N° 3969

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION (1)

sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme
et les réponses à y apporter

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Robin reda, Président

et

Mme Caroline Abadie, rapporteure

Députés

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TOME I - RAPPORT

 

 

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.  


La mission d’information sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter est composée de : M. Robin Reda, président ; M. Meyer Habib, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe et Mme Laurence Vichnievsky, vice-présidents ; M. Buon Tan et Mme Michèle Victory, secrétaires ; Mme Caroline Abadie, rapporteure ; Mme Stéphanie Atger, M. Belkhir Belhaddad, M. Bertrand Bouyx, M. Jean-François Eliaou, M. Laurent Garcia, M. Raphaël Gérard, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Fadila Khattabi, M. Michel Lauzzana, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Sabine Rubin, Mme Nathalie Sarles, Mme Alexandra Valetta Ardisson.

 


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SOMMAIRE

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Pages

avant-propos du président

Synthèse des recommandations

introduction

I. entre permanences et évolutions, loin d’être de simples reliquats du passé, le racisme et l’antisémitisme s’expriment à un niveau extrêmement préoccupant et appellent une réponse universaliste déterminée

A. racisme et antisémitisme, apparus dans un contexte politique, économique, social et culturel particulier, ont fait l’objet de critiques dès leur origine

1. Naissance et développement du racisme biologique

2. L’antisémitisme, une relecture racialiste de l’antijudaïsme apparue à la fin du XIXe siècle

3. Le racisme biologique discrédité par la science et condamné par les instances internationales après 1945

4. Des phénomènes combattus au nom des valeurs républicaines

B. Un fléau qui continue de fragiliser la cohésion de la société

1. Rappel de certains concepts d’analyse : racisme scientifique, racisme culturel et racisme institutionnel

2. Les normes constitutionnelles et supranationales au fondement de la lutte contre le racisme

3. Une coexistence de formes anciennes ou renouvelées et d’autres plus récentes, dans le cadre de la digitalisation de l’expression raciste

4. L’expression des rejets et les populations victimes à travers les enquêtes d’opinion et les éléments statistiques du service central du renseignement territorial (SCRT)

a. Le racisme anti-Noirs ne recule pas malgré un « indice de tolérance » élevé

b. L’antisémitisme, en très nette hausse depuis 2017, s’approche des niveaux les plus hauts observés depuis 2000

c. Le racisme anti-Asiatiques, patent en 2020, ne doit plus être sous-estimé

d. Les actes de rejet et de haine dirigés contre les Arabes et les musulmans connaissent la plus forte hausse en 2019

e. Le rejet des populations roms

5. Les statistiques disponibles objectivent une recrudescence des actes et propos racistes

a. Les statistiques du ministère de l’intérieur sur les plaintes, les signalements et les actes à caractère raciste ou antireligieux

i. Les statistiques sur les plaintes du SSMSI

ii. Les chiffres du renseignement territorial sur les actes antireligieux

iii. Les signalements relatifs à la haine en ligne

b. Les infractions constatées et condamnées par le ministère de la justice : une hausse du nombre des affaires traitées et un grand nombre d’infractions du discours

i. Un nombre d’affaires qui augmente en 2018 et 2019 après une forte baisse entre 2016 et 2017

ii. Un taux de classement sans suite élevé

iii. Un taux de relaxe élevé, un nombre de condamnations faible mais en progression

c. Les enquêtes du ministère de l’éducation révèlent une proportion relativement faible d’actes racistes parmi les incidents constatés

C. Le modèle universaliste fonde la lutte contre le racisme et l’antisémitisme

1. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme ne peut être efficace que si elle reste universelle et refuse les dérives communautaristes et particularistes

a. Un modèle universaliste à défendre face à l’influence croissante du multiculturalisme

b. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme ne doit pas générer une concurrence des mémoires et une fragmentation victimaire de la société française

c. La lutte contre le racisme et l’antisémitisme doit être universelle

2. Les statistiques ethno-raciales : une entorse à notre modèle universaliste qui présenterait des risques, et peu d’avantages

a. Les statistiques ethniques sont très encadrées par la Constitution

i. Une généralisation des statistiques ethniques se heurterait à des objections de principes

ii. Certaines statistiques ethniques sont possibles, très encadrées par la Constitution

b. Les statistiques ethniques reposant sur un référentiel ethno-racial ne sont pas nécessaires pour parvenir à l’objectif qui justifierait leur instauration

i. La loi permet un recours large aux enquêtes sur l’origine

ii. L’intérêt de statistiques ethniques de type anglo-saxon serait limité

D. la transmission du passÉ, colonne vertébrale de la République, au cœur du travail de fond contre le racisme et l’antisémitisme

1. Connaître

2. Reconnaître

a. L’adoption de lois mémorielles

b. L’inscription de la mémoire dans l’espace public

c. La création de musées, mémoriaux et fondations

3. Faire connaître

a. Le rôle de l’enseignement de l’histoire à l’école

b. Le rôle des musées et des lieux de mémoire

II. Le racisme dans la loi et LA RÉPONSE PÉNALE AUX INFRACTIONS RACISTES

A. LA QUESTION DU RACISME DANS LA POLICE

1. La critique d’une police « structurellement raciste » n’est pas fondée

a. Une image de « racisme » associée depuis longtemps à la police

b. Il n’existe pas de « racisme policier institutionnel »

i. Les chiffres appellent à nuancer l’idée d’un « racisme policier »

ii. Une police « à l’image de la population »

iii. Il existe un racisme à l’encontre des policiers de couleur

2. Des mécanismes de prévention, de contrôle et de sanction pour combattre les comportements racistes au sein de la police et de la gendarmerie

a. Des règles déontologiques contrôlées et sanctionnées par la hiérarchie

i. Une déontologie rigoureuse qui prohibe tout comportement raciste

ii. Un rôle essentiel de la hiérarchie pour sanctionner les manquements

b. Des mécanismes internes de prévention et de signalement

i. Des réseaux de référents spécialisés dans les questions de racisme

ii. La possibilité de contourner la hiérarchie : signal-discri et stop-discri

c. Des services d’inspection dotés de pouvoirs d’enquête importants

3. Les contrôles d’identité : au cœur des tensions actuelles entre la police et certaines catégories de populations

a. Des contrôles propices à la discrimination indirecte

i. Les études de terrain semblent corroborer la notion de « contrôle au faciès »

ii. Les contrôles d’identité révèleraient plutôt des discriminations sociales indirectes liées au sexe, au lieu d’habitation et à la tenue vestimentaire

b. Un cadre juridique excessivement souple et pourtant inefficace, qui devrait être réformé

i. La pratique du contrôle d’identité n’est pas suffisamment encadrée

ii. La finalité et l’efficacité du contrôle d’identité sont incertaines

iii. Une réflexion nécessaire pour rendre le contrôle d’identité à la fois moins discrétionnaire et plus efficace

B. LE CADRE JURIDIQUE DES INFRACTIONS À CARACTÈRE RACISTE DOIT ÊTRE ACTUALISÉ SUR LA « HAINE EN LIGNE »

1. Un cadre légal pour partie plus que centenaire : infractions de presse, infractions de droit commun et circonstances aggravantes

a. Infractions de presse : la loi du 29 juillet 1881

i. Trois incriminations : la provocation à la haine, la diffamation et l’injure à caractère raciste

ii. Un régime particulier : le délit de négationnisme

iii. Des règles de procédure qui se sont rapprochées des règles de droit commun pour les infractions de presse à caractère raciste

b. Infractions de droit commun et circonstance aggravante de racisme

i. Violences contraventionnelles et discriminations commises à raison de la race

ii. La généralisation de la circonstance aggravante de racisme

2. Un cadre législatif équilibré et fortement contraint par la nécessité de respecter certains droits et principes de valeur constitutionnelle

a. La justice se heurte à la difficulté de démontrer le caractère raciste d’une infraction

b. La liberté d’expression est un droit fondamental qui apparaît déjà suffisamment bien encadré

c. Le régime procédural de la loi sur la liberté de la presse paraît équilibré

3. La « haine en ligne » : un enjeu plus récent, encore mal appréhendé par la législation

a. Une responsabilité limitée des acteurs de l’internet

i. Régime de responsabilité des éditeurs

ii. Régime de responsabilité des prestataires de services

b. Les exigences constitutionnelles relatives à la liberté d’expression au regard d’une responsabilité accrue des plateformes

i. Le nouveau mécanisme proposé par la « loi Avia » constituait une atteinte excessive à la liberté d’expression

ii. De nouvelles perspectives pour « responsabiliser » les plateformes dans le respect des normes constitutionnelles

c. De nouveaux acteurs spécialisés dans la lutte contre les infractions de haine commises en ligne

i. La mise en place d’un pôle national spécialisé dans la « haine en ligne »

ii. PHAROS : une cellule au rôle majeur dont il conviendrait de renforcer les moyens

iii. L’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH)

d. Les procédures civiles de retrait : des solutions plus efficaces que la voie pénale

i. Le référé spécifique prévu par la loi sur la liberté de la presse

ii. La procédure plus efficace prévue par la loi « économie numérique »

iii. Une réforme en cours pour remédier à la problématique des « sites miroirs »

C. LA RÉPONSE PÉNALE doit Être AMÉLIORÉE

1. Des difficultés à recueillir les plaintes et à administrer la preuve qui appellent un meilleur accueil des plaignants

a. Des plaintes insuffisamment nombreuses et qui peinent à aboutir

i. Un taux de signalement bas

ii. Un taux d’élucidation faible, qui s’explique par les difficultés de la preuve

b. Des efforts en cours pour améliorer la qualité de l’accueil dans les commissariats et inciter les victimes à se faire accompagner en ligne

i. Un meilleur accueil dans les commissariats et gendarmeries

ii. Faciliter l’accompagnement des victimes en ligne

iii. Il s’agirait à présent de donner aux victimes la possibilité de porter plainte en ligne

2. L’importance de la formation des magistrats et policiers aux enjeux de la lutte contre le racisme

a. La formation des magistrats

i. La formation continue centralisée : une session de six jours dédiée au racisme

ii. La formation continue décentralisée et outils pédagogiques

b. La formation des policiers et gendarmes

i. La formation initiale

ii. La formation continue

iii. La formation des policiers et gendarmes doit être renforcée

c. Favoriser la diversité sociale dès le recrutement

3. La nécessité d’une politique pénale adaptée

a. Poursuivre la spécialisation des magistrats du parquet

i. Le renforcement des « pôles anti-discriminations » au sein des parquets

ii. Le rôle essentiel des « magistrats référents » en matière de racisme

b. Encourager les stages de citoyenneté et sanctions pédagogiques

i. Les stages de citoyenneté

ii. La peine complémentaire d’affichage et de diffusion

III. lutter contre les Inégalités et les discriminations et tenir la promesse républicaine

A. le traitement des discriminations interdites par la loi doit être amélioré

1. Des évolutions majeures du droit français dans les années 2000, sous l’impulsion du droit européen

a. Les années 2000 ont été marquées par la loi de lutte contre les discriminations, la création de la HALDE puis celle du Défenseur des droits

b. Le code du travail prévoit des aménagements spécifiques mais le recours contentieux demeure très difficile

2. Les études disponibles attestent de discriminations persistantes

a. Différents types de résultats sont disponibles tendant à démontrer que la situation ne progresse pas, en particulier pour les personnes d’origine maghrébine ou subsaharienne

b. Les discriminations dans l’emploi

i. Des écarts inexpliqués dans l’accès à l’emploi qui perdurent à un niveau élevé pour certaines populations

ii. L’accès à l’emploi public n’est pas exempt de discriminations

c. Les discriminations dans l’accès au logement

i. L’accès au parc social

ii. Les discriminations dans l’accès au logement privé

B. répondre aux discriminations et aux inégalités

1. Des réponses variées et à différents niveaux, qui demeurent complexes à appréhender dans leur ensemble et imposent une forte coordination

a. La France dispose d’atouts dans la coordination : le rôle spécifique de la DILCRAH doit être renforcé

b. Un grand nombre de ministères impliqués et moteurs

c. Des politiques publiques qui doivent être renforcées en faveur l’accès à l’emploi des primo-arrivants

2. Mettre en valeur et soutenir les actions portées par les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile

3. Un effort particulièrement important à faire dans l’entreprise

a. Le sujet de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine reste tabou dans le monde de l’entreprise

b. Renforcer les obligations pesant sur les entreprises

4. Renforcer la lutte contre les préjugés

a. Porter une attention accrue aux biais raciaux implicites et limiter la charge morale pesant sur les discriminations liées à l’origine

b. Combattre les préjugés par la coopération en vue d’un objectif commun et les interactions

c. Poursuivre une politique d’ensemble de déconstruction des stéréotypes et mettre en avant les parcours exemplaires

d. Le rôle spécifique des médias

C. Soutenir et déployer plus largement les outils mettant concrètement en œuvre les principes républicains a l’école

1. Le rôle de l’éducation dans la lutte contre les discriminations

2. La nécessité d’une mobilisation de l’ensemble de l’équipe pédagogique et de toutes les disciplines pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme

a. La place centrale des savoirs fondamentaux et de l’enseignement moral et civique

b. La formation initiale et continue des équipes pédagogiques à la lutte contre le racisme et les discriminations doit être renforcée

c. La lutte contre le racisme et les discriminations passe par l’engagement de toute une équipe pédagogique

3. La nécessité de mettre en œuvre une politique scolaire qui garantisse l’égalité des chances et favorise la mixité sociale

a. L’impact central des inégalités sociales

b. Orientation et perception des inégalités centrées sur la question des discriminations selon l’origine

c. Les dispositifs pour remédier aux inégalités dans l’accès à l’enseignement supérieur

ConClusion

TRAVAUX DE LA MISSION D’INFORMATION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

ANNEXES

CONTRIBUTIONS ÉCRITES DES MEMBRES DE LA MISSION D’INFORMATION

Contribution de Mme sabine Rubin, membre de la mission d’information

contribution de m. buon tan, secrÉtaire de la mission d’information

CONTRIBUTION DE MME MIchÈle victory, SECrétaire de la mission d’INFORMATION

Consultation dU centre europÉen de recherche et de documentation parlementaire (CERDP)

avis du défenseur des droits n° 20-11 émis pour l’audition par la mission d’information


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   avant-propos du président

 

La mission d’information sur les différentes formes de racisme et les réponses à y apporter, créée par la Conférence des Présidents, a travaillé sereinement, en prenant la hauteur de vue nécessaire à un débat complexe et passionné. Sans omettre les faits d’actualité qui, en France comme à l’étranger, sont venus entacher la réputation des Institutions par les faits isolés de quelques-uns, notamment de la Police, notre mission s’est prémunie de la facilité de l’émotion et de la généralisation.

Renouveler le discours de la lutte contre le racisme dans toutes ses dimensions doit redevenir une cause nationale. Dans une société qui se dit de plus en plus tolérante, les actes de haine racistes ou antisémites se font toujours trop nombreux et toujours plus violents. La recherche du conflit, l’adrénaline guerrière, la bêtise des préjugés blessent et tuent encore. Pour y faire face, notre arsenal judiciaire est ancien et puissant, il n’en reste pas moins sous-mobilisé par les victimes. Nous ne pouvons passer sous silence le rôle des réseaux sociaux où se déchaîne chaque jour la haine raciste, entre suppliciés exposés en public et bourreaux fâcheusement anonymes.

Pour mieux endiguer le racisme que peuvent subir certains de nos concitoyens, la France doit en revenir urgemment à sa tradition universaliste. L’universalisme républicain ne reconnaît pas autre chose que des êtres humains, quelles que soient les différences physiques ou culturelles. Il est notre rempart face à l’importation de luttes, auxquelles une partie de nos concitoyens – particulièrement les plus jeunes – sont sensibles. Ces nouveaux antagonismes cherchent à introduire une lecture ethnique et différentialiste de la société, au nom de la lutte contre les discriminations. Tout comme la laïcité, qui est injustement assimilée à un racisme d’État, et qui demeure incomprise par exemple dans le monde anglo-saxon, nous devons défendre la cause universaliste qui fonde notre pacte d’intégration et de vie commune.

Si le modèle républicain doit renouer avec sa promesse d’émancipation des individus quelles que soient leurs origines, en favorisant notamment l’émergence de modèles de réussite et en renouvelant le travail de mémoire sans opposer les passés et les consciences, il n’est pas voué à se laisser engluer dans la revendication des identités multiples et la partition communautaire. Les nouvelles formes de racisme viennent aussi de ces nationalismes de l’intérieur que peuvent encourager les communautarismes et les identités exacerbées.

Nous devons tout autant nous méfier des relectures erronées de l’Histoire, où d’aucuns cherchent à justifier une concurrence mémorielle et la revendication de droits supplémentaires. La France fut un Empire colonial et ses parts d’ombres ne doivent pas être passées sous silence. Les motifs de victimisation anachroniques que tentent cependant de distiller les penseurs « décoloniaux » et autres partisans des recherches universitaires liées à « l’intersectionnalité » des luttes ne vont pas dans le sens d’un renouvellement positif de la lutte contre toutes les formes de racisme.

C’est pourquoi ce travail parlementaire est aussi l’occasion de réaffirmer avec force et lucidité le combat commun des élus de la République contre les tentations toujours latentes de revendiquer des différences d’origine pour distinguer des citoyennetés comme par ailleurs une quelconque supériorité ou privilège.   Comme l’a exprimé M. Jean-Pierre Chevènement dans notre mission : « Je pense que l’universalisme républicain ne s’accommode pas de ce renversement et qu’il faut combattre ceux qui veulent créer ce racisme à l’envers ».

Il revient à notre pays dans toutes ses composantes de ne pas donner raison à ceux qui recherchent la fracture. La République doit se montrer exemplaire dans la lutte contre les discriminations, dans l’accès aux services publics, à l’emploi ou encore au logement. Cette exemplarité est aussi portée par ceux qui maintiennent l’autorité publique et font fonctionner nos institutions judiciaires. Nous devons les prémunir des erreurs d’appréciation et des comportements incompatibles avec l’égal traitement auquel chacun a le droit sur notre sol.

Cette remobilisation contre toutes les formes de racisme conduit enfin à repenser nos structures éducatives, pour que dès le plus jeune âge se forge une société française apaisée, où un destin commun réconcilie les identités.

 

 


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   Synthèse des recommandations

I. ENTRE PERMANENCES ET ÉVOLUTIONS, LOIN D’ÊTRE DE SIMPLES RELIQUATS DU PASSÉ, LE RACISME ET L’ANTISÉMITISME S’EXPRIMENT À UN NIVEAU EXTRÊMEMENT PRÉOCCUPANT ET APPELLENT UNE RÉPONSE UNIVERSALISTE DÉTERMINÉE

Recommandation n° 1

La politique de lutte contre le racisme et l’antisémitisme doit demeurer fondée sur les principes universels de la République qui assure l’égalité devant la loi des citoyens, quelles que soient leurs origines et leurs caractéristiques.

Recommandation n° 2

Augmenter le nombre de postes de professeurs et de maîtres de conférences dédiés aux sujets des génocides, de l’esclavage et de la colonisation et créer des postes « fléchés » au Centre national de la recherche scientifique.

Recommandation n° 3

Traduire l’évolution des politiques mémorielles en érigeant des statues ou stèles ou en choisissant des noms de rue et de bâtiments qui, d’une part, prennent en compte la diversité et, d’autre part, commémorent la résistance à l’esclavage ou à la colonisation.

Recommandation n° 4

Favoriser la diffusion d’une information scientifique de qualité permettant de comprendre la pluralité des traces mémorielles dans l’espace public et de les replacer dans leur contexte.

Recommandation n° 5

Développer une offre de formation spécifique destinée aux adjoints aux maires en charge des questions culturelles, des affaires scolaires et de la jeunesse afin de les sensibiliser à leur rôle essentiel en matière d’histoire et de lutte contre le racisme.

Recommandation n° 6

Créer un musée d’histoire de la colonisation qui s’appuie, d’une part, sur des expositions itinérantes et, d’autre part, sur des outils numériques permettant de toucher de manière pérenne un large public.

Recommandation n° 7

Apporter un soutien public, en particulier d’ordre financier ou logistique, au plus près des acteurs, aux réseaux de professeurs qui se constituent en vue de diffuser des outils pédagogiques disponibles pour l’ensemble de la profession et le grand public.

Recommandation n° 8

Renforcer le nombre des heures consacrées à l’histoire-géographie ainsi qu’à l’enseignement moral et civique dans l’enseignement primaire et secondaire.

Recommandation n° 9

Faire évoluer les programmes d’histoire du lycée en y ajoutant un thème qui permette de traiter de la question du racisme et de l’antisémitisme de manière diachronique.

Recommandation n° 10

Promouvoir une mise à jour plus rapide des manuels scolaires aux programmes adaptés aux histoires locales aussitôt qu’une réforme est mise en œuvre.

Recommandation n° 11

Porter une attention accrue à l’évolution de la présentation des collections dans les musées afin de renforcer la place de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation.

II. LE RACISME DANS LA LOI ET LA RÉPONSE PÉNALE AUX INFRACTIONS RACISTES

Recommandation n° 12

Mener, dans le cadre du « Beauvau de la sécurité », une analyse des besoins spécifiques d’encadrement par la hiérarchie policière, en réexaminant en particulier les difficultés rencontrées dans les obligations de rapportage et de veille hiérarchique ainsi que celles qui sont liées à l’affectation des jeunes policiers et à la composition des équipages dans les zones les plus sensibles.

Recommandation n° 13

Accroître les moyens humains dont disposent concrètement les « référents égalité diversité »  pour la gendarmerie – et les « référents racisme-antisémitisme-discriminations » – pour la police  pour se consacrer à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Recommandation n° 14

Renforcer le rôle de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en matière d’audit, de conseil, d’analyse des pratiques et des règles professionnelles, de prévention et de maîtrise des risques, afin de mieux assurer le respect des règles de déontologie et le traitement pérenne des questions de fond.

Recommandation n° 15

Prévoir la présence d’un magistrat et d’un représentant du Défenseur des droits au sein des équipes de l’IGPN et de l’IGGN.

Recommandation n° 16

Mener une large concertation en vue d’une réforme du cadre légal applicable aux contrôles d’identité afin d’améliorer leur efficacité et de réduire les risques de contrôles discrétionnaires.

Recommandation n° 17

Rappeler auprès des magistrats les règles détaillées par la circulaire du 20 avril 2017 de présentation des dispositions de droit pénal ou de procédure pénale de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, s’agissant des circonstances aggravantes.

Recommandation n° 18

Renforcer les moyens de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de regroupement et d’orientation des signalements (PHAROS).

Recommandation n° 19

Étendre aux victimes de racisme, d’antisémitisme et de discrimination le dispositif permettant de déposer une plainte en ligne.

Recommandation n° 20

Renforcer la formation initiale et continue des policiers et des gendarmes en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations raciales.

Recommandation n° 21

Encourager, au sein de la police et de la gendarmerie, la formation par les pairs et les initiatives internes pour lutter contre les préjugés racistes.

Recommandation n° 22

Développer les échanges au sein du réseau des « magistrats référents » sur le racisme afin d’assurer une animation plus efficace de la politique pénale en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

III. LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS ET LES DISCRIMINATIONS ET TENIR LA PROMESSE RÉPUBLICAINE

Recommandation n° 23

Analyser précisément les freins limitant l’impact de l’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations en fonction de l’origine et mener une concertation avec les partenaires sociaux et les associations sur les moyens d’atteindre une réelle effectivité.

Recommandation n° 24

Mieux coordonner les efforts de la recherche publique en matière de discriminations en fonction de l’origine pour assurer une mesure et un suivi pérennes.

Recommandation n° 25

Mettre en œuvre un suivi rigoureux des discriminations fondées sur l’origine dans l’accès à l’emploi public.

Recommandation n° 26

Intensifier les efforts en vue du déploiement des classes préparatoires intégrées sur l’ensemble du territoire. Les classes préparatoires intégrées doivent être plus nombreuses, mieux réparties sur le territoire, faire l’objet de moyens renforcés et d’un suivi général des résultats en matière de diversité des recrutements.

Recommandation n° 27

Renforcer la formation initiale et continue des agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine, en particulier s’agissant des cadres et des agents exerçant des fonctions d’accueil et de contact.

 

Compléter le Schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État par une formation plus spécifique relative à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine.

Recommandation n° 28

Renforcer le recours aux tests de discrimination organisés selon un plan de déploiement précis et prévoyant des contrôles répétés par les pouvoirs publics, qui doivent en assurer un suivi pérenne.

Recommandation n° 29

Assurer le suivi des effets de la mise en œuvre des obligations de formation des professionnels de l’immobilier en matière de lutte contre les discriminations raciales.

Recommandation n° 30

Porter, dans le prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, une attention spécifique à la lutte contre le racisme anti-Roms.

Recommandation n° 31

Relever la dotation annuelle de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT à 10 millions d’euros.

Recommandation n° 32

Assurer, dans le cadre d’une consolidation pérenne, une meilleure visibilité des crédits alloués par les différents ministères à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.

Recommandation n° 33

Redonner à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations sa portée de politique générale et en faire une priorité politique de premier plan.

Recommandation n° 34

Fixer, dans le cadre du futur plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2021-2023, la priorité de la professionnalisation de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte, dans le secteur public comme dans le secteur privé, notamment par un déploiement très vaste de mesures en faveur de la formation.

Recommandation n° 35

Conforter la signature de contrats territoriaux pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations entre la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et des collectivités territoriales et l’accompagnement des collectivités par la DILCRAH.

Recommandation n° 36

Mettre en œuvre une plateforme nationale de pilotage de la question du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations dans les organisations, présentant des éléments de droit, en particulier sur les possibilités en matière de diagnostic et de statistique, ainsi que des outils de réflexion, de méthode et de partage de bonnes pratiques. Cette plateforme devrait être accessible à l’ensemble des acteurs publics et privés.

Procéder, sur cette plateforme, au recensement et à la valorisation des actions de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Recommandation n° 37

Expliciter clairement, en direction des entreprises, quelles sont les mesures attendues de leur part en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine, dans l’accès à l’emploi mais aussi dans le déroulement de la carrière.

 

Recommandation n° 38

Mettre en place une concertation entre l’État et les branches professionnelles, impliquant les représentants syndicaux des entreprises et des salariés, sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine.

Recommandation n° 39

Porter une attention accrue à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations dans l’entreprise dans le prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et renforcer l’impact du label diversité avec une évaluation des résultats.

Recommandation n° 40

Modifier l’article L. 225-102-1 du code de commerce afin de systématiser la publication, dans la déclaration de performance extra-financière, des informations de l’entreprise relatives à la lutte contre les discriminations en fonction de l’origine et étendre les obligations à la lutte contre le racisme.

Recommandation n° 41

Étendre les obligations de formation à la non-discrimination dans les entreprises de plus de 300 salariés :

– aux entreprises de plus de cinquante salariés ;

– au racisme, à l’antisémitisme et à la non-discrimination ;

– dans le recrutement et dans le déroulement de la carrière ;

– ainsi qu’aux cadres participant au processus de recrutement et de suivi de la carrière, qu’ils appartiennent ou non au service des ressources humaines de l’entreprise.

Recommandation n° 42

Prévoir, au sein du comité social et économique, la désignation obligatoire d’un référent contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations fondées sur l’origine.

Recommandation n° 43

Imposer, aux grandes entreprises et administrations, compte tenu de l’enjeu sociétal afférent aux discriminations dans l’emploi, un autodiagnostic régulièrement renouvelé, et réalisé deux fois au cours des cinq prochaines années, relatif au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations raciales.

Recommandation n° 44

Informer sur le concept des biais raciaux implicites et permettre de dédramatiser la charge morale derrière la discrimination liée à l’origine. À cette fin, mener une campagne nationale contre les discriminations pour que chacun, à la place qui est la sienne, prenne conscience qu’il peut agir concrètement contre le racisme et les discriminations et qu’il s’agit d’un enjeu national, pas seulement des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Recommandation n° 45

Lutter de manière résolue, dès la petite enfance, contre la constitution et la diffusion de préjugés fondés sur l’origine et inviter la DILCRAH à proposer plus systématiquement d’exercer son rôle de conseil et d’analyse en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations s’agissant des manuels scolaires d’enseignement moral et civique et de sciences sociales que les éditeurs peuvent lui soumettre.

Recommandation n° 46

Soutenir et mieux faire connaître les actions des associations tendant à faire émerger et faire connaître des modèles de réussite.

Recommandation n° 47

Renforcer le travail des députés, notamment en lien avec les associations œuvrant en matière de lutte contre le racisme et les discriminations et de promotion de la diversité, pour mettre en valeur des modèles de réussite.

Recommandation n° 48

Renforcer l’éducation aux outils numériques par la délivrance, à l’issue de l’école primaire et du collège, d’une attestation certifiant que les élèves ont bénéficié d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux, aux dérives et risques liés notamment aux contenus haineux et illicites, ainsi qu’aux fonctionnements et biais technologiques de ces outils.

Recommandation n° 49

Renforcer dès à présent la formation, particulièrement continue, des équipes pédagogiques à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Recommandation n° 50

Renforcer l’information des établissements scolaires sur la Semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme et sur les différentes journées de commémoration et inciter la communauté pédagogique à mettre en place des actions interdisciplinaires à ces occasions.

Recommandation n° 51

Renforcer l’action des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Promouvoir la création plus systématique de comités interdegrés et interétablissements pour une meilleure continuité de l'action éducative et un meilleur ancrage des comités dans le réseau territorial.

Recommandation n° 52

Entreprendre une ambitieuse politique de révision de la carte scolaire, qui associe les collectivités territoriales, le ministère de l’éducation nationale et les parents d’élèves et qui s’accompagne d’un développement des options dans les collèges et lycées qui sont jugés moins attractifs que d’autres.

Recommandation n° 53

Veiller à la stricte application du décret n° 2020-811 du 29 juin 2020 précisant les pièces pouvant être demandées à l’appui d’une demande d’inscription sur la liste municipale recensant les enfants soumis à l’obligation scolaire.

Recommandation n° 54

Renforcer les dispositifs en faveur de l’intégration dans les grandes écoles de lycéens ou d’étudiants boursiers et permettant une meilleure mixité sociale.

Recommandation n° 55

Anonymiser le nom du lycée d’origine du candidat dans Parcoursup et le remplacer par un indicateur permettant de déterminer si le lycée sous-note ou sur-note.

Recommandation n° 56

Accroître la visibilité et renforcer le rôle concret des référents « racisme-antisémitisme » dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Recommandation n° 57

Permettre aux étudiants ultramarins, lorsqu’ils arrivent dans l’Hexagone, de bénéficier d’un soutien renforcé et tenir compte de l’éloignement de leurs attaches familiales.

 


—  1  —

   introduction

La présente mission d’information a été créée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2019, jour de l’adoption par l’Assemblée nationale de la résolution présentée par notre collègue Sylvain Maillard visant à lutter contre l’antisémitisme ([1]).

Du fait du contexte sanitaire, la mission d’information s’est constituée et a débuté ses auditions le 24 juin 2020.

La nécessité d’examiner en détail les questions de racisme et d’antisémitisme a été établie avant les événements du printemps 2020 et la mort de George Floyd aux États-Unis. Le mouvement Black Lives Matter qui l’a suivi a profondément impacté l’ensemble des démocraties occidentales. Il convient de ne pas se méprendre : la mobilisation observée en France, en particulier de la jeunesse, n’a pas une cause étrangère à la France et n’a pas été « simplement [un] objet d’importation », comme le rappelait M. Pap Ndiaye, historien, au cours de l’audition du 9 septembre 2020 ([2]).

La présente mission d’information n’a pas été une « mission de l’émotion », comme votre président et votre rapporteure l’ont rappelé au cours des auditions. Elle a au contraire cherché à dépassionner des sujets extraordinairement sensibles et à prendre le recul nécessaire pour analyser dans la durée les éléments de connaissance disponibles. L’actualité a toutefois bien entendu influencé les travaux de votre rapporteure et leurs conclusions, s’agissant en particulier de donner à cette question une plus juste place dans nos politiques publiques. Les nombreuses affaires ayant éclaté en 2020 ont démontré que le racisme et l’antisémitisme s’expriment dans de nombreux champs et que toute tolérance à leur endroit doit être écartée.

Racisme, inégalités et discrimination raciale sont des mots employés très largement dans le débat public et parfois comme étant de parfaits synonymes. Il n’en est rien. Une inégalité de traitement n’est pas nécessairement une discrimination, tout racisme n’emporte pas discrimination et les inégalités sociales ne se confondent pas exactement avec les inégalités raciales ou, plus largement, avec celles fondées sur l’origine. Il convient également de relever les difficultés soulevées par certains termes. Celui d’« islamophobie » n’est pas synonyme de « haine ou rejet des musulmans », il peut aussi désigner la critique de l’islam permise au nom de la liberté de conscience, et, dès lors, il faut se garder de toute instrumentalisation religieuse à visée politique et bien distinguer ce qui est prohibé (l’atteinte aux personnes) de ce qui ne l’est pas (la critique ou la satire d’une religion). Votre rapporteure observe que les personnes qui emploient ce terme précisent souvent l’acception propre qu’elles en retiennent, ce qui n’est pas de nature à clarifier les choses.

La question du racisme et de l’antisémitisme, ainsi que, plus largement, des discriminations vécues par nombre de nos concitoyens, est centrale, non seulement pour eux, mais pour la République dans son entier. Laisser perpétrer des infractions racistes et discriminatoires serait une faute.  En effet, la tolérance et la communauté de destin entre les habitants d’un même pays ne vont pas de soi. Racisme et antisémitisme sont protéiformes, se renouvellent ou se réactivent. Les indices que la tolérance progresse sont toutefois bien attestés par les travaux de la Commission nationale consultative des droits de l’homme : seuls 6 % des Français interrogés dans le cadre du baromètre « racisme » de 2019 estiment qu’il « y a des races supérieures à d’autres ». 56 % des personnes pensent que « toutes les races humaines se valent » et 32 % que « les races humaines n’existent pas ([3]) ». 60% des sondés se disent « pas racistes du tout », contre 28 % au début des années 2000 ([4]). Pour autant, les actes et discours racistes et antisémites connaissent une hausse très inquiétante, depuis 2018. Sur le long terme, depuis 1992, la tendance est même celle d’une hausse continue des actes racistes recensés par le service central du renseignement territorial.

Comment expliquer le si faible nombre des condamnations ? Comment, réguler le puits de haine qu’est parfois internet, dont les « haineux professionnels » ou les « haineux du quotidien », pour reprendre les termes de M. Éric Dupond-Moretti, ministre de la justice, garde des Sceaux, devant la mission d’information ([5]), exploitent les lacunes de la réglementation, européenne comme nationale ? Les efforts menés ces dernières années, en particulier par notre collègue Laetitia Avia, portent leurs premiers fruits mais doivent être poursuivis avec détermination. Mobiliser le terme de racisme, c’est condamner définitivement l’auteur, quand bien même il s’agirait d’une personne victime de ses propres biais raciaux inconscients. Comment progresser sur un sujet aussi sensible, en évitant toute culpabilisation inutile, voire contre-productive ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles votre rapporteure a cherché à répondre.

Votre rapporteure, comme votre président, ont souhaité entendre très largement l’ensemble des parties prenantes. Ainsi, 81 auditions ont été menées, dont les comptes rendus figurent au tome II du présent rapport, ayant permis d’entendre plus de 180 personnes, universitaires spécialistes de différentes disciplines, associations et acteurs de la société civile, collectivités territoriales ou personnalités, qui ont bien voulu partager avec la mission d’information leurs connaissances et leur expertise pour enrichir sa réflexion. Votre rapporteure et votre président souhaitent les remercier vivement pour leur investissement dans ces échanges. Ils soulignent également l’implication des autorités et institutions publiques, des ministères et des ministres Jean-Michel Blanquer, Éric Dupond-Moretti et Élisabeth Moreno, qui ont été auditionnés et ont témoigné de l’importance accordée aux questions posées par la mission d’information, ce dont il convient de se féliciter.

Votre mission d’information n’a bien entendu pas mené autant de déplacements qu’elle l’aurait souhaité, compte tenu de la crise sanitaire actuelle. Elle a toutefois pu effectuer un déplacement très riche à la Martinique et entendre par visioconférence M. Jean-François Colombet, préfet de Mayotte, ainsi que des acteurs européens et britanniques de premier plan ([6]).

Reconnaître et traiter durablement le racisme, l’antisémitisme et les discriminations à l’œuvre, ce n’est certainement pas alimenter la victimisation, qui n’apporte aucune solution concrète aux personnes confrontées au racisme et tend au contraire à les enfermer. C’est être le plus efficace possible, en cherchant à connaître au mieux les mécanismes à l’œuvre, pour permettre aux personnes touchées d’agir en justice, de faire valoir leurs droits et de ne pas être durablement entravées dans leur parcours. La mobilisation de la chaîne pénale est impérative mais elle ne peut être isolée d’une politique d’ensemble.

Votre rapporteure estime à l’issue de ces auditions qu’il convient, aux côtés des tissus associatifs nationaux et locaux, qui tiennent à bout de bras la lutte contre le racisme dans un esprit universaliste depuis plusieurs décennies, que d’aucuns décrivent comme étant en perte de vitesse face à de nouvelles formes de mobilisation, que l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations fondées sur l’origine se professionnalisent. Cette professionnalisation doit en particulier passer par une formation initiale et continue singulièrement renforcée, dans la fonction publique comme dans les entreprises.

La mémoire collective n’a pas à être effacée ou refaçonnée a posteriori par des déboulonnages, elle doit au contraire être durablement enrichie et réorientée par de nouvelles statues et de nouvelles perspectives fondées sur la science actuelle. De nombreux historiens ont travaillé sur des réalités trop longtemps tues et ont patiemment mis au jour des parcours qui avaient parfois été sciemment laissés de côté. Votre rapporteure est convaincue que ce travail portera ses fruits.

Sans nier les phénomènes de racisme, de discrimination fondée sur l’origine et d’inégalités persistantes, il faut aussi rappeler et faire admettre qu’il y a bien davantage de réussites que d’échecs. Votre rapporteure constate que la jeunesse manque de modèles de représentation et qu’il convient de mettre en valeur les réussites individuelles, fondées sur des forces et une détermination personnelles, rendues possibles par notre République. Ce sont les héros des temps présents qui doivent être mis en avant. Votre rapporteure n’ignore pas, pour celles et ceux qui sont parvenus à une réussite exemplaire, toute la difficulté à être érigé en modèle, sur le fondement d’une origine, au risque de s’y voir sans cesse réduit. Elle estime donc que ce précieux travail de mise en valeur des parcours inspirants ne doit être ni caricatural ni caricaturé.

Les domaines concernés sont très vastes et impactés par de multiples problématiques. Le panel des solutions à déployer est très diversifié et impose une action publique résolue. Il convient à cet égard de souligner que les questions de racisme, d’antisémitisme et de discriminations ne doivent pas être uniquement prises en charge par le prisme de la politique de la ville, et plus spécifiquement de la politique en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Une telle approche serait trop réductrice.

Chacun est concerné par la dynamique à mettre en œuvre. Alléger la charge morale pesant sur les questions raciales, et admettre que tout le monde peut avoir des biais raciaux, constitue une étape centrale. Ces biais peuvent être, si l’on s’en donne les moyens, déconstruits, notamment par la rencontre de l’autre et le travail commun.

Le présent rapport traite dans une première partie des permanences et évolutions à l’œuvre et soutient la nécessité d’une réponse universaliste déterminée. La deuxième partie porte plus spécifiquement sur les défis posés à la police et à la justice pour répondre aux infractions racistes et la troisième partie traite des discriminations fondées sur l’origine.

La réponse préconisée par les présents travaux repose sur l’universalisme du modèle républicain. Votre rapporteure souscrit totalement aux propos tenus par Mme Élisabeth Moreno, ministre délégué chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, devant la mission d’information : « l’universalisme auquel nous croyons, le modèle républicain dont nous sommes si fiers fonctionne. Ne soyons pas myopes face à ces réalités silencieuses dont nous pouvons nous enorgueillir. Ce modèle, nous y sommes viscéralement attachés. Il fait la singularité de notre pays et, vu de l’étranger, suscite tantôt des interrogations ou des incompréhensions, tantôt de l’admiration. La tradition française est une conception abstraite de la citoyenneté, qui fait fi des singularités des individus. Elle est indépendante des genres, des croyances, des couleurs de peau et des orientations sexuelles. Soyons lucides, ce modèle est fortement bousculé. Il est remis en question par de nouvelles formes de discours, qui distillent dans le débat public l’idée qu’il existerait en France un « racisme d’État ». Je vous le dis tout net, la notion de racisme d’État est, à mes yeux, totalement infondée. »


I.   entre permanences et évolutions, loin d’être de simples reliquats du passé, le racisme et l’antisémitisme s’expriment à un niveau extrêmement préoccupant et appellent une réponse universaliste déterminée

A.   racisme et antisémitisme, apparus dans un contexte politique, économique, social et culturel particulier, ont fait l’objet de critiques dès leur origine

1.   Naissance et développement du racisme biologique

Dès l’Antiquité, les descriptions de populations étrangères véhiculent de profonds préjugés. Par exemple, Tacite décrit les Germains comme des êtres sales, léthargiques, faibles et peu sensibles. La différenciation repose alors sur le langage plutôt que sur la couleur de peau. Ainsi, les Grecs utilisent le terme de « Barbares », qui signifie « bègues ». L’idée de race, en tant que concept biologique, est étrangère à l’Antiquité. De même, si la xénophobie existe, il ne semble pas pour autant possible de parler de racisme et ce phénomène semble n’apparaître qu’à l’époque moderne ([7]).

Ainsi, comme l’a rappelé Mme Dominique Schnapper, sociologue et politologue, lors de son audition par la mission d’information, « la pensée raciale, c’est-à-dire la compréhension du monde en termes de races, […] s’est particulièrement développée aux XVIIIe et XIXe siècles, à la suite du progrès des connaissances scientifiques sur le vivant qui ont conduit à découper l’humanité en un certain nombre de races différentes et […] inégales ». Le racisme « est une théorie qui avait la prétention d’être une théorie scientifique et qui se définissait par deux affirmations. La première est qu’il existe des races humaines qui sont biologiquement différentes, donc inégales, avec l’idée que la race blanche était la plus la plus parfaite […] Il existait un lien nécessaire entre les caractéristiques biologiques qui définissaient la race et les comportements sociaux ([8]) » .

C’est au XVe siècle que le terme de race apparaît dans la langue française. Ce mot viendrait du terme italien « razza », qui désigne alors les catégories d’animaux reproduits pour la chasse ou la guerre (les chevaux et les chiens). Il est rapidement utilisé à propos des êtres humains, pour les classifier en fonction de qualités dont ils auraient hérité par la naissance ([9]). Ainsi, le Dictionnaire de Furetière de 1690 indique que le terme « race » s’applique à « des espèces particulières de quelques animaux » comme les lévriers ou les épagneuls mais qu’il signifie également « lignée, génération continuée de père en fils » et qu’il sert aussi à qualifier « une longue suite de Rois de la même lignée » ([10]). Le mot « race » peut servir à désigner un groupe d’individus ayant dans la société une fonction précise, qui se transmet par le sang. Ainsi, l’Histoire de l’ancien gouvernement de la France publiée en 1727 par le comte Henri de Boulainvilliers contribue à diffuser le mythe selon lequel la France est le théâtre d’un conflit entre deux races : une race supérieure franque, germanique et une race inférieure, gallo-romaine. Ce conflit remonterait à la conquête franque des Ve et VIe siècles, et aurait entraîné la domination de la noblesse sur les autres sujets du royaume ([11]).

Si le terme de « race » est employé pour la première fois en France pour décrire des catégories d’hommes qui se distinguent par des traits physiques dans un article publié en 1684 par le médecin et voyageur François Bernier dans le Journal des Sçavans, cette définition ne semble pas retenir l’attention de ses contemporains et elle n’est d’ailleurs jamais citée dans les traités coloniaux du XVIIIe siècle. En effet, le sens que Bernier donne au mot « race » n’apparaît dans les dictionnaires qu’au XIXe siècle ([12]). Ainsi, le dictionnaire de l’Académie française de 1835 reprend les définitions de « race » relatives aux animaux et à la lignée mais ajoute qu’il peut aussi désigner « une multitude d’hommes qui sont originaires du même pays, et se ressemblent par les traits du visage, par la conformation extérieure ([13]) ». M. François Héran, sociologue et démographe, a à cet égard rappelé au cours de son audition ([14]), présentant l’ouvrage Peasants Into Frenchmen : The Modernization of Rural France, 1880-1914, d’Eugen Weber, historien américain de la formation de la France au XIXème siècle : l’auteur « commence par citer des dizaines de textes qui montrent à quel point, lorsque les voyageurs parisiens allaient en province – cela pouvait commencer à Angers, au sud de la Loire – ils étaient frappés par la barbarie des habitants, leur sauvagerie, et leur méconnaissance de la langue. Ces gens-là appartenaient à une autre espèce. […] L’intégration de la France a été un processus très long et l’on est totalement étonné, à la lecture de ces textes, de voir à quel point les perceptions de l’époque voyaient des différences physiques chez les gens du Midi, les gens de l’Est, les gens du Nord, etc., et prétendaient être capables de différencier les gens en fonction de leur phénotype, de leurs apparences. D’une certaine manière, il y a une propension très forte à différencier les gens en fonction de leur apparence ou à tout faire pour que leur apparence puisse les différencier. »

C’est au tournant des XVIIIe et XIXe siècles que l’on passe d’une définition généalogique à une définition biologique de la race et que la couleur de peau devient un des éléments de cette définition. C’est également à cette époque que le racisme biologique commence à se développer (même si le terme de « racisme » n’apparaît qu’au début du XXe siècle). Le racisme, qui apparaît sur un terrain rendu favorable par l’existence du préjugé nobiliaire, est issu de la rencontre de deux phénomènes historiques majeurs : d’une part, la nécessité pour les planteurs des colonies de catégoriser les membres de la société coloniale en fonction de la couleur de la peau pour maintenir leur autorité sur les esclaves et leur prééminence sociale sur les affranchis et les libres de couleur ; d’autre part, le développement d’une pensée anthropologique qui classe et organise le monde physique selon des espèces hiérarchisées, dans un contexte où l’Occident se découvre une vocation à dominer le monde ([15]). La théorisation de la race qui en résulte gagne par la suite les cercles du pouvoir, du fait des liens entre les ministères et les cercles scientifiques ainsi que les milieux coloniaux.

Les travaux anthropologiques sur les crânes humains de l’Anglais White et des Français Cuvier ou encore Geoffroy Saint-Hilaire, qui sont réalisés à la fin du XVIIIe siècle, contribuent à accréditer l’idée d’une inégalité entre les groupes humains. Ils sont vulgarisés au début du XIXe siècle par les travaux d’anatomie comparée de Virey, qui conduisent à accréditer l’idée qu’il existe une corrélation entre caractéristiques morphologiques et développement des facultés intellectuelles et morales, qu’en outre ces facultés dépendent de l’organisation particulière du cerveau dans les différentes races ou encore que les Noirs auraient une capacité crânienne inférieure aux Blancs, ce qui les rendrait intellectuellement inférieurs ([16]). Virey considère que chaque race possède un potentiel de civilisation qu’elle ne peut pas dépasser ; dans l’essai sur les races qu’il publie en 1801, il distingue cinq races ([17]) et affirme que ce potentiel a déjà été atteint par les Égyptiens, les Incas et les Aztèques (qu’il groupe au sein d’une même race) mais ne l’a pas encore été par les Européens et que les Hottentots (qu’il groupe avec les Lapons dans une race) ne sont pas « civilisables ». Le discours raciste et fixiste qui se développe dans les milieux scientifiques devient progressivement dominant parce que les acteurs qui le portent vont peu à peu maîtriser les grandes institutions scientifiques, comme l’a souligné M. Frédéric Régent, historien, lors de son audition devant la mission d’information ([18]).

Ce discours raciste et fixiste s’inscrit dans le prolongement du « préjugé de couleur » qui existait au XVIIIe siècle, où persistait une ségrégation entre les libres blancs et les libres non blancs, même si la législation nationale ne faisait pas de distinction entre les personnes libres, quelle que soit leur couleur de peau. En effet, le XVIIIe siècle a connu une forme de réaction nobiliaire et un certain nombre de préjugés aristocratiques ont été transposés dans les colonies, ce qui a notamment conduit à décider qu’une personne qui aurait eu un ancêtre esclave africain ne pouvait devenir noble.

Les théories « scientifiques » racistes vont être utilisées par les planteurs pour maintenir leur domination menacée par le développement du mouvement abolitionniste et l’abolition de l’esclavage par la Convention en 1794. Comme l’a rappelé M. Frédéric Régent lors de son audition : « Le développement de l’idée de race et de l’utilisation du concept de race est observé concomitamment au recul de l’esclavage, à la fois au travers du mouvement abolitionniste et des abolitions effectives. La race devient un instrument pour perpétrer différemment une inégalité. Dans une société esclavagiste, l’inégalité est fondée sur le statut juridique des individus. Par la suite, l’inégalité est fondée sur une origine naturelle supposée différente des individus ([19]). »

Tout au long du XIXe siècle, les anthropologues poursuivent leurs travaux conduisant à élaborer un paradigme racial autour de plusieurs idées-forces : hiérarchisation des races humaines en fonction des caractères morphologiques restés plus ou moins proches de la bestialité, hiérarchisation des caractères culturels des sociétés humaines, hérédité des caractères intellectuels et moraux, inégalité des facultés intellectuelles et des possibilités de perfectibilité des races humaines ([20]). L’idée de hiérarchie des races, qui s’est développée à partir des années 1850, « est devenue une doxa en 1880-1890 », comme Mme Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne, l’a indiqué lors de son audition par la mission d’information ([21]).

Les théories scientifiques sur la hiérarchie des races servent à justifier le second mouvement de colonisation qui se développe au XIXe siècle et qui concerne l’Afrique, l’Asie et l’Océanie. En effet, ainsi que l’a rappelé Mme Carole Reynaud-Paligot, historienne et sociologue ([22]), au cours de son audition par la mission d’information, lors de ce second mouvement, « un ensemble de nations européennes, en voulant dominer d’autres nations, ont accompagné cette domination de discours dévalorisants pour la justifier, parce qu’il est plus facile de dévaloriser, d’inférioriser la personne que l’on veut dominer » ([23]). En France, ces théories permettent de justifier pourquoi les principes républicains n’ont pas à s’appliquer aux populations des colonies qui sont privées d’institutions représentatives, soumises au régime de l’indigénat voire contraintes au travail forcé. En effet, comme Mme Carole Reynaud-Paligot l’a mis en lumière par ses travaux consacrés au racisme sous la Troisième République, « les fondements naturalistes de cette pensée raciale ont permis d’atténuer les tensions entre universalisme républicain et différencialisme racial. En légitimant l’infériorité d’une partie de l’humanité par des considérations biologiques –  des différences physiques, physiologiques ou psychologiques héréditaires – , l’exclusion put s’imposer sans qu’il y ait remise en cause de l’universalisme et de ses idées d’égalité ([24]) ». Par exemple, si la France se présente sous la Troisième République comme chargée d’une mission civilisatrice envers les populations colonisées, qui doit notamment se traduire par le développement d’écoles, en réalité, le système mis en place est dual : dans les écoles pour Européens, les enfants de colons venus de France et d’Europe suivent le programme métropolitain, tandis que l’école destinée aux populations locales dispense un enseignement essentiellement pratique et professionnel qui sert à former de la main-d’œuvre. Si les barrières entre les deux écoles ne sont pas hermétiques, en pratique, l’accès des populations locales à l’enseignement secondaire est freiné, les bourses pour aller étudier en métropole sont peu nombreuses et il y a peu d’universités dans les colonies ([25]).

M. Pascal Blanchard, historien, a également souligné au cours de son audition, s’agissant de la colonisation : « Le paradoxe est absolu : la France, pays des droits de l’homme, héritier des Lumières et porteur de valeurs universelles, a en quelque sorte inventé un système suivant lequel plus un bateau s’éloigne de Marseille, plus les droits de l’homme descendent dans la cale ([26]). »

Il ne faudrait pas croire que le racisme biologique se limite à établir une hiérarchie entre « race blanche » et « races de couleur » pour justifier la domination de l’une sur les autres. Il établit également des catégories au sein de ces « races », qui sont instrumentalisées par les nations européennes rivales pour faire valoir leur grandeur.

Ainsi, dans les années 1820-1840, les ouvrages scientifiques mettent en avant les divisions au sein de la race blanche entre les races germanique et celtique et les auteurs français présentent alors les Gaulois comme les ancêtres d’une nation ancienne et prestigieuse bousculée par la rivalité des autres sociétés impériales rivales, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Dès 1828, Amédée Thierry, frère de l’historien Augustin Thierry, affirme dans son Histoire des Gaulois que la race gauloise, qui est définie par une origine commune et des caractères physiques, intellectuels et moraux héréditaires, se distingue des autres races d’hommes de l’Europe telles que les races finnoise, teutonne et slave. Lorsque l’anthropologie se développe à partir des années 1860, Paul Broca et ses disciples de l’École et de la Société d’anthropologie de Paris, utilisent les études anthropométriques, pour prouver que la catégorie des « brachycéphales bruns » est celle des représentants de la civilisation celtique et correspond aux ancêtres des Français. La Troisième République utilise le mythe des ancêtres gaulois pour favoriser l’unité nationale et répondre aux doutes et aux complexes qui sont apparus face à la montée en puissance de l’Allemagne, dans un contexte marqué par la défaite de 1870. La montée de la rivalité entre la France et l’Allemagne influence d’ailleurs la vision des Gaulois qui, comme le note Mme Carole Reynaud-Paligot, « voient leur chevelure foncer et leurs yeux brunir, tandis que les apports germaniques, tant en termes de sang que de civilisation, sont dépréciés et minimisés ». Scientifiques et écrivains convergent pour créer la figure de l’ancêtre gallo-romain, qui permet d’associer aux qualités attribuées aux Gaulois l’héritage de la brillante culture latine ([27]).

Une telle lecture n’est bien évidemment pas celle qui est faite du côté allemand. Par exemple, le zoologue Ernest Haeckel, dont les travaux connaissent un grand retentissement, place les Hauts-Allemands et les Anglo-Saxons au sommet de la hiérarchie des peuples qu’il présente dans son Histoire de la création des êtres organisés d’après les lois naturelles de 1868. Hauts-Allemands et Anglo-Saxons sont jugés les peuples les plus évolués de l’ensemble de ceux qui composent la race des Indo-Germains, elle-même supérieure aux races des Sémites, des Basques et des Caucasiens, qui forment avec elle l’espèce de l’Homo mediterraneus et qu’il place au sommet de la hiérarchie des douze espèces qu’il définit ([28]).

Enfin, le racisme biologique tel qu’il se développe en Angleterre et en Allemagne sous l’influence des idées darwinistes sert à justifier tant l’élimination de races dites « inférieures » (argument utilisé notamment pour justifier l’extermination des Herero dans l’Empire colonial allemand en 1904) que des politiques eugénistes visant à améliorer la qualité biologique d’un peuple ([29]). Les politiques racistes eugénistes, qui sont popularisées par Vacher de Lapouge à partir des années 1880, connaissent en France bien moins de succès qu’en Allemagne et en Angleterre ([30]). Toutefois, la situation évolue à partir des années 1930. Par exemple, en 1935, Alexis Carrel, célèbre chirurgien qui milite alors dans un parti d’extrême droite, publie son ouvrage L’homme, cet inconnu, qui connaît immédiatement un grand succès et dans lequel il appelle de ses vœux la mise en place d’un eugénisme d’État qui devrait favoriser la procréation de l’élite et stériliser les personnes atteintes d’une maladie mentale ou d’un handicap mental ([31]).

2.   L’antisémitisme, une relecture racialiste de l’antijudaïsme apparue à la fin du XIXe siècle

Comme l’a rappelé Mme Dominique Schnapper lors de son audition par la mission d’information : « l’histoire de l’antisémitisme est une histoire interne, profonde, organisatrice et structurante de l’histoire de l’Europe. C’est la raison fondamentale de la distinction entre le racisme et l’antisémitisme. […] Dans les sociétés chrétiennes, l’antisémitisme a une forme qui est très structurante, ancienne, profonde, ce qui le rend différent malgré le caractère commun de la racisation ([32]). » « L’antisémitisme est apparu comme un racisme à la fin du XIXe siècle » alors qu’« auparavant, ce qui régnait était l’antijudaïsme », qui rejetait les Juifs parce qu’ils étaient un peuple « déicide » et qu’ils refusaient de rejoindre le christianisme, comme M. Michel Wieviorka, sociologue, l’a déclaré aux membres de la mission d’information ([33]). « Ce changement de vocabulaire reflète une transformation des représentations et des croyances » et « témoigne de la racialisation de la “question juive” au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle en Europe » selon M. Pierre-André Taguieff, philosophe, historien et politologue ([34]).

Le terme « antisémitisme » aurait été inventé par le journaliste allemand Wilhelm Marr, qui, après avoir publié en 1879 un pamphlet intitulé La Victoire du judaïsme sur la germanité, fonde peu après la « Ligue antisémite ». Si celle-ci n’attire que quelques centaines de membres et disparaît rapidement, le mot « antisémite » connaît, lui un succès rapide ([35]). Dans la contribution écrite qu’il a transmise à la mission d’information, M. Pierre-André Taguieff indique : « Introduit en langue française dès 1881-1882, le mot “antisémitisme” n’est devenu courant qu’à la fin des années 1880, après la publication de La France juive (1886) d’Édouard Drumont » ([36]). Cet ouvrage de 1 200 pages publié par les prestigieux éditeurs Marpon et Flammarion est en effet rapidement devenu un immense succès éditorial qui a contribué à populariser l’antisémitisme : le catalogue de la Bibliothèque nationale en mentionne déjà une 145e édition en 1887. En outre, les années 1880 voient le développement d’une presse antisémite à succès (L’AntiSémitique, L’Anti-Juif, etc.) et de maisons d’édition spécialisées dans la publication de pamphlets antisémites et des organisations politiques apparaissent comme La Ligue antisémitique de Jules Guérin, qui est créée en 1889 ([37]).

L’impression de « modernité » de l’antisémitisme, qui se présente sous un aspect scientifique, et qui a été perçue par ses premiers thuriféraires, favorise son développement dans une société de plus en plus sécularisée, où la religion devient une affaire privée et où l’antijudaïsme chrétien devient moins séduisant ([38]). Si c’est Ernest Renan qui, dans son Histoire générale et système comparé des langues sémitiques de 1855 a frayé le chemin de l’antisémitisme en distinguant une race indo-européenne et une race « sémitique » (à laquelle il attribue des caractères négatifs), c’est bien plus tard que son disciple Jules Soury, influencé par le darwinisme social d’Ernst Haeckel, a ouvert la voie à un antisémitisme exprimé en termes biologiques, en affirmant que la lutte des races est une lutte pour l’existence et que la lutte entre Aryens et Sémites est une lutte à mort ([39]). Vacher de Lapouge dénonce lui aussi la concurrente dangereuse que la race sémite constitue pour la race aryenne ([40]). Comme le souligne M. Pierre-André Taguieff dans sa contribution, « ce sont les antisémites eux-mêmes qui se présentent ou se définissent alors en tant qu’“antisémites”, afin de marquer la relative nouveauté de leur combat, à la fois par l’ennemi désigné […] et par le fondement doctrinal de la lutte engagée (l’appartenance raciale et non plus l’identité religieuse). Dans la judéophobie ainsi racialisée, le schéma de la lutte des races (“Sémites” versus “Aryens”) remplace explicitement le modèle de la guerre de religion (Juifs versus chrétiens) ([41]) ».

L’antisémitisme est « une relecture racialiste des accusations portées contre les Juifs » ([42]) par le passé. S’il se nourrit du développement des théories raciales, il est également influencé par l’antijudaïsme chrétien et par un sentiment anticapitaliste populaire qui reprend des thèmes développés par des théoriciens socialistes dès la première moitié du XIXe siècle. Ainsi, l’antisémitisme véhicule des stéréotypes qui peuvent être différents de ceux que l’on trouve dans d’autres discours racistes, comme le racisme anti-Noirs qui s’est diffusé dans le contexte de l’abolition de l’esclavage. Comme le souligne M. Pierre-André Taguieff dans sa contribution précitée, dans l’antisémitisme du XIXe siècle, « la diabolisation l’a emporté sur l’infériorisation et la bestialisation » que l’on trouvait dans l’antijudaïsme antique ou chrétien et « les passions déclenchées par l’imaginaire de la concurrence ont marginalisé celles qui accompagnent la hantise du contact. ». La « race sémitique » est vue comme « dangereuse, parce que conquérante, prédatrice et parasitaire » et l’hostilité envers les Juifs « présuppose que ces derniers sont puissants et solidaires, que leur puissance est liée à l’argent, qu’ils forment un groupe caractérisé par son ubiquité et qu’ils exercent une influence illégitime sur la marche du monde ([43]) ».

Dans le discours contre-révolutionnaire, les juifs, émancipés par la Révolution (qui leur a notamment permis d’acquérir la citoyenneté), sont présentés à la fois comme les responsables et les bénéficiaires du recul de l’Église, les moteurs de l’athéisme et du matérialisme de l’époque ([44]). À la fin du XIXe siècle, la critique du judaïsme est souvent associée à une critique des républicains dans un contexte marqué par l’achèvement de la conquête de la République par ces derniers (qui deviennent majoritaires à la chambre des députés en 1876 et au Sénat en 1879). Les Juifs sont vus comme les instigateurs occultes de la Révolution française, dont la République se veut l’héritière et ils sont présentés par certains comme les inspirateurs des lois laïques. Ainsi, Édouard Drumont attaque la loi Camille Sée dans La France juive en écrivant que : « C’est un Juif, Camille Sée, qui organise les lycées de jeunes filles, de façon à exclure tout enseignement religieux ([45]). »

En outre, la période voit le développement d’un antisémitisme économique qui associe les juifs au capitalisme. La Grande Dépression qui a débuté dans les pays industrialisés en 1873 et connaît son apogée en France en 1882, provoque une baisse du niveau de vie et une augmentation du chômage, ce qui favorise le développement de la xénophobie. Les juifs qui s’installent en France après avoir été chassés d’Europe centrale par les pogroms des années 1880 en deviennent les victimes. Dans le même temps est dénoncée l’influence sur l’appareil bancaire français et international des juifs, qui sont aussi présentés comme l’incarnation des méfaits du capitalisme, ce qu’illustrent notamment les attaques récurrentes contre la famille Rothschild ([46]). Les racines de ces attaques se trouvent dans le discours d’une partie des socialistes utopiques qui, dès la première moitié du XIXe siècle, ont associé leur critique du capitalisme à un antisémitisme économique reposant sur la dénonciation des « gros » et des banquiers, nécessairement juifs. Les juifs, qui ont été émancipés par la Révolution française et commencent à conquérir des positions économiques et sociales, sont souvent identifiés à la figure du « maître de l’argent », même si les financiers ne représentent qu’une toute petite partie de la population juive. Ce nouveau discours anti-juif, qui se retrouve notamment chez Charles Fourier et Pierre Leroux, est popularisé par l’ouvrage Les Juifs, rois de l’époque, qui est publié en 1845, par Alphonse Toussenel, dont l’influence va être particulièrement importante sur le mouvement socialiste ([47]).

Après l’apparition d’une première vague antisémite dans les années 1880-1890, qui culmine avec l’affaire Dreyfus, une très forte résurgence de l’antisémitisme a lieu dans les années 1930. À partir de 1931-1932 la France subit le choc de la crise économique mondiale qui a éclaté en 1929, ce qui favorise le développement de la xénophobie et de l’antisémitisme qui affecte particulièrement les juifs qui se réfugient en France pour échapper aux persécutions du régime nazi. L’antisémitisme est également attisé par l’arrivée au pouvoir de Léon Blum, qui, comme le rappelle M. Emmanuel Debono, « constitue depuis le printemps 1936, le défouloir idéal pour tous ceux qui trouvent à se plaindre du gouvernement du Front populaire » et est présenté par certains comme l’incarnation d’un « pouvoir judéobolchevique et maçonnique » fantasmé ([48]). En outre, la composante « scientifique » de l’antisémitisme prend une ampleur marquée à partir des années 1930. Une anthropologie antisémite scientifique se développe, qu’illustre notamment la figure de Georges Montandon, anthropologue renommé qui se rapproche de l’extrême droite dans les années 1930 et attaque la « race juive » dans des articles de la revue L’Ethnie française, qui lui valent l’approbation des raciologues nazis et l’intérêt de Mussolini. En 1940, les activistes antisémites des années 1930 arrivent au pouvoir et institutionnalisent les idées ségrégatives qu’ils avaient défendues en instaurant une persécution d’État ([49]). Une législation très précise et fournie est mise en place, tant par les autorités allemandes que par le régime de Vichy. Le régime de Vichy promulgue deux statuts des Juifs. Le premier, la loi du 3 octobre 1940, dispose qu’est considérée comme juive « la personne issue de trois grands-parents de race juive » ainsi que celle qui n’a que deux grands-parents juifs, mais a aussi un conjoint juif. Cette définition est ensuite élargie par la loi du 2 juin 1941 ([50]). Il s’agit d’éléments-clés du droit antisémite de Vichy car ils conditionnent la mise en œuvre des mesures antisémites : recensement (loi du 2 juin 1941), interdictions professionnelles (lois du 3 octobre 1940 loi du 2 juin 1941) et confiscation des biens (loi du 27 juillet 1941) ([51]). À cette législation, qui conduit à priver les juifs de leurs moyens d’existence ([52]), s’ajoutent les arrestations individuelles, rafles et déportations. En zone occupée, les arrestations commencent dès fin 1940, les rafles en août 1941, et les premiers convois de déportés quittent Drancy en mars 1942. 76 000 Juifs, soit 25 % de la population juive en France, vont être déportés. La plupart ne reviendront pas ([53]).

3.   Le racisme biologique discrédité par la science et condamné par les instances internationales après 1945

1945 constitue un tournant dans l’histoire du racisme biologique. Les exactions du régime nazi que l’opinion commence, quoique très progressivement, à découvrir dans toute leur étendue, discréditent les projets d’une politique de la race adossée à une conception laissant une large place à la biologie. Le nazisme place la race aryenne au sommet de la hiérarchie des races et affirme que, pour assurer sa survie et la prééminence qui lui revient, elle doit préserver sa pureté, affaiblie par la possibilité de procréer laissée à certains des « Aryens » qui sont considérés comme biologiquement inférieurs et par les mariages mixtes, et coloniser les territoires qui lui permettent de disposer de l’« espace vital » nécessaire à son développement. Une politique eugéniste est mise en place, qui conduit notamment à la stérilisation de force de 350 000 personnes ([54]) et à la mort de 250 000 handicapés. Le régime nazi décide également d’exterminer la population juive, vue comme une menace pour la race aryenne. La Shoah fait six millions de morts, ce qui signifie que deux juifs sur trois vivant en Europe avant la guerre sont tués pendant l’Holocauste (chiffre qui ne traduit qu’imparfaitement l’ampleur du génocide, car la plus grande partie des survivants habitait dans des territoires non occupés par les Allemands). Les Tsiganes sont eux aussi victimes d’un génocide dont le nombre de victimes reste encore difficile à établir mais qui semble avoir concerné 25 % des Tsiganes d’Europe (soit 220 000 personnes). Enfin, la politique d’expansion vers l’Est s’accompagne du massacre d’une partie de la population locale. Par exemple, en Pologne, ce sont environ 1,8 million de personnes qui sont tuées (hors victimes juives) ([55]).

Certains acteurs de la politique raciale nazie sont poursuivis par le Tribunal militaire international de Nuremberg ([56]) pour crimes contre l’humanité. Le statut du tribunal définit comme les crimes contre l’humanité « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux, ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du tribunal, ou en liaison avec ce crime. » Cette définition évolue par la suite, notamment lors de la création de la de la Cour pénale internationale ([57]).

En outre, au vu des conséquences tragiques de la politique raciale nazie, les scientifiques cherchent à remettre en question l’idée de race et sapent ainsi le support scientifique du racisme biologique ([58]). Les progrès de la génétique jouent un grand rôle dans ce processus. En effet, c’est après la Seconde Guerre mondiale que la diversité humaine est considérée comme le résultat de processus microévolutifs au cours desquels les pools de gènes des populations se sont différenciés. De ce fait, il n’est pas possible de définir de races. Les races considérées auparavant comme dotées de caractéristiques intangibles deviennent des clusters éphémères d’allèles. Ces populations sont en continuel mélange, s’adaptant aux conditions locales, se fusionnant ou se séparant ([59]).

La diffusion des faits scientifiques permettant de démonter les préjugés raciaux est alors vue comme le moyen de lutter contre le racisme et d’éviter le retour des années sombres et des organisations internationales comme l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), créée en 1945, s’y emploie. En particulier, l’UNESCO réunit à Paris en décembre 1949 un groupe d’experts qui élaborent une « Déclaration sur la race » publiée le 18 juillet 1950. Cette déclaration présente le racisme comme « l’expression d’un système de pensée fondamentalement antirationnel » qui « constitue un défi à toutes les traditions humanistes », jugement qu’elle étaye en exposant une série de faits scientifiques. Elle affirme le principe de l’unicité de l’espèce humaine et défend une conception évolutive des groupes humains en soulignant le rôle du métissage dans cette évolution. Elle déclare également que « Du point de vue biologique, l’espèce Homo sapiens se compose d’un certain nombre de groupes, qui diffèrent les uns des autres par la fréquence d’un ou de plusieurs gènes particuliers. Mais ces gènes eux-mêmes, auxquels doivent être imputées les différences héréditaires qui existent entre les hommes, sont toujours en petit nombre si l’on considère l’ensemble de la constitution génétique de l’homme et la grande quantité de gènes communs à tous les êtres humains, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent ([60]) ».

Si les progrès de la science ont joué un rôle positif dans la déconstruction du racisme biologique, faire reposer le combat contre le racisme sur la science recèle également des dangers sur lesquels Mme Dominique Schnapper a tenu à alerter les membres de la mission d’information, en indiquant que le développement des études sur l’ADN conduit à « penser que, s’il n’existe pas de races, il existe des différences génétiques entre les différents groupes humains » et qu’« il n’est pas du tout impossible qu’avec le progrès de la science », les scientifiques « en reviennent à une définition, sinon de race au sens propre, du moins d’héritages génétiques différents selon les groupes de population sur le globe. » Or, « à supposer que les dons, les possibilités et les capacités génétiques soient différents d’un groupe humain à l’autre, cela ne remet absolument pas en question le problème central à la fois social, moral et politique de savoir comment faire vivre ensemble de manière humaine des personnes qui, peut-être, ont des héritages génétiques différents ([61]) ». Votre rapporteure souligne cette inquiétude, qui appelle une réelle vigilance. Le combat contre le racisme doit être mené au nom des valeurs philosophiques, républicaines et humanistes qui ont, de longue date, animé le combat antiraciste.

4.   Des phénomènes combattus au nom des valeurs républicaines

Si la science a fourni des arguments permettant de déconstruire le racisme biologique après 1945, les acteurs politiques et la société civile n’ont pas attendu les évolutions de la biologie pour combattre le racisme et l’antisémitisme au nom des droits de l’homme.

En effet, l’antiracisme, qui naît de la volonté de défendre l’égale dignité des hommes, s’est développé sous sa forme militante, intégrée au mouvement social à partir du début du XXe siècle. C’est l’affaire Dreyfus, puis les exactions dont les juifs sont victimes dans certains pays d’Europe centrale et orientale dans les années 1930, qui constituent l’élément déclencheur ([62]). La Ligue des droits de l’homme (LDH) est fondée en 1898 par des dreyfusards rassemblés autour de Ludovic Trarieux qui souhaitent défendre et réaffirmer l’inaliénabilité, l’égalité et l’universalité des droits énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789. La Ligue des droits de l’homme étend son champ d’intervention bien au-delà de l’Affaire Dreyfus, cherche à assister toute personne bafouée dans ses droits élémentaires et s’implique dans des débats comme ceux sur la question scolaire ([63]). Si l’antisémitisme est une question parmi d’autres pour la Ligue des droits de l’homme, qui mène un combat plus large pour les droits du citoyen, en revanche, l’année 1929 voit la fondation à Paris de la Ligue internationale contre l’antisémitisme (ancêtre de l’actuelle Ligue contre le racisme et l’antisémitisme – LICRA). Il s’agit d’une organisation dédiée spécifiquement à la lutte contre l’antisémitisme qui cherche à s’ériger en mouvement de masse et rompt avec les entreprises précédentes, plus limitées ([64]).

Toutefois, comme le rappelle M. Emmanuel Debono, si, « avec la lutte contre l’antisémitisme, l’antiracisme devient militant dans le cadre d’associations qui entendent faire la guerre aux préjugés. », la société n’était pas restée insensible au développement du racisme par le passé. Par exemple, l’anti-esclavagisme avait suscité des prises de position dans la société civile et dans le monde politique ([65]). Ainsi, dès le XVIIIe siècle, une partie des auteurs des Lumières s’élève contre l’esclavage, même si la condamnation morale de l’esclavage n’entraîne pas l’apparition immédiate de revendications abolitionnistes et ce n’est que lors des dernières années de l’Ancien Régime que quelques penseurs pionniers en viennent à concevoir l’abolition comme une réforme inévitable et indispensable ([66]). Par exemple, Condorcet publie en 1781 sous un pseudonyme un ouvrage intitulé Réflexions sur l’esclavage des Nègres (mot qui n’a pas le même sens dans la langue du XVIIIe siècle que dans celle d’aujourd’hui). Si cet ouvrage comporte de nombreux stéréotypes sur les Noirs, Condorcet y défend le principe selon lequel les Noirs ont « le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs » ([67]) et propose l’interdiction de la traite ainsi qu’un plan progressif d’abolition de l’esclavage ([68]). Condorcet rejoint également la Société des Amis des Noirs, qui, sous la Révolution, défend l’abolition de la traite et de l’esclavage, bien que, face à la pression des planteurs et des négociants, elle choisisse de concentrer dans un premier temps son combat sur l’obtention de la citoyenneté pour les hommes de couleur ([69]). Finalement, les libres de couleur deviennent citoyens avec la loi du 4 avril 1792 et l’esclavage est aboli le 4 février 1794 par la Convention, qui ratifie ainsi les mesures abolitionnistes prises par les commissaires Sonthonax et Polvérel à Saint-Domingue pour répondre à l’insurrection qui avait éclaté sur l’île ([70]). La rédaction définitive du décret, adoptée le 5 février ([71]), abolit l’esclavage dans toutes les colonies et dispose que « tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ». Les débats qui ont eu lieu à cette occasion voient l’apparition de la notion de crime de « lèse-humanité » pour qualifier l’esclavage, ce qui, selon Pierre Serna, a contribué à poser les fondements d’une réflexion sur la notion de crime contre l’humanité ([72]).

Pas plus que l’esclavagisme, le colonialisme et sa justification par les théories raciales n’ont fait consensus chez les acteurs politiques. Comme M. Benjamin Stora l’a déclaré aux membres de la mission d’information lors de son audition, « s’il y avait un recueil de discours d’hommes d’État français condamnant le système colonial, vous seriez étonnés », notamment par « les condamnations de Clemenceau [qui] étaient très violentes ([73]) ». Son discours le plus connu sur ce sujet est sans doute celui qu’il fait le 30 juillet 1885 lors du débat à la chambre des députés sur le vote d’un crédit extraordinaire pour poursuivre à Madagascar une guerre qui s’achève par la conquête complète de l’île. En effet, c’est en 1885 qu’ont lieu pour la première fois au Parlement des débats de fond sur la politique coloniale qui a été relancée sous les ministères Ferry (1880-1881 puis 1883-1885) et qui a non seulement concerné Madagascar mais aussi l’Indochine, la Tunisie ainsi que plusieurs régions d’Afrique ([74]). La colonisation est loin de faire consensus chez les républicains et, selon M. Gilles Manceron, « les arguments échangés par les deux camps sont exactement les mêmes qu’énonceront pendant trois quarts de siècle partisans et adversaires de la colonisation ([75]) ». À Jules Ferry qui, le 28 juillet 1885, a justifié la politique coloniale de la France non seulement par des arguments relatifs à l’intérêt économique et au prestige international de la France mais aussi par l’idée que « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures » parce qu’ « elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ([76]) », Clemenceau réplique deux jours plus tard : « Races supérieures ! races inférieures, c’est bientôt dit ! Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. » S’il réfute l’idée d’une infériorité des populations colonisées en faisant notamment un éloge de la culture chinoise, qu’il admire particulièrement, il ajoute que la thèse défendue par Jules Ferry « n’est pas autre chose que la proclamation de la primauté de la force sur le droit » et que « l’histoire de France depuis la Révolution est une vivante protestation contre cette inique prétention » car c’est le génie de la France « d’avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, d’avoir compris que le problème de la civilisation était d’éliminer la violence des rapports des hommes entre eux dans une même société et de tendre à éliminer la violence pour un avenir que nous ne connaissons pas, des rapports des nations entre elles. » Pour Clemenceau, la colonisation est injustifiable « dans la patrie des droits de l’homme » et la conquête coloniale « est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires, pour s’approprier l’homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur ([77]) ».

Ce discours montre que « l’histoire de France ne peut pas se résumer à l’histoire d’une colonisation portée simplement par une partie de la société française […] Il y a eu toute une France de l’anticolonialisme », comme l’a indiqué M. Benjamin Stora à la mission d’information et votre rapporteure fait sien son jugement selon lequel « c’est cette France-là qu’il faut faire connaître, cette France-là qu’il faut valoriser et qu’il faut transmettre aussi ([78]) ».

C’est la valorisation des combats menés au nom de l’universalisme républicain contre les systèmes de domination fondés sur l’origine ou la couleur de peau qui doivent permettre de réaffirmer avec fierté l’héritage historique de la République française et votre rapporteure considère que c’est en entretenant leur mémoire qu’il sera possible de surmonter les défis posés par la concurrence mémorielle qui pourrait miner la société française.

B.   Un fléau qui continue de fragiliser la cohésion de la société

Si l’idéologie et les pratiques racistes sont bien plus anciennes, c’est depuis 1932 que le mot « racisme » figure dans le Larousse.

Le racisme peut être employé dans le langage courant dans des acceptions très larges, voire contestables, visant in fine toute forme d’opposition à un groupe social. Mme Dominique Schnapper rappelait au cours de son audition ([79]) : « Dans mon ouvrage Questionner le racisme de 2000 ([80]), j’ai effectivement essayé de clarifier les choses. Je disais que le racisme servait un peu à n’importe quoi. On parlait de racisme anti-jeune ou de racisme anti-tabac. Le mot a pris une extension si grande qu’il a beaucoup perdu de sa compréhension. […] En particulier, une nouvelle confusion est arrivée depuis l’an 2000 : toute distinction devient du racisme ou devient discriminatoire. »

Une difficulté réside également dans le fait que l’homme, pour appréhender le monde, effectue nécessairement des catégorisations et classifications. Dans la vie sociale également, chacun est amené à catégoriser les personnes. Mais cela ne signifie pas assigner une caractéristique en fonction d’une appartenance, à laquelle l’intéressé ne peut échapper. La pensée en termes de races a précédé l’apparition du mot « racisme » et s’est particulièrement structurée aux XVIIIe et XIXe siècles (voir supra).

M. Michel Wieviorka, dans son ouvrage Le racisme, une introduction ([81]), indiquait nécessaire de « risquer une première définition : le racisme consiste à caractériser un ensemble humain par des attributs naturels, eux-mêmes associés à des caractéristiques intellectuelles et morales qui valent pour chaque individu relevant de cet ensemble et, à partir de là, à mettre éventuellement en œuvre des pratiques d’infériorisation et d’exclusion. »

Il convient en préambule, avant d’étudier le racisme et les discriminations ([82])  à l’œuvre aujourd’hui, de souligner que toute inégalité n’est pas une différence de traitement, que toute différence de traitement n’est pas une discrimination, et que discrimination et racisme ne sont pas synonymes.

Une discrimination consiste en une différence de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi dans l’accès à certains droits, biens ou services (prétendue race, origine, religion ou orientation sexuelle par exemple, la loi définissant 25 critères interdits). Une discrimination peut, comme l’ont souligné les chercheurs entendus par la mission d’information, être mise en œuvre par un individu qui n’est pas raciste. Et toute expression raciste n’emporte pas une discrimination dans l’accès à un droit, un bien ou un service.

Qualifier quelqu’un de raciste emporte déjà un jugement moralisateur très lourd : la charge morale qui pèse sur le terme a notamment été rappelée par M. Daniel Sabbagh, politologue, directeur de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences Po ([83]) et Mme Magali Bessone, professeure de philosophie politique à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ([84]).

Par ailleurs, ces deux chercheurs ont rappelé qu’il est notoirement difficile d’appréhender le racisme de nos jours car il renvoie à des réalités très différentes : l’adjectif « raciste » peut qualifier un propos, une blague, un acte, un crime, une idéologie, un préjugé, une représentation collective, les résultats ou les déterminants d’une politique publique, etc.

Mme Magali Bessone soulignait devant la mission d’information qu’il existe deux grandes familles d’analyse du racisme : « la famille de ceux pour lesquels le racisme est d’abord et avant tout un attribut des individus, ayant ses racines dans les préjugés, et la famille de ceux qui estiment que le racisme est d’abord une réalité institutionnelle et désigne une structure de pouvoir, une distribution inégalitaire organisée selon des lignes raciales.[…] La première famille, celle pour laquelle le racisme est une question individuelle, est à son tour traversée par une autre ligne de partage. Pour certains, le racisme est en premier lieu affectif, émotionnel. C’est d’abord un affect ou un ensemble d’affects – la haine, l’antipathie, la peur, le dégoût, l’envie – éprouvés à l’égard de membres d’un groupe racial. Pour d’autres, le racisme est d’abord une question cognitive, c’est-à-dire qu’il désigne d’abord un ensemble de jugements erronés affirmant une différence essentielle entre certains groupes de population dans l’humanité, une hiérarchie de ces groupes et donc la justification de la domination de certains groupes par d’autres. ([85]) »

L’analyse de M. Daniel Sabbagh pour comprendre les différentes formes de racisme et les différentes formes de réponse à y apporter a également retenu toute l’attention de votre rapporteure. Il a classifié trois grands modes d’analyse du racisme :

– le racisme comme idéologie (une idéologie se caractérisant par un ensemble de croyances, d’affirmations, et de propositions sur le monde) ([86]) ;

– « le racisme comme une série d’attitudes psychologiques négatives, autrement dit d’états mentaux qui ne s’apparentent pas à des croyances mais qui prennent la forme de réactions affectives ou émotionnelles, telles que la peur, la haine, le mépris, le dégoût, ou encore une sorte d’irrespect » ;

– le racisme comme « système de production et de reproduction d’inégalités, empiriquement constatables, entre membres de groupes qu’on définit conventionnellement comme raciaux ([87]) ».

M. Daniel Sabbagh soulignait la nécessité de disposer d’une vision pluraliste qui implique l’utilisation de ces trois notions. Toutefois, il rappelait que la troisième définition du racisme, qui a « le vent en poupe », appelait plusieurs réserves sérieuses, tenant notamment au fait que cela fait du racisme un « concept attrape-tout ([88]) ».

1.   Rappel de certains concepts d’analyse : racisme scientifique, racisme culturel et racisme institutionnel

Le racisme est notoirement complexe à analyser scientifiquement. Il a pu profondément évoluer avec le temps, sans jamais disparaître, et différentes formes coexistent. Votre rapporteure ne se permettra pas de trancher la question de savoir s’il existe une unité historique du phénomène raciste au-delà des ruptures. La littérature scientifique issue de toutes disciplines universitaires est très riche sur ces questions et il ne saurait être question de la résumer en quelques pages ni de porter des jugements définitifs. Différents concepts recèlent des richesses et des limites propres.

À la lumière des auditions menées par la mission d’information, différents concepts intéressants peuvent être rappelés pour mieux comprendre les permanences et les rémanences. De nouveaux champs d’analyse du racisme sont apparus dans les sciences sociales à la fin des années 1960.

Après la Seconde Guerre mondiale, suite à la disqualification des théories scientifiques analysant les groupes sociaux en termes de races, il est apparu que peut exister, en quelque sorte, un « racisme sans race ». Ce mode d’analyse est dit essentialiste, c’est-à-dire qu’il « définit une fois pour toutes un groupe humain par une certaine qualité, positive ou négative – en général de manière négative – en attribuant à tous les membres de ce groupe les mêmes caractéristiques dont ils ne peuvent pas se défaire ([89]) ».

Cela n’a pas pour autant signifié la disparition des idéologies et des modes de pensée en termes de races humaines. Un exemple tiré de l’atlas Les Retrouvés datant de 1963 et cité par M. Patrick Charlier, directeur de l’UNIA (Centre interfédéral belge pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations) ([90]), illustre le fait que la référence aux races n’a pas disparu après la Seconde Guerre mondiale et est longtemps demeurée assez couramment employée : « Cet atlas a été édité en 1963 sous l’égide de l’UNESCO et de toutes les autorités scientifiques que nous pouvons imaginer. Or nous pouvons lire dans cet atlas : “La notion de race humaine correspond à une réalité biologique. Elle est complètement distincte de celle de peuple, de nation, de tribu ou de civilisation. Une race est un ensemble d’individus qui sont issus de mêmes ancêtres et qui possèdent donc des liaisons génétiques, une communauté de caractères anatomiques, physiologiques et pathologiques.” Les photographies présentent trois groupes raciaux : les Blancs, les Jaunes et les Noirs ([91]). »

Le « nouveau racisme », théorisé par le politologue Martin Barker dans The New Racism en 1981 ([92]), retrace l’évolution partant d’un racisme justifié par des arguments biologiques pour arriver à un racisme reposant sur des différences qui seraient « culturelles » et irréductibles. Le racisme dit « culturel » ou « différentialiste » conclut, non à l’infériorité, mais à la différence. Dans cette théorie, le politologue souligne que le groupe dominant ressent cette différence comme une menace à son identité. Ce type de racisme ne se développe pas seulement au Royaume-Uni ou dans les pays anglo-saxons et, dès 1988, M. Pierre-André Taguieff, dans son ouvrage La force du préjugé ([93]), analyse cette forme de racisme dans l’extrême droite française ([94]). Plusieurs chercheurs ont participé à définir un néo racisme culturel et différentialiste et M. Étienne Balibar a également été l’un des premiers à percevoir les mutations du racisme à cette époque-là. L’expression de « racisme sans race » est elle aussi liée à ces évolutions conceptuelles. Plus récemment, M. Pierre-André Taguieff, dans son ouvrage « Race » : un mot de trop ? rappelle les dangers de l’antiracisme scientifique, nécessairement provisoire et par ailleurs impuissant à éradiquer le racisme ([95]). Le danger d’avoir si étroitement connecté la lutte contre le racisme à la science biologique a également été énoncé par Mme Dominique Schnapper lors de son audition (voir supra).

Il convient de rappeler que ce racisme sous-tendrait une forme d’intégrité des « cultures », le concept de culture étant en lui-même extrêmement complexe à analyser et définir, qui seraient en quelque sorte données à la naissance. Les débats sur la « naturalisation » de la culture sont eux-mêmes très vastes. On peut également relever que le phénomène assigne à la religion ou à la culture un « caractère nécessaire auquel on n’échappe pas » ([96]), comme pour la race.

Le renvoi de l’autre à sa culture peut être instrumentalisé et on observe qu’il vise parfois spécifiquement certaines « communautés ».

S’agissant des logiques d’infériorisation et de différenciation, on peut souligner que les régimes reposant sur le racisme se fondent sur une combinaison des deux logiques. Cela peut être dit de l’apartheid en Afrique du Sud comme du nazisme en Europe. Il convient de relever les tensions au sein du racisme lui-même entre l’infériorisation, qui confère une place – inférieure – à un groupe de personnes dans la société, et la différenciation, qui rejette en bloc l’autre, le met à l’écart ou tend à le détruire ([97]). Il n’existe sans doute pas une seule approche intégrée pour analyser et combattre les différents modes d’expression du racisme.

Le concept de racisme institutionnel, ou systémique, est apparu aux États-Unis : dès 1967, dans l’ouvrage Black Power : the Politics of Liberation in America ([98]), les auteurs Stokely Carmichael et Charles V. Hamilton, qui sont militants du mouvement noir américain, théorisent l’existence, au-delà du racisme associé à des individus racistes, du racisme institutionnel. L’ouvrage a connu un grand succès. Le fonctionnement même de la société et des institutions est alors en cause comme producteur de racisme, le racisme étant une propriété structurelle de la société, qui fonctionne de manière habituelle selon une mécanique qui domine et infériorise certains groupes sociaux. Cela se conçoit même en l’absence d’une idéologie raciste défendue ouvertement et les opérateurs n’ont pas à être racistes pour produire du racisme. L’angle d’analyse est celui des pratiques et de leurs résultats concrets. Cela permettrait d’expliquer en quoi la déconsidération du racisme scientifique n’entraîne pas la fin du racisme. Toutefois, M. Michel Wieviorka souligne dans son ouvrage précité que, poussé à son terme, le concept de racisme institutionnel aboutit à un « paradoxe impossible à soutenir » car il implique que l’ensemble de ceux qui dominent sont extérieurs à la pratique du racisme mais en bénéficient : chacun est exonéré de porter des thèses racistes mais la théorie fait peser sur tous la responsabilité du phénomène institutionnel ([99]). M. Daniel Sabbagh alertait au cours de son audition sur les limites de ce concept car s’il recouvre « toute pratique, norme ou procédure qui contribue ex post à reproduire des inégalités entre groupes raciaux » alors ce concept est extrêmement large et ne permet pas de compréhension fine des mécanismes à l’œuvre. Par ailleurs, au plan politique, il peut créer une forme de découragement devant la tâche et il sera difficile de mobiliser largement des acteurs dans la lutte antiraciste si le qualificatif raciste, qui est très lourd moralement, est employé au-delà de son acception précise. Le chercheur estime qu’il peut toutefois être utile d’en appeler à cette notion, dans un premier temps, pour « faire comprendre aux gens que ce qui pouvait leur apparaître comme une succession d’incidents isolés est d’une autre nature. […] [m]ais une fois que le problème est identifié, qu’il n’y a plus de réel débat sur l’existence et l’ampleur de discriminations raciales, il faut sans doute employer un vocabulaire plus précis » ([100]). Enfin, paradoxalement, aussi large que soit ce concept, une vision du racisme uniquement systémique ne permet pas de cerner la réalité du racisme : il n’explique ainsi pas un racisme anti-Blancs, c’est-à-dire un phénomène idéologique ou fondé sur les émotions négatives mais non producteur d’un système de discriminations. De ce fait, pour M. Daniel Sabbagh, « il n’y a pas de bonnes raisons d’avoir une conception du racisme exclusivement systémique. »

Votre rapporteure estime qu’il faut nommer les différentes composantes du racisme, telles qu’elles sont observées aujourd’hui, et les combattre de façon coordonnée : il faut tout à la fois viser les idéologies à l’œuvre, les préjugés et stéréotypes, les actes et propos racistes, et les discriminations objectivées qui, perdurant, sont perçues comme du racisme par les personnes concernées, quand bien même l’opérateur ne serait pas raciste et ne serait que non intentionnellement amené à produire la discrimination fondée sur la race ou l’origine. Ce dernier point est sans doute celui qui amène certains de nos concitoyens à penser le racisme comme étant systémique, et nos politiques publiques doivent être renforcées à cet égard (voir le III du présent rapport).

Le racisme d’État désignerait davantage un niveau ultime de racisme, consubstantiel à l’État, ses normes de droit et ses institutions, qui produiraient intentionnellement du racisme et l’on vise ici les régimes ségrégationnistes reposant sur une structuration raciale de la société ou des régimes d’extermination des minorités, tels que le régime nazi. D’aucuns s’appliquent à l’employer au sujet de la France, ce que votre rapporteure récuse, tout comme les personnes auditionnées par la mission d’information. Une telle appréciation de la réalité, outre qu’elle est dénuée de tout fondement, porte en outre en elle les germes d’une division radicale de la société en camps irréconciliables.

M. Mario Stasi, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) a indiqué : « Existe-t-il du racisme dans la police ? Oui. Est-ce que la police est raciste ? Non. Est-ce qu’un manifestant qui traite un policier noir de traître et de “sale black” est coupable d’un propos raciste ? Oui. On peut donc être policier et victime de racisme. Existe-t-il un racisme systémique, un racisme d’État ? Non, nous ne vivons pas dans l’apartheid. Il n’y a aucune loi, ni aucune institution raciste dans notre République, mais il existe bien sûr des déviances individuelles et, dans la police comme ailleurs, des individus racistes ([101]). »

M. Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, indiquait pour sa part : « Je vais éliminer deux débats. Tout d’abord, je ne suis pas en train de dire que la France est un pays profondément, structurellement, radicalement raciste. Je dirais même que c’est un pays intellectuellement antiraciste, mais dont un certain nombre d’habitants font du racisme sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Par ailleurs, vous ne m’entendrez pas davantage parler de “racisme d’État”, tout simplement parce que nous sommes dans un État dont la législation et les principes sont antiracistes. Cela n’interdit pas de parler de pratiques racistes pour des systèmes à l’intérieur de l’État ([102]). »

2.   Les normes constitutionnelles et supranationales au fondement de la lutte contre le racisme

La notion de « race » n’apparaît pas expressément dans le Code noir de 1685, dont Colbert est l’initiateur, qui vise à « régler ce qui concerne la qualité et l’état des esclaves ». La seconde version du Code noir pour la Louisiane, datant de 1724, comporte une dimension raciale plus explicite, avec l’emploi des termes « esclave nègre », par opposition aux « Blancs », soulignait M. Alfred Marie‑Jeanne dans son rapport d’information n° 989 de 2013 sur la proposition de loi (n° 218) de MM. André Chassaigne, Marc Dolez et plusieurs de leurs collègues, tendant à la suppression du mot « race » de notre législation ([103]).

C’est en 1939 que le décret-loi du 21 avril 1939 qui modifie la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, dit « décret Marchandeau » (d’après le nom du garde des Sceaux en fonction) interdit la diffamation envers « un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée. » Ce décret a été abrogé par le régime de Vichy, qui, en outre, met en place une législation antisémite (voir supra). Il est rentré en vigueur après-guerre puis a été supprimé par la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme (voir infra).

Le racisme n’est pas défini en tant que tel dans notre Constitution ou notre droit. La Constitution recourt au concept de race pour affirmer dès son article premier : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Le Préambule de la Constitution de 1946, partie intégrante du bloc de constitutionnalité, proclame dès son premier alinéa : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ».

La suppression du mot « race » de la Constitution n’a pas été fermement soutenue par les personnes entendues par la mission d’information, au motif notamment que supprimer le mot race ne supprimerait pas le racisme et parce que la suppression du terme, malgré son défaut de précision, pourrait de fait limiter l’énoncé de l’action contre le racisme. Votre rapporteure souscrit à ces analyses et estime que cette suppression ne constitue pas une priorité dans la lutte contre le racisme.

Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ([104]), qui a depuis été retiré, comportait un article inséré par voie d’amendements parlementaires adoptés en commission puis à l’unanimité en séance publique, tendant à supprimer le mot « race » de la Constitution. Le terme de « race » risquait de donner une forme de reconnaissance aux discours racistes, quoique l’article premier n’emploie le mot « race » que pour lui dénier toute portée. Par ailleurs, la loi française avait été modifiée à plusieurs reprises afin de substituer au mot « race » des références à « une prétendue race », « des motifs d’ordre racial » ou « l’origine raciale » ([105]). L’Assemblée nationale s’était à plusieurs reprises interrogée sur cette suppression et sa portée, qu’il s’agisse de la Constitution ou de la loi ordinaire. Des propositions de loi avaient été déposées à l’initiative du groupe Gauche démocrate et républicaine dès 2003 ([106]) et des amendements en ce sens déposés lors des précédentes révisions constitutionnelles.

S’agissant des textes internationaux protégeant les droits fondamentaux, la France est partie à la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, proscrivant les distinctions fondées sur la race, elle a adopté la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 prohibant toute distinction fondée sur la race ([107]). Elle a ratifié la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés selon laquelle le terme réfugié s’applique à toute personne craignant d’être persécutée à raison, notamment, de sa race, les pactes internationaux de 1966 sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels condamnant la discrimination fondée sur la race, et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 7 mars 1966.

La France a également adopté la déclaration et le programme d’action de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (conférence de Durban tenue en 2001 sous l’égide des Nations Unies).

Au niveau européen, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 condamne toute distinction de race dans la jouissance des droits et libertés en son article 14. La Cour européenne des droits de l’homme est à l’origine d’une jurisprudence sur les limites à la liberté d’expression dans le cas des discours de haine, sur la base notamment de l’article 10 de la Convention. Enfin, il convient de souligner le rôle actif du Conseil de l’Europe avec notamment la création en 1993 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).

Plus récemment, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000 interdit en son article 21 toute discrimination fondée sur la race. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) se réfère à la race en ses articles 10 et 19 visant à combattre toutes les discriminations.

Il convient par ailleurs de relever à cet égard la nette évolution souhaitée récemment par Mme Ursula Van der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui a, dans son discours sur l’état de l’Union européenne du 16 septembre 2020 devant le Parlement européen, fixé parmi ses priorités l’extension de la liste des infractions pénales pour lesquelles l’Union européenne est compétente à toutes les formes de crimes et de discours haineux. Une telle extension impliquerait toutefois une réforme des traités (la coopération judiciaire en matière pénale étant régie par les articles 82 à 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, limitant l’intervention de l’Union pour fixer les règles minimales de définition des infractions pénales à certaines formes graves de criminalité transfrontalière).

Par ailleurs, dans sa communication Une Union de l’égalité : plan d’action de l’UE contre le racisme 2020-2025 ([108]), la Commission européenne analyse les actes et faits racistes, les préjugés conscients ou inconscients, les comportements racistes et discriminatoires et ce qu’elle dénomme racisme structurel. Le plan d’action vise à une meilleure prise en compte de tous les aspects de la lutte contre le racisme et les discriminations et, dans un premier temps, à un renforcement du contrôle de l’application du droit européen existant ([109]). S’agissant de la haine en ligne (voir infra), la Commission européenne a tout récemment présenté, le 15 décembre 2020, une proposition de règlement sur le marché unique des services numériques (« Digital Services Act ») ([110]), qui actualise la directive 2000/31/EC dite « directive sur le commerce électronique ([111]) ».

Les propos, actes et discriminations qui revêtent un caractère raciste sont, en France, en particulier réprimés par le code pénal et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ([112]) (voir infra). Mais cette répression fait également l’objet de plusieurs mesures dans différents codes, qu’il s’agisse de mesures législatives ou réglementaires, ou de lois non codifiées.

3.   Une coexistence de formes anciennes ou renouvelées et d’autres plus récentes, dans le cadre de la digitalisation de l’expression raciste

Les personnes auditionnées par la présente mission d’information ont dans leur ensemble souligné que les formes de racisme peuvent difficilement être catégorisées en « anciennes et nouvelles formes » de racisme. L’objet de la mission d’information n’est donc pas de ne travailler que sur les dernières évolutions mais bien d’essayer d’analyser l’ensemble du racisme et des discriminations à l’œuvre, ainsi que les permanences et héritages historiques.

Le racisme paraît receler aujourd’hui une plus grande complexité qu’hier. Certaines formes d’expression du racisme sont d’apparition récente, tout en pouvant être fondées sur des idéologies anciennes. Les crises, sanitaires, sociales ou géopolitiques, ont un impact certain sur les modes d’expression et les populations visées (voir infra). Tout dernièrement, la crise de la covid a vu se manifester une haine dirigée contre les Asiatiques et les juifs, les mouvements observés trouvant leurs racines à la fois dans des préjugés complotistes très anciens et des questions d’actualité.

Le racisme le plus ancien et brutal n’a certainement pas disparu, que l’on pense aux cris de singe qui résonnent encore dans les stades de football ou à la manière dont Mme Christiane Taubira a été plusieurs fois la cible du racisme « le plus vulgaire, le plus classique et le plus ancien », comme le rappelait M. Michel Wieviorka ([113]). Ce racisme-là, qui tire son assise d’un racisme pourtant « démonétisé » au plan scientifique depuis des décennies, perdure. L’on aurait ainsi tort de l’envisager comme ayant été « traité », comme l’ont souligné de nombreuses personnes auditionnées.

Une évolution récente, qui touche toutes les formes de racisme, réside dans leur mode de diffusion, massif et instantané, que permettent les nouveaux outils de communication. Internet recèle en effet en lui-même nombre d’éléments propres à démultiplier la portée du racisme. La relative simplicité de son usage, son accessibilité quasi générale et la portée des réseaux sociaux et moteurs de recherche en termes d’audience en font le cadre privilégié sinon unique de ceux qui ne trouveraient pas de voie d’expression dans les médias classiques et régulés. L’anonymat permis par les réseaux sociaux désinhibe la parole. Chacun peut s’abriter pour ce faire sous un pseudonyme ou usurper l’identité d’autrui, ce qui ne nuira pas, voire facilitera, la diffusion du propos. Cette facilité est véhiculée par un certain mythe de l’internet libre et sans frontières, largement entretenu par les fournisseurs d’accès et les grandes entreprises du numérique.

M. Michel Wieviorka rappelait à cet égard : « Il s’est donc développé un antisémitisme qui traverse des milieux très variables et qui, à mon avis, est lié avec la culture d’internet. Il s’agit d’une nouveauté qui concerne en particulier les jeunes. Certains veulent pouvoir tout dire et pensent que ce sont les juifs qui ne les laissent pas tout dire ([114]). » M. Pierre-André Taguieff a souligné, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, que « l’évolution du paysage antijuif international connaît une évolution largement due à l’importance croissante des réseaux sociaux dans le processus de formation de l’opinion ainsi que dans la transmission des représentations et des croyances. »

La digitalisation du racisme est sans doute l’évolution la plus prégnante. La massification des contenus racistes pose très clairement celle de leur répression.

L’impact de la haine en ligne a déjà fait l’objet de nombreuses propositions. La loi portée par notre collègue Laetitia Avia n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet portait précisément sur ces sujets ([115]). Plus récemment, le projet de loi confortant le respect des principes de la République, n° 3649 rectifié, propose de nouveaux moyens de répression des propos haineux et pour lutter plus efficacement contre la diffusion des contenus par les sites miroirs (voir infra).

4.   L’expression des rejets et les populations victimes à travers les enquêtes d’opinion et les éléments statistiques du service central du renseignement territorial (SCRT)

Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut en particulier analyser l’évolution des opinions exprimées dans les enquêtes d’opinion ou les sondages, qui constituent un élément central, mais ne peuvent être confondues avec les propos et actes racistes. Le présent développement s’appuie à la fois sur le travail d’enquête d’opinion et sur les éléments statistiques du service central du renseignement territorial (SCRT) disponibles pour les actes antisémites et antimusulmans.

L’observation des populations victimes des actes et propos racistes fait nécessairement apparaître, pour chacune des grandes catégories de populations, telles qu’elles sont en particulier relevées par la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), une part d’incertitude car le racisme est difficilement « dicible ». Les travaux menés par la CNCDH sur le temps long permettent de comprendre les niveaux de rejet dont souffrent certaines minorités et leurs évolutions.

Par ailleurs, votre rapporteure estime que seule une approche universaliste de la lutte contre le racisme est à même de porter ses fruits dans le cadre républicain, et qu’elle doit nécessairement passer par un examen détaillé des problèmes concrets auxquels se heurtent certaines minorités. Ainsi, certaines sont en proie aux discriminations tout en étant considérées comme très bien acceptées, d’autres sont en butte à un rejet massif de l’autre, et les leviers d’action républicains diffèrent selon les situations.

S’agissant des questions de méthode, le sondage en ligne peut en partie atténuer l’autocensure des déclarations. M. Mathieu Gallard, directeur d’études du département affaires publiques d’Ipsos, rappelait au cours de son audition que, en ce qui concerne l’appréciation de son propre racisme par la personne interrogée, les résultats sont très différents selon la méthodologie employée : internet et sondage en face-à-face se complètent.

On observe que le baromètre « racisme » 2019, réalisé par l’Ipsos dans le cadre du rapport annuel de la CNCDH ([116]), permet d’établir que seuls 6 % des Français estiment qu’il « y a des races supérieures à d’autres ». 56 % des personnes pensent que « toutes les races humaines se valent » et 32 % que « les races humaines n’existent pas ([117]) ». 60% des sondés se disent « pas racistes du tout », contre 28 % au début des années 2000. Sur le moyen terme, l’évolution est donc positive.

Le baromètre enregistre une tension accrue dans le rapport à l’immigration (même s’il demeure bien meilleur qu’entre 2011 et 2015) : ainsi, 49 % des Français estiment qu’on « ne se sent plus chez soi comme avant » en France (hausse de 7 points en un an) ; 59 % des Français (hausse de 2 points par rapport à 2018) pensent que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale ». 37 % des personnes interrogées indiquent que l’immigration est « la principale cause de l’insécurité » (hausse de 3 points par rapport à 2018). Les préjugés et rejets envers les immigrés alimentant la xénophobie demeurent donc très présents.

L’indice longitudinal de tolérance (ILT), mis au point en 1990 par Vincent Tibérj, est construit à partir des réponses au baromètre annuel, et ses résultats sont analysés dans le rapport annuel de la CNCDH. Plus son résultat augmente, plus la tolérance croit. Cet indicateur de tolérance est en ascension depuis sa création en 1990 : il atteignait un niveau de 48 dans les années 1990, et de 66 en 2019 (67 en 2018). L’indice a connu des variations importantes et une chute de près de 15 points entre 2008 et 2013, puis a retrouvé son niveau de la fin des années 2000 à partir de 2016. Il progresse régulièrement depuis. Comme le rappelait Mme Nonna Mayer, directrice de recherche émérite au CNRS, membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) au cours de son audition ([118]), la tolérance progresse de génération en génération. Elle augmente également à mesure que le niveau de diplôme augmente. Le facteur politique a aussi un impact et les résultats en témoignent : « l’indicateur de tolérance est d’autant plus bas que l’on est à droite de l’échiquier politique. Il atteint son minimum chez les proches du Rassemblement national ([119]). » Mme Nonna Mayer a synthétisé un point important pour la mission d’information qui réside dans la « hiérarchie des rejets » : « les Roms sont de très loin la catégorie la plus rejetée il en va de même dans toute l’Europe. Dans les enquêtes qualitatives, certaines personnes leur dénient même parfois l’humanité. Les propos ne sont jamais aussi durs que sur les Roms et les gens du voyage, souvent confondus, à tort. Juste au-dessus viennent les musulmans, avec toutes les questions qui touchent aux pratiques de l’islam : pour eux, l’indice est de 60. Au-dessus on trouve les Maghrébins, Arabes, parfois dénommés beurs, avec 72. Les deux minorités les mieux acceptées sont la minorité juive et les Noirs [79]. Ce qui peut paraître paradoxal, si l’on compare avec les actes et les discriminations. Cette hiérarchie des rejets, réelle, se maintient à travers le temps ([120]). »

S’agissant de l’impact des actes racistes et antisémites sur la population générale, M. Jean-Daniel Lévy, directeur général adjoint du département politique et opinion de Harris interactive soulignait un fait qui doit interpeller. Il notait que, même dans le cas d’actes d’une extrême gravité très médiatisés (meurtres perpétrés par Mohammed Merah, meurtre d’Ilan Halimi ou plus récemment attentats à l’Hyper Cacher), une certaine forme « d’apathie » est observée dans la société qui se traduit par une absence de ce que les sondeurs nomment « restitution ([121]) » et par une faible mobilisation dans la rue. La mobilisation émotionnelle sur ces sujets lui apparaît bien moindre que dans les années 1980. M. Frédéric Dabi, directeur général adjoint, directeur du pôle opinions et stratégies d’entreprise de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) indiquait également que l’IFOP pose chaque semaine pour le compte du service d’information du gouvernement (SIG) une question ouverte de mémorisation de l’actualité. « Je me souviens que dans ce cadre, le meurtre de Chaolin Zhang à Aubervilliers avait été très peu restitué par les personnes interrogées. De même, s’agissant de l’attaque de l’Hyper Cacher, sans même parler de Clarissa Jean-Philippe, complètement oubliée par l’opinion, l’attentat n’a pas fait évoluer de façon positive les préjugés envers les juifs. Le dernier événement qui avait induit un changement du regard porté par les Français sur le racisme est probablement le premier tour des élections présidentielles de 2002 ([122]). » M. Mathieu Gallard, directeur d’études du département des affaires publiques d’Ipsos, soulignait que « la faible mobilisation des Français concernant la question du racisme est nettement visible dans le baromètre de la CNCDH. » Leur préoccupation vis-à-vis du racisme et de l’antisémitisme se situe en bas du classement proposé pour définir leurs priorités mais ils sont une large majorité à estimer que la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et contre les préjugés envers les musulmans doit être une priorité de l’action publique.

Votre rapporteure souligne que l’absence de « restitution » (selon le sens du terme tel qu’il est employé par les sondeurs) des actes racistes comme un fait majeur de l’actualité est un signal très préoccupant. Il est à rapprocher des risques de banalisation observables et pouvant se traduire, s’agissant des victimes, par un faible niveau de plaintes.

Les développements suivants s’appuient sur le rapport annuel de la CNCDH et reprennent les minorités victimes identifiées en partant de celles paraissant faire l’objet de la meilleure acceptation.

S’agissant de la question du racisme qui s’exprime à l’encontre des Blancs, votre rapporteure souligne qu’il a été attesté par les associations de lutte contre le racisme qu’il est une banalité de relever que des Blancs peuvent être victimes de racisme de la part de personnes considérées comme « non-blanches » et que le racisme ne s’exprime pas dans une seule direction. L’emploi du terme « racisme anti-Blancs » est rejeté par certains. SOS Racisme le récuse, en particulier parce qu’il serait de nature différente de celui qui s’exprime à l’encontre des Noirs, des Arabes ou des juifs par exemple, recèle des risques d’instrumentalisation et provient de l’extrême droite ([123]). Mario Stasi, avocat et président de la LICRA, a été amené à plaider une affaire de racisme anti-Blanc dans laquelle la circonstance aggravante de racisme a été retenue ([124]). Ce racisme a fait l’objet de jurisprudences de la Cour de cassation. Si l’on peut s’accorder sur le fait qu’il n’existe pas de fait majoritaire de discrimination à l’emploi, au logement ou à l’entrée des discothèques à l’encontre des Blancs, le racisme à l’encontre des Blancs existe bel et bien et vise souvent indirectement la France et son modèle républicain universaliste.

a.   Le racisme anti-Noirs ne recule pas malgré un « indice de tolérance » élevé

Dans son rapport annuel paru en 2020, la CNCDH consacre une étude spécifique au racisme anti-Noirs à laquelle renvoie votre rapporteure ([125]). Les travaux de la Commission rappellent en particulier que les Noirs constituent la minorité la mieux acceptée d’après l’indice de tolérance, tout comme les juifs (indice de tolérance de 79). Mais ils sont parmi les plus discriminés.

Un des indicateurs du racisme anti-Noirs dans le baromètre 2019 de la CNCDH est le fait de percevoir une minorité comme formant un groupe à part. S’agissant des Antillais comme des Noirs d’une manière générale, entre 10 et 23 % (selon les modes de sondage) des personnes interrogées répondent positivement, ce qui est peu comparativement aux taux, pouvant atteindre 82 %, exprimés pour les Roms par exemple. Les Antillais sont perçus comme un groupe à part dans 10 à 14 % des cas. Différents autres indicateurs aboutissent aux mêmes conclusions : celle d’une meilleure image dans l’opinion que les autres minorités.

Pour autant, discriminations et préjugés persistent.

Les discriminations rapportées à la mission d’information portent à la fois sur les contrôles de police (infra), l’accès au travail et l’accès au logement (infra), plus spécifiquement étudiés par la mission d’information. D’autres champs de discrimination doivent être relevés, en particulier s’agissant du sport ou de la santé. Sur ce dernier point, votre rapporteure rappelle les travaux de la commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles sur le territoire de la Guadeloupe et de la Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires. Le rapport (M. Serge Letchimy, président, Mme Justine Bénin, rapporteure) fait état d’un sentiment diffus de discrimination selon lequel, notamment, « l’autorisation d’utilisation du chlordécone pour lutter contre le charançon du bananier aux Antilles n’aurait jamais été délivrée pour une utilisation en agriculture en France hexagonale ([126]) ». Il convient à cet égard de souligner que les efforts déployés par l’État aujourd’hui, qui sont réels, pour réparer les dégâts causés et tendre en particulier vers le « zéro chlordécone » dans l’alimentation ne sont sans doute pas encore assez visibles ni connus de la population. Lors de sa visite officielle aux Antilles en septembre 2018, le Président de la République a annoncé une inflexion majeure des politiques publiques en reconnaissant la responsabilité de l’État dans cette pollution. Plusieurs mesures ont été rapidement mises en œuvre et les moyens consacrés à la lutte contre le chlordécone ont été augmentés ([127]). Les travaux pour l’élaboration du prochain plan chlordécone (plan IV portant sur la période 2021-2027) ont été, selon les informations transmises à votre rapporteure par M. Stanislas Cazelles, préfet de la Martinique, menés selon une méthode ayant l’ambition d’associer l’ensemble de la population, dans une logique de coconstruction. Le rapport de la commission d’enquête précité avait en particulier souligné la nécessité d’une réelle coconstruction du prochain plan chlordécone.

Votre rapporteure souhaite souligner le besoin, très largement exprimé au cours de son déplacement à la Martinique, d’une résolution du volet judiciaire de l’affaire du chlordécone.

La question des taux de sucre autorisés, très longtemps différenciés aux Antilles et dans l’Hexagone, avec des conséquences importantes en termes de santé publique (diabète) a été soulignée lors des travaux de la mission et au cours du déplacement effectué à la Martinique en octobre 2020 ([128]).

M. Frédéric Régent a rappelé devant la mission d’information l’émergence du racisme concomitamment au recul de l’esclavage, comme permettant de justifier une domination lorsque celui-ci a été aboli (supra). Le racisme anti-Noirs s’ancre dans le temps très long. Il s’enracine dans les théories du racisme dit « scientifique » et est à l’œuvre dans la colonisation. Le rapport de la CNCDH souligne l’étendue et la puissance des préjugés à l’œuvre, qui trouvent des retentissements très concrets dans la vie quotidienne ([129]). Les préjugés tiennent pour beaucoup au corps noir et aux capacités intellectuelles, rappelle la CNCDH. Cela se traduit dans la sphère professionnelle notamment, barrant l’accès à l’emploi ou cantonnant à certains métiers physiquement éprouvants et à certaines filières. Les stéréotypes tiennent aussi à une association avec l’immigration, la pauvreté et l’économie illégale.

Le rapport de l’Agence européenne des droits fondamentaux, Être noir dans l’UE, Deuxième enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination, paru en 2019, visant à alerter les responsables publics européens en vue d’une meilleure mise en œuvre du droit européen en matière de lutte contre le racisme, soulignait : « Près d’un répondant d’ascendance africaine sur trois (30 %) a déjà été victime de ce qu’il a perçu comme du harcèlement raciste au cours des cinq années précédant l’enquête ; un sur cinq (21 %), au cours des douze mois précédant l’enquête (20 % de femmes et 23 % d’hommes) ». Le taux de perception de harcèlement raciste au cours des cinq années précédant l’enquête atteint en moyenne 30 % dans l’Union européenne (32 % en France, les résultats allant de 20 % à Malte et 63 % en Finlande). Le rapport relève que « les cas de harcèlement raciste se caractérisent le plus couramment par des signes non verbaux offensants (22 %) ou par des propos offensants ou menaçants (21 %), suivis par des menaces de violence (8 %). […] Seulement 14 % des derniers incidents de harcèlement raciste ont été signalés à la police ou à d’autres services (16 % chez les femmes et 12 % chez les hommes), ce qui signifie que la vaste majorité des incidents n’ont jamais été déclarés ([130]). »

En matière de discriminations raciales, les principales conclusions de l’enquête peuvent être rappelées. « De manière générale, 39 % des répondants d’ascendance africaine ont éprouvé le sentiment d’être victimes de discrimination raciale au cours des cinq années précédant l’enquête. Un répondant sur quatre (24 %) a éprouvé ce même sentiment au cours des douze mois précédant l’enquête. Les taux les plus élevés de perception de discrimination au cours de la période de douze mois ont été observés au Luxembourg (50 %), en Finlande (45 %), en Autriche (42 %) et au Danemark (41 %). Les taux les plus bas ont été enregistrés au Royaume-Uni (15 %) et au Portugal (17 %). [Le taux relevé pour la question portant sur les douze derniers mois en France est de 29 %.]

La couleur de peau est le motif de discrimination le plus communément recensé, mentionné par plus d’un quart (27 %) des répondants, les taux étant supérieurs chez les hommes (30 %) que chez les femmes (24 %). Le deuxième motif de discrimination le plus communément recensé est l’origine ethnique (19 %). Approximativement 5 % des répondants se sont sentis discriminés en raison de leur religion ou de leurs convictions religieuses ([131]). »

La structuration des stéréotypes autour de la couleur de la peau est telle que les nuances de couleur affecteraient le devenir des personnes. Cette question était prégnante dans les entretiens menés par votre rapporteure à la Martinique. M. Frédéric Régent soulignait devant la mission d’information : « en Guadeloupe, en Martinique, il existe un sous-racisme entre gens plus foncés et gens plus clairs. Une psychanalyste, maître de conférences en psychologie qui a fait une enquête auprès des ouvriers en Guadeloupe, a montré que dans les familles, où souvent, du fait du métissage, les enfants n’ont pas tous la même couleur, les parents donnaient un capital culturel plus important aux enfants les plus clairs ([132]). »

L’enjeu des inégalités sociales dans les discriminations et leur ressenti est majeur : les personnes pensent que leur place dans la société est ramenée à leur couleur alors que l’impact des différences sociales est peut-être supérieur. C’est pourquoi les études sur le niveau des discriminations cherchent à analyser les différences de traitement, toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire à situation sociale similaire (infra).

Malgré des indices de tolérance élevés, le racisme à l’encontre des Noirs est extériorisé à la fois dans des actes et des propos violents et par les discriminations subies (voir la troisième partie du rapport).

b.   L’antisémitisme, en très nette hausse depuis 2017, s’approche des niveaux les plus hauts observés depuis 2000

Il convient de relever que l’antisémitisme a une telle « épaisseur historique », selon les termes de M. Michel Wieviorka, qu’il ne peut être considéré comme un racisme comme les autres au plan historique. La suppression de la référence directe à l’antisémitisme dans notre législation, au motif que le racisme l’engloberait, parfois interrogée, constituerait selon votre rapporteure un très mauvais signal, pour reprendre l’analyse de M. Frédéric Potier ([133]), préfet, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.

Les juifs sont, avec les Noirs, la minorité la mieux acceptée selon les résultats de l’indice longitudinal de tolérance. Pourtant, l’antisémitisme a augmenté considérablement au cours des années récentes : selon les données du service central du renseignement territorial (SCRT) du ministère de l’intérieur, les actions ([134]) et menaces ([135]) antisémites cumulées ont augmenté de 74 % entre 2017 et 2018 puis de 27 % entre 2018 et 2019, pour atteindre 687 actes en 2019 (536 menaces et 151 actions).

L’appréhension des actes racistes au plan statistique n’est pas simple (infra). Elle doit s’appuyer sur plusieurs outils, qui constituent un ensemble incomplet. Les données issues du service central du renseignement territorial (SRCT) recensent les actes caractérisés par un dépôt de plainte ou une intervention de police ([136]).

Le tableau suivant, issu du rapport annuel de la CNCDH paru en juin 2020, présente ses données du SCRT sur le long terme s’agissant des faits racistes. Depuis 2018, les actes antichrétiens font l’objet d’une catégorisation spécifique (non reprise par la CNCDH dans le tableau présenté, voir également infra).

Évolution globale des faits racistes comptabilisés par le SCRT
sur le long terme

Source : La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, rapport sur l’année 2019, paru en juin 2020.

Il apparaît que la proportion des actes antisémites est sans commune mesure avec la part des personnes de confession juive dans la population totale. M. Georges Bensoussan, historien, rappelait au cours de son audition : « La césure dans la progression des actes antisémites a eu lieu en l’année 2000 : nous comptabilisions avant 2000 moins d’une centaine d’actes par an alors que, depuis l’année 2000, nous enregistrons 400, 600, 700, 800 voire 900 actes par an ([137]). » La CNCDH marque également la césure à l’année 2000, au début de la seconde intifada.

Or, selon les estimations, les personnes juives ou de la « communauté juive » représenteraient entre « 450 000 et 550 000 personnes – chiffre probablement en nette baisse depuis quinze ans – soit 0,7 % de la population », soulignait M. Bensoussan. Votre rapporteure rappelle que tant M. Georges Bensoussan que de nombreuses autres personnes entendues, ont pris de très grandes précautions pour employer le terme de « communauté juive » car une telle communauté n’existe pas, Mme Dominique Schnapper soulignant qu’elle récusait ce terme. Votre rapporteure s’efforcera de ne pas y recourir.

Dans un sondage récent conduit par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) pour la Fondation pour l’innovation politique et l’American Jewish Committee ([138]), un tiers des Français de confession ou de culture juive indiquent se sentir menacés dans leur vie quotidienne (contre un résultat de 8 % observé dans la population générale), 70 % ont déjà été confrontés à un acte antisémite (23 % à au moins un acte de violence physique) et adoptent des stratégies de dissimulation ou d’invisibilisation (plus d’un tiers d’entre eux). Les plus jeunes sont significativement plus exposés selon cette enquête : 43 % des Français de confession ou de culture juive de moins de 35 ans disent se sentir menacés et 84 % des 18-24 ans déclarent avoir déjà subi au moins un acte antisémite (79 % une agression verbale et 39 % une agression physique).

Depuis 2002, seize juifs ont été tués par des Français, dont douze sur le territoire métropolitain. M. Georges Bensoussan indiquait à la mission d’information que ce phénomène est inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et ne s’observe nulle part ailleurs en Europe. Les attentats islamistes en France ont d’abord visé les populations juives. Dès 2012, Mohammed Merah a assassiné trois enfants et un enseignant juifs devant une école juive, Amedy Coulibaly a assassiné quatre otages juifs à l’Hyper Cacher le 9 janvier 2015. À cet égard, au cours de son audition, M. Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a rappelé : « je me demande souvent comment se seraient passées les huit dernières années si nous avions su tirer, en France, les leçons de l’attentat contre l’école Ozar Hatorah de Toulouse. J’ai en effet le sentiment que beaucoup trop de Français n’ont pas entendu que l’idéologie islamiste qui avait, à ce moment-là, armé l’esprit, mais aussi le bras du terroriste, armerait ensuite ceux des assassins de Charlie Hebdo, de Montrouge, de l’Hyper Cacher et, plus tard, ceux du Bataclan, de Nice, de Strasbourg et de tant d’autres villes en France. Pourquoi avons-nous perdu toutes ces années si précieuses pour prendre conscience de ce phénomène ? Je m’interdis de croire que le fait que les victimes aient été juives puisse expliquer cette sorte d’aveuglement volontaire ([139]). »

Il concluait en indiquant que ce qui commence avec les juifs ne s’arrête jamais aux juifs.

La vague de départ vers Israël de Français atteindrait 60 000 personnes entre 2000 et 2020, le nombre des retours n’étant pas précisément connu ([140]), estime M. Georges Bensoussan, qui ajoutait : « alors qu’on me demandait il y a dix ans “Faut-il partir ?” on me demande aujourd’hui : “Quand faut-il partir ?” ([141]) ».

L’« archipélisation » du territoire, pointée notamment par M. Jérôme Fourquet dans son ouvrage L’archipel français ([142]), s’est traduite, indiquait M. Georges Bensoussan, pour les populations juives, par un départ massif de Seine-Saint-Denis et un regroupement dans certains quartiers, tels que le XVIIème arrondissement de Paris ([143]).

M. Georges Bensoussan rappelait devant la mission d’information le chagrin que ressentent les juifs qu’il rencontre et l’impact sur leur vie de l’antisémitisme vécu au quotidien ([144]).

L’antisémitisme apparaît protéiforme et recouvre des mouvements très variés, comme le relève M. Michel Wieviorka dans son ouvrage Pour une démocratie de combat ([145]).

Le « vieil » antisémitisme d’extrême droite, en particulier celui des mouvements néo-nazis et des mouvements nationalistes et xénophobes, n’a certainement pas disparu, comme l’ont souligné de nombreuses personnes entendues.

M. Frédéric Dabi, directeur général adjoint, directeur du pôle opinions et stratégies d’entreprise de l’Institut français d’opinion publique (IFOP), rappelait au cours de son audition : « Les préjugés associés aux juifs se maintiennent donc à un niveau non négligeable, même s’ils ne sont jamais partagés par une majorité. Par exemple, les enquêtes réalisées pour l’UEJF ([146]) en 2016 et pour Marianne en 2019 ont révélé que 20 à 25 % de Français considèrent que les juifs sont plus riches que la moyenne, qu’ils détiennent trop de pouvoir dans le domaine des médias, de l’économie et de la finance. Une personne sur cinq estime qu’ils utilisent dans leur propre intérêt leur statut de victime du génocide nazi ([147]). »

Il soulignait par ailleurs : « Les éléments de rupture interviennent à deux niveaux. Premièrement, alors qu’en 2016, les préjugés antisémites étaient exprimés plus largement par le Front national que la moyenne, ils ont basculé vers l’extrême gauche en 2019. Désormais, ce sont plutôt les sympathisants de la France insoumise qui expriment des préjugés antisémites. Le deuxième élément de rupture est générationnel. […] Dans les années 1950-60, l’antisémitisme était d’abord partagé par les personnes âgées. Désormais, il est davantage le fait des jeunes ([148]). »

Le vieil antisémitisme coexiste avec de nouvelles formes d’antisémitisme, un « nouvel antisémitisme », déjà pointé dans l’ouvrage Les territoires perdus de la République en 2002, recueillant les témoignages sur l’antisémitisme, le racisme et l’islamisme auxquels se heurtaient des enseignants de la banlieue parisienne, coordonné par M. Georges Bensoussan ([149]).

M. Michel Wieviorka a souligné que : « Dans les années 1970 et 1980, alors qu’on pensait qu’il était en déclin historique, que l’Église catholique avait fait son aggiornamento, le renouveau de l’antisémitisme a pris deux formes : d’une part, le négationnisme avec Robert Faurisson et, d’autre part, la critique virulente d’Israël, l’idée qu’il faut détruire cet État et, derrière tout cela, un antisionisme qui chevauche un antisémitisme ou le contraire. Ce sont des questions complexes ([150]). »

M. Pierre-André Taguieff a théorisé dès 2002 une nouvelle judéophobie contemporaine ([151]). M. Taguieff souligne qu’elle est entretenue et intensifiée par les islamistes et les mouvements « antisionistes ». Elle ne constitue pas une survivance du passé. Elle n’est pas non plus propre à la France et traverse d’autres États. M. Taguieff résumait ainsi sa thèse : « La haine d’Israël, une haine absolue, appelant une lutte inexpiable, constitue la passion motrice, et donc l’indice majeur, de la nouvelle judéophobie. À l’antisionisme absolu s’ajoute de plus en plus souvent une forme plus ou moins clairement affirmée (ou assumée) de négationnisme, lequel constitue une composante majeure de la nouvelle judéophobie. Ma thèse est que cet antisionisme satanisateur est aujourd’hui devenu un élément important de ce qu’on appelle ordinairement l’« antiracisme » – que la judéophobie tend en conséquence à repasser de droite à gauche (sans pour autant cesser de persister à l’extrême droite) – et qu’il fonctionne idéologiquement de pair avec un « anti-impérialisme » qui n’a cessé de sataniser les États-Unis (et, plus largement, les démocraties occidentales). Son postulat est que le « sionisme » est non seulement « une forme de racisme », mais qu’il incarne par excellence, aujourd’hui, le racisme ([152]). »

Mme Nonna Mayer, s’appuyant sur les résultats de l’enquête menée par la CNCDH en 2003, soulignait en 2004 que l’antisémitisme tel qu’il ressortait des réponses au questionnaire de la CEDH s’inscrivait encore dans une attitude plus générale « d’ethnocentrisme » (valorisation de l’entre-soi et rejet de la différence) : « Plus la personne interrogée adhère au stéréotype du pouvoir juif, en avril 2002, au moment même de l’intervention israélienne à Jénine, plus elle a une image négative de l’Islam, plus elle a des opinions négatives à l’égard des minorités quelles qu’elles soient (Noirs, Maghrébins, immigrés et étrangers) ([153]). »

Dans le rapport de la CNCDH paru en 2020, l’analyse de l’évolution entre vieil antisémitisme et nouvel antisémitisme relève que « À la différence des actes antisémites, très réactifs, depuis le déclenchement de la seconde Intifada, aux péripéties du conflit israélo-palestinien ([154]), les opinions restent structurées par les vieux stéréotypes liés au pouvoir, à l’argent, à la suspicion de double allégeance. Si une vision négative d’Israël est plus fréquente à l’extrême gauche, elle est aussi mauvaise à l’extrême droite. Et tandis qu’à l’extrême droite cette critique est fortement corrélée aux préjugés antijuifs classiques, elle s’en dissocie nettement à l’extrême gauche ([155]). »

S’agissant de l’acception du terme « antisionisme » et de sa participation de l’antisémitisme, votre rapporteure renvoie à la résolution adoptée à l’initiative de notre collègue Sylvain Maillard ([156]), selon laquelle l’Assemblée nationale « Approuve la définition opérationnelle de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, en tant qu’instrument d’orientation utile en matière d’éducation et de formation et afin de soutenir les autorités judiciaires et répressives dans les efforts qu’elles déploient pour détecter et poursuivre les attaques antisémites de manière plus efficiente et plus efficace ».

L’Assemblée a ainsi estimé que cette « définition opérationnelle […] permet de désigner le plus précisément possible ce qu’est l’antisémitisme contemporain » et qu’elle « constituerait un instrument efficace de lutte contre l’antisémitisme dans sa forme moderne et renouvelée, en ce qu’elle englobe les manifestations de haine à l’égard de l’État d’Israël justifiées par la seule perception de ce dernier comme collectivité juive ([157]) ».

Il convient de rappeler que la proposition de résolution n’a pas été adoptée à l’unanimité et a fait l’objet de réserves, tenant notamment à l’acception de l’antisionisme, exprimées en particulier par les groupes Socialistes et apparentés, La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine, dont les membres ont voté contre l’adoption.

c.   Le racisme anti-Asiatiques, patent en 2020, ne doit plus être sous-estimé

La crise sanitaire de la covid-19 s’est accompagnée d’une très nette hausse des attitudes, propos et actes racistes à l’encontre des personnes asiatiques. Nombre des spécialistes entendus l’ont souligné. Toutefois, cet essor récent ne saurait être considéré comme un fait nouveau.

En 2017, le décès des suites de ses blessures au cours d’un vol violent de Chaolin Zhang ([158]), ainsi que d’autres agressions, avaient soulevé l’émoi en France, elles étaient notamment fondées sur le préjugé que les Asiatiques disposent d’argent liquide en grande quantité ou peuvent constituer des proies « faciles ». La CNCDH note, dans son rapport de juin 2020 portant sur 2019, le déploiement du racisme anti-Asiatiques et plus spécifiquement anti-Chinois, ces derniers étant davantage vus comme « formant un groupe à part » dans la société ([159]). Les questions posées dans le cadre du baromètre annuel se sont d’ailleurs enrichies ([160]) afin de mieux cerner l’essor de ce racisme jusque-là relativement moins connu.

La mission d’information a souhaité que puissent être analysées les particularités du racisme anti-Asiatiques, non pas en vue de battre en brèche l’universalisme républicain, mais pour mieux comprendre le phénomène. Il est pour partie contre-intuitif car aux populations asiatiques sont assignés des préjugés que l’on peut appréhender comme mélioratifs : ils seraient très travailleurs, assidus, bons dans certaines disciplines telles que les mathématiques ou l’informatique, disciplinés, etc. Cette minorité serait un modèle d’intégration qui réussit, même si l’image demeure selon laquelle les Asiatiques constitueraient un groupe à part.

En réalité, il n’est point besoin de creuser davantage pour percevoir que ces préjugés, pour positifs que certains d’entre eux puissent paraître au premier abord, n’en sont pas moins des stéréotypes lourds de sens, au même titre que d’autres, et qu’ils comportent comme toujours une face très sombre : ainsi, la discipline peut sous-tendre la docilité et l’absence de défense, l’assiduité au travail sous-tendrait l’autorisation pour l’employeur de les surcharger par rapport à leurs collègues, l’orientation systématique vers certaines matières impliquerait que des élèves renoncent à leurs aspirations profondes et ne réalisent pas leurs potentialités et que le niveau d’exigence vis-à-vis des descendants d’immigrés serait singulièrement élevé, etc. Les préjugés « positifs » ne sont, par ailleurs, pas dénués d’envie et de ressentiment.

L’audition de Mme Ya-Han Chuang et de Mme Simeng Wang ([161]), était très intéressante à cet égard. Mme Ya-Han Chuang rappelait que l’hebdomadaire Le Point avait « publié en 2012 un article intitulé “L’intrigante réussite des Chinois de France” qui faisait état des “cinq commandements de l’entrepreneur chinois en France” : travailler 80 heures par semaine, dormir dans sa boutique, ne pas payer d’impôts, embaucher des travailleurs au noir… ([162]) ». Plusieurs associations représentant les Asiatiques en France sont venues témoigner de leur expérience et des éléments dont elles ont eu à connaître ([163]).

La question du racisme anti-Asiatiques a, jusqu’au milieu des années 2010, peu émergé, alors même que le racisme anti-Asiatiques est documenté scientifiquement dans le monde anglo-saxon depuis plusieurs décennies, qu’il est ancré dans le passé colonial, et que des personnes ont fait état des stigmatisations auxquelles ils ont fait face en France, notamment lors de l’arrivée des boat-people dans les années 1970. On note également la convergence de certains préjugés, selon lesquels les Asiatiques, comme les juifs, auraient beaucoup d’argent.

Notre collègue Buon Tan, secrétaire de la mission d’information, a partagé son expérience et a constaté, lors de ses échanges avec les préfets d’Île-de-France rencontrés, que ces derniers ne reconnaissent pas nécessairement l’existence d’un tel racisme. Par ailleurs, il a souligné que, dans le cas du meurtre de Chaolin Zhang, la circonstance aggravante de racisme n’avait dans un premier temps pas été retenue, alors même que les criminels avaient reconnu s’en être pris à lui parce qu’il devait avoir de l’argent sur lui, étant Chinois.

L’année 2020 a été marquée par la résurgence de vieux préjugés greffés sur la crise de la covid-19. De nombreuses agressions ont été rapportées. La campagne réalisée avec le hashtag « je ne suis pas un virus » sur Twitter a eu un certain retentissement et a permis d’alerter l’opinion publique.

Il semble que les formes de racisme actuellement constatées devant l’épidémie de covid-19 soient davantage un renouvellement des fondements anciens d’hostilité qu’une réelle nouveauté. Elle aura notamment réactivé des stéréotypes sur les pratiques alimentaires des Chinois. Par ailleurs, émergent des formes plus récentes de peur à l’encontre de la puissance de la Chine qui peuvent participer de ce phénomène d’hostilité. Les chercheuses entendues le 7 juillet 2020 ont pu décrire les travaux de recherche en cours et la question paraît bien prise en compte par l’ensemble des acteurs institutionnels entendus, qu’il s’agisse de la CNCDH, de la DILCRAH, du ministre de l’éducation, de la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ou encore du garde des Sceaux, ministre de la justice. Les associations historiques de lutte contre le racisme ont nettement perçu cette évolution également.

Votre rapporteure souligne qu’il conviendra de poursuivre les travaux de veille et de recherche portant sur le racisme anti-Asiatiques et de porter une attention pérenne à cette question dans le cadre des formations initiales et continues et des actions de sensibilisation déployées auprès des élèves, ainsi que dans les entreprises et la fonction publique.

d.   Les actes de rejet et de haine dirigés contre les Arabes et les musulmans connaissent la plus forte hausse en 2019

Si les discriminations envers les Arabes sont établies par les études, en particulier en matière d’accès à l’emploi ou au logement (infra), les travaux menés dans le cadre du baromètre de la CNCDH ont vu les questions évoluer avec le temps. Si les premiers sondages sur le racisme réalisés pour la CNCDH dans les années 1990 comportaient surtout des questions sur les immigrés, les Maghrébins, les « beurs », le fait qu’ils puissent être de confession musulmane n’apparaissait pas comme un élément central de leur identité, ou de leur image dans la société française. En 1997, à la question : « Diriez-vous qu’en France aujourd’hui il y a trop ou pas trop de », 67 % de l’échantillon répond que les musulmans trop nombreux, juste après les Arabes (71 %) ([164]). Mais aujourd’hui c’est l’aversion à l’islam et aux musulmans qui est analysée par la CNCDH et il est indiqué que Maghrébins et Arabes sont désormais d’abord perçus comme des musulmans.

Le rapport de la CNCDH paru en 2020 précise à propos des actes recensés par le SCRT : « Les autres actes, réunis sous la catégorie générique « actes racistes », enregistrent une hausse globale de 131 % (1 142 actes en 2019 contre 496 actes en 2018). Ces actes se répartissent en 165 actions (+ 132 %) et 977 menaces (+ 130 %). Les populations noires (218 faits contre 137 en 2018, soit + 59 %) et arabes (213 faits contre 125 en 2018, soit + 70 %) restent les plus ciblées. »

Une nouvelle fois, la décorrélation entre la perception d’une minorité et les actes qu’elle subit, est importante. Les musulmans sont plutôt bien perçus, souligne le rapport de la CNCDH, les Français musulmans sont considérés comme des Français comme les autres par près de 78 % des personnes répondant au baromètre. Mais près de 45 % jugent que l’islam est une menace pour l’identité de la France. Un léger renforcement de l’hostilité envers l’islam est relevé par les enquêteurs en 2019.

Les actes dirigés contre les musulmans connaissent pour leur part une forte hausse (passant de 100 en 2018 à 154 en 2019, soit une hausse de 54 %) d’après les chiffres du SCRT. Ils se décomposent en 64 actions et 91 menaces.

Votre rapporteure souligne les difficultés liées à l’emploi du terme « islamophobie », avec ce qu’il recèle de confusion amenant certains à réaliser un amalgame entre ce qui relève des actes et des propos de haine envers les musulmans (notamment de l’injure, la diffamation et l’incitation à la haine des personnes musulmanes), ces infractions étant très clairement réprimées, et ce qui relève de la critique de l’islam.

L’écrivain et journaliste Kamel Daoud résumait les difficultés liées à la confiscation des termes du débat par les islamistes, l’islamophobie devenant la haine de l’islam ou la laïcité le rejet de l’islam. M. Olivier Roy soulignait le caractère peu rigoureux du concept et l’amalgame qu’il réalise. M. Mario Stasi, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), indiquait très clairement au cours de son audition : « Le droit au blasphème fait partie de nos libertés. C’est ce qui me fait dire que je me bats tous les matins contre le racisme antimusulman, et que je considère comme une escroquerie la notion d’islamophobie, qui vise à faire l’amalgame entre le dogme et la défense des individus. Le terme est fort, mais la LICRA est partie civile dans le procès en cours ([165]), à la demande des victimes. Nous soutenons sans faille ce droit qui fait partie de la liberté d’expression, et qui fait que la religion, d’une part, le droit, la loi et la République, d’autre part, sont à leur place ([166]). »

Chaque institution employant le terme islamophobie apparaît bien consciente de son instrumentalisation et des limites propres au terme, qu’il s’agisse par exemple de la CNCDH ou de l’Unia en Belgique. Mais chacun est alors contraint d’en expliciter l’acception qu’il en fait. La CNCDH précise en page 13 : « Islamophobie : Attitude d’hostilité systématique envers les Musulmans, les personnes perçues comme telles et/ou envers l’islam » ([167]) et, plus loin, en page 86 du rapport annuel paru en 2020 : « On l’utilise ici au sens de préjugés envers les musulmans et/ou leur religion, sans rentrer dans les polémiques autour de la pertinence du suffixe « phobie » ou de l’instrumentalisation politique du terme ». Il convient de rappeler que le rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, paru en 2014 sur l’année 2013, consacrait de longs développements aux sous-jacents du mot, à ses implications et impropriétés, et rendait compte du débat interne à la CNCDH ayant abouti à son emploi circonstancié par la CNCDH, le mot étant à l’époque déjà très largement usité, en particulier par des instances internationales.

Ainsi, chacun en use dans une définition propre qui n’est pas de nature à clarifier les choses. Or il est impératif, lorsqu’on lutte contre les actes et propos racistes réprimés, de toujours maintenir clairement la distinction entre ce que la loi autorise (la critique des religions) et ce qu’elle prohibe (l’atteinte à la personne).

M. Frédéric Potier, délégué interministériel de la DILCRAH, rappelait au cours de son audition : « Nous utilisons le terme de racisme antimusulman plutôt que celui d’islamophobie, dont l’emploi dénote une conception avec laquelle nous ne sommes pas d’accord. Pour le dire très clairement, certaines associations considèrent que l’application de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics est islamophobe, et que les actes réprimés sur la base de cette loi le seraient donc également, alors qu’il s’agit simplement d’appliquer le principe de laïcité ([168]). »

Votre rapporteure observe que le Conseil français du culte musulman déclare chercher à s’abstenir d’employer ce terme, comme l’a expliqué son président M. Mohammed Moussaoui ([169]). C’est la crainte que les impropriétés du terme n’en viennent à justifier de négliger totalement les actes antimusulmans qui a été interrogé par le CFCM. Selon son président, les « actes antimusulmans » constituent un concept décrivant la réalité de manière bien plus adaptée, et employé dès 2010 dans la convention entre le ministère de l’intérieur et le Conseil français du culte musulman.

Votre rapporteure estime que l’emploi du terme « islamophobie », parce qu’il englobe des comportements purement racistes et ce qui relève d’une critique de la religion, devrait être évité. Les confusions qu’il emporte peuvent être instrumentalisées tout à fait sciemment. Il faut donc nommer plus clairement le rejet ou la haine des musulmans et écarter la condamnation implicite de toute critique de l’islam.

Par ailleurs, comme le soulignait la CNCDH, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a indiqué dès 2007, qu’il convient de ne pas opérer de confusion entre discrimination raciale, d’une part, et discrimination religieuse, d’autre part ([170]). Le CERD préférait l’emploi des expressions « discrimination, exclusion ou haine antimusulmane » pour faire référence à la religion, et « discrimination, exclusion ou haine anti-Arabes » pour faire référence à l’ethnie.

e.   Le rejet des populations roms

Il est apparu au cours de l’audition du 9 juillet 2020 consacrée à la question des Roms ([171]) que le rejet des Roms évolue malheureusement peu.

Les Roms au sens strict sont une population ayant quitté l’Inde du Nord il y a tout juste mille ans, et qui porte une langue, un héritage, une culture et une identité spécifiques, rappelait M. Marcel Courthiade, professeur de langue et civilisation rromani. Le terme Roms au sens large a été celui retenu par l’Union romani internationale en 1971 pour tous les groupes tsiganes, qui sont eux-mêmes très différenciés, dans une acception adoptée ensuite par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, rappelle la CNCDH dans son rapport annuel de 2020. Elle souligne également : « Les groupes roms constituent une galaxie de communautés qui n’ont ni la même histoire, ni la même culture, ni la même religion ([172]) ».

Le terme de « gens du voyage » renvoie à une catégorie administrative française de personnes nomades et sédentaires qui se réclament du voyage (dont le mode d’hébergement est nomade ou susceptible de l’être).

Dans les travaux de la CNCDH, on observe que les Roms et les gens du voyage ([173]) sont jugés par les Français comme constituant un groupe homogène et généralement associé à la misère, vu comme étant à part et que ce préjugé ne recule pas. Il existe une évolution sur certains éléments du rejet (exploitation des enfants, vols et trafics, refus de s’intégrer) mais les préjugés stagnent selon le rapport à un niveau très élevé. La moitié de la population française a un niveau très haut d’hostilité envers les Roms. Cette hostilité est corrélée à la peur de l’avenir et à un sentiment de déclassement.

L’importance de la mémoire du génocide pendant la Seconde Guerre mondiale se traduit de manière nette dans les enquêtes menées par la CNCDH, et le discours du Président de la République François Hollande au camp de Montreuil-Bellay, en 2016, en hommage aux Tsiganes internés a eu un impact véritable sur la manière dont est perçue en France l’extermination des populations tsiganes et roms.

M. Marcel Courthiade soulignait que, s’il est positif que le Comité des ministres du Conseil de l’Europe ait soutenu l’introduction de l’histoire des Roms dans l’ensemble des cursus éducatifs ([174]), l’amalgame entre Roms et gens du voyage n’est pas évité.

Enfin, du fait des préjugés auxquels ils ont à faire face, nombre de Roms ayant une situation stable font tout pour ne pas être « identifiés » comme Roms, en particulier auprès des services sociaux, des banques et des employeurs, et adoptent des stratégies « d’invisibilisation ». Par là même, la mise en avant des parcours de vie inspirants, qui constituerait un élément de déconstruction des préjugés, s’en trouve encore complexifiée.

5.   Les statistiques disponibles objectivent une recrudescence des actes et propos racistes

Les statistiques du ministère de l’intérieur, du ministère de la justice et du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, permettent d’appréhender l’ampleur du racisme dans la société.

Les différents chiffres ne conduisent pas à la conclusion de l’existence d’une société française « raciste ». Sur une période de plusieurs années, on constate que le nombre d’infractions à caractère raciste n’augmente pas – il a même diminué depuis 2016. L’analyse qualitative des infractions fait apparaître des signes encourageants : la proportion de délits diminue, de même que la proportion des atteintes aux biens et aux personnes, qui constituent moins de 7 % de l’ensemble. Les outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique, statistiquement inexistants avant 2019, représentent désormais 13 % des délits à caractère raciste : ce phénomène est aussi nouveau que révélateur. Enfin, le nombre de condamnations augmente bien plus vite que le nombre d’infractions constatées, même si le taux de classement sans suite et le taux de relaxe restent élevés.

Il convient également de comparer les données relatives aux infractions racistes aux données relatives aux autres types d’infractions. Les contenus à caractère raciste ou discriminatoire – quel que soit le motif de discrimination – représentent environ 8 % des signalements recueillis par la plateforme plateforme d’harmonisation, d’analyse, de regroupement et d’orientation des signalements (PHAROS) et 3 % des incidents graves constatés par les enquêtes du ministère de l’éducation nationale.

En 2018, le contentieux raciste n’est pas un contentieux de masse, les délits à caractère raciste représentaient 391 délits condamnés, sur un total de 545 081 délits condamnés la même année.

a.   Les statistiques du ministère de l’intérieur sur les plaintes, les signalements et les actes à caractère raciste ou antireligieux

i.   Les statistiques sur les plaintes du SSMSI

Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) publie tous les ans une étude sur les infractions à caractère raciste ou antireligieux enregistrées dans le cadre d’une procédure transmise au parquet (sont exclues les mains courantes et procès-verbaux de renseignement judiciaire). Il convient de relever que la qualification retenue à ce stade de la procédure ne sera pas nécessairement celle retenue par le parquet et que le SSMSI invite, pour des questions d’ordre méthodologique, à examiner avec prudence le chiffre relatif aux contraventions. En 2019, il dénombre :

– 5 710 crimes et délits, dont 70 % de délits de presse, c’est-à-dire des provocations à la haine, diffamations et injures tenues en public ;

– 5 100 contraventions, c’est-à-dire des écrits ou propos à caractère privé.

Les infractions à caractère raciste sont en forte hausse par rapport à l’année 2018, année où le nombre d’infractions de ce type était particulièrement faible. La tendance sur plusieurs années – voir l’évolution par rapport à 2016 – est une augmentation des seules contraventions, et une légère diminution des délits et crimes à caractère raciste. Les délits et crimes ne représentent ainsi plus que 53 % de la totalité des infractions à caractère raciste, contre 62 % en 2016. Les années 2015 et 2016 ont été marquées par les attentats meurtriers en France, qui se sont traduits dans les mois suivants par une hausse des infractions à raison de l’origine au sens large. 2017 marquait une année de baisse globale des indicateurs statistiques.

nombre d’Infractions commises en raison de l’ethnie, de la nation, d’une prétendue race ou de la religion enregistrées par les forces de sécuritÉ

 

2018

2019

évolution depuis

2018 (en pourcentage)

2016 (en pourcentage)

Violences et atteintes à la personne criminelles

240

300

+25

+15

Menaces, chantages

580

870

+50

+24

Discriminations

190

240

+26

+20

Infractions de presse publiques

4 010

4 060

+1

-13

Atteintes aux biens

150

240

+60

+20

Total des crimes et délits

5 170

5 710

+10

-5

Contraventions

4 050

5 100

+26

+37

Total des infractions

9 220

10 810

+17

+11

Source : chiffres du SSMSI transmis par le ministère de l’intérieur.

Les victimes des crimes et délits racistes sont à 58 % des hommes (ils sont 48 % de la population) d’âge intermédiaire (25-45 ans en majorité). Les personnes de nationalité étrangère sont surreprésentées (19 % des victimes de crimes et délits pour une part de 7 % dans la population générale ([175])) ; une victime sur 7 est ressortissante d’un pays d’Afrique (elles représentent 3 % de la population). Enfin, 31 % des crimes et délits racistes sont enregistrés dans des villes comprenant de 200 000 à 2 millions d’habitants et 32 % dans l’agglomération parisienne.

ii.   Les chiffres du renseignement territorial sur les actes antireligieux

Le service central du renseignement territorial (SCRT), qui dépend de la direction générale de la police nationale (DGPN), effectue un recueil annuel des actes à caractère raciste ou antireligieux. Il répertorie ainsi les atteintes aux lieux de culte (juifs, chrétiens, musulmans) et aux cimetières.

Ces statistiques prennent en compte les dépôts de plainte, les actes constatés à la suite d’une intervention des forces de l’ordre et les informations diffusées par les médias ainsi que les échanges avec les représentants des communautés concernées.

La méthodologie statistique suivie a été élaborée en 2008 en partenariat avec le Service de protection de la communauté juive. Depuis 2010, cette méthodologie permet également de recenser les actes antimusulmans, et une convention-cadre a été signée à cet effet entre le CFCM et le ministère de l’intérieur. Depuis 2012 sont également recensés les actes anti-chrétiens.

Cette méthodologie distingue deux catégories d’actes, en fonction de leur niveau de gravité :

– les « actions » regroupent : les homicides, attentats, incendies, dégradations, violences et voies de fait ;

– les « menaces » au sens large regroupent : les propos, les gestes (« quenelles », etc.), et les textes (« tags », tracts, etc.).

Ces catégories recoupent approximativement, mais imparfaitement, les catégories employées par le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur, qui se divisent traditionnellement entre atteintes aux biens et aux personnes d’une part, et infractions de presse d’autre part.

SCRT – bilan statistique pour 2019 ([176])

 

antichrétiens

antisémites

antimusulmans

total

Actions

996

151

63

1 210

dont atteintes aux lieux de culte

791

46

51

888

dont atteintes aux cimetières

151

8

7

166

Menaces

56

536

91

683

Total

1 052

687

154

1 893

Évolution annuelle en pourcentage

-1

+27

+54

 

% du total

56

36

8

Source : SCRT, chiffres transmis par le ministère de l’intérieur

De ce tableau, il ressort les faits suivants :

– les actes antichrétiens représentent plus de la moitié (56 %) des actes antireligieux ;

– si les actes antimusulmans connaissent la dynamique la plus forte (+ 54 %), ils ne représentent que 8 % des actes antireligieux ;

– seuls les actes antichrétiens se traduisent essentiellement par des « actions » (à 95 %), surtout par des atteintes aux lieux de culte ;

– à l’inverse, les actes antisémites (à 78 %) et les actes antimusulmans (à 59 %) sont en majorité de nature verbale.

Ces chiffres, qui peuvent sembler surprenants, s’expliquent certainement par le fait que les infrastructures religieuses chrétiennes sont plus nombreuses – et donc davantage susceptibles d’être attaquées – que les infrastructures juives ou musulmanes. La CNCDH observe également les statistiques portant sur les atteintes aux lieux de culte et aux sépultures du SCRT avec beaucoup de recul car « le lien existant entre ces faits et les phénomènes de racisme est difficile à établir avec certitude, puisqu’il est extrêmement délicat de différencier les faits qui ont une réelle motivation raciste, des vols ou actes de pur vandalisme, ou encore des faits commis par des groupes se réclamant du “satanisme” ([177]). » Ces chiffres montrent aussi un nombre équivalent d’atteintes aux lieux de culte et sépultures juifs et musulmans. Ils traduisent aussi qu’existe, pour une part qu’il est très difficile de déterminer, une haine contre les chrétiens.

iii.   Les signalements relatifs à la haine en ligne 

La plateforme PHAROS (« Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements »), qui dépend de la direction centrale de la police judiciaire, recueille les signalements des contenus et comportements illicites sur internet.

Sur les 263 384 signalements reçus par la plateforme PHAROS en 2020, au 30 novembre 2020, 21 391 signalements concernent des infractions à caractère discriminatoire, quel que soit le motif, dont 18 903 signalements pour des appels à la haine raciale ou religieuse et des injures ou diffamations à caractère raciste. Les signalements pour contenus à caractère discriminatoire (y compris à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, etc.) représentent donc 8,1 % des signalements et les infractions à caractère raciste au sens strict, 7,2 %.

Principales catégories de signalements traités par PHAROS (2019)

 

nombre

% du total

Escroqueries

131 413

57,5

Atteintes aux mineurs

25 594

12,5

Discriminations (racistes ou non)

17 555

7,5

Apologie du terrorisme

6 530

3

Source : contribution du ministère de l’intérieur au rapport CNCDH 2020.

Par ailleurs, à la même date, PHAROS avait signalé à leur hébergeur 730 contenus haineux en vue de leur retrait conformément à la procédure prévue par l’article 6 de la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004. Le tableau suivant présente les évolutions sur plusieurs années et retrace en particulier l’impact des attentats de 2015.

signalements reçus par pharos dans le domaine de la haine
et des discriminations

Détail des signalements reçus dans le domaine de la haine et des discriminations

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020 (au

30/11/20)

Contestation de crime contre l’humanité

105

204

169

121

254

213

227

Provocation publique à la haine et la discrimination raciale, ethnique ou religieuse

8 539

18875

11 982

7 246

5 093

5 698

8 130

Provocation publique à la haine et la discrimination à raison d’orientations sexuelles

1 271

1 943

1 229

664

679

1 134

1 453

Provocation publique à la haine et la discrimination à raison d’un handicap

92

156

92

45

26

26

69

Diffusion d’images d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne (caractère xénophobe)

54

44

24

7

36

68

35

Apologie de crime de guerre et contre l’humanité

383

766

813

417

214

313

337

Injures et diffamations xénophobes ou discriminatoires

2 855

4 524

3 067

4 755

7 798

9 815

10 773

Diffusion de données personnelles faisant apparaître la race, l’ethnie, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, l’orientation sexuelle ou les appartenances syndicales des personnes

1

17

18

22

21

125

94

Discrimination à raison du sexe

(femme)

*

*

*

*

164

112

219

Discrimination à raison du sexe

(homme)

*

*

*

*

25

37

28

Discrimination à raison de l’identité de genre

*

*

*

*

0

14

26

TOTAL

13 300

26 529

17 394

13 277

14 310

17 555

21 391

*catégorie statistique ajoutée en 2018.

Source : DGPN, réponse adressée à la mission d’information.

Le volume des contenus haineux s’analyse aussi au regard de ceux modérés par les plateformes. À cet égard, on peut relever que le rapport de transparence de novembre 2020 de Facebook indiquait que 22,1 millions de contenus haineux auraient été modérés entre juillet et septembre 2020 sur Facebook (dont 95 % à titre proactif, avant signalement selon la plateforme) et 6,5 millions sur Instagram ([178]).

Le diagramme suivant ([179]), issu du rapport 2020 sur l’évaluation du code de conduite européen contre la haine en ligne, retrace les notifications de 39 organisations de 23 États membres et du Royaume-Uni auprès des opérateurs, pour un total de 4 364 notifications sur une période de six semaines entre novembre et décembre 2019. La part des contenus haineux notifiés à raison de l’origine (chaque État membre disposant de sa grille d’analyse) est substantielle.

RéPARTITION DES CONTENUS HAINEUX

(Contenus signalés entre le 4 novembre et le 31 décembre 2019)

Source : Commission européenne, Countering illegal hate speech online 5th evaluation of the Code of Conduct, juin 2020.

 

b.   Les infractions constatées et condamnées par le ministère de la justice : une hausse du nombre des affaires traitées et un grand nombre d’infractions du discours

i.   Un nombre d’affaires qui augmente en 2018 et 2019 après une forte baisse entre 2016 et 2017

Depuis 2014, le nombre annuel d’affaires à caractère raciste est compris entre 6 000 et 8 000. En 2019, 7 283 affaires à caractère raciste ont été traitées par les parquets. Ce nombre représente une hausse de 10 % par rapport à 2018 – année où les chiffres étaient relativement bas, mais une baisse de 8 % par rapport à 2016.

Évolution du nombre des affaires à caractère raciste et des personnes mises en cause

 

2016

2017

2018

2019

Nombre d’affaires

7 920

6 235

6 639

7 283

Nombre d’auteurs

7 145

5 741

6 149

6 386

Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP

Le nombre annuel de personnes mises en cause pour infractions à caractère raciste a donc augmenté de 4 % depuis 2018, mais baissé de 10,6 % depuis 2016. Parmi les 6 386 personnes mises en cause en 2019, il y avait 90 % de majeurs, 7 % de mineurs et 3 % de personnes morales.

Personnes mises en cause dans les affaires de racisme (2019)

Type d’auteur

Atteinte aux personnes

Discriminations

Atteintes
aux biens

Infractions de presse (1)

Total

Majeur

2 303

506

144

2 790

5 743

Mineur

210

32

21

202

465

Personne morale

10

105

12

51

178

Total

2 523

643

177

3 043

6 386

% mineurs

8,3 %

5,0 %

11,9 %

6,6 %

7,3 %

(1)   Il s’agit des trois infractions à caractère raciste de la loi du 29 juillet 1881 : l’appel à la haine raciale, la diffamation et l’injure à caractère raciste.

Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP

Les mineurs, qui représentent donc 7 % des personnes mises en cause pour la totalité des affaires, représentent 12 % des personnes mises en cause pour des atteintes aux biens à caractère raciste. Les personnes morales, quant à elles, sont le plus souvent mises en cause pour des faits de discriminations (59 % des affaires qui les concernent).

ii.   Un taux de classement sans suite élevé

51 % des auteurs sont considérés comme non poursuivables par le parquet et font l’objet d’un classement sans suite :

– dans 80 % des cas, parce que l’infraction n’est pas assez caractérisée ;

– dans 11 % des cas, parce que les faits ne constituent pas une infraction pénale ou que le suspect est mis hors de cause ;

– dans 7 % des cas, l’action publique est éteinte (prescription, retrait de plainte, décès de l’auteur, etc.)

En outre, 14 % des auteurs poursuivables (c’est-à-dire 7 % du total des auteurs) font l’objet d’un classement sans suite pour des raisons d’opportunité :

– dans 44 % des cas, en raison du comportement de la victime ou d’une carence de sa part ;

– dans 28 % des cas, en raison d’une infraction insuffisamment grave ;

– dans 13 % des cas, en raison de recherches infructueuses ;

– dans 9 % des cas, en raison de l’état mental de l’auteur.

Le taux de réponse pénale est donc de 42 % ou de 86 %, selon que l’on prenne comme référence l’ensemble des personnes mises en cause ou les seuls auteurs poursuivables.

La réponse pénale se traduit à 57 % par une procédure alternative aux poursuites – le plus souvent un simple rappel à la loi, qui représente 37 % des réponses pénales – et à 43 % par des poursuites devant une juridiction.

En d’autres termes :

– 58 % des auteurs orientés par les parquets pour faits de racisme font l’objet d’un classement sans suite ;

– pour 24 % des auteurs orientés, la réponse pénale consiste en des alternatives aux poursuites, en général un rappel à la loi ([180]) ;

 pour seulement 18 % des auteurs orientés par les parquets seront décidées des poursuites, qui aboutiront ou non à une condamnation de l’auteur.

Orientation des personnes mises en cause, par type de contentieux (2019)

Orientation

Atteintes aux personnes

Discriminations

Atteintes aux biens

Infractions de presse

Total

%
du total

Non poursuivables

1 110

454

94

1 629

3 287

51

Inopportunité

184

55

17

180

436

7

Alternative

595

78

30

804

1 507

24

Poursuite

634

56

36

430

1 156

18

Total

2 523

643

177

3 043

6 386

100

Taux de réponse pénale (1)

87 %

71 %

80 %

87 %

86 %

 

Taux de poursuites (2)

52 %

42 %

55 %

35 %

43 %

(1)   Le taux de réponse pénale correspond au pourcentage des affaires qui n’ont pas été classées sans suite pour motif d’opportunité, parmi les affaires que le procureur n’a pas classées sans suite pour des raisons juridiques.

(2)   Part des affaires ayant donné lieu à des poursuites, parmi les affaires qui n’ont pas été classées.

Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP

iii.   Un taux de relaxe élevé, un nombre de condamnations faible mais en progression

Malgré une nette amélioration par rapport à l’année précédente, le taux de relaxe reste très élevé : 11 % contre 7 % pour l’ensemble des contentieux. Comme l’explique le ministère de la justice, « ce fort taux de relaxe est révélateur d’une difficulté à démontrer le mobile raciste des infractions poursuivies ». De ce fait, le juge est souvent amené à changer la qualification retenue par le parquet et à abandonner la référence au caractère raciste allégué de l’infraction. « Il est ainsi probable que de nombreuses infractions, notamment de violences, initialement poursuivies avec la circonstance aggravante de racisme, soient finalement sanctionnées sans cette circonstance, celle-ci n’ayant pu être retenue par le tribunal, faute d’élément probant ([181]). »

Parmi les affaires poursuivies devant les juridictions en 2019, 843 ont donné lieu à condamnation, dont 536 délits et 307 contraventions, soit une hausse de 37,5 % par rapport à l’année précédente. Les délits sont en hausse de 37 % et les contraventions en hausse de 38,3 %. La part des délits est en baisse par rapport à 2016 : les délits, qui représentaient 79 % des infractions à caractère raciste en 2016, n’en représentent plus que 64 % en 2018 et 2019.

Les outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique expliquent 30 % de la hausse des infractions entre 2018 et 2019. Fait nouveau en 2019, les outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique représentent désormais une part significative des délits à caractère raciste (13% des délits et 8,5 % du total des infractions). 70 condamnations ont été prononcées de ce chef en 2019, alors que 3 cas seulement avaient été constatés en 2018 et aucun cas entre 2015 et 2017.

Infractions à caractère raciste sanctionnées (2016-2019)

 

Infraction

2016

2017

2018

2019

% du total (2019)

Discriminations

8

3

4

7

0,8

Atteintes à la vie et violences

33

30

27

37

4,4

Menaces

65

68

65

72

8,5

Atteintes au respect dû aux morts

1

5

0

0

Outrages à agent

0

0

3

70

8,3

Atteintes aux biens

22

4

14

21

2,5

Injures et diffamations

427

368

409

550

65,2

Provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence

102

121

79

71

8,5

Autres infractions (1)

22

12

12

15

1,8

Total délits

538

487

391

536

64

Total contraventions

142

124

222

307

36

Ensemble

680

611

613

843

100

(1)            Autres infractions : contestations de crimes contre l’humanité, introduction d’objet rappelant une idéologie raciste ou xénophobe dans une enceinte sportive.

Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP

Parmi les 843 infractions condamnées en 2019, 550 infractions sont des injures ou des diffamations. Au total, 74 % des infractions condamnées sont des infractions relevant de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 (« infractions de presse »). Si l’on y ajoute les outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique et les « menaces », plus de 90 % des infractions à caractère raciste sont donc des infractions « du discours ».

Les actes de violences, les atteintes aux biens et les discriminations – c’est-à-dire les faits les plus graves – représentent respectivement 4,4 %, 2,5 % et 0,8 % des infractions à caractère raciste.

En 2019, les condamnations délictuelles pour injure et diffamation à caractère raciste présentent un taux d’emprisonnement de 31 %, dont 10 % pour le taux d’emprisonnement ferme. Un peu plus de la moitié des condamnations est assortie d’une amende ferme, d’un montant moyen de 1 266 euros. « En matière de menaces, le taux d’emprisonnement augmente à 89 % en 2019. Pour ces infractions, le taux d’emprisonnement ferme est de 49 % en 2019. Concernant les atteintes à la vie et violences, le taux d’emprisonnement est de 82 % en 2019 et le taux d’emprisonnement ferme est de 50 % ([182]). »

Infractions à caractère raciste
condamnations et peines prononcées (2019)

Infractions délictuelles

Condamnations

Prison ferme

Quantum

Ensemble des amendes

Montant des amendes fermes
(en euros)

Mesures de substitution
et contrainte pénale

Mesures éducatives

Discriminations

5

0

 

1

500

1

0

Atteintes à la vie et violences

22

11

8,5 mois

5

460

3

0

Menaces

53

26

6,4 mois

8

169

3

3

Outrages à agent

26

15

4,2 mois

4

300

4

0

Atteintes aux biens

13

7

13,3 mois

1

300

1

0

Injures et diffamations publiques

113

11

5,2 mois

78

1 266

12

1

Provocations à la haine publiques

30

8

9,9 mois

 

10

5 674

5

1

Autres infractions (1)

10

1

12 mois

5

2 500

 

 

Infractions contraventionnelles

 

 

 

 

 

 

 

Injures et diffamations privées

129

138

312

5

2

Provocations à la haine privées

6

4

675

1

0

Autres infractions (1)

2

2

400

0

0

(1)       Autres infractions : contestations de crimes contre l’humanité, introduction d’objet rappelant une idéologie raciste ou xénophobe dans une enceinte sportive.

Source : SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP

c.   Les enquêtes du ministère de l’éducation révèlent une proportion relativement faible d’actes racistes parmi les incidents constatés

Mme Fabienne Rosenwald, directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) au ministère de l’éducation nationale, a présenté les statistiques disponibles au cours de l’audition du 19 novembre 2020. Le racisme dans les établissements scolaires peut notamment être appréhendé par deux enquêtes du ministère de l’éducation nationale :

– l’enquête Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire dite SIVIS, qui mesure la violence en milieu scolaire ; elle porte sur 1 330 établissements ([183]) ;

– l’enquête nationale de climat scolaire et de victimation, conduite auprès des élèves du second degré ; la dernière enquête a été menée en 2018 auprès d’un échantillon de 30 000 lycéens. Elle sera étendue aux élèves du premier degré en 2021. Les élèves sont interrogés sur le climat scolaire dans l’établissement. L’enquête capte plus spécifiquement le vécu des élèves, et pas seulement les faits dont l’institution scolaire a eu connaissance ([184]). « Cette enquête ne porte pas directement sur les discriminations, mais certaines questions concernent les insultes dont ils ont été victimes, et les raisons qui ont poussé les auteurs à commettre ces actes ([185]). »

Mme Fabienne Rosenwald a indiqué à la mission d’information que les données récoltées par l’éducation nationale dans le cadre de l’enquête SIVIS montraient que les incidents à caractère raciste, xénophobe ou antisémite représentent 0,3 incident pour 1 000 élèves, soit 2,9 % de l’ensemble des actes graves déclarés par les chefs d’établissement, taux qui est relativement stable dans le temps. Ce pourcentage sur l’ensemble des actes graves déclarés varie peu selon le type d’établissement : il est de 2,8 % dans les collèges et les lycées professionnels, et 3,7 % dans les lycées généraux et technologiques. 80 % de ces incidents sont qualifiés de racistes et 6 % d’antisémites. Il s’agit de violences verbales dans 67 % des cas. Les élèves sont les auteurs de 95 % des incidents signalés, les 5 % restant étant le fait de familles d’élèves ou de personnes extérieures à l’établissement. Les victimes sont des élèves dans deux cas sur trois et des personnels enseignants et non enseignants dans 24 % des cas ([186]).

Ces chiffres peuvent être complétés par ceux des enquêtes de victimation. Selon ces enquêtes, 11,4 % des collégiens ont déclaré en 2017 avoir été victimes d’insultes à propos de leur origine ([187]) et 7,1 % des lycéens ont déclaré en 2018 avoir été victimes d’insultes en rapport avec l’origine ou la couleur de peau ([188]). Il semble, par ailleurs, que les auteurs et les victimes de ces actes soient surtout des garçons.

Nombre et taux d’incidents à caractère discriminatoire (2018-2019)

 

taux d’incidents graves
(pour 1 000 élèves)

% d’incidents grave
à caractère discriminatoire

Collèges

0,4 ‰

2,8 %

Lycées professionnels et polyvalents

0,2 ‰

3,7 %

Lycées professionnels

0, 6 ‰

2,8 %

Source : enquête SIVIS – chiffres du ministère de l’éducation nationale.

C.   Le modèle universaliste fonde la lutte contre le racisme et l’antisémitisme

1.   La lutte contre le racisme et l’antisémitisme ne peut être efficace que si elle reste universelle et refuse les dérives communautaristes et particularistes

a.   Un modèle universaliste à défendre face à l’influence croissante du multiculturalisme

Le modèle universaliste français, fondé sur les principes issus de la Révolution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est de plus en plus remis en cause par le modèle « multiculturaliste » ou « communautariste », majoritaire dans les pays anglo-saxons et, de plus en plus, en Europe continentale.

Dans le modèle universaliste, aussi appelé modèle républicain, les citoyens sont définis de manière abstraite, « sans distinction d’origine, de race ou de religion » ([189]). Tous les citoyens sont également membres d’une communauté nationale indivisible qui leur confère des droits et des devoirs identiques, sans considération « des genres, des croyances, des couleurs de peau et des orientations sexuelles ([190]) ». Mme Dominique Schnapper décrit ainsi le modèle universaliste : « La position traditionnelle de la France consistait à dire : une fois que vous êtes naturalisé français, je ne veux pas savoir d’où vous venez et je ne vous demande donc ni votre religion ni votre origine historique. C’était utopique par rapport à la réalité mais c’était une utopie créatrice puisque c’était l’affirmation du citoyen par-delà toutes ses caractéristiques ([191]). »

Ce modèle est fortement influencé par les idées de la Révolution et par la pensée de Rousseau : « Il importe donc pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’État et que chaque citoyen n’opine que d’après lui ([192]) ». Il s’ensuit que la République ne reconnaît en principe aucune communauté religieuse, ethnique ou politique à l’intérieur de l’État. À l’inverse, comme l’explique le professeur Tariq Modood : « dans le modèle multiculturaliste, nous respectons l’identité de groupe dès lors que les individus appartenant à ce groupe y attachent de l’importance. Je parle bien d’une identité qui ne relève pas de la sphère privée, mais de la sphère publique : elle est affichée et revendiquée comme telle au sein de la société. Contrairement au modèle républicain, qui a une interprétation monistique de l’identité collective, le multiculturalisme reconnaît davantage l’importance de l’appartenance à un groupe infranational dans la définition de l’identité individuelle ([193]). »

Ce modèle multiculturaliste a donc pour conséquence de reconnaître certains droits propres à des communautés, en fonction de leurs croyances ou de leurs coutumes. À l’inverse du modèle républicain, qui prône une intégration par l’assimilation, dans le modèle multiculturel c’est l’État qui s’adapte aux particularismes des différentes communautés, par exemple en autorisant les policiers sikhs à porter le turban à la place du képi, ou en dispensant les sikhs de l’obligation de porter le casque à moto. De ce point de vue, la négation des différences au nom de l’universalisme est parfois considérée comme « raciste » ; mais, à l’inverse, on peut aussi considérer que la reconnaissance de groupes immuables en fonction de critères ethniques relève d’une logique raciale. C’est ce que l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf a appelé un « racisme complaisant » : « l’une des grandes perversités du racisme contemporain est que, partant d’une volonté de respecter les différences, on dérive consciemment ou inconsciemment vers une attitude consistant à croire que ces différences sont immuables et constituent l’essence même des populations concernées » ; à l’inverse, le modèle universaliste de l’assimilation, qui consiste à « rendre semblable » ([194]), est profondément anti-raciste.

Si, selon le professeur Modood, « le respect et la reconnaissance des identités singulières confortent le sentiment d’appartenance à la nation ([195]) », le modèle multiculturaliste est aussi critiqué à cause des divisions qu’il peut entraîner au sein de la société, comme le constate M. Jean-Pierre Chevènement : « Ce modèle universaliste s’oppose au modèle communautariste, dont la philosophie est résumée par la formule “égaux mais séparés” […] Ce modèle, qui a souvent été vanté par les Anglo-Saxons au détriment du modèle républicain français, suscite aujourd’hui des critiques y compris en GrandeBretagne. En témoigne, par exemple, le rapport commandé par James Cameron à Mme Louise Casey ([196]) qui montrait que le modèle communautariste est contraire à l’égalité entre les citoyens ([197]). »

Depuis une vingtaine d’années déjà, l’intellectuel britannique Trevor Phillips se montre très réservé à propos des effets induits dans la société par le modèle multiculturel : « les réticences à évoquer la diversité et ses problèmes risquent de conduire notre pays à une catastrophe qui verrait les communautés se dresser les unes contre les autres, les agressions croître, la liberté d’expression disparaître, les libertés civiles reculer et la démocratie libérale se fragiliser » ([198]). Devant la mission d’information, M. Trevor Phillips a précisé de manière prudente, mais claire, les phénomènes de violences et de censure qui peuvent dériver de la logique communautariste : « Nous constatons l’émergence de gangs de rue dans lesquels des centaines d’enfants font l’objet de harcèlements, de manipulations, de trafics. Même si de nombreuses affaires ont déjà été jugées par les tribunaux, nos médias et nos hommes politiques ont du mal à nommer publiquement la véritable nature [communautaire] de ces gangs ([199]). Cela donne l’impression que certains sujets sont tabous. Ainsi, il semble interdit de dire que certaines pratiques, par exemple les pratiques issues de la charia, ne sont pas acceptables dans notre pays […] De manière générale, il est considéré comme politiquement incorrect, au Royaume-Uni, de formuler certaines observations à propos de certains groupes ethniques, de peur d’être accusé de racisme. Il est même devenu impossible de faire certaines plaisanteries, même anecdotiques. Un exemple extrême en France, le drame de Charlie Hebdo, a montré qu’il n’est plus possible de parler de certains groupes ethniques ([200]) de manière satirique. La crainte de dresser les communautés les unes contre les autres a provoqué la mort de la liberté d’expression ([201]). »

Ce constat d’un risque de communautarisme est également établi par l’Inspection générale de l’administration et par l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche : « À rebours de sa tradition républicaine, la France est confrontée à un mouvement d’ethnicisation de certains phénomènes sociaux. Présente dans les débats intellectuels mais également dans les positions voire les instrumentalisations politiques, l’idée selon laquelle la société s’organiserait en fonction de groupes ethniques se développe aussi dans le corps social. […] On peut légitimement choisir de refuser une telle lecture de la société ou bien considérer qu’il n’est pas possible d’en faire abstraction ([202]) », deux attitudes qui, selon votre rapporteure, ne sont d’ailleurs pas exclusives.

b.   La lutte contre le racisme et l’antisémitisme ne doit pas générer une concurrence des mémoires et une fragmentation victimaire de la société française

Il ne faut pas, en effet, faire abstraction des phénomènes récents de « séparatisme » qui peuvent aboutir à une forme de « racisme inversé », comme l’explique M. Jean-Pierre Chevènement : « J’aimerais évoquer l’émergence actuelle d’un « racisme inversé » […] De nouveaux vocables voient le jour, sous l’effet d’une mode qui nous vient des États-Unis : « racisé », « indigènes de la République », études « décoloniales » ou « postcoloniales ». […] Faut-il ressusciter un racisme à l’envers, déboulonner les statues ? Je pense que l’universalisme républicain ne s’accommode pas de ce renversement et qu’il faut combattre ceux qui veulent créer ce racisme à l’envers ([203]) ».

Face à un risque croissant de communautarisme, plusieurs circulaires du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice demandent aux préfets et aux procureurs de veiller à « sanctionner les abus et les dérives commis au nom des religions ([204]) » : « La lutte contre l’islamisme et le repli communautaire constitue un nouvel axe de votre action ([205]) ». Le projet de loi ([206]) confortant le respect des principes de la République, présenté comme un projet de loi « contre le séparatisme », vise précisément à doter la République de nouveaux outils pour faire face à ces risques.

Selon M. Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH, « Ce terme de séparatisme est assez bien choisi […] nous devons bannir les expressions communautaires qui se construisent en opposition à la République. Celle-ci est un ensemble de citoyens et non un ensemble de communautés ([207]) » ; les règles des communautés ne doivent « primer » sur les lois nationales. Mme Dominique Schnapper ajoute : « si la démocratie ne répond pas ou ne défend pas ses propres valeurs […] elle risque de susciter des formes de revendication de type différentialiste qui, à mon avis, remettent en question le projet collectif de la nation démocratique ([208]). »

Il y a ainsi une forme d’effet pervers à vouloir lutter contre les inégalités non pas en fonction de critères abstraits, mais en fonction des origines ethniques : celui de donner une réalité à des concepts raciaux dont on ne reconnaît pas, par ailleurs, la légitimité. Le discours « différentialiste », ou communautariste, est aussi performatif : c’est à force de répéter qu’il existe des différences de situation liées à la race appelant une réponse liée à la race que l’on objective des catégories raciales tout en croyant les combattre. C’est ce qu’explique Mme Dominique Schnapper : « Quand on raisonne en termes identitaires, on fait du racisme et, au nom de l’antiracisme, on peut faire du racisme. Quand est organisé un colloque à Paris 8 auquel les non racisés, c’est-à-dire les Blancs, ne peuvent pas assister, on fait du racisme antiraciste. Est-ce marginal ? Je crois que nous le mesurerons dans dix ans ou vingt ans. Est-ce l’ouverture vers un mode de pensée et un mode d’action qui remettent en question les principes de la République démocratique, avec lesquels ils sont en contradiction ? Oui mais nous ne savons pas quel est son poids. On voit le danger : au nom de l’antiracisme, on renforce la perception en termes de races des phénomènes sociaux ([209]). »

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports dénonce avec force ce phénomène : « Vous avez évoqué les idéologies qui, insidieusement, réintroduisent le racisme, parfois même sous couvert de lutter contre lui : vous avez fait référence, en effet, aux personnes qui prétendent qu’il existe un racisme d’État tout en organisant des réunions racialisées. Il y a là un paradoxe gigantesque, qui doit être dénoncé comme tel. La chose en elle-même aurait d’ailleurs paru absolument invraisemblable il y a de cela encore une vingtaine d’années : que des gens prétendent tenir des réunions en distinguant les participants selon la couleur de leur peau, et ce sous prétexte de lutter contre le racisme, me paraît porteur d’une forme d’ironie terrifiante.

Cela dit, nous ne devons pas sous-estimer ce phénomène, qui prend d’ailleurs différents noms, parmi lesquels l’indigénisme, car ses soubassements intellectuels, y compris dans le monde académique, sont très puissants, et ses conséquences potentielles très graves. Au lieu de lutter contre le racisme, on l’entretient en réalité en continuant à distinguer les gens selon la couleur de leur peau. C’est totalement antirépublicain, et il y a là quelque chose de très insidieux. Les forces à l’œuvre sont considérables ; je ne considère donc pas ce phénomène comme marginal : c’est une tendance intellectuellement et civilisationnellement dangereuse ([210]). »

Le risque corollaire est celui d’une « concurrence des mémoires et des victimes », que dénoncent les associations historiques de lutte contre le racisme, comme la Ligue des droits de l’homme (LDH) : « Ce qui aujourd’hui nous fait le plus peur, c’est la concurrence des mémoires et des victimes, c’est-à-dire le fait pour chacune des victimes, non pas de se demander ce que la République fait contre le racisme, mais ce qu’elle fait pour sa propre communauté. À partir de là s’ouvre la voie à un refus de l’universalité de la lutte contre le racisme ([211]). » M. Mario Stasi, président de la LICRA, ajoute : « Il s’agit de casser ce réflexe du et moi, et moi, et moi. Nous vivons en effet dans une société victimaire en raison de la communautarisation, de la fragmentation, de l’assignation, et du repli identitaire ([212]). »

Aussi, ce « réflexe victimaire » ne doit pas être encouragé par une politique de lutte contre le racisme déclinée selon les intérêts des différentes communautés, notamment eu égard à des considérations historiques : « On ferait exactement la même chose [que les adversaires de la République] si, au nom du combat pour la mémoire et de la dénonciation du passé, on commençait à se pencher sur la généalogie de chacun pour déterminer son degré de victimisation, et donc de droits. Un tel projet est l’inverse de la République, où ce qui compte, c’est d’être soi et d’être un citoyen, ce à quoi sont attachés des droits aussi bien individuels que collectifs. La République garantit un équilibre entre l’individu, qui a droit à la même considération que n’importe quel autre, et la collectivité, étant entendu que la vie commune ne saurait être polluée par des considérations sur les origines des uns et des autres ([213]). »

c.   La lutte contre le racisme et l’antisémitisme doit être universelle

Votre rapporteure soutient donc que toute politique de lutte contre le racisme, pour être efficace, ne doit pas chercher à réduire les différences en créant de nouvelles différences, mais doit au contraire rester aussi universelle que possible.

Recommandation n° 1

La politique de lutte contre le racisme et l’antisémitisme doit demeurer fondée sur les principes universels de la République qui assure l’égalité devant la loi des citoyens, quelles que soient leurs origines et leurs caractéristiques.

Cela implique de refuser une version peu exigeante et politiquement correcte du « vivre ensemble ». La notion de « vivre ensemble », aussi séduisante puisse-t-elle paraître, est en réalité sous-tendue par l’idée qu’il faudrait « vivre ensemble malgré nos différences », différences ethniques ou religieuses considérées comme essentielles et irréductibles, selon cette logique du « racisme complaisant » ainsi résumée par M. Amin Maalouf : « Puisqu’ils ne seront jamais comme nous, il faut qu’ils puissent vivre parmi nous à leur manière sans que nous cherchions à les rendre semblables ([214]). » Aussi, le « vivre ensemble » peut aboutir à ce que des communautés coexistent les unes à côté des autres, à l’issue d’un processus d’auto-ségrégation décrit au Royaume-Uni par M. Trevor Phillips ([215]) et par le rapport précité de Mme Louise Casey. Le mythe du « vivre ensemble », inscrit dans une logique multiculturaliste, contrairement à ce que son nom indique, conduit bien souvent à un « vivre-séparé ».

Votre rapporteure souligne donc, comme le faisait M. Mario Stasi, que l’important n’est « pas seulement de vivre ensemble – car on peut vivre ensemble sans rien faire ensemble –, mais de construire ensemble ([216]). »

À cet égard, la politique de cohésion mise en œuvre au sein de l’armée – et, à l’époque, durant le service militaire – semble efficace, comme l’explique l’amiral Hello, directeur des ressources humaines du ministère des armées : « Nous formons des combattants sans faire de différence selon le sexe, l’origine, ou le lieu de naissance. Le recruté qui a vocation à devenir fantassin, marin ou aviateur, se fondra dans un nouvel univers dans lequel nous l’aiderons à progresser. Nous le sélectionnerons sur son engagement, son savoir-être, ou son potentiel. […] Les difficultés sont endurées collectivement et elles forgent une cohésion qui porte ses fruits en opération. Cette fraternité d’armes représente un lien très fort entre les militaires, qui les pousse à éclipser leur intérêt personnel au service du groupe. C’est à mon avis le rempart le plus important contre le racisme ([217]). »

C’est également ce qu’expliquent M. François Héran, sociologue et démographe, et Mme Dominique Meurs, économiste, en citant le témoignage d’un officier de l’armée de terre qu’ils avaient rencontré dans le cadre de leurs travaux sur la diversité au sein de la police : « Ici, nous ne faisons pas de différences entre untel et untel [il nous montre un militaire blanc et un militaire noir à proximité]. En revanche, votre étude peut contribuer à créer des différences entre eux, à créer des divisions entre les militaires. Et ce n’est pas notre philosophie ([218]). »

Votre rapporteure souligne, au-delà de la lutte contre les actes et propos racistes, l’importance d’une politique universelle de lutte contre les discriminations, qui ne réduise personne à son origine ou à ses croyances et qui soit fondée sur un puissant moteur d’intégration ([219]).

M. Dominique Sopo, président de SOS Racisme, rappelait au cours de son audition ([220]) : « Nous sommes constamment renvoyés – parfois sous des dehors formellement républicains – à la thématique de l’échec de l’intégration. Qu’il y ait des ratés de l’intégration, cela ne fait pas de doute, mais l’immense majorité des personnes d’origine maghrébine ou subsaharienne, jusqu’à preuve du contraire, sont parfaitement intégrées à la République. Nous le voyons dans l’adhésion aux différentes valeurs. »

L’universalisme implique également, selon votre rapporteure, de répondre aux problèmes de racisme et de discriminations qui se posent dans les territoires, dans toute leur diversité. M. Christophe Guilluy a établi dès 2014 la description d’une France périphérique ([221])  caractérisée par des inégalités sociales et géographiques. Votre rapporteure souligne que les mesures de lutte contre le racisme doivent veiller à ne pas participer à renforcer le sentiment d’une concurrence entre territoires. M. Patrick Simon, socio-démographe, a souligné au cours de son audition : « qu’il y a tout un travail à mener sur la façon de présenter politiquement un renforcement – qui est nécessaire – de la lutte contre les discriminations, d’en faire un projet de société collectif. Plus le temps passe, plus c’est compliqué. Il serait vraiment temps de prendre la mesure de cette question.  ([222]) »

2.   Les statistiques ethno-raciales : une entorse à notre modèle universaliste qui présenterait des risques, et peu d’avantages

Aussi, cet état d’esprit universaliste est naturellement réticent à l’établissement de statistiques ethniques, qui reviendraient à classer les individus selon des critères liés à l’origine et à leur attribuer une identité ethnique.

L’existence ou le refus de statistiques ethniques représente une des différences essentielles entre le modèle multiculturaliste et le modèle français universaliste. Le terme de statistiques ethniques ne recouvre pas le même champ pour tous, souligne un article de Mme Sylvie Le Minez ([223]) paru sur le blog de l’INSEE en juillet 2020 ([224]). La statistique publique produit et met à disposition des statistiques ethniques, c’est-à-dire entendues comme portant sur l’origine géographique des personnes et la filiation, ce depuis longtemps. En revanche, la création d’un référentiel ethno-racial, comme il en existe dans certains recensements étrangers, n’est pas possible.

L’instauration de statistiques ethniques plus poussées pourrait sembler utile pour mieux mesurer certaines discriminations, mais cela pourrait aussi bien fragiliser la cohésion sociale en donnant une reconnaissance à l’existence de certaines « communautés » et en figeant certains groupes en fonction de critères ethniques parfois artificiels. Aussi, indépendamment même des objections politiques et juridiques, il n’est pas certain que de véritables statistiques ethniques à l’anglo-saxonne, notamment sur la base d’un recensement et d’un référentiel ethno-racial, soient efficaces pour améliorer la lutte contre le racisme car de nombreuses dérogations permettent déjà d’appréhender la diversité ethnique de la société.

a.   Les statistiques ethniques sont très encadrées par la Constitution

Les valeurs universalistes de la République française, inscrites dans la Constitution, s’opposent à l’instauration de statistiques ethniques fondées sur un référentiel ethno-racial.

i.   Une généralisation des statistiques ethniques se heurterait à des objections de principes

Contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, la France a toujours refusé de reconnaître l’appartenance de ses citoyens à un groupe ethnoracial déterminé (à l’exception du recensement calédonien ([225])). Cette position s’explique par un attachement ancien au principe de l’universalisme républicain, qui trouve sa traduction juridique à l’article 1er de la Constitution de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Le Conseil constitutionnel en a déduit l’existence d’un principe d’unicité du « peuple français », qui s’oppose à la reconnaissance d’une autre communauté nationale ([226]).

Néanmoins, un débat est né autour de l’opportunité d’élargir la possibilité de « statistiques ethniques », dans l’objectif de mieux quantifier les discriminations et de mieux les combattre. Le rapport du Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et de la discrimination (Comedd) ([227]), présidé par M. François Héran, recommandait l’usage de statistiques ethniques dans les enquêtes sur les discriminations. Selon M. François Héran, « La statistique publique est parfaitement capable d’utiliser des catégories instrumentales permettant de mettre en relief les inégalités sans que ce soit une assignation individuelle qui […] se traduirait finalement par une différenciation juridique en fonction de ces classifications ([228]). »

Mais l’instauration de statistiques ethniques reposant sur un référentiel ethno-racial risquerait aussi d’entraîner des effets pervers, comme le montre le rapport de la Commission alternative de réflexion sur les statistiques ethniques et les discriminations (Carsed), intitulé Le retour de la race ([229]). La création de statistiques ethniques suppose en effet d’établir un référentiel ethnique et de « nommer les races ». Cela entraînerait des difficultés dans la définition des catégories retenues et risquerait d’assigner aux personnes une identité ethnique artificielle, alors que les unions mixtes sont de plus en plus nombreuses. M. Hervé Le Bras, membre de la Carsed, explique : « le refus d’identifier les personnes par une appartenance ethnique a une raison simple : au lieu de combattre le mal, on le renforce, chacun se retranchant dans son groupe ethnique ou racial en s’identifiant à lui » ([230]). Selon Mme Dominique Schnapper, les statistiques ethniques sont, dans les pays anglo-saxons, « un des éléments qui contribuent à la racisation ou l’ethnicisation de la perception de la vie sociale ([231]) ».

Comme la grande majorité des universitaires entendus par la mission d’information, votre rapporteure pense donc que l’instauration de statistiques ethno-raciales ne peut que conduire à diviser la société française et à fragiliser sa cohésion.

Par ailleurs, il n’existe pas, en l’état actuel du droit en France, d’impossibilité à analyser le parcours des individus au sein de la société et à étudier les discriminations auxquelles ils font face, comme l’ont rappelé les personnes auditionnées.

ii.   Certaines statistiques ethniques sont possibles, très encadrées par la Constitution

En 2007, à la suite d’une recommandation formulée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ([232]), qui soulignait sa réserve sur la création d’un référentiel ethno-racial et préconisait un plus large usage des sources d’information disponibles, le législateur a souhaité développer les statistiques ethniques. L’article 63 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile modifiait les articles 8 et 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (loi « informatique et libertés ») de manière à permettre la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques des personnes.

Dans une décision du 15 novembre 2007, le Conseil constitutionnel a déclaré cet article contraire à la Constitution. Si l’article, issu d’un amendement parlementaire, a été censuré pour une irrégularité de procédure (il s’agissait d’un « cavalier législatif »), le Conseil constitutionnel précise que : « les traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité des origines […] ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1er de la Constitution, reposer sur l’origine ethnique ou la race ([233]) ».

La Constitution ne s’oppose pas, en revanche, au traitement de « données objectives » telles que l’origine géographique (avec le pays de naissance, la nationalité ou la nationalité antérieure à l’obtention de la nationalité française). De telles données peuvent être recueillies sur les ascendants des personnes interrogées. Elle ne s’oppose pas non plus au traitement de certaines données subjectives, comme le groupe ethnique auquel une personne peut spontanément s’identifier, c’est-à-dire le « ressenti d’appartenance ([234]) ».

b.   Les statistiques ethniques reposant sur un référentiel ethno-racial ne sont pas nécessaires pour parvenir à l’objectif qui justifierait leur instauration

Le cadre légal autorise donc déjà certaines dérogations qui permettent aux statisticiens et aux chercheurs, à certaines conditions, de mesurer efficacement les discriminations sans faire usage de statistiques « ethniques », entendues au sens « ethno-raciales ».

i.   La loi permet un recours large aux enquêtes sur l’origine

Le cadre légal des enquêtes statistiques est défini par la loi « informatique et liberté » de 1978 ([235]). L’article 6 de cette loi, dans sa version révisée à la suite de l’adoption du règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 dit « règlement général sur la protection des données » (RGPD) ([236]), tout en rappelant le principe de l’interdiction des statistiques ethniques, prévoit plusieurs exceptions à ce principe, par renvoi au paragraphe 2 de l’article 9 du RGPD ([237]). Conformément au cadre posé par le droit de l’Union, le traitement de données à caractère personnel dites sensibles, telles que celles qui révèlent l’origine raciale ou ethnique ([238]) est donc possible à certaines conditions ([239]) et dans plusieurs hypothèses, notamment :

– si la personne concernée a donné son consentement explicite au traitement de ces données ;

– s’il est effectué par un organisme à but non lucratif ;

– s’il est effectué à des fins de recherche scientifique ou historique, ou à des fins statistiques.

De manière générale, les « statistiques ethniques » sont donc possibles dès lors qu’elles sont justifiées par un motif d’intérêt public.

Si la Constitution s’opposerait à l’établissement d’un référentiel ethno-racial, les statisticiens entendus par la mission expliquent qu’il est possible d’atteindre indirectement des données sur l’origine par trois types de méthodes :

– l’approche « généalogique » (approche objective) : elle consiste à rechercher la nationalité des parents et des grands-parents, afin d’identifier les descendants d’immigrés ([240]) ;

– l’approche par le « ressenti d’appartenance », que ce soit la façon dont la personne se perçoit, ou la façon dont la personne pense qu’elle est perçue (approche subjective) ;

– l’approche par la religion, utile pour appréhender certaines formes de racisme liées à l’antisémitisme et au rejet des musulmans.

Ainsi, le questionnaire élaboré pour l’enquête « Trajectoires et origines » (TEO) ([241]) comprend désormais des questions permettant d’identifier la troisième génération d’immigrés, née sur le territoire national, à partir d’informations sur le lieu de naissance et la nationalité des grands-parents. À partir de ces données, M. François Héran estime que « un tiers de la population vivant en France sera soit immigré, soit enfant, soit petit-enfant d’au moins un immigré » ([242]).

Cette approche objective peut être complétée par des questions sur la perception des personnes interrogées : « L’enquête TEO comprend ainsi des questions précises sur d’éventuels traitements défavorables […] parmi les raisons suggérées de ces injustices figurent notamment l’origine et la couleur de peau » ([243]). Des catégories sont en général proposées aux personnes interrogées (« blanc », « noir », etc.), sans exclusivité pour ne pas les réduire à un groupe ethnique prédéfini : « rien n’empêche d’autoriser des réponses multiples et de permettre à quelqu’un de dire à la fois : je suis noir et je suis blanc » ([244]). De la sorte, « ce n’est pas nous qui assignons une identité aux personnes que nous interrogeons, ce sont elles qui s’auto-définissent ([245]) ».

M. Cris Beauchemin, directeur de recherche à l’INED, conclut : « De fait, nous avons donc d’une certaine façon aujourd’hui des statistiques ethniques en France » ([246]), utilement exploitées par les enquêtes du Défenseur des droits, de la DILCRAH, de l’INSEE et de l’INED.

ii.   L’intérêt de statistiques ethniques de type anglo-saxon serait limité

Dans ce contexte, la majorité des statisticiens et les institutions entendus s’opposent à l’instauration de statistiques ethniques sur le modèle anglo-saxon. C’est le cas par exemple de la CNCDH : « Pour la Commission, il n’est ni souhaitable ni nécessaire de produire des statistiques établissant des distinctions par catégories ethniques. Les administrations disposent des données leur permettant de mesurer les discriminations et le racisme ([247]). »

Pourtant, la Commission européenne juge que les outils dont la France s’est dotée sont insuffisants dans une communication récente sur le plan d’action de l’Union européenne contre le racisme 2020-2025 :

« Ces données [relatives à l’origine ethnique ou raciale] sont toutefois relativement peu nombreuses par rapport aux données relatives à d’autres motifs de discrimination, comme le sexe, le handicap et l’âge. Au nombre des obstacles existants figure la difficulté à établir une méthode commune, puisque certains États membres collectent de telles données tandis que d’autres évitent sciemment de le faire. Par conséquent, de nombreuses enquêtes se concentrent sur la perception de la discrimination ou utilisent des variables de remplacement comme la citoyenneté ou le pays de naissance. La collecte de données fiables et comparables aux niveaux européen et national est une condition préalable essentielle à une action efficace ([248]). »

Il convient de rappeler ici que les statistiques disponibles en France sont déjà très complètes, peut-être même, par certains aspects soulignés par les instituts de sondage entendus par la mission d’information, davantage que les statistiques qui sont disponibles dans les États qui autorisent les statistiques fondées sur un référentiel ethno-racial : « Les statistiques produites pour la France sont extrêmement complètes et précises comparées aux données que l’on peut trouver dans d’autres pays. Les données dont nous disposons, le sexe, l’âge, la catégorie sociale, le niveau de diplôme et la localisation géographique, nous permettent de disposer d’un référentiel qui assure la représentativité des personnes interrogées. Cette entreprise est beaucoup plus délicate dans d’autres pays ([249]). »

Aussi, les sondeurs interrogés par la mission d’information ont affirmé qu’ils disposaient déjà des outils nécessaires à la réalisation de leurs études, puisqu’ils ont la possibilité de poser les questions qu’ils souhaitent aux personnes interrogées – y compris des questions relatives à l’origine ou à la religion –, tant qu’ils n’enregistrent pas les résultats dans des fichiers nominatifs. Dans ces conditions, l’instauration de véritables statistiques ethniques – avec une nomenclature prédéfinie – ne serait pas utile : « même si elles étaient autorisées, je ne vois pas en quoi les statistiques ethniques pourraient nous servir ([250]). » Cette appréciation est partagée par M. Jean-Daniel Lévy : « lorsque nous discutons de ce sujet avec nos collègues américains, ils ne comprennent pas comment nous pouvons analyser l’opinion sans savoir ce que pensent les Noirs ou les Asiatiques. La réponse apportée en France n’est pas établie à partir de données ethniques, mais à partir d’informations sociales, générationnelles ou géographiques […] Nous n’avons pas besoin pour cela de statistiques ethniques ([251]) ».

Votre rapporteure estime donc que l’instauration de statistiques ethniques sur le modèle de ce qui se fait dans les pays anglo-saxons – modèle également promu par la Commission européenne – ne serait pas utile, et pourrait même se révéler contre-productive.

D.   la transmission du passÉ, colonne vertébrale de la République, au cœur du travail de fond contre le racisme et l’antisémitisme

Lors des auditions réalisées par la mission d’information, nombreuses sont les personnes auditionnées à avoir fait de la transmission de la mémoire et de l’enseignement de l’histoire un élément essentiel qui permet de prendre conscience des dangers du racisme, de son incompatibilité avec notre modèle universaliste et républicain et de la richesse apportée par les différentes immigrations à la construction de la nation française ([252]). Comme l’a résumé M. Pierre-Yves Bocquet, directeur adjoint de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage : « Vivre harmonieusement dans la diversité n’est pas donné, cela se travaille, cela s’éduque. L’histoire est un des instruments pour y parvenir » ([253]). Ce rôle accordé à l’enseignement de l’histoire dans la lutte contre le racisme s’explique par le fait que, depuis sa constitution comme discipline d’enseignement, l’histoire comporte une forte dimension civique tant par les contenus qu’elle véhicule que par les attitudes intellectuelles qu’elle contribue à forger ([254]).

L’enseignement de l’histoire aux générations futures ne peut se faire sans une recherche universitaire de qualité. Avant de « faire connaître », il faut « connaître » et, si de nombreux progrès ont été faits dans les dernières décennies, il reste encore des lacunes à combler sur ces deux points. En outre, la politique du passé ne se limite pas à la question de la recherche et de la transmission des connaissances historiques, qui peuvent contribuer à la lutte contre le racisme. En effet, les politiques mémorielles, qui se construisent dans un dialogue entre la société civile et l’État ([255]), sont investies d’un rôle important. Il ne suffit pas de « faire connaître », il faut aussi « reconnaître ».

1.   Connaître

L’histoire coloniale existe de longue date, comme en témoigne l’ouvrage l’Histoire des colonies françaises de Gabriel Hanotaux, publié pour la première fois dans l’entre-deux-guerres ([256]), somme « monumentale et quasi officielle », qu’il a fallu soixante ans pour remplacer ([257]) avec la publication en 1990-1991 de Histoire de la France coloniale, des origines à 1914 et de l’Histoire de la France coloniale, 1914-1990 ([258]). Toutefois, l’histoire coloniale « classique » telle qu’elle était écrite avant-guerre est abandonnée au cours des années 1950-1960, par les historiens qui orientent leurs travaux dans trois directions :

– la transformation de l’histoire coloniale en une histoire de la France d’outre-mer qui analyse la France comme métropole impériale et agent de l’expansion européenne ;

– l’insertion de l’histoire de la colonisation dans une réflexion plus vaste traitant de l’impérialisme et du capitalisme ;

– l’inscription dans une perspective d’ « aire culturelle » qui conduit à étudier l’histoire des territoires anciennement colonisés dans une perspective de longue durée qui enjambe « le moment colonial » et étudie la période pré-coloniale et la période post-coloniale et qui se traduit par un renversement de perspective valorisant une histoire écrite du point de vue des mondes autochtones et colonisés ([259]).

L’histoire coloniale connaît un regain d’intérêt depuis les années 1990, comme en témoigne la publication ou réédition d’ouvrages de synthèse et l’arrivée à maturité d’une série de travaux réalisés par une génération d’historiens nés dans les années 1960 qui s’inscrivent dans la perspective d’une socio-histoire de la colonisation ([260]).

L’impact de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité (dite « loi Taubira »), doit être rappelé. Son article 2 prévoit que les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines « accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent ».

Si les travaux consacrés à l’Afrique subsaharienne sont nombreux, en revanche, ceux consacrés à l’Afrique du Nord, à l’Asie et à l’Océanie semblent avoir eu moins d’écho pendant longtemps, ce qui est notamment lié au faible nombre de chercheurs ([261]). En particulier, si les historiens se sont intéressés à la guerre d’Algérie dès les années 1960 et, en l’absence d’ouverture des archives publiques, ont pu s’appuyer sur des témoignages oraux, des archives privées ou encore la presse périodique, l’histoire de la guerre d’Algérie a longtemps souffert du trop petit nombre de chercheurs ([262]). De grands progrès ont été réalisés par la communauté scientifique, comme le souligne M. Benjamin Stora dans le rapport Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie remis au Président de la République le 20 janvier 2021 ([263]). Aujourd’hui, comme M. Benjamin Stora l’a indiqué à la mission d’information, si le savoir académique a fait de grands progrès, les problèmes qui se posent sont, d’une part, le manque de professeurs et, d’autre part, le manque de transmission de cette connaissance aux jeunes générations d’élèves et d’étudiants. L’une des clés pour résoudre ce problème est la création de postes de professeurs et de maîtres de conférences dédiés dans les universités ([264]). Votre rapporteure soutient pleinement cette proposition et considère qu’il serait également nécessaire de créer des postes fléchés au Centre national de la recherche scientifique, comme M. Frédéric Régent l’a proposé à la mission d’information ([265]).

Ces créations permettront de répondre à une demande de formation des élèves de l’enseignement supérieur issus de familles venant de territoires auparavant colonisés par la France qui, comme l’a souligné M. Benjamin Stora ont « le sentiment que l’histoire de leurs parents, grands-parents ou arrières grands-parents n’était pas connue et n’était pas transmise » et « l’impression de mener une bataille mémorielle pour imposer l’histoire de leurs ancêtres, de leurs parents et de leurs grands-parents dans l’espace public et dans l’espace politique ([266]). »  Elles permettront aussi d’améliorer la formation des professeurs de l’enseignement primaire et secondaire qui ne sont pas spécialistes de ces questions et de leur donner des outils pour expliquer la complexité de ces histoires. L’importance de la formation des enseignants a également été soulignée par les professeurs rencontrés dans le cadre du déplacement de votre rapporteure à la Martinique ([267]). Enfin, ces postes contribueront à créer un contre-pouvoir universitaire en mesure de peser face à la diffusion sur internet de textes et vidéos à prétention historique mais dont les fondements scientifiques sont défaillants et qui alimentent les concurrences mémorielles. À cet égard, l’importance de la production scientifique accessible sur internet a été soulignée au cours des entretiens menés par votre rapporteure à la Martinique ([268]).

Le développement de la recherche et de l’enseignement universitaires que votre rapporteure appelle de ses vœux doit également tenir compte de l’intérêt de développer des approches décloisonnées. En effet, « le champ universitaire se structure par discipline, par aire culturelle, ce qui ne favorise pas l’appréhension de ces sujets comme un tout ; or cette approche globale est indispensable d’un point de vue scientifique et politique pour éviter l’écueil qui consisterait à alimenter, à notre tour, la concurrence des victimes », comme l’a indiqué Mme Marie-Anne Matard-Bonucci, professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris 8 et présidente d’Alarmer (Association de lutte contre l’antisémitisme et les racismes par la mobilisation de l’enseignement et de la recherche) à la mission d’information([269]). Des structures comme celle de l’association Alarmer permettent de faire travailler ensemble des spécialistes de diverses périodes historiques et de plusieurs disciplines ([270]).

L’étude du fait colonial étant un des champs de déploiement des études postcoloniales et décoloniales (ce qui ne va pas sans susciter des débats scientifiques ([271])), votre rapporteure tient à préciser qu’il faut veiller à ce que le développement de l’étude du fait colonial ne serve pas de faire-valoir au développement d’approches susceptibles de porter atteinte aux valeurs universalistes qui fondent le pacte républicain. En effet, il y a un « continuum qui existe entre, d’un côté, les enjeux ultra-intellectuels et théoriques et, de l’autre, les enjeux ultra-pratiques et politiques » ([272]), comme le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports Jean-Michel Blanquer l’a rappelé à la mission d’information (voir supra).

Enfin, en ce qui concerne la connaissance des génocides, qui sont aussi un champ de recherche crucial pour l’étude du racisme, votre rapporteure considère qu’il est nécessaire de continuer et d’approfondir les travaux. En effet, si la connaissance la Shoah a commencé à se développer considérablement à partir des années 1970 grâce aux travaux des historiens ([273]), en revanche, le génocide tsigane n’a commencé à être étudié que plus tardivement ([274]). Il apparaît moins connu, ce qu’illustre le fait que, comme M. Marcel Courthiade l’a indiqué à la mission d’information, l’enquête « L’Europe et les génocides : le cas français » réalisée par l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès([275]) en partenariat avec plusieurs organismes dont la DILCRAH ne traitait pas du génocide tsigane ([276]).

Recommandation n° 2

Augmenter le nombre de postes de professeurs et de maîtres de conférences dédiés aux sujets des génocides, de l’esclavage et de la colonisation et créer des postes « fléchés » au Centre national de la recherche scientifique.

2.   Reconnaître

a.   L’adoption de lois mémorielles

La politique mémorielle passe par des actions qui peuvent avoir un caractère symbolique très fort, telles que des discours de chefs d’État. Ainsi, pour M. Benjamin Stora, « la déclaration d’Emmanuel Macron sur l’affaire Audin s’inscrit dans la grande tradition des décisions de reconnaissance historique du passé sombre de la France (comme, dans un autre registre, le discours le Jacques Chirac sur le Vel d’Hiv) ([277]). » 

La reconnaissance passe, au niveau législatif, par l’adoption de lois dites « mémorielles ». Ces lois, qui ont été nombreuses depuis les années 2000, comportent des dispositions couvrant des champs variés.

Certaines dispositions ont une portée déclarative. Ainsi, l’article unique de la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 dispose que « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. » L’article 1er de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité (dite « loi Taubira ») dispose que « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité. ». Enfin, l’article 1er de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés dispose que la Nation « reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d’indépendance » en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.

Certaines dispositions des lois concernent des libertés comme la liberté d’expression. Ainsi l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifié par la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot », et complété par la loi n° 2017‑86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront :

– contesté l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ;

– nié, minoré ou banalisé de façon outrancière l’existence d’un autre crime de génocide, d’un autre crime contre l’humanité, d’un crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre ([278]), lorsque ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale.

D’autres dispositions instaurent des droits. Par exemple, l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 accorde une allocation de reconnaissance aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France.

Enfin, certaines lois instaurent des journées de commémoration, qui peuvent également être prévues par des textes réglementaires.

Textes législatifs et réglementaires instaurant des journées de commémoration

Peuvent par exemple être cités :

– la loi n° 54-415 du 14 avril 1954 qui a fait du dernier dimanche d’avril la journée de « commémoration des héros, victimes de la déportation dans les camps de concentration au cours de la guerre 1939-1945 » ([279]) ;

– la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 ([280])  modifiée par la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 et le décret n° 2019-1166 du 12 novembre 2019 ([281]) qui fait du 10 mai la « journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions » et du 23 mai la « journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage » et institue un jour férié en outre-mer pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage par la République française et celle de la fin de tous les contrats d’engagement souscrits à la suite de cette abolition ;

– le décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 ([282]) qui fixe les dates prévues par la loi n° 83‑550 du 30 juin 1983 au 27 avril pour Mayotte, au 22 mai pour la Martinique, au 27 mai pour la Guadeloupe et pour Saint-Martin, au 10 juin pour la Guyane, au 9 octobre pour Saint-Barthélemy et au 20 décembre pour La Réunion ;

– la loi n° 2000-644 du 10 juillet 2000 qui fait du 16 juillet, date anniversaire de la rafle du Vélodrome d’hiver à Paris, la « journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux “Justes” de France qui ont recueilli, protégé ou défendu, au péril de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes menacées de génocide »([283]) (si le 16 juillet n’est pas un dimanche, la commémoration est reportée au dimanche suivant). ;

– le décret du 31 mars 2003, qui fait du 25 septembre la « journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives en reconnaissance des sacrifices qu’ils ont consentis du fait de leur engagement au service de la France lors de la guerre d’Algérie » ([284]) ;

– le décret n° 2003-925 du 26 septembre 2003 qui fait du 5 décembre la « journée nationale d’hommage aux “morts pour la France” pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie »([285]) ;

– la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 qui prévoit que sont associés à l’hommage du 5 décembre aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie « les rapatriés d’Afrique du Nord, les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian, ainsi que les victimes civiles des combats de Tunisie et du Maroc » ;

 le décret n° 2005-547 du 26 mai 2005 a fait du 8 juin la « journée nationale d’hommage aux “morts pour la France” en Indochine » ([286]) ;

– le décret n° 2006-388 du 31 mars 2006 ([287]) qui fixe au 10 mai la date de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage pour la France hexagonale ;

– la loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 qui fait du 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, la « journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc » ([288]) ;

– le décret n° 2019-291 du 10 avril 2019 qui fait du 24 avril la journée de commémoration du génocide arménien de 1915 ([289]).

Enfin, certaines dispositions législatives mettent en place des institutions mémorielles ou fixent des objectifs à la recherche voire à l’enseignement (supra). L’article 3 complète la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 pour instaurer un comité de personnalités qualifiées chargé de proposer des lieux et des actions qui garantissent la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations. Il s’agit du comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, qui a exercé ses fonctions jusqu’en 2019 ([290]). L’article 3 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 crée une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. L’article 4 de cette loi prévoit que les programmes de recherche universitaire « accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite ». La rédaction initiale de l’article imposait aux programmes scolaires de reconnaître « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » et d’accorder « à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Cette disposition a fait l’objet de nombreuses polémiques. Suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-203 L du 31 janvier 2006 qui a indiqué qu’elle était de nature réglementaire, elle a été abrogée par le décret n° 2006-160 du 15 février 2006.

La diversité des dispositions des lois mémorielles illustre le fait que la politique de mémoire mise en place par l’État repose sur plusieurs piliers : le développement d’une « mémoire savante » (qui se matérialise par des travaux universitaires), sa transmission par le biais d’actions pédagogiques, la mise en place d’une politique commémorative ou encore le développement d’une politique patrimoniale mémorielle ([291]).

Cette politique mémorielle est d’autant plus importante qu’elle permet non seulement de regarder le passé en face avec lucidité mais aussi de donner aux jeunes générations des modèles auxquels ils puissent s’identifier. En effet, comme l’a souligné M. Pascal Blanchard : « Il est nécessaire d’opérer sur deux plans afin d’atteindre les fondements du racisme actuel. D’un côté, il convient de déconstruire le modèle qui produit le racisme en expliquant d’où il vient. […] De l’autre, nous devons donner à la jeunesse des exemples d’un monde qui fonctionne. ([292]) » 

C’est pourquoi, « il faut montrer le rôle de tout le monde dans les combats de la France pour sa survie. Des acteurs très divers, venus du monde entier, y ont participé. Il faut mettre en avant ces exemples pour que les enfants aient envie d’être des citoyens français », a souligné le ministre de l’éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer ([293]). Cette reconnaissance passe notamment par une mise en valeur du rôle des militaires venus de l’empire colonial. Ainsi, le rôle des tirailleurs algériens pendant la guerre de 1870 est désormais davantage mis en lumière dans les musées et les cérémonies ([294]). Cette reconnaissance doit aussi concerner l’action des civils, comme les travailleurs chinois employés en France pendant la Première Guerre mondiale, auxquels le Président de la République Emmanuel Macron a rendu hommage dans un discours prononcé à Xi’an le 8 janvier 2018 ([295]).

En outre, il est souhaitable que la promotion par la politique mémorielle d’exemples auxquels les jeunes puissent s’identifier bénéficie d’un relais au niveau médiatique par la production d’œuvres qui parlent à tous, tels que la série télévisée Frères d’armes co-écrite par Rachid Bouchareb et Pascal Blanchard. Cette série, réalisée en lien avec les ministères concernés, présente cinquante portraits de soldats en faisant appel à des personnalités connues, telles que Lilian Thuram ou Jamel Debbouze ([296]) et a notamment été diffusée sur les chaînes du service public à partir de mai 2014. Cette série, qui « relate l’histoire de combattants qui sont venus des quatre coins du monde participer aux guerres de la France et sont morts pour la patrie » permet d’« extraire du récit des contre-exemples légitimes aux discours des racistes » selon M. Pascal Blanchard qui a précisé que : « Quand vous dressez le portrait d’Addi Bâ le résistant, qui devient le film Les patriotes, vous ne fabriquez pas quelque chose de superficiel. Vous construisez des contre-images en allant au plus profond du récit ([297]). »

b.   L’inscription de la mémoire dans l’espace public

Votre rapporteure est également attachée au développement et au renouvellement de la politique patrimoniale mémorielle, qui prend des formes diverses, telles qu’une plaque de rue, un monument, une statue ou une stèle ([298]).

Cette politique est ancienne et ses modalités ont varié dans le temps. Par exemple, si la « statuomanie » a connu son acmé entre 1879 et 1914, l’érection par les pouvoirs publics de statues dans l’espace public est devenue bien plus rare à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Mme Jacqueline Lalouette, qui a achevé récemment une grande enquête sur les statues en France entre 1804 et 2018 ([299]) a constaté qu’aujourd’hui, « la plupart des gens sont indifférents aux statues, ne les regardent pas, ne savent pas qui elles représentent et parfois ne savent même pas qu’elles existent » ([300]). La présence de certaines statues dans l’espace public fait pourtant aujourd’hui débat, comme l’illustrent les atteintes portées aux statues des personnages associés à l’esclavage, voire à son abolition, qui ont eu lieu l’été dernier ([301]). La discordance apparente entre les politiques mémorielles relatives à l’esclavage et la présence de ces statues dans l’espace public est liée au fait qu’elles ont été érigées au XIXe siècle et que les politiques mémorielles évoluent au fil du temps. De fait, l’espace public est marqué par des traces du passé qui sont porteuses de mémoires propres. Cette question ne concerne pas seulement des statues mais peut aussi concerner les plaques de rue ou de monuments. Comme l’indiquait Mme Krystel Gualdé, directrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes et du Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes : « La mémoire n’est pas un long fil continu. Des guerres de mémoires cohabitent dans l’espace public, comme à Nantes, où le Mémorial de l’abolition de l’esclavage côtoie des rues dont les noms évoquent le passé colonial et esclavagiste de la ville. Le cas le plus emblématique est celui de la rue Guillaume-Grou : au XVIIIe siècle, ce Nantais a envoyé par bateau 10 000 à 15 000 hommes, femmes et enfants à Saint-Domingue et dans les colonies françaises de l’Amérique. La rue Guillaume-Grou se trouve à proximité de la rue de Saint- Domingue, du quai des Antilles, etc., qui témoignent dans l’espace public de l’existence d’une autre mémoire, d’un autre temps ([302]). »

Votre rapporteure considère que la superposition des couches mémorielles dans l’espace public ne doit pas faire l’objet d’une guerre de mémoires qui conduirait à supprimer telle ou telle statue de l’espace public. En effet, l’histoire de France forme un tout qu’il convient de restituer dans toute sa complexité. Après le vandalisme dont la statue de Colbert devant le Palais Bourbon a fait l’objet, le Président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand a souligné que « revisiter l’histoire » ou « vouloir la censurer dans ce qu’elle a de paradoxal parfois est absurde ([303]) ». Comme le Président de la République l’a souligné dans le discours qu’il a prononcé le 4 septembre 2020 à l’occasion de la célébration du 150e anniversaire de la proclamation de la République, « la République ne déboulonne pas de statues, ne choisit pas simplement une part de son histoire, car on ne choisit jamais une part de France, on choisit la France ([304]). »

En revanche, la superposition des couches mémorielles dans l’espace public doit entraîner, pour certains éléments du patrimoine commémoratif, un travail d’explication et de remise en contexte, comme M. Frédéric Régent l’a indiqué à la mission d’information ([305]). Pour transmettre au grand public une information scientifique adéquate, tant sur les différents aspects de l’action d’un personnage public que sur l’évolution de sa perception par le public, des dispositifs de médiation adaptés doivent être envisagés. Il pourrait s’agir d’actions relativement simples à mettre en place comme l’installation de panneaux explicatifs à proximité des statues ou encore l’augmentation des informations fournies dans les brochures ou les dépliants touristiques relatifs aux monuments qui sont édités par les collectivités territoriales ou diffusés sur support numérique.

En outre, votre rapporteure appelle de ses vœux l’installation de nouvelles statues correspondant aux orientations actuelles de la politique mémorielle et qui seraient liées à l’histoire de la colonisation et de l’esclavage. Par exemple, Mme Jacqueline Lalouette propose d’ériger des statues « d’hommes et de femmes noires ou mulâtres, esclaves ou non, ayant combattu pour la liberté, parfois au prix de leur vie ([306]) ». M. Benjamin Stora propose l’installation à l’occasion du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie en 2022 d’une stèle consacrée à l’Émir Abdelkader ([307]), grande figure de la résistance algérienne à la colonisation française au XIXe siècle, à Amboise, où il a été détenu entre 1848 et 1852. La mémoire des tourments de l’histoire asiatique ne doit pas être oubliée non plus dans la politique commémorative et votre rapporteure salue à ce titre l’inauguration le 17 avril 2018 par Anne Hidalgo, maire de Paris, d’une stèle en hommage aux victimes des Khmers Rouges dans le parc de Choisy, situé dans le treizième arrondissement de Paris ([308]). Paris est ainsi devenu la première capitale occidentale à accueillir un tel mémorial, comme l’a indiqué Mme Antonya Tioulong, vice-présidente du Haut conseil des Asiatiques de France, qui a fait partie des initiateurs du projet ([309]). Le renouvellement de la politique mémorielle passe également par des actions qui peuvent sembler plus modestes, comme le choix des noms de rue ou de bâtiments, mais qui n’en ont pas moins une résonance importante à l’échelle locale. Ainsi, votre rapporteure tient à féliciter le ministère des armées pour la réalisation du guide « Aux combattants d’Afrique, la France reconnaissante. 100 fiches biographiques à l’usage des maires de France », fruit d’un travail de recherche mené par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et le service historique de la Défense qui a été rendu public en juillet 2020. Dans ce recueil, chaque maire pourra trouver des exemples et des inspirations pour donner à des rues ou encore à des écoles le nom de soldats africains ayant participé à la bataille de France, aux combats de la France libre et à la Libération du territoire lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans le prolongement de ce travail, Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville, a été chargée à la fin de l’année 2020 de la préparation d’un recueil rassemblant plusieurs centaines de fiches biographiques consacrées à des personnalités issues de la diversité qui ont contribué à l’histoire de la France mais n’ont pas encore toutes trouvé leur place dans notre mémoire collective. Votre rapporteure se félicite de cette initiative qui offrira un support aux élus qui souhaitent rendre hommage à ces personnalités en donnant leur nom à une rue ou à un bâtiment public ([310]).

Recommandation n° 3

Traduire l’évolution des politiques mémorielles en érigeant des statues ou stèles ou en choisissant des noms de rue et de bâtiments qui, d’une part, prennent en compte la diversité et, d’autre part, commémorent la résistance à l’esclavage ou à la colonisation.

 

Recommandation n° 4

Favoriser la diffusion d’une information scientifique de qualité permettant de comprendre la pluralité des traces mémorielles dans l’espace public et de les replacer dans leur contexte.

Favoriser la diffusion d’une information scientifique de qualité permettant de comprendre la pluralité des traces mémorielles dans l’espace public et de les replacer dans leur contexte. Il convient enfin de souligner que le maillage mémoriel de l’espace public repose aussi sur les lieux de mémoire communaux et tout particulièrement sur les monuments aux morts. Votre rapporteure rappelle leur place symbolique dans l’espace public et considère qu’il est nécessaire de valoriser le rôle essentiel des adjoints aux maires en charge des questions culturelles, des affaires scolaires et de la jeunesse en matière d’histoire et de lutte contre le racisme. Ces derniers devraient bénéficier d’une offre de formation dédiée, par exemple sur internet, ou de fascicules de sensibilisation.

Recommandation n° 5

Développer une offre de formation spécifique destinée aux adjoints aux maires en charge des questions culturelles, des affaires scolaires et de la jeunesse afin de les sensibiliser à leur rôle essentiel en matière d’histoire et de lutte contre le racisme.

 

c.   La création de musées, mémoriaux et fondations

La reconnaissance mémorielle passe également par la création de mémoriaux, de musées ou de fondations. Si plusieurs structures ont été récemment créées en France, votre rapporteure estime que des politiques complémentaires pourraient encore être déployées.

Les structures existantes sont d’une grande variété, comme l’ont montré des auditions réalisées par la mission d’information.

Il peut s’agir de structures issues d’une initiative privée, qui a ensuite fait l’objet d’une reconnaissance de la part des pouvoirs publics. C’est par exemple le cas du Mémorial de la Shoah. Celui-ci est issu de la transformation du Mémorial du martyr juif inconnu, projet porté par Isaac Schneersohn, fondateur du Centre de documentation juive contemporaine, et inauguré en 1956 à Paris. À partir de 1957, une étape au mémorial est prévue dans le programme de la manifestation organisée par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre le dernier dimanche d’avril lors de la commémoration du souvenir des victimes de la déportation instituée par la loi n° 54-415 du 14 avril 1954. Cette mesure « joue un rôle fondamental dans la reconnaissance officielle du monument » selon M. Simon Perego ([311]). À la suite du discours prononcé le 16 juillet 1995 par le Président de la République Jacques Chirac pour reconnaître la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs de France, le mémorial élargit son activité en prenant en compte les questions éducatives et se penche sur l’histoire de l’ensemble des génocides. Il change de nom pour devenir le Mémorial de la Shoah ([312]).

La création d’un mémorial peut aussi être issue d’un projet porté par une collectivité territoriale. C’est par exemple le cas du Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes, qui a été inauguré en 2012 et résulte d’une commande politique de la municipalité, dirigée par M. Jean-Marc Ayrault ([313]). Le Mémorial, qui vise à inscrire la mémoire de l’esclavage dans l’espace de la ville de Nantes est relié par un parcours dans les rues jalonné par onze panneaux informatifs sur la traite au musée d’histoire de Nantes, situé au Château des ducs de Bretagne. Celui-ci fournit les clés permettant de comprendre le passé négrier de Nantes, largement abordé dans l’exposition permanente ([314]).

Tout récemment également, le Mémorial ACTe ou « Centre caribéen d'expressions et de mémoire de la traite et de l'esclavage », inauguré en 2015 et initié par le sénateur Victorin Lurel, alors président du conseil régional de la Guadeloupe, la région et le Comité international des peuples noirs (CIPN), vise à créer un lieu dédié à la mémoire collective de l’esclavage et de la traite, qui soit ouvert sur le monde contemporain. Il constitue un lieu de mémoire et de recherche reconnu.

L’État peut aussi prendre lui-même en charge la création d’un musée, comme l’illustre l’exemple du Musée national de l’histoire de l’immigration, inauguré en 2014 et issu de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration ouverte en 2007. Ce musée est à la fois « un lieu de la mémoire et de l’histoire de l’immigration » jusque-là absente des musées français selon son directeur, M. Sébastien Gokalp, qui a souligné qu’il était d’ailleurs « installé dans un lieu de mémoire : le palais des colonies de la Porte Dorée, inauguré en 1931, lors de l’Exposition coloniale, qui porte sur ses murs la gloire de l’empire colonial français ([315]) ». Certains éléments tels que les bas-reliefs de la façade ou les fresques de la salle des fêtes rappellent la destination première du lieu, ce qui fait écho à l’un des objectifs du musée, qui est de retourner les symboles, de battre en brèche les stéréotypes et de déconstruire l’imagerie héritée de la colonisation ([316]).

En France, outre des musées et des mémoriaux, des fondations ont été instituées à l’initiative des pouvoirs publics. C’est par exemple le cas de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Celle-ci est issue d’un projet élaboré par le poète Édouard Glissant à la demande du Président de la République Jacques Chirac qui visait à mettre en place une institution autonome dédiée à la mémoire de l’esclavage. Ce projet est relancé en 2016 lorsque le Président de la République François Hollande confie à M. Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin, une mission de préfiguration visant à transformer le Comité national pour la mémoire de l’esclavage en une fondation reconnue d’utilité publique. La fondation, qui est reconnue d’intérêt public par le décret du 12 novembre 2019 ([317]), a son siège à l’Hôtel de la Marine, où se trouvait le bureau de Victor Schoelcher au moment de l’abolition de l’esclavage ([318]). Comme le souligne M. Pierre-Yves Bocquet, qui en est le directeur adjoint, cette fondation dispose d’un budget modeste de 2 millions d’euros par an et ne compte que sept permanents. Il ne s’agit pas d’un musée ouvert au public mais d’un organisme qui a vocation à créer des contenus, à concevoir des méthodes, à diffuser de la connaissance ou encore à soutenir des acteurs locaux ([319]). Toutefois, il semble que le travail de la fondation ne fasse pas l’objet d’un portage politique suffisant, comme l’a indiqué M. Dominique Sopo, président de SOS racisme et membre du conseil d’orientation de la Fondation ([320]). De ce fait, votre rapporteure appelle de ses vœux un renforcement de l’accompagnement public de l’action de la fondation dans les années à venir.

Celui-ci semble d’autant plus nécessaire qu’un mémorial rendant hommage aux victimes de l’esclavage, dont la création a été impulsée par le Président de la République Emmanuel Macron, va voir le jour à proximité. En effet, il sera installé dans le jardin des Tuileries, entre l’emplacement de l’ancienne demeure royale et impériale des Tuileries, où siégeait la Convention nationale, qui a voté la première abolition de l’esclavage en 1794, et l’Hôtel de la Marine, où a été préparée la deuxième abolition, effectuée par la Deuxième République en 1848 ([321]).

En outre, votre rapporteure considère que le paysage muséal devrait être complété. En effet, il n’existe aujourd’hui aucun musée national consacré spécifiquement à l’histoire coloniale, point sur lequel l’historien Pascal Blanchard a attiré l’attention de la mission d’information en soulignant qu’il est indispensable de se saisir de la question coloniale pour déconstruire le racisme ([322]). Votre rapporteure propose donc la création d’un musée de la colonisation, qui ne prendrait pas forcément la forme d’un espace physique consacré à la colonisation dans un lieu donné mais d’une structure plus souple, essentiellement accessible sur internet et qui aurait la capacité d’organiser des expositions itinérantes permettant de toucher des publics partout en France. Cette structure pourrait bâtir une stratégie numérique qui lui permette d’inscrire son action dans un cadre durable en fournissant des ressources permanentes à destination, non seulement des visiteurs des expositions, mais aussi de l’ensemble des publics qui cherchent une information scientifique de qualité sur l’histoire de la colonisation.

Recommandation n° 6

Créer un musée d’histoire de la colonisation qui s’appuie, d’une part, sur des expositions itinérantes et, d’autre part, sur des outils numériques permettant de toucher de manière pérenne un large public.

3.   Faire connaître

L’école a un rôle essentiel à jouer dans la transmission des connaissances historiques, pour lutter contre la diffusion dans la jeunesse, et, plus largement, dans le grand public, d’informations erronées sur le racisme et l’antisémitisme, produites sans aucune garantie scientifique par des créateurs de contenus qui ne sont pas des historiens professionnels et qui sont susceptibles d’attiser la concurrence mémorielle. La politique mémorielle, si elle a son utilité, doit être relayée par une action éducative de fond. Comme le soulignait M. Mario Stasi, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, si la proposition de faire entrer Joséphine Baker au Panthéon constitue un symbole fort, il ne faut pas oublier qu’« un symbole ne sert à rien si aucune action de fond, de moyen ou long terme, n’est engagée », notamment dans les écoles ([323]). Or, comme l’a indiqué Mme Marie-Anne Matard-Bonucci, « les politiques mémorielles, si elles sont nécessaires, ne sont pas un remède magique. On a trop misé, ces dernières décennies, sur la stratégie de la mémoire. Il importe donc de construire du savoir plutôt que de jouer sur les ressorts de l’émotion et de poursuivre la chimère d’une mémoire unitaire et apaisée ([324]). » La lutte contre le racisme et l’antisémitisme passe nécessairement par la transmission d’un savoir scientifique qui permet de comprendre les mécanismes de ces phénomènes ([325]).

a.   Le rôle de l’enseignement de l’histoire à l’école

L’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, parce qu’il accomplissait son devoir d’enseignant, a porté un coup terrible à l’école et par là même à la République. La mission d’information lui a rendu hommage au cours de ses auditions et un extrait de la tribune de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG) intitulée « Revenir et continuer » doit être ici rappelé : « Notre collègue n’a pas failli dans sa mission. Les messages de haine se déchaînaient sur les réseaux sociaux, mais il n’a pas failli. Une vidéo le rendait coupable de crime, mais il n’a pas failli. Une convocation au poste de police l’a conduit à s’expliquer, mais il n’a pas failli. Chaque matin, il s’est levé pour poursuivre sa mission, éclairer ces jeunes esprits qui lui étaient confiés, enseigner. Notre collègue savait mener un combat contre le fanatisme, la haine, l’intolérance, et il a cru que les armes du savoir seraient les plus fortes. »

Votre rapporteure tient à relever la place centrale occupée par les professeurs d’histoire-géographie, dont plusieurs associations de professeurs d’histoire-géographie ont pu témoigner. Le déploiement de ressources accessibles par internet constitue un des éléments témoignant de l’investissement massif des professeurs dans la diffusion de savoirs et de contenus scientifiques, par exemple sur le site de l’APHG ([326]).

M. Bruno Modica, porte-parole de l’association Les Clionautes ([327]), créée dès 1998, a souligné que l’association a commencé par rassembler des ressources en ligne pour les mettre à la disposition des professeurs et qu’elle publie des séquences utilisées dans l’enseignement. Votre rapporteure a également pu rencontrer Mme Elsa Juston, professeure, présidente de l’association Oliwon Lakarayib ([328]), créée récemment qui met en ligne, sur une plateforme numérique dédiée à la Caraïbe, des capsules vidéos et des supports pédagogiques visant à rendre accessibles les savoirs scientifiques.

Recommandation n° 7

Apporter un soutien public, en particulier d’ordre financier ou logistique, au plus près des acteurs, aux réseaux de professeurs qui se constituent en vue de diffuser des outils pédagogiques disponibles pour l’ensemble de la profession et le grand public.

Il convient de souligner la demande de renforcement des heures consacrées à l’histoire-géographie et à l’éducation morale et civique, d’autant que celle-ci doit inclure l’éducation aux médias et aux réseaux sociaux (voir infra dans le III du présent rapport). M. Bruno Modica soulignait au cours de son audition ([329])  : « Les réformes successives ont réduit le temps d’enseignement de l’histoire-géographie et de l’enseignement moral et civique de 20 à 25 %. »

Recommandation n° 8

Renforcer le nombre des heures consacrées à l’histoire-géographie ainsi qu’à l’enseignement moral et civique dans l’enseignement primaire et secondaire.

Selon un sondage réalisé en 2019 par Harris interactive pour le magazine Historia, un grand nombre de Français considèrent que l’histoire est nécessaire pour comprendre les fondements des sociétés (91 % des sondés), pour comprendre réellement l’actualité (85 % des sondés) et pour être un bon citoyen (76 % des sondés). L’école joue un rôle important dans l’apprentissage de l’histoire car 56 % des sondés considèrent que c’est à l’école qu’ils ont acquis l’essentiel de leurs connaissances historiques. En revanche, bien qu’une grande partie des Français s’intéresse à l’histoire, on constate une relative désaffection des jeunes pour cette discipline. Si 76 % des Français s’intéressent à l’histoire de France, ce chiffre passe à 85 % chez les plus de 50 ans et tombe à 66 % chez les moins de 35 ans ([330]).

Intéresser davantage les jeunes à l’histoire permettrait à cette discipline de contribuer de manière plus efficace à la construction de la citoyenneté et à la lutte contre le racisme. Un rôle essentiel est attribué aux programmes d’histoire sur ce point. Par exemple, le bulletin officiel de l’Éducation nationale précise que les programmes d’histoire et de géographie du lycée « confrontent [les élèves] à l’altérité par la connaissance d’expériences humaines antérieures et de territoires variés » et « leur donnent les moyens d’une compréhension éclairée du monde d’hier et d’aujourd’hui, qu’ils appréhendent ainsi de manière plus distanciée et réfléchie ». Ils « contribuent à leur formation civique » notamment en les aidant à « devenir des citoyens éclairés et actifs, sachant faire preuve d’esprit critique » ([331]). En effet, comme l’a montré Mme Évelyne Hery, depuis la Troisième République la fonction assignée à l’histoire par les programmes scolaires est « de rendre aux élèves le monde contemporain intelligible dans une démarche rétrospective où la connaissance du passé éclaire le présent et fonde le sentiment des solidarités avec les hommes d’hier et d’aujourd’hui. ». En dotant l’élève d’une culture historique dont les repères chronologiques constituent l’ossature et d’une méthodologie de lecture, cet enseignement contribue à former un citoyen conscient et actif, apte à se diriger dans la vie politique et sociale ([332]).

Toutefois, la question est probablement davantage celle de la méthode et de l’articulation des thèmes entre eux que celle d’un vide dans les programmes. En effet, ceux-ci prennent déjà en compte des questions telles que les génocides, l’esclavage et la décolonisation, en primaire comme au collège ou au lycée. Par exemple, la formation du premier empire colonial français et l’esclavage figurent au programme d’histoire des classes de CM1, de quatrième ou encore de seconde générale et technologique. Le deuxième empire colonial français est étudié en CM2, en troisième et en première. En première générale, le chapitre « métropole et colonies » vise à étudier la politique coloniale de la IIIe République, et notamment les acteurs, les motivations et les territoires de la colonisation, les débats suscités par cette politique, les chocs entre puissances occasionnés par cette expansion, le fonctionnement des sociétés coloniales ainsi que le cas particulier de l’Algérie (conquise entre 1830 et 1847 et organisée en départements français en 1848). Parmi les points de passage et d’ouverture qui peuvent être choisis par les enseignants pour approfondir le chapitre, on trouve notamment l’étude de l’extension du code de l’indigénat algérien à toutes les colonies françaises ou encore l’étude de Saïgon. En première technologique, un des thèmes obligatoires est « La Troisième République : un régime, un empire colonial » et, en complément de ce thème, les enseignants choisissent un sujet d’étude qui est : soit « l’instruction des filles sous la Troisième République avant 1914 » soit « Vivre à Alger au début du XXe siècle ». La décolonisation est étudiée dans le chapitre « La France : une nouvelle place dans le monde » du programme de terminale générale et les enseignants peuvent choisir parmi les points de passage et d’ouverture pour approfondir le sujet « la guerre d’Algérie et ses mémoires ». En terminale technologique, la décolonisation est notamment incluse le thème « La France de 1945 à nos jours : une démocratie » dont l’étude est complétée par un sujet qui est soit l’évolution de la place et des droits des femmes dans la société française soit la guerre d’Algérie. Enfin, les génocides de la Seconde Guerre mondiale sont inclus dans les programmes d’histoire de CM2, de troisième ou encore de terminale générale et de terminale technologique([333]).

Toutefois, comme l’a souligné M. Benoît Drouot, vice-président de l’association Alarmer, ces programmes présentent trois faiblesses. Tout d’abord, ils conduisent à aborder par des tragédies le racisme et l’antisémitisme, ce qui « présente l’inconvénient de les enfermer dans ces manifestations paroxystiques et donc de diminuer leur portée aux yeux de nos élèves. » Par ailleurs, l’enseignement du racisme et de l’antisémitisme est segmenté, ce qui empêche de créer une cohésion dans l’esprit des élèves et limite la possibilité d’établir des analogies entre différents épisodes de l’histoire, pour mieux faire ressortir les singularités de chacun. Enfin, le traitement de ces questions est trop déconnecté du présent des élèves. Par exemple, passé l’étude de l’année 1945, l’antisémitisme n’est plus étudié et les élèves ne peuvent disposer de toutes les clés pour décrypter l’antisémitisme d’aujourd’hui ([334]).

En outre, la fragmentation des sujets étudiés dans les programmes d’histoire ne permet pas de répondre au problème de la concurrence mémorielle. Mme Noémie Madar, présidente de l’Union des étudiants juifs de France, a ainsi indiqué que « lorsque l’on interroge les étudiants sur la connaissance de la Shoah et la mémoire de la Shoah, les élèves trouvent très majoritairement qu’il s’agit d’un crime grave. En revanche, lorsque l’on place ces questions dans une comparaison avec l’Algérie, avec l’esclavage, les résultats sont bien moins importants. Ceci prouve qu’il existe un sujet de concurrence victimaire et de concurrence mémorielle et l’on fait peser sur les juifs de France le fait que l’on ne parle pas suffisamment du reste. » ([335]) Or, comme l’a souligné M. Pierre Mairat, coprésident du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, « le fait de confronter ces mémoires différentes permet de comprendre qu’elles correspondent à plusieurs facettes du même problème ([336]) ».  De ce fait, « il est fondamental d’aborder ensemble les questions du racisme et de l’antisémitisme, car l’instrumentalisation de la concurrence des mémoires pourrit l’atmosphère dans les écoles », comme l’a indiqué M. Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah ([337]).

Votre rapporteure, qui partage ces constats, souligne les propositions de renouvellement des programmes faites par l’association Alarmer pour répondre à ces problèmes. Tout d’abord, il serait nécessaire de renforcer la place de l’histoire culturelle et de l’histoire des mentalités et des représentations pour permettre aux élèves de comprendre comment les altérités négatives sont fabriquées au cours du temps. Par ailleurs, il faudrait adopter une démarche permettant de montrer les ressorts communs entre les racismes et les antisémitismes, tout en insistant sur les singularités propres à chacun. Enfin, il serait utile d’adopter une approche plus thématique sur la durée, pour pallier les inconvénients de la fragmentation des sujets ([338]).

Recommandation n° 9

Faire évoluer les programmes d’histoire du lycée en y ajoutant un thème qui permette de traiter de la question du racisme et de l’antisémitisme de manière diachronique.

Votre rapporteure souhaite également revenir sur un élément important porté à sa connaissance au cours de son déplacement en Martinique en octobre 2020 : dès lors que de nouveaux programmes sont publiés, les programmes adaptés aux histoires locales des territoires ultramarins sortent généralement avec un certain retard ([339]). Une forme de « vide pédagogique » a ainsi été observée après 2015, qui n’a pas été sans conséquence. L’importance des programmes adaptés a précédemment été soulignée par le rapport sur les discriminations dans les Outre-Mer de nos collègues députées Josette Manin, Maud Petit et Cécile Rilhac, n° 1793 du 21 mars 2019.

Recommandation n° 10

Promouvoir une mise à jour plus rapide des manuels scolaires aux programmes adaptés aux histoires locales aussitôt qu’une réforme est mise en œuvre.

b.   Le rôle des musées et des lieux de mémoire

M. Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah, soulignait au cours de son audition ([340])  : « Un des messages que je voudrais faire passer est que le racisme et l’antisémitisme sont devenus tellement graves en France qu’il faut professionnaliser la lutte contre ces phénomènes. Celle-ci doit être gérée comme les problèmes médicaux, les pandémies et l’éducation. Les institutions qui travaillent sur le terrain ont besoin de la société. Nous ne pouvons pas accomplir seuls un travail que la collectivité n’arrive pas à mener à bien. Il est nécessaire que l’ensemble des cadres de la société soient sensibilisés au racisme et à l’antisémitisme et apportent des réponses à la place qu’ils occupent. Enfin – même si ce propos peut surprendre, venant du Mémorial de la Shoah – le combat contre l’antisémitisme passe d’abord, à nos yeux, par la lutte contre toutes les formes de discrimination et de racisme. À défaut, il n’y aurait pas de cohérence, et nous ne serions pas entendus. »

Une réforme des programmes d’histoire ne peut suffire à elle seule, d’autant qu’elle ne concernerait que les plus jeunes, et non la grande majorité de la population, qui a quitté le système scolaire. Ce phénomène est par exemple illustré par le fait que, comme l’a indiqué Mme Krystel Gualdé : « À son ouverture, en 2007, le musée d’histoire de Nantes s’est trouvé confronté à une tâche colossale : pratiquement personne ne connaissait l’histoire de la traite et de l’esclavage en France. La loi de Christiane Taubira en 2001 l’avait certes fait entrer dans les programmes scolaires mais le public de 2007 n’avait pas suivi ces classes-là. Lorsque ces sujets étaient abordés, c’était toujours sous l’angle du roman national, c’est-à-dire des grandes dates de l’abolition. Mais quid par exemple de la révolution haïtienne ? Absolument rien, nulle part ([341]) ! »

Le développement d’expériences d’éducation informelle à destination de tous les publics, qui peuvent être à la fois efficaces et peu coûteuses, a donc un rôle essentiel à jouer, comme l’a indiqué Mme Élisabeth Caillet, philosophe, à la mission d’information ([342]). Les musées, mémoriaux et fondations occupent une place cruciale en la matière.

Cette place est d’autant plus significative que « les musées et les lieux de mémoire sont des espaces où la dimension expérimentale est plus importante » ([343]) selon M. Sébastien Gokalp qui a rappelé que le musée « est un lieu où l’on a une expérience sensorielle » ([344]). Par exemple, le Musée national de l’histoire de l’immigration comprend non seulement une collection « historique » faite de documents (principalement des photos et des articles de presse) mais aussi une collection qui « retrace le parcours de vie des immigrés, qui racontent leur histoire en déposant des objets – le téléphone portable avec lequel ils sont arrivés, le sac de couchage, des photos de famille ou de leur arrivée en France ([345]). » L’importance du sensible a pu être mesurée. Par exemple, les évaluations réalisées par le musée d’histoire de Nantes ont montré que « lorsque les visiteurs étaient touchés, troublés jusqu’à avoir envie de vomir à la simple lecture de textes du XVIIIe siècle sur la manière d’étamper un esclave, quelque chose se passait, quelque chose de violent qui faisait écho à l’histoire d’une domination et d’une violence séculaires. » ([346]) Faire place au sensible, c’est également avoir recours à la médiation de l’art, comme l’a souligné Mme Krystel Gualdé lors de son audition ([347]). Le Musée national de l’histoire de l’immigration dispose d’une collection d’œuvres d’art contemporain qui  « sans rien expliquer, en vous touchant au plus profond de vous-même, […] vous placent dans un autre rapport à l’immigration »([348]) selon M. Sébastien Gokalp.

Votre rapporteure tient ici à souligner l’impact du déploiement d’une muséographie repensée qui tienne compte des savoirs et des attentes actuels et exploite au mieux les pièces des musées. Ainsi, le domaine de La Pagerie, lieu de naissance de la future impératrice Joséphine, à la Martinique, est-il une belle démonstration d’un profond réaménagement du parcours de visite et des collections permettant de présenter et de documenter la vie des esclaves dans l’habitation ([349]). Plusieurs projets récents tendant à un réaménagement des parcours et des collections pour une meilleure connaissance du racisme, de l’antisémitisme et de l’esclavage peuvent être cités, tels que la rénovation du musée d’Aquitaine à Bordeaux qui inclut l’histoire de l’esclavage dans son parcours, le projet du Musée de la résistance et de la déportation à Besançon, qui abordera l'antisémitisme dans un nouveau parcours ou encore le projet de rénovation du Musée Victor Schloelcher à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, qui sera inauguré prochainement.

Les apports des musées et lieux de mémoire à la transmission de l’histoire reposent non seulement sur leurs collections permanentes mais aussi sur l’organisations d’expositions et d’évènements dans le but d’attirer des publics variés, qui ne seraient pas forcément venus sans cela. Par exemple, Mme Évelyne Heyer, co-commissaire de l’exposition « Nous et les autres, des préjugés au racisme » organisée par le Musée de l’Homme, a indiqué que le bilan de celle-ci était très satisfaisant puisqu’au moins 30 % des visiteurs avaient moins de 25 ans, et qu’il ne s’agissait pas seulement d’élèves participant à des sorties scolaires mais de jeunes des quartiers qui avaient connu l’exposition grâce au bouche-à-oreille et étaient venus le week-end ([350]). Selon Mme Évelyne Heyer, cette exposition « leur a permis de se replacer dans un contexte, de comprendre ce qui pouvait leur arriver et d’être mieux armés pour y répondre autrement que par la colère » et elle a également permis aux jeunes qui n’étaient pas victimes de racisme « de trouver des phrases et des arguments simples […] pour pouvoir débattre avec des individus racistes » et d’en faire des porte-parole ([351]).

Les musées et lieux de mémoire mettent également en place des démarches qui leur permettent d’aller vers le public au lieu de le faire venir. Par exemple, une soixantaine d’expositions du Musée national de l’histoire de l’immigration circulent dans les collèges, les lycées et les communes ([352]). L’exposition « Nous et les autres » a été organisée de manière itinérante dans plusieurs villes de France, aux États-Unis  ou encore au Canada et elle est encore présente, sous la forme plus légère de kakémonos, dans différentes académies ([353]). Ces démarches permettent de toucher des publics qui ne se déplaceraient pas forcément. Par exemple, pour étendre son action au-delà des élèves qui viennent avec leur classe visiter le mémoriel de la Shoah, le Mémorial de la Shoah a commencé en 2016 à développer des ateliers à l’intérieur des établissements scolaires en concentrant son action sur les établissements où il y a des problèmes de racisme et d’antisémitisme, qui sont indiqués par les rectorats ([354]).

Recommandation n° 11

Porter une attention accrue à l’évolution de la présentation des collections dans les musées afin de renforcer la place de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation.


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II.   Le racisme dans la loi et LA RÉPONSE PÉNALE AUX INFRACTIONS RACISTES

La police et la justice jouent un rôle essentiel dans la prévention et la répression des infractions à caractère raciste, c’est-à-dire des infractions aggravées par un motif raciste, qu’elles soient prévues par le code pénal ou par le droit de la presse. La police, souvent accusée – abusivement, selon votre rapporteure – d’avoir des pratiques racistes, constitue ainsi le premier maillon de la chaîne pénale, puisqu’elle est chargée de l’accueil des victimes. La loi pénale semble avoir trouvé un équilibre entre la nécessité d’incriminer certains propos et comportements racistes et l’exigence de préserver la liberté d’expression et la présomption d’innocence, même si le cadre juridique doit encore évoluer pour mieux prendre en compte le phénomène récent de la « haine en ligne ». Il serait en revanche souhaitable d’améliorer la réponse pénale à droit constant, en renforçant la formation des policiers et gendarmes et en tirant pleinement profit de la dimension pédagogique des sanctions infligées aux auteurs de ces infractions.

A.   LA QUESTION DU RACISME DANS LA POLICE

La police a une place centrale dans le cadre d’une réflexion sur le racisme : à la fois parce qu’elle est chargée d’accueillir les victimes de racisme et d’enregistrer les plaintes – elle constitue à ce titre la première étape de la réponse pénale – et parce qu’elle est elle-même régulièrement accusée de pratiques racistes ou discriminatoires, malgré des règles de déontologie strictes dont les violations sont sanctionnées grâce à des mécanismes de signalement efficaces.

Tout en récusant l’idée d’un « racisme institutionnel » au sein de la police ou de la gendarmerie, votre rapporteure constate toutefois que certains actes – notamment les contrôles d’identité – ne sont pas suffisamment encadrés, aussi bien par la loi que par la hiérarchie, qui doit jouer pleinement son rôle. Aussi, plusieurs pistes de réforme pourraient être envisagées dans le cadre du « Beauvau de la sécurité ».

1.   La critique d’une police « structurellement raciste » n’est pas fondée

Les difficultés relatives à la question du racisme dans la police ne doivent pas être niées : « La police est une institution qui est sans doute davantage perméable au racisme que les autres institutions françaises ([355]) ». La police a toutefois beaucoup évolué et les phénomènes de racisme qu’elle peut encore connaître relèvent aujourd’hui de dérives individuelles.

a.   Une image de « racisme » associée depuis longtemps à la police

Comme l’a expliqué le sociologue Fabien Jobard devant la mission d’information, rappelant qu’il « est particulièrement délicat d’aborder la question du "racisme policier" ou du racisme dans la police », il existe « un racisme policier qu’il s’agirait de quantifier, de mesurer – la tâche est très difficile –, un racisme qui est particulier dans sa nature et dans ses conséquences et qui s’explique par l’histoire et la sociologie ([356]) . »

 Il tiendrait d’abord à des raisons historiques liées au passé colonial de la France.

Dans les années 1920 et les années 1930, la préfecture de police disposait d’une « brigade nord-africaine » qui avait pour tâche exclusive le contrôle des populations d’Afrique du nord. Après la Deuxième Guerre mondiale, la brigade a changé de nom mais son rôle a été maintenu. La guerre d’Algérie et les activités métropolitaines du Front de libération nationale ont accentué les tensions entre la police et ces populations qui ont par la suite constitué une part significative des nouvelles générations d’immigrés.

De fait, ces pratiques se sont en partie perpétuées après la fin de la guerre d’Algérie. Dans les années 1970, certains quartiers d’habitat social se caractérisent à la fois par une forte présence de populations d’origine nord-africaine et par une présence insuffisante de la police. La police a dû « surinvestir la force », a souligné M. Fabien Jobard ([357]) : « En sous-effectifs, la police s’est rapidement militarisée jusqu’à devenir bien plus brutale qu’ailleurs ». Les émeutes périodiques que l’on connaît alors autour de Lyon s’étendent dans les années 1990 aux autres métropoles avec, en parallèle, un mouvement de militarisation de la police urbaine qui aboutit en 2003 à la création des « compagnies de sécurisation et d’intervention ».

Selon M. Fabien Jobard, cette dimension historique et le poids des pratiques issues de la guerre d’Algérie expliquent « pourquoi le thème du racisme est si souvent associé […] à la police », en France davantage que dans les autres États d’Europe.

En Angleterre, par comparaison, les institutions ne se sont pas adaptées de la même manière. À la fin des années 1970 et jusqu’au début des années 1980, l’Angleterre a connu de nombreuses émeutes, déclenchées en général après des actions violentes de la police éventuellement teintées de racisme. À la suite des émeutes de Brixton (1981), le rapport de Lord Scarman a amené une réforme de la procédure pénale et notamment des contrôles d’identité par le Police and Criminel Evidence Act (1984). Enfin, l’affaire Stephen Lawrence (1993) et le rapport MacPherson (1999) – qui dénonçait un « racisme institutionnel » – ont abouti à une transformation radicale du fonctionnement de la police et à la création de l’Independant Office for Police Conduct (IOPC), un organisme de contrôle réputé pour son indépendance ([358]). Grâce à une prise de conscience précoce, le Royaume‑Uni est donc parvenu à réformer l’organisation de sa police et à mettre fin aux accusations de « racisme » dont elle faisait l’objet.

L’image de la police française, à l’inverse, demeure relativement dégradée sur ces questions. Aujourd’hui, les critiques se concentrent sur la pratique supposée discriminatoire du contrôle d’identité, qui fera l’objet d’un développement à part. Les violences régulièrement attribuées à la police, quant à elles, ne concernent pas seulement les personnes d’origine immigrée, comme l’ont rappelé les personnes auditionnées en prenant l’exemple a contrario des « gilets jaunes », « peu susceptibles d’être victimes de racisme ([359])»  et pourtant malmenés : selon M. Frédéric Régent, ces violences « policières » sont donc « d’abord un problème de violence plus qu’un problème de racisme dans la police ([360]) ».

b.   Il n’existe pas de « racisme policier institutionnel »

Cette image d’une police « raciste » ne correspond pas, aujourd’hui, à une réalité. Les statistiques des services d’inspection montrent qu’il ne s’agit pas d’un phénomène structurel, d’autant que de nombreux efforts ont été faits depuis une vingtaine d’années pour rendre la police, par la composition de ses effectifs, « à l’image de la population ».

i.   Les chiffres appellent à nuancer l’idée d’un « racisme policier »

Les témoignages des policiers et gendarmes entendus par la mission d’information ainsi que les chiffres communiqués par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) conduisent à nuancer l’idée que les comportements racistes seraient répandus au sein de ces institutions.

En 2019, l’IGPN a dénombré 218 signalements via la plateforme interne « signal-discri » qui permet aux policiers de signaler les faits de discrimination – à caractère raciste ou non – et de harcèlement sexuel ou moral. 57 % des signalements concernaient des situations de harcèlement moral ([361]). Les faits de racisme ne constituent donc pas la majorité des signalements internes. L’IGGN, quant à elle, reçoit environ 200 signalements par an via la plateforme analogue « stop-discri » dont, en 2019, 7 cas de racisme avérés et sanctionnés ([362]).

La plateforme de signalement de l’IGPN ouverte aux citoyens a enregistré, au 30 novembre 2020, 5 052 signalements, c’est-à-dire davantage que sur la totalité de l’année 2019 (4 972 signalements). En 2020, au moment de son audition ([363]), le chef de l’IGGN quant à lui ne comptabilisait que 11 dossiers pour des faits de racisme sur les 1 571 signalements effectués par les citoyens.

En ce qui concerne les enquêtes judiciaires, l’IGPN a été saisie au 30 novembre 2020 de 40 dossiers dénonçant des faits à caractère raciste ou discriminatoire, soit une légère hausse par rapport à 2019 (36 dossiers) mais une baisse par rapport à 2018 (48 dossiers). Sur ces 40 dossiers, l’IGPN recense 4 cas de discrimination à raison de l’origine et 28 cas de faits à caractère raciste, en général des allégations d’injures racistes prononcées à l’encontre de personnes interpellées. « De manière générale, les enquêtes diligentées mettent en lumière l’absence de manquement de la part des fonctionnaires mis en cause. Le plus souvent, l’action de la police ou de l’agent est légitimée, ou bien la réalité des faits reprochés par l’usager n’est pas clairement établie ou démontrée, ou encore le caractère mensonger du signalement, qui a pu servir de manœuvre dilatoire, est mis en lumière ([364]). »

Au-delà de ces éléments quantitatifs, M. Christophe Peyrel note que les problématiques de racisme « n’apparaissent quasiment jamais » ([365]) à l’occasion des échanges qui ont lieu entre les agents et les personnes en charge des dispositifs d’accompagnement (assistantes sociales, psychologues opérationnels, médecins de prévention, réseau de lutte contre les risques suicidaires).

Enfin, les conseils de discipline traitent peu de cas de racisme et, le cas échéant, les fautes sont sanctionnées sans complaisance : « Parmi les dossiers disciplinaires, peu concernent des faits de racisme. Nous avons eu des cas de quenelles, qui ont été sanctionnés, des cas de racisme dans des groupes de discussion privée sur Snapchat ou de propos racistes, répétés ou ponctuels, à l’occasion d’une interpellation. Sur de tels faits, le conseil de discipline se prononce souvent à l’unanimité car même les représentants des personnels, qui défendent les agents, ne les acceptent pas – et ce parce qu’ils sont attentifs à l’image de l’institution.([366])»

ii.   Une police « à l’image de la population »

Depuis une vingtaine d’années, les modes de recrutement ont été adaptés pour favoriser la diversité sociale au sein de la police. Par conséquent, les « minorités » sont de plus en plus présentes au sein de la police.

La création des « adjoints de sécurité » (ADS) par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 avait pour objectif de favoriser le recrutement des jeunes issus des quartiers pauvres et des minorités en créant des voies de recrutement scolairement moins exigeantes. L’objectif était, pour reprendre la formule du ministre de l’intérieur de l’époque Jean-Pierre Chevènement, de créer « une police à l’image de la population ».

En 2004, un nouveau statut a été créé en vue de faciliter la promotion des ADS. Le statut des « cadets de la République », défini par le décret n° 2004-1415 du 24 décembre 2004, leur donne la possibilité de préparer pendant un an le concours interne de gardien de la paix.

Dans le même objectif de rendre la police plus représentative de la population, la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) a adopté d’autres mesures d’ouverture :

– classes préparatoires intégrées ;

– partenariats avec l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE) ;

– action de l’Unité de promotion, recrutement et égalité des chances de la police nationale (UPREC) ;

– professionnalisation des concours (2008) pour valoriser davantage les compétences professionnelles (concours internes et 3ème concours) ;

– élaboration d’un guide des recrutements (2013).

Grâce aux effets de ces mesures, les syndicats de police ont pu insister devant la mission d’information sur le fait que la police est désormais « représentative » de la population française, aussi bien du point de vue de la diversité sociale que de la diversité ethnique.

En pratique, il semble toutefois que cette « diversité » soit davantage présente chez les ADS et les cadets de la République que dans les corps de commandement et de direction ([367]). Par ailleurs, après avoir interrogé des policiers issus des minorités en France et en Allemagne, M. Jérémie Gauthier montre ([368]) que la situation de ces policiers est comparativement plus difficile en France.

iii.   Il existe un racisme à l’encontre des policiers de couleur

Au demeurant, il ne faut pas non plus négliger le racisme dont les policiers « minoritaires » peuvent être victimes de la part des personnes avec qui ils interagissent, ce qui peut rendre leur situation d’autant plus pénible. « En 30 ans de carrière », explique le lieutenant-colonel Baudoux, « je n’ai jamais eu à traiter de cas de gendarmes auteurs d’actes racistes. En revanche, j’ai connu des cas de gendarmes victimes de racisme. ([369])» 

En 2019, pour la première année, les statistiques du ministère de la justice constatent une proportion relativement importante (8,3 %) d’outrages à agents parmi les infractions à caractère raciste ayant fait l’objet d’une condamnation – alors que ces infractions étaient négligeables ou inexistantes les années précédentes.

Il semble que ce phénomène se soit accentué : au moment des manifestations en soutien à Adama Traoré, plusieurs policiers issus des minorités ont subi des remarques de la part de personnes issues des mêmes minorités, et qui les considèrent comme des « traîtres ». Ainsi, au cours de la même période, devant le tribunal de grande instance de Paris, un policier était « insulté et traité de traître parce qu’il était noir ([370]) ». Un témoignage similaire a été apporté à la mission d’information par le général Gaspari ([371]).

À la suite de ces événements, soixante policiers de couleur, dont Mme Linda Kebbab – qui a été entendue par la mission d’information – ont publié une tribune pour défendre la place des personnes issues des minorités dans la police :

« Nous condamnons les injures dégradantes selon lesquelles nous serions des “vendus”, des “Nègres de maison”, des “Arabes de service”. Des mots trop souvent entendus dans la bouche de ceux qui emploient également l’affreuse insulte “sale Blanc”. […] Nous ne cachons pas nos origines dans nos services, en revanche nous sommes forcés d’apprendre à nos enfants à cacher la profession de leurs parents ([372])» 

Tout en reconnaissant qu’il peut exister du racisme dans la police comme dans le reste de la société, les syndicats récusent fermement l’idée d’un « racisme institutionnel » qui concernerait tous les policiers ; les « dérapages » relèvent d’abord de comportements individuels qui doivent être sanctionnés avec fermeté.

Comme le souligne Mme Linda Kebbab, « l’institution ne parvient pas à endiguer des comportements et des actes qui, aussi rares et exceptionnels soient-ils, jettent l’opprobre sur l’ensemble de notre corps, et participent à la rupture progressive de la confiance entre la police et la population qu’elle protège ([373])» . Ou encore, comme M. Mario Stasi le résume : « Existe-t-il du racisme dans la police ? Oui. Est-ce que la police est raciste ? Non. Est-ce qu’un manifestant qui traite un policier noir de traître et de « sale black » est coupable d’un propos raciste ? Oui. On peut donc être policier et victime de racisme. Existe-t-il un racisme systémique, un racisme d’État ? Non, nous ne vivons pas dans l’apartheid. Il n’y a aucune loi, ni aucune institution raciste dans notre République, mais il existe bien sûr des déviances individuelles et, dans la police comme ailleurs, des individus racistes ([374]). »

C’est pour réguler ces « déviances individuelles », minoritaires mais très dommageables, qu’il est nécessaire que les dispositifs de contrôle et de sanction soient particulièrement effectifs.

2.   Des mécanismes de prévention, de contrôle et de sanction pour combattre les comportements racistes au sein de la police et de la gendarmerie

Plusieurs mécanismes dédiés permettent de signaler les comportements déviants et de s’assurer que les policiers et gendarmes respectent bien leurs obligations déontologiques. Ces mécanismes reposent à la fois sur le contrôle hiérarchique, sur des réseaux de « référents » et sur des plateformes qui permettent aux policiers et aux administrés de saisir directement les services d’inspection.

a.   Des règles déontologiques contrôlées et sanctionnées par la hiérarchie

Les policiers doivent respecter des obligations claires de déontologie, qui proscrivent tout comportement raciste ou discriminatoire. Le manquement à ces obligations est d’abord sanctionné par la hiérarchie.

i.   Une déontologie rigoureuse qui prohibe tout comportement raciste

Les obligations déontologiques des gendarmes et policiers sont inscrites dans plusieurs textes :

– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui interdit les discriminations au sein de la fonction publique (article 6) et avec les usagers du service public (article 25) ;

– le « code de déontologie » de la police et de la gendarmerie, inscrit au chapitre IV du livre IV du code de la sécurité intérieure ;

– les consignes internes : les circulaires du ministre et instructions du préfet de police ([375]), prises en application de ces textes, et les chartes déontologiques ([376]).

Le code de la déontologie, commun à la police et à la gendarmerie, affirme que les forces de l’ordre doivent traiter les citoyens avec respect. Le tutoiement est prohibé (article R. 434-14) et les contrôles d’identité ne se fondent, sauf signalement spécifique, « sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler ». Ils doivent respecter « la dignité de la personne qui en fait l’objet » (article R. 434-16).

En matière de déontologie, l’IGPN et l’IGGN ont un rôle de conseil, d’analyse, d’évaluation et de proposition pour améliorer les règles et les pratiques.

ii.   Un rôle essentiel de la hiérarchie pour sanctionner les manquements

L’article R. 434-5 du code de déontologie consacre aussi une obligation de « rendre compte » ([377]) au supérieur hiérarchique, ce qui confère à celui-ci un rôle crucial dans le contrôle du respect des prescriptions déontologiques des gendarmes et policiers.

La police nationale est le corps de la fonction publique le plus sanctionné ([378]), ce qui traduit l’existence d’un encadrement plus fort que dans les autres administrations : « Tous les faits connus, attestés, qui font l’objet d’un rapport donnent lieu à une procédure disciplinaire ([379]). »

Le rôle disciplinaire du supérieur hiérarchique est essentiel, comme nous l’ont confirmé l’ensemble des acteurs auditionnés, quelle que soit leur position au sein de la police ou de la gendarmerie : « On peut aussi travailler sur la formation, mais c’est surtout le supérieur hiérarchique – major de police, officier ou commandant – qui doit intervenir le plus tôt possible. ([380]) »  Il importe donc que le supérieur hiérarchique assume ses responsabilités et qu’il réagisse au plus vite en cas d’anomalie : « il est indispensable d’agir et de ne surtout pas laisser les fautes prospérer ([381]). »

À l’inverse, les dysfonctionnements constatés résultent aussi d’une défaillance du contrôle hiérarchique, comme l’explique M. Christophe Peyrel, directeur des ressources humaines de la préfecture de police : « lorsque des débordements ont lieu, on retrouve à chaque fois une carence managériale : les managers étaient en nombre insuffisant ; ils n’étaient pas assez présents auprès des hommes ; ils étaient inadaptés à la fonction ou insuffisamment sensibilisés à ces questions ([382]). »

Au demeurant, le rôle du chef ne s’exprime pas seulement dans la sanction, mais aussi dans la prévention et la formation. La façon dont il compose les équipages de police, par exemple, est un élément essentiel au bon déroulement des patrouilles. Les équipages sont plus performants quand ils sont composés à la fois de policiers expérimentés et de policiers plus jeunes, d’hommes et de femmes, etc., et ce afin de gagner en discernement lors des interventions ([383]).

Le rôle du chef est d’autant plus important dans le ressort de la préfecture de police, c’est-à-dire à Paris et en petite couronne, qu’il s’agit bien souvent d’une première affectation et que les gardiens de la paix ou officiers y sont relativement jeunes. Malheureusement, la préfecture de police connaît aussi un taux de gradés (par rapport au nombre de gardiens de la paix) inférieur à la moyenne nationale : c’est donc là où le besoin d’encadrement serait le plus grand que celui-ci, en termes d’effectifs, fait le plus défaut.

Du fait de son statut militaire, le rôle de la hiérarchie est particulièrement fort dans la gendarmerie. « La hiérarchie constitue la colonne vertébrale de notre institution. Quels que soient les missions et le nombre de gendarmes engagés sur le terrain, un chef est toujours clairement désigné et il a la responsabilité de mener la mission qui lui est confiée avec les gendarmes qu’il a sous ses ordres. Cette responsabilité est individuelle, mais aussi collective et hiérarchique ([384]). » Dans la gendarmerie, la sanction revêt aussi une signification particulière qui augmente sa force dissuasive et son caractère d’exemplarité ([385]).

Selon votre rapporteure, cette notion de responsabilité hiérarchique est essentielle pour s’assurer du respect des obligations qui figurent dans le code de déontologie. La structuration hiérarchique de la gendarmerie intrinsèque à son statut militaire et le respect accordé aussi bien au chef qu’à ses consignes, explique sans doute en partie ([386]) que celle-ci soit moins concernée par les débats relatifs aux relations entre la police et la population, comme en attestait déjà en 1977 le rapport Réponses à la violence du comité d’études présidé par Alain Peyrefitte.

Recommandation n° 12

Mener, dans le cadre du « Beauvau de la sécurité », une analyse des besoins spécifiques d’encadrement par la hiérarchie policière, en réexaminant en particulier les difficultés rencontrées dans les obligations de rapportage et de veille hiérarchique ainsi que celles qui sont liées à l’affectation des jeunes policiers et à la composition des équipages dans les zones les plus sensibles.

b.   Des mécanismes internes de prévention et de signalement

Pour tous les cas où la hiérarchie serait défaillante, par son inaction ou par ses propres fautes, des mécanismes ont été prévus permettant aux policiers de la contourner, en s’adressant à des pairs ou aux services d’inspection. Ces mécanismes sont d’autant plus nécessaires qu’il peut exister, dans des institutions corporatistes comme la police ou la gendarmerie, une forme de « loi du silence » ([387]).

i.   Des réseaux de référents spécialisés dans les questions de racisme

Le phénomène de « loi du silence » est lié à un esprit de corps qui a d’ailleurs ses vertus. « Dans la police plus qu’ailleurs », comme l’explique M. Jérôme Moisant, « il est nécessaire d’avoir une confiance absolue et aveugle dans son coéquipier ([388]). » Cette confiance mutuelle est à la fois un gage d’efficacité sur le terrain et une explication possible aux réticences des policiers à rapporter les faits dont ils pourraient être témoins, que ceux-ci soient répréhensibles ou non ([389]).

Dans ce contexte, les réseaux des « référents égalité diversité » (RED) – pour la gendarmerie – et des « référents racisme-antisémitisme-discriminations » – pour la police –, permettent un dialogue moins formel, de nature à faciliter les échanges et la « remontée » des difficultés.

Au sein de la gendarmerie, le réseau des RED est composé d’un référent national, de 35 coordonnateurs et de 248 référents de proximité. Il est chargé de diffuser l’information et de rappeler les règles déontologiques – à cet effet, il organise environ 500 opérations de sensibilisation tous les ans. Le réseau est composé de gendarmes de tous grades, ce qui permet un échange « entre pairs » en complément de la voie hiérarchique.

Dans la police, le réseau racisme-antisémitisme-discriminations est composé de 600 référents répartis sur l’ensemble du territoire. Son rôle est de conseiller, dans les commissariats, aussi bien les chefs de service que les agents chargés de l’accueil ([390]).

Votre rapporteure est convaincue de l’utilité de ces réseaux pour favoriser le dialogue et prévenir les comportements racistes au sein de la police et de la gendarmerie. Elle souhaiterait que leurs moyens humains puissent être renforcés, les représentants du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie – qui étaient aussi, pour la plupart, référents égalité diversité – ayant indiqué que ceux-ci n’avaient pas suffisamment de temps à consacrer à cette mission.

Recommandation n° 13

Accroître les moyens humains dont disposent concrètement les « référents égalité diversité » – pour la gendarmerie – et les « référents racisme-antisémitisme-discriminations » – pour la police – pour se consacrer à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

ii.   La possibilité de contourner la hiérarchie : signal-discri et stop-discri

À côté de ces réseaux, il existe des voies permettant de contacter directement les services d’inspection, en contournant la voie hiérarchique habituelle, qui peut être elle-même impliquée dans les faits dénoncés : les plateformes « signal-discri » et « stop-discri » mises en place, respectivement, en 2017 pour la police, et en 2014 pour la gendarmerie.

Chaque policier ou gendarme victime ou témoin de propos ou de comportements racistes (ou, plus généralement, de faits discriminatoires) – que ceux-ci résultent de fautes ou d’une application des règles de fonctionnement du service – peut ainsi contacter directement les services de l’inspection générale. Chaque plateforme reçoit un peu plus de 200 signalements tous les ans.

Toutes les situations révélées font l’objet d’un traitement spécifique de la part de l’IGPN ou de l’IGGN, qui peuvent préconiser des actions correctrices ou protectrices : conseil managérial, audit, enquête administrative voire judiciaire, mais également orientation et soutien du déclarant (action sociale, médecine statutaire et de prévention, service de soutien psychologique opérationnel, etc.).

c.   Des services d’inspection dotés de pouvoirs d’enquête importants

L’IGPN et l’IGGN sont les services d’inspection de la police et de la gendarmerie. Outre leur rôle de conseil en matière de déontologie, l’IGPN et l’IGGN conduisent les enquêtes administratives et judiciaires. À l’issue de ces enquêtes, elles émettent des avis recommandant à l’autorité hiérarchique telle ou telle sanction, seul le supérieur hiérarchique ayant un pouvoir de sanction disciplinaire dans la fonction publique française.

L’IGPN et l’IGNN peuvent être saisies à la fois :

– en interne, respectivement par tout policier ou gendarme, via les plateformes signal-discri et stop-discri, ainsi que par le directeur général de la police nationale ou, pour l’IGPN, par son homologue de la gendarmerie nationale, par le directeur général de la sécurité intérieure et par le préfet de police ;

– en externe, par tout citoyen depuis une « plateforme de signalement » ([391]) en ligne ainsi que par le Défenseur des droits.

La plateforme de signalement en ligne de l’IGPN, créée en 2013, est un outil efficace à la disposition des citoyens. Elle leur permet notamment de signaler les comportements racistes dont ils seraient victimes ou témoins. Selon leur nature et leur gravité, les faits sont ensuite traités par l’IGPN ou redirigés vers le service compétent. Trois cas de figure sont possibles :

– l’enquête administrative conduite par l’autorité hiérarchique ;

– l’enquête administrative conduite par l’IGPN elle-même, pour les faits les plus graves ou, en pratique et à la demande des directions d’emploi, pour les faits mettant en cause des officiers ou commissaires de police ; elle peut déboucher sur une sanction disciplinaire, prononcée par l’autorité hiérarchique sur avis consultatif de l’IGPN ;

– l’enquête judiciaire, conduite par l’IGPN sous l’autorité d’un magistrat, à l’initiative du procureur de la République ou du juge d’instruction. Dans ce cadre, l’IGPN peut placer des policiers sous surveillance. Elle peut déboucher sur une condamnation pénale, prononcée par le juge.

Dans le cadre d’une enquête judiciaire, les policiers et les gendarmes peuvent être placés sous surveillance. Les moyens dont elles disposent ([392]) et l’autorité qui leur est reconnue permettent à l’IGPN et l’IGGN d’établir les faits dans les situations les plus complexes. Les services d’inspection mènent leurs enquêtes de manière prudente, ce qui peut occasionner des délais nécessaires à la manifestation de la vérité.

Comme l’a souligné la directrice de l’IGPN ([393]) Mme Brigitte Jullien, s’il arrive que les policiers cachent certains faits pour protéger leurs collègues, il arrive aussi, à l’inverse, que des plaintes de mauvaise foi soient formées à l’occasion d’une interpellation, dans le cadre d’une « stratégie de contre-feu ». Ainsi, la possibilité aussi bien de faits dissimulés par la police que d’accusations infondées de la part de victimes déclarées rend particulièrement délicat le travail d’enquête devant aboutir à démontrer l’existence éventuelle de comportements racistes.

Toutefois, l’impossibilité de sanctionner un policier pénalement ne fait pas obstacle à ce qu’il soit sanctionné par sa hiérarchie, à l’issue d’une enquête administrative. Un même fait peut en effet donner lieu à deux enquêtes :

– le chef de l’IGPN peut décider de saisir le procureur de la République ([394]) avant la fin de l’enquête administrative, pour que celui-ci décide de l’opportunité d’engager des poursuites judiciaires ;

– à l’inverse, quand une enquête judiciaire est en cours, l’IGPN peut s’autosaisir et mener une enquête administrative afin de constater des manquements aux règles déontologiques.

Ainsi, même si le comportement n’est pas sanctionné pénalement, il peut être reconnu comme constitutif d’un manquement déontologique et faire l’objet d’une sanction administrative. Le traitement disciplinaire des fautes des policiers est donc effectif, y compris quand il s’agit de sanctionner la carence de la hiérarchie ([395]).

Enfin, votre rapporteure estime que le renforcement du rôle des inspections en matière d’audit, de conseil, d’analyse des pratiques et des règles professionnelles, de prévention et de maîtrise des risques est nécessaire afin de mieux assurer le respect des règles de déontologie et le traitement pérenne des questions de fond.

Il convient de relever que des évolutions en matière de déontologie sont en cours. Le ministre de l’intérieur a demandé à la directrice de l’IGPN de créer un comité d’évaluation de la déontologie policière au sein de l’IGPN pour renforcer encore ses garanties d’indépendance. Ce comité, qui ne sera composé d’aucun policier ([396]), aura pour fonction de formuler des recommandations. Il est en cours de constitution.

Le général de corps d’armée Alain Pidoux, chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), a souligné : « s’agissant de l’indépendance, préservons une IGGN dynamique, exigeante mais ouverte. Je suis favorable à l’arrivée d’un magistrat à l’IGGN et à l’arrivée d’un chargé de mission du Défenseur des droits à mes côtés. Ils verront comment nous travaillons au quotidien. » Il convient de relever qu’un conseiller de tribunal administratif est détaché auprès de l’IGPN.

Votre rapporteure est favorable à de telles démarches d’ouverture qui sont propres à renforcer les inspections générales de la police et de la gendarmerie et permettraient de répondre aux arguments tenant à un prétendu manque d’indépendance de ces structures.

Recommandation n° 14

Renforcer le rôle de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en matière d’audit, de conseil, d’analyse des pratiques et des règles professionnelles, de prévention et de maîtrise des risques, afin de mieux assurer le respect des règles de déontologie et le traitement pérenne des questions de fond.

 

Recommandation n° 15

Prévoir la présence d’un magistrat et d’un représentant du Défenseur des droits au sein des équipes de l’IGPN et de l’IGGN.

3.   Les contrôles d’identité : au cœur des tensions actuelles entre la police et certaines catégories de populations

Les contrôles d’identité cristallisent les tensions entre la police et la population, notamment au regard de certaines pratiques jugées « racistes » ou « discriminatoires ». Au-delà des débats sur l’existence de « contrôles au faciès », force est de constater que les contrôles d’identité s’insèrent dans un cadre juridique excessivement souple, qui ne suffit pas pour autant à garantir leur efficacité.

a.   Des contrôles propices à la discrimination indirecte

Les « contrôles au faciès » sont des contrôles effectués en fonction de l’apparence de la personne contrôlée. Si les travaux des chercheurs mettent en évidence l’existence de disparités entre les groupes de personnes contrôlées, il ne faudrait pas en déduire que les contrôles d’identité aient systématiquement un caractère « raciste ».

i.   Les études de terrain semblent corroborer la notion de « contrôle au faciès »

La prohibition du « contrôle au faciès » est inscrite clairement à l’article R. 434-16 du code de sécurité intérieur : « Lorsque la loi l’autorise à procéder à un contrôle d’identité, le policier ou le gendarme ne se fonde sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler, sauf s’il dispose d’un signalement précis motivant le contrôle. »

Pourtant, de nombreux travaux parus depuis la fin des années 2000, confirmés par le témoignage des personnes s’étant exprimant devant la mission d’information, attestent qu’il existe des biais dans les contrôles d’identité qui aboutissent à ce que certaines catégories de population soient davantage contrôlées que les autres.

Au cours de ses études de terrain, M. Sebastian Roché a pu constater des « discriminations systémiques », c’est-à-dire des disparités entre les taux de contrôle qui ne sont fondés sur aucun comportement objectif et qui ne sont pas régulées « ni par l’encadrement intermédiaire, la haute hiérarchie et les corps d’inspection et de contrôle ». Il en conclut, devant la mission d’information : « il existe en France une discrimination policière sur une base ethnique », qu’il a pu constater « systématiquement dans tous les endroits ([397])  [il a] réalisé des études, même si ces phénomènes ne concernent pas tous les agents de police ([398]). »

Au cours d’une enquête intitulée « Polis » ([399]), menée en France et en Allemagne avec son collègue Dietrich Oberwittler à partir de témoignages d’adolescents, puis reproduite dans les Bouches-du-Rhône ([400]), M. Sebastian Roché observe en France une telle « discrimination policière » à trois étapes du contrôle :

– le choix de la personne contrôlée : « la probabilité d’être contrôlé est objectivement liée à la couleur de peau des personnes » ;

– le traitement durant le contrôle (tutoiement, brutalisations) ;

– l’issue du contrôle (conduite des personnes au commissariat).

À l’inverse, il n’existe pas en Allemagne « de traces significatives de discriminations policières systémiques ».

Pour la première fois en 2017, à l’issue d’une enquête nationale réalisée entre le 19 février et le 31 mai 2016 et portant sur plus de 5 000 personnes ([401]), le Défenseur des droits reconnaît également l’existence de disparités qui semblent valider l’hypothèse de contrôles « au faciès » – sans toutefois employer l’expression ([402]) : « Alors que pour la majorité des enquêtés, les relations police-population sont satisfaisantes, des groupes spécifiques de personnes rapportent des expériences plus contrastées. Les jeunes de 18-25 ans déclarent ainsi sept fois plus de contrôles que l’ensemble de la population et les hommes perçus comme noirs ou arabes apparaissent cinq fois plus concernés par des contrôles fréquents ».

Un rapport récent appelle les pouvoirs publics à se saisir de la question : « en dépit des preuves apportées par de nombreuses études universitaires ou commandées par les organes de protection des droits de l’homme, il n’existe toujours pas de reconnaissance par le ministre de l’intérieur de ces pratiques discriminatoires ([403])» .

Le juge judiciaire a également pu constater à quelques reprises le caractère discriminatoire de certains contrôles d’identité et condamner l’État sur ce fondement ([404]).

ii.   Les contrôles d’identité révèleraient plutôt des discriminations sociales indirectes liées au sexe, au lieu d’habitation et à la tenue vestimentaire

Toutefois, le constat d’une « discrimination ethnique » lors des contrôles d’identité semble devoir être nuancé. S’il est indéniable que certaines populations issues de minorités ethniques sont davantage contrôlées que les autres, il n’est pas certain que cela révèle une forme de biais raciste de la part des policiers. Ce n’est d’ailleurs pas le sens du rapport du Défenseur des droits : « Nous ne disons pas que les forces de sécurité procèdent à ces contrôles parce qu’elles sont racistes ; nous affirmons simplement que le sentiment qu’ont les personnes concernées, notamment les jeunes, d’être victimes d’un traitement discriminatoire repose sur une réalité factuelle ([405]). »

L’étude de référence conduite en 2012 par MM. Fabien Jobard et René Lévy ([406]) montre que les phénomènes de « contrôle au faciès » s’expliquent en réalité par plusieurs critères qui, sans avoir de lien direct avec la « race », ont pour effet que les personnes issues de l’immigration sont surreprésentées parmi les personnes contrôlées.

Le premier critère est le lieu des contrôles. Les contrôles sont généralement effectués aux « lieux d’intersection » entre la périphérie et le centre, par exemple dans les grandes stations de RER qui représentent le point de passage entre la banlieue et la ville de Paris, lieux où transitent un grand nombre de personnes d’origine immigrée.

Le deuxième critère est l’activité apparente de la personne. Les personnes en situation d’oisiveté sont particulièrement contrôlées, car leur comportement est davantage suspect : « On confie alors à la police la mission de contrôler ces jeunes hommes qui semblent sans activité bien définie dans l’espace public : vendent-ils de la drogue ? Peut-être. Ou peut-être, en tout cas, fréquentent-ils ceux qui vendent de la drogue. La mission de sécurité publique, au cœur des fonctions de la police urbaine, consiste essentiellement à contrôler ce qui se passe sur l’espace public. […] Au fond, les missions que l’on confie à la police ont pour effet de produire un sur-contrôle de ces populations ([407]). » 

Le troisième critère est lié à la tenue de la personne contrôlée. Le fait de porter une capuche, ou d’être « habillé jeune », augmente considérablement les risques de contrôle. À l’inverse, le fait de porter un sac les diminue.

Les quatrième et cinquième critères sont liés à l’âge : les jeunes sont davantage contrôlés, et au sexe : les hommes sont davantage contrôlés que les femmes. Ces critères sont cohérents avec les chiffres de l’étude du Défenseur des droits, réalisée quatre ans plus tard : parmi les personnes interrogées, seules 10 % des femmes ont subi un contrôle d’identité au cours des cinq dernières années, contre 23 % des hommes. Il serait pourtant impropre d’en conclure que les contrôles seraient « sexistes ».

Au regard des différents paramètres, on s’aperçoit que ce ne sont pas les Noirs ou les Arabes en tant que tels qui sont davantage contrôlés, mais les « jeunes Noirs » ou les « jeunes Arabes », de sexe masculin. « Si on combine ces deux critères, 80 % des personnes correspondant au profil “jeune homme perçu comme noir ou arabe” déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années […] toutes choses égales par ailleurs, ces profils ont ainsi une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés ([408]). »

Les disparités ne sont donc pas fonction d’un critère isolé, mais d’une pluralité de variables cumulées et corrélées. Les jeunes hommes vivant dans des quartiers défavorisés et errant dans l’espace public sans activité définie ont beaucoup plus de chances d’être contrôlés que les autres types de population ; or ces personnes sont bien souvent, pour des raisons tenant à d’autres types de discriminations, d’origine immigrée. « Sans doute beaucoup de policiers n’ont-ils pas conscience de pratiquer une discrimination lorsqu’ils se livrent à de tels comportements ; ce sont souvent les discriminations indirectes qui empoisonnent les choses ([409]). » 

L’étude précitée de Fabien Jobard et alii conclut ainsi : « il est très difficile d’arbitrer quant à l’importance respective de la couleur de peau et de la tenue vestimentaire. S’il semble qu’un jeune homme blanc habillé de manière typiquement jeune risque davantage de se faire contrôler qu’un jeune homme noir ou maghrébin habillé décontracté, ce risque est en réalité identique sur un certain nombre de lieux et plus élevé, toutes choses égales par ailleurs, sur l’un des sites, lorsque l’on est Maghrébin. »

Les variables interagissent donc de manière complexe et parfois contradictoire, de sorte qu’il est difficile d’établir que les contrôles soient effectués en fonction de préjugés racistes, même si les études révèlent que les personnes d’origine immigrée subissent, dans ce domaine comme dans d’autres, des discriminations indirectes tenant par exemple à des facteurs géographiques, culturels ou sociaux.

Il convient de relever que la police ne serait pas forcément opposée à la réalisation de statistiques ethniques, convaincue que de telles statistiques ne révéleraient pas de chiffres anormaux eu égard aux endroits où les contrôles sont effectués ([410]).

b.   Un cadre juridique excessivement souple et pourtant inefficace, qui devrait être réformé

Même si les contrôles « au faciès » sont probablement une pratique minoritaire, il apparaît que le cadre juridique s’appliquant aux contrôles d’identité n’est pas suffisamment robuste, laissant aux forces de police et de gendarmerie une grande marge d’appréciation pour effectuer des contrôles qui pourront sembler arbitraires ou, en tout cas, inefficaces (voir infra). Dès lors, une réflexion sur une réforme du code de procédure pénale pour rendre ces contrôles plus légitimes et plus efficaces paraîtrait nécessaire à votre rapporteure.

i.   La pratique du contrôle d’identité n’est pas suffisamment encadrée

Depuis la loi n° 86-1004 du 3 septembre 1986 relative aux contrôles et vérifications d’identité, la base légale du contrôle d’identité est fixée par l’article 78-2 du code de procédure pénale.

Celui-ci prévoit trois types de contrôles d’identité :

– le contrôle d’identité de police judiciaire, c’est-à-dire en lien avec une infraction ; il doit être justifié par le comportement de la personne contrôlée ;

– le contrôle d’identité effectué sur réquisitions du procureur : il n’a pas besoin d’être justifié par le comportement de la personne, mais il est contraint par des conditions de lieu et de temps ;

– le contrôle d’identité de police administrative, c’est-à-dire en vue de prévenir une atteinte à l’ordre public : il peut être effectué sans aucune condition particulière ([411]).

RÉgime juridique des contrÔles d’identitÉ

 

Police judiciaire

Sur réquisitions du procureur

Police administrative

Base juridique (art. 78-2 CPP)

alinéas 1 à 5

alinéa 6

alinéa 7

Possibilité de contrôle indépendant du comportement

non

oui

oui

Possibilité de contrôler d’initiative

oui

non

oui

Conditions de temps et de lieu

non

oui

non

On peut d’abord s’étonner du fait que l’article 78-2 du code de procédure pénale, après avoir énuméré une liste de motifs autorisant un contrôle d’identité dans le cadre de la police judiciaire, crée un régime permettant de contrôler une personne « quel que soit son comportement » dans le cadre de la police administrative – et ce d’autant plus que les motifs recevables dans le cadre du premier régime sont suffisamment larges pour ne pas contraindre excessivement l’action de la police.

Il suffit en effet, pour se placer dans le cadre de la police judiciaire, que le policier ait « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que la personne contrôlée :

– a commis ou tenté de commettre une infraction, y compris s’il ne s’agit que d’une infraction contraventionnelle ;

 se prépare à commettre un crime ou un délit ;

– est susceptible de fournir des renseignements relatifs à un crime ou à un délit, même si elle n’est pas suspecte dans le cadre de l’enquête ;

– fait l’objet de recherches ordonnées par l’autorité judiciaire.

Il suffit donc de soupçonner qu’une personne détienne de la drogue – la détention de stupéfiant étant un délit – ou connaisse un trafiquant de drogue pour que son identité puisse être contrôlée sur le fondement des premiers alinéas de l’article 78-2 du code de procédure pénale. A contrario, cela signifierait que les contrôles d’identité de police administrative sont effectués sur des personnes dont il n’y a aucune raison de penser qu’elles aient pu commettre une infraction d’une façon ou d’une autre – ce qui pose la question de leur utilité ([412]).

On peut s’étonner, en deuxième lieu, que le contrôle « quel que soit le comportement » de la personne soit strictement encadré quand il est effectué sur réquisitions du procureur, c’est-à-dire sous l’autorité d’un magistrat, alors qu’il n’est soumis à aucune contrainte quand il est effectué à l’initiative du policier. Les contrôles possibles sur le fondement de l’alinéa 6 sont limités dans le temps, mais ils peuvent être poursuivis sans limite de temps sur le fondement de l’alinéa 7.

ii.   La finalité et l’efficacité du contrôle d’identité sont incertaines

L’articulation entre les différents régimes de contrôle d’identité n’est donc pas claire. À quoi bon prévoir un régime de police judiciaire fondé sur plusieurs motifs limitativement énumérés, s’il est de toute façon possible de contrôler une personne « quel que soit son comportement », y compris sans réquisitions ? À l’inverse, quelle est la finalité d’un contrôle d’identité dans le cadre de la police administrative s’il n’est pas orienté par le comportement du suspect et qu’il n’est pas lié à la recherche d’un suspect ou à la découverte d’une infraction ?

Cette confusion explique que les deux régimes de contrôle de police d’initiative paraissent en pratique indistincts : « cet article 78-2 donne une latitude considérable d’appréciation : la distinction administrative et judiciaire est intéressante quand on étudie le droit, mais je peux vous assurer que les policiers n’en tiennent pas compte » ([413]). Aussi, les policiers et gendarmes entendus par la mission ne distinguaient pas, d’une manière générale, entre contrôles de police judiciaire et contrôles de police administrative, mais entre contrôles d’initiative et contrôles sur réquisitions du procureur, comme le résume l’adjudant-chef Régis Poulet : « S’agissant du contrôle d’identité, soit nous agissons sur réquisitions du procureur – et il n’y a alors aucun problème puisque nous faisons un contrôle systématique sur un temps déterminé et un lieu déterminé – soit nous contrôlons des personnes sur la voie publique et il ne s’agit pas de contrôles aléatoires ([414]). »

M. Thierry Clair précise : l’action de la police « répond à des réquisitions ou se fait d’initiative. Elle répond à des réquisitions lorsque des personnes nous appellent parce qu’il y a des rodéos, parce que des jeunes restent dans les allées, parce qu’à minuit il y a encore du bruit dans le square en face de l’immeuble […] Ensuite, il y a le travail d’initiative : il s’agit alors de fonctionnaires en civil ou en tenue qui font de la dissuasion, de la présence sur le terrain ou qui sont à la recherche du flagrant délit […] le tout dans le cadre légal de l’article 78-2 du code de procédure pénale, bien évidemment. ([415]) »

Ainsi, la mission de « dissuasion » – contrôle préventif relevant de la police administrative – n’est pas séparée de la « recherche du flagrant délit », qui relève de la police judiciaire. Formellement, rien ne distingue un contrôle de police administrative d’un contrôle de police judiciaire effectué d’initiative ; la seule distinction réside dans le motif du contrôle, que le policier n’est pas obligé d’expliquer à la personne contrôlée. Le motif ne sera précisé que si le contrôle aboutit à une procédure judiciaire – il donne alors lieu à une trace écrite –, c’est-à-dire de manière rétrospective. « Le caractère flou de l’article 78-2 du code de procédure pénale mérite très largement réflexion, car il offre une marge d’appréciation très grande aux policiers ([416])»  qui peut donner l’impression de contrôles arbitraires.

Or c’est à l’occasion de ces contrôles, qui ne sont justifiés par aucun comportement et n’ont pas pour but la recherche de l’auteur d’une infraction, que les risques de contrôles « au faciès » sont les plus grands : « ces contrôles discrétionnaires sont le cœur de la discrimination policière sur une base ethnique », selon M. Sebastian Roché ([417]). Lorsqu’il « n’est encadré par aucun objectif précis et ne suppose aucun comportement suspect », ajoute Mme Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, le contrôle d’identité, dans le cadre de la police administrative ou judiciaire, est « un vecteur du racisme » ([418]).

Vu que les contrôles de police administrative sont effectués, par définition, en dehors de toute commission d’infraction, leur utilité mérite d’être interrogée. Mme Massoud souligne que ces contrôles peuvent sembler inutiles, parce qu’ils donnent rarement lieu à la découverte d’une infraction ([419]). D’après les chiffres et les études dont il dispose, M. Sebastian Roché estime que « 95 à 97 % » des contrôles d’identité ne permettent pas « d’envisager le début d’une procédure judiciaire quelconque (sans même parler d’une éventuelle transmission au procureur) ».

L’IGPN elle-même remet en cause l’efficacité de ces contrôles : « Il s’agit de l’opération la plus pratiquée en France avec plusieurs millions de contrôles par an. Au-delà de la question quantitative, il convient de considérer la finalité et l’utilité. Aujourd’hui, la loi ne répond que partiellement aux besoins des policiers ; les articles 78-2 et suivants du code de procédure pénale ont été détournés de leur finalité ([420]). » En effet, soit les contrôles d’identité sont réalisés indépendamment du comportement de la personne, et ils ne débouchent qu’incidemment sur la découverte d’une infraction, soit ils sont réalisés en raison d’un comportement suspect, et les moyens donnés aux policiers ne sont pas suffisants pour confirmer leurs soupçons, car ils n’ont pas le droit de procéder à une palpation sauf pour garantir leur propre sécurité ([421]). Mme Brigitte Jullien s’interroge : « Comment révéler un usage de stupéfiants ou un vol à l’arraché avec un simple contrôle d’identité ? »

iii.   Une réflexion nécessaire pour rendre le contrôle d’identité à la fois moins discrétionnaire et plus efficace

Votre rapporteure soutient donc qu’il serait opportun de mener une réflexion ambitieuse sur le cadre et la pratique du contrôle d’identité, afin de restreindre les possibilités de contrôles discrétionnaires tout en renforçant les moyens des policiers quand le contrôle est justifié par un comportement suspect.

Une suppression de la référence au contrôle d’identité de police administrative dans l’article 78-2 du code de procédure pénale permettrait de s’assurer que tous les contrôles d’initiative sont reliés à la recherche d’un suspect ou à la découverte d’une infraction, tout en maintenant la possibilité de contrôler certaines personnes indépendamment de leur comportement dans le cadre des contrôles effectués sur réquisitions du procureur.

Une telle réforme, qui devrait faire l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des forces de police et de gendarmerie, serait de nature à rendre les contrôles d’identité moins arbitraires et à augmenter leur efficacité judiciaire, en complément de la réflexion en cours sur une généralisation de la caméra piéton ([422]) , qui vise à prévenir les tensions que ces contrôles peuvent occasionner.

Recommandation n° 16

Mener une large concertation en vue d’une réforme du cadre légal applicable aux contrôles d’identité afin d’améliorer leur efficacité et de réduire les risques de contrôles discrétionnaires.

Au niveau règlementaire, il conviendrait également de renforcer l’obligation pour les équipages procédant aux contrôles de « rendre compte » à la hiérarchie, par exemple en imposant la saisie systématique des informations relatives aux contrôles dans l’application utilisée pour noter les actes de police effectués. Votre rapporteure rappelle, par ailleurs, l’obligation faite aux policiers de porter de manière visible leur numéro référentiel des identités et de l’organisation (RIO) ([423]) dans l’exercice de leurs missions, et ce afin de permettre aux citoyens de signaler par exemple un contrôle perçu comme discriminatoire.

B.   LE CADRE JURIDIQUE DES INFRACTIONS À CARACTÈRE RACISTE DOIT ÊTRE ACTUALISÉ SUR LA « HAINE EN LIGNE »

La sanction pénale est essentielle à la répression des actes racistes, mais elle ne saurait pour autant constituer la seule réponse et doit être complétée par différentes mesures de prévention et de sensibilisation ([424]) en matière de lutte contre la diffusion des idéologies racistes. La sanction pénale des discours et comportements racistes se heurte en effet à plusieurs obstacles, liés aux garanties entourant le droit à la liberté d’expression, à la difficulté de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l’infraction – élément matériel et élément intentionnel – ou de qualifier juridiquement certains faits qui, malgré leur connotation raciste, ne sont pas toujours incriminés par la loi pénale. La loi française a donc été jugée suffisamment équilibrée par les personnes auditionnées. « Le cadre légal qui s’applique aux infractions à caractère raciste est considéré par la CNCDH comme globalement satisfaisant », souligne la commission dans son rapport précité portant sur l’année 2019 ([425]). Les résultats de la consultation adressée par la mission d’information à nos partenaires du Conseil de l’Europe dans le cadre du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) ([426]), attestent également que la France dispose d’un arsenal juridique complet. Toutefois, du fait des caractéristiques propres à ce média, la possibilité de s’exprimer sur internet de manière large, caché derrière un pseudonyme, constitue un défi supplémentaire pour la répression des propos racistes.

1.   Un cadre légal pour partie plus que centenaire : infractions de presse, infractions de droit commun et circonstances aggravantes

La liberté d’expression est un principe fondamental de nos démocraties modernes, garanti à la fois :

– par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ;

– par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière » ;

– par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif à la liberté d’expression et d’information ([427]).  

La nécessité de respecter ces normes, de valeur supra-législative, explique que le juge soit particulièrement exigeant s’agissant de sanctionner l’abus d’un droit aussi fondamental. Aussi, et malgré l’importance du cadre législatif issu de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, la répression des propos racistes ou discriminatoires relève aussi d’un droit largement prétorien. L’interprétation de la loi se fait en particulier à l’aune de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et en fonction d’une appréciation in concreto du contexte élocutoire, qui permet de dégager le sens des propos et de les qualifier juridiquement.

Contrairement à ce que peut laisser penser une idée répandue, le racisme comme idéologie n’est pas un délit. Le racisme n’est pénalement sanctionné que dans la mesure où il donne lieu à certaines infractions strictement définies par la loi dans des conditions appréciées in concreto par le juge.

En l’état actuel de la législation, ces infractions peuvent être classées en deux groupes :

– les infractions « de presse », c’est-à-dire les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui ne s’applique pas seulement aux journalistes mais à l’ensemble des personnes qui s’expriment publiquement ; au regard de cette loi, les propos racistes ne sont des infractions que s’ils sont injurieux, diffamatoires ou s’ils exhortent à la haine et à la violence ;

 les infractions de droit commun : les violences commises à raison de la race, certains comportements discriminatoires et, de manière générale, toutes les infractions punies par le code pénal d’une peine d’emprisonnement et qui sont commises avec une circonstance aggravante « de racisme ».

a.   Infractions de presse : la loi du 29 juillet 1881

Les infractions de presse recouvrent l’ensemble des « infractions du discours », par dérogation au principe de la liberté d’expression que la loi du 29 juillet 1881 vise également à protéger. Il existe trois types d’infractions de presse susceptibles de revêtir un caractère raciste : les injures, la diffamation et les appels à la haine.

i.   Trois incriminations : la provocation à la haine, la diffamation et l’injure à caractère raciste

Depuis les modifications qu’elle a subies avec la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, dite « loi Pleven », la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 incrimine trois catégories de propos racistes : la provocation à la haine raciale, l’injure raciste et la diffamation raciste. « En dehors de ces trois infractions », explique M. Nicolas Bonnal, « il peut subsister une marge d’expression raciste qui n’est pas pénalisable ([428]) ».

Ces trois infractions connaissent des éléments constitutifs communs : la publicité, la définition du critère racial et la peine encourue. Elles connaissent également des éléments spécifiques qui les distinguent les unes des autres.

Ainsi, la provocation à la haine est définie à l’article 24, alinéa 7 de la loi sur la liberté de la presse, comme le fait d’avoir « provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes ». La provocation est entendue largement, puisqu’elle n’a pas besoin d’être suivie d’effets – sinon, l’auteur des propos n’est pas poursuivi comme auteur d’une provocation à la violence mais comme complice de violences –, ni d’être explicite.

La diffamation et l’injure sont définies à l’article 29 de la même loi :

– la diffamation est une « allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » ;

 l’injure désigne « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».

L’appel à la haine, l’injure et la diffamation ont un caractère raciste quand elles sont commises « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », formule qui apparaît de manière identique aux articles 24, 31 et 32 de la loi sur la liberté de la presse, où sont incriminés respectivement l’appel à la haine raciale, la diffamation et l’injure à caractère raciste.

De ces définitions, il s’ensuit que les discours racistes – à l’exception des discours négationnistes, qui font l’objet d’un régime particulier détaillé infrane sont délictueux que quand ils visent directement des personnes à raison de leur appartenance à un groupe, mais pas quand ils visent une idée, un événement ou une religion. Par exemple, il est permis de tenir des propos injurieux à propos d’une religion, y compris si cela peut heurter la sensibilité de ses adeptes, tant que les propos en question ne visent pas directement les adeptes eux-mêmes.

Par ailleurs, le caractère universel de la définition des propos racistes comme propos tenus « à raison de l’origine, de l’appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » implique qu’aucune distinction ne soit faite entre les différents groupes ethniques selon des considérations sociales ou historiques. Toutes les formes de racisme sont donc traitées par la loi de la même manière : la justice a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le caractère raciste de propos prononcés à l’encontre de personnes en tant qu’elles sont blanches ou françaises ([429]).

Enfin, les infractions racistes définies par la loi du 29 juillet 1881 ne sont constitutives de délits que si elles sont commises publiquement, c’est-à-dire par l’un des moyens énumérés à son article 23 ou, de manière générale, quand le propos ou le document constituant l’élément matériel de l’infraction a été mis à disposition d’un groupe indéterminé de personnes non liées par une communauté d’intérêts. Inversement, quand un message n’est accessible sur les réseaux sociaux qu’à un nombre limité de personnes agréées par le titulaire du compte ([430]), il n’est pas punissable dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881. Les propos racistes tenus en privé peuvent toutefois constituer des infractions contraventionnelles, dans des conditions déterminées par des dispositions règlementaires du code pénal ([431]).

Depuis la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, les trois infractions à caractère raciste ou discriminatoire définies par la loi sur la liberté de la presse sont punies par les mêmes peines, à savoir un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Pour ce qui est de la peine complémentaire en revanche, la provocation à la haine est la seule des trois infractions à pouvoir entraîner une privation de certains droits civiques ([432]), et ce pour une durée maximale de cinq ans.

Il convient de noter que ces peines sont significativement supérieures à celles qui sont prévues pour l’injure et la diffamation sans caractère raciste ou discriminatoire, soit une simple amende de 12 000 euros.

ii.   Un régime particulier : le délit de négationnisme

Les discours de haine relatifs aux crimes contre l’humanité font l’objet d’un régime particulier depuis la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 dite « loi Gayssot », défini par le nouvel article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881.

L’article 24 bis de la loi sur la liberté de la presse punit les discours contestant l’existence d’un crime contre l’humanité ou minorant son importance de manière outrancière. Ce délit est soumis aux mêmes conditions de publicité que les infractions à caractère raciste ou discriminatoire des articles 24, 32 et 33 de la loi sur la liberté de la presse, mais il est constitué même en l’absence d’injure ou d’appel à la haine.

Initialement limité aux crimes contre l’humanité définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945, c’est-à-dire en pratique à la Shoah – dont la négation, dans l’esprit du législateur, était une forme à la fois détournée et radicale d’antisémitisme –, le périmètre de l’article 24 bis a été étendu par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté à d’autres crimes ([433]) à condition qu’ils aient donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale.

iii.   Des règles de procédure qui se sont rapprochées des règles de droit commun pour les infractions de presse à caractère raciste

Lors de leur création en 1972, les infractions de presse à caractère raciste ou discriminatoire étaient régies par le même régime procédural que les autres infractions de presse. La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, qui a d’abord été conçue pour protéger la liberté d’expression, a en effet prévu un régime procédural contraignant pour encadrer la poursuite des infractions du discours et donner des garanties aux droits de la défense.

Ce régime impliquait, notamment, des conditions de prescription très contraignantes – délai très court de trois mois et actes interruptifs limités – et une impossibilité de requalifier les faits poursuivis en cours de procédure (par exemple, il n’était pas possible de requalifier en « injure » un fait initialement qualifié de provocation à la haine), ce qui pouvait paralyser la poursuite de propos racistes incriminés par la loi.

Pour faciliter la répression des infractions à caractère raciste ou discriminatoire, ces règles de procédure ont toutefois évolué dans le sens d’un rapprochement avec les règles de droit commun. Ces évolutions ont eu lieu en deux temps. D’abord, le délai de prescription a été allongé de trois mois à un an pour les trois infractions de presse à caractère raciste et pour le délit de négationnisme, par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Puis la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a encore rapproché les règles de poursuite et de prescription de ces trois infractions ([434]) de celles qui valent pour les infractions de droit commun :

– le délai de prescription peut être interrompu selon le régime de droit commun fixé par l’article 9-2 du code de procédure pénale ;

– il est désormais possible de requalifier les faits entre les délits de provocation à la haine raciale, de diffamation raciste et d’injure raciste ;

– l’auteur d’une infraction de presse raciste ne peut plus être relaxé s’il a été provoqué par la victime avant la commission de l’infraction.

Outre l’impossibilité de la comparution immédiate, prévue non par la loi sur la liberté de la presse mais par le code de procédure pénale ([435]), ou le très strict encadrement, à l’article 52 de la loi sur la liberté de la presse, du recours à la détention provisoire, il ne reste donc que quelques spécificités procédurales applicables aux infractions de presse à caractère raciste ou discriminatoire : l’obligation de viser intégralement les propos ou textes considérés comme provocateurs, diffamatoires ou injurieux à raison de la race et de qualifier précisément les faits dans l’acte introductif d’instance (réquisitoire introductif, plainte avec constitution de partie civile ou citation directe).

Au demeurant, la portée de ces exigences, qui résultent des articles 50 et 53 de la loi sur la liberté de la presse, ne doit pas être exagérée. La précision de l’acte de poursuite doit permettre à la personne poursuivie pour des délits de presse d’organiser sa défense dans de bonnes conditions. Cette exigence se rapproche d’une règle qui existe en droit commun (une citation peut être nulle si le prévenu n’est pas en mesure de comprendre ce qu’on lui reproche).

Votre rapporteure est donc d’avis que les dernières spécificités procédurales s’appliquant aux infractions de presse à caractère raciste ne sont pas disproportionnées, suivant en cela la conclusion de M. Nicolas Bonnal : « Mon expérience à la chambre criminelle me conduit à penser que les parquets savent poursuivre les propos racistes, de même que les associations antiracistes, qui disposent à cette fin d’une marge de manœuvre importante. Les exigences procédurales ne sont donc peut-être pas aussi insurmontables qu’on ne le dit ([436]). » 

Aussi bien, les demandes de certaines associations ([437]) tendant à faire « sortir » les discours à caractère raciste ou discriminatoire du régime prévu par la loi sur la liberté de la presse ne semblent plus justifiées vu les évolutions législatives intervenues depuis 2004 ou des projets de réforme en cours.

b.   Infractions de droit commun et circonstance aggravante de racisme

Contrairement aux infractions de presse, les infractions de droit commun sont prévues par le code pénal. Depuis la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, toutes les infractions punies d’une peine d’emprisonnement sont susceptibles de voir leur peine aggravée par une circonstance aggravante générale « de racisme », définie à l’article 132-76 du code pénal, à l’exception des quelques infractions qui intègrent déjà le motif raciste dans leurs éléments constitutifs.

i.   Violences contraventionnelles et discriminations commises à raison de la race

Alors qu’elles ne sont constitutives en principe que d’une contravention, les violences ayant entraîné moins de huit jours d’incapacité de travail sont un délit puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende dès lors qu’elles sont commises « à raison de l’appartenance ou de la nonappartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ([438]). »

Une autre infraction raciste de droit commun est la discrimination raciale, définie à l’article 225-1 du code pénal comme une « distinction opérée entre les personnes physiques » sur le fondement de leur origine ou de leur appartenance supposée à une race, etc. Elle est incriminée dans les cas limitativement énumérés à son article 225-2 (voir infra).

ii.   La généralisation de la circonstance aggravante de racisme

De manière générale, l’article 132-76 du code pénal définit une circonstance aggravante de « racisme », constituée à chaque fois qu’un délit ou un crime est « précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une de ces raisons ». Cette circonstance aggravante double le plafond des peines d’emprisonnement de l’infraction qu’elle aggrave.

Avant la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, la circonstance aggravante « de racisme » n’était pas générale : elle était prévue spécifiquement, pour chaque infraction, dans le texte qui en définissait les éléments constitutifs. La loi du 27 janvier 2017 a supprimé les circonstances aggravantes particulières et renversé la logique : désormais, tout crime et tout délit sont susceptibles a priori d’être aggravés, à l’exception des délits de presse, des violences définies à l’article 222-13 du code pénal et de certaines discriminations commises à raison de la race, dont la définition intègre déjà l’élément de motivation raciste.

La circonstance aggravante de racisme a donc l’intérêt de porter, depuis la loi du 27 janvier 2017, sur un champ d’incriminations large, même si les infractions exclues de son périmètre – les injures, la diffamation, les appels à la haine, les violences définies à l’article 222-13 du code pénal et les comportements discriminatoires – représentent statistiquement l’essentiel des infractions racistes.

Sur le fond, la réforme de 2017 a facilité la reconnaissance de la circonstance aggravante de racisme, en précisant qu’il n’est pas besoin de rechercher si l’infraction a été commise « à raison de la race » dès lors qu’elle est entourée d’éléments ou de comportements à caractère raciste. En pratique, le juge dispose d’une marge d’appréciation importante pour déterminer si ces éléments revêtent eux-mêmes un caractère raciste, et s’ils entretiennent avec l’infraction une relation de causalité suffisamment forte pour considérer qu’ils la « précèdent », la « suivent » ou « l’accompagnent ».

Le principe de personnalité des peines ([439]) s’opposerait, par ailleurs, à ce qu’une circonstance aggravante de racisme soit retenue sans lien avec le comportement de l’auteur de l’infraction aggravée et sans permettre de caractériser son élément intentionnel : « Pour les circonstances aggravantes, il faut établir la réalité de l’intention. Cela s’apparente à la recherche du mobile » ([440]).

Les pratiques du juge sont donc fondées sur des principes anciens qui ont acquis une valeur constitutionnelle : « Le droit pénal ne peut pas s’exonérer de [la] responsabilité de démontrer. Ce sont des règles que nous avons mis des millénaires à élaborer et sur lesquelles on ne peut pas transiger », même si elles occasionnent parfois de la frustration, rappelait le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti au cours de son audition ([441]).

Votre rapporteure souligne la précision de la circulaire du 20 avril 2017 de présentation des dispositions de droit pénal ou de procédure pénale de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté sur la question des circonstances aggravantes de racisme :

« Comme dans la rédaction antérieure de ces articles qui résultait de la loi du 3 février 2003, le législateur a retenu une définition objective de ces circonstances aggravantes.

Ainsi que le rappelait la circulaire JUS-D-03-30082 C du 3 juin 2003, cette définition objective a pour but d'éviter des débats complexes devant les juridictions, notamment les cours d'assises, qui auraient résulté d'une définition uniquement subjective de la circonstance aggravante, liée aux motivations ou aux mobiles de l'auteur des faits, par nature très difficiles à établir.

Comme par le passé, la circonstance aggravante sera constituée lorsque l’infraction sera précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison des critères de discriminations mentionnés par ces articles, comme notamment des propos ou inscriptions injurieux ou diffamatoires à caractère raciste, sexiste ou homophobe. Dans un tel cas, l’aggravation résulte des circonstances objectives, que la personne ait ou non agi pour des motifs discriminatoires. » Une note de bas de page précise explicitement : « Dès lors, même si l’auteur des faits a pu tenir des propos racistes, sexistes ou homophobes sans pour autant adhérer aux idées ainsi exprimées, ou tout en affirmant ensuite ne pas adhérer à ces idées, la circonstance aggravante n’en est pas moins juridiquement établie ; du reste, du point de vue de la victime, le caractère discriminatoire de l’infraction qu’elle a subie est perçu exactement de la même manière que si l’auteur des faits adhérait aux idées exprimées, ce qui justifie l’aggravation. »

En outre, souligne la circulaire l’aggravation « s’appliquera également lorsque ces propos, écrits, images, objets ou actes « établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une [des] raisons » discriminatoires, ce qui lève une ambiguïté de la rédaction précédente en mettant en évidence que l’aggravation est possible même si ces éléments de fait ne portent pas atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime, dès lors que ces éléments démontrent l’intention discriminatoire de leur auteur. » Par exemple, est-il précisé, « l’aggravation s’applique si l’auteur d’un vol, bien que n’ayant tenu aucun propos injurieux ou diffamatoire à caractère raciste, antisémite, ou homophobe, a indiqué à des tiers avant de commettre ces faits qu’il avait choisi ses victimes en raison de leur race, leur religion, leur origine ou leur orientation sexuelle parce que, selon lui, ces critères impliquaient nécessairement qu’elles étaient riches. »

Recommandation n° 17

Rappeler auprès des magistrats les règles détaillées par la circulaire du 20 avril 2017 de présentation des dispositions de droit pénal ou de procédure pénale de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, s’agissant des circonstances aggravantes.

 

Par ailleurs, la circulaire du 4 avril 2019 ([442]) demande aux magistrats, d’analyser « avec soin les éléments permettant de caractériser le mobile raciste, antisémite ou homophobe des infractions afin de relever le cas échéant la circonstance aggravante des articles 132-76 et 132-77 du code pénal. » Cette précision vise à s’assurer que, dans les cas dans lesquels la recherche des éléments probatoires démontrant l’existence de la circonstance aggravante est complexe (par exemple lorsque les faits reposent sur la seule parole de la victime alors que l’auteur la conteste), un mobile raciste soit recherché qui aiderait à étayer la démonstration de la circonstance aggravante. La circulaire du 4 avril 2019 n’a donc pas vocation à remettre en cause les précisions détaillées par la circulaire du 27 janvier 2017.

2.   Un cadre législatif équilibré et fortement contraint par la nécessité de respecter certains droits et principes de valeur constitutionnelle

La possibilité de condamner de manière plus large et plus automatique les auteurs de propos et d’actes racistes est limitée à la fois :

– par le principe de présomption d’innocence, qui implique que soit apportée la preuve d’un « motif » raciste pour les infractions de droit commun et que la charge de la preuve revienne au ministère public ;

– par le droit à la liberté d’expression, pour les infractions de presse.

Au regard de ces exigences, la loi française apparaît particulièrement bien faite et toute tentative de la modifier devrait être envisagée avec la plus grande prudence, comme l’ont souligné les personnes auditionnées.

a.   La justice se heurte à la difficulté de démontrer le caractère raciste d’une infraction

Toute infraction requiert, pour être constituée, la preuve d’un élément matériel et d’un élément moral relatif à l’intention de l’auteur. « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (article 121-3 du code pénal).

Sur le fondement de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui consacre le principe de la présomption d’innocence, ce principe a acquis une valeur constitutionnelle : « s’agissant des crimes et délits, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d’actes pénalement sanctionnés » ([443]). Autrement dit, comme le précisera une autre décision du Conseil constitutionnel, « la définition des crimes et délits doit comporter un élément intentionnel ([444]) » : il faut apporter la démonstration non seulement d’un fait, mais aussi d’une disposition d’esprit.

La difficulté de prouver le motif raciste d’une infraction est sans doute l’obstacle le plus important à la répression des actes à caractère raciste, comme l’a confirmé le ministre de la justice, M. Éric Dupond-Moretti, devant la mission d’information : « on se heurte à l’exigence  au demeurant nécessaire – de la preuve du caractère raciste d’un agissement. Rien n’est plus compliqué que de mettre en lumière un mobile » ([445]). Par exemple, des propos ambigus ou allusifs, ou prononcés sur un mode humoristique, ne seront pas forcément qualifiés de propos prononcés « à raison de la race ». Enfin, les causes générales d’irresponsabilité pénale ([446]) empêchent parfois que soient réprimés des propos racistes tenus sous l’emprise de l’alcool ou de la colère.

Les mêmes difficultés existent pour établir l’existence d’une discrimination ou d’une circonstance aggravante « de racisme ». Que ce soit pour les délits ou pour les circonstances aggravantes, « il est difficile d’apporter la preuve de la circonstance aggravante de racisme puisque la loi pénale a une interprétation stricte.([447]) » 

Dans sa réponse écrite adressée à la mission, le ministère de la justice confirme qu’il est « complexe d’établir l’existence d’un motif raciste non objectivé, alors que les juridictions sont fréquemment saisies de faits isolés, reposant parfois sur la seule parole de la victime ». Juridiquement il est aussi délicat de démontrer un « fait négatif », c’est-à-dire de supposer que l’infraction a été commise pour un motif raciste dès lors qu’il n’existe aucune autre raison de l’expliquer.

Le motif de l’infraction est établi par le juge à partir d’un faisceau d’indices tenant au lieu de l’infraction (lieu de culte, cimetière, etc.), aux circonstances décrites à l’article 132-76 du code pénal, à la personnalité de l’auteur, de la victime et aux relations qu’ils entretiennent, etc([448]) – mais chaque affaire et singulière, et la motivation raciste de l’auteur ne saurait être présumée, comme le rappelle encore le ministre de la justice :

« Les juges prennent en considération le contexte dans lequel cela intervient  le faisceau d’indices, qui permet de caractériser parfois une démonstration de culpabilité. Mais je ne veux surtout pas aller sur le terrain d’une règle générale qui deviendrait dérogatoire à la charge de la preuve telle qu’elle incombe au ministère public. De nombreuses affaires échappent à la répression, à défaut de pouvoir apporter une preuve concrète. Je le mesure, mais je ne vois pas comment faire autrement [...] On ne peut pas tomber dans une sorte de présomption irréfragable [de racisme], à rebours. Ce n’est pas parce que la victime est asiatique ([449]) que le crime est raciste. Ce serait du racisme à rebours, qui est l’un des pires. » ([450])

Ce constat de limites inhérentes au fonctionnement de la justice pénale dans un État de droit est partagé par les représentants du syndicat de la magistrature :

« Lorsque la justice cherche à démontrer un mobile raciste, elle est souvent amenée à prononcer des relaxes. Le syndicat de la magistrature est opposé à la création d’infractions obstacles ([451]) telles que des délits d’intention ou des délits d’opinion. Au-delà des objections de principe, le dispositif doit être opérationnel et il n’est même pas sûr qu’une diminution des exigences relatives à la démonstration de l’élément intentionnel permette d’atteindre plus efficacement les résultats recherchés ([452]). » 

b.   La liberté d’expression est un droit fondamental qui apparaît déjà suffisamment bien encadré

À côté des principes tels qu’ils sont définis dans le cadre du droit pénal – droits de la défense, principe de présomption d’innocence et principe de personnalité des peines –, le droit fondamental à la liberté d’expression (supra) limite considérablement les possibilités d’incriminer certains propos.

La liberté d’expression est déjà très encadrée, peut-être même trop selon certains. Un élargissement de l’incrimination de certains discours risquerait d’entraîner des contestations juridictionnelles et de porter une atteinte excessive à la diffusion des discours légitimes – comme la parole universitaire –, sans parvenir pour autant à limiter plus efficacement la propagation des propos motivés par la haine.

Plusieurs intellectuels considèrent que l’encadrement de la liberté d’expression est déjà excessif, à l’image de l’historien Georges Bensoussan dont le témoignage est révélateur :

« Tant que nous vivrons dans un pays où la liberté de parole est de plus en plus muselée, nous n’avancerons pas […] la fin de la revue Le Débat ([453]) n’est pas liée à des raisons financières mais au fait que le débat politique ou intellectuel n’est plus possible actuellement en France. Nous sommes dans l’anathème, dans l’invective, dans la condamnation, dans la judiciarisation de la parole. À la moindre parole dissidente, c’est la 17e chambre. Il n’existe plus de parole libre ([454]).  »

Depuis la loi « Gayssot » du 13 juillet 1990, la loi française présente en outre une spécificité, celle d’interdire les propos qui nieraient certains faits historiques, quand bien même ces propos ne constitueraient pas, par eux-mêmes, une provocation à la haine ([455]) :

« À l’époque », poursuit M. Bensoussan, « j’avais défendu les lois mémorielles et je ne comprenais pas l’attitude de Pierre Nora qui leur était hostile. Aujourd’hui, je me pose des questions et je me demande si Pierre Nora n’avait pas raison, si ces lois [...] ne nous reviennent pas en pleine figure pour empêcher le débat. Je ne sais pas quelle est la solution, mais je pense que ces lois n’ont pas forcément produit l’effet qui était escompté. »

Au-delà des historiens et des universitaires, les lois « mémorielles » ont également pu être contestées, au nom de la liberté d’expression, par certaines associations de lutte contre le racisme ([456]).

En ce qui concerne la provocation à la haine non suivie d’effets, si la chambre criminelle de la Cour de cassation exige en général une exhortation explicite – conformément au texte et à l’esprit de la loi, il lui est aussi arrivé de condamner des provocations implicites à la haine, en particulier des appels implicites à la violence ([457]). Ce régime semble faire peser sur la liberté d’expression des contraintes particulièrement fortes, eu égard aux solutions qui ont été trouvées chez nos voisins européens et aux États-Unis ([458]) .

Une restriction plus forte de la liberté d’expression ne serait d’ailleurs pas forcément le moyen le plus efficace de parvenir à lutter contre les préjugés et les violences racistes. A contrario en Belgique, où la définition des infractions du discours est plus exigeante qu’en France, les condamnations sont plus rares mais leurs conséquences sont également plus grandes. À en croire M. Patrick Charlier, directeur de l’UNIA, l’indifférence sociale qui peut entourer certaines condamnations en France serait liée au fait que le juge français condamne des propos dont le caractère inacceptable n’est pas aussi évident pour les citoyens que celui des propos condamnables en Belgique :

« Le seuil pour être condamné à l’incitation à la haine est donc plus élevé en Belgique qu’en France. En d’autres termes, certains propos seraient condamnés en France mais pas en Belgique. Personnellement, j’ai toujours défendu l’idée de ce seuil de condamnation élevé, parce que la liberté d’expression reste le principe à défendre. Nous répondons d’abord aux mots par des mots. [...] Conséquence de ce seuil exigeant : quand quelqu’un est condamné en Belgique, il est complètement discrédité et ne sera plus invité sur les plateaux de télévision [...] À l’inverse, en France, les personnes condamnées pour provocation à la haine raciale continuent à être actives, à être invitées sur les plateaux de télévision et à suivre un parcours politique. La stigmatisation liée à la provocation à la haine raciale me paraît moins forte en France qu’en Belgique, précisément parce que le seuil de condamnation y est plus faible ([459]). »

c.   Le régime procédural de la loi sur la liberté de la presse paraît équilibré

Dans ce contexte, le cadre procédural élaboré par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 semble équilibré et ce d’autant qu’il a déjà beaucoup évolué pour améliorer spécifiquement la répression des infractions de presse à caractère raciste ou discriminatoire. La loi du 29 juillet 1881 a su consacrer le principe de la liberté d’expression tout en y apportant des limites raisonnées. La réforme en cours en matière de comparution immédiate participe de ces évolutions.

L’ensemble des magistrats entendus par la mission se montre très réservé face à l’opportunité de réformer une fois de plus cette loi afin de réprimer plus fortement ou plus systématiquement les propos à caractère raciste. Comme le résume Mme Katia Dubreuil, présidente du syndicat national de la magistrature, les spécificités de la loi sur la liberté de la presse sont justifiées : « l’exclusion de la comparution immédiate, l’exigence de précision dans les qualifications, les règles de prescription constituent des équilibres fondamentaux entre la liberté d’expression et le fait de pouvoir réprimer certaines expressions qui portent atteinte aux personnes [...] Les spécificités du régime de la loi du 29 juillet 1881 sont à notre avis protectrices et utiles ; elles constituent un tout cohérent qu’il convient de conserver en l’état » ([460]). Comme il a également été dit, « la loi de 1881 présente un équilibre global entre les droits des parties ([461]). »

Il faut également rappeler que le régime défini par la loi sur la liberté de la presse comprend aussi des dispositions qui permettent une répression accrue des propos racistes, par dérogation à certains principes de droit commun. En matière de diffamation, la charge de la preuve est inversée : c’est à l’auteur des propos de prouver sa bonne foi. En outre, le régime de responsabilité de plein droit, dit régime de responsabilité « en cascade » ([462]), permet de faire condamner un directeur de publication même s’il n’a pas eu connaissance des faits publiés dans son journal.

Enfin, et hormis les cas où ce régime de responsabilité en cascade s’applique, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu aux délits de diffamation et d’injure à caractère raciste ou discriminatoire la possibilité de recourir à la procédure d’ordonnance. Cette procédure simplifiée, prévue à l’origine pour les contraventions et délits du code de la route, permet au juge – sur proposition du procureur – de statuer sans débat préalable. Elle permet donc un traitement rapide et efficace des infractions de presse à caractère raciste ou discriminatoire.

Concernant les délits d’appel à la haine raciale, le projet de loi confortant les principes républicains prévoit la possibilité d’appliquer une autre procédure accélérée, la procédure de comparution immédiate, actuellement exclue pour tous les délits de presse. En effet, l’article 20 du projet de loi modifie l’article 397‑6 du code de procédure pénale – sans, d’ailleurs, modifier le texte de la loi du 29 juillet 1881 – pour que la procédure de comparution immédiate soit applicable aux infractions de l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse – dont l’appel à la haine raciale –, hors les cas de « responsabilité en cascade ».

Le ministre de la justice justifie ainsi l’extension de la procédure de comparution immédiate aux infractions de l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse : « Il m’est apparu juste que ces personnes, notamment les jeunes, pour qui l’exemplarité a du sens, soient jugés rapidement. L’un des principaux griefs que l’on adresse à l’institution judiciaire est sa lenteur. Pour des jeunes, le message pédagogique n’a de sens que si la justice intervient vite ([463]). »

Si le Syndicat de la magistrature s’était montré fermement opposé à cette réforme, Mme Anne-Marie Sauteraud y voyait aussi – prudemment – des avantages : « Il serait intéressant de modifier les textes pour que la comparution immédiate puisse être utilisée dans certains cas, mais je souligne que cette procédure ne donne que des garanties très limitées aux droits de la défense » ([464]), même si elle préserve le droit d’être assisté d’un avocat et le droit d’accéder au dossier.

Votre rapporteure ne préconise donc aucune réforme supplémentaire de la loi du 29 juillet 1881, et salue la sagesse d’une loi ancienne qui a déjà su évoluer pour mieux prendre en compte la gravité des discours à caractère raciste. En conclusion, « la loi sur la liberté de la presse touche aux racines de la démocratie : la liberté de communication, la liberté d’expression et ses abus, et toute réforme exige de la prudence ([465]). »

3.   La « haine en ligne » : un enjeu plus récent, encore mal appréhendé par la législation

La loi sur la liberté de la presse montre toutefois ses limites face à un phénomène qu’elle n’avait pu anticiper, la « haine en ligne ». La facilité de s’exprimer sur internet par l’intermédiaire des « réseaux sociaux », la publicité extrêmement large donnée à ce mode d’expression et l’anonymat des propos échangés favorisent la diffusion des propos de haine avec, pour leurs auteurs, un certain sentiment d’impunité.

Les services de communication au public en ligne représentent donc un enjeu majeur et relativement nouveau pour la lutte contre le racisme. En permettant d’élargir considérablement l’audience de certains propos, ou à l’inverse de les censurer, ils amplifient les risques aussi bien d’abus de la liberté d’expression que d’atteinte à cette liberté.

La réponse pénale n’est sans doute pas suffisamment « agile » pour traiter ce phénomène de masse. S’agissant d’un droit aussi fondamental que la liberté d’expression, il paraît également délicat de confier aux plateformes une responsabilité accrue de régulation sans contrôle judiciaire. Un renforcement des procédures civiles et des moyens à disposition des acteurs publics spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne semble donc également nécessaire pour endiguer ce fléau.

a.   Une responsabilité limitée des acteurs de l’internet

Si les propos mis à disposition du public sur internet entrent dans le périmètre de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, les caractéristiques techniques des communications électroniques rendent l’exercice des poursuites difficile, à la fois parce que les auteurs ne sont pas toujours identifiables et parce que le volume des messages ne permet pas un traitement judiciaire adéquat. Un régime de responsabilité propre aux acteurs de l’internet a donc été créé par le législateur.

Depuis la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique, adoptée à la suite de la directive européenne 2000/31/EC du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur dite « e-commerce », la législation distingue deux types d’acteurs sur internet :

– les éditeurs (ou fournisseurs de contenus) ;

– les prestataires techniques, à savoir les hébergeurs et les fournisseurs d’accès à internet (FAI).

Les « plateformes en ligne » ou « réseaux sociaux » sont juridiquement considérées comme des « hébergeurs » et relèvent donc d’un régime de responsabilité distinct de celui, plus strict, des éditeurs.

i.   Régime de responsabilité des éditeurs

Le régime de responsabilité pénale des éditeurs est déterminé par l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

Cet article définit un régime de responsabilité « en cascade », comparable à celui prévu par la loi du 29 juillet 1881 pour les délits de presse. Ainsi, sera poursuivi comme auteur principal, dans l’ordre : le directeur de publication (ou le codirecteur) – l’auteur du propos étant alors poursuivi comme complice ; à défaut, l’auteur du propos ; à défaut le producteur.

Toutefois, la responsabilité du directeur de publication ne pourra être engagée comme auteur principal s’il « n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne » ou si, après en avoir eu connaissance, « il a agi promptement pour retirer ce message ». En tout état de cause, le message devra avoir fait l’objet d’une « fixation préalable » pour que puisse être engagée sa responsabilité.

Par une réserve de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a étendu ces conditions à l’engagement de la responsabilité du producteur : « les dispositions contestées ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale en méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées ([466]), être interprétées comme permettant que le créateur ou l’animateur d’un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d’un message dont il n’avait pas connaissance avant la mise en ligne ([467]) ».

La responsabilité du directeur de publication et, à titre subsidiaire, du producteur, est donc limitée aux cas où il avait connaissance des messages litigieux publiés et n’aurait pas décidé pour autant de les retirer. Dans les autres cas, seul l’auteur des propos sera considéré comme auteur de l’infraction.

ii.   Régime de responsabilité des prestataires de services

Le régime des prestataires techniques, défini au I du 6 de la loi relative à la confiance dans l’économie numérique, est encore plus strict que pour les éditeurs et les producteurs.

Les prestataires techniques, ou prestataires de services désignent à la fois :

– les fournisseurs d’accès à internet (FAI), c’est-à-dire les « personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne » ;

– les hébergeurs, c’est-à-dire les personnes physiques ou morales qui « assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».

Les prestataires techniques ne peuvent voir leur responsabilité civile ou pénale engagée à raison des informations stockées si [ils] « n’avaient pas effectivement connaissance du caractère manifestement illicite de l’activité ou de l’information » ou si, à partir du moment où ils en ont eu connaissance, « [ils] ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible. »

Il ne suffit donc pas que les hébergeurs aient connaissance des messages stockés pour que leur responsabilité puisse être engagée, il faut encore que le caractère illicite de ces messages soit suffisamment manifeste pour qu’ils ne puissent l’ignorer.

En outre, s’il peut arriver que la connaissance des faits litigieux soit présumée, dans des conditions strictement définies à l’alinéa 5 du I de l’article 6, les prestataires techniques ne disposent d’aucune « obligation générale de surveiller les informations » qu’ils stockent ou transmettent, ce qui rend en pratique presque impossible d’engager la responsabilité des prestataires techniques pour ces informations.

En revanche, les prestataires de services sont tenus de respecter certaines obligations visant à « concourir à la lutte » contre la diffusion de certaines infractions prévues à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, dont notamment les appels à la haine raciale. À cette fin, les hébergeurs doivent, au risque d’engager leur responsabilité pénale :

– mettre en place un dispositif permettant à toute personne de signaler facilement ce type de propos ;

– informer les autorités publiques des propos de cette nature qui leur seraient signalés de cette manière ;

– rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre ces activités.

Les prestataires de services ont aussi l’obligation, imposée au II de l’article 6 de la loi dite « économie numérique », de conserver les données permettant d’identifier toute personne ayant pu participer à la création de contenus, et ce dans l’éventualité où ces données seraient requises par l’autorité judiciaire aux fins de poursuite. Cette disposition est indispensable pour retrouver les auteurs de propos publiés sous pseudonyme, avec le concours des FAI.

b.   Les exigences constitutionnelles relatives à la liberté d’expression au regard d’une responsabilité accrue des plateformes

La priorité politique accordée à la lutte contre la haine en ligne a conduit à mener une réflexion sur les moyens juridiques de renforcer les obligations pesant sur les hébergeurs de réseaux sociaux. Cette réflexion a trouvé sa traduction législative dans la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia », dont les principales dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020.

Les futures réformes devront donc tenir compte de ces exigences pour « responsabiliser » les plateformes tout en préservant le droit à la liberté d’expression et les droits de la défense.

Parmi les dispositions qui n’ont pas été censurées, il convient de relever plusieurs dispositions qui intéressent les travaux de la mission d’information : la création d’un « observatoire de la haine en ligne » au sein du conseil supérieur de l’audiovisuel, institué le 8 juillet 2020 (article 16), et la création d’un pôle judiciaire spécialisé dans certaines infractions commises sur internet (article 10 – voir infra).

i.   Le nouveau mécanisme proposé par la « loi Avia » constituait une atteinte excessive à la liberté d’expression

Le paragraphe I de l’article 1er de la proposition de loi de notre collègue Laetitia Avia imposait ainsi aux plus grands hébergeurs de réseaux sociaux, sous peine de sanction pénale, de « retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures après notification », tout contenu manifestement illégal à certaines dispositions des articles 24, 24 bis et 33 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, c’est‑à-dire les provocations à la haine ([468]), les apologies ou négations de crimes contre l’humanité et les injures à caractère raciste ou discriminatoire.

Juridiquement, ces acteurs sont identifiés comme des « opérateurs de plateforme en ligne » ([469]) offrant un service reposant sur « la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics » – ce qui exclut les plateformes n’ayant pas le caractère de « réseau social » –, et ayant une activité significative dont le seuil devait être défini par décret.

Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions portent « une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée », en raison des difficultés à apprécier dans un délai aussi court le caractère manifestement illicite des contenus signalés et d’un régime de responsabilité qui aurait incité les plateformes à retirer presque systématiquement les contenus signalés, « qu’ils soient ou non manifestement illicites ».

Le Conseil constitutionnel précise également que les délits de presse appellent une « appréciation au regard du contexte d’énonciation ou de diffusion des contenus » et que l’obligation de retrait imposée aux plateformes n’est soumise à aucune « intervention préalable d’un juge » de nature à effectuer cette appréciation.

Selon le Syndicat de la magistrature, qui s’était opposé à la proposition de loi, l’absence de contrôle a priori du juge était la raison principale pour laquelle les dispositions répressives de la proposition de loi avaient été censurées. L’auteur des propos retirés disposait d’un recours contre l’auteur du signalement, mais ce recours n’était pas suspensif et la plateforme risquait d’être davantage sanctionnée pour n’avoir pas retiré un contenu que pour l’avoir retiré abusivement, créant un déséquilibre au détriment du droit à la liberté d’expression.

ii.   De nouvelles perspectives pour « responsabiliser » les plateformes dans le respect des normes constitutionnelles

De nouvelles pistes de réformes sont envisageables, au niveau national et européen. En tout état de cause, toute restriction supplémentaire de la liberté d’expression devrait être accompagnée de garanties permettant de s’assurer que les droits de la défense sont respectés, sous le contrôle du juge.

Au niveau national, il pourrait être proposé ([470]) que le retrait d’un contenu à l’initiative des plateformes dans le cadre de leur régime de responsabilité soit systématiquement précédé d’une notification à l’auteur du contenu. Le retrait ne serait possible qu’à l’issue d’un certain délai permettant à l’auteur des propos de s’y opposer par un texte motivé. Auquel cas, l’auteur du signalement pourrait former un « référé numérique » conçu pour permettre une décision rapide et incontestable d’un juge dans le cadre d’une procédure civile.

Si cette procédure paraît encore trop lourde, les magistrats entendus par la mission d’information font le pari que seuls les usagers de bonne foi feront la démarche de contester une procédure de retrait, surtout s’il faut pour cela que l’usager s’identifie formellement et justifie le caractère licite du contenu signalé.

La compétence de l’Union européenne ([471]) en matière de marché intérieur et de libre circulation des services doit être rappelée. La Commission européenne a présenté le 15 décembre 2020 une proposition de règlement sur le marché unique des services numériques (« Digital Services Act »), qui actualise la directive 2000/31/EC dite « e-commerce ».

Dans son état actuel, la proposition de règlement conserve le principe de responsabilité limitée consacré par la directive « e-commerce » de 2000 : « les plateformes et les autres intermédiaires ne sont pas responsables du comportement illicite des utilisateurs, sauf s’ils ont connaissance d’actes illicites et ne les empêchent pas ». Toutefois, l’originalité de la proposition de règlement consiste à tenir compte des évolutions qui ont eu lieu en vingt ans et de prévoir des obligations différenciées pour les plateformes en fonction de leur taille.

Les catégories juridiques déterminant les règles applicables aux différents acteurs seront donc élaborées à partir de considérations de fait, régulièrement réévaluées pour tenir compte des changements de circonstances. Parmi les hébergeurs, seules les « plateformes » et les « très grandes plateformes » auront l’obligation de signaler les infractions pénales. Les « très grandes plateformes », définies à partir d’un critère dynamique ([472]), pourront se voir imposer des obligations supplémentaires, notamment de coopération avec les pouvoirs publics.

L’objectif de la proposition de règlement est ambitieux et équilibré : faire en sorte que les contenus illicites soient retirés rapidement, « mais également que les plateformes ne soient pas incitées à supprimer des contenus légitimes, ni contraintes de surveiller leurs utilisateurs », ce qui semble conforme aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue sur la « loi Avia » – mais ce qui limitera du même coup l’efficacité du dispositif.

c.   De nouveaux acteurs spécialisés dans la lutte contre les infractions de haine commises en ligne

Parmi les dispositions de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet n’ayant pas été déclarées contraires à la Constitution, la mise en place d’une juridiction spécialisée dans la poursuite, l’instruction et le jugement de certaines infractions de haine commises en ligne, devrait donner lieu à des progrès significatifs dans la réponse pénale qui y est apportée.

Cette juridiction sera d’autant plus efficace qu’elle pourra se coordonner avec la plateforme PHAROS ([473]) et avec l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), qui sont spécialisés dans la lutte contre certaines infractions commises en ligne.

i.   La mise en place d’un pôle national spécialisé dans la « haine en ligne »

En matière de délits de presse, la jurisprudence de la chambre criminelle reconnaît une compétence concurrente à toutes les juridictions dans le ressort desquelles il a été possible d’accéder à un message constitutif d’un délit. Dès lors qu’un contenu était rendu public sur internet, toutes les juridictions du territoire pouvaient donc se déclarer compétentes, indépendamment du lieu de résidence de l’auteur ou de la victime ([474]).

Ce principe de compétence concurrente pouvait aboutir à ce que plusieurs parquets se reconnaissent compétents. Pour remédier à ces difficultés, les procureurs généraux étaient invités ([475]) à s’assurer auprès de la DACG que d’autres poursuites n’étaient pas déjà déclenchées pour des mêmes faits.

Dans une logique de coordination, l’article 15-3-3 du code de procédure pénale issu de la loi du 24 juin 2020 prévoit que certaines infractions commises en ligne seront traitées de manière centralisée, par une juridiction spécialisée. Du fait du grand nombre d’affaires qu’il était amené à traiter et de sa proximité avec la plateforme PHAROS, le parquet de Paris avait en réalité déjà développé une expertise ancienne et reconnue dans ce type spécifique de contentieux. C’est donc naturellement que le décret n° 2020-1444 du 24 novembre 2020 a désigné le tribunal judiciaire de Paris comme juridiction compétente, à titre principal, pour connaître de ces infractions – à cet effet, ses moyens ont été renforcés ([476]).

Depuis le 4 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris dispose donc d’un pôle spécialisé dans les délits de harcèlement sexuel ou moral aggravés par les circonstances définies aux articles 132-76 et 132-77 du code pénal – et donc, notamment, pour la circonstance aggravante de « racisme » –, à condition que ces délits aient été commis sur internet et que la plainte ait été déposée par voie électronique ([477]). Sa compétence s’étend également aux délits de presse à caractère raciste ou discriminatoire.

Cette centralisation a été réalisée à droit constant, c’est-à-dire sans remise en cause de la compétence concurrente des autres juridictions. Dès lors, l’efficacité de la réforme dépendra de la coopération avec les parquets locaux. Le parquet du ressort de l’auteur de l’infraction, en principe territorialement compétent, devra « prendre attache sans délai » ([478]) avec le pôle national s’il lui semble que les critères de saisine du parquet de Paris sont réunis.

La saisine prioritaire du parquet de Paris est limitée aux cas dans lesquels sa valeur ajoutée est la plus forte, selon les critères définis par les instructions du ministre de la justice les procédures les plus complexes et les plus techniques et les affaires les plus sensibles, les plus médiatiques ou les plus graves.

Enfin, le parquet de Paris sera désormais l’interlocuteur exclusif de la plateforme PHAROS pour tous les aspects judiciaires liés aux signalements reçus sur la haine en ligne. Les réquisitions auprès des hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet aux fins d’identification de l’auteur de propos signalés sur cette plateforme seront diligentées sous l’autorité du procureur de la République de Paris, quitte à ce que celui-ci décline sa compétence et transfère la procédure au parquet du domicile de l’auteur.

ii.   PHAROS : une cellule au rôle majeur dont il conviendrait de renforcer les moyens

PHAROS (« plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements ») est une cellule placée auprès de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, qui dépend de la direction centrale de la police judiciaire.

La plateforme permet de recueillir des signalements sur des infractions commises sur internet et notamment, grâce à sa cellule « droit de la presse » – qui travaille avec les FAI –, les infractions liées à la haine en ligne.

PHAROS a enregistré plus d’un million et demi de signalements depuis sa création en 2009, dont 228 545 signalements en 2019 – en hausse significative par rapport aux années précédentes. Ces signalements portent, pour une bonne moitié, sur des faits d’escroquerie et d’extorsions et, pour un peu moins de 10 %, sur des messages à caractère raciste ou discriminatoire ([479]).

Malgré cette activité importante, la plateforme ne dispose que de 28 enquêteurs pour trier les dossiers, dont seulement 6 enquêteurs pour la cellule « droit de la presse ». Si les effectifs de la plateforme ont évolué de manière dynamique (elle disposait de 21 enquêteurs en 2016), il est nécessaire d’accroître les moyens humains dont elle dispose et, le 23 octobre 2020, le Premier ministre a annoncé un renforcement de ses effectifs.

Comme toutes les personnes qui se sont exprimées à ce sujet au cours des auditions, votre rapporteure souligne l’importance de la plateforme PHAROS pour la lutte contre la haine en ligne et appelle à renforcer les moyens notamment humains de sa cellule « droit de la presse ».

Recommandation n° 18

Renforcer les moyens de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de regroupement et d’orientation des signalements (PHAROS).

iii.   L’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH)

L’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), créé en 2013, est un service de police judiciaire à vocation interministérielle placé au niveau central ([480]). Il est composé de gendarmes, de policiers et d’agents mis à disposition par le ministère des armées et de toute autre administration. Le général Jean-Marc Cesari, adjoint au directeur des opérations et de l’emploi de la DGGN, a indiqué au cours de l’audition du 17 décembre 2020 ([481])  : « L’Office central dispose de l’ensemble du réseau des enquêteurs de la gendarmerie, au sein duquel 260 spécialistes en nouvelles technologies sont chargés de la lutte contre la haine sur internet, eux-mêmes appuyés par un réseau de 4 700 correspondants. » L’Office dispose depuis août 2020 d’une division spécifiquement dédiée à la lutte contre les crimes de haine.

Cette division, composée de gendarmes et de policiers, est chargée de la coordination des enquêtes sur certaines infractions à caractère raciste ou discriminatoire.

Comme PHAROS, l’OCLCH a vocation à être un interlocuteur privilégié du nouveau parquet spécialisé dans la haine en ligne placé auprès du tribunal judiciaire de Paris.

d.   Les procédures civiles de retrait : des solutions plus efficaces que la voie pénale

À côté de la voie pénale, il existe plusieurs procédures civiles permettant d’empêcher de manière parfois plus efficace la diffusion de certains contenus sans engager de poursuites à l’encontre de leur auteur.

i.   Le référé spécifique prévu par la loi sur la liberté de la presse

L’article 50-1 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 permet au juge des référés, à la demande du ministère public ou de toute personne ayant intérêt à agir, de prononcer « l’arrêt » d’un service de communication au public en ligne qui causerait un « trouble manifestement illicite » en raison d’un appel à la haine, d’un délit à caractère négationniste ou, depuis la loi « égalité citoyenneté » du 27 janvier 2017, d’une injure ou d’une diffamation à caractère raciste ou discriminatoire.

En pratique, ce fondement légal ne peut viser que les hébergeurs, éditeurs ou auteurs de contenus. Il n’est donc pas efficace si ces acteurs sont difficiles à identifier ou à atteindre, notamment lorsqu’ils sont établis à l’étranger.

ii.   La procédure plus efficace prévue par la loi « économie numérique »

La loi « économie numérique » ([482]) de 2004 a prévu une procédure plus efficace, parce qu’elle permet de bloquer non pas directement un contenu, mais l’accès à un contenu via le fournisseur d’accès à internet.

Cette procédure permet au juge de prescrire aux prestataires techniques « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ». Si le juge s’adresse en principe d’abord aux hébergeurs, il peut « à défaut » s’adresser aux FAI et leur enjoindre de bloquer l’accès aux sites concernés à partir du territoire national.

L’impossibilité d’identifier un auteur, un directeur de publication ou un hébergeur ne fait donc pas obstacle à la possibilité d’interdire l’accès aux contenus visés, à condition que la mesure soit proportionnée au regard de la double atteinte qu’elle porte à la liberté d’expression et à la liberté d’entreprendre des FAI.

Cette procédure connaît néanmoins une limite : elle permet de bloquer l’accès à un site spécifié, mais elle ne permet pas de bloquer automatiquement l’accès aux sites tiers qui diffuseraient une copie des contenus visés (les « sites miroirs »). Or une spécificité de la communication en ligne est de permettre très facilement la rediffusion ou le « partage » de contenus sur d’autres services ou par des auteurs différents, si bien que la portée de l’interdiction d’un contenu est considérablement réduite si elle n’a pas envisagé les possibilités de sa reproduction.

iii.   Une réforme en cours pour remédier à la problématique des « sites miroirs »

C’est pour remédier à cette faille que l’article 19 du projet de loi confortant les principes républicains prévoit d’instaurer une nouvelle procédure permettant d’assurer l’effectivité d’une décision de justice exécutoire ordonnant le blocage ou le déréférencement d’un contenu en ligne.

En application de cette nouvelle procédure, après l’intervention d’une telle décision, l’autorité administrative – et sans qu’il soit besoin d’une nouvelle intervention du juge – pourra demander aux prestataires techniques d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant de manière identique (ou substantiellement similaire) le contenu du service visé par cette décision, et ce pendant la durée restant à courir pour les mesures décidées par le juge.

Votre rapporteure estime que cette procédure sera très efficace pour freiner la « propagation » des contenus haineux sur internet au-delà de leur expression originale.

C.   LA RÉPONSE PÉNALE doit Être AMÉLIORÉE

Il n’est pas nécessaire de changer le cadre normatif – très contraint par des principes de valeur constitutionnelle – pour renforcer la réponse pénale aux infractions à caractère raciste. L’accueil des victimes, la formation des policiers et magistrats et les outils de politique pénale à disposition du parquet constituent autant de leviers susceptibles de faire appliquer la loi de manière plus effective.

1.   Des difficultés à recueillir les plaintes et à administrer la preuve qui appellent un meilleur accueil des plaignants

Le premier levier concerne l’accueil des victimes et l’enregistrement des plaintes. Il apparaît, en effet, que de nombreuses victimes de racisme renoncent à porter plainte et que les plaintes ne sont pas toujours enregistrées de manière satisfaisante, malgré les efforts conduits pour sensibiliser les policiers et gendarmes à la spécificité de ce type d’infractions.

a.   Des plaintes insuffisamment nombreuses et qui peinent à aboutir

Indépendamment du cadre légal, la répression pénale des infractions à caractère raciste est limitée par deux phénomènes :

– un taux de signalement bas, qui s’explique par la réticence des victimes à porter plainte ou à détailler les faits ;

– un taux d’élucidation faible lié à la difficulté d’identifier l’auteur de l’infraction et à apporter la preuve de ses éléments constitutifs.

i.   Un taux de signalement bas

En matière de racisme davantage sans doute que dans les autres domaines, les victimes peuvent être réticentes à déposer plainte. Les enquêtes de victimation montrent que les taux de plainte sont faibles. Une part importante, mais par nature difficile à appréhender, des comportements racistes n’est pas déclarée par les victimes : c’est le « chiffre noir » des infractions à caractère raciste.

Les explications à ce phénomène de « sous-déclarations » sont multiples. Les faits sont souvent banalisés, y compris à force d’y être confrontées, par les victimes elles-mêmes. Deuxièmement, une personne qui a subi une insulte raciste peut se sentir humiliée et se sentir gênée au moment de formaliser sa plainte, ou hésiter à porter devant le tribunal des faits touchant à l’intime. Une étude de l’Office for democratic institutions and human rights (ODIHR) ([483]) montre que les victimes peuvent également avoir peur de porter plainte, qu’elles craignent des représailles ou une mesure de reconduite à la frontière. Enfin, les victimes peuvent se décourager en pensant qu’un dépôt de plainte « ne servira à rien ».

ii.   Un taux d’élucidation faible, qui s’explique par les difficultés de la preuve

Malheureusement, les taux d’élucidation très faibles peuvent en effet donner l’impression que certaines plaintes sont vouées à l’échec. Quand l’auteur d’une injure raciste est inconnu de la victime et qu’il n’est pas possible de l’identifier (par exemple, une injure prononcée dans la rue), la plainte a peu de chances d’aboutir. Quand la victime n’a pas d’enregistrement et qu’aucun témoin n’assistait à la scène, il sera difficile de caractériser l’élément matériel de l’infraction, c’est-à-dire de prouver que les paroles ont été prononcées dans les conditions décrites par le plaignant. Dans ces cas, les personnes chargées de recueillir la plainte sont prudentes. M. Grégory Rivière, membre du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG), a rappelé au cours de l’audition du CFMG : « quand des paroles ont été prononcées sans témoin, ce sera toujours la parole de l’un contre celle de l’autre. Nous devons garder notre indépendance vis-à-vis des deux personnes et investiguer pour que l’enquête aboutisse. Contrairement à la justice, nous ne sommes pas là pour juger et nous maintenons une certaine distance pour apporter un maximum d’éléments objectifs à la justice ([484]) ».

Même quand la preuve des propos a été rapportée, il reste à caractériser l’élément moral de l’infraction, c’est-à-dire la motivation raciste de l’acte. Comme expliqué supra, l’enquêteur doit non seulement rapporter la preuve du fait, mais aussi la réalité de l’intention – et c’est ce qu’il y a de plus difficile : « C’est donc un travail de caractérisation du mobile qui est demandé aux services de police et de gendarmerie, pour que la juridiction puisse, sans aucun doute possible, établir que l’infraction avait bien un mobile raciste. Et ce travail de caractérisation n’est pas simple ([485]). »

Dans ce contexte, si les policiers et les gendarmes ont l’obligation légale d’enregistrer toutes les plaintes ([486]), ils peuvent en pratique conseiller à la victime de déposer une main courante quand ils estiment que les éléments de preuve sont insuffisants pour être conduits par le procureur devant un tribunal. Cet usage n’est pas perçu par les policiers comme un geste de mépris pour la victime, mais comme un réflexe pragmatique qui tient compte des risques que la plainte soit classée sans suite par le procureur quand celle-ci est insuffisamment caractérisée :

« Concernant les plaintes, je ne pense pas que l’accueil des victimes d’actes de racisme ou de discrimination soit problématique. […] [Les policiers] vérifient surtout que les éléments constitutifs d’une infraction sont réunis. Il peut arriver qu’on effectue un certain filtre ou tri dans la mesure où les indicateurs de service sont plus favorables lorsque des procédures sont lancées à l’encontre de personnes connues des victimes. Malheureusement, quand les faits de racisme se déroulent sur la voie publique ou dans les transports en commun, il arrive que les infractions soient commises par des personnes inconnues des victimes. On peut imaginer que, dans ce cas, l’accueil dans les services ne soit forcément des plus favorables ([487]). »

Si les guides pratiques destinés aux « plaintiers » – les policiers ou gendarmes chargés de recueillir les plaintes – affirment clairement que les infractions à caractère raciste doivent donner lieu à une plainte et non à une main courante dès lors que ses éléments constitutifs sont réunis ([488]), ils insistent aussi sur la difficulté à caractériser ces éléments : « conformément au principe de la présomption d’innocence, il appartient à la victime (demandeur) de rapporter la preuve de la discrimination [...]. Hormis dans les cas où l’auteur a exprimé ouvertement le motif discriminatoire par écrit ou devant témoins, la principale difficulté en matière de discrimination est de démontrer l’intention coupable de l’auteur ([489]). »

Au demeurant, quand l’auteur d’une injure à caractère raciste est identifié par la victime mais qu’aucun témoin ou enregistrement ne permet de prouver les allégations de la victime, une main courante peut laisser une trace utile – un futur « indice » – dans l’éventualité où l’auteur serait mis en cause dans une autre affaire.

Malgré ces facteurs qui restreignent le nombre de plaintes – l’autocensure des victimes et la pratique de la main courante –, le filtre exercé par le parquet sur les plaintes effectivement déposées reste fort. Selon les chiffres du ministère de la justice (voir supra), 58 % des plaintes sont classées sans suite, le plus souvent parce que l’infraction n’est pas suffisamment caractérisée : « parce qu’il est impossible de caractériser l’infraction avec certitude, parce qu’il reste un doute, le procureur estime qu’il est vain de conduire le dossier au tribunal. ([490]) » 

La réponse pénale aux infractions à caractère raciste est donc souvent difficile à apporter faute de preuves. Il est néanmoins nécessaire d’améliorer l’accueil des plaignants et de créer les conditions d’un recueil exhaustif des faits, notamment pour faciliter la reconnaissance d’une circonstance aggravante d’une infraction qui n’était pas envisagée de prime abord comme raciste.

b.   Des efforts en cours pour améliorer la qualité de l’accueil dans les commissariats et inciter les victimes à se faire accompagner en ligne

Le constat du caractère déterminant de la qualité de l’écoute des victimes dans l’efficacité de la réponse pénale a conduit les autorités à mettre en œuvre des dispositifs pour améliorer l’accueil dans les commissariats et gendarmeries et à donner la possibilité aux victimes d’initier certaines démarches en ligne.

i.   Un meilleur accueil dans les commissariats et gendarmeries

Les lacunes relatives à l’accueil du public sont reconnues par les syndicats de policiers eux-mêmes : « Je considère comme vous qu’il faut améliorer l’accueil des victimes. On rejoint là la question du manque d’effectifs et de formation : c’est vraiment le cœur du problème ([491]). »

Les policiers et gendarmes doivent être sensibilités aux conséquences psychologiques d’une agression à caractère raciste, afin de mieux accueillir la parole des victimes. Ils doivent également veiller à obtenir le maximum d’informations sur le contexte de l’infraction pour faciliter le travail d’enquête et la caractérisation de ses éléments constitutifs.

C’est dans cet objectif qu’ont été créés, en 2014, les « référents accueil » dans les commissariats. Les référents accueil sont des officiers ou des gradés chargés d’évaluer, de coordonner et d’améliorer l’accueil du public dans chaque commissariat ([492]). Ils veillent au respect de la « charte de l’accueil du public » qui s’applique au niveau national. Depuis 2018 ([493]), ils ont également le rôle de référents racisme, antisémitisme et discriminations. Leur formation a été adaptée pour prendre en compte ces nouvelles missions.

Dans le même esprit, le plan national de lutte contre le racisme 2018-2020 piloté par la DILCRAH a prévu la création à titre expérimental d’un réseau d’enquêteurs et de magistrats spécialement formés à la lutte contre les infractions de haine. Ce réseau a vocation à sensibiliser les OPJ et APJ à ces difficultés et à permettre de mieux objectiver le caractère raciste de certaines infractions. Six sessions de formation ont été organisées, faisant intervenir des associations, magistrats, psychologues, etc.

 

LE RÉSEAU D’ENQUÊTEURS SPÉCIALISÉS

Dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2018-2020) annoncé par le Premier ministre le 19 mars 2018 et piloté par la DILCRAH, une expérimentation d’un réseau d’enquêteurs et magistrats spécifiquement formés à la lutte contre la haine (racisme, antisémitisme, homophobie) a été réalisée dans la zone Sud (ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence) pour une durée minimale de 6 mois.

À cette fin, une journée interministérielle de lancement et de formation a été organisée le 28 septembre 2018 à Aix-en-Provence (13) au profit d’environ 120 personnels dont plus de 90 policiers locaux. À cette occasion, les enquêteurs ont été sensibilisés sur la pratique judiciaire particulière à adopter face aux infractions à caractère raciste afin d’optimiser le traitement pénal et procédural des affaires relatives à cette thématique.

Par la suite, cinq autres sessions de formations à destination des policiers et gendarmes à la lutte contre la haine se sont tenues en 2019 et en 2020 : à la préfecture de Marseille, au mémorial du Vel d’Hiv à Orléans, au mémorial de Caen, au Mémorial de la Shoah et au centre historique de la résistance et de la déportation à Lyon.

Ces journées organisées par la DILCRAH ont réuni des associations, une psychologue, des magistrats, des représentants de la DILCRAH ainsi qu’un formateur d’une direction zonale du recrutement et de la formation de la Police nationale. L’aspect juridique, les traumatismes liés aux actes et discours de haine, le canevas des auditions et actes d’enquêtes ainsi que l’étude de cas pratiques y ont été abordés. Une présentation des associations locales a également été réalisée. Une documentation est remise à chaque participant à l’issue de la journée de sensibilisation.

Source : contribution du 18 décembre 2020 adressée à la mission d’information par la DGPN.

Les procureurs sont également un relais des recommandations contenues dans les circulaires du ministre de la justice. La circulaire du 4 avril 2019 relative à la lutte contre les discriminations, les propos et les comportements haineux, demande aux magistrats du parquet « d’attirer l’attention des responsables de la police et de la gendarmerie sur la nécessité de sensibiliser particulièrement leurs services d’enquête sur la qualité de l’accueil des victimes d’agression à caractère raciste, antisémite ou homophobe » et sur la nécessité de privilégier le dépôt de plaintes par rapport à l’établissement de mains courantes. Lors du dépôt de plainte, les plaintiers devront faire ressortir « dans les déclarations des victimes, les éléments factuels de nature à objectiver la circonstance aggravante » de racisme. Enfin, les victimes d’actes racistes doivent être orientées vers les bureaux d’aide aux victimes (auprès des tribunaux) et vers les associations d’aide aux victimes susceptibles de leur apporter une aide psychologique et juridique.

Les policiers et gendarmes disposent de nombreux outils ([494]) récapitulant ces instructions. Le « guide pratique » sur la lutte contre les discriminations et le harcèlement ([495]) insiste suffisamment sur « la prise en compte de l’état psychologique de la victime ([496]) », invitant les plaintiers à faire preuve d’écoute, à rassurer la victime sur le caractère confidentiel de ses déclarations et à proposer un accompagnement psychologique. Les fonctionnaires disposent en outre d’une liste-type de questions à poser au plaignant pour enregistrer la plainte.

ii.   Faciliter l’accompagnement des victimes en ligne

En complément de l’accueil physique dans les commissariats et gendarmeries, les plateformes en ligne sont un moyen moderne et efficace de conseiller les victimes et de les encourager à déposer plainte.

Le dispositif de pré-plainte en ligne, opérationnel depuis 2008, facilite les démarches pour les victimes sans les dispenser toutefois de porter plainte ([497]) physiquement en commissariat ou en gendarmerie. Initialement circonscrit aux atteintes aux biens, le dispositif a été élargi ([498]) pour une durée d’un an aux infractions à caractère discriminatoire.

Toutefois, l’expérimentation a donné lieu à un bilan mitigé. Dans son évaluation publiée en avril 2019, l’IGPN constate que 0,5 % environ ([499]) des signalements ont donné lieu à une plainte. « Cette inefficacité résulte principalement d’une utilisation inappropriée du portail en ligne par le télédéclarant : nombre très élevé d’infractions hors champ, incompréhension des termes discrimination et diffamation » ([500]).

Face à cet échec, l’IGPN recommandait d’abandonner le volet « discriminations » de la pré-plainte en ligne au profit d’une plateforme d’accompagnement comparable à celle qui existe pour les violences sexuelles et sexistes. Cette solution, poursuit l’étude, « aurait l’avantage de mieux traiter les discriminations en évaluant d’abord la réalité de l’infraction au regard des faits rapportés ».

Dans la lignée de ces recommandations, il a été décidé en 2019 ([501]) d’étendre le champ de la plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes. Au cours de l’année 2021, la plateforme devrait accueillir les signalements d’actes de discrimination et de cyber-harcèlement. Le dispositif sera renforcé par de nouveaux effectifs : trente policiers spécialement formés traiteront les signalements sur internet au moyen d’un « chat ».

iii.   Il s’agirait à présent de donner aux victimes la possibilité de porter plainte en ligne

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit la possibilité – désormais inscrite à l’article 15-3-1 du code de procédure pénale – de déposer plainte directement en ligne dans des conditions définies par voie règlementaire. Cette possibilité serait particulièrement utile pour les victimes d’actes à caractère raciste ou discriminatoire, souvent hésitantes à se rendre en commissariat ou en gendarmerie.

Dans une contribution écrite adressée à la mission d’information, la DGPN a indiqué qu’une équipe dédiée au projet « plainte en ligne », constituée d’un commissaire de police, d’un lieutenant-colonel de gendarmerie et d’un chargé de mission du ministère de la justice avait été mise en place en février 2020 dans le cadre du programme interministériel « procédure pénale numérique ».

Toutefois, et malgré l’engagement fort de la ministre ([502]) pour que la plainte en ligne serve « prioritairement » les victimes de racisme – et ce « à compter du premier semestre 2020 » –, l’arrêté du 26 juin 2020 relatif aux plaintes par voie électronique limite la possibilité de porter plainte en ligne à trois infractions commises en ligne – l’escroquerie, le chantage et certaines extorsions ([503]) –, excluant de fait la possibilité de porter plainte pour des infractions à caractère raciste.

Votre rapporteure souligne que cette innovation, permise pour d’autres infractions, est une solution prometteuse en réponse aux phénomènes de sous-déclarations. Il serait donc opportun qu’un autre arrêté soit pris rapidement pour compléter le décret du 24 mai 2019 pris en application de la loi du 23 mars 2019 précitée, afin d’étendre le champ de la plainte en ligne aux infractions à caractère raciste et discriminatoire.

Recommandation n° 19

Étendre aux victimes de racisme, d’antisémitisme et de discrimination le dispositif permettant de déposer une plainte en ligne.

2.   L’importance de la formation des magistrats et policiers aux enjeux de la lutte contre le racisme

Vu la complexité du cadre juridique relatif aux infractions de presse et la difficulté de caractériser la circonstance aggravante de racisme, il est impératif que les professionnels intervenant tout au long de la chaîne pénale reçoivent une formation spécifique afin de permettre une application adéquate de la loi.

a.   La formation des magistrats

Aux termes de l’article 14 de la loi organique relative au statut de la magistrature, la formation initiale et continue des magistrats et des auditeurs de justice est assurée par l’École nationale de la magistrature (ENM) dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État.

De l’avis de tous les intervenants venus s’exprimer sur ce sujet devant la mission d’information, la formation initiale accorde suffisamment d’importance à la thématique du racisme. La formation continue centralisée, quant à elle, a été spécifiquement renforcée à cette fin. De plus en plus, elle est complétée par des actions de formation « régionale » au sein de chaque juridiction.

i.   La formation continue centralisée : une session de six jours dédiée au racisme

L’ENM a développé, en collaboration avec de nombreux partenaires institutionnels ([504]), une formation spécifiquement dédiée au traitement judiciaire du racisme et des discours de haine.

La durée de cette formation a été doublée. Elle est désormais organisée autour de deux modules de trois jours chacun :

– un module général et pluridisciplinaire sur les enjeux sociaux liés au racisme : il fait intervenir des historiens, sociologues, psychologues, etc. ;

– un module technique sur le traitement juridique des infractions à caractère raciste : il traite notamment du droit de la presse (incriminations, qualification des faits, régime de prescription), du recueil des preuves et de la reconnaissance de la circonstance aggravante. Il fait intervenir des avocats, des policiers et gendarmes.

La formation dédiée au racisme poursuit donc à la fois un objectif de formation générale et un objectif opérationnel, en donnant aux magistrats – et, particulièrement, aux « référents anti-discriminations » des parquets – les outils nécessaires pour traiter les difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

Les sujets liés au racisme sont également abordés de manière transversale au cours des autres sessions de formation, par exemple les sessions consacrées au droit du travail, au droit des infractions de presse ou à la cybercriminalité.

Les formations de l’ENM ont la particularité d’être ouvertes à un public extérieur (policiers, gendarmes, militants associatifs, etc.), qui représente environ un quart des auditeurs. Au-delà des magistrats, ces formations permettent donc de former les partenaires de la justice et l’ensemble des personnes qui interviennent pour réprimer les infractions à caractère raciste ou discriminatoire.

ii.   La formation continue décentralisée et outils pédagogiques

Les juridictions peuvent également prendre l’initiative d’organiser des formations de manière déconcentrée, dans le cadre de la « formation continue régionale ».

En 2019, plusieurs actions ont été menées sur le thème du racisme et des discriminations, comme à Aix-en-Provence ou à Versailles, avec l’appui de la DILCRAH et de la Fondation du Camp des Milles.

En complément de ces sessions de formation, les magistrats disposent de nombreuses ressources pédagogiques :

– une plateforme Moodle rassemblant toute la documentation utile sur les infractions à caractère raciste ;

– un guide sur le droit de la presse publié par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), auquel les magistrats peuvent se référer quand ils sont confrontés à ce type d’infractions.

b.   La formation des policiers et gendarmes

L’obligation d’une formation adaptée et actualisée est inscrite à l’article R. 434-6 du code de la sécurité intérieure : « L’autorité investie du pouvoir hiérarchique conçoit et met en œuvre au profit des personnels une formation adaptée, en particulier dans les domaines touchant au respect de l’intégrité physique et de la dignité des personnes ainsi qu’aux libertés publiques. Cette formation est régulièrement mise à jour pour tenir compte des évolutions affectant l’exercice des missions de police administrative et judiciaire. »

Les enjeux liés au racisme sont traités à la fois :

– de manière transversale, au titre des obligations déontologiques

– de manière plus spécifique dans les chapitres consacrés au contrôle d’identité, à l’accueil des victimes ou aux droits des ressortissants étrangers.

Si les questions liées au racisme et aux discriminations ont pris une part croissante dans la formation initiale et continue des gendarmes et des policiers, certaines lacunes subsistent qui appellent des efforts supplémentaires.

i.   La formation initiale

Les modalités de formation au sein de la police et la gendarmerie dépendent du corps d’appartenance des élèves-fonctionnaires. Ainsi, pour s’en tenir à la police nationale :

– les commissaires de police sont formés à l’École nationale supérieure de la police (ENSP) ([505]). La problématique du racisme et des discriminations est abordée sous l’angle de la déontologie et au cours des formations spécifiques portant sur le contrôle d’identité et sur l’accueil du public ;

– les officiers de police reçoivent une formation spécifique à la lutte contre les discriminations sous l’angle des relations avec le public et sous l’angle plus général des droits et des obligations des fonctionnaires de police. Un module de trois heures, co-animé par un psychologue de l’ENSP, aborde la problématique sous la forme d’études de cas et de questions sur la déontologie et l’éthique. Les questions liées aux discriminations et au racisme sont également étudiées au cours des modules de formation à la police judiciaire, aux libertés publiques, à l’accueil des victimes ;

– pour les gardiens de la paix, dont la formation dure deux ans dont désormais huit mois en école, le thème des discriminations est abordé dans le cadre de modules conçus par la LICRA sur la relation avec la population, la prise de plainte et le contrôle d’identité.

La formation des policiers et gendarmes de tous corps est enrichie de conférences et d’interventions organisées par la LICRA, la DILCRAH, par le Défenseur des droits et par l’association Flag !, qui intervient plus spécialement sur le thème des discriminations à raison de l’orientation sexuelle.

Depuis la convention signée le 11 avril 2018 entre l’ENSP, la DILCRAH et la Maison d’Izieu, les futurs commissaires et officiers de police bénéficient également d’une journée spécifique de sensibilisation à la lutte contre les discriminations, comportant un déplacement au mémorial des enfants d’Izieu.

ii.   La formation continue

La formation continue est obligatoire à plusieurs étapes de la carrière des policiers et gendarmes, que ce soit pour la promotion à un grade ou pour l’accès à de nouvelles qualifications, comme la qualification d’officier de police judiciaire (OPJ). Ces formations ont une forte composante déontologique. Par exemple, la formation prévue pour les capitaines de police dans le cadre de l’avancement au grade de commandant prévoit un cours de trois heures sur la diversité.

Indépendamment de la formation règlementaire dispensée à l’occasion des évolutions de carrière, des « rappels » déontologiques et juridiques sont régulièrement effectués. Pour tous les agents de police judiciaire (APJ), le centre national de formation de la sécurité publique dispense un stage qui rappelle les règles par des mises en situation concrètes. Dans le cadre du label « diversité égalité » désormais attribué au ministère de l’intérieur ([506]), ces obligations de formation ont été renforcées.

La formation à la déontologie des gendarmes et policiers est conçue de la même manière et dans le même état d’esprit que celle des magistrats, en concertation avec les partenaires institutionnels ou associatifs (LICRA, DILCRAH, Défenseur des droits, OCLCH, etc.). La définition des contenus fait aussi intervenir les services d’inspection. L’IGGN est en train d’élaborer avec le Défenseur des droits un enseignement à distance sur la déontologie et les discriminations qui aura vocation à être suivi de manière obligatoire par l’ensemble des élèves-gendarmes.

Enfin, comme les magistrats, les policiers et gendarmes ont à leur disposition un grand nombre d’outils documentaires publics ou internes ([507]).

iii.   La formation des policiers et gendarmes doit être renforcée

Malgré la place croissante de la thématique du racisme dans la formation, les auditions ont révélé une insuffisance des moyens consacrés à la formation initiale et continue des policiers et gendarmes.

La durée de la formation initiale a diminué en juin 2020, passant de douze mois en école à huit mois pour les élèves gardiens de la paix.

Entendu le 30 novembre 2020 par la commission des lois de l’Assemblée nationale ([508]), le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a reconnu « une erreur » qu’il souhaite corriger en restaurant l’importance de la formation initiale.

Le général de corps d’armée Alain Pidoux, chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a indiqué que son attention est plus particulièrement portée sur la qualité de la formation continue des gendarmes : « La formation initiale est un socle solide, du moins en temps normal – sa durée a été réduite du fait de la crise sanitaire. Il est aujourd’hui urgent de revenir à la durée normale de formation, surtout en école. La formation continue est correcte, mais il faut la renforcer ([509]). »

Les syndicats de police regrettent, quant à eux, que davantage de moyens ne soient pas consacrés à la formation continue. Selon M. Sylvain Durante, secrétaire général adjoint d’Alternative Police CFDT, les séances pédagogiques sur la lutte contre les discriminations à caractère racial pourraient s’inspirer de ce qui est fait par l’association Flag ! pour les discriminations homophobes. Le succès de ce modèle tient au fait que l’association a été créée par les policiers eux-mêmes et suscite de ce fait une adhésion bien plus forte.

Aussi, sans négliger l’importance des partenaires extérieurs à l’école, il pourrait être efficace d’encourager les initiatives pédagogiques mises en œuvre par les gendarmes et policiers eux-mêmes au bénéfice de leurs pairs.

Recommandation n° 20

Renforcer la formation initiale et continue des policiers et des gendarmes en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations raciales.

 

Recommandation n° 21

Encourager, au sein de la police et de la gendarmerie, la formation par les pairs et les initiatives internes pour lutter contre les préjugés racistes.

c.   Favoriser la diversité sociale dès le recrutement

À côté de la formation, il importe que les magistrats, gendarmes et policiers soient autant que possible représentatifs de l’ensemble de la société qu’ils servent.

S’il est indéniable que des efforts sont faits en ce sens – comme en atteste le « label diversité » attribué en 2018 au ministère de l’intérieur –, il est primordial que le recrutement initial n’exclue ni ne décourage aucune partie de la population. L’égalité d’accès aux concours est une condition fondamentale de la confiance accordée par les citoyens dans leurs institutions, surtout quand celles-ci sont chargées de veiller à lutter contre les discriminations.

À cet égard, le dispositif des « classes préparatoires intégrées », qui existe pour la gendarmerie, la police et pour les magistrats ([510]), est d’une efficacité qu’il convient de saluer. Dans une logique d’universalité, ces dispositifs d’égalité n’incluent pas et ne doivent pas inclure de mécanismes de « discrimination positive » sur critères ethniques. En revanche, ils permettent de compenser certains handicaps liés au milieu social ou au lieu de résidence, facteurs souvent corrélés à l’origine.

Votre rapporteure souligne le rôle positif joué par les classes préparatoires intégrées à destination des candidats défavorisés et souhaite que les modalités de recrutements des magistrats et policiers tiennent compte de l’incidence des inégalités sociales dans les conditions de préparation des concours, sans remettre en cause le principe de la méritocratie républicaine.

3.   La nécessité d’une politique pénale adaptée

La politique pénale est mise en œuvre par le ministère public, qui a un rôle de contrôle sur la police judiciaire et décide de l’issue donnée à une plainte : classement sans suite, mesures alternatives aux poursuites ou poursuites pénales. Les qualifications retenues par le procureur et la peine qu’il requiert sont déterminantes dans l’efficacité de la réponse pénale.

C’est pourquoi, depuis plusieurs années, le ministre de la justice rappelle aux procureurs, au moyen de dépêches et circulaires ([511]), la priorité attachée à la poursuite des infractions racistes et les contraintes de procédure à respecter. En matière de racisme et de discriminations, il conviendra de veiller au contexte de commission de l’infraction et à la valeur pédagogique de la sanction.

a.   Poursuivre la spécialisation des magistrats du parquet

En complément de la formation générale des magistrats, la spécialisation croissance des magistrats du parquet contribue à une réponse pénale adaptée. La création de « pôles anti-discriminations » et de « magistrats référents » spécialisés dans les infractions à caractère raciste ou discriminatoire permet d’améliorer l’efficacité de l’action publique dans ce domaine.

i.   Le renforcement des « pôles anti-discriminations » au sein des parquets

Depuis la dépêche du 11 juillet 2007 relative à la lutte contre les discriminations, chaque tribunal de grande instance comprend un « pôle anti-discriminations » destiné à améliorer la qualité de la réponse pénale en la matière. Par la suite, la compétence de ces pôles a été étendue ([512]) aux infractions à caractère raciste.

Ces pôles comprennent : le magistrat référent, un délégué du procureur spécialisé, les services d’enquête, et des représentants des administrations et des associations de lutte contre le racisme. Dans certains ressorts, une « cellule de veille » complète le pôle anti-discriminations en intégrant des représentants des autorités religieuses et des associations cultuelles.

La circulaire du 4 avril 2019 note toutefois qu’il serait encore souhaitable de renforcer les relations des parquets avec les représentants des associations de lutte contre le racisme, avec le Défenseur des droits et avec les comités opérationnels de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (CORAH) ([513]).

Par ailleurs, seules les juridictions les plus importantes ont effectivement mis en place un pôle anti-discriminations ([514]), comme l’a confirmé le ministre de la justice dans la réponse écrite qu’il a adressée à la mission d’information à la suite de son audition. Votre rapporteure souhaiterait donc que les pôles anti-discriminations soient étendus à l’ensemble des juridictions.

ii.   Le rôle essentiel des « magistrats référents » en matière de racisme

Tous les parquets – sans exception – disposent d’un « magistrat référent » qui est l’interlocuteur privilégié des acteurs locaux de lutte contre le racisme.

La création de magistrats référents « antisémitisme » résulte d’une dépêche du ministre de la justice du 18 novembre 2003. Leur compétence a été étendue par une dépêche du 11 juillet 2007 à l’ensemble des faits de racisme et de discrimination.

Les référents sont désignés par un magistrat du parquet. Ils animent la politique pénale en matière de racisme et de discriminations et sont avisés des plaintes en la matière. Ils sont l’interlocuteur privilégié de l’ensemble des partenaires œuvrant dans ce domaine.

Leur action s’organise autour de quatre axes :

– la coordination de la politique pénale en matière de racisme et le suivi des procédures portant sur les faits les plus graves ;

– l’échange d’information entre les parquets, les préfectures, les services de police et le rectorat ;

– l’échange avec les représentants des communautés religieuses et les associations ;

– la formation des enquêteurs. Ce rôle est renforcé par la circulaire précitée du 4 avril 2019, qui veut en faire un véritable « relais de formation » auprès des services d’enquête.

Le réseau des référents est animé par la direction des affaires criminelles et des grâces. Selon la contribution écrite adressée par le ministère de la justice, la dernière réunion des référents s’est tenue le 18 novembre 2019 en présence de l’ancienne garde des Sceaux.

Votre rapporteure estime que le réseau des référents devrait se réunir et échanger de façon plus régulière afin d’assurer une animation plus efficace de la politique pénale en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Recommandation n° 22

Développer les échanges au sein du réseau des « magistrats référents » sur le racisme afin d’assurer une animation plus efficace de la politique pénale en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

b.   Encourager les stages de citoyenneté et sanctions pédagogiques

Le principe de spécialisation du parquet a aussi vocation à permettre une réponse pénale efficace, c’est-à-dire susceptible de prévenir la récidive. La tendance, soulignée par les circulaires successives du ministre de la justice, est de favoriser les réponses pédagogiques, en fonction de la personnalité de l’auteur : « en matière de lutte contre la haine, une incitation à la réflexion chez les auteurs d’infraction doit être encouragée ([515]). »

Ces réponses pédagogiques prennent principalement ([516]) deux formes : les stages de citoyenneté, à titre d’alternative aux poursuites ou à titre de peine, et les peines complémentaires d’affichage et de diffusion.

i.   Les stages de citoyenneté

Créés par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les stages de citoyenneté peuvent favoriser la réinsertion de l’auteur d’actes racistes. Ils ont vocation à rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité de l’homme. « Ils sont particulièrement indiqués pour les auteurs qui banaliseraient ou minimiseraient la gravité des faits, ou dont le discours et les représentations sur la tolérance, le respect de l’autre, le racisme ou les discriminations apparaîtraient problématiques. ([517]). »

L’intérêt du stage de citoyenneté a été défendu par le ministre de la justice devant la mission d’information : « Les juifs de France que j’ai rencontrés sont très entreprenants sur cette question et très favorables à ce stage de citoyenneté, avec ses explications, ses visites de lieux mémoriels. Cela fait partie des alternatives aux poursuites qu’il faut développer, parce que cela permet à un certain nombre de gamins qui ne savent pas ce qu’ils disent de le réaliser. ([518])  »

Les stages de citoyenneté peuvent être ordonnés :

– au stade pré-sententiel : à titre d’alternatives aux poursuites ;

– au stade post-sententiel : à titre de peine complémentaire (sauf pour les délits de presse) ([519]) ou à titre de peine principale alternative à l’emprisonnement sur le fondement de l’article 131-5-1 du code pénal.

À la suite des travaux menés en 2015 par la DACG avec la Fédération citoyens et justice ([520]), tous les stages de citoyenneté intègrent un module « vivre ensemble dans la diversité » qui traite de la question du racisme sous un angle historique et sociologique.

À côté de ces modules intégrés aux stages de citoyenneté « classiques », des stages de citoyenneté entièrement consacrés au thème du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations ont aussi été créés grâce à des partenariats innovants avec le Mémorial de la Shoah.

Une première convention a été signée en 2014 avec le parquet de Paris, puis avec les parquets généraux de Lyon et d’Aix-en-Provence ([521]), afin de mettre en place ce type de stage dans leur ressort. Depuis, les cours d’appel de Lyon et d’Aix-en-Provence ont pu organiser en moyenne un stage par an. Toutefois, d’après la DILCRAH ([522]) ces deux cours d’appel ont des difficultés à trouver suffisamment de candidats pour chaque session, à cause d’un nombre relativement peu élevé d’infractions caractérisées comme racistes ou discriminatoires.

Aussi, avant de développer d’autres partenariats avec d’autres lieux de mémoire nationaux ou locaux – comme y encourage la circulaire du 4 avril 2019 adressée aux procureurs –, il conviendrait d’évaluer précisément les besoins de chaque ressort, quitte à renforcer à certains endroits les modules « racisme » des stages de citoyenneté de droit commun plutôt que de créer de nouveaux stages spécifiques.

Le stage de « sensibilisation à l’histoire de la Shoah »

En 2014, le parquet de Paris a mis en place, en partenariat avec le Mémorial de la Shoah, un stage de citoyenneté intitulé « sensibilisation à l’histoire de la Shoah ». Le stage est organisé sur deux jours. Son contenu est en réalité plus large que l’intitulé le suggère, puisqu’il aborde toutes les formes de racisme, dans ses dimensions historiques et sociologiques. Les stagiaires reçoivent un livret intitulé « Les mécanismes du racisme et de l’antisémitisme » qui récapipule les points évoqués au cours du stage. Les thèmes sont abordés sous forme d’ateliers basés sur différents supports (vidéos, documents historiques, etc.). Les stagiaires sont invités à participer activement et à réfléchir à la construction des préjugés. Le stage comprend une visite au Mémorial de la Shoah. Il fait intervenir des universitaires et des rescapés de génocides (Holocauste ou génocide rwandais par exemple). À la fin du stage, un représentant du ministère public rappelle les raisons pour lesquelles le public a été conduit à effectuer ce stage et les peines encourues pour les infractions à caractère raciste.

ii.   La peine complémentaire d’affichage et de diffusion

Comme le stage de citoyenneté, la peine d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée répond à un objectif pédagogique : elle permet de faire mieux connaître les interdits légaux et les conséquences de leur transgression. Elle contribue à faire prendre conscience à l’auteur d’une infraction de sa responsabilité pénale.

Le régime de ces peines complémentaires est prévu à l’article 131-35 du code pénal :

– la peine d’affichage s’exécute dans un lieu déterminé par la juridiction, pour une durée maximale de deux mois ;

– la diffusion est faite par le Journal officiel, par des journaux ou sur internet par des services de communication au public par voie électronique.

Depuis la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration du droit, il est expressément prévu que la peine d’affichage et la peine de diffusion puissent être cumulées.

Or, en pratique, ces peines sont peu requises et peu prononcées, même séparément. Entre 2012 et 2018, seules une peine d’affichage et six peines de diffusion ont été prononcées ([523]).

Votre rapporteure estime donc que ces peines pourraient être davantage utilisées, en particulier, s’agissant des délits de presse, quand le prévenu est susceptible de s’exprimer dans les médias audiovisuels. Dans ce cas, la peine d’affichage permet de s’assurer que les chaînes de radio et de télévision n’ignorent pas leurs responsabilités. S’il est « souhaitable d’éviter la publication du jugement de condamnation sur le site même des personnes qui revendiquent le discours raciste » afin d’éviter toute « reprise apologétique des propos ou des faits » ([524]), il pourrait en revanche être opportun d’imposer une obligation, même brève, de diffusion aux chaînes de télévision sur lesquelles les propos ont pu être tenus.


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III.   lutter contre les Inégalités et les discriminations et tenir la promesse républicaine

Comme l’ont rappelé nombre des personnes auditionnées, racisme et discriminations sont deux notions distinctes qui ne se recouvrent pas nécessairement. Tout racisme n’emporte pas discrimination.

La question des discriminations dites raciales, ethno-raciales ou liées à l’origine, peut, selon les situations, relever de différents motifs de discrimination interdits par la loi, en particulier l’apparence physique, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée (infra). Le patronyme et la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français font également partie des sources de préjugés qui peuvent laisser penser à une origine étrangère et être la source de discriminations, ainsi que des stéréotypes socio-culturels relatifs au lieu de résidence.

A.   le traitement des discriminations interdites par la loi doit être amélioré

Les discriminations emportent des conséquences très concrètes dans la vie des personnes qui y sont exposées. Le lien avec la lutte contre le racisme, tel qu’il est établi par votre rapporteure à l’issue des auditions est très clair. La discrimination raciale recouvre une part du racisme concrétisé : « racisme et discriminations forment un continuum inextricable, […] la discrimination est du « racisme en acte » » selon la qualification de chercheurs ([525]).

Ce graphique issu du treizième baromètre La perception des discriminations dans l’emploi du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail (OIT), publié en décembre 2020 illustre le continuum des attitudes hostiles.

Il convient ici de relever que l’agent qui prend la décision n’a pas à être lui-même raciste ni animé d’une intention de discrimination raciste pour que la discrimination raciale existe.

Votre rapporteure souligne que de nombreux acteurs ont rappelé que les discriminations sapent la promesse républicaine de méritocratie et d’égalité. Les laisser perdurer serait une faute, à la fois parce qu’elles sont intrinsèquement injustes et contraires aux valeurs de la République et parce qu’elles décrédibilisent un très vaste champ de nos politiques publiques liées à la lutte contre le racisme. Leurs dommages, parce qu’elles sont constatées depuis de nombreuses années, sont élevés : elles sont au cœur des accusations de ce que certains dénoncent comme du racisme systémique.

1.   Des évolutions majeures du droit français dans les années 2000, sous l’impulsion du droit européen

Le cadre normatif international affirme de longue date la lutte contre les discriminations. Il en est ainsi du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (en son article 26 notamment) et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 (article 14).

Le droit à la non-discrimination s’est trouvé renforcé, au niveau de l’Union européenne, pour la défense de ce droit en lui-même, mais aussi parce que la construction du marché commun européen implique une non-discrimination entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres, les entreprises nationales ne devant bénéficier d’aucune distorsion de concurrence au détriment des autres entreprises communautaires (article 10 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et partie II du traité intitulée : « Non-discrimination et citoyenneté de l'Union »).

La loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, dite « loi Pleven », a créé dans le code pénal les premières sanctions contre les discriminations fondées sur l’appartenance ou la non-appartenance de la victime à une nation, une ethnie, une race ou une religion déterminée (en cas de refus ou d’offre conditionnelle d’un bien ou d’un service, de refus d’embauche ou de licenciement).

L’article 225-1 du code pénal ([526]) définit aujourd’hui la discrimination prohibée comme : « toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. » Ce sont ainsi vingt-cinq critères de discrimination qui sont posés pour les personnes physiques et pour les personnes morales (au second alinéa de l’article précité).

L’article 225-2 du code pénal complète cet article pour définir l’objet de la discrimination au plan pénal et la peine applicable. Ainsi, la discrimination, commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste :

– à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ;

– à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;

– à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;

– à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des motifs visés à l’article 225-1 ;

– à subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des motifs visés à l'article 225-1 ;

– à refuser d'accepter une personne à un stage.

Lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.

L’article 225-3 du code pénal dispose toutefois que l’article 225-2 n’est pas applicable à certaines discriminations (certaines discriminations fondées sur l’état de santé, en matière de prévention et de de couverture du risque décès ou d’atteinte à l’intégrité physique, s’il n’est pas recouru aux résultats de tests génétiques ni aux conséquences d’un prélèvement d’organe ; un refus d'embauche ou un licenciement fondé sur une inaptitude médicalement constatée ; certaines discriminations fondées, en matière d'embauche, sur un motif mentionné à l'article 225-1, lorsqu'un tel motif constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ; certaines discriminations fondées sur le sexe pour l’accès aux biens et services ; les refus d'embauche fondés sur la nationalité lorsqu'ils résultent de l'application des dispositions statutaires relatives à la fonction publique ; les discriminations liées au lieu de résidence lorsque la personne chargée de la fourniture d'un bien ou service se trouve en situation de danger manifeste – cette condition étant d’interprétation restreinte).

Il est en outre précisé que les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination.

Votre rapporteure observe que les procédures de sélection des risques et de différenciation tarifaire, par exemple dans le domaine assurantiel, si elles sont autorisées dans certains cas, sont encadrées et ne doivent pas constituer des discriminations.

Il convient de souligner qu’en application de l’article 2-1 du code de procédure pénale, toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans (ou fondation reconnue d’utilité publique), œuvrant à la lutte contre le racisme ou les discrimination fondées sur l’origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile ([527]), soit en portant plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction après le classement sans suite d’une première plainte par le procureur, soit en se joignant à une procédure en cours, à tout moment jusqu’à l’audience. La possibilité de se constituer partie civile concerne, d'une part, les discriminations, et, d'autre part, les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne, les menaces, les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations qui ont été commis à raison de l’origine nationale de la victime, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée. Si les infractions doivent revêtir un caractère raciste pour que l’association puisse se porter partie civile, en revanche le juge d’instruction et le juge du fond ne sont pas tenus par les qualifications retenues par le procureur et peuvent requalifier les faits. En outre, conformément aux règles de droit commun en matière de plainte avec constitution de partie civile, l’association peut se voir imposer par le juge d’instruction l’obligation de déposer une consignation restituée à l’issue de la procédure. Cette obligation, inscrite à l’article 88 du code de procédure pénale, concerne aussi les personnes physiques qui souhaitent porter plainte avec constitution de partie civile : « Le juge d'instruction constate, par ordonnance, le dépôt de la plainte. En fonction des ressources de la partie civile, il fixe le montant de la consignation que celle-ci doit, si elle n'a obtenu l'aide juridictionnelle, déposer au greffe et le délai dans lequel elle devra être faite sous peine de non-recevabilité de la plainte ». Ce « filtre » vise à prévenir ainsi les procédures abusives alors que le ministère public avait écarté une première plainte pour des raisons d’opportunité.  En pratique, l’obligation pour le juge d’instruction de fixer le montant de la consignation en tenant compte des ressources de la partie civile et la possibilité pour le juge de la « dispenser » complètement de consignation font que le mécanisme est équilibré.

Les progrès de la construction européenne et son approfondissement ont abouti, en 1997, avec le traité d’Amsterdam, à l’élargissement des compétences de l’Union européenne en matière de lutte contre les discriminations.

En 2000 ont été adoptées deux directives importantes : la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique et la directive 2000/78/CE du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. L’Union européenne a également mis en œuvre un Programme d’action communautaire de lutte contre la discrimination (2001-2006).

a.   Les années 2000 ont été marquées par la loi de lutte contre les discriminations, la création de la HALDE puis celle du Défenseur des droits

La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a rénové le cadre normatif français en matière de discrimination pour tenir compte des évolutions du droit européen et des procédures précontentieuses menées à l’époque contre la France par la Commission européenne ([528]).

En application de cette loi, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement d’un motif interdit, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ([529]). Les critères visés sont ceux prévus par le code pénal auxquels s’ajoute celui de la domiciliation bancaire, introduit par l’article 70 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Il est en effet apparu que de nombreuses discriminations dans l’accès au logement étaient opérées sur ce motif (refus de prêts et de cautions locatives) ([530]).

La discrimination recouvre actuellement à la fois la discrimination directe et la discrimination indirecte définie comme « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés […] un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes ([531]). » Il convient de relever que le code pénal n’incrimine pour sa part que la discrimination directe et nécessite d’apporter la preuve de l’élément intentionnel, ce qui s’avère particulièrement complexe.

Le Défenseur des droits rappelle, dans son rapport Discriminations et origines : l’urgence d’agir, paru en 2020, que « la grille de lecture du droit ne vise plus seulement la répression d’une faute mais la correction d’une mesure qui engendre une inégalité de traitement. C’est dans la foulée de la sanction des discriminations indirectes que la dimension collective et systémique du droit à la non-discrimination a pris une nouvelle ampleur. »

Les discriminations prohibées incluent également :

– le harcèlement discriminatoire, défini comme tout agissement lié à l'un des motifs interdits, subi « par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » et

– le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par ladite loi.

L’article 2 de la loi précitée fixe les grands principes et les dérogations possibles selon les situations concernées. D’une manière générale, s’il demeure possible de fonder une différence de traitement sur la base d’un des critères visés par la loi, ces exceptions sont strictement encadrées.

Pour ce qui intéresse spécifiquement la présente mission d’information, l’article 2 précité dispose que, en matière d’emploi, sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif prévu par la loi est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, d'accès à l'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle. Ce principe ne fait toutefois pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés par la loi « lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ».

Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif visé par la loi est également interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services. Ce principe ne fait, en règle générale, pas obstacle à ce que des différences soient faites selon ces motifs « lorsqu'elles sont justifiées par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés. » Mais cette dérogation « n'est pas applicable aux différences de traitement fondées sur l'origine, le patronyme ou l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une prétendue race ».

Les principes posés ne font notamment pas obstacle aux mesures prises en faveur des personnes handicapées et visant à favoriser l'égalité de traitement ou encore aux mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement.

Il convient enfin de relever que la loi vise à protéger les témoins et les victimes et qu’« aucune personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait. Aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée » (article 3 de la loi).

Un autre point très important réside dans l’aménagement de la charge de la preuve, prévu à l’article 4, devant la justice civile et administrative (il ne s’applique pas devant les juridictions pénales). Ainsi, « toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

En outre, en application de l’article 1263-1 du code civil, les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et luttant, par leurs statuts, contre les discriminations peuvent exercer les actions en justice qui naissent de la loi n° 2008-496 précitée en faveur de la victime d'une discrimination.

Les moyens d’agir en justice ont également été récemment élargis aux actions de groupe en matière de discrimination, qui ont été rendues possibles par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Les voies juridictionnelles existantes apparaissaient insuffisantes pour répondre au défi posé par la lutte contre les discriminations.

La loi a ainsi ouvert le champ de l’action de groupe à la lutte contre les discriminations, avec une déclinaison spécifique pour les discriminations au travail. Ont la capacité d’agir en justice les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et agissant pour la lutte contre les discriminations ou dans le domaine du handicap. Elles peuvent agir devant une juridiction civile ou administrative « afin d'établir que plusieurs personnes physiques font l'objet d'une discrimination directe ou indirecte, au sens de la présente loi ou des dispositions législatives en vigueur, fondée sur un même motif et imputable à une même personne », en application de l’article 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 modifiée.

Au plan institutionnel, la loi du 30 décembre 2004 ([532])  a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), autorité administrative indépendante, et lui a conféré la mission de lutter contre les discriminations interdites par la loi, d’accompagner les victimes ainsi que d’identifier et de promouvoir les bonnes pratiques pour concrétiser le principe d’égalité. La HALDE s’est vu confier un rôle de traitement des réclamations au plan juridique pour favoriser la sanction effective des discriminations.

Le Défenseur des droits est issu de la fusion de la HALDE, du Défenseur des enfants, du Médiateur de la République et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante créée par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, qui lui a conféré une place éminente au sein de nos institutions au nouvel article 71-1 de la Constitution au sein du nouveau titre XI bis de la Constitution. Le Défenseur des droits a ensuite été institué par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits et la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.

Pouvant être saisi par toute personne s’estimant lésée dans un droit, le Défenseur des droits dispose de pouvoirs d’investigation pour instruire les dossiers. Il peut produire des observations devant les juridictions saisies par les victimes et contribuer à faire progresser la jurisprudence. Il émet des avis et des recommandations auprès du Gouvernement, du Parlement et de l’ensemble des autorités publiques afin de favoriser l’amélioration des dispositions applicables dans ce domaine ([533]).

M. Samuel Thomas, délégué général de la Fédération nationale des maisons des potes, a souligné devant la mission d’information qu’après cet élan de réforme, la lutte contre les discriminations marque depuis plusieurs années un palier très préoccupant :

« Les dix dernières années ont incontestablement été une période d’inefficacité de la justice contre les actes racistes, alors que le début des années 2000 a été une période d’efficacité, notamment du fait de l’injonction de l’Europe avec sa directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, dite directive antiraciste du 29 juin 2000. C’est une époque durant laquelle nous avons cru être débarrassés de la menace de l’extrême droite en France, avec la scission du Front national (FN) qui a donné naissance au Mouvement national républicain (MNR), en 1999. En deux ans, de 2000 à 2002, j’ai gagné cent procès pour discrimination à caractère raciste à l’entrée des discothèques. Les principales jurisprudences sur ce sujet ont été établies à cette époque. ([534]) » 

b.   Le code du travail prévoit des aménagements spécifiques mais le recours contentieux demeure très difficile

L’article 70 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a mis en cohérence les dispositions figurant dans le code du travail interdisant les discriminations avec les critères du code pénal.

Plus récemment, l’article 190 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a prohibé le fait d’écarter une personne d’une procédure de nomination en raison d’un critère interdit.

L’article L. 1132-1 du code du travail précise les motifs de discrimination interdits et le champ sur lequel ils s’appliquent.

Ainsi :

–  aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise ;

– aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.

Il convient de relever qu’un salarié qui aurait agi en justice pour dénoncer une discrimination est protégé d’une mesure de licenciement qui serait prise en rétorsion et aura droit en l’espèce à une réintégration dans l’entreprise (article L. 1134-4 du code du travail). Les salariés témoignant dans le cadre de ces affaires sont également protégés par les dispositions de l’article L. 1132-3 du code du travail.

En outre, en cas de licenciement discriminatoire, le barème de plafonnement des indemnités de licenciement définies par les juges prud'homaux en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne s’applique pas.

La capacité à agir en justice a été progressivement élargie avec la reconnaissance de la capacité des syndicats et associations et avec l’instrument de l’action de groupe.

S’agissant du droit du travail, en application de l’article L. 1134-2 du code du travail, les organisations syndicales représentatives au niveau national, départemental ou dans l’entreprise peuvent agir en justice sur la base des dispositions du code du travail relatives au principe de non-discrimination, en lieu et place du salarié victime, ou du candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise. Le syndicat n’a pas à justifier d’un mandat de l’intéressé ([535]).

En application de l’article L. 1134-3 du code du travail, les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent agir en justice sur la base des dispositions du code du travail relatives au principe de non-discrimination. Elles peuvent exercer ces actions en faveur d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise ou d'un salarié, sous réserve de justifier d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment.

L’action de groupe en matière de discriminations au travail porte encore peu de fruits. Pour ce qui concerne les discriminations dans l’emploi, l’article L. 1134-7 du code du travail dispose qu’une organisation syndicale de salariés représentative peut agir devant une juridiction civile afin d'établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un motif interdit, et imputable à un même employeur. Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, mais uniquement pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage.

Pour ce qui concerne la fonction publique, les dispositions correspondantes figurent à l’article L. 77-11-2 du code de justice administrative.

Les actions de groupe sont coûteuses et très peu utilisées souligne le Défenseur des droits dans son rapport Discriminations et origines : l’urgence d’agir. Elles doivent en tout état de cause être précédées d’une phase préalable obligatoire d’échanges entre l’employeur, le comité social et économique et les organisations syndicales sur les mesures qui permettraient de faire cesser la situation de discrimination. Ce n’est qu’en l’absence d’action de l’employeur pendant six mois que l’action de groupe peut être introduite devant une juridiction.

Ainsi, souligne le ministère de la justice dans une note adressée à la mission d’information le 12 janvier 2021, l’on « peut se demander si cette phase préalable de discussion au sein de l’entreprise n’a pas permis de régler de manière consensuelle un certain nombre de discriminations, ce qui expliquerait qu’une seule action de groupe ait à ce jour été engagée en la matière. Cette action de groupe a été rejetée par le tribunal judiciaire de Paris le 15 décembre 2020 principalement pour des raisons tenant à la non-rétroactivité de la loi. »

Le Défenseur des droits préconise pour sa part une réforme rapide, en précisant le rôle du juge, en élargissant les voies d’accès et en créant un fonds de financement des recours collectifs ([536]).

Votre rapporteure préconise de lancer les travaux de recensement des freins et de l’impact de l’action de groupe en vue d’une réforme du dispositif.

Recommandation n° 23

Analyser précisément les freins limitant l’impact de l’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations en fonction de l’origine et mener une concertation avec les partenaires sociaux et les associations sur les moyens d’atteindre une réelle effectivité.

2.   Les études disponibles attestent de discriminations persistantes

Il convient de rappeler que l’on observe, au plan démographique, que la part des couples mixtes est importante en France ([537])  et constitue un facteur très positif qui doit aller dans le sens d’un recul du racisme et des discriminations. M. Hervé Le Bras, démographe, a souligné au cours de l’audition du 2 juillet 2020 ([538])  : « La mixité est très importante. Nous avons une très bonne banque de données INSEE, la banque de données Détails, qui contient 22 millions de Français classés par ménage avec 80 variables. Malheureusement, cette banque de données contient sur ce sujet seulement la variable immigré/non immigré mais c’est déjà cela. On observe que les personnes immigrées qui vivent en couple, surtout si elles sont jeunes, sont 40 % à vivre en couple avec un non immigré. Ce sont donc des chiffres très élevés. »

M. Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soulignait également ([539])  que la part des personnes qui sont nées en France et dont un seul parent est né à l’étranger (personnes issues de couples mixtes selon le critère du lieu de naissance) est beaucoup plus importante en France (8,4 % de la population totale, tous âges confondus) qu’aux États-Unis (4,4 %), et que dans la moyenne des pays de l’OCDE (3,2 %) ou européens (3,9 %) ([540]).

Votre rapporteure estime que ces statistiques invitent à mettre en valeur la mixité produite par le modèle universaliste français.

M. Hervé Le Bras rappelait également, s’agissant du « classement » des descendants d’immigrés, que « dans le recensement américain, vous pouvez cocher autant de cases [relatives à l’origine ethnique] que vous voulez mais – c’est un problème que l’on appelle le one drop of blood qui est au fond appliqué bien plus généralement – tous ceux qui ont coché des cases au-delà de la seule case « Blanc » sont considérés comme non Blancs. On arrive ainsi à ce chiffre : moins de la moitié des naissances américaines sont blanches. Pourtant, en refaisant les calculs en prenant la définition inverse, c’est-à-dire en considérant comme blanche toute personne qui a coché la case « Blanc », quelle que soit son origine, on arrive à 83 % de naissances blanches. »

L’enquête Trajectoires et origines, enquête sur la diversité des origines en France ([541]), étudiait la situation des descendants d’immigrés, soulignant les différences selon qu’ils avaient un ou deux parents ayant immigré ([542])  : « le fait d’avoir un ou deux parents immigrés produit souvent d’importantes différences dans l’éducation, l’accès à l’emploi et dans de nombreux domaines de pratiques sociales et culturelles, précisément parce que les immigrés qui se mettent en couple avec une personne de la population majoritaire sont généralement parmi les plus qualifiés ». Selon une étude de l’INSEE datant de 2015 Être né en France d’un parent immigré ([543]) , « La moitié des descendants d’immigrés ont un seul parent immigré. 3,3 millions de descendants, soit 45 % d’entre eux, ont deux parents immigrés […]. Dans neuf cas sur dix, ces derniers sont nés dans le même pays ; en particulier, 1,2 million de descendants ont deux parents d’origine maghrébine et 1,1 million ont deux parents immigrés d’origine européenne. 3,6 millions de descendants d’immigrés, soit une proportion plus importante (50 %), sont issus d’un couple « mixte » : un seul des deux parents est immigré. Il s’agit plus fréquemment d’un père immigré et d’une mère non immigrée (2,1 millions) que l’inverse (1,5 million). Les autres cas correspondent à des descendants dont l’origine d’un seul des deux parents est connue.

La mixité des origines des parents dépend des conditions d’arrivée en France. Ainsi, 65 % des descendants d’immigrés d’origine européenne sont issus d’un couple mixte. Les hommes immigrés espagnols ou italiens, arrivés en général jeunes et seuls, ont fréquemment fondé une famille avec une Française et ont eu des enfants en France. En revanche, 44 % des descendants d’immigrés d’origine maghrébine ont un seul parent immigré. Cette moindre mixité peut s’expliquer en partie par le regroupement familial qui a suivi l’immigration de personnes dont la famille était déjà constituée avant la migration.

Lorsque les origines sont africaines (hors Maghreb), la moitié des descendants sont les enfants d’un couple mixte ; 39 % sont dans ce cas si les origines sont asiatiques. »

Les données relatives aux discriminations sont aujourd’hui assez nombreuses et permettent une bonne approche de celles-ci, principalement dans deux domaines que la présente mission d’information a choisi d’examiner plus en détail : l’emploi et le logement.

Le Défenseur des droits, dans son rapport paru en 2020 Discriminations et origines : l’urgence d’agir, soulignait que l’emploi et le logement sont les deux secteurs dans lesquels les discriminations apparaissent les plus prégnantes et les mieux renseignées. Sur l’ensemble des saisines reçues en 2019 par le Défenseur des droits pour discrimination à raison de l’origine, l’emploi est le premier domaine invoqué (35,5 % des saisines reçues ont trait à l’emploi privé et 24,4 % à l’emploi public) ([544]). Les biens et services privés représentent 11,7 % des saisines et le logement 9,20 %.

S’agissant des domaines de la vie dans lesquels les discriminations sont observées, presque la moitié des répondants (48 %) au treizième baromètre La perception des discriminations dans l’emploi ([545]) de 2020, considèrent que les discriminations se produisent souvent ou très souvent lors de la recherche d’un logement, et 41 % lors de la recherche d’un emploi. En outre, 42 % des personnes actives enquêtées déclarent avoir été témoins de discrimination ou de harcèlement au cours de leur carrière, dont ceux fondés sur l’apparence physique (52 %), le sexe (49 %) et l’origine ethnique (47 %) sont les plus fréquents ([546]).

Comme le soulignaient également les auteurs de l’article Trois approches de la discrimination : évaluations indirectes, expérimentation, discriminations ressenties paru en 2013 dans Économie et statistique ([547]), le domaine de l’emploi est le plus couvert, en partie parce que les données disponibles sont plus nombreuses et parce que les discriminations y apparaissent « les plus flagrantes ».

La multiplication des études parues et le sérieux de leurs conclusions, ne passant pas sous silence les limites méthodologiques le cas échéant, peuvent amener à affirmer l’existence des discriminations dont l’ampleur, si elle ne peut toujours être très exactement spécifiée, ne peut être niée.

Sans prétendre à l’exhaustivité sur l’ensemble de la littérature disponible, votre rapporteure souhaite toutefois brièvement mettre en avant les conclusions de plusieurs études dont les personnes auditionnées ont pu rendre compte à la mission d’information.

Votre rapporteure estime que le niveau des discriminations doit être plus largement connu et reconnu.

La généralisation des algorithmes doit en particulier attirer l’attention des pouvoirs publics. La combinaison de critères en apparence neutres peut tout à fait produire concrètement des discriminations. Il convient de relever que la récente proposition de règlement sur le marché unique des services numériques (« Digital Services Act ») ([548]) comporte des mesures de transparence visant à mieux contrôler l’impact des algorithmes utilisés par les plateformes en matière de modération et à renforcer les pouvoirs de contrôle des algorithmes des plus grandes plateformes en ligne par la Commission européenne. En application de l’article 28 du projet de règlement, les plus grandes plateformes devront faire procéder une fois par an, à leurs frais, à un audit indépendant afin de vérifier qu’elles se conforment à la réglementation européenne et prendre des mesures correctrices immédiates en cas de non-conformité.

Votre rapporteure souligne que l’impact des biais algorithmiques s’étend à de très nombreux domaines, bien au-delà des seuls réseaux sociaux.

Plusieurs études récentes ont souligné les difficultés posées par les méthodes de scoring ou d’évaluation des risques dans le secteur bancaire ou assurantiel. Des tests de discrimination réalisés sur le marché français ont enregistré :

– des risques de traitement discriminatoire pour un motif ethno-racial dans l’accès au prêt immobilier et au prêt à la création d’entreprise (test localisé réalisé par ISM-Corum ([549]), qui soulignait aussi un risque de traitement discriminatoire, dans une moindre mesure, à l’encontre des créatrices d’entreprise par rapport aux créateurs)

– dans une étude menée notamment M. Yannick L’Horty, des risques liés au fait de résider en QPV (discrimination la plus forte observée), au sexe et à l’âge pour ce qui concerne le marché de l’assurance automobile ([550]). En matière d’assurance complémentaire santé et de crédit à la consommation, cette dernière étude faisait état d’une discrimination liée à l’âge.

a.   Différents types de résultats sont disponibles tendant à démontrer que la situation ne progresse pas, en particulier pour les personnes d’origine maghrébine ou subsaharienne

Les approches indirectes des discriminations reposent sur différentes étapes : identifier les groupes à risque de discrimination, construire l’analyse statistique des mesures de l’inégalité puis séparer, parmi les inégalités constatées, ce qui relève de l’explicable par certains facteurs de ce qui reste inexpliqué. Cette dernière part ne peut être l’exacte mesure de la discrimination mais s’en approche au plus près. À titre d’exemple, une inégalité en matière d’exposition au risque de chômage peut provenir de différences d’éducation, dont l’impact doit être évalué.

L’historien Frédéric Régent remarque que l’on impute souvent les phénomènes de reproduction sociale au racisme quand ils concernent des personnes de couleur, même lorsque ces phénomènes relèvent d’abord d’une question sociale : « Les inégalités sociales, surtout lorsqu’elles sont marquées dans la couleur ou l’origine, font que, par des phénomènes de reproduction socioculturelle, les enfants de pauvres sont des enfants de pauvres, mais les gens raccrochent leur pauvreté à leur couleur et non au fait que leurs parents étaient pauvres. […] La perception du racisme est liée au fait que les gens issus de milieux sociaux défavorisés ou de phénomènes migratoires de l’ancien Empire colonial français pensent que c’est leur couleur qui les place dans cette situation-là, alors que bien souvent, c’est plutôt lié à leur origine sociale ([551]). »

Les tests de discrimination (ou testings) constituent une autre approche, expérimentale celle-ci, qui vise à établir l’existence de discriminations en fixant des variables explicatives ex-ante, dont les chercheurs définissent la liste et la variabilité (par exemple dans le cadre de curriculum vitae identiques en tout point sauf s’agissant de la variable du nom de famille qui révèle une appartenance supposée ou réelle à un groupe) ([552]). Les résultats des tests de discrimination ne sont pas généralisables dans le temps ou l’espace. Toutefois, la multiplication de testings dont les conclusions vont toutes dans le même sens, attestant des discriminations, est un point très important. M. Yannick L’Horty, professeur d’économie ([553]), soulignait ainsi au cours de son audition : « À ma connaissance, l’ensemble des opérations de testings portant sur les discriminations selon l’origine menées ces dix dernières années convergent et indiquent des différences de traitement sur le marché du travail défavorables aux candidats originaires du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne ([554]). »

Il convient de souligner que les résultats des testings sont, comme l’établissait auparavant la jurisprudence, en application de l’article 225-3-1 du code pénal, recevables devant le juge pénal ([555]). Ainsi, les délits de discriminations sont « constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie ». Cette disposition vise à préciser le caractère indifférent de l’intention de la victime sur la constitution de l’infraction. Toutefois, il est nécessaire qu’une des personnes soit victime de la discrimination, ce qui exclut les résultats des testings à seule visée scientifique reposant sur des demandes fictives ou des demandes de comédiens.

Votre rapporteure souligne que le fait de nommer publiquement les entreprises ayant eu de mauvais résultats à un test de discrimination scientifique (pratique dite du name and shame) a un impact important si l’entreprise est connue au plan national. Un suivi doit toutefois ensuite être mis en œuvre afin de s’assurer des progrès qui seront accomplis.

 

Accès à l’emploi

Le testing mené par la DARES en 2016

Le testing mené par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail en 2016 visait les discriminations en raison de l’origine évoquée par la consonance des nom et prénoms et portait sur les recrutements d’une quarantaine de grandes entreprises, testés entre avril et juillet 2016. Les CV étaient adressés par paire.

« Les résultats globaux montrent que les recruteurs ont été plus souvent intéressés par les candidatures « hexagonales » que par les candidatures « maghrébines » : le taux de réponses positives est respectivement de 47 % et 36 % des candidatures envoyées, soit un écart moyen de 11 points. Cet écart significatif de traitement selon « l’origine » du candidat se retrouve pour les hommes comme pour les femmes et pour les postes d’employés comme de managers. Les résultats varient d’une entreprise à l’autre, y compris au sein d’un même secteur. Si l’égalité de traitement a été le plus souvent appliquée par la majorité des 40 entreprises testées, les résultats de 12 d’entre elles présentent des écarts statistiquement significatifs en défaveur des candidatures « maghrébines », qui vont de 15 points (43 % des recruteurs intéressés par la candidature « hexagonale » contre 28 % pour la candidature « maghrébine ») à 35 points (75 % contre 40 %). »

Source : Discrimination à l’embauche selon « l’origine » : que nous apprend le testing auprès de grandes entreprises ? Dares analyses, décembre 2016, n° 076.

 

Les récents testings menés à l’initiative du Gouvernement sur les modes de recrutement de 40 entreprises du SBF 120

Le ministère chargé de la ville et du logement a chargé l’équipe de la fédération Théorie et évaluation des politiques publiques du CNRS, dont la mission a entendu le directeur, M. Yannick L’Horty, de réaliser une opération de testing sur l’accès à l’emploi.

Les processus de recrutement de 40 grandes entreprises tirées au sort parmi l’indice SBF 120 (société des bourses françaises) ont été testés selon deux critères de discrimination : le lieu de résidence (adresse dans et hors d’un quartier prioritaire) et l’origine. La discrimination a été approchée par la différence des taux de réponses positives entre le candidat de référence et le candidat potentiellement discriminé.

Le résultat général soulignait que, sur l’ensemble des entreprises testées, « il est estimé que le taux de succès du candidat dont le nom a une consonance maghrébine est de 9,3 %, contre 12,5 % pour le candidat avec un nom à consonance européenne. S’agissant du critère du lieu de résidence, le différentiel entre les candidats est moins significatif.

Ceci étant, deux limites méthodologiques ont été soulignées par les auteurs du test eux-mêmes et lors des échanges avec les entreprises :

 la majorité des tests ont reposé sur des canaux (candidatures spontanées) [qui sont] peu ou qui ne sont plus représentatifs du recrutement des grandes entreprises selon elles ;

 les postes testés ne sont pour certaines entreprises pas dans leur cœur de cible (technicien de maintenance et hôtesse d’accueil). »

En complément et compte tenu de ces limites méthodologiques, une seconde vague de testings, associant les parties prenantes et les associations spécialisées sur ces questions à l’élaboration du cahier des charges, a été annoncée. Elle visera les entreprises du SBF 120 dans leur ensemble et analysera les progrès réalisés depuis le premier testing.

Source : communiqué de presse du 7 février 2020 du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/lutte-contre-les-discriminations-mise-en-ligne-des-resultats-du-1er-testing-sur-lemploi-et

Une autre approche réside dans l’approche subjective pour mesurer la discrimination ressentie. Les personnes interrogées peuvent sous-estimer la discrimination car elles y sont habituées, ou amplifier ce ressenti du fait de l’enquête. L’enquête Trajectoires et origines (TeO) précitée, réalisée entre septembre 2008 et février 2009, est une référence, à la fois par la taille de l’échantillon considéré (21 000 personnes) et par le champ couvert sur les conditions de vie et les trajectoires. La seconde étude TeO est en cours de réalisation.

Au cours de l’audition du 2 juillet 2020, M. Cris Beauchemin, directeur de recherche à l'Institut national des études démographiques (INED) et co-auteur de l’étude TeO a souligné les différentes approches possibles pour traiter des questions ethniques ou d’origine : l’approche généalogique, qui consiste à faire référence aux origines et à poser des questions qui permettent d’identifier si une personne est immigrée ; l’approche dite par le ressenti d’appartenance ; l’approche reposant sur des questions relatives à la religion, qui permettent d’étudier la question de l’antisémitisme ou du rejet des musulmans. Les questions posées peuvent être ouvertes ou fermées, mais la personne a toujours la possibilité de cocher plusieurs cases et de ne pas répondre.

Les deux graphiques suivants ont été présentés par M. Cris Beauchemin au cours de son audition du 20 juillet 2020 ([556]). Le premier présente la proportion des personnes ayant déclaré avoir subi des traitements inégalitaires ou discriminatoires au cours des cinq années précédentes ([557]).

 

Proportion de personnes ayant répondu « souvent » ou « parfois » à la question : « Au cours des cinq dernières années, pensez-vous avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations ? »

Source : Population et société, n° 466.

 

Le second présente les effets de l’origine sur le risque de déclarer des discriminations, « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire à condition sociale égale.

Effets de l’origine sur le risque de déclarer des DISCRIMINATIONS, « toutes choses égales par ailleurs » (rapports de cotes)

 

Commentant les résultats de cette première enquête TeO, M. Cris Beauchemin rappelait au cours de son audition : « La première chose qui est importante est que, toutes choses égales par ailleurs pour l’origine sociale, il reste des inégalités par origine qui sont très fortes. Par exemple, un immigré d’Afrique subsaharienne a 6,65 fois plus de risques de déclarer avoir vécu des discriminations que la catégorie de référence qui est la population majoritaire, c’est-à-dire les personnes qui ne sont ni des immigrés ni des enfants d’immigrés. Vous voyez que, toutes choses égales par ailleurs et notamment à origines sociales comparables, dans les minorités visibles, le risque de déclarer des discriminations demeure très élevé. Ce n’est donc pas une question d’origine sociale. Il y a un effet net de l’origine.

De plus, ce que nous avions observé […]  la progression de la première à la deuxième génération, des immigrés aux enfants d’immigrés   est confirmé. Comme les niveaux de discrimination déclarés sont déjà très élevés pour l’Afrique subsaharienne, nous avons des niveaux à peu près équivalents pour les deux générations dans cette catégorie mais, en revanche, pour toutes les autres catégories de minorités visibles, nous voyons une très nette progression, y compris par exemple pour l’Asie du Sud-Est, tandis que pour tous les immigrés qui sont originaires d’Europe et leurs enfants, en revanche, il n’y a pas plus de risque de déclarer des discriminations que la population majoritaire. Ce résultat dit bien qu’il existe des inégalités fortes selon l’origine et que ce n’est pas une question d’origine sociale. Le risque de discrimination progresse d’une génération à l’autre, mais pas pour tout le monde, seulement pour ceux qui sont extra-européens et qui, du coup, relèvent des minorités visibles ([558]) . »

Il convient de relever ici un point important car, contrairement à une idée reçue, la perception des discriminations ne s’améliore pas d’une génération à l’autre.

Les descendants d’immigrés, nés et élevés en France avec leurs camarades nés de parents français, ne comparent pas leur situation, comme pouvaient le faire leurs parents ayant immigré, avec celle prévalant dans le pays d’origine de l’un ou l’autre de leurs parents. Le point de comparaison est bien celui de leurs concitoyens.

Le paradoxe de Tocqueville a souvent été énoncé par les personnes auditionnées comme facteur d’explication. Ainsi, plus les conditions de vie dans une société s’améliorent, moins les écarts à l’idéal sont supportables. Toutefois, cet angle d’analyse ne doit pas exonérer d’une réelle prise en charge des discriminations.

S’agissant des études de suivi des discriminations, compte tenu de leur importance, votre rapporteure relève l’analyse portée par M. Cris Beauchemin, selon laquelle la rationalisation des efforts de la recherche publique en la matière serait nécessaire, afin d’assurer un suivi pérenne et lisible dans le temps ([559]) . Cette recommandation est également portée dans le rapport de nos collègues Mme Stéphanie Do et M. Pierre-Henri Dumont ([560]) sur l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale.

Recommandation n° 24

Mieux coordonner les efforts de la recherche publique en matière de discriminations en fonction de l’origine pour assurer une mesure et un suivi pérennes.

b.   Les discriminations dans l’emploi

i.   Des écarts inexpliqués dans l’accès à l’emploi qui perdurent à un niveau élevé pour certaines populations

Dans le treizième baromètre La perception des discriminations dans l’emploi du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail (OIT), publié en décembre 2020, il est souligné que « plus d’un quart de la population active française considère que les individus sont souvent ou très souvent discriminés au cours de leur vie, quel que soit le critère envisagé. L’origine ou la couleur de peau est perçue comme le critère le plus discriminant, devant l’état de santé ou le handicap, l’apparence physique et l’âge. Près de la moitié des personnes (46 %) pensent ainsi que les individus sont souvent ou très souvent discriminés en raison de leur origine ou de leur couleur de peau. […]

Sans surprise, les groupes sociaux les plus exposés aux discriminations les perçoivent de façon plus aiguë. Les personnes actives perçues comme non-blanches soulignent davantage l’ampleur des discriminations liées à l’origine (62 % considèrent qu’elles se produisent souvent ou très souvent, contre 44 % pour les personnes perçues comme blanches), à l’apparence physique (52 % contre 36 %), à la religion (50 % contre 29 %) et au lieu de résidence (42 % contre 23 %). »

 En ce qui concerne les personnes interrogées déclarant avoir été victimes de discriminations, l’origine ethnique, la nationalité et la religion représentent une grande part des discriminations perçues: « En 2020, 23 % des personnes actives en France déclarent avoir déjà été victimes de discrimination(s) ou de harcèlement discriminatoire dans l’emploi, sans différence significative selon le secteur d’activité. Les critères de discrimination le plus souvent évoqués sont l’apparence physique (40 % des personnes ayant déclaré des discriminations ou du harcèlement discriminatoire), le sexe (40 % d’entre elles) et l’état de santé (30 % d’entre elles). » Sont également citées l’origine ethnique (21 % avec une nette différence entre les hommes et les femmes), la nationalité (12 %) ou les convictions religieuses (9 %).

Dans son rapport Discriminations et origines : l’urgence d’agir, le Défenseur des droits rapportait l’exemple de 25 travailleurs maliens sur un chantier de BTP dans lequel « le Défenseur a mis en évidence l’existence d’un système d’organisation et de hiérarchisation des tâches de chacun sur le chantier, non en fonction des compétences, mais en fonction des origines réelles ou supposées, le groupe de travailleurs sans papiers maliens étant affecté et maintenu aux tâches les plus pénibles et dangereuses. ([561]) » Le Conseil de prud’hommes de Paris a reconnu, dans son jugement du 17 décembre 2019, une « discrimination raciale et systémique ».

Dans l’étude intitulée Le rôle des origines dans la persistance des inégalités d’emploi et de salaire, parue le 2 juillet 2019 (Elika Athari, Jérôme Lê, Yaël Birnbaum), présentée par M. Jérôme Lê ([562]) au cours de l’audition du 3 décembre 2020, les résultats confirment une part des inégalités dans l’emploi qui ne s’explique pas par des variables autres que l’origine, laquelle donne une approche des discriminations. « Les discriminations sont complexes à évaluer statistiquement. L’INSEE a retenu, pour les traiter, l’approche indirecte : nous ne nous basons pas sur des données subjectives comme le ressenti des discriminations ni sur des données de testings – celles-ci viennent compléter nos travaux. L’évaluation indirecte consiste à analyser les écarts entre deux populations pour une variable d’intérêt, comme le taux de chômage, le taux d’emploi, le niveau de salaire. Pour cela, nous essayons de raisonner à caractéristiques égales. ([563]) »  Les immigrés font en général face à des difficultés propres, liées à la migration, telles qu’une moindre maîtrise de la langue, la non-reconnaissance des diplômes ou les barrières administratives liées à la nationalité.

L’étude conclut : « globalement, la situation sur le marché du travail s’améliore entre immigrés et descendants d’immigrés à caractéristiques équivalentes, mais ce résultat ne se vérifie pas pour tous les groupes. Une fois en emploi, la situation des descendants d’immigrés apparaît, à caractéristiques égales, similaire à celle des personnes sans ascendance migratoire, que ce soit au niveau des salaires ou de la qualité de leur emploi. »

Les difficultés « touchent particulièrement et de façon persistante les personnes originaires du Maghreb et des pays d’Afrique subsaharienne, qu’il s’agisse de l’accès à l’emploi ou, dans une moindre mesure, du niveau des salaires ([564]) ».

L’étude souligne que « les comportements d’activité des hommes immigrés et descendants d’immigrés sont proches de ceux sans ascendance migratoire : les écarts de taux d’activité sont relativement faibles, de l’ordre de 5 points […]. En revanche, les comportements d’activité diffèrent fortement pour les femmes, surtout celles originaires de Turquie et du Maghreb, bien moins présentes sur le marché du travail. L’écart de taux d’activité avec les femmes sans ascendance migratoire est de 48 points pour les immigrées turques et de 34 points pour les immigrées maghrébines. Ces écarts s’expliquent pour respectivement 20 et 15 points par des différences de caractéristiques observables, notamment le niveau d’éducation. » Pour les descendantes d’immigrés de Turquie et du Maghreb, le taux d’activité est très proche de celui des femmes sans ascendances migratoire, si la femme n’a pas d’enfant. Les écarts réapparaissent en présence d’enfants.

Les écarts inexpliqués, qui donnent une bonne approche des discriminations, demeurent élevés dans l’accès à l’emploi pour certains descendants d’immigrés : « les écarts inexpliqués perdurent toutefois à des niveaux élevés pour certains groupes, ce qui suggère des difficultés qui ne sont pas spécifiques aux immigrés, peutêtre liées à de la discrimination à l’embauche […]. Cette persistance est particulièrement forte pour les hommes originaires du Maghreb et, dans une moindre mesure, d’Afrique subsaharienne. Les écarts inexpliqués restent en effet du même ordre entre les immigrés et les descendants d’immigrés originaires de ces pays : de 11 à 10 points pour les hommes originaires du Maghreb, et de 8 à 6 points pour ceux d’Afrique subsaharienne. » ([565]) 

M. Jean-Christophe Dumont ([566]) a notamment présenté au cours de son audition une étude de 2013 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les résultats de testings menés dans les États de l’OCDE en matière d’accès à l’emploi ([567]) : « Il en ressort […] que, en France, il faut envoyer deux à quatre fois plus de CV pour avoir un entretien si l’on est de certaines origines ethniques ou de couleur. Ce chiffre est à peu près comparable à celui des autres pays ([568]). » Il observait toutefois que le maintien voire la hausse de la perception des discriminations d’une génération à l’autre n’est pas observée aux États-Unis et au Canada et ne constitue pas une fatalité.

Mme Marie-Anne Valfort, économiste ([569]), a rappelé à la mission d’information les résultats d’une étude récente de 97 testings sur CV réalisés dans neuf pays qui « révèle que, à candidature équivalente, la probabilité pour les Français blancs d’être invités à un entretien d’embauche est de 50 à 100 % supérieure à celle de Français issus de minorités non blanches. D’après cette méta‐ analyse, la France est le pays qui discrimine le plus à l’encontre des minorités ethniques. La discrimination à l’encontre de l’origine y est plus de 40 % supérieure à celle qui prévaut aux États‐Unis. ([570])  » Mme Marie-Anne Valfort a rappelé que « le coût de ces discriminations est massif. Les discriminations évincent les individus de l’emploi ou les cantonnent à des postes moins qualifiés que ceux auxquels ils pourraient prétendre. Ces mécanismes économiques génèrent des pertes énormes en matière de production, qui grèvent à leur tour les recettes des finances publiques : l’État perçoit moins d’impôts sur les revenus et sur les sociétés, et fournit plus de dépenses publiques pour l’indemnisation du chômage et les transferts sociaux en faveur des personnes discriminées. Mais les discriminations génèrent également un coût humain considérable : l’expérience répétée des discriminations affecte négativement la santé psychique des personnes. ([571]) »

ii.   L’accès à l’emploi public n’est pas exempt de discriminations

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que tous les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Il serait erroné de croire l’ensemble de la fonction publique à l’abri de la discrimination à l’emploi parce que son recrutement repose sur le concours républicain.

M. Yannick L’Horty, dans son rapport Les discriminations dans l’accès à l’emploi public de 2016 ([572]), a notamment procédé à des tests de discrimination à l’information sur l’emploi et à l’accès à l’emploi, en fonction d’une origine induite par un prénom et un nom de famille et du lieu de résidence. La conclusion rappelait les limites des recrutements par concours en étudiant les bases de données des concours, la forte proportion de recrutement par la voie contractuelle et soulignait le fait que la fonction publique ne faisait en règle générale pas mieux que le secteur privé en matière d’accès à l’emploi, avec des variantes selon les situations testées. Les tests ne permettaient en règle générale pas de conclure à la présence de discrimination dans la fonction publique d’État. Il n’en allait pas de même dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière, soulignait l’auteur, ce qui pourrait s’expliquer par la moindre centralisation des procédures et aussi par la plus grande difficulté à déployer des mesures anti-discriminatoires. Le rapport concluait également au besoin de mettre en œuvre un suivi annuel rigoureux sur l’égalité dans l’accès à l’emploi public, au regard notamment des exigences constitutionnelles et de l’importance des recrutements dans l’emploi public au sein de l’emploi global en France.

Recommandation n° 25

Mettre en œuvre un suivi rigoureux des discriminations fondées sur l’origine dans l’accès à l’emploi public.

Le rapport Les écoles de service public et la diversité, remis au Premier ministre en 2017 ([573]), soulignait, malgré de nombreuses actions déjà entreprises, une relative « fermeture » aux descendants d’immigrés, leur sous-représentation ne s’expliquant pas seulement par des différences de diplôme et des conditions de nationalité : le rapport soulignait l’existence de discriminations et d’autocensure ou encore de désintérêt pour la fonction publique. Il mettait en avant les marges de manœuvre qui demeurent pour lutter contre les discriminations dans le cadre juridique actuel. Le rapport mettait en particulier en avant le renforcement des classes préparatoires intégrées, qui ont été créées à la suite d’un engagement du Président de la République Nicolas Sarkozy. Ces classes visent à offrir à certains candidats au concours externe, outre la formation en vue de réussir un ou plusieurs concours, une aide financière comprenant le financement d’un logement et l’accès à des bourses. Le rapport soulignait la nécessité d’un meilleur déploiement territorial et d’un suivi des élèves sur plusieurs années après leur sortie du dispositif car nombre d’entre eux, s’ils ne réussissent pas les concours immédiatement à la sortie, peuvent bénéficier d’un effet réussite retardé.

Votre rapporteure souligne que ces classes préparatoires intégrées ont été citées à de nombreuses reprises comme un levier important de la diversification des recrutements.

Tel a été le cas lors de l’audition du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) le 8 décembre 2020, la gendarmerie tirant une grande fierté de ces classes créées en 2010, comme l’adjudante-cheffe Samia Bakli l’a souligné devant la mission d’information : « Depuis 2010, nous avons créé les classes préparatoires intégrées de la gendarmerie où nous pratiquons une sélection en acceptant beaucoup de dossiers de jeunes issus de milieux défavorisés. Nous tirons une grande fierté de ces classes puisque nous préparons la plupart des jeunes pour passer les concours de la fonction publique. Une bonne partie d’entre eux réussissent ces concours, soit au sein de la gendarmerie soit en dehors, dans notre administration. Pour avoir été chargée de recrutement, j’ai également constaté une évolution de nos membres du jury, qui ont été formés sur la thématique de la lutte contre les discriminations. ([574]) » Le rôle majeur des classes préparatoires intégrées a également été détaillé lors de l’audition de l’École nationale de la magistrature (ENM) le 3 décembre 2020 ([575]). Enfin, Mme Nathalie Colin, directrice générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) du ministère de la transformation et de la fonction publiques, rappelait l’enjeu prioritaire bien identifié de ces classes préparatoires intégrées en matière de politique en faveur de l’égalité des chances et la promotion de la diversité : « Le dispositif principal est celui des classes préparatoires intégrées. Au nombre de vingt-sept, elles sont, comme leur nom l’indique, adossées aux écoles de service public et aident des étudiants ou des demandeurs d’emploi modestes à préparer des concours externes de la fonction publique, en leur apportant un soutien pédagogique renforcé, un appui financier et l’accompagnement d’un tuteur. L’allocation pour la diversité s’élève à 2 000 euros annuels. Sept cents étudiants environ fréquentent ces classes préparatoires intégrées chaque année. Pour la prochaine rentrée, la ministre [Mme Amélie de Montchalin] a créé mille places. Elle a également élargi l’assise de ces classes, pour favoriser leur implantation dans de nouveaux territoires. Enfin, le montant de l’allocation passera à 4 000 euros en 2021 ([576]). »

Il convient également de souligner l’engagement résolu du Président de la République Emmanuel Macron, qui a annoncé, en février 2021, la création, dès 2021, dans le cadre d’une expérimentation d’une durée de trois ans, de voies d’accès réservées aux « talents », candidats issus des milieux modestes et élèves des classes préparatoires intégrées (rebaptisées classes préparatoires « talents »), pour cinq grandes écoles de la fonction publique (École nationale d'administration (ENA), École nationale supérieure de la police, École des hautes études en santé publique, Institut national des études territoriales et École nationale d'administration pénitentiaire) ([577]). Le nombre de places offertes à ces concours, qui viendraient en supplément des places du concours externe, serait compris entre 10 % et 15 % de celles-ci. Les candidats auraient à passer les mêmes épreuves que celles du concours externe et seraient évalués par le même jury. Le nombre de classes préparatoires « talents » devrait être de deux par région.

Recommandation n° 26

Intensifier les efforts en vue du déploiement des classes préparatoires intégrées sur l’ensemble du territoire. Les classes préparatoires intégrées doivent être plus nombreuses, mieux réparties sur le territoire, faire l’objet de moyens renforcés et d’un suivi général des résultats en matière de diversité des recrutements.

Mme Nathalie Colin, directrice générale de l’administration et de la fonction publique, a indiqué qu’à la suite de la publication de ce rapport en 2017, diverses actions avaient été entreprises pour renforcer la formation comme axe principal de lutte contre les discriminations. Un module de prévention des discriminations a systématiquement été intégré à la formation des jurys de concours. « Nous développons également des dispositifs en matière de formation continue. Le schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie comporte des actions prioritaires, dont une relative aux enjeux d’égalité et de diversité, destinée plus particulièrement aux cadres. Nous pensons en effet qu’ils représentent un public prioritaire pour assurer le respect et la diffusion de ces principes dans les ministères et les institutions, en administration centrale comme sur le terrain. Les ministères sociaux, le ministère de l’intérieur et le ministère de l’agriculture ont par ailleurs lancé des marchés de formation de leurs cadres sur la neutralité des agents du service public et la lutte contre les discriminations. De notre côté, nous développons une offre de formation interministérielle qui sera accessible au début de l’année 2021, par le biais d’une plateforme de formation à distance, Mentor ([578]). »

Votre rapporteure observe que la formation prévue par le Schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État, en date de 2018, devrait être complétée d’une formation portant plus spécifiquement sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine (par exemple pour les volets concernant les cadres : « Former les cadres aux enjeux de l’égalité professionnelle, de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes » ou « Diffuser une culture managériale commune en rendant obligatoire une formation au management pour tout primo-encadrant »).

Recommandation n° 27

Renforcer la formation initiale et continue des agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine, en particulier s’agissant des cadres et des agents exerçant des fonctions d’accueil et de contact.

Compléter le Schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État par une formation plus spécifique relative à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine.

Votre rapporteure a été surprise, au cours de son déplacement à la Martinique, du nombre de personnes auditionnées qui soulevaient la question de la faible représentation, parmi les fonctionnaires présents sur le territoire, des personnes qui en sont issues, dans différents corps de l’administration, en particulier s’agissant des fonctions régaliennes de l’État. Votre rapporteure observe que certaines règles statutaires peuvent empêcher une personne d’exercer dans son département d’origine (corps préfectoral) ou imposer de réaliser des mobilités spécifiques.

Par ailleurs, il convient également de relever la difficulté qu’il peut y avoir, pour un fonctionnaire, à revenir exercer certaines fonctions d’autorité, par exemple dans la magistrature, dans sa région d’origine, et ce serait alors l’absence de candidatures qui expliquerait la sous-représentation des fonctionnaires issus du territoire.

c.   Les discriminations dans l’accès au logement

Le Défenseur des droits, dans son enquête sur l’accès aux droits parue en 2017, dont le volume 5 traitait des discriminations dans l’accès au logement ([579]), dressait un état des lieux de l’ensemble des discriminations dans l’accès au logement dans le parc locatif privé et dans le parc social. Les délais pour trouver un logement sont plus longs pour les personnes immigrées, qui recherchent davantage dans le parc social où les délais d’accès sont plus longs (elles étaient deux fois plus nombreuses que la moyenne observée dans cette étude, soit 20 % contre une moyenne de 10 %, à avoir mis plus d’un an à trouver). Elles étaient 80 % de plus que la moyenne des personnes de l’étude à ne pas avoir trouvé du tout au moment de l’enquête. Dès lors que les personnes sont perçues comme ayant une origine extra-européenne, les difficultés sont sévères. L’étude constate, pour les personnes qui se pensent perçues comme arabes ou noires, « pour les premières 39 % de recherches infructueuses et 15 % de recherches ayant duré plus d’un an, et pour les secondes 38 % de recherches infructueuses et 22 % de recherches dont la durée dépasse un an ([580]). » L’écart était important avec les résultats observés pour l’ensemble des personnes ayant déclaré avoir recherché un logement à louer : 18,1 % faisaient état de recherches de logement infructueuses, et 7,5 % de recherches de plus d’un an. Les personnes déclaraient à 80 % des motifs liés à l’origine et la couleur de peau comme facteurs de discrimination perçue (plusieurs réponses pouvant être données).

i.   L’accès au parc social

Le Défenseur des droits rappelle également l’étude de l’INSEE relative au parcours résidentiel des immigrés. D’après Les déterminants du statut d’occupation des logements et de la mobilité résidentielle des ménages immigrés, toutes choses égales par ailleurs, à caractéristiques égales, les ménages originaires du Maghreb et d’Afrique hors Maghreb ont une probabilité cinq fois plus élevée d’habiter le parc social que ceux d’Europe du Sud qui sont plus souvent locataires du secteur libre ou propriétaires, notamment pour les ménages originaires d’Espagne, d’Italie et du Portugal.

Les obstacles dans l’accès au parc privé locatif ou l’accès à la propriété impactent le secteur social. L’accès au parc privé étant plus difficile pour les personnes issues de la diversité « visible », et, s’agissant des personnes d’origine immigrée, que leur lien avec l’immigration soit récent ou qu’elles constituent la deuxième ou troisième génération, il peut expliquer le cloisonnement de leur parcours résidentiel au parc social, ce qui entretient les difficultés de ce dernier à répondre à la demande.

L’existence de discriminations raciales dans l’accès au parc social a été rappelée par plusieurs personnes entendues par la mission d’information.

M. Thomas Kirszbaum, sociologue ([581]), a souligné devant la mission d’information : « nous n’avons pas affaire à des formes émergentes de racisme ou de discrimination, mais à des pratiques ancrées dans le fonctionnement d’institutions intervenant dans la production et l’attribution des logements. […] Il est utile de relier les discriminations à l’œuvre dans le parc privé et dans le parc social, car leur forte interdépendance produit des effets systémiques de limitation de la mobilité résidentielle de certaines catégories de ménages, notamment ceux perçus comme noirs ou comme arabes. Les conséquences ne sont pas minimes, puisqu’elles se reflètent dans l’espace territorial sous forme d’une ségrégation ethnique, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Du fait des discriminations, mais pas seulement, l’appartenance réelle ou supposée à un groupe ethnique ou racial augmente la probabilité de vivre dans un quartier où sont concentrées des personnes de même appartenance ([582]). »

Partageant des constats établis par recherches en sciences sociales à propos du logement social, il a rappelé que le cadre réglementaire rigide ne prémunit pas des discriminations. « Les discriminations au logement social s’inscrivent dans un processus d’attribution mobilisant une chaîne de décisions complexe faisant intervenir une pluralité d’acteurs et d’institutions, ce qui favorise une forte dilution des responsabilités. Nous savons qu’en matière d’attribution des logements du parc social règne une grande opacité qui rend possible la sélection des demandeurs sur des critères prohibés par la loi, en particulier les origines, réelles ou supposées, des demandeurs, et la composition familiale des ménages. […] Les discriminations à l’attribution des logements sociaux peuvent sembler paradoxales, dans la mesure où celle-ci est encadrée par un dispositif réglementaire lourd, mais elles s’expliquent par la multiplication des normes qui favorise des arbitrages discrétionnaires. […] Surtout, la réglementation est traversée par une contradiction de fond que nous pouvons résumer par une tension bien documentée entre, d’un côté, la norme du droit au logement, et de l’autre, le principe de mixité « sociale » ([583]). »

Au plan des procédures institutionnelles, le poids des « routines gestionnaires » héritées du passé ne doit pas être négligé a rappelé M. Thomas Kirzsbaum, qui a également indiqué : « On peut trouver une discrimination massive dans un contexte de très faible racisme des agents appliquant la politique en question. Cette tendance récurrente à confondre discrimination et racisme, avec la charge culpabilisante que comporte le mot racisme, explique la résistance forte des acteurs du monde HLM à reconnaître l’existence de discriminations. La recherche montre que la discrimination est bien moins l’expression du racisme individuel de tel agent HLM ou de tel agent du service logement d’une municipalité que d’une discrimination institutionnelle. »

Une condamnation a été rappelée au cours de son audition ([584]) par M. Samuel Thomas, délégué général de la Fédération nationale des maisons des potes, président de la Maison des potes-maison de l’égalité : « pour l’attribution d’une habitation à loyer modéré (HLM), l’office public d’aménagement et de construction (OPAC) de Saint-Étienne procédait à un fin dosage des personnes au nom à consonance étrangère. Il s’agit du « syndrome des boîtes aux lettres », diagnostiqué scientifiquement par cet OPAC – avec l’approbation de la caisse d’allocations familiales et de la préfecture : au-delà de x % de noms à consonance maghrébine ou africaine sur les boîtes aux lettres, le taux de vacance d’appartements serait, paraît-il, très élevé. Tout était écrit dans un rapport de l’OPAC – mis à jour par la Mission interministérielle d’inspection du logement social (MILOS) – qui a permis sa condamnation. Les responsables ont été jugés coupables d’avoir établi un fichier ethnoracial de cinq mille personnes et pour avoir commis des discriminations raciales envers mille demandeurs, durant la période non prescrite. L’OPAC a été condamné à 10 000 euros d’amende avec sursis intégral. Cette peine dérisoire a été motivée par le fait qu’il avait agi dans l’intérêt d’un service public. »

L’Union sociale pour l’habitat, dans son Livre blanc, Améliorer, simplifier et clarifier la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux, Propositions de l’USH, publié en 2020, formule pour sa part une demande de « simplification de la règlementation nationale relative aux objectifs d’attribution. En effet, de nombreux objectifs portés par l’État se superposent et peinent à être mis en cohérence au niveau local. Il paraît donc nécessaire de clarifier les objectifs relevant de politiques nationales portées par l’État et de permettre au niveau local de définir collégialement des priorités adaptées aux besoins réels des territoires et des habitants. »

Votre rapporteure relève que la répartition des habitations à bas loyers est une des clés pour assurer la mixité sociale. Elle estime également que la mixité doit être envisagée, non pas à l’échelle d’un quartier mais à celle d’un immeuble, comme le soulignait M. François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : « En ce qui concerne la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, et les logements sociaux, il existe un sujet de péréquation entre territoires, certains en concentrant trop et d’autre trop peu. Une solution pourrait être d’imposer une forme de mixité dans des immeubles, plus au niveau d’un quartier, avec des logements privés et d’autres achetés par les bailleurs sociaux. »

Votre rapporteure tient à souligner les bonnes pratiques mises en œuvre par des acteurs locaux, telles que celle relevée par le Défenseur des droits, qui, dans son rapport Discriminations et origines : l’urgence d’agir, présente les actions de lutte contre les discriminations et pour la promotion de l’égalité dans l’accès au logement social qui ont été mises en œuvre depuis 2011 par l’Association des bailleurs sociaux de l’Isère (ABSISE). Elles ont reposé sur des actions de formation et la rédaction d’une charte, signée avec le préfet du département en 2015. Le suivi mis en œuvre depuis porte une attention particulière à la satisfaction des demandeurs et à leur perception d’éventuelles discriminations ([585]).

ii.   Les discriminations dans l’accès au logement privé

Une étude publiée en 2017, mesurait les discriminations liées à l’origine dans l’accès au logement du parc locatif privé parisien et soulignait l’existence de fortes discriminations en défaveur du candidat d’origine maghrébine lors des prises de contact initiales, que celui-ci présente un critère de stabilité fort dans l’emploi (fonctionnaire) ou non ([586]). Les individus paraissant être d’origine maghrébine d’après le prénom et le nom indiqués avaient, d’après l’étude, « significativement moins de chances de recevoir une réponse non négative que ceux d’origine française. »

Une étude Les discriminations dans l’accès au logement en France : un testing de couverture nationale, publiée en 2018 ([587]),  portait sur l’estimation de la discrimination dans l’accès au logement du parc privé à l’aide d’un testing de couverture nationale, dans les 50 plus grandes aires urbaines de France métropolitaine, couvrant différents motifs de discriminations : l’âge, l’origine (distinguant Maghreb et Afrique de l’Ouest), le lieu de résidence, le statut de fonctionnaire et leurs combinaisons. L’étude portait sur les réponses reçues à la « première marche » de l’accès au logement : la prise de rendez-vous avec un loueur, par le biais d’une agence immobilière ou directement auprès d’un particulier. Tant pour les candidats paraissant d’origine maghrébine que pour ceux paraissant être originaires d’Afrique de l’Ouest, des discriminations étaient constatées, de la part des particuliers comme des agences immobilières. Il apparaissait qu’à l’échelle nationale, les dix aires urbaines où l’intensité des discriminations était la plus forte n’étaient ni les plus grandes, ni les plus petites. Aucune n’était une capitale régionale.

Dans son étude Test de discrimination dans l’accès au logement selon l’origine. Mesurer l’impact d’un courrier d’alerte du Défenseur des droits auprès d’agences immobilières, parue en octobre 2019, le Défenseur des droits souligne que les effets des courriers d’alerte et des rappels au droit effectués, s’ils sont très sensibles sur un temps court, ont tendance à se diluer avec le temps ([588]).

Un test de discrimination (de correspondance) avait été mené auprès de 3 260 agences immobilières situées dans les 50 plus grandes villes de France. Des agences avaient ensuite reçu un courrier de sensibilisation du Défenseur des droits leur indiquant qu’elles avaient fait l’objet d’un test et rappelant le cadre légal ainsi que les sanctions auxquelles elles s’exposaient, ce courrier étant accompagné du guide Louer sans discriminer, un manuel pour professionnaliser ses pratiques. L’effet de ce courrier a été important pendant environ la première année. Toutefois, son impact se réduisait nettement après neuf mois et lors du nouveau test opéré quinze mois après réception du courrier.

Cette expérience traduit en premier lieu l’impact positif de ces travaux sur les comportements observés et la nécessité de poursuivre les efforts de manière très organisée et assidue dans le temps pour faire perdurer les effets positifs en termes de correction des comportements par les testings.

Recommandation n° 28

Renforcer le recours aux tests de discrimination organisés selon un plan de déploiement précis et prévoyant des contrôles répétés par les pouvoirs publics, qui doivent en assurer un suivi pérenne.

M. Jean-François Torollion, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) a regretté au cours de son audition ([589]) qu’aucun règlement de copropriété ne prévoie l’absence de discrimination d’un point de vue formel : « Il serait intéressant que ce soit le cas. De même, il était prévu que nous remettions, à chaque locataire, des extraits de règlement de copropriété. Le fait que cela soit rarement le cas contribue à individualiser les comportements et ne facilite pas la bonne compréhension des règles qu’impose la copropriété. »

Une difficulté particulière a été relevée au cours des auditions de la mission d’information s’agissant de l’accès au logement dans l’Hexagone pour les personnes résidant outre-mer au moment de la recherche de logement. M. Jean-François Torollion soulignait, outre les possibilités de visites filmées à distance que, s’agissant des cautionnements : « nous faisons en sorte que les personnes vivant en outre-mer qui se portent caution n’aient pas à prendre l’avion pour venir dans nos agences, en recourant à des signatures légalisées dans des agences partenaires sur les territoires d’outre-mer ou dans les mairies ([590]). » Il reconnaissait que demeurent certains problèmes : « il nous est ainsi souvent reproché de ne pas accepter des cautionnements d’origine étrangère, difficiles à manipuler en droit. Il est en effet difficile d’expliquer à un propriétaire que le recouvrement du cautionnement exigera l’obtention d’un exequatur. C’est pourquoi, entre deux garanties de même nature, le choix s’oriente malheureusement souvent vers l’efficacité. »

Votre rapporteure souligne qu’un récent décret du 14 octobre 2020 ([591]) a prévu une obligation renforcée de formation continue des professionnels de l’immobilier. À compter de 2021, parmi les 42 heures de formation continue obligatoire sur une période de trois ans, devront être incluses deux heures de formation portant sur la non-discrimination à l’accès au logement et deux heures portant sur les autres règles déontologiques. Cette mesure concernera l’ensemble des professionnels de l’immobilier. Elle porte sur l’ensemble des discriminations et non les seules discriminations raciales. Par conséquent, son impact sur les sujets qui intéressent la mission d’information devrait, au regard des enjeux majeurs pour l’accès au logement, faire l’objet d’un suivi précis.

Par ailleurs, Mme Emmanuelle Wargon, ministre de la transition écologique, chargée du logement, et Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, l’association SOS Racisme ainsi que les professionnels de l’immobilier (FNAIM, UNIS, UNPI, SNPI) ont signé une charte relative à la lutte contre les discriminations dans l’accès au logement dans laquelle les signataires s’engagent à développer des outils de sensibilisation et des indicateurs permettant de suivre le nombre de personnes formées à la non-discrimination chaque année.

Recommandation n° 29

Assurer le suivi des effets de la mise en œuvre des obligations de formation des professionnels de l’immobilier en matière de lutte contre les discriminations raciales.

B.   répondre aux discriminations et aux inégalités

Le paysage des institutions et organismes engagés dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme est varié, qu’il s’agisse de leurs statuts comme de leurs missions. M. Pierre Mairat, co-président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), a souligné au cours de son audition ([592]) : « La loi française est malgré tout assez bien faite. C’est l’une des plus complètes en Europe. Nous avons la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), une institution parfaitement indépendante, et la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, et trans (DILCRAH), qui aide les associations. Le Défenseur des droits n’a jamais été aussi important. »

Le Défenseur des droits est à la fois en charge d’intervenir sur des saisines individuelles et de communiquer et publier des rapports sur les droits et notamment les discriminations. Il convient de souligner la récente création, en février 2021, du nouveau service de signalement et d’accompagnement des victimes de discriminations, grâce à la plateforme du Défenseur des droits anti-discriminations ([593]), accompagnée d’un numéro de téléphone (39 28). Ce service est destiné aux personnes victimes (ou témoins) de discriminations, quels qu’en soient le motif et le domaine. L’accompagnement, gratuit, sera effectué par des juristes du Défenseur des droits. La création de cette plateforme a été confiée au Défenseur des droits par le Président de la République Emmanuel Macron et Mme Elisabeth Moreno, ministre délégué chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

La CNCDH est organiquement rattachée au Premier ministre mais elle est autonome dans sa mission de rapporteur national indépendant sur les droits de l’homme. Elle publie chaque année un rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

L’Observatoire de la laïcité assiste le Gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité en France. Il produit des analyses, rappelle le cadre juridique de la laïcité, dresse l’état des lieux des atteintes à la laïcité et donne des outils de formation laïque sur le fait religieux. M. Jean-Louis Bianco, son président, a ainsi résumé le principe de laïcité auprès de la mission d’information : « Selon moi, la laïcité est un principe politique autant que juridique. Elle concrétise les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Elle repose sur trois piliers : le premier pilier est la liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté de croire ou de ne pas croire, de changer de religion, et la liberté d’exprimer ses convictions religieuses, sans troubler l’ordre public. […] Le deuxième pilier est l’égalité, le troisième, la citoyenneté. La République laïque estime que nos différences, d’histoire, de sentiment d’appartenance, de conviction et d’engagement, sont une chance, à la condition essentielle de ne jamais oublier que nous sommes d’abord toutes et tous des citoyens à égalité de droits et de devoirs. ([594])  »

Votre rapporteure souligne qu’elle a présenté, au cours de l’examen en première lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République, un amendement tendant à traduire la recommandation n° 12 du rapport Laïcité et fonction publique (2016) de l’Observatoire de la laïcité visant à « rendre obligatoire une formation initiale sur la laïcité pour tous les fonctionnaires. » La récente enquête d’Ipsos Les agents de la fonction publique et la laïcité dans leur quotidien professionnel (2020) a souligné récemment ce besoin de formation, notamment en ce que le devoir de neutralité n’était pas suffisamment compris par les agents. En effet, une part encore trop importante ne sait pas que « les usagers des services publics ont le droit d’exprimer leurs convictions religieuses, mais dans la mesure où elles n’entravent pas son bon fonctionnement et qu’elles ne portent pas atteinte aux impératifs d’ordre public » (termes d’une question posée dans le cadre de l’enquête), ce qui peut créer des situations de tension, voire discriminantes.

1.   Des réponses variées et à différents niveaux, qui demeurent complexes à appréhender dans leur ensemble et imposent une forte coordination

Le Défenseur des droits porte un regard sévère sur le cadre de l’action publique : « en la matière [il] est également marqué par une grande confusion des concepts : lutte contre les discriminations, promotion de la diversité, inclusion, politique d’égalité, laïcité, racisme ou encore intégration. Cela tend à mettre en concurrence les registres d’intervention, à minorer les situations de discriminations et à favoriser l’inaction des pouvoirs publics en la matière.([595]) »

La politique de lutte contre le racisme et les discriminations ne relève ni d’une politique dédiée ni d’un ministère spécifique. Elle a nécessairement vocation à concerner l’ensemble des ministères en charge des aspects économiques et sociaux de la vie dans lesquels le racisme s’exprime.

La formalisation de la politique sous la forme d’un plan national, outre qu’elle répond à une exigence européenne, constitue un élément nécessaire à l’élaboration d’une réponse ambitieuse et coordonnée. Mais elle ne peut à elle seule assurer le portage politique des mesures de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.

a.   La France dispose d’atouts dans la coordination : le rôle spécifique de la DILCRAH doit être renforcé

Un premier comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme a été créé par Jean-Pierre Raffarin en 2003 après l’incendie d’un collège israélite à Gagny. Puis, à partir de 2007, la lutte contre les discriminations a pris une ampleur nouvelle et la mission a été confiée à M. Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité des chances.

La délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, placée auprès du ministre de l’intérieur, a été créée en 2012 ([596]), quelques semaines avant l’attentat contre l’école Ozar Hatorah à Toulouse. Elle disposait alors d’un budget d’intervention très limité et concentrait son action sur les formations délivrées dans la fonction publique. En 2013 a été élaboré un premier plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme à l’initiative du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La DILCRAH a ensuite été stratégiquement placée auprès du Premier ministre, et non plus auprès du ministre de l’intérieur, en novembre 2014 sous l’impulsion de MM. Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. Elle a été dotée d’un budget propre, dont le montant s’élève actuellement à 6,8 millions d’euros ([597]). La DILCRAH pilote, conseille et coordonne les actions des différents ministères.

M. Frédéric Potier, délégué interministériel, soulignait devant la mission ([598])  que la DILCRAH est une structure unique en Europe, avec un périmètre sans équivalent au sein de l’Union européenne et est regardée avec intérêt par nos voisins, une quinzaine d’États européens ayant adopté des plans nationaux de lutte contre le racisme. En Allemagne a été nommé, en 2017, un délégué fédéral à la lutte contre l’antisémitisme, Felix Klein.

La DILCRAH s’appuie sur un Conseil scientifique composé de personnalités issues de nombreuses disciplines universitaires des sciences sociales et du droit. Il est présidé depuis 2019 par le sociologue Smaïn Laacher.

La DILCRAH a la charge du pilotage des plans nationaux d’action contre le racisme et l’antisémitisme. Le premier plan national interministériel ambitieux, doté d’une enveloppe de 100 millions d’euros dont la concrétisation n’a pas pu être précisément vérifiée, a été élaboré pour la période 2015-2017 et le deuxième plan national, présenté par le Premier ministre Édouard Philippe en mars 2018, vient de s’achever. Le prochain est en cours de préparation. La philosophie générale de ce plan national est universaliste, républicaine et démocratique. Elle repose sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

La délégation a publié un guide pratique interministériel de lutte contre les discriminations. Elle est présente dans de nombreuses actions de formations initiales ou continues, comme par exemple dans toutes les écoles de police et de gendarmerie, notamment à l’École nationale supérieure de la police (ENSP), qui forme les commissaires et les officiers. Une attention spécifique est notamment portée à la bonne connaissance de la législation sur les circonstances aggravantes de racisme et sur les moyens de les mettre au jour au cours d’une enquête. La DILCRAH travaille à cet effet avec un ensemble de partenaires et de lieux de mémoire ([599]).

Elle est engagée dans la création ou l’enrichissement de ressources et outils pédagogiques (voir infra), en particulier en ligne mais pas seulement (MOOC ou site internet Éduquer contre le racisme et l’antisémitisme, la DILCRAH est aussi le principal financeur du concours scolaire La Flamme de l’égalité dédié à la mémoire de l’esclavage).

La DILCRAH finance environ 900 actions par an. Ainsi, l’appel à projets locaux 2018-2019 a connu un certain succès avec 587 initiatives soutenues dans 99 départements pour un montant atteignant près de 1,5 million d’euros ([600]). À ces financements s’ajoutent les soutiens directs à 85 structures nationales dans le domaine de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

 Elle travaille essentiellement en partenariat avec des institutions, des lieux de mémoire ou des associations. Son action s’en trouve parfois limitée lorsque, comme c’est le cas s’agissant du racisme anti-Roms, le tissu associatif est réduit et encore peu apte à mener ce type de partenariat. C’est un point d’attention qui doit être souligné au regard de la force du racisme qui s’exprime contre les Roms (voir la première partie).

Recommandation n° 30

Porter, dans le prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, une attention spécifique à la lutte contre le racisme anti-Roms.

Une difficulté, déjà mise en relief dans le rapport de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, paru en 2017, sur l’évaluation du plan interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2015-2017 ([601]) réside dans le fait de trouver des indicateurs d’impact directement utilisables. L’effet d’une intervention en milieu scolaire contre des préjugés racistes ou antisémites ne peut se mesurer qu’à moyen ou long terme et il est très difficile d’élaborer des protocoles adaptés à ce type d’estimation.

Votre rapporteure observe, au regard de l’acuité de la problématique du racisme et des discriminations, que faire progresser la dotation de la DILCRAH, dont le champ d’action est très large, à hauteur de 10 millions d’euros dans un premier temps, constituerait un acte politique fort et efficace.

Recommandation n° 31

Relever la dotation annuelle de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT à 10 millions d’euros.

Une autre difficulté réside dans la consolidation des crédits alloués aux actions menées par la DILCRAH mais aussi par les ministères impliqués dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et la mise en œuvre du plan national. La mission d’évaluation du plan 2015-2017 préconisait un bilan consolidé pour la période postérieure 2018-2020. Un tel bilan est donc attendu et constitue un volet important de la communication sur la prise en charge de ces questions par les politiques publiques.

Recommandation n° 32

Assurer, dans le cadre d’une consolidation pérenne, une meilleure visibilité des crédits alloués par les différents ministères à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.

Au plan déconcentré, les Comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (CORA), créés par le décret du 12 juin 2016, sont l’outil privilégié de déploiement territorial de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme ([602]). Désormais dénommés CORAH, ils sont présidés par les préfets et incarnent l’articulation entre les services de l’État et le réseau associatif. Votre rapporteure estime qu’ils doivent être mobilisés en vue du prochain plan national pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

b.   Un grand nombre de ministères impliqués et moteurs

Votre rapporteure souhaite ici souligner l’implication d’un grand nombre de ministères dans la lutte contre le racisme et les discriminations, au premier rang desquels le ministère de l’éducation, de la jeunesse et des sports, le ministère de l’intérieur, le ministère de la justice et le ministère délégué auprès du Premier ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. La parole portée par MM. Jean-Michel Blanquer, Éric Dupond-Moretti et Mme Élisabeth Moreno devant la mission d’information a témoigné de la très grande implication des ministres sur ce dossier à la fois sensible et central. Tous ont souligné que la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations constitue une priorité politique.

Les nombreuses directions ministérielles entendues connaissent l’impact du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations et s’efforcent de le traiter à la hauteur des enjeux auxquels leur ministère a à faire face.

Pour autant, d’une manière générale, il apparaît que les questions de discrimination sont souvent considérées comme étant traitées dans le cadre de la politique de la ville, et plus spécifiquement de la politique en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le Défenseur des droits a très clairement rappelé l’insuffisance d’une telle approche ([603]). L’objet premier de la politique de la ville n’est pas de lutter contre les discriminations en fonction de l’origine dans l’accès à l’emploi ou à certains biens et services. Par ailleurs, racisme, antisémitisme et discriminations ne sont pas le problème des seuls QPV et ce sont bien les origines extra-européennes, réelles ou supposées telles, qui exposent les personnes aux discriminations, avant le critère de l’adresse. Le Défenseur des droits estime : « le ciblage des quartiers de la politique de la ville induit des actions centrées sur leurs habitants et habitantes et opère ainsi un « insidieux basculement » et un retour au répertoire de « l’intégration » ([604]). »

M. Nicolas Grivel, directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a également indiqué qu’il fallait progresser pour porter la question de la « ségrégation sociale territoriale » au-delà de l’habitat et des quartiers ([605]). Les politiques d’ensemble à déployer concernent à la fois l’habitat, les transports, la carte scolaire, l’accès aux services publics, les aménagements urbains et les commerces, le tout devant être pensé à l’échelle de la ville mais surtout au-delà. Les politiques de financement et d’accompagnement du renouvellement urbain sont nécessairement de très long terme.

La lisibilité de la problématique des discriminations selon l’origine apparaît diluée dans un ensemble de problèmes de natures différentes. Plusieurs personnes auditionnées, en particulier sur la question de l’emploi, ont alerté votre rapporteure sur l’invisibilisation des problèmes de racisme et de discriminations en fonction de l’origine au sein du très vaste ensemble des discriminations (infra). La diversité portée dans les outils de droit souple (soft law) mis en place, certes très utiles (infra), ne peut pas être considérée comme suffisante, notamment parce qu’il apparaît que les acteurs font primer les questions d’âge, de sexe ou de handicap sur celles liées à l’origine dans le combat contre les discriminations (infra).

Le manque de rapportage des initiatives locales qui fonctionnent est également rappelé par le Défenseur des droits. Le suivi dans les outils déployés (en particulier des testings et outils de mesure statistique, comme cela a été rappelé précédemment) est encore insuffisant.

La lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes et celle contre les discriminations en matière de handicap ont notamment une meilleure lisibilité. Il ne s’agit pas ici de porter une concurrence des discriminations mais bien de s’inspirer de ce qui a permis à d’autres problématiques d’être mieux prises en charge.

Votre rapporteure estime donc nécessaire de redonner à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations sa portée générale, d’en faire une priorité politique de premier plan, qui ne soit pas limitée à la politique de la ville ou prioritairement portée par cette dernière.

Recommandation n° 33

Redonner à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations sa portée de politique générale et en faire une priorité politique de premier plan.

 

Votre rapporteure juge également nécessaire de « professionnaliser » la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

M. Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah, a très justement souligné devant la mission d’information : « Un des messages que je voudrais faire passer est que le racisme et l’antisémitisme sont devenus tellement graves en France qu’il faut professionnaliser la lutte contre ces phénomènes. Celle-ci doit être gérée comme les problèmes médicaux, les pandémies et l’éducation. Les institutions qui travaillent sur le terrain ont besoin de la société. Nous ne pouvons pas accomplir seuls un travail que la collectivité n’arrive pas à mener à bien. Il est nécessaire que l’ensemble des cadres de la société soient sensibilisés au racisme et à l’antisémitisme et apportent des réponses à la place qu’ils occupent. ([606])  »

Ainsi, l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations fondées sur l’origine devraient en particulier bénéficier d’une formation initiale et continue singulièrement renforcée, dans la fonction publique comme dans les entreprises. Toutes les organisations sont concernées. Votre rapporteure estime qu’une telle priorité devrait être traitée dans le cadre du futur plan national de lutte contre le racisme 2021-2023. Différentes recommandations du présent rapport porteront sur cette question, dans plusieurs domaines.

Recommandation n° 34

Fixer, dans le cadre du futur plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2021-2023, la priorité de la professionnalisation de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte, dans le secteur public comme dans le secteur privé, notamment par un déploiement très vaste de mesures en faveur de la formation.

 

c.   Des politiques publiques qui doivent être renforcées en faveur l’accès à l’emploi des primo-arrivants

Il convient ici de rappeler plusieurs des recommandations portées par nos collègues pour faciliter l’emploi des primo-arrivants. En 2019 a été annoncée la mise en œuvre du doublement, dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR), à 400 heures du nombre d’heures de cours de français ainsi que le triplement à 600 heures pour les publics ne sachant ni lire ni écrire. Les offres de gardes d’enfants ont également été étendues et le nombre d’heures de formation civique dans le cadre du CIR a été relevé à 24 heures.

Nos collègues Mme Stéphanie Do et M. Pierre-Henri Dumont ([607]), dans leur rapport sur l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale, ont soutenu une meilleure « accessibilité des immigrés ayant une faible maîtrise du français, en particulier des femmes, à des cours de langue en adaptant l’offre aux besoins (ateliers sociolinguistiques, cours de français langue étrangère, cours à visée professionnelle…) ». Ils recommandaient également de « développer les programmes consacrés à l’insertion professionnelle des femmes immigrées en offrant des possibilités de travail plus nombreuses et plus diversifiées » et de « mettre en place un réseau d’information et un accompagnement dédié aux étrangers vers des dispositifs de reconnaissance de leurs qualifications et de leur expérience. » Ils souhaitaient « adapter les savoir-faire et l’offre de services de droit commun de Pôle emploi aux besoins spécifiques des étrangers primo-arrivants. » Ils recommandaient en outre d’intensifier les efforts en matière de lutte contre les discriminations.

Il convient également de souligner l’impact de l’accueil des primo-arrivants en préfecture et le rôle premier des agents en préfecture. Mme Ya-Han Chuang, sociologue, a regretté la différence de traitement qu’elle avait constatée, selon qu’elle était ou non accompagnée par un collègue français dans ses rendez-vous à la préfecture ([608]).

Mme Danièle Lochak, professeure émérite de droit public à l'université Paris Nanterre, ancienne présidente et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), a rappelé l’importance de l’accueil et souligné les difficultés liées à la dématérialisation : « Vous êtes certainement au courant des problèmes posés par la dématérialisation dans l’accès aux préfectures : l’impossibilité d’obtenir des rendez-vous provoque des situations extrêmement dramatiques, non seulement pour ceux qui n’arrivent pas à demander un premier titre de séjour, mais aussi pour ceux qui sont en phase de renouvellement de leur titre et qui, de ce fait, vont perdre leurs droits liés à sa possession. ([609]) »

2.   Mettre en valeur et soutenir les actions portées par les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile

Votre rapporteure souhaite souligner ici la réelle mobilisation des collectivités territoriales et des associations ou fondations, nationales ou locales, dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elle a pu rencontrer et échanger avec un grand nombre d’acteurs opérant de façon déterminée. Certes, du fait des contraintes de l’épidémie de la covid et des restrictions de déplacements, elle n’a pas pu rencontrer tous ceux avec lesquels elle avait espéré dialoguer ; mais cela n’entame en rien le constat d’une forte mobilisation qui doit être soutenue. Ce sont les acteurs de terrain qui identifient les outils les plus pertinents au plan local.

Votre rapporteure estime que le déploiement de mesures de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations doit viser l’ensemble des collectivités et non seulement celles ayant à faire face à des difficultés spécifiques en matière d’intégration ou de politique de la ville.

Chaque niveau de collectivité territoriale a, par son champ de compétence propre, la possibilité d’agir concrètement pour lutter contre le racisme, que ce soit directement ou par le soutien aux acteurs associatifs.

La signature de contrats territoriaux pour lutter contre le « racisme, l’antisémitisme et les discriminations » entre la DILCRAH et des collectivités territoriales est l’un des axes forts de l’action de cette dernière. Dans le cadre du plan national 2018-2020, des expérimentations avaient été conduites dans les villes de Vaulx-en-Velin et de Vitrolles. Deux plans territoriaux de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT ont été signés au 1er semestre 2019 (à Toulouse et Sarcelles). En 2020, un plan a été signé avec Rillieux-la-Pape et un contrat avec la région Occitanie. Il faut bien entendu tenir compte dans ce bilan de l’impact majeur des élections municipales de 2020 et de la pandémie. À ce jour, selon les informations transmises à votre rapporteure, la DILCRAH est engagée avec six collectivités : Vaulx-en-Velin, Vitrolles, Sarcelles, Toulouse, Rillieux-la-Pape, la région Occitanie. Quoique l’objectif initialement porté de contractualiser 50 plans n’ait pu être atteint, votre rapporteure souligne l’intérêt majeur de cette politique et souhaite qu’elle soit confortée.

Recommandation n° 35

Conforter la signature de contrats territoriaux pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations entre la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et des collectivités territoriales et l’accompagnement des collectivités par la DILCRAH.

Le besoin d’impliquer les acteurs territoriaux, au premier rang desquelles les collectivités, avait été souligné dans le rapport de la mission d’évaluation du plan 2015-2017 ([610]). Le rapport faisait état des remontées issues des préfets, en charge du déploiement des CORAH, qui soulignaient la nécessité d’une meilleure lisibilité et d’une meilleure articulation avec des politiques portant sur des politiques voisines, telles que la politique de la ville ou de promotion de la laïcité. Ils déploraient à l’époque l’insuffisante implication des collectivités territoriales et des entreprises.

Les représentants de l’Association des maires de France, de l’Assemblée des départements de France et de Régions de France ont tous souligné la gravité de la question du racisme et des discriminations ([611]). Les actions déployées à Sarcelles sont très inspirantes. Le maire, M. Patrick Haddad, soulignait que dans nombre de situations, si le maire ne prend pas l’initiative de dialoguer avec des jeunes, que ce soit dans le cadre de festivités intercultuelles ou interculturelles, ou dans des situations plus difficiles de tension avec la police dans lesquelles les discours victimaires tendent à se déployer aisément, alors personne ne le fera. Les maires constituent des acteurs de tout premier plan, concevant et déployant des actions de proximité avec les partenaires nationaux et locaux. Il soulignait l’importance de créer un espace de dialogue commun sur le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, à l’heure où les réseaux sociaux enferment les personnes dans des sphères de pensée monolithiques et sans nuance.

Il convient de relever que l’importance des manifestations intercultuelles a également été soulignée par M. Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman : « Aujourd’hui, certains extrémistes ont réussi à créer l’amalgame entre les juifs et les conflits qui se déroulent dans certaines parties du monde, notamment le conflit israélopalestinien. Certains ont instrumentalisé ce conflit pour créer une réelle division entre musulmans et juifs de France. Du point de vue institutionnel, nous entretenons une grande fraternité avec les responsables de la communauté juive de France. […] Nous n’avons que des relations de bonté et de fraternité. Je souhaiterais que ces relations descendent vers la base et les fidèles. C’est le défi que nous devons relever. Des réflexions sont menées autour de cette question : comment faire se rencontrer les jeunes de confession musulmane et les jeunes de confession juive sur des projets communs qui permettraient de créer le climat de communauté de destin, où la religion des uns et des autres ne devrait pas être un facteur de division mais plutôt être un facteur d’enrichissement ?  ([612]) »

Les régions et les départements, au titre de leur compétence sur les lycées et collèges, engagent des actions de sensibilisation avec les élèves de ces établissements ([613]). Ils organisent également des actions à destination d’un public plus large par des rencontres dédiées, ou non, à la seule question du racisme et de l’antisémitisme. L’enjeu de la mobilisation des partenaires est également traité ([614]). Les régions et départements soutiennent aussi le devoir de mémoire. Six départements disposent d’un partenariat avec le Mémorial de la Shoah ([615]). Certaines collectivités, telles que la Seine-Saint-Denis, sont titulaires du label « diversité ». Certaines sont actives en matière de dialogue interreligieux ([616]).

M. Patrick Karam, vice-président du Conseil régional d’Île-de-France en charge des sports, des loisirs, de la jeunesse, de la citoyenneté et de la vie associative a indiqué à la mission d’information, s’agissant des financements apportés par la région Île-de-France ([617])  : « Que finançons-nous ? À la fois des actions de prévention et de sensibilisation, du testing, non uniquement pour témoigner, mais comme base de procédures judiciaires, avec SOS Racisme, la Maison des potes ou des dizaines d’autres associations œuvrant dans le secteur de l’emploi, du logement, de la promotion des femmes ou contre toutes les formes de racisme. Tous les ans, nous finançons un appel à projets contre les violences, qui recoupe nos actions en faveur des femmes, contre les discriminations, l’homophobie et l’antisémitisme. L’an passé, 800 000 euros ont été versés, auxquels s’ajoutent 2 millions d’euros au titre de la politique de la ville. » Il a regretté que beaucoup d’associations financées par la région aient du mal à trouver les compléments de financements nécessaires.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, a rappelé sa volonté d’échanges réguliers avec les associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elle a avec eux notamment « évoqué le futur plan de lutte contre le racisme 2021-2023, qui sera piloté par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Nous le coconstruirons avec les associations, acteurs fondamentaux pour avancer sur ces sujets ([618]). »

Votre rapporteure souhaite ici souligner le travail très inspirant mené par de nombreuses associations, fondations ou clubs, qui œuvrent à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, la promotion de la diversité, ainsi que l’accès à l’emploi et à l’éducation. Elles ont été nombreuses à être entendues par la mission d’information et ont pu détailler la palette des outils qu’elles ont conçus. Certaines des associations se concentrent sur un objectif délimité et développent une expertise très enrichissante.

Votre rapporteure estime qu’il serait important que les pouvoirs publics, par exemple la DILCRAH, puissent recenser, valoriser et diffuser les exemples de bonnes pratiques mises en œuvre par différentes catégories d’acteurs, en particulier associatifs, afin de les mettre à la disposition de tous : associations, entreprises, établissements scolaires, copropriétés, etc.

Recommandation n° 36

Mettre en œuvre une plateforme nationale de pilotage de la question du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations dans les organisations, présentant des éléments de droit, en particulier sur les possibilités en matière de diagnostic et de statistique, ainsi que des outils de réflexion, de méthode et de partage de bonnes pratiques. Cette plateforme devrait être accessible à l’ensemble des acteurs publics et privés.

Procéder, sur cette plateforme, au recensement et à la valorisation des actions de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

3.   Un effort particulièrement important à faire dans l’entreprise

Votre rapporteure prône une approche de partenariat et non une logique de confrontation avec les entreprises.

Elle tient à relever les travaux menés par plusieurs structures associatives qui œuvrent aussi bien auprès des entreprises dans différents secteurs qu’auprès des collectivités territoriales, des ministères ou des établissements publics.

Mme Maya Hagege, déléguée générale de l’Association française des managers de la diversité (AFMD), a souligné au cours de l’audition du 3 décembre 2020 ([619]), que, si de plus en plus d’organisations se saisissent de la question des discriminations, quelles qu’elles soient, la problématique du racisme est encore peu prise en compte. Elle dénonçait également l’amalgame tendant à considérer qu’agir dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville est agir contre le racisme, les entreprises étant clairement incitées à aller dans ce sens.

Par ailleurs, la promotion de la diversité est souvent entendue au sens très large, en particulier dans le cadre de la labellisation, et non seulement en direction des personnes issues des minorités raciales ou ethniques : on l’entend en général plutôt comme diversité dans l’âge, le genre ou le handicap. La diversité ethnique arrive en second plan.

a.   Le sujet de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine reste tabou dans le monde de l’entreprise

Les acteurs entendus ont souligné que parler de prétendue race ou d’origine en entreprise reste une forme de tabou qui doit être levé. L’année 2020 a démontré que l’invisibilisation des problèmes de racisme crée de très lourdes tensions et accroît les phénomènes de rejet et d’enfermement. Peu d’entreprises osent prendre cette question à bras-le-corps sans l’amalgamer à d’autres sujets et beaucoup craignent de ne pas savoir faire face aux revendications et difficultés qui seraient énoncées par leurs salariés.

Pourtant certaines entreprises ont réussi à s’emparer de la question, soulignait Mme Maya Hagege. Si l’État menait une campagne de communication incitative, les entreprises craindraient peut-être moins d’être stigmatisées si elles travaillent sur le sujet.

Par ailleurs, de vraies lacunes existent sur la connaissance des possibilités, à droit constant, de traiter statistiquement des origines dans l’entreprise, et de mettre en œuvre des diagnostics et procédures de suivi. La levée des incertitudes sur ce que permet le cadre légal actuel constitue un enjeu.

Recommandation n° 37

Expliciter clairement, en direction des entreprises, quelles sont les mesures attendues de leur part en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine, dans l’accès à l’emploi mais aussi dans le déroulement de la carrière.

 

La prise en charge du racisme et de la discrimination par les entreprises impose également de mettre en œuvre une concertation avec les différentes branches professionnelles.

Recommandation n° 38

Mettre en place une concertation entre l’État et les branches professionnelles, impliquant les représentants syndicaux des entreprises et des salariés, sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en fonction de l’origine.

En France, les managers sont poussés à « ne pas faire de vague » et donc essaient de traiter les choses qui leur parviennent par leurs propres moyens, sans en référer à des personnes mieux formées ou plus aptes à le faire. « Les managers ne sont d’ailleurs jamais évalués que négativement sur la gestion de ce type de situations – il n’y a jamais de prime au bon management d’une situation conflictuelle au motif de racisme ou de discrimination raciale », a souligné Mme Dorothée Prud’homme, responsable des études de l’AFMD ([620]) .

L’AFMD a présenté la manière dont elle oriente les entreprises dans leurs constats et dans le déploiement de stratégies et d’outils internes. Elle formule cinq recommandations principales : oser dédier un axe à la lutte contre le racisme et les discriminations, mesurer les phénomènes, par exemple avec les auto-diagnostics, former, savoir réagir aux comportements racistes et sanctionner ([621]).

ISM-Corum, également connue pour ses travaux en ce domaine, a présenté son analyse de la situation au cours de la même audition. M. Éric Cédiey a souligné l’importance de mesurer les discriminations, dont les acteurs n’ont souvent pas conscience. Soutenir les actions dans la durée est essentiel après un premier diagnostic (trois principales méthodes sont employées : les enquêtes de perception, les testings et des analyses statistiques des données réelles). Les questions soulevées ne sont pas tant des problématiques juridiques ou statistiques (des réponses existent déjà à droit constant) que d’ordre politique. M. Cédiey rappelait que les difficultés « appellent à un portage politique fort des responsables à la tête de l’entreprise, de la collectivité territoriale ou de l’organisation en question, à de la clarté dans l’identification du problème, à une responsabilité forte pour le traiter et à de la constance dans le temps. ([622]) »

La labellisation constitue une démarche volontaire. Le label « diversité », piloté par l’État et créé en 2008, était, au mois de mars 2020, accordé à 112 organismes, dont de grands groupes, mais aussi 40 très petites et moyennes entreprises (TPE/PME), des associations, des ministères, des collectivités et des établissements publics, qui réunissent au total plus d’1,3 million d’actifs, les entreprises privées représentant près des deux tiers de l’ensemble des détenteurs du label. Le label examine les phases du recrutement et de l’intégration ainsi que le déroulement de carrière. À l’issue de l’audit in situ, un rapport d’audit réalisé par AFNOR Certification fait l’objet d’une évaluation au sein, c’est là une originalité du dispositif, d’une commission qui associe quatre collèges : l’État, cinq organisations syndicales de salariés ([623]), un collège d’employeurs ([624]) et une délégation de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). La démarche, de l’auto-évaluation au label, est exigeante. Le label est accordé pour quatre ans et un audit est réalisé à mi-parcours. M. Thierry Geoffroy, responsable des affaires publiques d’AFNOR Certification, soulignait : « Dans la fonction publique d’État, l’État se montre assez exemplaire. François Fillon, lorsqu’il était Premier ministre, avait décidé que l’ensemble des employeurs publics, donc, des ministères, devait obtenir le label, ce qui est aujourd’hui le cas de la quasi-totalité d’entre eux, à l’exception de deux ou trois qui sont encore engagés dans cette démarche([625]) » Votre rapporteure souligne à cet égard que plusieurs voies d’amélioration ont été proposées, dont certaines sont déjà en cours, telles qu’une adaptation du cahier des charges, qui est très lourd, aux PME, le recensement et la diffusion des bonnes pratiques. À terme, une orientation vers des indicateurs davantage tournés vers les résultats que vers les moyens mis en œuvre pourrait enrichir le dispositif.

Enfin, la généralisation de la prise en charge des questions de racisme, d’antisémitisme et de discrimination s’impose, au-delà des seules bonnes volontés des précurseurs. Mme Karima Silvent, directrice des ressources humaines du Groupe Axa, est venue témoigner de son analyse et de sa démarche en la matière ([626]). L’entreprise a mis en œuvre une série de mesures variées pour faire émerger cette question, qui demeure taboue, visant à la fois à promouvoir des modèles et la diversité des origines de manière positive, à analyser et à permettre de signaler et traiter les cas de discrimination lorsqu’ils se présentent. L’entreprise avait été l’une des rares à utiliser le curriculum vitae anonyme pendant plus de dix ans de 2005 à 2016. L’article 24 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances le rendait obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Non appliquée faute de décret, cette mesure constitue aujourd’hui une simple faculté pour les entreprises en application de l’article L. 1221-7 du code du travail. « Il en est resté une pratique de la gestion du recrutement, incluant la formation systématique de nos collaborateurs, l’analyse de l’ensemble des CV reçus et l’évaluation de nos pratiques de recrutement. ([627]) », a indiqué Mme Silvent. Cet outil ne figure plus aujourd’hui parmi les priorités pour résoudre les problèmes d’accès à l’emploi. Il est en particulier impuissant à traiter les questions se posant au-delà de l’accès au premier entretien. On peut aussi estimer que demander aux personnes de masquer leur identité n’est pas le meilleur moyen de combattre durablement les préjugés et de renforcer leur confiance en elles-mêmes.

Recommandation n° 39

Porter une attention accrue à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations dans l’entreprise dans le prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme et renforcer l’impact du label diversité avec une évaluation des résultats.

b.   Renforcer les obligations pesant sur les entreprises

Il semble important à votre rapporteure de faire émerger la lutte contre le racisme en tant que telle parmi les priorités des entreprises. Il en va d’ailleurs de leur responsabilité sociale comme de leur rentabilité. Le Club XXIe siècle l’a souligné devant la mission d’information ([628]). M. Saïd Hammouche, président de la Fondation Mozaïk, l’a également rappelé : « Un sondage récent ([629]) montre que 86 % des Français estiment que la diversité ethnique est un atout dans le monde du travail. De la même manière, selon le baromètre AssessFirst ([630]), 97 % des recruteurs considèrent que la diversité est importante dans le succès d’une entreprise et est fortement corrélée à sa performance économique. ([631]) » Il a également souligné la nécessité d’une démarche préventive car, lorsque les difficultés d’accès à l’emploi et de carrière se produisent, elles viennent conforter les stéréotypes, rendant le problème d’autant plus difficile à traiter. Il a rappelé que les jeunes n’ont aucun problème « d’intégration », étant nés et éduqués en France, mais seulement un problème de connexion avec le monde économique

Votre rapporteure souligne à cet égard qu’un complément devrait être apporté au code de commerce afin d’intégrer spécifiquement la lutte contre le racisme à la responsabilité sociale des entreprises, cette question étant trop indirectement traitée dans le champ du dispositif actuel qui mentionne les « actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités ». La déclaration de performance extra-financière insérée dans le rapport de gestion devrait nécessairement viser le racisme et les discriminations en fonction de l’origine. Elle devrait, sur cette question, être rendue obligatoire, et non seulement prévue « dans la mesure nécessaire à la compréhension de la situation de la société, de l'évolution de ses affaires, de ses résultats économiques et financiers et des incidences de son activité ».

Recommandation n° 40

Modifier l’article L. 225-102-1 du code de commerce afin de systématiser la publication, dans la déclaration de performance extra-financière, des informations de l’entreprise relatives à la lutte contre les discriminations en fonction de l’origine et étendre les obligations à la lutte contre le racisme.

En ce qui concerne la formation et la sensibilisation des personnels situés aux postes stratégiques de recrutement dans les grandes entreprises, il semble que la logique, qui est positive, devrait être étendue à tous les managers. La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a prévu en son article 214 que dans toute entreprise employant au moins trois cents salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les cinq ans (article L. 1131-2 du code du travail).

Votre rapporteure estime que ces formations devraient être étendues aux entreprises de plus de cinquante salariés, aux cadres impliqués dans les processus de formation et qu’elles devraient concerner le racisme et l’antisémitisme et non les seules discriminations. En outre elles devraient être également axées sur le déroulement de la carrière et non le seul processus de recrutement. La CFTC porte ces recommandations dans la contribution qu’elle a adressée à votre rapporteure et souhaite supprimer tout seuil dans cette obligation.

Recommandation n° 41

Étendre les obligations de formation à la non-discrimination dans les entreprises de plus de 300 salariés :

– aux entreprises de plus de cinquante salariés ;

– au racisme, à l’antisémitisme et à la non-discrimination ;

– dans le recrutement et dans le déroulement de la carrière ;

– ainsi qu’aux cadres participant au processus de recrutement et de suivi de la carrière, qu’ils appartiennent ou non au service des ressources humaines de l’entreprise.

Depuis 2019, la désignation d’un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au sein du comité social et économique (qui est constitué dans les entreprises de plus de onze salariés) est obligatoire. Votre rapporteure estime, comme la CFTC dans sa contribution, qu’une telle mesure pourrait être transposée en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations fondées sur l’origine.

Recommandation n° 42

Prévoir, au sein du comité social et économique, la désignation obligatoire d’un référent contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations fondées sur l’origine.

Au cours des auditions menées par la mission d’information, les avis étaient très positifs sur l’avancée que représente le nouvel index sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Mme Élisabeth Moreno, a annoncé en janvier 2021 la création d’un index de la diversité qui permettrait aux entreprises qui le souhaitent de mesurer la place des « minorités » en leur sein et de mettre en œuvre les actions correctrices nécessaires. Votre rapporteure souligne l’intérêt de ce type d’outil, dont les contours devront être définis afin de traiter de manière efficiente de la question du racisme et des discriminations fondées sur l’origine, à la fois en matière d’évaluation, d’autodiagnostic et de progrès des organisations. Une attention spécifique devra être portée au fait de ne pas enfermer les personnes dans des catégories préétablies et à la mesure concrète des objectifs atteints par les entreprises.

En ce qui concerne les pratiques nouvelles de recrutement, votre rapporteure alerte sur la question des algorithmes utilisés à différentes étapes de sélection des candidatures. Les effets pervers en termes de reproduction et d’enfermement des algorithmes sont bien connus s’agissant des réseaux sociaux et moteurs de recherche. Aussi, une grande vigilance et une véritable transparence doivent-elles être instituées en la matière.

Plusieurs solutions sont possibles, telles qu’imposer un audit régulier de l’emploi des algorithmes et imposer, aux grandes entreprises ainsi qu’aux acteurs du recrutement qui disposent de bases de CV importantes, tels que les grands cabinets de recrutement ou les sites d’offres d’emploi, compte tenu de l’enjeu afférent aux discriminations dans l’emploi, la réalisation d’un autodiagnostic régulièrement renouvelé relatif au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations raciales.

Votre rapporteure estime qu’il est nécessaire que les grandes entreprises et administrations s'autoévaluent en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations au moins deux fois au cours des cinq prochaines années, afin de faire le constat des inégalités et de la diversité ainsi que des progrès mesurés suite à la mise en place de procédures correctrices. Une telle démarche pourrait tenir lieu de label en cas de progrès pour les petites et moyennes entreprises.

Recommandation n° 43

Imposer, aux grandes entreprises et administrations, compte tenu de l’enjeu sociétal afférent aux discriminations dans l’emploi, un autodiagnostic régulièrement renouvelé, et réalisé deux fois au cours des cinq prochaines années, relatif au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations raciales.

4.   Renforcer la lutte contre les préjugés

a.   Porter une attention accrue aux biais raciaux implicites et limiter la charge morale pesant sur les discriminations liées à l’origine

Les biais cognitifs permettent à chacun de prendre des décisions rapides sans avoir à continuellement renouveler l’analyse des données d’un problème. Ils prennent d’autant plus de place qu’une personne est fatiguée, stressée, ou se sent en danger.

Les universitaires entendus ont rappelé que les biais raciaux sont très nombreux, qu’il s’agit de phénomènes automatiques, peu accessibles au raisonnement conscient de l’individu. Lorsqu’ils sont présents, ils sont très difficiles à désamorcer, même une fois identifiés, et requièrent une forme de vigilance constante.

Sur cette question, les champs individuel et institutionnel sont liés car la formulation des objectifs de certaines institutions sous une forme uniquement chiffrée ou le sous-effectif peuvent induire une activation accrue des biais implicites et rejoindre ici la question de ce que certains analysent comme le racisme institutionnel.

Mme Magali Bessone, professeure de philosophie politique ([632]), a rappelé à la mission d’information, comme nombre de chercheurs entendus, que mobiliser le terme « raciste », c’est condamner définitivement l’auteur parce que la charge morale associée au mot racisme est extrêmement élevée. Dans le cas d’une discrimination, cela peut être totalement contre-productif, dès lors que les mécanismes à l’œuvre peuvent être inconscients et automatiques. Culpabiliser les individus n’aurait aucune efficacité. Pour autant abandonner le terme de raciste ne paraît pas être la bonne solution. Les termes « ethno-racial ou fondé sur l’origine », tendant à amoindrir l’impact de la condamnation, ne sont pas aussi clairs pour identifier le phénomène. La difficulté sera donc de pouvoir aborder de manière plus calme et sereine la discrimination raciale.

Pouvoir parler de biais raciaux implicites est une première étape. En effet, Mme Magali Bessone rappelait : « les biais implicites traduisent l’état épistémique, moral et social de notre société. De nombreux travaux de psychologie sociale ont montré que les formes explicites, violentes et ouvertes de racisme surgissent de manière d’autant plus fréquente, assumée et continue, qu’elles s’appuient sur un racisme implicite, c’est-à-dire sur une représentation beaucoup plus diffuse qui rend acceptable l’expression explicite. Il y aurait donc une continuité entre formes implicites et formes explicites du racisme. ([633]) »

Lutter contre les discriminations fondées sur un critère racial impose en quelque sorte de dédramatiser le travail à accomplir. Lorsqu’une discrimination fondée sur le handicap est réprimée, l’auteur arrive en règle générale à admettre qu’il peut y avoir discrimination sans intention d’exclusion des handicapés de sa part. C’est pour l’instant très difficile en matière de discrimination fondée sur l’origine.

M. Lilian Thuram a souligné au cours de l’audition de Fondation Lilian Thuram, éducation contre le racisme ([634]) : « On pourrait penser que le racisme est naturel ; certains disent : « c’est normal d’avoir peur de l’autre ». Mais c’est faux, violent et dangereux ! Si nous avons peur de l’autre, il n’y a pas de société. « L’autre » qui fait peur, qui est-il et comment l’a-t-on construit ? On parle d’hommes ou de femmes, mais on a construit ces catégories en expliquant que les hommes fonctionnent d’une manière et les femmes d’une autre. C’est la même chose pour le racisme lié à la couleur de la peau : il s’agit d’une construction politique, idéologique. Quand on nous classe dans un groupe, nous avons tous tendance à l’avantager, c’est humain. La question est de savoir si on peut élargir le groupe. » Il a également ajouté, soulignant le parallèle entre les biais racistes et ceux qui s’exercent dans les relations entre les hommes et les femmes : « On pense très souvent que les racistes sont des grands méchants. Or on peut très bien tenir des propos racistes sans l’être. J’ai eu la chance d’être un peu l’élève de Françoise Héritier. J’allais parfois chez elle. Elle me disait avec sa petite voix : « monsieur Thuram, tous les jours je fais attention à ne pas avoir de préjugés racistes ». Chacun peut en avoir, sans être quelqu’un de mauvais. Il est très difficile d’y échapper. Je suis un homme : si on me dit que je tiens des propos sexistes, je peux l’entendre. Il y a un conditionnement, des biais. Il est très important de prendre conscience que nous vivons dans une société où le biais blanc est la norme. Il faut savoir d’où nous venons historiquement. Le biais masculin est aussi la norme. Il faut pousser les gens à faire attention à certaines choses. »

M. Patrick Charlier, directeur de l’UNIA (Centre interfédéral belge pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations), homologue belge du Défenseur des droits français, soulignait qu’il faut rappeler que l’on peut commettre une discrimination raciale sans être raciste ([635]). Aussi, toute discrimination raciale n’est pas nécessairement stigmatisante pour son auteur. L’expérience de M. Charlier lui a démontré que rappeler ce simple énoncé peut permettre d’aboutir à des solutions extra-judiciaires.

Recommandation n° 44

Informer sur le concept des biais raciaux implicites et permettre de dédramatiser la charge morale derrière la discrimination liée à l’origine. À cette fin, mener une campagne nationale contre les discriminations pour que chacun, à la place qui est la sienne, prenne conscience qu’il peut agir concrètement contre le racisme et les discriminations et qu’il s’agit d’un enjeu national, pas seulement des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

b.   Combattre les préjugés par la coopération en vue d’un objectif commun et les interactions

M. Daniel Sabbagh a souligné que le fait d’œuvrer à un objectif commun et de multiplier les contacts peut être un outil efficace de lutte contre les préjugés : « Si on adhère à l’idée du racisme comme attitude émotionnelle, affective, négative, quelle serait la stratégie antiraciste appropriée ? Dans The Nature of Prejudice – La Nature des préjugés, dans la traduction française –, publié en 1954, le psychologue social américain Gordon Allport a formulé l’hypothèse selon laquelle la multiplication des contacts et des interactions entre membres de groupes raciaux distincts devrait, en général, dans la plupart des cas, aboutir à une réduction des préjugés racistes et des attitudes psychologiques négatives si certaines conditions sont réunies : les protagonistes doivent être placés sur un pied d’égalité, poursuivre un objectif commun et être obligés de coopérer pour l’atteindre. De nombreuses études de psychologie sociale empirique ont, pour l’essentiel, validé cette hypothèse. Dans la très grande majorité des cas, on a pu mesurer une réduction des attitudes racistes émotionnelles affectives. Elle est durable et elle s’étend au-delà des protagonistes en interaction : la diminution des préjugés envers une personne d’un autre groupe concerne tous les membres de ce groupe, y compris ceux que la personne en question n’a jamais rencontrés et ne rencontrera jamais. ([636])  »

D’autres chercheurs entendus ont également souligné l’impact des contacts dans le cadre de travaux menés en vue d’atteindre un objectif commun. Mme Evelyne Heyer, biologiste, a ainsi souligné ([637]) : « En psychologie sociale, les chercheurs se sont interrogés sur la façon de sortir des catégories. Dans les années 70, ils ont mené des expériences sur le sujet, en mettant des groupes en situation de concurrence pendant quelque temps (ce qui ne serait plus permis maintenant, heureusement). Celles-ci ont montré que, pour que la division de groupe s’atténue, il faut faire travailler les gens sur des projets en commun et les mettre dans des situations où l’on coopère pour quelque chose de « supérieur ». À mon avis, cela ne suffit pas de rappeler l’existence de valeurs supérieures. Il faut imaginer des systèmes où on fait faire des choses aux gens ensemble. C’était peut-être un des rôles du service militaire. C’était mal fait – je suis plutôt pacifiste –, et le remplacement par un service civique correspond plus à mes idéaux, mais cette idée de réunir des gens qui a priori viennent de catégories sociales différentes, pour un temps donné et pour faire quelque chose ensemble, est le meilleur moyen de sortir des catégories. »

Le vice-amiral Philippe Hello, directeur des ressources humaines du ministère des armées, soulignait également ([638]) : « La capacité d’intégration dans les armées repose sur plusieurs piliers. Le premier, c’est l’entretien d’un certain nombre de traditions historiques et culturelles, caractérisé par des objectifs collectifs qui fédèrent l’ensemble des individus et des valeurs intégratrices telles que la fraternité d’armes et l’entretien de traditions qui évoque l’histoire de nos armées. La tradition historique intégratrice s’appuie sur la codification d’un certain nombre d’usages. Notre armée est celle de la République française et elle accueille toute la Nation. Ses valeurs sont enseignées en mettant en avant le respect de l’autre, des devoirs, des sujétions partagées, une égalité de traitement à tous les niveaux, une discipline, un mode de vie et d’habillement qui sont complètement égalisateurs. »

Votre rapporteure relève l’importance de moments républicains fondateurs. La cérémonie de citoyenneté en est un qu’il conviendrait de redynamiser. Prévue à l’article R. 24 du code électoral et faisant l’objet de la circulaire du 22 octobre 2013, la cérémonie de citoyenneté doit être organisée chaque année par le maire et lui permet de rencontrer chaque jeune adulte de 18 ans nouvellement inscrit sur la liste électorale de sa commune, de lui remettre sa carte électorale et le livret du citoyen (jeune inscrit d'office suite à son recensement militaire, jeune ayant effectué une inscription volontaire sur la liste électorale ou jeune inscrit en tant que citoyen d'un autre État membre de l'Union européenne). Le maire tient à cette occasion un discours sur les valeurs républicaines. La cérémonie doit faire le lien entre la remise de la carte électorale, le recensement militaire et la journée défense et citoyenneté (JDC). Votre rapporteure souligne que la mixité tenant à cette cérémonie pourrait utilement être prolongée par un accompagnement d’une cohorte par celle de l’année précédente pour la préparation de la cérémonie.

Votre rapporteure souligne que le service militaire, certes supprimé pour des motifs légitimes, assurait un brassage social qui n’existe plus et laisse une forme de vide. Votre rapporteure estime que le Service national universel (SNU) doit se poursuivre et se déployer pour toucher tous les jeunes d’une même classe d’âge.

c.   Poursuivre une politique d’ensemble de déconstruction des stéréotypes et mettre en avant les parcours exemplaires

La difficulté à désamorcer les biais raciaux implicites lorsqu’ils existent impose de lutter très efficacement contre la propagation de tout nouveau stéréotype. Déconstruire les stéréotypes est une priorité très large. Elle concerne à la fois les manuels et programmes scolaires (infra), le monde du travail, la diffusion des images et des publicités, la presse, les médias et la culture.

Le caractère auto réalisateur d’une assignation, telle que « les filles sont moins douées que les garçons en géométrie », a souvent été rappelé à la mission d’information. Des expériences en sciences sociales ont démontré que si ce biais est activé explicitement avant un exercice qui leur est proposé, les filles réussissaient effectivement moins bien que si l’on évoque pour la même tâche un exercice de dessin.

M. Frédéric Potier, préfet, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, a souligné au cours de son audition ([639]) : « Concernant le contenu des manuels scolaires, le ministère de l’éducation nationale arrête un programme, mais chaque éditeur est responsable de ce qui est écrit dans son manuel. L’État n’impose pas un manuel en particulier, il laisse une liberté de choix en la matière. Des éditeurs nous saisissent ponctuellement pour que nous assurions une relecture sur certaines questions. C’est arrivé récemment, sur des questions de racisme, d’antisémitisme, mais aussi d’orientation sexuelle, dans des manuels d’éducation morale et civique ou de sciences sociales. Nous serions heureux qu’un plus grand nombre d’éditeurs nous contactent, et nous sommes très réceptifs à leurs demandes. »

Recommandation n° 45

Lutter de manière résolue, dès la petite enfance, contre la constitution et la diffusion de préjugés fondés sur l’origine et inviter la DILCRAH à proposer plus systématiquement d’exercer son rôle de conseil et d’analyse en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations s’agissant des manuels scolaires d’enseignement moral et civique et de sciences sociales que les éditeurs peuvent lui soumettre.

Plusieurs associations, universitaires et acteurs institutionnels ont souligné l’impact des modèles de réussite (role models). M. François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) soulignait que ce ne sont pas tant les modèles nationaux qui doivent nécessairement être mis en avant, mais, dans un travail mené à une échelle de proximité, tout parcours directement inspirant pour les habitants d’un quartier.

Mise en valeur des modèles et mentorat sont très souvent liés. Le Club XXIème siècle rappelait être investi dans la promotion des modèles « à tous les étages » dans l’entreprise et la fonction publique, le mentorat dans l’éducation et l’accès au travail (entretiens d’excellence, projet revel@her dédié aux femmes issues des minorités, projet eachOne dédié aux compétences professionnelles des migrants) ainsi que dans la visibilité d’experts issus des minorités dans la sphère managériale (baromètre de la diversité dans les comités exécutifs et conseils d’administration des entreprises du SBF 120) ou médiatique.

Mme Christine Kelly, journaliste, présidente de la Villa média, qui a également été membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, a souligné la nécessité d’« augmenter la visibilité des personnes issues de la diversité, par exemple dans les comités exécutifs (COMEX), valoriser l’expérience et le travail. J’insiste sur les COMEX parce que les médias ([640])  ne sont pas seuls concernés : les COMEX le sont, comme les rédactions en chef le sont, les directions le sont, les responsables des programmes le sont. À tous les niveaux, il faut que l’on ose ouvrir les portes aux personnes issues de la diversité, en se disant que ce sont des personnes qui ont des compétences et que leur couleur de peau ou leur origine ne doit pas être un frein à la valorisation de ces compétences ([641]).  »

L’action déployée par Nos quartiers ont du talent, qui a accompagné pas moins de 60 000 jeunes hauts-diplômés depuis sa création, avec de très bons résultats concrets, a démontré l’importance du mentorat ([642]). L’action de l’association pour l’accès à l’emploi a permis de dresser le constat suivant selon M. Yazid Chir, président de l’association : « le principal critère de discrimination est le manque de réseau. À un niveau élevé de diplôme, 70 % des emplois sont obtenus par le réseau – l’absence de réseau constitue un fort handicap. Le deuxième critère de discrimination est lié à l’orientation subie. Plus de 50 % des jeunes accompagnés se concentrent dans quatre grandes filières : le marketing, la communication, les ressources humaines et le juridique. La moyenne du besoin réel des entreprises dans ces domaines est de 5 % à 10 %. Les jeunes se dirigent donc trop souvent vers des filières qui emploient peu. Enfin, nous avons remarqué que la moitié des jeunes, après avoir essuyé plusieurs refus dans leurs recherches – par manque de réseau, par mauvaise orientation, ou en raison de la discrimination – se rabat durablement sur des emplois peu qualifiés. » Il a ajouté : « L’expérience de Nos quartiers ont du talent a démontré qu’apporter un petit coup de pouce à des jeunes diplômés, en offrant quelques heures de son temps, en ouvrant l’accès à un réseau et en leur redonnant confiance, leur permet de devenir des modèles, des exemples à suivre. Nous avons démontré que l’entraide pouvait changer les choses. Une moyenne de trois heures par mois, soit dix-huit heures sur six mois, peut changer durablement le cours de la vie d’un jeune et de l’ensemble de son entourage. Nous sommes convaincus que la seule arme de destruction massive du racisme est l’éducation. »

Recommandation n° 46

Soutenir et mieux faire connaître les actions des associations tendant à faire émerger et faire connaître des modèles de réussite.

Votre rapporteure estime que les députés devraient jouer un rôle accru dans la mise en valeur de modèles de réussite. Elle observe que la présente législature a permis une très importante ouverture de la représentation nationale à des personnes de différentes origines et que cela constitue un réel progrès. Le parcours de nombre de députés doit être salué.

M. Buon Tan, secrétaire de la présente mission d’information, soulignait à cet égard au cours de l’audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports : « Je ne connais pas beaucoup de pays qui permettent à un enfant arrivé en tant qu’apatride de devenir député, après être allé à l’école de la République. On critique beaucoup, mais peu de pays peuvent se vanter d’avoir un système aussi efficace que le nôtre. Pour ma part, je dis bravo !  ([643]) »

En outre, l’ensemble des députés pourraient œuvrer de manière plus visible, au plan national comme au plan local, par exemple en lien avec les associations de lutte contre le racisme et les discriminations présentes sur leur circonscription, à la mise en valeur de parcours de vie exemplaires et inspirants.

Recommandation n° 47

Renforcer le travail des députés, notamment en lien avec les associations œuvrant en matière de lutte contre le racisme et les discriminations et de promotion de la diversité, pour mettre en valeur des modèles de réussite.

Mme Agnès Saal, haute fonctionnaire à l’égalité, la diversité et la prévention des discriminations au ministère de la culture, a indiqué à la mission d’information : « Le ministère de la culture est une puissance évidente en termes de construction d’un imaginaire. Un spectacle vivant, une exposition dans un musée, un documentaire, une série télévisée, un jeu vidéo sont autant de manifestations d’une force créatrice qui reflète ou non la réalité de notre société. Ces productions jouent un rôle essentiel en termes de stéréotypes implantés ou déconstruits, dans la manière dont l’Autre est perçu. Nous avons ainsi fait en sorte que toute la sphère culturelle s’engage dans la démarche, en posant de fortes exigences de représentation de la diversité, y compris avec l’audiovisuel public. ([644])  » L’exemple de l’Opéra national de Paris, dont le directeur Alexander Neef a confié une mission à l’universitaire Pap Ndiaye et à la secrétaire générale du Défenseur des droits, Constance Rivière, pour réfléchir à la question de la diversité à l’Opéra de Paris, a été cité. Les conclusions ont été rendues le 9 février 2020 et un plan de lutte contre le racisme et les discriminations va être mis en place à l'Opéra national de Paris, où sera aussi créé un poste consacré à la diversité et à l'inclusion.

Mme Sophie Lecointe, cheffe du service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovation du ministère de la culture, a également indiqué que le ministère travaille à « déconstruire les stéréotypes, éveiller l’esprit critique des jeunes, notamment dans l’éducation aux médias et à l’information, y compris pour ce qui est de l’usage des réseaux sociaux et d’internet. ([645])  »

d.   Le rôle spécifique des médias

M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), a rappelé au cours de son audition le rôle particulier des médias ([646]) « L’idée sous-jacente de la régulation, à la fois en France et en Europe, est que les médias audiovisuels ont des responsabilités particulières à l’égard de la société. Ils ont des responsabilités qui pourraient être qualifiées de « sociétales ». Comme ces médias de masse touchent des millions de personnes, le législateur a traduit dans la loi l’idée qu’ils devaient rassembler et non pas exclure. Ils doivent promouvoir la cohésion sociale et ne pas aggraver les préjugés ou les stéréotypes. »

Le baromètre de la diversité élaboré en 2009 par le CSA repose sur sept critères (notamment le genre, l’origine perçue, le lieu de résidence, l’âge, le handicap) et n’est pas centré sur la seule diversité des origines. Il analyse à la fois la présence des minorités et les rôles tenus, accordant une importance à la lutte contre les stéréotypes. Il donne lieu à un rapport adressé chaque année au Parlement et au Gouvernement. M. Maistre a souligné que beaucoup des indicateurs « marquent le pas. En conséquence, nous avons décidé de relancer un cycle d’auditions avec tous les éditeurs pour tendre vers des objectifs plus précis et plus quantitatifs. La bonne volonté et l’incantation ne suffisent plus. Il faut désormais des indicateurs d’engagement plus précis pour suivre les progrès à réaliser. »

En matière de représentation des minorités, le CSA a observé cette année une diminution de 17 % à 15 % de la part des personnes perçues comme « non-blanches » à la télévision, le niveau général n’ayant pas connu d’évolution très importante depuis plusieurs années (il était de 14 % en 2014), mais quelques évolutions positives s’agissant des rôles tenus ([647]) . Enfin, selon le baromètre, les «  personnes perçues comme « non-blanches » sont davantage présentes dans les fictions et le sport (17 % pour chacun de ces deux genres) et moins présentes dans les émissions d’information (12 %) ainsi que dans les divertissements (14 %) ([648]). »

Le CSA met également en œuvre une démarche coercitive. Ainsi « depuis l’année dernière, nous avons emprunté cette voie en utilisant l’article 40 du code de procédure pénale pour signaler au procureur de la République les propos qui auraient selon nous franchi les limites posées par la loi. » Le CSA dispose en outre d’un pouvoir de sanction administrative à l’encontre des chaînes.

M. Amirouche Laïdi, président du Club Averroes, a également estimé qu’il existe une « forte responsabilité des médias dans le fait de ne pas représenter la société telle qu’elle est. » L’accompagnement réalisé depuis plus de vingt ans par le Club Averroes a permis d’obtenir des résultats, a-t-il rappelé, mais, si la visibilité des minorités a été améliorée, notamment à l’antenne, elle « reste pour nous assez faible et insuffisante. Nous estimons que le compte n’y est pas. ([649]) »

Cette trop faible progression dans le temps est contradictoire, souligne M. Amirouche Laïdi, avec la demande exprimée par les téléspectateurs qui visionnent nombre de fictions anglo-saxonnes dans lesquelles la diversité est très présente, comme elle l’est d’ailleurs à l’antenne de manière générale dans ces pays. Il craint notamment que ce ne soit la diversité anglo-saxonne qui ne s’impose, laquelle ne serait pas nécessairement la nôtre : « le danger est l’uniformisation ([650]) . »

S’agissant plus particulièrement de la représentation des outre-mer à la télévision, M. Mikaël Quimbert a rappelé : « nous assumons totalement la fermeture de l’antenne France Ô, car elle avait des écoutes très faibles en métropole. Ce n’est pas le cas des chaînes premières telles que Martinique Première ou Mayotte Première qui sont très suivies dans les territoires et qui produisent toujours des contenus. […] Des engagements très forts ont été pris par France Télévisions dans le cadre du pacte de visibilité des Français d’outre-mer au sein de toutes les chaînes audiovisuelles publiques (France 24, France Médiamonde, médias radio) ([651]). Le ministère des outre-mer discute actuellement des contrats d’objectifs et de moyens entre l’État et ces chaînes de télévision ou de radio. » Plusieurs axes visent à rendre plus présente dans la vie quotidienne des Français l’existence des outre-mer dans leur diversité. Votre rapporteure observe que plusieurs députés membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale ont souligné les difficultés liées à la suppression de France Ô. Il conviendra donc de veiller avec attention à la bonne mise en œuvre, dans la durée, du pacte de visibilité des Français d’outre-mer au sein de toutes les chaînes audiovisuelles publiques.

Votre rapporteure souligne par ailleurs l’importance des émissions consacrées aux questions de mémoire dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. À cet égard, la grande soirée consacrée par France 2 aux questions de décolonisation (Décolonisations : du sang et des larmes, le 6 octobre 2020), à une heure de grande écoute, a constitué un moment marquant qui doit être relevé ([652]).

Il convient également de saluer le rôle d’associations telles que La Chance, pour la diversité dans les médias, dont le cœur de l’action repose sur une préparation aux concours des écoles de journalisme, gratuite, durant huit mois et représentant 250 heures de formation, assortie d’aides financières et réservée aux seuls étudiants boursiers. M. Marc Epstein, président, a rappelé à la mission d’information : « Quand La chance est née en 2007, il nous arrivait encore de rencontrer des confrères et des consœurs qui s’étonnaient de notre existence. L’on me disait : « Les écoles de journalisme sont accessibles par concours. Le concours est le principe républicain : on entre ou on échoue. » Il a fallu qu’un certain temps s’écoule pour que chacun comprenne que ces concours eux-mêmes sont fondés sur des critères qui ne sont pas toujours neutres, que la notion de culture générale relève souvent plus de généralités que de questions proprement culturelles, que c’est une notion terriblement française et qui peut être discriminante. ([653]) »

En ce qui concerne la haine en ligne, M. Roch-Olivier Maistre a estimé : « Concernant la haine en ligne, je crois que nous ne pouvons pas transposer au numérique la régulation bâtie en 1986 pour les médias audiovisuels. Nous ne pouvons pas courir après des milliards de contenus ; l’idée de réguler internet me semble n’avoir aucun sens. Par contre, il est tout à fait possible de réguler certains grands acteurs qui interviennent sur internet, en leur imposant des obligations de moyens. » Le projet de loi confortant le respect des principes de la République,  adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, comporte un dispositif permettant de responsabiliser les grandes plateformes en ligne et d’assurer le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Votre rapporteure soutient pleinement cette mesure. Elle souligne en particulier l’importance de la modération humaine des réseaux sociaux, qui se conforment à leurs conditions générales d’utilisation en priorité, mais qui doivent aussi œuvrer à un internet plus sûr. Ils devront mettre à la disposition du public, au sein de ces conditions générales, des informations relatives à leur dispositif de modération visant à détecter, à identifier et à traiter les contenus haineux, en détaillant les procédures et les moyens humains ou automatisés employés à cet effet. Ils devront rendre compte au public des moyens mis en œuvre et des mesures adoptées pour lutter contre la diffusion des contenus illicites, selon des modalités et une périodicité fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ils devront rendre compte au CSA des moyens humains et technologiques mis en œuvre pour respecter leurs obligations. Il appartiendra au CSA de définir les informations et indicateurs qui devront être fournis et de s’assurer de l’adéquation des moyens humains de modération. Votre rapporteure souligne à cet égard la nécessaire attention qui devra être portée à la professionnalisation et à l’encadrement des modérateurs, qui ont un rôle important dans la lutte contre la haine en ligne et sont particulièrement exposés aux risques psychosociaux.

C.   Soutenir et déployer plus largement les outils mettant concrètement en œuvre les principes républicains a l’école

1.   Le rôle de l’éducation dans la lutte contre les discriminations

Comme l’a indiqué, Mme Catherine Le Duff, secrétaire départementale du SNUipp-FSU ([654]), « les jeunes enfants ne sont pas racistes. Il n’est pas rare qu’à la maternelle les plus jeunes ne remarquent même pas les différences de couleur de peau. C’est lorsqu’ils grandissent ou lors d’interactions sociales avec des adultes qu’ils en prennent tout à coup conscience. En grandissant, ils prêtent davantage attention à la diversité des personnes, de leurs opinions, et pas seulement aux différences perceptibles qui concernent l’aspect physique. C’est à ce moment que surgissent des remarques, des commentaires, des interrogations, des discussions. Au-delà de l’étonnement et de la curiosité, on peut voir surgir des sentiments de crainte ou de rejet dans nos classes et nos écoles ([655]). » Phénomène plus inquiétant encore, « en lycée, on constate un enfermement croissant des élèves dans une forme d’entre-soi qui évolue en microcommunautés. Ces microcommunautés se mettent à fonctionner en vase clos et à se fermer de plus en plus aux autres([656]). » Selon M. Sébastien Vieille, secrétaire national à la pédagogie du SNALC ([657]). Les éléments statistiques relatifs à l’analyse des cas de racisme en milieu scolaire ont été présentés en première partie du présent rapport.

L’école, lieu de socialisation des élèves, a un rôle crucial à jouer dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations. Ce rôle est loin de se résumer au seul enseignement de l’histoire et à la transmission de la mémoire, qui ne peuvent résoudre à eux seuls le problème du racisme et de l’antisémitisme. En effet, ainsi que l’a souligné M. Jacques Fredj : « À l’heure actuelle, l’enseignement de la Shoah est plutôt bien fait. On n’a jamais autant commémoré l’histoire de la Shoah, il n’y a jamais eu autant de plaques et de monuments, les hommes et les femmes politiques n’ont jamais autant parlé du sujet […] Pourtant, on constate une montée de l’antisémitisme et du racisme ([658]). » La lutte contre le racisme et l’antisémitisme passe non seulement par le contenu des enseignements et la mobilisation de l’ensemble de l’équipe éducative mais aussi par une politique scolaire qui assure à tous l’égalité des chances.

2.   La nécessité d’une mobilisation de l’ensemble de l’équipe pédagogique et de toutes les disciplines pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme

a.   La place centrale des savoirs fondamentaux et de l’enseignement moral et civique

La scolarité obligatoire poursuit un double objectif de formation et de socialisation et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui correspond pour l’essentiel aux enseignements de l’école élémentaire et du collège accorde une grande importance à la formation de la personne et du citoyen ([659]). Celui-ci est l’un des cinq domaines du socle défini par l’article D. 22-1 du code de l’éducation ([660]). L’annexe à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’éducation, qui fixe les objectifs des différents domaines du socle commun, précise notamment que le domaine « formation de la personne et du citoyen » fait appel à l’apprentissage et à l’expérience des principes qui garantissent la liberté de tous, comme la liberté de conscience et d’expression, la tolérance réciproque, l’égalité, ou encore le refus des discriminations. L’un des objectifs de connaissances et de compétences pour la maîtrise du socle commun est l’expression de la sensibilité et des opinions et le respect des autres qui prévoit notamment qu’« apprenant à mettre à distance préjugés et stéréotypes, il [l’élève] est capable d’apprécier les personnes qui sont différentes de lui et de vivre avec elles ([661]). » En outre, l’objectif « Réflexion et discernement » prévoit que l’élève doit savoir vérifier la validité d’une information et distinguer ce qui est objectif de ce qui est subjectif et qu’il doit apprendre à justifier ses choix et à confronter ses propres jugements avec ceux des autres.

Par ailleurs, le respect d’autrui fait partie des quatre savoirs fondamentaux qui doivent être transmis par l’école primaire, avec la lecture, l’écriture et le calcul ([662]). Comme le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports Jean-Michel Blanquer l’a indiqué à la mission d’information, l’ajout du respect d’autrui au socle « lire/écrire/ compter » vise à lutter contre « le racisme, l’antisémitisme et tous les phénomènes de discrimination, que l’on doit évacuer de la vie collective si l’on veut que celle-ci soit républicaine ([663]) ». L’article L. 321-3 du code de l’éducation prévoit d’ailleurs explicitement que l’école « assure l’acquisition et la compréhension de l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences ».

L’apprentissage du respect d’autrui passe notamment par l’enseignement moral et civique (EMC), dont le caractère essentiel a été rappelé à la mission d’information par le M. Jean-Michel Blanquer, à une date antérieure au tragique assassinat du professeur Samuel Paty. Celui-ci a indiqué que, si cette discipline avait fait l’objet de contestations par le passé, « désormais, on se rend compte qu’il est indispensable de prendre l’éducation civique et morale très au sérieux et de la placer au cœur du système éducatif ([664]). »

L’inscription de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans les programmes d’éducation civique n’est pas une spécificité française. Par exemple, en Belgique, ce sujet est traité de manière transversale dans la Communauté flamande tandis qu’il est traité dans le programme d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté en Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans l’Union européenne, l’inclusion des questions liées au racisme dans les programmes d’éducation civique se retrouve dans des pays qui n’ont pas à faire face aux mêmes enjeux et qui ont connu des expériences historiques très diverses, tels que la Suède, l’Estonie, la Croatie, la Grèce, la Slovaquie ou encore la Bulgarie, selon les réponses fournies à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une enquête menée en 2020 au sein du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires.

En France, les objectifs de l’enseignement moral et civique sont définis par l’article L. 312-15 du code de l’éducation. Cet enseignement « vise notamment à amener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi » et « comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République ». Les programmes de l’enseignement moral et civique de l’école et du collège prévoient que celui-ci poursuit trois finalités intimement liées entre elles :

– respecter autrui, c’est-à-dire « respecter sa liberté, le considérer comme égal à soi en dignité, développer avec lui des relations de fraternité » et « respecter ses convictions philosophiques et religieuses, ce que permet la laïcité » ;

– acquérir et partager les valeurs de la République, ce qui recouvre « les quatre valeurs et principes majeurs de la République française [qui] sont la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité » et les valeurs qui s’en déduisent : « la solidarité, l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le refus de toutes les formes de discriminations » ;

– construire une culture civique qui articule quatre domaines : la sensibilité, la règle et le droit, le jugement et l’engagement ([665]).

Les programmes des cycles 2, 3 et 4 (du CP à la troisième) prévoient notamment que les enseignements relatifs au respect d’autrui doivent aborder les atteintes à la personne d’autrui, telles que le racisme, l’antisémitisme, ou encore la xénophobie. Les programmes du cycle 4 (de la cinquième à la troisième), qui sont plus étoffés, abordent également la question de la dignité humaine et de l’intégrité de la personne. Les questions de l’égalité et de la non-discrimination sont aussi traitées dans le cadre des enseignements relatifs aux valeurs de la République du cycle 4. Ces derniers intègrent le sujet des droits de l’homme et des droits de l’enfant dans l’ensemble des cycles 2, 3 et 4 ([666])

De plus, la question des discriminations est prise en compte dans le programme de l’enseignement moral et civique des lycées d’enseignement général et technologique, qui traite de la liberté en seconde, de l’égalité en première et de la démocratie en terminale. Chacun de ces thèmes est étudié selon deux axes que le professeur fait étudier en choisissant parmi une série de domaines d’études fixés par les programmes. Par exemple, l’un des domaines d’études permettant de traiter l’axe « Garantir les libertés, étendre les libertés : les libertés en débat » en seconde concerne : « La reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ; lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie ; lutte contre les discriminations faites aux personnes porteuses d’un handicap([667]) »

Votre rapporteure insiste ici une nouvelle fois (voir la partie I du présent rapport) sur la nécessité d’augmenter le nombre d’heures consacrées à l’EMC.

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme comprend également l’éducation aux médias, qui permet aux élèves d’apprendre à avoir un recul critique sur les contenus qui circulent sur Internet ou encore sur les réseaux sociaux. L’article L.312-15 du code de l’éducation en fait d’ailleurs un des objectifs de l’enseignement moral et civique. Il prévoit que celui-ci doit permettre aux élèves de « développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible et d’acquérir un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs lors de leur usage des services de communication au public en ligne » et les informer « des moyens de vérifier la fiabilité d’une information ».

L’article L. 312-9 du code de l’éducation, dont votre rapporteure a souhaité renforcer le dispositif dans le cadre de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, prévoit une formation des élèves à l’utilisation responsable des outils et des ressources numériques, qui « comporte une éducation aux droits et aux devoirs liés à l’usage de l’internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle, de la liberté d’opinion et de la dignité de la personne humaine, ainsi qu’aux règles applicables aux traitements de données à caractère personnel. [Cette formation] contribue au développement de l’esprit critique, à la lutte contre la diffusion des contenus haineux en ligne et à l’apprentissage de la citoyenneté numérique. » À ce stade, les élèves bénéficient d’une certification nationale délivrée par une plateforme en ligne « Pix » en fin de cycle 4 (en 3ème([668]) et en terminale. Votre rapporteure a souhaité qu’une certification soit délivrée aux élèves de CM2, dès lors que les questions auxquelles se trouvent confrontés les élèves et leur famille se posent dès l’entrée au collège.

Recommandation n° 48

Renforcer l’éducation aux outils numériques par la délivrance, à l’issue de l’école primaire et du collège, d’une attestation certifiant que les élèves ont bénéficié d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux, aux dérives et risques liés notamment aux contenus haineux et illicites, ainsi qu’aux fonctionnements et biais technologiques de ces outils.

b.   La formation initiale et continue des équipes pédagogiques à la lutte contre le racisme et les discriminations doit être renforcée

Les enseignants bénéficient d’une formation initiale et continue mais celle-ci semble très insuffisante. Comme l’ont par exemple souligné Mme Catherine Le Duff ou M. Rémy-Charles Sirvent, les enseignants en poste n’ont bénéficié que de très peu d’heures dans le cadre de la formation initiale, et n’ont pour la plupart pas pu bénéficier d’une formation continue correcte ([669]). Des progrès ont certes été faits en la matière. Ainsi, alors qu’auparavant, les pratiques variaient entre les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, désormais, tout futur professeur doit suivre, dans sa formation initiale, des modules consacrés à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ([670]) . Toutefois, cette amélioration de la formation ne concerne que les nouveaux enseignants. C’est pourquoi votre rapporteure appelle de ses vœux un renforcement massif de la formation de l’ensemble des membres des équipes pédagogiques aux questions de racisme et d’antisémitisme.

Recommandation n° 49

Renforcer dès à présent la formation, particulièrement continue, des équipes pédagogiques à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

En outre, votre rapporteure souligne que l’affectation de très jeunes enseignants dans les zones les plus difficiles n’est pas de nature à permettre un traitement efficient de ces questions s’ils ne peuvent pas s’appuyer sur l’expérience de fonctionnaires ayant une carrière plus riche. La présence de fonctionnaires très expérimentés apparait indispensable aux côtés des plus jeunes et leur fidélisation, en particulier par des primes attractives, est un enjeu important.

c.   La lutte contre le racisme et les discriminations passe par l’engagement de toute une équipe pédagogique

Si la lutte contre les discriminations fait explicitement l’objet de l’enseignement moral et civique, elle doit aussi passer par un engagement de l’ensemble de l’équipe pédagogique. Comme l’a souligné M. Alain Frugière, président du réseau national des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, « tous les professeurs sont légitimes » pour parler de ces sujets et « un travail sur le long terme et en équipe est indispensable ». En effet, « il faut tout d’abord rappeler aux élèves le droit et appliquer les sanctions face aux actes inappropriés, et leur expliquer la différence entre la croyance et les faits scientifiques, les amener à adopter une démarche scientifique et une pensée critique. C’est un travail pluridisciplinaire, qui débute dès l’école primaire ([671]). » Les professeurs peuvent également choisir d’intégrer la question des discriminations au contenu de leurs cours. C’est par exemple le cas de M. Sébastien Vieille, professeur d’anglais, qui a indiqué à la mission d’information : « à travers les documents, dans les axes que je choisis de traiter, je travaille la question du racisme, du harcèlement, du sexisme et de l’homophobie – quitte parfois à choquer, à aller chercher l’élève dans les certitudes qu’il a construites dans ses préconçus » ([672]).

L’éducation artistique et culturelle peut également contribuer à « la diffusion des messages antiracistes, de manière fine et humaine », comme le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, M. Jean-Michel Blanquer, l’a indiqué à la mission d’information ([673]). Cette action peut notamment passer par la participation à un concours national, comme le concours « Nous autres », soutenu par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et organisé par la CASDEN Banque Populaire, la Fondation Lilian Thuram et le Groupe MGEN. Dans le cadre de ce concours, qui est ouvert aux classes allant de la maternelle à la sixième, les enseignants conçoivent avec leurs élèves une production artistique illustrant la déconstruction du racisme, relevant des arts vivants (lecture, chanson, mime, théâtre, etc.) ou des arts plastiques ([674]). Les travaux artistiques font également partie (de manière non exclusive) des productions qui peuvent être soumises dans le cadre du concours « La Flamme de l’égalité », qui est organisé par les ministères chargés de l’éducation nationale, de la citoyenneté et des outre-mer, la DILCRAH et la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Ce concours, créé à l’initiative du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, est ouvert aux classes du primaire et du secondaire. Il incite les élèves à mener une réflexion et à réaliser un projet sur l’histoire des traites et des captures, sur la vie des esclaves et les luttes pour l’abolition, sur leurs survivances, leurs effets et leurs héritages contemporains ([675]).

Votre rapporteure souligne que l’apport de la médiation par l’art et les pratiques artistiques, notamment à l’école dans le cadre des ateliers de théâtre, a été évoqué à plusieurs reprises au cours des travaux de la mission d’information. De tels ateliers permettent aux jeunes de parler de choses qui les touchent, tout en les mettant à distance par le biais des « rôles » qui permettent de porter la parole de l'autre. M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a souligné, répondant à Mme Michèle Victory, secrétaire de la mission : « Je suis complètement d’accord avec vous sur le rôle de l’éducation artistique et culturelle dans la diffusion des messages antiracistes, de manière fine et humaine. C’est un des arrière-plans du développement de l’éducation artistique et culturelle, notamment du théâtre, sur lequel vous avez insisté, mais aussi de l’expression orale, dont la maîtrise contribue à une vie collective meilleure car c’est autant de subtilité en plus dans le débat et de violence en moins. ([676]) » La mobilisation de l’ensemble de la communauté éducative peut être favorisée par l’existence de temps forts comme la semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme, qui est organisée en partenariat avec la DILCRAH toutes les années à la fin du mois de mars et concerne tant les écoles que les collèges ou les lycées. Dans ce cadre, la sensibilisation des élèves aux problèmes du racisme et de l’antisémitisme peut prendre des formes variées, telles que des rencontres, des débats, des ateliers éducatifs, des forums, des manifestations sportives, des actions artistiques et culturelles ou encore la production de contenus multiformes (écrits, audiovisuels). Cette semaine permet d’impliquer, non seulement les élèves et les enseignants mais aussi l’ensemble des personnels des établissements, les parents d’élèves, les organisations étudiantes et lycéennes et les associations de lutte contre les discriminations, la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme ([677]). Toutefois, l’existence de cette semaine est mal connue, comme M. Daniel Tran, vice-président de l’Association des jeunes Chinois de France, l’a indiqué à la mission d’information. Votre rapporteure considère indispensable de renforcer l’information des établissements scolaires sur l’existence de cette semaine ainsi que sur les différentes journées de commémoration auxquelles ils peuvent participer.

Recommandation n° 50

Renforcer l’information des établissements scolaires sur la Semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme et sur les différentes journées de commémoration et inciter la communauté pédagogique à mettre en place des actions interdisciplinaires à ces occasions.

Votre rapporteure souligne le rôle des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, qui sont créés dans le cadre du pilotage de chaque établissement scolaire du second degré. Il s’agit d’une instance de réflexion et de proposition.

En application de l’article R. 421-47 du code de l’éducation, le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté contribue en particulier à l'éducation à la citoyenneté, prépare le plan de prévention de la violence et propose des actions pour aider les parents en difficulté et lutter contre l'exclusion. Le comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté est réuni à l'initiative du chef d'établissement ou à la demande du conseil d'administration. Le comité associe les représentants de la commune et de la collectivité territoriale de rattachement et, en fonction des sujets traités, toute personne dont il estime l'avis utile (partenaires institutionnels ou associatifs).

Votre rapporteure estime qu’il conviendrait de systématiser la création des comités à d’autres échelles, tels que les comités interdegrés et interétablissements afin de promouvoir une continuité de l'action éducative et de mieux ancrer les comités dans le réseau territorial.

Recommandation n° 51

Renforcer l’action des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Promouvoir la création plus systématique de comités interdegrés et interétablissements pour une meilleure continuité de l'action éducative et un meilleur ancrage des comités dans le réseau territorial.

Les mesures mises en place pour lutter contre le harcèlement peuvent être mobilisées pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme, ce qui semble d’autant plus nécessaire que 21 % des incidents à caractère raciste, xénophobe ou antisémite recensés par l’enquête SIVIS s’inscrivent dans le cadre d’une situation de harcèlement ([678]).

Un exemple de dispositif de lutte contre le harcèlement

M. Gwenael Le Guevel, conseiller fédéral du SGEN-CFDT ([679]), a présenté le dispositif « Sentinelles et référents » qui « a pour but de lutter contre les phénomènes de boucs émissaires » et dans lequel est inclus « le racisme, et de façon générale l’essentialisme, qui consiste à réduire une personne à une seule de ses dimensions. » Ce dispositif présente deux spécificités. Tout d’abord, les membres de l’équipe éducative et les élèves sont formés ensemble, pendant deux jours. Par ailleurs, ce dispositif diffuse une grille de lecture qui apprend à reconnaître une situation de harcèlement en présentant des postures qui reviennent systématiquement : celle de la victime, celle du harceleur mais aussi celle du spectateur (qui est trop souvent oubliée), et celle de la sentinelle. L’objectif est d’apprendre aux élèves à adopter la posture de la sentinelle. Ensuite, une communauté de sentinelles élèves et de référents adultes est formée. Ils peuvent échanger dans le cadre de réunions qui permettent d’identifier les phénomènes de harcèlement. Les élèves sentinelles ne doivent pas intervenir en direction des harceleurs (action qui est prise en charge par les adultes). Les élèves interviennent de manière collective, et non seuls, et ce, de deux façons : « en direction de la victime, pour lui dire : “Ce qui t’arrive n’est pas normal et il n’est pas normal qu’on te réduise à une seule de tes dimensions” et en direction des spectateurs, pour leur dire : “Et si c’était vous ?” ([680]) ».

En outre, un plan de prévention du harcèlement a été mis en place au niveau national, qui s’appuie notamment sur la formation d’élèves ambassadeurs, l’animation d’un réseau de « référents harcèlement », le numéro vert 30 20 ou encore le prix « non au harcèlement », qui est organisé par le ministère chargé de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports avec le soutien de la Mutuelle assurance de l’éducation (MAE) ([681]).

Les équipes éducatives disposent de plusieurs types de ressources relatives la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elles peuvent notamment disposer de celles fournies par plateforme internationale sur le racisme et l’antisémitisme mise en place en 2019. Cette plateforme, portée conjointement par l’École pratique des hautes études et la Fondation maison des sciences de l’homme, bénéficie notamment du soutien du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse, et des sports, du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, de la DILCRAH, du réseau Canopé, de la Fondation Lilian Thuram ou encore de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) ([682]). Cette plateforme vise notamment à héberger des projets de recherche, à développer des liens étroits avec le système éducatif et le tissu associatif et à diffuser largement les connaissances relatives au racisme et à l’antisémitisme.

Les équipes éducatives peuvent utiliser le portail « Valeurs de la République » créé par le réseau Canopé, la DILCRAH et le ministère de l’éducation nationale. Celui-ci propose notamment des cours en ligne à destination des enseignants et des ressources pédagogiques. Ils peuvent aussi faire appel aux équipes académiques « Valeurs de la République » placées sous l’autorité du recteur qui visent à prévenir et lutter contre les manifestations de racisme et d’antisémitisme par des interventions et des réponses concrètes aux établissements et aux équipes pédagogiques. Au niveau national, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a mis en place une « équipe nationale de réaction », qu’il pilote avec la DILCRAH et qui apporte un soutien opérationnel aux équipes académiques Valeurs de la République ([683]). Celles-ci traitent également des questions liées à la laïcité. Il existe aussi, au niveau national, une « équipe nationale laïcité et fait religieux » composée de l’ensemble des directions du ministère, qui fournit un appui opérationnel aux équipes académiques et anime le réseau des coordonnateurs des équipes « Valeurs de la République » ([684]).

Le vademecum Agir contre le racisme et l’antisémitisme, rédigé en 2020 conjointement par la DILCRAH, le Conseil des sages de la laïcité et la direction générale de l’enseignement scolaire, comporte un ensemble de fiches extrêmement pratiques permettant de comprendre, analyser, répondre et prévenir les actes racistes et antisémites à l’école ([685]).

Enfin, les équipes éducatives peuvent mettre en place une coopération active avec des associations œuvrant dans le champ de l’éducation à la citoyenneté, de la prévention des discriminations et de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Plusieurs d’entre elles bénéficient d’un agrément national au titre des associations complémentaires de l’enseignement public, d’un soutien financier à des projets ou encore d’une convention de partenariat. Par exemple, la LICRA fait partie des associations agréées au titre des associations complémentaires de l’enseignement public ([686]) et, comme l’a indiqué M. Mario Stasi à la mission d’information, en 2019, « environ 30 000 collégiens et lycéens ont reçu […] la visite de bénévoles formés par la LICRA venus, à l’initiative des directeurs d’établissements et dans le cadre d’un partenariat, évoquer dans une classe le racisme, l’antisémitisme, et les génocides, dont la Shoah ([687]). »

3.   La nécessité de mettre en œuvre une politique scolaire qui garantisse l’égalité des chances et favorise la mixité sociale

L’enquête Trajectoires et Origines de 2008 montre que les inégalités d’éducation en fonction des origines migratoires sont très fortes pour certains groupes ([688]). 13% des descendants d’immigrés sortent sans diplôme du système éducatif contre 8 % pour la population majoritaire. Ce taux est important chez les descendants d’immigrés originaires de Turquie (27 %), d’Algérie (18 %), d’Afrique guinéenne ou centrale (16 %), du Maroc (15 %) et de Tunisie (15 %). Par contre, chez les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est, d’Espagne et d’Italie, les taux sont proches de celui de la population majoritaire ([689]). Il y a également des écarts en ce qui concerne les diplômes obtenus. Les descendants d’immi­grés natifs de Turquie et du Portugal sont plus de 38 % à avoir acquis un diplôme professionnel court (CAP ou BEP) et ce taux est de 31 % chez les descendants d’immi­grés d’Afrique sahélienne alors qu’il est de 25 % dans la population majoritaire. Au niveau du lycée, les descendants d’immigrés ont moins souvent été orientés vers les filières générales que les jeunes de la population majoritaire mais ce phénomène ne concerne pas les jeunes dont les parents sont originaires d’Asie du Sud-Est, qui sont plus nombreux (61 %) à être orientés dans une filière générale que ceux issus de la population majoritaire (44 %). L’orientation vers une filière générale concerne 32 % des garçons issus de famille originaires d’Algérie, 35,5 % des garçons issus de familles originaires du Maroc ou de Tunisie, 41 % des garçons issus de familles d’Afrique guinéenne ou centrale tandis que, pour les filles, ces chiffres sont respectivement de 41 %, 51 % et 53 %. En ce qui concerne les jeunes issus de familles d’origine turque, les taux sont bas pour les garçons (28 %) comme pour les filles (27 %). Il en va de même pour les jeunes issus de familles originaires d’Afrique sahélienne (28 % pour les garçons et 35 % pour les filles) ([690]).

a.   L’impact central des inégalités sociales

Les écarts scolaires entre descendants d’immigrés et population majoritaire sont étroitement liés aux différences de structure entre les populations (origines sociales différentes, niveaux scolaires des parents, contextes de scolarisation, etc.) et à la reproduction scolaire de ces différences. Les modélisations statistiques réalisées pour rendre compte de ces facteurs montrent que ces inégalités s’effacent lorsque la position sociale et le niveau scolaire des parents sont pris en compte([691]) . Comme l’indiquent Mme Yaël Birnbaum et M. Jean-Luc Primon, « cela témoigne du poids des héritages familiaux dans la construction des destins scolaires et minimise l’impact des origines migratoires et de leur traitement différentiel dans le cadre scolaire ([692]). »

De ce fait, la lutte contre les inégalités sociales au niveau de l’éducation est essentielle. Il s’agit d’ailleurs là d’objectifs fixés au service public de l’éducation par l’article L. 111-1 du code de l’éducation qui dispose que celui-ci « contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative » et « veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement. » Cet article prévoit que, pour garantir le droit à l’éducation dans le respect de l’égalité des chances, « des aides sont attribuées aux élèves et aux étudiants selon leurs ressources et leurs mérites. »

 Votre rapporteure salue la politique de dédoublement des classes de CP et de CE1 mise en œuvre à partir de la rentrée 2017 dans les établissements appartenant aux réseaux d’éducation prioritaires. L’évaluation de l’impact du dédoublement sur les compétences des élèves durant l’année 2017-2018 réalisée par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale montre que ce dispositif permet de faire diminuer de 7,8 % le nombre d’élèves qui rencontrent de très grandes difficultés en français et de 12,5 % le nombre d’élèves qui rencontrent de très grandes difficultés en mathématiques ([693]). En améliorant les conditions d’apprentissage dès l’entrée à l’école primaire, période cruciale pour l’élève, le dédoublement des classes de CP et de CE1 contribue à compenser l’inégalité qui existe entre les élèves en termes d’héritage familial. La mixité sociale est aussi un des leviers de lutte contre les discriminations et, comme le souligne M. Sébastien Vieille, « des modifications de la carte scolaire permettent d’assurer une mixité sociale ([694]). » 

Définition de la carte scolaire par le code de l’éducation

L’article D.211-10 du code de l’éducation prévoit que « Le territoire de chaque académie est divisé en secteurs et en districts. Les secteurs de recrutement correspondent aux zones de desserte des collèges. Un secteur comporte un seul collège public […] Les districts de recrutement correspondent aux zones de desserte des lycées. ».

L’article D. 211-11 du code de l’éducation prévoit que : « Les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte. […] Dans la limite des places restant disponibles après l’inscription des élèves résidant dans la zone normale de desserte d’un établissement, des élèves ne résidant pas dans cette zone peuvent y être inscrits sur l’autorisation du directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie, dont relève cet établissement. »

Toutefois, comme M. Rémy-Charles Sirvent, secrétaire national du SE-UNSA, l’a indiqué à la mission d’information, « sur le plan local, on observe par exemple des situations de sectorisation aléatoire et des dérogations scolaires complaisantes pour le primaire ou le collège ([695]). »  En outre, le choix de certaines options peut permettre de contourner la sectorisation. Ce processus peut s’enclencher très tôt. Ainsi, Mme Catherine Le Duff a indiqué que la manière dont l’enseignement de l’allemand se développe dans le département du Bas-Rhin « organise dès la maternelle la ségrégation sociale et culturelle ([696]). » D’ailleurs, comme l’a montré l’enquête Trajectoires et origines de 2008, les stratégies d’évitement (d’un établissement ayant mauvaise réputation) sont plus courantes dans les familles de la population majoritaire (30 %) que dans les familles immigrées. Si ce taux est de 30 % dans les familles de la population majoritaire, il est seulement de 16 % dans les familles immigrées venues de Turquie, de 18 % dans les familles venues d’Afrique sahélienne et guinéenne, de 20 % dans les familles venues d’Afrique centrale et de 21 % dans les familles venues d’Algérie. Ces familles sont donc plus captives de l’offre scolaire et leurs enfants fréquentent des écoles qui concentrent de nombreux enfants d’immigrés (51 % en moyenne contre 17 % pour la population majoritaire) ([697]).

Un constat largement partagé devant la mission d’information fait état du premier point d’achoppement dans les stratégies résidentielles des ménages : l’attractivité scolaire. L’exemple de Toulouse a notamment été cité où un nouveau collège a été reconstruit en lisière de deux quartiers, dont l’un, la Reynerie, au cœur du Mirail, est un quartier prioritaire de la politique de la ville. Le développement de filières d’excellence au sein des quartiers est aussi porteur d’attractivité, avec des sections spécifiques pouvant par exemple reposer sur le sport ([698]).

Votre rapporteure appelle donc les collectivités territoriales à entreprendre une ambitieuse politique de révision de la carte scolaire, en lien avec l’éducation nationale et en concertation avec les parents d’élèves, pour favoriser le développement de la mixité sociale. Cette révision doit s’accompagner de mesures permettant de renforcer l’attractivité des collèges et les lycées qui souffrent d’un déficit d’image par le développement d’options attractives et les familles doivent disposer d’une information adéquate sur la création de ces options.

Recommandation n° 52

Entreprendre une ambitieuse politique de révision de la carte scolaire, qui associe les collectivités territoriales, le ministère de l’éducation nationale et les parents d’élèves et qui s’accompagne d’un développement des options dans les collèges et lycées qui sont jugés moins attractifs que d’autres.

La question de la carte scolaire est loin d’être la seule problématique. En effet, certains enfants ne peuvent aujourd’hui tout simplement pas bénéficier d’un accès à l’enseignement. Ce problème concerne notamment les enfants roms. Le dernier rapport annuel de la CNCDH fait très précisément état des lacunes persistantes de notre pays en matière de scolarisation des enfants roms ou étrangers. La loi dispose déjà que le statut ou le mode d’habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne peut être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire et que l’inscription dans un établissement scolaire peut être cumulée avec l’inscription auprès du centre national d’enseignement à distance (CNED).

Pour autant ce n’est pas suffisant. Mme Danièle Lochak, professeure émérite de droit public à l'université Paris Nanterre, ancienne présidente et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), a souligné au cours de son audition : « Les textes sont clairs : tout enfant, quelle que soit la situation de ses parents, a le droit d’être scolarisé. Ce sont des pratiques, en général municipales, qui entravent fréquemment le droit d’être inscrit à l’école. Le précédent Défenseur des droits a fait des observations sur ce sujet. On exige par exemple le titre de séjour du parent, alors qu’on ne doit pas le faire ; on exige une preuve de la résidence sur le territoire de la commune, que les personnes en situation précaire ne peuvent pas forcément apporter ; parfois, on invoque un manque de place dans les écoles ; ceux qui habitent dans des squats, des hôtels sociaux ou encore les enfants roms sont souvent exclus ([699]). » Compte tenu des difficultés pour les parents roms ou étrangers de scolariser leurs enfants sur le territoire des communes sur lesquelles ils s’établissent, compte également tenu de la complexité à mettre en œuvre le dispositif permettant d’en référer au directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), il était nécessaire, pour sortir de l’impasse, d’établir la liste limitative des pièces pouvant être exigées par les maires à l’appui d’une demande d’inscription et les modalités de la justification du lieu de résidence selon les situations des familles. L’article 131-6 du code de l’éducation dispose désormais qu’un décret fixe la liste des pièces pouvant être demandées à l’appui d’une inscription sur la liste municipale recensant les enfants soumis à l’obligation scolaire que le maire doit établir chaque année.

Le très récent décret n° 2020-811 du 29 juin 2020 ([700]) précise les pièces pouvant être demandées à l’appui d’une demande d’inscription. Votre rapporteure a souligné, au cours des débats relatifs au projet de loi confrontant le respect des principes de la République, la nécessité de veiller à la stricte application de ce décret.

Recommandation n° 53

Veiller à la stricte application du décret n° 2020-811 du 29 juin 2020 précisant les pièces pouvant être demandées à l’appui d’une demande d’inscription sur la liste municipale recensant les enfants soumis à l’obligation scolaire.

b.   Orientation et perception des inégalités centrées sur la question des discriminations selon l’origine

L’orientation est également un autre moyen de lutter contre les discriminations. L’évolution des politiques scolaires au cours des dernières décennies a certes eu pour conséquence que c’est au moment de l’entrée dans l’enseignement supérieur qu’une partie significative des décisions d’orientation les plus importantes pour l’avenir des élèves sont reportées, même si les choix précédents préparent largement ce choix. En effet, désormais, 79 % d’une classe d’âge obtient un baccalauréat et les paliers d’orientation de fin de troisième et de fin de seconde revêtent un caractère moins définitif que précédemment, notamment parce que les baccalauréats professionnel et technologique offrent des possibilités d’orientation vers les BTS et les IUT ([701]). Toutefois, comme M. Rémy-Charles Sirvent, l’a indiqué « des filières sélectives existent dans 45 % des collèges français » et « certaines options sont connues des enfants qui sont placés dans des familles où la réussite scolaire est reçue en héritage, et beaucoup moins des autres », ce qui fait que « même avant le lycée, les élèves se retrouvent dans des canalisations qui ne sont pas forcément des canalisations scolaires mais qui sont des canalisations sociales. […] La question de l’orientation démarre donc bien avant les processus d’orientation, par des propositions de filières qui catégorisent les élèves en dehors de ce que pourraient être leurs possibilités ([702]). » 

L’enquête Trajectoires et Origines de 2008 indique d’ailleurs que les descendants d’immigrés déclarent faire l’objet de traitements injustes à l’école plus souvent que la population majoritaire et perçoivent cette injustice scolaire comme de la discrimination à leur égard : 16 % des descendants d’immigrés associent les injustices scolaires à des critères discriminatoires contre 4 % dans la population majoritaire ([703]). L’orientation est l’aspect le plus fréquemment cité parmi les injustices scolaires. 15 % des descendants d’immigrés déclarent avoir subi un traitement différentiel en matière d’orientation, soit trois fois plus que le groupe majoritaire ([704]). Ce sont les décisions d’orientation qui sont mises en cause avec le plus d’intensité. En moyenne, 14 % des descendants d’immigrés déclarent avoir été « moins bien traités » lors des décisions d’orientation, soit environ trois fois plus que la population majoritaire (5 %) ([705]). Ce sentiment d’injustice est particulièrement marqué chez les descendants d’immigrés originaires d’Algérie (20 %), d’Afrique guinéenne (20 %), de Turquie (22 %), du Maroc (23 %), de Tunisie (23 %) et d’Afrique sahélienne et guinéenne ou centrale (24 % et 20 %) ([706]).  Parmi les motifs cités comme causes potentielles de ces traitements défavorables, l’origine prédomine, suivie de la couleur de la peau et, « les injustices scolaires sont donc vécues comme des discriminations ethno-raciales. » selon l’étude précitée de Mmes Yaël Birnbaum, Laure Moguérou et M. Jean-Luc Primon ([707]). M. Patrick Simon a également indiqué à la mission d’information que : « Du point de vue des personnes concernées, l’impression de ne pas avoir accès dans les mêmes termes que les autres à des filières d’enseignement […] est vécue comme du racisme ([708]). » 

c.   Les dispositifs pour remédier aux inégalités dans l’accès à l’enseignement supérieur

Le taux d’accès au supérieur est plus faible pour les descendants d’immigrés (48 %) que pour la population majoritaire (53 %), à l’exception des descendants d’immigrés originaires d’Asie du Sud-Est, pour lesquels le taux est plus fort (62 %). Le taux d’accès est particulièrement bas pour les garçons originaires de Turquie (22 %), du Portugal (30 %), d’Afrique sahélienne (33 %) et d’Algérie (37 %). Ces écarts proviennent des différenciations en matière d’orientation dans le secondaire, qui redoublent en partie les différences d’origines sociales entre les groupes ([709]).

Dans ces conditions, il est indispensable de résorber les inégalités sociales ainsi que les discriminations fondées sur l’origine lorsqu’elles sont observées.

Les enseignants devraient jouer un rôle accru pour aider les élèves dans leur orientation. En effet, comme le soulignait Mme Marie Morellet, cheffe de projet au centre « égalité des chances » de l’ESSEC, « Dans les milieux favorisés, les prescripteurs sont la famille ; dans les milieux populaires, les prescripteurs sont les enseignants. » La question de l’orientation se joue aujourd’hui au travers de la connaissance des filières et des métiers or « personne ne connaît les 13 000 filières de l’enseignement supérieur ni la moitié des métiers, qui auront disparu dans trente ans ou qui ne sont pas encore connus » ([710]). De ce fait, les enseignants peuvent se sentir démunis face l’ampleur de la tâche et il est nécessaire qu’ils puissent être accompagnés. Par exemple, l’ESSEC a mis en place un dispositif intitulé « Trouve ta voie » qui fournit aux enseignants des outils sur les questions d’orientation.

En classe de troisième, les élèves doivent réaliser un stage obligatoire de cinq jours qui leur permet de découvrir le monde du travail et de partager le quotidien de professionnels. Ce stage peut jouer un rôle essentiel pour leur orientation. La recherche de stage pouvant être compliquée pour les élèves dont la famille dispose d’un faible capital social, votre rapporteure appelle de ses vœux la mise en place d’une plateforme nationale qui puisse être largement connue et recense des offres de stages variées. Elle devrait permettre de mettre en commun les démarches entreprises par certains départements et celle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

M. François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l’ANCT, a présenté la plateforme créée par l’Agence (« mon stage de troisième ») recensant les stages de qualité disponibles à l’attention des élèves des collèges du réseau REP et REP+: « Les parents nous avaient […] signalé que le stage de troisième était le premier signe du plafond de verre, leurs enfants rencontrant des difficultés à trouver un stage de qualité, aussi par manque de réseau. Nous avons donc créé une plateforme regroupant 15 000 offres du secteur public et 15 000 offres du secteur privé. En 2019, seuls 8 000 stages ont été pourvus. Cette année, nous avons pu pourvoir près de 17 000 stages. Nous améliorons la plateforme et nous lançons une expérimentation pour les lycées professionnels. Si la technique fonctionne, la démarche deviendra nationale à partir de septembre ([711]). »

Votre rapporteure souhaite que cette plateforme ne soit, à terme, pas limitée aux seuls élèves issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville mais puisse être très largement diffusée. Inégalités et discriminations ne sont pas seulement constatées dans les REP ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les politiques publiques doivent les appréhender dans leur entièreté et l’universalisme doit nous guider pour ne pas aboutir à mettre en concurrence les territoires et les diversités.

Cette plateforme devrait également faciliter la découverte de métiers souvent mal connus mais essentiels comme ceux de l’agriculture. De ce fait, il est souhaitable qu’elle associe une grande variété d’acteurs allant par exemple des entreprises de services aux chambres d’agriculture. Les administrations nationales et territoriales ont également un rôle essentiel à jouer en favorisant davantage la réalisation des stages de troisième en leur sein.

Le développement du tutorat et du mentorat permet de favoriser l’ambition scolaire des jeunes lycéens et collégiens issus de milieux modestes. Des dispositifs ont vu le jour à l’initiative d’établissements d’enseignement supérieur et ont été soutenus sur le terrain par la mise en place de tutorats assurés par des bénévoles (le plus souvent des étudiants). Ils ont été intégrés aux Cordées de la réussite lancées en 2008 par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Valérie Pécresse et la secrétaire d’État en charge de la politique de la ville Fadela Amara. Si en 2007-2008, une cinquantaine d’initiatives étaient labellisées, on comptait en 2018-2019 405 Cordées de la réussite qui concernent plus de 80 000 collégiens et lycéens, dont près de 60 000 issus des quartiers de la politique de la ville. Le dispositif a été renforcé en 2016 par le lancement des parcours d’excellence, qui concerne les collèges en Rep et Rep+ ([712]).

En 2021, les Cordées de la réussite et les parcours d’excellence sont fusionnés sous l’appellation unique de « Cordées de la réussite » ([713]). Selon l’instruction interministérielle du 21 juillet 2020, les Cordées de la réussite « visent à faire de l’accompagnement à l’orientation un réel levier pour l’égalité des chances. Leur but est de lutter contre l’autocensure, de susciter l’ambition scolaire des élèves par un accompagnement continu dès la classe de quatrième jusqu’au baccalauréat et au-delà. » Une Cordée de la réussite repose sur un partenariat entre une « tête de cordée » (un établissement d’enseignement supérieur ou un lycée comportant une classe préparatoire aux grandes écoles ou une section de technicien supérieur) et des établissements « encordés » (collèges et lycées de la voie générale, technologique ou professionnelle). Les élèves qui sont prioritairement concernés par le dispositif sont ceux scolarisés en Rep ou Rep+ ou en quartier prioritaire politique de la ville, les collégiens et lycéens de zone rurale et isolée et les lycéens professionnels. Ce partenariat se traduit par des actions mises en œuvre dans le collège ou le lycée « encordé » en faveur des élèves volontaires. Ces actions constituent « un accompagnement global qui, selon le degré de maturation du projet d’orientation de chaque élève, offre différents modes d’action mobilisables : actions d’accompagnement et d’ouverture sociale et culturelle, d’une part, et actions de tutorat/mentorat, d’autre part » ([714]). Parallèlement au tutorat étudiant, le parrainage par des professionnels des secteurs public et privé peut aussi être développé ([715]).

Votre rapporteure souhaite que soient multipliées et mieux connues les initiatives de mentorat auprès des élèves des collèges et lycées pour ancrer l’orientation des jeunes dans les aspects concrets de la vie économique. Des partenariats peuvent être noués avec des entreprises ou des modèles de réussite issus de la diversité, des élèves ou d’anciens élèves de grandes écoles.

Le grand intérêt des classes préparatoires intégrées adossées aux grandes écoles de la fonction publique a été précédemment souligné par votre rapporteure.

Si une partie des établissements d’enseignement supérieur ont choisi de développer l’accompagnement en amont, d’autres ont créé des voies d’accès spécifiques, comme Sciences Po Paris, qui a mis en place dès 2001 des « conventions éducation prioritaire ». Outre la mise en place d’un examen d’entrée spécifique pour les élèves issus des zones d’éducation prioritaire, Sciences Po Paris a fourni une aide à la préparation de l’examen d’entrée et proposé aux lauréats un tutorat pour leur premier cycle universitaire puis un mentorat d’entreprise. Comme l’a indiqué Mme Bénédicte Durand, directrice de la formation initiale de Sciences Po Paris, ce dispositif a été un succès car : « Sept lycées étaient en convention avec nous en 2001 et ils sont aujourd’hui 106 sur l’ensemble du territoire national ; 13 000 lycéens ont préparé le concours d’entrée à Sciences Po dans le cadre d’ateliers spécifiques qui sont développés dans ces lycées conventionnés et 2 262 lycéens ont été admis. […] 1 137 étudiants ont été diplômés par cette voie […] 84 % d’entre eux s’insèrent en moins de trois mois à la sortie d’établissement. C’est du reste le taux d’insertion moyen des étudiants de Sciences Po, et ce, au même niveau de rémunération ([716]). » Ce dispositif, dont votre rapporteure salue les résultats, a été refondu récemment, en lien avec la suppression des épreuves écrites de l’examen d’entrée à Sciences Po Paris et son remplacement par une procédure unique pour l’ensemble des candidats, qui comprend un examen du dossier et des notes du baccalauréat et une épreuve orale ([717]). En outre, Sciences Po Paris passera de 100 à 200 lycées conventionnés, et de 10 % à 15 % la part des places réservées, tout en s’assurant que ces 15 % de places réservées sont bien composées d’élèves boursiers. Votre rapporteure souhaite que cette solution prometteuse puisse être généralisée autant que possible par les grandes écoles qui organisent des procédures d’admission post-baccalauréat.

Elle souhaite d’une manière générale que soient renforcés les dispositifs en faveur de l’intégration dans les grandes écoles de lycéens ou d’étudiants boursiers et permettant une meilleure mixité sociale.

Recommandation n° 54

Renforcer les dispositifs en faveur de l’intégration dans les grandes écoles de lycéens ou d’étudiants boursiers et permettant une meilleure mixité sociale.

Votre rapporteure salue l’anonymisation des nom, prénom, adresse du domicile et âge du candidat dans les dossiers Parcoursup depuis la rentrée 2019, ce qui permet de lutter contre les discriminations. Toutefois, cette mesure ne semble pas suffisante à votre rapporteure qui considère qu’il est également nécessaire d’anonymiser le nom du lycée d’origine du candidat. Ce nom (qui est vu comme un moyen de déterminer si le candidat vient d’un établissement qui « sous-note » ou « sur-note » ), pourrait être remplacé par «  un critère plus objectif » qui « serait fondé sur l’écart de notation existant entre la moyenne de contrôle continu en classe de terminale, et les résultats au baccalauréat », comme le propose la Cour des Comptes dans le bilan de l’évaluation de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants qu’elle a transmis au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale en février 2020 ([718]).

Recommandation n° 55

Anonymiser le nom du lycée d’origine du candidat dans Parcoursup et le remplacer par un indicateur permettant de déterminer si le lycée sous-note ou sur-note.

L’accompagnement des élèves tout au long de leurs études apparaît également nécessaire. Il s’agit non seulement d’un accompagnement pédagogique, avec du tutorat, mais aussi d’un accompagnement économique. Il passe non seulement par l’attribution de bourses mais aussi par le développement de l’apprentissage. Celui-ci est « un outil très précieux d’ouverture sociale pour un établissement d’enseignement du supérieur » selon Mme Marie Morellet qui a indiqué qu’à l’ESSEC, « la voie en alternance est davantage choisie par les étudiants boursiers pour poursuivre leur cursus » et que ce dispositif permet aux étudiants de « suivre leur cursus sans que cela leur coûte un centime » ([719]). La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a d’ailleurs favorisé le développement de l’apprentissage et votre rapporteure souhaite que cet effort se poursuive et s’amplifie, notamment en ce qui concerne les grandes écoles.

Votre rapporteure souhaite qu’une plus grande visibilité soit donnée aux référents « racisme-antisémitisme » dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Ce réseau a été mis en place dans le cadre du plan « Grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République » en 2015. Il compte aujourd'hui plus de 140 personnes au sein des établissements pour informer, prévenir et traiter le racisme et l'antisémitisme. Son rôle concret devrait être renforcé.

Votre rapporteure a été alertée au cours de son déplacement à la Martinique sur les besoins spécifiques de prise en charge pour les étudiants ultramarins qui effectuent une partie de leur cursus dans l’Hexagone. Certaines personnes ont souligné avoir perçu le racisme pour la première fois lors de leur arrivée dans l’Hexagone. Votre rapporteure estime que l’attention portée à ces élèves devrait être renforcée. Cette question de l’écoute et du soutien portés aux étudiants éloignés de leur famille est centrale avec la crise liée à la covid-19.

À cet égard, M. Mikaël Quimbert, adjoint au sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer, a souligné au cours de son audition ([720]) : « Pour les étudiants ultramarins en métropole, j’ai évoqué le rôle très important de la délégation interministérielle pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer (DIECVI FOM). Cette petite structure n’accueille pas elle-même les étudiants, mais les collectivités ultramarines sont présentes à Paris via les maisons pour les DOM. Outre leur mission en faveur du tourisme, ces maisons accueillent les étudiants ultramarins pour les accompagner et leur servir d’interlocuteurs. La délégation joue aussi ce rôle en s’appuyant sur les associations telles que le Comité d’action sociale en faveur des originaires des départements d’outre-mer en métropole, appelé Casodom, qui accompagne les étudiants ultramarins en métropole et qui fait un travail formidable. Nous participons au financement de ses activités via la DIECVI. Dans le cadre de la crise de la Covid, il a été un relais très important. »

Recommandation n° 56

Accroître la visibilité et renforcer le rôle concret des référents « racisme-antisémitisme » dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

 

Recommandation n° 57

Permettre aux étudiants ultramarins, lorsqu’ils arrivent dans l’Hexagone, de bénéficier d’un soutien renforcé et tenir compte de l’éloignement de leurs attaches familiales.

 


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   ConClusion

Nombre d’événements ont attesté sur une période récente, et tout particulièrement en 2020, de l’acuité du racisme et de l’antisémitisme, qui n’appartiennent pas au passé, quels que soient les progrès que nos sociétés aient pu accomplir.

C’est d’abord à une remobilisation d’ensemble, prenant appui sur le socle de nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité que votre rapporteure appelle pour lutter contre le fléau du racisme et de l’antisémitisme. Cette lutte ne peut être efficace que si elle reste universelle et refuse les dérives communautaristes et particularistes.

Elle doit être politiquement portée au premier plan, dans tous les domaines de la vie économique et sociale. Le champ des problématiques est très vaste et chaque citoyen, comme chaque organisation, est concerné. Il convient, pour être efficace, de ne pas ignorer les spécificités des différents types de racisme à l’œuvre, sur lesquelles un grand nombre des études disponibles nous éclaire d’ores et déjà. À cet égard, votre rapporteure ne soutient pas l’idée de disposer d’un référentiel ethno-racial, qui présenterait de nombreux risques et peu d’avantages.

Éducation et mémoire constituent la colonne vertébrale de la connaissance, du respect de l’autre et du développement de l’esprit critique, en particulier face aux théories qui tentent de diffuser en France l’idée d’un racisme d’État, que votre rapporteure récuse. Ni notre Constitution, ni nos institutions, ni nos lois et règlements ne sont racistes.

Les enseignants, dont votre rapporteure tient à souligner l’extraordinaire implication, doivent davantage bénéficier de formations spécifiques et bénéficier des moyens nécessaires à l’exercice de leur mission.

La politique de formation doit aussi, de manière plus contraignante qu’aujourd’hui, viser les entreprises, dont les obligations sont à renforcer.

La formation générale des agents de la fonction publique devrait quant à elle être systématisée. Il apparaît que la formation continue des policiers et gendarmes doit être renforcée, tant dans son volume que dans son contenu.

Policiers, gendarmes et magistrats mettent en œuvre la réponse pénale, dont l’efficacité doit être améliorée, en particulier s’agissant de la haine en ligne, mais pas uniquement. Plusieurs réformes sont en cours de discussion et différents outils, notamment le parquet spécialisé, ont d’ores et déjà été déployés. Il paraît également indispensable, au regard des enjeux attachés aux contrôles d’identité, de mener une large concertation en vue d’une réforme du cadre légal applicable à ces contrôles afin d’améliorer leur efficacité et de réduire les risques de contrôles discrétionnaires.

La lutte contre les discriminations fondées sur l’origine doit être plus résolue et mieux diffusée. Produites le plus souvent de manière indirecte et involontaire, ce sont aussi elles qui, au quotidien, sapent l’idéal républicain. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que, pour une partie des descendants d’immigrants du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne, les perceptions des discriminations sont plus aiguës qu’elles ne l’étaient pour leurs parents immigrés. Les inégalités sociales, qui sont majeures, ne doivent pas être confondues avec les inégalités liées aux discriminations fondées sur l’origine. Les deux existent et, souvent, se cumulent, mais il convient, comme les chercheurs, de faire la part des choses. La lutte contre les inégalités sociales, notamment dans la scolarité, permettra très certainement de résorber une partie de la perception des discriminations liées à l’origine. Elle permettra également d’éviter que ne se heurtent des logiques de diversité vécues comme antagonistes et alimentant les ressentiments. Votre rapporteure souligne, comme plusieurs personnes entendues, le risque d’une « concurrence des diversités » – à l’image de la « concurrence des mémoires ».

Le travail de déconstruction des préjugés, outre la transmission de la mémoire, l’éducation et la formation, passe aussi par la diffusion des modèles de réussite, par la mobilisation de tous ceux qui participent à l’enrichissement des imaginaires et à l’ouverture du champ des possibles, qu’il s’agisse par exemple des associations, des médias ou du monde de la culture. Un grand nombre d’associations ont pu témoigner des solutions concrètes qu’elles avaient su mettre en place, les pouvoirs publics doivent les soutenir davantage. Les collectivités territoriales sont aussi des acteurs de tout premier plan, qu’il convient de mobiliser de façon coordonnée.

L’ampleur de la tâche ne doit pas décourager. Le racisme n’est certainement pas une fatalité, comme le soulignait notamment M. Pap Ndiaye : « Le racisme a effectivement une histoire. Il n’est pas, comme on pourrait le penser ou comme on peut le lire parfois, « de tout temps ». Il n’est pas essentiellement lié à l’humanité. Dans le monde occidental, il apparaît à un moment donné dans l’histoire des hommes. Il peut aussi évoluer et disparaître. »

 


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   TRAVAUX DE LA MISSION D’INFORMATION

Au cours de sa séance du mardi 9 mars 2021, la mission d’information, sous la présidence de M. Robin Reda, a procédé à l’examen du rapport présenté par Mme Caroline Abadie.

M. le président Robin Reda. Madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis une dernière fois dans le cadre de la mission d’information de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter. Celle-ci a été créée le 3 décembre 2019 mais ses travaux n’ont réellement débuté qu’en juin 2020. En préambule de la restitution des travaux de cette mission, qui prendra la forme d’une synthèse du rapport par madame la rapporteure, je tenais à rappeler l’ampleur du travail que nous avons réalisé, qui témoigne d’un investissement à la hauteur des enjeux que nous avons eu à traiter.

Nous avons souhaité entendre très largement l’ensemble des parties prenantes impliquées dans la lutte contre le racisme. Ainsi, 81 auditions ont été menées et leurs comptes rendus écrits figurent au rapport qui a été rédigé. Elles ont permis d’entendre plus de 180 personnes dont des universitaires, des grands spécialistes de différentes disciplines, des représentants d’associations, des acteurs de la société civile, des collectivités territoriales ou encore des personnalités. Tous ces interlocuteurs ont partagé avec la mission d’information leurs connaissances, leurs expériences (parfois très personnelles) et leur expertise pour enrichir sa réflexion. Avec madame Caroline Abadie, nous tenions à les remercier vivement pour leur investissement dans ces échanges. Nous pouvons nous féliciter du très grand dynamisme de la recherche universitaire, du monde associatif, mais aussi des sphères publiques et privées qui œuvrent à lutter contre le racisme. Nous avons également eu la chance d’avoir pu auditionner nombre de personnalités publiques inspirantes, telles que Monsieur Kofi Yamgnane ou Monsieur Jean-Pierre Chevènement.

Je souligne également l’implication des autorités et institutions publiques, des ministères et tout particulièrement des ministres Jean-Michel Blanquer, Éric Dupond-Moretti et Elisabeth Moreno, qui ont été auditionnés et ont témoigné de l’importance accordée aux questions posées par la mission d’information. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le regret que nous pouvons formuler au sujet de cette mission d’information est de ne pas avoir pu mener tous les déplacements que nous aurions souhaité réaliser (que ce soit en Europe ou à l’international) compte tenu de la crise sanitaire. Madame la rapporteure a néanmoins pu effectuer un déplacement à la Martinique pour entendre de nombreux acteurs des outre-mer sur le sujet qui nous intéresse. Nous avons aussi pu entendre par visioconférence Monsieur Jean-François Colombet (préfet de Mayotte) ainsi que des acteurs européens et britanniques de premier plan.

À l’issue de la présentation que Madame la rapporteure va effectuer, nous pourrons procéder aux échanges de vues et au vote relatif à l’autorisation de la publication du rapport établi, en application de l’article 145 de notre Règlement. Au moment d’évoquer ce rapport, je tiens à remercier l’équipe administrative qui nous a accompagnés pendant la durée de la mission et qui a œuvré pour restituer les propos tenus dans le cadre des auditions.

Avant de passer la parole à madame la rapporteure, je souhaite vous faire part des principaux éléments qui figurent dans mon avant-propos au rapport. Sans omettre les faits d’actualité qui – en France comme à l’étranger – sont venus entacher la réputation d’institutions (s’agissant de la police notamment) par les faits isolés de quelques-uns, notre mission s’est prémunie de la facilité de l’émotion et de la généralisation. Il se trouve que notre mission d’information a démarré ses travaux au moment du décès tragique de George Floyd aux États-Unis. Nous avons tout de même fait en sorte de nous départir de l’émotion médiatique liée à des faits d’actualité (même si elle est légitime) pour les remettre en perspective sans céder non plus à la tentation d’importer en France des débats qui sont propres à d’autres démocraties qui ont d’autres problèmes.

L’objectif de cette mission d’information était aussi de renouveler le discours de la lutte contre le racisme dans toutes ses dimensions pour en refaire une cause nationale. Le racisme est une question sur laquelle nous cédons parfois à la facilité et sur laquelle certains ont pu baisser les armes. Dans une société qui se dit de plus en plus tolérante, le fait est que les actes de haine racistes ou antisémites sont encore très nombreux et souvent violents. Il faut garder à l’esprit que la recherche du conflit, l’adrénaline guerrière ou la bêtise des préjugés blessent et tuent encore.

Pour faire face à ces actes, notre arsenal judiciaire est ancien et puissant, mais il n’en reste pas moins sous-mobilisé par les victimes et il semble encore mal adapté à la lutte contre la haine en ligne. Lorsque nous abordons les nouveaux enjeux liés à la lutte contre le racisme, nous ne pouvons passer sous silence le rôle des réseaux sociaux. Ce sont des espaces où se déchaîne chaque jour la haine raciste, entre suppliciés exposés en public et bourreaux qui bénéficient encore trop souvent de l’anonymat et de la latence avec laquelle la modération s’opère sur les réseaux sociaux.

Pour mieux endiguer le racisme que peuvent subir certains de nos concitoyens, la France doit en revenir urgemment à sa tradition universaliste. L’universalisme républicain est un principe issu de l’article premier de notre Constitution, qui souligne que la République est indivisible et qu’elle ne reconnaît pas autre chose que des êtres humains, quelles que soient les différences physiques ou culturelles. Cet universalisme républicain est un rempart face à l’importation de luttes, auxquelles une partie de nos concitoyens – particulièrement parmi les plus jeunes – sont sensibles. Ces nouveaux antagonismes que sont le décolonialisme ou le différentialisme cherchent à introduire une lecture ethnique et différentialiste de la société et essayent parfois de dresser les identités les unes contre les autres, en jouant sur des identités blessées par le passé ou par l’histoire. Nous devons regarder notre histoire en face pour aller dans le sens d’un renouvellement du discours de lutte contre le racisme et du rétablissement de notre idéal d’universalisme.

Il convient de s’assurer que les lois sont bien mises à exécution et qu’elles fonctionnent. Les deux piliers que sont l’universalisme et l’arsenal législatif ne peuvent pas fonctionner si nous ne donnons pas une direction et un horizon au travers d’un modèle républicain qui doit renouer avec sa promesse d’émancipation des individus, quelles que soient leurs origines et leur couleur de peau. À ce titre, il faut notamment renouveler le travail de mémoire, mais aussi mettre en œuvre des mesures très concrètes que présentera madame la rapporteure. Il ne faut pas laisser nos concitoyens qui n’ont pas eu les mêmes chances dans un statut de victimes, qui pourrait ensuite être exploité par d’autres individus qui cherchent à jouer sur les identités blessées pour mener un conflit civil à l’intérieur de notre pays. La mission d’information avait pour but d’explorer les différentes formes de racisme, dont de nouvelles qui peuvent venir des communautarismes qui, finalement, font du racisme « à l’envers ». C’est ce que nous avait d’ailleurs indiqué Monsieur Jean-Pierre Chevènement lors de son audition, en soulignant que « l’universalisme républicain ne s’accommode pas de ce renversement et qu’il faut combattre ceux qui veulent créer ce racisme à l’envers ».

La responsabilité des femmes et hommes politiques a été rappelée au cours de nos auditions. Ce travail parlementaire est aussi l’occasion de réaffirmer avec force et lucidité le combat commun des élus de la République contre les tentations toujours latentes d’entacher l’image de la France en faisant référence à un prétendu racisme d’État ou au fait que la laïcité serait un outil de domination, alors qu’elle est historiquement un outil de libération. En tant que femmes et hommes politiques de ce pays, nous nous devons de ne pas encourager les concurrences entre les mémoires et les revendications de droits supplémentaires au motif d’un passé, qu’il nous faut cependant regarder avec ses lumières mais aussi avec ses parts d’ombre, sans faire d’anachronisme.

La République doit à notre sens se montrer exemplaire dans la lutte contre les discriminations, dans l’accès aux services publics, à l’emploi ou encore au logement. Cette exemplarité est aussi portée par ceux qui maintiennent l’autorité publique et font fonctionner nos institutions judiciaires. Nous devons nous prémunir des erreurs d’appréciation et des comportements incompatibles avec l’égal traitement auquel chacun a le droit sur notre sol. Cette remobilisation contre toutes les formes de racisme dans une logique universaliste conduit à repenser les structures éducatives, nos services publics et les entreprises. Contre le racisme, nous devons mener un combat de tous les jours qui ne doit pas être relégué au rang de la fatalité.

Merci à tous les collègues qui ont participé aux auditions et à l’élaboration du rapport de cette mission d’information. Je cède la parole à Madame le rapporteure.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Merci Monsieur le président et merci chers collègues de votre présence. Je suis honorée et un peu émue de restituer les travaux de notre mission d’information. Depuis son lancement, nous n’avons pas eu une semaine sans que l’actualité ou les médias ne traitent de sujets liés au racisme. Nous avons su conserver de la sérénité dans nos travaux, sans pour autant faire de tabous.

Je considère que la lutte contre le racisme doit être replacée au premier plan de nos priorités. Dans mon exposé, je me concentrerai sur les solutions préconisées et je vous propose de passer en revue une partie des près de 60 recommandations émises dans le rapport. Je précise également que quelques ajustements ont été apportés au document qui a pu vous être transmis la semaine dernière.

Pour tenter de définir le racisme, nous pouvons nous baser sur les termes de l’universitaire Michel Wieviorka, selon lequel il « consiste à caractériser un ensemble humain par des attributs naturels, eux-mêmes associés à des caractéristiques intellectuelles et morales qui valent pour chaque individu relevant de cet ensemble et, à partir de là, à mettre éventuellement en œuvre des pratiques d’infériorisation et d’exclusion ».

En premier lieu, je soulignerai que face au racisme persistant, nous devons avoir une réponse nécessairement universaliste. Vous trouverez dans le présent rapport des éléments d’analyse détaillés sur l’émergence du racisme et de l’antisémitisme, qui ont été dès le départ combattus au nom des valeurs universelles. Vous trouverez également une analyse de différents concepts permettant d’expliquer les formes que prend le racisme. Il peut s’appliquer à un spectre très large : des crimes, des discours mais aussi des attitudes ou des préjugés. Ainsi, le racisme peut être difficile à définir. On peut notamment revenir à la catégorisation proposée par le politologue Daniel Sabbagh lors de son audition. Selon lui, il existe : le racisme comme idéologie ; le racisme comme une série d’attitudes psychologiques négatives, qui prennent la forme de réactions affectives ou émotionnelles, telles que la peur, la haine ou le mépris ; le racisme comme « système de production et de reproduction d’inégalités, empiriquement constatables, entre membres de groupes qu’on définit conventionnellement comme raciaux ».

La société française est l’une de celles qui connaissent le plus de mariages mixtes. Comme les enquêtes d’opinion le démontrent, elle est plus tolérante. Ainsi, seuls 6 % des Français interrogés dans le cadre du baromètre Racisme de 2019 estimaient qu’il « y a des races supérieures à d’autres ». 56 % des personnes pensaient que « toutes les races humaines se valent » et 32 % que « les races humaines n’existent pas ». 60 % des sondés se déclaraient « pas racistes du tout », contre 28 % au début des années 2000. Pour autant, les actes et discours racistes et antisémites connaissent une hausse très inquiétante depuis 2018. Sur le long terme (soit depuis 1992), la tendance est même celle d’une hausse continue des actes racistes recensés par le service central du renseignement territorial (SCRT).

Les chiffres attestent que le racisme, dans ses différentes manifestations, continue de fragiliser la cohésion de notre société. Il vise par ailleurs de nombreuses minorités, selon des formes spécifiques que nous avons tenu à étudier pour réfléchir aux solutions. Si l’ensemble des chiffres disponibles n’est pas simple à appréhender et est incomplet, le croisement des éléments disponibles du ministère de l’intérieur, du ministère de la justice et des études sociologiques sur les discriminations perçues permettent de dresser un tableau qui n’est pas rassurant. Tout d’abord, le racisme anti-Noirs demeure structuré par des préjugés ancrés et donne lieu à des faits discriminatoires en nombre important, dans différents domaines de la vie. L’antisémitisme connaît une hausse récente qui – avec 687 actes recensés par le SCRT – s’approche très dangereusement des niveaux des années 2000. Le racisme anti-Asiatiques a connu avec la pandémie actuelle une réactivation souvent fondée sur d’anciens clichés, et il ne doit plus être sous-estimé. Les actes de rejet et de haine envers les musulmans connaissent la plus forte hausse en valeur relative en 2019, atteignant 154 actes selon le SCRT. Enfin, le rejet des « populations Roms » – qui rassemblent différents groupes de cultures, de langues et de religions différentes – évolue malheureusement très peu et demeure largement banalisé. Alors que l’on observe pour les personnes noires, arabes, juives et musulmanes un indice de tolérance relativement élevé et qui progresse dans le temps, le rejet des Roms est massif et cette situation appelle une action résolue, une structuration et une prise en charge spécifiques dans le cadre du prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Plus de 70 % des personnes pensent que les Roms forment un groupe à part et elles sont 60 % à penser que les Roms exploitent très souvent leurs enfants.

J’insiste sur le fait que la réponse au racisme ne peut qu’être universelle. Il ne faut pas chercher à établir de hiérarchie entre les racismes selon qu’ils concernent telle ou telle origine. Toutes les formes de racisme sont également dommageables pour la cohésion sociale, même si elles semblent marginales ou si elles ne se traduisent pas par des discriminations.

Le modèle « multiculturaliste », opposé au modèle universaliste, ne nous a pas convaincus, parce qu’il conduit bien souvent au communautarisme voire au « séparatisme ». La communauté fondamentale des citoyens est la communauté nationale, et c’est dans ce cadre que tous les citoyens sont égaux en droit. Quelle que soit leur couleur de peau ou leur religion, les citoyens sont d’abord Français avant d’être noirs, blancs, asiatiques, musulmans, chrétiens, etc. Raisonner en fonction des communautés des uns et des autres, c’est adopter une logique « racialiste », et finalement utiliser des arguments racistes pour lutter contre le racisme, au risque d’exclure certains groupes (comme l’indiquait tout à l'heure le président Reda).

Toute approche autre que l’approche universelle est susceptible d’entraîner des effets pervers et de renforcer la « conscience raciale » de certaines minorités, tout en occasionnant des frustrations chez les populations dites « majoritaires ». De même, je ne soutiens pas le déploiement de statistiques ethniques sur le modèle anglo-saxon. À droit constant, beaucoup de données sont déjà disponibles et peuvent continuer à être collectées. Les statistiques ethnoraciales, dont les auditions ont montré qu’elles pouvaient entraîner des risques réels, ne recèleraient à mon sens pas de bénéfices avérés ou suffisants.

Je rappelle à cet égard que la « diversité » n’est pas seulement ethnique. Les historiens et démographes nous ont expliqué que les discriminations ont toujours existé et qu’elles se fondent toujours sur une multiplicité de facteurs. Au Moyen Âge, il pouvait s’agir de l’origine géographique (avec des éléments comme les provinces ou les quartiers) et bien évidemment le milieu social d’origine. Une politique de lutte contre le racisme doit aussi être universelle dans le sens qu’elle lutte contre toutes les inégalités sans réduire systématiquement les écarts constatés à des préjugés ethniques.

Reconnaître et traiter durablement le racisme, l’antisémitisme et les discriminations à l’œuvre, ce n’est certainement pas alimenter la victimisation, qui n’apporte aucune solution concrète aux personnes confrontées au racisme et tend au contraire à les enfermer. Pour lutter efficacement contre le racisme, il ne faut pas tant chercher des victimes (avec le risque d’alimenter une concurrence mémorielle) que valoriser des « héros », des modèles de personnes issues des minorités qui ont réussi grâce à leurs compétences.

La lutte contre le racisme doit aussi passer par la connaissance. Si la recherche historique a connu d’importants développements ces dernières années, tant en ce qui concerne les génocides que l’esclavage ou la colonisation, il convient de poursuivre et d’accentuer ses efforts. Ces progrès se heurtent au manque d’enseignants spécialisés sur ces sujets et je propose d’augmenter le nombre de postes de professeurs et de maîtres de conférences dédiés aux sujets des génocides, de l’esclavage et de la colonisation et de créer des postes fléchés au Centre national de la recherche scientifique.

Par ailleurs, il paraît nécessaire d’améliorer la transmission de la connaissance historique dans l’enseignement primaire et secondaire. Pour ce faire, je propose de renforcer le nombre des heures consacrées à l’histoire-géographie ainsi qu’à l’enseignement moral et civique, de faire évoluer les programmes d’histoire du lycée, de promouvoir une mise à jour plus rapide des manuels scolaires aux programmes adaptés aux histoires locales lorsqu’une réforme est mise en œuvre. C’est un besoin particulièrement vrai en ce qui concerne les DOM. Enfin, il semble indispensable d’apporter un soutien public, aux réseaux de professeurs qui se constituent en vue de diffuser des outils pédagogiques disponibles pour l’ensemble de la profession et le grand public.

Au-delà des élèves, c’est également le grand public qu’il faut toucher et les musées ont un rôle essentiel à jouer sur ce plan. Je préconise de créer un musée d’histoire de la colonisation, car aucun musée de ce type n’existe à ce jour en France. Ce musée pourrait s’appuyer, d’une part, sur des expositions itinérantes, et, d’autre part, sur des outils numériques permettant de toucher de manière pérenne un large public. Les musées sont susceptibles de jouer un rôle, non seulement en termes de transmission des connaissances mais aussi comme lieux de mémoire. Or, pour lutter efficacement contre le racisme, il faut connaître, faire connaître mais aussi reconnaître. Sur ce sujet, la France a beaucoup avancé au cours des dernières décennies, avec notamment l’instauration de journées de commémoration relatives à la mémoire de la guerre d’Algérie, à l’esclavage ou encore aux crimes racistes et antisémites commis par l’État français pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, il convient de prolonger cette politique sur un autre plan : l’inscription de la mémoire dans l’espace public. Au lieu de déboulonner des statues, il semble plus judicieux d’en ériger de nouvelles ou en choisissant des noms de rue et de bâtiments qui à la fois prennent en compte la diversité et commémorent la résistance à l’esclavage ou à la colonisation. À cet égard, je salue l’initiative du Ministère des Armées, qui a mis à disposition des élus locaux un recueil de personnalités issues de la diversité ayant combattu pour la France.

En deuxième lieu, nos travaux nous ont également conduits à examiner l’efficacité de la réponse pénale aux infractions à caractère raciste, c’est-à-dire à étudier le cadre juridique applicable et le rôle des différents acteurs de la chaîne pénale, policiers comme magistrats. Pour avoir une réponse pénale, il faut que des plaintes soient déposées. A cet égard, je souhaite souligner que l’image de « racisme » souvent associée à la police de la part de certains militants est largement infondée. Il existe sans doute du racisme dans la police comme dans le reste de la société, mais nous avons pu constater qu’il existe de nombreux dispositifs permettant de lutter contre les éventuels comportements racistes ou discriminatoires au sein de la police et de la gendarmerie. Eu égard à l’importance du rôle qu’elles jouent dans la réponse pénale et dans la confiance qu’ont nos concitoyens dans nos institutions, le devoir d’exemplarité de nos forces de l’ordre doit être infaillible.

Le cadre légal du contrôle d’identité permet trop souvent d’effectuer des contrôles discrétionnaires qui peuvent être vécus – à tort ou à raison – comme discriminatoires. Le rapport propose de clarifier le cadre applicable aux contrôles d’identité et de renforcer son efficacité pour la prévention et la répression des infractions. De manière générale, il conviendrait de donner à la hiérarchie des moyens plus effectifs de contrôler ce qui se passe sur le terrain. Enfin, si les services d’inspection (IGPN et IGGN) jouent pleinement leur rôle, il pourrait être judicieux de leur adjoindre un représentant du Défenseur des droits pour prévenir certaines critiques injustifiées. Il faudrait aussi renforcer le rôle de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en matière d’audit, de conseil et d’analyse afin de mieux assurer le respect des règles de déontologie. À cet égard, le Beauvau de la sécurité semble propice à approfondir ces réflexions.

Concernant le cadre légal réprimant les infractions à caractère raciste, force est de constater qu’il est globalement satisfaisant, et même plutôt sévère par rapport à ce qui existe dans les autres grandes démocraties. La loi semble avoir trouvé un équilibre entre la nécessité d’incriminer certains propos et comportements racistes et l’exigence de préserver la liberté d’expression et la présomption d’innocence. Au-delà de ces exigences constitutionnelles, la loi pénale fait face à la difficulté d’apporter la preuve matérielle de certains propos ou de certains comportements. Il ne sera jamais possible de réprimer la totalité des comportements répréhensibles, mais les chiffres montrent que la réponse pénale progresse. Elle peut encore progresser en améliorant l’accueil des victimes et en étendant aux victimes d’infractions à caractère raciste la possibilité de porter plainte en ligne. La formation des policiers et magistrats devrait encore être renforcée pour mieux faire connaître les droits des victimes et pour mieux faire appliquer le cadre légal en vigueur.

En revanche, le sujet de la « haine en ligne » est particulièrement préoccupant. La lutte contre la haine en ligne se heurte, là encore, au principe fondamental – et auquel je suis également très attachée – de la liberté d’expression. Il ne paraît à ce stade pas possible de restreindre davantage la liberté d’expression (même en ligne) sans prévoir de solides garanties pour les droits de la défense et un contrôle du juge. Mais comme nous le savons bien, ces procédures ne sont souvent pas adaptées à la spécificité de la parole en ligne ni à son effet massif. Dans ce contexte, les dispositions nouvelles du projet de loi confortant les principes républicains seront très utiles, car elles permettent de répondre à la problématique des « sites miroirs » et d’accélérer le processus de sanction par la possibilité de recours à la comparution immédiate. Le rapport recommande par ailleurs de renforcer les moyens de la plateforme PHAROS, qui est spécialisée dans le signalement de certaines infractions commises en ligne.

En troisième lieu, nous devons impérativement répondre aux discriminations interdites par la loi et restaurer l’égalité républicaine. J’estime qu’il nous faut analyser précisément les freins limitant l’impact de l’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations en fonction de l’origine, et mener une concertation avec les partenaires sociaux et les associations sur les moyens d’atteindre une réelle effectivité. Le redéploiement de la lutte contre le racisme et les discriminations est impératif et ce doit être une priorité politique de tout premier plan. Il est nécessaire de porter ce message politiquement, de relever les crédits de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) et de disposer d’une meilleure visibilité sur les crédits consacrés par les différents ministères à ces questions.

Les risques de discriminations constatés dans certaines études et dans des testings (s’agissant notamment de l’accès à l’emploi et au logement) démontrent que nous avons un travail collectif à mener sur ces questions qui sont complexes à aborder, pour les entreprises en particulier. Nous devrions renforcer le recours aux tests de discrimination organisés selon un plan de déploiement précis et prévoyant des contrôles répétés par les pouvoirs publics, qui doivent en assurer un suivi dans le temps.

Il apparaît nécessaire de fixer, dans le cadre du futur plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2021-2023, la priorité de la professionnalisation de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte (que ce soit dans le secteur public comme dans le secteur privé), notamment par un déploiement très vaste de mesures en faveur de la formation. Naturellement, il existe un devoir d’exemplarité du secteur public, et les membres de la fonction publique d’État comme les agents des collectivités territoriales doivent être particulièrement sensibilisés à ce sujet, notamment lorsqu’ils remplissent une fonction d’accueil.

Il conviendrait à la fois d’élargir les obligations des entreprises, notamment de formation, et de mettre à leur disposition – comme à celle de tous les acteurs publics et privés – une plateforme nationale de pilotage de la lutte contre le racisme et les discriminations dans les organisations car beaucoup manquent d’informations précises. Une concertation avec l’ensemble des branches devrait être menée. La lutte contre les discriminations dans les entreprises devrait faire l’objet d’un volet du prochain plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Plusieurs mesures sont proposées à destination des plus grandes entreprises (avec entre autres des obligations d’autodiagnostics réguliers) et des plus petites (avec la désignation d’un référent au sein des comités sociaux et économiques). La logique est bien celle d’une coopération avec les entreprises et d’une démarche de progrès, et c’est d’ailleurs l’esprit de l’index de la diversité annoncé en janvier dernier par la ministre Elisabeth Moreno. L’absence d’engagement et de progrès constatés dans la durée, après des testings, devrait en revanche faire l’objet de sanctions de type « name and shame ».

Plusieurs mesures sont également proposées en matière de suivi des discriminations dans l’emploi public, et je préconise en particulier le renforcement des classes préparatoires intégrées – qui a été annoncé par le président de la République et la ministre Amélie de Montchalin – pour élargir le recrutement des écoles de service public et favoriser l’égalité des chances dans l’accès à la fonction publique.

Il convient de souligner que nous devons entreprendre un très grand travail de déconstruction des préjugés et qu’il faudra dédramatiser la charge morale pesant sur les biais cognitifs que nous avons tous. Compte tenu du fait que nous pouvons tous être victimes de nos propres préjugés, nous pouvons nous poser la question de savoir en quoi notre comportement peut entraîner des discriminations et en quoi il peut être modifié. Cette déconstruction des stéréotypes racistes passera en particulier par une action commune en faveur de la promotion des modèles de réussite et des parcours inspirants et pouvant servir d’exemples. Les pouvoirs publics doivent communiquer largement sur ces questions. Les actions menées par les associations en vue de faire émerger et faire connaître les modèles de réussite doivent être soutenues et diffusées. Les députés devraient à cet égard jouer un rôle renforcé sur tout le territoire, en lien avec ces associations.

Enfin, l’école joue un rôle essentiel dans la lutte contre le racisme et les discriminations sur deux plans. Tout d’abord, par le biais des enseignements qui y sont délivrés et des actions pédagogiques qui y sont menées. En particulier, il est nécessaire d’accompagner le développement de l’usage des réseaux sociaux et d’internet, et d’aider les jeunes à avoir un recul critique vis-à-vis des contenus qu’ils regardent et véhiculent. C’est pourquoi je propose de renforcer l’éducation aux outils numériques par la délivrance, à l’issue de l’école primaire et du collège, d’une attestation certifiant que les élèves ont bénéficié d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux. Pour rappel, il s’agit d’une proposition qui a été adoptée en première lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République, en janvier, dans notre hémicycle.

La lutte contre le racisme et les discriminations passe également par la mise en œuvre d’une politique scolaire qui garantisse l’égalité des chances et favorise la mixité sociale. Les bienfaits des dédoublements de classes de CP et de CE1 en REP et REP+ ont été soulignés à plusieurs reprises dans le cadre de nos auditions. Il paraît indispensable d’entreprendre une ambitieuse politique de révision de la carte scolaire, qui associe les collectivités territoriales, le ministère de l’éducation nationale et les parents d’élèves. Cette démarche doit s’accompagner d’un développement des options dans les collèges et lycées qui sont jugés moins attractifs que d’autres. Cette politique doit être accompagnée de dispositifs remédiant aux inégalités dans l’accès à l’enseignement supérieur. Il convient ainsi de favoriser l’entrée dans l’enseignement supérieur (et notamment dans les grandes écoles) par le développement du tutorat et du mentorat, et d’encourager l’alternance (qui permet de réduire le coût de la scolarité). Enfin, pour éviter les discriminations à l’entrée dans l’enseignement supérieur, les solutions déployées par certaines grandes écoles pour admettre davantage de boursiers sont essentielles. Je propose également d’anonymiser le nom du lycée d’origine du candidat dans Parcoursup.

Mes chers collègues, les évolutions apportées au projet de rapport depuis que vous en avez eu connaissance porteront, suite aux échanges que j’ai pu avoir avec plusieurs d’entre vous, sur : la reformulation de la recommandation n° 26 afin qu’elle englobe bien une formation initiale et continue renforcée pour les agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics ; une précision de la recommandation n° 36 pour spécifier que la plateforme de pilotage de la question du racisme, initialement visée à la recommandation n° 37, serait bien un outil à destination de l’ensemble des acteurs (publics comme privés) ; l’ajout d’une recommandation visant à renforcer le rôle des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté dans les établissements du second degré en matière de lutte contre le racisme et à systématiser la création de comités interdegrés et interétablissements. Sont également insérées une précision relative au fait que la proposition de résolution de notre collègue Sylvain Maillard n’a pas été adoptée à l’unanimité et a fait l’objet de réserves, la mention expresse des concours talents qui seront organisés dès 2021 dans cinq écoles de service public pour les élèves issus des classes préparatoires intégrées (qui seront rebaptisées classes talents), la mention de la nouvelle plateforme anti-discriminations, permettant une saisine en ligne par les particuliers et portée par le Défenseur des droits, ainsi qu’une précision relative au rôle de la médiation par l’art à l’école.

En conclusion, je souhaiterais rappeler que, si beaucoup a été fait, beaucoup reste encore à faire. Même s’il l’a été à de nombreuses reprises dans le cadre de nos auditions, je me permets de citer de nouveau le paradoxe de Tocqueville : plus une situation s'améliore, plus l’écart avec la situation idéale est ressenti subitement comme intolérable par ceux-là mêmes qui bénéficient de cette amélioration. Objectivité et subjectivité sont donc étroitement liées.

Éducation et mémoire constituent la colonne vertébrale de la connaissance, du respect de l’autre et du développement de l’esprit critique, en particulier face aux théories qui tentent de diffuser en France l’idée d’un racisme d’État, que nous récusons totalement.

Les enseignants, dont je tiens à souligner l’extraordinaire implication, doivent davantage bénéficier de formations spécifiques et des moyens nécessaires à l’exercice de leur mission. Les policiers, les gendarmes et les magistrats mettent en œuvre la réponse pénale, dont l’efficacité doit être améliorée, en particulier s’agissant de la haine en ligne mais pas uniquement. Il apparaît également indispensable, au regard des enjeux attachés aux contrôles d’identité, de mener une large concertation en vue d’une réforme du cadre légal applicable à ces contrôles.

La lutte contre les discriminations fondées sur l’origine doit être plus résolue et mieux diffusée. Produites le plus souvent de manière indirecte et involontaire, ce sont aussi elles qui, au quotidien, sapent l’idéal républicain.

Il me paraît enfin utile de faire part de quelques mots de Monsieur Pap Ndiaye, qui nous a indiqué au cours de son audition : « Le racisme a effectivement une histoire. Il n’est pas, comme on pourrait le penser ou comme on peut le lire parfois, "de tout temps". Il n’est pas essentiellement lié à l’humanité. Dans le monde occidental, il apparaît à un moment donné dans l’histoire des hommes. Il peut aussi évoluer et disparaître ».

Je vous remercie pour votre assiduité lors des nombreuses auditions que nous avons menées et pour l’esprit qui a régné dans le cadre de nos travaux. J’adresse un remerciement particulier au président Robin Reda, avec qui j’ai apprécié de travailler ces dix derniers mois. Que nous ayons été dans la concorde ou pas, le respect, l’exigence et la bonne humeur ont toujours été présents dans nos échanges. Je souhaite également faire part de ma gratitude à nos trois administrateurs pour cette mission.

J’ai été particulièrement fière de vous présenter aujourd'hui le fruit de notre travail.

M. le président Robin Reda. Merci beaucoup Madame la rapporteure. Je partage largement les remerciements dont vous avez fait part, et je me permets d’y associer nos collaborateurs parlementaires respectifs.

Je propose à celles ou ceux d’entre vous d’exprimer leurs réactions ou propos complémentaires par rapport à l’exposé qui vient d’être fait.

Mme Michèle Victory. Je remercie les personnes ayant participé à l’élaboration de ce rapport, notre président Robin Reda et notre rapporteure Caroline Abadie. Les membres de la mission d’information couvraient un spectre politique assez large et nous avons pu avoir une façon de voir les choses qui pouvait être divergente. Je crois cependant que nous avons eu à cœur d’avoir des auditions suffisamment riches pour avancer dans nos réflexions et arriver à des propositions qui – il faut l’espérer – pourront contribuer à une amélioration de la situation par rapport au racisme. Si l’état de la société peut nous laisser à penser que le racisme n’est plus partagé par une majorité de nos concitoyens, les actes de racisme semblent augmenter. Cette contradiction fait que les solutions à apporter ne sont pas simples. Caroline Abadie a évoqué ce qui relevait de l’école et a insisté sur la déconstruction des préjugés (qui sont plus simples à voir chez les autres que chez soi-même).

Pour en revenir aux points du rapport sur lesquels nous avions des divergences, je tiens à saluer le travail de concorde qui a été effectué. J’ai un regret qui est que nous n’ayons pas pu auditionner Bernard Cazeneuve, qui avait travaillé sur le sujet de la formation des forces de l’ordre lorsqu’il était ministre de l’intérieur et qui aurait pu faire des propositions en la matière.

Il reste un point sur lequel nos différences sont plus importantes, mais il a bien été annexé au rapport. Je suis satisfaite de cette mission et je souhaite qu’elle nous permette d’avancer à petits pas dans un esprit d’intelligence collective et législative. Il faut se garder d’être pris par l’instantanéité et faire en sorte que la mémoire ne prenne pas le pas sur l’histoire, même si l’équilibre n’est pas toujours facile à trouver en la matière.

Merci à tous les participants à cette mission d’information.

M. Raphaël Gérard. J’ai rejoint cette mission d’information après la phase d’auditions, et j’étais donc d’autant plus intéressé par la restitution qui a été effectuée. En tant que commissaire aux affaires culturelles et à l’éducation, je souhaitais parler de l’importance de l’audiovisuel dans la représentation et la déconstruction des stéréotypes qui peuvent souvent être liés à une forme d’assignation identitaire. Vous précisez dans le rapport que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) produit chaque année depuis 2009 un rapport sur la diversité dans l’audiovisuel. Vous avez fait part de votre opposition aux statistiques ethniques, et je la partage largement. Si aujourd'hui le CSA fait l’évaluation des personnes perçues comme « non blanches » à la télévision et à la radio, la loi Léotard consacrait la responsabilité des chaînes audiovisuelles dans la juste représentation de la société française dans toute sa diversité. Le rapport du CSA a le mérite d’exister, mais cette autorité n’a pas de pouvoir coercitif pour sanctionner les chaînes qui ne respecteraient pas cette obligation de représentation sur leurs antennes de la diversité de la société française. Aussi, il pourrait de mon point de vue être intéressant de créer sur le plan législatif une obligation pour les opérateurs de fournir au CSA des indicateurs qualitatifs et quantitatifs rendant compte des actions qu’ils mettent en œuvre pour promouvoir cette bonne représentation de la société française. Je m’appuierai à ce titre sur l’exemple de l’initiative mise en place par France Télévisions en interne, en définissant des indicateurs pour mesurer la visibilité des outre-mer et des cultures ultramarines sur ses antennes. Ils permettent de se fixer des objectifs et de les évaluer, pour ensuite rendre compte au CSA de leur atteinte. Il s’agit à mon sens d’un dispositif gagnant-gagnant qui donnerait la possibilité aux sociétés audiovisuelles de faire un exercice sur elles-mêmes, sur la manière dont elles montrent la diversité sur leurs antennes, tout en gardant la main sur ces indicateurs, à l’instar de ce que vous mettiez en avant avec le plan annoncé par la Ministre Elisabeth Moreno pour le monde de l’entreprise.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je souhaitais m’associer aux remerciements formulés et à la reconnaissance du travail effectué dans le cadre de cette mission d’information. Le sujet traité était ambitieux et il a été abordé avec ambition. Les nombreuses propositions formulées au travers de ce rapport témoignent du sérieux du travail accompli. Je remercie d’ailleurs madame la rapporteure d’avoir été attentive à mes remarques tardives sur ce qui a trait à la promotion, à la mise en avant et au partage de vécu positif. Nous avons en France une culture qui est – à juste titre – très centrée sur la dénonciation, la réprobation, la sanction et l’encadrement de ce qui ne va pas, mais il me semble nécessaire de favoriser les échanges, le partage et le vécu commun. C’est l’objet des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté inter-établissements.

Je terminerai par une remarque en soulignant le fait que le rapport fait entre l’accueil de l’étranger et la peur des migrants est un pan à ne pas négliger lorsqu’il est question de lutte contre le racisme. Ce point a peut-être néanmoins été abordé lors de certaines auditions, sachant que je n’ai pas pu assister à toutes.

M. le président Robin Reda. Madame la rapporteure, je vous propose de réagir aux interventions qui viennent d’être effectuées.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Je partage le constat de Michèle Victory sur le fait que nous n’avons pas été épargnés par les contradictions dans le cadre de cette mission. Les idées exprimées contribuent à la richesse du rapport qui a été produit. La notion de charge morale me semble fondamentale à prendre en compte. Elle a été évoquée à plusieurs reprises pendant les auditions, non seulement par des sociologues mais aussi par les représentants de la Fondation Thuram. Il faut admettre que nous pouvons tous avoir des préjugés et faire en sorte de travailler dessus, notamment en soutenant les associations qui travaillent sur ces sujets. Professionnaliser la lutte contre le racisme permettrait à ces associations d’agir tout en « embarquant » d’autres acteurs (du professeur d’histoire-géographie à l’adjoint à la culture, ou des entreprises de l’audiovisuel aux petites sociétés en passant par des associations sportives). Chacun à son niveau peut agir contre les préjugés racistes. Comme ils sont partout, ils peuvent également être combattus partout.

Pour répondre à Raphaël Gérard, les statistiques ethniques ne sont pas autorisées dans notre pays mais il existe toutefois des dérogations dans des situations particulières (moyennant une garantie de l’anonymat). En tout état de cause, des statistiques ethnoraciales ne peuvent pas être utilisées à un niveau gouvernemental, ce qui est la crainte que tout un chacun peut avoir. Il peut être fait recours à des statistiques à l’échelle des entreprises, en particulier dans des démarches d’autoperception, ce qui peut aussi éviter d’enfermer des personnes dans des catégories. Nous avons encore eu hier soir des discussions avec Michèle Victory au sujet du pacte de visibilité de France Télévisions. Si la fermeture de France Ô a pu susciter des craintes, ce pacte a déjà permis des évolutions.

Je souligne en outre la diffusion, au mois d’octobre, en prime time, d’un documentaire dont Pascal Blanchard est co-auteur, sur la décolonisation.

Je remercie Marie Tamarelle-Verhaeghe pour les commentaires apportés. Je suis tout à fait d’accord avec l’idée de parler des comités inter-établissements dans le rapport.

La question particulière de l’accueil des étrangers a été traitée dans le rapport. Il a entre autres été souligné que leur accueil au niveau des préfectures pouvait être difficile s’ils étaient seuls et beaucoup plus courtois s’ils étaient accompagnés. Il semble donc possible de faire évoluer le regard de l’administration sur ces personnes.

Mme Michèle Victory. Concernant les enjeux de mixité sociale dans la politique de la ville, il est à espérer que ce rapport pourra permettre de retravailler un certain nombre d’aspects. Dans le cadre d’une audition, un intervenant avait souligné le fait que les enjeux de mixité sociale pouvaient être visibles à l’échelle d’un quartier mais aussi parfois d’un immeuble. La politique de la ville peut avoir un impact sur l’accès au logement et à l’emploi, et il faut parvenir à remettre à plat ce type de sujets, en lien avec les élus locaux.

M. le président Robin Reda. Comme tout bon rapport, il dresse un état des lieux et peut être vu comme un point de départ. Je ne doute pas que les sujets qu’il aborde pourront faire l’objet de nouveaux échanges dans les mois qui viennent. J’espère que les éclairages et les recommandations qu’il porte permettront à notre mission d’information d’avoir été utile.

Avec Madame la rapporteure, nous aurons l’occasion de reparler du travail conséquent qui a été mené et de mettre au débat certaines propositions. Merci encore à toutes et tous.

Compte tenu de nos échanges et en l’absence d’expression d’opposition ou d’abstention, je considère que la publication du présent rapport est autorisée par notre mission d’information à l’unanimité.

La mission d’information autorise, à l’unanimité, la publication du rapport d’information.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Le 30 juin 2020

– Table ronde pour une approche historique :

Le 2 juillet 2020

– Table ronde pour une approche sociologique :

– Table ronde pour une approche démographique :

 

Le 7 juillet 2020

– Audition commune de Mme Ya-Han Chuang, sociologue, post-doctorante à l’Institut national d’études démographiques à l’Institut national d’études démographiques (INED) et de Mme Simeng Wang, chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Le 9 juillet 2020

– Table ronde réunissant :

– Audition de M. François Héran, sociologue et démographe, professeur au Collège de France, directeur de l'Institut convergence Migrations au CNRS, président du conseil d’orientation du Musée national de l’histoire de l’immigration ;

– Table ronde réunissant :

Le 21 juillet 2020

– Table ronde sur le projet Projet Global race INED-Sciences-Po réunissant :

Le 23 juillet 2020

– Table ronde sur les lieux de mémoire et musées réunissant :

– Audition de M. Patrick Karam, vice-président du Conseil régional d’Île-de-France en charge des sports, des loisirs, de la jeunesse, de la citoyenneté et de la vie associative, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, président d’honneur et fondateur du Conseil représentatif des Français originaires d'Outre-Mer (CREFOM), président de la Coordination pour les chrétiens d’Orient (CHREDO), ancien délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer.

– Table ronde réunissant :

Le 8 septembre 2020

– Audition de M. Georges Bensoussan, ancien professeur agrégé d'histoire, ancien directeur éditorial du Mémorial de la Shoah à Paris.

– Audition de Mme Magali Bessone, professeure de philosophie politique à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et membre du conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage.

– Table ronde réunissant :

– Audition, en visioconférence, de M. Olivier Roy, professeur à l'Institut universitaire européen (Florence).

Le 9 septembre 2020

– Audition, en visioconférence, de M. Kamel Daoud, écrivain.

– Audition de M. Dominique Sopo, président de SOS racisme et de Mme Pauline Birolini, responsable du pôle juridique.

– Audition de Mme Laëtitia Hélouet et M. Boris Janicek, co-présidents du Club XXIème siècle, et de Mme Samira Bougrara, membre.

– Table ronde réunissant :

– Audition de M. Samuel Thomas, délégué général de la Fédération nationale des maisons des potes, président de la Maison des potes maison de l'égalité.

Le 15 septembre 2020

– Audition de M. Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme.

– Audition de M. Mario Stasi, président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), avocat au barreau de Paris.

Le 17 septembre 2020

– Audition de M. Pascal Blanchard, historien, membre associé du Laboratoire communication et politique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), codirecteur du groupe de recherche Association Connaissance de l'histoire contemporaine (ACHAC), directeur de l’agence Les bâtisseurs de mémoire.

– Audition de M. Jean-Marie Burguburu, président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), de Mme Cécile Riou, secrétaire générale adjointe, et de Mme Camille Tauveron, chargée de mission.

– Table ronde réunissant :

Le 22 septembre 2020

– Audition de Mme Silyane Larcher, politiste, chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à l’unité de recherche migrations et sociétés.

– Audition de M. Pierre Mairat, co-président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP).

Le 24 septembre 2020

– Audition de Mme Danièle Lochak, professeure émérite de droit public à l'université Paris Nanterre, ancienne présidente et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI).

– Audition de M. Ghyslain Vedeux, président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), de M. Christophe Lèguevaques, avocat, de Mme Stéphanie Mulot, professeure des universités en sociologie, et de M. Malcom Ferdinand, chargé de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) (IRISSO), membres du collège d’experts constitué par le CRAN.

– Audition de M. Frédéric Potier, préfet, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH).

– Audition de M. Lilian Thuram, président de la Fondation Lilian Thuram, Éducation contre le racisme, de M. Lionel Gauthier, directeur, de Mme Élisabeth Caillet, philosophe, et de M. Ninian Hubert van Blijenburgh, chargé de cours à l’Université de Genève, chargé de projets au Muséum d’histoire naturelle de Genève, membres du comité scientifique de la fondation.

Le 29 septembre 2020

– Table ronde réunissant :

Le 1er octobre 2020

– Table ronde réunissant :

– Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Le 14 octobre 2020

– Audition de M. François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de Mme Hélène Chapet, directrice du programme « Lien social et image des quartiers ».

– Audition de M. Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité et de M. Nicolas Cadène, rapporteur général.

– Audition de Mme Agnès Saal, haute fonctionnaire à l’égalité, la diversité et la prévention des discriminations au ministère de la culture et de Mme Sophie Lecointe, cheffe du service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovation.

Le 27 octobre 2020

– Audition de M. Amin Maalouf, de l’Académie française.

Le 28 octobre 2020

– Table ronde réunissant :

– Audition commune de M. Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et Mme Noémie Madar, présidente de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF).

– Audition commune de M. Nicolas Grivel, directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et M. Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM).

Le 3 novembre 2020

– Audition de M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), M. Yannick Faure, directeur de cabinet et M. Guillaume Blanchot, directeur général.

– Audition de M. le vice-amiral d’escadre Philippe Hello, directeur des ressources humaines du ministère des armées.

Le 5 novembre 2020

– Audition de M. Patrick Charlier, directeur de l’UNIA (Centre interfédéral belge pour l’égalité des chances).

– Audition de M. Henri Nickels, coordinateur des programmes, coopération institutionnelle et réseaux de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Le 17 novembre 2020

– Audition de M. Thomas Dautieu, directeur de la conformité de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), Mme Marie Heuzé, juriste au service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales, et Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires.

– Audition de Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

Le 19 novembre 2020

– Table ronde réunissant :

– Table ronde réunissant :

– Audition de M. le doyen Nicolas Bonnal, conseiller à la Cour de cassation, chambre criminelle.

Le 24 novembre 2020

– Audition de Mme Anne-Marie Sauteraud, ancienne présidente de la chambre 2-7è de la Cour d’appel de Paris.

– Audition de M. Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Le 26 novembre 2020

– Audition de M. Trevor Phillips, journaliste et écrivain, président du think‑tank Runnymede Trust.

– Audition de M. Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d’État aux affaires sociales et à l’intégration.

– Audition de M. Michael Lockwood, directeur général de l’Independant office for police conduct (IOPC) du Royaume-Uni.

– Audition Pr. Tariq Modood, professeur de sociologie à l’université de Bristol.

– Audition de Sir Nicholas Green, président de la Law Commission du Royaume-Uni et de Mme Penney Lewis, commissaire au crime.

Le 1er décembre 2020

– Audition de M. Jean-François Colombet, préfet de Mayotte.

– Audition de M. Mikaël Quimbert, adjoint au sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer.

Le 3 décembre 2020

– Table ronde réunissant :

– Table ronde réunissant :

– Table ronde réunissant :

– Audition de M. Élie Renard, directeur adjoint de l’École nationale de la magistrature (ENM) et M. Bertrand Mazabraud, coordonnateur de formation en formation continue, et Mme Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), directrice de la session de formation sur les enjeux contemporains du racisme et de l’antisémitisme à l’ENM.

– Table ronde réunissant :

Le 8 décembre 2020 :

– Audition de Mme Katia Dubreuil, présidente du syndicat de la magistrature, et de Mme Sarah Massoud, secrétaire nationale.

– Audition du général Louis-Mathieu Gaspari, secrétaire général du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG), du lieutenant-colonel François Dufour, secrétaire général adjoint, et des membres du groupe de liaison : lieutenant-colonel Sébastien Baudoux, lieutenant Michel Rivière, adjudante-cheffe Catherine Hernandez, maréchal des logis-chef Grégory Rivière, major Patrick Boussemaere, adjudant-chef Erick Verfaillie, adjudant Patrick Beccegato, adjudante Vanessa Georget, adjudant-chef Régis Poulet, maréchal des logis chef Frédéric Le Louette et adjudante-cheffe Samia Bakli.

Le 10 décembre 2020

– Audition de Mme Brigitte Jullien, directrice de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

– Audition de M. Thierry Geoffroy, responsable des affaires publiques de l’Association française de normalisation (AFNOR) Certification et de Mme Charlotte Epinay, consultante en communication de l’agence Comfluence.

– Table ronde réunissant :

– Audition de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, et de Mme George Pau-Langevin, adjointe, vice-présidente du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité.

– Audition commune de :

– Table ronde réunissant :

– Audition de M. Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman.

Le 15 décembre 2020

– Audition de Mme Nathalie Colin, directrice générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) du ministère de la transformation et de la fonction publiques.

– Audition du général de corps d’armée Alain Pidoux, chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

Le 17 décembre 2020

– Audition M. Olivier Caracotch, directeur adjoint des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

– Table ronde réunissant :

– Table ronde réunissant :

– Table ronde réunissant :

– Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, président de la fondation Res Publica, ancien ministre.

Le 12 janvier 2021

– Audition de M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice.

 

Liste des personnes rencontrées dans le cadre du déplacement de la mission à la Martinique

Le 19 octobre 2020

– Mme Claire Tessier, sous-préfète déléguée à l’égalité, à l’emploi et à la cohésion sociale, préfecture de la Martinique ;

– Mme Hélène Dargon, adjointe de Mme Claire Tessier, chargée de mission pour l’emploi, la cohésion sociale et le logement social, préfecture de la Martinique ;

– M. André Lucrèce, écrivain et sociologue ;

– M. Guillaume de Reynal, président de l’association « Construire notre vivre ensemble » et M. Olivier Fonteau, secrétaire de l’association ;

– Mme Elsa Juston, professeure agrégée d’histoire-géographie, présidente de l’association « Olliwon lakarayib » ;

– Mme Muguette Luilet, déléguée au Défenseur des droits à Fort-de-France ;

– Visite du Domaine de la Pagerie en présence de Mme Marie-Hélène Léotin, membre du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique, chargée du patrimoine et de la culture, Mme Manuella Yung-Hung, directrice du Domaine de la Pagerie, et Mme Jessica Pierre-Louis, historienne ;

– M. Justin Pamphile, président de l’Association des maires de Martinique, et M. Jacky Lecourtiller, coordonateur ;

– M. Claude Golcman, représentant de la LICRA ;

– M. Didier Laguerre, maire de Fort-de-France, Mme Nathalie Martail Jouan, conseillère municipale en charge de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la lutte contre les discriminations et de la lutte contre les violences intrafamiliales, M. Dario Rengassamy, directeur de cabinet du maire, Mme Sylvie Merlin, directrice du département des solidarités et de la politique de la ville de la mairie de Fort-de-France, Mme Régine Saint-Louis-Augustin, chargée de la communication.

Le 20 octobre 2020

– Visite d’une classe de 4ème du collège Jacques Roumain à Rivière-Pilote en présence de Mme Frédérique Hannequin, inspectrice académique, Mme Marie-Line Fanel, principale, Mme Laury Belrose, professeure agrégée d’histoire-géographie et Mme Stéphanie Belrose, professeure d’histoire-géographie ;

– M. William Rolle, président de la Ligue des droits de l’Homme et M. Raphaël Constant, avocat et membre de l'Association Solidarité Karaib (Assoka) ;

– M. Jean-François Hayot, président de Respect Dom et M. Jean-Claude Marraud des Grottes, vice-président de Respect Dom ;

– Mmes Émilie Albert et Gaël Delin, Mouvement du nid Martinique ;

– M. Renaud Gaudeul, procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Fort-de-France ;

– M. Erick Noël, historien, professeur à l’Université des Antilles ;

– M. Gérard Dorwling-Carter, avocat et président de « Tous créoles ».

Le 21 octobre 2020

– M. Stanilas Cazelles, préfet de la Martinique ;

– Mme Dominique Rogers, directrice du département d’histoire de l’Université des Antilles, maître de conférences en histoire moderne ;

– Mme Valérie-Ann Edmond-Mariette, doctorante à l’Université des Antilles.

 

 

Présentation de la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité (SDLC) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ)

Le 27 janvier 2021

– Mme Catherine Chambon, sous-directrice de la lutte contre la cybercriminalité (SDLC) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) du ministère de l’intérieur, Mme Aude Signourel, conseillère juridique de la sous-directrice, Mme Véronique Favier, cheffe de la Plateforme d'harmonisation, d’analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) et M. Sébastien Nassoy, chef de la cellule de lutte contre les discriminations.


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   ANNEXES

   CONTRIBUTIONS ÉCRITES DES MEMBRES
DE LA MISSION D’INFORMATION

Contribution de Mme sabine Rubin, membre de la mission d’information

Le présent rapport, portant sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter, contribue par la qualité des nombreuses auditions sur lesquelles il se fonde à approfondir et à mieux appréhender la persistance de discriminations et de préjugés divers au sein de notre société.

Il est à souligner que la plupart des recommandations qui y figurent, de la carte scolaire à la place plus grande que devraient avoir la colonisation et l’esclavage dans le cadre de notre politique mémorielle, devraient permettre une meilleure prise en charge de la lutte contre toutes les formes de racisme.

Néanmoins il est important de mettre en exergue d’autres points qui ont été, sinon oblitérés, du moins minorés, malgré les nombreuses discussions enrichissantes de maints auditionnés.

Car si nous sommes pleinement attachés à l’universalisme républicain, il faut cependant reconnaître que le racisme n’est pas une donnée fixe et figée ; que c’est là un concept à historiciser, comme en témoigne d’ailleurs l’intitulé de la mission d’information. Cette pluralité et spécificité des divers racismes est d’ailleurs manifeste dans la diversité même des terminologies utilisées pour le désigner : « racisme anti-Noirs », « racisme anti-Asiatiques », « antisémitisme », « actes de rejet et de haine contre les Arabes et les musulmans ». Il est d’ailleurs à saluer que la présente mission puisse enfin faire valoir le racisme dont font historiquement et présentement l’objet certaines communautés invisibilisées, comme celles des Roms, en nommant « le rejet des populations Roms ». Ceci dit, on s’étonne que ce rejet comme celui des Arabes et des musulmans ne soit pas nommé comme « racisme », même si le terme lui-même prête également à débat.

Divers dans leur appellation, ces racismes prennent des formes, se traduisent dans des actes, de manière plus ou moins consciente et légale, tout aussi diversement selon l’appartenance à telle ou telle communauté.

Par voie de conséquence, au-delà d’une condamnation générique du racisme et de mesures globales pour le combattre, le législateur devrait se montrer plus attentif à donner des réponses spécifiques à chacune des expressions quotidiennes, inconscientes, institutionnelles ou sociales que le racisme peut prendre aujourd’hui.

Ainsi, si les recommandations 12 et 16 mettent en lumière l’existence d’un problème relatif à l’usage disproportionné ou sur des critères inappropriés des contrôles de la part des forces de police, ou dit « contrôle au faciès », il est regrettable que le principe de la mise en place d’un récépissé, pourtant en vigueur chez certains de nos voisins européens et réclamé par de nombreuses associations de défense des droits humains, ne soit pas plus clairement formulé.

De même, alors que l’intervenante du GISTI - qui s’occupe du respect des droits des étrangers – déclare que « la xénophobie vise donc principalement les Noirs, les Arabes, les musulmans, ceux qui sont issus de l’immigration coloniale », on peut souligner l’absence regrettable de réponse concernant les questions de l’accueil et de l’intégration de ces étrangers. Élue du 93, je pense notamment aux difficultés que rencontrent ces personnes pour accéder à un droit aussi fondamental que celui d’obtenir un rendez-vous à la préfecture pour mener ses démarches administratives. Pour rendre ce droit accessible, les Préfectures devraient se doter de moyens humains suffisants et ne pas imposer la numérisation. Je pense également à l’insuffisance des moyens matériels et humains pour offrir à ces étrangers un accueil digne et respectueux.

Car si la République ne pratique sans doute plus un « racisme d’État », l’exemplarité de sa capacité à encadrer l’arrivée de personnes étrangères sur son sol est essentielle pour lui permettre de mieux intégrer demain ceux qui pourraient être ses futurs citoyens.

Si nous ne pouvons que souscrire à la recommandation numéro 2 d’augmenter le nombre de postes dans la recherche dédiée à l’esclavage et à la colonisation, il semble nécessaire de préciser que les études pourront également se consacrer à l’intersectionnalité, et qu’au nom de la pluralité et de la liberté académique, elles pourront aborder ces sujets dans les différents champs des sciences sociales et avec une pluralité de méthodes et de points de vue.

Enfin, on note que plusieurs intervenants ont pu faire valoir la mutation du discours raciste anti-arabe contemporain, de la période de la colonisation à un actuel rejet de la pratique et de la foi musulmane comme intrinsèquement incompatibles avec la République et ses valeurs. À ce titre, on peut également s’interroger sur l’absence de recommandations spécifiques relative à cette haine, à la peur et au rejet dont peuvent présentement faire l’objet de nos concitoyens de confession musulmane, ou supposés tels.

 

 

 


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contribution de m. buon tan, secrÉtaire de la mission d’information

Les travaux menés dans le cadre de la présente mission d’information ont eu pour objectif de répondre à un besoin impératif, celui d’actualiser la réflexion et les politiques publiques relatives à la lutte contre le racisme dans la société française. Si certains faits d’actualité viennent trop régulièrement nous rappeler l’urgence et l’intérêt d’une telle réflexion, les raisons qui la rendent nécessaire ne sont pas nouvelles. Ce travail de fond doit concerner tous les pans de notre société et appréhender toutes les formes qu’est susceptible de revêtir le racisme, des plus évidentes aux plus insidieuses, des plus répandues aux plus inhabituelles. 

Malgré cela, le contexte sanitaire dans lequel s’est déroulé cette mission a eu pour conséquence de remettre soudainement en lumière un type de racisme trop longtemps resté invisible : celui s’exprimant à l’encontre des personnes d’origine asiatique.

La propagation de l’épidémie de Covid-19 en France s’est en effet accompagnée d’une recrudescence des expressions et comportements racistes à leur égard, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans l’espace public. De nombreuses personnes d’origine asiatique ont été, de manière injuste, incompréhensible et odieuse, prises pour cible en raison de l’amalgame réalisé entre le coronavirus et l’origine ethnique de ces personnes.

Ainsi, de nombreux appels à la haine ou à la violence, parfois massivement relayés, ont été constatés sur les réseaux sociaux. Pire, les insultes et les agressions physiques se sont dangereusement multipliées

Si la forme et le mobile sont nouveaux, le phénomène, lui, est malheureusement bien ancré. Depuis plusieurs années déjà, les personnes d’origine asiatique sont victimes des préjugés liés à leur origine, avec le sentiment que la manière dont sont traités ces faits, par la justice comme par les médias, n’est pas à la hauteur du phénomène. Les mouvements de contestation apparus suite à certains de ces faits, comme lors des décès de Chaolin Zhang, en 2016, ou de Shaoyao Liu, en 2017, ont mis en avant l’exaspération que ressentent les citoyens français d’origine asiatique, qui représentent entre 650 000 et 800 000 personnes dans l’Hexagone. 

Ainsi, l’épidémie de Covid-19 aura cruellement mis en lumière la prégnance du racisme antiasiatique dans notre société. Ce moment doit servir de catalyseur afin de mieux prévenir et lutter contre ce phénomène. 

Je tiens ici à souligner la grande qualité du travail mené par cette mission d’information et en particulier par sa Rapporteure, Caroline Abadie, ainsi que son Président, Robin Reda. Une place particulière a été accordée au racisme anti-asiatique, tant lors de la phase d’auditions qu’au sein même du rapport. La réflexion menée sur ce sujet y a été d’une grande justesse, comme en témoignent les différentes recommandations issues des travaux de la mission. Citons entre autres l’accent mis sur l’effort mémoriel, l’accroissement des moyens policiers et judiciaires dédiés au racisme, l’intensification de la lutte contre le racisme au sein de l’entreprise, ou encore le renforcement des dispositifs d’égalité des chances tout au long de la scolarité. 

Il me semble important de rappeler ou d’insister sur certains éléments qui devront impérativement être mis en œuvre, à l’avenir, si nous voulons lutter de manière efficace contre le fléau du racisme et consolider le vivre-ensemble tel que le conçoit l’idéal républicain français.

Les travaux conduits par la mission d’information ont permis de souligner que les organismes spécialisés dans la lutte contre le racisme, qu’il s’agisse de la DILCRAH, de la CNCDH ou encore des réseaux associatifs, ont effectivement conscience de l’importance du racisme anti-asiatique dans notre société. Je saisis cette occasion pour saluer l’exceptionnel travail que réalisent au quotidien ces associations, et notamment le Haut Conseil des Asiatiques de France (HCAF), pour sensibiliser au racisme anti-asiatique, accompagner les victimes dans leurs démarches et alerter les pouvoirs publics sur la réalité de ce phénomène. 

Cette prise de conscience n’est en revanche pas encore suffisante au sein de certaines institutions pourtant cruciales telles que la police ou la justice. La qualification raciste des actes malveillants à l’encontre des personnes d’origine asiatique est encore trop rare, notamment en comparaison avec d’autres formes de racisme. Or la non-reconnaissance du caractère raciste de certaines infractions lors de leur traitement judiciaire vient nourrir le sentiment d’impunité que ressentent les victimes à l’égard de leurs agresseurs. Elle ne rend pas compte de la gravité du phénomène et ne permet donc pas de lutter efficacement contre. Plus grave encore, elle sape la confiance en la justice de l’ensemble des personnes susceptibles d’être un jour victimes des mêmes faits, décourage le dépôt de plaintes et favorise l’auto-censure. 

Il est donc indispensable de renforcer, lors des formations initiales et continues, la sensibilisation des forces de l’ordre ainsi que des magistrats à l’existence du racisme anti-asiatique, pour que celui-ci puisse être effectivement pris en compte et sanctionné lors des procédures judiciaires. 

Il convient également de rendre plus visibles les Françaises et Français d’origine asiatique au sein de notre société, ainsi que les actes de racisme auxquels ils sont confrontés. Bien que l’épidémie de Covid-19 ait contribué à la médiatisation du sujet, cet élan doit s’accompagner d’un travail de fond pour comprendre les origines du racisme anti-asiatique et déconstruire les préjugés sur lesquels il repose. Le service public audiovisuel a un rôle important à jouer pour mener à bien cet effort de sensibilisation et de pédagogie. Dans le même ordre d’idée, il importe de veiller à la juste représentation des personnes d’origine asiatique dans le paysage médiatique français ainsi que dans les productions cinématographiques et télévisuelles, élément fondamental dans la construction du vivre-ensemble et du respect des minorités. 

La lutte contre le racisme anti-asiatique passe enfin par une meilleure connaissance par nos concitoyens de l’Asie, de sa culture et de son histoire. La France doit poursuivre ses efforts pour développer ses échanges, notamment humains et culturels, avec les pays d’Asie. Seuls des échanges soutenus permettront de réduire la distance qui sépare nos sociétés, de renforcer la connaissance mutuelle que nous avons les uns des autres, et ainsi de déconstruire les préjugés qui peuvent naître de l’ignorance. C’est par la connaissance et la compréhension de l’autre que nous parviendrons réellement à faire vivre l’idéal de fraternité cher à la France.


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CONTRIBUTION DE MME MIchÈle victory, SECrétaire de la mission d’INFORMATION

La secrétaire de la mission, Michèle Victory, souhaite apporter la contribution suivante concernant le champ de la discrimination à la santé :

 

Dans les collectivités d’Outre-mer, d’autres champs de discrimination doivent être relevés, en particulier s’agissant de la santé.

Dans ce domaine, le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles sur le territoire de la Guadeloupe et de la Martinique, fait état d’un sentiment de discrimination, ressenti à juste titre par les populations des deux îles. Il relève en effet que « l’autorisation d’utilisation du chlordécone pour lutter contre le charançon du bananier aux Antilles n’aurait jamais été délivrée pour une utilisation en agriculture en France hexagonale".

Le rapport de cette commission d’enquête (M. Serge Letchimy, président, Mme Justine Bénin, rapporteure), a permis de mettre en évidence les responsabilités publiques dans l’autorisation d’utilisation de ces pesticides et dans les prolongations accordées, entre 1972 et 1993. Il a permis également de mettre en exergue les responsabilités privées dans l’utilisation de ce pesticide, au mépris des principes élémentaires de précaution et de protection de la population, tout en apportant des propositions répondant à la nécessaire réparation des préjudices des victimes.

Il convient à cet égard de souligner que lors de sa visite officielle aux Antilles en septembre 2018, le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé une inflexion majeure des politiques publiques aux Antilles, en reconnaissant la responsabilité de l’État dans cette pollution et la nécessité de réparer les dommages causés par la chlordécone.

Néanmoins, en dépit des actions de l’État, retranscrites sur le terrain par les « Plans Chlordécone » successifs, le manque d’ambition des mesures mises en place, qui se manifeste notamment par la non-prise en compte des 49 propositions constructives du rapport de la commission d’enquête approuvé à l’unanimité, ainsi que l’insuffisance des moyens mobilisés ne permettent pas d’avancer vers une résolution rapide de ce scandale sanitaire et environnemental.

Le Plan Chlordécone 4 (2021 - 2027) présenté récemment aux populations de la Martinique et de la Guadeloupe, démontre à lui seul le manque de vision et d’investissement de l’État dans ce dossier.

 

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   Consultation dU centre europÉen de recherche et de documentation parlementaire (CERDP)

LOGO BLEU AN

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 LIBERTÉ-ÉGALITÉ-FRATERNITÉ

SERVICE DES AFFAIRES EUROPÉENNES

DIVISION DES ÉTUDES EUROPÉENNES ET DU DROIT COMPARÉ

 Paris, le 10 novembre 2020

 

Consultation auprès des Parlements membres du CERDP sur

les instruments de lutte contre les différentes formes de racisme

Synthèse des réponses reçues

 

La présente synthèse s’appuie sur les réponses reçues, dans le cadre d’une consultation effectuée par l’intermédiaire du CERDP [721], des assemblées parlementaires des États suivants : Albanie, Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Canada, Chypre, Croatie, Espagne, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Israël, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Moldavie, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, République Tchèque.

Le document reprend les éléments pertinents relatifs à la situation dans chaque pays.

Albanie

Nota Bene : Le nombre d'immigrés et de réfugiés restant faible en Albanie, c'est le groupe ethnique des Roms qui concentre les problèmes d'intégration et les discriminations.

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'existe pas de définition légale du racisme en Albanie.

L'interdiction de toute forme de discrimination raciale est un principe constitutionnel : aux termes de l’article 18.2 de la Constitution, « Personne ne peut être injustement discriminé pour des raisons telles que le sexe, la race, la religion, l’origine ethnique, la langue, les croyances politiques, religieuses ou philosophiques, la situation économique, l’éducation, le statut social ou l’ascendance. »

La loi sur la protection contre les discriminations de 2010 protège, en application de l'article 18.2 de la Constitution, contre toute forme de rupture d'égalité dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et du secteur économique.

Le code pénal prohibe l'incitation à la haine raciale et sur des bases religieuses, les insultes et les menaces de mort.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

L'Oganisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

La loi de 2010 a institué le Commissaire à la protection contre les discriminations qui, en collaboration avec l'Avocat du Peuple, est chargé de superviser les politiques menées dans ces domaines.

Dans le domaine de l’éducation nationale, le projet « Lutte contre l’intimidation et l’extrémisme dans le système éducatif 2016-2019 » a permis d'élaborer des stratégies et des réponses à ces phénomènes dans les écoles.

En décembre 2015, les autorités ont adopté un nouveau plan d’action national pour l’intégration des Roms pour la période 2016 - 2020, qui s'est fixé des objectifs dans les secteurs de l’éducation, de l’emploi et de la formation professionnelle, de la santé et de la protection sociale, du logement, de l’intégration, ainsi que de l’état civil et de l’accès à la justice.

Les autorités s'attachent aussi à combattre le phénomène, très répandu, des intimidations et du harcèlement à l'école.

Allemagne

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'y a pas de définition du racisme dans le droit allemand.

L’article 3, de la Loi fondamentale prévoit l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe, l’ascendance, la race ou l’origine ethnique, la langue, la religion ou les convictions ou un handicap.

« Le critère de la race a été inclus dans liste de l’article 3 en réponse à la folie raciale de l’État nazi. Cependant, l’utilisation de la notion de race dans la loi fondamentale ne doit ni impliquer ni suggérer l’acceptation de théories raciales ou d’une image de l’homme basée sur l’idée de races humaines différentes. Le choix du mot "race" doit plutôt montrer clairement que la loi veut aussi sanctionner des comportements racistes qui émanent de quelqu’un qui, à tort, accepte l’existence de différentes races. L’interdiction de discrimination raciale (…)  S’applique (…) à la discrimination dissimulée ou indirecte liée à des caractéristiques telles que la pigmentation de la peau ou la structure des cheveux ou la physionomie utilisées pour la catégorisation raciste des êtres humains. L’objectif est d’éviter à l’avenir des crimes comme celui du national-socialisme. » (Extrait de la réponse du Parlement de la République fédérale d’Allemagne).

L'antisémitisme et le rejet des musulmans sont directement ciblés par l'article 3 de la Loi fondamentale, ainsi que le racisme « anti-blancs », si l'on considère les « blancs » comme une entité ethnique.

Outre la Loi fondamentale, seule la loi générale sur l'égalité de traitement fait référence spécifiquement à la notion de race.

L'article 130 du code pénal criminalise les attaques contre des groupes spécifiques de personnes dès lors qu'elles troublent l'ordre public ou créent un sentiment d'insécurité au sein du groupe ciblé. Ces attaques peuvent être perpétrées sous la forme d'actions, de comportements, de paroles ou d'écrits (article 185).

En outre, l’article 86a du code pénal prohibe l’utilisation de signes distinctifs d’organisations anticonstitutionnelles, tels que les drapeaux, les badges, les uniformes, les slogans et les formules de salutations.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Plusieurs initiatives et plans d'action ont été lancés par le gouvernement dans les années récentes. Le programme « Vivre la démocratie - Actif contre l’extrémisme de droite, la violence et la xénophobie », par exemple, soutient des centaines de projets de la société civile pour un budget de 115,5 millions d’euros en 2020.

L'Allemagne ne mène pas de combat offensif ; l’accent est davantage mis sur la prévention, l’éducation politique et, si nécessaire, la justice pénale.

Il existe de nombreuses associations dans le domaine de la lutte contre le racisme et les discriminations. Celles qui reçoivent des subventions publiques, font l'objet d'une évaluation de leur activité tous les cinq ans.

La loi générale sur l'égalité de traitement réprime toute forme de discrimination dans un très vaste éventail de domaines.

L'Allemagne s'est dotée d'un organisme fédéral indépendant de lutte contre la discrimination, le Antidiskriminierungsstelle des Bundes (ADS). En plus de conseiller et de soutenir les personnes qui ont fait l’expérience de la discrimination, l’ADS mène des activités de sensibilisation à la prévention et à l’élimination des discriminations. Tous les quatre ans, l’ADS présente au Bundestag un rapport d'activité. Le rapport de 2019 montre que 36 % des saisines concernaient le secteur de l'emploi.

Le gouvernement fédéral a également élaboré une « Charte de la diversité » visant à promouvoir la diversité dans le monde du travail. Les entreprises et organisations qui signent la Charte de la diversité s’engagent à créer un environnement de travail exempt de préjugés et de discriminations. À ce jour, quelque 3 600 organisations employant au total plus de 13,5 millions de personnes ont signé la charte.

L'Allemagne n'autorise pas la pratique de la discrimination positive.

Les statistiques relatives aux origines ethniques sont en principe interdites en Allemagne ; les quelques exceptions prévues, à des fins scientifiques, sont entourées d'extrêmes précautions en termes d'anonymat et de volontariat.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Les poursuites pénales, y compris pour les délits à caractère extrémiste, xénophobe ou antisémite, relèvent de la compétence des Länder. Les délits et crimes racistes sont classés statistiquement comme des actes à motivation politique dans le cadre du système de définition de la politique criminelle.

La police en Allemagne étant également en grande partie sous la souveraineté des Länder, chacun d'entre eux possède sa propre réglementation et sa propre déontologie. À Berlin, par exemple, une loi vise à protéger les citoyens contre d'éventuels comportements racistes de la police.

Il n'existe pas à l'heure actuelle d'organisme indépendant de surveillance de la déontologie de la police au niveau fédéral.

  1. Éducation et mémoire

Éducation

Il n'y a pas au niveau national de programme éducatif spécifique de sensibilisation des élèves aux thèmes du racisme et de l'antisémitisme, l'éducation étant une compétence des États fédérés.

Loi mémorielle

L'article 130 du code pénal interdit l’approbation, le refus ou la minimisation d’un acte commis en vertu de la règle du national-socialisme d’une manière qui provoque un trouble de la paix publique.

Musées

Le gouvernement allemand apporte un soutien institutionnel aux monuments commémoratifs et aux musées dédiés au régime nazi et au colonialisme allemand (par exemple, le mémorial aux juifs assassinés d’Europe, la topographie de la terreur, le musée juif de Berlin, le centre de documentation de Munich pour l’histoire du national-socialisme ou le forum Humboldt). Plus de 30 musées traitent de sujets relatifs au peuple juif et à l'antisémitisme.

 

Autriche

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'y a pas de définition légale du racisme, ni de reconnaissance par la loi de l’existence de certains groupes ethniques sur la base de critères physiques ou de critères culturels.

Il n'est fait explicitement référence au racisme que dans le cadre de la répression des discours haineux, dont il constitue une circonstance aggravante.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

L'Autriche ne pratique ni le testing, ni la discrimination positive. Elle combat le racisme et les discriminations par des politiques favorisant l'intégration.

L'Autriche étant un Etat fédéral, le rôle des provinces et des collectivités locales est très important dans ce domaine. Afin de coordonner l'ensemble de ces acteurs, ainsi que les représentants de la société civile (syndicats et associations), l'Etat a créé en 2010 une commission consultative de l'intégration.

En 2020, 128 projets ont déjà été financés à hauteur de 13 millions d'euros pour faciliter l'intégration dans les domaines de l'éducation, de l'acquisition de la langue, du logement, de l'emploi, de la santé, de la dimension du dialogue interculturel, des valeurs, du rôle de la loi, des sports et des loisirs.

Une initiative originale est l'institution d’ambassadeurs de l'intégration, eux-mêmes issus de l'immigration et qui sont reçus dans les établissements scolarisant un grand nombre d'élèves étrangers pour leur faire profiter de leur expérience.

Par ailleurs, même si la question du racisme n'est pas directement abordée, elle peut l'être via les actions mises en œuvre par le réseau national pour la prévention de l'extrémisme et la déradicalisation, qui regroupe 7 ministères et des organisations de la société civile.

S'agissant du recensement et des statistiques, le département chargé de l'intégration n'utilise que des informations relatives à la nationalité des étrangers migrants et à leur parcours migratoire. Le département a récemment lancé des études statistiques sur les origines des migrants (géographiques et de nationalité) et sur celles de leurs parents.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Le caractère raciste d'une infraction n'est pas enregistré en propre par la justice. Un projet de réforme sur ce point est actuellement en discussion. Seuls les caractères idéologiques et politiques sont pris en compte. Le rapport annuel sur la protection de la Constitution est le seul document qui mentionne l'idéologie d'extrême droite comme motif de certaines infractions. Les thèmes de l'extrémisme de droite, de l'antisémitisme et du racisme sont traités par plusieurs ONG.

Les services de police sont supervisés par le Bureau BAK du ministère fédéral de l'Intérieur. Le Bureau peut être saisi par tout citoyen et peut aussi s'autosaisir dans ses domaines de compétence.  

  1. Éducation et mémoire

Une loi de 1947 interdit le « réengagement dans le national-socialisme ». En 1992 l'article 3h de cette loi a été amendé pour étendre l'interdiction à la négation, la relativisation et la justification du génocide et des crimes contre l'humanité commis par le national-socialisme.

Une loi dite « des insignes » datant de 1960 interdit par ailleurs d'arborer des insignes, uniformes ou éléments d'uniformes d'organismes issus du national-socialisme frappées par la loi de 1947. Depuis 2015 la liste de ces insignes prohibées a été étendue aux organisations suivantes : l'Etat islamique, Al Qaida, les Frères musulmans, les Loups gris, le Parti des travailleurs du Kurdistan, le Hamas, l'aile militaire du Hezbollah, Ustasha et d'autres mouvements considérés comme terroristes.

L'Autriche a érigé les anciens camps de concentration de Mauthausen, de Gusen et des camps secondaires en lieux de mémoire.

Une loi de 2016, dite « mémorielle », précise les objectifs de l'Institut fédéral du Mémorial de Mauthausen :

Belgique

  1. Définition et sanction du racisme

Le racisme n'est pas un concept juridique en tant que tel, mais la loi dite « antiracisme » de 1981 crée un cadre général pour lutter contre les discriminations fondées sur cinq critères protégés à savoir, la nationalité, une prétendue race[722], la couleur de peau, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique. La loi prohibe par ailleurs certains comportements ou actes à l’occasion desquels – consciemment ou inconsciemment – une distinction est faite, par exemple, sur la couleur de peau ou l’origine.

La loi antiracisme s’applique uniquement dans les matières relevant des compétences de l’Etat fédéral. Les entités fédérées, Régions et Communautés, ont adopté des décrets similaires à la loi fédérale dans leurs propres domaines de compétence (notamment l’enseignement, le logement social, l’orientation et la formation professionnelles, la culture ou encore le statut des fonctionnaires régionaux et communautaires).

L'antisémitisme tombe le plus souvent sous le coup de la loi antiracisme, sur la base du critère de l’ascendance (juive) qui permet de qualifier les propos, les actes ou les discriminations dont les juifs peuvent être les victimes. Dans certaines situations, c'est le critère de la conviction religieuse ou philosophique (loi anti discrimination) qui s'applique, lorsqu'il s’agit de la judéité, non comme ascendance mais comme conviction et/ou religion.

Pour l'islamophobie ou le rejet des pratiquants d'autres religions, c'est le critère de la conviction religieuse (loi anti discrimination) qui s'applique.

La loi antiracisme peut également s'appliquer à des actes de racisme « anti-blancs ». Ainsi, le Tribunal correctionnel de Charleroi a condamné, le 16 mai 2019, un homme pour des insultes racistes à l’égard d’une personne blanche. Le prévenu avait été interpellé pour des faits de violences intrafamiliales. Il avait alors insulté les policiers en les traitant de « sales blancs ».

La loi punit le plus souvent des paroles ou des intentions, c’est-à-dire des déclarations faites en public qui incitent à la discrimination ou à la haine, ou qui manifestent publiquement une volonté de discriminer sur la base des critères protégés.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Actuellement la lutte contre le racisme fait partie, à l'échelon fédéral, d'une politique plus générale d'égalité des chances. En revanche, des plans visant spécifiquement le racisme ont été mis en œuvre au niveau des trois régions fédérées et des communautés.

Le programme du nouveau gouvernement fédéral, qui vient d'être installé en octobre, affirme son intention d'élaborer et de mettre en œuvre un plan d'action interfédéral contre le racisme, l'intolérance et toutes les formes de discrimination. Il prévoit en outre d'intégrer la lutte contre les délits de discrimination et de haine (y compris, et surtout, en ligne) dans le prochain plan national de sécurité.

La mise en œuvre de ce plan d'action répond notamment à une demande exprimée par la coalition NAPAR, qui regroupe une soixantaine d'ONG actives dans la lutte contre le racisme et les discriminations.

Par ailleurs l'organisme indépendant Centre Unia joue un rôle actif de recommandation aux autorités publiques en matière de droits de l'Homme, et notamment de lutte contre le racisme.

« Dans sa version actuelle, la loi antiracisme ne fait pas expressément référence à la possibilité de prouver des discriminations au moyen d'un test de situation. Le Centre Unia estime qu'il est cependant possible d'y recourir.

Unia fait une distinction entre les procédures civiles et pénales. Dans les procédures civiles, une personne qui estime être victime de discrimination peut communiquer à Unia ou à une association de défense de ses intérêts des faits qui permettent de présumer l’existence d'une discrimination. La loi antiracisme énumère ces faits de manière non limitative. Il s’agit entre autres d’éléments “qui révèlent une certaine récurrence de traitement défavorable à l’égard de personnes partageant un critère protégé” et “qui révèlent que la situation de la victime du traitement plus défavorable est comparable avec la situation de la personne de référence” (article 30 loi antiracisme). Unia estime que cette disposition inclut implicitement le test de situation. Unia en déduit qu’en matière civile, les tests de situation ne sont pas illicites en tant que tels pour prouver une discrimination présumée. Il revient au juge d’estimer concrètement, sur la base des éléments du test de situation, s’il y a une présomption de discrimination dans une situation donnée. Le test de situation ne constitue cependant pas une preuve définitive : c’est l’un des éléments qui permettent d’établir une présomption de discrimination et qui contraignent la partie adverse à prouver l’absence de discrimination (partage de la charge de la preuve).

Dans les procédures pénales, le principe de la présomption d’innocence s’applique et il ne peut pas y avoir de partage ou d’inversion de la charge de la preuve. Par ailleurs, en droit pénal, c'est le juge qui évalue de manière souveraine les éléments qui lui sont soumis. Unia en déduit que des données obtenues au moyen d’un test de situation peuvent être utilisées dans le cadre d’une procédure pénale, mais sans que cela n’entraîne une inversion de la charge de la preuve. En l'absence de base légale explicite, ce test est juridiquement vulnérable et peut donner lieu à des contestations quant à la légalité des données obtenues.

Des propositions de loi ont été déposées en vue d'inscrire explicitement dans la législation la possibilité d’avoir recours à des tests de situation organisés. Ces tests seraient un moyen de constater objectivement les infractions à la législation fédérale anti discrimination et constitueraient un début de preuve permettant de présumer une discrimination. A ce jour, aucune de ces initiatives parlementaires n'a abouti.

Certaines législations fédérées ont prévu la possibilité de réaliser des tests de discrimination. C'est par exemple le cas du Code bruxellois du logement qui autorise les agents du Service d'inspection régionale, dans l'exercice de leur mission de recherche d'infractions, à réaliser des tests de discrimination en matière d'accès au logement. Le Code du logement fixe les conditions dans lesquelles ces tests de discrimination peuvent être réalisés. » (citation de la réponse du Parlement belge).

« L'article 10 de la loi antiracisme autorise l'action positive. (…) La loi fixe le cadre dans lequel ces actions positives peuvent être mises en œuvre. Il doit exister une inégalité manifeste la disparition de cette inégalité doit être désignée comme un objectif à promouvoir et la mesure d'action positive doit être de nature temporaire, de nature à disparaître dès que l'objectif visé est atteint. Enfin, la mesure d'action positive ne peut pas restreindre inutilement les droits d'autrui. »

Des décrets ont également été pris dans le cadre des entités fédérées Flandre et Région wallonne sur le modèle de l'article 10, pour application dans leurs domaines de compétence.

« On signalera enfin qu'au niveau fédéral, un arrêté royal du 11 février 2019 fixant les conditions de l'action positive a arrêté une procédure qui offre aux entreprises du secteur privé la possibilité de mettre en place un plan d'action positive approuvé par le ministre de l'emploi. Les actions positives peuvent viser des discriminations raciales (loi antiracisme) ou des discriminations basées sur d'autres critères (loi anti discrimination de 2007 ou loi « genre »). Une mesure d'action positive peut être prise, soit par la conclusion d'une convention collective de travail, soit par l'établissement d'un acte d'adhésion, dans chaque phase de la relation de travail. Les actions positives peuvent prendre différentes formes, telles que : 

   - des campagnes de recrutement pour certains groupes-cibles ;

   - la promotion ciblée d'offres d'emploi auprès de groupes-cibles spécifiques ;

   - des programmes de soutien aux candidats lors de la procédure de candidature ;

   - des stages réservés aux groupes pour lesquels des actions positives sont autorisées ;

   - stimuler des formations en vue des possibilités de promotion en vue de briser le plafond de verre.

Ce système est volontaire. La procédure d'action positive ayant été mise en place récemment, il n'y a pas encore eu d'évaluation quant à son utilisation par les entreprises ni quant à ses effets. » (citation de la réponse du Parlement belge)

S'agissant des mesures visant à faire diminuer les discriminations, la plupart sont de la compétence des entités fédérées. Le Centre Unia fait régulièrement rapport sur les secteurs les plus concernés par la politique de diversité : l’emploi, le logement et l’enseignement. Tous les deux ans un baromètre est consacré à l’un de ces trois thèmes. Les baromètres sont réalisés par des équipes universitaires avec le soutien des administrations fédérale, régionales et communautaires concernées. Ces baromètres comportent des recommandations à l'attention des décideurs politiques et du secteur étudié. Les municipalités sont aussi impliquées, telles celles des villes de Gand et de Malines qui mènent une veille sur les discriminations dans leur marché locatif privé.

Notons enfin que les autorités fédérales mènent une politique visant à encourager des systèmes sectoriels d’autorégulation, notamment pour lutter contre les discriminations sur le marché du travail. C'est par exemple le cas pour le secteur du travail intérimaire qui a adopté un code de bonnes pratiques visant à prévenir la discrimination.

Sur le thème statistiques/recensement, le traitement par le Registre national (institut belge des statistiques) des données à caractère personnel qui révèlent l'origine raciale ou ethnique, les convictions religieuses ou philosophiques, est interdit, sauf si le traitement est nécessaire à des fins scientifiques ou statistiques, sous certaines conditions. En effet « les chercheurs doivent introduire une demande motivée d'accès au registre national. Les données auxquelles l'accès est demandé doivent être adéquates, pertinentes et non excessives par rapport à la (aux) finalité(s) poursuivie(s). L'examen de proportionnalité porte sur chacune des données dont l'accès est demandé. Les promoteurs des enquêtes doivent par ailleurs souscrire à un Code de bonne conduite qui encadre la manière dont l'enquête se déroulera. S'ils respectent ces conditions, des chercheurs ou enquêteurs peuvent poser des questions sur des données à caractère personnel.

A titre d'exemple, le gouvernement flamand a fait réaliser, en 2017, une enquête "Vivre ensemble dans la diversité" dans laquelle des personnes d'origine belge, marocaine, turque, polonaise, roumaine et congolaise ont été interviewées en Flandre. La sélection de l'échantillon s'est faite sur la base de critères de nationalité du registre national. Les chercheurs et enquêteurs ont établi un questionnaire abordant 16 domaines différents parmi lesquels figuraient la situation personnelle et familiale, le parcours migratoire, l'intégration, les convictions religieuses, etc. »

  1. Mesure et répression des actes racistes

« Les services de police publient trimestriellement des statistiques de la criminalité en Belgique basées sur les procès-verbaux initiaux, qu’il s’agisse d’un délit accompli ou d’une tentative. Dans les rapports trimestriels, les infractions racistes figurent dans la catégorie "protection des personnes" sous la rubrique "discriminations", sous-rubrique "racisme et xénophobie". Les actes de "négationnisme" et de "révisionnisme" sont recensés dans une rubrique séparée. »

Il n'est pas publié d'estimations du nombre réel des faits commis.

Le Comité Permanent de contrôle des services de police (Comité P) est l'organe chargé du contrôle du fonctionnement des services de police. Il dépend directement de la Chambre des représentants de Belgique et agit comme une instance indépendante, tant par rapport au pouvoir exécutif qu’aux services de police. Le Comité P examine toutes les plaintes qui signalent un dysfonctionnement organisationnel ou structurel, un dysfonctionnement individuel, une négligence ou une erreur grave.

  1. Éducation et mémoire

Mesures éducatives

L'enseignement est du ressort des entités régionales fédérées.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, la lutte contre le racisme fait partie du programme d'éducation à la philosophie et à la citoyenneté. Le programme du cours prévoit notamment l'analyse des stéréotypes, des préjugés et de la discrimination. Le ministère de l'éducation s'est doté d'une cellule démocratie ou barbarisme, qui coordonne les thèmes d’enseignement à la citoyenneté et aux droits humains à travers le travail d’histoire et l’éducation à la mémoire.

En communauté flamande, le gouvernement a mis en place, depuis 2008, un comité spécial pour l'éducation à la mémoire qui joue un rôle pédagogique et de soutien aux enseignants. Le site internet met à leur disposition des dossiers pédagogiques et organise des formations. Le racisme est conçu comme une matière transversale, l'objectif étant que les élèves soient en mesure, en fin d'enseignement secondaire, de tirer les leçons de situations historiques ou récentes d'intolérance, de racisme et de xénophobie.

Lois mémorielles

Au niveau fédéral, la loi du 13 mars 1995 tend à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale.

Plusieurs assemblées législatives (Chambre des représentants, Sénat, Parlement flamand) ont reconnu le génocide arménien.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, un décret de 2009 a institué un Conseil de la transmission de la mémoire qui joue un rôle consultatif auprès du gouvernement pour développer la transmission de la mémoire des faits qualifiés de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre d'ampleur notable, ainsi que la transmission de la mémoire des faits de résistance aux régimes qui ont suscité ces crimes.

Sites commémoratifs

Depuis la loi du 19 août 1947, le site du Fort de Breendonk, qui avait servi de prison politique nazie durant la seconde guerre mondiale, est devenu un mémorial national.

L’ancienne caserne Dossin à Malines, qui a servi de camp de rassemblement pour les Juifs et les Roms et Sinti durant la seconde guerre mondiale, est devenue un musée et centre de documentation sur l'Holocauste et les droits de l'Homme. En collaboration avec le Musée POLIN (Varsovie) et la Maison d’Anne Frank (Amsterdam), la Kazerne Dossin a édité à l'attention des enseignants des manuels destinés à servir de matériel éducatif contre la discrimination.  

Le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren est un établissement scientifique fédéral qui joue un rôle de lieu de mémoire sur le passé colonial et s’inscrit comme plateforme dynamique d’échange et de dialogue entre les cultures et entre les générations.

Bulgarie

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'y a pas de définition légale du racisme en Bulgarie

L’article 162 du code pénal punit la discrimination, la violence ou la haine fondées sur la race, la nationalité ou l’origine ethnique. L'article s'adresse à tous les citoyens, il n'est pas fait référence à un groupe ou plusieurs groupes ethniques ou religieux.

Les paroles racistes sont également concernées. En effet le premier alinéa de l'article 162 du code pénal réprime l'incitation à la discrimination, à la violence ou à la haine fondée sur la race, la nationalité ou l’origine ethnique par la parole, la presse ou d’autres systèmes médiatiques.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Lutte contre l'antisémitisme

En novembre 2018, un mémorandum de coopération a été signé entre le gouvernement bulgare (représenté par le Coordonnateur national de la lutte contre l’antisémitisme), l’organisation des Juifs en Bulgarie « Shalom » et le Congrès juif mondial.

Le mémorandum propose une approche globale pour prévenir et contrer toutes les formes d’antisémitisme, en développant et en mettant en œuvre :

‑ des programmes et des activités éducatifs et culturels destinés aux jeunes, aux fonctionnaires et au grand public ;

‑ l’échange d’informations, l'établissement de statistiques pertinentes, l'organisation de sondages d’opinion, la diffusion de bonnes pratiques ;

‑ des mesures visant à contrer les déclarations haineuses sur Internet ;

‑ des mesures visant à soutenir la formation pertinente des autorités chargées de l’application de la loi.

En outre le ministère de l’Intérieur travaille en étroite collaboration avec la communauté juive pour développer une approche commune afin de mieux protéger la communauté, ses institutions et d’encourager les victimes d’antisémitisme à signaler ce type de crime.

Prévention des discriminations contre les Roms

Dans ce domaine l'Etat travaille en étroite collaboration avec les nombreuses ONG de la société civile.

La Bulgarie a mis en place un réseau de près de 200 médiateurs Roms qui quadrillent le territoire et jouent un rôle précieux de prévention des discriminations.

Lutte contre les discriminations

La loi sur la protection contre la discrimination réprime un large éventail de comportements discriminatoires dans les domaines social, économique, judiciaire et en matière d'état civil.

La Commission pour la protection contre la discrimination est un organisme d’État indépendant pour la prévention, le contrôle et la protection contre la discrimination, garantissant l’égalité des chances, avec des pouvoirs importants, établi à l’article 47 de la loi sur la protection contre la discrimination. La Commission joue un rôle de proposition et de conseil auprès des autorités publiques et de supervision des mesures et lois adoptées dans son domaine de compétence. Elle organise également des campagnes de prévention, des séminaires de formation, et publie des rapports et documents d'information.

La Commission a des représentants auprès des autorités des Régions, particulièrement celles qui abritent un grand nombre de Roms.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Tous les documents relatifs aux crimes haineux commis en Bulgarie sont stockés dans des fonds d’information automatisés du ministère de l’intérieur en vertu des prescriptions du code criminel.

  1. Éducation et mémoire

Les discriminations subies par les enfants Roms à l'école constituent un grave sujet de préoccupation pour les autorités bulgares. La Commission pour la protection contre la discrimination utilise une très large palette de dispositifs pour tenter d'apporter des solutions à ce problème.

La sensibilisation aux notions d'intolérance et de discrimination commence dès l'école primaire dans les cours d'éducation civique.

Dans le secondaire, les thèmes du racisme, de l'antisémitisme, du génocide, de la xénophobie sont enseignés dans les cours d'histoire et de philosophie.

Canada

Nota Bene : au Canada, les droits de la personne sont une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. À ce titre, les politiques relatives au racisme peuvent varier d'une région à l'autre. Aux fins de cette réponse, lorsqu’un point de vue fédéral n’était pas disponible, l'Ontario a été utilisé comme exemple provincial.

  1. Définition et sanction du racisme

Au niveau fédéral ou provincial, il n’existe pas de définition juridique du racisme.

L’article 3-1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne de 1985 définit les motifs d’acte de discrimination comme étant fondés notamment sur « la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion ».

Ces catégories englobent la religion, y compris l’antisémitisme et le rejet des musulmans ou pratiquants de toute autre religion. On ne peut cependant pas déterminer si elle pourrait s’appliquer, éventuellement, à un « racisme antiblancs ».

 Les paroles racistes ne sont pas sanctionnées sous les lois fédérale ou provinciale des droits de la personne. Cependant, il existe des dispositions contre la propagande haineuse dans le Code criminel.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

"Le gouvernement fédéral a mis sur pied une stratégie pour la lutte contre le racisme dont les principes directeurs sont le leadership fédéral, l’habilitation des communautés, la sensibilisation et le changement les attitudes.

Des organismes indépendants, comme le conseil canadien pour les réfugiés, ont aussi développé des politiques et des stratégies pour lutter contre le racisme."

La Constitution canadienne confère à ses dix provinces une large autonomie dans le domaine des droits de la personne.

Dans la province de l’Ontario par exemple, qui compte plus de 14 millions d'habitants et près de 40 % de la population du Canada, la commission ontarienne des droits de la personne, un organisme autonome du gouvernement provincial, a développé une politique et des directives sur le racisme et la discrimination raciale qui servent de lignes directrices pour l’application du code ontarien des droits de la personne.

Le Réseau d'organisations de lutte contre le racisme regroupe 70 associations et ONG qui jouent un rôle considérable, dans un pays de tradition décentralisée.

Les mesures de type testing n'ont jamais été mises en œuvre au Canada.

La discrimination positive n'est pas non plus pratiquée de manière répandue, mais la Charte canadienne des droits et libertés ne l'exclut pas a priori.

En revanche, le Canada s'est depuis très longtemps doté d'un arsenal très complet de lutte contre les discriminations dans tous les domaines de la vie sociale, sanitaire, juridique, économique etc.

Les statistiques relatives aux groupes ethniques sont autorisées et recueillies lors du recensement général, organisé tous les 5 ans et dont la participation est obligatoire.

En plus du recensement, Statistique Canada produit plusieurs enquêtes et programmes dont une dizaine portant sur la diversité ethnique et l'immigration. La participation à ces enquêtes et programmes se fait sur une base volontaire.

  1. Mesure et répression des actes racistes

La publication du rapport « Les crimes haineux déclarés par la police au Canada » utilise les données recueillies par le programme DUC de déclaration uniforme de la criminalité par les forces de police.

Le rapport indique « qu’environ les deux tiers des personnes ayant déclaré avoir été victimes d’un incident motivé par la haine n’ont pas signalé l’incident en question à la police. »

La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est un organisme du gouvernement fédéral indépendant de la GRC. Tout membre du public peut déposer une plainte concernant la conduite des membres de la GRC. En moyenne, la Commission reçoit 2000 plaintes par an. La Commission peut aussi mener des enquêtes de sa propre initiative.

  1. Éducation et mémoire

Le secteur de l'éducation est du ressort des provinces. Dans la province de l'Ontario, le phénomène du racisme est abordé sous l'angle des discriminations qu'il engendre, et de leurs conséquences politiques et sociales. Une attention est également portée aux discriminations subies par les populations autochtones au début du 20ème siècle.

Il n'existe pas de lois mémorielles au Canada.

Le musée canadien de l’immigration du Quai 21 a pour mission d’explorer le thème de l’immigration au Canada en vue d’accroître la compréhension du public à l’égard des expériences vécues par les immigrants au moment de leur arrivée au Canada, du rôle essentiel que l’immigration a joué dans le développement du Canada et de la contribution des immigrants à la culture, à l’économie et au mode de vie canadiens.

Le musée canadien des droits de la personne a pour mission d’explorer ce thème appliqué au cas du Canada, en vue d’accroître la compréhension du public à cet égard, de promouvoir le respect de l'autre et d’encourager la réflexion et le dialogue.

Chypre

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'y a pas de définition juridique du racisme à Chypre.

En octobre 2011, la République de Chypre a promulgué la loi no 134 pour lutter contre certaines formes de racisme et de xénophobie par le droit pénal. Cette loi fait référence aux notions de « race, couleur, religion, descendance généalogique ou origine nationale » par lesquelles une personne ou un groupe de personnes pourrait être déterminés. Le champ de la loi couvre tant les actes que les paroles et les discours de haine et de menaces.

Les concepts de race, religion, etc. ne sont pas précisés ; ils incluent donc, entre autres, l'antisémitisme et la haine contre les musulmans, et pourraient probablement être appliqués au « racisme anti-blancs », le cas ne s'étant jamais présenté jusqu'alors.

En outre, les tribunaux tiennent compte de l’existence de motifs racistes ou xénophobes à l’égard d’un crime commis comme d'un facteur aggravant.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Chypre n'utilise ni la pratique du testing, ni celle de la discrimination positive 

 En termes d’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé ou au logement, la République de Chypre applique deux lois de 2000 et 2004 consacrées aux politiques de lutte contre les discriminations.

Outre la distinction entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs, la loi chypriote reconnaît trois groupes religieux : il s'agit des communautés arménienne, maronite et latine de Chypre.

Les statistiques ethniques sont autorisées et le recensement de la population utilise ces catégories ethniques et religieuses pour des raisons de tenue de registres. Les intervieweurs sont autorisés à poser des questions sur l'origine nationale ou géographique et celle des parents.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Le nombre d'infractions racistes est estimé grâce à l’enregistrement des infractions par la police et à la collecte de données que le Service statistique de la République de Chypre.

Les activités de la police sont surveillées à la fois par un comité de surveillance interne et par l'Organisme indépendant d’enquête sur les plaintes contre la police, qui n'a aucun lien avec la police ou le ministère de l’intérieur. Tout citoyen peut s’adresser à ce service et porter plainte contre l’inconduite de la police. L'Organisme a également le pouvoir de mener des investigations et des enquêtes au sein de la police de sa propre initiative.

  1. Éducation et mémoire

Le ministère de l’éducation a commencé à mettre en œuvre, depuis 2016, des programmes éducatifs visant à lutter contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance conformément aux directives de l'Union européenne.

Croatie

  1. Définition et sanction du racisme

Le racisme n’est pas spécifiquement défini dans la législation croate. Toutefois, l’article 14 de la Constitution de la République de Croatie garantit l’égalité des citoyens devant la loi et stipule que toutes les personnes en République de Croatie jouissent de droits et de libertés, indépendamment de leur race et de leur couleur notamment.

L’article 39 de la Constitution dispose que tout appel ou incitation à la guerre ou à l’usage de la violence, à la haine nationale, raciale ou religieuse, ou à toute forme d’intolérance est interdit et punissable par la loi.

La législation ne précise pas les races et religions visées, elle peut donc s'appliquer, entre autres, à l'antisémitisme et à la haine contre les musulmans. La notion de « racisme anti-blancs » n'a jamais été évoquée en Croatie.

En outre, cconformément à l’article 7 de la loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales, la République de Croatie veille également à l’exercice des droits et libertés spéciaux des membres des minorités nationales, notamment les Roms).

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Un Groupe de travail interministériel pour le suivi des crimes haineux a été créé en 2019 afin d’échanger des données entre les autorités compétentes et de planifier la prévention et la répression efficaces des crimes haineux, notamment racistes.

La loi anti-discrimination de 2008 garantit la protection et la promotion de l’égalité en tant que valeur la plus élevée de l’ordre constitutionnel de la République de Croatie, crée des conditions préalables à l’égalité des chances et réglemente la protection contre la discrimination fondée, entre autres, sur la race ou l’origine ethnique ou la couleur de la peau, la religion.

Plusieurs autres lois sectorielles contiennent des dispositions anti-discrimination (dans les secteurs travail, de l'éducation, etc).

  1. Mesure et répression des actes racistes

Un protocole sur les crimes haineux a été adopté par le Gouvernement croate en 2011. Il définit les obligations des autorités compétentes impliquées dans la détection, le traitement et le suivi des résultats des procédures menées dans les cas de crimes haineux. En outre, ce protocole établit des formulaires spéciaux pour la collecte statistique de données sur les cas de crimes haineux. Ces données sont agrégées statistiquement par l’Office des droits de l’Homme et des droits des minorités nationales tous les six mois.

En outre, les données statistiques sur les crimes haineux figurent dans les rapports annuels présentés au Parlement croate par le ministre de l’intérieur, le procureur général de l’État, le médiateur de la République et les médiateurs spéciaux.

  1. Éducation et mémoire

L'éducation nationale expérimente depuis 2015 de profondes réformes qui touchent plusieurs aspects, dont notamment une généralisation des cours d'éducation civique avec l'introduction des thèmes de la xénophobie, du racisme et des discriminations dans le second cycle scolaire. 

Les thèmes du racisme, de la xénophobie et des discours haineux font partie de l’éducation continue de l’Agence pour l’éducation et la formation des enseignants.

En 2006, la République de Croatie a adopté une déclaration condamnant les crimes commis par le régime communiste totalitaire en Croatie, de 1945 à 1990.

L’article 325 du code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans pour avoir publiquement approuvé, nié ou diminué de manière significative, la gravité de l’infraction pénale de génocide, de crime d’agression, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre, dirigée contre un groupe de personnes ou un membre d’un groupe en raison de la race, la religion, la nationalité, l’origine ethnique ou la couleur de la peau.

Espagne

  1. Définition et sanction du racisme

Il n’y a pas de définition du racisme dans le droit espagnol. L'article 14 de la Constitution dispose que « les Espagnols sont égaux devant la loi, et aucune discrimination ne peut prévaloir pour des raisons de naissance, de race, de sexe, de religion, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale ».

L’article 14 est suffisamment large pour englober tous les types de racismes, y compris l’antisémitisme, le racisme contre les musulmans et même le racisme anti-blancs.

Le code pénal espagnol punit les comportements racistes, une infraction qui peut inclure l’utilisation de paroles racistes.

En outre, le code pénal considère comme circonstance aggravante la perpétration de toute infraction à des fins racistes ou discriminatoires.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Il existe en Espagne deux organes consultatifs de lutte contre le racisme : le Conseil sur l’élimination de la discrimination raciale et ethnique et l'Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie.

Il n’y a pas de reconnaissance expresse, dans la loi, de l’existence de certains groupes ethniques ou communautés. Cependant, les Roms ont une sorte de reconnaissance en tant que communauté ethnique par la création en 2005 du Conseil d’État du peuple Rom.

Le ministère de l'intérieur a lancé en 2019 un ambitieux plan d'action national de lutte contre les crimes haineux.

Il n'y a pas en Espagne de loi générale sur la lutte contre les discriminations. Cet objectif est porté par plusieurs lois sectorielles, telle la loi organique de 2006 sur l'éducation, ou le statut du travailleur qui considère comme nulles et non avenues, des clauses dans les conventions collectives, des contrats individuels et des décisions unilatérales prises par des employeurs qui contiennent une discrimination directe ou indirecte défavorable fondée, entre autres, sur l’origine raciale ou ethnique.

 La pratique du testing n'est pas utilisée en Espagne, de même que les mesures de discrimination positive s'agissant du racisme. Toutefois, la discrimination positive a été expérimentée avec succès dans le domaine de l'égalité des sexes, et le gouvernement envisage de l'introduire dans d'autres programmes anti-discriminations.

Le rôle éminent des ONG et associations est reconnu dans ce domaine. Une dizaine des plus représentatives d'entre elles siègent au Conseil sur l’élimination de la discrimination raciale et ethnique.

La loi espagnole ne permet pas l'inclusion de critères ethniques, raciaux ou d'appartenance religieuse dans les statistiques officielles. Toutefois, dans le cadre de recherches scientifiques, il est permis d'interroger des personnes sur ces critères, sur une base strictement volontaire.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Confrontés à un acte raciste, les corps de police doivent suivre le protocole d'action des responsables de l'application de la loi du ministère chargé de l'action en matière de crimes haineux et de comportements discriminatoires. Ce protocole prescrit entre autres que ces infractions doivent être enregistrées dans le système statistiques des crimes, qui a une section dédiée pour les crimes haineux.

Le Défenseur du peuple est un organisme indépendant dans le contrôle de l’absence de partialité des forces de police.

  1. Éducation et mémoire

La loi organique de 2006 sur l'éducation stipule que la lutte contre le racisme et contre tous les types de discriminations est incluse dans les programmes scolaires comme objectif général et principe qui doit guider tout contenu éducatif.

Estonie

  1. Définition et sanction du racisme

En Estonie la définition du racisme n’est pas définie par la loi.

L’article 12 de la Constitution stipule que chacun est égal devant la loi. Personne ne peut être discriminé sur la base de la nationalité, de la race, de la couleur, du sexe, de la langue, de l’origine, de la religion, des opinions politiques ou autres, des biens ou du statut social, ou pour d’autres motifs. L’incitation à la haine ethnique, raciale, religieuse ou politique, à la violence ou à la discrimination est interdite et punissable par la loi. L’incitation à la haine et à la violence entre les classes sociales ou à la discrimination à l’égard d’une classe sociale est également interdite et punissable par la loi.

La loi sur l’égalité de traitement tend à assurer la protection des personnes contre la discrimination dans tous les domaines de la vie sociale et économique.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

L'Estonie ne mène pas actuellement de politique spécifique de lutte contre le racisme.

S'agissant des minorités, les personnes appartenant aux communautés allemande, russe, suédoise et juive, ainsi que les personnes appartenant à des minorités nationales de plus de 3 000 membres, peuvent établir des organes d’autonomie culturelle.

Entre autres données, il est demandé à l'occasion des recensements des informations sur l'appartenance ethnique, la langue maternelle, les compétences linguistiques étrangères, la religion.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Les personnes alléguant de comportements inappropriés de la part de la police peuvent s'adresser au Chancelier de la Justice, institution indépendante dont l'une des tâches est de protéger les citoyens contre les actions arbitraires de l’autorité publique et des fonctionnaires.

  1. Éducation et mémoire

L'Estonie n'a pas adopté de loi mémorielle.

Depuis 1998, l’Institut estonien de la mémoire historique enquête sur les crimes internationaux et les violations des droits de l’Homme commis par les régimes totalitaires en Estonie, ainsi que sur les idéologies qui ont donné naissance à de tels régimes. L’objectif est de fournir un aperçu complet et objectif de la situation des droits de l’Homme en Estonie pendant l’occupation soviétique.

Finlande

  1. Définition et sanction du racisme

Il n’existe pas de définition juridique de la race ou du racisme en tant que tel dans le droit finlandais.

Le chapitre 1 Section 6 de la Constitution de la Finlande dispose que « Tout le monde est égal devant la loi. Personne ne peut, sans raison acceptable, être traité différemment des autres personnes en raison du sexe, de l’âge, de l’origine, de la langue, de la religion, des convictions, de l’opinion, de la santé, du handicap ou d’une autre raison qui concerne sa personne ». L’origine couvre la race et la couleur de la peau.

La criminalisation du racisme a été reformulée et enrichie au fur et à mesure que la Finlande a mis en œuvre une décision-cadre sur la lutte contre le racisme et la xénophobie au moyen du droit pénal, adoptée en 2008. La violence motivée par le racisme est criminalisée comme voie de fait, meurtre, etc., et la motivation raciste peut être un motif aggravant lors de l’évaluation de la peine. Les paroles et discours haineux sont aussi réprimés.

 L'antisémitisme et le rejet des musulmans sont inclus, par déduction, dans les catégories cibles de la législation pénale, de même que le racisme « anti-blancs », si l'on considère la majorité blanche comme une ethnie.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Le ministère de la justice a lancé une étude sur un plan d’action pour la prévention du racisme et de la discrimination et pour les bonnes relations entre les groupes de population. Ce plan est censé être adopté comme résolution du gouvernement au début de l’année 2021. 

Il y a eu des affaires criminelles où des preuves ont été obtenues en effectuant des tests de situation, par une ONG en l'occurrence. Le statut de cette pratique reste toutefois très controversé. La discrimination positive, quant à elle, reste proscrite.

Selon l’article 121 de la Constitution, les Samis ont une autonomie linguistique et culturelle dans leur région natale, comme le prévoit une loi d'application. Le concept de culture est compris dans la loi au sens large. En effet, il s’applique aussi au mode de vie traditionnel des Samis, qui comprend les moyens de subsistance traditionnels, tels que l’élevage de rennes, la pêche et la chasse.

Les statistiques compilent des données sur les personnes vivant en Finlande en fonction de leur nationalité, de leur langue et de leur pays de naissance. Les personnes peuvent également être enregistrées en fonction de leur origine, ce qui signifie le pays de naissance de leurs parents. Le traitement de ces données personnelles est en principe interdit, sauf s'il est effectué de manière anonyme à des fins scientifiques, historiques ou statistiques.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Dans le nouveau système de signalement de la police en cours d’élaboration, il deviendra obligatoire pour la police de signaler par un code spécifique les crimes haineux (jusqu'à présent ce signalement n'est que facultatif).   

Tous les rapports de criminalité sont consignés dans le serveur informatique PATJA, qui peut être utilisé pour rechercher des infractions spécifiques à l’aide d’outils tels que des mots clés, des titres criminels spécifiques, des codes statistiques et la date à laquelle le rapport a été déposé. Environ 10 % des quelque 10 000 rapports de police élaborés chaque année se rapportent à des crimes haineux. On estime toutefois que seulement 20 % des faits de crimes haineux sont signalés à la police.

Les victimes d'infractions alléguées commises par des policiers peuvent porter plainte auprès de l'unité de vérification interne de la police, ou auprès du Chancelier de la Justice, qui est une autorité indépendante.

  1. Éducation et mémoire

La sensibilisation aux droits de l'Homme est l'un des thèmes transversaux des programmes de l'éducation nationale, tant en cycle primaire que secondaire.

Les établissements d'enseignement jouissent d'une grande autonomie pour organiser des manifestations, par exemple des auditions de personnes ressources, des tables rondes, des projections de films, etc. De nombreux lycées organisent des excursions à Auschwitz pour les élèves du cycle secondaire supérieur.

La Finlande n'a pas adopté de loi mémorielle à ce jour.

Il n’y a pas de musées qui traiteraient spécifiquement de l’histoire et de la mémoire de l’esclavage, du racisme et de l’antisémitisme en Finlande.

Hongrie

  1. Définition et sanction du racisme

La Constitution garantit les droits fondamentaux de tous les citoyens, sans discrimination sur la base d’un motif tel que la race, la couleur ou l’origine ethnique. L’exercice de la liberté d’expression et d’opinion ne peut viser à violer la dignité d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux

Le code criminel contient de nombreuses dispositions spécifiques contre les comportements racistes. Sont punis non seulement les actes mais aussi les paroles haineuses et l'incitation à la haine raciale.

Des dispositions relatives à la lutte contre le racisme sont également contenues dans plusieurs lois, sur la presse et les médias, le sport, etc.

L’immunité des députés de l’Assemblée nationale ne s’applique pas à la responsabilité du député à certaines infractions pénales, notamment incitation à la haine à l’encontre d’une communauté.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Le Commissaire aux droits fondamentaux est une autorité indépendante qui conseille le gouvernement dans sa politique de lutte contre le racisme et les discriminations, et en supervise l'application.

La loi de 2003 sur l'égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances oblige les autorités locales à adopter tous les cinq ans un programme local d’égalité des chances. Dans le cadre de ce programme local, une évaluation est effectuée sur la situation éducative, de logement, d’emploi, de santé et d’autres domaines sociaux des groupes défavorisés, en ce qui concerne particulièrement la communauté Rom. Un plan d’action élaboré sur la base de cette évaluation identifie et met en œuvre des mesures correctrices.

Il existe en Hongrie plusieurs associations qui jouent un rôle éminent dans le soutien à des communautés cibles par des services de conseils juridiques, le lancement de campagnes d’information et de matériel sur le racisme, ainsi que l'intervention dans des établissements d’enseignement sur cette question.

La Hongrie n'utilise pas la pratique du testing.

La loi de 2003 sur l’égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances autorise les mesures de discrimination positive dans certaines conditions, notamment :

‑ elle doit viser à éliminer l’inégalité des chances en faveur d'un groupe social spécifiquement désigné et sur la base d’objectifs précis ;

‑ elle est portée par un parti politique qui l'avait mentionnée dans son programme électoral ;

‑ elle est fondée sur une loi ou, éventuellement, une convention collective ;

‑ elle est menée pour une durée déterminée ou jusqu’à ce qu’une condition spécifique soit remplie.

La loi reconnaît l'appartenance à des communautés (Roms notamment).

Les statistiques ethniques sont permises, mais la loi de 2016 sur les statistiques officielles prévoit que l'appartenance raciale et la nationalité d'origine ne peuvent être fournies que d’une manière qui n’est pas identifiable et sur la base du volontariat.

Les chercheurs et les enquêteurs ont le droit de poser aux sondés des questions sur leur origine (origine géographique ou nationalité) et sur celle de leurs parents, sur la base du volontariat.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Les actes racistes sont enregistrés en tant que violences contre une communauté.

Le Commissaire aux droits fondamentaux, autorité administrative indépendante, est habilité à recevoir des plaintes de particuliers. Il peut également se saisir de certains cas de sa propre initiative.

  1. Éducation et mémoire

Les thèmes du racisme, du fascisme et de l'Holocauste sont abordés dans le programme de l'éducation nationale en cours d'histoire.

Le programme d'histoire de l'éducation nationale comprend une recommandation aux élèves du secondaire de visiter le centre commémoratif de l'Holocauste de Budapest.

Le ministère de l'éducation prescrit aux enseignants de consacrer un moment de réflexion et d'échange avec les élèves chaque 16 avril, jour commémoratif des victimes hongroises de l’Holocauste qui marque l’anniversaire de la formation des premiers ghettos en Hongrie le 16 avril 1944.

L’exposition permanente du centre commémoratif de l’Holocauste à Budapest présente et décrit la persécution, les souffrances et les meurtres de citoyens hongrois, juifs et Roms, condamnés à être exterminés sur la base d’une idéologie raciste.

Irlande

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'y a pas de définition légale du racisme dans le droit irlandais.

La protection contre les discriminations liées notamment aux caractères raciaux, ethniques, religieux, ne figure pas dans la Constitution. Elle a toutefois été affirmée par une décision de la Cour Suprême de 1997.

Les lois sur l’égalité en matière d’emploi de 1998 et sur l’égalité de statut de 2000 fournissent ensemble une protection contre les discriminations dans l'essentiel des secteurs sociaux, économiques, politiques, culturels, etc. Ces lois font explicitement référence aux discriminations liées à la race.

La Loi de 1989 réprimant les incitations à la haine expose les contrevenants à une peine maximale de deux ans d’emprisonnement et une amende de 10 000 euros. Elle s'applique aux mots, aux comportements, aux publications, aux enregistrements de discours, d'images, de vidéos s'ils sont menaçants, abusifs ou insultants et sont destinés ou susceptibles d’attiser la haine.

En l'absence d'indication contraire, ce dispositif légal s'applique à l'antisémitisme et à la haine anti-musulmans, et elle pourrait éventuellement s'appliquer aussi au racisme « anti-blancs » bien que la question ne se soit jamais posée en Irlande.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

En juin 2020, le gouvernement irlandais a annoncé la création d’un nouveau comité indépendant contre le racisme, chargé d’élaborer un plan d’action contre le racisme en Irlande.

La Stratégie d’intégration des migrants 2017-2020 est un programme gouvernemental intersectoriel visant à promouvoir et faciliter l’intégration de tous les migrants résidant légalement en Irlande.

Deux organismes indépendants jouent un rôle éminent dans ce domaine.

Le Réseau irlandais contre le racisme est un réseau national de plus de 100 organisations de la société civile qui a pour but de travailler collectivement pour mettre en évidence et lutter contre le racisme en Irlande par la promotion et le suivi des initiatives irlandaises, européennes et mondiales en matière de lutte contre le racisme.

NASC est un centre indépendant qui s'est donné pour objectif de venir en aide aux victimes d'actes racistes, et de les convaincre de porter plainte auprès des services de police. Le centre NASC gère une base de données de tous les faits de racisme qui lui sont rapportés.

Les collectivités locales (et notamment la municipalité de Dublin) sont sollicitées sur plusieurs plans. Elles sont notamment tenues de :

‑ veiller à une juste attribution de logements sociaux à des familles immigrées ;

‑ faciliter leur accès aux services sociaux ;

‑ encourager les jeunes à s'impliquer dans le secteur associatif, les mouvements de jeunesse, les activités culturelles, afin de faciliter leur intégration ;

‑ gérer le Fonds pour l’intégration des communautés qui est accordé aux collectivités locales pour soutenir leurs actions dans toute l’Irlande en faveur de l’intégration des migrants et des réfugiés.

Les données ethniques sont régulièrement recueillies et étudiées par le Bureau central des statistiques. Le recensement de 2016 a recueilli des données sur la religion et l’origine ethnique des personnes vivant en Irlande.

Le Bureau central des statistiques a récemment introduit un identificateur ethnique dans sa base de données en ligne. L'objectif poursuivi est que les données aideront à établir un profil statistique complet de la diversité de la population scolaire irlandaise à évaluer les progrès des enfants de divers groupes ethniques et culturels. Ces informations sont nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et d’interventions appropriées.

  1. Mesure et répression des actes racistes

La pratique en Irlande prescrit que tout incident perçu par la victime ou un tiers – par exemple le policier, un témoin ou une personne agissant pour le compte de la victime – doit être enregistré comme tel.

En principe, le gouvernement ne publie pas de statistiques sur les crimes haineux.

La commission du médiateur de la police est l'organisme indépendant désigné par le Parlement, dont la responsabilité première est de traiter les plaintes déposées par des particuliers concernant la conduite des membres de la police. Le médiateur peut enquêter de sa propre initiative sur des questions relatives aux pratiques et procédures de la police.

  1. Éducation et mémoire

Les enfants sont sensibilisés dès le cycle primaire aux notions de respect de l'autre, de tolérance, de droits de la personne, d'exclusion et de racisme.

L'Irlande n'a pas adopté de loi mémorielle.

Le musée juif irlandais contient une importante collection de souvenirs relatifs aux communautés juives irlandaises et à leurs diverses associations et contributions à l’Irlande actuelle.

Israël

  1. Définition et sanction du racisme

L'article 144A du Code pénal définit le racisme comme une « persécution, humiliation, dégradation, manifestation d’inimitié, d’hostilité ou de violence, ou causant un ressentiment à l’égard d’un particulier ou d’une partie de la population, en raison de sa couleur ou de son appartenance à une race ou à une origine ethnique nationale particulière ». Cette définition du racisme pourrait s’appliquer au racisme « anti-blanc ». Elle inclut l’antisémitisme, ainsi que le rejet des musulmans.

Les propos et discours racistes, l'incitation à la haine raciale sont réprimés à l'article 144B.

L'article 144F étend le champ du 144A aux communautés religieuses.

En outre, le racisme est considéré comme une circonstance aggravante pour toute infraction.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

L’Unité gouvernementale pour la coordination de la lutte contre le racisme a été créée en 2016 dans le but de prévenir et d’éliminer le racisme institutionnel dans les fonctions gouvernementales et les institutions publiques.

L'Etat d'Israël pratique la discrimination positive dans certaines circonstances. Conformément à la loi 5719-1959 sur les services de l’État, une représentation appropriée doit être accordée à certains groupes de population et les employés appartenant à ces groupes doivent être inclus dans tous les postes de la fonction publique. Les groupes de population concernés sont : les femmes, les personnes handicapées, les membres de la communauté arabe, y compris les Druzes et les Circassiens, les personnes nées ou les enfants de ceux nés en Éthiopie, les Juifs ultraorthodoxes et les nouveaux immigrants. Il existe des exigences semblables pour la représentation des administrateurs au sein des conseils d’administration des sociétés gouvernementales.

  1. Mesure et répression des actes racistes

L’Unité gouvernementale pour la coordination de la lutte contre le racisme reçoit les plaintes de citoyens qui ont connu ou été témoins de cas de racisme institutionnel, les renvoyant aux autorités compétentes et assurant le suivi du traitement de ces plaintes.

  1. Éducation et mémoire

Le programme du ministère de l’éducation intitulé « De la tolérance à la prévention du racisme et au vivre ensemble » traite de manière structurée et continue de la question de la prévention du racisme. Ce programme s’inscrit dans le thème principal du système d’éducation « L’autre est moi ». Le programme s’adresse à tous les secteurs de la société et est adapté à divers groupes d’âge, des jardins d’enfants au secondaire. Il s’applique à plusieurs domaines de connaissances.

La loi de 1986 sur le déni de l’Holocauste interdit de nier ou de diminuer les proportions d’actes commis par le régime nazi en tant que crimes contre le peuple juif ou crimes contre l’humanité. Il interdit en outre la publication d’expressions de louange ou de sympathie ou d’identification avec les actes accomplis pendant la période du régime nazi

Le Centre mondial de commémoration de l’Holocauste Yad Vashem a été créé en 1953 par un acte de la Knesset. Il est chargé de commémorer, de documenter, de rechercher et d’éduquer sur l’Holocauste. Il est composé de divers musées, centres de recherche et d’éducation, archives de documentation, monuments commémoratifs. 

Lettonie

  1. Définition et sanction du racisme

Il n’existe pas de définition législative des différentes formes de racisme en Lettonie.

Conformément à l'article 91 de la Constitution de la République de Lettonie, tous les hommes sont égaux devant la loi et les tribunaux. Les droits de l’Homme s'opposent aux discriminations de quelque nature que ce soit.

En outre l’article 114 stipule que les minorités ont le droit de maintenir et de développer leur langue et leur identité ethnique et culturelle.

En Lettonie, le principe fondamental de l’interdiction des discriminations (y compris pour des motifs de race) est énoncé dans plusieurs lois visant à les prévenir tant dans le monde réel que dans l’environnement numérique.

Conformément au chapitre 9 du droit pénal (article 78), toute personne qui commet des actes visant à déclencher la haine nationale, ethnique, raciale ou religieuse encourt une peine de trois ans de prison. Cette peine est portée à cinq ans de prison si l'infraction est commise par un fonctionnaire, un responsable d’entreprise ou d’une organisation, ou si elle a été commise à l’aide d’un système automatisé de traitement des données. Et si l'infraction incriminée comprend des actes de violence ou de menaces, ou s'il est commis en bande organisée, la peine peut atteindre dix ans de prison.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

La Lettonie ne mène pas de politique particulière en matière de racisme et de discrimination.

Le ministère de la culture s'attache à promouvoir la participation civique des minorités, à soutenir leur identité culturelle et à promouvoir le dialogue interculturel. Il travaille en collaboration avec les organisations des minorités dans la mise en œuvre de diverses mesures, telles que les camps créatifs, les programmes d’ambassadeurs culturels et les programmes de participation des jeunes.

Elle ne pratique pas de mesures de testing, ni de discrimination positive.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Le ministère de l'Intérieur publie des statistiques sur la criminalité en Lettonie. En 2019, seuls 5 faits de racisme ont été recensés, et il n'y en avait eu aucun depuis 2013.

En principe, il est possible de déposer une plainte contre des comportements policiers auprès de l'Ombudsman, mais dans la réalité ces plaintes sont rarissimes.

  1. Éducation et mémoire

Il existe plusieurs musées évoquant le Seconde guerre mondiale en Lettonie, dont le musée de l'occupation de la Lettonie.

Le musée des juifs en Lettonie a été fondé par un groupe de survivants de l’Holocauste, en 1989. Il retrace l’histoire des juifs lettons du 16ème siècle jusqu’en 1945. Il organise des conférences, des séminaires, des expositions et offre aux écoles des programmes éducatifs dédiés à l’Holocauste.

Sur le même thème, a été fondé en 2010 le musée du ghetto de Riga et de l’Holocauste en Lettonie, situé sur le territoire du ghetto.

Lituanie

  1. Définition et sanction du racisme

Il n’existe pas de définitions spécifiques du racisme ou de la race dans les lois lituaniennes. Toutefois, diverses lois interdisent la discrimination fondée sur la race, notamment la loi sur l’égalité de traitement et le code criminel.

Le code criminel punit non seulement les actes, mais aussi les paroles haineuses et l'incitation à la haine raciale.

L'antisémitisme, la haine contre les musulmans et le racisme « anti-blancs » ne sont pas mentionnés explicitement dans les lois sur le racisme et les discriminations, ils sont concernés au même titre que les autres races et communautés.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Les politiques de lutte contre le racisme s'inscrivent dans le cadre d'une politique plus large de lutte contre les discriminations, prescrite dans la loi sur l’égalité de traitement. Conformément à la loi, l’État, les collectivités locales et les établissements d’enseignement ont le devoir de mettre en œuvre dans le cadre de leurs activités des normes d’égalité de traitement, dont l'effectivité est contrôlée par l’Ombudsman de l’égalité des chances, autorité indépendante.

La Lituanie ne pratique ni le testing, ni la discrimination positive.

La loi de 2003 sur l'égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances oblige les autorités locales à adopter tous les cinq ans un programme local d’égalité des chances. Dans le cadre de ce programme local, une évaluation est effectuée sur la situation éducative, de logement, d’emploi, de santé et autres domaines sociaux des groupes défavorisés, dont notamment la communauté Rom. Un plan d’action élaboré sur la base de cette évaluation identifie et met en œuvre des mesures correctrices.

Conformément à l’article 6 de la loi sur l'égalité de traitement, les établissements d’enseignement, ainsi que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche doivent garantir des conditions égales pour les personnes indépendamment du sexe, de la race, de la nationalité, de la citoyenneté, de la langue, de l’origine, du statut social, des convictions ou des opinions, de l’âge, de l’orientation sexuelle, du handicap, de l’origine ethnique ou de la religion au niveau :

- des conditions d'admission ;

- l’octroi de bourses d’études ou l’octroi de prêts ;

- l’élaboration et l’approbation de programmes éducatifs ;

- l'évaluation des résultats en matière d’apprentissage.

Aucune loi n'interdit les statistiques ethniques en Lituanie. De même les chercheurs et enquêteurs peuvent poser des questions aux particuliers sur leur appartenance ethnique, leur pays d'origine, etc.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Les actes et infractions de nature raciste ne font pas l'objet d'un recensement spécifique.

L'Ombudsman de l'égalité des chances a autorité pour superviser la déontologie des forces de police. Il peut recevoir des plaintes et s'autosaisir sur des cas particuliers.

  1. Éducation et mémoire

Le programme général d’éducation nationale prévoit que les élèves des écoles secondaires doivent recevoir une instruction sur les crimes de la Seconde guerre mondiale, en particulier l’Holocauste.

Le Vilna Gaon Museum d'histoire juive couvre des sujets relatifs à l’Holocauste et l’antisémitisme.

Luxembourg

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'y a pas de définition du racisme en droit luxembourgeois.

Les paroles racistes sont réprimées au même titre que les actes. L’article 457-1 du code pénal dispose : « Est puni d’une peine d’emprisonnement de huit jours à deux ans et d’une amende de 251 euros à 25 000 euros ou l’une de ces seules sanctions :

1) toute personne qui, soit par des discours, des cris ou des  menaces proférées dans des lieux publics ou des réunions, ou par des écrits, estampes, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre matériel écrit, parlé ou pictural vendu ou distribué, mis en vente ou exposé dans des lieux publics ou des réunions, soit par des pancartes ou des affiches affichées à la vue du public, soit par tout moyen de communication audiovisuelle, incite (…) à la haine ou à la violence contre une personne, une personne physique ou morale, un groupe ou une communauté (…). »

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Les politiques contre le racisme font partie d’une politique plus générale de lutte contre la discrimination. Le Luxembourg ne pratique ni le testing, ni la discrimination positive.

Le Luxembourg a institué une charte luxembourgeoise de la diversité. Il s’agit d’un texte proposé à la signature par toute organisation luxembourgeoise souhaitant s’engager à agir en faveur de la promotion de la diversité par des actions concrètes allant au-delà des obligations légales. La charte est appuyée par sept organismes, tant privés que publics, dont le ministère de la famille et de l’intégration. A ce jour, elle compte 188 signataires (secteurs privé, public et associatif) représentant 15% de l'ensemble des salariés au Luxembourg.

Les associations jouent un rôle éminent en termes d'information du public et d'accompagnement des victimes. En outre, toute association à but non lucratif d’importance nationale dont l’activité statutaire consiste à lutter contre la discrimination, qui jouit d’une personnalité juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits et qui a déjà été approuvée par le ministre de la justice, peut exercer devant les tribunaux civils ou administratifs les droits accordés à la victime de discrimination à l’égard de faits constituant une violation conformément aux dispositions de la loi et causant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elle est censé défendre.

Les statistiques sur les appartenances ethniques ne sont pas autorisées. La nationalité et le pays de naissance peuvent toutefois être demandés par les chercheurs et les intervieweurs. Ces données sont également recueillies par le gouvernement, par exemple dans le contexte du recensement de la population.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Afin d’être sensibilisés à ce sujet, les policiers disposent d’un module spécial sur le racisme pendant leur formation.

Les victimes de comportements stigmatisants de la part de la police peuvent soit porter plainte au pénal, soit s'adresser au Centre pour l'égalité de traitement, organisme indépendant, ou à une association agréée.

Sachant que les services de police ne publient pas de statistiques dans ce domaine, seul le Centre pour l’égalité de traitement est susceptible de fournir des données sur les infractions racistes déclarées. Il a enregistré 31 cas en 2019.

  1. Éducation et mémoire

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme n’est pas incluse dans les programmes scolaires en tant que tels.

Moldavie

  1. Définition et sanction du racisme

L'article 16 de la Constitution moldave dispose que « Le respect et la protection de la personne est un devoir primordial de l’État. Tous les citoyens de la République de Moldova sont égaux devant la loi et les autorités publiques, indépendamment de leur race, de leur nationalité, de leur origine ethnique, de leur langue, de leur religion, de leur sexe, de leur opinion, de leur affiliation politique, de leur richesse ou de leur origine sociale. »

La Moldavie a appliqué dans son droit national les prescriptions de la directive 2000/43 /CE du 29 juin 2000 mettant en œuvre le principe d’égalité de traitement entre les personnes, indépendamment de leur origine raciale ou ethnique (Nota Bene : La Moldavie n'est pas membre de l'Union européenne).

En vertu de l'article 176 du code pénal, est passible d’une amende de 750 à 950 lei ou d’un service communautaire non rémunéré de 150 à 240 heures, ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 2 ans, dans tous les cas avec (ou sans) privation du droit d’occuper certains postes ou d’exercer une certaine activité pour une période de 2 à 5 ans, toute distinction, exclusion, restriction ou préférence en droits et libertés d'une personne ou d'un groupe de personnes, tout soutien à un comportement discriminatoire dans les domaines politique, économique, social, culturel et autres de la vie, fondé sur des critères de race, de nationalité, d’origine ethnique, de langue, de religion ou de conviction, de sexe, d’âge, de handicap, d’opinion, d’affiliation politique ou de tout autre critère :

‑ commis par une personne ayant un poste de responsabilité ;

‑ qui ont causé d’importants dommages ;

‑ commis en plaçant des messages et des symboles discriminatoires dans les lieux publics ;

‑ commis sur la base de deux critères ou plus ;

‑ commis par au moins deux personnes.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Une loi de 2012 a institué le Conseil pour la prévention de la discrimination et la garantie de l’égalité.

Roumanie

  1. Définition et sanction du racisme

En Roumanie, la loi constitutionnelle prévoit l’égalité et la non-discrimination en termes généraux.

La loi de 2000 sur la lutte contre la discrimination est complétée par des dispositions spécifiques codifiées dans le code du travail, le code pénal, etc.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

La loi de 2000 a institué le Conseil national de lutte contre la discrimination, institution indépendante placée sous le contrôle du Parlement. Le Conseil est chargé de préparer et d’appliquer les politiques publiques anti-discrimination. À cette fin, il tient des réunions consultatives avec les autorités publiques, les ONG, les syndicats et d’autres entités juridiques dont le but est de protéger les droits de l’Homme et qui ont un intérêt légitime à lutter contre la discrimination. Le Conseil exerce son pouvoir juridique sur la base de pétitions et de plaintes de personnes physiques ou morales ou prend des mesures d’office.

  1. Éducation et mémoire

En vertu d'une loi de 2019, le musée national de Roumanie abrite un département de l’histoire des Juifs et de l’Holocauste.

Le musée virtuel de l'Holocauste de Transylvanie du Nord est quant à lui le premier musée virtuel de l’Holocauste dans le monde. Il s’agit d’un musée interactif composé d’une série de collections numériques qui fournissent des informations chronologiquement structurées sur les événements de l’Holocauste dans le nord de la Transylvanie.

Royaume-Uni

  1. Définition et sanction du racisme

La « race » est définie à l’article 9 de la loi de 2010 sur l’égalité comme s’appuyant sur la couleur (a), la nationalité (b) et l’origine ethnique ou nationale (c).

La loi de 2010 sur l’égalité distingue la discrimination directe, la discrimination indirecte, le harcèlement et la victimisation, qui sont toutes potentiellement illégales pour des motifs de race.

La loi de 1986 sur l'ordre public définit la « haine raciale » comme la haine contre un groupe de personnes définie par référence à la couleur, à la race, à la nationalité (y compris la citoyenneté) ou aux origines ethniques ou nationales. Pour qu’il y ait infraction en vertu de cette loi, elle doit être « menaçante, abusive ou insultante », et doit être destinée ou susceptible, dans toutes les circonstances, d’attiser la haine raciale. Les paroles ne sont pas visées en tant que tels, mais plutôt un comportement (behaviour).

La loi de 2006 sur la haine raciale et religieuse étend la protection contre la haine aux communautés religieuses.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Dans l’ensemble, les mesures antiracistes font partie de la politique générale de lutte contre la discrimination, qui est supervisée par la commission de l’égalité et des droits de l’Homme.

Il existe une grande quantité d’initiatives politiques pertinentes dans ce domaine, mais aucune stratégie globale à l’échelle du Royaume-Uni. Le gouvernement a récemment installé une commission indépendante chargée d’examiner la diversité raciale et ethnique et les défis qui en découlent.

Le Royaume-Uni ne pratique ni le testing, ni la discrimination positive.

Des statistiques sont publiées régulièrement sur les crimes racistes.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Il n’existe pas d’organisation spécifique chargée de veiller à ce que la police s’acquitte de ses fonctions sans préjugés raciaux. Toutefois, toute personne peut se plaindre de son traitement par la police par l’intermédiaire de son système interne de plaintes.

  1. Éducation et mémoire

En matière d'éducation, des initiatives variées peuvent être proposées aux élèves, souvent portées par des associations et ONG.

A titre d’exemple, Anne Frank Trust gère un projet éducatif sur Anne Frank et l’Holocauste, les conséquences des préjugés et de la discrimination incontrôlés et la diversité culturelle.

De même, Kick It Out joue sur l’attrait du football pour éduquer les jeunes sur le racisme et fournir des packs éducatifs pour les écoles.

Slovaquie

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'y a pas de définition du racisme en droit Slovaque.

La lutte contre les discriminations est affirmée dans la Constitution. Celle-ci dispose dans son article 12 que « Les droits fondamentaux sont garantis en République slovaque à tous, indépendamment du sexe, de la race, de la couleur, de la langue, de la croyance et de la religion, de l’affiliation politique ou d’autres convictions, de l’origine nationale ou sociale, de la nationalité ou de l’origine ethnique, des biens, de la descendance ou de tout autre statut. Personne ne peut être lésé, discriminé ou favorisé pour l’un ou l’autre de ces motifs. »

La loi dite « anti-discrimination » de 2004 porte application de cet article.

Le code pénal punit tant les actes que les paroles racistes, si elles sont proférées devant au moins deux personnes.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

Le centre national slovaque pour les droits de l’Homme est l'organe chargé de faire appliquer la loi anti-discrimination. Il est habilité à traiter les plaintes déposées par des particuliers.

Les tests de situation sont parfois utilisés en Slovaquie, notamment dans le cadre de l'accès à l'emploi de la communauté Rom.

L’un des principaux outils de mise en œuvre des politiques en matière de droits de l’Homme en Slovaquie est le programme de subventions administré par le ministère des affaires étrangères et européennes de la République slovaque. Ce programme vise à faire respecter et à soutenir la protection des droits et libertés et à prévenir toute forme de discrimination, de racisme, de xénophobie, d’homophobie, d’antisémitisme et d’intolérance. Des programmes de subventions pour soutenir certains programmes relatifs aux droits de l’Homme ont également été mis en place par d’autres organes de l’administration publique.

S'agissant des statistiques et recensements, la loi permet le recueil des données d'appartenance ethnique et de langue maternelle.

Les chercheurs et enquêteurs sont autorisés à poser des questions personnelles sur la base du volontariat et sous réserve que les données soient traitées de manière anonyme.

  1. Éducation et mémoire

Education

Le racisme et l'antisémitisme figurent dans les cours d'éducation civique.

Plusieurs initiatives éducatives sont proposées aux élèves et étudiants slovaques, par exemple :

‑ des visites du Musée de l'Holocauste sur l'emplacement de l'ancien camp de concentration de Sered, du Mémorial d'Auschwitz ;

‑ des projets comme l'Ecole multiculturelle « le Sport contre le racisme » ou l'école d'été « Sport contre le racisme ».

Lois mémorielles

On peut citer notamment :

‑ la loi n° 125/1996 sur l’immoralité et l’illégalité du système communiste ;

‑ la loi n° 553/2002 sur la divulgation des documents relatifs à l’activité des autorités de sûreté de l’État au cours de la période 1939-1989 et sur la fondation de l’Institut de mémoire de la nation ;

‑ la loi n° 219/2006 sur la résistance anticommuniste.

Musées

Le musée de l’Holocauste de Sered a été créé en 2006 sur le site de l’ancien camp de travail et de concentration de Sered.

Le musée de l’insurrection nationale slovaque fondé en 1955 commémore la participation active des Slovaques à la lutte contre le fascisme et le nazisme.

Slovénie

  1. Définition et sanction du racisme

L’article 63 de la Constitution de la République de Slovénie définit comme inconstitutionnelle l’incitation aux discriminations nationales, raciales, religieuses ou autres et l’inflammation de la haine et de l’intolérance nationales, raciales, religieuses ou autres.

La Slovénie a intégré les conclusions de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale dans son code pénal (article 297).

L'article 297 sanctionne les actes, les paroles haineuses, l'incitation à la haine raciale contre une race ou un groupe de personnes d’une autre couleur de peau et de religion, ce qui inclut, entre autres, les juifs, les musulmans, ou éventuellement le racisme « anti-blancs », bien que ce dernier cas ne se soit jamais produit en Slovénie.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

La loi slovène reconnaît deux communautés nationales, hongroise et italienne, et une communauté ethnique, Rom.

Les deux communautés nationales peuvent utiliser leur propre langue et ont le droit à l'éducation dans leur propre langue dans les municipalités concernées.

L'appartenance à la communauté Rom confère le droit de vote au Conseil de la communauté Rom de la République de Slovénie, organe consultatif dans les domaines sociaux et culturels.

Outre le gouvernement et l’Assemblée nationale, la politique antiraciste est mise en œuvre par des institutions ou des organismes indépendants tels que le défenseur du principe d’égalité, le Médiateur des Droits de l’Homme et un certain nombre d’ONG créées en vertu de la loi sur les organisations non gouvernementales

La loi sur la protection contre les discriminations s'applique à tous les secteurs de la vie sociale (logement, emploi, santé, etc.). Les sanctions encourues vont de 3 000 à 30 000 euros.

La question la plus pertinente en Slovénie étant celle des Roms, les municipalités à forte composante rom reçoivent une assistance du gouvernement dans le cadre du programme national de mesures pour les Roms pour 2017-2021. Divers groupes de travail gouvernementaux ont également été créés pour coopérer avec les représentants des communautés locales et des conseillers municipaux Roms.

La Slovénie ne pratique pas la méthode du testing, mais elle utilise la discrimination positive, jusqu'à présent limitée à l'égalité entre les hommes.

Les recensements ethniques sont autorisés et permettent aux minorités de jouir des droits qui en découlent. En revanche, il n'est pas permis aux chercheurs et enquêteurs d'interroger les particuliers sur leur origines nationales ou ethniques.

  1. Mesure et répression des actes racistes

L'ampleur du phénomène raciste est mesurée par des reportages des médias et des enquêtes menées par le médiateur des droits de l’Homme et le défenseur du principe d’égalité.

Le médiateur des droits de l’Homme et le défenseur du principe d'égalité sont habilités à surveiller et évaluer l’activité de la police en termes de partis pris racistes et de violations des droits de l’Homme. Ces deux autorités peuvent s'autosaisir dans les domaines de leur compétence et peuvent recevoir des plaintes de particuliers.

  1. Éducation et mémoire

S'agissant du racisme et des discriminations, chaque établissement scolaire est libre d'organiser, ou non, des actions éducatives dans ces domaines.

Le défenseur du principe d'égalité organise des sessions de sensibilisation à ces sujets au sein des établissements d'enseignement.

La Slovénie a notamment adopté une loi de reconnaissance du génocide arménien.

Suède

  1. Définition et sanction du racisme

Il n'existe pas de définition juridique du racisme en Suède.

Dans le plan national de lutte contre le racisme, les formes similaires d’hostilité et les crimes haineux du gouvernement, la notion de racisme fait référence à des opinions selon lesquelles les gens seraient fondamentalement différents les uns des autres en raison d’hypothèses sur la race, l’origine nationale, culturelle ou ethnique, la religion, la couleur de la peau ou d’autres circonstances similaires, et qu’ils peuvent ou doivent donc être traités de façons différentes.

Le code pénal suédois réprime tant les actes que les discours racistes, qui font partie des crimes haineux.

La loi sur la discrimination protège les individus contre la discrimination dans diverses parties de la société, comme la vie professionnelle, le logement, l’éducation, la santé et les soins médicaux. Elle couvre sept motifs différents de rupture d'égalité, dont l’un est l’origine ethnique, l’ethnicité se référant à l’origine nationale ou ethnique d’un individu, la couleur de la peau ou d’autres caractéristiques similaires.

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

En 2017, le gouvernement a lancé un plan national de lutte contre le racisme, les formes similaires d’hostilité et les crimes haineux. Il s'agit d'un programme multisectoriel mené en coopération avec des autorités locales et des ONG.

Deux organismes jouent un rôle éminent dans la lutte contre les crimes racistes en Suède.

Le forum sur l’histoire vivante (organisme public rattaché au ministère de la Culture) travaille au nom du gouvernement pour promouvoir le travail sur la démocratie, la tolérance et les droits de l’Homme. Le Forum est, entre autres, chargé de coordonner le programme du gouvernement contre le racisme et de former le personnel scolaire et les fonctionnaires au racisme tout au long de l’histoire et jusqu'à aujourd’hui.

Le médiateur pour l’égalité est un organisme gouvernemental qui travaille au nom du Parlement et du gouvernement suédois pour promouvoir l’égalité des droits et des chances et lutter contre la discrimination. Il fournit de l’information et des conseils sur la loi sur la discrimination et peut recevoir et instruire des plaintes.

La Suède a développé une très vaste palette d'actions visant à réduire les discriminations, chacune sous l'autorité d'un organisme public en liaison avec des ONG et d'autres représentants de la société civile : l’agence nationale pour l’éducation, le conseil suédois des médias, qui a lancé récemment la campagne « No Hate Speech Movement », le conseil national du logement, de l’immeuble et de l’urbanisme, le conseil suédois des arts, etc.

La Suède ne pratique pas la technique du testing.

Quelques mesures dérogatoires de discrimination positive ont été pratiquées, mais seulement dans le domaine de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le rôle des collectivités locales est d'autant plus important que leurs compétences couvrent plusieurs domaines sociaux (logement, aides aux personnes défavorisées, etc.). Il peut également se produire que le gouvernement sous-traite aux autorités locales certaines compétences en matière de lutte contre les discriminations. C'est ainsi que le conseil d’administration du comté de Stockholm a reçu pour mandat du gouvernement de coordonner la stratégie nationale d’inclusion de la communauté rom.

Il y a cinq minorités nationales officielles en Suède : les Juifs, les Roms, les Samis, les Finlandais suédois et les Tornedalers. La loi sur les minorités nationales et les langues minoritaires prévoit le droit des minorités à l’information, la protection de la culture et de la langue et le droit des minorités à la participation sociale et économique au sein de la société suédoise.

Enfin, s'agissant des statistiques, la loi suédoise n'autorise qu'à de très rares exceptions la collecte des données dites « sensibles », dont font partie celles se référant à des appartenances ethniques.

  1. Mesure et répression des actes racistes

La police suédoise a formé des enquêteurs à la spécificité des crimes haineux.

Les registres de la police peuvent faire mention de la catégorie des crimes qui y sont collationnés, mais ces mentions n'ont pas vocation à être utilisées à des fins statistiques. En conséquence, les données relatives aux crimes racistes sont obtenues par des enquêtes menées par des organismes indépendants, qui donnent lieu à la rédaction de rapports, publiables ou non.

La supervision des services de police s'effectue à deux niveaux :

‑ un niveau interne à l'autorité de police, par le département des enquêtes spéciales ;

‑ un niveau externe, par l'Ombudsman désigné par le Parlement.

Ces deux entités sont habilitées à recevoir des plaintes de particuliers, et de s'autosaisir d'investigations.

  1. Éducation et mémoire

Les droits de l'Homme et la lutte contre les discriminations sont inscrits dans les programmes de la scolarité obligatoire en primaire et secondaire, en tant que thèmes transversaux.

Le gouvernement encourage les établissements d'enseignement à organiser des visites de lieux de mémoire comme Auschwitz par exemple.

La Suède n'a pas adopté de lois mémorielles.

Jusqu’à présent, la Suède n’a pas eu de musée officiel qui traite spécifiquement de l’antisémitisme, du racisme ou de l’esclavage.

En 2019, le ministère de la culture a lancé une enquête officielle sur la façon dont un musée, pour préserver et transmettre la mémoire de l’Holocauste, pourrait être mis en place.

Par ailleurs, le forum international de Malmö pour la mémoire de la Shoah et la lutte contre l’antisémitisme, qui devait se tenir en octobre 2020, a été reporté à l'automne 2021 en raison de la pandémie de coronavirus. Il doit rassembler des dirigeants et responsables d’une cinquantaine de pays membres ou observateurs de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Des chercheurs, des experts et des représentants de la société civile devraient également y participer.

Suisse

  1. Définition et sanction du racisme

« Au même titre que la plupart des législations européennes, la Constitution suisse emploie le terme de "race" dans la disposition qui interdit la discrimination fondée sur des caractéristiques physiques, sociales, linguistiques, culturelles, ethniques et historiques. Cependant, les débats sur la licéité de cet usage sont fréquents, car comme la notion de "race", prise en tant que catégorie biologique, ne repose sur aucune base scientifique, elle est en soi raciste. Inversement, l’abandon de cette notion risquerait de remettre en question l’existence même du racisme et de la discrimination raciale en tant qu’expériences concrètes vécues par les victimes. » (citation de la réponse du Parlement suisse)

L’interdiction de la discrimination raciale repose notamment sur les normes légales suivantes :

         interdiction constitutionnelle de discriminer (art. 8 de la Constitution fédérale) ;

         protection de la personnalité en droit civil (art. 27 et 28 du code civil) ;

         norme pénale contre le racisme (art. 261bis du code pénal) ;

         ordonnance sur les projets en faveur des droits de l'Homme et de la lutte contre le racisme.

Sont punissables, non seulement les actes mais aussi les déclarations discriminatoires ou humiliantes faites en public et qui menacent la paix sociale à long terme.

La lutte contre le racisme s'applique effectivement à l'antisémitisme, à la haine contre les musulmans, et aussi au « racisme anti-blancs » ou assimilé : en 2000, une personne a été condamnée à 10 mois de prison pour avoir traité un jeune de « Suisse de m… » et insulté son pays, « cette Suisse de m… ».

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

« Le Service de lutte contre le racisme (SLR) de l’administration fédérale conçoit, lance et soutient des mesures de prévention dans de nombreux domaines de la vie quotidienne. Le SLR travaille en collaboration avec les services compétents de la Confédération, des cantons, des villes et des communes, ainsi qu’avec des organisations de la société civile. »

Depuis le 1er janvier 2014, chaque canton dispose en plus d’un programme cantonal d’intégration définissant l’ensemble des mesures à même de favoriser l'intégration des migrants en situation régulière.

La Suisse ne pratique ni le testing, ni la discrimination positive.

Les statistiques ethniques ne sont pas autorisées.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Tous les deux ans, le Service de lutte contre le racisme publie un rapport sur la discrimination raciale en Suisse.

Il n'existe pas d'institution indépendante de supervision au niveau national des services de police, ces derniers étant de la compétence des cantons et des communes.

  1. Éducation et mémoire

Le racisme fait partie des thèmes abordés en cours d'histoire. Le Service de lutte contre le racisme octroie des aides financières pour des projets scolaires liés à la lutte contre le racisme et la promotion des droits humains.

La Suisse n'a pas adopté de loi mémorielle.

République tchèque

Nota Bene : « En raison de circonstances historiques, la société tchèque est très homogène sur le plan ethnique. Les tensions sociales et raciales les plus importantes existent entre la population majoritaire et la minorité Rom. La minorité Rom est soumise à une vaste discrimination et environ la moitié de sa population vit dans des ghettos, a peu d’éducation et fait face à la pauvreté, à une criminalité élevée, etc. La République tchèque a également très peu d’expérience avec la colonisation, la décolonisation ou l’esclavage. » (citation de la réponse du Parlement tchèque)

  1. Définition et sanction du racisme

Il n’y a pas de définition du racisme dans le droit tchèque.

Plusieurs lois se réfèrent pourtant à cette notion, qui constitue en outre une circonstance aggravante pour la sanction des crimes.

A titre d'exemple, l'article 356 du code pénal dispose entre autres que « Quiconque incite publiquement à la haine à l’égard d’une nation, d’une race, d’un groupe ethnique, d’une religion, d’une classe ou d’un autre groupe de personnes ou incite à la suppression des droits et libertés de ses membres est condamné à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans. »

Les catégories énumérées permettent d'y inclure l'antisémitisme, le rejet des musulmans et éventuellement le racisme « anti-blancs ».

Les crimes racistes sanctionnés par la loi sont notamment les violences physiques, l'incitation à la haine, la diffamation, les menaces, les humiliations, etc.

La loi anti-discrimination énumère une très longue liste des secteurs sociaux, sanitaires, économiques, juridiques, culturels et linguistiques dans lesquels elle s'applique

  1. Organisation institutionnelle de la lutte contre le racisme et les discriminations et type de politiques publiques utilisées

La loi anti-discrimination précise qu'une personne victime de discrimination peut porter sa demande devant un tribunal civil. En particulier, il peut chercher à s’abstenir de la discrimination, à remédier aux conséquences de la conduite discriminatoire et à recevoir une indemnisation appropriée. Si la réputation, la dignité ou le respect d’une personne dans la société ont été lésés, cette personne a également droit à une indemnisation pécuniaire pour préjudice. Il est également possible de demander l’aide d’une personne morale qui protège les droits des victimes de discrimination ou de demander de l’aide au défenseur public des droits de l’Homme. 

Quatre organes publics sont concernés par la lutte contre le racisme et la discrimination :

‑ le conseil du Gouvernement de la République tchèque pour les droits de l’Homme, chargé, entre autres, de surveiller le respect de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale par la République tchèque ;

‑ le conseil gouvernemental pour les minorités, chargé de promouvoir les droits des minorités nationales, composé pour moitié de représentants des minorités reconnues en République tchèque (Biélorusses, Bulgares, Croates, Hongrois, Allemands, Polonais, Roms, Ruthènes, Russes, Grecs, Slovaques, Serbes, Ukrainiens et Vietnamiens) ;

‑ le conseil gouvernemental pour les affaires des minorités Roms ;

‑ le défenseur public des droits de l’Homme, qui apporte son aide aux victimes.

S'agissant plus particulièrement de la communauté Rom, le gouvernement a adopté en 2015 une stratégie d’intégration du peuple Rom à la société pour la période 2015 – 2020. Cette stratégie contient de nombreuses mesures visant à l’amélioration du statut socio-économique de la minorité Rom. Plus précisément, elle vise à éliminer la discrimination dans l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et aux services sociaux. Elle prévoit également une plus grande participation des autorités locales à la résolution des problèmes des communautés Roms, en particulier en ce qui concerne l’existence de ghettos et l’exclusion sociale. Selon cette Stratégie, le gouvernement devrait également mettre en œuvre une forme de discrimination positive au profit de la minorité Rom.

Le recours aux pratiques de testing, utilisées sporadiquement par le défenseur public des droits de l'Homme dans des affaires civiles, sont très controversées dans la société tchèque. Appelés à trancher, les tribunaux ont déclaré ces pratiques conformes à la loi.

Les instances régionales et locales sont mobilisées pour la mise en œuvre des pratiques anti-discrimination dans un cadre de proximité. Elles y sont aidées par l'agence pour l’inclusion sociale du ministère du développement régional.

Les recensements de population comportent une question relative à l'appartenance ethnique ou nationale, mais son renseignement est facultatif.

  1. Mesure et répression des actes racistes

Jusqu'à présent la police ne fait pas de distinction sur la nature des infractions, qu'elles soient en rapport avec le racisme ou non.

Le gouvernement a récemment mis en œuvre une stratégie nationale de lutte contre l’extrémisme et les préjugés haineux, qui comporte plusieurs mesures s'appliquant aux services de police, afin de la rendre mieux réceptive aux questions de racisme afin notamment d'encourager les victimes à porter plainte.

  1. Éducation et mémoire

Education

Le programme d’études pour les écoles primaires contient un thème transversal « éducation multiculturelle ». L’éducation sur le racisme et l’antisémitisme font partie du cours d’histoire de l’école primaire supérieure. La tolérance et le respect des droits de l’Homme sont inclus dans les cours d’histoire et d'instruction civique.

Loi mémorielle

On peut recenser, à ce titre, la loi n° 198/1993 sur l’illégalité du régime communiste et sur la résistance menée contre lui.

Musée

Un musée a été établi sur l'emplacement du camp de concentration nazi de Terezin.

 


—  1  —

   avis du défenseur des droits n° 20-11 émis
pour l’audition par la mission d’information

    


Paris, le 11 décembre 2020

 

 

Avis du Défenseur des droits n°20-11

 

 

 

La Défenseure des droits,

 

 

Vu l'article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

 

Vu la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ;

 

Auditionnée par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter,

Emet l’avis ci-joint.

 

La Défenseure des droits,

 

 

Claire HÉDON

 

 

 

1

Table des matières

  1.  LES COMPÉTENCES DU DEFENSEUR DES DROITS EN MATIERE DE DISCRIMINATIONS
    LIÉES À L’ORIGINE..................................................... 3

Racisme et discrimination : de quoi parle –t-on ?............................ 4

Les discriminations raciales sur le plan juridique............................. 4

Les discriminations raciales : le poids des stéréotypes........................ 5

  1. LES DIFFÉRENTES FORMES DE DISCRIMINATION LIÉES À L’ORIGINE................ 6

État des lieux des saisines adressées au Défenseur des droits sur les discriminations liées à l’origine en 2020                            6

Domaines d’intervention et évolution de la jurisprudence en matière de discriminations liées à l’origine                            6

L’ampleur des discriminations liées à l’origine dans la société française.......... 8

  1. QUELLES POLITIQUES PUBLIQUES ET QUELS LEVIERS POUR LUTTER
    CONTRE LES DISCRIMINATIONS FONDEES SUR L’ORIGINE ?.................... 10

Aucune politique publique dédiée........................................ 10

Les limites du recours au contentieux..................................... 10

La lutte contre les discriminations fondées sur l’origine doit ainsi devenir une priorité politique                            11

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2

Le Défenseur des droits travaille depuis de nombreuses années sur la question des discriminations fondées sur l’origine. Il a publié de nombreux travaux sur ces enjeux, notamment le récent rapport intitulé « Discriminations et Origines : l’urgence d’agir », publié en juin 2020.

La crise sanitaire actuelle et les périodes de confinement qui en ont résulté ont mis en lumière les inégalités sociales et exacerbé les discriminations subies en particulier par les personnes d’origine étrangères ou perçues comme telles. Le racisme anti-asiatique a notamment pris une ampleur nouvelle, allant des insultes et des agressions dans l’espace public au harcèlement des enfants à l’école. Des études récentes ont aussi mis en évidence la surexposition des personnes d’origine immigrée au risque sanitaire et à la maladie, en raison des fortes inégalités qu’elles subissent dans l’emploi, le logement ou la santé. Pour résumer, cette crise n’a fait qu’amplifier une réalité trop souvent ignorée ou minimisée.

Comme l’ont documenté de nombreuses études, les discriminations raciales restent massives en France et affectent la vie quotidienne et les parcours de millions d’individus.

Il y a donc urgence à agir et à défendre le droit à la pleine participation des citoyens et résidents de toutes origines.

Il convient donc en premier lieu de clarifier quel est le champ de compétences du Défenseur des droits en matière de discriminations fondées sur l’origine (I). L’analyse de ses saisines et de ses rapports permettent d’avoir une vision sur l’ampleur des discriminations fondées sur l’origine dans la société française (II) et sur cette base le Défenseur des droits formule une série de recommandations qui semblent fondamentales pour lutter efficacement contre ces discriminations (III).

 

I LES COMPÉTENCES DU DÉFENSEUR DES DROITS EN MATIÈRE DE DISCRIMINATIONS LIÉES À L’ORIGINE

 

Le Défenseur des droits dispose, en tant qu’autorité administrative indépendante, des missions et pouvoirs spécifiques qui lui permettent de déployer des canaux d’action et des réseaux différents de ceux mobilisés par les autres acteurs engagés dans la lutte contre les discriminations.

Le Défenseur des droits intervient pour lutter contre les manifestations du racisme lorsqu’elles prennent la forme de discriminations fondées sur l’origine.

 

 

 

 

3

Racisme et discrimination : de quoi parle –t-on ?

 

La discrimination fondée sur l’origine se distingue en partie du racisme.

Le racisme renvoie à une idéologie ou à un système de domination fondés sur une hiérarchisation des groupes en raison de leur prétendue origine ou « race ». Il constitue donc un phénomène complexe, aux manifestations multiples (qui englobent à la fois des propos, des pratiques, des attitudes, des préjugés, des idéologies et des discriminations). 

La loi différencie les discriminations des autres manifestations du racisme, et les juges ne les appréhendent pas de la même façon.

 

 

Les discriminations raciales sur le plan juridique

En matière de racisme, le Défenseur des droits mobilise quant à lui le droit de la non-discrimination issu du droit européen : il défend les droits des personnes et le principe de l’égalité de traitement garantis par la loi.

La discrimination fondée sur l’origine est caractérisée juridiquement comme une inégalité de traitement en raison d’un critère prohibé (ici l’origine) dans un certain nombre de contextes définis par la loi (emploi, logement, accès aux biens et services, etc.). Pour ne donner qu’un exemple, dans le domaine de l’emploi, cela peut se traduire par un refus d’embauche ou de promotion en raison de l’origine du candidat ou de la candidate.

La discrimination, telle qu’elle est définie par la loi du 27 mai 2008, pourra être sanctionnée, que cette inégalité de traitement soit volontaire ou non, consciente ou non. Le droit de la discrimination permet ainsi de viser des pratiques en apparence neutres et des mesures du quotidien, souvent plus insidieuses ou invisibles.

Les discriminations fondées sur l’origine peuvent être appréhendées non seulement par le critère de l’origine mais également par d’autres critères prohibés de discrimination tels que l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race ; l’apparence physique ; le nom ; la nationalité ; l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée ; le lieu de résidence ; la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

 

 

4

Néanmoins, les discriminations fondées sur l’origine et le racisme forment un continuum et certains sociologues qualifient ainsi la discrimination de « racisme en acte ».

 

Ainsi que le démontrent les résultats du dernier Baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi réalisé par le Défenseur des droits et l’OIT, les discriminations s’inscrivent souvent dans un continuum d’attitudes hostiles comprenant des préjugés et des stéréotypes, des propos et des comportement stigmatisants, des situations de dévalorisation, pouvant in fine constituer un harcèlement discriminatoire au travail.

 

D’après la loi, le harcèlement discriminatoire est une forme de discrimination et se définit comme : « Tout agissement lié à [un motif prohibé], subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Suite aux recommandations du Défenseur des droits, les agissements n’ont désormais pas besoin d’être répétés pour qu’une situation puisse être qualifiée de harcèlement discriminatoire, un acte unique jugé particulièrement grave peut suffire [Décision du Défenseur des droits MLD-2014-105 du 31 juillet 2014, Cour d’appel de Rennes n° 14/00134, 10 décembre 2014].

Les discriminations raciales : le poids des stéréotypes

 

Les discriminations raciales ne se réduisent pas à une question de nationalité ou de parcours migratoire. Elles touchent à la fois la population étrangère ou d’origine étrangère (près de 21 % de la population française selon l’INSEE) mais aussi l’ensemble des générations nées de parents français comme les résidents des outre-mer et qui sont perçus comme ayant une origine différente.

La discrimination fondée sur l’origine vise des individus non pour ce qu’ils font mais pour ce qu’ils sont ou sont supposés être. Elle repose donc sur la mise en œuvre de stéréotypes associés aux individus en fonction de signes extérieurs sur lesquels ils n’ont pas de prise (couleur de peau, traits du visage, texture des cheveux, patronyme, prénom, accent) ou de caractéristiques socio-culturelles (religion, lieu de résidence), qui laissent supposer une origine étrangère. 

La vigilance quant à la banalisation des stéréotypes et la prévention des discriminations doit se faire le plus tôt possible. Deux dispositifs pilotés par le Défenseur des droits contribuent à la sensibilisation des jeunes à la lutte contre les stéréotypes et à la promotion de la culture des droits et de l’égalité : le programme des Jeunes ambassadeurs des droits dit JADE et la plateforme pédagogique Educadroit.

 

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Le Défenseur des droits a également mis en place un site internet intitulé Egalite contre le racisme qui constitue un véritable centre de ressources en matière de connaissance juridique et de moyens d’action. Il centralise les informations et propose des réponses adaptées, qui couvrent les différentes manifestations du racisme. Il s’adresse ainsi à toutes celles et ceux souhaitent agir, qui sont témoins ou qui subissent des propos ou actes racistes.

 

II LES DIFFÉRENTES FORMES DE DISCRIMINATION LIÉES À L’ORIGINE

 

État des lieux des saisines adressées au Défenseur des droits sur les discriminations liées à l’origine en 2020

Sur l’ensemble des dossiers reçus au siège de janvier à septembre 2020, 12% des réclamations concernent le champ des discriminations. L’origine est invoquée dans 12% des cas de discrimination, soit le deuxième critère de discrimination après le handicap (19%).

Toutefois, si l’on prend en considération à la fois les discriminations liées à la nationalité (6,4% des saisines), aux convictions religieuses (2,6%), à l’apparence physique (2,5%), au patronyme (0.7%) ou au lieu de résidence (3.4%), l’origine, dans une acceptation large, concerne environ 28% de nos saisines en matière de discriminations pour 2020.

Domaines d’intervention et évolution de la jurisprudence en matière de discriminations liées à l’origine

 

Parmi l’ensemble des saisines reçues en 2020 pour discrimination à raison de l’origine, l’emploi est le domaine majoritairement invoqué avec 39% des saisines reçues visant l’emploi privé et 21% l’emploi public. Sont également concernés l’accès aux biens et services privés (11%) et le logement (10%).

Depuis sa création, le Défenseur des droits est intervenu sur de nombreuses thématiques relatives aux discriminations fondées sur l’origine. Les observations que l’institution a pu produire devant les juridictions saisies par les victimes ont contribué :

-          non seulement à présenter la grille de lecture du droit européen des discriminations devant les juges

 

 

 

 

 

6

-          mais également à faire avancer la jurisprudence et les pratiques sur certains enjeux.

 

Voici quelques exemples emblématiques de la diversité des dossiers de discriminations liées à l’origine instruits par le Défenseur des droits : 

 

-          Les refus d’inscription à l’école par les maires d’enfants Roms résidant dans des campements ou des hôtels : les différentes enquêtes menées suite à des saisines ont permis de conclure notamment :

 

-          Le comportement discriminatoire de forces de l’ordre : en 2018, le Défenseur des droits est notamment intervenu après avoir été saisi d’une situation relative à des ordres, des consignes et des mentions discriminatoires émanant d’un commissariat de police parisien visant l’éviction systématique de Roms et de SDF (décision 2019090 du 2 avril 2019). L’enquête menée a permis de conclure à la pratique d’un « profilage racial et social » de 2012 à 2018 par une brigade de police secours et protection (BPSP).

 

-          Les discriminations fondées sur l’apparence physique, avec notamment une décision-cadre sur l’apparence physique rendue publique en 2019 qui a été particulièrement saluée par les employeurs et partenaires sociaux. Elle est venue rappeler que « les exigences et restrictions obéissant à des normes euro-centrées dans l’emploi sont susceptibles de caractériser des discriminations directes fondées sur l’apparence physique mais également des discriminations indirectes fondées sur l’origine ».

Cette décision-cadre décrit des situations concrètes auxquelles les employeurs peuvent être confrontés et propose des recommandations sur certaines formes spécifiques de discriminations fondées sur l’origine ou sur la religion, notamment celles liées au port de la barbe ou à la coiffure des cheveux. Concernant ce dernier point, le Défenseur des droits souligne que les exigences et restrictions obéissant à des normes euro-centrées dans l’emploi sont susceptibles de caractériser des discriminations directes fondées sur l’apparence physique mais également des discriminations indirectes fondées sur l’origine.

 

 

 

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Dans cette décision-cadre, le Défenseur des droits rappelle le cadre légal en précisant qu’une certaine présentation peut être exigée selon les secteurs professionnels mais les restrictions doivent toujours répondre à une finalité légitime et être nécessaires, appropriées et proportionnées.

L’institution recommande également aux employeurs de définir dans un document écrit toutes les contraintes et restrictions éventuelles en matière d’apparence physique et de présentation qui sont justifiées par la nature de l’emploi occupé ou la tâche à accomplir.

 

-          Et enfin, la reconnaissance de la discrimination systémique en 2019, concernant la situation de 25 travailleurs maliens dans le secteur du BTP. Suivant les observations du Défenseur des droits, le Conseil de Prud’hommes de Paris a reconnu dans son jugement du 17 décembre 2019 la « discrimination raciale et systémique » dont ils ont été victimes [Décision MLD-2019-108].

Cette décision concerne la situation de 25 travailleurs maliens en situation irrégulière dans le secteur du BTP et a permis de faire avancer dans la jurisprudence la notion de discrimination systémique. Au terme de son enquête, et à la lumière des études sociologiques sur la place de ce groupe de travailleurs sans papiers maliens dans le secteur du BTP, le Défenseur des droits a mis en évidence l’existence d’un système d’organisation et de hiérarchisation des tâches de chacun sur le chantier, non en fonction des compétences, mais en fonction des origines réelles ou supposées, le groupe de travailleurs sans papiers maliens étant affecté et maintenu aux tâches les plus pénibles et dangereuses.

 

-          Les discriminations fondées sur la religion : les décisions instruites par le Défenseur des droits ont notamment concerné les collectivités territoriales :

 

L’ampleur des discriminations liées à l’origine dans la société française

Bien que très diversifiées dans leur objet et leurs motifs, les saisines reçues par le Défenseur des droits pour discrimination liées à l’origine ne révèlent que la partie « émergée » de ce phénomène : elles ne rendent compte que de situations explicitement identifiées, dénoncées grâce aux démarches entreprises par la personne qui les a subies, ce qui suppose qu’elle connaisse ses droits et les moyens à sa disposition pour former un recours. 

 

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Au-delà des saisines, les enquêtes et les études, qu’elles soient menées par le Défenseur des droits, le monde de la recherche ou ses organismes de la statistique publique, permettent de saisir l'ampleur des discriminations dans l'emploi, qui dépasse largement le nombre de réclamations que le Défenseur des droits reçoit.

Ce constat est corroboré par toutes les enquêtes : les personnes perçues comme non-blanches sont désavantagées dans l’intégralité des sphères de la vie sociale : dans l’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation ou à certains biens et services, mais également dans leurs rapports avec les institutions et les forces de l’ordre. Elles sont ainsi davantage exposées au chômage, à la précarité sociale, à de mauvaises conditions de logement, à un état de santé plus dégradé et à des contrôles policiers plus fréquents.

Par ailleurs, les discriminations fondées sur l’origine se combinent aussi à d’autres formes de discriminations et d’inégalités, liées aux ressources économiques, au statut dans l’emploi, au genre, à l’orientation sexuelle, à la religion, et produisent ainsi des inégalités collectives durables. Certaines personnes se trouvent au croisement de différentes formes de discrimination et sont ainsi particulièrement exposées aux processus de stigmatisation et d’exclusion. Il est donc nécessaire de privilégier une approche intersectionnelle des discriminations, à l’instar des études que le Défenseur des droits a pu pu mener sur la question. Pour ne donner qu’un chiffre, les femmes de 18 à 44 ans vues comme noires, arabes ou asiatiques ont ainsi une probabilité 2,5 fois plus élevée d’expérimenter des discriminations dans l’emploi que les femmes vues comme blanches.

Il est également nécessaire de considérer ces discriminations dans une perspective systémique, autrement dit dans un cadre plus large qui prenne en considération :

 

 

 

L’expérience répétée des discriminations et leur nature systémique ont des conséquences délétères et durables sur les parcours individuels et la société. Pour les personnes concernées, la discrimination se traduit à la fois par une « perte de bien-être » et « une perte de chance », autrement dit par des efforts décuplés pour trouver un emploi ou un logement, des temps de transport plus longs, des sentiments de colère, de perte de confiance en soi ou de découragement, de l’autocensure et une altération éventuelle de la santé mentale et physique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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III Quelles politiques publiques et quels leviers pour lutter contre les discriminations fondées sur l’origine ?

 

Quelles politiques publiques et quels leviers faut-il alors mettre en place pour lutter efficacement contre les discriminations raciales dans leur dimension systémique ?

 

Deux constats doivent tout d’abord être rappelés.

Aucune politique publique dédiée

 

Malgré l’adoption des directives européennes en 2000, les discriminations raciales n’ont fait l’objet d’aucune politique publique dédiée, contrairement à ce qui a été mis en place depuis quelques années en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle.

 

La concurrence d’autres paradigmes, particulièrement celui de la promotion de la diversité, est venue freiner l’émergence d’une véritable politique de lutte contre les discriminations fondées sur l’origine. La mobilisation politique sur ces questions a été rapidement reléguée aux territoires de la politique de la ville et s’est progressivement effacée au bénéfice d’une approche centrée sur les enjeux républicains de sécurité, de laïcité et d’antiracisme.

Les limites du recours au contentieux

 

Par ailleurs, la voie du contentieux constitue un levier insuffisant pour lutter contre des discriminations de dimension systémique. Le droit anti-discriminatoire a connu de nombreuses évolutions depuis vingt ans, mais le recours à la justice reste une démarche lourde et douloureuse pour les victimes. Le taux de non-recours demeure très élevé (parmi les personnes ayant rapporté avoir vécu une discrimination en raison de leur origine dans l’emploi, seules 12% environ ont entamé une démarche judiciaire).

 

De nombreux facteurs permettent de comprendre les limites du recours judiciaire : la complexité de la preuve (notamment au pénal), la faiblesse des sanctions et des indemnités ainsi que le coût financier et psychologique pour la victime sont autant d’obstacles à l’efficacité du recours juridictionnel.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Certaines contraintes et spécificités de la rhétorique du droit pénal, notamment les exigences particulièrement lourdes de la preuve de l’intention discriminatoire dans la jurisprudence actuelle, rendent le recours pénal peu opérationnel.

 

Malgré la création des pôles anti-discrimination mis en place au sein des parquets depuis plus de 10 ans, peu d’affaires sont instruites, et très peu sont poursuivies avec succès. Les rares victoires restent donc symboliques et les peines minimales qui sont prononcées n’ont pas d’effet dissuasif.

 

L’action de groupe en matière de discrimination au travail représente, à l’instar de la « class-action » américaine, un outil avec un potentiel majeur, à la fois curatif et préventif. Elle pourrait conférer aux recours une forme et une portée inédites pour lutter contre des discriminations structurelles et collectives et remettre en cause les pratiques qui les génèrent et les favorisent.

 

Cependant, le dispositif créé en 2016 présente plusieurs limites, qu’il s’agisse des filtres d’accès au recours, réservé aux associations et aux syndicats, de l’absence de financement public ou encore de la complexité de la procédure. À l’heure actuelle, à peine quelques actions de groupe ont été initiées, et aucune ne vise des situations de discriminations fondées sur l’origine. Il est donc indispensable que l’action collective évolue pour devenir un outil d’intervention efficace à l’avenir.

 

La lutte contre les discriminations fondées sur l’origine doit ainsi devenir une priorité politique

 

Il est donc urgent de faire de la lutte contre les discriminations fondées sur l’origine une priorité politique. Elle doit mobiliser l’ensemble des organisations, des administrations et des acteurs de la société civile, et l’État doit faire preuve à cet égard d’une parfaite exemplarité.

 

Afin de lutter contre les discriminations dans leur dimension systémique, il apparaît crucial de lutter conjointement sur deux fronts, en déployant à la fois :

 

A cet égard, plusieurs recommandations ont été formulées dans le dernier rapport du Défenseur des droits.

 

 

 

 

 

 

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Plusieurs leviers doivent ainsi être actionnés et conjugués :

 

 

Enfin, un des axes prioritaires de cette lutte contre les discriminations raciales est d’agir en collaboration étroite avec les acteurs de la société civile et les associations engagées sur le terrain. Depuis 2017, le Défenseur des droits a mis en place un comité d’entente réunissant deux fois par an des associations engagées dans la lutte contre les discriminations liées à l’origine et à la religion. Ce comité constitue une instance de dialogue et de concertation avec les associations qui permet d’alimenter une réflexion fructueuse et de replacer la lutte contre les discriminations au centre de ces enjeux. Quelles que soient les différentes approches promues par ces associations, ces échanges permettent de dessiner un horizon commun, celui d’une société sans discriminations raciales.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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([1])  Proposition de résolution visant à lutter contre l’antisémitisme, n° 2403 du 12 novembre 2019. Résolution nº 361, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre l’antisémitisme, le 3 décembre 2019.

([2]) Audition du 9 septembre 2020, compte rendu n° 20.

([3])  CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, rapport sur l’année 2019, 2020.

([4])  CNCDH, rapport précité.

([5]) Audition du 12 janvier 2020, compte rendu n° 12.

([6])  Elle a également interrogé nos partenaires au sein de nos partenaires du Conseil de l’Europe dans le cadre du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP), réseau documentaire géré par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

([7])  Léon Poliakov, « Brève histoire des hiérarchies raciales », Le Genre humain, vol. 1, n° 1, 1981, p. 70-71 ; Jean Deligne, Esther Rebato, et Charles Susanne, « Races et racisme », Journal des anthropologues, n° 1, 2001, pages 217-218.

([8])  Dominique Schnapper, sociologue et politologue, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), membre honoraire du Conseil constitutionnel, Table ronde pour une approche sociologique du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([9])  David Hamelin et Sébastien Jahan, « La fabrique européenne de la race (17e-20e siècles) : Introduction », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 146, 2020, § 9.

([10])  Antoine Furetière, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, À la Haye et à Rotterdam, chez Arnout & Reinier Leers, 1690, vol. 2.

([11])  Yves Ternon, « Penser, classer, exclure. Origine du racisme biologique », Revue d’Histoire de la Shoah, n° 2, 2005, page 30.

([12])  David Hamelin et Sébastien Jahan, « La fabrique européenne de la race (17e-20e siècles) » ; art. cit., § 10.

([13])  Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Imprimerie et libraire de Firmin Didot frères, imprimeurs de l’Institut de France, 1835, vol. 2, page 553.

([14]) Audition du 9 juillet 2020, compte rendu n° 7.

([15])  David Hamelin et Sébastien Jahan, « La fabrique européenne de la race (17e-20e siècles) » ; art. cit., § 10.

([16])  Carole Reynaud-Paligot, « Anthropologie raciale et savoirs biologiques », Arts et Savoirs, 2020, pages 1‑2.

([17])  Frédéric Régent, historien, maître de conférences et directeur de recherche, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), précise : « Virey, qui publie un essai sur l’espèce humaine en 1801, dénombre cinq races : les Européens occidentaux, les Européens d’Europe de l’Est, une troisième race dans laquelle il met à la fois les Arabes, les Chinois, les anciens Aztèques, Mayas, Incas et Égyptiens, une quatrième race formée des Nègres et Cafres et une cinquième race, assez étonnante, qui regroupe à la fois les Hottentots et les Lapons. Ces races sont définies selon des critères de civilisation. » Table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([18])  Frédéric Régent, historien, table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([19])  Frédéric Régent, Table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([20])  Carole Reynaud-Paligot, « Anthropologie raciale et savoirs biologiques », art. cit., page 2-7.

([21])  Catherine Coquery-Vidrovitch, professeure émérite d’histoire de l’Afrique subsaharienne de l’université Paris Diderot (Université de Paris), membre du conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, table ronde du 9 septembre 2020, compte rendu n° 20.

([22]) Historienne et sociologue à l’université de Bourgogne, co-commissaire scientifique de l’exposition « Nous et les autres, des préjugés au racisme » au Musée de l’Homme à Paris.

([23])  Carole Reynaud-Paligot, table ronde du 8 septembre 2020, compte rendu n° 15.

([24])  Carole Reynaud-Paligot, « La République et la « science des races » 1860-1930 », Robert Belot (éd.), Tous républicains ! Origine et modernité des valeurs républicaines, Armand Colin, 2011, page 279.

([25])  Carole Reynaud-Paligot, « La République et la « science des races » 1860-1930 », art.cit., pages 278-280.

([26]) Audition du 17 septembre 2020, compte rendu n° 24.

([27])  Carole Reynaud-Paligot, « La construction de l’identité nationale et raciale en France, aux XIXe et XXe siècles », dans Sylvie Laurent (éd.,), De quelle couleur sont les blancs ? Des « petits Blancs » des colonies au « racisme anti-Blancs ». La Découverte, 2013, pages 224-227.

([28])  André Pichot, « L’homme en tant que genre zoologique, un itinéraire », Revue d’Histoire de la Shoah, n° 2, 2005, page 184.

([29])  Yves Ternon, « Penser, classer, exclure. Origine du racisme biologique », art. cit., pages 37-45.

([30])  Yves Ternon, « Penser, classer, exclure. Origine du racisme biologique », art. cit., page 43.

([31])  Gwen Terrenoire, « L’eugénisme en France avant 1939 », Revue d’Histoire de la Shoah, n° 2, 2005, pages 62-64.

([32])  Dominique Schnapper, Table ronde pour une approche sociologique du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([33])  Michel Wieviorka, sociologue, président de la fondation Maison des sciences de l'Homme, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Table ronde pour une approche sociologique du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([34])  Pierre-André Taguieff, Antisionisme radical et islamisme, ou la haine antijuive au XXIe siècle. Contribution aux travaux de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter, 8 septembre 2020, page 29.

([35]) Steven Englund,. « De l’antijudaïsme à l’antisémitisme, et à rebours », Annales. Histoire, Sciences Sociales, n° 4, 2014, page 917.

([36])  Pierre-André Taguieff, Antisionisme radical et islamisme, ou la haine antijuive au XXIe siècle., 8 septembre 2020, page 30.

([37])  Bertrand Tillier, « Images et vocabulaire de l’antisémitisme », dans Bertrand Tillier (dir.) La Républicature : La caricature politique en France, 1870-1914, Paris, CNRS Éditions, 1997, § 2-3.

([38])  Steven Englund, « De l’antijudaïsme à l’antisémitisme, et à rebours », art. cit., page 902.

([39])  Yves Ternon, « Penser, classer, exclure. Origine du racisme biologique », art. cit., pages 42-43.

([40])  Carole Reynaud-Paligot, « L’émergence de l’antisémitisme scientifique chez les anthropologues français », Archives Juives, n° 1, 2010, pages 67-68.

([41])  Pierre-André Taguieff, Antisionisme radical et islamisme, ou la haine antijuive au XXIe siècle, 8 septembre 2020, page 30.

([42])  Pierre-André Taguieff, Antisionisme radical et islamisme, ou la haine antijuive au XXIe siècle, 8 septembre 2020, page 29.

([43])  Pierre-André Taguieff, Antisionisme radical et islamisme, ou la haine antijuive au XXIe siècle, 8 septembre 2020, page 5.

([44])  Nina Valbousquet, « Tradition catholique et matrice de l’antisémitisme à l’époque contemporaine », Revue d’histoire moderne & contemporaine, n° 2-3, 2015, page 73

([45])  Édouard Drumont, La France juive, Paris, Flammarion, 1887, t. II, page 443.

([46])  Pierre Birnbaum, « D’un antisémitisme a l’autre dans la France contemporaine », Lignes, n° 4, 1990, p.184-185 ; Bertrand Tillier., « Images et vocabulaire de l’antisémitisme », art.cit., § 8-§9.

([47])  Michel Dreyfus, « L’antisémitisme à gauche… aussi » dans Gilles Manceron et Emmanuel Naquet (dir.), Être dreyfusard hier et aujourd’hui, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, § 1-3.

([48])  Emmanuel.Debono, Introduction au dossier « Années Trente. L’emprise sociale de l’antisémitisme », Archives Juives, n° 1, 2010, page 6.

([49])  Emmanuel Debono, Introduction au dossier « Années Trente. L’emprise sociale de l’antisémitisme », art. cit., p. 4 et « Les dynamiques de l’antisémitisme à l’œuvre dans les années 30 », Archives Juives, n° 2, 2007, p.110-111 ; Carole Reynaud-Paligot, « L’émergence de l’antisémitisme scientifique chez les anthropologues français », Archives Juives, n° 1, 2010, p. 67-68 et p. 70-72 ; Rita Thalmann, « Xénophobie et antisémitisme sous le Front populaire », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 6, 1986, pages 18-19.

([50])  André Chassaigne, rapport d’information n° 989 sur la proposition de loi (n° 218) de MM. André Chassaigne, Marc Dolez et plusieurs de leurs collègues, tendant à la suppression du mot « race » de notre législation, 2013, page 8 : « La loi du 2 juin 1941 édicte par la suite une définition plus précise, en spécifiant qu’est « regardé comme étant de race juive le grand-parent ayant appartenu à la religion juive » et qu’est également regardé comme juif « celui ou celle qui appartient à la religion juive et qui est issu de deux grands-parents de race juive ».

([51])  Jean Marcou, « La “qualité de Juif”. L’antisémitisme d’État, de la propagande au droit positif », Le Genre humain, n° 30-31, 1996, pages 155-164.

([52])  Muriel Pichon, Les Français juifs (1914-1950) : Récit d’un désenchantement, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2009, chapitre « La guerre, les persécutions, la traque, l’extermination – 1939-1944 », § 82 et § 106-119.

([53])  Mémorial de la Shoah, « Les Juifs en France dans la Shoah, disponible sur : http://www.memorialdelashoah.org/archives-et-documentation/quest-ce-que-la-shoah/juifs-de-france-shoah.html [consulté le 19 décembre 2020].

([54])  Édouard Husson, « L’extermination des malades et des handicapés par les nazis (« opération T 4 ») : un lieu de mémoire négligé », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 181, 2004, page 166.

([55])  United States Holocaust Memorial, « Victimes de l’époque nazie : l’idéologie raciale nazie », « Le génocide des Tsiganes européens, 1939-1945 » et « Museum, Documenter le nombre de victimes de l’Holocauste et des persécutions nazies », Encyclopédie multimédia de la Shoah, disponible sur : https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/victims-of-the-nazi-era-nazi-racial-ideology ;

https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/genocide-of-european-roma-gypsies-1939-1945 et https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/documenting-numbers-of-victims-of-the-holocaust-and-nazi-persecution [consulté le 12 janvier 2021]

([56])  Paul Weindling, « Migration, race et génocide : l’émergence d’un nouveau discours sur les droits de l’homme », dans Étrangers et sociétés : Représentations, coexistences, interactions dans la longue durée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, § 15.

([57])  Yann Jurovics, « Le crime contre l’humanité, définition et contexte », Les Cahiers de la Justice, vol. 1, n° 1, 2011, page 48. 

([58])  Dominique Schnapper, Table ronde pour une approche sociologique du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3 ; Michel  Wieviorka, Le racisme, une introduction, Paris, La Découverte, 1998, chapitre 1.

([59])  Jean Deligne, Esther Rebato, et Charles Susanne, « Races et racisme », Journal des anthropologues, vol. 84, 2001, § 22-24.

([60])  Pierre-André Taguieff, « Du racisme au mot « race » : comment les éliminer ? Sur les premiers débats et les premières Déclarations de l’Unesco (1949-1951) concernant la « race » et le racisme », Mots, n° 33, 1992, pages 217-223.

([61])  Dominique Schnapper, Table ronde pour une approche sociologique du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([62])  « Une histoire des racismes et antiracismes. Entretien avec Emmanuel Debono réalisé par Marie Poinsot », Hommes & migrations, n° 1310, 2016, page 148.

([63])  Emmanuel Naquet, « La Ligue des Droits de l’homme et l’école de la République dans la première moitié du XXe siècle », Histoire@Politique, vol. 9, n° 3, 2009, pages 4-5 et 13-17.

([64])  Emmanuel Debono, « Les origines de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) », Histoire@Politique, vol. 2, 2007.

([65])  « Une histoire des racismes et antiracismes. Entretien avec Emmanuel Debono réalisé par Marie Poinsot », art. cit., page 148.

([66])  Jean Ehrard dans Bernard Gainot, Marcel Dorigny, Jean Ehrard et Alyssa Goldstein Sepinwall, » Lumières et esclavage », Annales historiques de la Révolution française, n° 380, 2015, page 152.

([67])  Condorcet, Réflexions sur l’esclavage des Nègres. Par M. Schwartz, pasteur du Saint-Évangile à Bienne, Neufchâtel, Société typographique, 1781, pages III-IV.

([68]) Mamadou Kabirou Gano,. « L’impensé d’un humanisme, l’autre paradoxe de Condorcet. Considérations autour des Réflexions sur l’esclavage des Nègres », Topique, n° 4, 2016, p. 19-30. ; Joseph Jurt, « La lutte des écrivains contre l’esclavage dans la France prérévolutionnaire : de Prévost à Condorcet », dans Natascha Ueckmann et Romana Weiershausen (dir.), Les Révoltes d’esclaves dans la littérature, J.B. Metzler, 2020, pages 59-63.

([69])  Frédéric Régent, « Préjugé de couleur, esclavage et citoyennetés dans les colonies françaises (1789‑1848) », La Révolution française, n° 9, 2015, § 21-22.

([70])  Frédéric Régent, « Préjugé de couleur, esclavage et citoyennetés dans les colonies françaises (1789‑1848) », art. cit., § 53-61.

([71])  Décret du 12 Germinal an II, disponible sur : http://artflsrv02.uchicago.edu/cgi-bin/philologic/contextualize.pl?p.46.baudouin0314.306684

([72])  Pierre Serna, « Que s’est-il dit à la Convention les 15, 16 et 17 pluviôse an II ? Ou lorsque la naissance de la citoyenneté universelle provoque l’invention du « crime de lèse-humanité » », La Révolution française, n° 7, 2014, §40-46.

([73])  Benjamin Stora, Table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([74])  Gilles Manceron, « Introduction », dans 1885 : le tournant colonial de la République. Jules Ferry contre Georges Clemenceau, et autres affrontements parlementaires sur la conquête coloniale, Paris, La Découverte, 2006, pages 6-11.

([75])  Ibid, page 17.

([76])  Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in extenso, Paris, 29 juillet 1885, page 1668.

([77])  Séance de la chambre des députés du 30 juillet 1885, Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in extenso, Paris, 31 juillet 1885, pages 1681-1682.

([78])  Benjamin Stora, Table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([79])  Dominique Schnapper, audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([80])  Questionner le racisme. Essai et anthologie, Gallimard, 2000

([81])  Le racisme, une introduction, Michel Wieviorka, La découverte, 1998.

([82])  Les discriminations font l’objet du III du présent rapport.

([83])  Audition du 21 juillet 2020, compte rendu n° 9.

([84])  Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 14.

([85])  Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 14.

([86])  Extrait de l’audition du 21 juillet 2020 : « Ce que j’appelle racisme, au sens d’une idéologie, est la conjonction de six propositions : premièrement, l’humanité se divise en groupes, dont les membres ont en commun des propriétés essentielles, intrinsèques et innées ; deuxièmement, ces propriétés sont immuables, inchangeables, à l’échelle de l’individu, sur une vie entière ; troisièmement, ces propriétés sont héritables, transmises biologiquement à l’échelle intergénérationnelle, par la reproduction biologique ; quatrièmement, ces propriétés déterminent des aptitudes, des capacités et des comportements ; cinquièmement, ces aptitudes, capacités et comportements permettent d’établir une hiérarchie entre les groupes ; sixièmement, la hiérarchie justifie la domination de groupes par d’autres. »

([87])  Audition du 21 juillet 2020, compte rendu n° 9.

([88])  Audition du 21 juillet 2020, compte rendu n° 9.

([89])  Dominique Schnapper au cours de l’audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 2.

([90])  Audition du 5 novembre 2020, compte rendu n° 45.

([91])  Audition du 5 novembre 2020.

([92])  The New Racism, Martin Barker, Junction Books, 1981.

([93])  Pierre-André Taguieff, La Force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, Gallimard, 1990.

([94])  Le racisme, une introduction, Michel Wieviorka, La découverte, 1998, page 32.

([95])  Pierre-André Taguieff, « Race » : un mot de trop ?, CNRS éditions, 2018, chapitre 2, « L’antiracisme « scientifique », dogmes et dérives. »

([96])  Dominique Schnapper au cours de son audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([97])  Le racisme, une introduction, Michel Wieviorka, La découverte, 1998, page 37.

([98])  Black Power : the Politics of Liberation in America, Stokely Carmichael et Charles V. Hamilton, Grove, 1967.

([99])  Le racisme, une introduction, Michel Wieviorka, La découverte, 1998, page 30.

([100])  Audition du 21 juillet 2020, compte rendu n° 9.

([101])  Audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([102])  Audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 22.

([103])  Page 8. Le rapport cite les travaux de Mme Danièle Lochak, La race : une catégorie juridique ? in Mots, n° 33, Sans distinction de…race, Presses de la FNSP, décembre 1992, p. 293-294.

([104])  N° 911 déposé le 9 mai 2018.

([105])  Voir notamment l’article 86 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et l’article 171 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([106])  Proposition de loi de M. Michel Vaxès n° 623 du 13 février 2003 tendant à la suppression du mot « race » de notre législation, et proposition de loi précitée de M. André Chassaigne.

([107])  Elle dispose en son article 2 que « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

([108])  COM (2020), 565 final, 18 septembre 2020.

([109])  Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. On peut également citer la directive 2012/29/UE sur les droits des victimes, pour assurer protection et soutien aux victimes de crimes et de discours haineux.

([110])  Proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council on a Single Market For Digital Services (Digital Services Act) and amending Directive 2000/31/EC, COM (2020) 825 final, 15 décembre 2020.

([111])  Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).

([112])  La loi sur la liberté de la presse réprime :

– en son article 24, le fait d’avoir provoqué par des propos ou écrits publics à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ou l’une de ces deux peines seulement) ;

– en son article 32, le fait d’avoir par des propos ou écrits publics diffamé une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ou l’une de ces deux peines seulement) ;

– en son article 33, le fait d’avoir par des propos ou écrits publics injurié une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende)

Le code pénal prévoit en son article 132-76 une circonstance aggravante de racisme de caractère dit général. Les discriminations fondées sur une appartenance ou une non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée sont notamment réprimées par l’article 225-1 du code pénal (voir la partie III du présent rapport).

([113])  Audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([114])  Audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([115])  Voir le rapport sur la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet (n° 1785) par Mme Laetitia Avia, 19 juin 2019.

([116])  CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, rapport sur l’année 2019, 2020.

([117])  CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, rapport sur l’année 2019, 2020.

([118])  Audition du 23 juillet 2020, compte rendu n° 12.

([119])  Audition du 23 juillet 2020, compte rendu n° 12.

([120])  Audition du 23 juillet 2020, compte rendu n° 12.

([121])  Ainsi, Harris interactive interroge régulièrement un échantillon de 1 000 Français sur l’actualité et leur demande ce qui les a marqués. Le sondeur observe quels sont les événements de l’actualité qui sont restitués.

([122])  Audition du 29 septembre 2020, compte rendu n° 33.

([123])  Audition de M. Dominique Sopo, président de SOS Racisme, et Mme Pauline Birolini, responsable du pôle juridique, 9 septembre 2020, compte rendu n° 18.

([124])  Audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([125])  https://www.cncdh.fr/fr/publications/rapport-2019-sur-la-lutte-contre-le-racisme-lantisemitisme-et-la-xenophobie.

([126])  Rapport n° 2440 de la commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires, 2019, page 114.

([127]) Les crédits du Programme des interventions territoriales de l’État (PITE) sont notamment passés de 2,1 millions d’euros en 2018 à 2,8 millions d’euros en 2019 et 3,1 millions d’euros en 2020 pour financer les actions inscrites dans la feuille de route en Guadeloupe et en Martinique. Une enveloppe supplémentaire de 2 millions d’euros est également prévue pour permettre à la population des Antilles de réaliser gratuitement des tests de dosage sanguin de chlordécone, dont la mise en œuvre effective a débuté en novembre 2020.

([128])  Loi n° 2013-453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer.

([129])  CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, rapport sur l’année 2019, 2020, pages 123-143.

([130])  Résumé de l’étude, pages 2-4.

([131])  Résumé de l’étude, page 7.

([132])  Audition du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([133])  M. Frédéric Potier, préfet, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), audition du 24 septembre 2020, compte rendu n° 31.

([134])  Les actions sont définies comme les atteintes aux personnes et dégradations matérielles.

([135])  Les menaces sont définies comme les tags, insultes, intimidations.

([136])  La statistique recense les « actions » (homicides, attentats et tentatives d’attentats, incendies, dégradations, violences et voies de fait) et les « menaces » (propos, gestes menaçants et démonstrations injurieuses, inscriptions, tracts et courriers).

([137])  Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 13.

([138])  Radiographie de l’antisémitisme en France, Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique et Simone Rodan-Benzaquen, directrice AJC Europe, 2020.

([139])  Audition du 28 octobre 2020, compte rendu n° 41.

([140])  Audition du 8 septembre 2020 : « Nous n’avons pas de chiffres sur les retours mais, pour connaître assez bien l’alya francophone en Israël, j’estime qu’il y a de 15 à 30 % de retours, ce qui est beaucoup. »

([141])  Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 13.

([142])  L’Archipel français, Naissance d’une nation multiple et divisée, Jérôme Fourquet, Seuil, 2019.

([143])  Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 13 : « La communauté de Seine-Saint-Denis a perdu 80 % de sa population depuis dix ans. Sur 300 familles juives à La Courneuve en 2010, il n’en reste plus que 80 aujourd’hui. En moyenne sur l’ensemble du département, le chiffre est de 80 % ».

([144])  Extrait de l’audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 13 : « « les signes extérieurs de judéité sont effacés. Par exemple, on ne montre plus l’étoile de David, on range la kippa derrière une casquette. Les juifs sont de plus en plus nombreux à retirer la mezouzah de leur porte et à la mettre à l’intérieur alors qu’elle se trouve traditionnellement à l’extérieur du chambranle. Dans les écoles juives, la consigne est de se disperser immédiatement à la sortie. »

([145])  Michel Wieviorka, Pour une démocratie de combat, Robert Laffont, 2020.

([146])  Union des étudiants juifs de France.

([147])  Audition du 29 septembre 2020, compte rendu n° 33. Enquête IFOP Les Français et l’antisémitisme conduite en 2019 pour le journal Marianne ; enquête conduite pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et SOS Racisme Regards sur les préjugés antisémites 10 ans après la mort d’Ilan Halimi, 2016.

([148])  Audition du 29 septembre 2020, compte rendu n° 33.

([149])  Emmanuel Brenner, Les territoires perdus de la République, Mille et une nuits, 2002, réédité en 2015, Pluriel.

([150])  Audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([151])  Pierre-André Taguieff, La nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits, 2002.

([152])  Pierre-André Taguieff, « Retour sur la nouvelle judéophobie », dans Cités 2002/4 (n° 12), pages 117 à 134.

([153])  Nonna Mayer, Nouvelle judéophobie ou vieil antisémitisme ?, Raisons politiques, Presses de Science Po, 2004, page 92.

([154])  Mayer, Nonna, Vieux et nouveaux visages de l’antisémitisme en France, in Blanchard, Pascal, Bancel, Nicolas, Thomas, Dominic (dir.), Vers la guerre des identités ? De la fracture coloniale à la révolution ultranationale, Paris, La Découverte, 2016, p. 89-100.

([155])  CNCDH, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2019, 2020.

([156])  Proposition de résolution visant à lutter contre l’antisémitisme, n° 2403 du 12 novembre 2019. Résolution nº 361, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre l’antisémitisme, le 3 décembre 2019.

([157])  Les trente et un États membres, dont la France, de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste ont adopté le 26 mai 2016 une définition opérationnelle de l’antisémitisme :

« L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. »

([158])  Le caractère raciste a été reconnu par la justice en 2018.

([159])  Image plus fréquemment associée aux Chinois – 34 % des personnes interrogées – qu’aux Asiatiques – 24 % d’entre elles.

([160])  Il n’y a pas de score associé aux minorités Asiatiques pour l’indice de tolérance.

([161])  Audition de Mme Ya-Han Chuang, sociologue, post-doctorante à l’Institut national d’études démographiques à l’Institut national d’études démographiques (INED) et de Mme Simeng Wang, chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), coordinatrice du réseau de recherche pluridisciplinaire Migrations de l’Asie de l’Est et du Sud-Est en France, 7 juillet 2020, compte rendu n° 5.

([162])  Audition du 7 juillet 2020, compte rendu n° 5.

([163])  Table ronde réunissant : Mme Antonya Tioulong, vice-présidente du Haut conseil des Asiatiques de France et M. Pascal Liu, membre ; Mme Laetitia Chhiv, présidente de l’Association des jeunes Chinois de France (AJCF) et M. Daniel Tran, vice-président ; M. Zhongfei Zhang, président de l’Union des jeunes Chinois en France (UJCF) et de Mme Angelina Cai, déléguée générale, 17 septembre 2020, compte rendu n° 26.

([164])  CNCDH, Rapport sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2019, 2020, page 85.

([165])  Procès de l’attentat de Charlie Hebdo.

([166])  Audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([167])  Pour antisémitisme, la définition est la suivante : « Attitude d’hostilité systématique envers les Juifs, les personnes perçues comme telles et/ou leur religion. »

([168])  Audition du 24 septembre 2020, compte rendu n° 31.

([169])  Audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 74.

([170])  CNCDH, Rapport sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2013, 2014. Le CERD, souligne la CNCDH, rappelle que ces deux formes de discrimination relèvent d’instruments internationaux différents : la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, s’agissant des discriminations religieuses.

([171])  Audition de M. Tommaso Vitale, sociologue, professeur associé à Sciences Po, membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) ; M. Marcel Courthiade, professeur de langue et civilisation rromani à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), commissaire pour la langue et la justice linguistique de l’Union rromani internationale, membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH).

([172])  CNCDH, Rapport sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2019, 2020, page 93.

([173])  Les questions posées dans le cadre de l’enquête portent sur les Roms, d’une part, et les gens du voyage, d’autre part.

([174])  Recommandation CM/Rec (2020)2 du Comité des ministres aux États membres sur l’intégration de l’histoire des Roms et/ou des Gens du voyage dans les programmes scolaires et les matériels pédagogiques, 1er juillet 2020.

([175])  81 % des victimes sont de nationalité française.

([176])  Les chiffres pour 2020 n’ont pas été reproduits, d’une part parce qu’ils ne sont pas disponibles pour la totalité de l’année, d’autre part parce qu’il nous a été expliqué que les évolutions constatées ne sont pas pertinentes compte tenu de l’incidence mal mesurée des périodes de confinement.

([177])  La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, rapport sur l’année 2019, paru en juin 2020, page 159.

([178])  Facebook, Community Standards Enforcement Report, November 2020.

([179])  Commission européenne, Countering illegal hate speech online 5th evaluation of the Code of Conduct, juin 2020.

([180])  Rappel à la loi (dans 62 % des cas), sanction non pénale (15 % des cas) ou composition pénale (8 % des cas).

([181]) Contribution du ministère de la justice au rapport 2020 de la CNCDH.

([182])  Contribution du ministère de la justice au rapport 2020 de la CNCDH.

([183])  Menée depuis la rentrée 2007 auprès des chefs d’établissement, cette enquête recueille des données sur les incidents graves survenus en milieu scolaire, dans une définition plus large que les seuls actes de violence. Ils peuvent concerner l’usage d’une arme ou d’un objet dangereux comme des situations de harcèlement. En outre, une motivation à caractère raciste, xénophobe ou antisémite est une circonstance aggravante et suffit à retenir l’incident dans le dispositif SIVIS. (Rapport de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2017 –contribution du ministère de l’Éducation nationale, p. 4)

([184])  Elle est réalisée par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports auprès des élèves. Rapport de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2017 –contribution du ministère de l’Éducation nationale, p. 8.

([185])  Table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 50.

([186])  Fabienne Rosenwald, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 50.

([187])  Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse- direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, « 94 % des collégiens déclarent se sentir bien dans leur collège », note d’information n° 17.30, décembre 2017, p. 3.

([188])  Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse- direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, « Résultats de l’enquête de climat scolaire et victimation auprès des lycéens pour l’année scolaire 2017-2018 » note d’information n° 18.33, décembre 2018, p. 3.

([189]) Article 1er de la Constitution de 1958.

([190])  Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, audition du 17 novembre 2020, compte rendu n° 48.

([191])  Dominique Schnapper, audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([192])  Rousseau, Du contrat social, livre II, chapitre 2.

([193])  M. Tariq Modood, professeur de sociologie à l’université de Bristol, audition du 26 novembre 2020, compte rendu n° 57.

([194])  Citations extraites de l’audition de M. Amin Maalouf (27 octobre 2020, compte rendu n° 39).

([195]) M. Tariq Modood, professeur de sociologie à l’université de Bristol, audition du 26 novembre 2020, compte rendu n° 57.

([196])  Ce rapport, remis en 2016, montre que le « laisser-faire » du Royaume-Uni en matière de communautarisme a conduit à une véritable « ségrégation de fait » dans certains quartiers et à la promotion de certaines pratiques « régressives ».

([197])  Jean-Pierre Chevènement, président de la fondation Res publica, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 81.

([198])  Trevor Phillips, Race and Faith, 2016.

([199])  Cette analyse est à rapprocher du témoignage de M. Georges Bensoussan : « Ce déni de nos élites est très frappant alors même que les principaux intéressés, ceux qui connaissent ces communautés, disent que cette réalité existe, qu’il faut la combattre et que nous ne pouvons pas la combattre tant que nous ne la nommons pas. Nous ne pourrons trouver les remèdes que si nous désignons réellement le mal […] certaines prises de position vous condamnent à la mort sociale, même quand vous êtes relaxé devant le tribunal » (audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 13).

([200])  Il apparaît qu’au Royaume-Uni, la distinction entre une communauté ethnique et une communauté religieuse est moins nette qu’en France, comme le confirme M. Tariq Modood : « En Grande-Bretagne, nous faisons en sorte de traiter l’identité religieuse de la même façon que l’identité ethnique » (audition du 26 novembre 2020, compte rendu n° 57).

([201])  Trevor Phillips, audition du 26 novembre 2020, compte rendu n° 54.

([202])  Philippe Canard, Yves Colmou, Ariane Azéma, Hervé Mecheri, Évaluation du plan interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, décembre 2017.

([203])  Jean-Pierre Chevènement, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 81.

([204]) Circulaire du 10 janvier 2020 relative à la protection de la laïcité et à la lutte contre la radicalisation et le communautarisme, adressée aux procureurs.

([205])  Circulaire du 27 novembre 2019 relative à la lutte contre l’islamisme et contre les différentes atteintes aux principes républicains, adressée aux préfets.

([206]) N° 3649 rect.

([207])  Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH, audition du 17 septembre 2020, compte rendu n° 25.

([208])  Dominique Schnapper, audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([209])  Dominique Schnapper, audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([210])  Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([211])  Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH, audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 22.

([212])  Mario Stasi, audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([213])  Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([214])  Amin Maalouf, audition du 27 octobre 2020, compte rendu n° 39.

([215])  « Ce multiculturalisme du laisser-faire a des aspects négatifs : laisser les gens vivre en communauté n’est pas toujours une bonne solution, car cela peut créer des phénomènes de ségrégation raciale permanente », audition du 26 novembre 2020, compte rendu n° 54.

([216])  M. Mario Stasi, audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([217]) Vice-amiral d’escadre Philippe Hello, audition du 3 novembre 2020, compte rendu n° 44.

([218])  François Héran, Dominique Meurs, Diversité et parité au ministère de l’intérieur, 2009, passage cité par Sebastian Roché, Romain Maneveau, et Arthur Persais, Initiatives en faveur d’une meilleure égalité dans et devant la police, Open Society Foundations, 2019, p. 25.

([219])  Un exemple remarquable d’intégration a été donné à la mission d’information par le témoignage de M. Kofi Yamgnane, fils de paysans togolais devenu maire d’une commune bretonne et secrétaire d’État aux affaires sociales et à l’intégration : « Je n’ai pas vécu en ville et je n’ai pas fait l’expérience du racisme de manière aussi dure que les gens la racontent. Je suis fils de paysans venus du Togo. Je vis dans une région agricole et je crois dans les civilisations paysannes. Si j’observe mes administrés travailler, ils n’ont pas besoin de venir m’expliquer leurs problèmes – je les connais car je suis issu de la même culture agricole qu’eux. Cela a beaucoup participé à mon intégration, une intégration douce qui a pris son temps. J’ai épousé une Bretonne et je suis chrétien baptisé. Tout cela a dû contribuer, chaque élément en ses moyens, à cette intégration. » (audition du 26 novembre 2020, compte rendu n° 55).

([220]) Audition du 9 septembre 2020, compte rendu n° 18.

([221]) Christophe Guilluy, La France périphérique, Comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion, 2016.

([222]) M. Patrick Simon, sociodémographe, directeur de recherche à l'Institut national d’études démographiques (INED) et responsable du département Integer (Intégration et discriminations) à l'Institut des migrations. Audition du 21 juillet 2020, compte rendu n° 9.

([223]) Cheffe de l’unité des études démographiques et sociales de la direction des statistiques démographiques et sociales de l’INSEE.

([224])  Sylvie Le Minez, direction des Statistiques démographiques et sociales, Insee, Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques - Panorama d’une pratique ancienne, encadrée et évolutive, blog de l’INSEE, 16 juillet 2020, https://blog.insee.fr/statistique-publique-produit-des-statistiques-ethniques/

([225])  Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales à l’INSEE rappelait au cours de son audition : « Conformément à ce cadre, le recensement français, à la différence de ses équivalents britannique ou américain, ne comprend pas de question d’auto-déclaration d’appartenance à un groupe ethnoracial, à l’exception du recensement en Nouvelle-Calédonie, qui identifie des communautés d’appartenance au nom de l’intérêt public. », audition du 23 juillet 2020, compte rendu n° 12.

([226])  Comme celle d’un « peuple corse » (décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991).

([227])  Inégalités et discriminations Pour un usage critique et responsable de l’outil statistique, rapport du comité pour la mesure de la diversité et l’évaluation des discriminations (COMEDD) présidé par M. François Héran présenté à M. Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, 2010.

([228])  François Héran, audition du 9 juillet 2020, compte rendu n° 7.

([229])  Commission alternative de réflexions sur les « statistiques ethniques » et les discriminations (Carsed), Le retour de la race, éditions de L’Aube, 2009.

([230])  Hervé Le Bras, « Statistiques ethniques : au lieu de combattre le mal, on le renforce », Le Monde, 16 juin 2020.

([231])  Dominique Schnapper, audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([232])  Mesure de la diversité et protection des données personnelles Les dix recommandations de la CNIL,  16 mai 2007.

([233])  Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, considérant 29.

([234])  Commentaire de la décision n° 2007-557 du 15 novembre 2007, Les cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 24.

([235])  Loi nᵒ 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([236])  Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

([237])  Cette disposition, issue de l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 portant modification de la loi du 6 janvier 1978, n’a pas été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.

([238])  Formulation du paragraphe 1 de l’article 9 du RGPD. L’article 6 de la loi « informatique et libertés » dit : « qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique ».

([239])  Le caractère anonyme du traitement des données et la sécurité des données sont des conditions nécessaires à leur collecte. Le respect de ces conditions est contrôlé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

([240])  Pour mémoire, les immigrés sont, selon la définition du Haut conseil à l’intégration, « des personnes nées à l’étranger et résidant en France ».

([241])  Trajectoires et origines (TeO), Enquête sur la diversité des populations en France, sous la direction de Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon, INSEE et INED, 2016.

([242])  Audition du 9 juillet 2020, compte rendu n° 7.

([243])  Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales à l’INSEE, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 12.

([244])  Cris Beauchemin, table ronde du 2 juillet 2020, compte rendu n° 4.

([245])  Jean-Daniel Lévy, table ronde du 29 septembre 2020, compte rendu n° 33.

([246])  Cris Beauchemin, table ronde du 2 juillet 2020, compte rendu n° 4.

([247])  Cécile Riou, secrétaire générale adjointe de la CNCDH, audition du 17 septembre 2020, compte rendu n° 25.

([248])  Communication de la Commission européenne du 18 septembre 2020, relative au plan d’action de l’Union européenne contre le racisme 2020-2025, p. 18.

([249])  Jean-Daniel Lévy, table ronde du 29 septembre 2020, compte rendu n° 33.

([250])  Mathieu Gallard, table ronde du 29 septembre 2020, compte rendu n° 33.

([251])  Jean-Daniel Lévy, table ronde du 29 septembre 2020, compte rendu n° 33.

([252])  En particulier : Tommaso Vitale, table ronde du 9 juillet 2020, compte rendu n° 8 ; Marie-Anne MatardBonucci, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49 ; Bruno Modica, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49.

([253])  Pierre-Yves Bocquet, table ronde sur les lieux de mémoire et les musées du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([254])  Évelyne Hery « L’histoire dans les textes officiels de l’enseignement secondaire », dans Claire Andrieu, Marie-Claire Lavabre et Danielle  Tartakowsky, (dir.), Politiques du passé : Usages politiques du passé dans la France contemporaine, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2006, § 3.

([255])  Claire Andrieu, « Introduction : le pouvoir central en France et ses usages du passé, de 1970 à nos jours », dans Claire Andrieu, Marie-Claire Lavabre et Danielle Tartakowsky, (dir.), Politiques du passé : Usages politiques du passé dans la France contemporaine, op.cit., § 2.

([256])  G. Hanotaux et A. Martineau, Histoire des colonies françaises et de l'expansion de la France dans le monde, Paris, Plon, 1929-1934.

([257])  Isabelle Merle et Emmanuelle Sibeud, « Histoire en marge ou histoire en marche ? La colonisation entre repentance et patrimonialisation », dans Maryline Crivello, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt, (dir.). Concurrence des passés : Usages politiques du passé dans la France contemporaine, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2006, § 16.

([258])  J. Meyeret alii, Histoire de la France coloniale, des origines à 1914, Paris, Armand Colin, 1991 ; J. Thobie et alii, Histoire de la France coloniale, 1914-1990, Paris, Armand Colin, 1990.

([259])  Isabelle Merle et Emmanuelle Sibeud, « Histoire en marge ou histoire en marche ? La colonisation entre repentance et patrimonialisation », art. cit., § 20-25.

([260])  Ibid.,   §16-17.

([261])  Ibid., §2.5

([262])  Guy Pervillé, « Les historiens de la guerre d’Algérie et ses enjeux politiques en France », dans Maryline Crivello, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt, (dir.). Concurrence des passés : Usages politiques du passé dans la France contemporaine, op.cit., § 4.

([263])  Benjamin Stora, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, rapport remis au Président de la République le 20 janvier 2021, page 19. Dans son rapport, M. Benjamin Stora cite plusieurs travaux :

Benjamin Stora, Appelés en guerre d’Algérie, Paris, Gallimard- Découvertes, 1999.

Jean-Charles Jauffret, Soldats en Algérie, 1954-1962, Paris, Autrement, 2000.

Jean-Charles Jauffret et Maurice Vaïsse, Militaires et guérillas dans la guerre d’Algérie, Bruxelles, Complexe, 2001.

Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 2001.

Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, 2001.

Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre, Paris, Economica, 2002.

Guy Pervillé, Pour comprendre la guerre d’Algérie, Paris, Picard, 2002.

Vincent Quivy, Les soldats perdus de l’OAS, Paris, le Seuil, Paris, 2003.

Benjamin Stora et Mohammed Harbi (dir.), La guerre d’Algérie, fin d’amnésie, Paris, Robert Laffont, 2004

Tramor Quemeneur, Une guerre sans « non » ? : insoumissions, refus d'obéissance et désertions de soldats français pendant la guerre d'Algérie : 1954-1962, thèse de doctorat en histoire réalisée sous la direction de Benjamin Stora à l’université Paris 8, soutenue en 2007.

([264])  Benjamin Stora, table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([265])  Frédéric Régent, table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([266])  Benjamin Stora, table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([267])  Mme Dominique Rogers, directrice du département d’histoire à l’Université des Antilles, maître de conférences en histoire moderne, M. Érick Noël, historien, professeur à l’Université des Antilles, Mmes Elsa Juston, Laury Belrose et Stéphanie Belrose, professeures d’histoire-géographie.

([268])  Entretien avec M. Erick Noël, historien, professeur à l’Université des Antilles.

([269])  Marie-Anne Matard-Bonucci, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49.

([270])  Cette association, créée en 2019, promeut la collaboration de toutes les disciplines intéressées par l’étude des racismes dans le but de contribuer à la lutte contre le racisme par la publication d’une revue en ligne et d’ouvrage, l’organisation de conférences publiques et la formation auprès des personnels de l’enseignement. Site internet de l’association Alarmer : https://alarmer.org/a-propos/qui-sommes-nous/ 

([271])  Voir par exemple : Nicolas Bancel, Florence Bernault, Pascal Blanchard et alii, Ruptures postcoloniales. les nouveaux visages de la société française, Paris, La Découverte, 2010 et, en sens contraire : Jean-François Bayart, Les études postcoloniales. Un carnaval académique, Paris, Karthala, 2010.

([272])  Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([273])  Dominique Schnapper, Table ronde pour une approche sociologique du 2 juillet 2020, compte rendu n° 3.

([274])  Henriette Asséo, « L’avènement politique des roms (tsiganes) et le génocide. La construction mémorielle en Allemagne et en France », Le Temps des médias, 2005/2 n° 5, p. 88.

([275])Ifop,  « L’Europe et les génocides : le cas français », disponible sur : https://jean-jaures.org/sites/default/files/redac/commun/productions/2018/1220/rapport_genocide.pdf [consulté le 21 janvier 2021].

([276])  Marcel Courthiade, table ronde du 9 juillet 2020, compte rendu n° 8.

([277]) Benjamin Stora, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, rapport remis au Président de la République le 20 janvier 2021, page 90.

([278])  Crimes définis aux articles 6,7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3, 224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal.

([279])  Loi n° 54-415 du 14 avril 1954 consacrant le dernier dimanche d’avril au souvenir des victimes de la déportation et mortes dans les camps de concentration du IIIe Reich au cours de la guerre 1939-1945.

([280])  Loi n° 83-550 du 30 juin 1983 relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage et en hommage aux victimes de l’esclavage.

([281])  Décret n° 2019-1166 du 12 novembre 2019 portant suppression du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage.

([282])  Décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 relatif à la commémoration de l’abolition de l’esclavage.

([283])  Loi n° 2000-644 du 10 juillet 2000 instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux “Justes” de France.

([284])  Décret du 31 mars 2003 instituant une Journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives.

([285])  Décret n° 2003-925 du 26 septembre 2003 instituant une journée nationale d’hommage aux “morts pour la France” pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie, le 5 décembre de chaque année.

([286])  Décret n° 2005-547 du 26 mai 2005 instituant une journée nationale d’hommage aux “morts pour la France” en Indochine, le 8 juin de chaque année.

([287])  Décret n° 2006-388 du 31 mars 2006 fixant la date en France métropolitaine de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage.

([288])  Loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

([289])  Décret n° 2019-291 du 10 avril 2019 relatif à la commémoration annuelle du génocide arménien de 1915. 

([290])  Le comité est institué par le décret n° 2009-506 du 6 mai 2009 relatif au Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage et supprimé par le décret n° 2019-1166 du 12 novembre 2019 portant suppression du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage.

([291])  Serge Barcellini, « L’intervention de l’État dans les musées des guerres contemporaines », dans Jean-Yves Boursier (dir.). Musées de guerre et mémoriaux : Politiques de la mémoire, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2005, § 7-11.

([292])  Pascal Blanchard, audition du 17 septembre 2020, compte rendu n° 24.

([293])  Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([294])  Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([295])  Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur les relations franco-chinoises, à Xi’an le 8 janvier 2018, disponible sur : https://www.vie-publique.fr/discours/204688-declaration-de-m-emmanuel-macron-president-de-la-republique-sur-les-r .

([296])  https://www.seriefreresdarmes.com/

([297])  Pascal Blanchard, audition du 17 septembre 2020, compte rendu n° 24.

([298])  Serge Barcellini, « L’intervention de l’État dans les musées des guerres contemporaines », art. cit., § 8.

([299])  Jacqueline Lalouette, Un peuple de statues. La célébration sculptée des grands hommes (1804-2018), Paris, Mare et Martin, 2018.

([300])  Jacqueline Lalouette, « Il faut davantage de statues de personnalités noires », Sciences et Avenir, 16 juillet 2020, disponible sur : https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/jacqueline-lalouette-il-faut-davantage-de-statues-de-personnalites-noires_145194.

([301])  Par exemple le renversement de deux statues de Victor Schœlcher le 22 mai 2020, et des statues de Joséphine de Beauharnais et de Pierre Belain d'Esnambuc, le 26 juillet, à la Martinique. La statue de Colbert devant l’Assemblée nationale a été recouverte de peinture rouge le 23 juin 2020.

([302])  Krystel Gualdé, table ronde sur les lieux de mémoire et les musées du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([303])  « La statue de Colbert vandalisée devant l’Assemblée nationale », Le Monde, 24 juin 2020.

([304])  Discours du Président de la République à l’occasion de la célébration du 150ème anniversaire de la proclamation de la République, au Panthéon, 4 septembre 2020, disponible sur https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/09/04/150-ans-en-republique [consulté le 22 janvier 2021].

([305])  Frédéric Régent, table ronde pour une approche historique du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([306])  Jacqueline Lalouette, « Il faut davantage de statues de personnalités noires », Sciences et Avenir, 16 juillet 2020, disponible sur : https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/jacqueline-lalouette-il-faut-davantage-de-statues-de-personnalites-noires_145194.

([307])  Benjamin Stora, « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », rapport remis au Président de la République le 20 janvier 2021, p. 96.

([308])  « À Paris, une stèle va rendre hommage aux victimes du génocide khmer rouge », L’Express, disponible sur : https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/a-paris-une-stele-va-rendre-hommage-aux-victimes-du-genocide-khmer-rouge_2000068.html [consulté e 22 janvier 2021].

([309])  Antonya Tioulong, table ronde du 17 septembre 2020, compte rendu n° 26.

([310]) Communiqué de presse du 15 décembre 2020, « Nadia Hai lance la création du Recueil des noms des quartiers, des immigrations et des diversités territoriales », disponible sur : https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/nadia-hai-lance-la-creation-du-recueil-des-noms-des-quartiers-des-immigrations-et-des-diversites [consulté le 22 janvier 2021].

([311])  Simon Perego, « Le mémorial du martyr juif inconnu du milieu des années 1950 à la fin des années 1960 », Revue d’Histoire de la Shoah, 2010/2, n° 193, p. 475.

([312])  Jacques Fredj, table ronde sur les lieux de mémoire et les musées du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([313])  Krystel Gualdé, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([314])  http://memorial.nantes.fr/le-memorial-dans-la-ville/.

([315]) Sébastien Gokalp, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([316])  « Un Musée au Palais de la Porte Dorée », disponible sur : https://www.palais-portedoree.fr/fr/un-musee-au-palais-de-la-porte-doree.

([317])  Décret du 12 novembre 2019 portant reconnaissance d’une fondation comme établissement d’utilité publique.

([318])  Fondation pour la mémoire de l’esclavage, « Notre histoire », disponible sur : https://memoire-esclavage.org/notre-histoire.

([319])  Pierre-Yves Bocquet, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([320])  Dominique Sopo, audition du 9 septembre 2020, compte rendu n° 18.

([321])  Discours du Président de la République à l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, 10 mai 2019, disponible sur : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/05/10/ceremonie-a-loccasion-de-la-journee-nationale-des-memoires-de-la-traite-de-lesclavage-et-de-leurs-abolitions [consulté le 22 janvier 2021].

([322]) Pascal Blanchard, audition du 17 septembre 2020, compte rendu n° 24.

([323]) Mario Stasi, audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([324])  Marie-Anne Matard-Bonucci, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49.

([325])  Marie-Anne Matard-Bonucci, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49.

([326])  https://www.aphg.fr/

([327])  https://www.clionautes.org/

([328]) https://oliwonlakarayib.com/

([329]) M. Bruno Modica, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49.

([330]) Harris interactive pour Historia, « Les Français et l’Histoire », 2019, p. 13-14, p. 17 et p. 24, disponible sur : http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2019/04/Rapport_Harris-Les_Francais_et_l_Histoire_Historia_Synthese.pdf .

([331]) Bulletin officiel de l’Éducation nationale, Programme d’histoire-géographie de seconde générale et technologique, disponible sur education.gouv.fr.

([332])  Évelyne Hery « L’histoire dans les textes officiels de l’enseignement secondaire », dans Claire Andrieu, Marie-Claire Lavabre et Danielle Tartakowsky, (dir.), Politiques du passé : Usages politiques du passé dans la France contemporaine, op.cit., § 3-4.

([333]) Éducation nationale, programmes pour les cycles 2 3 et 4, p. 174, p. 17, p. 313 et p. 315 ; programmes d’histoire-géographie de : seconde générale et technologique, première générale, première technologique, terminale générale et terminale technologique [non paginés], disponibles sur education.gouv.fr.

([334])  Benoît Drouot, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49.

([335])  Noémie Madar, audition du 28 octobre 2020, compte rendu n° 41.

([336])  Pierre Mairat, audition du 22 septembre 2020, compte rendu n° 28.

([337])  Jacques Fredj, table ronde sur les lieux de mémoire et les musées du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([338]) À ce titre, il serait pertinent d’intégrer au programme du lycée un thème qui pourrait s’intituler : « De la fabrication d’altérités négatives au racisme contemporain, du Moyen-Âge à nos jours », Benoît Drouot, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 49.

([339]) La loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’Outre-Mer a donné la possibilité aux enseignants d’adapter les programmes scolaires d’histoire et de géographie aux spécificités locales.

([340]) Audition du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([341]) Krystel Gualdé, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([342]) Élisabeth Caillet, audition du 24 septembre 2020, compte rendu n° 32.

([343]) Sébastien Gokalp table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([344]) Sébastien Gokalp table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([345]) Sébastien Gokalp table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([346])  Krystel Gualdé, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([347]) Krystel Gualdé, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([348]) Sébastien Gokalp, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([349]) Visité par Mme la rapporteure en octobre 2020 en présence de Mme Marie-Hélène Léotin, membre du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique, chargée du patrimoine et de la culture, Mme Manuella Yung-Hung, directrice et Mme Jessica Pierre-Louis, historienne.

([350]) Évelyne Heyer, table ronde du 8 septembre 2020, compte rendu n° 15.

([351]) Évelyne Heyer, table ronde du 8 septembre 2020, compte rendu n° 15.

([352]) Sébastien Gokalp table ronde sur les lieux de mémoire et les musées du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([353]) Évelyne Heyer, table ronde du 8 septembre 2020, compte rendu n° 15.

([354]) Jacques Fredj, table ronde sur les lieux de mémoire et les musées du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([355])  Fabien Jobard, audition du 9 juillet 2020, compte rendu n° 6.

([356])  Fabien Jobard, audition du 9 juillet 2020, compte rendu n° 6.

([357]) Fabien Jobard, audition du 9 juillet 2020, compte rendu n° 6.

([358])  Le directeur de l’IOPC expliquait ainsi devant la mission d’information : « L’indépendance est garantie par le fait que le directeur de l’IOPC ne peut avoir travaillé pour la police et j’ai appliqué la même règle à mes équipes afin que nous n’apparaissions pas comme étant partiaux face aux affaires. Les anciens policiers travaillant pour l’institution (de 20 % à 25 % des fonctionnaires de l’IOPC, ce qui est relativement peu), qui mènent des enquêtes, n’ont pas de pouvoir de décision. Je réponds directement au Parlement, qui peut à tout moment me demander de rendre des comptes sur mon travail. Ces choix d’organisation expliquent que notre organisation bénéficie d’une grande confiance de la part du public. » Michael Lockwood, audition du 26 novembre 2020, compte rendu n° 56.

([359])  Christophe Peyrel, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.

([360])  Frédéric Régent, audition du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([361])  Source : Rapport annuel 2019 de l’IGPN, 2020, page 26.

([362]) Audition du général de corps d’armée Alain Pidoux, chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), 15 décembre 2020, compte rendu n° 76.

([363]) Audition du général de corps d’armée Alain Pidoux, 15 décembre 2020, compte rendu n° 76.

([364]) Contribution écrite de la DGPN adressée à la mission, en date du 18 décembre 2020.

([365]) Christophe Peyrel, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.

([366]) Christophe Peyrel, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.

([367])  « Il semble exister une diversité ethnique dans la police pour le bas de l’échelle professionnelle, mais aucune estimation statistique n’est disponible faute de statistiques ethniques » (Sebastian Roché, Romain Maneveau, et Arthur Persais, Initiatives en faveur d’une meilleure égalité dans et devant la police, Open Society Foundations, 2019).

([368])  Jérémie Gauthier, « Origines contrôlées. Police et minorités en France et en Allemagne », Sociétés contemporaines (2015).

([369])  Sébastien Baudoux, audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 67.

([370])  Exemple donné par M. Stanislas Gaudon, délégué général d’Alliance Police nationale, audition du 3 décembre 2020 , compte rendu n° 63.

([371]) Audition du général Gaspari, secrétaire général du CFMG, du 8 décembre 2020, compte rendu n° 67.

([372])  Tribune du 11 juin 2020, publiée dans Marianne.

([373])  Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 63.

([374])  Audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([375])  Par exemple, en 2015 le préfet Cadot a communiqué une instruction générale proscrivant le tutoiement à l’égard des personnes interpellées. Cette instruction « est régulièrement rappelée par la hiérarchie », Christophe Peyrel, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.

([376])  Comme la « charte de l’accueil du public » (voir infra).

([377])  « Le policier ou le gendarme rend compte à l’autorité investie du pouvoir hiérarchique de l’exécution des ordres reçus ou, le cas échéant, des raisons de leur inexécution. Dans les actes qu’il rédige, les faits ou événements sont relatés avec fidélité et précision. »

([378])  « Sur les 3 000 sanctions disciplinaires, en moyenne, qui sont prononcées par an dans la fonction publique, hors militaires, la moitié environ concerne des policiers. » Christophe Peyrel, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.             

([379])  Christophe Peyrel, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.

([380])  Sylvain Durante, audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 63.

([381])  Alain Pidoux, audition du 15 décembre 2020, compte rendu n° 76.

([382])  Audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.

([383])  Point souligné par Christophe Peyrel, par Thierry Clair et, pour la gendarmerie, par Alain Pidoux. Un équipage est composé, en principe, de trois personnes.

([384])  Général Gaspari, audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 67.

([385])  Voir les interventions du lieutenant-colonel Baudoux, audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 67.

([386])  À côté de ces différences de statut et de culture, la répartition territoriale des compétences – la police intervient principalement en ville, la gendarmerie en zone rurale et périurbaine –, implique également que les populations et les difficultés rencontrées ne soient pas les mêmes pour l’une et l’autre.

([387])  L’expression a été employée par la directrice de l’IGPN, audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 68.

([388])  Jérôme Moisant est le secrétaire national d’Unité SGP Police FO. Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 63.

([389])  Par exemple, une certaine « loi du silence » vaut aussi pour le signalement de policiers en situation de vulnérabilité dans le cadre du réseau « Sentinelles » visant à prévenir les risques de suicide.

([390])  Depuis 2018, la fonction de « référent racisme » est assurée par le « référent accueil ». Voir infra.

([391])  Ces plateformes auront permis de recueillir, en 2020, plus de 5 000 signalements pour la police (voir supra) et plus de 1 500 signalements pour la gendarmerie – ces chiffres augmentent tous les ans.

([392])  L’IGPN est composée de 285 agents, dont 75 % de policiers. Elle comprend environ 100 enquêteurs pour les enquêtes judiciaires, et autant pour les enquêtes administratives. L’IGGN, avec une centaine de personnes au total, est une structure plus petite, car sa compétence s’étend à un nombre moins élevé d’agents.

([393])  Audition de Brigitte Jullien, 10 décembre 2020, compte rendu n° 68.

([394])  La saisine a pour fondement l’article 40 du code de procédure pénale. Le procureur est de toute façon informé des conclusions d’une enquête administrative de l’IGPN quand elle prend fin.

([395])  Le chef de l’IGGN Alain Pidoux a ainsi rapporté devant la mission d’information l’exemple d’un officier puni de vingt jours d’arrêt et muté dans l’intérêt du service à cause d’un fait de discrimination qu’il n’avait pas traité de manière satisfaisante.

([396]) Lors de l’audition du 10 décembre 2020, la directrice de l’IGPN Brigitte Jullien indique que ce comité pourrait être composé ainsi : « un journaliste, deux magistrats, le Défenseur des droits, un maître des requêtes au Conseil d’État, une personnalité de la société civile désignée par le Conseil économique et social, un avocat et peut-être un représentant d’Amnesty International » (compte rendu n° 68).

([397])  Les études de M. Sebastian Roché ont été réalisées à Grenoble, Lyon, Marseille et Aix-en-Provence.

([398]) Audition du 9 juillet 2020, compte rendu n° 6. 

([399])  L’enquête Polis a été conduite en 2012. Ses résultats ont été publiés dans D. Oberwittler et S. Roché, « Experiences, perceptions and attitudes », European Society of Criminology newsletter, 2013 et dans l’ouvrage de Sebastian Roché De la police en démocratie (2016).

([400])  Enquête « Understanding and Preventing Youth Crime » effectuée avec 10 000 adolescents.

([401])  Enquête sur l’accès aux droits, volume 1, « Relations police / population : le cas des contrôles d’identité » (2017).

([402])  Le rapport du Défenseur des droits de 2020 Discriminations et origines, en revanche, mentionne une fois les « victimes de contrôle d’identité au faciès » (p. 72).

([403])  Sebastian Roché, Romain Maneveau, et Arthur Persais, Initiatives en faveur d’une meilleure égalité dans et devant la police, Open Society Foundations, 2019.

([404]) Voir la décision de la Cour d’appel de Paris du 24 juin 2015 et les décisions de la Cour de Cassation du 9 novembre 2016.

([405])  Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 71.

([406])  Fabien Jobard, René Lévy, John Lamberth et Sophie Névanen, « Mesurer les discriminations selon l’apparence : une analyse des contrôles d’identité à Paris », Institut national d’études démographiques, 2012. Les auteurs de l’étude ont suivi des policiers sans qu’ils s’en rendent et ont noté l’ensemble des contrôles qu’ils effectuaient, en notant à la fois les caractéristiques de la population contrôlée et de la totalité de la population présente lors du contrôle.

([407])  Audition de Fabien Jobard, 9 juillet 2020, compte rendu n° 6.

([408])  Étude précitée du Défenseur des droits (2017).

([409])  George Pau-Langevin, audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 71.

([410])  « Il pourrait être utile d’établir une cartographie des actions de police afin d’expliquer pourquoi telle communauté est plus citée que telle autre. Il faudrait pour cela des statistiques ethniques, qui permettraient de démontrer que les contrôles reflètent la composition de la population qui se trouve dans le quartier où ils s’effectuent » (Sylvain Durante, secrétaire général adjoint d’Alternative police CFDT, audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 63).

([411])  L’alinéa 7 précise : « pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens ». Cette précision ne semble pas de nature à restreindre les possibilités de contrôle, d’autant qu’elle n’est pas limitative (« notamment »).

([412])  En ce qui concerne les champs d’application respectifs des différents types de contrôle, si les contrôles d’identité de police administrative peuvent viser une personne se préparant à commettre une infraction contraventionnelle (et non un délit ou un crime) ou susceptible de fournir des renseignements sur une telle infraction, cela ne semble pas de nature à suffisamment justifier de leur utilité.

([413])  Audition de Fabien Jobard, 9 juillet 2020, compte rendu n° 6.

([414]) Audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 67.

([415]) Thierry Clair, secrétaire général adjoint de l’UNSA Police, audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 63.

([416]) Fabien Jobard, 9 juillet 2020, compte rendu n° 6.

([417])  Audition de Sebastian Roché, 9 juillet 2020, compte rendu n° 6.

([418])  Audition de Sarah Massoud, secrétaire nationale du syndicat de la magistrature, du 8 décembre 2020, compte rendu n° 66.

([419])  Audition de Sarah Massoud, 8 décembre 2020, compte rendu n° 66.

([420])  Audition de Brigitte Jullien, 10 décembre 2020, compte rendu n° 68.

([421])  Aux termes de l’article R. 434-16 du code pénal, la palpation effectuée dans le cadre du contrôle d’identité n’est pas une mesure d’investigation, mais une simple « mesure de sûreté ». Elle permet seulement de chercher la présence d’un « objet dangereux ».

([422]) Les modalités de l’enregistrement des activités de la police et de la gendarmerie par une « caméra piéton » sont prévues par l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure. Toutefois, comme le remarque Sebastian Roché (audition du 9 juillet 2020) : « Les caméras ne permettent pas de comprendre la sélection des personnes contrôlées, donc de répondre à la question du contrôle au faciès, mais simplement de documenter le moment de l’interaction ».

([423]) Cette obligation a été imposée par l’arrêté du 24 décembre 2013 relatif aux conditions et modalités de port du numéro d’identification individuel par les fonctionnaires de la police nationale, les ADS et les réservistes de la police nationale, pris en application de l’article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure.

([424])  Voir notamment infra, partie III-C.

([425])  La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2019, CNCDH, 2020, page 239.

([426]) Synthèse figurant en annexe au présent rapport.

([427])  La Charte des droits fondamentaux de l’Union reprenant les termes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la liberté d’expression et disposant, en matière de liberté d’information que « La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés. »

([428])  Audition de Nicolas Bonnal, 19 novembre 2020, compte rendu n° 51.

([429])  Voir par exemple la décision de la cour d’appel de Lyon du 1er avril 2016, prononçant une condamnation à une peine de trois mois d’emprisonnement pour les insultes « sale blanc » et « sale Français ».

([430])  Ces personnes forment alors une communauté d’intérêts (décision de la Cour de cassation du 10 avril 2013, n° 11-19530).

([431])  À savoir les articles R625-7, R625-8 et R625-8-1 respectivement pour les provocations, les diffamations et les injures non publiques à caractère raciste ou discriminatoire.

([432])  Les droits civiques énoncés au 2° et au 3° de l’article 131-26 du code pénal : le droit d’éligibilité, le droit d’exercer une fonction juridictionnelle ou d’être expert devant une juridiction, de représenter ou d’assister une partie devant la justice.

([433])  La totalité des crimes contre l’humanité, les crimes d’esclavage, et les crimes de guerre définis aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998.

([434])  À savoir les délits prévus au septième et au huitième alinéas de l’article 24, aux deuxième et troisième alinéas de l’article 32 et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi sur la liberté de la presse.

([435]) En vertu de l’article 397-7 du code de procédure pénale, la comparution immédiate n’est applicable « ni aux mineurs, ni en matière de délits de presse ». Cet article fait d’ailleurs l’objet d’un projet de réforme (voir infra).

([436])  Audition de Nicolas Bonnal, 19 novembre 2020, compte rendu n° 51.

([437]) C’est le cas notamment de la LICRA.

([438])  Remarquons que cette formule est identique à celle qui permet de définir les propos racistes dans le cadre de la loi sur la liberté de la presse, avec cette seule différence, ajoutée par la loi du 29 janvier 2017, que le mot « race » est désormais précédé de l’adjectif « prétendu » – cela ne change rien pour l’incrimination.

([439])  « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait » (article 121-1 du code pénal).

([440])  Nicolas Bonnal, audition du 19 novembre 2020, compte rendu n° 51. Le terme de « mobile », qui est employé ici pour son intérêt pédagogique, n’est pas aussi exact que celui de « motif » s’agissant de caractériser l’élément moral.

([441])  Audition du 12 janvier 2021, compte rendu n° 82.

([442]) Circulaire du 4 avril 2019 relative à la lutte contre les discriminations, les propos et les comportements haineux.

([443])  Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, considérant n° 16.

([444])  Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, relative à la loi sur la sécurité intérieure, considérant n° 64.

([445])  Audition du 12 janvier 2021, compte rendu n° 82.

([446])  « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » (article 122-1 du code pénal).

([447])  Katia Dubreuil, audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 66.

([448])  Voir la liste des indices détaillée à la p. 76 du « Guide des pratiques pour mieux lutter contre le racisme et l’intolérance » (2019) publié par la DACG.

([449])  Cet exemple a été pris en réponse à une question spécifique de M. Tan, mais d’autres exemples ont également été convoqués : « Des policiers interpellent des hommes noirs : cela signifie-t-il pour autant leur racisme ? Parfois c’est le cas, parfois non, et c’est d’ailleurs tout le travail du procureur de l’établir ».

([450])  Audition du 12 janvier 2021, compte rendu n° 82.

([451])  Comportements incriminés indépendamment de la réalisation de tout résultat, comme des menaces.

([452])  Sarah Massoud, audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 66.

([453])  La revue Le Débat, fondée par Pierre Nora en 1980, a cessé de paraître en septembre 2020, sur décision de son fondateur et de son rédacteur en chef Marcel Gauchet.

([454]) Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 13.

([455])  Il faut distinguer, en effet, la négation des crimes contre l’humanité, condamnée sur le fondement de l’article 24 bis de la loi sur la liberté de la presse, et l’apologie des crimes contre l’humanité, qui constitue une provocation à la haine et est condamnée, à ce titre, sur le fondement de l’article 24 de la même loi.

([456])  Voir l’intervention de M. Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme, au cours de l’audition du 15 septembre 2020 : « Mon organisation, à l’époque présidée par Madeleine Rebérioux, ancienne résistante et ancienne membre du parti communiste, s’était montrée extraordinairement réservée sur la loi Gayssot, relative au négationnisme et à la contestation de crimes contre l’humanité. Bien évidemment, nous ne sommes pas alignés sur la position des États-Unis [particulièrement libérale], mais nous défendons la liberté d’expression avant toute chose. » (compte rendu n° 22).

([457])  Audition de Nicolas Bonnal, 19 novembre 2020, compte rendu n° 51.

([458]) Aux États-Unis, la liberté d’expression, protégée par le premier amendement de la Constitution « le Congrès n’adoptera aucune loi (…) pour limiter la liberté d’expression), est presque illimitée. L’ancien juge à la Cour suprême Oliver Wendell Holmes Jr. (1841-1935) a ainsi théorisé le « libre marché des idées » : dans un régime démocratique, même les opinions les moins acceptables doivent pouvoir s’exprimer, à la fois parce qu’il s’agit d’une liberté fondamentale et parce que seule une « concurrence des opinions » sans entrave permet un véritable débat à l’issue duquel les idées les plus raisonnables peuvent s’imposer.

([459])  Audition de Patrick Charlier, 5 novembre 2020, compte rendu n° 45.

([460])  Katia Dubreuil, audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 66.

([461])  Anne-Marie Sauteraud, audition du 24 novembre 2020, compte rendu n° 52.

([462])  Voir l’article 42 de la loi sur la liberté de la presse : peuvent être considérés comme auteurs principaux des délits de presse, dans l’ordre : les directeurs de publication ou éditeurs ; les auteurs ; les imprimeurs ; les vendeurs, distributeurs et afficheurs.

([463])  Audition du 12 janvier 2021, compte rendu n° 82.

([464])  Audition du 24 novembre 2020, compte rendu n° 52.

([465])  Bertrand Mazabraud, audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 64.

([466])  Le principe de présomption d’innocence, affirmé à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, d’où il suit en principe qu’il ne peut y avoir de présomption de culpabilité en matière répressive, et l’impossibilité de caractériser une infraction sans son élément moral.

([467])  Décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011, considérant n° 7.

([468])  Ne sont visés que les alinéas 5, 7 et 8 de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 et les alinéas 3 et 4 de l’article 33. La diffamation à caractère raciste, prévue à l’article 32 de la même loi, n’est pas visée.

([469])  La définition des opérateurs de plateforme en ligne est donnée à l’article L. 111-7 du code de la consommation : « Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne » reposant soit sur le classement ou le référencement de contenus, de biens ou de services, soit sur la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service. »

([470]) Proposition de Mme Anne-Marie Sauteraud, audition du 24 novembre 2020 compte rendu n° 52.

([471]) L’article 26 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) donne compétence à l’Union pour réguler le commerce électronique, dans la mesure où cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur et à la libre circulation des services. Toutefois, l’article 114.4 du TFUE permet aux États membres de maintenir des « dispositions nationales » quand elles sont justifiées par considérations liées à « l’ordre public » ou à « la moralité publique » (voir article 36 du TFUE).

([472])  Aux termes de l’article 25 de la proposition de règlement, les « très grandes plateformes » (very large online platforms) sont celles qui touchent 10 % de l’ensemble des consommateurs européens (actuellement 450 millions). Ces seuils seront vérifiés tous les six mois par un « coordonnateur des services numériques ».

([473]) Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de regroupement et d’orientation des signalements.

([474])  Voir la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 5 décembre 2000. Par exception, quand l’auteur de l’infraction est mineur, la juridiction compétente est celle de son lieu de résidence.

([475])  Voir la circulaire du ministre de la justice n° 2019/0015/A4 du 4 avril 2019.

([476])  Le pôle a déjà été doté d’un magistrat supplémentaire et d’une juriste assistante. Un poste de greffe et un d’assistant spécialisé ont été créés.

([477])  Cette compétence ne sera donc effective qu’une fois que la plainte en ligne sera opérationnelle pour ce type de faits.

([478])  Voir circulaire précitée du 24 novembre 2020.

([479])  8,75 % en 2018 selon le rapport 2018 du ministère de l’intérieur sur la lutte contre le racisme.

([480]) Il est rattaché à direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et commandé par un colonel de la gendarmerie nationale.

([481]) Audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 78.

([482])  La procédure est prévue à l’alinéa 8 du I de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004.

([483])  ODIHR (OSCE), « Hate crime date-collection and monitoring mecanisms » (2014). L’étude est basée sur 600 entretiens avec des victimes d’infractions de haine.

([484])  Maréchal des logis-chef Gregory Rivière, audition du CFMG du 8 décembre 2020, compte rendu n° 67.

([485])  Olivier Caracotch, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 77.

([486])  « Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents. » (article 15-3 du code de procédure pénale).

([487])  Jérôme Moisant, secrétaire général d’Unité SGP Police FO, audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 63.

([488])  « Lorsqu’il apparaît que ces éléments sont réunis et qu’il n’existe aucune cause d’exonération, le recueil de la plainte est impératif et l’audition du plaignant se fait sur procès-verbal. L’utilisation de la main courante est bien évidemment proscrite. » (« guide pratique » sur la lutte contre les discriminations et le harcèlement, mis à disposition des policiers sur le site intranet de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale – p. 55).

([489])  Ibid, pages 46 et 47.

([490]) Olivier Caracotch, audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 77.

([491])  Sylvain Durante, 3 décembre 2020, compte rendu n° 63.

([492])  En 2020, la police nationale dispose de 627 référents accueil dont 134 pour la préfecture de police de Paris.

([493])  Voir l’instruction de la direction centrale de la sécurité publique du 17 décembre 2018.

([494])  Outre le « guide pratique » déjà cité sur la lutte contre les discriminations et le harcèlement : les « Fiches-réflexes » établies par la DILCRAH, le guide méthodologique sur la répression des discriminations et des actes racistes, antisémites et xénophobes, le logiciel d’aide à la rédaction des procédures, etc.

([495])  Ce guide a été créé par la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale, sous l’égide de la DILCRAH et avec le concours du ministère de la justice et du Défenseur des droits.

([496])  « Les enquêteurs de police, sensibilités et conscients de la nécessité d’apporter une assistance aux victimes, doivent avoir conscience de la difficulté accrue rencontrée par les victimes de discrimination et de harcèlement ». Cette thématique fait l’objet d’une fiche détaillée (pages 41 et 42) indiquant aux policiers les réflexes à avoir pour accueillir au mieux les victimes de discriminations.

([497])  Le dépôt de plainte est effectué sur rendez-vous, ce qui permet aux victimes d’éviter une trop longue attente.

([498])  Par le décret du 24 mai 2018. L’expérimentation a commencé le 3 juillet 2018.

([499])  Sur 11 000 signalements pour des faits de discrimination au deuxième semestre 2018, seuls 45 ont donné lieu à une plainte, sur un total de 2 700 plaintes pour ce type de faits sur la même période.

([500])  « Évaluation de l’expérimentation de la pré-plainte en ligne dédiée à certaines discriminations » (2019), rapport établi pour l’IGPN par Emmanuel Fleury et Jean-Pierre Lesgourgues, commissaires divisionnaires.

([501])  Décision prise par le ministre de l’intérieur à la suite du Grenelle des violences conjugales, clôturé le 22 novembre 2019.

([502])  « J’ai demandé à ce que ces travaux aboutissent prioritairement concernant ce contentieux en particulier, de sorte que les premiers dépôts de plainte en ligne en matière de discriminations, de propos et de comportements haineux puissent intervenir à compter du premier semestre 2020 » (circulaire précitée du 4 avril 2019, page 6).

([503])  L’extorsion « connexe à l’infraction d’entrave au fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données ou à l’infraction d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données ».

([504])  À commencer par ses deux partenaires historiques : la CNCDH et la DILCRAH. D’autres organisations sont également sollicitées : par exemple le Défenseur des droits et la Fondation René Cassin.

([505])  Le statut de l’ENSP est déterminé par la section 1 du chapitre III du livre IV du code de la sécurité intérieure. Son article R. 413-17 prévoit que « la durée des études, les programmes d’enseignement, l’organisation de la formation initiale et continue » sont fixés par arrêté du ministre de l’intérieur, sur proposition de son directeur.

([506])  Depuis 2018 et pour une période de quatre ans, le ministère de l’intérieur a reçu le « label diversité » avec mention « bien ». Ce label reconnaît une prise en considération de la diversité professionnelle dans la gestion des ressources humaines et atteste de la mise en œuvre d’une politique de prévention des discriminations.

([507])  Citons par exemple : le guide « Sanctionner les discriminations et les infractions à caractère raciste, antireligieux et anti-LGBT » (2017) et le guide méthodologiques « Infractions haineuses » (2020) publiés par l’OCLCH ; le « Guide pratique de la lutte contre les discriminations » précité, qui va être bientôt accompagné d’un guide spécifique dédié au racisme, en cours de rédaction.

([508]) Audition du 30 novembre 2020 sur les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre ont eu recours à la force lors de différents évènements survenus à Paris depuis la manifestation du 17 novembre 2020.

([509]) Audition du 15 décembre 2020, compte rendu n° 76.

([510])  L’ENM dispose depuis 2009 de trois classes préparatoires intégrées. Elles ont accueilli au total 545 bénéficiaires, dont 152 ont intégré l’école. Le taux de réussite via la classe préparatoire intégrée est supérieur à 25 %, soit bien plus que le taux de réussite global au concours pour l’ensemble des candidats (14 %) : cela montre la capacité de la classe préparatoire à révéler les talents.

([511])  Voir par exemple : la dépêche du ministre de la justice du 27 juin 2012 relative à la réponse judiciaire aux actes à caractère raciste ou antisémite, suivie par la dépêche du 4 août 2014 relative aux réponses judiciaires apportées aux actes et propos à caractère raciste, xénophobe et antisémite.

([512])  Par une dépêche du 5 mars 2009. Entrent également dans le champ de ses compétences les infractions à caractère homophobe.

([513])  Les CORAH, créés par le décret n° 2016-830 du 22 juin 2016, ont pour mission d’élaborer un plan d’action départemental de lutte contre le racisme et les discriminations. Ils contribuent ainsi à la mise en œuvre d’une politique locale dynamique de prévention et constituent à ce titre un partenaire privilégié du parquet.

([514]) Comme le regrette le « Guide des pratiques pour mieux lutter contre le racisme et l’intolérance » : « si, actuellement, tous les parquets généraux et parquets de France ont mis en place un magistrat référent, les pôles anti-discriminations n’étaient en place que dans un nombre encore trop limité de juridictions » (p. 79).

([515])  Circulaire précitée du 4 avril 2019.

([516])  Le « travail d’intérêt général », qui peut être prononcé à l’encontre des auteurs de tous les délits punissables d’une peine d’emprisonnement – c’est-à-dire de tous les délits à caractère raciste –, ne semble pas privilégié pour ce type d’infraction. Les circulaires et dépêches définissant la politique pénale sur ce sujet n’en font pas état.

([517])  Circulaire n° 2014/0097/A4 du 4 décembre 2015.

([518])  Audition du 12 janvier 2020, compte rendu n° 82.

([519])  Les stages de citoyenneté sont possibles seulement pour certaines infractions à caractère raciste de droit commun, depuis la loi du 27 janvier 2017.

([520])  La Fédération Citoyens et Justice regroupe environ 150 associations socio-judiciaires, qui participent au développement des stages.

([521])  La convention a été signée le 19 février 2016 pour le parquet général de Lyon et le 24 mars 2016 pour celui d’Aix-en-Provence.

([522])  « Guide des pratiques pour mieux lutter contre le racisme et l’intolérance », p. 89.

([523])  Dépêche n° 2018-0078-A4 du 7 novembre 2018 adressée aux procureurs.

([524])  Ibid.

([525])  L’inégalité raciste, L’universalité à l’épreuve, De Rudder, Poiret et Vourc’h, PUF, Pratiques théoriques, 2000,  cité dans Christelle Hamel, Maud Lesné et Jean-Luc Primon, La place du racisme dans l’étude des discriminations, INED, Documents de travail, n° 205, 2014.

([526]) La liste des discriminations a dernièrement été étendue par l’article 86 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([527])  Lorsque l'infraction a été commise envers une personne considérée individuellement, l'association doit justifier avoir reçu l'accord de la personne.

([528]) Rapport n° 695 de l’Assemblée nationale sur le projet de loi (n° 514) portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, par Mme Isabelle Vasseur, rapporteure , 6 février 2008. Les griefs présentés à l’époque contre la France sont résumés ainsi : « Au total, l’ensemble des griefs formulés par la Commission européenne peuvent être ainsi résumés : le droit français ne définit pas de manière assez précise ni assez expressément les notions de discrimination directe et indirecte ; il ne permet pas d’appréhender de manière satisfaisante la notion de harcèlement, en raison, notamment, d’une définition trop centrée sur les relations de travail ; le champ d’application des discriminations prohibées n’est pas défini de manière suffisamment vaste ; la protection contre les rétorsions à l’encontre des personnes ayant relaté des faits relatifs à des discriminations n’est pas assez forte ; les conditions dans lesquelles des différences de traitement sont rendues possibles, par dérogation à l’interdiction des discriminations, ne sont pas définies de manière suffisamment stricte ».

([529]) La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a harmonisé la liste des critères, valant pour l’action civile ou administrative, avec celle définie par l’article L. 225-1 du code pénal, qui était alors plus large (article 86). Une telle harmonisation était alors également visée par le projet de loi le projet de loi n° 3679 dit « Égalité et citoyenneté ».

([530]) Rapport sur les discriminations dans les Outre-Mer de nos collègues députées Josette Manin, Maud Petit et Cécile Rilhac, n° 1793 du 21 mars 2019.

([531]) Article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

([532]) Loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

([533])  Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, a été auditionnée par la mission d’information le 10 décembre 2020.

([534]) Audition de M. Samuel Thomas, délégué général de la Fédération nationale des maisons des potes, président de la Maison des potes-maison de l’égalité, ancien vice-président de SOS Racisme, 9 septembre 2020, compte rendu n° 21.

([535])  L’intéressé doit avoir été averti par écrit et ne pas s’être opposé à l’action du syndicat dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle ce dernier lui a notifié son intention d’agir en justice. Le salarié peut intervenir, s’il le souhaite, au cours de l’instance engagée par le syndicat.

([536]) Un fonds de participation au financement des actions de groupe en matière pénale avait été créé par la loi relative à l’égalité et citoyenneté n° 2017-86 du 27 janvier 2017 puis censuré par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017 car il ne concernait que la voie pénale, rappelle le Défenseur des droits (Discriminations et origines : l’urgence d’agir, 2020, page 81).

([537]) Selon les statistiques de l’INSEE, en 2015, 14 % des mariages célébrés en France sont des mariages mixtes entre une personne de nationalité française et une personne de nationalité étrangère.

([538]) M. Hervé Le Bras, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), directeur de recherches émérite à l’Institut national des études démographiques (INED), titulaire de la chaire « territoires et populations » du collège d'études mondiales de la Fondation maison des sciences de l’homme (FMSH), compte rendu n° 4.

([539]) Audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 4.

([540]) Source:  OECD/European Union (2018), Indicators of Immigrant Integration 2018, page 19.

([541]) Trajectoires et origines, enquête sur la diversité des origines en France, sous la direction de Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon, menée en 2008 par l’Ined et l’Insee, 2016.

([542]) Personnes nées étrangères à l’étranger.

([543]) Être né en France d’un parent immigré, Une population diverse reflétant l’histoire des flux migratoires, Chantal Brutel, INSEE, 2017.

([544]) Défenseur des droits, Rapport annuel d’activité 2019, 2020.

([545]) Treizième baromètre La perception des discriminations dans l’emploi du Défenseur des droits et de l’organisation internationale du travail (OIT), publié en décembre 2020.

([546]) Part des discriminations perçues par motif en tant que témoin (%), plusieurs réponses possibles.

([547]) Trois approches de la discrimination : évaluations indirectes, expérimentation, discriminations ressenties, Éric Delattre, Noam Leandri, Dominique Meurs et Roland Rathelot, Économie et statistique, n° 464-465-466, 2013.

([548]) Proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council on a Single Market For Digital Services (Digital Services Act) and amending Directive 2000/31/EC, COM (2020) 825 final, 15 décembre 2020.

([549]) ISM Corum, Testing (tests de discrimination) sur l’accès au prêt immobilier et au prêt à la création d’entreprise réalisé par la ville de Villeurbanne, rapport final, Miméo, 2017.

([550]) Discriminations dans l’accès à la banque et à l’assurance : les enseignements de trois testings, Yannick L’Horty, Mathieu Bunel, Souleymane Mbaye, Pascale Petit, Loic Du Parquet , 2018.

([551]) Audition du 30 juin 2020, compte rendu n° 2.

([552])  Les chercheurs soulignent que des questions éthiques se posent dans la réalisation des testings scientifiques, en ce qu’ils interviennent sur des offres d’emploi ou de logement réelles et qu’ils mobilisent des interlocuteurs sur des demandes fictives. On peut relever que cette question recèle une acuité particulière dans un environnement de crise économique et sociale.

([553]) M. Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’Université Gustave Eiffel, directeur de la fédération Théorie et évaluation des politiques publiques (n° 2042 du Centre national de la recherche scientifique - CNRS).

([554]) Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 62.

([555]) Article introduit par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

([556]) « La première génération correspond aux immigrés, nés étrangers à l’étranger, la deuxième génération à leurs enfants, filles ou fils, qui sont nés en France. Il est important de rappeler que cette question portait sur des discriminations qui pouvaient avoir lieu dans tout domaine, dans n’importe quel contexte et pour n’importe quel motif de discrimination. Cela pouvait être à cause de l’apparence mais pas uniquement. La question portait vraiment sur les discriminations au sens large. » a rappelé M. Cris Beauchemin.

([557]) Les fils ou filles d’immigrés sont ceux ayant au moins un parent ayant immigré (ou, pour ce graphique, au moins un parent originaire d’un DOM).

([558]) Audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 4.

([559]) Audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 4.

([560]) Rapport d’information déposé par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale, présenté par Mme Stéphanie Do et M. Pierre-Henri Dumont, n° 2615, 22 janvier 2020.

([561])  Discriminations et origines : l’urgence d’agir, 2020, page 22.

([562]) Jérôme Lê, chef de la cellule « statistiques et études sur l’immigration » de la direction des statistiques démographiques et sociales de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

([563]) Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 61.

([564]) Le rôle des origines dans la persistance des inégalités d’emploi et de salaire, Elika Athari, Jérôme Lê, Yaël Birnbaum, INSEE, 2019.

([565]) Le rôle des origines dans la persistance des inégalités d’emploi et de salaire, Elika Athari, Jérôme Lê, Yaël Birnbaum, INSEE, 2019.

([566]) Chef de la division des migrations internationales à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

([567]) « Discrimination envers les immigrés – mesures, incidence et instruments politiques » dans Perspectives des migrations internationales 2013, OCDE.

([568]) Audition du 2 juillet 2020, compte rendu n° 4.

([569]) Professeure à l’École d’économie de Paris, détachée auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

([570]) Stéphane Carcillo et Marie‐Anne Valfort, Un aperçu des résultats des testings sur CV menés en France, Conseil d’analyse économique, 2020.

([571]) Audition du 3 décembre, compte rendu n° 61.

([572]) Yannick L’Horty, Les discriminations dans l’accès à l’emploi public, rapport au Premier ministre, juin 2016.

([573]) Les écoles de service public et la diversité, rapport au Premier ministre, mission présidée par M. Olivier Rousselle, Conseiller d’État, 2017.

([574]) Audition du 8 décembre 2020, compte rendu n° 67.

([575]) M. Elie Renard, directeur adjoint de l’École nationale de la magistrature (ENM) : « Nous disposons aujourd’hui de trois classes préparatoires intégrées et souhaitons continuer à développer cet outil. Ces trois classes existantes ont accueilli 545 bénéficiaires, dont 152 ont intégré l’école : cela représente un peu plus d’un quart des bénéficiaires, alors même que le taux de réussite au premier concours de l’ENM (c’est-à-dire le concours ouvert aux étudiants) est, depuis 2011, d’environ 14 %. Autrement dit, la classe préparatoire intégrée est un moyen de développer la capacité de réussir le concours. »

([576]) Audition du 15 décembre 2020, compte rendu n° 75.

([577]) Ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public.

([578]) Audition du 15 décembre, compte rendu n° 75.

([579]) Défenseur des droits, Enquête sur l’accès aux droits. Volume 5 : Les discriminations dans l’accès au logement, 2017.

([580])  Défenseur des droits, Enquête sur l’accès aux droits. Volume 5 : Les discriminations dans l’accès au logement, 2017, page 20.

([581])  M. Thomas Kirszbaum, sociologue, chercheur associé à l’institut des sciences sociales du politique à l’École normale supérieure de Cachan.

([582]) Audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 79.

([583]) Audition du 17 décembre 2020, compte rendu n° 79.

([584]) Audition du 9 septembre 2020, compte rendu n° 21.

([585]) Défenseur des droits, Discriminations et origines : l’urgence d’agir, 2020.

([586]) Les discriminations dans l’accès au logement à Paris : Une expérience contrôlée, Mathieu Bunel, Yannick L’Horty, Loïc du Parquet, Pascale Petit ; Travail, Emploi et Politiques Publiques (TEPP) - FR CNRS 3435, 2017. Extrait du résumé : « les discriminations à l’encontre des individus d’origine maghrébine sont très fortes dans l’accès au logement parisien et qu’elles sont peu liées à la fragilité financière supposée des individus. L’individu de référence d’origine française a un taux de réponse de 18,7 % à ses demandes de visites de logement. Pour l’individu d’origine maghrébine, ce taux est de 12,9 %, soit un tiers de chances en moins de recevoir une issue favorable à sa demande de visite. Si le candidat maghrébin précise qu’il est fonctionnaire, son taux de réponse est de 15,5 % ce qui reste inférieur au candidat d’origine française. Mais si c’est le candidat d’origine française qui envoie le même signal de stabilité, son taux de réponse atteint 42,9 %. »

([587])  Les discriminations dans l’accès au logement en France : un testing de couverture nationale, Julie Le Gallo, Yannick L’Horty, Loïc du Parquet, Pascale Petit ; Travail, Emploi et Politiques Publiques (TEPP)- FR CNRS 3435, 2018.

([588]) « Le projet de recherche « Mesurer l’Impact d’un Courrier d’Alerte sur les Discriminations selon l’Origine » (MICADO), a été mené dans le cadre d’une convention entre le Défenseur des droits et le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, signée le 28 avril 2017. Ce projet, porté par la fédération de recherche TEPP du CNRS (FR 3435), répondait à leur volonté commune de « rechercher les moyens les mieux à même de faire évoluer les pratiques et les comportements discriminatoires des acteurs du logement privé, ici les agences immobilières » rappelle l’étude.

([589]) Audition du 28 octobre 2020, compte rendu n° 42.

([590])  Audition du 28 octobre 2020, compte rendu n° 42.

([591]) Décret n° 2020-1259 du 14 octobre 2020 modifiant le décret n° 2016-173 du 18 février 2016 relatif à la formation continue des professionnels de l'immobilier.

([592]) Audition du 22 septembre 2020, compte rendu n° 28.

([593]) https://www.antidiscriminations.fr/

([594]) Audition du 14 octobre 2020, compte rendu n° 37.

([595])  Défenseur des droits, Discriminations et origines : l’urgence d’agir, 2020.

([596]) Décret du 16 février 2012.

([597]) La dotation en loi de finances initiale sur le programme 129 augmente peu à peu et est passée de 6,1 millions d’euros en 2017 à 6,8 millions d’euros en 2021.

([598]) Audition du 14 octobre 2020.

([599]) Tels que le Mémorial de la Shoah, le Camp des Milles, le Camp de Rivesaltes, le Musée national de l’histoire de l’immigration, ou encore la Maison d’Izieu dans l’Ain .

([600]) Contribution de la DILCRAH au rapport La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2019 de la CNCDH, 2020.

([601])  Rapport de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, sur l’évaluation du plan interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2015-2017, Philippe Cannard, Yves Colmou, Ariane Azéma et Hervé Mecheri, 2017.

([602]) Leur compétence a été élargie à la haine anti-LGBT par instruction du 14 février 2019.

([603]) Défenseur des droits, Discriminations et origines : l’urgence d’agir, 2020.

([604])  Défenseur des droits, Discriminations et origines : l’urgence d’agir, 2020, page 44, le rapport renvoie dans ce paragraphe aux travaux de M. Olivier Noël, Injonction institutionnelle paradoxale et souffrance professionnelle, VEI-Diversité, n°137, 2004.

([605]) Audition du 28 octobre 2020, compte rendu n° 42.

([606]) Audition du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([607]) Rapport d’information déposé par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation des coûts et bénéfices de l’immigration en matière économique et sociale, présenté par Mme Stéphanie Do et M. Pierre-Henri Dumont, n° 2615, 22 janvier 2020.

([608])  Audition du 7 juillet 2020, compte rendu n° 5.

([609]) Audition du 24 septembre 2020, compte rendu n° 29.

([610]) Rapport de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, sur l’évaluation du plan interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2015-2017, Philippe Cannard, Yves Colmou, Ariane Azéma et Hervé Mecheri, 2017.

([611]) Table ronde réunissant : M. Patrick Haddad de l’Association des maires de France (AMF), maire de Sarcelles ; Mme Naïma Charaï de l’association Régions de France, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine ; M. Pierre Monzani, directeur général de l’Assemblée des départements de France (ADF) et Mme Alyssia Andrieux, conseillère pour l’action éducative, sportive, culturelle et touristique, 28 octobre 2020.

([612]) Audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 74.

([613])  Audition du 28 octobre 2020 et éléments écrits adressés par l’Assemblée des départements de France à votre rapporteure. Le département de Haute-Garonne a ainsi un programme « les chemins de la République », qui a abouti pour l’un des collèges à sa labellisation « école sans racisme » (qui constitue un label de la Fédération Léo Lagrange).

([614])  On peut citer la création d’un comité d’orientation de lutte contre les discriminations (COLD) dans les Bouches-du Rhône ou le programme « citoyenneté, égalité, prévention lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations » dans l’Essonne.

([615]) Outre l’Assemblée des départements de France, sont partenaires : les Hauts-de-Seine, l’Aveyron, la Seine-Saint-Denis, la Seine-et-Marne et l’Essonne.

([616]) Le Haut-Rhin est actif sur cette question et a mis en place d’un réseau de « veilleurs de mémoire » pour garder les cimetières israélites du Haut-Rhin.

([617]) Audition du 23 juillet 2020, compte rendu n° 11.

([618]) Audition du 17 novembre, compte rendu n° 48.

([619]) Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 65.

([620])  Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 65.

([621]) Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 65.

([622]) Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 65.

([623])  Confédération générale du travail (CGT), Confédération française démocratique du travail (CFDT), Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), Force ouvrière (FO) et Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

([624])  Constitué du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), de l’ Union des entreprises de proximité (U2P) et de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

([625]) Extrait de l’audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 63 : « Globalement, les ministères font preuve de volontarisme, y compris à l’égard des personnes morales dont ils ont la tutelle. C’est par exemple le cas du ministère de la culture, dont le travail est remarquable, et des établissements publics dont il a la charge comme l’Opéra de Paris, des écoles d'architecture, des musées, lesquels introduisent une certaine diversité dans la programmation de leurs expositions temporaires. Dans la fonction publique territoriale, de grandes villes comme Paris ou Bordeaux sont engagées, de même que des départements, comme la Seine-Saint-Denis, tant en ce qui concerne leurs ressources humaines que la politique de la diversité à destination de la population. Dans la fonction publique hospitalière, en revanche, la situation est beaucoup plus mitigée. Quelques hôpitaux sont engagés ; une réflexion est en cours avec des grands acteurs hospitaliers mais, malheureusement, la crise sanitaire a tout bouleversé. »

([626]) Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 62.

([627]) Mme Karima Silvent, audition du 3 décembre 2020.

([628]) Audition du 9 septembre 2020, compte rendu n° 19.

([629]) Sondage Élabe de novembre 2019.

([630]) Baromètre AssessFirst de septembre 2019.

([631]) Audition du 3 décembre 2020.

([632])  Mme Magali Bessone, professeure de philosophie politique à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et membre du conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage.

([633]) Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 14.    

([634]) Audition du 24 septembre 2020, compte rendu n° 32.

([635]) Audition du 5 novembre 2020, compte rendu n° 45.

([636]) Audition du 21 juillet 2020, compte rendu n° 9.

([637]) Audition du 8 septembre 2020, compte rendu n° 15.

([638]) Audition du 3 novembre 2020, compte rendu n° 44.

([639]) Audition du 15 octobre 2020, compte rendu n° 31.

([640]) La table ronde à laquelle Mme Christine Kelly participait portait sur les médias.

([641]) Audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 70.

([642])  Audition du 3 décembre 2020, compte rendu n° 61.

([643]) Audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([644])  Audition du 14 octobre, compte rendu n° 38.

([645])  Audition du 14 octobre, compte rendu n° 38.

([646])  Audition du 3 novembre, compte rendu n° 43.

([647]) Les rôles jugés « positifs » sont davantage tenus par les personnes perçues comme « non-blanches » et on constate une diminution « substantielle de la représentation des personnes perçues comme « non-blanches » dans les activités illégales ou marginales. »

([648]) Conseil supérieur de l’audiovisuel, Baromètre de la diversité de la société française, vague 2019, 2020.

([649]) Audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 70.

([650])  Audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 70.

([651]) Pacte pour la visibilité des Outre-mer 25 engagements pour garantir durablement la présence des outre-mer au centre de l’offre de l’audiovisuel public : « 1 - Proposer chaque mois en moyenne au moins un programme ultramarin en première partie de soirée sur France 2, France 3 ou France 5, en veillant à la diversité des genres et à un certain équilibre entre chaînes. 2 - Faire progresser, en la mesurant annuellement à l’aune de l’actualité, la représentation de l’Outre-mer dans les grandes éditions nationales d’information ».

([652]) Série documentaire proposée par MM. David Korn-Brzoza et Pascal Blanchard, suivie d’un débat ayant en particulier permis d’entendre M. Benjamin Stora et M. Kofi Yamgnane, également auditionnés par la présente mission d’information.

([653]) Audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 70.

([654]) Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs des écoles et PEGC.

([655]) Catherine Le Duff, table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([656]) Sébastien Vieille, table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([657]) Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur.

([658]) Jacques Fredj, table ronde du 23 juillet 2020, compte rendu n° 10.

([659])  Annexe à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’éducation relative socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

([660])  Les autres domaines concernent : les langages, les méthodes et outils pour apprendre, les systèmes naturels et techniques et les représentations du monde et de l’activité humaine.

([661])  Annexe à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’éducation.

([662])  Jean-Michel Blanquer, « Édito », dans Ministère de l’Éducation nationale, dossier « Pour l’école de la confiance – année scolaire 2017-2018 », p. 5, disponible sur : https://www.education.gouv.fr/annee-scolaire-2017-2018-pour-l-ecole-de-la-confiance-9101 .

([663])  Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([664]) Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([665])  Programme d’enseignement moral et civique de l’école et du collège (cycles 2, 3 et 4), Bulletin officiel de l’Éducation nationale n° 30 du 26 juillet 2018, disponible sur : https://www.education.gouv.fr/bo/18/Hebdo30/MENE1820170A.htm [non paginé].

([666])  Programme d’enseignement moral et civique de l’école et du collège (cycles 2, 3 et 4), Bulletin officiel de l’Éducation nationale n° 30 du 26 juillet 2018, disponible sur : https://www.education.gouv.fr/bo/18/Hebdo30/MENE1820170A.htm [non paginé].

([667])  Programme d’enseignement moral et civique de seconde générale et technologique, Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial n° 8 du 25 juillet 2019, disponible sur : https://eduscol.education.fr/1681/programmes-et-ressources-en-enseignement-moral-et-civique-voie-gt [non paginé]

([668])  Le dispositif sera appliqué dès cette année scolaire 2020-2021 pour le collège. La délivrance de la certification sera généralisée dès l’année scolaire 2021-2022 pour les classes de terminale en lycée général, technologique et professionnel, de CAP, et pour les étudiants en 2e année de BTS et CPGE.

([669])  Catherine Le Duff, du Syndicat national unitaire des instituteurs, des professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU), M. Rémy-Charles Sirvent, secrétaire national du Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA), table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([670])  Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([671])  Alain Frugière, table ronde du 19 novembre 2020, compte rendu n° 50.

([672]) Sébastien Vieille, table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([673]) Jean-Michel Blanquer, audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([674]) Description de l’édition 2021 du concours Nous autres, disponible sur : https://www.concoursnousautres.fr/concours/edition-2021/.

([675]) Présentation du concours La Flamme de l’égalité, disponible sur : https://www.laflammedelegalite.org/presentation-du-concours.php.

([676]) Audition du 1er octobre 2020, compte rendu n° 35.

([677])  Description de la semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme, disponible sur : https://www.education.gouv.fr/la-semaine-d-education-et-d-actions-contre-le-racisme-et-l-antisemitisme-5204 .

([678])  Rapport de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2017 –contribution du ministère de l’Éducation nationale, p. 3.

([679]) Syndicat général de l’éducation nationale - Confédération française démocratique du travail.

([680])  Gwenael Le Guevel, table ronde du 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([681])  Plan de prévention mis en place à l’échelle nationale, disponible sur : https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/ressources/plan-de-prevention-mis-en-place-a-lechelle-nationale/ ; description du prix « non au harcèlement », disponible sur : https://www.education.gouv.fr/prix-non-au-harcelement-12137 . Ce prix récompense des projets collectifs dénonçant ce phénomène ou proposant des solutions pour lutter contre le harcèlement entre pairs.

([682]) Description de la Plateforme internationale sur le Racisme et l’Antisémitisme, disponible sur : https://www.fmsh.fr/fr/recherche/30674 .

([683]) Agir contre le racisme et l'antisémitisme, novembre 2020, disponible sur : https://eduscol.education.fr/1720/agir-contre-le-racisme-et-l-antisemitisme.

([684])  Renforcer le respect de la laïcité et la transmission des valeurs de la République à l'École, novembre 2020, disponible sur : https://eduscol.education.fr/1618/la-laicite-l-ecole.

([685])  Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, DILCRAH, Vademecum Agir contre le racisme et l’antisémitisme, octobre 2020. Exemples de fiches pratiques : « Répondre à des insultes et des injures racistes/antisémites », « Répondre à des violences à caractère raciste/antisémite », ou encore « Prévenir le racisme et l’antisémitisme par les enseignements ». 

([686])  Liste des associations agréées par l’Éducation nationale, disponible sur : https://www.education.gouv.fr/les-associations-agreees-par-l-education-nationale-6797 .

([687]) Mario Stasi, audition du 15 septembre 2020, compte rendu n° 23.

([688]) Yaël Birnbaum et Jean-Luc Primon, « Parcours scolaires des descendants d’immigrés et sentiments d’injustice et de discrimination » dans Économie et statistique, n° 464-466, 2013, page 222.

([689]) Yaël Birnbaum, Laure Moguérou et Jean-Luc Primon, « Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France », dans Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France, INED, documents de travail n° 168, décembre 2010, pages 47-48.

([690])  Yaël Birnbaum, Laure Moguérou et Jean-Luc Primon, « Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France », art. cit., pages 49-50.

([691])Yaël Birnbaum et Jean-Luc Primon, « Une école discriminante ? », Plein droit, 2014/4, n° 103, pages 33 et 35.

([692]) Yaël Birnbaum et Jean-Luc Primon, « Parcours scolaires des descendants d’immigrés et sentiments d’injustice et de discrimination », art. cit., page 222.

([693]) https://www.education.gouv.fr/dedoublement-des-classes-de-cp-en-education-prioritaire-renforcee-premiere-evaluation-11879  

([694])  Sébastien Vieille, table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([695]) Rémy-Charles Sirvent, table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([696])  Catherine Le Duff, table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([697]) Yaël Birnbaum, Laure Moguérou et Jean-Luc Primon, « Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France », art. cit., page 53

([698])  Audition du 14 octobre 2020, compte rendu n° 36. L’exemple un peu plus ancien de la création de la section rugby au collège Georges Braque du XIIIe arrondissement de Paris, situé dans un quartier difficile, a été rappelé.

([699]) Audition du 24 septembre 2020, compte rendu n° 29.

([700]) Décret n° 2020-811 du 29 juin 2020 précisant les pièces pouvant être demandées à l'appui d'une demande d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 131-6 du code de l'éducation.

([701])Yves Dutercq, Christophe Michaut et Vincent Troger Politiques et dispositifs d’orientation. Un bilan international Conseil national d’évaluation du système scolaire, décembre 2018, page 10.

([702])  Rémy-Charles Sirvent, table ronde du jeudi 10 décembre 2020, compte rendu n° 73.

([703]) Yaël Birnbaum et Jean-Luc Primon, « Parcours scolaires des descendants d’immigrés et sentiments d’injustice et de discrimination » art. cit., page 230.

([704]) Ibid., page 222.

([705]) Yaël Birnbaum, Laure Moguérou et Jean-Luc Primon, « Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France », art. cit., pages 51-52.

([706])  Yaël Birnbaum, Laure Moguérou et Jean-Luc Primon, « Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France », art.cit., page 52.

([707]) Ibid., p. 52.

([708])  Patrick Simon, table ronde du 21 juillet 2020, compte rendu n° 9.

([709]) Yaël Birnbaum, Laure Moguérou et Jean-Luc Primon, « Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France », art.cit., page 51.

([710]) Marie Morellet, table ronde du 10 décembre 2020, compte rendu n° 72.

([711]) Audition du 14 octobre 2020, compte rendu n° 36.

([712]) Pascal Charvet, Michel Lugnier et Didier Lacroix, Refonder l’orientation. Un enjeu État-régions, Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, 2019 pages 23-24.

([713])  Instruction interministérielle du 21 juillet 2020 parue au Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 27 août 2020, NOR : MENE2021598J.

([714])  Instruction interministérielle du 21 juillet 2020 parue au Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 27 août 2020, NOR : MENE2021598J.

([715])  Instruction interministérielle précitée du 21 juillet 2020.

([716]) Audition du 10 décembre 2020, compte rendu n° 72.

([717])  Bénédicte Durand, table ronde du 10 décembre 2020, compte rendu n° 72.

([718]) Cour des comptes, Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi orientation et réussite des étudiants. Communication au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, février 2020, p.65.

([719]) Marie Morellet, table ronde du 10 décembre 2020, compte rendu n° 72, p. 9-10.

([720]) Audition du 1er décembre 2020, compte rendu n° 60.

[721] Le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) est un réseau documentaire géré par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

 

[722] Le qualificatif « prétendue » a été adjoint au terme « race » en 2003 pour y ancrer le fait que le concept de race ne correspond à aucune réalité scientifique.