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N° 3974

 

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 mars 2021

 

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire
de mineurs non accompagnés

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Jean-François ELIAOU et Antoine SAVIGNAT,

Députés

____

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mission d’information sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés est composée de MM. Jean‑François Eliaou et Antoine Savignat, rapporteurs.

 


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SOMMAIRE

Pages

Introduction

I. Les mineurs non accompagnés délinquants : une réalité qu’il est nécessaire de mieux qualifier

A. Qui sont les MNA délinquants ?

1. Des mineurs et jeunes majeurs principalement en provenance des pays du Maghreb, « fracassés » par leur parcours migratoire, leur mode de vie et la toxicomanie

a. Des MNA délinquants surtout originaires d’Algérie et du Maroc

b. Des MNA particulièrement fragiles

2. Le manque de statistiques fiables complique l’appréciation précise de cette délinquance qui s’aggrave et des processus qui la sous-tendent

a. Des faits de délinquance variés qui tendent à se multiplier et s’aggraver

b. Des statistiques éparses

B. Plusieurs obstacles compliquent la distinction entre les mineurs et les jeunes majeurs

1. La difficile évaluation de la minorité

a. Un cadre juridique récemment renouvelé

b. Le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité : un outil utile pour repérer les jeunes majeurs parmi les demandeurs de protection

c. Des sanctions pénales peu dissuasives pour contraindre à la collecte des empreintes digitales

d. L’inversion de la charge de la preuve de la minorité, une recommandation efficace mais qui risque d’encourir la censure du Conseil constitutionnel

2. Une coopération internationale encore insuffisante

a. La coopération avec les pays de provenance des MNA

b. La coopération européenne

II. Une prise en charge sociale ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités des mna délinquants

A. Des dispositifs d’hébergement qui apparaissent inadaptés au profil des MNA délinquants

1. Le recours problématique à l’hébergement hôtelier

2. Des hébergements des MNA en nombre insuffisant

B. La méfiance des MNA délinquants vis-à-vis de toute forme de prise en charge appelle à une refondation de l’accompagnement qui doit leur être proposé

1. Un travail important de première « accroche » des MNA fuyant toute prise en charge

2. Une prise en charge pluridisciplinaire et de longue durée pour garantir l’adhésion des jeunes aux dispositifs

III. Une réponse pénale inadaptée

A. La réponse pénale n’est pas totalement adaptée à la délinquance des MNA

1. Des enquêtes qui peinent à mettre en lumière les réseaux dont les MNA peuvent être victimes

2. La mise en place de procédures afin de limiter la présence des jeunes majeurs dans le circuit de la justice pénale des mineurs

3. La justice pénale des mineurs ne permet pas de répondre efficacement à la délinquance des MNA

a. L’ordonnance du 2 février 1945, le code de la justice pénale des mineurs et la circulaire du 5 septembre 2018

b. Une réponse pénale mise en échec

c. La procédure à audience unique : un pas dans la bonne direction

d. La mise en place de centres de prise en charge pluridisciplinaire dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse

B. Mieux accompagner les mineurs délinquants incarcérés

1. En dernier recours, la prison comme moyen d’accompagnement des MNA délinquants

2. La nécessaire poursuite de l’accompagnement à l’issue de la période de détention

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Synthèse des propositions

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

DÉPLACEMENT

Annexe 1 : La réponse pénale type en matière de justice des mineurs

Annexe 2 : procès-verbal type de détermination d’âge mis en place par le parquet du tribunal judiciaire de bobigny

Annexe 3 : fiche réflexe du parquet du tribunal judiciaire de bobigny à l’attention des enquêteurs


1

 

Introduction

Un mineur est considéré comme non accompagné (MNA) « lorsque aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l’enfant, notamment en saisissant le juge compétent » ([2]). En 2019, près de 17 000 enfants, principalement originaires de la Guinée, du Mali et de la Côte d’Ivoire, ont été déclarés MNA. La crise sanitaire et la fermeture des frontières européennes et françaises devraient entraîner une diminution de ce nombre en 2020.

L’accueil de ces mineurs sur le territoire français est un devoir humanitaire auquel vos rapporteurs sont particulièrement attachés. Il doit être organisé par les pouvoirs publics dans le respect des droits fondamentaux de l’enfant, garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France, et dans l’intérêt supérieur de l’enfant, notion que le Conseil constitutionnel a récemment déduite des 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ([3]).

Toutefois, depuis plusieurs années, la multiplication et l’aggravation des faits de délinquance commis par certains mineurs non accompagnés, et la réponse qui y est apportée par les pouvoirs publics, deviennent un sujet de préoccupation majeur pour les citoyens et les élus des villes particulièrement concernées par ce phénomène. Généralement commises en plein jour et dans l’espace public, les infractions violentes dont ces jeunes sont à l’origine nourrissent le plus souvent un sentiment d’impuissance de la part des forces de l’ordre et des magistrats, démunis face à cette forme de délinquance nouvelle et atypique.

Les MNA délinquants représentent à peu près 10 % de l’ensemble des MNA et se singularisent par un refus de toute prise en charge, notamment éducative. Majoritairement de jeunes hommes originaires des pays du Maghreb, ils se distinguent des autres MNA par des parcours migratoires chaotiques particulièrement traumatisants, puis par une vie d’errance une fois arrivés en France. Fréquemment victimes de réseaux de traite, ils sont délinquants et polytoxicomanes. Leur situation sanitaire est en général très dégradée et appelle à la plus grande vigilance.

Pour ne pas manquer sa cible, la réponse aux faits de délinquance commis par les MNA ne doit pas être exclusivement répressive. Le profil atypique de ces jeunes doit conduire en priorité à repenser les dispositifs de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, qui demeure le premier – et l’un des seuls – rempart contre la délinquance.

Mais si ces jeunes sont victimes, ils n’en sont pas moins également auteurs d’infractions généralement violentes qui nécessitent une réponse pénale. Or, le plus souvent, forces de l’ordre et magistrats, parfois confrontés à un phénomène de masse, ne disposent pas des outils permettant de distinguer les véritables mineurs, auxquels la France doit protection, des majeurs, qui doivent être éloignés.

L’ensemble des acteurs de la chaîne pénale rencontre aussi des difficultés à la fois pour accompagner ces jeunes, qui refusent toute aide, et pour sanctionner efficacement les actes de délinquance et les éventuels réseaux qui peuvent les organiser.

Ce constat sévère a conduit la commission des Lois de l’Assemblée nationale à se saisir de ces difficultés en créant, à l’été 2020, une mission d’information relative aux problématiques de sécurité associées à la présence de mineurs non accompagnés.

L’intitulé de cette mission a surpris nombre de personnes auditionnées et peut légitimement susciter des interrogations. Il s’explique cependant par le fait que vos rapporteurs ont souhaité traiter, non pas du sujet des MNA en général, mais bien des problèmes spécifiques posés par les mineurs étrangers délinquants. Cette volonté d’éviter tout amalgame a été constamment rappelée par vos rapporteurs et parfaitement comprise par les nombreuses personnes qu’ils ont auditionnées.

Les travaux de la mission d’information se sont déroulés dans un contexte particulier, marqué par la pandémie de Covid-19. Près d’une cinquantaine d’auditions ont été organisées, essentiellement par visioconférence. Elles ont permis d’entendre près de 90 professionnels représentant l’ensemble des personnes chargées, directement ou indirectement, du traitement de ce type de délinquance : associations, forces de l’ordre, magistrats, avocats, la Défenseure des droits, ainsi que M. le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles. La mission d’information s’est également déplacée au tribunal judiciaire de Bobigny.

Vos rapporteurs tiennent à remercier vivement l’ensemble des personnes avec lesquelles ils ont échangé pendant ces sept mois de travaux. Chacune d’entre elle a, par sa connaissance du terrain et par son positionnement vis-à-vis de ces MNA, contribué aux réflexions et inspiré les 18 recommandations finalement retenues par la mission d’information.

Vos rapporteurs formulent le souhait que cette large consultation, ainsi que les conclusions qu’ils en ont tirées, orientent l’action du Gouvernement et du Parlement et permettent le développement d’une prise en charge plus globale, mieux organisée et plus adaptée aux besoins de ces jeunes, loin des postures idéologiques et des idées reçues que le présent rapport d’information s’efforce avant toute chose de déconstruire et de combattre.

I.   Les mineurs non accompagnés délinquants : une réalité qu’il est nécessaire de mieux qualifier

Si les données relatives aux nombres de MNA pris en charge par les conseils départementaux font chaque année l’objet d’une analyse détaillée par la mission MNA du ministère de la Justice, les statistiques concernant les MNA délinquants sont plus lacunaires. Au fil de ses auditions, la mission d’information a cherché à mieux appréhender cette délinquance et a rassemblé de nombreux chiffres qui permettent de dresser le profil « type » des MNA délinquants et de mieux mesurer la nature et l’ampleur de la délinquance dont ils sont à l’origine.

A.   Qui sont les MNA délinquants ?

La très grande majorité des faits de délinquance causés par les MNA sont réalisés par de jeunes hommes en provenance du Maghreb, profondément fragilisés par leur parcours migratoire chaotique et souvent victimes de réseaux de traite des êtres humains, voire de délinquance. Les statistiques communiquées à vos rapporteurs révèlent qu’ils commettent surtout des vols avec violence et des vols par effraction. Ces dernières années, voire ces derniers mois, sont marqués par une aggravation inquiétante du degré de violence de ces infractions.

1.   Des mineurs et jeunes majeurs principalement en provenance des pays du Maghreb, « fracassés » par leur parcours migratoire, leur mode de vie et la toxicomanie

a.   Des MNA délinquants surtout originaires d’Algérie et du Maroc

Selon l’ensemble des personnes auditionnées, la délinquance des MNA semble principalement concerner des mineurs – ou jeunes majeurs – originaires du Maghreb, essentiellement d’Algérie et du Maroc ([4]).

Ainsi, à Paris, la proportion de mineurs délinquants en provenance des pays de l’Est a diminué entre 2015 et 2017 et s’est stabilisée depuis. En revanche, les mineurs en provenance du Maghreb sont aujourd’hui les plus nombreux. Comme le relèvent M. Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, et Mme Aude Groualle, vice-procureure, cheffe de la section des mineurs au parquet de Paris, dans leur contribution écrite aux travaux de la mission d’information, « en 2019, les mineurs non accompagnés algériens, marocains et tunisiens représentent plus de 75 % des MNA déférés et, à eux seuls, les mineurs se déclarant algériens représentaient en 2019 quasiment 50 % des mineurs déférés ». Par ailleurs, « les investigations réalisées en 2020 [par le parquet de Paris] permettent d’établir que les intéressés mentent régulièrement sur leur nationalité, pour tenter d’empêcher les identifications, cherchant très majoritairement à dissimiler une nationalité algérienne, en alléguant faussement une nationalité marocaine, attestant de l’acuité de la problématique algérienne à laquelle est confrontée le parquet de Paris » ([5]).

La préfecture de police de Paris a dressé un constat similaire. Ainsi, « s’agissant de leur origine, […] 77 % des MNA mis en cause dans l’agglomération parisienne en 2020 se disent marocains ou algériens. Quand bien même les Algériens ont toujours représenté le contingent le plus important, la part des Marocains en 2020 (35 %) n’a jamais été aussi haute », tandis que la part des MNA tunisiens n’a jamais dépassé les 5 % du total des MNA. Ces mineurs « n’ont cessé d’être de plus en plus nombreux depuis 2016, faisant apparaître les MNA d’autres nationalités (notamment roumaine ou bulgare) comme des phénomènes délinquants anecdotiques » ([6]).

La direction centrale de la sécurité publique (DCPS) a précisé à vos rapporteurs qu’une même tendance se dessine dans la zone de compétence de la police nationale. La direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Gironde précise, dans sa contribution écrite, que les MNA marocains mis en cause représentent 45,5 % de la délinquance commise par des MNA en 2020, tandis que les MNA algériens représentent une proportion plus faible de 31,7 %. L’essentiel du « reliquat » concerne des faits commis par des mineurs d’origine libyenne, puis tunisienne.

Les cinq nationalités les plus représentées parmi les mineurs non accompagnés mis en cause sur le territoire de la dcps

Nationalité

2019

2020

Marocaine

552

461

Algérienne

344

421

Tunisienne

98

93

Libyenne

48

66

Ivoirienne

27

18

Source : DCSP. Les données concernent les huit premiers mois de chaque année.

Sans disposer de données chiffrées précises, le parquet de Paris constate la présence, parmi les mineurs déférés, d’individus à l’évidence très jeunes, âgés de huit à treize ans. Toutefois, l’essentiel des MNA délinquants est plus âgé : selon les chiffres communiqués à la mission d’information par le tribunal judiciaire de Bobigny, 75 % des MNA poursuivis devant le tribunal pour enfants de cette juridiction étaient âgés de 16 ou 17 ans en 2020. Ces statistiques confirment les propos de Mme Valérie Martineau, directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, qui a précisé à vos rapporteurs que les mineurs non accompagnés mis en cause sont souvent âgés de 16 à 18 ans.

Surtout, M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle ont également précisé qu’« il existe, en nombre bien plus important, des individus majeurs qui entendent se prévaloir du régime protecteur de l’ordonnance de 1945 ([7]), en se faisant passer pour mineur ». Une expérimentation menée par le parquet de Paris en 2019 souligne que, pour 154 jeunes formellement identifiés, 141 étaient majeurs, soit 91,6 % d’entre eux.

S’appuyant sur l’expérimentation menée par le parquet de Paris, Mme Valérie Martineau estime, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, qu’il « n’est pas exagéré d’imaginer qu’a minima la moitié des MNA qui se prétendent [âgés de 16 ou 17 ans] dans l’agglomération parisienne sont en réalité âgés d’au moins 18 ans et mentent sur leur âge, comme ils le font à propos de leur identité, pour bénéficier de la clémence de la justice des mineurs. Cela représente, encore une fois grandement sous-évalué, au moins 2 500 mis en cause pour 2020 ([8]) ».

Les mineurs non accompagnés interpellés par la justice et déférés ne disposent pas toujours de documents d’identité incontestables et ont souvent recours à divers alias, qu’ils modifient à chaque nouvelle interpellation ([9]).

Ainsi, selon M. Rémi Heitz et Mme Aude Groualle, à Paris, « les mineurs non accompagnés sont systématiquement dépourvus de documents justificatifs d’identité et nombre d’entre eux déclarent une nouvelle identité – parfois approchante, parfois radicalement différente – à chaque placement en garde à vue ». Dans sa contribution écrite, l’Union syndicale des magistrats (USM) précise qu’il arrive fréquemment aux magistrats d’être confrontés à « des prévenus disposant de 10 ou 20 alias, parfois proches, parfois très différents, avec des dates de naissance fluctuantes et permettant de faire perdurer de longues années un état de minorité revendiqué ». D’après les statistiques transmises par la DDSP de Gironde, les MNA mis en cause à Bordeaux disposent presque tous de tels alias.

 

b.   Des MNA particulièrement fragiles

Les MNA délinquants sont particulièrement vulnérables. Comme l’observe la DCSP dans sa contribution écrite, « la plupart d’entre eux était déjà en difficulté dans leur pays d’origine, en rupture avec leur famille et ne sont pas pris en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse ni par les conseils départementaux. Ils ont souvent vécu des traumatismes dans leur pays d’origine, ont été confrontés très tôt à la violence. Ils souffrent de carences physiques, morales et affectives. Certains présentent une santé dégradée tant sur le plan somatique que psychique. »

Les personnes auditionnées par vos rapporteurs ont particulièrement insisté sur la forte consommation de médicaments comme le Rivotril®, un puissant antiépileptique ayant pour effet de désinhiber ceux qui en prennent, et de stupéfiants. Ces consommations, en plus d’être addictives, facilitent la commission d’actes de délinquance que ces mineurs n’auraient peut-être pas pu faire dans leur état normal. Elle les rend difficilement contrôlables par les autorités, complique singulièrement le travail des associations et travailleurs sociaux et, surtout, contribue à leur précarité sanitaire.

Lors de son audition, la Défenseure des droits a rappelé à la mission d’information la nécessité d’avoir pleinement conscience du phénomène de traite dont sont victimes les MNA qui commettent des délits : ils sont souvent contraints à commettre des infractions, car sous l’emprise de réseaux ou d’adultes qui empêchent toute mesure de protection et de prise en charge dont ils pourraient bénéficier et qui, parfois, peuvent être à l’origine de leur consommation de stupéfiants.

Cette préoccupation figure dans le second plan de lutte contre la traite des êtres humains pour les années 2019-2021, présenté le 18 octobre 2019 par Mmes Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la mission interministérielle chargée de la lutte contre la traite des êtres humains. Il y est notamment observé « une augmentation du nombre des mineurs victimes de traite exploités principalement à des fins de contrainte à commettre des délits, de prostitution et de mendicité forcée. Les mineurs non accompagnés, particulièrement vulnérables du fait de leur âge, de leur isolement et de l’instabilité de leur situation administrative, sociale et familiale, sont très exposés aux risques d’exploitation, tant au cours de leur parcours migratoire que lors de leur arrivée en France. »


Selon le syndicat national des personnels de l’éducation et du social de la protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ/FSU), certains MNA « sont attendus à la sortie du commissariat ou du tribunal par des personnes plus âgées », qui les chargent de revendre des cigarettes ou de participer à des trafics de stupéfiants en échange d’un hébergement, du financement de leur dépendance aux médicaments ou d’un remboursement d’une dette contractée en France ou dans leur pays de provenance.

Sans qu’il soit possible de distinguer la situation des MNA de celle des autres mineurs, M. Christophe Merlin, directeur de la sûreté de la SNCF, a précisé à vos rapporteurs que les agents de cette entreprise observent parfois la présence de majeurs semblant superviser les mineurs, laissant penser qu’ils peuvent faire l’objet d’une exploitation.

La DCSP constate que certains mineurs non accompagnés de moins de treize ans peuvent être exploités par des organisations criminelles, ces dernières profitant des garanties procédurales protectrices s’appliquant à ces très jeunes mineurs ([10]). L’implication de MNA dans des réseaux de délinquance a été documentée à Mayotte : M. Issa Issa Abdou, vice-président du conseil départemental, a expliqué que les têtes de réseau de passeurs avaient recours à des MNA pour conduire des embarcations de fortune dans le but d’échapper à une répression pénale trop sévère. La DCSP a expliqué à vos rapporteurs que « le profil psychologique de ces mineurs, en proie à des troubles psychologiques, voire psychiatriques, en fait des recrues faciles pour des organisations criminelles ».

La plupart des jeunes MNA serait ainsi « encadrés » par des délinquants majeurs, déjà implantés dans des trafics locaux ou des réseaux, ce qu’illustrent trois affaires récentes relatées par les enquêteurs de la DDSP de Gironde au cours de leur audition :

– en février 2020, ils ont démantelé un réseau franco-marocain à Bordeaux fournissant des médicaments de type opioïde aux MNA afin de les désinhiber et de favoriser la commission d’infractions ;

– l’interpellation d’un MNA en avril 2020 à Bordeaux pour vol à l’arraché et détention de stupéfiants a permis aux enquêteurs de remonter la piste d’une filière de receleurs et de rabatteurs majeurs chargés de recruter les MNA puis d’organiser la commercialisation des biens volés. Ce mineur, ainsi qu’une vingtaine d’autres, remettait régulièrement les objets dérobés à un tiers contre une rémunération. La marchandise volée était ensuite reconditionnée en France – avec la complicité de plusieurs commerces locaux – puis envoyée au Maroc, où elle était rachetée aux receleurs, puis revendue ;


– en février dernier, à l’issue d’une enquête diligentée par la cellule MNA de la DDSP de Gironde, six individus ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Bordeaux à des peines allant de quatre mois à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs et recel en bande organisée. Entre 2017 et 2020, ils ont fourni du Rivotril® et du Lyrica® volés par un responsable logistique d’un grossiste en médicaments, avant de contraindre les mineurs à réaliser des vols par effraction en échange d’un hébergement et d’un peu d’argent. Les receleurs se chargeaient ensuite de la revente en Algérie des bijoux, vélos et téléphones volés.

Selon Mme Valérie Martineau, « les profits [que génèrent les MNA avec ce type de délinquance] apparaissent surtout financer leur polytoxicomanie et leur goût des vêtements de marque […] Des transferts d’argent par certains MNA vers leur famille, notamment au Maroc, ont été constatés, sans pour autant que ces flux financiers familiaux puissent s’apparenter à ceux qui structurent, par exemple, la délinquance au sein de la communauté rom. » ([11])

Si la présence de réseaux pouvant structurer voire amplifier les faits de délinquance commis par certains mineurs non accompagnés a fait l’objet d’un consensus au sein des nombreux acteurs associatifs entendus par la mission d’information, M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle ont tenu, pendant leur audition, à distinguer la situation de ceux en provenance des pays de l’Est de celle que connaissent les jeunes ressortissants du Maghreb.

Dans le premier cas, des réseaux de traite d’envergure ont été découverts ces dernières années, révélant l’exploitation de ces mineurs par des personnes majeures membres de leur famille ou de leur entourage. L’interpellation des auteurs de traite a entraîné une importante baisse de ce type de délinquance à Paris.

En revanche, alors que les mineurs en provenance du Maghreb déférés à Paris allèguent régulièrement agir pour le compte d’un tiers, deux enquêtes diligentées en 2015 et en 2018 « n’ont pas permis d’objectiver de traite de mineurs non accompagnés en provenance du Maghreb sur le ressort parisien, ces services d’enquête partageant à l’issue des investigations réalisées la conviction d’une solidarité délinquante, d’une mise en commun des savoir-faire entre les MNA » ([12]).

La reconnaissance du statut de victime de traite n’est pas anodine puisque des relaxes sont toujours requises par le parquet de Paris à l’audience, pour toutes les procédures n’ayant pas encore été jugées. Une enquête est d’ailleurs systématiquement ouverte lorsqu’une telle infraction est alléguée. Toutefois, « dans l’immense majorité des cas, le mineur qui a par ailleurs fait l’objet d’un placement suite à ses révélations, a fugué dès le lendemain, empêchant toute audition. Dans le reste des cas, les informations communiquées [ne permettent jamais] d’identifier les auteurs de traite. » ([13])

2.   Le manque de statistiques fiables complique l’appréciation précise de cette délinquance qui s’aggrave et des processus qui la sous-tendent

Bien que souvent concordantes, les données quantitatives sont insuffisantes ou éparses pour juger avec exactitude du niveau et du type d’actes de délinquance commis par les MNA. Vos rapporteurs ont ainsi été surpris par l’absence de données précises et par le caractère parfois artisanal de la production de statistiques les concernant, en l’absence de logiciels et de pratiques uniformisés, voire du fait du refus de principe de certains de tenir des fichiers statistiques, alors même que la détention de ces informations est nécessaire pour espérer endiguer le phénomène.

Ils proposent dans ce rapport une « compilation » des données auxquelles ils ont eu accès. Nécessairement non exhaustives, elles n’en sont pas moins représentatives de la réalité dont il leur a été fait part tout au long des auditions qu’ils ont menées, et révèlent une aggravation inquiétante de la violence.

a.   Des faits de délinquance variés qui tendent à se multiplier et s’aggraver

Les MNA délinquants commettent principalement des vols sur la voie publique et les transports en commun, des vols par effraction et des vols avec violences.

Selon la DCSP, les mineurs réalisant des vols sur la voie publique ciblent essentiellement des denrées alimentaires – ce que plusieurs personnes auditionnées qualifient de délinquance de subsistance – des téléphones, des cartes bancaires, des bijoux, des jeux à gratter, des cigarettes et des produits cosmétiques.

Les vols par effraction concernent tant les particuliers que les commerçants, les bars et restaurants, boulangeries, primeurs, magasins de vêtements et pharmacies. Selon M. Éric Lejoindre, maire du XVIIIème arrondissement de Paris, ce type d’effractions dans les pharmacies de l’arrondissement a augmenté de 133 % entre 2019 et 2020.

En matière de vols avec violence, la DCSP observe que les MNA qui les commettent sont « particulièrement belliqueux [et] recourent aisément à la violence lors de leurs méfaits, sans aucune considération de la faiblesse des victimes. Des personnes âgées ont notamment été attaquées sous la menace d’une hache. » Ils sont souvent porteurs d’armes blanches, voire d’armes de poing.

Cette délinquance est très localisée et concerne principalement les grandes villes comme Paris et la couronne parisienne, Bordeaux, Rennes, Montpellier, Nantes, Toulouse, etc., voire certains quartiers de ces villes, comme celui de la Goutte d’Or, à Paris. Les MNA sont également régulièrement présents dans les gares et les transports en commun de ces villes ou quartiers, mais ils peuvent aussi rester à proximité des lieux festifs la nuit.

 

Les MNA de la Goutte d’Or

En avril 2018, l’association Trajectoires, mandatée par la ville de Paris, a publié un rapport concernant la situation des mineurs non accompagnés (MNA) marocains présents dans le XVIIIème arrondissement et, singulièrement, dans le quartier de la Goutte d’Or ([14]). Elle estimait alors à 300 le nombre de ces mineurs en errance dans ce quartier entre février 2017 et février 2018.

Selon l’association, ces jeunes Marocains sont souvent originaires de familles vivant en périphérie des villes. Ils « ont en commun un projet migratoire qui peut se lire davantage comme une fuite de problématiques non réglées au pays : conflits familiaux, rejet suite à un remariage, déscolarisation, addiction, difficultés de socialisation, etc. La migration est alors vécue comme un moyen de régler l’ensemble de ces problèmes. Or, le parcours migratoire qu’ils entreprennent […] ne fait que rajouter de nouvelles problématiques à celles de départ : abus sexuels fréquents, ancrage dans la délinquance, polytoxicomanie. »

Des groupes d’individus, souvent marqués par la consommation de stupéfiants, se forment ainsi au Maroc avant de migrer vers l’Union européenne. Ils sont également très mobiles entre les grandes villes européennes, faisant des allers-retours nombreux et se rendant souvent jusqu’en Suède, selon les opportunités économiques ou les services qui leur sont proposés.

Ces jeunes commettent des vols et des cambriolages afin d’assouvir leurs addictions. Ils peuvent également être rabatteurs pour la vente de drogues, cobayes pour des produits stupéfiants ou prostitués. L’association Trajectoires explique qu’ils sont soumis à l’emprise de réseaux qui maintiennent et encouragent leur polydépendance, et qui peuvent être dirigés par d’anciens MNA exploitant les nouveaux arrivants.

Selon les chiffres transmis par le maire du XVIIIème arrondissement de Paris lors de son audition, il y aurait à ce jour 30 à 40 mineurs dans le quartier de la Goutte d’Or, d’origine marocaine ou algérienne.

Si, en Île-de-France, le phénomène est principalement parisien, la préfecture de police constate que les actes de délinquance commis par les MNA augmentent dans les départements de la petite couronne parisienne, notamment en Seine-Saint-Denis ([15]), mais également en grande couronne. En 2020, 53 % des MNA mis en cause sur le territoire de la préfecture de police l’étaient pour motif de vol à la tire, cambriolage ou vol violent. Le reste des délits concerne principalement des vols simples ou à l’étalage, recels de vols et usages de stupéfiants.

La crise sanitaire aurait entraîné une évolution de la délinquance liée aux mineurs non accompagnés. Selon M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle, la quasi-disparition des touristes, remplacés par des victimes parisiennes transportant moins d’argent liquide et plus alertes, ainsi que les mesures de distanciation sociale qui complexifient l’activité des pickpockets, pourraient pour partie expliquer une aggravation récente de la délinquance à Paris.

Cette évolution est néanmoins antérieure à l’apparition de la pandémie. Depuis plusieurs années, les enquêteurs constatent le déplacement des lieux d’infractions dans les quartiers parisiens plus huppés, la multiplication des vols par effraction dans les commerces, notamment les pharmacies, ainsi que le port plus fréquent d’armes blanches et l’usage de ces armes à l’encontre des victimes, voire d’autres MNA.

Lors de son audition, le maire du XVIIIème arrondissement de Paris a fait part à vos rapporteurs du fort sentiment d’insécurité éprouvé par les riverains, « souvent couplé à une insécurité réelle liée à des violences volontaires parfois extrêmes, avec l’utilisation fréquente d’armes blanches aux conséquences parfois dramatiques et d’importantes blessures conduisant à de nombreuses hospitalisations », notamment de MNA eux-mêmes ou d’autres groupes délinquants présents sur l’espace public. Ces actes de violence « se produisent régulièrement sous les yeux de très jeunes enfants et de leurs parents » ([16]), dans ou à proximité d’espaces verts, de zones de jeux pour enfants ou aux abords d’écoles ou crèches du quartier.

Si les infractions commises par les MNA concernent principalement l’agglomération parisienne et les grandes villes, les MNA délinquants sont particulièrement mobiles dans ces espaces. Selon M. Christophe Merlin, directeur de la sûreté de la SNCF, les mineurs empruntent régulièrement les lignes de TER depuis Paris vers les villes de province comme Amiens, Creil ou Compiègne, en général en fin de journée, pour revenir à Paris le lendemain matin.

Une cartographie des vols par effraction commis dans le centre-ville d’Amiens par la DDSP de la Somme, mentionnée par la DCSP dans sa contribution écrite, a permis de mettre au jour « le fait d’équipes constituées de MNA, le plus souvent de nationalité marocaine (plus rarement d’origine algérienne) qui effectuent des “raids“ depuis le Nord de Paris, arrivant par train en fin de journée ou dans la soirée et repartant dès le lendemain. Ils ciblent les vols de numéraires dans les commerces qu’ils cambriolent et s’en prennent également aux pharmacies. »

Au sein du territoire de la préfecture de police, cette mobilité se traduit par la commission de faits de délinquance à l’extérieur de Paris. Ainsi, bien que « le centre d’opération historique et lieu de vie [ait] toujours été le nord-est parisien, il est toutefois probable que plusieurs foyers de rassemblement de MNA existent aujourd’hui au-delà de ces limites, en particulier dans les communes de Seine-Saint-Denis limitrophes des XVIIIème et XIXème arrondissements. » ([17])  

b.   Des statistiques éparses

Il n’existe pas, à l’échelle nationale, de statistiques suffisamment éclairantes concernant les problèmes de délinquance posés par certains mineurs non accompagnés. La mission MNA de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) estimait entre 2 000 et 3 000 le nombre de MNA délinquants en septembre 2020, soit environ 10 % de l’ensemble de ces mineurs, sans que cette estimation puisse réellement faire l’objet d’une vérification.

Les données chiffrées collectées par la mission d’information permettent d’objectiver une tendance à la hausse des actes de délinquance, tant dans leur fréquence que dans leur violence.

Lors de leur audition par la mission d’information, M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle ont fait part à vos rapporteurs de deux constats : d’une part, la proportion des mineurs non accompagnés dans la délinquance parisienne ne cesse d’augmenter et, d’autre part, le nombre de ces mineurs déférés a crû considérablement depuis 2015, et enregistre une hausse de 87 % entre 2015 et 2019.

Les mineurs non accompagnés déférés au parquet de Paris

 

2016

2017

2018

2019

2020 ([18])

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Total mineurs déférés

2 621

3 340

3 909

4 333

2 598

Total MNA déférés

1 557

59,4

2 134

63,89

2 533

64,79

2 958

68,27

1 981

76,25

Source : section P4 du parquet de Paris ([19])

D’après les statistiques de la préfecture de police, le nombre de mineurs non accompagnés délinquants est en augmentation, y compris en 2020, ceux-ci étant restés très actifs pendant le premier confinement.

La part des MNA dans la délinquance parisienne ([20])

 

2016

2017

2018

2019

2020

Total mis en cause

53 216

53 589

53 878

54 147

44 468

Total MNA mis en cause

2 732

3 499

4 645

5 017

5 046

Part MNA

5 %

7 %

9 %

9 %

11 %

Source : préfecture de police. Les données concernent les 10 premiers mois de chaque année.

Les chiffres transmis par la DCSP traduisent également une augmentation de la proportion de MNA parmi l’ensemble des mineurs mis en cause ([21]). Selon la DDSP de la Gironde, 23 % des mis en cause mineurs étaient MNA en 2018, contre plus de 40 % en 2020 ([22]). Dans les Alpes-Maritimes, entre 2015 et 2020, le nombre de délinquants mineurs est resté stable, celui des délinquants étrangers a augmenté de 3,5 % et celui des délinquants mineurs étrangers, de 6,3 % ([23]).

Les statistiques collectées attestent d’un nombre plus important d’actes de délinquance violents. À Paris, la proportion de MNA auteurs de vols par effraction et de vols avec violence a considérablement augmenté entre 2016 et 2020. Dans sa contribution écrite, la préfecture de police s’inquiète de « leur montée en puissance en matière de cambriolages, de 3 à 29 % du total des mis en cause entre 2016 et 2020, et en matière de vols violents, de 8 à 27 % » ([24]).

La proportion de MNA selon différents types de délinquance a paris ([25])

 

2017

2018

2019

2020

VPE

VT

VV

VPE

VT

VV

VPE

VT

VV

VPE

VT

VV

Mis en cause

1237

3357

1763

1571

3643

2124

1740

4393

2305

2272

3581

2122

MNA mis en cause

87

1351

418

208

1577

729

232

2054

640

690

1575

679

Part MNA

7 %

40 %

24 %

13 %

43 %

34 %

13 %

47 %

28 %

30 %

44 %

32 %

Source : préfecture de police. Les données concernent les 10 premiers mois de chaque année. VPE : vol par effraction (cambriolage) ; VT : vol à la tire, sans violence ; VV : vol avec violence. Ces trois types d’infractions constituent la majorité des faits pour lesquels des MNA sont mis en cause.


Lors de son audition, M. Christophe Merlin a indiqué que 8 754 mineurs avaient, en 2020, fait l’objet d’une interpellation ou verbalisation en train ou en gare ([26]). Ce chiffre est en baisse de 9 % par rapport à l’année précédente, mais cette diminution est moindre par rapport à celle du trafic en 2020, évaluée a minima à 30 %.

Une tendance inverse s’observerait dans les territoires ruraux, moins concernés par la problématique. Dans sa contribution écrite, la Conférence nationale des procureurs de la République a par exemple observé que, « dans l’Indre, un pic de délinquance était constaté en 2015/2016 mais la situation s’est apaisée depuis, à tel point que les forces de sécurité intérieure ne tiennent plus de statistiques sur le sujet. Pour illustration, le groupement de gendarmerie n’a eu aucune procédure pénale contre un MNA en 2020 et seulement 2 en 2019. » Ce constat est corroboré par le Syndicat de la magistrature, qui a précisé à vos rapporteurs que certaines juridictions ont connu une baisse des défèrements de MNA l’an passé.

Lorsque vos rapporteurs ont démarré leurs travaux, la mission MNA de la sous-direction de la protection judiciaire et de l’éducation du ministère de la Justice ne disposait pas encore de statistiques précises concernant les mineurs non accompagnés dans son système d’information. Les données obtenues concernent donc essentiellement le comptage réalisé à partir des défèrements de MNA présumés mineurs par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), ainsi que le comptage manuel des convocations par officier de police judiciaire (COPJ) en vue du jugement d’un mineur non accompagné. Le déploiement prochain d’un nouveau logiciel devrait faciliter la collecte de données sur ce public.

L’obtention de statistiques fiables, consolidées à l’échelle du territoire et régulièrement actualisées, est un prérequis essentiel pour adapter au mieux les politiques publiques concernant la délinquance des MNA. Vos rapporteurs souhaitent que les pouvoirs publics disposent, à l’avenir, de telles données.

Recommandation  1 : systématiser et consolider le recueil de données et les statistiques sur l’ensemble du territoire national concernant les MNA délinquants

B.   Plusieurs obstacles compliquent la distinction entre les mineurs et les jeunes majeurs

Mieux distinguer les MNA des jeunes majeurs est indispensable, d’une part pour dresser les statistiques les plus précises possibles mais, surtout, pour alléger la charge des juridictions et des conseils départementaux, dont l’obligation légale est la mise à l’abri et la prise en charge des « vrais » mineurs par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Malgré de récents progrès, cette distinction demeure complexe à établir, deux principaux facteurs continuant de poser des difficultés aux professionnels : la procédure d’évaluation de la minorité et la qualité de la coopération internationale, notamment avec les pays de provenance de ces jeunes.

1.   La difficile évaluation de la minorité

Comme tout mineur, les enfants étrangers peuvent être pris en charge par les services départementaux de l’ASE dès lors qu’ils se déclarent privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Le code de l’action sociale et des familles prévoit que soit diligentée une procédure d’évaluation de la minorité et de l’isolement de ce mineur ([27]), dont dépendra alors l’accès à un dispositif de protection et de mise à l’abri, qui devrait être la plus rapide possible pour éviter la rue et la délinquance.

L’évaluation de la minorité fait l’objet de nombreux débats mais constitue un élément central de la prise en charge des MNA. Vos rapporteurs estiment à cet égard que l’absence de distinction entre les majeurs et les mineurs est avant tout préjudiciable à ces derniers, tant pour ce qui concerne leur propre sécurité que les conditions de leur prise en charge. Les moyens mis en œuvre pour réaliser cette évaluation sont certes régulièrement remis en question, mais l’utilisation de plus en plus fréquente du dispositif d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) constitue une voie d’amélioration, surtout quand il sera généralisé.

a.   Un cadre juridique récemment renouvelé

Les modalités d’évaluation de la minorité sont précisées par un arrêté du 20 novembre 2019 ([28]), qui met en place un référentiel national précisant les domaines devant faire l’objet d’une évaluation sociale ([29]), ainsi que les qualifications exigées des acteurs chargés de l’évaluation, celle-ci n’étant pas toujours assurée directement pas les services départementaux ([30]) de l’ASE.

Son article 2 précise ainsi que « l’évaluation s’appuie sur un faisceau d’indices », qui peut inclure plusieurs informations :

– l’évaluation sociale ;

– les informations que le président du Conseil départemental peut demander au préfet. L’article 3 du même arrêté prévoit les modalités de partage d’information entre le président du Conseil départemental et la préfecture. Dans ce cadre, la préfecture peut consulter le fichier AEM (voir infra) et procéder à un croisement d’informations avec les fichiers VISABIO ([31]) et AGDREF ([32]) ;

– la réalisation d’examens complémentaires prévus à l’article 388 du code civil, à savoir un examen radiologique osseux.

Une polémique récurrente : l’utilisation de tests osseux

Les tests osseux consistent en une radiographie du poignet et de la main gauches de l’individu, ensuite comparée à un atlas de référence. Ils reposent sur le processus d’ossification du cartilage de croissance, qui prend fin vers 18 ans. La main et le poignet sont privilégiés du fait de leur grand nombre de points d’ossification, permettant de juger de la maturité du squelette, et par la présence de l’os sésamoïde qui apparaît vers 11 ans chez les filles et 13 ans chez les garçons. Cette méthode a été établie par Greulich et Pyle en 1959 pour déceler des retards de croissance chez les enfants, et donc pour estimer un éventuel retard de l’âge osseux par rapport à un âge chronologique connu.

Si les examens osseux permettent une approximation de l’âge d’un individu, ils présentent une importante marge d’erreur, particulièrement forte entre 16 et 18 ans. Chez certains individus, le phénomène physiologique permettant d’attester de la majorité était observé dès 15 ou 16 ans tandis qu’il n’apparaissait qu’à partir de 20 ou 21 ans chez d’autres. Des marges d’erreur similaires existent pour l’âge d’apparition de l’os sésamoïde. L’existence de différences de maturation osseuse selon l’origine ethnique ou géographique, l’état physiologique ou nutritionnel de l’individu, est également débattue. Ces raisons ont conduit le Royaume-Uni à renoncer à y recourir.

En France, l’article 388 du code civil autorise les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, sur seule décision de l’autorité judiciaire et avec l’accord de l’intéressé.

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 21 mars 2019 ([33]), a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, tout en insistant sur les garanties qu’elles prévoient, et notamment le recueil du consentement de l’intéressé dans une langue qu’il comprend, la mention de la marge d’erreur dans les résultats de ces examens et l’impossibilité de déduire l’âge d’une personne sur cet unique fondement. Le Conseil constitutionnel a également précisé que la majorité de l’intéressé ne peut être déduite du seul refus de se soumettre aux examens osseux et qu’il appartient à l’autorité judiciaire de prendre en compte d’autres éléments tels que l’évaluation sociale et les entretiens réalisés par l’ASE. Si les tests osseux entrent en contradiction avec les autres éléments d’appréciation, le doute doit bénéficier au mineur.

L’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles dispose que, pendant la réalisation de cette évaluation, le président du conseil départemental procède ou fait procéder par une association habilitée à la mise à l’abri des mineurs non accompagnés pour un délai de cinq jours.

La procédure d’évaluation de la minorité et de l’isolement

Source : ministère de la Justice.

NB : lorsque le mineur est considéré comme MNA, la cellule nationale d'appui à l'orientation de la mission MNA est saisie et se prononce, soit pour un maintien du jeune dans les structures du département où son évaluation a été diligentée, soit pour une réorientation dans un autre département. Cette décision est prise en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et selon une clé de répartition fixée annuellement à partir des données démographiques relatives à la population générale de chaque département et au nombre de MNA toujours pris en charge au 31 décembre de l’année précédente.

b.   Le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité : un outil utile pour repérer les jeunes majeurs parmi les demandeurs de protection

Afin de faciliter l’évaluation de la minorité et de l’isolement et de contribuer à l’homogénéité des pratiques entre les départements, le Gouvernement a développé le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), créé par décret du 30 janvier 2019 ([34]) sur le fondement de l’article L. 611-6-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Le fichier AEM répertorie toutes les personnes étrangères ayant fait l’objet d’une demande de prise en charge auprès d’un département. Ce nouvel outil a permis de contribuer à fluidifier et à fiabiliser la procédure d’évaluation des personnes se présentant comme MNA. L’article R. 221-15-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit qu’il a pour finalités « de mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France et, à cet effet :

 D’identifier, à partir de leurs empreintes digitales, les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et ainsi de lutter contre la fraude documentaire et la fraude à l’identité ;

 De permettre une meilleure coordination des services de l’État et des services compétents en matière d’accueil et d’évaluation de la situation des personnes mentionnées au 1° ;

 D’améliorer la fiabilité de l’évaluation et d’en raccourcir les délais ;

 D’accélérer la prise en charge des personnes évaluées mineures ;

 De prévenir le détournement du dispositif de protection de l’enfance par des personnes majeures ou des personnes se présentant successivement dans plusieurs départements. »

Tenu et mis à jour par le réseau des préfectures depuis janvier 2019, le fichier AEM est un nouvel outil au service des présidents des conseils départementaux qui ont la possibilité de solliciter la préfecture de leur département afin de vérifier si l’individu qui demande une protection au titre de l’aide sociale à l’enfance a déjà fait l’objet d’une évaluation dans un autre département.

Le fichier AEM pourrait également devenir, dans les départements frontaliers notamment, un outil mobilisable par la police aux frontières (PAF) : dans les Alpes-Maritimes, une expérimentation est en cours de déploiement afin de mettre en place un poste avancé de pré-évaluation de la minorité et de l’isolement à la frontière franco-italienne. Mobilisé dès l’entrée dans le département, ce dispositif devrait ainsi permettre de systématiser la collecte des données des personnes se déclarant mineures qui arrivent sur le territoire, dont leurs empreintes digitales ([35]).

De nombreux syndicats et associations ont contesté la création de ce nouveau fichier national. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé ce fichier conforme à la Constitution, dans la mesure où sa consultation et son résultat ne demeurent qu’un élément du faisceau d’indices en matière d’évaluation de la minorité ([36]). Le Conseil d’État a par ailleurs estimé que le décret du 30 janvier 2019 n’est pas contraire à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, pourvu que le résultat de cette consultation ne détermine pas à lui seul la minorité ou la majorité de l’individu, qu’elle ne s’oppose pas à la mise à l’abri ni n’interrompe le processus d’évaluation, et que les données collectées soient conservées pendant une durée strictement nécessaire, sans pouvoir faire l’objet d’un traitement par reconnaissance faciale ([37]).

À ce jour, selon les chiffres communiqués par la mission MNA de la PJJ, 77 conseils départementaux ont donné leur accord pour le déploiement de ce fichier ([38]). Plusieurs départements demeurent réfractaires à l’utilisation de ce dispositif ([39]), « qu’ils considèrent plus comme un outil de politique migratoire. D’autres ont pu estimer que ce fichier était une réponse de l’État insuffisante et contraignante dans leur organisation puisqu’il ne permet pas d’aller plus loin dans la recherche d’informations. » ([40])

Le Gouvernement a pris des mesures financières pour inciter les conseils départementaux encore réfractaires à recourir au fichier AEM. Un décret du 23 juin 2020 prévoit, à partir de l’année 2021, que le montant du financement de l’État à destination des départements (un forfait de 500 euros par jeune évalué et de 90 euros par jour de mise à l’abri pendant 14 jours maximum, puis 20 euros par jour pendant neuf jours maximum) peut être modulé dès lors que ces départements n’ont pas signé de convention avec l’État visant à l’utilisation de ce fichier dans le cadre de l’évaluation de la minorité et de l’isolement du demandeur ([41]). L’arrêté du 23 octobre 2020 pris en application de ce décret instaure une minoration de la participation de l’État de 400 euros par mineur.

Vos rapporteurs constatent que ce fichier pourrait favoriser l’identification des mineurs non accompagnés. Pour qu’il soit pleinement efficace et ne manque pas ses objectifs, ils souhaitent que la saisie d’informations et son utilisation par les conseils départementaux, ainsi que la mise à jour par le réseau des préfectures, deviennent obligatoires pour tous les mineurs sollicitant une protection au titre de l’ASE. Le croisement du fichier AEM avec les fichiers AGDREF et VISABIO doit également être systématisé.

Recommandation  2 : rendre obligatoire le recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité par les conseils départementaux, ainsi que sa mise à jour par le réseau des préfectures. Rendre systématique le croisement du fichier AEM avec les fichiers AGDREF et VISABIO.

c.   Des sanctions pénales peu dissuasives pour contraindre à la collecte des empreintes digitales

Lorsque des individus se prétendant MNA sont interpellées par les forces de l’ordre à la suite de la commission d’une infraction, la prise d’empreinte constitue un moyen de procéder à leur identification et à la vérification de leur minorité alléguée.

En France, la collecte des empreintes digitales demeure soumise à la volonté de la personne contrôlée. L’article 78-3 du code de procédure pénale prévoit trois conditions cumulatives pour qu’un tel relevé puisse être réalisé :

– le refus de l’individu de justifier de son identité ou la fourniture d’éléments « manifestement inexacts » ;

– l’absence d’autres moyens permettant d’établir son identité ;

– une autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction.

L’article 78-5 du même code punit de trois mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende le refus de se soumettre à la collecte d’empreintes digitales, mais ces peines sont rarement prononcées.

En matière de délinquance des MNA, enquêteurs et magistrats sont régulièrement confrontés à un refus de prise d’empreintes digitales, ce qui rend plus difficiles l’identification certaine de la personne contrôlée et la vérification de sa minorité. Dans un tel cas de figure, certains parquets peuvent, à l’instar de ceux de Paris et de Bobigny, solliciter la détention provisoire de l’individu se prétendant MNA ([42]). Toutefois les juges des libertés et de la détention, chargés de statuer sur cette demande, seraient réticents à y donner suite.

Plusieurs personnes auditionnées ont souhaité que le régime juridique de la prise d’empreintes soit plus coercitif. Des mesures plus sévères pourraient être mises en œuvre afin de contraindre au dépôt. Elles existent déjà dans certains pays européens : selon le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés, la prise d’empreintes digitales « de force » est possible pour les demandeurs d’asile et de protection subsidiaire, ainsi que pour les immigrants illégaux, dans une dizaine d’États, notamment en Autriche, en République tchèque, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, en Slovaquie, au Royaume-Uni et en Norvège ([43]). La prise d’empreintes contrainte est également permise, en Estonie et en Grèce, pour les individus arrivés de manière illégale sur le territoire.

Lors de leur audition, plusieurs magistrats se sont montrés favorables, par principe, à cette évolution, pourvu qu’une telle coercition puisse effectivement être mise en place. L’absence de coopération de la personne dont l’identité est vérifiée complique cependant le travail des enquêteurs et leur faculté à récolter des empreintes digitales de qualité satisfaisante : parmi les individus alléguant leur minorité, « certains dissimulent tout au long de la garde à vue leur visage avec leurs cheveux, secouent frénétiquement les mains en l’air, voire se roulent par terre pour dissuader tout relevé de leurs empreintes » ([44]). Cette situation est d’autant plus paradoxale que, lors du placement en détention des MNA délinquants, leurs empreintes sont relevées et inscrites dans le fichier pénitentiaire, qui n’est pas partagé avec les services de police et de gendarmerie nationale.

Il pourrait ainsi être plutôt envisagé de sanctionner plus sévèrement le refus de relevé d’empreintes dans le code de procédure pénale. Selon Mme Charlotte Bernard de Veauce, référente MNA au sein du parquet mineur de Bobigny, le délit actuellement prévu n’est pas assez sévèrement puni, et n’est en tout cas plus adapté à la gravité que revêt un tel refus. Ce durcissement devrait, selon elle, inciter le juge des libertés et de la détention à accepter plus régulièrement le prononcé de la détention provisoire des personnes se déclarant mineures de moins de seize ans qui refusent de se soumettre à une telle opération.

Recommandation  3 : rendre obligatoire la prise d’empreintes digitales des mineurs et des prétendus mineurs délinquants interpellés ou, à défaut, renforcer la sanction du refus de se soumettre au relevé d’empreintes digitales

d.   L’inversion de la charge de la preuve de la minorité, une recommandation efficace mais qui risque d’encourir la censure du Conseil constitutionnel

En l’absence d’éléments probants attestant de leur majorité, les individus se prétendant MNA sont considérés comme des mineurs, en vertu du principe de présomption de la minorité. Or en matière de MNA, de nombreux jeunes sollicitent une assistance sans disposer de documents d’identité permettant de s’assurer qu’ils sont effectivement mineurs.

Plusieurs personnes auditionnées ont ainsi formulé le souhait d’une inversion de la charge de la preuve, qui consisterait, pour le mineur, à apporter la preuve qu’il est âgé de moins de dix-huit ans. Cette démarche diminuerait le nombre de majeurs dans les circuits de prise en charge et libérerait des places et du temps pour les professionnels, au bénéfice des vrais MNA. Imposer la présentation de documents d’identité pour pouvoir bénéficier de certaines aides pourrait être une méthode efficace de résorption du phénomène des « papiers perdus ».

Une telle disposition pourrait cependant encourir la censure du Conseil constitutionnel. Dans une décision récente consacrant l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, il a en effet estimé que « les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge. Il s’ensuit que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. » ([45])

Vos rapporteurs ne souhaitent pas, à ce stade de leurs réflexions, formuler de recommandation sur ce sujet qui a divisé les associations, magistrats et avocats qu’ils ont rencontrés. Ils constatent en revanche que cette mesure est souhaitée à la fois par certains d’entre eux et par l’Association des départements de France, qui y voient un moyen de juguler les flux au sein des dispositifs et des juridictions saturés par les MNA et par les jeunes majeurs.

2.   Une coopération internationale encore insuffisante

La coopération internationale existe déjà, tant avec les pays de provenance des jeunes qu’avec les pays européens frontaliers par lesquels ils arrivent sur le territoire national. Des efforts récents ont été réalisés afin de renforcer ces partenariats, mais ils demeurent toujours insuffisants au regard de l’ampleur croissante de la problématique.

a.   La coopération avec les pays de provenance des MNA

Des partenariats existent déjà entre la France et certains pays de provenance, notamment avec le Maroc depuis la création du groupe migratoire mixte franco-marocain en 2018, et l’installation en son sein d’un sous-groupe consacré aux mineurs non accompagnés réputés marocains.

La coopération entre la France et le Maroc

Longtemps source de crispation entre les deux pays, la question des mineurs non accompagnés réputés marocains fait désormais l’objet d’une coopération internationale, amorcée depuis la première réunion du groupe migratoire mixte franco-marocain, en 2018.

 

Entre 2018 et 2019, une équipe marocaine, composée de sept policiers et représentants des services sociaux et consulaires a été déployée à Paris afin de procéder à l’identification des mineurs parisiens, notamment de la Goutte d’Or. Selon les chiffres transmis par la direction de la coopération internationale du ministère de l’Intérier, elle a permis d’identifier 320 Marocains, dont 140 majeurs. Cette coopération est toutefois inactive depuis le début de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.

Le 11 octobre 2019, un schéma de procédure a été établi entre les deux pays afin de rappeler, à droit constant, les modalités d’organisation des retours et les placements en famille ou en institution qui peuvent être envisagés par la juridiction des mineurs, si l’intérêt supérieur de l’enfant le justifie. Aucun mineur n’a toutefois bénéficié de cette procédure en 2019. À l’occasion d’une visite du garde des Sceaux français à Rabat le 6 décembre 2020, une déclaration d’intention a été signée, dont l’objet est principalement de diffuser le schéma de procédure aux autorités concernées dans les deux pays ([46]).

Des initiatives plus localisées existent, à l’instar de l’expérimentation lancée en septembre 2019 par le parquet de Paris, visant à la transmission systématique des empreintes digitales collectées au cours des gardes à vue aux autorités policières des pays du Maghreb aux fins d’identification des individus se prévalant de leur minorité sans pouvoir la justifier.

Cette expérimentation ne permet généralement pas de parvenir à des résultats satisfaisants pendant la durée de la garde à vue, les réponses des autorités pouvant parfois parvenir jusqu’à onze mois après la demande du parquet. Elles sont toutefois pertinentes en cas de nouveau placement en garde à vue. Lors de la visite du garde des Sceaux de décembre 2020, le ministre de l’Intérieur marocain s’est engagé à favoriser une telle identification en moins de huit jours, lorsque ses services sont sollicités à cette fin par les autorités françaises.

En revanche, vos rapporteurs observent que tous les pays parmi les plus concernés par le sujet de la mission d’information ne font pas l’objet d’accords de coopération suffisants. Comme l’explique Mme Sophie Hatt, directrice de la coopération internationale au ministère de l’Intérieur, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, « la France et la Tunisie n’ont pas conclu d’accords spécifiques concernant l’identification des ressortissants tunisiens arrivés en France et la détermination de leur âge […] La question des mineurs non accompagnés en Tunisie n’est pas une priorité nationale, le pays n’ayant pas établi de structures ou d’institution spécialisées dans leur encadrement. »

La coopération avec l’Algérie est actuellement limitée à la seule interrogation des fichiers algériens via le canal Interpol. Elle pourrait néanmoins être renforcée à l’avenir. Selon Mme Sophie Hatt, « la partie algérienne, alertée par le phénomène des mineurs non accompagnés s’est, à plusieurs reprises, déclarée disposée à coopérer avec les autorités françaises. Il convient désormais d’explorer les pistes pour y parvenir. »


D’autres pays ne souhaitent pas forcément la mise en place d’une telle coopération. Selon M. Issa Issa Abdou, les Comores, qui sont le premier pays de provenance des MNA à Mayotte, refusent toute coopération qui consisterait à travailler sur le retour de leurs ressortissants. La direction de la coopération internationale du ministère de l’Intérieur observe, dans ce pays, une importante fraude documentaire.

Cette coopération est par ailleurs confrontée à l’insuffisance des états civils dans certains pays de provenance. Si la situation devrait s’améliorer au Maroc avec la mise en circulation d’une nouvelle carte nationale d’identité sécurisée depuis septembre dernier, « à travers le monde, 166 millions d’enfants de moins de 5 ans (environ un sur quatre) n’ont jamais été enregistrés à la naissance », selon la DCI, qui précise également que « 237 millions d’enfants de moins de cinq ans n’ont pas d’acte de naissance comme preuve officielle d’enregistrement. Ces enfants viendront pour une part alimenter les réseaux de trafic d’êtres humains sans possibilité d’être identifiés. » En Tunisie, même si un accord de coopération était négocié et mis en œuvre avec la France, « dans la grande majorité des cas, la Tunisie n’aurait pas d’information concernant les Tunisiens se déclarant mineurs car l’obligation légale de s’inscrire à l’état civil ne commence qu’à partir de la majorité d’une personne. Ainsi, très peu de Tunisiens mineurs sont en pratique inscrits sur l’état civil tunisien. » ([47])

Comme le préconise la DCSP dans sa contribution écrite, il pourrait s’avérer pertinent d’accueillir en France des fonctionnaires de pays subsahariens en détachement afin de faciliter l’identification de leurs ressortissants, sur le modèle de ce qui a déjà été mis en place en 2018-2019 avec les autorités marocaines.

La coopération avec les pays d’origine devrait également prévoir la possibilité de retour du mineur dans son pays, dans le respect du principe constitutionnel de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le respect de ce principe impose au préalable que son identité soit déterminée et que les services chargés de l’aide sociale à l’enfance de ce pays garantissent une protection similaire à celle offerte aux mineurs pris en charge par l’ASE en France.

Recommandation n° 4 : mettre en place des équipes consulaires des principaux pays de provenance des MNA délinquants sur le territoire français chargées de contribuer à leur identification et à la détermination de leur minorité

b.   La coopération européenne

La coopération intra-européenne existe également, bien qu’elle semble encore parcellaire. À titre d’exemple, le centre de coopération policière et douanière (CCPD) d’Hendaye, cité par plusieurs personnes auditionnées par vos rapporteurs, permet aux services de police français d’obtenir les éléments d’identification collectés par les autorités espagnoles lorsque les individus contrôlés ont transité par ce pays.

Le projet EUPROM ([48]) est un consortium composé par la France, l’Espagne, l’Italie et la Suède, actuellement en cours de déploiement. Il s’articule autour de quatre objectifs :

– établir un état des lieux des spécificités de chaque État membre du consortium en matière de prise en charge des MNA et convenir d’un cadre de travail commun ;

– identifier les difficultés rencontrées par les États et leurs bonnes pratiques, puis définir des pistes d’amélioration dans la prise en charge des MNA ;

– assurer des actions de formation à destination des professionnels de la protection de l’enfance ;

– synthétiser l’ensemble des éléments du projet dans un guide européen et assurer sa diffusion.

Le règlement du 17 avril 2019 dit « ECRIS-TCN » ([49]), dont l’entrée en vigueur est prévue en mars 2023, établit un système centralisé alimenté par l’ensemble des casiers judiciaires des États membres, qui contiendra notamment les données alphanumériques et les empreintes des ressortissants des États-tiers à l’UE. Sans concerner spécifiquement les MNA, cette interconnexion permettra à un État membre qui dispose des empreintes d’un ressortissant d’un pays tiers à l’UE d’accéder à l’identité et aux anciennes condamnations enregistrées dans le casier judiciaire de cette personne dans les autres États membres.

Vos rapporteurs saluent ces initiatives et partagent pleinement l’opinion de M. Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, qui a insisté, lors de son audition et dans sa contribution écrite, sur l’importance que revêtent de tels partenariats « avec les pays européens qui font face au même phénomène, en particulier l’Espagne, l’Allemagne et la Suède. L’enjeu est de bien identifier les caractéristiques de ce public ainsi que les problématiques auxquelles il est confronté (toxicomanies, actes de délinquance, etc.), leur profil sociologique et les raisons de leur départ, pour développer et mettre en œuvre des réponses coordonnées, notamment la prévention des départs et l’organisation des retours lorsque les conditions de la convention de La Haye sont réunies. » ([50])

Recommandation n° 5 : renforcer la coopération avec les pays de provenance des MNA délinquants, notamment en matière d’état civil, de procédure d’identification et de protection de l’enfance, ainsi que les initiatives européennes d’échanges d’informations avec les pays traversés par les MNA, comme l’Espagne et l’Italie

II.   Une prise en charge sociale ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités des mna délinquants

Même si la qualité de l’accueil varie en fonction des conseils départementaux, nombre d’entre eux mobilisent d’importantes ressources pour assurer la prise en charge des MNA au titre de l’aide sociale à l’enfance. Les dispositifs déployés ne prennent toutefois pas toujours suffisamment en compte les spécificités que présentent les MNA délinquants, dont la particulière fragilité et le refus a priori de tout accompagnement justifient une approche différente propre à ce type de public.

A.   Des dispositifs d’hébergement qui apparaissent inadaptés au profil des MNA délinquants

Comme tous les enfants, les mineurs non accompagnés peuvent être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et hébergés dans des structures, organisées librement par les conseils départementaux. Selon M. Adrien Taquet, « les MNA sont principalement pris en charge au sein de structures collectives (foyers de l’enfance, maisons d’enfants à caractère social). Les plus autonomes peuvent également être hébergés dans des logements dits autonomes (appartements partagés avec d’autres jeunes) avec un encadrement par un travailleur social. Enfin, ils peuvent être accueillis également en famille d’accueil ou chez un tiers digne de confiance » ([51]).

Si ces modalités d’accueil semblent convenir pour la majorité des MNA adhérant aux dispositifs de protection de l’enfance, elles ne sont pas adaptées au profil atypique des MNA délinquants. Se pose par ailleurs encore la question du recours à l’hébergement hôtelier, encore trop souvent utilisé pour pallier l’insuffisance de dispositifs adaptés, mais qui prive généralement les enfants et adolescents de la prise en charge dans un environnement adéquat dont ils ont besoin.

1.   Le recours problématique à l’hébergement hôtelier

Comme l’a rappelé M. Adrien Taquet durant son audition, l’hébergement hôtelier n’est pas une solution pérenne dans le cadre de la prise en charge d’un mineur. Vos rapporteurs partagent cette opinion, qu’ils estiment particulièrement fondée pour ce qui concerne les MNA délinquants.

De surcroît, la Défenseure des droits déplore le recours à cette solution à l’égard des MNA dans de nombreux départements, qu’elle dénonce comme une forme de « non » prise en charge de ces mineurs.

Selon la Croix-Rouge française, il arrive que des MNA pris en charge au titre de l’assistance éducative dans certains départements séjournent jusqu’à deux ans en hôtel. Or, « durant ce temps, ces jeunes [ne bénéficient] d’aucun suivi socio-éducatif réel et ne sont pas même accompagnés dans l’apprentissage de la langue […] Le travail d’insertion au moment de leur placement en structure adaptée est alors rendu complexe voire impossible pour ces jeunes trop longtemps laissés sans repères et sans accompagnement. » ([52])

L’hébergement hôtelier n’est pas utilisé dans tous les départements : il n’est par exemple pas proposé à Paris – sauf pendant la période d’évaluation du jeune. En revanche, selon M. Éric Lejoindre, certains départements de la petite couronne placent parfois les jeunes dont ils ont la charge dans des hôtels sociaux du XVIIIème arrondissement parisien, alors qu’ils ont au contraire besoin d’être éloignés des réseaux de délinquance.

Les pouvoirs publics ont pris pleinement conscience du caractère lacunaire d’une telle prise en charge. M. Adrien Taquet, a récemment annoncé le dépôt d’un projet de loi inscrivant l’interdiction du recours à ces structures hôtelières dans le cadre d’une prise en charge par l’ASE. Vos rapporteurs se félicitent de cette volonté du Gouvernement, qu’ils souhaitent désormais voir se concrétiser.

Recommandation n° 6 : ne plus recourir à l’hébergement hôtelier pour la prise en charge des MNA délinquants, ainsi que pour ceux dont la minorité prête à discussion

2.   Des hébergements des MNA en nombre insuffisant

Dans sa contribution écrite, la Défenseure des droits a déploré le manque de dispositifs de protection des mineurs « alors même que le profil de ces enfants, en situation d’extrême vulnérabilité, souvent sous l’emprise d’adultes, appelle de la part des pouvoirs publics une attention particulière, renforcée et adaptée ».

De nombreuses autres personnes auditionnées par vos rapporteurs leur ont fait part de la saturation des structures d’accueil et d’hébergement dans la plupart des départements. Lors du déplacement de la mission d’information au tribunal judiciaire de Bobigny, Mme Joséphine Pubault, juge des enfants, a expliqué à vos rapporteurs que le personnel du tribunal, une fois prise l’ordonnance de placement provisoire (OPP) au titre de l’assistance éducative, rencontrait d’importantes difficultés pour trouver un lieu de placement adapté au MNA délinquant. La conséquence de cette insuffisance est l’orientation des MNA vers des hôtels sociaux, sans accompagnement ni prise en charge.

Recommandation n° 7 : accroître le nombre de places d’hébergement disponibles et adéquates dans les structures d’accueil de l’aide sociale à l’enfance, réparties sur l’ensemble du territoire, y compris en dehors des grandes agglomérations

B.   La méfiance des MNA délinquants vis-à-vis de toute forme de prise en charge appelle à une refondation de l’accompagnement qui doit leur être proposé

La prise en charge des MNA délinquants est beaucoup plus difficile que celle des autres mineurs. De l’avis de tous les professionnels auditionnés, elle impose un travail de première « accroche » et l’établissement d’un lien de confiance, puis l’orientation du jeune vers une structure sociale où une prise en charge pluridisciplinaire doit lui être proposée.

Ce parcours doit s’inscrire dans ce que vos rapporteurs définissent comme un « continuum de protection », c’est-à-dire la garantie d’un accompagnement des MNA le plus tôt possible pour éviter leur tombée dans la délinquance et mettre en place les conditions optimales de leur intégration dans la société française.

1.   Un travail important de première « accroche » des MNA fuyant toute prise en charge

Les travailleurs sociaux et les associations sont régulièrement confrontés à un rejet de toute tentative de prise en charge, ce qui complique le nécessaire travail de soin et l’accompagnement socio-éducatif dont ces jeunes ont besoin pour s’extraire de la délinquance. Selon Mme Julie Morel, vice-procureure de la République, et M. Luc Salen, procureur adjoint au parquet de Bobigny, « les MNA [délinquants] sont rarement pris en charge en assistance éducative avant leur défèrement. Ils ne passent pas par le circuit d’évaluation mis en place au niveau national et ne bénéficient pas de mise à l’abri. Ils sont souvent pris en charge à leur arrivée sur le territoire par des compatriotes majeurs qui les orientent vers des squats, ce qui rend leur "détection" difficile. »

L’association Hors la rue réalise un important travail de détection et d’accompagnement des MNA à Paris et en région parisienne, qui repose sur une équipe pluridisciplinaire composée d’éducateurs spécialisés et polyglottes, d’un art-thérapeute, d’un psychologue et de chargés de mission spécialisés dans la lutte contre la traite des êtres humains.

Lors de son audition, M. Heitz a expliqué qu’une réflexion était actuellement en cours à Paris pour mettre en place des maraudes mixtes, sous l’égide de la ville de Paris, avec des personnels de la direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé (DASES), la direction de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la Justice.

La systématisation de ce type de maraudes pluridisciplinaires « dès la rue » ne peut que favoriser une première prise de contact entre les jeunes et les adultes, quelles que soient leur appartenance administrative et leur activité professionnelle. La Défenseure des droits a par ailleurs insisté sur le besoin d’y faire participer des professionnels formés à la détection d’éléments évocateurs de traite des êtres humains. L’état sanitaire dramatique de certains de ces jeunes justifie également qu’y participent des personnels médicaux formés aux soins en addictologie et pédopsychiatrie.

Recommandation n° 8 : organiser des maraudes mixtes associant des professionnels des secteurs éducatif, social et médical, afin de faciliter l « accroche » des MNA et leur intégration dans le continuum de protection

L’un des moyens d’« accroche » des MNA délinquants fuyant toute prise en charge peut passer également par une offre de prise en charge de courte durée de type « refuge » avant tout accompagnement pérenne. Paris accueille déjà des structures permettant aux MNA de se reposer et, au cas par cas, d’engager un travail d’accompagnement plus ciblé. Le département de la Gironde a engagé récemment une réflexion concernant la mise en place d’une structure d’accueil de courte durée.

Comme l’a expliqué à vos rapporteurs Mme Muriel Eglin, vice-présidente du tribunal pour enfants de Bobigny, un tel accompagnement commence parfois par une simple douche, mais il peut se poursuivre ensuite, au fil du temps et une fois gagnée la confiance du jeune, par une prise en charge qui lui permette finalement de quitter la rue et la délinquance.

La mise en place de centres d’accueil ouverts de jour comme de nuit favoriserait un premier contact entre les professionnels adultes et les MNA récalcitrants ou en rupture, notamment si ces centres sont facilement accessibles – par exemple, à proximité des points de passage des MNA – et proposent des prestations basiques de soin.

Recommandation n° 9 : développer des espaces d’accueil de courte durée de type « refuge », ouverts 24 heures sur 24

2.   Une prise en charge pluridisciplinaire et de longue durée pour garantir l’adhésion des jeunes aux dispositifs

Le besoin d’un accompagnement pluridisciplinaire des MNA délinquants a été rappelé par l’ensemble des personnes auditionnées par vos rapporteurs. Comme le résume le syndicat SNPES-PJJ/FSUU, « l’expérience prouve qu’avec de la patience pour restaurer la confiance en l’adulte et avec des propositions concrètes permettant une sortie de la précarité (hébergement, scolarité, formation, lieu de soin, accès aux soins…) et un accompagnement éducatif et psychologique de qualité, il est possible de sortir la majorité de ces jeunes de la délinquance ». À l’inverse, lorsqu’une telle prise en charge n’est pas proposée, les organisations criminelles peuvent devenir les seules issues.

Pourtant, les professionnels sont souvent démunis face aux problématiques spécifiques posées par les MNA délinquants. Les travailleurs sociaux sont certes formés aux missions d’assistance à l’enfance traumatisée, mais pas à de telles particularités, ce qui justifie d’ailleurs pleinement, aux yeux de vos rapporteurs, qu’un accompagnement spécifique, dans une structure distincte, leur soit consacré.

Le développement de l’« aller-vers », c’est-à-dire le processus d’adhésion du jeune à la prise en charge, repose à la fois sur la mobilisation d’une équipe formée et spécialisée, et sur une prise en charge nécessairement pluridisciplinaire. À Paris, le Centre d’action sociale protestant (CASP), qui accompagne les mineurs en errance dans le quartier de la Goutte d’Or, fait figure d’exemple : une équipe d’éducateurs, médiateurs et psychologues, ainsi qu’un infirmier, proposent un accueil de jour et un hébergement de nuit qui se décline en trois volets :

– l’accompagnement des jeunes au sein des dispositifs de la protection de l’enfance, en partenariat avec le dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers géré par la Croix-Rouge française, chargé d’évaluer la minorité des MNA parisiens et de favoriser leur accès à l’aide sociale à l’enfance, une fois leur minorité reconnue ;

– les accompagnements judiciaires liés au traitement de la délinquance, le CASP travaillant en partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse parisienne et le parquet de Paris ;

– le traitement sanitaire et addictologique, le CASP proposant notamment des premiers soins réalisés par son infirmière et un accompagnement en addictologie et en pédopsychiatrie, en partenariat avec l’hôpital Robert Debré et d’autres structures associatives. Selon son rapport annuel d’activité, 203 jeunes ont été accompagnés vers une prestation de soin en 2019 ([53]).

Malgré les efforts déployés, la prise en charge des mineurs en addictologie est aujourd’hui insuffisante. Pendant son audition, M. Adrien Taquet s’est dit favorable à un renforcement de l’accompagnement médical et psychosocial des MNA. Nécessité absolue, cet accompagnement devrait être complété par d’autres initiatives socio-éducatives.

Recommandation n° 10 : dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, assurer un accompagnement pluridisciplinaire (médical, juridique, éducatif, social) des MNA délinquants dans des structures spécialisées afin de ne pas les mêler aux autres jeunes pris en charge par l’ASE

Recommandation n° 11 : prévenir les difficultés pouvant survenir pendant la prise en charge des MNA délinquants en assurant une formation suffisante et complète des personnels à leur contact

III.   Une réponse pénale inadaptée

La qualité de la réponse pénale repose d’abord sur la capacité des pouvoirs publics à déployer les moyens permettant de lutter efficacement contre les réseaux de délinquance, de traite des êtres humains et les filières de recel. Elle impose de s’interroger sur la pertinence des sanctions pouvant être prononcées à l’égard des MNA délinquants : l’échec régulier des mesures éducatives et alternatives aux poursuites, qui sont la règle en matière de justice des mineurs, contraint en effet les magistrats au prononcé de peines plus répressives, qui peuvent paradoxalement, dans certains cas, favoriser le travail d’accompagnement du jeune en prison.

A.   La réponse pénale n’est pas totalement adaptée à la délinquance des MNA

La qualité de la réponse pénale dépend en premier lieu du travail des enquêteurs et du parquet. En la matière, la lutte contre les réseaux de délinquance et de traite des êtres humains, souvent à l’origine des infractions commises par les MNA, ainsi que le démantèlement des filières de recel, doivent être systématisés par l’ouverture d’enquêtes. S’agissant de faits commis par des mineurs, il importe que les juridictions qui leur sont consacrées soient déchargées des prévenus majeurs prétendant être MNA, d’où l’importance de la détermination de leur identité.

1.   Des enquêtes qui peinent à mettre en lumière les réseaux dont les MNA peuvent être victimes

Le démantèlement de réseaux organisés de délinquance et de traite des êtres humains nécessite de mener des enquêtes, souvent complexes et techniques, réalisées par des services d’enquêtes dotés de moyens suffisants pour y parvenir.

L’existence de ces filières et leur influence sur les MNA délinquants ne sont pas toujours évidentes. Comme l’observe M. Éric Lejoindre, maire du XVIIIème arrondissement de Paris, elles ne semblent pas facilement objectivables à Paris – il rejoint ainsi les observations formulées à ce sujet par M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle au cours de leur audition (voir supra). En revanche, une telle constatation nécessiterait, selon lui, « un travail d’investigation impliquant les services spécialisés. L’absence de preuve n’implique pas le fait que ces réseaux n’existent pas. »

Vos rapporteurs partagent cette opinion. Sans verser dans un discours angélique selon lequel tous les MNA seraient victimes de réseaux délinquants, ils constatent que ces réseaux peuvent exister et appellent à des investigations qui n’existent pas forcément aujourd’hui.

En effet, selon le Syndicat des avocats de France, peu d’enquêtes sont diligentées pour constater l’étendue de tels réseaux, surtout lorsque cette délinquance est exercée à petite échelle par des cellules comprenant quelques personnes. Durant son audition, M. Jérôme Voiturier, directeur général de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS), a ainsi regretté que l’ouverture d’enquêtes relatives à des faits de traite des êtres humains soit le plus souvent motivée par des infractions d’une extrême gravité, et non par celles liées à la petite délinquance, qui concernent pourtant singulièrement les MNA en prise avec des réseaux.

Ce constat dépend néanmoins de la volonté des territoires et de l’intensité de cette problématique dans les collectivités territoriales : à Bordeaux, ville particulièrement touchée par la délinquance de certains MNA, les forces de police locales ont créé, en 2018, une cellule consacrée à cette problématique.

Initiative unique en France, cette cellule est composée de six personnes et rassemble des professionnels de spécialités différentes – elle compte par exemple un officier de sûreté, un agent d’une brigade anti-criminalité et un enquêteur des transports en commun. Elle est notamment à l’origine du démantèlement d’un réseau de recel, en avril 2020. L’audition de membres de cette cellule a convaincu vos rapporteurs de la nécessité d’en généraliser le modèle dans d’autres villes particulièrement concernées par cette problématique, comme Paris et Nice.

Recommandation n° 12 : généraliser les brigades spéciales et pluridisciplinaires chargées de lutter contre les réseaux de délinquance, de traite des êtres humains et contre les filières de recel dont peuvent être victimes les MNA

2.   La mise en place de procédures afin de limiter la présence des jeunes majeurs dans le circuit de la justice pénale des mineurs

Les données collectées par la mission d’information, bien que parcellaires, révèlent que les juridictions pour mineurs doivent souvent juger des individus majeurs. Or, comme le soulignent M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle dans leur contribution écrite, « les effets collatéraux [de ce constat] sont particulièrement préoccupants : incarcération d’individus majeurs en quartiers mineurs ou en établissements pour mineurs, placements en centre éducatif fermé d’individus majeurs, ordonnances de placement provisoire confiant des individus en réalité majeurs à l’aide sociale à l’enfance parisienne, placement éducatif de ces majeurs dans des lieux d’accueil de protection de l’enfance… »


Pour désengorger les juridictions, le parquet de Bobigny a mis en place, en lien avec les enquêteurs, une procédure favorisant la détection des jeunes majeurs, présentée par Mme Charlotte Bernard de Veauce, référente MNA au sein du parquet mineur de Bobigny, lors du déplacement de la mission d’information au tribunal judiciaire de Bobigny.

La procédure d’évaluation de la minorité diligentée par les enquêteurs et le parquet de Bobigny ([54])

Lorsqu’un individu se prétendant MNA est interpellé et placé en garde à vue, et sous réserve qu’il accepte de communiquer ses empreintes digitales, les enquêteurs recherchent son identité judiciaire, c’est-à-dire l’ensemble des alias susceptibles d’avoir été utilisés lors de précédentes procédures diligentées contre lui.

Cette recherche permet de vérifier les dates de naissance précédemment déclarées par l’individu – notamment aux fins de constater un éventuel « rajeunissement » lorsque le jeune a proposé plusieurs dates de naissance différentes afin d’éviter un basculement dans la majorité – et s’il a déjà fait l’objet d’une condamnation par une autre juridiction avec une date de naissance indiquant qu’il est majeur aujourd’hui. Si tel est le cas, l’individu sera alors placé sous le régime de la garde à vue d’un individu majeur.

Si l’individu n’est pas connu, des photographies ainsi que ses empreintes pourront être collectées, dans la mesure où il y consent. Lorsque l’enquêteur éprouve un doute sérieux concernant la minorité de l’individu, il réalise un procès-verbal de détermination où il constate, photographies à l’appui, tous les signes lui laissant penser que l’individu dissimule sa majorité (rides, forte pilosité, tempes dégarnies, etc.) Dans un tel cas de figure, le magistrat du parquet reçoit systématiquement l’intéressé, vérifie à son tour les éléments fournis par les enquêteurs et rédige un procès-verbal de détermination d’âge quand il estime que les conclusions de l’enquêteur sont fondées. Si les deux procès-verbaux concluent à la majorité du gardé à vue, que ce dernier n’a pas été présenté récemment à un Juge des Enfants et n’est pas suivi en assistance éducative, l’individu est basculé sous le régime de la garde à vue majeur et orienté devant le tribunal correctionnel au lieu du juge des enfants ([55]).

Des procédures ont été mises en place par le parquet pour permettre aux enquêteurs de solliciter les autorités du pays de provenance du mineur – lorsque celui-ci en indique un – afin d’obtenir des informations relatives à son état-civil. Déjà opérationnelle depuis plus d’un an à Paris, une telle démarche n’est néanmoins pas systématique dans les autres juridictions. À Bobigny, où elle a été instaurée tardivement, elle a nécessité plusieurs demandes d’autorisations pour habiliter les enquêteurs à l’engager à partir de la fin de l’année 2020.

Un modèle de procès-verbal d’âge apparent, ainsi qu’une fiche réflexe rédigée par le parquet de Bobigny à l’attention des enquêteurs, figurent en annexes (2 et 3) de ce rapport.


Cette procédure efficace dépend cependant des magistrats qui la mettent en œuvre. Elle n’existerait qu’à Paris et à Bobigny, à l’initiative de Mmes Aude Groualle et Charlotte Bernard de Veauce. Vos rapporteurs considèrent qu’elle doit être mise en place dans les autres juridictions confrontées à de nombreux MNA délinquants.

Recommandation n° 13 : étendre la procédure d’évaluation de la minorité mise en place par les enquêteurs et les parquets de Paris et de Bobigny à toutes les juridictions particulièrement concernées par la délinquance des MNA

3.   La justice pénale des mineurs ne permet pas de répondre efficacement à la délinquance des MNA

a.   L’ordonnance du 2 février 1945, le code de la justice pénale des mineurs et la circulaire du 5 septembre 2018

Les principes fondamentaux relatifs à la justice pénale des mineurs étaient jusqu’à présent consignés dans l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Ils figurent désormais dans le code de la justice pénale des mineurs, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 30 septembre 2021. La procédure relative à la situation des MNA faisant l’objet de poursuites pénales est précisée dans une circulaire du 5 septembre 2018, cosignée par la direction des affaires criminelles et des grâces, la direction des affaires civiles et du sceau et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

Lorsqu’une infraction est commise, les forces de l’ordre interpellent l’individu et informent le procureur de la République, qui diligente une enquête. Il organise des auditions et des perquisitions et peut, dans les cas les plus graves, solliciter une garde à vue ([56]).

Une fois les investigations terminées, le procureur de la République dispose de plusieurs possibilités : il peut classer la procédure, en proposant éventuellement des mesures alternatives aux poursuites ou une composition pénale, ou il peut choisir d’engager des poursuites, en saisissant un juge pour enfants ou, en matière criminelle et délictuelle d’une particulière complexité, un juge d’instruction ([57]).

Les cas les moins graves sont jugés en chambre de conseil. Dans cette configuration, le juge pour enfant peut décider uniquement de mesures éducatives. En revanche, les infractions plus graves font l’objet d’un jugement devant le tribunal pour enfants ([58]).

En pratique, la saisine du juge pour enfants peut intervenir principalement de trois manières :

– par le biais d’une présentation immédiate du mineur (PIM). Le tribunal pour enfants peut alors, dans des délais très courts, juger le mineur. Des mesures de sûreté peuvent être proposées dans l’attente de l’audience. Le code de la justice pénale des mineurs modifie les modalités de recours à cette procédure, dont elle change le nom (voir infra) ;

– via une requête pénale avec défèrement : le mineur est présenté au juge pour enfants à l’issue de la garde à vue, ce dernier ayant été directement saisi par le parquet. Ce système est généralement utilisé dans les affaires graves et lorsque le parquet envisage de faire des réquisitions de mandat de dépôt, d’assignation à résidence sous surveillance électronique, de contrôle judiciaire ou de placement immédiat. Le juge pour enfants peut décider de la mise en examen du mineur et accepter de lui imposer des mesures de sûreté souhaitées par le parquet. Il peut également prendre des mesures éducatives ([59]) ;

– par une convocation par officier de police judiciaire (COPJ). Sur instructions téléphoniques du parquet, un OPJ ou un agent de police judiciaire notifie au mineur une convocation à comparaître (tel jour, telle heure) devant le juge pour enfants pour sa mise en examen. Des mesures éducatives peuvent être prises pendant le temps de la procédure, qui est plus longue que dans le cadre d’une requête pénale. La réforme de la justice pénale des mineurs entraîne la disparition de cette procédure.

Un schéma, réalisé par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et présenté en annexe du présent rapport, illustre les différentes étapes de la procédure pénale dans le nouveau code de la justice pénale des mineurs.

La circulaire du 5 septembre 2018, qui insiste d’abord sur l’augmentation du nombre de MNA impliqués dans des affaires pénales et détenus, relève notamment que les MNA, plus que les autres mineurs, « sont sujets à des ruptures de parcours éducatifs en raison de la vacance de l’autorité parentale. Ils dépendent particulièrement des institutions pour l’élaboration de leur projet mais aussi pour leurs besoins quotidiens. » La circulaire préconise la désignation d’un représentant légal, soit par l’ouverture d’une tutelle, soit par l’adoption d’une mesure d’assistance éducative.

Pourtant, dans sa contribution écrite, la Croix-Rouge française observe que cette recommandation est rarement mise en œuvre, les juridictions sous tension n’ayant généralement pas les moyens d’engager cette procédure, alors même qu’elle permettrait d’assurer aux mineurs une protection immédiate, d’engager des procédures en matière d’état-civil et de leur assurer les soins nécessaires. Cette désignation a aussi pour intérêt évident de favoriser l’identification du mineur, voire la reprise de liens avec sa famille.

En outre, l’ordonnance de 1945 et le code de la justice pénale des mineurs prévoient la nomination d’un « adulte approprié » en l’absence de représentants légaux ou si l’information de ces derniers est impossible, contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ou au déroulé de la procédure pénale. Le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d’instruction peut alors désigner, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, une autre personne pour recevoir ces informations et accompagner le mineur.

L’article L. 311-1 du code de la justice pénale des mineurs dispose :

« Lorsque l’information des représentants légaux ou l’accompagnement du mineur par ces derniers n’est pas possible ou n’est pas souhaitable, les informations mentionnées aux alinéas précédents sont communiquées à un adulte approprié et le mineur est accompagné par cet adulte, dans les cas et selon les modalités prévues par le présent code. »

Sollicité dans le cadre du projet de loi de ratification de l’ordonnance portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, M. Laurent Gebler, vice-président du tribunal pour enfants de Bordeaux et président de l’Association française des magistrats de la justice de la famille, a souligné les difficultés rencontrées par les autorités judiciaires dans la désignation de cet « adulte approprié » : « spécialement prévu pour les MNA, ce dispositif n’a jamais pu fonctionner pour la simple raison qu’il est impossible de trouver cet ʺadulte appropriéʺ supposé accompagner le mineur tout au long de la procédure. Les administrateurs ad hoc n’acceptent pas d’exercer cette fonction, d’autant plus qu’aucune rémunération n’est prévue. Et en cas de défèrement le week-end avec débat sur la détention, il est totalement impossible de trouver une telle personne au pied levé ». Cette désignation est d’autant plus complexe que les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et les avocats de ces mineurs n’acceptent pas de tenir ce rôle, qui ne leur semble pas compatible avec leur fonction.

Vos rapporteurs souhaitent que la clarification du rôle de l’adulte approprié, à venir dans les décrets suivants l’adoption du projet de loi, puisse préciser les modalités d’exercice de cette fonction.

Recommandation n° 14 : systématiser la désignation d’un représentant légal pour chaque MNA faisant l’objet de poursuites pénales et préciser, dans la partie réglementaire du code de la justice pénale des mineurs, les modalités de choix de l’adulte approprié

b.   Une réponse pénale mise en échec

Les mesures alternatives aux poursuites représentaient plus de 54 % des réponses pénales aux actes de délinquance commis par les mineurs en 2019 ([60]). Notamment prévues aux articles 41-1 du code de procédure pénale et à l’article 7-1 de l’ordonnance de 1945 ([61]), ces mesures sont les suivantes :

– le rappel à la loi, consistant auprès de l’auteur de l’acte de délinquance en un rappel des obligations résultant de la loi ;

– l’orientation vers une structure sanitaire, sociale, professionnelle et notamment l’accomplissement par l’auteur d’un stage de citoyenneté ou un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ;

– la régularisation de sa situation au regard de la loi ou des règlements ;

– la réparation directe du dommage résultant des faits ;

– la médiation entre l’auteur et la victime ;

– l’interdiction de paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime.

De telles dispositions ne sont efficaces qu’à partir du moment où elles emportent l’adhésion du jeune auquel elles sont imposées. Or, de nombreux magistrats auditionnés constatent qu’elles n’ont pas d’effet sur les MNA déjà en prise avec la délinquance et hors du circuit de prise en charge par l’ASE. Nombre d’entre eux ont également regretté l’absence de suivi des mesures éducatives, ce qui décourage les magistrats à les prononcer et encourage nécessairement la prise de sanctions plus sévères.

La justice des mineurs est une justice qui « prend son temps » afin de mieux connaître le mineur, son passé, son entourage et de mettre en place des mesures éducatives compatibles avec sa personnalité.

L’ordonnance de 1945, qui sera abrogée en septembre 2021, prévoit généralement une procédure en deux phases pour le jugement les mineurs : elle comporte une instruction préparatoire obligatoire comprenant une mise en examen, une phase d’information préalable (destinée à connaître la personnalité du mineur et à constater son évolution dans le cadre d’un suivi éducatif), puis dans un second temps, un prononcé sur la culpabilité et sur la peine.

Or une telle procédure est particulièrement inadaptée à des MNA, pour lesquels les juges ne disposent souvent pas même d’une adresse où envoyer la convocation, qui se présentent rarement à l’audience de culpabilité et qui ont parfois quitté une ville ou même le territoire français lorsque le jugement de culpabilité intervient.

Si le code de la justice pénale des mineurs apporte à cet égard un début de réponse (voir infra), de nombreux magistrats ont fait part à vos rapporteurs de leur incapacité à répondre efficacement aux faits de délinquance commis par des MNA. M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle ont résumé ces difficultés dans leur contribution écrite aux travaux de la mission d’information :

« L’ordonnance du 2 février 1945 n’offre pas de réponse adaptée aux mineurs qui ne défèrent pas aux convocations et qui sont dépourvus de garanties de représentations, compte tenu de la phase de mise en examen. Pour ces mineurs, la mise en œuvre d’alternatives aux poursuites est également totalement inopérante : pas de présence à la convocation notifiée, retour au parquet pour suite à donner vu la carence à convocation et aucune adresse pour faire convoquer le mineur, où faire exécuter un mandat d’amener… »

En conséquence, les magistrats sollicitent davantage des jugements rapides, ce que déplorent certains acteurs : la Défenseure des droits regrette ainsi le traitement judiciaire « beaucoup plus sévère » auxquels sont soumis les MNA, « dans la mesure où ils n’ont pas d’attaches et donc pas d’adresse, pas de représentants légaux » ([62]).


Le parcours pénal « type » d’un MNA primo-délinquant ou récidiviste à Bobigny

Dans une juridiction comme Bobigny où le contentieux concernant les MNA est particulièrement important, les sanctions prises à l’encontre de ces mineurs sont particulièrement sévères, de l’avis de tous les professionnels du droit consultés par vos rapporteurs.

Dans l’hypothèse d’un premier vol par effraction – par exemple, le braquage d’une pharmacie pour y dérober des médicaments – et lorsque le MNA est pris en flagrant délit, ce qui arrive le plus souvent, il sera déféré en vue de sa mise en examen par le juge des enfants de permanence et de sa comparution à bref délai. Il voit alors le juge des enfants qui lui remet une convocation devant le tribunal pour enfants mentionnant la date de l’audience à laquelle il sera jugé. Cette procédure permet ainsi de rendre le jugement exécutoire, qu’il soit présent ou non à l’audience. En cas d’infraction grave, la détention provisoire peut être demandée par le parquet s’il est âgé de 16 ans. Par ailleurs, si le MNA souhaite bénéficier d’une mesure d’assistance éducative, il sera invité à se présenter au service éducatif auprès du tribunal (SEAT), le lendemain ou le surlendemain, afin qu’un juge des enfants puisse prendre une ordonnance provisoire de placement (OPP) qui enclenchera sa prise en charge ([63]).

Lorsque le MNA ne se présente pas à l’audience ou ne semble pas adhérer à une mesure d’assistance éducative, et se trouve donc en défaut d’encadrement, la réponse sera plus sévère que pour les autres mineurs : le primo-délinquant MNA pourrait ainsi encourir deux mois de prison avec sursis, alors qu’un autre mineur ayant un responsable légal encourrait des sanctions éducatives, comme l’admonestation ou une remise à parent.

Le MNA délinquant, qui ne se présenterait pas à l’audience et qui aurait déjà été condamné à une peine de sursis, risquerait plusieurs mois de prison ferme. S’il est de nouveau déféré, le parquet pourrait demander la révocation du sursis et l’individu pourrait être placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, à la demande du parquet, dès lors qu’il est âgé de 16 ans ou plus ([64]). À l’audience, il pourrait être condamné à huit mois de prison ferme, dont deux assortis d’un sursis probatoire d’une durée de deux ans, qui emporte certaines obligations comme le placement en centre éducatif fermé ou l’obligation de soins.

Ainsi que l’ont préconisé M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle, la prise en charge en assistance dès le premier fait de délinquance faciliterait une première « accroche » le plus tôt possible afin d’éviter une plongée du jeune dans la délinquance. La circulaire du 5 septembre 2018 rappelle d’ailleurs que, lorsqu’un MNA fait l’objet d’une garde à vue, le prononcé d’une ordonnance de placement provisoire (OPP) et la saisine du juge des enfants en assistance éducative doivent se faire le plus rapidement possible afin de s’assurer que le MNA bénéficie des mêmes droits que tout autre mineur, tant en matière d’hébergement que d’accompagnement et de continuité dans la prise en charge. Cette disposition ne peut toutefois être efficace que dans la mesure où elle inclut un éloignement des métropoles et des grandes villes et s’adapte à la situation de chaque jeune, afin de limiter les risques de fugue.

Cette mesure n’est pas toujours appliquée par les juridictions débordées et découragées par l’absence de dispositifs adaptés. À Bobigny, par exemple, les magistrats ne sollicitent pas systématiquement le placement de ces jeunes, d’une part parce qu’ils constatent rapidement qu’un certain nombre de MNA n’adhérera pas aux mesures de placement et, d’autre part, parce que les solutions adaptées n’existent pas en nombre suffisant, ce qui rend le suivi des recommandations formulées par vos rapporteurs à cet égard d’autant plus urgent. Le prononcé d’une OPP est en revanche plus fréquent à Nice, peut-être du fait d’un contentieux MNA moins important.

Lors du déplacement de la mission d’information au tribunal judiciaire de Bobigny, il a été également souligné que, lorsqu’une autre mesure qu’une peine d’emprisonnement est prononcée, les MNA ne sont pas accompagnés au lieu de l’exécution de cette mesure et doivent s’y rendre par leurs propres moyens.

Vos rapporteurs souhaitent que la réponse pénale s’inscrive dans le continuum de protection. Des éducateurs devraient être chargés, dans la mesure du possible, d’accompagner les MNA vers le lieu d’exécution de la mesure éducative ou de la mesure alternative aux poursuites et de les raccompagner à l’issue, faute de quoi l’efficacité de telles mesures continuera de dépendre de la seule motivation du jeune, parfois éprouvée par l’état psychologique et physique dans lequel il se trouve.

Recommandation n° 15 : garantir une prise en charge en assistance éducative dès la première infraction afin d’amorcer au plus tôt le continuum de protection visant à faire sortir les MNA de la délinquance

c.   La procédure à audience unique : un pas dans la bonne direction

Le code de la justice pénale des mineurs pourrait apporter une première réponse aux difficultés rencontrées en matière de jugement des MNA, avec la mise en place d’une nouvelle procédure de saisine du tribunal pour enfants aux fins d’audience unique, dont les modalités de recours ont été étendues par rapport aux anciennes procédures de présentation immédiate de mineur et convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement (COPJ), qu’elle remplace ([65]).

Les modalités de la procédure de présentation immédiate du mineur dans le cadre de l’ordonnance de 1945 et dans le code de la justice pénale des mineurs ([66])  

 

Présentation immédiate de mineur

(ordonnance de 1945)

Procédure à audience unique

(code de la justice pénale des mineurs)

Conditions relatives au mineur et à la peine encourue

 mineur de 13 à 16 ans encourant une peine comprise entre 5 et 7 ans d’emprisonnement ;

 mineur de 16 à 18 ans encourant une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 1 an en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à 3 ans dans les autres cas.

 mineur de moins de seize ans encourant une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ;

 mineur d’au moins seize ans si la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement.

Conditions complémentaires

 le mineur a fait ou fait l’objet d’une procédure pénale prévue par l’ordonnance de 1945 ;

 des investigations sur la personnalité ont été accomplies au cours des douze derniers mois sur le fondement de l’article 8 de l’ordonnance ;

 aucune investigation complémentaire sur les faits n’est nécessaire.

 le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an ;

 le mineur est poursuivi pour le délit prévu par le dernier alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale. Dans ce cas, le procureur de la République verse au dossier le recueil de renseignements socio-éducatifs établi à l’occasion du défèrement.

En vertu de l’article L. 423-4 du nouveau code, le procureur de la République peut poursuivre le mineur devant le tribunal pour enfants aux fins de jugement en audience unique si les conditions suivantes sont réunies :

 la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement pour le mineur de moins de seize ans ou la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement pour le mineur d’au moins seize ans ;

 le mineur :

– a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an ; si ce rapport n’a pas déjà été déposé, il peut être requis par le procureur de la République à l’occasion du défèrement. Ce rapport doit être versé au dossier de la procédure par le procureur de la République ;

– ou est également poursuivi pour le délit de refus de se soumettre aux opérations de prélèvement de ses empreintes digitales ou génétiques. Dans ce cas, le procureur de la République verse au dossier le recueil de renseignements socio-éducatifs établi à l’occasion du défèrement.

Le rapport de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur ce projet de loi ([67]) indique que cette procédure est adaptée pour répondre aux difficultés aujourd’hui rencontrées dans la réponse pénale apportée aux faits commis par des MNA, en permettant de recourir à cette procédure lorsque l’individu refuse de donner ses empreintes digitales à un officier de police judiciaire.

Cette nouvelle disposition a été saluée par plusieurs magistrats entendus par la mission d’information. Comme l’expliquent M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle, « le code de la justice pénale des mineurs, en supprimant la phase de mise en examen, assure le caractère contradictoire à signifier de la décision de culpabilité qui sera prononcée. Il permettra une orientation plus fine vers la mise à l’épreuve éducative des mineurs comparants, domiciliés ou non accompagnés. Il permettra également d’orienter en audience unique les mineurs ayant déjà un antécédent éducatif et n’ayant pas déféré à la précédente convocation, afin d’envisager dans un délai resserré (10 jours – 3 mois) une décision sur la culpabilité et sur la peine, si tant est que des moyens humains conséquents soient alloués à la juridiction parisienne pour mettre en œuvre la réforme. »

Recommandation  16 : ne pas appliquer la césure mise en œuvre pour le jugement des mineurs, mais juger les MNA, qui n’ont ni identité certaine, ni garantie de représentation, dès le défèrement, en une seule audience

d.   La mise en place de centres de prise en charge pluridisciplinaire dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse

L’initiative belge du centre Esperanto a particulièrement séduit vos rapporteurs.

Le centre Esperanto, un modèle en matière de prise en charge des victimes de traite des êtres humains

Créé fin 2002 à l’initiative du ministère belge de l’Aide à la jeunesse, le centre Esperanto, dont l’adresse exacte n’est pas rendue publique afin de protéger les mineurs des réseaux qui les exploitent, accueille 15 jeunes, principalement MNA (présumés) victimes de plusieurs types d’exploitation (sexuelle, économique, domestique) ou obligés de commettre des délits, dans le cadre d’une prise en charge de jour comme de nuit, toute l’année.

Sous l’autorité du directeur et du coordinateur, le personnel du centre est composé d’une équipe éducative multilingue, d’une assistante sociale, d’une criminologue, d’une psychologue et d’une psychomotricienne qui assurent le suivi des démarches relatives au statut de séjour ainsi que l’accompagnement des jeunes dans leur intégration sociale et un travail relatif à leur projet de vie, leur bien-être physique et psychologique.

Bien que ce centre ne s’inscrive pas dans le cadre d’un placement pénal – comme les placements en centre éducatif fermé français – les MNA ne sont pas totalement libres de leurs mouvements : ils ne disposent pas d’un accès au réseau de téléphonie mobile et leurs sorties sont encadrées, notamment pendant les premières semaines après leur arrivée.

La prise en charge dure généralement de six mois à un an, mais un accompagnement des jeunes vers l’autonomie peut également être mis en place en fin de parcours par le biais d’appartements situés hors du centre, où ces jeunes peuvent résider temporairement.

En France, un appel à projet a été lancé par la DPJJ afin de créer un centre d’hébergement expérimental de 12 places accueillant, pour une période de six mois renouvelable, des mineurs et de jeunes majeurs victimes de traite et sous l’emprise de réseaux, confiés au personnel du centre par l’autorité judiciaire dans le cadre civil, au titre d’une mesure d’assistance éducative, ou pénal, au titre de l’enfance délinquante. Les personnes qui y seront accueillies bénéficieront d’un accompagnement psychologique, judiciaire et sanitaire.

La création d’une telle structure est saluée par les professionnels, qui regrettent néanmoins le manque de dispositifs au titre de l’enfance délinquante permettant une alternative efficace à la détention. Si vos rapporteurs se félicitent de ce premier pas très attendu, ils préconisent l’extension de cette initiative.

Recommandation n° 17 : dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, développer les solutions d’hébergement réservées aux MNA délinquants, en nombre suffisant, et proposant une prise en charge adaptée à leurs besoins

B.   Mieux accompagner les mineurs délinquants incarcérés

Dans son rapport d’activité pour l’année 2018, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté observait une recrudescence du nombre de mineurs non accompagnés détenus dans les prisons françaises. Elle estimait qu’« un nombre important de mineurs étrangers non accompagnés étaient présents [dans de très nombreux établissements] : 20 % dans un quartier mineurs de région parisienne, 50 % dans un EPM, un tiers dans un autre. Dans les établissements de province, les mineurs non accompagnés peuvent aussi arriver par transfert, notamment en provenance d’établissements de la région parisienne. Cette proportion est en forte croissance et explique en grande partie la croissance globale du nombre des mineurs détenus. »

Selon les chiffres transmis pendant son audition par Mme Isabelle Brizard, cheffe d’établissement par intérim de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, ils représentaient, en moyenne nationale, 10 % des mineurs incarcérés en 2015, mais 20 % en 2018. Ce nombre est plus élevé dans certaines villes où la problématique de délinquance des MNA est importante – comme Paris et Bordeaux, où la proportion dépasse les 30 % – mais il est plus faible ailleurs – comme à Dijon, où cette proportion est inférieure à 10 %.

La progression conséquente du nombre de MNA en détention rend d’autant plus importante la réflexion sur l’accompagnement dont ces jeunes ont besoin durant et à l’issue de leur emprisonnement.

1.   En dernier recours, la prison comme moyen d’accompagnement des MNA délinquants

Comme l’observe la mission MNA de la PJJ dans sa contribution écrite, « [le] recours plus important à l’incarcération peut constituer un traumatisme supplémentaire dans un parcours de vie particulièrement chaotique ». Elle peut néanmoins favoriser une meilleure prise en charge du jeune, à condition qu’il bénéficie systématiquement d’une prise en charge adaptée.

La prison ne constitue pas une réponse idéale, ni même souhaitable, aux faits de délinquance commis par des enfants. Toutefois, comme l’a résumé M. Olivier Peyroux, « les structures éducatives et de protection sont défaillantes, et l’incarcération apparaît alors comme la seule solution pour ces mineurs dont personne ne semble vouloir » ([68]).

Cette solution aujourd’hui inéluctable peut, par la contrainte qu’elle représente, paradoxalement assurer une meilleure prise en charge des MNA. Comme le relèvent M. Rémy Heitz et Mme Aude Groualle dans leur contribution écrite, « dans le cadre contraignant qu’est celui de la détention, dont la fugue n’est pas possible, peuvent être mis en place des dispositifs de sevrage, des bilans médicaux, et est travaillée une accroche éducative par les éducateurs de milieu fermé, en lien avec ceux de milieu ouvert systématiquement désignés. Cette période contrainte permet la réflexion d’un projet d’intégration qui n’est que rarement avancé à l’extérieur. »

Ce postulat impose cependant que la prise en charge pénale soit plus adaptée que celle qui est proposée dans le cadre de l’assistance éducative. Dans sa contribution écrite, la Défenseure des droits explique que « des solutions doivent être impérativement travaillées dès le début de la détention, en renforçant le travail en réseau en partenariat avec la PJJ et les associations spécialisées ».

La circulaire du 5 septembre 2018 va dans le même sens, soulignant que « l’incarcération est susceptible d’accentuer les difficultés importantes (isolement, vulnérabilité, souffrance psychique, dépendance…) que rencontrent les MNA. Il est donc nécessaire que les personnels de la PJJ, qu’ils interviennent en détention ou dans le cadre du milieu ouvert, apportent une attention toute particulière à ces publics afin d’instaurer avec eux une relation éducative et de les aider à surmonter l’isolement supplémentaire induit par l’enfermement. »

Selon Mme Isabelle Brizard, les MNA rencontrent néanmoins des difficultés particulières en détention, notamment liées à leur faible maîtrise de la langue française, qui nuit à leur intégration parmi les autres mineurs.

Pour améliorer le quotidien des MNA en détention, la maison d’arrêt de Fleury-Merogis a engagé, en lien avec la protection judiciaire de la jeunesse, plusieurs initiatives intéressantes en 2020.

Exemples de dispositifs développés avec la protection judiciaire de la jeunesse à la maison d’arrêt de Fleury-Merogis en 2020

En partenariat avec la PJJ, la maison d’arrêt de Fleury-Merogis a mis en place, l’année dernière, plusieurs dispositifs en vue d’améliorer les conditions de détention des MNA :

– une augmentation du budget consacré à l’interprétariat afin de garantir systématiquement des entretiens avec un interprète et de les associer davantage aux activités mises en place dans la prison ;

– la rencontre systématique des MNA avec l’assistante sociale du service lors de leur arrivée, ce qui permet la mise en place d’un suivi social adapté à la situation du jeune ;

– le développement d’activités destinées aux MNA, comme des groupes de parole et d’accès aux droits ;

– la création d’un groupe de travail entre la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse (DIPJJ) et la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) sur la question de la prise en charge des MNA en détention ;

– la construction d’un projet de recherche sociologique afin de mieux connaître les MNA incarcérés.

La construction d’un projet et d’un lien de confiance entre le jeune et le personnel de la protection judiciaire de la jeunesse peut parfois être fragilisée par le recours aux transferts de détenus entre les établissements pénitentiaires. Ces décisions étant notamment motivées par les projets familiaux des détenus, les MNA sont par défaut les premiers transférés. Selon Mme Muriel Eglin, présidente du tribunal judiciaire de Bobigny, certains jeunes peuvent connaître jusqu’à quatre transferts pendant la durée de leur incarcération.

Pour limiter ces déplacements, Mme Isabelle Brizard a suggéré à vos rapporteurs de mieux répartir les MNA dans les établissements susceptibles de les recevoir : alors qu’ils constituent un nombre important des détenus mineurs incarcérés à Fleury-Merogis ([69]), d’autres établissements en ont peu. L’éloignement géographique faciliterait aussi la mise à distance des réseaux délinquants dans lesquels ces jeunes évoluent.

Recommandation n° 18 : limiter les transferts de détenus MNA en assurant en amont une meilleure répartition de leurs effectifs entre les établissements susceptibles de les accueillir

2.   La nécessaire poursuite de l’accompagnement à l’issue de la période de détention

L’accompagnement dont bénéficient les MNA en prison doit pouvoir se poursuivre après leur sortie. De nombreuses initiatives sont prises à Fleury-Merogis afin d’assurer la transition de ces jeunes. La maison d’arrêt travaille en lien avec le dispositif éducatif pour les MNA (DEMNA) spécialisé dans la prise en charge en milieu ouvert, et développe actuellement ses partenariats avec l’association Hors la rue et le CASP.

Ces garanties de continuité de la prise en charge ne paraissent néanmoins pas suffisantes. Dans sa contribution écrite, la Croix-Rouge française déplore que « tout s’arrête au moment de [la sortie de prison du MNA], ce qui favorise la récidive une fois qu’ils sont à l’extérieur ». Mme Isabelle Brizard constate que « la PJJ rencontre des difficultés à construire des projets de sortie adaptés du fait de l’absence de places en hébergement, de dispositifs d’hébergement ne répondant pas toujours à leurs besoins, des projets d’insertion complexe à monter tant que nous ne trouvons pas d’hébergement ».

Lorsqu’aucun service de l’ASE n’a été désigné par l’autorité judiciaire à l’approche de la sortie de détention du MNA, la circulaire du 5 septembre 2018 demande la saisine du procureur de la République, qui « a la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales aux fins de désignation d’un tuteur permettant d’assurer toutes les démarches au profit du mineur et/ou le juge des enfants de la juridiction du lieu de détention ». Il peut aussi saisir la cellule nationale MNA ([70]) , au moins une semaine avant la date de sortie prévisible, afin d’obtenir une proposition d’orientation.

La préparation de la sortie de prison est néanmoins rendue complexe par l’absence de représentant légal qui nuit au parcours de préparation à la sortie. Vos rapporteurs rappellent la nécessité de procéder à la nomination de ce représentant ou de placer le mineur sous tutelle, comme le prévoit la circulaire du 5 septembre 2018.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 10 mars 2021, la commission des Lois a examiné ce rapport d’information et en a autorisé la publication à l’unanimité.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte-rendu écrit. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/6iTyPh

 


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Synthèse des propositions

Recommandation n° 1 : systématiser et consolider le recueil de données et les statistiques sur l’ensemble du territoire national concernant les MNA délinquants

Recommandation n° 2 : rendre obligatoire le recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité par les conseils départementaux, ainsi que sa mise à jour par le réseau des préfectures. Rendre systématique le croisement du fichier AEM avec les fichiers AGDREF et VISABIO.

Recommandation n° 3 : rendre obligatoire la prise d’empreintes digitales des mineurs et des prétendus mineurs délinquants interpellés ou, à défaut, renforcer la sanction du refus de se soumettre au relevé d’empreintes digitales

Recommandation n° 4 : mettre en place des équipes consulaires des principaux pays de provenance des MNA délinquants sur le territoire français chargées de contribuer à leur identification et à la détermination de leur minorité

Recommandation n° 5 : renforcer la coopération avec les pays de provenance des MNA délinquants, notamment en matière d’état civil, de procédure d’identification et de protection de l’enfance, ainsi que les initiatives européennes d’échanges d’informations avec les pays traversés par les MNA, comme l’Espagne et l’Italie

Recommandation n° 6 : ne plus recourir à l’hébergement hôtelier pour la prise en charge des MNA délinquants, ainsi que pour ceux dont la minorité prête à discussion

Recommandation n° 7 : accroître le nombre de places d’hébergement disponibles et adéquates dans les structures d’accueil de l’aide sociale à l’enfance, réparties sur l’ensemble du territoire, y compris en dehors des grandes agglomérations

Recommandation n° 8 : organiser des maraudes mixtes associant des professionnels des secteurs éducatif, social et médical, afin de faciliter l’« accroche » des MNA et leur intégration dans le continuum de protection

Recommandation n° 9 : développer des espaces d’accueil de courte durée de type « refuge », ouverts 24 heures sur 24

Recommandation n° 10 : dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, assurer un accompagnement pluridisciplinaire (médical, juridique, éducatif, social) des MNA délinquants dans des structures spécialisées afin de ne pas les mêler aux autres jeunes pris en charge par l’ASE

Recommandation n° 11 : prévenir les difficultés pouvant survenir pendant la prise en charge des MNA délinquants en assurant une formation suffisante et complète des personnels à leur contact

Recommandation n° 12 : généraliser les brigades spéciales et pluridisciplinaires chargées de lutter contre les réseaux de délinquance, de traite des êtres humains et contre les filières de recel dont peuvent être victimes les MNA

Recommandation n° 13 : étendre la procédure d’évaluation de la minorité mise en place par les enquêteurs et les parquets de Paris et de Bobigny à toutes les juridictions particulièrement concernées par la délinquance des MNA

Recommandation n° 14 : systématiser la désignation d’un représentant légal pour chaque MNA faisant l’objet de poursuites pénales et préciser, dans la partie réglementaire du code de la justice pénale des mineurs, les modalités de choix de l’adulte approprié

Recommandation n° 15 : garantir une prise en charge en assistance éducative dès la première infraction afin d’amorcer au plus tôt le continuum de protection visant à faire sortir les MNA de la délinquance

Recommandation n° 16 : ne pas appliquer la césure mise en œuvre pour le jugement des mineurs, mais juger les MNA, qui n’ont ni identité certaine, ni garantie de représentation, dès le défèrement en une seule audience

Recommandation n° 17 : dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, développer les solutions d’hébergement réservées aux MNA délinquants, en nombre suffisant, et proposant une prise en charge adaptée à leurs besoins

Recommandation n° 18 : limiter les transferts de détenus MNA en assurant en amont une meilleure répartition de leurs effectifs entre les établissements susceptibles de les accueillir

 


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   LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

(par ordre chronologique)

 

   Mme Charlotte Caubel, directrice

   Mme Yasmine Degras, responsable de la cellule nationale d’orientation et d’appui à la décision de placement judiciaire des mineurs non accompagnés

   M. Julien Boucher, directeur général

   Mme Marion Cerisuela, chargée de mission

   Mme Magali Fougère-Ricaud, chargée de mission

   M. Thierry Couvert-Leroy, délégué national « enfants & familles » et « lutte contre les exclusions »

   Mme Corinne Torre, chef de mission France

   M. Jean-Marie Salanova, directeur central

   Mme Marjorie Ghizoli, contrôleure générale, sous-directrice des audits et du contrôle interne

   Mme Marie L’Hostis, commissaire divisionnaire, cheffe du pôle judiciaire

   Mme Agnès Auboin, procureure de Châteauroux

   Mme Catherine Denis, procureure de Nanterre

   M. Fernand Gontier, directeur central

   Mme Lydie Aragnouet, sous-directrice de l’immigration et de l’éloignement

   M. Mamadou Waggeh, chargé de mission Affaires publiques

   M. Étienne Lesage, avocat

   M. Luc Salen, procureur de la République adjoint

   Mme Julie Morel, vice-procureure de la République

   Mme Marie-Hélène Debart, inspectrice générale de l’administration

   Mme Bénédicte Jacquey-Vazquez, inspectrice générale des affaires sociales

   M. Vincent Delbos, inspecteur général de la justice

   M. Claude d’Harcourt, directeur général

   Mme Valérie Martineau, directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne

   Mme Sandrine Chabaneix, vice-présidente chargée des fonctions de juge des enfants au tribunal judiciaire de Paris

   M. Madi Madi Souf, maire de Pamandzi et président de l’Association des maires de Mayotte

   M. Alexandre Touzet, vice-président de la communauté de communes Entre Juine et Renarde

   M. Pierre Monzani, directeur général

   M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué Politiques sociales

   M. Jean‑Baptiste Estachy, conseiller Sécurités

   Mme Ann-Gaëlle Werner‑Bernard, conseillère chargée des relations avec le Parlement

   M. Laurent Gebler, vice-président

   M. Patrick Mairesse, directeur

   M. Nicolas Joseph, adjoint au chef de la sûreté judiciaire, responsable de la cellule « MNA »

   M. Corentin Bailleul, chargé de plaidoyer France

   Mme Jodie Soret, chargée des relations avec les pouvoirs publics

   Mme Marie-Noëlle Courtiau-Duterrier, secrétaire nationale

   M. Ludovic Friat, chargé de mission

   Mme Estelle Denize, présidente

   Mme Aurélie de Gorostarzu, directrice

   Mme Aurélie El Hassak-Marzorati, directrice générale

   Mme Violaine Husson, responsable des questions Genre et Protections

   Mme Sylvie Brod

   Mme Laure-Agnès Suita

   M. Jean-Pierre Fournier

   M. Richard Moyon

   Mme Aurélie Guitton, coordinatrice

   M. Jérôme Voiturier, directeur général

   Mme Marie Lambert-Muyard, conseillère technique enfance, familles, jeunesse

   Mme Marie-Claude Agullana, présidente de la commission Politique de la promotion de la santé et de la protection de l’enfance

   Mme Sonia Ollivier, éducatrice et co-secrétaire nationale

   Mme Sandrine Karsenthy, psychologue au dispositif éducatif de mineurs non accompagnés (DEMA) de la protection judiciaire de la jeunesse de Paris

   Mme Sophie Hatt, directrice

   M. Issa Issa Abdou, vice-président

   Mme Carole Sulli

   Mme Brigitte Jeannot

   M. Christophe Merlin, directeur

   M. Rémy Heitz, procureur de la République

   Mme Aude Groualle, vice-procureure, cheffe de la section des mineurs

   M. Sébastien Biaudelle, directeur

   M. Colin Thomas, coordinateur

   Mme Sandrine François, criminologue

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   M. Michel Dutrus, délégué général

   Mme Sophie Legrand, secrétaire générale

   Mme Lucille Rouet, secrétaire nationale

   Mme Isabelle Brizard, chef d’établissement par intérim

   Mme Chloé Sallee, vice-présidente

   M. Auguste Verola, vice-président en charge de l’enfance

   Mme Annie Seksik, directrice de l’enfance

   Mme Christine Teixeira, directrice générale adjointe pour le développement des solidarités humaines

   Mme Nadine Cascallana-Le Calonnec, directrice

   M. Guillaume Cardy, directeur adjoint

   M. Thierry Buiatti, directeur

   M. Nicolas Huot, directeur adjoint

   Mme Emmanuelle Joubert, directrice

   M. Jean Gazan, directeur adjoint

   M. Christophe Cavard, chargé de missions développement

   M. Laurent Denouel, directeur de l’unité territoriale d’Ille-et-Vilaine

   M. Aurélien Favrais, adjoint au directeur de l’unité territoriale d’Ille-et-Vilaine

 


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   DÉPLACEMENT

La mission d’information a organisé un déplacement au tribunal judiciaire de Bobigny le 17 février 2021. Elle y a rencontré M. Peimane Ghaleh-Marzban, président du tribunal judiciaire, Mme Muriel Eglin, vice-présidente du tribunal pour enfants, Mme Joséphine Pibault, juge des enfants, et Mme Charlotte Bernard de Veauce, substitute du procureur de la République parquet mineur (DIFAJE), référente contentieux spécialisé mineurs non accompagnés.


   Annexe 1 : La réponse pénale type en matière de justice des mineurs

 

 

 

 

Source : direction de la protection judiciaire de la jeunesse


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   Annexe 2 : procès-verbal type de détermination d’âge mis en place par le parquet du tribunal judiciaire de bobigny


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   Annexe 3 : fiche réflexe du parquet du tribunal judiciaire de bobigny à l’attention des enquêteurs


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Article 1er de l’arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([3]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019.

([4]) À Mayotte, où la délinquance commise par les MNA est un enjeu de politique publique important, les auteurs d’infractions sont principalement de jeunes Comoriens, selon les informations communiquées à vos rapporteurs par M. Issa Issa Abdou, vice-président du Conseil départemental.

([5]) Ces éléments reposent sur les déclarations des mis en cause et présentent donc une marge d’erreur.

([6]) Contribution écrite de Mme Valérie Martineau, directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne de la préfecture de police.

([7]) Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Il s’agit du texte de référence en matière de justice pénale des mineurs. L’article 93 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance le droit pénal applicable aux mineurs. La loi de ratification de cette ordonnance, portant partie législative du code de la justice des mineurs, a été votée par le Parlement en février 2021, pour une entrée en vigueur prévue le 30 septembre 2021.

([8]) Il y a plus de mis en cause que de délinquants, certains auteurs étant interpellés plusieurs fois par an.

([9]) Plusieurs associations, magistrats et avocats ont néanmoins précisé que l’existence de tels alias n’est pas toujours une volonté des mineurs et peut parfois être la conséquence d’une erreur de rédaction du prénom ou du nom de famille du mis en cause par l’enquêteur.

([10]) Les mineurs de moins de treize ans ne peuvent pas faire l’objet d’une garde à vue et ceux âgés de moins de dix ans ne peuvent être retenus de force dans un service d’enquête de police ou de gendarmerie.

([11]) Contribution écrite de Mme Valérie Martineau, directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne de la préfecture de police.

([12]) Contribution écrite de M. Rémy Heitz et de Mme Aude Groualle – parquet de Paris.

([13]) Ibid.

([14]) Trajectoires, Recherche-action sur la situation des mineurs non accompagnés marocains, avril 2018.

([15]) En 2016, 79 % des actes de délinquance mettant en cause des MNA avaient eu lieu à Paris et 21 % en banlieue. En 2020, 59 % de ces mêmes actes avaient lieu à Paris et 41 % en banlieue, dont plus de la moitié en Seine-Saint-Denis, soit une hausse de 20 points en quatre ans. Selon les chiffres transmis par l’Union syndicale des magistrats, la proportion de MNA délinquants parmi l’ensemble des mineurs déférés au tribunal judiciaire de Bobigny est en constante augmentation sur trois ans. Elle représentait 15 % des MNA en 2018, contre 21 % sur les neuf premiers mois de 2020.

([16]) Contribution écrite de M. Éric Lejoindre, maire du XVIIIème arrondissement de Paris.

([17]) Contribution écrite de Mme Valérie Martineau, directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne de la préfecture de police.

([18]) La baisse des chiffres entre 2019 et 2020 est liée à la crise sanitaire et aux mesures de confinement et doit donc être interprétée avec précaution.

([19]) Le parquet de Paris est organisé en six divisions et 16 sections. Au sein de la première section relative à l’action publique de Paris, la section P4 est consacrée aux mineurs auteurs et victimes.

([20]) La tendance est la même à l’échelle de l’agglomération, bien que les taux soient légèrement inférieurs. Ainsi, sur les dix premiers mois de l’année 2020, 7 % des actes de délinquance ont mis en cause des mineurs non accompagnés, contre 3 % en 2016.

([21]) Dans sa contribution écrite, la DCSP précise que cette part s’élevait à moins de 1 % en 2018 tandis qu’elle s’élevait, sur les dix premiers mois de 2020, à 2,68 %.

([22]) Sur les onze premiers mois de l’année.

([23]) Selon les données transmises durant son audition par Mme Nadine Cascallana-Le Calonnec, directrice départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes.

([24]) Contribution écrite de la préfecture de police.

([25]) La proportion de MNA selon ces mêmes actes de délinquance à l’échelle de l’agglomération parisienne, c’est-à-dire en comptabilisant également les actes commis dans les trois départements de la petite couronne parisienne, suivent une tendance similaire, bien que les taux soient à un niveau légèrement inférieur.

([26]) Les statistiques dont disposent la SNCF ne distinguent pas les mineurs non accompagnés des autres mineurs.

([27]) Articles L. 222-5 et R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles.

([28]) Arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([29]) L’article 8 en prévoit a minima six : l’état civil, la composition familiale, la présentation des conditions de vie dans le pays d’origine, l’exposé des motifs de départ du pays d’origine et présentation du parcours migratoire de la personne jusqu’à l’entrée sur le territoire français, les conditions de vie depuis l’arrivée en France et le projet de la personne.

([30]) L’article 4 de l’arrêté prévoit que « l’évaluation sociale est menée par les services du conseil départemental ou par tout organisme du secteur public ou du secteur associatif auquel la mission d’évaluation a été déléguée par le président du conseil départemental. »

([31]) VISABIO est un traitement de données à caractère personnel relevant du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Intérieur, dont la finalité est de « mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, en prévenant les fraudes documentaires et les usurpations d’identité » et de « permettre l’instruction des demandes de visas en procédant notamment à l’échange d’informations, d’une part, avec des autorités nationales, d’autre part, avec les autorités des États Schengen au travers du système d’information sur les visas (VIS) pour les données biométriques se rapportant aux visas pour un séjour d’une durée inférieure à trois mois délivrés par les autorités françaises » (article R. 611-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).

([32]) AGDREF est un traitement de données à caractère personnel relevant du ministre de l’Intérieur, mentionné aux articles R. 611-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il permet notamment aux services concernés du ministère d’assurer l’instruction des demandes des titres de séjour des ressortissants étrangers ainsi que la gestion de leurs dossiers respectifs. L’article R. 611-7 prévoit spécifiquement qu’il peut être utilisé afin « d’aider à déterminer et de permettre de vérifier l’identité d’un étranger qui se déclare mineur et privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ».

([33]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019.

([34]) Décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes.

([35]) L’an dernier, 3 000 étrangers se prétendant mineurs sont entrés sur le territoire national par le département, mais seuls 300 se sont signalés en préfecture, selon les données transmises par M. Thierry Buiatti, directeur de la réglementation, de l’intégration et des migrations de la préfecture des Alpes-Maritimes, lors de son audition.

([36]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019.

([37])  Conseil d’État, 5 février 2020, Décret mineurs étrangers non accompagnés.

([38]) Ils étaient 74 au début des travaux de la mission d’information.

([39]) Au 1er février 2021, ces départements étaient les suivants : Meurthe et Moselle, Finistère, Val de Marne, Seine-Saint-Denis, Paris, Lot et Garonne, Ariège, Tarn, Lozère, Pyrénées Orientales, Haute Garonne, Hautes Pyrénées, Loire Atlantique, Corse, Puy-de-Dôme. Le dispositif AEM était en cours de déploiement dans le Bas-Rhin, en Isère et en Essonne.

([40]) Contribution écrite de la mission « Mineurs non accompagnés » - sous-direction de la protection judiciaire de la jeunesse – ministère de la Justice.

([41]) Article 1 du décret n° 2020-768 du 23 juin 2020 modifiant les modalités de la contribution forfaitaire de l’État à la mise à l’abri et à l’évaluation de la situation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille.

([42]) Aujourd’hui, la détention provisoire d’un mineur est possible à partir de treize ans, à titre exceptionnel, par une décision juge des libertés et de la détention, saisi par le juge des enfants ou le juge d’instruction, uniquement lorsque d’autres mesures moins coercitives ont échoué. Les conditions de la détention provisoire des mineurs de treize à quinze ans sont par ailleurs plus strictes.

([43]) Conseil européen pour les réfugiés et les exilés, ECRE Comments on the European Commission Staff Working Document “on Implementation of the Eurodac Regulation as regards the obligation to take fingerprints”, juin 2015.

([44]) Contribution écrite de M. Rémy Heitz et de Mme Aude Groualle.

([45]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 du 21 mars 2019.

([46]) Les principales dispositions de ce schéma ont été communiquées aux magistrats français par la circulaire du garde des Sceaux n° JUSF2104189C du 8 février 2021.

([47]) Contribution écrite de Mme Sophie Hatt, directrice de la coopération internationale du ministère de l’Intérieur.

([48]) Pour « European Union Protection of Unaccompanied Minors ».

([49]) Règlement (UE) 2019/816 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 portant création d’un système centralisé permettant d’identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides (ECRIS-TCN), qui vise à compléter le système européen d’information sur les casiers judiciaires, et modifiant le règlement (UE) 2018/1726.

([50]) Contribution écrite de M. Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé.

([51]) Ibidem.

([52]) Contribution écrite de M. Thierry Couvert-Leroy, délégué national « enfants & familles » et « lutte contre les exclusions » de la Croix-Rouge française.

([53]) Dans le détail, l’association a réalisé « 530 accompagnements vers le soin (soin de rue par l’infirmière, accompagnement vers les consultations, accompagnements aux urgences hospitalières) [et] 57 accompagnements vers les urgences et consultations des différents hôpitaux de l’AP-HP. » Pour ce dernier point, elle précise que « près de la moitié des accompagnement (46 %) sont pour des plaies, souvent traumatiques, liées à des chutes, des coups, coupure... L’autre moitié concerne les addictions (11,13 %) la gale (9,24 %) et les maladies saisonnières, les douleurs dentaires, les troubles psychiques ».

([54]) Mme Charlotte Bernard de Veauce a expliqué à vos rapporteurs s’être inspirée d’une procédure analogue existant déjà à Paris.

([55]) Sauf cas exceptionnels, le parquet ne sollicite pas une telle procédure lorsque l’individu prétend être âgé de moins de 15 ans.

([56]) Entre 10 13 ans, la garde à vue est remplacée par une retenue d’une durée plus courte.

([57]) Lorsque le juge d’instruction est saisi et que les faits incriminés constituent un crime, le mineur sera jugé par une cour d’assises pour mineur. En revanche, si les faits sont de nature délictuelle, il sera ensuite renvoyé devant le tribunal pour enfant.

([58]) Le tribunal pour enfants est constitué du juge des enfants, de deux assesseurs non professionnels et d’un greffier.

([59]) L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante en établit la liste, qui demeure inchangée avec la mise en place du code de la justice pénale des mineurs. Il peut s’agir d’une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité, de l’admonestation, du placement dans une institution ou un établissement, public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle, dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité, ou dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective, d’un avertissement solennel ou d’une mesure d’activité de jour.

([60]) Ministère de la Justice, Les chiffres clé de la justice 2019.

([61]) Les dispositions relatives aux alternatives aux poursuites figureront, à partir du 30 septembre 2021, aux articles L. 422-1 et L. 422-2 du code de la justice pénale des mineurs.

([62]) Contribution écrite de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits.

([63]) L’absence de prononcé d’une OPP lors du défèrement est une difficulté qui a été soulevée par les magistrats rencontrés lors du déplacement de la mission d’information au tribunal judiciaire de Bobigny, l’individu étant alors « relâché dans la nature » et peut ne pas se présenter devant le Tribunal pour enfants.

([64]) Entre 13 et 15 ans, cette procédure n’est possible qu’en matière criminelle.

([65]) Ces deux procédures constituent une exception au principe de césure dans le procès pénal, pensé pour permettre au juge de se prononcer dans un premier temps sur la culpabilité du prévenu et de manière subsidiaire sur l’action civile puis, dans un second temps, sur la nature de la sanction à infliger.

([66]) Source : rapport n° 3637 de M. Jean Terlier, rapporteur pour la commission des Lois de l’Assemblée nationale du projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2019 950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (n° 2367), XVème législature, 2 décembre 2020.

([67]) Rapport n° 3637 de M. Jean Terlier, rapporteur pour la commission des Lois de l’Assemblée nationale du projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2019 950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (n° 2367), XVème législature, 2 décembre 2020.

([68]) Olivier Peyroux, « Mineurs non accompagnés en prison : les victimes d’un système », publié sur le site de l’Observatoire international des prisons – section française, 2 décembre 2019.

([69]) Au 15 février 2021, 26 MNA étaient incarcérés dans le quartier mineur de Fleury-Merogis, soit en détention provisoire, soit dans le cadre d’une peine d’emprisonnement.

([70]) La cellule nationale MNA est la structure chargée de la répartition des MNA pris en charge par les conseils départementaux.