N° 3650

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2020

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation de la lutte contre la contrefaçon

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Christophe BLANCHET et PierreYves bournazel

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

I. CHANGER DE REGARD SUR LA CONTREFAÇON ET DÉFINIR UNE STRATÉGIE NATIONALE POUR MIEUX COORDONNER ACTEURS PUBLICS ET PRIVÉS

A. CHANGER DE REGARD SUR UN PHÉNOMÈNE MASSIF AUX CONSÉQUENCES NÉFASTES

1. Un délit sans victimes, vraiment ?

a. La dangerosité des produits, avec un focus sur les médicaments

b. La contrefaçon, un puissant catalyseur de la délinquance

c. La perte d’emplois et de recettes fiscales

2. Marquer les esprits quand il faut et où il faut

a. Cibler les produits dangereux dans des opérations choc

b. Cibler les plus jeunes

c. Utiliser les canaux de communication digitaux et les nouvelles applications sur smartphone

d. Renforcer les outils officiels de communication et d’accompagnement existants

B. DÉFINIR UNE STRATÉGIE NATIONALE POUR MIEUX COORDONNER LES ACTEURS QUI LUTTENT CONTRE LA CONTREFAÇON

1. Une action sous l’égide des Douanes qui doit gagner en visibilité

a. Les Douanes à la peine face au déferlement de colis postaux

b. Les autres acteurs en apparence moins mobilisés

c. Un effet d’éviction ?

d. Le besoin d’une impulsion politique

2. Mieux associer les titulaires de droits à la lutte contre la contrefaçon

a. Institutionnaliser le tour de table

b. Renforcer et fluidifier les relations entre administrations et titulaires de droits

c. Créer un observatoire pour centraliser l’information et servir d’interface avec l’EUIPO

II. RÉVISER NOTRE CADRE LÉGISLATIF ET RENFORCER NOTRE RÉPONSE JUDICIAIRE

A. ACTUALISER ET RENFORCER NOTRE DROIT INTERNE

1. Permettre à l’administration d’adresser un avertissement ou d’opérer un blocage de site vendeur de contrefaçon et informer le public

2. Adapter le droit de la propriété intellectuelle aux nouvelles modalités de la délinquance

a. Renforcer les dispositions du code de la propriété intellectuelle afin de contrer les sites internet vendeurs de contrefaçons

b. Faciliter la preuve apportée par le titulaire de droits

c. Le transfert du nom de domaine à la marque

d. L’information du consommateur

3. Améliorer l’évaluation du préjudice subi par le titulaire de droits par les tribunaux

4. Introduire une amende civile à l’encontre du vendeur de contrefaçon, en complément des dommagesintérêts

5. Mettre en place un acteur pour l’aide et le conseil aux titulaires de droits, habilité à agir en justice pour le compte de ses membres

a. Une assistance aux entreprises et une mise en relation avec des professionnels de la défense des DPI

b. Comment faciliter l’action en justice des titulaires de droits et en particulier des TPE et PME ?

6. Mieux appliquer les dispositions en vigueur relatives à la vente illicite de tabac

B. FAUTIL FAIRE ÉVOLUER LES SANCTIONS PÉNALES ?

1. Fautil durcir les sanctions pénales de la contrefaçon ?

2. Fautil élargir les possibilités de saisie générale des avoirs issus de la contrefaçon ?

C. ADAPTER L’ORGANISATION JUDICIAIRE À LA DÉLINQUANCE SUR LES PLATEFORMES DE ECOMMERCE ET SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

1. Quelle spécialisation des juridictions pour le contentieux de la contrefaçon ?

2. Faciliter et accélérer le dépôt des requêtes

III. L’UNION EUROPÉENNE DOIT DÉFENDRE SES CRÉATEURS ET SES FABRICANTS ET PROTÉGER SES CONSOMMATEURS

A. INSCRIRE LA CONTREFAÇON DANS LE CYCLE POLITIQUE ET LES PRIORITÉS DE L’UNION EUROPÉENNE

1. Les instances européennes semblent avoir pris la mesure du problème

2. Jouer pleinement le jeu européen

B. LA PERSPECTIVE DU NOUVEAU DIGITAL SERVICES ACT (DSA) : IMPOSER AUX ACTEURS DU ECOMMERCE UNE OBLIGATION DE FILTRAGE ASSORTIE D’UNE RESPONSABILITÉ

1. Des positions multiples et divergentes dans les États membres et la Commission européenne quant à la nécessité d’une législation coercitive et contrôlée, face au principe de liberté de l’internet

2. La définition d’un nouveau régime de responsabilité pour les plateformes de commerce en ligne, distinct de celui des intermédiaires techniques

a. Une obligation de moyens quant à la licéité des produits mis en vente

b. Une obligation de réponse prompte aux notifications et de retrait des marchandises contrefaisantes

c. Une obligation de transparence sur les moyens mis en œuvre pour respecter les obligations

d. Ces diligences à la charge des acteurs se complètent par des obligations incombant aux États membres

e. Cet ensemble d’obligations et de garanties devrait être complété par une protection renforcée du consommateur

3. Des avancées sont en cours au niveau européen et national, signes d’une volonté d’agir

C. DONNER PLEINE APPLICATION À CERTAINS DISPOSITIFS déjà EN VIGUEUR AU SEIN DU MARCHÉ INTÉRIEUR

1. Une application inégale des textes de l’Union européenne

2. Faciliter la coopération au sein de l’Union européenne

D. DÉFENDRE LES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE À TRAVERS LES RELATIONS COMMERCIALES AVEC LES PAYS TIERS

E. LA LUTTE CONTRE LA VENTE DE MÉDICAMENTS FALSIFIÉS

1. Des risques avérés au niveau de l’Union européenne

2. Une riposte européenne encore insuffisante

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE N° 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

ANNEXE N° 2 : TYPOLOGIE DES PLATEFORMES EN LIGNE

ANNEXE N° 3 : GLOSSAIRE

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES À L’ÉVALUATION de la lutte contre la contrefaçon

 


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   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

I– Changer de Regard sur la contrefaçon et Définir une stratégie nationale pour mieux coordonner Acteurs publics et privés

Proposition n° 1 : Autoriser les Douanes à pratiquer des coups d’achat pour les médicaments et les matières premières à usage pharmaceutique.

Proposition n° 2 : Inciter les maires à se saisir de l’expérimentation relative à la verbalisation de la vente à la sauvette par la police municipale et construire une collaboration plus étroite avec les services de la police nationale.

Proposition n° 3 : Informer les consommateurs sur l’impact négatif des contrefaçons à différents moments clés de l’éducation ou de la vie économique : école, collège, lycée, service national universel, achats sur des sites internet ou des réseaux sociaux.

Proposition n° 4 : Adopter une stratégie nationale et un plan d’action de lutte contre la contrefaçon, et charger un délégué interministériel d’assurer sa mise en œuvre.

Proposition n° 5 : Charger l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) de collecter l’ensemble des données utiles à la quantification de la contrefaçon et au recensement de l’action des administrations.

II– Réviser notre cadre législatif et renforcer notre réponse judiciaire

Proposition n° 6 : Instituer une procédure administrative d’avertissement ou de blocage des sites internet proposant à la vente des produits contrefaisants.

Proposition n° 7 : Instituer des agents assermentés pour le droit des marques autorisés à constater une infraction commise sur internet et à exiger, pour le compte du titulaire de droits, qu’il soit mis fin à l’exposition et à la vente de contrefaçon sur des plateformes commerciales ou des réseaux sociaux.

Proposition n° 8 : Renforcer l’efficience du blocage des sites commercialisant des contrefaçons :

– introduire dans le code de la propriété intellectuelle une disposition permettant à l’autorité judiciaire de prononcer la suspension groupée de nombreux noms de domaine et de comptes de réseaux sociaux, et le regroupement des plaintes contre les sites les plus actifs ;

– prévoir un texte d’application précisant que le plaignant n’aura pas besoin de démontrer un lien ou une connexité entre les différents sites dont le blocage est demandé, considérant qu’ils sont liés de fait par l’atteinte commune qu’ils portent à la marque ; réduisant le formalisme de la preuve pour admettre les copies d’écran et attestations d’un agent assermenté en droit des marques ; autorisant l’injonction par le juge de retrait de contenus identiques ou équivalents à un contenu qui a déjà fait l’objet d’un constat d’illicéité ;

– prévoir une disposition précisant expressément qu’en cas d’impossibilité de connaître le responsable du site, l’injonction s’adresse au prestataire de service intermédiaire ;

– prévoir les modalités d’un transfert de la propriété du nom de domaine suspendu au titulaire de droits afin d’en empêcher la reconstitution ;

– instituer une obligation d’avertissement du consommateur sur la page du site suspendu pour contrefaçon ou vente illégale mentionnant la condamnation intervenue.

Proposition n° 9 : Évaluer les décisions rendues par les tribunaux en matière de contrefaçon en s’intéressant particulièrement à l’analyse des dommagesintérêts et aux condamnations aux dépens.

Proposition n° 10 : Instituer dans le code de la propriété intellectuelle une amende civile à l’encontre du vendeur de contrefaçon, proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur du délit et aux profits qu’il en aura retirés.

Proposition n° 11 : Faciliter la défense des droits de propriété intellectuelle des entreprises :

– créer un organisme sous la forme juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP) ou d’une association pour conseiller et apporter une aide aux titulaires de droits, en particulier les PME ;

– autoriser à se pourvoir en justice une association existante ou à créer spécifiquement à cet effet, sur le modèle de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) ;

– étudier l’extension de l’action de groupe au domaine de la contrefaçon.

Proposition n° 12 : Mieux lutter contre les ventes illicites de tabac :

– appliquer l’article 29 de la loi n° 2018‑898 relative à la lutte contre la fraude qui oblige les réseaux sociaux à énoncer que la vente de tabac est illégale ;

– dresser le bilan de l’amende forfaitaire sanctionnant l’achat à la sauvette de tabac et étudier la possibilité de sanctionner la détention de tabac illicite comme celle de stupéfiants ;

– sensibiliser les réseaux sociaux à leur obligation de retirer les annonces illégales sans intervention du titulaire de droits, de la même manière qu’ils coopèrent pour supprimer les contenus haineux.

Proposition n° 13 : Adapter l’organisation judiciaire aux mutations du commerce international en ligne :

– dédier une chambre juridictionnelle dans certains gros tribunaux de grande instance aux litiges relatifs au commerce en ligne ;

– permettre aux détenteurs de droits de déposer leurs requêtes en ligne ;

– limiter la rotation des magistrats dans les postes spécialisés dans la propriété intellectuelle et les litiges relatifs au commerce en ligne.

III– L’Union européenne doit défendre ses créateurs et ses fabricants et protéger ses consommateurs

Proposition n° 14 : Intégrer la contrefaçon dans la feuille de route politique de l’Union européenne, prioriser la lutte contre la contrefaçon au sein des missions de l’Office européen de lutte anti‑fraude (OLAF) et d’Europol.

Proposition n° 15 : Reconnaître la responsabilité des plateformes de commerce électronique et des réseaux sociaux en cas de mise en vente de produits contrefaisants et leur imposer un devoir de vigilance, reposant notamment sur :

– une obligation de retirer dans un délai maximal la marchandise du site après réception d’une notification motivée de la part d’un titulaire de droits ;

– une obligation de transparence sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre la vente de contrefaçon ;

– une obligation de coopérer avec leurs autorités administratives pour les demandes d’information ;

– une obligation d’exiger l’identité des vendeurs professionnels ;

– une obligation de remboursement du client trompé sur la qualité de la marchandise ;

– une obligation d’information des consommateurs lorsqu’ils ont été exposés à des produits de contrefaçon.

Proposition n° 16 : Faire figurer la protection des droits de propriété intellectuelle dans tous les accords commerciaux bilatéraux signés par l’Union européenne.

Proposition n° 17 : Réglementer plus efficacement la vente en ligne de médicaments :

– renforcer les obligations des registraires de noms de domaine en ce qui concerne les sites de vente de médicaments ;

– imposer aux plateformes de commerce électronique des mesures proactives pour retirer les médicaments falsifiés en vente ;

– prévoir pour les réseaux sociaux une obligation de mettre en place des filtres dès lors qu’il s’agit d’offres ou incitations à vendre des médicaments.

Proposition n° 18 : Prévoir des publications périodiques sur les falsifications de médicaments au sein de l’Union européenne.

 


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   SYNTHÈSE