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N° 3349

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 septembre 2020.

 

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 17 octobre 2018

sur les enfants sans identité

et présenté par

Mme Laurence DUMONT et Mme Aina KURIC

Députées

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. une impasse pour le dÉveloppement de nombreux États

A. un ÉTAT DES LIEUX Du phÉNOMÈNE DES ENFANTS SANS IDENTITÉ DANS LE MONDE

1. Des chiffres encore très éloignés des objectifs de lONU

a. 166 millions denfants non enregistrés, 237 millions sans certificat de naissance

b. Des progrès insuffisants pour atteindre lObjectif de développement durable 16.9

2. De fortes divergences selon les pays et les populations

a. Les différences de taux denregistrement des naissances

i. Les inégalités entre les zones géographiques

ii. Le cas de lAfrique de lOuest et de lAfrique centrale

iii. Les inégalités internes aux pays

b. Les différences de délivrance dactes de naissance

3. Une réalité difficile à évaluer : les enfants sans identité en France

a. Un cadre juridique protecteur

b. Un nombre denfants sans identité complexe à évaluer

B. Des causes multiples

1. Le sous-développement

2. Linadaptation du cadre juridique

a. Un coût financier pour les familles

b. Un cadre juridique insuffisant ou inadapté

i. Des normes et des moyens insuffisants

ii. Des inégalités femmes-hommes pour déclarer la naissance dun enfant

iii. Des lois inadaptées voire discriminantes pour certaines minorités

3. Les obstacles culturels

a. Le manque de sensibilisation des populations

b. Limpact des coutumes

c. La méfiance à légard des registres détat civil ou des institutions dans leur ensemble

4. L’impact de la croissance démographique

5. Les inégalités liées au genre

6. Les crises et les contextes particuliers

a. Les crises

b. La politique de lenfant unique en Chine

C. Un impact majeur sur lA VIE des enfants et sur le dÉveloppement des États

1. Un accès aux droits restreint pour les enfants jusquà lâge adulte

a. Laccès à la nationalité

b. Laccès aux droits sociaux

c. L’accès à la justice et la lutte contre l’exploitation des enfants

d. Laccès à léducation

e. Limpact sur la vie dadulte

2. Un frein au développement des États

II. Des initiatives pour encourager lenregistrement des naissances insuffisantes et peu coordonnÉes

A. LÉvolution du droit international

1. La Déclaration universelle des droits de lhomme et les premiers textes fondateurs du droit à lidentité juridique et des droits de lenfant

2. La convention internationale relative aux droits de lenfant (CIDE) du 20 novembre 1989 : une étape majeure mais encore insuffisante

3. Les Objectifs de développement durable à lorigine dune plus grande prise de conscience

4. Les dernières résolutions du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale des Nations unies

B. Une prise de conscience par certains États concernÉs

1. Les actions nationales

2. Les mobilisations régionales

C. Une volontÉ croissante d’agiR de la communautÉ internationale

1. Des projets innovants mis en œuvre par les sociétés civiles nationales et internationales

a. Un renforcement des moyens déployés

b. Des solutions technologiques variées

2. Une mobilisation croissante des organisations internationales

a. LOrganisation des Nations unies

i. Laction de lUNICEF

ii. La « Task force » sur lidentité juridique (LIA TF)

iii. Laction du HCR auprès des réfugiés

b. La Banque mondiale : le programme « ID4D »

c. Le réseau francophone

D. Une action de la France À construire

1. L’action des services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

a. Les services du ministère impliqués

b. Les actions de plaidoyer dans les enceintes multilatérales

c. L’appui aux organisations internationales concernées

d. Le financement et le suivi de projets par l’administration centrale

e. Le financement et le suivi de projets par les postes diplomatiques

f. La coopération avec les pays frontaliers de la France

2. L’Agence française de développement

3. CIVIPOL

4. La coopération décentralisée

E. des actions encore insuffisantes et peu efficaces, notamment en france

1. Linsuffisante priorité accordée par les États comme par la communauté internationale à létat civil

2. Le manque de coordination des initiatives nationales et internationales

III. Une mobilisation DE LA FRANCE indispensable

A. AXE 1 : Un devoir d’exemplaritÉ sur le territoire national

1. Renforcer l’état civil en Guyane et à Mayotte et la coopération avec les pays limitrophes

2. Améliorer l’accompagnement des mineurs étrangers

B. axe 2 : rePENSER la contribution financiÈre et technique de la France

1. Renforcer et rationaliser les financements français

2. Développer la coopération technique

C. axe 3 : mobiliser tous les outils de la diplomatie française

1. Engager le gouvernement et le parlement français sur la réalisation des Objectifs du développement durable (ODD)

2. Améliorer la communication sur la thématique et son suivi au sein du ministère de lEurope et des affaires étrangères

3. Réaliser des actions de plaidoyer auprès des grandes organisations internationales

a. Agir dans le réseau francophone

b. Promouvoir la thématique au sein des Nations unies

c. Organiser des évènements dédiés à la thématique et des « évènements parallèles » lors des sommets internationaux side events »)

d. Mobiliser lexamen périodique universel (EPU)

4. Mieux identifier et renforcer l’appui à l’enregistrement des naissances dans l’aide publique au développement

synthÈse des propositions des rapporteures

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurEs

annexe n° 2 : Liste des acronymes utilisÉs

annexe n° 3 : appel À projets sur la thÉmatique enfants sans identitÉ

annexe n° 4 : CLASSIFICATION DES PAYS UTILISÉE Dans la partie I (UNICEF)

 


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   introduction

Le 20 novembre 2019, l’Organisation des Nations unies (ONU) célébrait les trente ans de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, ce texte a joué un rôle essentiel dans la promotion de l’enregistrement des naissances. Son article 7 stipule en effet que chaque enfant doit être enregistré à la naissance afin de posséder une identité juridique. En vertu de son article 8, les États parties s’engagent à faire respecter l’identité juridique de chaque enfant et à protéger ceux qui se verraient privés de cette identité.

Pourtant, daprès les derniers chiffres du Fonds des Nations unies pour lenfance (UNICEF) publiés en décembre 2019, 166 millions denfants de moins de cinq ans ne sont pas enregistrés dans le monde, soit un quart des enfants. Sur cette même tranche dâge, 237 millions ne disposent pas dun acte de naissance, soit un enfant sur trois. L’enregistrement dune naissance est lenregistrement officiel, obligatoire et permanent de la survenue et des caractéristiques dune naissance par un officier détat civil, au sein du registre détat civil et conformément au cadre légal du pays. Or, l’organisation de l’état civil diffère d’un pays à l’autre. Dans certains pays, lenregistrement implique la délivrance automatique dun certificat de naissance, soit un document fourni par létat civil qui documente la naissance de lenfant. Dans dautres, il est nécessaire den faire la demande. Parce quil est un certificat extrait du registre de létat civil, il prouve que lenregistrement de la naissance a bien eu lieu et est donc la première et souvent la seule preuve didentité juridique dont dispose lenfant.

L’enregistrement des naissances est ainsi indissociable d’un état civil fiable.

Le 13 février 2019, le Groupe d’experts sur l’identité juridique de l’ONU et la Banque mondiale sont parvenus à une définition commune de l’identité juridique (aussi appelée identité légale, legal identity en anglais). Celle-ci est définie comme « les caractéristiques fondamentales de lidentité dun individu, soit par exemple le nom, le sexe, le lieu et la date de naissance, conférés à travers lenregistrement et la délivrance dun acte de naissance par une autorité détat civil reconnue par la loi, après la survenue de la naissance. En labsence denregistrement de la naissance, lidentité juridique peut être donnée par une autorité qui dispose de la capacité légale didentifier lindividu. Ce système devrait être lié au système denregistrement à létat civil afin dassurer une approche holistique de lidentité juridique, qui sétend de la naissance jusquà la mort ». Cette définition implique qu’un enfant a droit à une identité juridique dès sa naissance. Un enregistrement tardif n’est pas satisfaisant.

Les enfants dont la naissance n’est pas enregistrée sont invisibles : ils n’existent pas aux yeux du gouvernement de leur pays. Depuis leur naissance jusqu’à leur mort, l’accès aux droits, notamment aux droits civiques, mais aussi l’accès à la santé ou à l’éducation, sera plus difficile pour eux que pour les autres citoyens, voire sera même nié.

Ces enfants sont aussi beaucoup plus vulnérables à toutes les formes d’exploitation et de violence qui touchent les enfants : prostitution, mariage précoce, travail forcé, trafics d’organes, participation à des activités criminelles, enrôlement dans des combats armés, etc.

Au-delà des conséquences individuelles pour chaque enfant, le développement des États s’en trouve également limité. Un registre d’état civil fiable permet à un gouvernement de connaître la population qu’il administre et donc de définir les besoins en matière de services publics ou les grandes politiques économiques. L’état civil peut également être mobilisé pour développer un cadastre, et donc permettre à l’État de collecter l’impôt. Enfin, il représente un enjeu démocratique majeur. Les électeurs ne peuvent pas toujours voter, s’ils ne sont pas en capacité de prouver leur identité juridique. De plus, les risques de fraude électorale se révèlent plus grands.

En conséquence, l’adoption des objectifs de développement durable (ODD) par l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2015 a hissé l’enregistrement des naissances au rang de priorité des politiques internationales de développement. L’ODD 16.9 vise ainsi à « garantir à tous une identité juridique notamment grâce à lenregistrement des naissances », d’ici 2030. L’ODD 17.19 le complète en souhaitant renforcer les capacités statistiques des États pour mettre en place des systèmes d’enregistrement robustes.

En France, si quelques associations et institutions se sont intéressées à la question de l’enregistrement des enfants, dont de nombreuses ont été auditionnées pour ce rapport – on peut notamment citer la section française de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), Regards de femmes, l’UNICEF ou encore l’Association du notariat francophone – le sujet reste encore trop souvent méconnu. Nous avons été étonnées de faire découvrir le sujet à de nombreux interlocuteurs.

Pourtant, si l’état civil est une matière régalienne, il existe de très nombreux moyens d’agir pour aider les États concernés. Il faut alors travailler avec les gouvernements, mais aussi les grands bailleurs de fonds internationaux, et se coordonner davantage. Notre diplomatie, encore trop peu engagée sur la question des enfants sans identité, nous a paru consciente de l’enjeu majeur que représentent ces enfants pour le développement des États.

La France doit également être exemplaire en contribuant à donner une identité légale à tous les enfants présents sur son territoire. Si la très grande majorité des enfants en dispose aujourd’hui grâce à l’élaboration progressive d’un état civil depuis plus de deux siècles, certains demeurent toutefois sans identité sur le sol français. Il s’agit d’enfants isolés au cœur de la forêt guyanaise, d’enfants à Mayotte, et de mineurs étrangers qui arrivent en métropole.

Nous souhaitons remercier l’ensemble des personnes auditionnées pour ce rapport. Elles nous ont permis de dresser un état des lieux de l’enregistrement des naissances dans le monde – bien que la diversité des situations ne puisse être complètement appréhendée dans celui-ci. Elles nous ont aussi permis de faire plusieurs propositions très concrètes pour la France.

Nous espérons que le présent rapport sera utile pour ces enfants.

 

 


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I.   une impasse pour le dÉveloppement de nombreux États

A.   un ÉTAT DES LIEUX Du phÉNOMÈNE DES ENFANTS SANS IDENTITÉ DANS LE MONDE

1.   Des chiffres encore très éloignés des objectifs de l’ONU

a.   166 millions d’enfants non enregistrés, 237 millions sans certificat de naissance

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance, couramment désigné par l’acronyme UNICEF, est l’agence des Nations unies consacrée à l’amélioration et à la promotion de la condition des enfants. L’UNICEF s’est donc naturellement emparée de la thématique des enfants sans identité. Les deux derniers rapports publiés par cette agence onusienne, Droit de chaque enfant à sa naissance : inégalités et tendances dans lenregistrement des naissances en 2013 et Lenregistrement des naissances pour chaque enfant dici à 2030 : où en sommes-nous ? en décembre 2019, font référence.

L’UNICEF réalise ses statistiques à partir d’enquêtes nationales représentatives menées auprès des ménages, telles que les enquêtes en grappes à indicateurs multiples (MICS) et les enquêtes démographiques et de santé (EDS). D’autres enquêtes nationales, des recensements et des statistiques, issus des registres d’état civil sont également utilisés. Si la qualité de ces enquêtes s’est nettement améliorée ces dernières années, l’UNICEF ne dispose encore que de données incomplètes, voire d’aucune donnée, dans de nombreux pays. Les chiffres évoqués dans ce rapport sont donc des estimations ([1]).

D’après son rapport de 2019, fondé sur l’analyse des chiffres provenant de 174 pays, l’UNICEF estime à 166 millions le nombre d’enfants de moins de cinq ans (soit un enfant sur quatre) non déclarés à l’état civil ([2]), dont 40 millions d’enfants de moins d’un an.

En 2013, l’UNICEF évaluait le nombre d’enfants non déclarés à l’état civil à 230 millions pour les enfants de moins de cinq ans, soit 64 millions de plus qu’en 2019. À l’échelle mondiale, la déclaration des naissances a progressé de près de 20 % en dix ans, passant de 63 % à 75 % sur cette tranche d’âge. Cette amélioration cache toutefois de fortes disparités, plusieurs pays, dont l’Inde, contribuant nettement à cette progression (voir infra).

Même lorsqu’un enfant est enregistré, il n’obtient pas toujours de certificat de naissance. Ainsi, 71 millions d’enfants de moins de cinq ans enregistrés à la naissance ne disposent pas de ce précieux sésame. Au total, on dénombre 237 millions d’enfants de moins de cinq ans sans acte de naissance (soit un enfant sur trois) ([3]), dont 56 millions d’enfants de moins d’un an.

b.   Des progrès insuffisants pour atteindre l’Objectif de développement durable 16.9

Des progrès ont été constatés ces dernières années en matière d’enregistrement, et plus particulièrement lors de la dernière décennie. Alors que trois enfants de moins de cinq ans sur quatre sont aujourd’hui enregistrés, on en comptait seulement six sur dix vers l’année 2000. Sans ces progrès, le nombre d’enfants non enregistrés atteindrait aujourd’hui 266 millions, soit 100 millions de plus.

Ces avancées sont toutefois encore insuffisantes au regard du nombre d’enfants non enregistrés. Selon l’UNICEF, un pays sur trois (représentant environ un tiers des enfants de moins de cinq ans dans le monde) doit accélérer l’amélioration de ses procédures afin de parvenir à l’enregistrement universel des naissances d’ici à 2030, soit la cible visée l’ODD 16.9. De même, la délivrance d’acte de naissance est encore largement insuffisante.

2.   De fortes divergences selon les pays et les populations

a.   Les différences de taux d’enregistrement des naissances

i.   Les inégalités entre les zones géographiques

D’après les chiffres de l’UNICEF, l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne concentrent 145 millions d’enfants de moins de cinq ans non enregistrés, soit 87 % d’entre eux. L’Afrique subsaharienne, avec 94 millions d’enfants, est de loin la première zone géographique concernée. L’Asie du Sud est également fortement touchée avec 51 millions d’enfants.

Nombre d’enfants de moins de cinq ans non enregistrÉs
À la Naissance, PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE

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Source : UNICEF, décembre 2019.

RÉPARTITION des enfants de moins de cinq ans dont la naissance
n’est pas enregistrÉe

Source : UNICEF, décembre 2019.

L’analyse de ces chiffres doit prendre en compte la démographie des pays : le nombre d’enfants sans identité doit être rapporté au nombre d’habitants. En effet, l’Asie, par exemple, concentre plus de 55 % de la population mondiale alors que l’Afrique subsaharienne n’en représente que 14 %.

En conséquence, lorsque l’on étudie les taux moyens d’enregistrement des enfants par zone géographique, on constate de fortes disparités :

– 40 % en Afrique de l’Est et en Afrique australe ;

– 51 % en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ;

– 70 % en Asie du Sud ;

– 91 % en Asie de l’Est et du Pacifique ;

– 92 % au Moyen-Orient et Afrique du Nord ;

– 94 % en Amérique latine et dans les Caraïbes.

En Asie du Sud, plusieurs pays notamment le Bangladesh, l’Inde et le Népal, ont réalisé des avancées majeures ces dernières années, qui expliquent en grande partie la réduction du nombre d’enfants sans identité à l’échelle mondiale sur la dernière décennie. En Inde, la proportion d’enfants déclarés est passée de 41 % en 2005-2006 à 80 % en 2015-2016. En moyenne, en Asie du Sud, le taux d’enregistrement des naissances a triplé, passant de 23 % au début des années 2000, à 70 % aujourd’hui.

En Asie de l’Est et dans le Pacifique, le taux moyen d’enregistrement est passé de 80 % en 2000 à près de 91 % aujourd’hui, grâce notamment aux progrès réalisés par l’Indonésie et le Cambodge.

Tous les pays asiatiques n’ont toutefois pas réalisé une trajectoire aussi fulgurante. L’Afghanistan, le Pakistan et les Philippines ont peu progressé ces dernières années.

L’Afrique subsaharienne affiche quant à elle des taux d’enregistrement faibles et des avancées insuffisantes pour espérer atteindre l’ODD 16.9 en 2030. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, seule une naissance sur deux est enregistrée (51 % en 2000). En Afrique de l’Est et en Afrique australe, quatre naissances sur dix sont enregistrées (34 % des naissances en 2000). Les progrès sont très lents et insuffisants face à la croissance démographique.

Les plus faibles taux d’enregistrement constatés dans le monde sont ceux de l’Éthiopie (3 %), de la Somalie (3 %), de la Zambie (11 %) et du Tchad (12 %).

Mais la situation varie là aussi fortement d’un pays à l’autre.

ii.   Le cas de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale

UNICEF Sénégal, qui joue aussi le rôle de bureau régional pour l’UNICEF en Afrique de l’Ouest et du centre, a participé au colloque sur les enfants sans identité organisé à l’Assemblée nationale le 28 novembre 2019. À cette occasion, UNICEF Sénégal a partagé des données sur les enfants sans identité en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, retranscrites infra.

Des écarts très importants apparaissent entre les États. Sao Tome et Principe (95 %), le Bénin (86 %) et le Gabon (90 %), ont par exemple des taux d’enregistrement beaucoup plus élevés que le Tchad (12 %) ou la République démocratique du Congo (25 %). De nombreux pays du Golfe de Guinée Ouest atteignent 70-80 % d’enfants enregistrés : le Sénégal, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo.

Pourcentage d’enfants de moins de cinq ans enregistrÉs en Afrique de l’ouest et en afrique centrale

Source : Carte réalisée à partir des dernières données de l’UNICEF (décembre 2019) et d’un fond de carte UNICEF Sénégal (novembre 2019).

iii.   Les inégalités internes aux pays

De fortes inégalités internes aux États subsistent également. À cet égard, le Sénégal est un exemple révélateur. D’après UNICEF Sénégal, 23 % des enfants de moins de cinq ans n’étaient pas enregistrés à la naissance en 2017 dans le pays (soit 403 200 enfants), mais avec de fortes disparités régionales. En effet, alors que la région de la capitale Dakar ne comptait « que » 5 % d’enfants sans identité, les régions de Kaffrine ou de Tambacounda, en comptaient 39 %.

 

RÉPARTITION RÉGIONALE des enfants de moins de cinq ans
dont la naissance n’Était pas enregistrÉe au SÉnÉGAL en 2017

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Source : UNICEF Sénégal, novembre 2019.

Ces différences résultent en partie de l’inégal développement de l’état civil et des campagnes de sensibilisation des populations en matière d’enregistrement des naissances selon les villes et les régions. Elles sont également dues aux fortes inégalités sociales, géographiques ou liées à l’appartenance ethnique ou religieuse.

Le plus souvent, les enfants sans identité sont issus des ménages les plus pauvres. En moyenne dans le monde, d’après le rapport de l’UNICEF publié en 2019, les 20 % d’enfants les plus pauvres ont 25 % de chances en moins que les enfants issus de foyers aisés d’être enregistrés à la naissance.

À l’échelle mondiale, les enfants les plus pauvres ont néanmoins bénéficié des actions menées pour renforcer l’enregistrement des naissances. En Inde, l’écart d’enregistrement entre les naissances des enfants de foyers aisés et de foyers pauvres s’est même réduit ([4]).

Les enfants sans identité sont également davantage présents en zone rurale qu’en zone urbaine. Les centres d’état civil sont en effet souvent moins nombreux dans les campagnes et les mères n’ont reçu qu’une éducation formelle limitée, voire aucune instruction. Au Nigeria, 30 % des naissances en moyenne étaient déclarées en 2017, mais seulement 19 % en zone rurale. À l’échelle mondiale, un enfant a 30 % de plus de chance d’être déclaré s’il réside en ville.

Dans certains pays, certains groupes ethniques ou religieux présentent des niveaux d’enregistrement des naissances inférieurs à la moyenne nationale. D’après UNICEF Serbie, auditionné dans le cadre de ce rapport, c’est le cas des Roms en Serbie et dans les Balkans.

Enfin, les peuples autochtones peuvent également subir des difficultés pour l’enregistrement des naissances.

b.   Les différences de délivrance d’actes de naissance

Sur les 237 millions d’enfants de moins de cinq ans sans acte de naissance, 49 % vivent en Afrique subsaharienne (116 millions) et 46,5 % en Asie ou dans le Pacifique (110 millions).

Une répartition plus précise est donnée dans le graphique ci-dessous.

Nombre d’enfants de moins de cinq ans SANS CERTIFICAT DE naissance,
PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE

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Source : UNICEF, décembre 2019.

Même lorsque l’enfant a été préalablement enregistré par les autorités, il ne bénéficie pas toujours d’un certificat pour l’attester. C’est par exemple le cas de 26 millions d’enfants de moins de cinq ans en Asie du Sud, 19 millions en Asie de l’Est et dans le Pacifique, 15 millions en Afrique de l’Est et en Afrique australe, et 7 millions en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ([5]).

De fortes disparités existent là aussi entre les États. Ainsi, alors que 85 % des enfants comoriens de moins de cinq ans enregistrés disposent aujourd’hui d’un acte de naissance, seuls 35 % des enfants kenyans du même âge enregistrés peuvent s’en prévaloir.

POURCENTAGE D’ENFANTS DE MOINS DE CINQ ANS ENregistrÉs et DISPOSANT D’UN ACTE DE NAISSANCE EN AFRIQUE AUSTRALE ET EN AFRIQUE DE L’EST

Légende : le bleu foncé correspond à un acte de naissance délivré, le bleu clair à un acte de naissance non délivré à un enfant pourtant enregistré.

Source : UNICEF, décembre 2019.

 

Des pays ont toutefois progressé dans la délivrance de certificat de naissance. Au Liberia, 25 % des enfants de moins de cinq ans disposaient d’un certificat de naissance en 2013, contre 4 % en 2007.

 

3.   Une réalité difficile à évaluer : les enfants sans identité en France

a.   Un cadre juridique protecteur

En France, l’état civil est très ancien. Officiellement institué par le décret du 20 septembre 1792 de l’Assemblée législative, il est bâti à partir des anciens registres paroissiaux. Ce décret transfère la tenue des registres des curés aux maires et impose l’enregistrement des naissances en mairie. L’état civil est ensuite modifié à plusieurs reprises.

La création de l’état civil en France, un processus ancien

En France, l’état civil tire son origine des anciens registres paroissiaux rendus obligatoires au XVIème siècle par l’ordonnance de Villers-Cotterêts signée par François Ier au mois d’août 1539 ([6]). L’article 51 de cette ordonnance imposait aux curés de chaque paroisse la tenue d’un registre des baptêmes tandis que l’article 50 prévoyait l’enregistrement des décès.  Ces registres paroissiaux ont ensuite été renforcés par l’ordonnance de Blois de 1579, qui a étendu l’enregistrement aux mariages, puis par l’ordonnance de Saint-Germain-en-Laye de 1667, intégrée au « Code Louis ». Avec cette dernière, Louis XIV a posé les bases de l’état civil moderne : les registres paroissiaux ne consignaient plus seulement les faits mais prouvaient également la filiation. Dès lors, les actes de baptême précisaient notamment les noms des parents. En outre, les curés avaient l’obligation de tenir le registre en double exemplaire, un pour la paroisse et un second pour le greffe de leur circonscription juridique.

Avec la Révolution s’est opérée une laïcisation de l’état civil. Les communes ont remplacé les paroisses et les registres d’état civil, les registres paroissiaux. La Constitution du 3 septembre 1791 (Titre II, art. 7) affirme ainsi : « le pouvoir législatif établira pour tous les habitants, sans distinction, le mode par lequel les naissances, les mariages et les décès seront constatés ; et il désignera les officiers publics qui en recevront et conserveront les actes ».

Le décret du 20 décembre 1792 de l’Assemblée législative a finalement créé un système d’état civil, en application de cet article.  Désormais, l’enregistrement d’une naissance s’effectue auprès d’un officier d’état civil de la commune de naissance et non plus auprès du curé de la paroisse. Par cet enregistrement, l’enfant rentre dans la communauté civique.

L’état civil français, créé officiellement il y a plus de deux siècles, a ensuite été consolidé progressivement.

Aujourd’hui, un acte de naissance comprend le nom, le prénom et le sexe de l’enfant, sa date, son heure et son lieu de naissance, mais aussi les noms, dates et lieux de naissance des parents ainsi que leurs professions et adresse (sauf si l’enfant n’a pas de filiation déclarée), puis au cours de la vie, sont ajoutées les mentions de mariage, divorce, séparation de corps ou décès.

Depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, l’article 55 du Code civil dispose que la déclaration de naissance doit être faite à la mairie du lieu de naissance dans les cinq jours ([7]) de l’accouchement. Elle est effectuée par le père ou une personne qui a assisté à l’accouchement. L’acte de naissance est rédigé immédiatement par un officier d’état civil. Si la déclaration n’est pas faite dans les délais légaux, un jugement déclaratif, rendu par le tribunal de l’arrondissement dans lequel est né l’enfant, est nécessaire.

De plus, l’article 55 du Code civil ajoute : « Par dérogation, ce délai est porté à huit jours lorsque léloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe lofficier de létat civil le justifie. Un décret en Conseil dÉtat détermine les communes où le présent alinéa sapplique. »

Ainsi, l’article 2 du décret n° 2017-278 du 2 mars 2017 relatif au délai de déclaration de naissance dispose que le délai de déclaration des naissances est porté à huit jours dans le département de Guyane, pour les communes d’Apatou, d’Awala-Yalimapo, de Camopi, de Grand Santi, d’Iracoubo, de Mana, de Maripasoula, d’Ouanary, de Papaïchton, de Régina, de Saint-Elie, de Saint-Georges, de Saint-Laurent-du-Maroni, de Saül et de Sinnamary.

Enfin, en l'absence de déclaration de naissance dans le délai prévu par l'article 55 du Code civil, la personne qui en avait obligation encourt les sanctions prévues par les articles R. 645-4 et 433-18-1 du Code pénal. Elle risque ainsi un emprisonnement de six mois et une amende de 3 750 euros.

b.   Un nombre d’enfants sans identité complexe à évaluer

Le nombre d’enfants sans identité en France est particulièrement difficile à évaluer. Ils pourraient être présents dans deux territoires ultra-marins : la Guyane et Mayotte. En métropole, ils seraient enfants d’étrangers en situation irrégulière, ou membres de la communauté Rom.

D’après les services de la préfecture de Cayenne et de la mairie de Saint-Laurent-du-Maroni auditionnés dans le cadre du présent rapport, la Guyane est soumise à une très forte pression migratoire en raison de la venue d’habitants pauvres des pays de la région (Brésil, Haïti, Suriname), attirés par les opportunités économiques offertes par la Guyane, mais aussi par son système de santé et ses écoles. Cette immigration est difficilement contrôlable par les autorités du fait de la géographie locale et des relations économiques et sociales – bien souvent transfrontalières – entre populations. Par exemple, la frontière très étendue entre le Suriname et la France est matérialisée par le fleuve Maroni, soit une voie de communication essentielle pour les habitants des deux rives : le passage d’une berge à l’autre est très courant pour les populations. De plus, la notion même de frontière n’a pas toujours de sens dans les cultures traditionnelles.

Selon les chiffres transmis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, environ 1 500 enfants surinamais naissent en Guyane chaque année, dont un tiers n’est pas enregistré à l’état civil surinamais. La mairie de Saint-Laurent-du-Maroni n’est pas en mesure de valider ces chiffres car elle ne réalise pas de statistiques liées à la nationalité à partir de ses registres d’état civil. Elle estime toutefois que parmi les 3 665 naissances totales enregistrées en 2019, 2 000 enfants pourraient être surinamais. Ce nombre élevé de naissances oblige la commune à créer une école de douze classes chaque année.

La préfecture comme la mairie de Saint-Laurent-du-Maroni n’ont pas connaissance de l’existence d’« enfants sans identité » sur le sol guyanais. Selon la préfecture, les « missions fleuves » qu’elle organise sur le fleuve Maroni pour apporter des services publics aux personnes habitant loin des villes n’ont pas permis d’en identifier. De même, les jugements déclaratifs et supplétifs ([8]), peu nombreux, ont fortement baissé depuis 2015 ([9]) et concernent très majoritairement des adultes, avec de nombreuses tentatives de fraude.

L’extension du délai de déclaration des naissances en 2016 aurait nettement amélioré l’enregistrement des naissances. Outre le nouveau délai de cinq jours pour déclarer une naissance avec la loi n° 2016-1547 de 2016, plusieurs communes guyanaises bénéficient d’une dérogation du fait de l’éloignement des populations des centres d’état civil depuis le décret n° 2017-278 du 2 mars 2017 (voir supra).

Néanmoins, les rapporteures ont été alertées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur les difficultés d’accès des populations à l’état civil en Guyane et l’existence probable d’enfants sans identité dans les zones reculées, en particulier parmi les étrangers. Mme Yvette Mathieu, chargée de mission outre-mer auprès du Défenseur des droits a publié un rapport intitulé Accès aux droits et aux services publics en Guyane, en décembre 2016. Elle constatait alors de fortes inégalités d’accès aux services publics, dont l’état civil, en Guyane, évoquant « un service public différencié » selon les zones géographiques. Les services publics sont très inégalement répartis sur le territoire guyanais et souvent engorgés.

Le Défenseur des droits a été saisi en février 2019 de la situation d’un enfant sans identité, trouvé en 2017 dans un autre territoire ultra-marin : Mayotte.

Les cas d’enfants dont la naissance n’est pas enregistrée à Mayotte sont rares. Depuis plusieurs ordonnances et décrets publiés en 2000, l’île dispose en effet d’un service d’état civil de droit commun dans chaque mairie ([10]). En outre, les naissances sont le plus souvent enregistrées directement au Centre hospitalier de Mayotte (CHM), qui dispose d’un bureau d’état civil.

Selon les chiffres fournis par la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice, les jugements déclaratifs et supplétifs portant sur des actes d’état civil (naissance, mariage, décès) rendus par le tribunal judiciaire de Mamoudzou ont augmenté de 321 % en cinq ans, passant de 14 en 2015 à 59 en 2019. Plus précisément, en 2019, on comptait 19 jugements supplétifs pour des naissances survenues entre 1963 et 2007, selon le procureur de la République à Mayotte. Au premier semestre 2020, le chiffre semblait diminuer : on en comptait 5, pour des naissances survenues entre 2000 et 2017.

Des mineurs étrangers sans identité seraient toutefois présents sur l’île, notamment des mineurs non accompagnés (MNA) ([11]). Selon la CNCDH, Mayotte est aujourd’hui confrontée à une situation « à la brésilienne », avec des bandes d’enfants isolés, qui ne disposent pas de preuve légale de leur identité et dont les parents ont été reconduits aux Comores.

Enfin, la CNCDH, la Défenseure des enfants et les membres du cabinet du Défenseur des droits ont alerté les rapporteures sur la situation des mineurs étrangers sans titre d’identité reconnu par l’État français, qu’il s’agisse d’enfants de migrants, et notamment de réfugiés, ou d’enfants de la communauté Rom. Parmi ces enfants, la situation des mineurs non accompagnés ([12]) est préoccupante.

Même lorsque l’enfant a été enregistré dans son pays d’origine, il ne dispose pas toujours des documents pour le prouver ou ses documents sont difficiles à évaluer pour les autorités françaises. Il peut être procédé à une requête aux fins de jugement supplétif d’acte de naissance. Cela suppose qu’il y ait une certitude sur le caractère erroné de l’état civil du mineur né à l’étranger. Le procureur de la République peut solliciter l’ambassade ou le consulat français en résidence dans le pays d’origine du mineur étranger afin que celui-ci prenne l’attache des autorités locales, notamment du bureau d’état civil local susceptible d’avoir établi l’acte de naissance du mineur. Ces démarches prennent toutefois du temps ([13]).

Enfin, un cas spécifique concerne la centaine d’enfants français nés en Syrie ou en Irak, et non déclarés par leurs parents à l’état civil, puisque ces derniers avaient quitté la France pour mener des actions terroristes. Ces enfants doivent faire l’objet de jugements déclaratifs lorsqu’ils reviennent en France. Selon le ministère de la justice, le tribunal de Bobigny met au moins un mois et demi pour rendre un jugement déclaratif pour ce type de dossier.

Selon les chiffres fournis par la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice, le nombre de demandes de jugements déclaratifs ou supplétifs d’actes d’état civil a augmenté de manière significative sur le territoire entre 2015 et 2019 : 923 demandes ont été recensées en 2015 et 1 546 en 2019. Le nombre de jugements déclaratifs ou supplétifs a lui aussi augmenté pour l’ensemble des juridictions : 1 386 jugements ont été rendus en 2019 contre 894 en 2015. Parmi ces 1 386 jugements, on dénombre 1 270 décisions d’acceptation totale de la demande, 20 décisions d’acceptation partielle et 28 décisions de rejets. Ces chiffres pourraient à nouveau indiquer une plus forte prévalence des enfants sans identité en France en 2019 qu’en 2015, même s’ils ne concernent pas exclusivement les enfants.

Ainsi, même en France, on constate l’existence d’enfants sans identité dont le nombre est aujourd’hui difficile à évaluer avec précision.

Si leur estimation reste complexe, en revanche, les causes de l’absence d’enregistrement, bien que multiples, sont bien identifiées.

B.   Des causes multiples

1.   Le sous-développement

L’UNICEF constate une corrélation entre le revenu national par habitant, et la mise en place d’un système efficace d’enregistrement des faits d’état civil dans un pays.

Plus un État dispose d’un budget public élevé, plus il pourra créer des centres d’état civil (y compris des centres mobiles, pour les régions les plus difficiles d’accès), les équiper (notamment en matériel numérique), mais aussi recruter et former des agents d’état civil.

De même, le manque de services de santé, et en particulier de maternités, a un impact sur l’enregistrement des naissances. Ce sont des lieux de sensibilisation des familles à l’importance de l’enregistrement, avant et après la naissance de l’enfant. Les maternités participent parfois directement au processus de déclaration des naissances (cf. bracelet iCivil évoqué infra). Certaines disposent même d’un bureau d’état civil dans leurs locaux.

Une exception doit être soulignée : les pays insulaires qui ont tendance à afficher des taux d’enregistrement relativement bons, même lorsqu’ils sont pauvres. Les systèmes de délivrance de documents d’identité et de voyage y sont souvent considérés comme prioritaires, car les échanges avec l’extérieur et les déplacements à l’étranger sont indispensables pour l’économie.

Enfin, il est nécessaire d’évoquer le cas des « États faillis » et des « États effondrés » qui ne parviennent pas à fournir les services publics de base, dont l’état civil, à leur population. En Somalie, selon les derniers chiffres recueillis par l’UNICEF, seuls 3 % des enfants de moins de cinq ans étaient enregistrés à la naissance en 2006.

2.   L’inadaptation du cadre juridique

a.   Un coût financier pour les familles

L’enregistrement et la délivrance d’un acte de naissance peuvent être payants. D’après l’UNICEF, environ 65 millions d’enfants non enregistrés de moins de cinq ans vivent dans des pays d’Afrique subsaharienne où des frais sont associés à l’enregistrement d’une naissance. C’est par exemple le cas en Guinée ou en République centrafricaine. En Asie du Sud (à l’exception des Maldives), la loi rend l’enregistrement gratuit pour toutes les familles.

frais d’enregistrement des naissances
en afrique subsaharienne

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Source : Aperçu de l’enregistrement des faits d’état civil en Afrique subsaharienne, UNICEF, 2017.

Même lorsque l’enregistrement ou l’acte de naissance ne sont pas eux-mêmes payants, d’autres coûts peuvent décourager les familles : le coût du transport pour se rendre au centre d’état civil si celui-ci se situe loin du foyer, le manque à gagner lorsque le parent travaille, voire l’éventuel pot-de-vin dépensé auprès de l’agent d’état civil. De plus, l’acte de naissance n’est pas toujours délivré le jour du déplacement, et la famille doit donc revenir au centre d’état civil une seconde fois, si elle n’abandonne pas.

Ces frais, directs ou indirects, renforcent les inégalités sociales. En Afrique subsaharienne, les 20 % d’enfants les plus pauvres ont deux fois moins de chance d’être enregistrés à la naissance que les enfants les plus riches.

Enfin, en cas de perte des papiers d’identité d’un enfant, même si celui-ci a été enregistré, la procédure pour les récupérer peut elle aussi être lourde et coûteuse.

b.   Un cadre juridique insuffisant ou inadapté

i.   Des normes et des moyens insuffisants

Le cadre juridique peut tout d’abord ne pas comporter de norme assurant un enregistrement gratuit et universel à tous les enfants qui naissent sur le territoire du pays, ou être composé de textes obsolètes, ou disparates. De plus, les pays n’imposent pas toujours la délivrance d’un acte de naissance, ou très tardivement.

En parallèle, de nombreux États ne disposent pas de lois de protection des données personnelles et de lutte contre la cybercriminalité. L’enregistrement officiel expose alors l’enfant à des risques, ses informations personnelles pouvant être volées et/ou utilisées à mauvais escient, y compris à des fins discriminatoires si les formulaires sont intrusifs. En Oman, les formulaires d’enregistrement des naissances précisent la religion des deux parents.

Au-delà des normes, les moyens humains et techniques alloués sont encore insuffisants dans de nombreux États. Au Sénégal, les agents d’état civil sont parfois de simples bénévoles et connaissent mal les procédures car ils n’ont pas été formés. Le nombre de bureaux d’état civil sénégalais est également faible, surtout lorsqu’il est comparé au nombre de structures sanitaires : 689 centres d’état civil contre 3 000 centres de santé. La communauté Sant’Egidio, auditionnée pour ce rapport, a donné aux rapporteures l’exemple d’une région du Mozambique qui n’a qu’un seul bureau d’état civil pour 350 000 habitants.

L’état civil nécessite un maillage territorial dense, qui s’adapte aux évolutions démographiques. La liaison entre les centres de déclaration et les centres d’état civil doit également être fluide.

Lorsqu’ils existent, les bureaux d’état civil peuvent également manquer de matériel administratif (formulaires, timbres fiscaux, registres…) et surtout de matériel informatique. L’insuffisance des moyens numériques limite les capacités d’enregistrement, fait peser un risque de destruction des registres (volontaire ou involontaire) et facilite la fraude. Un certificat de naissance papier est en effet facilement falsifiable.

ii.   Des inégalités femmes-hommes pour déclarer la naissance d’un enfant

Dans plusieurs pays, les femmes n’ont pas la possibilité légale ou pratique de déclarer leur enfant : seul le père en a la capacité. L’UNICEF devrait disposer d’ici la fin de l’année 2020 de chiffres sur cette inégalité liée au sexe.

Il est probable que cette liste recoupe celle des pays où les femmes ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leur enfant, soit vingt-sept pays selon l’association Regards de femmes : les Bahamas, Bahrein, la Barbade, Brunei, le Burundi, les Émirats Arabes Unis, l’Iran, l’Irak, la Jordanie, les îles Kiribati, le Koweït, le Liban, le Liberia, la Lybie, Madagascar, la Malaisie, la Mauritanie, le Népal, Oman, le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Sierra Leone, la Somalie, le Soudan, la Syrie, le Swaziland, le Togo.

Or, quand deux parents ont la capacité légale de déclarer leur enfant, les chances de déclaration augmentent fortement, et ce d’autant plus lorsque les femmes ont été sensibilisées à la question au cours de leur grossesse ou à la maternité.

Dans certains cas, la mère représente même l’unique chance pour l’enfant d’être déclaré à la naissance, si le père est décédé, absent ou s’il refuse de reconnaître son enfant. Les femmes célibataires, et notamment les femmes qui ont eu un enfant à la suite d’un viol, se trouvent sinon dans une impasse. Cette situation est particulièrement préoccupante dans les pays où le viol est utilisé comme arme de guerre.

Dans certains pays, les mères célibataires, les mères qui n’ont pas fait enregistrer leur mariage ou les mères qui ne disposent pas de certificat de mariage, ne sont pas non plus autorisées à enregistrer leur enfant et sa filiation. Au Bhoutan, les enfants de père inconnu ne peuvent être déclarés au registre de l’état civil. En Indonésie, le certificat de mariage est généralement requis.

iii.   Des lois inadaptées voire discriminantes pour certaines minorités

Enfin, les lois ne sont parfois pas adaptées à certains groupes de la population. Cela peut par exemple être le cas pour les populations nomades, tels que les Peuls ou les Touaregs en Afrique, qui se déplacent et ont moins l’habitude des procédures administratives que la population sédentaire.

Cela peut également être le cas pour les peuples autochtones. Les informations relatives aux démarches d’enregistrement des naissances ne sont pas nécessairement traduites et ces démarches elles-mêmes peuvent être discriminantes.

3.   Les obstacles culturels

a.   Le manque de sensibilisation des populations

Lors son audition, Mme Aicha Bah Diallo, ancienne ministre de l’éducation de Guinée et présidente internationale de l’association Aide et Action, a insisté sur le caractère fondamental de la sensibilisation, en particulier dans les zones rurales. Les parents ne sont pas toujours conscients de l’importance de l’enregistrement pour leur enfant et connaissent mal les procédures.

L’éducation des mères joue pourtant un rôle primordial. À l’échelle mondiale, d’après le rapport publié fin 2019 par l’UNICEF, environ 80 % des enfants âgés de moins de cinq ans dont la mère a accédé au moins à l’enseignement secondaire ont été enregistrés à la naissance, contre 60 % pour les enfants dont la mère n’en a pas bénéficié. Les mères qui ont eu accès à l’éducation ont plus de chances de connaître les modalités d’enregistrement d’une naissance à l’état civil ainsi que son caractère indispensable pour accéder aux services publics, dont l’école fait partie.

Les enseignants eux-mêmes n’ont pas toujours connaissance des procédures pour enregistrer un enfant et pour récupérer un acte de naissance. Si les enseignants des classes où un extrait d’acte de naissance n’est pas obligatoire sensibilisaient systématiquement le(s) parent(s) et les enfants à la nécessité d’en obtenir un pour les classes supérieures, les familles seraient davantage incitées à engager les procédures, qui peuvent être longues.

Le documentaire Les enfants fantômes, un défi pour lAfrique diffusé le 2 juillet 2018 sur LCP ([14]), réalisé par M. Clément Alline et produit par M. Michel Welterlin, présente l’engagement de M. Mamadou Diédhou, un enseignant de CM2 de l’école élémentaire Chérif Macky Aïdara à Kolda, dans la région de Haut-Casamance au Sud du Sénégal. Les parents étant mal informés sur la procédure pour récupérer un acte de naissance et sur son caractère indispensable pour passer le certificat de fin d’études élémentaires au Sénégal, l’enseignant les réunit et leur explique comment déposer un dossier auprès du juge. Une fois que les parents ont constitué le dossier, M. Diédhou vérifie que celui-ci est complet. En dehors de l’école, il poursuit même son engagement en allant voir les jeunes mères pour les encourager à déclarer leur nouveau-né.

De même, les autorités traditionnelles (les chefs de villages, les communautés religieuses) peuvent jouer un rôle majeur dans la sensibilisation en expliquant régulièrement les procédures aux personnes qu’elles administrent.

b.   L’impact des coutumes

Certaines cultures accordent une plus grande importance aux pratiques traditionnelles, comme les cérémonies au cours desquelles l’enfant reçoit son nom, qu’aux démarches formelles de déclaration des naissances. Les musulmans attendent traditionnellement le baptême, le septième jour après la naissance, pour donner un nom à leur enfant. Les parents enregistrent alors parfois tardivement la naissance de leur enfant.

Au Togo, la naissance de l’enfant fait l’objet d’un rite particulier en plusieurs étapes qui varie d’un « clan à l’autre ». Les étapes du rite sont l’accouchement, la réclusion, la cérémonie de sortie, la dotation du nom, la tournée de remerciements. La période réclusion de 6 à 9 jours, pouvant varier selon le sexe de l’enfant, implique une vie en marge de la société pour la mère et son enfant. Elle ne peut sortir de sa maison que pour ses besoins primaires ([15]).

Lors de son audition, le président de la CNCDH a aussi fait référence aux discussions qu’il a eues avec un anthropologue en Guyane. Selon ce dernier, on ne donne pas un nom immédiatement chez les Amérindiens. Cette tradition est liée à la mortalité infantile élevée : il faut éviter de mettre en terre un enfant portant un nom.

c.   La méfiance à l’égard des registres d’état civil ou des institutions dans leur ensemble

Dans les conflits et les crises liés à l’appartenance ethnique ou religieuse, la crainte que les données personnelles ne soient pas gardées confidentielles peut expliquer le choix des parents de ne pas faire enregistrer leur enfant. Cette méfiance perdure ensuite longtemps, après la fin de la crise ou du conflit. Selon l’ONG World Vision International, en Afghanistan, une partie de la population demeure méfiante à l’égard des registres d’état civil, par peur que les Talibans n’arrivent à nouveau au pouvoir et n’utilisent les registres pour recruter des combattants, et notamment des enfants.

C’est le cas de la population Rom en Europe. En Roumanie et au Monténégro, 10 % des enfants Roms de moins d’un an ne sont par exemple pas enregistrés officiellement, contre 2 % pour le reste de la population roumaine. Cette situation résulte d’une méconnaissance des procédures d’enregistrement mais aussi en partie d’une méfiance envers les institutions. Ces populations sont régulièrement victimes de discriminations et se souviennent des persécutions qui ont eu lieu pendant la Seconde guerre mondiale.

Pour protéger les personnes vulnérables, il apparaît donc indispensable que les registres d’état civil et les certificats de naissance ne contiennent que les données personnelles minimum, en évitant toute référence à l’appartenance ethnique ou religieuse ([16]).

4.   L’impact de la croissance démographique

Dans de nombreux pays africains, la croissance démographique exerce une pression sur des services d’état civil déjà insuffisants et chroniquement sous-équipés. C’est par exemple le cas au Cameroun et au Nigeria. Dans ce dernier pays, alors que 57 % des enfants de moins de cinq ans n’étaient pas enregistrés en 2018, la population devrait plus que doubler d’ici 2050, pour atteindre 410 millions d’habitants.

Dans ce contexte, la situation pourrait fortement se détériorer en Afrique dans les prochaines années. Selon l’UNICEF, la forte croissance démographique, cumulée à l’insuffisance des progrès en matière d’enregistrement des naissances, pourrait conduire à 100 millions d’enfants sans identité supplémentaires d’ici 2030, si les États et la communauté internationale ne se mobilisent pas massivement.

5.   Les inégalités liées au genre

Il n’existe pas de concordance des différentes sources sur ce sujet permettant d’avoir des données suffisamment fiables et pertinentes permettant de démontrer d’éventuelles inégalités liées au genre.

L’UNICEF considère même qu’il n’existe pas de différence significative entre les petites filles et les petits garçons en matière d’enregistrement des naissances, quelle que soit la région du monde concernée. L’agence onusienne affirme que la parité semble être la norme dans la plupart des pays.

Pourtant, la dernière résolution du Conseil des droits de l’Homme (CDH) de l’ONU sur l’enregistrement des naissances et le droit de chacun en tout lieu à sa personnalité juridique, demande aux États « de n’épargner aucun effort pour réduire l’écart constaté entre le taux d’enregistrement des garçons et celui des filles ([17]) ».

6.   Les crises et les contextes particuliers

a.   Les crises

Les crises politiques ou sanitaires et les conflits armés peuvent entraîner des déplacements de population (avec éventuellement une perte des papiers d’identité si ces déplacements se font dans l’urgence ou si des passeurs les conservent), décourager les parents de se déplacer pour enregistrer une naissance, suspendre les activités des bureaux d’état civil voire provoquer des destructions de registres d’état civil.

En Côte d’Ivoire, selon l’UNICEF, le taux d’enregistrement des naissances est passé de 72 % en 2000 à 58 % en 2006, puis à 65 % en 2011-2012. Cette baisse générale est imputable à la crise politique et la guerre qui a frappé le pays en 2002 et en 2011. Les hostilités post-électorales en 2010 et 2011 ont provoqué une nouvelle rupture dans le fonctionnement des services d’état civil, la destruction de nombreux registres et l’exode de centaines de milliers d’Ivoiriens.

La zone des trois frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger est actuellement confrontée à une baisse du taux d’enregistrement des naissances provoquée par la progression de la menace terroriste. Les activités des services d’état civil, comme pour tous les services publics, sont souvent suspendues et ne sont pas perçues comme une priorité par les familles qui cherchent avant tout à assurer leur sécurité. Les familles limitent au maximum leurs déplacements.

Les réfugiés qui fuient ou qui vivent dans les zones de guerre en Irak et la Syrie en guerre depuis 2011 ont souvent perdu leurs papiers d’identité. L’ONG International Rescue Committee a publié en juillet 2016 un rapport sur la perte des documents par la population qui vit au nord de la Syrie (Identify Me : The documentation crisis in Nothern Syria). Sur les 2 917 ménages interrogés entre novembre 2015 et avril 2016 dans les gouvernorats d’Idleb et d’Alep, 34 % ne disposaient pas de certificat de naissance pour leurs enfants.

Selon l’article « Établir l’identité juridique des Syriens déplacés » publié en février 2018 par M. Martin Clutterbuck, Mme Laura Cunial, Mme Paola Barsanti et Mme Tina Gewis dans la revue Migration Forcées : « sur les 700 000 enfants syriens réfugiés âgés de moins de quatre ans que compterait la région, 300 000 sont nés en exil en tant que réfugiés, et un grand nombre d’entre eux ne disposent pas d’acte de naissance. Selon les enquêtes conduites récemment par le Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR), 70 % des réfugiés syriens ne disposaient pas de carte nationale d’identité, tandis que plus de la moitié des couples mariés ne possédaient aucune preuve de leur mariage. En outre, 94 % des réfugiés syriens au Liban n’étaient pas en mesure de répondre à l’ensemble des conditions administratives pour obtenir un acte de naissance pour leur enfant, tandis que le HCR, l’agence de l’ONU pour les réfugiés, estime que 30 % des enfants syriens réfugiés en Jordanie ne disposent pas d’acte de naissance. L’absence de documents tellement indispensables a un impact direct sur le quotidien des personnes déplacées. Dans le Sud de la Syrie, par exemple, moins d’un quart des femmes déplacées de l’intérieur interrogées avaient leur certificat de mariage avec elles, alors même que ce certificat continue généralement d’être la condition préalable pour l’obtention d’un acte de naissance. Qui plus est, sans papiers d’identité, les deux millions d’enfants d’âge scolaire parmi la population de PDI [personnes déplacées de l’intérieur] en Syrie ne pourront pas s’inscrire à l’école. »

En outre, le groupe terroriste Daesh a détourné les registres d’état civil des États à son profit, pour collecter l’impôt et pour contrôler la population, et a créé ses propres registres. La légalité de ces registres se pose aujourd’hui.

b.   La politique de l’enfant unique en Chine

En Chine, la politique de l’enfant unique, mise en œuvre à partir de 1979 et assouplie à plusieurs reprises depuis 2013, a conduit à une sous-déclaration des naissances. Cette politique imposait aux couples chinois de n’avoir qu’un enfant s’ils étaient citadins ou deux enfants s’ils résidaient en zone rurale, à condition que leur aîné soit une fille. Depuis le 1er janvier 2016, tous les couples sont autorisés à avoir deux enfants, quelle que soit leur situation ([18]).

D’après Human Rights Watch, 13 millions d’enfants chinois n’étaient pas déclarés en Chine en 2013 (environ 1 % de la population). Surnommés « les enfants noirs » (hei haizi), ils sont les deuxième ou troisième enfants (ou quatrième, etc.) des familles ou l’enfant unique de mères célibataires, et ont été cachés par peur des sanctions du régime chinois (amendes, avortement et/ou stérilisation forcée). Ces enfants ne possèdent pas de permis de résidence permanent (hukou) indispensable pour accéder aux services publics et pour travailler légalement. Ils sont condamnés à rester cachés et à travailler très jeunes dans l’économie informelle, quand ils ne sont pas l’objet de trafics.

L’assouplissement de la politique de l’enfant unique n’a pour l’heure pas eu d’effet rétroactif sur l’enregistrement des générations précédentes d’« enfants noirs » ni sur la délivrance du permis de résidence permanent à ces derniers. De plus, avoir un troisième enfant étant toujours interdit, ce dernier sera encore souvent dissimulé par ses parents.

De plus, la généralisation actuelle de la biométrie en Chine pourrait renforcer encore l’isolement de ces enfants, déjà cachés par leurs parents, en les confinant encore davantage au sein de l’espace domestique.

C.   Un impact majeur sur lA VIE des enfants et sur le dÉveloppement des États

1.   Un accès aux droits restreint pour les enfants jusqu’à l’âge adulte

Être reconnu comme une personne par le droit est indispensable pour bénéficier d’une protection tout au long de sa vie. L’identité légale constitue donc une condition préalable à tous les autres droits.

a.   L’accès à la nationalité

L’acte de naissance est la preuve de l’identité juridique. Il donne le nom, la date de naissance, le lieu de naissance, les liens familiaux mais aussi souvent la nationalité. Sur la base du jus soli et/ou du jus sanguinis, l’enfant peut en effet obtenir une nationalité et donc échapper au risque d’apatridie. Le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), auditionné dans le cadre de ce rapport, estime à 10 millions le nombre d’apatrides dans le monde (690 000 en Europe), dont un tiers d’enfants. Selon cette agence onusienne, l’absence d’enregistrement après la naissance est une cause majeure d’apatridie.

b.   L’accès aux droits sociaux

En prouvant son existence et son âge, un enfant (ou ses parents s’il est sous leur tutelle) peut accéder aux éventuelles aides sociales qui lui sont destinées, mais aussi souvent accéder au système de santé. Au Mexique, un certificat de naissance est ainsi souvent demandé pour accéder aux services de santé non urgents et pour bénéficier de l’assurance maladie.

c.   L’accès à la justice et la lutte contre l’exploitation des enfants

En prouvant son âge, un enfant accède également aux mesures de protection de l’enfance, qu’elles soient sociales ou juridiques. Lorsque le mariage des enfants est interdit ou restreint par la législation d’un État, le juge peut par exemple mieux le faire respecter.

Plus généralement, les enfants peuvent faire valoir leurs droits devant la justice s’ils sont auteurs ou victimes d’un crime ou d’un délit. Au Niger, l’enfant est pénalement irresponsable jusqu’à treize ans. Lorsque l’enfant est victime d’un crime ou d’un délit, il dispose de droits spécifiques. Ainsi, un violeur voit sa peine aggravée s’il a agi contre un enfant de moins de treize ans.

Sans protection juridique et sans accès à l’éducation, les enfants sont exposés à tous les trafics : travail sans respect des limites d’âge légal, trafics d’organes, esclavage, notamment sexuel, etc.

La communauté Sant’Egidio a alerté les rapporteures sur ces trafics et sur les risques d’enlèvement d’enfants. Lorsqu’un enfant n’a pas d’identité légale, il est très difficile pour les parents de le retrouver. Les orphelins sont encore plus vulnérables.

Ils sont également des cibles de choix pour les groupes armés qui les intègrent dans leurs rangs pour les exploiter (« enfants soldats ([19]) »).

Après les conflits, l’acte de naissance permet également d’aider les enfants qui ont subi des traumatismes et/ou qui ont été enrôlés dans les combats ([20]).

Enfin, enregistrer les enfants permet de réaliser des statistiques sur les enfants victimes de crimes ou de délits, en précisant les zones géographiques concernées. L’État, les organisations non gouvernementales et les organisations internationales peuvent alors mener des actions ciblées pour éviter que d’autres enfants ne soient touchés.

d.   L’accès à l’éducation

Au Vietnam, le certificat de naissance est nécessaire pour entrer à l’école maternelle et à l’école primaire. Au Mali, au Niger et au Sénégal, il est indispensable pour se présenter à l’examen qui conditionne l’entrée au collège.

En 2019, 800 000 enfants scolarisés au Sénégal n’étaient pas enregistrés à l’état civil (UNICEF Sénégal).

Si les enfants ne peuvent pas continuer le cursus scolaire, ils sont alors contraints d’occuper des emplois peu qualifiés ou se tournent vers d’autres formes d’enseignement. C’est le cas des écoles coraniques, aussi appelées « madrassas », dans les pays du Sahel. Certains de ces établissements religieux n’hésitent pas à exploiter les enfants. Le documentaire Les enfants fantômes, un défi pour lAfrique présente ainsi le cas d’une école coranique de Bamako, au Mali. Dans cette dernière, les enfants doivent s’acquitter chaque jour de travaux domestiques et sont condamnés à la mendicité pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur maître coranique.

e.   L’impact sur la vie d’adulte

D’après la Banque mondiale (programme ID4D évoqué infra), un milliard de personnes ne disposent pas de document permettant de prouver leur identité. Dans de nombreux cas, la situation résulte d’une absence d’enregistrement à l’état civil.

Or, une fois devenu adulte, l’absence d’identité juridique peut interdire l’accès à une aide sociale ou médicale, empêcher de se défendre en justice, de trouver un travail dans le secteur formel, d’acheter un logement, d’hériter du patrimoine de ses parents ou d’ouvrir un compte bancaire. Elle empêche de se marier (et donc dans certains pays, d’enregistrer ses enfants) et de se déplacer à l’étranger. Elle bloque également l’accès aux droits civiques, et demeure donc un enjeu majeur pour la démocratie.

Le schéma ci-dessous présente les obstacles qui peuvent se dresser devant un enfant ou un adulte non déclaré à l’état civil ou ne pouvant pas le prouver.

DÉmarches pouvant Être empÊchÉes sans enregistrement
À la naissance ou sans acte de naissance pour le prouver

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Source : Site internet de l’association Regards de femmes dédié à l’enregistrement et à la déclaration des naissances www.etatcivil.pw.

Des responsables de la Banque mondiale ont présenté, lors des auditions, l’impact concret de l’identification légale. Au Pakistan, elle a permis aux femmes d’accéder elles-mêmes à leur compte bancaire mobile et de recevoir des subventions du gouvernement pour leur travail, sans intervention de leur mari.

Plus généralement, l’absence d’identité légale a également un impact psychologique, tout au long de la vie. Un enfant ou un adulte non enregistré à l’état civil peut se sentir exclu du reste de la communauté, si les membres de celle-ci sont inscrits à l’état civil et bénéficient des droits qui en découlent.

Pour M. Bernard Golse, pédopsychiatre, linscription à létat civil est « la marque dune place dans le groupe social » et « le socle symbolique dune position fondatrice de liens » (Colloque sur les enfants fantômes, INALCO, 25 janvier 2020). Si lenfant ou ladulte nexiste pas clairement pour le groupe, il naura pas nécessairement envie de sinvestir pour celui-ci. Il est possible quil ne développe pas de véritable sentiment dappartenance. Être enregistré officiellement c’est aussi savoir qu’il restera une trace écrite de son existence après sa mort.

2.   Un frein au développement des États

Suivre l’enregistrement des naissances est nécessaire au développement socio-économique des États et à leur bon fonctionnement démocratique. Pour définir les besoins en matière de service public, les autorités doivent en effet connaître précisément la population qu’elles administrent. Seul un enregistrement précis de la population permet de connaître le nombre de doses vaccins nécessaires pour éviter une épidémie dans une région, le nombre d’enfants qui seront inscrits prochainement dans les écoles d’une municipalité ou encore les besoins en eau et en équipement d’assainissement d’une ville.

Les autorités doivent également disposer de ressources publiques stables. Or, la connaissance de la population permet de développer un cadastre (via les adresses récupérées au moment de l’enregistrement) et donc de récolter l’impôt. Si la population est sous-estimée, les autorités récupèrent également des financements plus faibles des organisations internationales et des organisations non gouvernementales.

Plus généralement, la connaissance de la population permet la définition de politiques macroéconomiques. Les politiques budgétaires, monétaires et la politique de l’emploi ne peuvent être définies qu’à partir de projections sur l’activité économique réelle et sur les besoins de la population.

Enfin, l’absence de registre d’état civil fiable (enregistrement des naissances mais aussi des décès) et de délivrance de documents d’identité menace la démocratie. Les électeurs peuvent se voir refuser le droit de vote, s’ils ne sont pas en capacité de prouver leur identité juridique. De plus, les risques de fraude électorale sont nombreux.

Cette situation favorise les crises post-électorales graves, le nombre d’électeurs pouvant toujours être contesté par les candidats vaincus et par leurs électeurs.

Pour l’ensemble de ces raisons, la cible 17.19 des ODD ([21]) appelle à soutenir le renforcement des capacités statistiques des États en développement, notamment la mise en place de systèmes robustes d’enregistrement des faits d’état civil.

Conscients des conséquences de l’absence d’enregistrement sur la vie des individus ainsi que sur le développement, de nombreux acteurs, nationaux et internationaux, se sont mobilisés. Si ces actions doivent être encouragées, les chiffres de l’UNICEF (un enfant sur quatre non enregistré, un sur trois sans certificat de naissance) témoignent toutefois de leur insuffisance.

 


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II.   Des initiatives pour encourager l’enregistrement des naissances insuffisantes et peu coordonnÉes

A.   L’Évolution du droit international

1.   La Déclaration universelle des droits de l’homme et les premiers textes fondateurs du droit à l’identité juridique et des droits de l’enfant

Le droit à l’identité juridique est reconnu dès la déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies. L’article 6 dispose que « chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique ».

Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)

Article 6

Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.

Onze ans plus tard, le 20 novembre 1959, l’Assemblée générale adopte la déclaration des droits de l’enfant. Écrite dans l’esprit de la DUDH, cette déclaration rappelle le caractère fondamental du droit de chaque enfant à être reconnu devant la loi et à être enregistré à la naissance. En vertu du principe 3, « lenfant a droit, dès sa naissance, à un nom et à une nationalité ».

Ces deux déclarations n’engagent toutefois pas les parties signataires. Le 16 décembre 1966, en adoptant le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’Assemblée générale des Nations unies donne à ces grands principes une valeur contraignante, pour les pays qui le ratifieront ([22]). L’article 24 du PIDCP garantit à chaque enfant le droit d’être enregistré à la naissance et d’avoir une personnalité juridique. Le PIDCP est entré en vigueur le 23 mars 1976.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966)

Article 24

2. Tout enfant doit être enregistré immédiatement après sa naissance et avoir un nom.

2.   La convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 : une étape majeure mais encore insuffisante

Si ces textes posent les premiers jalons d’un cadre juridique, c’est bien la convention internationale relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990), trente ans après la déclaration des droits de l’enfant, qui structure véritablement ce droit. L’article 7 dispose que chaque enfant doit être enregistré à la naissance afin de disposer d’une identité juridique et les États parties s’engagent à faire respecter ce droit dans leur législation nationale.

Non seulement la CIDE contraint les États parties à garantir ce droit à chaque enfant au moment de sa naissance mais elle les engage également à le faire respecter. En vertu de l’article 8, les États parties s’engagent à faire respecter l’identité juridique de chaque enfant et à protéger ceux qui se verraient privés de cette identité.

Convention internationale relative aux droits de l’enfant (1989)

Article 7

1. L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux.

2. Les États parties veillent à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l’enfant se trouverait apatride.

Article 8

1. Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale.

2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.

À la suite de la CIDE, deux conventions internationales ont également apporté des protections à deux populations spécifiques : les migrants et leurs familles d’une part, et les personnes handicapées, d’autre part.

La convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée le 18 décembre 1990 par l’Assemblée générale des Nations unies, consacre le droit des enfants de travailleurs migrants. En vertu de l’article 29, « tout enfant dun travailleur migrant a droit à un nom, à lenregistrement de sa naissance et à une nationalité ».

Plus récemment, la convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 a renforcé le cadre juridique pour la protection des enfants handicapés en leur garantissant le droit d’avoir accès à une personnalité juridique et d’être enregistré. Ainsi, l’article 18 paragraphe 2 dispose que « les enfants handicapés sont enregistrés aussitôt leur naissance et ont dès celle-ci le droit à un nom, le droit dacquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître leurs parents et dêtre élevés par eux ».

En parallèle, l’Assemblée générale des Nations unies a également adopté la résolution S-27/2, dite « Un monde digne des enfants », le 10 mai 2002. Dans cette résolution, les gouvernements réaffirment leur engagement à « mettre en place des systèmes denregistrement de tous les enfants à la naissance ou peu après, et respecter le droit de chaque enfant à un nom et à une nationalité, conformément à la législation nationale et aux instruments internationaux pertinents ».

3.   Les Objectifs de développement durable à l’origine d’une plus grande prise de conscience

C’est en septembre 2015 que l’Assemblée générale des Nations unies a véritablement hissé le droit à l’identité juridique, en particulier par l’intermédiaire de l’enregistrement des naissances, au rang de priorité des politiques de développement internationales. Elle lui a en effet consacré l’ODD 16.9.

ODD 16 – Paix, justice et institutions efficaces

16.9. D’ici à 2030, garantir à tous une identité juridique notamment grâce à l’enregistrement des naissances.

Cette initiative onusienne a fixé un calendrier clair : l’enregistrement des naissances doit être universel d’ici l’année 2030. Ce calendrier sert aujourd’hui de référence pour les pays concernés et pour les bailleurs internationaux.

Pour évaluer la réalisation de cet ODD, un indicateur a été défini par l’ONU, l’indicateur 16.9.1 : la proportion d’enfants de moins de cinq ans dont la naissance a été enregistrée par une autorité chargée de l’état civil, par âge. Cet indicateur, préalablement utilisé par l’UNICEF, est devenu un standard pour le calcul du nombre d’enfants sans identité (voir partie I supra).

Un deuxième objectif de développement durable doit également encourager l’enregistrement des naissances : l’ODD 17.19 visant le renforcement des capacités statistiques des pays en développement.

ODD 17 – Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial
pour le développement durable et le revitaliser

17.19. D’ici à 2030, tirer parti des initiatives existantes pour établir des indicateurs de progrès en matière de développement durable qui viendraient compléter le produit intérieur brut et appuyer le renforcement des capacités statistiques des pays en développement.

L’indicateur 17.19.2 prévu par l’ONU correspond à la proportion de pays qui : a ont procédé à au moins un recensement de la population et du logement au cours des dix dernières années et b) ont atteint un taux d’enregistrement des naissances de 100 % et un taux d’enregistrement des décès de 80 %.

4.   Les dernières résolutions du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale des Nations unies

Le 19 juin 2020, le Conseil des droits de l’homme (CDH), un organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU), a adopté une résolution 43/5 sur le thème « [l’] enregistrement des naissances et [le] droit de chacun à la reconnaissance en tout lieu de sa personnalité juridique ».

Résolution 43/5 du CDH

Le Conseil des droits de l’homme […]

1. Se déclare profondément préoccupé par le fait que, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance, près de 237 millions d’enfants n’ont toujours pas d’acte de naissance malgré les efforts qui sont faits pour accroître le taux mondial d’enregistrement des naissances ;

2. Rappelle aux États l’obligation qui leur est faite d’enregistrer toutes les naissances sans discrimination aucune, et leur rappelle aussi que chaque enfant devrait être enregistré immédiatement après sa naissance dans le pays où il est né, y compris lorsque ses parents sont migrants, non-ressortissants, demandeurs d’asile, réfugiés ou apatrides, conformément au droit international des droits de l’homme, et que l’enregistrement tardif devrait être limité aux cas où, sinon, la naissance ne serait pas enregistrée. […]

Ce type de résolution, dédiée à l’enregistrement des naissances, est présenté par le Mexique et la Turquie tous les trois ans.

En parallèle, l’Union européenne, présente chaque année (tous les deux ans à partir de 2021), une résolution sur les droits de l’enfant à l’AGNU et au CDH. Si une thématique spécifique est choisie chaque année, la résolution d’AGNU comporte toutefois toujours un ou plusieurs passages consacrés à l’enregistrement des naissances. Ainsi, la résolution 74/133 adoptée par l’AGNU le 18 décembre 2019 rappelle le droit de chaque enfant à l’enregistrement de sa naissance.

Résolution 74/133 de l’AGNU

L’Assemblée générale […]

11. Rappelle que chaque enfant a le droit à l’enregistrement immédiatement après sa naissance, à un nom et à une nationalité, et le droit à la reconnaissance en tout lieu de sa personnalité juridique, ainsi que le prévoient respectivement la Convention relative aux droits de l’enfant et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, rappelle aux États qu’ils sont tenus de s’assurer de l’enregistrement de toutes les naissances sans discrimination aucune, même tardivement, demande aux États de veiller à ce que les procédures d’enregistrement de la naissance soient universelles, accessibles, simples, rapides, effectives et gratuites ou d’un coût modique, et considère que l’enregistrement de la naissance est un moyen essentiel de prévenir l’apatridie. […]

B.   Une prise de conscience par certains États concernÉs

Des États, accompagnés par la communauté internationale, ont souhaité mettre en œuvre des dispositifs « CRVS ». Un système est dit « CRVS » lorsqu’il prend en charge « lenregistrement des faits détat civil et létablissement de statistiques sur létat civil », traduction française de l’anglais Civil Registration and Vital Statistics (CRVS). Selon la définition donnée par les Nations unies, il s’agit donc d’un « mécanisme institutionnel, juridique et technique mis en place par le gouvernement pour effectuer lenregistrement des faits détat civil dune manière techniquement solide, rationnelle, coordonnée et normalisée, dans lensemble du pays, compte tenu des particularités socioculturelles de celui-ci » ([23]). Ce type de système est aujourd’hui de plus en plus recherché par des acteurs nationaux et encouragé par la communauté internationale.

1.   Les actions nationales

Le taux d’enregistrement des naissances a fortement progressé dans de nombreux pays, grâce à des réformes de fond. Quatre exemples seront présentés : la Côte d’Ivoire, le Maroc, la Serbie et l’Inde.

Le gouvernement ivoirien a engagé en 2018 une grande réforme de modernisation de l’état civil. Celle-ci doit rapprocher les bureaux d’état civil des populations, former davantage les agents d’état civil et dématérialiser les actes et les registres. De plus, la loi n° 2018-863 du 19 novembre 2018 relative à l’état civil prévoit des procédures pour régulariser la naissance ou l’identité des Ivoiriens qui n’ont pas d’acte de naissance, qui ont utilisé un faux ou dont l’acte de naissance figurait dans un registre détruit. Enfin, la réforme de l’état civil ivoirien inclut la création du Registre national des personnes physiques (RNPP) biométrique, qui doit permettre à chaque citoyen d’obtenir un numéro national d’identification et une carte nationale d’identité. Ce registre sera relié à l’état civil.

Au Maroc, le gouvernement a lancé en 2017 la campagne Je suis inscrit, donc jexiste, pour inscrire à l’état civil les enfants qui ne l’avaient pas été. Cette campagne a mobilisé trois types d’institutions : une commission ministérielle conjointe et des commissions régionales et provinciales. Ces institutions se sont déplacées pour mener des campagnes de régularisation. Les maternités ont également été mobilisées et la numérisation des documents, accélérée.

En Serbie, un dispositif intitulé Bébé, bienvenue au monde a été mis en place par le gouvernement en 2016. À la maternité, le nouveau-né est enregistré électroniquement et est relié au système de santé et aux aides sociales. Les parents reçoivent immédiatement les allocations auxquelles ils ont droit. D’après UNICEF Serbie, ce système s’est avéré efficace pour les familles les plus vulnérables, notamment au sein des communautés Roms.

Le gouvernement serbe finance également un réseau de soixante-quinze « médiatrices » auprès des communautés Roms. Ce sont des femmes, issues de ces communautés, payées par le ministère de la santé. Elles accompagnent les familles dans leurs démarches, principalement pour l’accès à la santé, mais également pour les procédures administratives et les inscriptions à l’école. Ces femmes ont cependant un statut de contractuel et sont peu payées, ce qui provoque un turn-over important.

Enfin, certains pays choisissent un enrôlement général de leur population, en utilisant généralement la biométrie ([24]), sans privilégier l’enregistrement des naissances, mais avec un impact qui peut être significatif sur l’existence légale des enfants plus âgés.

C’est le cas du programme Aadhaar en Inde qui a créé la plus grande base de données biométrique du monde (1,1 milliard d’Indiens enregistrés). Ce programme permet d’enregistrer les données biométriques d’une personne à partir de l’âge de six ans – les données pouvant évoluer lors des cinq premières années de l’enfant - et de la relier aux services sociaux et économiques.

Toutefois, les questions du renforcement de l’enregistrement des naissances et de la fiabilité de l’état civil, qui seraient des corollaires nécessaires, ne sont pour le moment pas jugées prioritaires par le gouvernement indien. L’exemple indien, très contesté quant à la sécurité des données collectées, permet donc de distinguer l’enrôlement et l’enregistrement des naissances. Outre ces grandes réformes, des solutions palliatives existent lorsque la naissance d’un enfant n’a pas été enregistrée dans les délais légaux : des régularisations sous forme de jugements déclaratifs. Ces jugements, appelés « audiences foraines », sont organisés dans de nombreux pays africains, souvent plusieurs années après la naissance de l’enfant. Un magistrat délivre un acte de naissance sur la foi d’un ou plusieurs témoignages, qui peuvent être corroborés par un médecin qui apprécie également l’âge de la personne concernée.

Une autre méthode a été déployée en Côte d’Ivoire. Les autorités ivoiriennes et l’UNICEF ont identifié plus de 1,6 million d’enfants sans extrait de naissance inscrits à l’école primaire et ont conçu une procédure de régularisation rapide. Les enfants étaient repérés par les directeurs d’école, qui remplissaient un dossier pour chaque enfant, puis une commission nationale composée de magistrats entérinait ces informations et délivrait rapidement des actes de naissance.

Il est toutefois important de rappeler que ces systèmes palliatifs ne peuvent suffire, comme l’a fait Mme Aicha Bah Diallo, présidente d’Aide et Action et ancienne ministre de l’éducation de Guinée, lors de son audition. Un dispositif permettant l’enregistrement systématique des enfants peu de temps après leur naissance doit être mis en place pour garantir à tous une identité juridique. En outre, les audiences foraines créent également un risque de fraude.

Une fois l’enregistrement ou la régularisation effectué(e), un état civil fiable et pérenne qui enregistre tous les faits d’état civil tout au long de l’existence est indispensable, ainsi que la centralisation et la protection des données.

C’est l’objet de plusieurs opérations de l’UNICEF qui accompagne les états de l’enregistrement à l’élaboration globale du système d’état civil.

2.   Les mobilisations régionales

Trois initiatives régionales démontrent la volonté croissante des États de partager leur expérience sur le renforcement de l’état civil.

La première initiative est latino-américaine : le Programme duniversalisation de lidentité civile dans les Amériques (Programa de Universalización de la Identidad Civil en las Américas [PUICA]), lancée en 2008 par lOrganisation des États américains (OEA) ([25]).

En août 2007, alors que près de 2 millions d’enfants latino-américains n’étaient pas enregistrés en Amérique latine chaque année, les représentants de dix-huit pays de la région, de l’OEA, de l’UNICEF et de Plan international, ont organisé à Asunción au Paraguay, la première Conférence régionale latino-américaine sur l’enregistrement des naissances et le droit à l’identité ([26]). Les participants ont adopté un plan régional pour l’amélioration de l’enregistrement des naissances en Amérique latine à l’horizon 2015.

En juin 2008, l’Assemblée générale de l’OEA a ensuite adopté le Programme interaméricain pour lenregistrement universel à létat civil et le droit à lidentité dans sa résolution 2362. Dans ce programme, l’OEA reprend les recommandations du plan élaboré lors de la Conférence régionale d’Asunción et fait de la question de l’enregistrement des naissances une priorité ([27]).

Le PUICA a alors été créé pour mettre en œuvre ces objectifs. Sous l’égide de l’OEA, il coordonne la coopération régionale et agit auprès des États membres en développant différents projets pour réduire le sous-enregistrement des naissances. De plus, en 2011, une seconde Conférence régionale a été organisée à Panama pour dresser un bilan des actions accomplies.

La seconde initiative régionale est africaine : il s’agit du Programme pour l’amélioration accélérée de l’enregistrement des faits d’état civil et de l’établissement des statistiques sur l’état civil en Afrique (the Africa Programme on Accelerated Improvement of Civil Registration and Vital Statistics, APAI – CRVS), créé en 2010.

Ce programme vise une meilleure sensibilisation de ces pays dans le cadre d’un partenariat régional, pour un traitement efficace de la question de l’état civil et le partage de bonnes pratiques.

L’APAI-CRVS est piloté par un groupe dirigé par la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA) ([28]). Il est composé également de la Commission de l’Union Africaine (CUA), la Banque africaine de développement (BAD), le Secrétariat du Symposium africain sur le développement de la statistique (SDSA), le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), le HCR, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’UNICEF, Plan international, le Réseau INDEPTH ([29]) et le Partenariat statistique au service du développement au XXIème siècle (PARIS21).

Des conférences des ministres africains chargés de l’état civil sont organisées tous les deux ans ([30]). Depuis 2012, ces conférences sont devenues une instance permanente de la Commission de l’Union africaine, sur décision prise lors de la neuvième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernements de l’Union africaine à l’été 2012.

Lors de la deuxième conférence, qui s’est tenue en septembre 2012 en Afrique du Sud, les ministres ont pris la résolution d’évaluer chacun leur système d’enregistrement à l’état civil et d’élaborer un plan national pour les améliorer. Dans les faits, seule la moitié des États ont achevé leur évaluation et mis en place de tels plans.

Pour y parvenir, ils avaient à leur disposition des guides pratiques réalisés par l’APAI-CRVS et pouvaient solliciter l’aide de la plateforme à tout moment. De manière générale, ce programme vise à assister au maximum les États africains qui souhaiteraient réformer leur état civil.

La quatrième conférence des ministres africains en charge de l’état civil, organisée en Mauritanie en décembre 2017, a déclaré le 10 août journée officielle de l’enregistrement des faits d’état civil et de l’établissement de statistiques sur l’état civil en Afrique ([31]).

Enfin, lors de la cinquième conférence qui s’est tenue en Zambie en octobre 2019, l’état civil a été consacré comme condition préalable et essentielle à la réalisation des objectifs énoncés dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

L’existence de cette mobilisation régionale est fondamentale pour l’établissement d’un système fiable d’enregistrement des naissances. Mais, malgré les progrès accomplis ces dernières années dans la réforme et l’amélioration des systèmes CRVS en Afrique, la note conceptuelle de cette cinquième conférence constate que « la plupart des pays ne disposent pas de systèmes CRVS qui fonctionnent bien et sont encore loin d’avoir atteint des niveaux adéquats de couverture et d’enregistrement complet des faits d’état civil. Seuls quelques pays ont réussi à maintenir un système d’enregistrement obligatoire et universel qui répond aux normes internationales et leur permet d’atteindre des taux d’enregistrement des naissances et des décès presque complets. L’absence de systèmes d’état civil solides et de preuves d’identité rend la plupart des pauvres de la région invisibles et marginalisés et limite de ce fait leur accès aux avantages socioéconomiques de leur pays ». La note présente les principaux freins au développement de l’état civil liés aux spécificités de chaque pays (présentés supra). Elle pointe aussi le manque de coordination des aides des partenaires, leur fragmentation, voire leur effet doublon. Ces points seront développés infra.

La troisième initiative régionale est asiatique : le programme « Faire en sorte que chacun soit compté » (Get everyone in the picture), approuvé le 28 novembre 2014 par une déclaration de la première conférence ministérielle sur l’enregistrement des faits d’état civil et l’établissement de statistiques sur l’état civil en Asie et dans le Pacifique, réuni à Bangkok, en Thaïlande.

Ce programme vise à coordonner et à améliorer, sous l’égide de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) ([32]), les actions et les initiatives des pays d’Asie et du Pacifique en matière d’enregistrement des faits d’état civil et de statistiques sur l’état civil.

Il est le résultat d’un processus enclenché par l’adoption des résolutions de la CESAP 67/12 en mai 2011 et 69/15 en mai 2013 ([33]). Cette dernière résolution fixe le cadre d’une amélioration de l’enregistrement des faits d’état civil et des statistiques de l’état civil en Asie et dans le Pacifique. Elle demande au Secrétaire exécutif de la CESAP de créer un groupe de pilotage régional chargé de mettre en place un Cadre d’action régional et d’organiser une conférence interministérielle régionale sur le sujet (avec notamment les ministres de la santé, les ministres chargés de l’état civil et des responsables des départements statistiques).

Conformément à cette résolution, la CESAP a ainsi créé, en septembre 2013, le Groupe directeur régional pour l’enregistrement des faits d’état civil et l’établissement de statistiques de l’état civil en Asie et dans le Pacifique (The Regional Steering Group for CRVS in Asia and the Pacific). Il est composé de représentants en charge de l’enregistrement des faits d’état civil de chacun des vingt-deux États membres ([34]) ainsi que de représentants de huit organisations partenaires : l’UNICEF, l’UNHCR, l’OMS, la Banque mondiale, le Groupe de l’Accord de Brisbane, Plan international, World Vision et Bloomberg Philantropies.

La première mission du Groupe directeur régional a été de superviser, entre décembre 2013 et juillet 2014, l’élaboration d’un projet de Cadre d’action régional sur l’enregistrement des faits d’état civil et les statistiques de l’état civil en Asie et dans le Pacifique (Regional Action Framework on Civil Registration and Vital Statistics in Asia and the Pacific) qui fixe trois objectifs. Ce Cadre a été approuvé le 28 novembre 2014 par la déclaration ministérielle « Faire en sorte que chacun soit compté ».

Cadre d’action régional sur l’enregistrement des faits d’état civil et les statistiques de l’état civil en Asie et dans le Pacifique (novembre 2014)

Objectif 1 : Enregistrement universel des naissances, des décès et d’autres faits d’état civil

Objectif 2 : Toute personne physique se voit délivrer des actes légaux de naissance, de décès et relatifs à d’autres faits d’état civil si besoin est, pour faire valoir son identité, son état civil et les droits qui en découlent

Objectif 3 : Des statistiques de l’état civil exactes, complètes et à jour (y compris sur les causes de décès) sont établies à partir des registres de l’état civil et sont diffusées.

Ce texte crée la « décennie de l’enregistrement des faits d’état civil et des statistiques de l’état civil dans la zone Asie-Pacifique », de 2015 à 2024 ([35]). Le Groupe directeur régional qui se réunit chaque année doit s’assurer de la réalisation des objectifs fixés par le Cadre.

Du 6 au 9 octobre 2020, une seconde conférence ministérielle, organisée à Bangkok au siège de la CESAP, fera le bilan du travail effectué lors des cinq premières années de cette décennie pour l’état civil, et fixera les objectifs pour les cinq années suivantes.

C.   Une volontÉ croissante d’agiR de la communautÉ internationale

1.   Des projets innovants mis en œuvre par les sociétés civiles nationales et internationales

a.   Un renforcement des moyens déployés

Ces dernières années, les sociétés civiles nationales et internationales se sont davantage mobilisées pour l’enregistrement des naissances et la délivrance d’acte de naissance. Outre le travail considérable de l’UNICEF (détaillé infra avec les autres moyens onusiens) et de Plan international ([36]), de très nombreuses ONG mènent des actions de terrain.

On peut par exemple citer le travail de sensibilisation des familles mais aussi des élus, des responsables de villages et des autorités locales et religieuses réalisé par Aide et action dans plusieurs pays africains.

De nombreuses associations participent également à l’organisation d’audiences foraines ainsi qu’au financement de bureaux d’état civil, de système d’enregistrement plus efficaces et de formations des agents d’état civil. C’est le cas de la communauté Sant’Egidio dans le cadre de son programme BRAVO ! (Birth Registration for All Versus Oblivion, un « Enregistrement des naissances pour tous pour éviter l’oubli »), créé en 2008 et qui agit notamment au Burkina Faso, en Guinée, au Malawi et au Mozambique.

Enfin, ces associations réalisent des actions de plaidoyer auprès des États concernés et de la communauté internationale pour la mise en place de systèmes CRVS et pour la gratuité de l’enregistrement. Pour Regards de femmes et l’Association du notariat francophone (ANF), ce plaidoyer passe également par l’organisation d’évènements et par des publications. Regards de femmes a créé un site internet dédié à l’enregistrement des enfants (www.etatcivil.pw) et M. Laurent Dejoie et M. Abdoulaye Harissou de l’ANF ont publié un livre intitulé Les enfants fantômes. Ils ont tous deux fortement contribué à faire connaître la thématique en France, en 2014.

b.   Des solutions technologiques variées

Plusieurs grandes entreprises participent à de vastes projets d’enrôlement de population. Ces projets doivent donc s’accompagner d’un strict contrôle de l’usage des données personnelles, notamment des données biométriques, pour éviter toute utilisation détournée, ainsi que d’un système de protection des réseaux informatiques efficace, pour éviter tout piratage.

En partenariat avec les gouvernements (et souvent dans le cadre du projet ID4D de la Banque mondiale présenté infra), des entreprises recueillent ([37]) des informations personnelles auprès des individus, notamment leurs données biométriques, qui sont ensuite réunies dans un registre national. Les sociétés IDEMIA et THALES, auditionnées dans le cadre du rapport, font partie des entreprises expertes en développement de solutions liées à l’identité numérique (vérification d’identité et système d’identification biométrique ; émission et personnalisation de documents physiques sécurisés) et de gestion de bases de données associées.

IDEMIA a par exemple travaillé avec le Bénin. Sur une population estimée initialement entre 10 et 11 millions de personnes, IDEMIA en a finalement enregistré 10,3 millions. Les personnes enregistrées ont ensuite bénéficié d’une carte d’identité et pour les adultes, d’une carte d’électeur.

En Inde, IDEMIA a également fourni les capteurs biométriques (iris, empreintes digitales) qui ont permis l’enregistrement de plus d’1,1 milliard de personnes résidant sur le territoire dans le cadre du programme Aadhaar.

Cet enregistrement n’est toutefois pas automatiquement relié à l’état civil, même si cela peut être le cas ([38]). En outre, il est parfois avant tout focalisé sur la population adulte. Avant l’âge de six ans, les données biométriques d’un enfant ne sont d’ailleurs pas considérées comme suffisamment fiables car elles évoluent.

Pour enregistrer malgré tout un nouveau-né, IDEMIA propose de donner un numéro unique aux parents en échange du nom, du (des) prénom(s) et d’une photo de l’enfant. L’enfant devra ensuite se représenter à l’âge de six ans pour que ses données biométriques soient enregistrées. En avril 2019, THALES indiquait réfléchir également à une solution d’enregistrement des naissances. Tous les pays qui utilisent la technologie biométrique n’ont toutefois pas recours à cet enregistrement après la naissance : certains privilégient un enrôlement de l’individu plus tard, lorsque les données biométriques de l’enfant apparaissent fiables, ou même à l’âge adulte.

Outre le fait que l’enrôlement par l’utilisation de la biométrie n’est pas systématiquement lié à l’enregistrement des naissances, l’utilisation des données biométriques présente un risque quant à la confidentialité des données et leur sécurité. Par définition, leur collecte est numérique et peut être « piratée ». Un mot de passe « hacké » peut être changé, des données biométriques captées, elles, sont immuables. La violation d’une donnée biométrique présente un risque plus élevé que pour n’importe quel autre type de données : les données biométriques ne peuvent être modifiées si elles sont subtilisées, contrairement aux autres types de données. C’est la raison pour laquelle les fichiers de centralisation des données biométriques suscitent un certain nombre d’interrogations et d’inquiétudes.

Une autre solution technologique pour lier l’enregistrement à l’état civil, a été conçue par M. Adama Sawadogo, un ingénieur burkinabé. Il s’agit d’un système particulièrement innovant, dénommé iCivil, qui permet à la maternité de préenregistrer les naissances en scannant un bracelet, attribué à chaque enfant, puis à l’officier d’état civil de délivrer un acte de naissance, avec le même procédé, lorsque les parents se présentent devant lui.

Pour développer son projet, M. Adama Sawadogo s’est associé à M. Francis Bourrières, le fondateur français de Prooftag, une entreprise spécialisée dans le développement de systèmes de sécurisation des documents et des produits basés sur la technologie du « code à bulles ».

Depuis 2015, iCivil permet de préenregistrer rapidement un enfant, qu’il habite dans la capitale ou dans une zone reculée et quelle que soit son origine sociale. Le risque de fraude est nul et toutes les déclarations aboutissent à un enregistrement en attente de validation. Ce système est également particulièrement pédagogique pour les différents acteurs qui participent à l’enregistrement de l’enfant : les sages-femmes, l’agent d’état civil, et bien sûr, les parents.

ICivil, un projet franco-burkinabè
d’enregistrement des naissances par bracelet « à bulles » et par SMS sécurisé

ICivil est un système dit « CRVS » qui permet de préenregistrer les naissances en scannant un bracelet spécial, attribué à chaque nouveau-né. Ce bracelet comporte un code à bulles unique, infalsifiable et imprévisible donnant naissance à un numéro national unique. La sage-femme utilise une application mobile sur un smartphone pour le scanner, puis un sms chiffré est envoyé au serveur national d’état civil.

Le système iCivil a d’abord été testé dans dix maternités pilotes et à la mairie de Ouagadougou au Burkina Faso, un pays où 2,3 millions d’enfants de moins de dix-huit ans n’étaient pas enregistrés à l’état civil selon la Banque mondiale (ID4D, 2018). Au cours de la première année d’expérimentation, qui s’est étendue d’août 2015 à juillet 2016, plus de 2 600 nouveau-nés ont été enregistrés grâce à ce système, soit une augmentation de 30 % par rapport aux années précédentes. Après quatre années d’expérimentation, le système a été étendu en janvier 2020 dans huit autres villes (quatorze centres d’état civil, quarante-neuf centres de santé). Un serveur national a été mis en place. Chaque mois, plus d’un millier d’enfants reçoivent désormais un acte de naissance. La Banque mondiale vient en outre d’annoncer le financement à court terme de la couverture intégrale de deux régions du pays.

Plusieurs autres pays, dont le Togo et la République démocratique du Congo (RDC) se sont également déclarés intéressés.

ICivil s’appuie sur une technologie innovante associant « code à bulles » et SMS chiffrés. Le code à bulles est une technologie d’authentification sécurisée développée par la société française Prooftag. Une empreinte chaosmétrique génère une constellation de bulles d’air aléatoires et uniques dans un polymère. Le code à bulles donne naissance à un numéro unique, infalsifiable et imprévisible.

Dans le cadre du système iCivil, des codes à bulles ont été positionnés sur des bracelets. Dès la naissance, la sage-femme place le bracelet sur le nouveau-né qui se voit donc attribuer un code à bulles correspondant à un numéro unique. Ce code est ensuite flashé par une application mobile puis envoyé, par SMS chiffré, au serveur national du registre d’état civil du pays. Ce processus fait office de pré-enregistrement. L’un des parents doit ensuite se rendre dans le centre administratif le plus proche pour obtenir un acte de naissance définitif. Après avoir flashé le bracelet à bulle et contrôlé son authenticité, l’officier d’état civil délivre l’acte.

Daprès Adama Sawadogo, 5 millions deuros sont nécessaires pour équiper tout le Burkina Faso, puis 802 000 euros par an pour les coûts récurrents de fonctionnement et déquipement (coûts des bracelets, de lenvoi SMS, etc.). Le coût global estimé par enfant est très faible, environ un euro.

Le projet est notamment soutenu par lUNICEF, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), la Banque mondiale mais également par lONG Global Alliance for Vaccines and Immunization (GAVI). En effet, en juillet 2018, cette dernière a choisi de travailler avec iCivil pour améliorer la couverture vaccinale en Afrique et Asie. Lors de la déclaration de la naissance, lagent de santé rentre le numéro de téléphone portable de la mère dans sa base de données. Les parents sont ainsi alertés des rappels de vaccination selon le calendrier de lOMS. Ainsi, le centre de vaccination peut scanner le bracelet à bulles de lenfant pour avoir accès à son carnet de vaccination numérique.

Les téléphones mobiles étant très répandus en Afrique ([39]), plusieurs autres projets les utilisent pour déclarer et enregistrer les naissances. De 2013 à 2015, Aide et Action a par exemple expérimenté une application mobile en partenariat avec la Sonatel, filiale d’Orange au Sénégal, et l’État sénégalais. Le téléphone portable du chef de village était utilisé pour entrer le nom, la date et le lieu de naissance de l’enfant, ainsi que le nom de ses parents. L’agent d’état civil du district, qui avait accès à toutes les déclarations réalisées par les chefs de village, attribuait ensuite un numéro de naissance et un numéro de registre. Le chef de village pouvait également vérifier sur son téléphone que les enfants qu’il avait déclarés étaient ensuite bien enregistrés à l’état civil. En 2016, le dispositif a également été expérimenté en Côte d’Ivoire.

La Banque mondiale cherche aujourd’hui à renforcer l’interopérabilité des différents systèmes mis en place avec l’aide des opérateurs téléphoniques.

2.   Une mobilisation croissante des organisations internationales

Outre la production de normes de droit international relatives à l’enregistrement des naissances (y compris du « droit souple »), les Nations unies ont également mené de nombreuses actions très concrètes pour favoriser l’enregistrement des naissances.

a.   L’Organisation des Nations unies

i.   L’action de l’UNICEF

Dans ce domaine, l’acteur majeur est par nature l’UNICEF, l’agence onusienne dédiée aux droits des enfants, qui intervient dans 190 pays.

L’UNICEF a joué un rôle majeur dans la promotion de l’enregistrement à l’état civil des enfants, grâce à trois actions principales :

– la publication de statistiques et de rapports sur l’enregistrement des naissances. Les rapports de 2013 et de 2019 ont été déjà évoqués. De manière plus générale, l’UNICEF entretient une base statistique la plus complète possible sur l’enregistrement des naissances. L’UNICEF étant la principale institution responsable du suivi des ODD concernant les enfants, ce suivi a vocation à être renforcé, pour surveiller l’atteinte de l’ODD 16.9 ;

– le plaidoyer en faveur de l’enregistrement des naissances auprès des États concernés par un enregistrement insuffisant, des bailleurs de fonds internationaux (dont la France) des organisations régionales (notamment l’Union africaine) et des grandes instances internationales, en particulier à New York et à Genève lors de la négociation des textes onusiens relatifs aux droits de l’enfant ;

– la mise en œuvre de projets très concrets et très divers destinés à renforcer l’enregistrement des naissances dans de nombreux États.

Le bureau UNICEF Sénégal donne un aperçu de la variété des actions que peut mener l’agence onusienne. Ce bureau aide le gouvernement sénégalais à renforcer les moyens institutionnels dont il dispose. Sur demande du ministère de l’éducation nationale sénégalais, il participe également à l’organisation d’audiences foraines et de jugements supplétifs pour régulariser des élèves sénégalais avant leur inscription au collège. UNICEF Sénégal mène aussi des campagnes de sensibilisation auprès de la population et des responsables communautaires.

UNICEF Sénégal propose par ailleurs deux types d’actions particulièrement innovantes.

Ce bureau est parti du constat que le Sénégal compte 689 centres d’état civil contre 3 000 centres de santé, et se caractérise par une couverture vaccinale de 96 %. En outre, les parents disposent d’un an pour déclarer la naissance de leur enfant. En conséquence, si l’enfant n’est pas déclaré à la naissance, les rendez-vous liés à la santé de la mère et de l’enfant, en particulier la vaccination, sont des occasions uniques pour sensibiliser les parents. UNICEF Sénégal a ainsi mis en place un dispositif de surveillance et d’appui à l’inscription des enfants à l’état civil via le carnet de santé de la mère et de l’enfant. L’enfant y est inscrit « déclaré » ou « non déclaré ». Les personnels de santé et les agents communautaires, préalablement formés par l’UNICEF, peuvent alors repérer un enfant non enregistré puis informer les parents sur les procédures d’enregistrement.

Entre 2014 et 2017, cette approche a permis d’augmenter de 44 % l’enregistrement de la naissance des enfants de moins d’un an dans les régions où elle a été promue, contre une progression de 3 % au niveau national.

En parallèle, l’UNICEF développe un projet visant à faire le lien entre l’enregistrement des naissances et les systèmes de protection sociale, dans trois pays : le Sénégal, la Guinée et le Niger. L’idée est d’accompagner les ménages les plus pauvres à réaliser les démarches pour enregistrer leurs enfants à l’état civil et à bénéficier des aides sociales qui leur sont destinées grâce à cet enregistrement.

ii.   La « Task force » sur l’identité juridique (LIA TF)

D’autres acteurs onusiens, dont le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Département des affaires économiques et sociales (DAES), sont également mobilisés sur l’amélioration de l’état civil. Le DAES a notamment révisé en 2013 ses Principes et recommandations pour un système de statistiques de létat civil ([40]), adoptés par la Commission statistique de l’ONU en 2014.

Conscient de la nécessité de coordonner enfin les différentes structures onusiennes concernées, le Secrétaire général des Nations unies, M. António Guterres, soutenu par la Secrétaire générale adjointe, Mme Aminata J. Mohammed, a créé le Groupe d’experts sur l’identité juridique (Legal Identity Expert Group, LIEG) en septembre 2018.

Ce groupe de travail, désormais dénommé Groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique (UN Legal Identity Agenda Task Force, LIA TF), est co-présidé par l’UNICEF, le PNUD et le DAES. Il est composé de quinze agences et institutions onusiennes ([41]) et deux commissions économiques régionales : la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) ([42]).

Le Groupe de travail de l’ONU pour l’agenda sur l’identité juridique

UN Legal Identity Agenda Task Force (LIA TF)

Le LIEG, qui devait initialement être une structure provisoire, a été pérennisé en 2019 et renommé Groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique (UN Legal Identity Agenda Task Force, LIA TF). Son objectif est de mettre en place l’Agenda des Nations unies pour l’identité légale (2020-2030), défendue par la Secrétaire générale adjointe de l’ONU. En d’autres termes, la LIA TF doit aider les pays membres de l’ONU en difficulté à atteindre les ODD 16.9 et 17.19 d’ici 2030, par des actions concrètes.

Treize pays ont été identifiés par la LIA TF pour y mener potentiellement des actions de renforcement de l’état civil : le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, la Guinée, le Kenya, le Liberia, le Mozambique, le Niger, le Nigeria, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, la Sierra Leone et la Zambie.

Un fonds (LIA multi-partner trust fund) a été créé pour financer les actions de ce groupe de travail. Il peut être abondé par les agences onusiennes membres du groupe de travail, mais aussi par des pays membres de l’ONU. Plusieurs pays, dont la Suisse, le Royaume-Uni et le Canada ont déjà manifesté leur intérêt. La France n’en fait pas encore partie.

Dans le cadre de ses actions, la LIA TF a pour mission de rassembler les acteurs et les moyens onusiens destinés au renforcement de l’état civil, mais aussi de renforcer la coordination avec la Banque mondiale.

Sur ce dernier point, il est intéressant de noter que la LIA TF a choisi une approche de l’identité légale qui est, selon ses termes, inclusive, universelle et basée sur le « cycle de vie » de l’individu : elle commence à la naissance et s’arrête à la mort. Selon cette approche, l’enregistrement officiel des enfants est donc aussi important que celui des adultes. La LIA TF se distingue alors de la Banque mondiale, qui privilégie souvent l’enregistrement des adultes, notamment au Nigeria.

À cet égard, la LIA TF a toutefois obtenu des différentes agences onusiennes et surtout de la Banque mondiale, une définition commune (même si présentée comme « onusienne ») de l’identité légale qui reconnaît que tout système d’identification de la population « devrait être lié au système denregistrement à létat civil afin dassurer une approche holistique de lidentité juridique, qui sétend de la naissance jusquà la mort » (voir introduction du rapport).

Dans le cadre du rapport, les responsables du PNUD et l’UNICEF en charge de groupe de travail ont été auditionnés. Ils ont su démontrer à quel point ce groupe de travail était prometteur en matière de coordination des moyens internationaux alloués à l’enregistrement des naissances.

iii.   L’action du HCR auprès des réfugiés

En 2014, le HCR a lancé une campagne intitulée Jexiste (I belong) qui a pour objectif de mettre fin à l’apatridie d’ici 2024. Le HCR propose un plan composé de dix actions, dont l’action 7 : « assurer lenregistrement des naissances afin de prévenir lapatridie ». L’enregistrement de la naissance d’un enfant est en effet une étape indispensable pour lui attribuer une nationalité, même si elle n’est pas suffisante.

Pour toutes les populations qui relèvent de sa compétence (déplacés internes, apatrides, réfugiés, rapatriés), le HCR promeut l’enregistrement des naissances. Dans les camps de réfugiés, le HCR enregistre ainsi les naissances dès qu’il en la capacité. C’est par exemple le cas dans les camps de Rohingyas à Cox’s Bazar, au Bangladesh ([43]).

Le HCR réalise de nombreuses actions de plaidoyer et d’assistance pour l’enregistrement de ces populations auprès des gouvernements qui les accueillent sur leur territoire. Le HCR a ainsi travaillé plusieurs années avec l’institution kenyane chargée de l’état civil pour qu’elle procède à l’enregistrement des naissances des réfugiés installés au Kenya. Des actions similaires ont été menées en Thaïlande où le HCR a fourni une assistance technique sur les procédures d’enregistrement des naissances des enfants birmans réfugiés.

b.   La Banque mondiale : le programme « ID4D »

La Banque mondiale est un des acteurs majeurs des programmes d’identification de la population. Elle souhaite donner une identité digitale à toutes les personnes qui ne peuvent pas prouver leur identité, soit plus d’un milliard de personnes dans le monde, dont la moitié en Afrique, selon ses chiffres. Elle cherche également à améliorer la qualité des systèmes d’identification existants.

Son initiative Identification pour le développement (Identification for Development, ID4D), créée en 2015, soutient des programmes d’identification numérique – dont des programmes associés au renforcement de l’état civil – dans une quarantaine de pays qui ont sollicité son aide.

Depuis 2016, le fonds fiduciaire multi-donateurs (MDTF) ID4D a été alimenté à hauteur de 45 millions de dollars américains par des acteurs privés (la Fondation Bill et Melinda Gates et le Réseau Omidyar) et par les gouvernements australien et britannique. Il pourrait prochainement recevoir un financement français (15 millions de dollars). Ces financements ont permis un travail d’analyse et de conseil auprès des pays concernés, et de mobilisation de la communauté internationale. In fine, ils ont conduit à la mobilisation de 1,2 milliard de dollars américains (actifs ou en attente d’utilisation) via les deux organismes prêteurs de la Banque mondiale : l’Association internationale de développement (IDA) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). Ces deux organismes accordent des prêts et/ou des subventions aux gouvernements des pays pour la mise en œuvre des projets ([44]). Ces fonds peuvent être complétés par d’autres organisations internationales de développement.

Le projet le plus conséquent est au Nigeria. Il apporte un financement de 430 millions de dollars américains – dont 100 millions prêtés par l’Agence française de développement (AFD) – sur six ans (2020-2025).

Un projet ID4D commence généralement par une première phase de dialogue avec le pays et de diagnostic, réalisée par des experts. Un conseil et une assistance techniques et juridiques sont ensuite proposés au pays pour la conception et la mise en œuvre du système d’identification. La Banque mondiale travaille avec des pays qui ne disposent pas encore de système d’identification de base – c’est le cas de la Somalie – mais aussi avec des pays qui souhaitent moderniser ou étendre leur système d’identification numérique – tel que le Maroc et le Nigeria. La Banque mondiale fournit notamment des préconisations sur le choix des technologies (en matière de biométrie, de cybersécurité, etc.), le cadre légal et réglementaire associé au système d’identification, ainsi que sur l’amélioration des liens avec la prestation de services.

La Banque mondiale assure enfin une mission de plaidoyer à l’échelle internationale et de coordination des différents acteurs impliqués sur la thématique. L’élaboration des Principes généraux sur lidentification pour un développement durable, avec la participation de vingt-six organisations (dont l’UNICEF, le PNUD, le HCR, la Banque africaine de développement ou la Secure Identity Alliance), en est un exemple. La Banque mondiale est aussi à l’origine de vingt-cinq rapports et guides pratiques sur l’identification numérique et lance chaque année une compétition, appelée la « mission milliard » (Mission Billion) qui récompense un projet innovant.

Les initiatives de la Banque mondiale portent toutefois avant tout sur l’identification numérique, et ne portent pas toujours sur l’enregistrement à l’état civil, ce qui est un vrai manque. L’enregistrement à l’état civil est souvent associé au projet, mais parfois seulement dans un deuxième temps (ce sera par exemple le cas pour le projet au Nigeria, auquel l’AFD participe). En outre, les projets financés par la Banque mondiale concernent souvent en priorité les adultes, même si les enfants peuvent aussi être inclus.

c.   Le réseau francophone

L’OIF, composée de cinquante-quatre États et de gouvernements membres, dont vingt-cinq pays sont situés en Afrique subsaharienne ([45]) avec des taux d’enregistrement des naissances très souvent insuffisants, a vocation à être une enceinte de promotion majeure du renforcement de l’état civil.

La Secrétaire générale de la francophonie, Mme Louise Mushikiwabo, a décidé de placer la question des enfants sans identité au rang de priorité de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Cette question était déjà suivie depuis plusieurs années par l’organisation internationale et plusieurs projets ambitieux déjà réalisés. Un guide très complet a notamment été développé.

Les actions de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)
en faveur du renforcement de l’état civil

L’OIF a tout d’abord publié en 2014 un Guide pratique pour la consolidation de létat civil, des listes électorales et la protection des données personnelles. Ce guide a été écrit en collaboration avec l’Association du notariat francophone (ANF), l’Association francophone de protection des données personnelles (AFAPDP) et le Réseau francophone des compétences électorales (RECEF).

L’organisation internationale mène également des missions d’expertise pour améliorer les systèmes d’état civil dans des pays volontaires. Elle en a réalisé en Guinée en décembre 2016 et au Niger en avril 2017, par exemple. Elle cofinance également des projets d’ONG, tels que la plateforme numérique www.etatcivil.pw de l’association Regards de femmes.

L’OIF participe enfin à divers forums internationaux qui évoquent la question de l’état civil, ainsi qu’à des actions de communication, tel que le reportage de LCP évoqué supra.

L’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) ([46]) s’est quant à elle engagée, dans son Cadre stratégique 2019-2022, à faire de l’espace francophone la première zone « zéro enfant sans identité ».

Plusieurs actions ont été menées par l’APF, dont une proposition de loi-cadre que peuvent reprendre à leur compte les gouvernements francophones.

Les actions de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF)
en faveur du renforcement de l’état civil

L’APF travaille sur le renforcement de l’état civil depuis 2013.

En avril 2015, Laurence Dumont a organisé sous l’égide de lAPF un colloque à lAssemblée nationale « Les enfants sans identité, un enjeu politique et civique ».

Cet évènement a permis de rassembler d’éminentes personnalités et organisations qui travaillent sur ce thème : M. Robert Badinter, ancien ministre et ancien président du Conseil constitutionnel, Mme Michèle Barzach, Présidente de lUNICEF France, Mme Isabelle Falque-Pierrotin, secrétaire générale de lAssociation francophone des autorités de protection des données personnelles et présidente de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), mais aussi des représentants de différentes ambassades, de lAssociation du notariat francophone et des principales ONG agissant dans ce domaine. Mme Claudine Lepage, sénatrice, vice-présidente de la commission des affaires parlementaires de lAPF, a présidé lune des deux tables rondes. Au-delà du constat, lenjeu est de créer des synergies entre les États, les organisations internationales et les associations afin de trouver les méthodes permettant la mise en place dun état civil fiable et consolidé.

À la suite de ce colloque, Mme Dumont a souhaité poursuivre cette réflexion par la rédaction dun rapport et dune résolution, présentés lors de la session plénière de lAPF à Berne, en juillet 2015. La proposition de résolution sur la nécessité de garantir un état civil à tous les citoyens, sans discrimination, et dencourager la gratuité de lenregistrement des naissances a été adoptée à lissue de la session.

À Paris, le 11 février 2019, le Secrétaire général parlementaire de l’APF, M. Jacques Krabal, a par ailleurs organisé une conférence dédiée aux enfants sans identité, en présence de l’UNICEF, d’ONUSIDA et de l’OIF.

Le 27 février 2019, à Hanoi, le Réseau des femmes parlementaires francophones et la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles (CECAC), publiait également une déclaration conjointe sur les enfants sans identité.

L’APF est enfin à l’origine d’une proposition de loi-cadre relative à lenregistrement obligatoire, gratuit et public des naissances ainsi quà la reconnaissance juridique des enfants sans identité (8-9 juillet 2019, Abidjan). Cette loi-cadre est un document dont les pays peuvent s’inspirer. D’après son exposé des motifs, elle « a pour but de mettre à disposition des parlements francophones qui le souhaitent, un outil indicatif, adaptable selon les pays, pour créer ou améliorer leur cadre législatif en vue de reconnaître juridiquement des enfants sans identité́ et de développer un enregistrement obligatoire, gratuit et public des naissances ».

 

D.   Une action de la France À construire

1.   L’action des services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

a.   Les services du ministère impliqués

La question des enfants sans identité est aujourd’hui traitée de manière très éclatée au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), auditionné dans le cadre de ce rapport. Les services impliqués sont les suivants :

– la Mission de la gouvernance démocratique, qui fait partie de la direction du développement durable, au sein de la direction générale de mondialisation (DGM) : sur la question de l’état civil, elle définit les positions françaises dans le cadre de la politique d’aide au développement, développe des partenariats avec des instances multilatérales, suit les projets mis en œuvre par les opérateurs publics français de développement (AFD, CIVIPOL), mais aussi coordonne l’action des différents services du ministère.

Depuis le mois de septembre 2019, une rédactrice s’est vue confier un nouveau portefeuille regroupant les questions de la justice et de l’état civil. Elle doit proposer une cartographie des actions mises en œuvre et assurer une plus grande coordination entre les services du ministère sur l’état civil. Ce dernier est toutefois traité sous tous ses aspects (enregistrement des naissances/des décès/des mariages, enjeux électoraux, migrations, protection des données personnelles etc.).

Si la création de ce poste est une amélioration notable, elle n’apparaît pas à la hauteur de l’enjeu que représentent les enfants sans identité en matière de développement ;

– la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de lhomme et de la francophonie : la sous-direction des droits de lhomme et des affaires humanitaires (NUOI-H), sur les questions des droits de l’enfant et de l’apatridie, et la délégation aux affaires francophones (NUOI/FR), pour l’appui aux actions menées par l’OIF ;

– le Centre de crise et de soutien (CDCS) : le Centre des opérations humanitaires et de stabilisation (CDCS/COHS) soutient des initiatives pour améliorer l’accès à l’état civil, y compris pour les enfants ;

– les postes diplomatiques, qui suivent également les projets dans les divers pays concernés ;

– la délégation pour laction extérieure des collectivités territoriales (DAECT), au sein de la direction générale de la mondialisation (DGM) : elle appuie les actions de coopération décentralisée touchant à l’état civil ;

– la direction de la coopération de sécurité et de défense (la DCSD), au sein de la direction générale des affaires politiques et de sécurité : de manière très indirecte puisque dans le cadre de son travail de soutien à la lutte contre la fraude documentaire, elle se doit de se coordonner avec les projets de renforcement de l’état civil.

b.   Les actions de plaidoyer dans les enceintes multilatérales

La France participe à la négociation et à la promotion des grands textes consacrés aux droits de l’enfant, qui mentionnent le droit à l’identité juridique. Elle promeut par exemple la ratification par tous les États membres de l’ONU de la convention internationale relative aux droits de lenfant (CIDE) ([47]), ou encore la réalisation des ODD, dont les ODD 16.9 et l’ODD 17.19.

Elle présente avec les autres États membres de l’Union européenne une résolution au Conseil des droits de l’homme à Genève et à l’Assemblée générale des Nations unies à New York sur les droits des enfants, traditionnellement adoptée par consensus. Dans ces résolutions, dont celle adoptée en décembre 2019, l’AGNU réaffirme systématiquement le droit à la préservation de l’identité et l’importance de l’enregistrement des naissances.

Au-delà de préconisations générales sur les droits de l’enfant, la France n’a toutefois pas à ce jour d’actions de plaidoyer dédiées à l’enregistrement des enfants et à la délivrance d’actes de naissance pour ces derniers.

c.   L’appui aux organisations internationales concernées

Le MEAE contribue tout d’abord au budget général de l’UNICEF (16,8 millions d’euros donnés par la France en 2018), qui est l’agence onusienne la plus engagée pour l’enregistrement des naissances. Il finance également d’autres agences onusiennes impliquées, telles que le HCR (34 millions d’euros en 2019) qui participe à l’enregistrement des réfugiés et des déplacés. Aucune somme n’est toutefois fléchée spécifiquement pour l’enregistrement.

Le MEAE soutient les activités du réseau francophone. Si la France ne flèche pas stricto sensu ses contributions volontaires à l’OIF (8,2 millions d’euros en 2019) et à l’APF (160 000 euros en 2019), elle indique néanmoins, dans un courrier adressé à leurs responsables, les priorités françaises et les actions qu’elle souhaite voir menées. Dans le courrier de 2019 envoyé à l’APF, elle a ainsi demandé à l’assemblée parlementaire de poursuivre son action en matière d’état civil. Dans celui destiné à l’OIF, la France était toutefois beaucoup moins précise, puisqu’elle demandait que soient renforcées les actions menées en faveur de la paix, de la stabilité et de la défense des droits de l’homme.

La France soutient le maintien à l’ordre du jour de l’agenda francophone de l’amélioration des systèmes d’état civil et encourage la négociation de résolutions sur cette thématique. En octobre 2019, la France est par exemple intervenue lors de la conférence ministérielle de Monaco pour encourager un renforcement de l’action de la francophonie en la matière.

Par ailleurs, dans le cadre de l’appel à projet conjoint du MEAE et de l’OIF intitulé La société civile francophone engagée pour les objectifs de développement durable, l’Observatoire Pharos a bénéficié d’une subvention de 12 000 euros pour organiser une journée de réflexion sur la question des enfants sans identité. Une journée de conférence, organisée en partenariat avec l’OIF et la Conférence des OING de la francophonie, a ainsi été organisée le 28 novembre 2019 à l’Assemblée nationale.

d.   Le financement et le suivi de projets par l’administration centrale

La Mission de la gouvernance démocratique (MGD) assure le suivi de projets d’appui à l’état civil mis en œuvre par les opérateurs publics français. Outre les actions de l’AFD (détaillées infra), elle suit également les actions de CIVIPOL, placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur.

À travers son action de stabilisation dans les zones post-crise, le Centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) du Centre de crise et de soutien (CDCS) soutient également des initiatives pour améliorer l’accès à l’état civil, y compris pour les enfants, même si ce n’est pour l’instant pas l’objectif premier des projets.

En République centrafricaine, dans les préfectures de Nana-Mambéré et de Mambéré-Kadéï, le CDCS finance un projet de l’ONG Avocats Sans Frontières Belgique qui vise à améliorer l’accès à la justice pour les personnes vulnérables. Pour parvenir à cet objectif, les membres de l’ONG participent à l’organisation d’audiences foraines dans les localités de Bangui, Berberati et Bouar. Depuis son démarrage en 2018, cette action a notamment permis la délivrance de plus de 860 actes d’état civil (majoritairement des orphelins et des enfants démunis).

Au Niger, le COHS soutient un projet d’appui à la stabilité qui doit favoriser l’accès à la citoyenneté dans les zones frontalières de la région de Tillabéri, en partenariat avec la Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP). Ce projet utilise également les audiences foraines.

e.   Le financement et le suivi de projets par les postes diplomatiques

Les postes diplomatiques français peuvent réaliser ou financer des projets d’amélioration de l’état civil, seuls ou, idéalement, en lien avec la MGD. Au Cameroun, la France anime des ateliers de renforcement des compétences des communes dans l’Extrême-Nord (100 000 euros en 2019) au cours desquels la bonne gestion de l’état civil est abordée.

Les postes diplomatiques peuvent également prendre part au plaidoyer en faveur de l’enregistrement des naissances. Au Congo, l’ambassade a participé en 2019 à un séminaire de l’APF qui portait notamment sur les enfants sans identité.

f.   La coopération avec les pays frontaliers de la France

Une coopération existe avec le Suriname, pays frontalier de la collectivité territoriale Guyane, mais demeure encore insuffisante face au nombre d’enfants surinamais qui naissent sur le sol français (ces naissances ont essentiellement lieu dans la maternité de Saint-Laurent-du-Maroni). En avril 2019, une réunion a été organisée sur cette thématique à Paramaribo au Suriname, associant les autorités de ce pays, les représentants des services de Guyane (sous-préfecture, tribunal de grande instance, mairie de Saint-Laurent-du-Maroni) et la mission de Mme Dominique Voynet et M. Marcel Renouf chargée de redéfinir la politique sanitaire à Mayotte et en Guyane. Une des avancées est la création en 2019 d’un bureau d’état civil au Centre hospitalier de l’ouest guyanais (CHOG) à Saint-Laurent-du-Maroni, destiné à soulager les autres bureaux d’état civil de Saint-Laurent-du-Maroni et à renforcer l’enregistrement des naissances.

On peut également évoquer un accord en cours de négociation entre la France et l’Union des Comores qui vise à favoriser la réunification des familles séparées dans les îles de l’archipel des Comores, dont Mayotte. L’accord prévoit la mise en place d’un dispositif de reconstitution des familles séparées par un échange d’informations sur l’état civil des mineurs en danger, la localisation de leurs représentants légaux et tout renseignement sur leurs conditions d’existence, et les bonnes conditions de leur accompagnement. Cet accord a toutefois peu de chances d’aboutir compte tenu des relatives tensions diplomatiques entre les deux pays, et malgré les efforts de la France pour améliorer la situation ([48]).

2.   L’Agence française de développement

L’AFD participe de manière très indirecte à des programmes de renforcement de l’état civil.

Au Nigeria, elle participe au projet de la Banque mondiale et de la Banque européenne d’investissement destiné à créer en cinq ans un identifiant numérique unique fiable pour 150 millions de Nigérians (contre 30 millions en 2018, sur une population alors estimée à 190 millions de personnes) et à concentrer les données dans une grande base de données numérique. Cet identifiant permet ensuite d’accéder à des services publics (notamment les aides sociales) et privés (bancaires essentiellement). Le projet comprend une évolution du cadre légal et réglementaire consacré à l’état civil et à la cybersécurité ainsi que la création d’une autorité de régulation.

L’engagement de l’AFD est indirect mais élevé : il s’agit d’un prêt de 100 millions de dollars américains au Nigeria. Ce projet concerne toutefois pour l’instant uniquement l’enrôlement numérique. Il ne fait pas nécessairement le lien avec l’état civil (même si l’AFD a pu le recommander dans une étude parue en juillet 2018, et si des projets pilotes sont en cours de création, notamment avec l’UNICEF et le HCR, pour les réfugiés) et n’est pas dédié uniquement aux enfants. La phase 2 du projet, qui débuterait en 2024 et s’étendrait sur trois années, pourrait être davantage concentrée sur l’intégration des données numériques avec le système d’état civil nigérian. Il n’est toutefois pas sûr que l’AFD participe à cette deuxième phase.

L’équipe projet numérique du département Transitions énergétiques et numériques de l’AFD a précisé en audition qu’un deuxième projet lié à l’identification numérique serait financé par l’AFD en Éthiopie.

En Mauritanie, l’AFD, dans le cadre de l’Alliance Sahel et en collaboration avec la Banque mondiale et avec le Royaume Uni, apporte un appui technique et financier dans la mise en œuvre d’un programme de transfert monétaire. En échange de transferts réguliers d’argent sur une période de cinq ans, des familles pauvres s’engagent à enregistrer leurs enfants à l’état civil et à les scolariser, à leur fournir une alimentation adéquate, et à utiliser les services de santé. 100 000 ménages sont visés par le programme d’ici la fin de l’année 2020. L’AFD a investi 2 millions d’euros.

Au Sénégal, l’AFD appuie le plan sectoriel de l’éducation, à hauteur de 70 millions d’euros (dont 25 millions d’euros en prêt), en cofinancement avec le Partenariat mondial pour l’éducation (PME). Parmi les indicateurs de suivi conditionnant le décaissement des financements figure « la diminution du pourcentage délèves en école élémentaire ne disposant pas de pièces détat civil, grâce à leur prise en charge par les écoles ». L’AFD a par ailleurs versé en 2015 à l’UNICEF Sénégal une subvention d’un montant de 1,5 million d’euros visant à renforcer le système d’information sanitaire et l’augmentation de l’enregistrement des naissances dans les régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. Environ 400 000 enfants âgés de moins de cinq ans ont été ciblés par ce projet.

Enfin, dans le dispositif « Initiatives ONG » géré par l’AFD, plusieurs projets intègrent une dimension « état civil » même si ce n’est pas leur objectif principal (scolarisation des enfants, accès au foncier…). C’est le cas d’un projet de l’association Actions de terrain, intégration et autonomie (ATIA) à Madagascar destiné à améliorer l’insertion sociale, l’accès à la santé et l’éducation des familles vulnérables. Si l’état civil est une dimension du projet, ce n’est toutefois là non plus pas son objectif central.

3.   CIVIPOL

CIVIPOL est un opérateur du ministère de l’Intérieur qui a pour mandat de contribuer à la coopération technique française dans le domaine de la sécurité, dans un cadre européen et en s’appuyant sur des financements internationaux (environ 50 millions d’euros au total pour le domaine de l’état civil). Le ministère de l’Intérieur ne finance pas CIVIPOL mais exerce un contrôle continu de ses activités.

Des projets de renforcement et d’informatisation des systèmes d’état civil (non destinés spécifiquement à l’enregistrement des enfants) sont aujourd’hui mis en œuvre par CIVIPOL en Côte d’Ivoire (2020 : 450 000 euros et 2020-2022 : 5 millions d’euros), au Mali (2018-2021 : 25 millions d’euros) et au Sénégal (2018-2019 : 688 500 euros, 2020-2023 : 17 millions d’euros), sur financement du fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique de l’Union européenne. Un projet financé par le fonds européen de développement à hauteur de 4,5 millions d’euros pour la réforme de l’état civil en République centrafricaine est en cours de préparation et devrait démarrer au début de l’année 2021.

Ces projets ont notamment pour but de créer des fichiers nationaux d’identité biométriques sécurisés, interconnectés avec les centres d’état civil.

Depuis juin 2018, CIVIPOL soutient également l’organisation de campagnes de rattrapage d’enregistrement des naissances en République démocratique du Congo (RDC). Ce projet sur trois ans est financé par la Banque mondiale. L’objectif est de donner un acte de naissance à 2,4 millions d’enfants inscrits dans les établissements scolaires. CIVIPOL mobilise huit experts et collabore avec Caritas, le FNUAP, DIGITECH, IDEMIA et TRANSTEC ainsi qu’avec les ministères congolais concernés. Les enfants seront enregistrés dans une base de données centralisée qui permettra le suivi et la mise à jour des dossiers. Les méthodes et les moyens utilisés devront servir de base à l’établissement d’un système national d’état civil congolais, voué à être numérisé. Un second projet d’appui à la réforme de l’état civil est également mis en œuvre par CIVIPOL depuis 2018 sur financement de la Banque mondiale à hauteur de 5 millions de dollars.

En matière de coopération interministérielle, CIVIPOL travaille essentiellement avec la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne située à Bruxelles et avec le Secrétariat général des affaires européennes (SAGE). Ses relations avec la DGM, qui concernent surtout la « task force » française du fonds fiduciaire d’urgence et encore peu la MGD, mériteraient d’être approfondies.

4.   La coopération décentralisée

Les services de deux communes françaises ont été auditionnés : La Roche-sur-Yon (50 000 habitants) et Grenoble (160 000 habitants). Ces deux villes réalisent des actions de coopération décentralisée en matière d’état civil.

La Roche-sur-Yon collabore avec la ville sénégalaise de Tambacounda (plus de 80 000 habitants pour la ville, 790 000 pour la région qui l’entoure). Cette coopération consiste en des réunions de travail sur l’état civil, fondée sur le partage d’expérience, et des formations. Une délégation de La Roche-sur-Yon s’est rendue quelques jours à Tambacounda en novembre 2012, avant que le chef de la division de l’état civil de cette ville ne se déplace en Vendée au printemps 2013. Plusieurs pistes d’amélioration de l’état civil de Tambacounda ont alors été définies, par exemple l’uniformisation de tous les formulaires ou la réforme du statut de l’agent d’état civil (faire disparaître le bénévolat dans les communes rurales).

Enfin, en 2018 en 2019, deux sessions d’une semaine de formation ont été organisées : la première à La Roche-sur-Yon pour deux agents d’état civil de Tambacounda (établissement des actes d’état civil, archivage des registres, sécurisation, utilisation des logiciels, relations avec l’autorité judiciaire et le ministère des affaires étrangères, etc.), la seconde dans la commune sénégalaise pour deux agents d’état civil de La Roche-sur-Yon.

La mairie de Grenoble coopère quant à elle avec la ville burkinabé de Ouagadougou (plus de 2,7 millions d’habitants, avec une forte croissance démographique). Comme pour la mairie de La Roche-sur-Yon, les échanges consistent en un partage d’expérience et des formations. Des missions ont été organisées dans chacun des territoires : à Ouagadougou en 2012, à Grenoble en 2009 et 2018. Lors de la dernière mission, il était prévu qu’un agent de Ouagadougou suive en France une formation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) intitulée « Gestion et organisation d’un service population », mais celle-ci a été annulée faute de participants en nombre suffisant. Enfin, en 2017, Grenoble a soutenu l’acquisition de matériel informatique pour le service de l’état civil de la ville partenaire à hauteur de 6 000 euros, afin d’accélérer le traitement des demandes des usagers.

Daprès ces deux villes françaises, ce type de coopération est particulièrement intéressant pour les fonctionnaires français en charge de létat civil. Cela permet tout dabord pour les agents de questionner les pratiques et les procédures, pour éventuellement les améliorer. Dun point de vue managérial, la coopération décentralisée permet aussi de valoriser le travail des agents détat civil. Enfin, pour la gestion des registres détat civil français, ces échanges permettent de mieux comprendre les noms dorigine africaine.

Ce type de coopération décentralisée peut être financé en partie par la délégation pour laction extérieure des collectivités territoriales (DAECT), du ministère de lEurope et des affaires étrangères. La mairie de Grenoble a ainsi reçu une enveloppe de 75 000 euros sur trois ans pour ses actions de coopération avec la ville de Ouagadougou (qui ne se limitent pas à létat civil). De même, la mairie de La Roche-sur-Yon avait également reçu un financement de la DAECT entre 2010 et 2012 pour sa coopération avec Tambacounda.

Dautres projets liés à létat civil ont été financés par la DAECT avec Nantes (coopération avec la ville sénégalaise de Rufisque), la communauté de communes de la rive gauche de la Vienne (préfecture de Bané au Burkina Faso), le conseil départemental de la Vienne (plusieurs communes burkinabè) et la communauté dagglomération Chalon Val de Bourgogne (communauté de communes du Plateau, au Bénin). Ces projets sont toutefois tous achevés aujourdhui.

Selon une information transmise par le ministère de lEurope et des affaires étrangères, la DAECT pourrait également offrir son assistance pour aider à recruter des experts territoriaux dans des programmes dassistance en matière détat civil. Le ministère a donné deux exemples : la Côte dIvoire où CIVIPOL va assister le gouvernement ivoirien (avec un financement européen) et lAngola où lambassade de France a été saisie dune demande dinformation sur la tenue des registres détat civil.

Dautres pays utilisent également la coopération décentralisée en matière détat civil. Selon lassociation Cités unies France (CUF), auditionnée dans le cadre de ce rapport, cest le cas de la ville belge de Roselaere et dune ville béninoise. Lenregistrement des naissances a été considérablement amélioré dans cette dernière grâce à un meilleur suivi et une meilleure sensibilisation des femmes enceintes par les services municipaux.

E.   des actions encore insuffisantes et peu efficaces, notamment en france

1.   L’insuffisante priorité accordée par les États comme par la communauté internationale à l’état civil

L’enregistrement et la délivrance d’un acte de naissance ne sont pas une priorité dans de nombreux États, en particulier en Afrique. Certains hommes politiques souhaitent enregistrer la population pour disposer d’un registre électoral, mais ne se préoccupent pas nécessairement de l’enregistrement des enfants.

Les opérations d’enrôlement en fort développement et largement financées par la communauté internationale, dont la France, concernent de façon encore marginale la déclaration des naissances et l’octroi d’un acte d’état civil. Elles posent, par ailleurs question quant à la sécurité des données collectées, celles-ci étant le plus souvent biométriques.

Les pays qui enregistrent une naissance ne délivrent pas non plus toujours une preuve officielle de cet enregistrement. Ainsi, malgré les progrès réalisés en Inde pour enregistrer la population, très peu dactes de naissance sont délivrés dans le pays.

Si la mobilisation de la communauté internationale est croissante, elle a été très progressive et demeure encore insuffisante, face à lenjeu majeur que représente cette thématique en termes de développement. Léchelle des projets financés est encore trop petite : ils sont trop souvent centrés sur une ville ou une région, plutôt que sur un pays.

Ces projets concernent essentiellement l’enregistrement de la naissance, mais ne comprennent pas toute la chaîne de création d’un état civil fiable.

En France, le sujet est largement méconnu de la population française. À de nombreuses reprises, en dehors des auditions, les rapporteures ont fait découvrir le sujet à leurs interlocuteurs. Seuls les ONG et les bureaux des agences onusiennes, en particulier celles qui soccupent des enfants, ont en France une véritable expertise sur le sujet.

Les institutions françaises elles-mêmes nont souvent pas connaissance du sujet, ou une connaissance très partielle. En conséquence, elles y consacrent peu de moyens financiers et humains. Au ministère de lEurope et des affaires étrangères, la création très récente dun unique poste dont une partie seulement du portefeuille est consacrée à létat civil, est emblématique. Si ce poste est une amélioration notable, il apparaît insuffisant face à limportance du sujet.

2.   Le manque de coordination des initiatives nationales et internationales

Les projets en matière détat civil sont encore très disparates, même lorsquils utilisent les technologies numériques qui pourraient apporter une certaine standardisation. Les projets numériques sont en effet très nombreux et peu coordonnés, alors quils utilisent souvent des technologies proches (un téléphone portable avec une application mobile). Souvent, un pays développe son propre système, sans prendre en compte les bonnes pratiques utilisées dans les pays voisins.

De plus, au sein des États, plusieurs ministères (intérieur, santé, justice) et plusieurs services de ces derniers travaillent parfois en même temps sur les thématiques liées à létat civil, mais sans coordination. Cest encore le cas dans de nombreux pays africains.

Les bailleurs internationaux communiquent également peu entre eux. Le « Groupe de travail pour lagenda sur lidentité juridique » (LIA TF) créé par lONU pour renforcer la coordination entre les différents acteurs, est encore relativement méconnu. Les rapporteures ont évoqué ce groupe de travail avec plusieurs ONG françaises et américaines, mais aucune ne le connaissait. Toutes reconnaissaient toutefois le caractère indispensable de ce projet.

Pour être efficace, la LIA TF devra par ailleurs bénéficier de moyens financiers et humains plus conséquents. Ceux-ci sont encore aujourdhui très limités.

En parallèle du manque de coordination, les bailleurs internationaux ont également parfois des approches différentes. Ainsi, alors que le projet ID4D de la Banque mondiale, auquel participe l’AFD pour le Nigeria, privilégie lenrôlement des adultes à lenregistrement des enfants et à la délivrance dun acte de naissance à ces derniers, lUNICEF insiste sur la nécessité dinclure lenregistrement des naissances et la délivrance dun acte associé dans tous les projets qui concernent létat civil. La France doit impérativement défendre la même position que l’UNICEF.

Enfin, en France, les initiatives de promotion de létat civil restent l’apanage des ONG et associations et sont encore très largement dispersées. Aucun dialogue régulier n’est instauré entre les acteurs.


III.   Une mobilisation DE LA FRANCE indispensable

A.   AXE 1 : Un devoir d’exemplaritÉ sur le territoire national

L’action de la France en matière d’aide à l’enregistrement à l’état civil des enfants ne pourra être efficace que si la France apparaît crédible sur cette thématique, c’est-à-dire si elle est elle-même exemplaire sur son territoire. Elle pourra alors transmettre son expérience en matière d’état civil aux autres pays, qui ne disposent pas encore de système dit « CRVS », dans le cadre de coopérations bilatérales et multilatérales.

1.   Renforcer l’état civil en Guyane et à Mayotte et la coopération avec les pays limitrophes

Il nest pas nécessaire dallonger le délai de déclaration des naissances en Guyane. Le passage de trois à cinq jours en 2016, et à huit jours dans certaines communes de lOuest guyanais en 2017, apparaît suffisant.

En Guyane comme à Mayotte, les services publics de létat civil doivent néanmoins être renforcés pour faire face à la pression démographique. Une dotation spécifique doit être apportée par lÉtat aux mairies.

En outre, en Guyane, les populations les plus éloignées des centres détat civil, et notamment les populations étrangères, doivent également être davantage sensibilisées à la nécessité denregistrer la naissance de leurs enfants. Les « missions fleuves » de la préfecture et les « pirogues du droit » pilotées par le conseil départemental de laccès aux droits (CDAD) pourraient alors être mobilisées.

Le Défenseur des droits pourrait quant à lui renforcer son programme « Jeunes ambassadeurs des droits » (JADE) à Mayotte et le développer en Guyane, et l’utiliser pour promouvoir l’enregistrement des naissances auprès des enfants et des jeunes ([49]).

Recommandation n° 1 : renforcer les moyens techniques et humains dédiés à l’état civil en Guyane et à Mayotte.

Pour enregistrer correctement les naissances de nouveau-nés surinamais, le service de létat civil de la mairie de Saint-Laurent-du-Maroni ne reçoit pas, à lheure actuelle, suffisamment de données de la part du Suriname. En audition, une proposition a été évoquée : la transformation du bureau détat civil récemment créé au Centre hospitalier de lOuest guyanais, en « bureau détat civil mixte » avec la présence en permanence dun officier détat civil surinamais. Deux difficultés se posent toutefois : les moyens limités du Suriname pour financer cette création de poste et la préservation de la confidentialité des registres français.

Plus généralement, une coopération renforcée avec les pays frontaliers de la Guyane est aujourdhui indispensable. De nouvelles réunions bilatérales sur létat civil doivent impérativement être organisées avec le Suriname, mais aussi avec le Brésil et Haïti.

De même, le développement de la coopération avec Madagascar et l’Union des Comores en matière d’état civil est essentiel. L’accord en cours de négociation entre la France et les Comores sur la réunification des familles doit être soutenu activement par la France. De plus, un partenariat beaucoup plus poussé en matière de transmission et d’authentification des actes d’état civil entre les autorités judiciaires françaises d’une part, et malgaches et comoriennes d’autre part, doit être développé à l’avenir. Pour y parvenir, des relations diplomatiques apaisées seront bien sûr nécessaires.

Recommandation n° 2 : développer une coopération régulière en matière d’état civil avec les pays limitrophes de la Guyane et de Mayotte.

2.   Améliorer l’accompagnement des mineurs étrangers

La reconstitution de létat civil des mineurs étrangers est encore trop souvent longue et fastidieuse.

Face à cette situation, la coopération en matière détat civil pourrait être renforcée avec les pays qui mettent beaucoup de temps à répondre aux demandes de « levée dacte » de la France pour éventuellement récupérer et/ou authentifier les documents, ou pour les invalider.

Recommandation n° 3 : Utiliser la coopération bilatérale pour obtenir plus de « levées d’acte ».

Pour les mineurs étrangers non accompagnés qui ne disposent pas dun acte de naissance ou qui disposent dun acte erroné, la Mission relative aux mineurs non accompagnés (MMNA) de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice doit avoir la capacité (matérielle, humaine) de leur apporter une aide juridique afin quils puissent accéder à un jugement déclaratif ou à un jugement supplétif, selon le cas.

B.   axe 2 : rePENSER la contribution financiÈre et technique de la France

L’action internationale de la France en matière d’enregistrement des naissances, qu’elle concerne le réseau diplomatique (à Paris et dans les postes diplomatiques), les opérateurs (AFD, CIVIPOL) ou les collectivités territoriales, doit être à la fois repensée et renforcée.

1.   Renforcer et rationaliser les financements français

Pour l’année 2020, la France a budgétisé des contributions volontaires de 133 millions d’euros pour les Nations unies (programme budgétaire 209). Une partie financera les agences onusiennes qui mènent des actions dédiées à l’enregistrement des naissances et à la délivrance d’actes de naissance, dont l’UNICEF, le PNUD ou le HCR. Toutefois, la France privilégie le plus souvent l’autonomie dans l’utilisation des crédits.

Compte tenu de l’enjeu que représente notre thématique en matière de développement, il apparaît aujourd’hui indispensable de compléter cette contribution volontaire par une contribution financière additionnelle à l’UNICEF dédiée aux actions en faveur de l’enregistrement des naissances et de la délivrance d’acte de naissance.

Recommandation n° 4 : Attribuer une contribution financière additionnelle à l’UNICEF dédiée à l’enregistrement des naissances, dans le prochain projet de loi de finances.

De même, les projets du Groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique de l’ONU (LIA TF) doivent être directement financés par la France, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Recommandation n° 5 : Attribuer une contribution volontaire au Groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique de l’ONU (LIA TF), dans le prochain projet de loi de finances.

Pour les plus petits projets, le Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) du MEAE a vocation à être mobilisé. Compte tenu des objectifs de ce fonds, il est très étonnant quaucun projet concernant lamélioration de létat civil, et en particulier lenregistrement des naissances, nait jusquici été proposé.

La Mission de la gouvernance démocratique (MGD) de la direction générale de la mondialisation (DGM), a vocation à en proposer au prochain comité de sélection des projets, prévu pour le début de lannée 2021. La MGD a indiqué avoir commencé à contacter plusieurs attachés de coopération gouvernance pour évoquer le sujet.

Le Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI)

Le FSPI est un instrument phare de l’aide-projet du MEAE, financé sur le Programme 209 Solidarités à légard des pays en développement, de la mission Aide publique au développement de la loi de finances. Une enveloppe de 60 millions d’euros a été budgétisée pour l’année 2020 (30 millions d’euros pour les projets décidés l’année précédente, 30 millions pour les projets de l’année en cours).

Le FSPI permet de financer des projets de court terme à petits budgets (maximum un million d’euros sur deux ans). Les crédits peuvent être délégués soit aux postes diplomatiques – le projet concerne alors un unique pays –, soit aux directions sectorielles de la direction générale de la mondialisation (DGM) – le projet est alors toujours multi-pays. Le choix des projets relève d’un Comité de sélection, qui se réunit une fois en début d’année. Parmi la centaine de projets présentés au début de l’année 2020, aucun ne concernait l’état civil.

Ainsi, les projets que pourrait présenter la Mission de la gouvernance démocratique (MGD) en matière d’état civil seraient nécessairement multi-pays.

En outre, les activités doivent impérativement passer par un opérateur de l’État ou assimilé (Expertise France, AFD, CIVIPOL, etc.) ou, exceptionnellement, par une organisation internationale (une agence onusienne, telle que l’UNICEF serait éligible). Dans tous les cas, les postes diplomatiques participent. En effet, même lorsqu’une direction de la DGM est délégataire des crédits pour un projet, les postes ont contribué préalablement à l’identification des acteurs locaux et assurent un suivi régulier de la mise en œuvre du projet.

Les projets répondent à des critères d’éligibilité géographiques et des priorités thématiques conformes aux orientations de l’aide publique au développement et aux conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (8 février 2018) selon lequel dix-neuf pays prioritaires doivent recevoir au moins 50 % de l’enveloppe. Ces pays sont le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, les Comores, Djibouti, l’Éthiopie, la Gambie, la Guinée, Haïti, le Liberia, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo (RDC), le Sénégal, le Tchad et le Togo.

 

Recommandation n° 6 : Financer des projets dédiés à l’enregistrement des naissances via le Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI).

En parallèle, il semble également nécessaire de lier les projets humanitaires et de développement qui concernent la santé - en particulier ceux dédiés à la maternité et la pédiatrie - à la promotion de l’enregistrement des naissances. En effet, l’accès à la santé est une opportunité unique pour sensibiliser les mères et les enfants à l’importance de l’enregistrement, voire pour leur en donner directement les moyens (exemple du bracelet iCivil au Burkina Faso).

Recommandation n° 7 : Ajouter un volet enregistrement des naissances dans les actions humanitaires et les projets de développement qui concernent la maternité et la pédiatrie.

Ces différentes propositions s’inscrivent parfaitement dans la stratégie interministérielle Droits humains et développement, élaborée en 2018.

Cette stratégie a pour objectif d’utiliser la politique de coopération et d’aide au développement de la France comme un levier pour sa diplomatie en faveur de la promotion des droits humains. D’autre part, la stratégie fait suite à l’adoption du nouveau Consensus européen pour le développement en juin 2017, qui a inscrit « l’approche de la coopération au développement fondée sur les droits englobant tous les droits de l’homme » parmi les principes et valeurs devant guider l’action de l’Union européenne et des États membres dans le domaine du développement. En conformité, la France s’est ainsi engagée à s’assurer que les projets et programmes qu’elle finance ne portent pas atteinte aux droits humains dans le cadre de leur mise en œuvre, et tendent à produire un maximum d’effets positifs pour la réalisation des droits humains. Les actions proposées dans le cadre de ce rapport permettent donc de mettre en œuvre cette stratégie très concrètement.

2.   Développer la coopération technique

Le budget de la DAECT a été augmenté de 24 % en 2020 (par rapport à la loi de finances pour 2019) pour atteindre 11,5 millions deuros. Un des objectifs de cette augmentation était de permettre aux collectivités territoriales de réaliser des actions de coopération décentralisée sur des thématiques qui leur sont propres : le soutien à la gouvernance locale, le développement des services publics locaux, la territorialisation des ODD, et le lien villes-campagne. La coopération en matière détat civil sinscrit pleinement dans ces objectifs. Pourtant, elle demeure encore très peu financée par la DAECT.

En parallèle, les actions de coopération décentralisée mises en œuvre par les collectivités territoriales françaises font encore trop peu lobjet dun partage dexpérience avec dautres collectivités qui pourraient également être tentées de développer le même type de projets.

Des actions de communication spécifiques auprès des collectivités devraient être développées sur la coopération décentralisée relative aux questions d’enregistrement et d’état civil.

Parallèlement, il serait utile de mettre en place, au sein des postes diplomatiques français, un recensement des collectivités volontaires pour des projets de coopération et dresser, à l’attention de la DAECT, un annuaire des coopérations en matière d’état civil.

Recommandation n° 8 : Développer les actions de coopération décentralisée en utilisant des fonds de la DAECT et en encourageant le partage d’expérience entre les communes, par la création d’évènements dédiés aux projets sur l’état civil.

Recommandation n° 9 : Recenser les collectivités volontaires pour des actions de coopération et dresser un annuaire des coopérations décentralisées en matière d’état civil, pour la DAECT.

C.   axe 3 : mobiliser tous les outils de la diplomatie française

1.   Engager le gouvernement et le parlement français sur la réalisation des Objectifs du développement durable (ODD)

La mobilisation de la France sur la réalisation des ODD apparaît encore insuffisante et trop peu portée politiquement, que ce soit par le pouvoir exécutif ou par le pouvoir législatif.

Pour sa part, le Parlement pourrait mener une politique de diffusion de l’objectif 16.9 des ODD auprès des pays partenaires de l’Aide publique au développement, notamment dans le cadre des missions interparlementaires et au sein des groupes d’amitié.

Recommandation n° 10 : Intégrer à la feuille de route des missions interparlementaires et des groupes d’amitié une politique de diffusion de l’objectif 16.9 des ODD.

2.   Améliorer la communication sur la thématique et son suivi au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Les moyens alloués par le ministère des affaires étrangères pour le suivi de la thématique sont largement insuffisants. Il apparaît aujourdhui indispensable de créer un ou plusieurs postes de secrétaire ou de conseiller des affaires étrangères dédiés à la thématique « enfants sans identité », au sein de la MGD.

Recommandation n° 11 : Créer un ou plusieurs postes dédiés aux enfants sans identité au sein du pôle « droits, justice et citoyenneté » de la mission de la gouvernance démocratique (MGD) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

En parallèle, il est aussi indispensable que les postes diplomatiques situés dans des pays où lenregistrement des naissances est encore insuffisant, soient davantage sensibilisés et mobilisés sur la thématique. Plusieurs options intéressantes ont été proposées par le MEAE :

 des notes de la MGD à destination des postes ;

 les instructions des ambassadeurs en départ poste ;

 la sensibilisation lors de séminaires comme la conférence des Ambassadeurs à Paris, organisée chaque année à la fin du mois daoût (sauf en 2020, avec une organisation exceptionnelle au mois de janvier 2021), ou les réunions des conseillers de coopération et daction culturelle (COCAC).

Plus généralement, il apparaît nécessaire de former les différents agents publics internationaux et les opérateurs de l’État aux droits de l’enfant et à l’accès à l’état civil.

Recommandation n° 12 : Informer et mobiliser davantage les postes diplomatiques et les opérateurs de l’État sur la thématique.

Notre réseau diplomatique pourra ainsi animer des échanges de pratiques entre États, et encourager les pays partenaires de la coopération française à intégrer le respect des droits de l'enfant et la déclaration des naissances dans la formulation de leurs politiques et plans d’action nationaux, notamment sur la base des recommandations émises par le Comité des droits de l’enfant ([50]).

Il peut aussi jouer un rôle actif en faveur du respect et de la promotion des droits de l’enfant et pour le développement de la déclaration des naissances au sein des instances internationales.

3.   Réaliser des actions de plaidoyer auprès des grandes organisations internationales

a.   Agir dans le réseau francophone

Près de la moitié des pays du réseau francophone sont situés en Afrique et très souvent touchés par des taux denregistrement des naissances insuffisants. Dans ce contexte, lOIF et lAPF sont à lorigine ou financent de plus en plus dinitiatives en faveur de lamélioration de létat civil. La France devrait encourager davantage ces initiatives, ainsi que la mise en œuvre de nouveaux projets, dès quelle le peut. Les nombreux évènements organisés par lOIF sont autant doccasions pour la France de sexprimer sur le sujet.

Les courriers annuels adressés par le ministère de lEurope et des affaires étrangères à lOIF et à lAPF pour établir les priorités françaises, sont également une occasion unique de promouvoir lenregistrement des naissances.

Recommandation n° 13 : Encourager l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) à poursuivre leurs efforts pour promouvoir l’enregistrement des naissances.

b.   Promouvoir la thématique au sein des Nations unies

À ce jour, les Représentations permanentes de la France auprès des Nations unies à New York et à Genève portent encore peu le thème des « enfants sans identité » au sein des Nations unies. Il est indispensable quelles réalisent des actions de plaidoyer :

 dans leur dialogue régulier auprès des agences de lONU, à travers notamment le suivi du Groupe de travail pour lagenda sur lidentité juridique de lONU (LIA TF) ;

 lors de prises de parole et interventions sur les droits de lenfant ou sur dautres sujets liés à la problématique, telle que la mise en œuvre des ODD.

En outre, les diplomates français de ces deux représentations permanentes pourraient, en lien avec la MGD à Paris, identifier les principaux pays donateurs sur la thématique et proposer une meilleure coordination et des projets communs.

Recommandation n° 14 : Renforcer le suivi et le plaidoyer sur la thématique « enfants sans identité » réalisés par les Représentations permanentes de la France auprès des Nations unies à New York et à Genève

Avec les vingt-six autres États membres de l’Union européenne, la France participe à la rédaction et co-parraine la résolution sur les droits de l’enfant présentée chaque année à l’AGNU par l’Union européenne. Cette résolution comprend systématiquement des passages consacrés à l’enregistrement des naissances. Toutefois, compte tenu de l’incidence du non-enregistrement des naissances sur l’ensemble des droits des enfants, la France pourrait demander à renforcer les références sur l’enregistrement des naissances incluses dans cette résolution, mais aussi dans tous les textes liés aux droits des enfants.

Recommandation n° 15 : Dans les résolutions onusiennes, demander l’ajout d’une ou plusieurs références à l’enregistrement des naissances à chaque fois que la thématique du texte s’y prête.

c.   Organiser des évènements dédiés à la thématique et des « évènements parallèles » lors des sommets internationaux (« side events »)

Les conférences dédiées à la thématique sont encore peu nombreuses et souvent confidentielles. Des évènements comme la conférence sur les enfants sans identité organisée à l’Assemblée nationale le 28 novembre 2019 (cofinancée par le MEAE et l’OIF), ont vocation à être multipliés et agrandis. Ils pourraient inclure un nombre d’invités et d’intervenants plus large (en incluant par exemple les collectivités qui exercent des activités de coopération décentralisée en matière d’état civil), mais aussi être de beaucoup plus grande ampleur, compte tenu de l’importance de la thématique pour le développement des États.

Le 20 novembre étant la journée internationale des droits de l’enfant, une conférence sur les enfants sans identité pourrait être organisée chaque année par le MEAE, en partenariat éventuellement avec d’autres acteurs publics, avec des organisations internationales et avec la société civile.

La France pourrait également soutenir l’initiative en faveur de la création d’une « journée mondiale de l’identité », lancée par ID4Africa. De nombreuses institutions, dont la Banque mondiale, le HCR, l’OIF et des gouvernements africains, se sont déjà associés à cette démarche.

Recommandation n° 16 : Organiser des évènements réguliers dédiés à la thématique, et avec un nombre très large d’acteurs.

Recommandation n° 17 : Soutenir l’initiative d’ID4Africa pour la création d’une « journée mondiale de l’identité ».

Ces évènements pourraient inclure des publics scolaires français et étrangers pour les faire échanger sur la thématique.

Ils pourraient s’appuyer sur l’organisation d’échanges sous forme d’appel à projets auprès des jeunes à l’international et en France sur la thématique des enfants sans identité :

-         pour développer des actions de plaidoyer et encourager leur participation aux évènements organisés,

-         pour encourager la participation des enfants et des jeunes dans les mécanismes décisionnels de politiques publiques qui les concernent dans les pays partenaires,

-         pour inviter les jeunes impliqués dans ces projets aux évènements organisés sur la thématique.

Recommandation n° 18 : Appuyer l’organisation d’échanges internationaux sur la thématique auprès des jeunes, pour développer les actions de plaidoyer.

En parallèle, il serait utile d’utiliser les grandes conférences et évènements internationaux liés à la thématique pour réaliser, en marge de ceux-ci, des actions de communication dédiées à la promotion de l’enregistrement des naissances (side events). Ces side events pourraient être organisés en partenariat avec la société civile, les organisations internationales (Regards de femmes et l’UNICEF ont par exemple l’habitude de ce type de communication) et les États impliqués.

Un premier side event pourrait être organisé à New York à la fin de l’année 2020 lors de la présentation des actions concrètes menées pour atteindre les ODD.

De même, les grandes conférences portant sur l’égalité femme-homme pourraient être l’occasion de promouvoir la fin des lois discriminatoires qui empêchent les femmes d’enregistrer la naissance de leur enfant.

Recommandation n° 19 : Organiser des side events lors de grands évènements liés à la thématique, en partenariat avec la société civile et les États impliqués.

Recommandation n° 20 : Dans les interventions de la France lors des événements liés à l’égalité femme-homme, promouvoir la fin des lois discriminatoires qui empêchent les femmes d’enregistrer la naissance de leur enfant

d.   Mobiliser l’examen périodique universel (EPU)

Le 15 mars 2006, la résolution 60/251 de l’Assemblée générale des Nations unies a créé le Conseil des droits de l’homme (CDH) et a donné mandat à ce dernier pour « procéder à un examen périodique universel, sur la foi d’informations objectives et fiables, de la manière dont chaque État s’acquitte de ses obligations et engagements en matière de droits de l’homme de façon à garantir l’universalité de son action et l’égalité de traitement de tous les États ». L’Examen périodique universel (EPU) permet d’analyser la situation des droits de l’homme de tous les pays membres de l’ONU tous les cinq ans (42 États sont examinés chaque année) ([51]).

Compte tenu de l’article 6 de la DUDH et des articles 7 et 8 de la CIDE mentionnés supra (partie II. A) du rapport, la France pourrait faire des recommandations sur l’enregistrement des naissances lorsqu’elle examine, dans le cadre de l’EPU, la situation d’un pays qui n’enregistre pas à la naissance tous les enfants présents sur son territoire.

Recommandation n° 21 : Inclure systématiquement l’examen de la situation de l’enregistrement des naissances et de l’existence d’un état civil fiable dans les interventions et recommandations de la France dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU).

4.   Mieux identifier et renforcer l’appui à l’enregistrement des naissances dans l’aide publique au développement

La création d’un sous-secteur spécifiquement dédié à l’état civil pourrait être défendue par la France au sein du groupe de travail « statistiques » du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE.

Recommandation n° 22 : Défendre la création d’un sous-secteur dédié à l’état-civil dans la base de données « SNPC » de l’OCDE.

En parallèle, il paraît également indispensable que les projets d’enrôlement et de constitution de fichiers biométriques financés par l’AFD et par CIVIPOL intègrent la promotion de l’enregistrement des naissances.

Recommandation n° 23 : Intégrer l’enregistrement des naissances dans les projets d’enrôlement de la population et de création de base de données biométriques financés par l’AFD et par CIVIPOL.

 


   synthÈse des propositions des rapporteures

 

1) Renforcer les moyens techniques et humains dédiés à l’état civil en Guyane et à Mayotte ;

2) Développer une coopération régulière en matière d’état civil avec les pays limitrophes de la Guyane et de Mayotte ;

3) Utiliser la coopération bilatérale pour obtenir plus de « levées d’acte » ;

4) Attribuer une contribution financière additionnelle à l’UNICEF dédiée à l’enregistrement des naissances, dans le prochain projet de loi de finances ;

5) Attribuer une contribution volontaire au Groupe de travail pour l’agenda sur l’identité juridique de l’ONU (LIA TF), dans le prochain projet de loi de finances ;

6) Financer des projets dédiés à l’enregistrement des naissances via le Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) ;

7) Ajouter un volet enregistrement des naissances dans les actions humanitaires et les projets de développement qui concernent la maternité et la pédiatrie ;

8) Développer les actions de coopération décentralisée en utilisant des fonds de la DAECT et en encourageant le partage d’expérience entre les communes, par la création d’évènements dédiés aux projets sur l’état civil ;

9) Recenser les collectivités volontaires pour des actions de coopération et dresser un annuaire des coopérations décentralisées en matière d’état civil, pour la DAECT ;

10) Intégrer à la feuille de route des missions interparlementaires et des groupes d’amitié une politique de diffusion de l’objectif 16.9 des ODD ;

11) Créer un ou plusieurs postes dédiés aux enfants sans identité au sein du pôle « droits, justice et citoyenneté » de la mission de la gouvernance démocratique (MGD) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

12) Informer et mobiliser davantage les postes diplomatiques et les opérateurs de l’État sur la thématique ;

13) Encourager l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) à poursuivre leurs efforts pour promouvoir l’enregistrement des naissances ;

14) Renforcer le suivi et le plaidoyer sur la thématique « enfants sans identité » réalisés par les Représentations permanentes de la France auprès des Nations unies à New York et à Genève ;

15) Dans les résolutions onusiennes, demander l’ajout d’une ou plusieurs références à l’enregistrement des naissances à chaque fois que la thématique du texte s’y prête ;

16) Organiser des événements réguliers dédiés à la thématique, et avec un nombre très large d’acteurs ;

17) Soutenir l’initiative d’ID4Africa pour la création d’une « journée mondiale de l’identité » ;

18) Appuyer l’organisation d’échanges internationaux sur la thématique auprès des jeunes, pour développer les actions de plaidoyer ;

19) Organiser des side events lors de grands évènements liés à la thématique, en partenariat avec la société civile et les États impliqués ;

20) Dans les interventions de la France lors des événements liés à l’égalité femme-homme, promouvoir la fin des lois discriminatoires qui empêchent les femmes d’enregistrer la naissance de leur enfant ;

21) Inclure systématiquement l’examen de la situation de l’enregistrement des naissances et de l’existence d’un état civil fiable dans les interventions et recommandations de la France dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) ;

22) Défendre la création d’un sous-secteur dédié à l’état-civil dans la base de données « SNPC » de l’OCDE ;

23) Intégrer l’enregistrement des naissances dans les projets d’enrôlement de la population et de création de base de données biométriques financés par l’AFD et par CIVIPOL.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mardi 22 septembre 2020, la commission examine le présent rapport.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/ZTkRev

La commission autorise le dépôt du rapport d’information sur les enfants sans identité en vue de sa publication.

 

 

 


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   annexes

 

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurEs

 

 

Déplacement à New York, États-Unis (9-11 février 2020)

 


   annexe n° 2 :
Liste des acronymes utilisÉs

 

AFAPDP : Association francophone de protection des données personnelles

AFD : Agence française de développement

AGNU : Assemblée générale des Nations unies

ANF : Association du notariat francophone

APAI – CRVS : Africa Programme for Accelerated Improvement of Civil Registration and Vital Statistics (Programme pour l’amélioration accélérée de l’enregistrement des faits d’état civil et de l’établissement des statistiques sur l’état civil en Afrique)

APF : Assemblée parlementaire de la Francophonie

BAD : Banque africaine de développement

CDCS : Centre de crise et de soutien

CDH : Conseil des droits de l’homme

CEA : Commission économique pour l’Afrique des Nations unies

CECAC : Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie

CESAP : Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique

CICID : Comité interministériel de la coopération internationale et du développement

CIDE : Convention internationale relative aux droits de l’enfant

CHOG : Centre hospitalier de l’ouest guyanais

COCAC : conseiller de coopération et d’action culturelle

COHS : Centre des opérations humanitaires et de stabilisation

CNCDH : Commission nationale consultative des droits de l’homme

CNFPT : Centre national de la fonction publique territoriale

CRVS : Civil Registration and Vital Statistics (enregistrement des faits d’état civil et établissement de statistiques sur l’état civil)

CUA : Commission de l’Union africaine

DAECT : Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales

DAES : Département des affaires économiques et sociales des Nations unies

DCSD : Direction de la coopération de sécurité et de défense

DGM : Direction générale de la mondialisation

DUDH : Déclaration universelle des droits de l’homme

FNUAP : Fonds des Nations unies pour la population

GAVI : Global Alliance for Vaccines and Immunization (Alliance mondiale pour la vaccination et l’immunisation)

HACP : Haute autorité à la consolidation de la paix

HCR (ou UNHCR) : Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

LIA TF : Legal Identity Agenda Task Force (Groupe de travail des Nations unies pour l’agenda sur l’identité juridique)

LIEG : Legal Identity Expert Group (Groupe d’experts sur l’identité juridique)

MEAE : Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

MGD : Mission pour la gouvernance démocratique

MNA : Mineur non accompagné

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

ODD : Objectif de développement durable

OEA : Organisation des États américains

OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides

OIF : Organisation internationale de la francophonie

OMS : Organisation mondiale de la santé

PIDCP : Pacte international relatif aux droits civils et politiques

PNUD : Programme des Nations unies pour le développement

PUICA : Programa de Universalización de la Identidad Civil en las Américas (Programme d’universalisation de l’identité civile dans les Amériques)

SDSA : Symposium sur le développement de la statistique en Afrique

RECEF : Réseau francophone des compétences électorales

RNPP : Registre national des personnes physiques

UNICEF : Fonds des Nations unies pour l’enfance

   annexe n° 3 :
appel À projets sur la thÉmatique enfants sans identitÉ

 

Poème de Kotia Koné du Bénin, 9 ans, récité à l’Université de Caen lors de la restitution du 3ème appel à projets « Enfants sans identité » en mai 2019[52] :

 

 

« Je suis différente de vous.

Oui je suis bien différente de vous.

Je suis différente de vous car,

Même si j'ai comme vous un nom,

Ma naissance est entourée de turbulences.

À l'état civil, point de trace de mon existence.

Aucune patrie, à ma vie ne donne sens.

Alors point de sens à mon existence…

Mon effervescente adolescence est un non-sens

Et sans combattre, je perds en assurance.

De la vie, je n'ai aucune espérance.

L'expérience apatride m'exclut de toute concurrence

Et à néant, réduit mes compétences.

L'ignorance et l'insouciance coupables de mes géniteurs

En moi, graine innocente, ont produit un fantôme.

Mes camarades de la reconnaissance légale, jouissent,

Quand dans l'incertitude des lendemains, je baigne.

Pourtant, un simple geste

Un simple petit geste

Un papier, un papier des blancs.

Un simple papier blanc des blancs

Comme aimait le dire mon grand-père.

Comment dis-je, un simple extrait de naissance.

Aurait suffi à donner à mon existence toute la clairvoyance ».

 

   annexe n° 4 :
CLASSIFICATION DES PAYS UTILISÉE Dans la partie I (UNICEF)

 

Afrique de l’Est et Afrique australe

 

Afrique du Sud, Angola, Botswana, Burundi, Comores, Djibouti, Erythrée, Eswatini, Éthiopie, Kenya, Lesotho, Madagascar, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, Ouganda, Rwanda, Seychelles, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe.

 

Afrique de l’Ouest et Afrique centrale

Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Cameroun, Côte d’Ivoire, Congo, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée équatoriale, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Tchad, Togo.

 

Amérique du Nord

Canada, États-Unis.

Amérique latine et Caraïbes

Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Bahamas, Barbade, Belize, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, Dominique, Équateur, Grenade, Guatemala, Guyana, Haïti, Honduras, îles Turques-et-Caïques, Îles Vierges britanniques, Jamaïque Mexique, Montserrat, Nicaragua, République Dominicaine, Saint-Vincent et les Grenadines, Salvador, Suriname, Trinité-et-Tobago, Uruguay, Venezuela.

Asie de l’Est et du Pacifique

Australie, Brunéi Darussalam, Cambodge, Chine, Corée du Nord, Corée du Sud, Fidji, Îles Cook, Îles Marshall, Îles Salomon, Indonésie, Japon, Kiribati, Laos, Malaisie, Micronésie, Mongolie, Myanmar, Nauru, Nouvelle-Zélande, Niue, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Samoa, Singapour, Thaïlande, Timor Oriental, Tokelau, Tonga, Tuvalu, Vanuatu, Vietnam.

Asie du Sud

Afghanistan, Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal, Pakistan, Sri Lanka.

 

 

 

Europe de l’Est et Asie centrale

Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizstan, Macédoine du Nord, Moldavie, Monténégro, Roumanie, Russie, Serbie, Turkménistan, Ukraine, Ouzbékistan.

Europe de l’Ouest

Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Irlande du Nord, Italie, Lettonie, Lichtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Vatican.

 

Moyen-Orient et Afrique du Nord

Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Iran, Irak, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Oman, Qatar, Palestine, Syrie, Tunisie, Yémen.

 

 


([1]) Pour réaliser son rapport de 2019, l’UNICEF disposait de données sur l’enregistrement des naissances des enfants de moins de cinq ans dans 174 pays, dont 163 avec des données récentes. En particulier, l’UNICEF disposait de sondages réalisés auprès de foyers types dans 121 pays, contre 59 en 2000 et 1 en 1993. Toutefois, les données récoltées sont souvent partielles. Plus généralement, l’UNICEF estime qu’il manque encore des données dans un quart des pays pour suivre correctement l’enregistrement des naissances.

([2]) La proportion des enfants de moins de cinq ans dont les naissances sont enregistrées par l’état civil d’un pays est l’indicateur 16.9.1 de l’ODD 16.9 (voir II A) 2. infra).

([3]) Ce chiffre correspond à la somme des 166 millions d’enfants non enregistrés et des 71 millions d’enfants enregistrés mais ne disposant pas d’acte de naissance.

([4]) Ce n’est pas le cas au Pakistan, ni en Afrique de l’Est ou en Afrique australe, où l’amélioration des taux d’enregistrement n’a concerné que les foyers les plus aisés.

([5]) Ces chiffres sont obtenus en soustrayant au nombre d’enfants de moins de cinq ans sans certificat de naissance, les enfants de moins de cinq ans enregistrés à la naissance.

([6]) Dans les faits, l’ordonnance de Villers-Cotterêts rend obligatoire une pratique qui existait déjà depuis le XIVème siècle dans certaines paroisses.

([7]) Avant cette loi, le délai était de trois jours. L’article 1er du décret n° 2017-278 du 2 mars 2017 précise que le jour de l’accouchement n’est pas compté dans le délai de déclaration de la naissance.

([8]) Un jugement déclaratif de naissance vise à établir un acte de naissance si aucune déclaration de naissance n’a été effectuée ou lorsqu’une personne est sans état civil connu. Un jugement supplétif pallie l’impossibilité de produire un acte d’état civil en tant que moyen de preuve, lorsque l’’acte de naissance est erroné, a été perdu ou est devenu inaccessible.

([9]) La chambre détachée de Saint-Laurent du Maroni a enregistré 181 jugements déclaratifs et supplétifs rendus sur des actes d’état civil (naissance, décès) en 2015 (enfants et adultes) et 42 en 2019. Le Tribunal judiciaire de Cayenne, 22 en 2015 et 8 en 2019 (chiffres du ministère de la justice).

([10]) Une commission de révision de l’état civil (CREC, 2001-2011) avait également été chargée de reconstituer les actes d’état civil antérieurs à cette date, par le biais de décisions qui ont la valeur de décision de justice. Toutefois, d’après le procureur de la République à Mamoudzou, toutes les décisions n’ont pas encore été transcrites dans les registres d’état civil. De plus, certaines comportent des erreurs sur le nom ou la filiation des personnes, ce qui crée des contentieux devant le tribunal judiciaire de Mamoudzou, alors que celui-ci dispose déjà de peu de moyens financiers et humains. Enfin, les décisions de la CREC n’ont pas été numérisées et sont conservées dans des conditions très précaires.

([11]) En 2016, l’Observatoire des mineurs isolés évaluait à 4446 le nombre de MNA à Mayotte - soit plus du double par rapport à 2013 - dont environ 300 sans aucun référent adulte.

([12]) On dénombre au moins 16 760 mineurs non accompagnés en 2019 en France (Cellule nationale d’orientation et d’appui à la décision judiciaire, Mission mineurs non accompagnés, ministère de la justice).

([13]) Dans le cas d’une demande d’asile, les autorités françaises ou les parents (ou tuteur) de l’enfant ne peuvent pas solliciter le pays d’origine pour recevoir le certificat de naissance de l’enfant. Ainsi, si la demande d’asile a été acceptée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ce dernier peut délivrer à l’intéressé un certificat tenant lieu d’acte de naissance. Ce certificat est établi au vu des justificatifs produits par les parents (ou tuteur) de l’enfant (pièces d’état civil étrangères, titres d’identité étrangers, déclarations).

([14]) Ce documentaire a été coproduit par la Compagnie Taxi Brousse, Canal+ Afrique et LCP, et financé par l’ANF. Cette enquête menée au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal va à la rencontre de ces "invisibles", de leur famille et des autorités qui tentent d’endiguer ce phénomène. Le documentaire a fait l’objet de plusieurs diffusions-débats en France, à Bruxelles, à Genève et au Sénégal.

([15]) Article de Claude Rivière, « La naissance chez les Evé du Togo », Journal des Africanistes. Ces coutumes ont été corroborées lors d’échanges avec Berthe Adjagboni-Tehou, responsable de la mission Territoire/Bénin-Côte d’Ivoire-Togo.               

([16]) L’Organisation internationale de la francophonie (OIF), en partenariat avec l’ANF, l’Association francophone de protection des données personnelles (AFAPDP) et le Réseau francophone des compétences électorales (RECEF), a publié en 2014 un Guide pratique pour la consolidation de l’état civil, des listes électorales et la protection des données personnelles. Après avoir donné les éléments essentiels pour la constitution d’un état civil fiable, ce guide énonce les questions à se poser pour la protection des données collectées.               

([17])  Résolution 43/5 adoptée par le CDH le 19 juin 2020.

([18]) Un premier assouplissement avait été consenti en novembre 2013 par les autorités chinoises : les familles pouvaient avoir deux enfants, si l’un des deux parents était lui-même enfant unique.

([19]) Le HCR définit ainsi les enfants soldats : « toute personne âgée de moins de 18 ans qui fait partie d'une force ou d'un groupe armé régulier ou irrégulier de quelque nature que ce soit à quelque titre que ce soit, y compris, cette liste n'étant pas exhaustive, les cuisiniers, les porteurs, les plantons et ceux qui accompagnent ces groupes, autres que les membres de la famille proprement dits. Cette définition comprend également les filles qui sont enrôlées à des fins sexuelles et pour être mariées de force. Par conséquent, elle ne concerne pas uniquement un enfant qui porte ou qui a porté les armes ». D’après l’ONU, environ 250 000 enfants étaient impliqués de manière directe ou indirecte dans des conflits armés en 2015.

([20]) Selon la représentante spéciale adjointe du Secrétariat général de l’ONU pour les enfants et les conflits armés, auditionnée à New York, 13 500 enfants ont été libérés en 2019.

([21]) « D’ici à 2030, tirer parti des initiatives existantes pour établir des indicateurs de progrès en matière de développement durable qui viendraient compléter le produit intérieur brut et appuyer le renforcement des capacités statistiques des pays en développement ».

([22]) La France a ratifié le PIDCP le 4 novembre 1980. Bien qu’il ait été ratifié par 173 pays (sur les 193 membres de l’ONU), de nombreux États, dont la France, ont émis des réserves sur tout ou partie du texte.

([23]) Principes et recommandations pour un système de statistiques de l’état civil (révision 3), département des affaires économiques et sociales, Publication des Nations unies, 2015.

([24]) Selon la définition de la CNIL, la biométrie regroupe l’ensemble des techniques informatiques permettant de reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales. Les données biométriques sont des données à caractère personnel car elles permettent d’identifier une personne. Elles ont, pour la plupart, la particularité d’être uniques et permanentes (ADN, empreintes digitales, etc.).

([25]) L’OEA est composée de trente-cinq États membres. Elle a été créée en 1948 pour favoriser la coopération régionale. Elle siège à Washington aux États-Unis.

([26]) Les dix-huit pays latino-américains présents étaient l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République Dominicaine, l’Uruguay et le Venezuela.

([27]) Le programme prévoit de « faire en sorte que dici 2015, lenregistrement des naissances, qui sert à garantir le droit à lidentité, en mettant laccent sur les personnes en situation de pauvreté et de risque, soit universel, accessible et, si possible, gratuit ». Le programme comprend cinq objectifs : un enregistrement universel et accessible et le droit à l’identité (objectif 1), le renforcement des politiques, des institutions publiques et de la législation (objectif 2), la participation et la sensibilisation des citoyens (objectif 3), l’identification des bonnes pratiques (objectif 4) et la coopération internationale et régionale (objectif 5).

([28]) La CEA est composée de cinquante-quatre États membres africains. C’est l’une des cinq commissions régionales du Conseil économique et social des Nations unies (CESNU, ou ECOSOC en anglais). Elle siège à Addis-Abeba en Éthiopie.

([29]) Le Réseau INDEPTH est un réseau international pour le suivi démographique des populations et de leur santé.               

([30]) Ces conférences se sont tenues en Éthiopie à Addis-Abeba en août 2010, à Durban en Afrique du Sud en septembre 2012, à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire en février 2015, à Nouakchott en Mauritanie en décembre 2017 et à Lusaka en Zambie en octobre 2019.

([31]) Le thème de la première journée, le 10 août 2018, était « promouvoir un enregistrement à létat civil et une réalisation de statistiques sur létat civil innovants et universels, pour une meilleure gouvernance et pour la qualité de vie des citoyens ». Le thème de la deuxième journée, le 10 août 2019, était « un certificat de naissance pour tous : un document fondamental pour respecter les droits de lhomme et promouvoir linclusion ».

([32]) La CESAP est composée de cinquante-trois États membres d’Asie et du Pacifique. C’est l’une des cinq commissions régionales du Conseil économique et social des Nations unies (CESNU, ou ECOSOC en anglais). Elle siège à Bangkok en Thaïlande.

([33]) En mai 2011, la CESAP a adopté la résolution 67/12 sur l’amélioration de l’enregistrement des faits d’état civil et des statistiques de l’état civil en Asie et dans le Pacifique. À la suite de cette résolution, la CESAP a organisé une Réunion de haut niveau sur l’amélioration de l’état civil et des statistiques sur l’état civil en Asie et dans le Pacifique (Every Life Count High-level Meeting on the Improvement of Civil Registration and Vital Statistics in Asia and the Pacific) avec des représentants de 48 États de la région. La résolution 69/15 de la CESAP donne un cadre pour la mise en œuvre des suggestions effectuées pendant cette réunion.

([34]) Les vingt-deux États et territoires membres sont l’Afghanistan, l’Arménie, l’Australie, le Bangladesh, les Îles Cook, la Corée, les États-Unis, la Géorgie, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, le Kazakhstan, les Kiribati, le Laos, la Malaisie, la Mongolie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Philippines, le Sri Lanka, la Thaïlande et le Vanuatu.

([35]) La déclaration proclame également une « vision commune selon laquelle dici à 2024, tous les habitants de lAsie et du Pacifique bénéficieront de systèmes universels et réactifs denregistrement des faits détat civil et de statistiques de létat civil qui facilitent lexercice de leurs droits et promeuvent la bonne gouvernance, la santé et le développement ».

([36]) Plan international aurait permis à plus de 40 millions d’enfants dans le monde d’être enregistrés et d’obtenir un certificat de naissance. Plan international aurait également influencé les lois de dix pays, avec un impact sur l’enregistrement de la naissance de 153 millions d’enfants supplémentaires. L’ONG réalise des actions très diverses : plaidoyer auprès des États et des organisations internationales, campagne de sensibilisation des populations, campagnes d’enregistrement des naissances, formations d’officiers d’état civil, optimisation des systèmes d’enregistrement des naissances notamment par l’utilisation de solutions technologiques, (communication officielle, site internet).

([37]) Ces entreprises effectuent elles-mêmes la récolte des données personnelles auprès des populations si le gouvernement du pays l’exige, ou fournissent au pays les moyens matériels de le faire.

([38]) Au Gabon, THALES a par exemple été sollicité pour un projet où le registre national de la population était lié à l’état civil.

([39]) D’après la Banque mondiale, on comptait 72 abonnés mobiles pour 100 habitants en Afrique subsaharienne, en 2017.               

([40]) Il s’agit de la dernière révision de ces principes qui avaient été publiés pour la première fois en 1953. Ils avaient ensuite été révisés en 1973 et en 2001.

([41]) Le Bureau de coordination des activités de développement (BCAD), le Bureau de coordination des affaires humanitaires (BCAH), la DAES, la Division statistiques (SD), le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), le Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH), le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’Organisation internationale des migrations (OIM), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ONU Femmes, le Programme alimentaire mondial (PAM), le PNUD, l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’UNICEF.

([42]) La CEA et la CESAP représentent les commissions économiques régionales de l’ONU.

([43]) Si la naissance des enfants Rohingyas est enregistrée, ceux-ci sont toutefois apatrides car les autorités birmanes, comme celles du Bangladesh, refusent de leur accorder la nationalité.

([44]) Les pays emprunteurs sont responsables de l’exécution des projets, y compris l’achat de biens et de services et la passation de marchés. Ils doivent obtenir les résultats qui ont été mutuellement convenus entre la Banque mondiale et le pays pendant la phase de préparation du projet. La Banque mondiale suit et supervise quant à elle étroitement le projet tout au long de sa mise en œuvre. Dans la plupart des projets d’identification, les experts ID4D fournissent également une assistance technique et humaine pendant la phase de préparation et de mise en œuvre du projet. Ces activités sont financées par le fonds fiduciaire multi-donateurs (MDTF) ID4D.

([45])  L’OIF est également constitué de sept membres associés (dont un pays africain, le Ghana), et de 27 pays observateurs (dont deux pays africains, la Gambie et le Mozambique).

([46])  En parallèle, une autre assemblée parlementaire s’est également mobilisée, sur proposition de Laurence Dumont : l’Union interparlementaire (UIP) lors de sa 134ème assemblée du 19 au 23 mars 2016 à Lusaka en Zambie. Un point d’urgence sur les enfants sans identité a alors été adopté.

([47])  Les États-Unis n’ont pas encore ratifié la CIDE.

([48])  Au mois de juillet 2019, un document cadre de partenariat a été signé par les ministres des affaires étrangères des deux pays à Paris, accompagné par un plan de développement de 150 millions d’euros sur trois ans dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes. Ce document prévoyait notamment « la création d’un groupe de travail conjoint sur la question des mineurs non-accompagnés ou des mineurs isolés présents à Mayotte, afin de favoriser la réunification avec leurs familles », mais celui-ci n’a pas été créé.

([49])  Ce programme permet à des jeunes âgés de 16 à 25 ans de sensibiliser les enfants et les jeunes à leurs droits. Les JADE interviennent dans des structures diverses : établissements scolaires, structures de l’aide sociale à l’enfance, hôpitaux, associations, etc. D’après le rapport annuel d’activité des JADE 2019-2020 publié par le Défenseur des droits, 4 JADE étaient en charge de la promotion des droits de l’enfant à Mayotte en 2019. Ce dispositif ne semble pas déployé en Guyane.

([50])  Le Comité des droits de l’enfant est composé de dix-huit experts indépendants chargés de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant par ses États parties. Il surveille également la mise en œuvre de deux protocoles facultatifs à la Convention sur l’implication d’enfants dans les conflits armés et sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

([51])  L’EPU évalue dans quelle mesure les États respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme, conformément aux dispositifs de la Charte des Nations unies ; la DUDH ; les instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels l’État est partie, le droit international humanitaire applicable. Cette évaluation repose sur les informations fournies par l’État examiné, les informations contenues dans les rapports d’experts et de groupes indépendants des droits de l’homme, les informations provenant d’autres parties prenantes, notamment des institutions nationales des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales. L’examen de ces éléments a lieu dans le cadre d’une discussion interactive entre l’État examiné et les autres États membres de l’ONU. Au cours de cette discussion, chaque État membre de l’ONU peut poser des questions, faire des commentaires et formuler des recommandations aux États examinés.

[52] Depuis 2015, Laurence Dumont organise, tous les ans dans son département, un appel à projets à destination des élèves de collèges et de lycées sur la problématique des « enfants sans identité ». Ils sont invités à produire des supports de communication afin de sensibiliser sur le sujet. Depuis 2018, en partenariat avec Aide et Action, des classes du Bénin, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo se sont jumelées avec les classes françaises pour travailler collectivement à la sensibilisation en Afrique et en France. Une restitution annuelle des travaux est organisée à Caen. En 2019, une délégation d’élèves des cinq pays africains a participé à cette restitution. C’est à cette occasion que Kotia est venue réciter ce poème qu’elle a écrit.