouplies s’agissant des ENR soumises à déclaration. Ces assouplissements ne doivent, toutefois, n’avoir vocation qu’à neutraliser la période de suspension des activités liées à l’état d’urgence sanitaire, et rester strictement proportionnées aux conséquences de la crise sanitaire sur les projets d’ENR.
Proposition n° 40 : prolonger, par palier au regard de l’évolution de la situation, la validité des autorisations administratives échues pendant le confinement, au-delà de trois mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire ;
Proposition n° 41 : accorder une souplesse pour la réalisation de certaines obligations de suivi réglementaire s’agissant des ENR soumises à déclaration, ainsi que pour le respect de certains délais impératifs, notamment de mise en service, pour une durée raisonnable ayant vocation à neutraliser la période d’urgence sanitaire, tout en garantissant la protection de l’environnement et de la sécurité ;
Proposition n° 42 : prolonger le gel du tarif d’achat pour les petits projets d’énergie solaire photovoltaïque en toiture jusqu’au 1er octobre.
III. accélérer le développement des énergies renouvelables dans le cadre du plan de relance
La crise a, plus que jamais, manifesté l’urgence de la transition énergétique. Comme l’a indiqué le Président de la République lors de son allocution du 14 juin 2020, la priorité est de « reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire » et de « créer les emplois de demain par la reconstruction écologique ». Il est, ainsi, impératif de ne pas commettre dans la définition du plan de relance, les erreurs passées. Ainsi, selon le Haut Conseil pour le climat, le plan de relance de 2008 a eu une efficacité climatique limitée : sur les 26,5 Md€ de soutien financier budgétés, « des mesures contracycliques du point de vue du climat (prime à la casse bénéficiant à des voitures thermiques, construction de routes, etc.) ont réduit l’efficacité climatique réelle du plan de relance à environ 1,7 Md€ ». Aussi, vos rapporteurs proposent plusieurs mesures en faveur du développement des énergies renouvelables.
A. de manière transversale, créer un environnement favorable au développement des énergies renouvelables
Les énergies renouvelables ont démontré leur importance et leur pertinence pendant la crise sanitaire. Ainsi, les ENR ont couvert 26,6 % de la consommation d’électricité au premier trimestre 2020 selon le panorama des énergies renouvelables élaboré par RTE et ses partenaires au 31 mars 2020. Au cours de ce trimestre, 37,6 térawattheures (TWh) d’électricité renouvelable ont été produits, soit un record trimestriel et une hausse de plus de 32 % par rapport au même trimestre de l’année 2019. Les énergies renouvelables ne sont plus un simple complément, mais bien une part essentielle du mix énergétique, notamment en période de crise ou de situation exceptionnelle. En outre, le caractère décentralisé des ENR contribue à la sécurité d’approvisionnement du pays. Toutefois, nous sommes encore bien loin des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2023. Ainsi, le taux d’atteinte de ces objectifs est de 70 % pour l’éolien et de 47 % s’agissant du solaire.
C’est pourquoi, des efforts importants doivent être engagés. Plusieurs mesures peuvent être prises pour créer un contexte plus favorable au développement des ENR, tout en garantissant la sécurité et la pertinence des projets. Ceci implique, en premier lieu, d’affirmer la poursuite des ambitions de l’accord de Paris, sans report ni baisse de ces ambitions. Il s’agit également de mettre en œuvre effectivement la loi énergie-climat, non encore pleinement entrée en vigueur en raison du retard pris dans la publication des décrets et des ordonnances, avant d’envisager de légiférer à nouveau. Il convient, enfin, d’accélérer l’instruction des projets d’ENR, alors que la France est l’un des pays où cette instruction est la plus longue, de dématérialiser les procédures, et d’y accorder les ressources humaines suffisantes, notamment pour accompagner les collectivités territoriales dans leurs projets, via les DREAL et l’Ademe. Une attention particulière doit être accordée aux projets outre-mer.
Proposition n° 43 : accélérer la mise en œuvre de la loi énergie-climat, notamment dans ses dispositions relatives à la fermeture des centrales à charbon ou encore à l’hydrogène ;
Proposition n° 44 : rappeler que la poursuite des ambitions de l’accord de Paris constitue l’aiguillon et la ligne directrice du plan de relance de l’économie française ;
Proposition n° 45 : accélérer l’instruction des projets en généralisant la dématérialisation, en raccourcissant les délais d’instruction des candidatures aux appels d’offres et en envisageant de paralléliser certaines étapes ;
Proposition n° 46 : améliorer l’accompagnement des collectivités territoriales dans le développement de leurs projets ENR, en renforçant les services dédiés de l’État en région et en homogénéisant les pratiques des DREAL ; constituer, sous l’égide de l’Ademe, un réseau de soutien technique aux élus ; mettre en place pour certaines ENR, notamment la géothermie, un animateur spécialiste par région ;
Proposition n° 47 : accorder une attention particulière au développement des ENR outre-mer, notamment en actualisant les PPE propres à ces territoires au regard de l’évolution de la situation locale de pénétration de ces énergies, et en assurant aux acteurs une visibilité pluriannuelle des mécanismes de soutien.
B. adopter des mesures de soutien propres aux différentes filières
Vos rapporteurs appellent également à soutenir certaines filières, qu’ils estiment prometteuses.
L’hydroélectricité joue un rôle majeur dans l’équilibre du système électrique et dans sa souveraineté, tant par les grands ouvrages que par la petite hydroélectricité. Il s’agit de la première source renouvelable électrique en France, avec plus de 25 GW de capacité installée, fournissant 60 % de la production d’ENR et couvrant plus de 13 % de la consommation flexible et stockable. Elle permet également l’intégration des autres énergies renouvelables dites « variables » comme l’éolien ou le solaire. Son rôle est donc clé dans la transition énergétique. Une nouvelle dynamique de développement de l’hydroélectricité constitue un outil majeur au service de l’ambition française. Le plan de relance doit ainsi intégrer l’hydroélectricité, industrie proche des territoires, par l’organisation des travaux de rénovation et du renouvellement du matériel électromécanique, la mise en œuvre de la disposition de la loi énergie-climat permettant les augmentations de puissance sur des aménagements existants ainsi que la mise en œuvre de la disposition de la loi de transition énergétique permettant la prolongation des concessions sous condition de travaux. Sans se prononcer sur la pertinence de la remise en concurrence, vos rapporteurs souhaitent toutefois qu’une visibilité soit donnée aux opérateurs de la filière, l’incertitude actuelle étant particulièrement préjudiciable et de nature à bloquer des investissements nécessaires pour moderniser et développer les capacités de production.
Proposition n° 48 : donner aux opérateurs de la filière hydroélectrique de la visibilité quant aux modalités et au calendrier de la mise en concurrence des concessions échues, ou de leur éventuelle prolongation ;
Proposition n° 49 : mettre en œuvre la disposition de l’article 116 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte autorisant la prolongation des concessions sous conditions de travaux ;
Proposition n° 50 : accélérer la mise en œuvre des rénovations des centrales et du renouvellement de leur matériel électromécanique ;
Proposition n° 51: accélérer la mise en œuvre des dispositions de l’article 43 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, permettant des augmentations de puissance des installations concédées, sans prolongation de la durée de la concession, de nature à inciter les opérateurs à effectuer des travaux et investissements sur les aménagements hydroélectriques.
Par ailleurs, l’éolien en mer doit faire l’objet d’une attention soutenue. La crise du Covid a entraîné, en effet, la suspension ou le report des débats publics, conduisant au décalage de plusieurs mois du calendrier de ces débats, préalables à l’engagement des appels d’offres. Cette situation compromet l’atteinte des objectifs de transition énergétique fixés dans la PPE et la loi énergie-climat du 8 novembre 2019. Aussi, vos rapporteurs proposent de redémarrer dès que possible les procédures préalables au lancement des appels d’offres. De manière plus structurelle, ils appellent à déployer une stratégie industrielle et portuaire de nature à faire émerger une filière française de l’éolien flottant.
Proposition n° 52 : redémarrer rapidement les procédures préalables au lancement des appels d’offres prévus d’ici 2022 ; engager la saisine de la Commission nationale du débat public pour le projet Sud Atlantique et ceux en Méditerranée ;
Proposition n° 53 : adapter les infrastructures portuaires françaises pour pouvoir implanter des sites de construction de flotteurs ou d’assemblage et faire émerger une filière française de l’éolien flottant.
Plusieurs mesures peuvent être envisagées pour soutenir le développement de l’énergie solaire. En effet, le parc solaire représente plus de 9 000 mégawatt (MW), soit une augmentation de plus de 900 MW sur l’année, mais demeure loin des objectifs fixés par la PPE (47 % de l’objectif 2023 atteint à la fin du 1er trimestre 2020). Son rythme de développement doit être accéléré. Cette énergie repose sur une ressource importante voire inépuisable, et ses effets sur l’environnement, en analyse du cycle de vie, peuvent être réduits par le développement d’une filière française, qui serait créatrice d’emplois.
Il convient, en particulier, de donner davantage de visibilité aux acteurs de la filière et de faciliter le développement des projets par une réflexion générale sur le foncier, s’agissant notamment des questions de l’artificialisation des sols, de la définition des zones humides ou encore de l’implantation en zone non agricole et non boisée. Il s’agit également de mieux soutenir les projets d’autoconsommation.
Proposition n° 54 : pour les appels d’offres photovoltaïques, engager une réflexion générale sur le foncier ;
Proposition n° 55 : s’agissant du solaire thermique, améliorer la visibilité des professionnels sur les appels à projets de l’Ademe par la mise en place d’un calendrier pluriannuel et la définition de méthodes communes d’évaluation économique ;
Proposition n° 56 : renforcer le soutien aux projets d’autoconsommation d’énergie solaire, en garantissant la préservation des mécanismes de solidarité et de péréquation du réseau.
La filière bois-énergie a été très affectée par la crise sanitaire. Si les problèmes d’approvisionnement – les contrôles routiers liés au confinement bloquant certaines livraisons – ont été résolus, et si les stocks se reconstituent pour la saison prochaine malgré l’arrêt temporaire des scieries, la filière est affectée par l’effondrement des prix des énergies fossiles qui pourrait avoir des conséquences sur les investissements et le fonctionnement des chaufferies. Des mesures ont déjà été prises : ainsi, les services de l’État ont annoncé, conformément à la demande des professionnels une certaine souplesse, pour permettre l’application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) y compris quand le taux d’incorporation des renouvelables tombe temporairement au-dessous de 50 %.
Ceci ne saurait toutefois être suffisant, et vos rapporteurs souhaitent aller plus loin. En effet, de manière plus large que le seul contexte de crise, la Cour des comptes ([6]) estime que les soutiens à la filière bois, évalués à 1,16 Md€ par an entre 2015 et 2018, sont importants mais trop peu efficaces pour jouer un rôle de levier. Ainsi, les soutiens existants peuvent être élargis pour être plus efficaces. À titre d’illustration, l’extension de l’éligibilité au fonds chaleur aux technologies de séchage du bois permettrait de diminuer l’importance du marché informel, le plus souvent dominé par des produits de mauvaise qualité au taux d’humidité élevé, de mettre sur le marché davantage de combustibles performants et d’accélérer les investissements industriels dans les régions rurales et forestières. Par ailleurs, si 95 % du bois énergie et 63 % du bois construction proviennent des forêts françaises, le potentiel n’est pas entièrement exploité.
Proposition n° 57 : rendre éligible au fonds chaleur les dépenses liées aux équipements de séchage de la biomasse (bois d’œuvre, sciures, bois de chauffage) ;
Proposition n° 58 : élargir le coup de pouce chauffage CEE aux appareils indépendants de chauffage au bois et aux chaudières biomasse venant en remplacement d’appareils équivalents anciens ;
Proposition n° 59 : accroître la part de la marque « Bois de France » dans le bois énergie et le bois construction ;
Proposition n° 60 : comme le suggère la Cour des comptes, renforcer la coopération entre ministères de l’agriculture et de l’énergie par la création d’un collège de directeurs de la politique forêt/bois, chargé de préparer les arbitrages gouvernementaux. Ce groupe aurait également vocation à travailler à lever les barrières réglementaires et économiques et à favoriser la mobilisation de la biomasse ;
Proposition n° 61 : comme le suggère la Cour des comptes, créer un fonds d’aide au repeuplement d’environ 100 M€ par an confié à un opérateur public, éventuellement alimenté par une fraction des enchères de quotas carbone européens. Ce fonds aurait vocation à financer les plantations ainsi que les travaux d’amélioration et d’entretien des forêts.
Le biogaz, et notamment le biométhane, constitue également une filière extrêmement prometteuse, dont les atouts en termes d’emplois et de développement local sont grands. Selon les acteurs, un grand nombre de projets sont en cours, pour une puissance de 25 TWh. Vos rapporteurs saluent les mesures proposées par le Gouvernement, notamment la prolongation de sept mois du délai pour la mise en service des installations de production de biométhane pour lesquelles des contrats d’obligation d’achat ont été signés entre le 12 mars 2017 et le 12 mars 2020. Toutefois, ces mesures visent essentiellement à assouplir les conditions de la reprise, et ne constituent pas une ambition suffisante s’agissant de la relance. C’est pourquoi, vos rapporteurs souhaitent, côté demande, encourager la consommation de gaz renouvelable, et, côté offre, permettre le développement des réseaux.
Ils souhaitent également que soit engagée une réflexion sur le financement partiel des volumes par des mécanismes extrabudgétaires. À cet égard, le projet dit « méthaneuf », qui a pour objet d’inclure le biométhane dans les futurs bâtiments neufs, doit être soutenu, particulièrement quand des contraintes techniques ou financières importantes rendent difficile l’installation de panneaux photovoltaïques, par exemple. Il consiste, en effet à permettre au maître d’ouvrage soit d’équiper l’immeuble alimenté au gaz d’installations de production d’ENR intégrées à l’immeuble, soit de financer le développement de gaz renouvelable, à proximité, pour un montant équivalent. Le gaz renouvelable produit à proximité serait fléché vers la construction neuve qui l’a financé, dans une logique d’économie circulaire. Un tel projet présente l’avantage de stimuler la production et la consommation de biométhane, sans pour autant entraîner de dépense publique importante comme le ferait l’augmentation de l’objectif de biométhane dans la PPE, le soutien par le tarif de rachat étant contraint par les finances publiques.
Proposition n° 62 : encourager la consommation de gaz renouvelable, sans prolonger artificiellement la demande pour le gaz, mais de manière à introduire progressivement un soutien au biométhane par la demande ;
Proposition n° 63 : engager une réflexion sur le financement partiel des volumes par des mécanismes extrabudgétaires : soutenir les projets de type « méthaneuf » d’incitation à la production et à la consommation de biométhane dans le cadre de la réglementation RE2020 sur les bâtiments neufs, dans le cas où des contraintes techniques et financières importantes rendent difficile l’installation de panneaux photovoltaïques par exemple, et dans une logique d’économie circulaire ;
Proposition n° 64 : adapter les réseaux à l’injection progressive de biométhane : autoriser les gestionnaires de réseaux à investir davantage en levant le plafonnement annuel d’investissement (respectivement 0,4 et 2 % des recettes annuelles des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution et de transport) ;
Proposition n° 65 : créer un fonds d’amortissement des charges de développement des réseaux de gaz verts, éventuellement financé par une contribution des fournisseurs de gaz fossile.
Enfin, la France s’est engagée, dans le cadre d’une déclaration politique sur le rôle de l’hydrogène dans la décarbonation du système énergétique européen diffusée en amont du conseil de l’énergie. Un plan hydrogène, prenant le relais du plan de 2018, devrait être présenté à l’automne, en même temps que le plan de relance. Pour vos rapporteurs, l’hydrogène est une hypothèse de travail sérieuse, à la condition explicite et ferme que son processus de fabrication soit vertueux. En effet, en 2016, 95 % de l’hydrogène était produit via le craquage de combustible fossile, très polluant. Le pourcentage aurait peu évolué ces quatre dernières années. À cet égard, il est nécessaire d’accorder à la recherche les moyens nécessaires, mais également de garantir que la stratégie européenne pour l’hydrogène, qui devrait être présentée début juillet, comporte une définition claire de l’hydrogène propre. Des certificats d’origine pour l’hydrogène propre devraient assurer l’information du consommateur final.
Proposition n° 66 : relancer le plan national hydrogène pour un soutien supérieur aux 100 M€ par an du plan de 2018, pour développer la recherche sur l’hydrogène bas carbone ;
Proposition n° 67 : promouvoir, auprès de l’Union européenne, une définition de l’hydrogène propre assise sur un critère chiffré d’émission de CO2 tout au long du processus de production, ainsi que la mise en place d’un système solide de garanties d’origine.
— 1 —
quatrième partie :
assurer la résilience des réseaux et accroître l’indépendance énergétique de la france
La crise a démontré l’importance de disposer d’un système énergétique solide et résilient, seul en mesure de permettre à la France d’assurer la continuité de fourniture des services – notamment des services essentiels comme les hôpitaux – sans dépendre d’importations. Des efforts peuvent être entrepris selon trois axes pour renforcer cette résilience : sécuriser les réseaux, renforcer nos capacités de stockage et accroître l’indépendance énergétique par la relocalisation des activités en France et en Europe. Il importe également, en sortie de crise, de soutenir les fournisseurs d’énergie pour préserver leur capacité d’investissement.
I. soutenir les fournisseurs d’énergie pour conserver leur capacité d’investissement
Les fournisseurs d’énergie ont été lourdement affectés par la crise, en raison des baisses de consommation et de prix, mais également des mesures mises en œuvre – légitimement – par le Gouvernement : le prolongement de la trêve hivernale et le report de paiement des factures pour les entreprises et les particuliers. Ils craignent également une augmentation importante des impayés, tant de la part des particuliers que de celle des entreprises. Ainsi, selon l’agence internationale de l’énergie (AIE), les investissements mondiaux dans le secteur pourraient diminuer de 20 % par rapport à l’année 2019, soit environ 400 Md$, contre une estimation initiale d’une augmentation de 2 % envisagée en début d’année. Cette chute des investissements – dont les effets ne seront pleinement perceptibles que dans trois ans – met en danger la sécurité d’approvisionnement en énergie mais également la transition énergétique.
Plusieurs mesures peuvent être envisagées. En effet, les fournisseurs de gaz et d’électricité sont redevables d’un certain nombre de taxes et de contributions, conformément à la directive sur les accises en matière d’énergie, sur la base de leurs livraisons aux consommateurs finals, qui apparait sur la facture de ces clients et qu’ils reversent ensuite à l’État : taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), taxes locales sur la consommation d’électricité et taxe intérieure sur la consommation de gaz nature (TICGN). Ce reversement est, aujourd’hui, devenu une lourde charge de trésorerie, en raison des étalements de factures accordés par les fournisseurs à leurs clients et du nombre croissant d’impayés. Il serait ainsi souhaitable de permettre aux fournisseurs de reporter le versement de la TICFE et de la TICGN de la même durée que celle accordée pour le report des factures de leurs clients. Par ailleurs, aucune exonération du reversement du produit des taxes en cas d’impayés n’est prévue par la directive européenne directive du 27 octobre 2003 sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité. En conséquence, les fournisseurs d’électricité et de gaz supportent le risque d’impayés sur l’ensemble de ces taxes. Ces dispositions doivent être assouplies afin d’aligner le fonctionnement des taxes énergétiques sur celui d’autres taxes comme la TVA.
Proposition n° 68 : organiser le report ou l’étalement du paiement des taxes intérieures de consommation d’énergie par les fournisseurs selon les mêmes conditions que celles offertes aux clients pour le règlement de leurs factures ;
Proposition n° 69 : assurer la récupération par les fournisseurs d’énergie du montant des taxes intérieures reversées sur les factures impayées, en menant une discussion au niveau européen dans le cadre de la révision de la directive du 27 octobre 2003 sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité.
Par ailleurs, vos rapporteurs estiment également important de soutenir les industries électro-intensives, soumises à des difficultés importantes, mais qui assurent de grands services au réseau, notamment par le dispositif de l’interruptibilité. Les industries électro-intensives subissent, en effet, les conséquences de la crise, comme les autres, par la réduction de leur activité, mais elles sont particulièrement touchées en raison de leur forte consommation d’énergie. Ainsi, elles continuent à devoir payer le TURPE, pour un coût fixe qui dépend de la puissance souscrite, alors même que leur chiffre d’affaires diminue. Par ailleurs, la question de la pertinence des contrats d’interruptibilité, qui leur assurent un complément de revenus, a été soulevée, dans le cadre de la baisse de consommation qui rend cet outil de gestion des pointes moins nécessaire. Enfin, les industriels s’inquiètent de l’annonce par EDF de la réduction de sa production nucléaire. Ils s’interrogent sur la sécurité d’approvisionnement, mais également sur les coûts d’approvisionnement, la hausse des coûts pouvant altérer de façon significative leur compétitivité et leur relance post-crise.
Maintenir les capacités d’interruption, même réduites, reste essentiel pour les mois à venir compte-tenu de l’annonce par EDF d’une forte réduction de sa production pour 2020 à 2022, qui pourrait rendre difficile de faire face à des pointes de consommation. Aussi, vos rapporteurs souhaitent qu’une vigilance importante soit accordée à ces entreprises pour les soutenir dans la reprise, au moment où le maintien de leur compétitivité est essentiel, mais également protéger l’atout qu’elle représente pour le réseau au travers de la flexibilité qu’elle lui offre pour ajuster l’offre à la demande. Il s’agit, notamment, d’envisager la modification du calcul du TURPE et des critères d’éligibilité aux abattements, ainsi que, le cas échéant, l’adaptation au cas par cas des contrats d’interruptibilité.
Proposition n° 70 : garantir aux entreprises électro-intensives un environnement favorable à leur reprise dans un contexte de compétitivité importante, en envisageant l’adaptation des modalités de calcul du TURPE et de l’abattement dit « de stabilité et d’anti-cyclicité » pour tenir compte des effets de la crise, en en aménageant au cas par cas les contrats d’interruptibilité.
II. sécuriser et optimiser le développement des réseaux
Les réseaux constituent le pilier du système énergétique français et doivent, à cet égard, faire l’objet d’une vigilance particulière. Le 26 mai, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié un avis sur les infrastructures de réseaux. Il y préconise d’intégrer une nouvelle ambition dans les investissements dans les infrastructures, afin de contribuer à la relance économique. Plusieurs réformes sont à envisager pour assurer la sécurité des réseaux et l’optimisation de leur développement, et ce d’autant plus que les programmes d’investissement ont été très affectés par la crise et que certains gestionnaires de réseau ont pris du retard dans la réalisation de ces investissements, qu’il s’agit aujourd’hui de rattraper.
Proposition n° 71 : garantir un apport exceptionnel de 100 M€ au compte d’affectation spécial « financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (CAS-FACE) dans le prochain PLF, lissé sur 2 ans, pour sécuriser les réseaux de distribution d’électricité ;
Proposition n° 72 : développer une filière industrielle autour des smart grids ;
Proposition n° 73 : développer rapidement des schémas directeurs multi-énergie intégrant les énergies de réseaux (réseaux de chaleur, de froid, de gaz et d’électricité) et hors réseaux, tels que recommandés par l’Ademe ;
Proposition n° 74 : comme le suggère le CESE, missionner l’une des instances existantes placées auprès du Premier ministre pour préparer et coordonner une stratégie en matière de réseaux, multisectorielle (réseaux d’énergie et de communication) et pluriannuelle.
III. développer nos capacités de stockage
Au côté de la sécurisation et du développement des réseaux, il est important de promouvoir le développement des moyens de stockage, en particulier lorsqu’ils représentent la meilleure option pour le système électrique dans lequel ils s’insèrent. Pourtant, les conditions de marché ne permettent pas, dans l’ensemble, de rémunérer ces moyens de stockage (même existants), dont le développement dépendra fortement de l’évolution de ces conditions de marché (état du système électrique, coût des moyens de stockage, prix révélés sur les marchés et modèles de régulation).
À l’heure actuelle, les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) sont le principal moyen de stockage de l’électricité dans le monde avec 162 gigawatts (GW) sur 170 GW. Il s’agit d’un moyen fiable et efficace, avec 80 % de rendement global, notamment pour faire face à la variabilité du système sur temps longs qui devrait augmenter, comme l’indique RTE dans ses bilans prévisionnels : ils sécurisent l’équilibre offre-demande, indispensable aux objectifs d’autonomie énergétique et de mix intégralement renouvelable, et favorisent l’insertion des énergies renouvelables variables. Pour autant, le cadre économique et réglementaire actuel n’est pas aujourd’hui suffisamment favorable, ce qui compromet le développement de ce type de centrales et dégrade fortement l’équilibre économique des installations existantes. Il est donc nécessaire que l’État promeuve et soutienne les STEP pour accélérer le lancement des projets afin d’atteindre l’objectif de 1,5 GW fixé par la PPE, qui augmenterait la résilience du système électrique dans les périodes de crise.
Il s’agit, en particulier, d’alléger les charges et la fiscalité pesant sur les STEP, notamment liées au TURPE et à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), dans la mesure où il ne s’agit pas d’unités de production, mais d’une assurance pour le système électrique au titre de la réserve de puissance qu’elles représentent. D’éventuelles exonérations ne pourront, toutefois, se faire au détriment des ressources des collectivités territoriales, dont il faudrait compenser une potentielle perte de recette.
Proposition n° 75 : favoriser le développement des stations de transferts d’énergie par pompage : accélérer le lancement des projets de STEP afin d’atteindre l’objectif de 1,5 GW ; mener une réflexion sur l’allègement des charges et de la fiscalité pesant sur les STEP, en envisageant plusieurs possibilités (TURPE, IFER), sans toutefois réduire les ressources des collectivités territoriales.
IV. relocaliser les chaînes de valeur en France et en Europe pour accroître l’indépendance énergétique de la France
La crise a témoigné des fragilités engendrées par la mondialisation et des conséquences en cascade de la défaillance de l’un des maillons de la chaîne.
À cet égard, vos rapporteurs estiment souhaitable de réfléchir à la relocalisation – ou à la localisation – d’un certain nombre d’activités en France ou en Europe, notamment s’agissant d’activités d’avenir, comme celles liées aux énergies renouvelables. Ces relocalisations présenteraient des avantages économiques et sociaux majeurs. Ainsi, selon le syndicat des énergies renouvelables (SER), 80 % de la valeur ajoutée créée par le développement des énergies renouvelables profite à l’économie nationale, bien qu’une marge de progression soit encore réalisable. En outre, les employés sont les premiers bénéficiaires de cette activité économique, les salaires correspondant à environ 50 % de la valeur ajoutée créée. Les énergies renouvelables pourraient représenter 236 000 emplois directs et indirects en 2028.
Les pouvoirs publics semblent avoir déjà pris conscience de cet enjeu. Ainsi, un dialogue soutenu a été noué entre l’État et les entreprises, au sein du comité stratégique de filière, qui s’est traduit notamment dans le Pacte productif, visant à accélérer le développement de secteurs industriels clés, combinant « décarbonation et production », « emplois et climat ». Vos rapporteurs saluent également la nouvelle alliance européenne qui verra le jour sur les batteries, qui permettra à l’union européenne de progresser vers l’autosuffisance dans l’industrie du lithium.
Dans ce contexte, vos rapporteurs émettent plusieurs propositions, ayant vocation à sécuriser les investissements industriels par une meilleure visibilité sur la stratégie publique, à faciliter l’implantation de nouveaux acteurs industriels par un environnement favorable, à valoriser la production en France par l’utilisation d’un critère carbone différenciant, à renforcer la structuration de filière et à développer une offre de formation correspondant aux besoins à venir.
Proposition n° 76 : préserver les outils industriels existants ;
Proposition n° 77 : garantir que les trajectoires fixées par la PPE et le calendrier des appels d’offres soient tenus, pour donner de la visibilité aux acteurs industriels ;
Proposition n° 78 : créer un environnement favorable à l’implantation de nouveaux acteurs industriels de l’énergie d’avenir dans les territoires en se concentrant sur des mesures de simplification administrative et d’allègement de la pression fiscale ;
Proposition n° 79 : valoriser et accompagner les implantations industrielles en France par la mise en place d’un critère carbone suffisamment différenciant dans les appels d’offres ;
Proposition n° 80 : renforcer la structuration de la filière, pour renforcer le tissu des fournisseurs de biens et services ;
Proposition n° 81 : développer une offre de formation initiale et continue de nature à répondre aux besoins en compétences et à leur maintien.
En parallèle, il faut accompagner le développement des entreprises françaises, éventuellement réimplantées sur nos territoires, à l’international. En effet, nos entreprises de l’énergie ont une excellence et un savoir-faire à exporter. Leur développement à l’international contribuera à renforcer leur solidité. Plusieurs mesures peuvent être proposées en ce sens, qui doivent contribuer à créer une taskforce à l’export pour le secteur des énergies renouvelables. Il s’agit, pour cela, de soutenir l’internationalisation des projets d’énergie renouvelables par des outils de financement et de garanties à l’export adaptés, et de favoriser l’offre à l’international de projets intégrant la question des systèmes (réseaux intelligents, stockage, autoconsommation). Il est également souhaitable de continuer à valoriser et à multiplier les actions du fédérateur export énergies renouvelables, pour accompagner la structuration de la filière – notamment la coordination entre petites entreprises et grands groupes – et organiser sa promotion, en lien avec le comité stratégique de filière « nouveaux systèmes énergétiques », dans son volet international.
Proposition n° 82 : soutenir l’export et l’internationalisation des projets d’énergie renouvelables par des outils de financement et de garanties à l’export adaptés ;
Proposition n° 83 : soutenir la promotion à l’international d’offres françaises intégrant la dimension « systèmes », s’agissant notamment des réseaux intelligents, du stockage ou de l’autoconsommation.
Proposition n° 84 : valoriser et multiplier les actions du fédérateur export énergies renouvelables, pour accompagner la structuration de la filière et organiser sa promotion, en lien avec le comité stratégique de filière « nouveaux systèmes énergétiques », dans son volet international.
— 1 —
cinquième partie :
se donner les moyens de nos ambitions par un financement sécurisé
I. pérenNiser les sources de financement nationales et européennes
Le secteur de l’énergie présente, du point de vue de son financement, un paradoxe. En effet, une partie des mesures, notamment de soutien aux énergies renouvelables, est financée par les recettes de la fiscalité sur l’énergie et les activités polluantes, dont l’objectif est, toutefois, d’entraîner une baisse de consommation de l’énergie et une diminution des activités polluantes, donc une réduction de l’assiette de prélèvement et, in fine, une diminution de ces recettes. Le besoin de financement ne doit pas conduire à revenir sur cet objectif de fiscalité incitative, ni conduire à taxer plus largement ou plus lourdement des activités vertueuses.
Aussi, et face également à la réduction des recettes liées aux baisses de consommation énergétique pendant le confinement (- 1,6 Md€ pour la TICPE selon le 3ème projet de loi de finances rectificative pour 2020), des sources de financement alternatives doivent être envisagées. C’est d’autant plus nécessaire que les charges de service public de l’électricité (CSPE), corrélées aux dispositifs de soutien public aux énergies renouvelables, ont été estimés à partir d’un prix de l’électricité très largement supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Ainsi, dans son rapport sur l’exécution budgétaire 2019 des crédits de la mission « écologie », le rapporteur spécial Julien Aubert anticipe une hausse de 1,327 Md€ de CSPE en 2021. La Commission européenne, elle, estime à 470 Md€ par an les besoins d’investissement annuels pour assurer la transition énergétique à l’issue de la crise.
En tout état de cause, il apparaît indispensable de garantir que la crise sanitaire puis économique n’entraîne pas de conséquences sur le financement de la PPE, ainsi que d’anticiper la diminution des recettes liées à la diminution de la consommation d’énergies fossiles pour adapter et poursuivre le financement du soutien à la transition énergétique de manière suffisante pour atteindre nos objectifs. À cet égard, il serait pertinent de développer un outil de mesure des recettes et des dépenses publiques en matière d’énergie, pour avoir une connaissance plus fine des flux financiers associés. En complément, vos rapporteurs suggèrent de veiller à faire bénéficier les territoires et les entreprises françaises des dispositifs de soutien envisagés dans le cadre du plan de relance et du Pacte vert européens. Ainsi doit-il en être, notamment, du fonds pour une transition juste de l’Union européenne, qui a vocation à soutenir tout particulièrement les régions ou secteurs les plus affectés par la transition en raison de leur dépendance aux combustibles fossiles ou aux processus à forte intensité en carbone. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de remettre la fiscalité de l’énergie à plat à mesure du développement de nouvelles sources d’énergie et de la modification de la part des énergies consommées, notamment s’agissant du parc roulant. Il s’agit de conserver le principe pollueur-payeur tout en l’adaptant à l’évolution du mix énergétique, pour taxer davantage ceux qui polluent davantage.
Proposition n° 85 : garantir que la crise sanitaire puis économique n’entraîne pas de conséquence sur le financement de la PPE ;
Proposition n° 86 : anticiper la diminution des recettes liées à la consommation d’énergies fossiles pour poursuivre le financement du soutien à la transition énergétique de manière suffisante pour atteindre nos objectifs ;
Proposition n° 87 : développer un outil de mesure des recettes et des dépenses publiques en matière d’énergie, pour avoir une connaissance plus fine des flux financiers associés ;
Proposition n° 88 : veiller à faire bénéficier les territoires et les entreprises françaises des dispositifs de soutien du plan de relance et du Pacte vert européens en les accompagnant dans les démarches à accomplir ;
Proposition n° 89 : remettre la fiscalité de l’énergie à plat à mesure du développement de nouvelles sources et de la modification de la part des énergies consommées : conserver le principe pollueur-payeur pour taxer davantage ceux qui polluent davantage.
II. Vers un prix plancher du carbone ?
L’attribution au carbone d’un prix plancher permettrait, en plus d’avoir un effet désincitatif sur les émissions et de doter le carbone d’un signal prix qui reflète son coût environnemental, de lever des recettes nécessaires pour soutenir les énergies renouvelables. Plusieurs solutions sont, à ce titre, envisageables.
– Instaurer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne, qui permettrait de réduire les écarts de compétitivité entre des produits importés fabriqués à l’étranger dans des conditions environnementales moins strictes et des produits européens. La présidente de la Commission européenne a confirmé envisager l’institution d’un tel mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (sous forme d’un droit de douane qui frapperait les produits les plus carbonés), lors de la présentation du plan de relance européen le 27 mai 2020. Vos rapporteurs appellent à soutenir cette initiative qui relève, cependant, de l’échelle européenne ;
– Instaurer un prix plancher pour le carbone dans le cadre du système européen d’échange d’émissions de CO2 (EU-ETS). Le Président de la République et la Chancelière allemande ont plaidé en ce sens dans le cadre de l’initiative franco-allemande du 18 mai 2020. En effet, à l’échelle européenne, le prix de la tonne de CO2 est passé de 23 € au début du mois de mars à 15,45 € le 23 mars, pour atteindre finalement 20 € mi-avril : le signal-prix associé aux énergies fossiles, destiné à inciter à la transition énergétique, ne remplit plus son rôle. L’Allemagne, qui prendra la tête du conseil de l’Union européenne le 1er juillet, devrait soutenir l’organisation d’une discussion sur « l’introduction d’un prix minimum du CO2 dans le cadre de l’EU-ETS ». Le Haut Conseil pour le climat demande également à « conclure au plus vite à Bruxelles » l’adoption d’un prix plancher du carbone, pour compenser la chute du prix des quotas de CO2 sur le marché européen du carbone, lié à la baisse de l’activité industrielle en Europe. Il indique en effet qu’à l’heure actuelle, ce mécanisme a « les défauts d’un instrument conjoncturel pour répondre à un problème structurel, qui n’éclaire pas suffisamment les décisions d’investissement des acteurs économiques ». Vos rapporteurs, qui souhaitent que cette possibilité soit étudiée, appellent toutefois à la vigilance quant aux conséquences d’une telle mesure sur les industries électro-intensives ou grandes consommatrices d’énergies : celles-ci devraient être soutenues par une fiscalité adaptée ;
– Renforcer l’efficacité de la fiscalité énergétique en limitant les exonérations. Une hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique (ou taxe carbone, ou encore contribution climat énergie) ne peut que difficilement être envisagée dans un contexte de crise économique, d’autant plus qu’elle affecterait majoritairement les ménages les plus précaires. Toutefois, cette fiscalité peut être rendue plus lisible et plus efficace. En effet, le CGDD pointe avec raison, dans une récente note ([7]), que « la fiscalité carbone de la France n’est pas alignée sur son ambition climatique ». Le CGDD estime que « 10 % des émissions ne sont associées à aucune tarification », 39 % sont tarifées moins de 30 € par tonne de CO2 (€/tCO2), et 62 % sont tarifées moins de 100 €/tCO2. Si la tarification du carbone ne doit pas être « le seul instrument mobilisé pour la réduction des émissions », il apparaît toutefois nécessaire d’approfondir le sujet pour associer au carbone un coût qui reflète ses conséquences environnementales et orienter les comportements des ménages comme des entreprises vers des énergies moins polluantes. À cet égard, un travail peut être mené sur les exonérations à la fiscalité des activités ou produits polluants, qui génèrent des dépenses publiques importantes, croissantes, et incohérentes avec les objectifs climatiques français. Les dépenses associées à ces exonérations seraient de 6,9 Md€ en 2018, soit une hausse de 15 % par rapport à 2017. Réduire le nombre d’exonérations est nécessaire à la mise en œuvre d’une fiscalité énergétique cohérente sur le plan environnemental et en termes d’équilibre budgétaire. La suppression progressive de ces exonérations doit être accompagnée par la mise en place conjointe de mesures d’accompagnement des secteurs visés.
Proposition n° 90 : réduire le nombre d’exonérations à la fiscalité énergétique, en mettant en place conjointement des mesures d’accompagnement des secteurs visés.
— 1 —
sixiÈme partie :
accorder UNE JUSTE PLACE AU NUCLÉAIRE dans le cadre de la relance
I. Un risque pour l’approvisionnement à venir maîtrisé
La crise de Covid-19 a entraîné une réduction de la production nucléaire. Ainsi, la production nucléaire a baissé de 22 % au mois de mai par rapport au mois de mai 2019, après une baisse de 15,5 % en avril et de 13,8 % en mars selon les données publiées par EDF. Ce fort recul s’explique par les baisses de consommation et la prolongation ou le report des arrêts causée par la crise sanitaire. Au total, EDF a réduit son hypothèse de production pour l’année 2020, à 300 TWh, contre 390 TWh estimés initialement.
Cette situation pourrait poser des difficultés pour les hivers à venir. Ainsi, un certain nombre de travaux de maintenance et certaines visites d’inspection de la 4ème visite décennale (VD4) n’ont pas pu être organisés selon le calendrier fixé : il importe désormais de les organiser de manière à éviter la concentration des travaux au cours de l’hiver à venir, lorsque la demande d’électricité sera forte. C’est pourquoi, le groupe EDF s’est attelé à reprogrammer le calendrier des arrêts de réacteurs, dans le respect des exigences de sûreté, afin de renforcer la continuité d’approvisionnement pour l’hiver. Pour permettre ces reports d’arrêts, certaines centrales nucléaires seront arrêtées pendant l’été pour économiser du combustible et limiter les arrêts pour rechargement l’hiver prochain sur les périodes critiques.
RTE estime ainsi que la situation pour l’hiver prochain doit faire l’objet d’une vigilance particulière. Toutefois, les actions d’optimisation du calendrier proposées par EDF permettent d’améliorer sensiblement la situation en maximisant la disponibilité du parc nucléaire sur les périodes critiques. Ainsi, le réaménagement du programme d’arrêt de tranches aurait permis de gagner 7 GW de marges entre novembre et décembre et presque 3 GW en janvier 2021. Sans ce réaménagement, le déficit de capacité aurait pu atteindre jusqu’à 15 GW certaines semaines. Selon RTE, le risque de faire appel aux moyens dits « post-marché » (interruptibilité, baisse de la tension, délestage), n’interviendrait que pour des températures inférieures de 3 à 7 degrés aux normales de saison. L’été devra également faire l’objet d’une vigilance renforcée : les arrêts pour économie de combustible rendront le parc nucléaire moins disponible au cours de l’été, alors que la demande d’énergie pourrait être forte, notamment en cas de canicule (climatiseurs). La probabilité que la France soit en situation d’import cet été est « significativement plus élevée que les années précédentes ».
Pour vos rapporteurs, la vigilance est impérative, car toute tension sur la production, couplée au retard potentiel de la mise en service de la centrale à cycle combiné gaz de Landivisiau et des interconnexions avec plusieurs États européens pourrait engendrer des tensions importantes sur le réseau jusqu’à l’hiver 2022 et, éventuellement, retarder l’arrêt de la centrale à charbon de Cordemais. Ceci pourrait, par ailleurs, être également préjudiciable à la compétitivité et à la reprise post-crise des industries électro-intensives, si cela venait à entraîner une augmentation des prix de l’énergie. Aussi, vos rapporteurs souhaitent demander à EDF et à l’ASN de présenter et de valider rapidement un nouveau calendrier des arrêts de tranche pour la VD4.
Proposition n° 91 : demander à EDF et à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de présenter et valider rapidement un nouveau calendrier des arrêts de tranches pour la VD4.
II. II. accorder au nucléaire une place équilibrée dans la relance
Si le nucléaire est, de manière fréquente, décrié, il n’en demeure pas moins un atout considérable en période de crise comme celle que la France a traversée, qui permet la stabilité de l’approvisionnement énergétique, pour des coûts marginaux faibles, tout en rendant même possible une certaine flexibilité, comme l’ont démontré les arrêts temporaires de certains réacteurs face aux baisses épisodiques de consommation. En outre, la production nucléaire – qui représente encore plus de 70 % de la production d’électricité – peu émettrice de gaz à effet de serre, demeure un atout importance pour atteindre nos objectifs climatiques.
Sur ce sujet, si vos rapporteurs ne remettent pas en cause l’objectif d’un taux de 50 % d’électricité d’origine nucléaire à horizon 2035, ils formulent plusieurs propositions pour assurer à la filière la stabilité et la visibilité dont elle a besoin :
– déployer des formations adaptées au secteur nucléaire pour assurer son avenir. En effet, dans son rapport annuel 2019, l’ASN s’inquiète d’une saturation des capacités d’ingénierie d’EDF, tant au niveau central qu’au niveau des sites, et s’interroge sur la capacité du groupe à assurer avec succès et dans des calendriers réalistes les réexamens de sûreté ;
– anticiper les besoins de moyen et de long terme, tant en compétences qu’en moyens, s’agissant notamment de la gestion des déchets à très faible activité, de celle des combustibles usés, ainsi que du démantèlement des installations. Il est, notamment, nécessaire de déployer des capacités d’entreposage des combustibles usés plus importantes, pour remédier à la situation observée après le court arrêt de l’usine de retraitement de La Hague au début de la période de confinement : si le retraitement avait dû être arrêté pendant une période plus longue, des difficultés d’entreposage auraient été constatées ;
– revoir rapidement le cadre de régulation du secteur nucléaire et relancer, dès que possible, les discussions en France et avec la Commission européenne : réformer le dispositif de l’Arenh, dont la crise a montré l’obsolescence, en réinterrogeant plus largement la question de la concurrence face à la pertinence du service public de l’électricité ; donner aux acteurs une visibilité sur le calendrier d’application de la nouvelle régulation proposée et prévoir une période de transition adaptée ;
– dans l’éventualité d’une reprise des travaux sur la réorganisation d’EDF au travers du plan dit « Hercule », veiller à prévoir une place spécifique au réseau de distribution via Enedis tout en s’assurant de la pérennité du service public de l’électricité, dont la crise a montré le caractère pertinent et indispensable.
S’agissant de l’opportunité de lancer un programme d’EPR nouveau, vos rapporteurs estiment nécessaire d’approfondir les travaux avant de prendre une décision. Il s’agit d’une hypothèse de travail à étudier, parmi d’autres. Certes, la construction d’un EPR représenterait 8 000 emplois pendant la phase d’étude et de construction, puis 10 600 emplois pendant la phase d’exploitation, autour de 3 000 entreprises. Toutefois, le programme du « Grand carénage » représente déjà un investissement élevé dans la maintenance des centrales existantes, qui assure le dynamisme des territoires et l’emploi local (1 000 entreprises prestataires et 4 Md€ d’investissement annuel).
Proposition n° 92 : assurer l’avenir de la filière nucléaire, qui contribue à la stabilité du système énergétique français, par le développement de formations et le maintien des compétences adaptées aux enjeux de demain ;
Proposition n° 93 : mettre en place des capacités supplémentaires d’entreposage de combustibles nucléaires usés en France ; anticiper les besoins en moyens humains, financiers et matériels pour la gestion des déchets à très faible activité et le démantèlement des installations anciennes ;
Proposition n° 94 : revoir le cadre de régulation du secteur nucléaire et relancer, dès que possible, les discussions en France et avec la Commission européenne : réformer rapidement le dispositif de l’Arenh ; donner aux acteurs une visibilité sur le calendrier d’application de la nouvelle régulation proposée et prévoir une période de transition adaptée ;
Proposition n° 95 : dans l’éventualité d’une reprise des travaux sur la réorganisation d’EDF au travers du plan dit « Hercule », veiller à prévoir une place spécifique au réseau de distribution et à la préservation du service public, dont la crise a montré la pertinence et le caractère indispensable ; associer le Parlement à ces travaux, en particulier les commissions des affaires économiques des deux assemblées.
La question de l’Arenh
En raison de la baisse du cours de l’électricité, les fournisseurs alternatifs ont invoqué la clause de force majeure pour se soustraire aux engagements d’achat d’électricité nucléaire produite par EDF au coût de 42 €/MWh. En effet, d’une part, ils pourraient se fournir mois cher sur les marchés de gros ; d’autre part, en raison de la baisse de la consommation d’électricité, ils se trouvent avec un excédent qu’ils doivent revendre à un prix supérieur au prix auquel ils l’ont acheté.
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a estimé, dans sa délibération du 26 mars 2020, que les conditions de la force majeure n’étaient pas, à son sens, réunies, sauf si l’acheteur parvient à démontrer que sa situation économique rend impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’Arenh. Elle a toutefois demandé aux gestionnaires de réseaux et à EDF d’accorder aux fournisseurs des facilités de paiement des factures ARENH et rappelé qu’il n’était pas en son pouvoir de décider de l’application des relations contractuelles entre EDF et les fournisseurs alternatifs, du ressort du tribunal de commerce.
Les fournisseurs alternatifs ont déposé un recours devant le Conseil d’État à l’encontre de cette délibération, en estimant qu’elle constituait « une véritable prise de position de la CRE », sur laquelle se fonde EDF pour leur dénier le droit de suspendre les contrats. Dans sa décision du 17 avril 2020, le Conseil d’État, donne raison à la CRE et estime que la délibération de la CRE ne rend pas impossible de manière « générale et définitive » la suspension des contrats d’Arenh, mais seulement le report de cette mise en œuvre. Il rappelle que le juge compétent pour trancher le litige est le tribunal de commerce de Paris, déjà saisi par certains des fournisseurs intéressés.
Par plusieurs décisions des 20, 26 et 27 mai, le tribunal de commerce de Paris donne raison à Total Direct Energie, Gazel Energie et Alpiq, qui avaient demandé la suspension du contrat. Le tribunal a estimé la « force majeure » prévue par le contrat signé avec EDF pouvait être invoquée, l’épidémie étant manifestement extérieure aux parties, irrésistible et imprévisible. Le tribunal relève que la notion de « conditions économiques raisonnables », autre critère pour invoquer la force majeure, « ne fait l’objet d’aucune définition ». Le tribunal de commerce estime qu’« EDF contribue à l’existence d’un trouble manifestement illicite » en refusant de suspendre le contrat.
Le 2 juin au soir, EDF a annoncé résilier les contrats d’ARENH dse trois fournisseurs, à la suite de leur recours pour la suspension de leur contrat d’ARENH. EDF fait valoir que la suspension des contrats au-delà d’une période de deux mois permet leur résiliation. En parallèle, le groupe a fait appel des trois décisions de justice.
— 1 —
liste des personnes auditionnées
Commission de régulation de l’énergie (CRE)
M. Jean-François Carenco, président
GRTgaz *
M. Thierry Trouvé, directeur général
RTE *
M. François Brottes, président du directoire
GRDF *
M. Edouard Sauvage, directeur général
Mme Catherine Leboul-Proust, directrice de la stratégie
M. Alexis Masse, délégué stratégie,
Enedis *
Mme Marianne Laigneau, directrice générale
M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques
EDF *
M. Jean-Bernard Lévy, président directeur-général
M. Paul-Marie Dubee, directeur en charge de la coordination exécutive et des relations gouvernementales
M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques
ENGIE *
Mme Claire Waysand, directrice générale par intérim
M. Jean-Baptiste Séjourné, directeur de la régulation
M. Martin Jahan, en charge du comité France pour le Covid.
Table ronde sur la rénovation énergétique
GeoPLC
Mme Marina Offel de Villecourt, responsable des affaires publiques et juridiques
Groupement des professionnels des certificats d’économie d’énergie
Mme Virginie Létard, présidente
Union française de l’électricité *
M. Matthias Lafont, directeur économie et mobilité
M. Rudy Cluzel, responsable des relations institutionnelles
Effy *
M. Frédéric Utzmann, président
Mme Audrey Zermati, directrice de la stratégie
Fédération française du bâtiment
M. Olivier Salleron, vice-président
Monsieur Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles
Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment
Mme Sabine Basili, vice-présidente
M. Alain Chouguiat, pôle économique
M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes
Table ronde sur les biocarburants
Syndicat national des producteurs d’alcool agricole *
M. Jérôme Bignon, président
Mme Valérie Corre, vice-présidente
M. Sylvain Demoures, secrétaire général
M. Nicolas Kurstoglou, ingénieur responsable carburants
M. Fred Guillo, consultant pour le SNPAA
Association générale des producteurs de maïs / association générale des producteurs de blé *
M. Gildas Cotten, responsable nouveaux débouchés
Confédération générale des planteurs de betterave *
M. Nicolas Rialland, directeur des affaires publiques
Syndicat des énergies renouvelables *
M. Jean-Louis Bal, président
M. Alexandre Roesch, délégué général
Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique
Mme Johanna Flajollet-Milan, responsable des filières bioénergies
M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P
The Shift Project *
M. Matthieu Auzanneau, directeur
Carbone 4
M. Jean-Marc Jancovici, président
Société française d’énergie nucléaire *
Mme Valérie Faudon, déléguée générale
Orano *
M. Philippe Knoche, directeur général
Avere *
M. Joseph Beretta, président
M. Clément Molizon, responsable des relations institutionnelles
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
— 1 —
Liste des contributions écrites reçues
Association française de l’électricité et du gaz (Afieg)
Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode)
Boralex
Collectif Rénovons
Commission de régulation de l’énergie
Effy
Enedis
Engie
Fédération des services énergie environnement (Fedene)
France énergie éolienne
France gaz renouvelable
France Hydroélectricité
Gaz européen
GéoPLC
GRDF
Groupement des professionnels des certificats d’économies d’énergie (GPCEE)
GRTgaz
Orano
RTE
Société d’hydroélectricité du midi (SHEM)
Syndicat des énergies renouvelables
Total
Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden)
Union française de l’électricité (UFE)
Union nationale des entreprises locales d’électricité et de gaz (UNELEG)
Vattenfall
Vermillion
annexe :
NOTES HEBDOMADAIRES ÉTABLIES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL
|
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ |
GT SUIVI DU SECTEUR ÉNERGIE Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo, M. Anthony Cellier |
|
NA
Paris, le 6 avril 2020
Groupe de travail Énergie :
MM. Philippe Bolo et Anthony Cellier et Mme Marie-Noëlle Battistel
Objet : Point sur la situation du secteur du Energie dans le contexte de la crise sanitaire
La ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a reçu le vendredi 13 mars les entreprises du secteur de l’énergie pour faire un point de situation sur les mesures prises pour assurer la continuité du service face à l’épidémie de Covid-19. Il en ressort que tous les opérateurs sont dotés de plans de continuité d’activité (PCA) ou d’équivalents pour assurer la fourniture d’énergie indispensable en cas de crise.
- EDF a engagé son plan « pandémie », établi en 2006 et actualisé à la suite des épidémies de H1N1 en 2009 et de SRAS en 2013. Ce plan lui permet de fonctionner pendant douze semaines avec 75 % du personnel et, le cas échéant, pendant deux à trois semaines avec 60 % du personnel. La phase 2 de ce plan a été déclenchée sur le site de Flamanville le lundi 15 mars, se traduisant par l’arrêt des travaux de maintenance sur les réacteurs 1 et 2 : seules les équipes de conduite des réacteurs, de protection du site ainsi que les ingénieurs de la sûreté et le personnel en charge de la surveillance de l’environnement restent présents. Ce plan a également été mis en place à la centrale nucléaire de Gravelines le 30 mars.
S’agissant des services aux clients particuliers, les activités essentielles que sont la mise en service, la résiliation de contrat et les activités de facturation sont assurées. S’agissant des services aux entreprises, EDF met en place les dispositifs de maintien de fourniture et d’étalement des paiements des factures définis par l’ordonnance du 25 mars 2020 (cf. infra). Le groupe s’engage, également, à régler sans délai les factures dues à ses fournisseurs TPE et PME.
De manière générale, le groupe indique disposer des moyens « opérationnels et financiers pour assurer la production d’électricité nécessaire en France dans tous les scénarios actuellement envisagés ».
- RTE a mis en place son PCA à compter du 15 mars 2020, et se tient prêt à le faire évoluer au jour le jour, selon l’évolution de la situation. Seules les activités indispensables au bon fonctionnement du réseau électrique et à l’approvisionnement en électricité restent maintenues en présentiel, les autres activités étant réalisées en télétravail. Le réseau d’électricité français étant interconnecté avec ceux de ses voisins limitrophes, RTE est en contact permanent avec les autorités, les producteurs d’électricité et les gestionnaires des réseaux européens.
- Orano assure également la continuité du cycle du combustible, indispensable à la production électrique française. Les conditions de travail ont été adaptées, notamment au sein de l’usine Melox qui assure le retraitement du combustible usagé et sur le site du Tricastin (présence de 30 % des effectifs environ).
- ENGIE a mis en œuvre un « plan d’adaptation ». Le télétravail a été étendu à tous les employés dont la fonction le permet, tandis que les équipes de terrain continuent d’assurer les missions essentielles au maintien de l’approvisionnement et des services énergétiques. L’entreprise a mis en chômage partiel environ 10 000 salariés travaillant dans ses métiers de service.
- GRTgaz, gestionnaire du réseau de transport de gaz, a déclenché son PCA en mars. Les salles de contrôle national et régional du réseau continuent à fonctionner 24 heures sur 24. Le télétravail a été rendu obligatoire pour tous les salariés, à l’exception de ceux dont les activités ont un effet sur la disponibilité ou sur la sécurité du réseau.
- GRDF, gestionnaire du réseau de distribution de gaz, annonce se concentrer sur les tâches essentielles : il suspend notamment la pose des compteurs communicants. Des rotations d’effectifs opérationnels sont mises en place en région.
- Enedis a également déclenché son PCA à partir du lundi 16 mars. Les activités essentielles sont assurées (conduite des réseaux, dépannage 7 jours sur 7, urgences vitales, continuité d’alimentation des sites sensibles) dans une organisation de travail adaptée. L’entreprise a généralisé le télétravail pour les missions pouvant être réalisées à distance. En outre, Enedis accélère le paiement des factures dues aux petites entreprises, notamment pour les missions d’élagage, pour un montant total de 115 millions d’euros (M€), réglées au plus tard le 20 avril 2020.
- EDF, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la société hydroélectrique du midi (SHEM) ont également pris des mesures pour assurer la continuité de la production hydroélectrique, en réduisant leurs équipes sur place et en prévoyant des rotations de personnel. Les équipes responsables de la gestion des sites fonctionnent désormais, le plus souvent, en deux équipes assurant 12 heures de quart chacune, contre trois équipes assurant 8 heures de quart traditionnellement. Les chantiers non prioritaires ont été suspendus, seules les interventions nécessaires pour mettre fin à une avarie étant maintenues. La flexibilité de cette production est, plus que jamais, nécessaire pour assurer le pilotage de la « pointe » de consommation, et garantir, à chaque instant, une adéquation entre l’offre et la demande.
S’agissant du pétrole, aucune difficulté d’approvisionnement n’est envisagée. Selon l’Union française des industries pétrolières, le carburant se stocke, les frontières ne sont pas fermées aux marchandises, et aucun problème d’approvisionnement n’a été observé en Italie.
La Chine étant le premier importateur de pétrole brut (15,5 % des importations mondiales en 2018), la réduction de l’activité industrielle a entrainé une importante baisse de la demande qui, conjuguée aux incertitudes des marchés, a poussé le prix du baril de pétrole à la baisse. Les principaux exportateurs de pétrole ont tenté de trouver un compromis pour réduire la production à due concurrence et maintenir des prix stables : des négociations entre l’OPEP et la Russie ont eu lieu début mars mais ont échoué. En conséquence, l’accord précédent sur la réduction de la production de 2,1 millions de barils par jour a expiré fin mars, laissant envisager une possible période de concurrence agressive. Le 27 mars, l’indicateur du prix du baril était au plus bas depuis 2003, oscillant autour de 25 dollars ($). Toutefois, les 3 et 4 avril, le pétrole a enregistré deux séances consécutives de hausse (pour s’établir autour de 32 $), les investisseurs anticipant des coupes importantes de la production mondiale après l’annonce par la Russie d’une possible réduction de sa production et d’une éventuelle coopération avec l’OPEP. Une nouvelle réunion de négociations aura lieu le 6 avril.
Évolution des prix du baril de pétrole (en dollars)
Source : Révolution énergétique
La Chine étant également le premier importateur de gaz naturel (9,8 % des importations mondiales en 2018), la baisse de la demande chinoise, puis les mesures de confinement mises en œuvre dans plusieurs pays ont conduit la consommation mondiale à baisser fortement. Les prix atteignent également des montants historiquement bas, les cours s’étant effondrés de 42 % au mois de mars et de 25 % depuis janvier.
Évolution des prix du gaz depuis un an (en € par MWh)
Source : EEX, mars 2020
Le confinement en Europe a également entrainé une baisse de la consommation d’électricité, notamment par la mise à l’arrêt d’un certain nombre de sites industriels et la réduction du trafic ferroviaire, poussant les prix de marché de gros à la baisse. Depuis la fin février, le prix du mégawattheure (MWh) a baissé de 40 % en France, sur la bourse européenne de l’électricité (Epex Spot), la consommation ayant été réduite d’environ 15 % mi-mars, selon RTE. En outre, les prix ont aussi baissé pour les contrats à terme en 2021 et 2022, le marché anticipant visiblement une crise longue. Cette baisse est accentuée par l’augmentation des températures et la priorité donnée aux énergies renouvelables sur le réseau.
Évolution des prix de l’électricité depuis un an (en € par MWh)
Source : EEX, mars 2020
Des conséquences économiques lourdes sont à attendre pour les entreprises du secteur de l’énergie
- La chute des prix va affecter les revenus des fournisseurs d’électricité et de gaz. À terme, la situation pourrait donner lieu à des faillites pour les opérateurs les plus fragiles, ou à un mouvement de fusions et d’acquisitions.
En France, la forte baisse des prix de l’électricité sur les marchés de gros est susceptible d’avoir un impact significatif sur le ratio d’endettement d’EDF. Des reports de certains investissements de rénovation dans le nucléaire ou la réduction des investissements dans de nouveaux projets (énergies renouvelables notamment) sont à envisager.
En outre, l’appel des centrales sur le réseau se faisant par ordre de coût marginal croissant, les centrales thermiques fonctionnant au gaz ou au charbon, dont le coût marginal de production est plus élevé, sont les plus susceptibles d’être affectées par la diminution de la consommation et des prix.
- La chute des prix du pétrole entraine également des conséquences sur les entreprises du secteur pétrolier. Total a annoncé, le 23 mars, réduire de 20 % ses investissements pour l’année 2020 (soit une réduction de 3,3 Md€), geler ses recrutements à l’exception des secteurs du renouvelable et du digital et mettre fin à son programme de rachat d’actions pour 1,5 Md€. En revanche, le groupe ne souhaite pas recourir au dispositif du chômage partiel.
- La chute des prix remet en cause l’équilibre financier du secteur des énergies renouvelables, du fait d’un renchérissement relatif de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, d’une moindre capacité d’investissement des acteurs du secteur, et d’une réduction de la consommation qui rend la production déjà excédentaire. Elle pourrait en freiner le développement.
Cette baisse de la consommation et des prix entraine également une perte de recettes pour l’État :
- diminution des recettes des entreprises dont l’État détient une part de capital et annulation du versement du dividende 2019 aux actionnaires, notamment par Engie et EDF (pour Engie, dont il détient 23,6 %, cela représente un manque à gagner d’environ 460 M€. S’agissant d’EDF, l’État s’était engagé en 2019 à recevoir les dividendes des années 2019 et 2020 sous forme de titres nouveaux) ;
- diminution des recettes publiques liées à la vente de quotas de carbone (cf. infra) ;
- diminution de la perception des taxes sur la consommation d’énergie (essentiellement taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, mais également taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel, taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, ainsi que TVA sur la vente de produits énergétiques) liée notamment à la réduction des déplacements en voiture. L’effet, non encore quantifiable, portera sur l’État et sur les régions, bénéficiaires des produits de la TICPE.
Rendement fiscal du SP95 et du gazole depuis janvier 2020 (base 100 au 3 janvier 2020)
Source : commission des finances du Sénat
La baisse des prix est partiellement ressentie par les particuliers
La baisse des cours du gaz a contribué à l’abaissement des tarifs réglementés du gaz de 4,4 % au 1er avril 2020. S’agissant des cours du pétrole, si la baisse se confirmait, elle devrait être ressentie avec un écart temporel sur les prix à la pompe acquittés par les automobilistes.
Les effets de cette crise sur les entreprises électro-intensives, non encore précisément mesurables, devront faire l’objet d’une étude approfondie dans les semaines à venir, de même que ses conséquences sur le dispositif d’interruptibilité des clients industriels.
EDF diminue sa production nucléaire face aux baisses de consommation ponctuelles.
Si EDF a la capacité de continuer à produire, l’entreprise adapte sa production, notamment nucléaire, à la réduction de consommation, l’électricité produite ne pouvant que difficilement être stockée. Ainsi, le week-end du 21 et 22 mars, plusieurs unités de la centrale de Blayais ont été mises à l’arrêt pour tenir compte de la faible demande ponctuelle d’électricité, avant d’être reconnectées au réseau le lundi 23 mars.
Par ailleurs, la suspension d’opérations de maintenance des installations de production nucléaires due au confinement conduit à ce que l’hypothèse de production nucléaire en France pour 2020 (375-390 terawattheures) soit réexaminée et ajustée à la baisse.
Les effets pour 2021 ne peuvent pas encore être précisés.
RTE, gestionnaire du réseau de transport, doit adapter son modèle au nouveau profil de consommation.
Pour garantir l’équilibre du réseau et intégrer les conséquences du confinement et de la baisse d’activité, RTE doit adapter son modèle quasiment quotidiennement. Alors que, depuis quelques années, la consommation est stable (les grandes industries représentant environ 17 % de la consommation en 2019, le secteur des entreprises et des professionnels 47 %, les besoins résidentiels 36 %), l’entrée en vigueur du confinement modifie le profil de consommation, qui repose désormais majoritairement sur les besoins du secteur résidentiel. De plus, depuis le 16 mars, les habitudes relativement prévisibles des ménages sont bousculées (la consommation, qui connaissait traditionnellement deux pics en début de matinée et en fin de journée, étant désormais croissante jusqu’à la mi-journée).
La Commission de régulation de l’énergie demande à EDF et RTE de ne plus appliquer le recours aux effacements tarifaires pour limiter les pointes de consommation (application par RTE et EDF de tarifs plus élevés sur les « jours rouges », où la consommation est la plus importante), mécanisme qui apparaît désormais peu utile et pourrait entraîner une augmentation des factures des consommateurs concernés
La réduction des prix de l’électricité sur les marchés de gros (pour des montants inférieurs à 30 €/MWh) conduit certains fournisseurs alternatifs ayant souscrit un volume d’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) à 42 €/MWh à demander l’application de la clause de « force majeure », leur permettant de remettre en cause les contrats conclus et de s’exonérer de leurs engagements, pour se fournir à moindre prix sur le marché.
La commission de régulation de l’énergie (CRE) estime, dans une délibération en date du 26 mars 2020, que les conditions de la force majeure ne sont, à son sens, pas réunies. La CRE considère que la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rend totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’ARENH. Elle indique également que les conséquences d’une suspension totale des contrats ARENH en raison de l’application des clauses de force majeure serait disproportionnée et créerait un effet d’aubaine pour les fournisseurs, au détriment d’EDF, qui serait contraire aux principes du dispositif qui repose sur un engagement ferme des parties sur une période d’un an.
Toutefois, seul un juge, s’il était saisi, pourrait décider de l’application ou non de la clause de force majeure, qui lie EDF à ses fournisseurs.
Dans sa délibération, la CRE demande néanmoins aux gestionnaires de réseaux et à EDF d’accorder aux fournisseurs qui en feront la demande, les facilités de paiement octroyées aux entreprises par ordonnance (cf. infra). Elle invite EDF à accorder à certains fournisseurs dont la situation le justifie des facilités de paiement supplémentaires.
Par ailleurs, la CRE indique que les fournisseurs alternatifs qui avaient souscrit des volumes d’ARENH à hauteur de leur besoin prévisionnel pour l’année 2020 et se retrouvent avec un excédent de volume du fait de la réduction de la consommation, susceptible d’occasionner a posteriori le paiement d’une pénalité pour demande excessive d’ARENH (le complément de prix CP2) ne sauraient être considérés comme responsables de ces excédents. Aussi, elle supprime les compléments de prix CP2 pour l’année 2020.
Les deux premières semaines de confinement ont eu des effets significatifs sur le secteur de la construction, dont l’activité a été réduite de 90 %, se répercutant sur le secteur la rénovation énergétique. Un grand nombre de chantiers ont, en effet, été gelés dans l’attente de consignes sanitaires pour protéger les artisans des risques de contamination. Par ailleurs, dans la mesure où la rémunération des artisans est liée en grande partie au bon fonctionnement du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) et de sa prime « coup de pouce », le ralentissement de celui-ci (du fait de la réduction de l’activité des bureaux de contrôle et du ralentissement de l’instruction) fait craindre aux artisans qui poursuivraient des chantiers de s’exposer à de trop lourdes avances de trésorerie. Enfin, le risque d’une possible pénurie de matériaux est pris en compte, la visibilité sur les stocks étant faible. Il en résulte des gisements de certificats d’économies d’énergie importants, difficiles à quantifier à ce stade.
En conséquence, le Gouvernement a adopté plusieurs mesures, par deux arrêtés du 25 mars 2020 :
- prolongation jusqu’à la fin de l’année 2021 du dispositif CEE « coup de pouce » pour les travaux d’isolation et de changement de chaudière (qui devait s’arrêter au 30 décembre 2020). L’objectif est de donner de la visibilité sur le moyen et le long terme aux professionnels du bâtiment ;
- création d’un dispositif CEE « coup de pouce » pour accompagner changement de chaudière fioul par les copropriétés dans le cadre d’une rénovation performante ;
- allongement de six mois du délai pour déposer des demandes de CEE, pour les opérations d’économies d’énergie achevées entre le 1er mars 2019 et le 31 août 2019 (délai porté à 18 mois au lieu de 12) ;
- possibilité, de manière temporaire, de réaliser des transferts de CEE par voie dématérialisée ;
- prolongation des appels à manifestation d’intérêts pour le financement de nouveaux programmes de CEE.
En outre, la ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé la préparation, pour une mise en place au 1er juillet 2020, d’un dispositif CEE « coup de pouce » pour accompagner le changement de chaudière fioul dans le secteur tertiaire, notamment au profit des solutions de chaleur renouvelable. Un projet d’arrêté fait l’objet d’une concertation du 2 au 15 avril, et sera soumis à l’avis du Conseil supérieur de l’énergie le 28 avril.
La direction générale de l’énergie et du climat précise que « de manière générale, les adaptations nécessaires au maintien de l’activité seront étudiées et mises en œuvre en proportion avec les difficultés rencontrées par les acteurs des CEE dans les prochaines semaines. Il s’agit d’être prêt pour que, dès la fin de crise, le dispositif des CEE soit un des moteurs du plan de relance et que la France puisse atteindre ses objectifs climatiques ».
Depuis l’instauration des mesures de confinement, tous les États membres de l’Union européenne ont enregistré une baisse de la demande en électricité.
L’Italie, l’Espagne et la France seraient deux fois plus touchées que les autres États.
En Italie, la baisse de la demande en électricité a dépassé 20 % ces deux dernières semaines. En Belgique, le gestionnaire du réseau de transport, Elia, a enregistré le lundi 23 mars un niveau de charge sur le réseau de 25 % inférieur à la moyenne des 5 lundis précédents.
En Allemagne, où l’industrie contribue pour 50 % à la consommation d’électricité, la chute de la consommation est également forte.
L’une des premières conséquences constatées, à l’échelle de l’Union européenne, est la réduction drastique du prix de la tonne de carbone, en raison du surplus de quotas d’émissions de CO2 disponibles, lié à la mise à l’arrêt d’un grand nombre d’industries européennes. Ainsi, le prix de la tonne de CO2 est passé de 23 € au début du mois de mars à 15,45 € le 23 mars. Ce prix ne devrait pas connaître de forte hausse en 2020, en raison de l’incertitude économique provoquée par la pandémie.
Ceci pourrait conduire à une réduction des recettes publiques provenant des ventes de quotas d’émissions (employées, en France, à la rénovation thermique des logements dans le cadre du programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat) et à un ralentissement des investissements dans des projets faibles en carbone.
L’interconnexion du réseau de la France avec ses voisins européens entraine deux conséquences :
- un renforcement de la baisse des prix de gros du fait des interconnexions entre la France et les États d’Europe de l’Ouest plus émetteurs de C02 ;
- une hausse des exportations françaises du « trop plein » d’électricité lié à la baisse de la demande intérieure, en particulier vers l’Espagne et l’Allemagne, « à un niveau élevé » pour le mois de mars selon RTE.
Plusieurs acteurs de l’énergie ont engagé des actions de solidarité, au profit notamment des personnels soignants.
- la Compagnie nationale du Rhône a fait don de 23 000 masques chirurgicaux à l’Agence régionale de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes et instauré la gratuité du corridor électrique (27 stations et 54 bornes de recharge) de la vallée du Rhône, pour les personnels obligés d’utiliser leur véhicule pour aller travailler pendant la période de confinement ;
- à Marseille, Enedis fabrique, grâce à des imprimantes 3 D, des visières de protection pour le personnel soignant. Une vingtaine de prototypes différents ont été testés et un modèle a été validé par l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM). Enedis est désormais en capacité de produire entre 25 et 30 visières par jour ;
- le Groupe Total a annoncé le 23 mars 2020 avoir mis à disposition des établissements hospitaliers de France et des EHPAD des bons d’essence utilisables dans les stations Total pour un montant pouvant aller jusqu’à 50 M€ ;
- le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) s’est organisé, dès le 17 mars, pour distribuer ses stocks de masques et d’équipements de protection individuelle (gants, tenues). Près de 185 000 masques FFP2 et plus de 810 000 masques chirurgicaux ont été donnés par les neuf centres CEA à des établissements de soins, organismes de recherche, communes ou préfectures voisins ;
- Orano a fourni des masques de protection aux hôpitaux proches de ses principaux sites industriels (La Hague, Malvési, Tricastin, Melox) ;
- la fondation du groupe EDF a créé un fonds d’urgence et de solidarité doté de 2 M€. Ce fonds a vocation à agir en France et à l’international : 1 M€ seront consacrés à l’aide d’urgence au personnel soignant et aux plus démunis ; 1 M€ seront employés en faveur des plus démunis à l’issue de la crise sanitaire.
En matière énergétique, le Gouvernement publié deux ordonnances, l’une concernant les particuliers, l’autre concernant les entreprises.
L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19
Jusqu’à la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, les fournisseurs d’électricité et de gaz ne pourront procéder à la suspension, à l’interruption ou à la réduction, y compris par la résiliation du contrat, de la fourniture d’électricité et de gaz en cas de non-paiement de leurs factures par les entreprises éligibles au fonds de solidarité ainsi que celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Les fournisseurs d’électricité ne pourront pas davantage procéder à une réduction de la puissance distribuée aux personnes concernées.
De plus, pendant la même période, les fournisseurs d’électricité et de gaz alimentant plus de 100 000 clients, les fournisseurs d’électricité qui interviennent dans les zones non‑interconnectées au réseau métropolitain continental et les entreprises locales de distribution seront tenus, à la demande des entreprises éligibles, de leur accorder le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date de fin de l’état d’urgence sanitaire. Ce report ne pourra donner lieu à des pénalités financières. Le paiement des échéances reportées sera réparti de manière égale sur les échéances des factures postérieures à l’état d’urgence sanitaire, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois.
L’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale.
Cette ordonnance prolonge la trêve hivernale de deux mois, jusqu’au 31 mai. Les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne pourront procéder, jusqu’à cette date, à l’interruption de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles concernées pour non‑paiement des factures, y compris par résiliation du contrat. Ils pourront néanmoins procéder à une réduction de puissance, sauf pour les titulaires du chèque énergie[8].
Il importera de réaliser un suivi des conséquences financières de ces deux ordonnances pour les opérateurs du secteur de l’énergie.
La ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé plusieurs mesures complémentaires destinées à soutenir le secteur des énergies renouvelables et du biogaz.
S’agissant du secteur du biogaz, afin d’accompagner les porteurs de projets de production de biogaz actuellement confrontés à des difficultés pour finaliser les projets en cours de construction, la ministre a annoncé :
- des délais additionnels octroyés pour la mise en service des installations de production de biogaz en chantier afin de ne pas pénaliser les projets retardés du fait de la crise sanitaire ;
- une suspension temporaire du contrat d’achat de biogaz pour les installations de production rencontrant des difficultés de fonctionnement, notamment en raison du manque d’intrants.
S’agissant du secteur des énergies renouvelables, afin de soutenir les projets, la ministre a annoncé :
- des délais additionnels pour la mise en service des installations d’énergie renouvelable, afin de ne pas pénaliser les retards liés à la crise. Pour chacune des filières, un délai forfaitaire sera défini quand la situation sanitaire sera stabilisée, afin de s’adapter au mieux aux situations rencontrées ;
- le maintien des tarifs d’achat de l’électricité pour les petits projets solaire photovoltaïque en toiture, qui devaient baisser au 1er avril 2020 : ils seront gelés pour trois mois ;
- le décalage total ou partiel des calendriers pour les prochains appels d’offres du ministère.
L’ADEME a également annoncé des mesures pour amortir les conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19 pour les entreprises engagées dans la transition écologique :
- l’octroi d’une avance de 20 % sur les aides aux entreprises et aux associations, pour répondre aux besoins de trésorerie et faire face aux premières dépenses des projets engagés. Cette avance sera accordée pour la durée de l’opération et récupérée sur le dernier versement. Les entreprises lauréates du programme d’investissements d’avenir (PIA) bénéficieront de dispositions spécifiques (avances, simplifications dans les conditions d’aides, aménagement des modalités de remboursements des avances remboursables) ;
- le maintien de la programmation d’achats et la simplification de la contractualisation de façon dématérialisée. Une avance de 20 % sera également systématiquement versée sur toute commande ou marché engagé auprès d’entreprises petites, moyennes ou de taille intermédiaire. Les grandes entreprises pourront bénéficier d’une avance sur demande.
- le prolongement des dates de dépôts de certains appels à projets du PIA, notamment « démonstrateurs de territoires de grande ambition », prolongé jusqu’au 20 janvier 2021.