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N° 3811

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 janvier 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE ([1])

sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

M. Damien ADAM et Mme StÉphanie KERBARH,

 

Députés

 

 

 


 

 

La mission d’information commune sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives est composée de : Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente, M. Damien Adam et Mme Stéphanie Kerbarh, rapporteurs ; M. Thierry Benoit, Mme Danielle Brulebois, MM. Jacques Cattin, Yannick Haury, Guillaume Kasbarian, Jean-Luc Lagleize, Emmanuel Maquet, Mmes Sandra Marsaud, Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, Mme Sylvia Pinel, M. Jean‑Marie Sermier, Mme Bénédicte Taurine, MM. Hubert Wulfranc et Jean‑Marc Zulesi, membres.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos de la présidente (Mme Marie-Noëlle Battistel)

introduction

premiÈre partie :  connaÎtre, identifier et Évaluer le potentiel des friches, un prÉalable nÉcessaire À leur rÉsorption

I. des enjeux majeurs dans l’amÉlioration des dispositifs d’identification et de connaissance des friches

A. Une absence de dÉfinition juridique harmonisÉe des friches

B. Les difficultÉs liÉes au recensement et À l’identification des friches

C. Les acteurs impliquÉs dans la rÉnovation des friches

II. la rÉsoRPtion des friches exerce une action positive sur l’économie locaLE ET L’ENVIRONNEMENT

A. imaginer de nouvelles formes de coexistence entre la ville et l’environnement

1. La reconversion des friches constitue un levier de lutte contre l’artificialisation des sols

a. L’irréversibilité de l’artificialisation impose de consommer les sols avec prudence

b. La réhabilitation des friches peut faire recouvrer aux sols certaines de leurs fonctions environnementales

2. La réhabilitation des friches peut avoir des effets positifs du point de vue de la santé environnementale

a. Les friches sont un facteur de pollution majeur et leur reconversion permet l’élimination de certains risques

b. Certaines opérations de revitalisation donnent lieu à une déminéralisation bénéfique pour la régulation thermique de la ville

3. La gestion des terres excavées est un enjeu majeur de l’économie circulaire

B. La rÉhabilitation des friches contribue puissamment au dÉveloppement Économique local

1. La suppression d’une friche participe à la revalorisation économique d’un territoire

a. Éliminer les impacts négatifs nés de la présence d’une friche

b. Contribuer à la revalorisation foncière d’un territoire

2. Un gisement de foncier pour le développement des énergies renouvelables

3. La réhabilitation des friches permet de revaloriser le patrimoine industriel de certaines régions

DEUXIÈME PARTIE :  des difficultÉs entravent la rÉnovation des friches

I. L’Évolution des outils juridiques en faveur de la rÉhabilitation des friches et les difficultÉs persistantes

A. Le problème de la propriété et le droit de préemption et d’expropriation des personnes publiques

B. La mÉthodologie de gestion des sites polluÉs : des progrÈs notables À confirmer

C. Le dispositif du tiers demandeur : un outil utile à faire évoluer

II. l’Équilibre Économique des projets, un objectif difficile À atteindre

A. Le bouclage financier d’une opÉration de rÉnovation est soumis À des alÉas majeurs

1. Les coûts de la réhabilitation sont très élevés

a. La dépollution, qui occasionne des surcoûts importants, implique un différentiel de coût élevé avec les opérations en extension urbaine

b. Face à la rigidité des prix de vente, il est nécessaire de développer des solutions pour amortir ou abaisser les coûts de dépollution

2. Les bilans sont grevés par les incertitudes et les risques

a. Des asymétries d’information et un risque temporel mettent en péril les bilans comptables des opérations de revitalisation

b. La valeur foncière des terrains constitue un obstacle important en zone non tendue

B. Les ressources financiÈres disponibles sont incertaines et insuffisantes

1. Le financement par le secteur privé ne permet pas de compenser le déficit de rentabilité des projets

a. En dépit de l’émergence de nouveaux acteurs, le secteur de la dépollution demeure morcelé et peu innovant

b. La naissance de nouveaux acteurs intégrés, bénéficiant de financements publics et privés, permet une prise en charge des friches au long cours

2. Les financements publics demeurent incertains et insuffisants

a. Les acteurs locaux n’ont pas toujours les moyens

b. Les financements nationaux, distribués notamment par le biais de l’ADEME, sont réduits

c. Les financements européens sont sous-mobilisés

troisiÈme partie : Renforcer l’action publique en faveur  de la rÉnovation des friches

I. S’engager dans une politique rÉsolue de prÉvention de la formation de friches

A. S’interroger en amont sur le développement des espaces urbains et renforcer l’ingénierie territoriale

B. Limiter les friches induites par la réglementation

C. Favoriser la réversibilité par l’anticipation

II. Une nÉcessaire simplification des procÉdures de rÉhabilitation ou de reconversion

A. Simplifier et ACCÉLÉRER les procÉdures de reconversion

1. Décloisonner les procédures administratives

2. Faciliter les changements de zonage et d’usage et l’obtention des documents administratifs

B. CrÉer de nouveaux outils pour dÉvelopper l’action des collectivitÉs

1. Instaurer la région comme collectivité chef de file sur les projets de réhabilitation des friches

2. Étendre la couverture des EPF et EPA à l’ensemble du territoire

3. Encourager les collectivités à acquérir le foncier des friches en vue de leur reconversion

III. Mobiliser l’outil fiscal pour rendre plus attractives la reprise et la rÉhabilitation des friches

A. La fiscalitÉ immobiliÈre peut inciter À la rÉtention fonciÈre

1. La fiscalité sur la détention du capital immobilier, globalement faible, peut favoriser des comportements spéculatifs

2. La fiscalité sur les mutations renchérit le coût d’achat

3. La fiscalité dégressive sur les revenus de cession encourage la rétention foncière

4. Une réflexion profonde doit être engagée sur l’opportunité des dispositifs fiscaux en faveur de la construction

B. les collectivitÉs disposent de Quelques leviers fiscaux qui leur permettent d’agir sur les friches

1. L’abattement exceptionnel de taxe sur les plus-values de cession en faveur des propriétés situées en zone tendue

2. La taxe d’aménagement permet d’ores et déjà de renchérir le coût de l’aménagement en extension en favorisant le recyclage urbain

3. La taxation des plus-values des terrains nus devenus constructibles

4. La taxe sur les friches commerciales est un exemple de disposition permettant une action rapide à l’échelle locale

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA MISSION D’INFORMATION

EXAMEN DU RAPPORT PAR LES COMMISSIONS

LISTe des propositions

liste des personnes auditionnées


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   Avant-propos de la présidente
(Mme Marie-Noëlle Battistel)

 

Le sujet de la rénovation des friches est plus prégnant que jamais. Celles-ci sont effectivement source d’opportunités et d’intérêts divers, qu’ils soient économiques, sociaux ou encore environnementaux. Il rejoint en outre les problématiques qui sont au cœur de l’actualité et font partie intégrante des préoccupations des acteurs économiques et de la société.

Je pense notamment à la lutte contre l’artificialisation des sols, à la réindustrialisation du pays ou encore au développement de l’économie circulaire. Je pense également à la mutation digitale de l’économie, aux restructurations de services publics ainsi qu’aux crises économiques qui ne font qu’accroître le nombre de friches. La crise sanitaire, économique et sociale que nous subissons aujourd’hui ne manquera pas, malheureusement, de contribuer à une nouvelle vague de friches. C’est pourquoi, nous devons dès à présent nous saisir de ce sujet.

Les enjeux étant multiples, les travaux qui ont été menés ont eu un objet le plus large possible, en s’intéressant non seulement aux friches industrielles et commerciales mais également aux friches administratives et militaires. Un tel choix permet d’éviter toute myopie et de manquer de répondre à une partie du sujet et des enjeux y attenant.

Sujet prégnant, porteuse d’enjeux multiples et actuels, la revalorisation des friches industrielles est également indispensable afin de répondre à un phénomène d’ampleur. Nous connaissons encore mal le nombre de friches que compte notre pays et l’espace qu’elles occupent sur le territoire national. Le ministère de la transition écologique estime à 2 400 le nombre de friches industrielles, quand d’autres acteurs avancent des chiffres bien plus élevés (de 4 000 à 10 000 sites pourraient alors être concernés, pour une surface totale comprise entre 90 000 et 150 000 hectares). Quoi qu’il en soit, le nombre demeure conséquent.

S’agissant des friches commerciales ou administratives, le recensement est quasi inexistant et il apparaît difficile de dire quelle est la surface occupée par celles‑ci, faute de base de données suffisante et fiable, malgré le déploiement progressif de nouveaux outils co-construits avec les territoires. Il apparaît indispensable d’associer pleinement ces derniers à la revalorisation des friches afin de bénéficier de leur entière connaissance du terrain et des acteurs concernés.

Toutefois, si le recensement des friches est un frein conséquent à leur revalorisation, d’autres difficultés subsistent. Il convient effectivement de relever que le fait que le traitement des friches relève de plusieurs ministères et agences ajoute de l’illisibilité, et qu’il est ainsi parfois difficile de s’y retrouver pour les acteurs qui cherchent à se faire accompagner dans un projet de réhabilitation.

La question du financement est également essentielle. Le soutien financier public est primordial, plus particulièrement pour ce qui concerne les friches industrielles, notamment en raison du coût de dépollution (évalué à hauteur d’au moins un million d’euros de l’hectare). Cela explique que les propriétaires sont aujourd’hui incités à se décharger des coûts afférents à la réhabilitation en les reportant sur des porteurs à projets.

Toutefois, ces dispositifs – comme celui du tiers demandeur créé en 2014 avec la loi ALUR – sont trop peu utilisés. Quant aux financements publics directs, ils demeurent largement insuffisants et ne sont donc pas à la hauteur des enjeux.

Pourtant, des acteurs s’engagent, proposent, afin d’apporter des solutions en faveur de la réhabilitation des friches partout sur le territoire. Les idées, les projets, les innovations sont sur la table et n’attendent que la volonté politique et un signal positif donné par l’État.

Il convient encore de lever l’ensemble des freins qui concernent les collectivités territoriales. Toutes ne peuvent en effet bénéficier d’une véritable expertise en matière d’ingénierie. Instruire un dossier demande, pour les grands projets, des compétences particulières et toutes les collectivités n’en disposent malheureusement pas. Il convient donc d’imaginer les dispositifs adéquats afin de leur apporter l’expertise nécessaire alors qu’elles sont les premières concernées sur leur territoire. Elles doivent être davantage accompagnées et soutenues.

Par ailleurs, la question fiscale apparaît également au cœur du sujet. En effet, les taxes foncières peuvent être très faibles, en particulier en ce qui concerne les propriétés non bâties, notamment au regard de la valeur des terrains constructibles. Les politiques de soutien au secteur immobilier et à l’accession à la propriété ont eu tendance à renforcer les incitations à bâtir plutôt qu’à réhabiliter. Les dispositifs existants jouent en défaveur de la réhabilitation des friches, car ils incitent plutôt à développer du logement en extension urbaine. C’est le cas par exemple du prêt à taux zéro (PTZ).

Ainsi, le présent rapport a pour ligne directrice d’identifier les freins, de lever toutes les difficultés s’agissant des friches, qu’elles soient administratives, commerciales, administratives ou militaires afin d’être en mesure d’apporter les solutions appropriées. Cela est d’autant plus important que, outre les nombreux enjeux que la réhabilitation des friches sous-tend, les territoires et nos concitoyens ont tout à y gagner.

La rénovation des friches est en effet une source importante d’externalités positives comme par exemple l’augmentation du foncier disponible sans engendrer d’artificialisation des sols, la redynamisation d’un territoire en accueillant des entreprises donc en réduisant les risques sanitaires que les friches font peser sur les populations, ou encore en termes de valorisation d’un patrimoine.

 

Pour toutes ces raisons, les deux rapporteurs, Mme Stéphanie Kerbarh, députée de la 9e circonscription de Seine-Maritime, et M. Damien Adam, député de la 1ère circonscription de Seine-Maritime, ont été force de proposition afin de suggérer des pistes visant à dépasser les freins et difficultés rencontrées par les différents acteurs concernés et les collectivités territoriales. Ce rapport constitue donc un travail indispensable afin de pouvoir apporter une réponse adéquate aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, au cœur desquels la revalorisation des friches occupe une place particulière. 

 


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   introduction

Face aux problèmes conjugués de l’artificialisation des sols et de la raréfaction du foncier disponible, la réhabilitation et le réemploi des friches d’activités présentent pour les territoires un intérêt majeur, à la fois en termes économiques, sociaux et environnementaux. C’est cette intuition qui a guidé la mise en place de la présente mission d’information et qui constitue le fil rouge de la réflexion de vos rapporteurs.

La superficie occupée par les friches sur le territoire national, qui pourrait atteindre 150 000 hectares pour les seules friches industrielles, est très conséquente. Sur l’ensemble du territoire, les traces du passé subsistent et posent des contraintes à la planification municipale. Les friches représentent un fardeau pour les collectivités qui n’arrivent pas à les valoriser ou un potentiel pour celles qui entrevoient les possibilités de réutilisation.

Mais la question des friches ne peut se poser que par rapport au passé industriel de notre pays : la mutation digitale de l’économie, les restructurations de service public, les crises économiques engendrent en permanence leur lot d’emprises abandonnées. Les friches sont ainsi un héritage collectif systématiquement renouvelé.

Or la crise économique et sociale majeure que nous traversons du fait de la pandémie de la covid‑19 fait craindre une nouvelle vague de formation de friches : friches commerciales avec les fermetures de commerces occasionnées par les confinements, friches de loisirs telles que des stations de ski, nouvelles friches industrielles, etc. C’est en ce sens que la question de la prévention est aussi importante que celle du traitement.

Le présent rapport se concentre néanmoins davantage sur la question du traitement, car la prévention de la formation de friches inclut des enjeux larges de politique économique qu’il serait difficile d’aborder de manière exhaustive.

Le sujet des friches se situe également au cœur des politiques territoriales de développement durable. Reconstruire la ville sur la ville, c’est aussi l’une des priorités de la « Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources », élaborée par la Commission européenne, et de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) adopté en France dans le cadre du plan Biodiversité. Cet objectif comprend la division par deux des terres artificialisées dans les dix années à venir par rapport aux dix précédentes années, objectif qui tient tout particulièrement à cœur vos rapporteurs. Car, depuis les années 1980, la surface occupée par les activités secondaires et tertiaires a doublé, de même que les fonctions résidentielles.

Le foncier économique non agricole (établissements, emprises des zones commerciales et entrepôts) couvre désormais 30 % des surfaces artificialisées, selon les estimations produites sur la base de l’enquête Teruti-Lucas de 2014 sur l’occupation et l’utilisation du territoire. Il progresse bien plus vite que le foncier résidentiel.

Prévenir la formation de friches et lutter pour leur réhabilitation répond ainsi à des enjeux environnementaux, économiques, sociaux et culturels. C’est un objet de reconquête industrielle et territoriale dans lequel les collectivités sont amenées à jouer un rôle de premier plan. La reconquête industrielle constitue en effet depuis 2017 une priorité de cette majorité, et la remise en état des friches afin de recevoir de nouvelles activités industrielles en est un levier essentiel. Dans ce but, les collectivités doivent adopter une gestion active et stratégique du foncier et appliquer la séquence « éviter, réduire et compenser » (ERC) inscrite dans le code de l’environnement.

Mais leur action se heurte à de nombreuses difficultés. La première d’entre elles est de définir et identifier les friches présentes sur le territoire, ce qui conduit à constater le morcellement de l’action publique en cette matière. Il n’existe pas de définition juridique d’une friche, ni d’inventaire local ou national exhaustif, y compris pour les friches industrielles qui sont a priori les plus faciles à recenser.

Ensuite, même lorsqu’une friche est identifiée, sa reconversion fait intervenir une pluralité d’acteurs aux intérêts parfois divergents : propriétaire foncier, exploitant, services de l’État et des collectivités, porteurs du projet (établissements publics fonciers ou administratifs, promoteurs, entreprises). La reconversion se fait le plus souvent selon des logiques de marché propres à chaque situation, avec ou sans intervention publique.

Du côté des acteurs publics, plusieurs ministères et agences interviennent, quoique leurs actions pourraient faire l’objet d’une meilleure coordination. Sur ce point, la désignation d’un chef de projet pour coordonner les services de l’État et des collectivités est une attente forte des acteurs, exprimée à de nombreuses reprises pendant les travaux de la mission.

Les acteurs publics et le législateur doivent aussi s’attacher à examiner la pertinence et l’efficacité des procédures administratives mises en œuvre. De nombreuses avancées ont eu lieu depuis une dizaine d’années, comme en témoigne par exemple la procédure du tiers demandeur, qui demeure cependant trop peu utilisée et peut faire l’objet d’approfondissements. De manière générale, des progrès demeurent possibles afin d’accélérer et de regrouper les procédures, et d’accompagner les porteurs de projet et les collectivités.

Le principal point de blocage demeure cependant l’équilibre économique des projets. Les projets d’aménagement sont, de manière générale, sujets à une accumulation de surcoûts et d’aléas qui ne sont que partiellement le fait des délais et des procédures d’ordre administratif. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne les projets de réhabilitation des friches, qui sont concernés par des difficultés supplémentaires.

La principale difficulté financière concerne la dépollution du site, qui implique, en fonction de l’activité à laquelle le site est destiné, des travaux d’ampleur différenciée mais toujours conséquente. Les coûts et la durée de ces travaux exposent le meneur de projet à des risques financiers importants. Dans les zones où le marché foncier n’est pas caractérisé par une demande élevée, il est impossible de rentabiliser des travaux de plusieurs centaines de milliers d’euros par hectare.

La question du financement de la réhabilitation présente donc un visage radicalement différent en fonction de la localisation du site. Dans un site inséré dans une région dynamique, la conversion en logements ou dans une autre activité permettra sans difficulté de financer les travaux nécessaires. Dans un site moins favorisé, l’opération de réhabilitation ne pourra pas se faire aux conditions du marché.

C’est ce second cas qui a retenu surtout l’attention de vos rapporteurs, puisqu’il aboutit à la subsistance de certaines friches sur des décennies, alors même que leur présence exerce un effet récessif avéré et mesuré sur les territoires dans lesquels elles s’inscrivent.

C’est la plupart du temps à l’intervention publique que les acteurs s’en remettent, par le biais des établissements publics fonciers ou des opérateurs nationaux, des financements par appels à projets ou des dotations européennes, pour abonder les ressources du meneur de projet et permettre ainsi l’équilibre des projets en compensant les surcoûts liés à la dépollution.

L’un des enjeux centraux de ce sujet réside donc, de l’avis de vos rapporteurs, dans l’amélioration de l’intervention publique dans ce domaine, de manière à permettre une action plus rapide et plus efficace de l’identification au réaménagement des friches. Les acteurs publics doivent mieux accompagner les opérateurs privés à chaque étape de ces processus longs et compliqués et les instruments juridiques et fiscaux doivent être tout entièrement tournés vers une fluidification des projets.

 


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   premiÈre partie :
connaÎtre, identifier et Évaluer le potentiel
des friches, un prÉalable nÉcessaire À leur rÉsorption

I.   des enjeux majeurs dans l’amÉlioration des dispositifs d’identification et de connaissance des friches

Si la revitalisation des friches paraît comme un enjeu majeur de politique publique, les efforts des acteurs en la matière sont systématiquement freinés par des difficultés liées au manque de connaissances précises sur les territoires concernés. La cartographie des friches ne va pas de soi, notamment parce que la définition des friches n’est pas homogène.

A.   Une absence de dÉfinition juridique harmonisÉe des friches

Le traitement des friches est d’abord marqué par un problème de définition et de recensement. Il n’existe ainsi pas de définition officielle de la friche, et elle ne renvoie pas non plus à une notion juridique. Parmi les multiples définitions qui circulent, celle donnée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ne correspond pas toujours aux réalités locales : « Espace bâti ou non, anciennement utilisé pour des activités industrielles, commerciales ou autres, abandonné depuis plus de deux ans, et de plus de 2000 mètres carrés ».

Comme le signale le Laboratoire d’initiatives foncières et territoriales innovantes (LIFTI), cette définition occulte une grande partie des friches de moindre taille ou de date plus récente, ce qui pose des difficultés quant à leur recensement et leur aménagement dans un temps restreint. Cette « invisibilisation » est d’autant plus problématique qu’elle concerne le plus souvent des territoires stratégiques comme les anciens établissements artisanaux, situés dans des endroits proches des centres-villes. Car en réalité, si les friches industrielles se distinguent par leur état d’abandon ou de délabrement, leurs autres caractéristiques font l’objet de débat :

– leur ancienne finalité économique : l’INSEE ne fait par exemple pas la différence entre anciennes friches industrielles, commerciales ou militaires, ce qui rend l’identification des friches spécifiquement industrielles moins aisée ;

– leur localisation : majoritairement implantées en zone urbaine ou périurbaine, les friches industrielles représentent, selon le périmètre retenu, une plus ou moins grande partie des friches urbaines, terme employé notamment par l’Agence de la transition écologique (ADEME) ([2]) ;

– leur état sanitaire : on distingue les friches polluées et non polluées. Les friches polluées sont en général des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Elles concentrent la majorité des enjeux et font l’objet d’une procédure administrative différente selon leur degré de risque : la déclaration, l’enregistrement ou l’autorisation ;

– leur superficie : elle doit être supérieure à 2000 mètres carrés selon la définition de l’INSEE, mais d’autres acteurs, comme le LIFTI ou l’ADEME, optent pour une définition plus large qui exclut tout critère de taille ;

– l’ancienneté de leur état d’abandon : l’INSEE évoque des friches abandonnées depuis plus de deux ans, et quoique certains acteurs estiment que cette limitation temporelle est trop restrictive, d’autres personnes interrogées à ce sujet ont trouvé que cet intervalle est suffisant.

Si la documentation élaborée à l’échelon national est plus avancée en matière de friches industrielles que pour tous les autres types de friches, elle n’en demeure pas moins lacunaire et fragmentée. En effet, en l’absence de définition et d’inventaire sur le plan national, des observatoires locaux des friches ont essaimé à de nombreux endroits du territoire, chacun adoptant sa définition au regard des problématiques locales. Cet état de fait ne facilite pas l’appréhension du phénomène au niveau national et l’élaboration de réponses dédiées. Il semble ainsi nécessaire de progresser vers une définition juridique harmonisée et vers l’élaboration d’un inventaire national, qui viendra compléter et non remplacer les inventaires locaux.

De nombreux acteurs plaident en faveur de cette définition standardisée. Certes, même avec une telle définition, la friche continuera de relever de droits différents : droit de la propriété foncière et immobilière, droit de l’environnement, droit des personnes publiques. En outre, l’idée d’une définition commune présente le risque de gommer les spécificités des situations locales, lesquelles sont liées au passé économique des territoires. Certains intervenants souhaitent ainsi une définition qui prenne en considération certaines spécificités territoriales, comme l’Établissement public foncier d’Île-de France (EPFIF), qui souligne que de nombreuses friches franciliennes sont encore partiellement occupées, notamment des friches commerciales.

Ces limites et spécificités doivent être prises en compte mais elles n’invalident pas l’utilité d’adopter une définition juridique large et souple des friches. En effet, la situation actuelle présente de nombreux inconvénients. On constate, par exemple, que deux organismes différents peuvent mener une démarche d’inventaire sur le même territoire en recensant des types de friches différents (à l’instar du département des Ardennes). Ceci a du sens dans le cas où l’un des organismes a une expertise particulière sur un type de friche spécifique (friches agricoles notamment). Cependant, dans d’autres cas, on peut questionner l’efficacité de ce type de démarche du point de vue des ressources allouées au projet face aux résultats finaux.

En outre, le fait qu’il n’existe pas de définition unique de la friche peut être perçu comme un obstacle si l’on souhaite rassembler l’ensemble des bases de données locales dans une base de données nationale. Ces problèmes de définition engendrent enfin des complexités dans la mobilisation de fonds auprès de la Caisse des dépôts (et notamment de la Banque des territoires) : comment projeter une action et débloquer des fonds alors même que la friche n’existe pas encore, ou qu’elle n’est pas définie comme telle ?

C’est pourquoi une définition large des friches semble utile. À cet égard, la définition proposée par le LIFTI paraît, une fois prises en compte quelques modifications, très adaptée : « Bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, quel que soit son affectation ou son usage, dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable ». Elle mériterait cependant d’être précisée en ce qui concerne la période au bout de laquelle une emprise inutilisée peut être considérée comme une friche.

Proposition n° 1. Inscrire dans la loi une définition harmonisée des friches. Cette définition pourrait être ainsi rédigée : « Bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé depuis plus de deux ans, dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable ».

À partir de cette définition large, un recensement des friches pourra être opéré et l’action publique pourra se déployer. Ce recensement devra dès lors s’appuyer sur un faisceau d’indices comme la temporalité de la vacance, l’ancien usage et la présence ou non de bâti.

B.   Les difficultÉs liÉes au recensement et À l’identification des friches

Si les friches ne font pour l’instant pas l’objet d’une définition juridique harmonisée, leur recensement n’est pas non plus exhaustif malgré, ou à cause, d’une multitude de référentiels utilisés. Il en résulte une forte incertitude sur l’envergure du problème : si le ministère de la transition écologique (MTE) évoque le nombre d’environ 2 400 friches industrielles, d’autres acteurs avancent des chiffres plus élevés (de 4 000 à 10 000 sites) pour une surface totale comprise entre 90 000 et 150 000 hectares.

Progresser au niveau national vers une base unique de recensement pourrait constituer une première étape. En effet, plusieurs acteurs opèrent un recensement des friches industrielles mais il n’existe pas de base de données unique et consensuelle. Les principales bases de données sont attachées aux organismes suivants :

– le Bureau d’études géologiques et minières (BRGM) ; il diffuse depuis 1999, pour le compte du ministère chargé de l’environnement, la base de données des anciens sites industriels et activités de services (BASIAS), publiquement accessible sur la plateforme Géorisques. En pratique, l’inventaire est globalement fiable pour les activités qui ont eu lieu au XXe siècle, et nettement moins pour les sites abandonnés dès le XIXe siècle, où l’on peut donc retrouver des pollutions historiques à l’occasion d’investigations de toutes origines. Près de 318 000 sites sont recensés, dont beaucoup ne sont plus des friches. Une carte (CASIAS) est élaborée à partir des données de la base ;

– l’inspection de l’environnement chargée des installations classées ; elle publie l’inventaire BASOL qui liste les sites et sols pollués et pour lesquels une action préventive ou curative de l’inspection des installations classées a été lancée, que ce soit dans le cadre d’une ICPE en activité, de la cessation d’activité d’une ICPE, d’une intervention de l’ADEME pour la mise en sécurité dans le cas d’une ICPE à responsable défaillant, d’une surveillance résiduelle post-cessation d’activité ICPE, ou encore d’un signalement. La base BASOL compte un peu plus de 7 300 sites. L’inventaire inclut toutefois des sites encore en activité qui ne sont donc pas en état de friche ;

– certains conseils départementaux ou régionaux, concernés au premier chef par la restructuration des bassins d’emplois manufacturiers tels que le Haut-Rhin, les Ardennes ou la Lorraine ; ils ont développé des observatoires régionaux des friches industrielles ;

– enfin, les préfets de département ont, depuis la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), l’obligation d’élaborer des secteurs d’information sur les sols, qui recouvrent les zones non déjà couvertes par d’autres dispositions et qui doivent comprendre toutes les informations dont dispose l’État sur l’état de pollution des sols. Selon la direction générale pour la protection des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique, 3 177 secteurs d’information sur les sols ont été élaborés depuis 2018 et 3500 sont en cours d’élaboration. En cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et la mise en place de mesures de gestion de la pollution pour préserver la santé et l’environnement sont indispensables.

Notons que se développent également des inventaires participatifs, parfois encouragés par les pouvoir publics. Un exemple en est donné à travers la création d’une start-up d’État, Urbanvitalize, dans le but de fournir des services aux professionnels de la réhabilitation des friches à partir des nouveaux inventaires. Le LIFTI gère également un « Wikifriches » et mène plusieurs études à ce sujet.

La mission d’information et les professionnels du secteur font donc unanimement le constat de l’existence de bases de données éclatées, incomplètes et parfois imprécises sur l’état et le nombre des friches industrielles. Le recueil de données se révèle encore plus complexe si l’on souhaite intégrer les friches d’une autre nature (militaires, commerciales, agricoles, ferroviaires, résidentielles, etc.).

Un groupe de travail national relatif aux friches a été lancé en juin 2019 par le Gouvernement, intégré depuis janvier 2020 au groupe de travail national relatif à l’artificialisation, du fait de l’articulation entre les deux sujets. Ce groupe de travail comprenait un sous-groupe affecté aux inventaires (national et locaux). Il en est notamment ressorti qu’il y a une grande diversité dans l’origine et la typologie (taille, occupation temporaire) des friches mais aussi dans les déclinaisons locales. C’est dans ce contexte qu’a été décidé l’établissement d’une plateforme nationale d’inventaire des friches.

Cette plateforme nationale d’inventaire des friches devra être alimentée par ces bases de données, sans s’y substituer. Le principe serait que les données sur le statut en friche des sites puissent être confirmées par les collectivités locales qui disposent, au plus proche du terrain, des informations concernant l’occupation effective de ces sites. En effet, aucun acteur ne dispose de la totalité des données pertinentes pour hiérarchiser correctement les sujets à traiter, et la solution passe nécessairement par le partage de données entre des acteurs différents. Afin de faciliter et accélérer l’identification des friches au niveau local, la plateforme mettra ainsi à disposition des collectivités un pré-inventaire, constitué à partir des données nationales disponibles (fichiers fonciers, SIRENE, bases de données relatives aux sols pollués…).

À la demande du ministère de la transition écologique, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) a réalisé début 2020 une démonstration de faisabilité pour un inventaire national des friches urbaines, ayant vocation à être ouvert à tous, via une plateforme web, afin de favoriser la réhabilitation des friches et ainsi lutter contre l’artificialisation. Cette preuve de concept comprend une base de données ayant vocation à être ouverte et un démonstrateur cartographique permettant d’interroger les données. Par conséquent, la mission d’information recommande de poursuivre et d’accélérer les travaux de développement d’un inventaire national sur les friches. Elle propose également la mise en place d’un comité de suivi de cet inventaire et de confier aux établissements publics fonciers (EPF) une compétence obligatoire dans le contrôle des informations délivrées dans le cadre de cet inventaire.

Proposition n° 2. Afin de maintenir à jour l’inventaire des friches, mettre en place un comité de suivi du réseau des inventaires de friches, composé des parties prenantes territoriales et nationales, et confier aux établissements publics fonciers une compétence obligatoire dans le contrôle des informations délivrées par le réseau.

Parallèlement à cette collecte des informations sur le nombre de friches, pourrait également être mis en place un suivi des besoins financiers exprimés par les maîtres d’ouvrage des inventaires territoriaux afin de mobiliser plus facilement les financeurs potentiels (contrats territoriaux, fonds européens, Banque des territoires...). Cela permettrait à l’État et aux territoires concernés de mieux anticiper leurs actions de réhabilitation, notamment d’un point de vue financier.

Les rapporteurs recommandent également, conformément à ce qu’a proposé le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), d’inclure dans les documents d’urbanisme des inventaires sur les friches comportant leurs caractéristiques majeures. Ces caractéristiques, liées aux utilisations passées de la friche, doivent donner des indications aux potentiels aménageurs dans le but de réutiliser au mieux les friches du territoire. Par exemple, il existe généralement une « unicité foncière » pour une friche industrielle que l’on ne va pas obligatoirement retrouver pour une friche commerciale, laquelle en revanche ne présente évidemment pas la même complexité en termes de sols pollués et d’encombrement qu’un site industriel. Le LIFTI a ainsi proposé plusieurs critères pertinents (tableau ci-dessous) qui pourraient être systématiquement renseignés pour chaque friche intégrant la base de données nationale. Ce travail de recensement des caractéristiques et des destinations potentielles des friches serait assuré par les services des collectivités concernées et de l’État.

 

Ces critères pourraient également conduire à mettre en évidence un « indice de mutabilité », qui indique le niveau de facilité ou de complexité exigé pour réhabiliter la friche.

Les indicateurs possibles pour recenser les friches

 

RUBRIQUE

INDICATEURS

RÉFÉRENTS

1

Unité foncière : regroupement de parcelles

Adresse postale, numéros de parcelles

Structure maître d’ouvrage,

collectivités territoriales

2

État environnemental de la parcelle : biodiversité, pollution, qualité des sols

Description de l’état environnemental de la friche

Propriétaire/ détendeur

Services de l’État gestionnaires des bases de données

3

Occupation immobilière

biens bâtis/non bâtis

Surface des parcelles et typologie et surface des bâtiments

DGFIP

4

Fonctions et usages des biens localisés sur l’unité foncière

Dernière activité constatée sur le site

Structure maître d’ouvrage de l’observatoire local, collectivités territoriales

5

Titulaires de droits : propriétaires, locataires, ayants-droit

Pour les personnes morales seulement : propriétaire, liquidateur

Structure maître d’ouvrage de l’observatoire local : collectivités territoriales et DGFIP

6

Valeurs économiques constatées : prix de vente, montant des loyers

Si mutation onéreuse de propriété de moins de 5 ans : prix de cession du site

DGFIP

7

Fiscalité applicable aux biens localisés sur l’unité foncière

Taxes foncières sur le bâti et le  non-bâti, contribution économique territoriale

Collectivités territoriales et DGFIP

Source : LIFTI.

Proposition n° 3. Intégrer l’identification des friches ainsi que les éventuelles voies de traitement dans les documents de planification urbaine à l’échelle locale, en s’appuyant sur les caractéristiques préalablement établies dans le cadre de l’inventaire national sur les friches. Réfléchir dans ce cadre à l’élaboration d’un « indice de mutabilité » rendant compte de la difficulté de réhabiliter une friche.

C.   Les acteurs impliquÉs dans la rÉnovation des friches

En dehors des difficultés liées à la définition et au recensement des friches, l’action publique pour leur rénovation apparaît également fragmentée tant au niveau institutionnel qu’au niveau du financement. Les principaux intervenants sont :

– les établissements publics fonciers (EPF). Ces établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) œuvrent pour le compte des collectivités ou de l’État. Leurs missions incluent la résorption des friches, en particulier des friches industrielles, à laquelle ils consacrent 150 millions d’euros par an, soit un quart de leurs ressources globales (cette part atteint 90 % dans le cas de l’EPF Nord-Pas-de-Calais). On distingue 10 établissements publics fonciers d’État (EPFE), créés par décret et dont les conseils d’administration sont composés de représentants des collectivités et de l’État, et 23 établissements publics fonciers locaux (EPFL), créés par des collectivités afin d’assurer des missions d’acquisition et de portage foncier ;

– les régions, qui apportent également un soutien, la plupart du temps de nature financière. C’est le cas par exemple du « Fonds friche », un dispositif de résorption des friches cofinancé par l’EPF Normandie et la région Normandie, qui vise notamment les sites à l’abandon n’ayant pas trouvé de repreneur ;

– l’ADEME, qui intervient notamment par l’accompagnement en amont des collectivités pour l’étude des friches potentiellement polluées et pour le financement des opérations de dépollution. Les montants de l’aide dispensée dans le cadre d’appels à projets (dont le dernier a été lancé en novembre 2019) sont fixés par voie contractuelle entre l’ADEME et le maître d’ouvrage. Les versements sont effectués au gré de l’avancement des travaux ;

– la Banque des territoires, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui intervient de plusieurs manières : en tant qu’investisseur direct sur l’immobilier d’entreprise et industriel ou via ses prises de participations dans des entreprises publiques locales ou dans des fonds de dépollution, notamment dans les fonds Ginkgo et Brownfields également soutenus par la Banque européenne d’investissement (BEI) ;

– l’État, qui intervient par le biais d’aides ciblées pouvant contribuer au financement des projets. Le programme « Territoires d’industrie », lancé en novembre 2018, concerne ainsi 124 territoires identifiés comme des viviers industriels pour lesquels une enveloppe de 1,36 milliard d’euros permettra notamment des projets de reconversion de friches visant à « reconstruire l’industrie sur l’industrie ». La rénovation des centres-villes menée dans le cadre du programme « Action Cœur de ville » peut également concerner des friches de nature commerciale ;

– au niveau européen, le Fonds européen de développement régional (FEDER), qui finance des actions de réhabilitation de friches dans le cadre de son soutien aux actions intégrées en faveur du développement urbain durable ;

– enfin, les acteurs privés de l’aménagement et de la promotion sont susceptibles d’intervenir en cours de processus.

Classiquement, pour une friche industrielle, la rénovation se déroule en trois temps : acquisition (EPF), dépollution (l’EPF est maître d’ouvrage et contracte avec une entreprise spécialisée dans la dépollution, avec un accompagnement financier de l’ADEME ([3]), réhabilitation (l’EPF vend le site à un établissement public d’aménagement [EPA] ou à un autre aménageur, souvent une société publique locale ou une société d’économie mixte). Pour la plupart des friches commerciales ou administratives, les opérations de reprise sont plus simples en raison de l’absence de pollution. La multitude d’acteurs privés et publics susceptibles d’intervenir dans des opérations de rénovation des friches pose toutefois la question des moyens juridiques et financiers mis à leur disposition pour agir.

Les étapes d’un projet de revitalisation

Source : LIFTI.

II.   la rÉsoRPtion des friches exerce une action positive sur l’économie locaLE ET L’ENVIRONNEMENT

La dépollution et la reconversion des friches industrielles, commerciales et administratives suscitent des bénéfices directs pour les populations environnantes. La dépollution apporte à elle seule une amélioration de l’environnement et l’élimination des nuisances, gains particulièrement importants à une époque marquée par l’affirmation des préoccupations liées aux thématiques de santé environnementale. Au-delà de ces facteurs, la présence de friches est conçue à la fois comme une source de nuisances pour les populations et les entreprises voisines, ainsi que comme un handicap dans les choix de localisation.

A.   imaginer de nouvelles formes de coexistence entre la ville et l’environnement

1.   La reconversion des friches constitue un levier de lutte contre l’artificialisation des sols

La requalification d’une friche désigne le résultat d’une action double, recouvrant, d’une part, la réhabilitation d’une zone contaminée exigeant des opérations de dépollution et, d’autre part, la réintégration urbaine du site par le biais d’un projet de réaménagement qui s’inscrive dans la cohérence des stratégies régionales et locales d’aménagement du territoire. La requalification durable des friches, aujourd’hui considérée comme le modèle souhaitable, implique aussi le retour à un usage positif des ressources associées aux friches, d’une manière qui permette à l’environnement de ne pas se dégrader et qui soit, dans la mesure du possible, économiquement viable. C’est dans cette optique que le ministère chargé de l’environnement et son opérateur, l’Agence de la transition écologique, mettent à la disposition des acteurs locaux des démarches de gestion visant à permettre la requalification de friches complexes en accord avec les principes du développement durable ([4]).

a.   L’irréversibilité de l’artificialisation impose de consommer les sols avec prudence

La rénovation des friches est le plus souvent mentionnée comme un volet essentiel de la politique menée contre l’artificialisation des sols : ainsi l’Assemblée des communautés de France (AdCF) fait-elle valoir que « le réinvestissement des friches industrielles est une contribution de premier plan à la lutte contre l’artificialisation » ([5]). Pourtant, les décideurs publics souffrent de la disparité et parfois du caractère contradictoire des études sur la capacité des sols artificialisés à recouvrer leurs caractéristiques initiales. M. Philippe Schmit, secrétaire général de l’AdCF, évoque ainsi la diversité des positions : « selon certains scientifiques, nous n’arriverons pas à reconstituer du sol à un rythme plus important qu’un centimètre par an, et d’autres scientifiques disent qu’avec un bon travail de génie écologique, on y arrivera très bien » ([6]).

La question du degré d’irréversibilité des différents processus impliqués dans l’artificialisation, à commencer par l’imperméabilisation, n’est pas tranchée de manière unanime, mais un consensus scientifique se dessine sur l’irréversibilité à des échelles de temps pertinentes pour la vie humaine. Des experts de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) et de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) ont compilé les différentes études existantes sur le sujet en 2019, d’où il ressort donc que les terres artificialisées sont une « ressource limitée et non renouvelable aux échelles de temps humaines » ([7]).

Les sols sont des ressources fragiles dont les caractéristiques physico-chimiques conditionnent leur utilité sociale et environnementale. Ainsi, la densité des sols, leur composition et leur vie microbienne définissent leur capacité productive, leur faculté à retenir le carbone atmosphérique ou à laisser s’infiltrer l’eau. Bien que les sols abritent environ un quart des espèces animales, dont la majeure partie est des micro-organismes, les études montrent que l’artificialisation a « des effets négatifs à très négatifs » ([8]) sur la biodiversité et la biomasse totale. Même les terres qui n’ont pas été imperméabilisées, en bordure de bâtiments par exemple, sont souvent des terres tassées, limitant la perméabilité des sols et les flux d’air. De plus, les terres issues des sols artificialisés peuvent avoir été polluées à des niveaux importants. La littérature s’accorde cependant dans l’ensemble à reconnaître la grande difficulté qu’il y a à remédier aux modifications apportées aux sols par l’artificialisation ([9]).

En dépit de ces difficultés et incertitudes, la concurrence très forte entre les divers usages des sols incite et oblige même parfois à réhabiliter les friches urbaines, et ce d’autant plus pour éviter de faire courir le même risque à de nouvelles terres non encore artificialisées. Les espaces urbanisés s’étendent en effet pour répondre au besoin de trouver du foncier, notamment dans les zones tendues, et cet étalement urbain aboutit au mitage qui a de nombreuses conséquences délétères sur l’environnement. La réhabilitation des friches constitue ainsi un moyen efficace d’empêcher la destruction des sols naturels. Il est possible de recycler une friche urbaine et d’en changer l’usage, mais il n’est pas possible, au vu des études, de rétablir les caractéristiques d’un sol sans d’importants travaux.

b.   La réhabilitation des friches peut faire recouvrer aux sols certaines de leurs fonctions environnementales

Bien que de natures diverses, de nombreuses friches disposent de sols peu perméables à la pluie sur des surfaces importantes. Outre le cas des sols dit scellés, avec par exemple une dalle de béton à la surface, la compaction des sols de pleine terre peut en limiter la perméabilité. Cette situation nuit au cycle de l’eau en ville et oblige la collectivité à gérer des eaux de ruissellement pour des zones qui ne sont pas utilisées.

La réhabilitation des friches peut permettre de repenser le cycle de l’eau au sein de ces zones artificialisées. Vos rapporteurs se sont intéressés aux nouvelles ambitions des collectivités et des aménageurs pour limiter l’extension des surfaces imperméabilisées. La filière du paysage a connu une forte augmentation de la demande pour des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales et des techniques de génie écologique pour favoriser la perméabilité des sols, ce qui a engendré une progression continue du secteur sur ces technologies. Les initiatives aujourd’hui de plus en plus plébiscitées consistent à laisser des surfaces en pleine terre ou à utiliser des matériaux partiellement perméables.

L’Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) a apporté quelques exemples de méthodes alternatives de gestion des eaux pluviales à vos rapporteurs : « Ces techniques de gestion alternative et à la source des eaux pluviales concernent d’une part les surfaces plantées : les jardins de pluie, les espaces inondables aux usages mixtes, les bassins paysagers, les réservoirs paysagers et les noues. D’autre part, elles concernent les surfaces minérales : les matériaux de stockage, les tranchées drainantes, les puits d’infiltration et les revêtements perméables (dalles engazonnées, pavés béton avec joints engazonnés, pavés en joints gravillons, revêtement en mélange terre/pierre fin engazonné, enrobé poreux/béton drainant, aires sablées dites stabilisées) » ([10]). Il en est ainsi des parkings drainants qui conjuguent remplissage gazon et remplissage pavé.

Néanmoins, lorsque les sols sont pollués, il n’est pas envisageable de perméabiliser la surface. Il convient alors d’empêcher que les eaux puissent déplacer la pollution présente sur le site. À titre d’exemple, M. Philippe Ledenvic, président de l’Autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), a évoqué lors de son audition le cas d’une friche polluée : « L’Autorité environnementale l’a vu sur un dossier de friches militaires, il y a dans les sous-sols de cette friche des matériels pyrotechniques. […] Mais nous étions dans des endroits où le sol est pollué : l’infiltration n’est donc pas possible. Malgré la volonté effective d’essayer de préserver la capacité de perméabilité des sols, cette ambition s’avère compliquée lorsque les sols sont pollués » ([11]).

Les auditions menées par vos rapporteurs indiquent cependant qu’il est tout de même possible d’aménager les sites en conséquence à l’aide de géomembranes qui permettent d’étanchéifier les sites. M. Reda Semlali, vice-président de l’Union nationale des entreprises de valorisation (UNEV) a expliqué qu’« on peut réserver ça à une petite partie de l’aménagement en regroupant les terres polluées dans une partie de la zone, et travailler sur tout le reste en pleine terre avec une libre circulation des eaux » ([12]).

De fait, il est difficile de concevoir des projets d’agriculture urbaine sur des friches du fait de la pollution présente sur de nombreux sites. L’agriculture exige une dépollution intégrale, qui implique des opérations dont les coûts sont très importants. Pour M. Benoit Gaugler, directeur général de l’Établissement public foncier local d’Alsace, cette possibilité ne doit néanmoins pas être exclue : « Toutes les friches ne sont pas polluées, il y a des friches avec de grandes surfaces, où il y a des surfaces annexes sans pollution qui peuvent être reconverties et retournées vers un usage agricole » ([13]).

Les efforts du Gouvernement actuel pour promouvoir l’agriculture urbaine ont été salués par les personnes auditionnées : selon M. Nicolas Grivel, directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), auditionné par la mission d’information, « l’agriculture urbaine a de nombreuses vertus en termes d’image, d’activité économique, d’impact social et parce que cela peut mobiliser les habitants au niveau local » ([14]). Le projet « Quartiers fertiles » de l’ANRU vise ainsi à accompagner des projets d’agriculture urbaine au sein de quartiers bénéficiaires du Nouveau programme national de renouvellement urbain.

Les quartiers visés par l’ANRU sont principalement composés d’habitations, mais des reliquats de pollutions causées par les utilisations antérieures des sols subsistent, ce qui oblige le maître d’ouvrage à prendre systématiquement en compte les pollutions, comme l’a expliqué M. Grivel lors de la même audition : « Souvent on utilise intelligemment des friches avec ces formes d’agriculture urbaine, et la pollution est prise en compte dans ces projets. Comme ce sont des cultures de pleine terre, il faut que la pollution soit gérée ».

Vos rapporteurs estiment que ces projets fondés sur la renaturation des friches proposent des solutions innovantes et intéressantes pour améliorer la coexistence entre la ville et l’environnement. La nature doit trouver une place plus importante en ville. Il n’en demeure pas moins que la réhabilitation des friches, lorsqu’elle comprend des opérations de dépollution, implique le plus souvent des coûts importants qui rendent difficilement concevables des projets présentant très peu d’opportunités économiques.

Vos rapporteurs concluent à la nécessité d’accorder une place à la renaturation dans tous les projets de réhabilitation et d’étudier systématiquement les façons d’incorporer davantage de végétal lors de la reconversion des friches vers du bâti résidentiel ou commercial. La renaturation peut également être considérée comme une solution principale pour des friches situées en zones « détendues », où il n’y a pas de besoins en foncier supplémentaire. Cela peut aussi être le cas des friches situées au sein de grandes agglomérations, mais dont les caractéristiques de pollution ou de proximité avec les réseaux et les services publics les rendent difficilement reconvertibles vers d’autres usages que la renaturation à vocation de loisirs.

La renaturation permet enfin de valoriser la biodiversité en ville. M. Marc Kaszynski, président du Laboratoire d’initiatives foncières et territoriales innovantes (LIFTI), avance que la majeure partie des reconversions de friches réalisées par l’Établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais l’ont été vers des projets de renaturation. Ces projets s’inscrivent alors dans les trames verte et bleue qui « ont pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques » ([15]). Néanmoins, M. Kaszynski a mis en garde contre la tentation de faire de la renaturation la solution par défaut lorsqu’aucune solution rentable ne se présente, alors que tout doit être mis en œuvre pour l’intégrer au sein d’un schéma de cohérence territoriale des besoins environnementaux : « c’est une piste qui ne doit pas se réduire à l’équation : la friche est hors marché, donc elle sera pour la biodiversité » ([16]). Il a résumé ainsi la situation, réservant la fonction environnementale pour les cas où le marché ne permet pas des opérations différentes : « C’est possible pour des friches hors marché : personne ne vient disputer leur usage. (…) Il faut considérer qu’au moins la moitié du gisement des friches peut trouver une vocation environnementale, avec ces deux volets, le volet de la biodiversité et le volet des énergies renouvelables ».

Les mesures compensatoires en faveur de la biodiversité

Dans le cadre d’un projet d’aménagement, le maître d’ouvrage doit, afin d’obtenir l’autorisation des autorités compétentes, présenter une étude d’impact ou une évaluation environnementale, c’est-à-dire un rapport d’évaluation des incidences du projet sur l’environnement ([17]). Au regard de ce rapport, l’autorité compétente peut prescrire des mesures visant à éviter les incidences négatives et à compenser celles qui ne peuvent être ni évitées ni réduites.

Le projet est appréhendé dans sa globalité, nonobstant les fractionnements temporels et spatiaux ou l’éventuelle pluralité des maîtres d’ouvrage. Cette prise en compte globale ouvre la voie aux mesures compensatoires pour la biodiversité.

Ainsi, en cas d’incidences négatives du projet sur la biodiversité ne pouvant être ni réduites ni évitées, le maître d’ouvrage doit être amené à les compenser et cette compensation peut s’effectuer sur une autre parcelle.

L’évaluation environnementale ([18])

L’évaluation environnementale ([19]) vise à assurer la prise en compte, lors d’une décision administrative, des incidences notables qu’un projet est susceptible d’avoir sur l’environnement en raison de sa nature, sa dimension ou sa localisation, en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d’entre eux, après un examen au cas par cas par l’autorité environnementale ([20]).

Le maître d’ouvrage d’un projet soumis à évaluation environnementale doit élaborer une étude d’impact qui comprend notamment une description « des caractéristiques du projet et des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les incidences négatives notables probables sur l’environnement » ([21]). À cet égard, l’évaluation environnementale est le dispositif dont la séquence éviter-réduire-compenser (ERC) couvre le champ le plus large, car elle s’applique à l’ensemble de l’environnement, avec pour conséquence notable de faciliter la prise en compte des impacts sur la biodiversité dite ordinaire.

Les dispositions sur le contenu de l’étude d’impact ([22]) précisent le triptyque ERC : « la description de ces mesures doit être accompagnée de l’estimation des dépenses correspondantes, de l’exposé des effets attendus de ces mesures à l’égard des impacts du projet sur les éléments visés au 3° ainsi que d’une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets ». Elles précisent également que s’il n’est pas possible de compenser les effets négatifs notables sur l’environnement, le maître d’ouvrage doit justifier cette impossibilité.

L’étude d’impact ainsi réalisée est soumise à l’avis de l’autorité environnementale, cette responsabilité étant répartie entre le ministre chargé de l’environnement, la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du CGEDD et le préfet de région. Complété par cet avis, le dossier est soumis à enquête publique.

L’objectif de l’évaluation environnementale est d’assurer l’information du public et d’éclairer la décision de l’autorité compétente quant aux effets sur l’environnement du projet examiné. Elle peut conduire l’autorité compétente à intégrer des prescriptions d’évitement, de réduction et/ou de compensation dans la première autorisation qui a déclenché la procédure d’évaluation environnementale. Elle contribue également à éclairer les décisions d’autorisation subséquentes (espèces protégées, milieux aquatiques et humides, défrichements…).

2.   La réhabilitation des friches peut avoir des effets positifs du point de vue de la santé environnementale

a.   Les friches sont un facteur de pollution majeur et leur reconversion permet l’élimination de certains risques

Outre la mise en sécurité des friches présentant un danger imminent, la réhabilitation permet, de manière générale, de gérer les niveaux de pollution sur les sites. Il s’agit soit de confiner la pollution, c’est-à-dire d’empêcher les transferts des polluants présents par l’action de l’eau ou du vent à l’aide de barrières étanches, soit d’extraire la pollution des sols. Le confinement de la pollution peut se faire par des moyens artificiels, comme avec des géomembranes étanches, ou grâce à des techniques utilisant les plantes, dites de phytostabilisation. De la même manière, il existe différentes manières de dépolluer des sols. Les techniques dites hors site et sur site induisent une excavation des terres, traitées dans le premier cas à l’extérieur du site, dans le second sur le site même. Les techniques dites in situ permettent de traiter la pollution sans excavation.

Dans le cadre de la renaturation et de la dépollution des friches, vos rapporteurs souhaitent mettre en avant les avantages nombreux et conséquents des phytotechnologies. Ces opérations de génie environnemental consistent à utiliser des plantes pour stabiliser la pollution, l’extraire du sol ou dégrader les polluants organiques en des composés moins toxiques. Ces techniques permettent de ne pas transférer de terres, améliorant ainsi le bilan carbone des opérations de dépollution. Dans le cas de l’extraction des polluants, les aménageurs doivent prendre en considération la biomasse produite qui est alors polluée. L’extraction de ces polluants fonctionne en effet par l’accumulation des polluants au sein des plantes, puis par la collecte des végétaux pour éliminer la pollution. D’ailleurs, certains chercheurs étudient la possibilité d’utiliser les techniques de phytoextraction pour capter les métaux présents dans le sol dans un but commercial. D’après les auditions de vos rapporteurs, ces techniques n’en sont encore qu’au stade de la recherche et développement.

Les phytotechnologies

D’après le guide élaboré conjointement en 2013 par les opérateurs publics chargés de ces questions, les phytotechnologies peuvent être divisées en trois grandes catégories :

● « la phytostabilisation est une technique in situ de stabilisation basée sur l’utilisation de plantes. Ce n’est pas une technique de dépollution mais un mode de gestion des pistes et sols pollués destiné à immobiliser les polluants dans les sols » ([23]). Les agences ajoutent qu’il s’agit « d’une stabilisation mécanique et (bio)chimique ».

● « la phytoextraction est une technique in situ de dépollution fondée sur l’utilisation des plantes capables d’accumuler des polluants dans leurs parties aériennes. Les plantes, via leurs racines, absorbent les polluants dans les sols et les transfèrent dans leurs parties aériennes (tiges, feuilles) où ils sont stockés » ([24]). Cette technique nécessite de gérer la biomasse produite : « La biomasse aérienne produite doit ensuite être récoltée afin de retirer définitivement du site les polluants extraits ».

● « la phytoremédiation pour les polluants organiques est une technique de dépollution in situ des sols contaminés qui consiste à dégrader les polluants organiques en composés plus simples et moins toxiques en utilisant des plantes et des micro-organismes associés » ([25]). Il s’agit alors de phytodégradation si la dégradation est faite dans la plante ou au niveau des racines via la production d’enzymes, ou alors de rhizodégradation lorsque la plante crée les conditions pour stimuler les microorganismes présents « dans l’environnement des racines, la rhizosphère ».

 

Proposition n° 4. Développer l’effort public de recherche en faveur des phytotechnologies.

Réhabiliter les friches et densifier les villes permet aussi d’améliorer la qualité de vie et limiter les impacts négatifs dus aux structures urbaines nées de l’étalement sur la santé des personnes. En effet, par comparaison avec la construction en extension urbaine, le réemploi du foncier en friche limite les durées de transport des ménages. Une étude américaine montre ainsi que la reconversion de friches aboutit à une réduction des temps de transport et des émissions de carbone : elle permettrait jusqu’à 36 % de déplacements et d’émissions de carbone liées au transport en moins à Atlanta, par exemple ([26]). Les distances parcourues par individu seraient limitées de 47 % à Baltimore et de 54 % à Dallas ([27]).

b.   Certaines opérations de revitalisation donnent lieu à une déminéralisation bénéfique pour la régulation thermique de la ville

La renaturation est une des solutions qui peuvent prévaloir lorsque la présence d’une friche est vécue comme un traumatisme ou lorsque l’effet-signal négatif exercé par sa visibilité est trop fort. La renaturation est le nom aujourd’hui appliqué à une technique ancienne, appelée dans le passé « pré-verdissement », qui consiste en la mise en œuvre d’un ensemble de mesures de traitement paysager destinées à faire disparaître la friche à l’œil nu et, ainsi, à supprimer l’effet repoussoir qu’elle peut exercer, sans attendre des opérations de long terme visant à reconvertir son usage.

Les opérations nécessaires impliquent a minima le nettoyage, certaines actions de dépollution, le terrassement et la pose de plantations. Comme le notent les géographes Claude Janin et Lauren Andres, qui parlent à cet égard de politiques d’ « éradication par le vert », « la friche végétale apparaît ainsi comme un moindre mal correspondant à un état d’esprit où il vaut mieux tout raser et reverdir que maintenir des traces d’un passé douloureux » ([28]).

Repenser la place de la nature en ville par le verdissement des friches permet en outre de réguler le phénomène des « îlots de chaleur urbains ». La minéralisation de l’espace public est à l’origine de l’augmentation des températures au sein des aires urbaines ([29]), ce qui se traduit par une surchauffe urbaine qui affecte le ressenti thermique des citadins. La chaleur devient un enjeu de santé environnementale à partir du moment où le stress thermique suscité pour les personnes sensibles – personnes âgées, nourrissons, enfants, personnes malades –les expose au risque de certains événements de santé (insolation, déshydratation, hyperthermie, coup de chaleur), du fait notamment de l’absence répétée de rafraîchissement nocturne ([30]).

Pour estimer les gains induits en matière de régulation thermique urbaine, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME, renommée Agence de la transition écologique) s’est appuyée sur une étude de la littérature afin de fonder son travail sur des bases consensuelles. Dans un rapport de septembre 2020, ses experts évaluent ainsi à 1° C la baisse de température occasionnée par un parc urbain dans un rayon de 500 mètres. Cette baisse de température induit une baisse des émissions de CO2 de 15 grammes par mètre carré et par an pour les bâtiments résidentiels du fait de la limitation de l’utilisation des climatiseurs et des ventilateurs ([31]).

Dès lors, amener de la nature au sein des friches reconverties constitue un levier pour contribuer à la régulation de la température de l’air au sein des agglomérations avec un objectif d’amélioration de la qualité de vie. L’ADEME recommande à cet effet aux collectivités en milieu urbain d’adopter des stratégies territoriales de végétalisation des axes de transport, des emprises foncières publiques et des terrains privés ([32]). Les terrains à l’état de friche constituent de véritables opportunités pour contribuer à cette mission.

3.   La gestion des terres excavées est un enjeu majeur de l’économie circulaire

Le secteur des bâtiments et des travaux publics produit d’importantes quantités de déchets qui pourraient être mieux valorisés du point de vue de l’épuisement des ressources naturelles et des émissions de carbone. L’entreprise de valorisation des déchets Hesus constate « qu’en 2014, le gisement total des terres excavées était estimé à environ 160 millions de tonnes, soit 70 % des déchets produits par le secteur du BTP. Dans ce contexte, la réutilisation des terres excavées entre chantiers répond à un triple enjeu : la valorisation des déchets ; la substitution de la demande en matière première [naturelle par des matériaux recyclés] ; l’optimisation des distances de transport et des émissions de gaz à effet de serre associées » ([33]).

Dans le cadre de l’effort national en faveur de la diminution des émissions de carbone, M. Emmanuel Cazeneuve, président-directeur général de Hesus, ajoute que « l’intérêt peut être environnemental : pour éviter de prendre des terres naturelles de carrière et d’avoir un impact avec le granulat, on peut réutiliser des terres de chantiers qui sont des déchets. Je le disais, réutiliser des terres, c’est éliminer 80 % du coût carbone » ([34]).

Une meilleure utilisation des terres excavées peut également apporter des ressources supplémentaires à la réhabilitation des friches. L’entreprise de valorisation des déchets Valgo rappelle « qu’au-delà des coûts, on oublie souvent qu’il peut y avoir des profits générés par la dépollution, ou des économies par rapport aux processus plus anciens. En effet, dans certains cas, l’apport vertueux de terres excavées (ou leur cession en cas de retrait), dès lors que cela constituerait une opportunité pour le projet et que la loi l’autoriserait, pourrait donner lieu à des transactions financières au profit des porteurs de projet. Certaines terres anthropisées ou naturelles, bien que ne répondant pas strictement aux critères des fonds géochimiques locaux, ont des critères sanitaires et des qualités géotechniques compatibles avec un projet d’aménagement. Celles-ci pourraient faire l’objet d’une transaction dans l’intérêt des propriétaires de ces déchets (aménageur d’une friche excédentaire) et des sites receveurs (aménageur d’une friche déficitaire) » ([35]).

Des dispositions législatives récentes visent à améliorer la possibilité de valoriser les terres excavées. Avant l’adoption de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, les terres excavées en sortie de chantier prenaient le statut de déchet avec les différentes contraintes attenantes. Ce statut implique ainsi que « tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers » ([36]). Le statut de déchet limitait également la valorisation financière des terres excavées en sortie de friches ([37]).

Le législateur a permis que « les produits et équipements destinés au réemploi ne prennent pas le statut de déchet » ([38]) s’il y a eu un tri préalable par un opérateur agréé. Par ailleurs, il n’est plus obligatoire de passer par une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ou une installation relevant de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) pour sortir les terres excavées du statut de déchet en contrepartie d’un contrôle par un tiers accrédité ([39]). Le législateur a aussi mis en place une obligation de tracer toutes les terres en sortie de chantier ([40]).

Les modifications apportées par ces dispositions ont été saluées par les acteurs de la filière de la valorisation des terres excavées lors des auditions de vos rapporteurs. Le législateur permet ainsi de sortir plus facilement les terres excavées du statut de déchet et, partant, d’en favoriser l’utilisation sur d’autres chantiers. Le traçage de toutes les terres excavées permet de garantir le respect des normes sanitaires. Néanmoins, la loi du 10 février 2020 précitée nécessite encore un décret pour être appliquée ([41]).

B.   La rÉhabilitation des friches contribue puissamment au dÉveloppement Économique local

1.   La suppression d’une friche participe à la revalorisation économique d’un territoire

a.   Éliminer les impacts négatifs nés de la présence d’une friche

Il a déjà été fait mention de l’impact globalement négatif de la présence d’une friche industrielle, commerciale ou administrative sur la viabilité économique d’un territoire. Comme l’a résumé succinctement M. Franck Leroy, vice-président de la région Grand Est, « les friches non seulement enlaidissent le paysage, mais stigmatisent aussi les territoires » ([42]). La subsistance d’une friche dans le temps constitue en effet un signal négatif particulièrement visible sur l’état économique du territoire et sa difficulté à reconvertir son activité pour s’adapter aux exigences du marché. En diminuant l’attractivité urbaine, environnementale et sanitaire des communes, les friches portent ainsi atteinte à leur potentiel d’attraction de nouvelles implantations. Dans la concurrence entre territoires, la moindre attractivité des espaces de friche joue un rôle récessif à long terme.

Les analyses économiques montrent en général l’effet négatif qu’exerce notamment la présence d’une friche sur les valeurs foncières des propriétés environnantes. C’est le cas d’une étude menée par les économistes Gwénaël Letombe et Bertrand Zuindeau, qui conclut que « la proximité visuelle d’une friche industrielle implique un différentiel de valeur immobilière. (…) Si l’on considère une habitation-type, présentant des caractéristiques moyennes, ce différentiel représente 10 % environ de la valeur moyenne » ([43]). Les chercheurs considèrent cette perte de valeur comme un ordre de grandeur temporaire, car la résorption de la friche, en amenant de l’activité ou de nouveaux logements, aurait un impact positif sur les prix de l’immobilier. Les auteurs concluent que ces externalités, qui pèsent sur l’attractivité du territoire, doivent inciter les pouvoirs publics à faciliter les projets de réhabilitation.

Quel que soit son objectif principal, tout projet de revitalisation d’un espace en friche implique donc l’élimination de cette externalité négative qui affecte le bien-être des populations voisines sans que le propriétaire de la friche n’ait à compenser ce préjudice.

b.   Contribuer à la revalorisation foncière d’un territoire

En zone tendue, la construction de logements est très profitable et permet de garantir l’équilibre financier des projets de réhabilitation des friches en limitant la participation publique. En ce qui concerne le développement économique des zones rurales, la mobilisation de ce vivier peut là aussi être un levier intéressant. M. Franck Leroy, vice-président de la région Grand Est, considère que « consommer du foncier, cela fait partie de notre culture, je le disais toujours, lorsqu’un maire veut afficher les réussites de son mandat, il affiche les hectares de développement économique qu’il a fait en plus, les habitants en plus, il ne va pas revendiquer qu’il a économisé du foncier » ([44]). Il ajoute que les acteurs locaux « ont peur de manquer de terrain » et que « la nécessité d’avoir 30 ou 50 hectares devant soi pour développer son activité, c’est presque une assurance vie » pour ces derniers.

Pourtant, le développement économique n’est pas nécessairement corrélé avec l’étalement urbain, d’après M. Franck Leroy. En effet, la désindustrialisation et la tertiarisation de l’économie ont pour conséquences qu’une grande partie des activités économiques aujourd’hui pratiquées en France nécessitent moins de foncier que les activités industrielles qu’elles remplacent : « Nous avons constaté au cours des études que nous avons réalisées avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) (…) qu’il y avait une déconnexion entre la consommation d’espace et l’emploi. Autrefois, lorsque l’on était sur des développements industriels, il fallait consommer beaucoup de foncier pour l’industrie. Aujourd’hui, dans une économie tertiarisée, l’on n’a plus besoin d’autant de foncier pour créer de l’emploi ».

Face à l’effet récessif sur les prix de l’immobilier occasionné par la présence d’une friche, l’une des solutions de plus en plus envisagées est sa reconversion en espace vert. Une étude de l’université d’Utrecht a monétarisé en 2017 les gains induits par la présence d’un espace vert à proximité d’une habitation. Les auteurs concluent que l’espace vert entraîne une augmentation de 9,54 % des prix immobiliers dans une zone de 100 mètres autour de l’espace vert par rapport à des biens comparables en dehors de la zone d’influence de l’espace vert ([45]).

2.   Un gisement de foncier pour le développement des énergies renouvelables

La production d’énergie renouvelable constitue à l’heure actuelle l’un des horizons les plus attractifs pour la reconversion des friches au service des besoins des territoires. La transition écologique exige en effet la montée en puissance de l’effort en faveur des énergies non fossiles, et la production d’électricité à partir de l’énergie solaire constitue une piste viable pour l’implantation dans les espaces de friche. Les centrales photovoltaïques ont la particularité de nécessiter de grands espaces et des aménagements moins longs et coûteux que d’autres projets. Elles peuvent être installées dans des zones plus éloignées des centres urbains que les projets immobiliers.

Ces raisons contribuent à faire de l’implantation de centrales photovoltaïques sur des friches l’une des solutions actuellement préférées par les pouvoirs publics. D’après M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, les cahiers des charges des appels d’offres « privilégient les implantations sur des sols dits dégradés, comme les friches industrielles. Cela se traduit dans les appels à projet par un nombre de points supplémentaires » ([46]).

D’autres bienfaits peuvent résulter de l’implantation des centrales d’énergie solaire, dont certaines des personnes auditionnées ont affirmé qu’elles ont par exemple un effet positif sur la biodiversité. Lorsque les panneaux photovoltaïques sont placés sur des sols dégradés, ils peuvent, selon la fédération professionnelle précitée, jouer positivement sur « plusieurs groupes taxonomiques, flore, avifaune et insectes ». Il apparaît d’après leurs études que c’est « la diversité des conditions, à savoir l’ombre, l’abri de la pluie, les conditions de température et d’humidité » qui est à même d’améliorer la diversité floristique au sein des parcs ([47]).

Néanmoins, le développement de projets photovoltaïques au sein des friches représente un coût important. En effet, outre les travaux de dépollution et d’aménagement des terrains, il faut prendre en compte le raccordement aux réseaux électriques. En outre, la réutilisation des bâtiments présents sur les friches n’est pas toujours envisageable pour des raisons de résistance des structures et de pollution. Le coût de l’électricité est moindre lorsque l’énergie est produite par une centrale photovoltaïque au sol selon les chiffres donnés par le syndicat lors de l’audition.

Vos rapporteurs invitent à la prudence en la matière, le développement des parcs photovoltaïques sur les friches, s’il est dans certains cas une véritable opportunité, ne pouvant être considéré comme une solution miracle dans toutes les situations. En plus de leur coût, plusieurs obstacles obèrent en effet cette possibilité. D’une part, seules les friches de grande superficie peuvent accueillir des projets de centrale photovoltaïque, d’après M. Benoit Gaugler, administrateur de l’Association nationale des établissements publics fonciers locaux (EPFL) et directeur général de l’EPFL d’Alsace ([48]). Dans le cas de friches de petite superficie, les économies d’échelle ne seraient pas assez importantes pour rentabiliser les projets. D’autre part, les projets photovoltaïques sont dépendants de l’exposition au soleil et de nombreuses friches situées dans des régions peu ensoleillées ne sont ainsi pas adéquates pour accueillir de tels projets de façon économiquement viable.

3.   La réhabilitation des friches permet de revaloriser le patrimoine industriel de certaines régions

Du point de vue patrimonial, les friches industrielles sont chargées d’un imaginaire qui est de plus en plus activement remis à l’honneur par diverses politiques publiques. Alors que les premiers efforts de reconversion des friches dans les années 1970 ont pu chercher à gommer ce qui était parfois considéré comme une tache sur le territoire, la fonction patrimoniale de la revitalisation des friches est actuellement considérée comme ayant un fort potentiel par les acteurs locaux. C’est ainsi que l’Assemblée des communautés de France peut écrire que « reconquérir les friches, c’est se réapproprier son identité et son héritage industriels, c’est redonner vie à des pans entiers de nos territoires » ([49]).

Les personnes auditionnées par vos rapporteurs témoignent des conséquences néfastes sur l’image et l’identité de villes entières lorsque les sites industriels sont laissés en friche. Les friches, notamment industrielles, sont porteuses d’une histoire technique et sociale et leur réhabilitation peut s’apparenter à une opération de revalorisation de l’identité patrimoniale d’un territoire. La structure des installations peut être réutilisée pour d’autres usages tout en conservant l’héritage des lieux. La préservation de sites témoins du patrimoine industriel de certaines régions constitue ainsi une préoccupation croissante des décideurs locaux.

Les paysages industriels sont également préservés, à l’image du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, dont 353 biens ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité en 2012 en tant que paysage culturel ([50]). La décision de classement reflète la volonté de reconnaître et de mettre en lumière l’importance sociale des faits reflétés dans l’aménagement, puisqu’y est salué « un paysage culturel évolutif vivant exceptionnel par sa continuité et son homogénéité ». La valeur patrimoniale des charbonnages et de leur urbanisme comprend des éléments physiques et géographiques – terrils, terres agricoles, étangs d’affaissement minier, bois – un patrimoine industriel minier (carreaux de fosse, bâtiments résiduels, chevalements), des équipements (canaux, chemin de fer, convoyeurs), un habitat ouvrier caractéristique (corons, cités-jardins, habitat pavillonnaire) et des éléments de la vie sociale.

 

Le cas de la revalorisation à visée patrimoniale
des usines de la société Case à Vierzon (Cher) ([51])

Le Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel (CILAC), association d’action en faveur de la préservation et de la valorisation du patrimoine industriel, a livré une étude de cas de la revalorisation patrimoniale des anciennes usines de tracteurs de la société Case.

Après que la société américaine Case, qui avait acheté la Société française de matériel agricole et industriel en 1959, fut frappée par la désindustrialisation qui suivit les chocs pétroliers des années 1970, elle déposa définitivement le bilan en 1995. L’usine avait pourtant façonné le tissu urbain et la culture populaire de Vierzon, comme le décrit le rapport : « l’annonce de la fermeture a provoqué une mobilisation considérable de la part des salariés et de la population. Elle marquait symboliquement la fin de l’ère industrielle et confirmait le déclin de la ville ».

La municipalité et la communauté d’agglomération ont décidé de racheter les lieux en 1998, avec l’objectif de les restaurer. Un bowling occupe les anciens bâtiments industriels depuis 2015. D’autres structures accueillent un complexe de cinéma, un palais des congrès ainsi qu’un musée qui présente l’héritage industriel de la ville. De nombreux projets sont encore à l’étude pour faire revivre les usines Case. Pour les auteurs du rapport, cette transformation constitue un exemple édifiant d’une démarche de préservation d’un héritage historique qui permet également la constitution d’un lieu dynamique pour la vie locale.

 


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   DEUXIÈME PARTIE :
des difficultÉs entravent la rÉnovation des friches

Réhabiliter un site en friche n’est pas une opération anodine. Dans les zones non tendues sur le prix de l’immobilier, il est souvent plus avantageux de construire sur un espace vierge plutôt que de rénover une friche. Même en zone tendue, l’équilibre financier peut être difficile à atteindre si des pollutions importantes subsistent ou bien si la longueur et la complexité des procédures administratives et juridiques à suivre fragilisent le projet d’aménagement. Après avoir fait le constat de la difficulté à identifier et à définir les friches, il importe ainsi de faire le bilan des évolutions qui ont vu le jour pour accompagner les opérations de rénovation, mais aussi des points de blocage qui peuvent encore subsister en matière juridique et économique.

I.   L’Évolution des outils juridiques en faveur de la rÉhabilitation des friches et les difficultÉs persistantes

La reconversion d’un site en friche, en particulier un site industriel, est à la croisée de droits multiples : droit civil des contrats, droit administratif et de l’aménagement (acquisition foncière, déclaration d’utilité publique, expropriation, préemption, etc.), droit de l’environnement (régime des ICPE, évaluation environnementale, étude d’impact, autorisation environnementale, etc.) et droit de l’urbanisme (plans locaux d’urbanisme et permis de construire) essentiellement.

Si parfois des connexions ont été établies, avec la création de l’autorisation environnementale par exemple, l’empilement de procédures et d’autorisations constitue encore un frein important dans la réalisation de ces opérations. En pratique, il n’est pas rare que plusieurs années (jusqu’à trois ans parfois) soient nécessaires pour obtenir les autorisations requises.

C’est pourquoi, au cours des dernières années, plusieurs évolutions législatives ont visé à faciliter l’identification, la réhabilitation et l’accélération des procédures permettant de reconvertir des friches. Citons par exemple la possibilité de recourir au tiers demandeur, cette disposition ayant été créée dans le cadre de la très récente loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) pour permettre d’accélérer le processus de vérification de la bonne réalisation des opérations de mise en sécurité et de réhabilitation des sites, ou encore la réforme du cadre réglementaire des plateformes industrielles introduite par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) qui pourrait faciliter l’implantation de nouvelles installations, voire de plateformes sur d’anciennes friches.

Ces évolutions législatives visent à répondre aux principales difficultés qui se posent, à savoir le problème d’identification des propriétaires, la recherche d’un aménageur prêt à s’engager dans un projet de reconversion et les règles à respecter pour le changement d’usage ou la réhabilitation, notamment lorsqu’il s’agit d’ICPE. Cependant certains facteurs de blocage demeurent qui peuvent nécessiter l’adoption de nouvelles mesures législatives.

A.   Le problème de la propriété et le droit de préemption et d’expropriation des personnes publiques

La question de la propriété est centrale dans la problématique des friches. Elle se pose sous ces deux angles différents que sont, d’une part, l’identification du propriétaire et des tâches qui lui incombent en cas de formation d’une friche et, d’autre part, son comportement et les choix qu’il peut opérer. En cas de blocage, le droit de préemption des personnes publiques peut s’exercer mais pourrait être facilité.

En matière de friches, les collectivités peuvent être confrontées à plusieurs types de difficultés liées notamment à l’identification des propriétaires et à des cas de biens sans maître ou de défaillance d’exploitation. Certains sites peuvent également être en friche du fait de la mise en liquidation judiciaire de l’exploitant, qui ne peut pas forcément mener à terme la cessation d’activité dans les conditions prévues par le code de l’environnement, le processus étant alors bloqué à la mise en sécurité. Parfois, le propriétaire demeure difficilement identifiable, notamment s’agissant de groupes internationaux. Dans le cas des friches industrielles, des outils juridiques existent permettant de renforcer la prévention des friches (responsabilité de la maison mère fautive, comme le prévoit l’article L. 512-17 du code de l’environnement).

Pour tous les types de friches, une difficulté particulière réside dans l’identification du propriétaire dans le cadre des procédures de « bien sans maître ». L’acquisition du bien peut alors être faite « de plein droit » par le bloc communal. C’est par exemple le cas pour une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté (article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques), ainsi que pour des immeubles pour lesquels la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties a été acquittée par un tiers ou n’a pas été acquittée depuis plus de trois ans (articles L. 1123-3 et L. 1123-4 du même code).

Mais même lorsque l’on ne se trouve pas dans un cas de bien sans maître, l’identification du responsable, notamment en cas de pollution ou de danger, n’est pas toujours évidente. Ainsi, l’article L. 511-1 du code de l’environnement vise « l’installation exploitée ou détenue », ce qui laisse entendre que l’exploitant n’est pas le seul responsable et qu’il faut éventuellement adjoindre le propriétaire des lieux. Le coût des travaux de réhabilitation peut donc être mis à la charge du dernier exploitant en date ou encore un ancien exploitant, ou encore le propriétaire du fond.

La jurisprudence du Conseil d’État a clarifié certaines situations en décidant par exemple « la mise hors de cause du propriétaire du terrain d’assiette d’une installation classée » dont l’exploitant était en liquidation, et en affirmant que dans l’hypothèse « de fermeture d’une installation classée, seul le dernier exploitant était tenu par l’obligation de remise en état du site » (CE, 21 février 1997, SCI Les Peupliers). Toutefois cette règle n’est pas absolue car en cas d’insolvabilité du dernier exploitant, l’administration peut décider de se retourner contre le propriétaire des lieux : la cour administrative d’appel de Lyon, dans un arrêt du 10 juin 1997, a jugé qu’à « défaut d’un exploitant présent et solvable », la responsabilité du propriétaire, pris en sa qualité de détenteur et de gardien du site, est engagée. Le propriétaire est donc tenu de s’assurer de la solvabilité de son locataire s’il ne veut pas être inquiété par la suite.

La loi et la jurisprudence ont donc conduit à élaborer un système à plusieurs niveaux. En premier lieu, c’est la responsabilité du dernier exploitant sur le fondement de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement qui est recherchée, ou celle d’un tiers auquel il aurait transmis l’obligation de remise en état. À défaut, ou dans le cas d’une pollution du sol ne résultant pas de l’exploitation d’une installation classée, la responsabilité du producteur ou du détenteur des déchets à l’origine de la pollution pourra être recherchée. En leur absence, c’est la responsabilité du propriétaire « négligent » ou « de mauvaise foi », en tant que détenteur des déchets, qui pourra être recherchée par le maire, voire par le préfet en cas de carence du maire.

À ces difficultés d’identification du responsable d’un site en friche peut s’ajouter un refus d’action de la part du propriétaire. En effet, face aux coûts des travaux de dépollution, le propriétaire peut préférer l’inaction tout en ne souhaitant pas céder son terrain, dans la mesure où sa valeur de cession serait dépréciée. Il existe ainsi de nombreuses situations dans lesquelles d’anciens exploitants laissent délibérément leur terrain sans activité, ce qui complique l’acquisition par une collectivité ou un organisme public et peut les conduire à recourir à des procédures d’expropriation.

Dans les cas où le propriétaire n’est pas identifié ou est défaillant, la collectivité doit engager des procédures longues et complexes. L’intégration dans le domaine communal (ou intercommunal en cas de transfert de compétences) nécessite légalement six mois au minimum en l’absence de réponses après l’arrêté d’incorporation du maire ou de l’organe délibérant de l’EPCI. Aux délais de ces procédures s’ajoute le temps de traitement par les services déconcentrés de l’État (préfet, direction régionale des finances publiques).

Si un propriétaire est identifié, les procédures ne sont pas toujours plus simples. Celles-ci induisent souvent des négociations longues quant aux actions de réhabilitation à mener de façon concertée, ou quant au prix d’acquisition lorsque la communauté souhaite prendre elle-même en main les opérations. Le prix d’acquisition des friches est à l’origine de multiples contentieux, notamment du fait du prix élevé des opérations de dépollution susceptibles de devoir être menées.

Par conséquent, la législation encourage les propriétaires à se décharger des coûts afférents à la réhabilitation en les transférant sur des porteurs de projets via des dispositifs tels que le tiers demandeur (cf. supra). Il s’agit dès lors d’une responsabilité qui échoit aux porteurs de projets : pour les sites d’ICPE régulièrement réhabilités ou les sites en secteurs d’information des sols (SIS), les articles L. 556-1 et 556-2 du code de l’environnement prévoient que le porteur de projet définisse puis mette en œuvre des mesures de gestion de la pollution des sols afin d’assurer la compatibilité entre l’état des sols et la protection de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, l’agriculture et l’environnement au regard du nouvel usage projeté. Cependant, malgré ce dispositif, et pour les raisons évoquées plus haut, les propriétaires ne sont pas systématiquement déchargés de leurs responsabilités. Il s’agit d’un point de blocage important qui appelle quelques réformes, notamment dans le cadre du dispositif du tiers demandeur.

Il faut également permettre un recours plus aisé des collectivités au droit de préemption dans le cas des friches. En effet, ce droit peut être exercé par les collectivités pour qu’elles soient prioritaires dans l’achat d’un site, dont elles doivent préciser la destination et le projet d’aménagement dès le dépôt de dossier. Elles doivent ensuite acquitter le prix fixé par le propriétaire, entamer des négociations pour un accord à l’amiable ou saisir le tribunal de grande instance qui fixera lui-même un prix. Ces démarches supposent que le propriétaire accepte de vendre son site. Or, un nombre important d’intercommunalités dont le souhait est de réinvestir les friches présentes sur leur territoire font face à des propriétaires qui préfèrent laisser leurs terrains sans activité, malgré des dégradations croissantes, en vue d’opportunités futures, et ce au détriment de projets de densification des activités industrielles.

Se pose alors la question des procédures d’expropriation, au travers d’une déclaration d’utilité publique (DUP) prononcée par le préfet. La procédure nécessite cependant un temps de traitement assez long (plusieurs années) et une forte mobilisation administrative qui complexifient sa mise en œuvre et découragent nombre d’intercommunalités. Certaines communes transfèrent à l’EPF le droit d’expropriation ou de préemption de friches dépolluées. Pour limiter les durées d’obtention des avis du service des domaines et des procédures d’expropriation, le Territoire d’industrie Axe Seine (Caux Seine Agglomération) demande ainsi la mise en place d’une procédure d’expropriation simplifiée ou d’une priorité d’acquisition de zones foncières désignées comme stratégiques (dans le cadre des notifications de vente de terre par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural [SAFER]). Celle-ci serait associée à un droit simplifié de préemption urbain afin de permettre aux intercommunalités de se porter prioritairement acquéreuse des terrains lorsque l’occasion se concrétise.

Les rapporteurs pensent qu’il est nécessaire de développer une réflexion spécifique sur l’usage et les freins à l’utilisation des droits de préemption et d’expropriation dans le cas de la réhabilitation des friches. Dans le cas de l’expropriation, il convient de souligner que le juge administratif exerce un contrôle de proportionnalité depuis l’arrêt du 28 mai 1971 dit « Ville Nouvelle Est ». Le juge applique ainsi le principe dit du bilan « coûts avantages ». Les inconvénients nés de l’expropriation ne doivent pas être excessifs par rapport aux avantages. De fait, l’expropriation pour cause d’utilité publique aboutit dans la plupart des cas, le juge n’annulant que rarement des procédures d’expropriation sur le fondement de ce principe.

Proposition n° 5. Mettre en place un groupe de travail interministériel pour identifier les usages et les freins existants concernant l’exercice des droits de préemption et d’expropriation pour les friches laissées à l’abandon depuis plus de cinq ans.

Par ailleurs, pour faciliter les démarches des aménageurs de friches, il convient également de mieux définir en amont les objectifs à atteindre en matière de dépollution. L’État, via l’ADEME notamment, a ainsi développé une méthodologie de gestion des sites pollués qui demeure trop souvent méconnue.

B.   La mÉthodologie de gestion des sites polluÉs : des progrÈs notables À confirmer

Le principe du pollueur-payeur, tel qu’il est inscrit à l’article 191, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), est un pilier de la politique environnementale. Cet article est contraignant à l’égard des États membres dans la mesure où il lui a été donné corps au moyen d’un acte de la législation secondaire au niveau de l’Union, comme une directive (par exemple, directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale, la directive-cadre 2000/60/CE sur l’eau, la directive-cadre 2008/98/CE sur les déchets, la directive 2006/21/CE sur les déchets de l’industrie extractive, etc.).

Notre code de l’environnement en est en grande partie issu. Dans le cas des friches, son article L. 556-1 prévoit, comme pour les sites en secteurs d’information des sols (SIS), qu’en cas de demande de permis de construire ou d’aménager sur un terrain ayant accueilli une ICPE régulièrement réhabilitée, le pétitionnaire fournisse une attestation délivrée par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, ou équivalent, qui garantit la réalisation d’une étude de sol ainsi que la prise en compte des préconisations de cette étude pour assurer la compatibilité entre l’état des sols et l’usage futur du site dans la conception du projet. Afin de sécuriser et d’accélérer le processus de cessation d’activité des ICPE, la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) prévoit une intervention obligatoire de bureaux d’études certifiés dans les métiers de la dépollution ou équivalent, pour attester de la mise en sécurité (pour toutes les ICPE autorisées et enregistrées et certaines ICPE déclarées), puis de la pertinence des mesures de gestion proposées et de leur mise en œuvre (pour toutes les ICPE autorisées ou enregistrées) par l’exploitant. Cette disposition permettra aux directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de se concentrer sur les cessations les plus complexes et présentant le plus d’enjeux. Cela permettra aussi de disposer de données ayant déjà fait l’objet d’un contrôle et d’une validation par un tiers.

Lors de la mise à l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement, cette même loi permet au préfet, grâce à l’introduction d’un nouvel article L. 512-22 dans le code de l’environnement, de fixer un délai contraignant pour la réhabilitation du site.

Ces contraintes s’appuient sur la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués qui concerne tous les sites présentant potentiellement des problématiques de pollution de leurs sols ou de leurs eaux souterraines, qu’ils relèvent ou non de la réglementation sur les ICPE, et qu’ils soient ou non en friche. Cette méthodologie se fonde sur le principe de gestion des risques suivant l’usage des milieux, c’est-à-dire une réhabilitation adaptée à l’usage qui sera fait du terrain. Les obligations de l’exploitant diffèrent notamment en fonction du degré de classement du site et de l’usage futur de la zone, apprécié au regard des documents d’urbanisme en vigueur : les travaux de dépollution seront plus lourds et leur coût plus élevé s’il s’agit d’accueillir des logements ou des bureaux.

Les différentes possibilités de dépollution des terres

 

Source : Préfecture des Ardennes, « Les friches dans les Ardennes », guide à l’usage des collectivités territoriales, août 2016.

La méthodologie actuelle trouve son origine dans une méthodologie de 2007 qui permet de définir différents outils de gestion, notamment l’interprétation de l’état des milieux (IEM) et le plan de gestion. L’IEM permet d’apprécier la compatibilité des milieux et des pollutions constatées sur un site avec ses usages, et ainsi d’identifier les milieux d’exposition qui ne nécessitent aucune action ou au contraire ceux qui vont conduire à mettre en place des actions simples, voire la mise en œuvre d’un plan de gestion. Le plan de gestion vise à définir l’ensemble des actions (mesures simples, changement d’usage, travaux de réhabilitation, surveillance du site) afin de rétablir l’état des milieux compatible avec l’usage. À la demande des différents acteurs (bureaux d’études dans le domaine des sites et sols pollués, donneurs d’ordre, aménageurs, collectivités, DREAL, organisations non gouvernementales, etc…), la méthodologie a été mise à jour en avril 2017, après une longue phase de concertation, pour prendre en compte le retour d’expérience de sa mise en œuvre depuis 2007 et les évolutions réglementaires ou techniques survenues depuis. De fait, elle constitue aujourd’hui le « langage commun » entre tous les acteurs de ce marché.

En parallèle, une norme de services (NFX 31-620) et une certification (volontaire), basées sur la méthodologie de gestion des sites et sols pollués, ont été mises en place, ce qui a incité les acteurs à largement utiliser cette méthodologie qui constitue aujourd’hui un outil de référence.

Cependant, les niveaux de dépollution à atteindre ne sont pas toujours clairement définis en amont des projets. Ils peuvent évoluer au cours du temps et font l’objet de nombreuses négociations qui ralentissent, voire remettent en cause certains projets. Pour limiter les coûts de ces opérations, il est aussi important de préciser en amont les niveaux de dépollution à atteindre. Ce niveau doit être déterminé en fonction de l’usage visé. Une dépollution intégrale n’est donc pas nécessairement requise, y compris pour des projets de renaturation. Dans ce contexte, il semble pertinent d’envisager une clarification des dispositions actuelles et d’y intégrer par exemple la renaturation comme un usage futur possible.

Le rescrit environnemental représente aussi une solution possible pour mieux anticiper le devenir des opérations de réhabilitation, via une prise de position formelle et opposable de l’administration sur l’application d’une norme à une situation. Celle-ci améliore la prévisibilité du contrôle de l’État sur un acte en particulier, fiscal le plus souvent.

La loi nº 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite « loi Essoc », a élargi le champ d’application des rescrits au domaine environnemental. Ainsi, un nouvel alinéa a été inséré à l’article L. 213-10 du code de l’environnement prévoyant que « Lorsqu’un redevable de bonne foi, à partir d’une présentation écrite, précise et complète de la situation de fait, a demandé à l’agence de l’eau de prendre formellement position sur l’application à sa situation des règles de droit prévues à la présente sous-section, l’agence répond de manière motivée dans un délai de trois mois. La réponse est opposable par le demandeur à l’agence qui l’a émise jusqu’à ce que survienne un changement de fait ou de droit qui en affecte la validité ou jusqu’à ce que l’agence notifie au demandeur une modification de son appréciation ». Ainsi, le mécanisme du rescrit permet d’obtenir d’une administration étatique une prise de position formelle sur l’application de certaines règles de droit à une situation de fait. La réponse formulée par l’administration lui sera opposable par le demandeur jusqu’à ce qu’intervienne un changement de fait ou de droit qui en affecte la validité. Adapter un dispositif de rescrit environnemental en matière de friches industrielles pourrait s’avérer efficace pour accélérer et sécuriser les procédures.

Proposition n° 6: Sécuriser les démarches des porteurs de projet en définissant au préalable les seuils de dépollution à atteindre et en adaptant un dispositif de rescrit environnemental en matière de réhabilitation des friches industrielles.

Enfin, un autre instrument utile réside dans les opérations de revitalisation des territoires (ORT). Cet outil créé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, loi dite « ELAN », met à disposition de nombreux dispositifs et présente plusieurs avantages pour les territoires. Après que le projet de territoire est défini par les élus avec la participation du gouvernement, la convention d’ORT donne en effet la possibilité d’accéder à de nouveaux droits fiscaux et juridiques. L’ORT permet par exemple de rendre l’activité commerciale plus attractive en centre-ville par le biais d’une dispense d’autorisation d’exploitation commerciale. Cet outil encourage également la réhabilitation de logements en proposant un accès prioritaire aux aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et une éligibilité au dispositif dit « Denormandie » dans l’ancien ([52]).

L’un des principaux outils permettant d’encourager les cessions de friche demeure cependant le dispositif du tiers demandeur, créé en 2014, mais toujours sous-utilisé à l’heure actuelle.

C.   Le dispositif du tiers demandeur : un outil utile à faire évoluer

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi « ALUR ») a créé en 2014 le dispositif du « tiers demandeur » qui permet à un tiers (généralement un aménageur) de se substituer – après accord du préfet – à l’ancien exploitant pour réaliser la remise en état du site, généralement en vue de l’usage futur d’ores et déjà envisagé par l’aménageur. Après validation du dossier par l’autorité administrative, un arrêté préfectoral de substitution décrit les travaux de réhabilitation prescrits pour lesquels le tiers demandeur est responsable. Après constatation par procès-verbal de l’inspecteur de la DREAL de la réalisation des travaux, le tiers demandeur récupère ses garanties financières. En effet, il n’est souvent pas dans les préoccupations ni dans les compétences de l’ancien exploitant de définir un projet de réaménagement non industriel d’un site, s’il n’est pas défini préalablement à la remise en état. De plus, réaliser les travaux de dépollution et de remise en état en une seule fois permet généralement de les réaliser plus rapidement et à un moindre coût. En outre, ce dispositif permet de réhabiliter les sites plus rapidement et pour un nouvel usage, ce qui permet d’éviter la création de friches. Ce dispositif, adapté aux zones « moyennement tendues », reste encore insuffisamment connu et utilisé, notamment par les EPF et les EPA.

Au 15 juin 2020, seuls 93 dossiers ont ainsi été déposés. 39 ont été autorisés et 49 sont encore en cours d’instruction par les DREAL. Une accélération de la mise en œuvre du dispositif est cependant constatée avec 20 dossiers de tiers demandeurs autorisés depuis le 1er janvier 2019, contre 19 sur la période 2015-2018.

Les projets de réhabilitation des 93 dossiers déposés concernent principalement des logements et habitations (68), des activités tertiaires et commerciales (32, dont 4 parkings) et des activités industrielles (12). 7 dossiers intègrent également dans le projet de réhabilitation des groupes scolaires et des installations sportives (dont la future piscine olympique en Seine-Saint-Denis). Un projet concernant l’implantation de panneaux solaires photovoltaïques a également été déposé. Les deux tiers des porteurs de projets sont des aménageurs privés ; les autres porteurs de projets sont des industriels, des EPA ou EPF, des sociétés publiques d’aménagement et des collectivités (communes, conseils départementaux et métropoles).

Au vu de la longueur et de la complexité des opérations de réhabilitation, il n’est d’ailleurs pas rare qu’il soit envisagé un transfert d’un aménageur à un autre. Or, dans le droit actuel, ce transfert n’est pas possible en cas de tiers demandeur : il faut recommencer l’ensemble de la procédure. C’est pourquoi, afin que les EPF puissent mobiliser plus largement ce dispositif, il pourrait être envisagé, via une mesure législative, de permettre, en cours de réhabilitation, le transfert d’un tiers demandeur à un autre tiers demandeur, ce qui constituerait un développement et un approfondissement par rapport au dispositif initialement introduit à l’occasion de la loi ALUR.

Proposition n° 7. Promouvoir le recours au dispositif du tiers demandeur. Permettre, en cours de réhabilitation d’une friche, le transfert d’un tiers à un autre tiers.

En outre, si le dispositif du tiers demandeur permet de sécuriser les opérations de réhabilitation, en cas de défaillance ou d’impossibilité par le tiers demandeur, l’ancien exploitant de l’installation reste responsable des pollutions sur son site (principe de pollueur-payeur), en particulier dans le cas où des pollutions nouvelles ou non repérées avant la constitution des garanties sont constatées.

Cependant, si l’information et le régime de responsabilité des parties prenantes sont clairement définis dans le cas d’anciens sites d’ICPE, dans les autres cas, les négociations contractuelles tombent dans le droit commun et relèvent des principes posés dans le code civil. En pratique, pour acquérir le terrain, les promoteurs acceptent de plus en plus des clauses opérant un transfert total de la responsabilité de l’état du terrain du vendeur vers l’acquéreur. Par conséquent, lorsqu’un opérateur découvre une pollution en cours de chantier, il a renoncé contractuellement à tout recours contre le vendeur, en garantie des vices cachés en particulier.

Les conditions d’assurance de ces opérations longues de plusieurs mois peuvent parfois être difficiles, de sorte qu’une partie du temps, les surcoûts sont supportés par le promoteur. À titre d’exemple, la découverte d’amiante dans le sol peut représenter un surcoût de dépollution de l’ordre de 400 000 euros à 1 million d’euros selon la superficie du terrain concerné.

Si les pratiques évoluent, avec notamment le renforcement des diagnostics en amont notamment, le risque pesant sur le bilan de ces opérations demeure souvent dissuasif. Il est plus simple et moins cher de construire en dehors de ces sites. En l’absence d’assurance abordable et adaptée, un fléchage d’une partie des fonds publics affectés aux friches serait nécessaire pour réduire les déficits de ces opérations, afin d’encourager ce type d’intervention. Dans ce cadre, les rapporteurs pensent nécessaire de mettre en place, en partenariat avec les assureurs, un groupe de travail chargé de réfléchir au développement de mécanismes d’assurance accessibles et exhaustifs pour les aménageurs de friches recourant au dispositif du tiers demandeur.

Proposition n° 8. Mettre en place, en partenariat avec les assureurs, un groupe de travail chargé de réfléchir au développement de mécanismes d’assurance accessibles et exhaustifs pour les aménageurs de friches recourant au dispositif du tiers demandeur, et au fléchage éventuel d’une partie des fonds publics consacrés aux friches pour encourager ce type d’intervention.

Enfin, la question de la responsabilité se pose également, en sens inverse, pour les propriétaires. Ainsi, les entreprises expriment une certaine réticence pour faire appel au dispositif du tiers demandeur car la responsabilité continue de peser sur l’exploitant même après la réhabilitation effectuée par le tiers demandeur. Il n’y a pas de quitus libérateur, ni de limitation de responsabilité dans le temps. Une entreprise reste à jamais responsable des problèmes de pollution qui pourraient survenir sur un site qu’elle a exploité. C’est un obstacle fréquent à une « redynamisation des sols ». Une « redynamisation » pourrait passer par des aménagements juridiques allégeant la responsabilité des anciens exploitants après cession définitive de leur site.

Le dispositif existant n’est toutefois pas suffisant pour traiter l’ensemble du passif des sites pollués et il est nécessaire de réfléchir à d’autres outils pour le compléter ou le développer. En outre, les facteurs de blocage sont essentiellement d’ordre économique.

 


II.   l’Équilibre Économique des projets, un objectif difficile À atteindre

De façon générale, les projets d’aménagement sont fréquemment difficiles à boucler, tant leur équilibre financier doit être envisagé sur le long terme, en prenant en compte dès leur lancement les rentrées futures qui permettront de rentabiliser les investissements réalisés. Ces difficultés, qui existent pour tous les projets de cette envergure, se font sentir encore davantage dans les projets qui impliquent la rénovation de friches, lesquelles impliquent des carences d’information sur l’étendue et la nature des opérations de remise en état à mener et, partant, sur les risques financiers associés.

Les auditions de vos rapporteurs ont montré que les coûts de résorption des friches imposaient aux porteurs de projets d’avoir une vision claire de la finalité économique des friches. Si les opérations de renaturation ne permettent pas d’avoir de retombées économiques directes, en revanche, en zone tendue, la construction de logements est très profitable et permet de garantir l’équilibre financier des projets en limitant la participation publique.

A.   Le bouclage financier d’une opÉration de rÉnovation est soumis À des alÉas majeurs

Les opérations de reconversion d’une friche impliquent une grande variété de coûts qui s’accumulent pour le meneur de projet et compliquent fortement la viabilité financière d’un projet. M. Abdelkrim Bouchelaghem, directeur général de Brownfields Gestion, l’a exprimé par une énumération et des ordres de grandeur évocateurs : « La reconversion des friches, c’est un ensemble de coûts. Il y a d’abord les coûts de portage, avec du gardiennage, des taxes foncières et des mises en sécurité. Ensuite, viennent la démolition et la dépollution. Il ne faut pas oublier le désamiantage qui est un poste potentiellement plus lourd que la dépollution. Les coûts d’aménagement, à leur tour, ne sont pas négligeables, avec des viabilisations et des travaux pour permettre l’accès à la friche. À cela s’ajoutent des frais financiers et des études. Je me suis amusé à essayer de faire un ordre de grandeur de coûts : on arrive à 500 000 euros par hectare. Dans mon expérience, de quelque 130 sites, je n’ai pas vu moins qu’un million d’euros de l’hectare pour la reconversion, et les coûts peuvent s’élever jusqu’à des chantiers de 30 ou 40 millions d’euros pour des raffineries » ([53]).

1.   Les coûts de la réhabilitation sont très élevés

Qu’elles aient accueilli ou non dans le passé d’anciens sites industriels, les terres artificialisées ne peuvent pas, sans difficulté, être réorientées vers des usages naturels. Outre l’érosion et l’excavation, qui peuvent causer des pertes irrémédiables de matière, d’autres altérations pérennes issues de l’artificialisation doivent être traitées lors d’une opération de réhabilitation : « les sites artificialisés sont soumis à diverses contaminations, c’est-à-dire à la présence anormale de produits potentiellement dangereux dans le milieu. Les polluants le plus souvent observés sont les hydrocarbures, les métaux et les hydrocarbures volatils non chlorés » ([54]).

La reconversion des friches présente des coûts importants qui doivent être compensés dans un projet d’aménagement économiquement équilibré. Ces coûts sont premièrement liés aux délais nécessaires pour réhabiliter une friche. M. Abdelkrim Bouchelaghem, directeur général de l’entreprise Brownfields Gestion, avance que les projets sur « certaines friches prennent trois fois plus de temps à aménager que des terrains à artificialiser » ([55]).

Cette latence, due aux difficultés techniques de la dépollution, du désamiantage, du désencombrement des friches, mais également à certaines procédures administratives, pèse sur les budgets des aménageurs de friches. De fait, M. Guillem Canneva, conseiller technique de la secrétaire d’État chargée de la lutte contre l’artificialisation, indique que les coûts de réhabilitation des friches sont très élevés, chiffres à l’appui : « lorsque l’on a de la dépollution, l’ordre de grandeur est autour de 100, 200, voire 500 euros le mètre carré, c’est-à-dire des coûts très conséquents. Donc si nous souhaitons avoir une politique volontariste, cela nécessite des moyens importants » ([56]).

a.   La dépollution, qui occasionne des surcoûts importants, implique un différentiel de coût élevé avec les opérations en extension urbaine

En dehors des bâtiments, les friches sont également intimement concernées par la pollution des sols et des sous-sols. M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, a énuméré les pollutions susceptibles de les affecter : « déversement sur les sols ou dans la nappe souterraine, enfouissement de déchets, réapparition de sédiments à la suite d’un événement climatique exceptionnel ou retombées d’émissions atmosphériques, par exemple de métaux lourds, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ou de dioxines, sur des terrains voisins qui deviennent alors impropres à des activités agricoles ou à des usages d’habitation » ([57]).

Ces divers types de pollution exigent des travaux de dépollution avant que le site ne soit en mesure d’accueillir un nouvel usage. L’amplitude et l’intensité de la dépollution varient fortement en fonction de l’usage futur auquel le site est destiné : là où la transformation en centrale photovoltaïque ne nécessitera que peu de dépollution, la reconversion en logements ou en école signifie un seuil d’exigences sanitaires nettement plus élevé et, partant, une obligation de travaux supérieure. De façon générale, les objectifs de réhabilitation sont définis en fonction de sept critères : les seuils de coupure définis en fonction des polluants présents et la mobilité, les techniques de dépollution disponibles, les usages du site et ses aménagements actuels ou prévus, les objectifs fixés pour assurer la qualité des milieux, les risques sanitaires aux différents moments de l’opération, ainsi que l’équilibre financier de l’opération ([58]).

Les opérations de reconversion se caractérisent de ce fait par un risque financier élevé qui varie en fonction de l’aléa que représente le degré de pollution. Les connaissances en la matière étant incomplètes, la visibilité qu’a l’acquéreur sur les actions à mener pour sécuriser le terrain du point de vue sanitaire est fortement lacunaire, ce qui augmente le risque porté en début d’opération et la rémunération exigée par les établissements de prêt, et alourdit in fine le bilan financier global de l’opération.

L’identité du porteur des coûts diffère en fonction du dynamisme du territoire. Dans un territoire très attractif, les coûts sont partagés et amortis entre acteurs publics et privés, dans le cadre d’un contrat de partenariat. Dans cette configuration, le projet est alloti de façon à ce que la collectivité prenne en charge les opérations de dépollution et de désamiantage tandis que la partie privée s’engage pour l’aménagement et la construction ([59]). Les coûts peuvent être classés dans quatre grandes catégories : acquisition du foncier ; missions d’étude et d’évaluation du site et des diverses opérations à mener ; travaux de déconstruction, de dépollution et de désimperméabilisation lorsqu’ils s’imposent ; travaux d’aménagement et de construction.

Les coûts de la réhabilitation d’une friche ne doivent pas être analysés en eux-mêmes, mais uniquement par rapport au surcoût occasionné quand on compare la réhabilitation à une opération d’aménagement équivalente en artificialisation. Là où les raccordements peuvent être à faire dans le cadre d’une opération en extension, ils sont déjà existants dans le cadre d’une friche. Les autres aménagements infrastructurels (voirie…) sont également le plus souvent existants. Ce sont uniquement les coûts de déconstruction, de dépollution et de remise en état du foncier qui pèsent sur les coûts d’aménagement.

M. Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), a décrit les résultats d’une enquête menée par les services des aménageurs et opérateurs fonciers du CEREMA, de la Caisse des dépôts et consignations et de l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie pour apprécier le différentiel de coût pour l’aménageur : « un différentiel manifeste de coût existe pour l’aménageur : le surcoût est lié au fait que le portage foncier et de réalisation est plus long, que le foncier est souvent morcelé et qu’en outre la dépollution grève fortement le bilan » ([60]).

b.   Face à la rigidité des prix de vente, il est nécessaire de développer des solutions pour amortir ou abaisser les coûts de dépollution

De nombreuses régions connaissent une très faible variation du prix de vente qui ne permet pas d’absorber d’éventuels surcoûts de dépollution. Dans les régions qui ne sont pas concernées par un marché de l’immobilier dynamique, les projets immobiliers se caractérisent par une nette conformité des prix de vente des lots. Les acheteurs sont en effet particulièrement sensibles aux variations des prix, ce qui implique une élasticité-prix maximale de la demande : dès lors que les prix de vente proposés pour un projet se situent au-dessus des prix du marché, comme ce peut être le cas lorsqu’il faut compenser des surcoûts dus aux opérations de dépollution, il est très difficile de trouver preneur.

Comme l’a analysé Mme Aude Debreil, directrice générale de l’Établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Sénart et co‑présidente du Réseau national des aménageurs, « nous ne pouvons répercuter aucun surcoût à la sortie des projets, car il n’y a pas de marché. Si le foncier vaut 70 euros/m2 et qu’on essaye de revendre plus cher, on ne trouve pas d’acheteur. Nous n’avons aucune capacité à répercuter les surcoûts d’aménagement sur le prix de vente, et c’est donc la collectivité qui doit les prendre en charge par la subvention » ([61]).

Cette élasticité-prix très élevée de la demande de foncier implique une absolue nécessité de contrôler les coûts de dépollution. Ceux-ci représentent, on l’a vu, une partie très conséquente de l’investissement financier à réaliser dans la reprise d’une friche, surtout lorsque celle-ci résulte d’une activité industrielle. De nombreux opérateurs réfléchissent aux moyens de baisser ces coûts de façon à rendre les opérations de revitalisation plus attractives et moins risquées, sans pour autant mettre en péril la santé des populations.

Ainsi, Mme Pascale Huyghe Doyere, directrice de la société d’économie mixte Normandie Aménagement, a rapporté que « nous avons essayé de développer une approche un peu différente, en ce sens que si nous estimons qu’il y a des terres polluées qui doivent absolument être évacuées, il y en a d’autres qui peuvent être utilisées dans nos voiries, lorsque nous surélevons nos voiries. C’est quelque chose à prendre en compte, notamment dans le bilan carbone, si on peut « encapsuler » certaines pollutions sur ces sites. Nous avons également développé une plateforme de gestion des terres polluées qui nous permet d’optimiser sur un seul site, en coopération avec la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, la gestion de terres polluées de plusieurs zones d’aménagement concerté » ([62]).

2.   Les bilans sont grevés par les incertitudes et les risques

a.   Des asymétries d’information et un risque temporel mettent en péril les bilans comptables des opérations de revitalisation

Les aménageurs et promoteurs établissent des bilans à rebours qui intègrent les recettes futures d’un projet d’aménagement aussi bien que l’ensemble des postes de dépenses nécessaires pour la concrétisation du projet, correspondant globalement aux cinq postes suivants : acquisition foncière, dépollution, aménagement, construction, raccordement ([63]). De fait, une fongibilité apparaît entre les deux premiers postes : le maître d’ouvrage acquiert le terrain en tenant compte du poids financier des opérations de dépollution.

De ce fait, la valeur d’acquisition est diminuée des coûts de dépollution, de manière au moins partielle. Ce phénomène peut cependant induire une difficulté à l’acquisition, certains propriétaires étant réticents à se séparer de leur bien pour un prix minoré. Ces problèmes concernent un grand nombre de friches et peuvent allonger de plusieurs années la durée des projets de reconversion.

Le plus souvent, les activités industrielles ayant antérieurement occupé le site font que les terrains concernés ne sont pas nus. Ils abritent fréquemment des bâtiments désaffectés, à l’image des usines et hangars décrépits. Si certaines réhabilitations impliquent une réhabilitation de ces lieux, inspirée par des motifs de préservation patrimoniale et de mise à l’honneur d’un passé industriel, la solution la moins onéreuse et la plus souhaitable pour une reconversion totale des lieux consiste à démolir le bâti antérieur, qui ne correspond ni à la nouvelle destination, ni aux normes de construction devenues plus exigeantes.

Les coûts de démolition, qui sont toujours significatifs, reflètent les particularités de l’emplacement et de la forme du bâtiment et les difficultés logistiques qui peuvent y être liées, aussi bien que les difficultés d’acheminement et de stockage des matériaux issus de la démolition. S’y ajoutent les coûts suscités par les procédures particulières applicables au démantèlement et à l’enlèvement de certains matériaux de construction, en particulier le plomb et l’amiante.

En plus des difficultés à anticiper les coûts qui peuvent naître de ces situations d’asymétrie d’information, le bilan des opérations ne prend pas en compte certains coûts et gains hors bilan. C’est le cas, par exemple, des gains suscités par le choix de réhabiliter une friche par rapport aux coûts occasionnés pour la collectivité du fait d’un arbitrage en faveur d’une artificialisation accrue. Il en est ainsi des dépenses liées à la viabilisation des terrains et à leur raccordement aux réseaux et aux infrastructures. L’ADEME a estimé, en s’appuyant sur des études réalisées dans le cadre du Grand Paris Express, que la collectivité économise en frais fixes 96 000 euros par hectare non urbanisé, qui, dans une approche globale, peuvent diminuer le coût facial supporté par la collectivité lors de la réhabilitation d’une friche ([64]).

b.   La valeur foncière des terrains constitue un obstacle important en zone non tendue

La rentabilité économique d’un projet de réaménagement de friche dépend de plusieurs facteurs qui peuvent être regroupés sous trois chapitres :

De nombreuses friches sont présentes dans des régions économiquement sinistrées, souffrant d’un manque de dynamisme économique. Cette situation a été historiquement celle des régions concernées par les programmes « après-mine » pilotés par le ministère chargé de l’environnement (relevant actuellement du programme 374 de la mission budgétaire « Écologie, développement et mobilité durables »). Avec des besoins de foncier d’entreprise et des besoins immobiliers en déclin du fait d’une démographie souvent négative, les projets de rénovation ne peuvent pas être rentabilisés par les retours escomptés. Dans ce cas, les coûts élevés de la réhabilitation interdisent en général de lancer le projet.

Cette situation est d’autant plus regrettable que les externalités positives qui naissent d’une opération de réhabilitation réussie, bien qu’elles ne figurent pas au bilan de l’opération, sont très conséquentes, d’autant plus à grande échelle, et peuvent aboutir à une amélioration globale du dynamisme régional. On observe donc ici une tendance au cercle vicieux, du fait de l’effet-signal négatif exercé par la présence d’une friche ([65]).

En zone non tendue, notamment en zone rurale, le prix du foncier constitue souvent un obstacle aux opérations de revitalisation. Si la valeur du foncier est trop basse, il est en effet très difficile d’entrevoir un modèle économique qui rendrait viable la réalisation des lourdes opérations nécessaires pour le réaménagement du site. Comme l’a commenté M. Jean-Louis Denoit, maire de Viviez (Aveyron) et membre du bureau de l’Association des maires de France, « la valeur du foncier connaît de telles différences entre les métropoles et les zones littorales, d’un côté, et les zones rurales, de l’autre, qu’il est bien plus difficile de réhabiliter des friches polluées dans des territoires excentrés par rapport à l’extension économique actuelle. La faisabilité y est inexistante : je connais ainsi des friches qui ont plus de soixante ans et sont envahies d’arbres et de buissons » ([66]).

Les acteurs interrogés ont également mis en avant la difficulté qu’il peut y avoir pour un repreneur à monter un projet financièrement viable. Cela provient souvent de la valorisation du foncier du site dans le bilan financier des personnes morales impliquées, qui s’avère être tout à fait décorrélée de la réalité présente de la valeur du bien. C’est le cas qu’a présenté Mme Aude Debreil, directrice générale de l’Établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Sénart et co-présidente du Réseau national des aménageurs : « les entreprises ont valorisé dans leur comptabilité, dans leurs fonds propres, des biens immobiliers à des valeurs qui n’ont souvent plus rien à voir aujourd’hui avec la réalité du bâti actuel, tant celui-ci n’a pas été entretenu depuis l’évaluation. Bien sûr, les entreprises ne souhaitent pas intégrer dans leurs résultats la dévalorisation de leurs biens. Très souvent, elles préfèrent garder dans leurs comptes une friche durant quinze ou vingt ans plutôt que d’acter une perte sur des actifs. C’est vraiment le blocage principal, avant même la spéculation » ([67]).

De manière générale, l’avantage de la dépollution sur la revalorisation foncière du site se mesure par la prise en compte des revenus générés par une mutation ou évalués par les avantages d’usage ([68]). Lorsque les prix du foncier sont trop faibles, seuls les éventuels avantages d’usage dégagés de son exploitation, lorsqu’elle reste entre des mains publiques et est consacrée à un objectif de politique publique, pourraient permettre de compenser la perte financière nette, aucune opération privée ne pouvant être rentable. Si en revanche ils sont suffisamment élevés pour absorber les coûts d’une opération de dépollution, le propriétaire peut compter sur les retombées de la vente du terrain après dépollution pour dégager une rente foncière. Il en va de même de l’aménageur qui, lors de l’élaboration du compte à rebours initial, peut aisément justifier les coûts de dépollution.

L’analyse suivante du Centre de recherche et d’expertise dans l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) résume les nombreuses difficultés qui guettent la réalisation des projets de reconversion : « En plus des contraintes réglementaires, de la complexité des nombreuses procédures à mener et parfois de l’insuffisance d’ingénierie de projets, dans les zones peu tendues, le faible niveau des prix de marché des locaux et des logements ne permet pas d’absorber dans le bilan financier de l’opération les différents surcoûts spécifiques (démolition, dépollution, requalification partielle du site, risques d’opération, délai prolongé de portage foncier). Sans subvention publique d’équilibre des opérations, ceci tue dans l’œuf la plupart des projets de réhabilitation des friches. Mais c’est surtout le faible coût relatif de l’urbanisation des terres naturelles ou agricoles et un modèle économique maîtrisant bien les risques d’opération en extension qui freinent considérablement la réhabilitation des friches. Ceci est renforcé par le fait que les coûts indirects sont plus aisément partagés entre les contribuables du territoire via un financement par l’impôt (coûts de l’extension urbaine : transports, réseaux, etc.). Il est également à noter parfois un phénomène de rétention foncière (friches commerciales et industrielles en lien avec la solidité bancaire de ces acteurs économiques) » ([69]).

B.   Les ressources financiÈres disponibles sont incertaines et insuffisantes

Dans un contexte marqué par une nette carence des retours sur investissement, occasionnée par l’excès structurel des coûts par rapport au rendement, les projets nécessitent souvent un apport extérieur pour atteindre l’équilibre. La participation publique permet, dans les limites de pertes raisonnables, de s’affranchir de la logique de marché en permettant aux opérateurs publics (établissements publics fonciers et d’aménagement) et privés (consortiums d’acteurs associant des fonds d’investissement, des aménageurs et des promoteurs) de s’assurer d’un retour sur investissement au moins partiel.

1.   Le financement par le secteur privé ne permet pas de compenser le déficit de rentabilité des projets

Historiquement, la reconversion des friches implique plusieurs secteurs de la filière du bâtiment et des travaux publics, de la phase de dépollution aux travaux d’aménagement.

a.   En dépit de l’émergence de nouveaux acteurs, le secteur de la dépollution demeure morcelé et peu innovant

Les entreprises de la dépollution interviennent sur un secteur peu dynamique et peu innovant, susceptible d’être affecté fortement par les conséquences économiques de la crise sanitaire due à la covid-19. Le marché de la dépollution a connu ces dernières années une forte expansion, du fait des dynamiques croisées que sont la lutte contre l’étalement urbain et la raréfaction du foncier disponible dans les espaces économiques tendus, et le lancement de grands projets publics pilotés et cofinancés par l’État.

Un meilleur fonctionnement des dispositifs juridiques existants, comme le mécanisme du tiers demandeur, pourrait permettre de poursuivre cette dynamique positive, qui risque sans cela de se tasser, comme l’a prévu au Sénat M. Franck Bouché, président de l’Union des professionnels de la dépollution des sites (UPDS) : « notre métier est en faible croissance, tout juste supérieure à l’inflation ». M. Bouché a également pointé une sous-utilisation de l’innovation dans le secteur, qui « met en œuvre à 70 % de l’excavation et non des techniques innovantes » ([70]).

Des entreprises ont progressé vers l’intégration verticale dans le secteur. Ainsi, l’entreprise Hesus offre-t-elle des solutions « clef en main » pour gérer les déchets de chantier, évacuer des terres inertes ou polluées, optimiser les processus logistiques pour faciliter la gestion des déchets sur un chantier, ainsi qu’un accompagnement dans la création de documents et d’informations de traçabilité des terres et des déchets. Cette dernière activité est fortement mobilisée et correspond à des inquiétudes croissantes des populations sur les enjeux de santé environnementale, dans le cadre d’exigences croissantes pour un encadrement de la gestion des terres excavées permettant à la fois une meilleure transparence sur les risques et une meilleure valorisation ([71]).

b.   La naissance de nouveaux acteurs intégrés, bénéficiant de financements publics et privés, permet une prise en charge des friches au long cours

L’économie des friches présente des caractéristiques propres : leur reconversion, qui nécessite une forte capacité d’investissement, occasionne une attente parfois longue entre la décision d’investissement et le retour, avec un degré de risque assez élevé en fonction de la pollution des sites et des difficultés diverses qui surviennent tout au long du projet. Ces facteurs en ont fait longtemps la chasse gardée de financeurs publics en mesure d’étaler les coûts sur le temps long et d’essuyer des pertes : ainsi le mode de financement longtemps privilégié a-t-il été le partenariat public-privé, avec prise en charge des coûts de dépollution et de la remise à disposition des sols par le secteur public tandis que le secteur privé contribue aux investissements d’aménagement et d’urbanisation des sites ([72]).

Pourtant, depuis les années 2000, la baisse des dotations publiques, la pression foncière croissante dans les zones tendues et les efforts redoublés pour limiter l’artificialisation des terres rendent de plus en plus intéressante la revitalisation des friches urbaines, et de nouveaux opérateurs économiques sont nés en réponse à cette opportunité de marché. C’est le cas de l’investisseur immobilier Brownfields Gestion, spécialisé dans la reconversion d’anciens sites industriels, tertiaires ou commerciaux, dont le président-directeur général a été auditionné par la mission d’information. Créée en 2006, cette entreprise a réalisé près de 50 opérations de rénovation de friches avec des investissements en provenance de divers acteurs, notamment publics. Dans le cadre de l’action menée par le Fonds européen pour les investissements stratégiques depuis 2015, la Banque européenne d’investissement (BEI) participe au financement de Brownfields à hauteur de 80 millions d’euros, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations et sa filiale Bpifrance.

2.   Les financements publics demeurent incertains et insuffisants

Les financements publics, notamment ceux attribués au titre du Fonds européen de développement régional et des appels à projets de l’Agence de la transition écologique, peuvent intervenir pour aider à l’acquisition des sites en prenant en charge une partie des coûts de leur dépollution, permettant donc à l’acquéreur de s’acquitter d’un prix d’achat plus élevé. Toutefois, ces financements restent bien souvent incertains avec un aléa dépendant de la sélection finale des projets retenus pour l’attribution, ce qui empêche bien souvent leur intégration au bilan financier à rebours.

Les opérations structurellement déficitaires exigent une participation publique pour les amener à l’équilibre financier, la ressource publique supplémentaire comblant la carence du retour sur investissement. Dans ce cadre, les subventions de l’État, distribuées par le biais de l’Agence de la transition écologique, ou celles des collectivités territoriales, peuvent jouer un rôle décisif dans la mise en œuvre d’un petit nombre de projets.

Lorsque les déséquilibres financiers sont trop marqués pour permettre une action corrective par voie de subvention, il peut même sembler nécessaire de réorienter les projets vers d’autres usages. Dans le Grand Est, par exemple, certains projets confrontés à ces difficultés font l’objet d’une redéfinition des objectifs, notamment vers deux finalités à valeur environnementale ajoutée, l’installation de parcs photovoltaïques et l’utilisation de la friche comme mesure compensatoire pour la biodiversité ([73]), ce qui a pour avantage de requérir moins de travaux de dépollution.

Les subventions publiques ne sont pas suffisantes pour compenser les forts surcoûts d’aménagement qui ne peuvent être compensés à l’exploitation. C’est ce qu’a expliqué M. Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) en estimant que « dans les friches en secteur détendu, le déficit après intégration des subventions classiques est de l’ordre de 25 à 50 %, ce qui explique que ces friches restent des friches, parce qu’économiquement leur recyclage ne tourne pas » ([74]).

a.   Les acteurs locaux n’ont pas toujours les moyens

Le rôle des collectivités s’est fortement affirmé à mesure du transfert des compétences en matière de logement, d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Une logique nationale avait d’abord prévalu, au moment de la désindustrialisation rapide de régions entières, avec les travaux emblématiques menés à partir de 1971 par le Groupe interministériel pour la restructuration des zones minières (GIRZOM). Le rapport publié en 1986 sous la direction de l’ingénieur Jean-Paul Lacaze sur les perspectives des grandes friches industrielles ([75]) théorisait ainsi un « resserrement urbain » autour des sites situés dans les pôles urbains au détriment des cités minières excentrées.

Les collectivités sont souvent confrontées à des situations de déshérence de sites qui sont difficiles à gérer. Dans certains cas, les collectivités – en particulier les communes, les intercommunalités et les départements – sont propriétaires de friches ou d’anciens sites industriels pollués. Plusieurs motifs peuvent amener les collectivités à prendre en charge le financement de travaux de dépollution ou de réaménagement des friches :

– en tant que propriétaires de sites pollués dont l’exploitant responsable de la pollution n’a pas été identifié ou, dans certains cas, de défaillance de l’ancien exploitant ;

– au titre de leurs compétences de gestion d’établissements scolaires ou de parcs de logements, lorsque les usagers des établissements dont elles ont la charge courent un risque sanitaire du fait d’une nuisance environnementale imputable à la friche ;

– par volonté de voir aboutir des projets d’aménagement qui risqueraient, sans leur concours, de ne pas pouvoir se réaliser ou de s’enliser.

b.   Les financements nationaux, distribués notamment par le biais de l’ADEME, sont réduits

L’Agence de la transition écologique (ADEME) ([76]) est l’opérateur principal chargé de soutenir et d’accompagner les acteurs locaux dans les projets de réhabilitation des friches. Son activité la plus importante dans le cadre des projets de réhabilitation ne relève pas de ses missions régaliennes, mais d’une action volontaire menée depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, qui a vu de nouvelles missions confiées à l’agence en même temps qu’une réduction de ses crédits consacrés aux sols pollués. Parmi ces actions, le soutien financier à la reconversion des friches polluées pris en charge par l’agence a été salué par la plupart des personnes auditionnées.

Mené depuis 2010, ce dispositif voit l’organisation annuelle par l’agence d’un appel à projets de reconversion de friches polluées en vue de la création de logements, d’activités économiques et d’équipements publics. Les projets visés requalifient des secteurs économiquement délaissés et améliorent la qualité des sols. Entre 2010 et 2016, 95 opérations ont été lauréates des appels à projets et été soldées ou étaient encore en cours en 2018 ([77]).

Les opérations de réaménagement retenues dans la sélection ne pourraient pas, sans cette aide financière, se réaliser aux conditions économiques des marchés fonciers dans lesquelles elles ont lieu. Quoique l’objectif soit louable, certains acteurs ont déploré la faiblesse des moyens alloués : selon M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables » à l’ADEME, « le budget annuel de 3 à 5 millions d’euros permet de soutenir une dizaine d’opérations, avec 400 000 euros de soutien par opération » ([78]). M. Caire a également fait valoir que ce programme cherche à soutenir des opérations exemplaires qui fassent progresser les techniques et les méthodes de reconversion utilisées.

L’ADEME accompagne aussi les acteurs durant toutes les phases de la conception et de la concrétisation des projets de reconversion et d’aménagement des friches. Cet appui opérationnel, principalement orienté vers les collectivités territoriales, s’étend aussi aux aménageurs, promoteurs et acteurs économiques impliqués dans les futurs usages du site dont la reconversion est envisagée. Un exemple récent de cette aide concerne l’outil Benefriche, développé par l’agence pour aider les meneurs de projet à quantifier les bénéfices socio-économiques et environnementaux d’un projet de rénovation de friche ([79]).

La réhabilitation des friches à l’ADEME

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est l’opérateur principal chargé de soutenir et d’accompagner les acteurs locaux dans les projets de réhabilitation des friches. La gestion des pollutions constitue une de ses fonctions historiques. Créé en 1991 avec pour mandat général la protection de l’environnement, cet établissement public reprend en effet les missions d’aide, de conseil, de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation des sols pollués qui incombaient depuis 1988 à l’Agence nationale pour la récupération et l’élimination des déchets (ANRED). L’action de l’agence en faveur des friches prend aujourd’hui quatre formes principales :

-          une mission régalienne de mise en sécurité des installations classées polluées, à responsable défaillant, posant un risque sanitaire ou environnemental ;

-          l’accompagnement financier, par appel à projets, des projets territoriaux de reconversion économique des friches industrielles ;

-          un dispositif d’accompagnement des collectivités par les études et l’assistance à maîtrise d’ouvrage, qui a distribué quelque 200 aides pour 4 millions d’euros ;

-          un effort de recherche et de développement en matière de techniques de remédiation et de dépollution des sols ([80]).

Pour le compte de l’État et sous le pilotage de la direction générale de la prévention des risques, l’ADEME exerce la mission de mise en sécurité des sites pollués à responsable défaillant. Cette mission concerne les sites industriels – ou de services, lorsque cela concerne d’anciennes stations-services ou pressings – abandonnés qui présentent une pollution susceptible de poser un risque grave à l’environnement ou à la santé des populations. L’intervention de l’ADEME ne consistant pas à mener des opérations complètes de dépollution, mais à une plus simple mise en sécurité, celles-ci ne concernent que 5 % des projets de mise en sécurité déployés par l’agence.

Celle-ci vise non à réhabiliter le terrain pour de nouveaux usages mais à contenir la pollution, en en supprimant une partie si nécessaire, de manière à ce qu’elle n’entraîne pas de risque grave pour l’environnement et la santé des populations. Cette activité, qui représente une intervention sur une trentaine de nouveaux sites chaque année – une intervention durant plusieurs années – mobilise une enveloppe financière de 17 millions d’euros par an et concerne actuellement un portefeuille de 220 sites. Comme l’a expliqué M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables », « le fait d’exercer cette activité nous donne un certain regard sur la problématique des friches, même s’il n’en concerne qu’une partie » ([81]).

Par ailleurs, l’agence développe également une activité d’animation et de soutien à la recherche pour améliorer et approfondir les connaissances existantes sur les techniques de remédiation et de dépollution.

D’autres financements existent, en provenance de programmes spécifiques, notamment l’initiative Territoires d’industrie, portée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Le projet, lancé en novembre 2018 par le Premier ministre, concernait 55 projets de reconquête de friches industrielles. L’ANCT intervient en partenariat avec la Banque des territoires, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, via des programmes d’ingénierie, financés par une enveloppe de 26 millions d’euros.

Un groupe de travail chargé de diagnostiquer les faiblesses des dispositifs existants a rendu un rapport dont les conclusions principales relevaient, outre l’absence d’une définition des friches, déjà abordée dans la première partie de ce rapport, que l’offre d’ingénierie était illisible, que les outils de financement n’étaient pas suffisamment incitatifs et qu’on constatait une insuffisante mobilisation des fonds européens. Le programme est né du constat de ce que M. Guillaume Basset, directeur du programme à l’ANCT, a appelé « une inadaptation des outils d’investissement de l’État et des territoires » ([82]).

En ce qui concerne la sous-catégorie des friches industrielles que constituent les sites miniers non reconvertis, ils jouissent d’un statut spécial qui dote l’État de responsabilités particulières ([83]), assumées par la direction générale de la prévention des risques. Depuis 2006, c’est à son opérateur, le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), qu’incombent ces missions régaliennes. Celles-ci incluent les travaux de mise en sécurité, la surveillance des anciens sites miniers et l’exploitation des dispositifs de prévention et de sécurité et du système d’information après-mine ainsi que la transmission des savoirs et des compétences pertinents ([84])

Les rapporteurs insistent sur la nécessité de ne pas mettre en péril l’accomplissement des missions régaliennes traditionnelles, comme la mise en sécurité des sites et sols pollués, qui voit ses crédits baisser régulièrement depuis 2007 ([85]). La Cour des comptes a eu l’occasion d’attirer l’attention sur la baisse d’attention dont font parfois l’objet les missions traditionnelles lorsque des politiques plus visibles, dispensées par voie d’appels à projets, prennent le relais ([86]), mais les uns ne peuvent se substituer aux autres, car les premiers répondent à un impératif sanitaire et environnemental qu’il ne saurait être question de mettre entre parenthèses.

c.   Les financements européens sont sous-mobilisés

En ce qui concerne la mobilisation des fonds européens, elle demeure, selon la plupart des acteurs entendus par la mission, tout à fait insuffisante. Selon l’Agence nationale de la cohésion des territoires, « sur la période de la programmation 2014-2020, peu de régions ont fait le choix d’inscrire dans leurs programmes le soutien aux friches » ([87]). Au nombre de celles qui ont consacré une part des crédits européens à cette problématique, l’ANCT a cité en exemple la région Auvergne-Rhône-Alpes qui aurait mobilisé 24 millions d’euros sur la requalification des friches pour des subventions à destination d’études préalables et de dépenses d’acquisition, de dépollution et de désamiantage.

Les acteurs interrogés par vos rapporteurs attendent presque tous un véritable effort de mobilisation et de clarification concernant l’utilisation des programmes européens et notamment du Fonds européen de développement régional (FEDER). Des problèmes de sous-consommation des crédits ont été rapportés, comme l’a expliqué M. Sébastien Martin, président de la communauté du Grand Chalon (Saône-et-Loire), administrateur de l’Assemblée des communautés de France : « il y a de l’argent. En Bourgogne-Franche-Comté, nous ne sommes qu’à 60 % de consommation d’une enveloppe qui s’achève en 2020, sachant que la réhabilitation des friches est un sujet qui relève du FEDER. (…) On devrait flécher clairement des crédits vers les friches » ([88]).

Les acteurs font également état de lourdeurs administratives et procédurales qui freinent ou empêchent la libération des fonds nécessaires à la mise en œuvre des projets. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) a déploré à ce sujet « la faiblesse du financement tout autant que la lourdeur administrative autour de la gestion de ces projets, qui pourrait décourager l’INERIS de continuer de participer à ce type de projets » ([89]). Le rapport qui en est fait souligne notamment des exigences excessives en matière de présentation de pièces justificatives quant au statut et aux conditions de travail des salariés impliqués dans le projet, des demandes multiples sur les éléments de dépense du quotidien et exceptionnels, des redondances dans les formalités à accomplir avec les procédures de l’agent comptable, du contrôleur budgétaire et des commissaires aux comptes, ainsi que d’autres exigences chronophages et superflues liées notamment à l’examen des données financières par un contrôleur de premier niveau (CPN) avant transmission à l’autorité de contrôle.

Certaines régions montrent néanmoins un volontarisme dans l’utilisation des crédits en provenance des fonds européens. C’est le cas par exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui, au cours de l’exercice financier pluriannuel précédent, a fait de la requalification des friches une de ses priorités, avec un fléchage de 24 millions d’euros pour soutenir les collectivités rhônalpines dans ces projets. La « fiche action » développée par le conseil régional cite ainsi parmi ses objectifs l’amélioration de l’environnement urbain, la revitalisation des villes et la réhabilitation et la décontamination des friches industrielles, en retenant comme indicateur de résultat le nombre de sites dépollués à l’aide d’un processus innovant. Les bénéficiaires sont tenus, en échange de l’obtention des fonds, de réaliser un nombre défini d’hectares de réhabilitation ([90]).

Le Fonds européen de développement régional

Ce fonds intervient dans le cadre de la politique de cohésion économique et territoriale de l’Union européenne. Il vise à renforcer cette cohésion par une action corrective sur les déséquilibres interrégionaux. Sur la période du cadre financier pluriannuel 2014-2020, le FEDER a représenté pour la France 8,4 milliards d’euros consacrés à l’investissement pour la croissance et l’emploi, et 1,1 milliard d’euros consacrés à la coopération territoriale européenne.

Outre ses priorités qui sont le soutien à la recherche et à l’innovation, la compétitivité des petites et moyennes entreprises, la numérisation et la transition énergétique, le fonds finance également des actions d’adaptation aux changements climatiques, de prévention des risques, de développement des transports et d’inclusion sociale, tout en intervenant spécifiquement en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Les crédits du FEDER sont distribués par appel à des projets qui correspondent aux objectifs fixés à l’échelle nationale. Depuis 2014, les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) et les conseils régionaux se partagent l’évaluation et la sélection des projets.

 

Proposition n° 9. Mieux mobiliser les crédits du FEDER et du fonds européen pour une transition juste, aujourd’hui trop peu utilisés par les conseils régionaux, au profit des opérations de revalorisation des friches et notamment des projets impliquant une relocalisation industrielle.

 


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   troisiÈme partie :
Renforcer l’action publique en faveur
de la rÉnovation des friches

L’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) qui constitue désormais une priorité des politiques publiques exige de renforcer les instruments permettant la résorption des friches industrielles, commerciales et administratives. Cela suppose de renforcer les actions de prévention de la formation des friches, de simplifier et d’accélérer les procédures administratives et juridiques ainsi que de déployer de nouveaux outils budgétaires, fiscaux et financiers pour autoriser et équilibrer des opérations de rénovation souvent longues et coûteuses. La mission d’information formule dans cette dernière partie plusieurs propositions pouvant aller en ce sens.

I.   S’engager dans une politique rÉsolue de prÉvention de la formation de friches

Prévenir la formation de friches industrielles, commerciales et administratives ne peut être qu’un objectif général. En effet, les modifications de priorité de l’action publique, les cycles économiques, la concurrence internationale, le progrès technique et de nombreux autres facteurs créent en permanence des raisons d’abandonner des espaces et des bâtiments qui n’ont plus lieu d’être. Cependant, des actions concrètes peuvent permettre de mieux anticiper ou d’accompagner ce phénomène. Elles concernent à la fois les stratégies de développement urbain, l’ingénierie territoriale, la réglementation et aussi les méthodes de construction.

A.   S’interroger en amont sur le développement des espaces urbains et renforcer l’ingénierie territoriale

Pendant longtemps le développement urbain a conduit à entremêler zones résidentielles, commerciales et industrielles. Depuis les années 1950, ce développement parfois anarchique a laissé davantage de place à un développement fondé sur le zonage. Mais certaines villes au fort passé industriel se retrouvent avec un héritage historique parfois difficile à gérer, d’autant plus que l’évolution des réglementations a également pu conduire à faire évoluer cette politique de zonage jusqu’à aujourd’hui, comme on a pu le voir avec l’adoption des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) qui ont suivi la catastrophe d’AZF à Toulouse en 2003.

Par conséquent, la première action visant à prévenir la formation de nouvelles friches est de dépasser le seul champ de la constitution des inventaires pour inscrire cette problématique dans les documents de planification urbaine à l’échelle locale, que ce soient les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) ou les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (voir proposition n° 3). C’est dans ce cadre que doivent être fixés les grands équilibres de développement et de préservation des espaces non bâtis, pour réguler les concurrences territoriales entre intercommunalités et favoriser les complémentarités. La mise en œuvre de la séquence « éviter-réduire-compenser » doit donc s’appliquer aux plans et programmes, comme le prévoient la loi et le droit européen. Or, force est de constater que cette mise en œuvre fait souvent défaut ou qu’elle est réalisée a minima dans le cadre des plans et programmes.

Inscrire la réhabilitation des friches dans des projets de territoire permettrait pourtant de faire en sorte que les friches pour lesquelles il n’y a pas de possibilité d’aménagement ou qui ne répondent pas aux besoins de la collectivité soient inscrites dans des zonages à renaturer. Ces zones pourraient alors faire l’objet de projets de renaturation dans le cadre du dispositif de compensation prévu par la loi, qui serait mis en œuvre dans le cadre de projets qui s’implanteraient sur des zones non artificialisées du même territoire ou situés sur un territoire proche. Il ne s’agit pas d’en faire une solution par défaut mais d’intégrer cette exigence de renaturation au cœur du processus de traitement des friches. Ainsi, les collectivités pourraient prendre en compte l’objectif de « zéro artificialisation nette » dans les documents de planification (SCOT, PLUi). Il pourrait par ailleurs être possible de réfléchir à l’établissement d’un indice de naturalité visant à rendre compte de l’état naturel d’une friche ou de son potentiel de régénération par une voie naturelle. Cet indicateur serait utile pour les collectivités afin de mieux prendre en compte les usages potentiels des friches et pourrait constituer une justification d’intérêt général pour des opérations de préemption ou d’expropriation.

En outre, comme l’a souligné la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), il est essentiel d’éviter les phénomènes de concurrence entre centre et périphérie, ce qui pourrait notamment passer par une incitation renforcée à conclure des PLU intercommunaux pour offrir une échelle et une gouvernance de référence dotée des compétences et des leviers financiers nécessaires.

Un autre frein institutionnel réside en effet dans le défaut d’ingénierie dont souffrent certains secteurs du territoire. Il y a un enjeu majeur à apporter aux territoires les compétences techniques nécessaires pour assurer le portage foncier, la dépollution et la valorisation de ces friches. En effet, instruire un dossier sur un projet de site pollué de grande friche industrielle demande des compétences particulières que toutes les collectivités n’ont pas.

Des compétences d’ingénierie sont pourtant présentes au sein d’une pléiade de structures susceptibles d’accompagner les collectivités : agences d’urbanisme, ADEME, établissements publics fonciers, DREAL et directions départementales des territoires (DDT), conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), etc. Il existe également des programmes nationaux d’appui territorialisés comme « Action Cœur de ville » et « Petites villes de demain ». L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) aura nécessairement un rôle à l’avenir dans l’appui aux territoires au travers des conventions cadres conclues avec les opérateurs partenaires (ANAH, ANRU, ADEME, CEREMA, Banque des territoires). Elle tiendra par ailleurs un rôle de maître d’ouvrage puisqu’elle a repris les missions de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), qui pouvait intervenir sur des secteurs en déshérence commerciale.

À cet égard, l’échelon régional apparaît comme un niveau « pivot », lequel nécessite néanmoins un adossement à des politiques nationales et européennes. S’agissant des friches industrielles en particulier, il ne suffit pas d’identifier le bâti mais aussi de connaître son état, c’est-à-dire son ancienneté, le degré de pollution des sols, son accessibilité (dessertes routière, ferroviaire ou fluviale), sa connectivité (4G, fibre optique, etc.) en vue d’une fonction économique future. En d’autres termes, les sources de données mobilisables remplacent difficilement les visites de terrain menées par les acteurs locaux (élus, agences). De fait, une réelle demande d’ingénierie, d’études et de prospective émerge dans les intercommunalités. Tout d’abord parce qu’elles sont désormais gestionnaires exclusives des zones d’activité, patrimoine pour partie aménagé jusqu’en 2017 par les communes (ou parfois les départements). Ensuite, en raison de l’accélération des mutations économiques : les sites d’activité (et l’immobilier d’entreprise qu’ils supportent) rencontrent des enjeux croissants de remise en état. Dans ce cadre, l’ADEME et le CEREMA, et certainement l’ANCT ultérieurement, peuvent jouer un rôle majeur d’appui aux collectivités territoriales dans ce domaine, notamment en mettant en place des équipes spécialisées dans la gestion des friches.

Proposition n° 10. Confier aux régions la création d’un guichet unique d’expertise sur la revalorisation des friches, en s’appuyant notamment sur l’extension à toutes les régions des établissements publics fonciers, que pourraient saisir les intercommunalités et auxquels pourraient s’associer les acteurs nationaux compétents (ADEME, ANCT, CEREMA, Banque des territoires). Financer des études de destination dès l’annonce de l’arrêt de l’exploitation d’un site.

B.   Limiter les friches induites par la réglementation

Un certain nombre de friches peuvent aussi résulter de limitations dans l’usage des sols prévues par les documents d’urbanisme et plus particulièrement les plans de prévention des risques technologiques (PPRT). La problématique, comme est venu récemment le rappeler l’accident industriel de l’usine Lubrizol à Rouen, tient à la proximité des habitations et des activités économiques sur des sites à fort potentiel de danger, classés SEVESO. Les PPRT ont ainsi vocation à agir sur l’urbanisation existante et l’urbanisation future en définissant trois types de zones : zones de fort risque où l’interdiction de construire est réelle et où l’expropriation est possible ; zones de risques moyens où des travaux peuvent être prescrits pour adapter le bâti existant aux risques et où les nouvelles constructions peuvent intégrer les risques au stade de leur conception ; zones de risques plus faibles où des recommandations sont formulées pour adapter le bâti aux risques.

Il en va de même avec les friches induites par les plans de prévention des risques inondation (PPRI). Il existe aujourd’hui de nombreuses friches industrielles en bordure de cours d’eau, héritages de notre histoire. Les cours d’eau servaient à alimenter les usines ou au transport de charges pondéreuses. Ces sites sont aujourd’hui soumis à des PPRI qui édictent les normes applicables aux constructions dans les zones concernées. Plusieurs personnes auditionnées par la mission d’information ont fait état de difficultés à engager la reconversion de ces friches. Par exemple, des projets d’immeuble dont le garage, au rez-de-chaussée, est à hauteur de submersion, ont été invalidés par les services de l’État. Les travaux de la mission d’information sur les PPRI n’ont pas pour vocation de donner un avis sur les décisions des préfectures, lesquelles sont avant tout motivées par la protection des populations. Néanmoins, les services de l’État pourraient s’engager à faire valoir leurs objections en début de conception des projets. C’est en effet un grief important, et sans doute légitime, fait par les auditionnés.

Un dernier exemple des friches pouvant être induites par la réglementation porte sur les zones littorales. Le territoire français compte en effet un nombre significatif de sites dégradés sur le plan environnemental situés en zone littorale, dont l’exploitation ou la remise en état n’est parfois pas possible, les destinant à l’abandon. Ces sites dégradés représentent des surfaces propices à l’installation de centrales photovoltaïques dans la mesure où ils sont, pour beaucoup, pollués à des degrés divers et présentent donc une valeur foncière et environnementale faible. Ces sites sont le plus fréquemment situés à distance de l’urbanisation existante. Pourtant, l’implantation de centrales solaires au sol y est rendue impossible par l’articulation entre la règle de construction en continuité de l’urbanisation existante (article L. 121-8 du code de l’urbanisme) et les prescriptions des cahiers des charges d’appels d’offres pour les centrales au sol. De nombreux projets sont dans cette situation. Un potentiel de plusieurs centaines de mégawatts est concerné, en métropole comme en outre-mer.

Le Syndicat des énergies renouvelables propose ainsi de rendre possible l’autorisation de centrales solaires au sol sur des sites dégradés en zone littorale en métropole (article L. 121-12) et dans les outre-mer (article L. 121-39) suivant les mêmes conditions, strictes et limitées, que celles fixées pour les installations éoliennes. Cette mesure pourrait être prévue par une disposition législative visant, d’une part, à insérer, à l’article L. 121-12 du code de l’urbanisme, après les mots : « zones habitées », les mots : « ainsi que les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés » et, d’autre part, à insérer à l’article L. 121-39 du même code, après les mots : « zones habitées », les mots : « et des ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil lorsqu’ils se situent sur des sites dégradés ». Il serait en outre renvoyé à un décret le soin de définir les sites dégradés auxquels ces dispositions trouveraient à s’appliquer.

C.   Favoriser la réversibilité par l’anticipation

Enfin, dans le but de développer un « urbanisme circulaire », matérialisé par une culture du ré-usage avant démolition et du recyclage foncier, plusieurs dispositions ont été inscrites dans la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Cela concerne notamment la création d’une filière de responsabilité élargie du producteur pour les déchets du secteur du bâtiment, l’obligation pour le maître d’ouvrage de réaliser un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets issus de travaux de destruction ou encore le tri des terres excavées.

Pour aller encore plus loin et faciliter la reconversion de friches laissées à l’abandon, il faut développer la réversibilité des bâtiments. En effet, alors que les constructions anciennes bénéficient souvent de plusieurs vies, les constructions modernes sont souvent davantage contraintes par leur affectation initiale et leur reconversion est rendue complexe par la multiplication des normes. Dans ce cadre, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a proposé de rendre obligatoires des études de réversibilité lors de la construction de bâtiments.

La mission d’information rejoint ce constat mais pense qu’il n’est pas nécessaire de rendre cette étude systématique : elle devrait être réservée aux bâtiments qui présentent un potentiel de mutabilité certain, comme les bâtiments industriels et commerciaux. Surtout, il est nécessaire de développer la réversibilité des bâtiments au moment de leur construction afin de faciliter ultérieurement leur changement d’usage. La réversibilité doit alors porter à la fois sur l’espace, sur le foncier et les droits à construire. L’exemple de l’immeuble Black Swans à Strasbourg est parlant : il s’agissait au départ d’un immeuble de bureaux mais le projet a été conçu pour que les dimensions des trames de l’immeuble permettent une transformation des bureaux en logements. Pour accompagner cette démarche, il convient de favoriser l’adoption de permis de construire mixtes, de faciliter les changements d’usage et de favoriser fiscalement les opérations de mutation sur des bâtiments réversibles.

II.   Une nÉcessaire simplification des procÉdures de rÉhabilitation ou de reconversion

La réhabilitation de friches suppose d’engager des procédures multiples, longues et complexes, qui nécessitent des ressources juridiques importantes et une capacité de projection dans l’avenir, afin de ne pas être « coincé par les délais » si une entreprise se signale intéressée par une friche sans propriétaire identifié. Le but de l’action publique est de simplifier ces démarches et de rendre l’intervention publique plus agile, en amont des projets de réaménagement et dans l’accompagnement de ceux-ci.

A.   Simplifier et ACCÉLÉRER les procÉdures de reconversion

1.   Décloisonner les procédures administratives

Trois grandes procédures sont applicables dans les cas de reconversion de friches industrielles (autorisation d’urbanisme, autorisation environnementale, archéologie préventive) relevant pour la première d’une compétence des collectivités, pour les autres des prérogatives de l’État. Les multiples procédures disjointes à conduire pour une même opération constituent ainsi autant de potentiels points de blocage : les zonages résultant des PPRT et PPRNI, la législation sur l’eau et les évaluations environnementales cumulées (archéologie, biodiversité) « figent » la destination des espaces à caractère industriel et allongent la durée ainsi que le coût des opérations de réhabilitation. Ces différentes démarches à poursuivre se cumulent et ne font pas l’objet de lectures unifiées entre les différents services de l’État (voire au sein d’un même service).

Des progrès ont cependant déjà été accomplis dans le cadre de problématiques liées à l’environnement, comme le montrent l’autorisation environnementale unique pour le plan/programme et pour le projet (ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes) et l’enquête publique unique (ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement). Ces procédures, entrées en vigueur le 1er janvier 2017 et ratifiées par la loi n° 2018-148 du 2 mars 2018, sont des avancées majeures, confirmées par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale.

Il existe également, depuis l’ordonnance du 3 octobre 2013, une procédure intégrée pour le logement (PIL). Elle permet de mettre en conformité en une seule procédure les documents d’urbanisme dans le but de réaliser une opération de construction de logements. Cette procédure ne concerne que la construction de logements, mais elle peut potentiellement recouvrir un nombre important de friches, les aménageurs étant enclins à produire du logement pour rentabiliser leur investissement. Cette procédure est codifiée à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme. Néanmoins, elle reste peu utilisée selon la Fédération des promoteurs immobiliers.

Il serait donc également nécessaire d’ouvrir la voie à un décloisonnement des évaluations de projets de rénovation de friche, ce qui est demandé par les acteurs locaux mais demeure pour l’instant largement à mettre en place.

Ce décloisonnement a pour objectif la mise en cohérence de la parole de l’État, qui peut différer d’une préfecture à l’autre et aussi entre les différents services déconcentrés à l’échelle d’une même préfecture de région (DDT, DREAL…). Les intercommunalités gagneraient en outre à associer les services déconcentrés de l’État (de niveau régional) dès le démarrage de leurs projets de revitalisation de friches industrielles afin d’éviter de cantonner ceux-ci dans une position de « censeurs ». Les initiatives de réhabilitation de friches nécessitent ainsi d’être davantage accompagnées en amont par les services de l’État.

Il ressort des travaux de la mission que les préfets sont également vus comme des accompagnateurs fiables des territoires, comme coordinateurs des initiatives, capables entre autres de mobiliser les services de l’État comme la Caisse des dépôts et consignations et la Banque des territoires, l’ADEME, ou encore Bpifrance. On peut aussi retenir le dispositif France expérimentation, permettant d’initier des facilitations administratives à titre temporaire, sous contrôle du préfet, qui pourraient nourrir par la suite d’autres réformes législatives. Il s’agit de rassembler les différentes démarches et réglementations liées à la réhabilitation des friches industrielles, d’une part, et d’harmoniser la lecture et l’application desdites réglementations, d’autre part.

Proposition n° 11. Afin d’accélérer les démarches des porteurs de projets, décloisonner l’action des services de l’État en vue de leur apporter une réponse plus cohérente et plus rapide dans le cadre des opérations de rénovation des friches. S’inspirer pour cela de l’autorisation environnementale unique et du certificat de projet.

Dans le cas d’un certificat de projet, celui-ci ne « cristallise » pas le droit, mais permet l’accompagnement d’un projet par le préfet dans un délai de deux mois, pour permettre au porteur d’avoir une vision claire du cadre juridique et accélérer les procédures via un calendrier d’instruction engageant les deux parties. Cependant, pour faire du certificat de projet un véritable levier de simplification, il conviendrait de l’associer à une sanctuarisation du cadre juridique. Ainsi, il serait non seulement un accélérateur juridique, mais aussi un vecteur de stabilisation.

Par ailleurs, l’établissement d’un référentiel national de compensations environnementales est à faciliter, afin de limiter le caractère discrétionnaire de l’attribution des obligations de compensation dont la justification diffère dans le temps et l’espace. Du point de vue des porteurs de projet, ces mécanismes peuvent représenter des contraintes à prendre en compte, parfois génératrices de surcoûts.

2.   Faciliter les changements de zonage et d’usage et l’obtention des documents administratifs

Comme indiqué à plusieurs reprises, les porteurs de projets se heurtent à des délais parfois longs pour conduire leurs opérations de rénovation de friches. Une manière d’accélérer et de préparer les procédures de reprise serait que les collectivités s’engagent elles-mêmes, en amont d’une reprise, à mettre en place les études et les opérations nécessaires pour faciliter la reprise. Il serait ainsi souhaitable d’encourager les collectivités à mener un maximum de procédures en amont de décisions d’implantation industrielle, pour offrir des sites clés en main et concrétiser des projets complexes de manière accélérée. Cela permettrait de sécuriser juridiquement ce travail préalable en accordant à l’aménageur une sorte de « garantie de pré-aménagement ». La délégation aux « territoires d’industrie » est d’ailleurs chargée d’identifier, en lien avec les associations d’élus, les collectivités et Business France, des sites prêts à accueillir de nouvelles implantations industrielles. Cependant, ce travail nécessitera un appui financier et une assistance en matière d’ingénierie au profit des collectivités, dont toutes n’ont pas les moyens de mener ce type d’études préalables. Un accompagnement technique et financier de l’État serait ainsi nécessaire.

On notera par ailleurs que ce type de projets urbains et territoriaux pour réinvestir les friches renvoie à la notion de « plan intégré de développement urbain », laquelle est inscrite dans les orientations stratégiques communautaires et à l’article 44 du règlement (CE) n° 1828/2006. L’instrument d’ingénierie financière « Jessica », associé au FEDER, ne peut être déployé que dans les régions qui sont dotées d’un tel plan.

Proposition n° 12. Accélérer la requalification des friches en encourageant les collectivités à mener un maximum de procédures en amont de décisions d’implantation industrielle, pour offrir des sites clefs en main. Prévoir un accompagnement financier et technique des collectivités s’engageant dans ce type d’opérations et mobiliser les fonds FEDER.

Un autre levier important serait d’inciter les collectivités à plus de souplesse dans la pratique du zonage par sous-destination. En effet, afin de faciliter les arbitrages fonciers sur les localisations préférentielles des sites d’activité, le code de l’urbanisme permet d’affecter les secteurs d’une commune couverte par un PLU à de grandes fonctions (zones à urbaniser, agricole, ou naturelle). La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », prévoit que ces zones peuvent être affectées à cinq destinations principales (listées à l’art. R. 151-27 du code de l’urbanisme), elles-mêmes divisées en 20 sous-destinations. Cela permet de définir une affectation plus fine de chaque secteur du territoire en fonction des besoins et d’édicter des règles spécifiques, au sein d’une même zone, en fonction des destinations et sous-destinations, dès lors que ces règles spécifiques respectent la vocation générale de la zone en question (articles R. 151-30 et R. 151- 33 du même code). Cependant, à l’ère du numérique, du télétravail, des espaces partagés, des commerces « éphémères », de la mixité des projets et de la réversibilité des bâtiments, cette police administrative perd de sa pertinence. Elle ralentit en outre la mutation de bâtiments : le simple fait de changer une enseigne pour passer d’un restaurant à un commerce de détail requiert un permis de construire avec un délai d’instruction de principe de deux mois. Pour accélérer la mutation des bâtiments et des quartiers, il pourrait être utile de simplifier les démarches.

Certaines procédures existent mais elles sont très peu utilisées. Ainsi, la procédure intégrée inscrite à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme permet à la fois de modifier simultanément plusieurs documents de planification faisant obstacle à la réalisation d’un projet et d’obtenir les autorisations nécessaires à la mise en œuvre du projet, par une procédure et un guichet uniques. Cette procédure prévoit la faculté pour la collectivité portant le projet d’initier cette procédure d’autorisation « embarquée ». Elle pourrait être systématisée et encadrée pour réduire les délais administratifs et accélérer les projets de reconversion mixtes. Certains professionnels vont plus loin et appellent de leurs vœux l’abrogation des polices d’usage et de destination des bâtiments inscrites respectivement dans le code de la construction et de l’habitation et dans le code de l’urbanisme. Le but premier de ces polices est cependant d’éviter la constitution d’un urbanisme sauvage et il n’est pas souhaitable de les voir disparaître.

Sans aller jusque-là, la Convention citoyenne pour le climat a proposé de « faciliter les changements d’usage des terrains artificialisés non occupés pour reconvertir plus rapidement les zones urbaines déjà artificialisées ». Une telle mesure présenterait le double avantage de réduire le risque d’obsolescence des documents d’urbanisme face à l’évolution rapide des besoins des usagers d’un territoire, et de simplifier les procédures administratives des projets de réhabilitation.

Enfin, compte tenu de la durée importante des projets de rénovation de friches, surtout de friches industrielles, certains professionnels relèvent que la durée des autorisations est insuffisante. Ainsi, la durée de validité d’un permis de construire est de cinq ans maximum, ce qui peut présenter un risque de caducité, notamment lorsque l’opération implique des travaux de démolition, de dépollution ou de désamiantage. Il en va de même des autorisations d’exploitation commerciale (AEC), y compris des autorisations d’exploitation cinématographique (AECi), dont le délai de validité est articulé avec celui du permis. Dans cette hypothèse, un délai de validité des autorisations plus important (majoré par exemple de deux ans par décret) pourrait être bienvenu.

B.   CrÉer de nouveaux outils pour dÉvelopper l’action des collectivitÉs

Au-delà de la simplification des procédures, il faut également renforcer les institutions publiques en charge de la rénovation des friches et coordonner leur action.

1.   Instaurer la région comme collectivité chef de file sur les projets de réhabilitation des friches

La reconversion d’un site réunit une pluralité d’acteurs aux intérêts parfois divergents. Elle impose donc de coordonner ces acteurs. La procédure du tiers demandeur a été instaurée pour répondre en partie à ce besoin, mais en dehors de ce cas, la coordination des acteurs dépend des volontés en présence, sauf procédure intégrée. Sur ce point, la désignation d’un chef de projet pour coordonner les services des collectivités est une attente forte des acteurs.

La région semble tout indiquée pour effectuer ce rôle de coordination. En effet, de nombreux observatoires locaux des friches sont établis à l’échelle régionale et les régions ont en charge l’élaboration des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Rappelons à ce titre que, contrairement aux documents d’urbanisme, les SRADDET ne déterminent pas de règles d’affectation et d’utilisation des sols mais ils constituent de précieux documents stratégiques, prospectifs et d’intégration. En outre, dans certaines situations, le SRADDET peut être opposable aux actes des collectivités en cas d’incompatibilité. Des équipes régionales dédiées pourraient être les premiers interlocuteurs des EPF et des EPA, dont la couverture gagnerait à s’étendre à l’ensemble du territoire.

Au niveau des services de l’État, la préfecture de région pourrait elle aussi jouer un rôle de coordination des différents services de l’État pour accélérer le déploiement des procédures intégrées et des différents outils potentiels présentés précédemment.

2.   Étendre la couverture des EPF et EPA à l’ensemble du territoire

Actuellement, environ 70 % des communes sont couvertes par un établissement public foncier (EPF), selon les informations données à la mission d’information par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). Les établissements publics fonciers d’État et locaux sont reconnus comme étant des outils majeurs dans la reconversion des friches (il est d’ailleurs possible de superposer des EPF d’État et des EPF locaux).

Pour le compte des collectivités avec lesquelles ils travaillent, les EPF disposent souvent de la faculté de procéder par acquisition à l’amiable, par expropriation ou par le droit de préemption. Ils portent ensuite les biens acquis pendant une durée prédéterminée avant de les rétrocéder à la collectivité qui en a demandé l’acquisition. Leur vocation principale est de mutualiser les moyens humains et financiers dans la gestion foncière, pour gérer à moindre coût ou avec des services plus compétents. Un EPF n’est donc ni un aménageur, ni un promoteur immobilier mais une personne morale spécialisée dans le recyclage foncier. En 2017, l’ensemble des EPF d’État a vendu des terrains pour 416 millions d’euros, devant permettre la construction de 15 500 logements dont 6 000 logements sociaux.

Etablissement public foncier - carte 2020

Ces « globules blancs du foncier », pour reprendre l’expression employée à leur égard par M. Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) ([91]), devraient donc logiquement voir leur périmètre s’agrandir. L’extension est en cours en Lorraine par exemple, et en réflexion dans le Nord-Pas-de-Calais. Il apparaît aux rapporteurs qu’il serait souhaitable d’obtenir une couverture complète du territoire par les établissements publics fonciers ou d’aménagement.

Cependant, une telle couverture devra s’accompagner d’une stabilisation voire d’une augmentation de leurs ressources. Ce point de vigilance continue d’être d’actualité malgré la dotation de compensation de baisse de taxe spéciale d’équipement (TSE), résultant de la suppression de la taxe d’habitation.

Les EPF doivent également coordonner leur action avec les établissements publics d’aménagement (EPA) et les établissements publics fonciers et d’aménagement (EPFA), qui ont pour objet de favoriser l’aménagement et le développement durable de territoires présentant un caractère d’intérêt national. EPA et EPFA sont des acteurs à part entière de la stratégie du Gouvernement en matière de logement. Ils possèdent une expertise et un savoir-faire qui peuvent être mobilisés, avec l’accord des collectivités territoriales concernées et lorsque c’est nécessaire, dans le nouveau cadre offert par les contrats de projet partenarial d’aménagement (PPA) prévus par la loi « ELAN ». Cette action conjointe de l’État et des acteurs locaux permet de repenser un secteur d’aménagement complexe.

Cet outil a été utilisé à 90 % pour du recyclage urbain, et notamment de friches, avec mobilisation de crédits du programme budgétaire 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » de la mission « Cohésion des territoires » mais aussi des aides des opérateurs que sont l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l’ADEME. On dénombre actuellement 14 établissements publics d’aménagement, dont 3 établissements publics fonciers et d’aménagement (EPFA). Ces établissements couvrent 172 communes, un territoire régional (l’Île-de-France) et 2 territoires départementaux en outre-mer (Guyane et Mayotte). Du point de vue financier, ces opérations représenteront plus de 9 milliards d’euros de dépenses d’investissement des EPA, qui généreront, à terme, des investissements publics et privés estimés à plus de 27 milliards d’euros. L’investissement dans les EPF et dans les EPA est donc rentable pour la collectivité dans son ensemble.

3.   Encourager les collectivités à acquérir le foncier des friches en vue de leur reconversion

La séparation du foncier et du bâti est l’une des mesures proposées par le député M. Jean-Luc Lagleize dans le cadre d’un rapport remis en novembre 2019 au Premier ministre ([92]). Il évoque notamment le dispositif du bail réel solidaire (BRS), qui existe depuis l’ordonnance du 20 juillet 2016. Il permet à la collectivité de garder la propriété du foncier et d’accorder un bail à un acquéreur à un prix réduit. La généralisation de ce type de dispositif a été pensée pour limiter la hausse du prix du foncier en zone tendue. Dans le cadre de la rénovation des friches, l’objectif ne serait pas tout à fait le même. En effet, la problématique avec les secteurs en friche n’est pas que le prix des logements est trop cher, en partie en relation avec le prix du foncier, mais que le prix du foncier est tellement élevé du fait des travaux de réhabilitation que les aménageurs ne préfèrent pas utiliser ces terrains.

Cette proposition pourrait donc être de nature à inciter les aménageurs à construire sur des friches, mais cela suppose la mobilisation de la puissance publique pour réhabiliter les friches. En effet, le blocage resterait principalement de nature financière car cela supposerait que les collectivités puissent mobiliser les sommes nécessaires à l’acquisition des terrains, ce qui les priverait en outre de ressources fiscales dans certains cas. À ce titre, il pourrait être intéressant que l’État prenne en charge une partie du coût d’acquisition pour les petites et moyennes communes.

Cet engagement pourrait s’accompagner de l’augmentation de la durée du dispositif des zones d’aménagement différé (ZAD), qui confère à la collectivité un droit de préemption sur toutes les ventes de biens immobiliers dans une zone donnée pour une durée de six ans. L’objectif serait de permettre à la collectivité de réunir le foncier nécessaire pour réaliser un projet. Dans le cadre des friches, ce dispositif est pertinent dans le cas où le foncier est éparpillé entre plusieurs propriétaires. L’augmentation de la durée du droit de préemption dans les ZAD, ne concernant pas que les friches, pourrait avoir des conséquences sur de nombreux projets.

III.   Mobiliser l’outil fiscal pour rendre plus attractives la reprise et la rÉhabilitation des friches

Au cours des auditions de la mission d’information, la fiscalité a été évoquée à de nombreuses reprises par les acteurs comme un facteur majeur d’incompréhension, de consternation et de désincitation. D’une part, elle peut constituer un facteur de blocage : la détention immobilière aussi bien que les plus‑values de cession sont soumises à des prélèvements qui contribuent à freiner la valorisation foncière. Inversement, des dispositions existent déjà, à l’image de la taxe annuelle sur les friches commerciales, qui permettent aux acteurs, notamment locaux, de veiller attentivement au réemploi rapide et à la reconversion des terrains délaissés.

Il est nécessaire d’examiner les dispositifs fiscaux majeurs pertinents en matière de détention et de mutation des sites à l’état de friche industrielle, commerciale ou administrative (taxes foncières, cotisation foncière des entreprises, droits de mutation, impôt sur le revenu des cessions), et d’évoquer certains mécanismes spécifiques (abattement exceptionnel de taxe sur la plus-value de cession pour les propriétés situées en zone tendue, taxe d’aménagement, taxe annuelle sur les friches commerciales).

La cessation d’une exploitation de nature industrielle ou commerciale sur un site ne signifie pas pour autant la fin des prélèvements fiscaux opérés au titre de la propriété du site. La fiscalité demeure en fait l’un des principaux coûts qui continuent de peser sur l’ancien exploitant s’il est propriétaire du site, par le biais des taxes foncières. Elle s’ajoute aux coûts importants associés à la mise à l’arrêt et à la sécurisation du site. Dès lors, les coûts pour le propriétaire de la mise en état du site à destination d’une reconversion doivent être mis en regard de la charge fiscale qu’il doit supporter annuellement. L’arbitrage semble encore se faire souvent en faveur de la rétention foncière, en dépit de l’adoption de certains dispositifs visant à encourager la cession rapide des biens inexploités. La fiscalité peut constituer un instrument privilégié pour faire évoluer les comportements des propriétaires de terrains en friche, comme en témoignent certains dispositifs adoptés ces dernières années.

A.   La fiscalitÉ immobiliÈre peut inciter À la rÉtention fonciÈre

La friche, qu’elle soit industrielle, commerciale ou administrative, est concernée à tous les moments de sa détention et de sa vente par un certain nombre de prélèvements qui peuvent fortement freiner sa valorisation. Les principaux impôts qui frappent la propriété au moment de sa détention sont les taxes foncières. Au moment de la cession, interviennent, d’une part, les droits de mutation et d’enregistrement, et, d’autre part, l’impôt sur le revenu appliqué aux plus-values immobilières.

1.   La fiscalité sur la détention du capital immobilier, globalement faible, peut favoriser des comportements spéculatifs

Les taxes foncières sont dues par tous les propriétaires immobiliers et, à la différence de la cotisation foncière des entreprises, ne s’éteignent pas lorsque l’exploitation du site prend fin. Elles s’appliquent, indifféremment aux particuliers et aux professionnels, au propriétaire en tant que propriétaire et non en tant qu’acteur économique. Là où la cotisation foncière, composante de la contribution économique territoriale ([93]) liée à l’existence d’une activité économique, n’est plus due à partir du moment où l’exploitation a cessé son activité, la taxe foncière continue d’être due par le propriétaire au titre de ses immobilisations.

Cependant, les taxes foncières peuvent être très faibles, en particulier en ce qui concerne les propriétés non bâties, notamment sur les terrains constructibles. Ceci est particulièrement vrai, selon le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, pour ce qui concerne les zones tendues où le coût des taxes à supporter est élevé en comparaison de la valeur foncière du terrain ([94]). Les études statistiques exhaustives manquent, mais la construction de l’impôt (cf. fiche technique) aboutit souvent à des valeurs locatives très inférieures aux valeurs de marché. De cette façon, les coûts fiscaux associés à la conservation de la propriété ne représentent pas adéquatement les coûts pour la communauté résultant de l’existence d’une friche dont les externalités négatives sont diverses et élevées.

Dès lors que la taxe foncière est peu élevée sur les terrains constructibles, le propriétaire foncier a intérêt à adopter une stratégie d’optimisation économique qui lui coûte peu en frais de conservation du terrain par rapport au gain potentiellement réalisable, en particulier dans les zones tendues. Avant de mettre son terrain en vente, le propriétaire peut ainsi attendre la hausse des prix sur le marché immobilier local. Quoique les situations varient selon que les propriétaires peuvent attendre ou non sans que les impositions foncières ne viennent nettement infléchir leur choix de mise en vente, il existe de nombreux cas où cette attente peut durer longtemps. L’augmentation des taxes foncières pourrait ainsi apparaître comme une option, mais les taxes foncières affectent également les aménageurs et collectivités ([95]) engagés dans un portage foncier long ([96]), avant la réalisation de l’opération.

Les auditionnés s’accordent à évoquer l’intérêt d’une évolution de la taxation foncière de manière à dissuader la rétention foncière improductive qui freine les possibilités de reconversion des sites et porte atteinte à la dynamisation des territoires. Selon M. Patrick Berteaud, directeur général du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, une telle évolution pourrait être plus adaptée aux contextes dans lesquels le foncier disponible est insuffisant, comme dans les communes situées en zones tendues en particulier, pour renchérir les coûts de détention ([97]). M. Berteaud a cependant précisé qu’aucune analyse développée des effets et impacts de cette fiscalité foncière sur les friches n’a été conduite à ce jour.

 

 

L’imposition au titre des taxes foncières des friches de nature professionnelle

Les taxes foncières s’appliquent, au-delà des habitations, aux bâtiments commerciaux, industriels et professionnels et aux installations industrielles et commerciales.

Champ. L’assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) s’applique aux ouvrages assimilables à des constructions par leurs dimensions ou conditions d’assemblage – qui sont telles qu’elles empêchent tout déplacement sans l’emploi de procédés techniques ou moyens de levage spécifiques et exceptionnels – dont la finalité peut être la mise à l’abri de personnes ou de biens (hangars et ateliers) ou le stockage des produits (réservoirs, cuves, silos, trémies, gazomètres, châteaux d’eau). D’autres ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de « véritables constructions » – au sens où cette expression est utilisée par le juge – sont les cheminées d’usine, les réfrigérants atmosphériques ou encore les radoubs. La TFPB concerne également les terrains qui forment une dépendance indispensable et immédiate de ces constructions.

La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) peut également concerner les sites en friche dans la mesure où elle s’applique aux terres, carrières, mines, tourbières, sols des propriétés bâties, bâtiments ruraux, cours, sols occupés par les chemins de fer et voies privées.

Assiette. Les taxes foncières sont assises sur le revenu cadastral, qui est égal à la valeur locative cadastrale (VLC) diminuée d’un abattement de 50 % (TFPB) ou de 20 % (TFPNB), destiné à prendre en compte les frais de gestion, d’assurance, d’amortissement, d’entretien et de réparation. La VLC correspond au loyer annuel théorique que le propriétaire tirerait du bien s’il le mettait en location.

La VLC d’un bien est obtenue en multipliant sa surface pondérée nette (surface physique corrigée d’éléments d’appréciation du niveau de confort et d’un correctif catégoriel d’ensemble censé refléter ses caractéristiques propres) par un tarif d’évaluation du local de référence défini en 1971 (locaux destinés au logement) ou en 2013 (locaux professionnels), et revalorisé annuellement selon des modalités qui ne reflètent pas parfaitement l’évolution locale du marché immobilier.

Taux. Le taux, qui s’applique donc à la moitié de la valeur locative cadastrale, est déterminé par la commune. Il se situe en moyenne au niveau national à 47 % en 2018, après plusieurs années de forte augmentation (35 % en 1999).

2.   La fiscalité sur les mutations renchérit le coût d’achat

La fiscalité sur les mutations, qui relève de l’échelon départemental, est élevée et peut exercer un effet récessif sur les transferts de propriété et donc sur les possibilités de transfert d’une exploitation en fin de vie. Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui regroupent les frais de publicité foncière et les droits d’enregistrement, constituent souvent un frein aux mutations immobilières. Dus à l’occasion d’un transfert de propriété d’un bien immeuble, pouvant être un terrain ou un bâtiment, leur produit est perçu par les départements, qui en reversent une partie à l’État, et par les communes. Le taux, fixé par les conseils départementaux dans un intervalle défini par la loi, est en général fixé au taux maximal autorisé. Actuellement, le taux de presque tous les départements ([98]) pour les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière se situe à 4,50 % ([99]).

Le transfert de propriété constitue un fait générateur intéressant dans le cadre des opérations de revalorisation des friches, puisque c’est souvent l’acquisition du foncier en début d’opération qui pose problème du point de vue de l’équilibre financier du compte à rebours. L’application d’un taux réduit de DMTO en contrepartie d’un engagement ferme de l’acquéreur à entreprendre un projet de réhabilitation et de réinsertion du site dans le circuit économique pourrait nettement renforcer l’attractivité d’un tel investissement. L’engagement de l’acquéreur à réhabiliter doit être soumis à un encadrement du point de vue des moyens et des délais, avec une interdiction ou une limitation forte des possibilités de revendre, afin d’éviter la tentation de l’investissement spéculatif.

Proposition n° 13. Permettre la mise en œuvre par les collectivités d’un dispositif de minoration des droits de mutation dans le cas où le site en friche est acquis par un organisme s’engageant à mener un projet de réhabilitation.

3.   La fiscalité dégressive sur les revenus de cession encourage la rétention foncière

L’imposition des plus-values foncières, qui frappe le propriétaire du bien lorsqu’il le met en vente, a une influence considérable sur la décision de vendre ou de conserver le terrain. Son taux de droit commun, fixé à 36,2 % de la plus-value réalisée, s’applique cependant à une valeur qui décroît au fur et à mesure que la durée de détention s’allonge. Ce fonctionnement vise à favoriser les achats de biens détenus sur une longue durée et par là, à décourager les comportements spéculatifs qui consistent à acheter des biens pour de courtes périodes de façon à profiter d’augmentations rapides de leur valeur.

L’existence d’un tel dispositif d’abattement croissant de la valeur imposable à mesure que la durée de détention s’allonge peut cependant inciter à la rétention foncière. De l’existence de cet impôt peut découler un comportement d’évitement qui consiste à reculer la date de cession en comptant sur la baisse de l’impôt dû sur la cession pour rentabiliser l’attente. Ce comportement est amplifié si l’environnement est marqué par une hausse du coût du foncier ou si la possibilité existe de voir modifié le statut de constructibilité du terrain. Tant que les coûts de la détention, et notamment de la taxe foncière, sont inférieurs à l’abattement annuel de 6 % sur la plus-value, l’intérêt financier est dans la conservation du foncier, et ceci sans même prendre en compte les considérations d’ordre spéculatif.

 

L’imposition au titre des plus-values réalisées
lors des opérations de cession immobilière

La plus-value réalisée à l’occasion de la vente de la propriété foncière bâtie ou non bâtie est imposable à l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux.

Assiette. La valeur imposée de la plus-value se calcule simplement par soustraction du prix d’achat au prix de vente. Une valeur minorée est ensuite calculée  par application à la valeur imposée d’un abattement en fonction de la durée de détention du bien, au-delà de cinq ans de détention :

-          Au titre de l’impôt sur le revenu : abattement de 6 % supplémentaire de la valeur imposée tous les ans de la cinquième année jusqu’à la 21e année ; abattement de 4 % pour la 22e année de détention ; exonération totale au bout de la 23e année ([100]) ;

-          Au titre des prélèvements sociaux : abattement de 1,65 % supplémentaire de la valeur imposée de la cinquième année jusqu’à la 21e année, abattement supplémentaire de 1,65 % pour la 22e année, abattement supplémentaire de 9 % pour chaque année au‑delà de la 22e année ; exonération totale au bout de la 30e année.

Taux. Deux taux s’additionnent, comme c’est toujours le cas en matière d’imposition de revenus : un taux de 19 % au titre de l’impôt sur le revenu, qui constitue une recette de l’État, et un taux total de 17,2 % au titre des prélèvements sociaux, qui sont une recette des organismes de sécurité sociale.

Des surtaxes peuvent s’appliquer, au nombre desquelles la taxe forfaitaire sur les cessions de terrains nus devenus constructibles et la taxe sur les plus-values immobilières élevées.

4.   Une réflexion profonde doit être engagée sur l’opportunité des dispositifs fiscaux en faveur de la construction

Les politiques de soutien au secteur immobilier et à l’accession à la propriété ont tendance, depuis les premières réductions d’impôt accordées au titre de l’investissement locatif dans l’immobilier neuf dans les années 1980, à renforcer l’incitation des communes à bâtir ([101]). Cette incitation existe car la construction génère et attire de l’activité sur le territoire et ses retombées sont importantes, notamment par la taxe foncière sur les propriétés bâties (plus de 40 milliards d’euros en 2017) qui constitue une ressource fiscale de taille pour les communes. France Stratégie confirme dans un rapport que ces dispositifs peuvent contribuer à la périurbanisation, au desserrement des villes et à la faible densité des nouvelles constructions, qui contribuent de façon déterminante à l’étalement urbain et au mitage territorial ([102]).

Les aides existantes n’incitent pas au recyclage urbain. Au contraire, ces dispositifs jouent en défaveur de la réhabilitation des friches, car ils incitent plutôt à développer du logement en extension urbaine. Face aux critiques exprimées, notamment dans un rapport de novembre 2019 ([103]) par l’Inspection générale des finances, le législateur a d’ores et déjà décidé que le dispositif dit « Pinel », réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre d’un investissement immobilier lorsque l’acquéreur s’engage à louer son bien pendant une certaine période, serait dorénavant ciblé vers les zones tendues. Les failles identifiées dans le dispositif vont de son inefficacité au regard de son objectif de maîtrise des loyers – il a, au contraire, contribué à renchérir le prix des logements –, à la standardisation et la faible qualité d’usage des logements construits, ainsi que, au niveau individuel, à l’absence de rentabilité de ces investissements pour les particuliers qui deviennent propriétaires, pour un coût élevé, autour de 1 milliard d’euros par an. S’ils adhèrent à l’objectif du dispositif Pinel, vos rapporteurs estiment qu’on ne peut se passer d’une optimisation en vue d’un meilleur ciblage en faveur des projets qui ne contribuent pas à des dynamiques d’étalement urbain, dont la mission d’information a eu à plusieurs reprises la preuve qu’elles sont destructrices.

La même conclusion s’applique au cas du prêt à taux zéro (PTZ), qui fait également l’objet de critiques sur sa contribution à l’artificialisation. Dans un rapport rendu à son sujet en octobre 2019, l’Inspection générale des finances a également déploré son efficacité limitée pour un coût annuel de 1,9 milliard d’euros en 2017 ([104]). Vos rapporteurs s’interrogent quant à la possibilité de restreindre le « PTZ neuf » aux zones tendues, abandonnée en dépit de son intérêt dans la lutte contre l’artificialisation.

B.   les collectivitÉs disposent de Quelques leviers fiscaux qui leur permettent d’agir sur les friches

1.   L’abattement exceptionnel de taxe sur les plus-values de cession en faveur des propriétés situées en zone tendue

Un abattement exceptionnel en faveur des propriétés situées en zone tendue a été créé dans le but d’inciter à la cession de terrains dans ces espaces. Pensé dans l’objectif explicite de lutter contre les phénomènes de rétention foncière, cet abattement s’applique à l’impôt au titre de la plus-value de cession qui a été décrit dans la section précédente. D’un taux originellement fixé à 30 % de la valeur imposable, révisé à 70 % lors de la loi de finances rectificative pour 2017 ([105]), l’abattement exceptionnel s’ajoute à l’abattement en fonction de la durée de détention.

Le dispositif est focalisé sur les zones très tendues et constitue un des outils mobilisés dans le cadre de la crise du logement. Il s’applique exclusivement aux zones A et A bis ([106]), et seulement lorsque l’acquéreur s’engage à démolir les constructions existantes pour reconstruire, dans un délai de quatre ans, un ou plusieurs bâtiments d’habitation à usage collectif, sous certaines conditions. De façon à encourager la construction de logements abordables, l’abattement est porté à 85 % si l’acheteur s’engage à construire des logements intermédiaires et à 100 % si l’acheteur s’engage à construire des logements sociaux.

2.   La taxe d’aménagement permet d’ores et déjà de renchérir le coût de l’aménagement en extension en favorisant le recyclage urbain

La taxe d’aménagement peut être un levier important afin d’inciter à la reconversion des friches. Anciennement dénommée taxe locale d’équipement, elle figure parmi les prélèvements additionnels aux impôts fonciers, et peut être mise en œuvre à l’échelle locale ; elle constitue une ressource importante pour les établissements publics fonciers, ce qui leur garantit une certaine autonomie financière.

La législation actuelle permet aux communes et aux intercommunalités de moduler le taux de la taxe d’aménagement selon les secteurs de leur territoire, ce qui donne la possibilité d’une action déterminée en faveur du recyclage urbain, au détriment de la construction en extension. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement fait cependant remarquer que parmi les 1 800 communes percevant plus de 100 000 euros de taxe d’aménagement par an, peu sont outillées pour piloter efficacement leur fiscalité de l’urbanisme et anticiper l’impact sur leurs recettes d’une variation des taux ([107]). Ce déficit de connaissance et de compétence peut affecter négativement la capacité des collectivités à mettre en œuvre cet outil de façon à optimiser l’aménagement de leur territoire.

La taxe d’aménagement

La taxe d’aménagement figure au nombre des prélèvements additionnels aux impôts fonciers, qui incluent également la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Composée de deux parts, communale et départementale, elle est instituée sur délibération de l’autorité concernée. Les communes ou intercommunalités peuvent décider de renoncer à leur part de taxe d’aménagement.

Champ. Elle s’applique aux opérations soumises à autorisations d’urbanisme : construction, reconstruction et agrandissement de bâtiments, autres aménagements et installations, changement de destination des locaux agricoles. C’est le bénéficiaire de l’autorisation d’aménager qui en est redevable.

Assiette. L’assiette de la taxe est constituée de la valeur forfaitaire au mètre carré de surface taxable de construction (759 euros par mètre carré en 2020), ou par une valeur forfaitaire par emplacement (10 000 euros par emplacement pour une habitation légère de loisirs, démontable et transportable, destinée à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs) pour les aménagements et installations.

Montant pour une opération de construction = (surface taxable x valeur forfaitaire x taux communal ou intercommunal) + (surface taxable x valeur forfaitaire x taux départemental)

Taux. Le taux appliqué est fixé par l’assemblée délibérante entre 1 et 5 %. Pour les constructions nouvelles rendant nécessaire la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création de nouveaux équipements publics généraux (école, bibliothèque, etc.), l’assemblée délibérante peut moduler le taux jusqu’à 20 %.

En l’absence de délibération fixant le taux de la part communale ou intercommunale, la taxe est instituée d’office pour les communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols, avec un taux de 1 %.

3.   La taxation des plus-values des terrains nus devenus constructibles

Il existe deux dispositifs de taxation des plus-values des terrains nus devenus constructibles. Le premier ([108]) peut être institué par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents pour l’élaboration des documents locaux d’urbanisme. Avec un taux de 10 %, il est assis sur la plus-value lorsqu’elle est calculable, et lorsque le prix de cession est plus de trois fois supérieur au prix d’achat. La taxe est due par la personne physique, la société ou le groupement qui cède le terrain.

Un second dispositif ([109]), plus spécifique, abonde un fonds en faveur des jeunes agriculteurs en recherche de foncier. Il s’agit d’une taxe forfaitaire sur la plus-value des terrains nus devenus constructibles, d’un taux de 5 % lorsque le rapport entre le prix de cession du terrain et le prix d’acquisition est compris entre 10 et 30, et de 10 % lorsque le rapport est supérieur.

Il apparaît que le premier dispositif peut inciter les collectivités à urbaniser lorsqu’il est mis en place, et que les collectivités peuvent ne pas le mettre en place. De plus, la taxe nationale dispose d’une plus petite assiette. L’unification de ces deux dispositifs pourrait être proposée, pour alimenter un fonds national ou des fonds régionaux en faveur de la rénovation des friches.

4.   La taxe sur les friches commerciales est un exemple de disposition permettant une action rapide à l’échelle locale

Pour ce qui concerne spécifiquement les friches d’origine commerciale, la taxe annuelle sur les friches commerciales (TFC) permet depuis 2008 d’inciter les propriétaires de biens inexploités à les reconvertir ([110]). En frappant les propriétaires de certains biens de nature commerciale dont l’exploitation a cessé, ce dispositif contribue à la lutte contre la vacance commerciale, qui représente une sous-exploitation économique et donne un signal négatif sur l’activité territoriale. L’existence de l’impôt encourage les propriétaires à rechercher activement des repreneurs ou des locataires de façon à ne pas entrer dans le dispositif après deux années sans exploitation.

Ce dispositif a fait l’objet d’une évolution visant à en augmenter l’impact. La taxe vise les biens soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties qui ne sont plus affectés, depuis deux ans, à une activité économique, et qui n’ont pas été occupés sur cette même période. Ses effets commencent au bout de deux ans d’inexploitation, de façon à laisser au propriétaire le temps de trouver un repreneur ou de mettre en œuvre lui-même les démarches nécessaires pour faire renaître l’exploitation. Le délai à partir duquel la taxe s’applique était, avant 2014, de cinq ans ([111]), son raccourcissement étant pensé pour accélérer les délais de reconversion des anciens sites commerciaux inexploités.

Vos rapporteurs estiment que la politique en faveur de la réhabilitation des friches nécessite un engagement ferme et volontariste à réduire ou faire cesser la construction de logements en extension urbaine. C’est la raison pour laquelle ils estiment nécessaire de mettre en place un dispositif fiscal expressément consacré à l’incitation à la construction immobilière dans les sites en friche, en conjonction avec un dispositif fiscal symétrique visant à rendre plus onéreuse la construction en extension urbaine.

Vos rapporteurs proposent par conséquent de favoriser une évolution législative permettant, sur la base du volontariat, la mise en place à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de dispositifs de bonus/malus fiscal, qui auraient pour but de lutter contre l'artificialisation des sols et de dégager des moyens supplémentaires pour réhabiliter les friches. Les taux du bonus et du malus ainsi que leur périmètre seraient décidés par les responsables locaux.

Concrètement, le malus viendrait refondre la taxe annuelle sur les friches commerciales (TFC) en l’élargissant afin de l’ouvrir à l’ensemble des fiches d’un territoire ainsi qu’à l’artificialisation des sols, aujourd’hui consacrés à l'agriculture ou aux terres consacrées à la nature. Le bonus, quant à lui, serait consacré au renforcement des capacités financières de la collectivité pour accompagner des projets de réhabilitation de friches et notamment de dépollution.

Proposition n° 14. Permettre la mise en place, à l’échelle intercommunale et sur la base du volontariat, un dispositif de compensation fiscale par bonus/malus qui refondrait la taxe annuelle sur les friches commerciales (TFC) et renforcerait les capacités financières disponibles pour l’accompagnement de la réhabilitation des friches et la lutte contre l’artificialisation des sols.

 

La taxe annuelle sur les friches commerciales

Champ. La taxe annuelle sur les friches commerciales (TFC) s’applique aux biens soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties lorsqu’ils ne sont plus affectés depuis au moins deux ans à une activité qui entre dans le champ des activités imposées au titre de la cotisation foncière des entreprises, et lorsqu’ils sont restés inaffectés pendant cette période.

La taxe ne trouve cependant pas à s’appliquer lorsque l’absence d’exploitation du bien en question est indépendante de la volonté du propriétaire, résultant par exemple d’un contentieux ou d’un redressement judiciaire en cours. C’est au contribuable d’apporter la preuve que l’inexploitation du site est indépendante de sa volonté.

Assiette. Cet impôt constitue en quelque sorte une taxe additionnelle aux taxes foncières. Ainsi, son assiette est constituée de la valeur locative cadastrale qui est calculée au titre de la taxe foncière. La VLC est ensuite multipliée par le taux d’imposition correspondant, majoré des frais de gestion de la fiscalité directe locale de 8 % perçus par l’État.

Taux. Le taux de la TFC est évolutif : 10 % la première année d’imposition, 15 % la deuxième année d’imposition, 20 % la troisième année d’imposition. La collectivité peut cependant décider d’augmenter les taux sous réserve de ne pas dépasser le double du montant fixé, soit au maximum des taux de 20 %, 30 % et 40 %.

 


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   EXAMEN DU RAPPORT PAR LA MISSION D’INFORMATION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 janvier 2021, la mission d’information commune, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Battistel, a procédé à l’examen du rapport présenté par M. Damien Adam et Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Mes chers collègues, nous arrivons au terme des travaux de la mission d’information commune sur la revitalisation des friches industrielles, commerciales et administratives, dont la création a été décidée en février 2020 par les commissions des affaires économiques et du développement durable et de l’aménagement du territoire et dont la constitution a eu lieu le 27 mai 2020.

Je souhaite tout d’abord remercier nos co-rapporteurs M. Damien Adam et Mme Stéphanie Kerbarh pour la qualité du travail que nous avons fait ensemble. Sur ce sujet important, que nous nous sommes accordés à élargir, nous avons vu, au fil des auditions, combien les difficultés sont grandes qui entravent la réhabilitation des friches, pourtant créatrice d’un véritable dynamisme dans les territoires lorsqu’elle fonctionne bien. Nous avons conduit de nombreuses auditions afin d’élaborer des propositions que les rapporteurs vont vous présenter, après quoi nous ouvrirons la discussion aux membres de la mission.

M. Damien Adam, co-rapporteur. Je vous remercie, Madame la présidente. Je souhaite m’associer à vos paroles sur la bonne collaboration entre opposition et majorité lors de cette mission.

Comme vous le savez, mes chers collègues, ce rapport s’intègre dans l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) fixé par ce Gouvernement, qui vise la division par deux des terres artificialisées dans les dix prochaines années par rapport aux dix dernières. Le contexte de la crise épidémique, et le moment de reconquête industrielle et de relocalisation dans lequel nous nous situons donnent une impulsion encore plus forte à nos travaux.

Nous avons eu de nombreuses auditions, et certaines thématiques ont été fortement partagées par les différents acteurs entendus, la première d’entre elles étant le manque de définition unique et unifiée pour l’usage de tous de ce qu’est une friche. En réponse à cette demande, il nous a semblé important de proposer une définition. Au socle fourni par la définition du Laboratoire des initiatives foncières et territoriales innovantes (LIFTI), un acteur majeur du domaine, nous avons ajouté une mention de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), pour construire la définition suivante : « Bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé depuis plus de deux ans, dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable »

Parallèlement au Parlement, le Gouvernement a aussi travaillé sur le sujet. Un groupe de travail a été créé en 2019 sur le sujet des friches, puis a fusionné avec le groupe de travail sur le ZAN afin de mener un travail d’inventaire et de réflexion. Aujourd’hui, un inventaire national, piloté par le ministère de la transition écologique et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), est en voie de constitution.

Mais, s’il est une bonne chose que de faire, à un instant « t », un inventaire des friches, il est encore mieux de maintenir cet état des lieux et cette base de données avec un suivi actualisé. À ce titre, nous proposons de mettre en place un comité de suivi de cet inventaire des friches, qui associerait toutes les parties prenantes qui interviennent sur le champ des friches au niveau territorial ou national, en confiant aussi aux établissements publics fonciers (EPF) une compétence dans le contrôle des informations qui sont délivrées par le réseau, afin que nous disposions d’un inventaire fiable et régulièrement mis à jour.

Quant au dispositif du tiers demandeur, introduit pendant le dernier quinquennat par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), il nous a été présenté comme une très bonne initiative, mais qui manque de communication, d’exemples de succès concrets et de promotion. C’est un dispositif mal connu jusque dans les services de l’État. Il nous a semblé important de promouvoir le recours à ce dispositif, qui permettrait demain d’avoir davantage d’acteurs informés de son existence et donc de débloquer des situations qui n’avancent pas.

Un autre axe important concerne la mobilisation des crédits issus du Fonds européens de développement régional (FEDER). Aujourd'hui les conseils régionaux sont en première place pour y accéder, et la majorité des auditionnés ont regretté la sous-utilisation de ces fonds, alors qu’ils peuvent être une source importante de financement et permettre à l’équation économique de requalification de trouver un équilibre. Il est donc important d’agir en la matière, car seuls deux tiers des régions ont utilisé ces fonds lors du dernier cadre financier pluriannuel (CFP). Nous proposons de mieux mobiliser les fonds FEDER afin de construire des outils de financement adaptés à la revalorisation des friches, en particulier pour soutenir des projets de relocalisation industrielle.

Nous en venons au sujet de la compétence sur la gestion des friches. Nous le savons, la compétence d’urbanisme appartient aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), mais les intercommunalités les plus rurales n’ont pas toujours les capacités financières ou techniques pour avoir des équipes consacrées à ce travail de revalorisation des friches.

Nous proposons donc de confier aux régions la responsabilité d’animer un guichet unique qui permettrait de regrouper l’ensemble des acteurs sur le sujet des friches industrielles. Y participeraient les établissements publics fonciers, dont nous souhaitons du reste la généralisation sur tout le territoire. Les acteurs nationaux, notamment l’Agence nationale de la cohésion du territoire (ANCT), l’Agence de la transition écologique (ADEME), la Banque des territoires ou encore le CEREMA y seraient également associés. Les EPCI pourraient s’appuyer sur ce guichet afin de mener à bien des projets, permettant ainsi à davantage de projets d’éclore en ayant une vision large des dispositifs qui sont à leur disposition et dont elles pourraient bénéficier pour requalifier davantage.

Les deux dernières propositions, que je détaillerai rapidement, sont des mesures fiscales. Le premier concerne les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) : en l’état actuel des choses, comme vous le savez, la fiscalité sur les mutations, qui relève de l’échelon départemental, renchérit souvent le coût d’achat d’une friche. Nous vous proposons de permettre l’application d’un taux réduit de DMTO en contrepartie d’un engagement ferme de l’acquéreur à entreprendre un projet de réhabilitation et de réinsertion de la friche, faute duquel un remboursement serait exigé.

Une dernière proposition me tient vivement à cœur, car je souhaite un régime intelligent, pertinent, et qui facilite la tâche des territoires. Il s’agit de la création d’un dispositif fiscal de bonus-malus, qui permettrait plusieurs choses en un seul outil, et notamment de financer la reconversion des friches par la taxation de l’artificialisation des sols et des friches laissées inexploitées. À cette fin, il faut créer, à l’échelle intercommunale et sur la base du volontariat, sur la même logique que la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), un dispositif de compensation fiscale qui refondrait la taxe annuelle sur les friches commerciales, existante mais peu utilisée, et qui permettrait aux EPCI de définir un taux et un périmètre précis.

Ce système permettrait de taxer la conversion d’une terre agricole ou consacrée à la nature pour faire du logement ou une activité économique, et de réfléchir à une fiscalité à la hausse des friches industrielles sur les industriels propriétaires, afin de les inciter à céder leurs terrains, le tout pouvant ensuite dégager des ressources fiscales consacrées à la qualification de projets industriels.

Mme Stéphanie Kerbarh, co-rapporteure. Madame la présidente, chers collègues, notre mission d’information touche à sa fin. Elle a été l’occasion de réfléchir au devenir des friches, mais aussi aux obstacles qui les empêchent d’être revalorisées. Le sujet des friches se situe au cœur des politiques territoriales de développement durable. Reconstruire la ville sur la ville est aussi l’une des priorités de la feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources, élaborée par la Commission européenne. Lutter pour leur réhabilitation répond ainsi à la fois à des enjeux environnementaux, économiques, sociaux et culturels.

C’est un objet de reconquête industrielle et territoriale dans lequel les collectivités sont amenées à jouer un rôle de premier plan. À ces fins, les collectivités doivent adopter une gestion active et stratégique du foncier, et appliquer la séquence « éviter, réduire et compenser » (ERC) inscrite dans le code de l’environnement. Toutefois, l’action des collectivités se heurte à de nombreuses difficultés, comme nous avons pu le voir au cours de cette mission.

La première concerne la nécessité d’intégrer, dans les documents de planification urbaine à l’échelle locale, l’identification des friches ainsi que les éventuelles voies de traitement. Pour cela, nous proposons de mettre en place un indice de mutabilité pour les friches. Celui-ci prendrait en compte de nombreux paramètres nécessaires pour entamer une démarche de revalorisation d’une friche : par exemple, l’unité foncière, l’état environnemental ou la valeur économique de la parcelle. Cela permettrait d’apprécier la capacité de mutabilité d’une friche pour l’avenir, et serait utile aux communes dans la mise en œuvre d’une dynamique territoriale.

La seconde difficulté vient de l’insuffisante sécurité des démarches des porteurs de projets. Il convient donc de sécuriser leurs démarches en définissant au préalable les seuils de dépollution à atteindre et en adaptant un dispositif de rescrit environnemental en matière de réhabilitation des friches industrielles. Définir les niveaux de dépollution à atteindre en amont d’un projet de revitalisation permettrait de mettre en perspective les travaux de dépollution requis et l’usage envisagé pour le site concerné. Conjugué au rescrit environnemental, cela permettrait de mieux anticiper le devenir des opérations de réhabilitation, afin d’améliorer la prévisibilité de l’action de l’administration.

En outre, il faut accélérer les démarches des porteurs de projets et décloisonner l’action des services de l’État. Notre objectif doit toujours être, dans un environnement complexe, de permettre aux porteurs de projet de disposer d’une vision claire du cadre juridique, et à cette fin d’exiger des réponses plus cohérentes et plus rapides de la part des administrations. Les acteurs doivent être accompagnés par les services de l’État, notamment la préfecture.

Il faut aussi accélérer la requalification des friches en encourageant les collectivités à mener un maximum de procédures en amont de décisions d’implantation industrielle, afin d’offrir des sites clefs en main aux repreneurs. Enfin, il convient de mettre en place un groupe de travail interministériel pour identifier les usages et les freins existants concernant l’exercice des droits de préemption et d’expropriation pour les friches laissées à l’abandon depuis plus de cinq ans.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Je vous remercie, mes chers rapporteurs, pour ces présentations. J’invite maintenant nos collègues à faire leurs remarques.

Mme Sylvia Pinel. Je voudrais vous remercier pour cet important travail, très utile. Nous le constatons dans nos territoires, c’est un thème qui méritait une mission pour approfondir ces questions complexes, et les nombreuses auditions que vous avez menées vous ont apporté des éclairages précieux. Je comprends l’esprit de vos travaux et j’en partage l’essentiel.

J’ai toutefois quelques questions sur les établissements publics fonciers (EPF). Vous avez souligné leur rôle, ainsi que la nécessité de poursuivre leur extension à tout le territoire. Je m’en réjouis ; j’avais commencé ce travail en tant que ministre avec la mission de préfiguration pour l’EPF d’Occitanie, et je suis heureuse de voir que vous préconisez la poursuite de cette extension du champ de ces établissements. En ce qui concerne leur financement cependant, nous savons que les EPF sont en difficulté sur certaines de leurs missions. Est-ce qu’il ne faudrait pas réfléchir à de nouvelles ressources pour les EPF ? Comment faire lorsqu’on souhaite leur confier de nouvelles missions ? Car s’ils sont bien placés sur les problèmes que vous avez évoqués, ils manquent de moyens pour mener à bien leurs projets. Que préconisez-vous ?

J’ai une autre question, au sujet des friches en déshérence. Nous avons en France des friches à l’abandon, dont nous avons du mal à retrouver les propriétaires, du fait d’un cas d’indivision ou d’un manque de moyens pour dépolluer. Que faire dans ces cas ? On ne peut pas attendre des collectivités qu’elles fassent tout dans ces cas.

En ce qui concerne les intercommunalités, qui ne sont pas forcément équipées en termes de ressources humaines, comme l’a dit M. Adam, ne pensez-vous pas qu’on gère mieux en proximité qu’au niveau régional ? Comment voyez-vous la complémentarité entre les régions et les intercommunalités sur ce sujet ? Les régions peuvent bien avoir des services opérationnels pour apporter du soutien, mais il ne faut pas déposséder les élus, qui sont les premiers sollicités lorsqu’il y a, par exemple, des problèmes d’écoulement des eaux polluées sur les friches.

M. Jean-Luc Lagleize. J’ai lu avec grand plaisir et intérêt votre travail. J’y ai retrouvé, en partie, des idées qui sont dans le rapport que j’ai réalisé l’an passé à la demande du Premier ministre et que j’ai présenté devant la commission des affaires économiques. Vous avez aussi développé d’autres idées.

J’ai à vous proposer deux ou trois inflexions légères. Pour répondre à notre collègue Mme Pinel concernant les ressources des établissements publics fonciers, je proposais dans mon rapport, à la proposition n° 27, d’aligner la taxe spéciale d’équipement (TSE), ressource principale des EPF, aujourd’hui différenciée entre EPF d’État et EPF locaux, les EPF d’État n’ayant droit qu’à 50 % de ce à quoi ont droit les EPF locaux. J’ai proposé de déplafonner le montant dont peuvent disposer les EPF d’État.

En ce qui concerne la définition des friches que vous suggérez, il me semble qu’elle est peut-être susceptible de s’appliquer aux terrains agricoles, ce qui n’est pas la visée de votre travail. Comment éviter qu’un terrain agricole qui n’a pas été labouré depuis deux ans rentre dans le périmètre de cette définition ?

J’ai beaucoup aimé les chapitres sur la renaturation des friches. Je souhaite proposer entre les propositions n°s 3 et 4 une proposition n° 3 bis, qui serait un bilan systématique de renaturation, ou qui disposerait que, systématiquement, tout projet comporte un volet de renaturation, même si ce volet doit être vide.

Pour ce qui concerne la proposition n° 6 en matière de dépollution, je me suis souvenu qu’une friche est rarement uniformément polluée. La pollution est diversement située. Et, du reste, on n’est pas obligé de tout dépolluer de la même manière, afin par exemple que les secteurs qui verront l’implantation d’une école ou de logements fassent l’objet de davantage de travaux de dépollution que le reste du site. À cet effet, il faudrait ajouter que l’on peut sectoriser les seuils de dépollution.

Mme Stéphanie Kerbarh, co-rapporteure. Opérationnellement, un tel dispositif peut engendrer de fortes complications. Si on sectorise un projet de revalorisant en prévoyant qu’il y aura d’un côté une école et de l’autre une usine : concrètement, ce cas ne se présente pas. Ce matin j’étais en réunion de comité technique sur la revitalisation d’un site industriel près de Rouen. Ce site n’est pas globalement pollué, sauf au niveau de quelques cuves. Mais nous réfléchissons des usages pour un site complet.

M. Jean-Luc Lagleize. L’idée est qu’on ne dépolluera pas de manière uniforme, pour qu’un opérateur immobilier ou un autre porteur de projet puisse mener tout projet dessus.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. C’est le principe du cas par cas. Pour ma part, je m’interroge sur la question suivante : il me semble qu’il n’y a pas de proposition particulière sur les biens en déshérence, les procédures de préemption et d’éviction des biens en friche, des abandons de friches. Avez-vous pensé à un mécanisme juridique ad hoc ? Ces démarches prennent un temps très long, voire ne sont jamais résolues. Cela rejoint la question de Mme Pinel sur notre besoin d’un dispositif juridique qui permettrait d’aller plus vite.

Mme Stéphanie Kerbarh, co-rapporteure. En ce qui concerne les établissements publics fonciers, nous n’avons pas voulu les doter de moyens supplémentaires, mais en revanche nous souhaitons les généraliser sur tout le territoire. S’il y a des disparités territoriales évidentes, les EPF que nous avons auditionnés n’ont pas fait part de manques de moyens criants, en dépit des craintes récurrentes à chaque projet de loi de finances. Notre priorité est donc d’avoir des EPF solides sur tout le territoire.

En ce qui concerne le ruissellement pollué, nous avons avec la proposition n° 8 la volonté de ne pas supprimer la responsabilité du dernier occupant, celui-ci restant responsable de ce qui se passe sur le site.

Concernant les remarques de M. Lagleize, je suis d’accord sur la partie agricole, mais nous n’avons pas traité la question des friches agricoles. Pour ce qui concerne l’indice de renaturation, nous n’avons pas souhaité être prescriptifs sur la renaturation, afin de ne pas préempter la nouvelle fonction sur laquelle la friche doit se convertir. Au sein des projets, nous pourrions cependant introduire une partie sur la biodiversité.

M. Damien Adam, co-rapporteur. Au sujet du financement des établissements publics fonciers, de ce qui nous a été remonté, il n’y a pas de problématique, au niveau national, de ressources pour la requalification des friches. En revanche, il y a une difficulté à mobiliser les moyens pour mener à bien les projets. Ce n’est pas forcément par le biais de la taxe spéciale d’équipement que ce problème peut être réglé. Nous avons donc souhaité modifier non pas le mode de financement des EPF, mais les outils pour débloquer des fonds.

Nous avons aussi préféré ne pas peser encore davantage, par une pression fiscale accrue qu’occasionnerait une hausse de la TSE, sur les industriels, alors même que notre Gouvernement tente de baisser la charge fiscale pesant sur les entreprises. Les deux dispositifs fiscaux que nous proposons sont à la main des collectivités et fonctionnent sur la base du volontariat, ce qui permet de la flexibilité mais participe néanmoins à la capacité de lever des fonds afin de pouvoir requalifier des sites.

Le sujet des friches en déshérence et des biens sans Maître a souvent été abordé au cours de nos auditions. Cependant, deux cas se présentent : soit on peut finalement retrouver un responsable à travers des procédures judiciaires longues et fastidieuses, soit on a perdu de vue tout responsable. La seule solution pour la requalification c’est que la puissance publique s’en charge. Cela pose la problématique du droit de préemption, que nous abordons à la proposition n° 5. Nous n’étions pas en capacité de définir exactement ce qu’il faut changer sur le droit de préemption, qui soulève des questions juridiques complexes. De ce fait, nous proposons dans la proposition n° 5 de mettre en place un groupe de travail interministériel afin de creuser cette thématique et identifier les leviers pour la réhabilitation des friches laissées à l’abandon depuis plus de cinq ans.

Sur ce qu’évoquait Mme Pinel sur le rôle des EPF et des régions, vous avez raison, et il ne faut pas déposséder les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de leur compétence en matière d’urbanisme. Mais les EPCI ne sont pas tous égaux dans leur capacité d’affronter ces problématiques : les métropoles ont les reins solides, avec des capacités financières et des équipes nombreuses. D’autres, plus ruraux, ne peuvent pas aller loin. La région joue alors un rôle pour soutenir les projets portés par les EPCI, sans pour autant prendre la main sur eux. La région est un guichet unique d’expertise et d’accompagnement avec des territoires qui, seuls, ne pourraient pas aller plus loin. Il peut y avoir des oppositions politiques, mais si nous confions uniquement le sujet aux EPCI, il y a une inégalité territoriale sur cette problématique. Il faut articuler ces deux échelles.

En ce qui concerne les retours de M. Lagleize, nous en prenons bonne note. Sur le volet de renaturation systématique, je suis circonspect. Je pense que la renaturation peut être pertinente, mais pas systématiquement. Il faut regarder projet par projet la pertinence d’une telle approche. À ce stade, je ne suis pas en faveur d’une obligation à la renaturation, qui engendrera une couche administrative supplémentaire pour compléter les dossiers. Il faut la bonne mesure entre chaque projet. C’est pourquoi nous souhaitons développer l’effort de recherche en faveur des phytotechnologies afin de systématiser cet usage. Demain, nous espérons des EPF qui soient des organismes qui poussent à la renaturation dans le cadre des projets de requalification de friches.

En matière de sectorisation des seuils de dépollution, là encore, comme le disait la co-rapporteure, cela peut être pertinent dans certains projets, mais ce n’est pas nécessaire sur toutes les friches. Cela peut être intéressant d’apporter cette information, lorsque la pollution est inégale sur la friche, mais non pas le rendre systématique.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Je ferai remarquer que dans mon territoire, les EPF ont du mal en termes de financement, avant même qu’on leur ajoute des missions complémentaires.

Mme Sylvia Pinel. La mission d’information ne portait pas sur le financement des EPF, mais sur les moyens à mobiliser sur la réhabilitation des friches. Je comprends que nos rapporteurs se soient plutôt focalisés sur ce besoin. Mais la réalité des EPF n’est pas identique sur tous les territoires, en fonction des projets à mener et de leur ancienneté et de leur évolution. Toutes ces problématiques sont à prendre en compte. La question du financement se posera. Qu’elle ne figure pas dans le rapport, c’est une chose. Mais c’est une question qui revient régulièrement en loi de finances, car certains subissent des réductions budgétaires qui ne leur permettent plus d’assurer leurs missions. Nous attendons de nos rapporteurs qu’ils soutiennent les EPF dans leur mission, car c’est un outil pertinent et adapté.

Je souhaiterais faire deux autres remarques. Vous avez évoqué tout à l’heure la question de la mobilisation des crédits du Fonds européen de développement régional (FEDER). En dépit de disparités territoriales, il y a, en général, un problème de complexité dans le montage des dossiers, notamment pour les EPCI ruraux, qui abandonnent les procédures du fait de leur complexité. Est-ce qu’il n’y aurait pas là matière à prévoir un accompagnement spécifique pour mobiliser davantage les fonds européens ?

Vous avez parlé aussi du tiers demandeur, et je vous rejoins sur votre diagnostic en ce qui concerne la méconnaissance de ce dispositif. Est-ce que vous préconisez quelque chose pour en faire la promotion auprès des services de l’État, qui eux-mêmes l’utilisent peu et en parlent peu ?

M. Damien Adam, co-rapporteur. Pour poursuivre le débat sur le financement des EPF, il faut avoir à l’esprit que nous avons aussi, dans le plan de relance, annoncé un Fonds friches. Nous attendons de voir comment les acteurs de terrain se saisissent de ce fonds sur ces sujets. De nos auditions il est apparu une grande diversité de situations des établissements publics fonciers. Les régions n’ont pas la même histoire industrielle, le même nombre de friches à requalifier, la même situation économique, et cette diversité fait que certains EPF se financent bien avec les moyens actuels tandis que d’autres sont insuffisamment armés. Mais ce point ne semblait pas suffisamment partagé pour en justifier une proposition sur la taxe spéciale d’équipement. À titre personnel, je considère que c’est aux conseils régionaux d’abonder davantage les EPF, même s’il ne faut pas donner à penser que l’État se désengage de leur financement.

Quant au fonds FEDER, ce n’est pas un sujet que je connais parfaitement. J’ai l’impression que cela a été vu par les conseils régionaux, qui retravaillent leurs dossiers pour faciliter les démarches et améliorer la fongibilité entre les différentes thématiques choisies.

À propos du dispositif du tiers demandeur, nous ne faisons pas de recommandations précises sur sa promotion au sein des services de l’État. Je crains que la logique classique soit d’envoyer une note au préfet et puis de considérer que le travail de communication est fait. Je pense que ce n’est pas suffisant, et que ce n’est pas la bonne manière de faire, mais nous ne faisons pas de suggestions précises sur comment communiquer plus efficacement en faveur de ce dispositif.

Mme Sylvia Pinel. Le groupe interministériel que vous préconisez peut être un bon vecteur de diffusion, auprès des acteurs, de l’existence de ce dispositif.

M. Jean-Luc Lagleize. Le financement des EPF n’est pas dans l’objet de la mission, je le comprends. Je précise que la notion d’équité fiscale ne peut être mise en avant sur ce sujet, dans la mesure où les Français sous EPF locaux paient une TSE deux fois supérieure que ceux sous EPF d’État.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous allons maintenant procéder au vote sur l’adoption du rapport.

La mission d’information commune adopte le rapport.

 

 

 


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   EXAMEN DU RAPPORT PAR LES COMMISSIONS

Lors de leur réunion conjointe du mercredi 27 janvier 2021, les commissions des affaires économiques et du développement durable et de l’aménagement du territoire ont examiné les conclusions du rapport d’information de la mission d’information commune sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est avec plaisir que j’ouvre cette réunion conjointe de nos deux commissions afin d’examiner le rapport de la mission d’information commune sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives. Ce sujet est au cœur des préoccupations de nos commissions : il touche à l’aménagement du territoire, à l’activité économique, à l’urbanisme, à l’environnement. Il est également au cœur du quotidien de nombreux concitoyens, acteurs économiques, entreprises, collectivités territoriales, qui constatent et déplorent les dégâts que cause pour les territoires l’abandon d’espaces autrefois porteurs d’activité et d’attractivité.

La revalorisation des friches est un défi collectif, à la fois pour reconquérir notre cadre de vie, redonner leur élan à des territoires qui se sentent délaissés et contribuer à une implantation équilibrée des activités économiques. C’est enfin un enjeu majeur de la transition écologique, car la consommation d’espaces naturels doit être soutenable si nous souhaitons atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette.

Il nous faut donc trouver des instruments pour combattre ce phénomène qui ne résulte pas toujours du choix délibéré d’un opérateur mais de l’empilement de diverses contraintes et procédures. Cela a été fort bien identifié par la mission d’information commune qui a mené un travail remarquable en cernant tous les enjeux. Je tiens à saluer la présidente de la mission, Mme Marie-Noëlle Battistel, ainsi que ses deux rapporteurs, M. Damien Adam et Mme Stéphanie Kerbarh. Leurs recommandations sont précieuses et particulièrement bienvenues dans la perspective de l’examen du projet de loi résilience.

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, vous avez bien décrit les enjeux de ce sujet important. Je soulignerai que nous avons d’ores et déjà mené un certain nombre de travaux en matière de libération du foncier, dans le cadre de nos examens de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), de la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), et de la proposition de loi de notre collègue M. Jean-Luc Lagleize que nous avons adoptée en novembre 2019.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente de la mission. Madame la présidente, Monsieur le président, mes chers collègues, au cours de ces six derniers mois, nous avons conduit avec les rapporteurs, qui vous présenteront tout à l’heure leurs propositions, des travaux d’une grande intensité.

Chacun d’entre nous a à l’esprit une friche industrielle, commerciale ou administrative dans sa circonscription qui peine ou échoue à trouver solution de rénovation. Dans un contexte marqué par la rareté du foncier disponible, par la lutte contre l’artificialisation des sols, la volonté de réindustrialisation ou le développement de l’économie circulaire, la réhabilitation des friches présente un intérêt économique, social et environnemental très important pour les territoires, au cœur de l’actualité et des réflexions de nos deux commissions. En outre, la mutation digitale de l’économie, les restructurations de service public et les crises économiques engendrent en permanence leur lot d’emprises abandonnées. Les conséquences de la crise sanitaire en cours pourraient bien contribuer à une nouvelle vague de friches. C’est un défi auquel nous aurons à répondre.

Vous le constatez, mes chers collègues, c’est donc un sujet essentiel et tout à fait actuel. Mais paradoxalement, le sujet des friches reste largement à « défricher ». Nous connaissons en effet encore assez mal ce phénomène et les actions mises en œuvre pour réhabiliter les friches prennent davantage la forme de dispositifs épars que d’une véritable politique structurée. La première chose qui frappe c’est tout simplement l’absence de définition de ce qu’est une friche. À l’heure actuelle, plusieurs définitions, et autant de bases de données locales ou nationales, coexistent. Avoir une définition claire et souple à la fois était une demande forte exprimée par les acteurs lors des auditions.

La même incertitude s’étend aussi au nombre de friches que compte notre pays et à l’espace qu’elles occupent. Si le ministère de la transition écologique évoque le nombre d’environ 2 400 friches industrielles, d’autres acteurs avancent des chiffres plus élevés (de 4 000 à 10 000 sites) pour une surface totale comprise entre 90 000 et 150 000 hectares. Et le sujet des friches industrielles est encore le mieux recensé : impossible aujourd’hui de dire quelle surface est occupée par les friches commerciales ou administratives. Il n’existe tout simplement pas de base de données suffisante et fiable. Néanmoins des outils sont en cours de déploiement pour corriger cela, comme l’outil Cartofriches. Il faut qu’ils soient co-construits avec les territoires qui sont les mieux placés pour cela et que leur déploiement soit accéléré. Autre constat, le traitement des friches relève de plusieurs ministères et de plusieurs agences. Il est parfois difficile de s’y retrouver pour les acteurs qui cherchent à se faire accompagner dans un projet de réhabilitation.

Enfin et surtout, les projets d’aménagement sont souvent difficiles à équilibrer financièrement. Dans bien des cas, un soutien financier public est indispensable, en particulier pour les friches industrielles. On estime en effet le coût de dépollution à au moins un million d’euros par hectare. C’est dans ce cadre que la législation encourage les propriétaires à se décharger des coûts afférents à la réhabilitation en les transférant sur des porteurs de projets via des dispositifs tels que le tiers demandeur créé en 2014 avec la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Mais ces dispositifs ne sont pas assez utilisés : moins d’une centaine de dossiers ont été déposés et acceptés à ce jour. Quant aux financements publics directs, ils sont insuffisants, qu’il s’agisse des appels à projets de l’Agence de la transition écologique (ADEME) qui ne peuvent financer qu’entre cinq et dix dossiers par an, ou bien des crédits du Fonds européen de développement régional (FEDER), qui sont largement sous-consommés. En Bourgogne-Franche-Comté, il nous a été rapporté un taux de consommation de 60 % de l’enveloppe FEDER, alors qu’elle s’achevait en 2020, c’est dommage.

Partout, des acteurs s’engagent pour apporter des solutions aux friches sur le territoire : je pense à la Caisse des dépôts et consignations, qui propose, par le biais de sa filiale la Banque des territoires, outre la mise en place d’une plateforme de financement pour les petits projets en lien avec la Banque européenne d’investissement, la création en lien avec l’État d’un fonds national de financement d’une centaine de projets de friches par subventions inversées.

Il faut aussi aider les collectivités à bénéficier d’une expertise en matière d’ingénierie qui fait défaut dans beaucoup de territoires. En effet, instruire un dossier sur un projet concernant un site pollué d’une grande friche industrielle demande des compétences particulières que toutes les collectivités n’ont pas. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et les services techniques de l’État en région, à commencer par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), ont un rôle majeur à jouer, mais cela peut nécessiter de consolider leurs moyens, lesquels ont été assez affaiblis au cours des dernières années.

Cela pourrait aussi être le rôle des établissements publics fonciers (EPF), mais la couverture du territoire par les EPF n’est pas encore achevée et leurs moyens ne sont pas toujours suffisants. À cet égard, malgré la dotation de compensation de la baisse de taxe spéciale d’équipement (TSE), qui résulte de la suppression de la taxe d’habitation, il nous faut être vigilants, car beaucoup d’acteurs sont fragilisés.

Enfin, la mission s’est également intéressée à la question fiscale. En effet, les taxes foncières peuvent être très faibles, en particulier en ce qui concerne les propriétés non bâties, au regard de la valeur des terrains constructibles. Les politiques de soutien au secteur immobilier et à l’accession à la propriété ont eu tendance à renforcer les incitations à bâtir plutôt qu’à réhabiliter. Les dispositifs existants jouent en défaveur de la réhabilitation des friches, car ils incitent à développer du logement en extension urbaine. C’est le cas par exemple du prêt à taux zéro (PTZ), qui fait également l’objet de critiques de l’Inspection générale des finances. Il y aurait donc tout intérêt à réfléchir à un meilleur ciblage en faveur des projets qui ne contribuent pas à des dynamiques d’étalement urbain.

Identifier les freins et lever les difficultés est donc plus que jamais nécessaire : la rénovation est source d’externalités positives, en augmentant le foncier disponible sans artificialisation supplémentaire, permettant ainsi de rompre avec plusieurs décennies d’urbanisation extensive et d’éviter l’étalement urbain. Elle redynamise économiquement les territoires tout en mettant fin aux risques sanitaires qu’engendre la présence de friches susceptibles de polluer les sols. Elle est source de potentialités pour les territoires en matière de valorisation du patrimoine. Voilà ce en quoi a porté le travail de la mission et des rapporteurs, que je remercie pour leur travail et leur état d’esprit.

M. Damien Adam, co-rapporteur. Mes chers collègues, je souhaite en premier lieu m’associer à ce que vient de dire la présidente pour saluer la très bonne ambiance dans laquelle s’est déroulée cette mission d’information, marquée par une excellente entente entre majorité et opposition, ce pour quoi je vous remercie, Madame la présidente Battistel. Cela est d’autant plus vrai que, du fait des circonstances, cette mission s’est déroulée de manière entièrement dématérialisée !

Nous avons traité un sujet complexe, soulevant un grand nombre d’enjeux : la lutte contre l’étalement urbain, le réemploi de terrains souvent bien placés, la reprise d’une activité économique sur un territoire, la lutte contre les pollutions engendrées par les anciennes activités présentes sur les friches.

La raison pour laquelle je tenais à la création de cette mission d’information est que j’ai la conviction que nous, parlementaires, pouvons agir sur le sujet et proposer des solutions concrètes pour faciliter la reconversion des friches. La revitalisation nous offre l’occasion de concilier deux objectifs ambitieux portés par cette majorité, à savoir la zéro artificialisation nette avec la division par deux des terres artificialisées dans les dix années à venir par rapport aux dix années précédentes, et la reconquête industrielle et la relocalisation de notre appareil productif.

La crise sanitaire et économique que nous traversons a conféré une acuité encore plus prononcée à notre sujet, à la fois en questionnant nos modèles d’aménagement et en prévision de la formation de friches, notamment commerciales, compte tenu des difficultés économiques actuelles. Cet enjeu de prévention et d’anticipation m’amène à vous exposer les deux premières propositions que nous faisons, qui visent à renforcer la connaissance qu’ont les élus et l’État de leur foncier. En effet, nous avons remarqué qu’un grand nombre de problèmes de déshérence foncière, de friches qui perdurent pendant des décennies et exercent une action négative sur leur environnement économique, sont dus à un déficit de connaissance du terrain par les autorités publiques.

C’est pourquoi le fondement de toute politique cohérente en faveur de la réhabilitation des friches doit être la construction des moyens renforcés de connaissance foncière par les collectivités. L’année qui vient de s’écouler a vu de fortes avancées en la matière, du fait notamment de l’action du Gouvernement. Les efforts des ministres Élisabeth Borne, Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon ont abouti à la création du dispositif Cartofriches, plateforme participative qui se fonde sur les bases de données de l’État, augmentées par les apports des collectivités.

Prenant acte du fait que les précédentes bases existantes, comme BASIAS ou BASOL, ont souffert du manque de mise à jour, nous proposons la création d’un comité de suivi de cet inventaire, chargé d’en assurer le maintien et l’actualisation régulière. Nous souhaitons aussi confier aux établissements publics fonciers, dont nous avons admiré la compétence et l’expertise en la matière, une mission de contrôle de cette actualisation.

Les acteurs que nous avons entendus au long de la mission se sont tous entendus sur une doléance commune : il nous manque une définition harmonisée de la friche, qui permette d’être sûr que nous parlons de la même chose. Pour répondre à cette demande, nous avançons, sur la base de différentes définitions que nous avons étudiées, une définition harmonisée des friches, qui devra être intégrée dans le droit existant. La définition de la friche retenue est la suivante : « Bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé depuis plus de deux ans, dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable ».

Il existe virtuellement une grande quantité d’instruments, créés dans les dernières années, notamment à l’occasion de la loi ALUR. Ainsi le dispositif du tiers demandeur, évoqué par Mme la présidente, qui permet à un aménageur tiers de se substituer à l’ancien exploitant pour réaliser la remise en état d’un site, a-t-il été unanimement salué dans son principe par les personnes que nous avons entendues. Pourtant, un déficit de connaissance du dispositif, jusque dans les services de l’État eux-mêmes, inhibe l’effectivité de cette mesure. C’est pourquoi nous proposons de favoriser les démarches de promotion de ces outils.

Dans le même esprit, et constatant une déficience récurrente des moyens d’expertise qui sont à la main des collectivités compétentes, en ce qui concerne notamment les intercommunalités rurales, nous proposons de doter les régions d’un rôle d’appui, de conseil et d’expertise sur les friches. Il se concrétiserait par la création d’un guichet unique régional pour les collectivités, qui y trouveraient, de manière simultanée et coordonnée, le soutien des agences comme l’ANCT, l’ADEME et le CEREMA et des financeurs comme la Banque des territoires.

Un autre sujet de consternation qui a requis notre attention, c’est la sous-mobilisation structurelle des fonds FEDER, qui ont pourtant depuis 2014 une vocation à venir en soutien aux opérations de réhabilitation des friches afin de soutenir le dynamisme économique des territoires. Nous appelons donc à un meilleur accompagnement des acteurs locaux dans la constitution de leurs dossiers de demande afin de mieux débloquer les fonds pour les projets méritants.

Enfin, la fiscalité peut être utile comme levier de viabilisation financière des projets de revitalisation. Si la collectivité tire une externalité positive de ces projets par l’amélioration de son image et le renforcement de son attractivité, il est légitime qu’elle utilise son levier fiscal afin de mieux encourager ces possibilités. Nous proposons ainsi de permettre la minoration par les collectivités du taux exigé de droit de mutation à titre onéreux (DMTO) dans le cas d’un achat de friche avec engagement à la réhabilitation.

Pour aller plus loin encore, nous proposons un dispositif de bonus/malus sur la base du volontariat des collectivités territoriales, se fondant sur une refonte de la taxe sur les friches commerciales, afin de l’ouvrir à l’ensemble des friches d’un territoire ainsi qu’aux projets entraînant une artificialisation des sols. Cette nouvelle taxe pourrait alimenter un bonus qui serait utilisé par les collectivités pour renforcer les capacités financières à accompagner les projets de dépollution de friches.

Avant de passer la parole à ma collègue Mme Kerbarh, je souhaite préciser que ces propositions, nous les avons délibérément souhaitées simples, réalistes, modestes même, faciles à mettre en œuvre et cohérentes avec la stratégie d’aménagement plus large portée par la majorité. Une forte volonté politique existe pour réhabiliter les friches, et ces instruments nous semblent, dans cette atmosphère volontariste, à même de donner le soutien nécessaire pour engager ces projets locaux, vertueux pour l’environnement et aussi pour l’économie.

Mme Stéphanie Kerbarh, co-rapporteure. Mes chers collègues, je vais compléter les propos de mes collègues en présentant quelques autres propositions contenues dans le rapport. M. Adam a parlé des propositions relatives à l’inventaire des friches. La bonne réalisation de cet inventaire suppose toutefois une coopération pleine et entière des collectivités territoriales, qui sont le mieux à même de vérifier et d’ajouter les friches présentes sur leur territoire. Pour susciter cette coopération, nous proposons d’inclure obligatoirement dans les documents d’urbanisme des inventaires sur les friches comportant leurs caractéristiques majeures.

Ces caractéristiques doivent donner des indications utiles aux potentiels aménageurs. Le Laboratoire des initiatives foncières et territoriales innovantes (LIFTI) a déjà proposé un certain nombre d’indicateurs pertinents en ce sens, comme l’unité foncière, l’état environnemental de la parcelle en matière de biodiversité, de pollution, de qualité des sols, les informations relatives aux titulaires de droits ou encore aux valeurs économiques constatées. L’ensemble de ces indications pourrait, comme nous le proposons, conduire à définir un « indice de mutabilité » qui renseignerait facilement les acquéreurs éventuels sur les possibilités de réhabiliter la friche en question.

Nous souhaitons également que l’action de la puissance publique soit plus précise et plus ambitieuse en matière de dépollution. Plus précise car, comme vous le savez, la dépollution intégrale d’un site n’est pas toujours nécessaire pour sa réhabilitation. Le niveau de dépollution requis dépend des usages futurs. Or, malgré l’élaboration d’une méthodologie complète de gestion des sols pollués par l’ADEME, les services de l’État ne précisent pas toujours clairement aux porteurs de projet les niveaux de dépollution à atteindre en amont du lancement du projet. Dans ce cadre, l’élaboration d’un rescrit environnemental adapté aux friches pourrait être utile. Il permettrait aux porteurs de projet de disposer d’une vision claire des niveaux de dépollution à atteindre en amont de leur opération de réhabilitation.

Enfin, nous voulons aussi une action plus innovante en matière de dépollution des sites. À cet égard, il semble que les solutions basées sur les phytotechnologies soient pleines d’intérêt pour stabiliser la pollution, l’extraire du sol ou dégrader les polluants organiques en des composés moins toxiques. Ces techniques permettent de ne pas transférer de terres, améliorant ainsi le bilan carbone des opérations de dépollution. Cependant, ces techniques ne font pas l’objet d’un grand soutien public en matière de recherche. Il nous semble que c’est là un point à améliorer.

Au-delà des questions liées à la dépollution, ce sont également les procédures administratives qu’il convient de simplifier. En effet, les multiples procédures disjointes à conduire pour une même opération constituent autant de potentiels points de blocage : au-delà du traditionnel permis d’aménager, de l’autorisation environnementale et de l’archéologie préventive, il existe des règles liées à la prévention des risques, des inondations, à la biodiversité, etc. Par conséquent, les procédures sont longues et incertaines pour les porteurs de projet.

Il pourrait être souhaitable que, pour ce qui relève de l’État, au moins, il puisse y avoir une lecture unifiée entre les différents services de l’État, dans l’esprit de ce qui a déjà été accompli en matière d’autorisation environnementale unique ou de ce qui existe en matière de procédure intégrée pour le logement (PIL). L’idée serait de pouvoir mettre en conformité en une seule procédure les documents d’urbanisme dans le but de réaliser une opération de rénovation d’une friche. Cela est très demandé par les acteurs locaux mais demeure largement à mettre en place.

Plus encore, il pourrait être intéressant pour les collectivités d’amorcer un certain nombre de démarches avant même d’avoir reçu une demande de la part d’un porteur de projet, dans l’optique de pouvoir livrer aux acquéreurs potentiels des sites « clefs en main », accélérant toute la procédure. Cependant, comme l’a dit mon collègue Damien Adam, cela suppose un fort soutien financier de l’État ou du FEDER car en agissant ainsi, la collectivité peut perdre le bénéfice de la taxe foncière et peut être amenée à engager des frais importants en matière de dépollution.

Dans certains cas, cela suppose aussi de devoir acquérir le terrain alors que le propriétaire ne veut pas vendre ou bien qu’il n’est pas identifié, comme dans le cas des « biens sans maître ». C’est dans ce sens que la question du droit de préemption ou du droit d’expropriation peut se poser. Ces possibilités existent déjà dans le droit, mais en pratique elles demeurent assez peu utilisées dans le cas des friches, même dans le cas où une friche demeure abandonnée pendant plusieurs années. La question demeure complexe car elle confronte l’action publique au droit de propriété. Nous recommandons donc à ce stade l’instauration d’un groupe de travail chargé de réfléchir sur cette question et de lever les freins éventuels à l’utilisation de ces droits dans le cas des friches.

Enfin, je voudrais terminer par une considération relative au dispositif du tiers demandeur. Il permet en principe le transfert de la responsabilité à l’acquéreur mais, en cas de défaillance de ce dernier, l’ancien exploitant peut toujours être déclaré responsable. C’est pourquoi, en pratique, les promoteurs acceptent de plus en plus des clauses opérant un transfert total de la responsabilité de l’état du terrain. Dès lors, si un opérateur découvre une pollution en cours de chantier, il ne peut plus se retourner contre le vendeur, en garantie des vices cachés par exemple. Cela facilite le transfert et la réhabilitation des friches mais le problème pour l’acquéreur est de trouver une assurance adaptée à ce type d’opérations.

Or, à l’heure actuelle, les conditions d’assurance de ces opérations sont longues de plusieurs mois et drastiques, si bien qu’en cas de problème, les surcoûts sont supportés par le promoteur. Il nous semble donc essentiel de développer des mécanismes d’assurance accessibles et exhaustifs pour les aménageurs de friches recourant au dispositif du tiers demandeur, si besoin en fléchant une partie des fonds publics consacrés aux friches pour encourager ce type d’intervention. Un groupe de travail avec les assureurs pourrait être organisé rapidement pour étudier cette question et trouver des solutions adéquates.

M. Bruno Bonnell (LaREM). Permettez-moi d’abord de féliciter nos collègues pour la conduite et les conclusions de cette mission d’information sur une question technique mais essentielle. Cette question montre comment la loi et le règlement peuvent avoir un réel impact écologique sur un sujet aussi essentiel que l’artificialisation des sols. Chaque année 20 000 à 30 000 hectares sont artificialisés en France. Cela représente une augmentation quatre fois plus rapide que la population. Évidemment, cela a des répercussions sur la qualité de vie des citoyens et sur l’environnement en termes de pertes de surfaces agricoles, biodiversité, imperméabilisation, etc. On estime que les simples friches industrielles représentent 150 000 hectares, un véritable gisement de surfaces déjà artificialisées, qui pourraient accueillir de nombreux projets ou des mesures compensatoires.

Revitaliser les friches urbaines, c’est une solution qui est au cœur des politiques territoriales de développement durable. Malheureusement, comme vous l’avez rappelé, elle se heurte à de nombreuses difficultés d’ordre économique, administratif et réglementaire, qui vont même jusqu’à la définition juridique de la friche, sans oublier les coûts de réhabilitation et les mesures administratives qui sont d’un autre temps. Dans ce contexte, cette mission est importante et apporte une contribution sérieuse et précieuse au débat sur le futur projet de loi « climat et résilience », dont un article visera à réduire par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici dix ans. Des initiatives ont déjà été lancées, notamment dans le plan de relance avec 300 millions d’euros pour encourager la transformation des friches et du foncier. En suivant la priorité de reconstruire la ville dans la feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources. Dans un objectif ZAN du plan biodiversité, ce rapport fait des propositions pour aller plus loin.

J’aimerais que vous nous précisiez les urgences, car nous sommes dans une dynamique d’urgence pour profiter de l’impact écologique et économique sur ces friches. Êtes-vous favorable à un aménagement fiscal auprès des propriétaires, à la fois coercitif pour augmenter l’offre et incitatif pour accélérer la demande ?

M. Jean-Marie Sermier (LR). J’adresse mes félicitations à la présidente et aux rapporteurs de cette mission très bien documentée. Le sujet des friches industrielles est fondamental dans l’aménagement de nos villes et de notre territoire. On ne peut demander une ZAN, importante pour l’environnement, sans avoir des propositions. Cela implique sans doute une densification des centres-villes et des villages. Pour les centres-villes, la politique Action Cœur de ville est un élément important. Densifions là où les personnes habitent déjà et réhabilitons les friches industrielles pour éviter l’étalement et qu’on ne prenne davantage de mètres carrés à l’agriculture.

Nous sommes tout à fait d’accord au groupe Les Républicains et nous porterons des propositions pour faire avancer ce dossier. Au niveau des ingénieries, les collectivités ont parfois du mal : il faut mobiliser les établissements publics fonciers (EPF) et les sociétés d’économie mixte (SEM), qui sont des spécialistes en matière d’aménagement.

Il y a trop de normes, trop de textes ambigus sur les friches. Je veux pousser un « coup de gueule » : les services de l’État, et notamment la DREAL passent plus de temps à nous contrôler qu’à nous aider. En matière de friches industrielles, j’attends que les services de l’État soient les premiers à nous faire des propositions pour réussir une réhabilitation plutôt que de regarder ce qui se passe et dire aux élus qu’ils n’ont pas fait ce qu’ils devaient faire. Il y a des circulaires à rédiger pour permettre à l’administration d’être au service des élus dans la réhabilitation.

Je trouve scandaleux qu’on ait perdu des crédits européens pour la réhabilitation des friches, 40 % de crédits européens en Bourgogne-Franche-Comté, comme il a été dit. Mobilisons-nous, et vous aurez à vos côtés les collègues du groupe Les Républicains.

M. Jean-Luc Lagleize (MoDem). Je félicite la présidente et les deux co‑rapporteurs pour leur travail sur cette thématique que nous avions élargie. J’avais abordé ce sujet dans mon rapport remis au Premier ministre en novembre 2019 sur la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction. Je me réjouis de voir ce sujet essentiel pour nos territoires une nouvelle fois à l’ordre du jour de nos deux commissions.

Dans un contexte marqué par la lutte contre l’artificialisation des sols, la rénovation des friches présente un intérêt à la fois économique, social et environnemental. Car les friches constituent un vivier de foncier considérable, souvent en plein milieu des zones tendues, qui pourraient être utilisées pour la construction d’équipements collectifs ou de logements sans empiéter sur les espaces naturels. Mais la réhabilitation est le plus souvent entravée par la difficulté d’équilibrer le bilan d’une opération en prenant en compte le coût de la dépollution et la lenteur des procédures. À cet égard, le plan France Relance a prévu la création d’un fonds de 300 millions d’euros pour financer des opérations sur des friches urbaines et industrielles pour des projets d’aménagement urbain ou de relocalisation d’activités. C’est un premier pas que je défendais dans la proposition de loi que nous avions votée à l’unanimité en 2019. Ce premier pas permettra d’amorcer certains projets. Nous devons mobiliser davantage de moyens, notamment via les fonds européens et les établissements publics fonciers si nous souhaitons créer un véritable choc d’offre au travers de la libération du foncier en friche.

Je souhaiterais connaître votre position, Madame et Monsieur les rapporteurs, Madame la présidente, sur cette mesure du plan de relance, et plus largement en savoir plus sur les mesures que vous préconisez pour faciliter les projets d’aménagement et de réhabilitation des friches industrielles, commerciales et administratives.

M. Dominique Potier (Soc.). Je félicite la présidente et les rapporteurs pour l’excellence de leur travail. C’est un focus poursuivant le travail que nous avions mené avec Mme Anne-Laurence Petel et M. Bernard Sempastous sur l’artificialisation des terres. C’est également convergent avec ce que porte notre collègue Jean-Luc Lagleize sur l’optimisation des sols. C’est un sujet qui nous rassemble, et c’est un débat non idéologique, mais où nous sommes comme des ingénieurs publics qui cherchent les meilleures solutions pour y arriver. C’est un défi commun.

J’admire les propositions que vous faites. J’ai une petite contribution, et deux remarques plus critiques. Plutôt que de refaire toujours les mêmes choses, regardons ce que nous avons voté : l’amendement 1241, examiné dans le cadre l’examen de la loi AGEC, prévoit un cadre réglementaire pour l’utilisation de la phytoremédiation pour la pollution aux métaux. Mme Kerbarh, rapporteure sur ce texte, connaît bien cet amendement que la ministre Brune Poirson avait accepté. Il y a un an pour mettre cela en place : les laboratoires de Nancy sont très bons sur ces méthodes, mais il leur manque ce cadre. Faisons-le, cela contribuera partiellement à cette piste merveilleuse que sont les biotechnologies au service du vivant.

Le deuxième angle, qui me semble sous-exploité, ce sont les friches publiques, et notamment celle de la SNCF ou encore de l’opérateur Voies navigables de France (VNF). Ces friches peuvent être polluées ou non, et il importe de faire leur inventaire, comme le mentionnait la question écrite n° 2789 que j’avais posée en septembre 2017, qui visait un grand inventaire, où chaque administration verserait sur les schémas de cohérence territoriale (SCOT), donnerait grâce à un fonds de relance, aux collectivités, qui en feraient une source de vie pour l’activité économique ou l’énergie renouvelable. L’apport des friches publiques peut être autre chose que les ennuis juridiques, vous l’avez peut-être négligé.

Sur le plan du jeu des acteurs, vous mobilisez des financements et vous dégagez des astuces intéressantes, mais vous ne vous appuyez pas sur deux forces. Il faut que dans les SCOT il y ait un chapitre sur les friches industrielles et publiques, et il faut que cela soit porté à connaissance des collectivités. Nous ne devons pas inventer de nouveaux outils. Sur les établissements publics fonciers, nous ne les attendons pas comme experts mais comme opérateurs. J’ai proposé plusieurs fois de faire des inventaires entre collectivités et de le partager avec l’EPF. Il faut que le SCOT soit le document de référence et l’EPF le destinataire des friches par une accélération du droit au nom de l’intérêt commun, celui d’arrêter d’artificialiser les sols et de remettre de la vie dans nos territoires.

Mme Valérie Petit (Agir ens.). Ce rapport est de grande qualité et fait preuve d’exhaustivité, notamment sur les questions de financement. Je trouve que la proposition d’avoir un guichet régional est pertinente, car l’échelon est adapté.

J’ai deux remarques constructives à faire. En premier lieu, sur la biodiversité et la nature en ville. Vous évoquez à quel point la nature peut être source de pollution, notamment pour dépolluer les friches. Mais ce qui m’inquiète dans ce rapport, c’est qu’à aucun moment vous ne cherchez à décourager l’usage des friches tourné vers la compensation. Il ne faudrait pas que les friches deviennent le martyr de l’artificialisation : ce serait opposer alors la construction sur les friches à la renaturation sur les friches. Or un projet équilibré, c’est un projet qui peut bâtir mais qui doit aussi renaturer. Les deux peuvent aller de pair, c’est une demande citoyenne forte. Je suis inquiète de l’absence de la nature dans les projets de réhabilitation autrement que comme un moyen de lutte contre la pollution. Il faut voir la nature comme un élément essentiel des réhabilitations et une réponse aux demandes citoyennes. C’est un point de biodiversité : d’autres mécanismes de compensation existent plutôt que de prendre les friches en otage pour essayer d’arriver au ZAN.

Ma deuxième question porte sur l’implication des citoyens. Il y a un grand nombre de précédents de friches revalorisées ou reconverties avec des associations, des citoyens, des quartiers mobilisés, qui se sont approprié ces friches et les ont sauvées. On n’entend pas beaucoup la parole des citoyens dans le rapport : comment les associer à des projets, notamment de foncières. La question plus large est celle de la propriété collective. C’est la question des communs : y a-t-il des pistes pour remettre les communs à l’honneur dans le cadre des revitalisations de friches ? Chez moi, 60 % des friches sur la métropole sont publiques : c’est une occasion d’associer davantage les citoyens.

M. Guy Bricout (UDI). Vous traitez des friches commerciales, industrielles et administratives : y en a-t-il une parmi ces trois catégories qui serait selon vous plus complexe à gérer que les autres ? Avons-nous les outils nécessaires ? Le portage technique avec les territoires est-il suffisant ? Pour ce dossier comme pour d’autres, rien ne se fera sans les élus locaux, qui sont les plus à même de mettre en avant les enjeux de leurs territoires : quelle place leur accorder ?

À l’issue du premier conseil de défense écologique, il avait été annoncé un inventaire des friches par département. Où en sommes-nous précisément à ce jour ? Quand disposerons-nous d’une connaissance assez fine des friches pour lancer une politique réellement efficace ? Avons-nous une idée des parties du territoire qui ont davantage de besoins en la matière ? Le Nord, dont je suis un élu, est souvent cité : y a-t-il d’autres territoires en attente ?

Qu’en est-il des procédures administratives, souvent jugées trop complexes ? La Convention citoyenne pour le climat a préconisé de faciliter les reprises et réhabilitations des friches, notamment par la possibilité pour les communes d’exproprier les friches délaissées depuis plus de dix ans. Qu’en pensez‑vous ? Je regrette que les établissements publics fonciers ne puissent intervenir que lorsque la friche n’est pas la propriété d’une commune. Il me semble qu’il serait bon que la loi évolue à ce sujet et élargisse leur champ d’action. Qu’en pensez-vous ?

Le problème majeur de la résorption des friches est celui des coûts induits et de la nécessité de trouver des financements publics. Que pouvons-nous attendre, notamment au niveau européen, déjà source de financements ? Comme dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir : que préconisez-vous pour éviter la création de futures friches ? Quel regard portez-vous sur Urban Vitalis, qui doit servir à accompagner les porteurs de projets ?

Mme Stéphanie Kerbarh, co-rapporteure. Quelle est l’urgence du sujet ? S’il a été question de faire un rapport, c’est que le nombre de friches augmente. En matière d’attractivité fiscale, nous en parlons, et je suis davantage en faveur de l’attractivité que de la contrainte.

Au sujet de l’excès de textes, le rapport aborde la question. Vous dites, Monsieur Sermier, que la DREAL devrait venir en aide aux élus : nous pourrions explorer davantage cette question et demander l’écriture d’une circulaire.

Quant au plan de relance, le fonds de 300 millions d’euros est clairement bienvenu, mais il faut un million d’euros par hectare pour dépolluer des sites très pollués. Il faudrait renforcer l’ADEME et les EPF dans leurs moyens financiers.

Sur l’inventaire des friches publiques, je considère que le projet de loi en cours d’élaboration est une bonne occasion d’aborder le sujet. Concernant AgroMines, c’est un sujet abordé lors de l’examen de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Ce n’est pas tout à fait la phytoremédiation, car ce n’est pas en premier lieu pour dépolluer des sites : AgroMines en fait d’autres usages. Ils cherchent notamment à recapter les métaux, quitte à en amener sur les sols. En ce qui concerne le SCOT, nous sommes d’accord pour ne pas créer de nouveaux outils et nous servir des outils qui existent déjà, voire peut-être les renforcer.

Madame Petit, vous avez parlé d’un point très important, qui est l’utilisation des friches à des fins de compensation. Je vois un risque dans le fait que l’engagement de réhabiliter pris par l’organisme qui compense une de ses activités ne soit pas respecté, car nous avons vu les coûts engendrés si les diagnostics sont mal faits ce qui peut occasionner un renoncement dans la réhabilitation et la renaturation. La renaturation des friches peut être ajoutée aux possibilités de compensation.

Je vous remercie, Madame Petit, car vous avez aussi évoqué l’appropriation des friches par les citoyens, sujet qui n’a pas été beaucoup étudié pendant la mission, sauf lorsque nous avons abordé les tiers lieux, qui naissent d’associations. Nous n’avons pas entendu les citoyens à l’origine des projets, notamment la friche de Colombel en Normandie, qui est née de cette façon.

Monsieur Bricout, j’estime que les friches industrielles sont les plus compliquées, du fait des enjeux de dépollution, parfois complexes. Les friches commerciales sont souvent difficiles car elles restent partiellement occupées. Quant à l’inventaire, il s’agit de l’outil Cartofriches, en cours de développement, qui doit être co-construit avec les élus locaux.

M. Damien Adam, co-rapporteur. Monsieur Bonnell, notre dispositif coercitif et incitatif réside dans notre proposition n° 14, qui instaure un outil de bonus/malus, sur la base du volontariat des collectivités, qui en gèrent le périmètre et le taux. Monsieur Sermier, vous avez évoqué le rôle des SEM et des DREAL. Ces deux acteurs ont vocation à intégrer le guichet unique régional, évoqué à la proposition n° 10 du rapport. Je serais moins dur que vous sur l’attitude des DREAL : certaines DREAL incitent peut-être moins que d’autres, mais tout cela dépend aussi de la manière dont les acteurs du terrain s’en emparent. Monsieur Lagleize, nous allons observer de près l’utilisation du fonds friches. Son existence même montre son aspect prioritaire, mais il faut voir sa mise en œuvre.

Monsieur Potier, sur les friches publiques, elles sont intégrées dans l’outil Cartofriches, et notre proposition n° 2 sur sa mise à jour intègre cette nécessité. Sur le transfert de propriété de l’État aux collectivités, j’estime que l’État ne doit pas donner ses bijoux de famille sans compensation. Par ailleurs, les friches peuvent ensuite représenter un coût pour les collectivités. Quant aux SCOT, ils sont longuement abordés dans le rapport à la page 64 notamment, qui traite en général du rôle des collectivités territoriales et de leurs groupements, et nous évoquons les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et les SCOT. Nous sommes également d’accord que les EPF sont des opérateurs formidables pour porter les projets de revitalisation, et c’est pourquoi nous encourageons leur extension.

Monsieur Bricout, parmi les trois types de friches étudiées, les friches industrielles ont une dimension particulière qui est la pollution, qui nécessite des moyens importants pour la traiter. Quant à la place des élus locaux, elle est majeure : ce sont eux qui ont la compétence d’urbanisme et de réflexion concrète sur les aménagements. Sur les territoires particulièrement concernés, les anciens bassins miniers ont été identifiés depuis plus longtemps que d’autres. En outre, vous avez évoqué l’expropriation : nous l’avons abordé dans le rapport, et nous souhaitons une mission sur le droit de préemption et d’expropriation, car c’est un sujet qu’il faut travailler, ce qu’a noté aussi la Convention citoyenne pour le climat. Il peut y avoir des effets de bord de l’expropriation qui ne sont pas toujours bien pris en compte au préalable. Pour éviter de créer de nouvelles friches, quand vous ouvrez un commerce ou un site industriel, vous devez avoir intégré la revitalisation du bien. Toute nouvelle création d’activité industrielle ou commerciale doit intégrer un projet d’adaptation pour la fin de vie.

M. Richard Lioger. Je souscris aux diverses félicitations adressées aux rapporteurs. Je considère que ce sujet est actuellement le sujet central de l’urbanisation. Dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), nous avions eu des discussions serrées là‑dessus, et MM. Lagleize et Potier ont étudié le sujet. Nous tournons autour du pot alors que c’est relativement simple.

En tant qu’ancien adjoint à l’urbanisme de la ville de Metz, je peux vous dire que nous connaissions bien les friches hospitalières ou industrielles présentes sur notre commune. Mais quand l’évaluation du service des Domaines arrivait, c’étaient des prix exorbitants, et l’État refusait de les céder, et nous ne pouvions pas les acquérir. Le problème essentiel, l’urgence, c’est le prix : il nous faut trouver, à travers les EPFL – je pense notamment à celui de Lorraine, créé par Jacques Chérèque en 1981 – le bon moyen de traiter ce problème. Le modèle économique sous-jacent nous interdit souvent d’urbaniser la friche. Comme je l’ai dit encore dans le rapport que j’ai écrit, en juin 2020, pour la commission des affaires économiques, sur la relance du bâtiment, il faut que l’État cède à l’euro symbolique l’ensemble de ses friches avec une clause de retour à meilleure fortune. Cela me semble d’une simplicité évidente, mais Bercy et le ministère des armées interdisent aux collectivités territoriales de reconvertir. Je tiens ce discours depuis trois ans : c’est simple et urgent.

M. Thierry Benoit. Les rapporteurs, qui ont fait un bon travail, ont‑ils des données statistiques sur les friches qui existent et les zones mises à urbanisation en périphérie des villes ? Quand on considère qu’un territoire est insuffisamment attractif, c’est plus facile d’aller zoner des terrains en extension.

En matière de fiscalité, les promoteurs doivent être des aménageurs et non des spéculateurs. Avez-vous imaginé qu’on puisse appliquer une fiscalité qui permette de lutter contre la spéculation ? Est-ce que vous pensez que la création de zones franches peut présenter un intérêt ? Sur le rôle des SCOT, évoqué par M. Potier, ce document est une sorte de haut-commissaire au plan du territoire. Il y a des questions d’anticipation : des zonages à l’habitat, au commerce et aux services, à l’emploi. Un SCOT c’est fait pour « scoter », si j’ose dire. Que devient la décision de l’ancien Premier ministre, M. Édouard Philippe, d’un moratoire sur les mètres carrés commerciaux en périphérie ?

M. François-Michel Lambert. Je partage l’impatience de mes collègues en faveur du réemploi et de l’économie circulaire sur le foncier, plutôt que de la consommation de nouveaux espaces. Comment éviter les prolongations artificielles de potentielles friches ? Dans ma circonscription, une centrale à charbon est située sur une commune connectée au chemin de fer, proche du centre-ville, dans une métropole de deux millions d’habitants. L’État s’acharne à maintenir de vagues activités, avec une scierie et une station-service, bloquant de fait la réutilisation de cet espace. Pourtant, il n’est pas difficile de réutiliser une grande partie de cette friche. Est-ce que vous évoquez la capacité de l’État à planifier les transformations territoriales ?

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Je remercie les co-rapporteurs pour cet excellent travail. Quelle est la capacité financière de l’État lui-même quand il est à l’origine d’une friche industrielle polluée ? Sur ma commune, nous attendons la dépollution d’une friche industrielle, qui durerait deux ans et coûterait entre trois et cinq millions d’euros. Récemment, une astreinte de 2000 euros par jour a été décidée par la justice. Pour autant, l’État ne se positionne pas, et on voit une fuite en avant préoccupante pour les enjeux sanitaires et environnementaux.

Les outils BASIAS et BASOL sont insuffisants pour répondre aux besoins des collectivités qui souhaitent sécuriser leurs investissements. La réalisation plus systématique des inventaires historiques urbains (IHU) qui recensent les activités historiques serait peut-être à privilégier. On sécuriserait les acquisitions foncières de la collectivité, on anticiperait les risques et on planifierait en amont les éventuels travaux de dépollution.

M. Jean-Pierre Vigier. Une friche, c’est un point noir sur un territoire. Le but des acteurs locaux, c’est de retrouver le plus rapidement une vie à ce lieu. En règle générale, une friche est issue d’une liquidation judiciaire d’entreprise. Pour faciliter et accélérer les opérations, il faut faciliter et accélérer la dépollution, la reprise et la vente de la partie gérée par le liquidateur judiciaire, et faciliter l’acquisition d’un bien ou d’un terrain qui ne sont pas en liquidation judiciaire. Par rapport à ces trois points, quelle solution pour réhabiliter rapidement et permettre l’installation d’entreprises ?

Mme Sylvia Pinel. Je salue la qualité du travail et l’intérêt des propositions formulées, auxquelles je souscris pour l’essentiel. C’est un casse-tête pour les élus concernés, qui ont un rôle essentiel à jouer aux côtés des EPF. Il y a des enjeux importants de foncier dans les zones tendues, sujet sur lequel nous avons tous en tête les propositions de notre collègue M. Lagleize, au sujet notamment de la sous‑utilisation du bail réel solidaire.

Ici, nous voyons une méconnaissance des outils déjà existants qui pourraient être mobilisés pour faciliter l’action de l’État ou des collectivités dans ces situations. Il en va ainsi de la procédure du tiers demandeur, que vous avez évoquée dans votre rapport, ainsi que de la procédure intégrée pour le logement (PIL), que vous avez mentionnée tout à l’heure et que j’avais essayé de développer en tant que ministre. On note un manque d’appropriation des outils existants. Le groupe interministériel dont vous proposez la création doit être chargé de l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques regroupant tous les moyens, ce qui pourrait être fort utile. Sur le couple intercommunalité-région, les intercommunalités ont un rôle de proximité tandis que les régions fournissent l’ingénierie.

Mme Barbara Bessot Ballot. Je vous remercie vivement de vous être saisis de ce sujet concret pour les territoires, à savoir ces friches qui sont autant de verrues sur nos villes et nos campagnes. Je voudrais vous parler des ouvrages de petite hydroélectricité : les moulins et barrages à l’abandon. Ils sont 25 000 répartis sur 125 000 cours d’eau dans l’Hexagone, ce qui représente un fort potentiel en énergie propre que nous n’exploitons pas, alors même que nous investissons sur les énergies renouvelables. Ils font aussi partie de notre patrimoine culturel et historique. Bien que votre mission ne porte pas sur ce sujet, avez-vous des préconisations sur la réhabilitation de ces friches ?

M. Julien Dive. Sur les friches industrielles – Nestlé a d’ailleurs fermé son activité le 21 décembre dernier dans ma circonscription – il faut rappeler que les industriels, au moment de leur fermeture, sont obligés de consacrer une enveloppe budgétaire à la revitalisation du site. Le calcul de son montant est simple, avec une multiplication du nombre d’emplois par le SMIC et par une clef de répartition de 3 à 5. Pour le site situé dans ma circonscription où Nestlé avait 150 emplois, l’entreprise doit consacrer 700 000 euros à l’aménagement et à l’attractivité du site. Quel est l’intérêt, selon vous, de ces calculs et de ces enveloppes ? Ces sommes sont-elles suffisantes ?

Par ailleurs, notre collègue M. Kasbarian a mené un travail sur le dispositif des sites industriels « clefs en main ». Avez-vous intégré dans votre travail ce dispositif, et est‑il est pertinent d’y intégrer les sites industriels aujourd’hui à l’arrêt ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. J’ai été adjointe au commerce trois ans à Béthune, où j’ai été confrontée à de nombreuses friches. Ainsi, Bridgestone occupe 5 % de la commune de Béthune. J’ai deux préoccupations sur les friches commerciales. Nous avons des exemples de promoteurs qui souhaitent récupérer des terrains et jouent la montre dans des buts d’optimisation fiscale, mais aussi des propriétaires récalcitrants, qui ne souhaitent pas vendre, pour lesquels on est parfois obligé de prendre des arrêtés de péril, parce que cela nuit à la sécurité, et aussi à l’attractivité des villes. Ce n’est pas encore délictuel, même s’il faudra peut-être y venir. Que devons-nous faire pour raccourcir ces très longs processus d’expropriation ?

Ma deuxième préoccupation est plus ciblée : c’est sur les anciennes stations-services fermées et devenues des friches. Avons-nous un bilan sur l’ensemble du territoire de ce que cela représente. Dans le Pas-de-Calais c’est considérable.

M. Damien Adam, co-rapporteur. Monsieur Lioger, vous dites que le sujet est simple, et je ne partage pas ce constat. Je partage l’idée que l’urgence c’est le prix. L’idée de cession des friches d’État aux collectivités avec clause de retour à bonne fortune est une piste à explorer.

Monsieur Benoit, sur la relation entre les friches existantes et les zones à urbaniser la logique semble pertinente. Mais, nous artificialisons chaque année l’équivalent d’un département, donc les friches seraient insuffisantes pour couvrir les besoins. Il faut aussi prendre en compte la localisation des friches et des zones en extension, et la dépollution. Les collectivités doivent se saisir de ces sujets-là. C’est la logique de la création d’un guichet unique, qui consiste à utiliser ces verrues urbaines que sont les friches. Il est vrai que les aménageurs peuvent utiliser la progression financière du foncier afin de financer les travaux de dépollution. En matière de zones franches, nous avons travaillé sur la DMTO et le bonus/malus. L’intérêt des SCOT est soulevé dans le rapport, d’autant plus que dans le projet de loi que nous allons prochainement examiner sur le climat, nous proposons que les régions se fixent un objectif de division par deux de l’artificialisation. Ce même texte prévoit des dispositions pour les zones commerciales.

Monsieur Lambert, pour éviter la prolongation artificielle des friches, il faut faire attention lorsqu’on évoque le changement d’usage. Nous avons une problématique importante, c’est de ne pas avoir suffisamment de terrains industriels de grande capacité et bien situés pour attirer des investisseurs. Nous avons besoin d’industrie dans notre pays, d’autant plus que, pendant trente ans, nous n’avons pas été suffisamment en pointe. Il faut aussi voir quel est le propriétaire de ce site que vous citez. La logique du bonus/malus enclenche une dynamique afin que le propriétaire cède une part de son foncier.

Madame Toutut-Picard, sur BASIAS et BASOL, les outils sont insuffisants : c’est l’objet de l’outil Cartofriches en cours d’élaboration. Mais nous n’avons pas une vision suffisante sur les anciennes friches, notamment celles apparues avant le vingtième siècle. Ainsi nous avons découvert lors de l’incident de Lubrizol des anciennes pollutions dont les sources ont depuis longtemps disparu.

Monsieur Vigier, sur les entreprises qui arrêtent leur activité pour liquidation ou restructuration, comment ne pas créer une nouvelle friche ? Quand une entreprise a les reins solides, cela se fait sans trop de difficultés. Notre problématique est plutôt sur les biens sans maître, qui nécessitent la force publique pour préempter ou financer.

Monsieur Dive, quand une entreprise arrête une activité et veut la céder, cela se passe bien, même si cela prend du temps, et s’il peut y avoir des difficultés comme à La Chapelle Darblay où le cédant a du mal à trouver un repreneur. Sur les sites « clefs en main », c’est en effet une idée intéressante : on pourrait l’imaginer demain pour les entreprises en fin d’activité. Nous mettons en avant l’idée que ces sites doivent anticiper pour les futurs industriels et trouver des rapprochements.

Madame Pinel, je souscris à la proposition de créer un guide des bonnes pratiques à disposition de tous les acteurs, qui me semble une bonne idée. Je suis d’accord aussi sur le rôle des élus dont vous avez parlé.

Mme Stéphanie Kerbarh, co-rapporteure. Madame Bessot Ballot, en ce qui concerne les ouvrages de petite hydroélectricité, ils n’ont pas fait l’objet de notre mission, mais l’enjeu est d’empêcher la destruction des ouvrages et de trouver l’équilibre entre le droit de l’eau et la continuité écologique. Ce ne sont pas des friches en tant que telles, car les anciens moulins hydrauliques restent la propriété des anciens exploitants, mais ces installations sont inutiles. Il faut prévenir leur abandon en proposant des subventions pour la revitalisation. J’attire votre attention sur les agences de l’eau, qui pourraient financer cette action. Je m’offusque du silence des agences de l’eau, notamment en Normandie, sur le fait de savoir si l’argent du plan de relance contribue à nous priver de cette source d’électricité, la « houille blanche ».

Madame Deprez-Audebert et Monsieur Dive, vos points sont liés. Je travaille, dans le cadre du projet de loi sur le climat, pour contourner le refus des industriels lorsqu’ils ne souhaitent pas revendre les sites qu’ils mettent à l’arrêt. En effet, du fait de la spécialisation des sites, il arrive que les industriels ne souhaitent pas vendre car ils considèrent que les entreprises qui reprennent sont de potentiels concurrents sur leurs marchés, comme le montre la situation à La Chapelle Darblay.

Sur les stations-services, la France comptait 47 500 stations-services en 1975 contre 11 000 en 2017, ce qui fait un grand nombre de friches à dépolluer, ce qui coûte souvent plus de 150 000 euros à la charge du propriétaire. D’où la nécessité de renforcer les fonds publics comme ceux de l’Agence de la transition écologique.

M. le président Roland Lescure. Les rapporteurs ont très bien rapporté et la présidente a très bien présidé. Ce sujet n’est pas simple et reflète les complexités de notre pays. Merci d’avoir fait le tri entre les obligations générales et d’apporter des propositions concrètes. Je serai sensible à votre stratégie de communication et à la façon dont vous envisagez de faire vivre ce sujet dans le cadre des actions législatives et exécutives dans les mois à venir.

M. Julien Dive. Je ferai une dernière remarque : une entreprise représente des ressources fiscales. La loi de finances pour 2010, renforcée en 2012 et en 2019, amène l’État à compenser, en cas de fermeture d’un site, les pertes de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de manière dégressive, sur plusieurs années. Il faut alerter sur l’existence de ce dispositif, alors que les services fiscaux ne réagissent pas et ne sont pas toujours aux côtés des maires.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous allons à présent procéder au vote sur la publication du rapport.

Les commissions permanentes autorisent la publication du rapport.

 


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   LISTe des propositions

 

Proposition n° 1. Inscrire dans la loi une définition harmonisée des friches. Cette définition pourrait être ainsi rédigée : « Bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé depuis plus de deux ans, dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable ».

 

Proposition n° 2. Afin de maintenir à jour l’inventaire des friches, mettre en place un comité de suivi du réseau des inventaires de friches, composé des parties prenantes territoriales et nationales, et confier aux établissements publics fonciers une compétence obligatoire dans le contrôle des informations délivrées par le réseau.

 

Proposition n° 3. Intégrer l’identification des friches ainsi que les éventuelles voies de traitement dans les documents de planification urbaine à l’échelle locale, en s’appuyant sur les caractéristiques préalablement établies dans le cadre de l’inventaire national sur les friches.  Réfléchir dans ce cadre à l’élaboration d’un « indice de mutabilité » rendant compte de la difficulté de réhabiliter une friche.

 

Proposition n° 4. Développer l’effort public de recherche en faveur des phytotechnologies.

 

Proposition n° 5. Mettre en place un groupe de travail interministériel pour identifier les usages et les freins existants concernant l’exercice des droits de préemption et d’expropriation pour les friches laissées à l’abandon depuis plus de cinq ans.

 

Proposition n° 6: Sécuriser les démarches des porteurs de projet en définissant au préalable les seuils de dépollution à atteindre et en adaptant un dispositif de rescrit environnemental en matière de réhabilitation des friches industrielles.

 

Proposition n° 7. Promouvoir le recours au dispositif du tiers demandeur. Permettre, en cours de réhabilitation d’une friche, le transfert d’un tiers à un autre tiers.

 

Proposition n° 8. Mettre en place, en partenariat avec les assureurs, un groupe de travail chargé de réfléchir au développement de mécanismes d’assurance accessibles et exhaustifs pour les aménageurs de friches recourant au dispositif du tiers demandeur, et au fléchage éventuel d’une partie des fonds publics consacrés aux friches pour encourager ce type d’intervention.

 

Proposition n° 9. Mieux mobiliser les crédits du FEDER et du fonds européen pour une transition juste, aujourd’hui trop peu utilisés par les conseils régionaux, au profit des opérations de revalorisation des friches et notamment des projets impliquant une relocalisation industrielle.

 

Proposition n° 10. Confier aux régions la création d’un guichet unique d’expertise sur la revalorisation des friches, en s’appuyant notamment sur l’extension à toutes les régions des établissements publics fonciers, que pourraient saisir les intercommunalités et auxquels pourraient s’associer les acteurs nationaux compétents (ADEME, ANCT, CEREMA, Banque des territoires). Financer des études de destination dès l’annonce de l’arrêt de l’exploitation d’un site.

 

Proposition n° 11. Afin d’accélérer les démarches des porteurs de projets, décloisonner l’action des services de l’État en vue de leur apporter une réponse plus cohérente et plus rapide dans le cadre des opérations de rénovation des friches. S’inspirer pour cela de l’autorisation environnementale unique et du certificat de projet.

 

Proposition n° 12. Accélérer la requalification des friches en encourageant les collectivités à mener un maximum de procédures en amont de décisions d’implantation industrielle, pour offrir des sites clefs en main. Prévoir un accompagnement financier et technique des collectivités s’engageant dans ce type d’opérations et mobiliser les fonds FEDER.

 

Proposition n° 13. Permettre la mise en œuvre par les collectivités d’un dispositif de minoration des droits de mutation dans le cas où le site en friche est acquis par un organisme s’engageant à mener un projet de réhabilitation.

 

Proposition n° 14. Permettre la mise en place, à l’échelle intercommunale et sur la base du volontariat, un dispositif de compensation fiscale par bonus/malus qui refondrait la taxe annuelle sur les friches commerciales (TFC) et renforcerait les capacités financières disponibles pour l’accompagnement de la réhabilitation des friches et la lutte contre l’artificialisation des sols.

 


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   liste des personnes auditionnées

M. Jean-Louis Denoit, maire de Viviez (Aveyron), représentant l’Association des maires de France

M. Franck Leroy, vice-président de la région Grand Est, représentant l’association Régions de France

M. Sébastien Martin, président de la communauté du Grand Chalon (Saône-et-Loire), administrateur de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ; accompagné de M. Philippe Schmit, secrétaire général de l’AdCF

M. Jean-Sébastien Lamontagne, préfet des Ardennes

Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : M. Philippe Merle, chef du service des risques technologiques

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) : M. Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) : M. Philippe Ledenvic, président de l’Autorité environnementale

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : Mme Valérie Lasek, directrice générale adjointe « appui opérationnel et stratégique » ; M. Guillaume Basset, directeur du programme « territoires d’industrie »

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : M. Nicolas Grivel, directeur général

Cabinet de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire : M. Guillem Canneva, conseiller technique en charge du dossier artificialisation et friches

Cabinet de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement : M. Guillem Canneva, directeur adjoint de cabinet ; Mme Jenna Reinette, conseillère technique ; Mme Lucy Kerckaert, conseillère parlementaire

Cabinet de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie : M. Guillaume Basset, délégué aux territoires d’industrie ; Mme Célia Agostini, conseillère parlementaire


Agence de la transition écologique (ADEME) : M. José Caire, directeur villes et territoires durables ; M. Patrice Philippe, chef du service sites et sols pollués

Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) : M. Francis Garrido, directeur adjoint de la direction eau, environnement, procédés et analyses

Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) : M. Raymond Cointe, directeur général ; Mme Martine Ramel, responsable du pôle risque et technologie durable

Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) : M. Pascal Berteaud, directeur général

Banque des territoires (Groupe Caisse des dépôts et consignations) : M. Adam Oubuih, coordonnateur du plan de relance tourisme ; M. Michaël Sordot, responsable d’investissements ville immobilier tourisme ; M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

Laboratoire d’initiatives foncières et territoriales innovantes (LIFTI) : M. Marc Kaszynski, président

Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU) : Mme Brigitte Bariol Mathais, déléguée générale

Syndicat des énergies renouvelables (SER)* : M. Jean-Louis Bal, président ; M. Alexandre Roesch, délégué général ; Mme Delphine Lequatre, directrice juridique, économique et territoires ; M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)* : Mme Sarah Rachi, responsable développement durable ; Mme Dao Melacca-Nguyen, chargée de mission environnement ; Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)* : M. Olivier Sutterlin, direction juridique de RTE et président du groupe de travail Biodiversité du MEDEF ; Mme Céline Caroly, experte environnement de France Chimie ; M. Guy Julien-Laferrière, directeur des études environnement et urbanisme, Groupe Casino, et membre de la FCD ; M. Sébastien Sureau, directeur de mission à la direction du développement durable du MEDEF ; Mme Fadoua Qachri, chargée de mission à la direction des affaires publiques du MEDEF

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI)* : M. Alexis Rouque, délégué général ; Mme Bérengère Joly, directrice juridique


Union nationale des entreprises du paysage (UNEP)* : M. Jean-Philippe Teilhol, délégué général ; M. Vincent Adeline, élu chargé des relations extérieure ; M. Manuel De Matos, président du groupe technique de métiers Génie écologique

Union nationale des entreprises de valorisation (UNEV)* : M. Reda Semlali, président

Union des professionnels de la dépollution des sites (UPDS)* : M. Franck Bouché, président

Agence Champ libre : M. Philippe Bonfanti, architecte urbaniste, responsable pôle urbanisme

Ginkgo Avocats : Mme Carole Lvovschi-Blanc, avocate associée ; Mme Malicia Donniou, avocate associée

Lacourte et Associés : Mme Marie Knittel, chargée du pôle de droit public immobilier

Réseau Entreprendre : M. Olivier de la Chevasnerie, président ; Mme Caroline Santaner, directrice des relations extérieures

Table ronde des établissements publics fonciers d’État (EPF) et des établissements publics fonciers locaux (EPFL) :

Association nationale des établissements publics fonciers locaux (AEPFL) : M. Philippe Pourchet, directeur de l’EPFL de Savoie

EPF de Normandie : M. Gilles Gal, directeur général ; M. Arnaud Portier, secrétaire général de l’association, directeur de l’EPFL Pays Basque ; M. Benoit Gaugler, administrateur de l’association, directeur de l’EPFL d’Alsace

EPF d’Île-de-France (EPFIF) : M. Gilles Bouvelot, directeur général

EPF du Nord-Pas-de-Calais : Mme Loranne Bailly, directrice générale de l’établissement public foncier Nord-Pas de Calais

EPF de Lorraine : M. Alain Toubol, directeur général

Table ronde des établissements publics d’aménagement (EPA) :

Grand Paris Aménagement (GPA) : M. Thierry Febvay, directeur général délégué et directeur général de l’EPA Orly Rungis Seine Amont

EPA Sénart : Mme Aude Debreil, directrice générale ; M. Ollivier Guilbaud, directeur général adjoint de l’aménagement et de la prospective

SEM Normandie Aménagement : Mme Pascale Huyghe-Doyere, directrice générale

EPA Alzette-Belval : M. Damien Nerkowski, directeur général

Table ronde d’entreprises de la dépollution :

Valgo : M. Franck Bouché, directeur général délégué de Valgo

Brownfields Gestion : M. Abdelkrim Bouchelaghem, directeur général

Hesus : M. Emmanuel Cazeneuve, président-directeur général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Appelée aussi du nom donné par le législateur : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

([3])  Depuis 2007, le total des budgets ouverts par l’ADEME pour la mise en sécurité des sites à responsable défaillant s’élève à 283 millions d’euros, avec un budget annuel stabilisé depuis plusieurs années entre 17 et 18 millions d’euros pour une trentaine d’interventions par an. Au 1er janvier 2020, 221 sites faisaient l’objet d’une intervention de l’ADEME. En outre, l’ADEME lance, chaque année, un appel à projets « travaux de dépollution pour la reconversion de friches polluées » qui a permis entre 2010 et 2019 de soutenir près de 130 projets de reconversion pour un montant de 42 millions d’euros.

([4]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, « REFRINDD : requalification durable des friches industrielles », guide méthodologique et prototype d’outil d’accompagnement, juillet 2015.

([5]) Assemblée des communautés de France, « La revitalisation des friches industrielles. Enjeux et synthèse de 40 fiches-actions portées par les Territoires d’industrie », note d’analyse, octobre 2019.

([6]) Audition de M. Philippe Schmit, 25 juin 2020.

([7]) Maylis Desrousseaux et al., Sols artificialisés. Déterminants, impacts et leviers d’action, 2019, Quæ, coll. « Matière à débattre et décider », p. 5.

([8]) Op. cit., p. 55.

([9]) France Stratégie, « Objectif “zéro artificialisation nette” : quels leviers pour protéger les sols ? », Julien Fosse, juillet 2019, p. 35.

([10]) Réponse écrite au questionnaire de la mission d’information.

([11]) Audition de M. Philippe Ledenvic, 10 septembre 2020.

([12]) Audition de M. Reda Semlali, 19 novembre 2020.

([13]) Table ronde des représentants des établissements publics fonciers d’État et locaux, 2 juillet 2020.

([14]) Audition de M. Nicolas Grivel, 9 juillet 2020.

([15]) Article L. 371-1 du code de l’environnement.

([16]) Audition de M. Marc Kaszynski, 18 juin 2020.

([17]) Article L. 122-1 du code de l’environnement.

([18]) Ronan Dantec, sénateur, « Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus », rapport fait au nom de la commission d’enquête du Sénat sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi, avril 2017.

([19]) Prévue aux articles L. 122-1 à L. 122-3-4 et R. 122-1 à R. 122-14 du code de l’environnement.

([20]) La liste des projets concernés est définie par la nomenclature annexée à l’article R. 122-21 du code de l’environnement.

([21]) Article L. 122-3 du code de l’environnement.

([22]) Article R. 122-5 du même code.

([23]) Valérie Bert éd., « Les phytotechnologies appliquées aux sites et sols pollués, état de l’art et guide de mise en œuvre », rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, 2013, p. 23.

([24]) Op. cit., p. 43.

([25]) Op. cit., p. 61.

([26]) US Environmental Protection Agency, “Climate Smart Brownfields Manual”, EP-W-13-014, 2011.

([27]) US Environmental Protection Agency, “Air and Water Quality Impacts of Brownfield Redevelopment: A Study of Five Communities”, EPA 560-F-10-232, avril 2011.

([28]) Claude Janin et Lauren Andres, « Les friches : espaces en marge ou marges de manœuvre pour l’aménagement des territoires »Annales de géographie, 2008/5 (n° 663), p. 62-81, 10.3917/ag.663.0062.

([29]) Maylis Desrousseaux et al., Sols artificialisés. Déterminants, impacts et leviers d’action, 2019, Quæ, coll. « Matière à débattre et décider », p. 88.

([30]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, « Diagnostic de la surchauffe urbaine. Méthodes et applications territoriales », septembre 2017.

([31]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Arcadis, Efficacity, « Évaluer les bénéfices socio-économiques de la reconversion de friches pour lutter contre l’artificialisation », rapport d’expertise et référentiel d’évaluation, septembre 2020, p. 10.

([32]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, « Guide de recommandation pour lutter contre l’effet d’îlot de chaleur urbain », guide à destination des collectivités territoriales, octobre 2012.

([33]) Réponse écrite au questionnaire de la mission d’information.

([34]) Table ronde des entreprises spécialisées dans la dépollution et le traitement des sites pollués, 16 juillet 2020.

([35]) Réponse écrite au questionnaire de la mission d’information.

([36]) Article L. 541-2 du code de l’environnement.

([37]) Article L. 541-32-1 du code de l’environnement.

([38]) Article 54 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.  

([39]) Article 115 de la même loi.

([40]) Article 117 de la même loi.

([41]) Un projet de décret portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets a été mis en consultation par le ministère de la transition écologique le 13 août 2020. Il devrait être publié dans les semaines à venir.

([42]) Audition de M. Franck Leroy, 12 novembre 2020.

([43]) Gwénaël Letombe et Bertrand Zuindeau, « L’impact des friches industrielles sur les valeurs immobilières : une application de la méthode des prix hédoniques à l’arrondissement de Lens (Nord – Pas de Calais) », Revue d’économie régionale et urbaine, 2001/4 (octobre), p. 605-624.

([44]) Audition de M. Franck Leroy, 12 novembre 2020.

([45]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Arcadis, Efficacity, « Évaluer les bénéfices socio-économiques de la reconversion de friches pour lutter contre l’artificialisation », rapport d’expertise et référentiel d’évaluation, septembre 2020, p. 9.

([46]) Audition de M. Jean-Louis Bal, 26 novembre 2020.

([47]) Réponse écrite au questionnaire de la mission d’information.

([48]) Table ronde des représentants des établissements publics fonciers d’État et locaux, 2 juillet 2020.

([49]) Assemblée des communautés de France, « Organiser la reconquête des friches industrielles », octobre 2019.

([50]) Décision 36-COM-8B.29 du comité du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), 36e session, Saint-Pétersbourg, 6 juillet 2012.

([51]) Céline Assegond, « Memoviv, recueil filmé et partage de la mémoire du travail à Vierzon », Patrimoine industriel, n° 74/75, juin/décembre 2019, p. 88-100.

([52]) Le dispositif Denormandie est une aide fiscale, sous la forme d’une réduction d’impôt sur le revenu, accordée aux particuliers achetant un logement à rénover dans certaines zones. Sont notamment éligibles les logements situés dans les villes bénéficiaires du programme national Action Cœur de ville.

([53]) Audition de M. Abdelkrim Bouchelaghem, 16 juillet 2020.

([54]) Julien Fosse, « Objectif “zéro artificialisation nette” : quels leviers pour protéger les sols ? », rapport réalisé par France Stratégie à la demande des ministres chargés de l’environnement et des relations avec les collectivités territoriales, juillet 2019, p. 35.

([55]) Table ronde des entreprises spécialisées dans la dépollution et le traitement des sites pollués, 16 juillet 2020.

([56]) Audition de M. Guillem Canneva, 25 juin 2020.

([57]) Audition de M. Cédric Bourillet par la commission d’enquête du Sénat sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols, 25 février 2020.

([58]) Direction générale de la prévention des risques, « Méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués », avril 2017.

([59]) Assemblée des communautés de France, « Organiser la reconquête des friches industrielles », octobre 2019.

([60]) Audition de M. Jean-Baptiste Butlen, 2 juillet 2020.

([61]) Audition de Mme Aude Debreil, 24 septembre 2020.

([62]) Table ronde des représentants des opérateurs d’aménagement d’État et locaux, 24 septembre 2020.

([63]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, « La reconversion des friches polluées au service du renouvellement urbain : enseignements technico-économiques », rapport d’analyse, novembre 2018.

([64]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Arcadis, Efficacity, « Évaluer les bénéfices socio-économiques de la reconversion de friches pour lutter contre l’artificialisation », rapport d’expertise et référentiel d’évaluation, septembre 2020, p. 24.

([65]) Cf. II de la première partie.

([66]) Audition de M. Jean-Louis Denoit, 25 juin 2020.  

([67]) Audition de Mme Aude Debreil, 24 septembre 2020.

([68]) Sonia Guelton, « Avantages économiques d’une politique de dépollution des anciens sites industriels urbains », Politiques et management public, vol. 20, n° 4, décembre 2002, p. 106.  

([69]) Réponse écrite au questionnaire de la mission d’information.

([70]) Audition de M. Franck Bouché par la commission d’enquête du Sénat précitée, 9 juin 2020.

([71]) Hesus, Note sur la traçabilité des terres, transmise à la demande de la mission d’information.

([72]) Sonia Guelton, « Avantages économiques d’une politique de dépollution des anciens sites industriels urbains », Politiques et management public, vol. 20, n° 4, décembre 2002, p. 102.  

([73]) Cf. l’encadré dans le II de la première partie.

([74]) Audition de M. Jean-Baptiste Butlen, 2 juillet 2020.

([75]) Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, « Les grandes friches industrielles », La Documentation française, 1986.

([76]) Appelée aussi du nom donné par le législateur : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

([77]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, « La reconversion des friches polluées au service du renouvellement urbain : enseignements technico-économiques », rapport d’analyse, novembre 2018, p.28.

([78]) Audition de M. José Caire, 4 juin 2020.

([79]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Arcadis, Efficacity, « Évaluer les bénéfices socio-économiques de la reconversion de friches pour lutter contre l’artificialisation », rapport d’expertise et référentiel d’évaluation, septembre 2020.

([80]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, « Sites et sols pollués : étude sur le panorama des financements disponibles en France pour la recherche et la mise en place de solutions innovantes », rapport d’étude, novembre 2014.

([81]) Audition de M. José Caire, 4 juin 2020.

([82]) Audition de M. Guillaume Basset, 9 juillet 2020.

([83]) Article L. 155-3 du code minier.

([84]) Circulaire n° 4C/2008/05/10257 de la direction générale de l’énergie et des matières premières et de la direction générale des entreprises, 27 mai 2008, p. 15.  

([85]) Gisèle Jourda, sénatrice, « Pollutions industrielles et minières des sols : assumer ses responsabilités, réparer les erreurs du passé et penser durablement l’avenir », rapport fait au nom de la commission d’enquête du Sénat sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols, septembre 2020, p. 266.  

([86]) Cour des comptes, « Les services déconcentrés de l’État », rapport public thématique, décembre 2017, p. 42.

([87]) Réponse écrite au questionnaire de la mission d’information.

([88]) Audition de M. Sébastien Martin, 25 juin 2020.

([89]) Institut national de l’environnement industriel et des risques, note sur la gestion des projets Interreg, transmise à la demande de la mission d’information.

([90]) Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, « Document de mise en œuvre PO FEDER/FSE Rhône-Alpes 2011-2020 », juin 2016, p. 92.

([91]) Audition de M. Jean-Baptiste Butlen, 2 juillet 2020.

([92]) Jean-Luc Lagleize, « La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction », rapport au Premier ministre, novembre 2019.

([93]) La contribution économique territoriale (CET), composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), s’est substituée à la taxe professionnelle à l’occasion de la dernière grande réforme de la fiscalité locale en 2010.

([94]) Audition de M. Pascal Berteaud, 23 juillet 2020.

([95]) Les collectivités ainsi que leurs établissements publics peuvent être exonérés de taxe foncière, mais seulement au titre des biens qui sont non productifs de revenus et qui sont affectés directement à un service public.

([96]) Le portage foncier est une technique qui permet de faire financer et gérer par un organisme extérieur tout ou partie des dépenses d’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation d’une opération sur une durée relativement longue permettant in fine à la collectivité de disposer des biens au moment opportun, sans apport financier immédiat. L’objectif principal du portage foncier est donc de faciliter l’acquisition de réserves foncières et leur financement en lissant les charges dans le temps ; elle offre accessoirement une technique efficace contre la spéculation foncière.

([97]) Audition de M. Pascal Berteaud, 23 juillet 2020.

([98]) L’Indre, l’Isère, le Morbihan et Mayotte conservent un taux à 3,80 %.

([99]) Note de la direction générale des finances publiques, mai 2019.

([100]) Article 150 VC du code général des impôts.

([101]) Julien Fosse, « Objectif “zéro artificialisation nette” : quels leviers pour protéger les sols ? », France Stratégie, juillet 2019, p. 28.

([102]) Comité pour l’économie verte, « Les enjeux de l’artificialisation des sols : diagnostic », février 2019, p. 30.

([103]) Inspection générale des finances et Conseil général de l’environnement et du développement durable, « Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel », novembre 2019.

([104]) Inspection générale des finances et Conseil général de l’environnement et du développement durable, « Évaluation du prêt à taux zéro », octobre 2019.

([105]) Article 28 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, non codifié.

([106]) Ces zones recouvrent l’agglomération parisienne, les agglomérations de la Côte d’Azur, la partie française de l’agglomération genevoise et certaines agglomérations ou communes où les loyers et les prix des logements sont très élevés (notamment Ajaccio, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier).

([107]) Audition de M. Pascal Berteaud, 23 juillet 2020.

([108]) Article 1529 du code général des impôts.

([109]) Article 1605 nonies du code général des impôts.

([110]) Créée par l’article 126 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, cette disposition fiscale a été codifiée à l’article 1530 du code général des impôts.

([111]) Changement introduit par l’article 83 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, qui rehausse aussi les taux appliqués.