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N° 4161

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2021

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE la dÉfense nationale et des forces armÉes

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur les réserves

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. christophe blanchet et Jean-François parigi

Députés

——

 

(1)    La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mission d’information sur les réserves est composée de : MM. Christophe Blanchet et Jean-François Parigi, rapporteurs, MM. Xavier Batut, Alexis Corbière et Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, MM. Thomas Gassilloud et David Habib, Mmes Manuela Kéclard-Mondésir et Florence Morlighem, membres.


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  SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : les réserves : l’urgence d’une stratégie cohérente

I. Une sédimentation et un foisonnement de dispositifs très disparates

A. Une notion ancienne, bouleversée depuis 1999

1. De réserves de masse à des réserves d’emploi

a. Les sapeurs-pompiers volontaires : la plus ancienne et la plus importante des réserves

b. La réserve opérationnelle militaire de premier niveau : de l’obligation au volontariat

c. La réserve opérationnelle militaire de deuxième niveau : une force théorique

2. De nouvelles réserves pour faire face aux crises dans les années 2000

a. La réserve civile de la police nationale

b. Les réserves communales de sécurité civile

c. La réserve sanitaire

3. Des dispositifs de cumul emploi retraite inspirés des réserves militaires

a. La réserve pénitentiaire

b. La réserve judiciaire

4. Le service civique : un engagement indemnisé pour les jeunes

5. Des réserves « civiques » depuis 2015 pour réaffirmer les valeurs de la République

a. La réserve civique

b. La réserve citoyenne de l’Éducation nationale

B. Des statuts, budgets et objectifs qui ne constituent pourtant pas une politique

1. Divers statuts juridiques qui confèrent à l’emploi de réserviste une grande souplesse

a. Une obligation de disponibilité en passe de tomber en désuétude

b. Une réserve opérationnelle d’engagement qui offre des emplois particulièrement variés

c. Des statuts ad hoc pour des collaborateurs occasionnels du service public

d. Des contributeurs bénévoles au service public

2. Des budgets en augmentation mais rarement identifiés

3. Des objectifs essentiellement quantitatifs au niveau national

C. Une gestion ministérielle voire infra ministérielle

1. Une gouvernance spécifique et ancienne au ministère des Armées

a. Le Codir Réserves du ministère des Armées

b. Le Conseil supérieur des réserves militaires

c. Le délégué interarmées aux réserves et les délégués aux réserves

2. Une gestion ministérielle ou des agences ad hoc pour les autres réserves

3. Des tentatives de coordination interministérielle inachevées

a. La réserve de sécurité nationale

b. La Garde nationale

c. La tentation d’une intégration des réserves

II. Un atout pour la France, qui souffre d’un déficit d’attention politique

A. Des dispositifs difficilement lisibles

1. Un défaut d’information souligné par tous les acteurs entendus par la mission

a. La difficulté à s’orienter dans le maquis des réserves pour les candidats

b. Les préjugés et les craintes de beaucoup d’employeurs

c. Les préjugés et l’indifférence du grand public

d. Un ancrage territorial variable qui ne contribue pas à la visibilité de certaines réserves

2. Des objectifs multiples, souvent tacites, sources de malentendus

a. Le lien armées-Nation ou la participation citoyenne

b. La formation professionnelle et le pré-recrutement

c. La résilience de la Nation : un objectif abandonné ?

d. Un intérim d’État pour répondre aux besoins de souplesse et de solidarité entre territoires

3. Une frustration et un agacement qui menacent la dynamique d’engagement

a. Le cauchemar du sous-emploi pour tous les réservistes

b. Un manque de visibilité et de reconnaissance unanimement ressenti

c. Des outils de gestion sclérosants, une numérisation souvent inachevée

d. Une gestion des compétences parfois insuffisante

e. Des excès de rigidités

B. Un déficit de pilotage avant tout politique

1. Une doctrine d’emploi qui reste floue tout comme les budgets

a. Une gestion souvent opportuniste sans expression de besoins préalable

b. Une réflexion doctrinale parfois imposée par les circonstances

c. Des budgets considérés comme une variable d’ajustement

2. Une information et une implication insuffisante du Parlement

a. Des budgets non identifiés et pas d’indicateurs de performance

b. Des évolutions législatives fréquentes mais dont la mise en œuvre n’est pas suivie

c. Une évaluation insuffisante

C. Des succès réels mais largement méconnus

1. Un succès opérationnel

2. Un succès pour la formation et l’insertion des jeunes

3. Un succès pour la cohésion nationale

III. Une nouvelle ambition à définir pour 2030

A. Une stratégie nationale

1. Des réserves « stratégiques » pour le temps de crise ou de guerre

a. Investir dans une réaction rapide de proximité : la réserve de la gendarmerie nationale

b. Permettre aux citoyens de s’organiser : les réserves communales

c. Disposer d’une réserve stratégique militarisée : l’armée de terre

d. Disposer de capacités sanitaires de réaction rapide et de proximité

2. Conforter les facteurs de souplesse mais exercer un suivi renforcé

a. Encadrer rigoureusement les réserves d’efficience

b. Mieux intégrer les compétences

c. Développer les partenariats qui permettent de partager le coût d’animation d’une réserve

d. Empêcher d’éventuelles dérives et limiter les conflits d’intérêts

3. Renforcer la cohésion nationale et l’insertion des jeunes

B. Des réserves mieux connues et mieux reconnues

1. Adopter une politique de communication multi-publics plus ambitieuse

a. Sensibiliser et présenter les possibilités d’engagement à la jeunesse

b. Élaborer un vade-mecum clair sur l’engagement citoyen en France en plus de l’information ministérielle

c. Donner de la visibilité dans les médias et sur les réseaux sociaux

d. Organiser des évènements emblématiques pour favoriser les rencontres entre réservistes

2. Impliquer les élus

a. Renforcer l’animation du réseau des correspondants de défense municipaux

b. Créer les conditions du développement des réserves communales

3. Favoriser des relations de confiance avec les employeurs

4. Renforcer certains statuts de réservistes

a. L’exonération d’impôt sur le revenu

b. Les droits et garanties attachés au statut de réserviste

c. Une protection sociale qui peut encore être améliorée

5. Être attentifs aux symboles

a. Les réservistes honoraires

b. La tenue, tout un symbole

C. Une gestion modernisée

a. Davantage de souplesse dans la gestion des réservistes

b. Mieux s’adapter aux évolutions dans la vie des réservistes

c. Des parcours de réservistes à imaginer

Deuxième partie : des défis propres à chaque réserve

I. Les réserves de défense et de sécurité

A. Les réserves opérationnelles de premier niveau et les réservistes dits spécialistes

1. Des objectifs incohérents avec la ressource budgétaire

a. Une « sincérisation » récente et fragile dans les armées

b. Une ressource aléatoire dans la police et la gendarmerie nationales

2. Des réserves qui pourraient changer de paradigme

3. Une possible remontée en puissance dans l’armée de terre

a. Un complément indispensable aujourd’hui

b. Une réserve contribuant mieux à la défense opérationnelle du territoire demain

4. Un succès à conforter dans la gendarmerie nationale

a. Un bel exemple d’intégration

b. Un modèle en termes de gestion et de formation

c. Des aléas budgétaires très pénalisants

d. Des innovations très intéressantes

5. Un projet d’ouverture dans la police nationale

a. Une réserve d’anciens professionnels

b. Le projet d’une nouvelle réserve opérationnelle avec un fort ancrage local

c. Une ouverture qui suscite des inquiétudes légitimes

B. La réserve de cyberdéfense

1. Une réserve plurielle

2. Un défi pour le recrutement mais pas pour la disponibilité ou la fidélisation

3. Une intégration et une valorisation spécifiques

a. Un investissement dans la durée

b. Une valorisation et des parcours qui doivent être adaptés

4. Un contrôle rigoureux des motivations et des conflits d’intérêts

C. Les réserves citoyennes

1. Un concept en proie à beaucoup d’évolutions depuis 1999

a. Du réservoir de force au think tank

b. Des bénévoles employés dans le renseignement ou la cyberdéfense

c. Un facteur d’ouverture

2. Un cadre et une doctrine d’emploi peut-être trop informels à ce jour

a. Un encadrement insuffisant

b. Une animation inégale

c. Une confusion délétère avec les réservistes opérationnels et l’active

D. Les réserves opérationnelles de deuxième niveau

1. Une utilité discutée dans l’armée de l’air et la marine nationale

2. Une utilité à considérer dans l’armée de terre sous réserve de consentir des investissements supplémentaires

3. Un potentiel supérieur dans la gendarmerie et dans la police nationales

II. Une nouvelle réserve opérationnelle, demain, dans les douanes ?

A. Un besoin de renfort avéré

1. Une réflexion en cours sur les missions et l’identité de la douane

2. Des sollicitations croissantes

3. Une agence d’intérim interne déjà créée

4. Un projet de réserve des garde-côtes inspiré par la marine nationale

B. Des défis à surmonter

1. Le recrutement, la formation et l’animation

a. Une réserve de gens de mer

b. Un coût d’animation du dispositif qui n’a pas encore été évalué

2. Une nécessaire coordination avec la marine nationale

3. La disponibilité des volontaires

4. Une doctrine d’emploi à élaborer

III. Les réserves de sécurité civile : une refondation nécessaire

A. Les sapeurs-pompiers volontaires

1. Une réserve d’emploi très employée

a. Un modèle de sécurité civile reposant historiquement sur le volontariat

b. Un recours massif au volontariat dans un souci d’efficience

2. Des dérives insuffisamment combattues

a. Une dérive vers une quasi professionnalisation de SPV à temps partiel

b. Un cumul des engagements à l’origine d’effets d’aubaine et de surcoûts

3. Une crise du volontariat depuis 2011

a. Des effectifs insuffisants au regard des missions et une disponibilité en baisse

b. Des mesures de fidélisation sans effet significatif

c. Des mesures à destination des employeurs pour améliorer la disponibilité

d. Un plan national en faveur du volontariat

4. Le modèle français à la croisée des chemins

a. D’importantes limites du fait de l’assimilation du volontariat à un travail par le droit de l’Union européenne

b. Une recomposition de la sécurité civile, des SDIS et du volontariat

B. Les grands réseaux de la sécurité civile

1. Des bénévoles organisés

2. Un recoupement avec les réservistes civiques

C. Les réserves communales de sécurité civile

1. Une réserve civique véritablement animée

a. Une innovation récente

b. Les atouts considérables de la proximité

2. Un cadre rigoureux à respecter

a. Une coordination indispensable avec les autres acteurs de la sécurité civile

b. Un encadrement rigoureux, gage d’efficacité et de protection

c. Une information insuffisante des maires

d. Une modalité pour organiser des volontaires ayant d’autres engagements au niveau local

IV. La réserve sanitaire : un grand malentendu

A. Un dispositif centralisé, unique au monde, d’échanges de professionnels qualifiés

1. Des réservistes d’un haut niveau de qualification

a. Des conditions d’accès strictes

b. Des formations dispensées par la réserve sanitaire insuffisamment reconnues

2. Un mécanisme de solidarité entre territoires ou établissements

a. Pas une réserve sanitaire de masse, mais un renfort multi-individuel

b. Une disponibilité qui repose beaucoup sur la bonne volonté d’établissements de soins

3. Un recours à la réserve sanitaire rigoureusement encadré

a. Des réservistes parfois mal accueillis

b. Une doctrine d’emploi qui a dû être précisée

B. Une réserve qui souffre d’un manque de visibilité et de reconnaissance

1. Une réserve mal connue, y compris des professionnels de santé

a. Un vivier très insuffisant

b. Une rénovation de la communication à poursuivre

2. Des réservistes freinés par des conditions d’indemnisation dissuasives

a. Des conditions d’indemnisation peu incitatives

b. Des conditions carrément dissuasives pour les professionnels libéraux

c. Des soignants sans employeurs pénalisés faute d’attestation d’emploi

3. Une animation qui devrait être renforcée

a. Des ARS insuffisamment impliquées dans l’information des professionnels sur la réserve sanitaire

b. Des missions plus attirantes que d’autres

c. Le défi de la fidélisation pour les nouvelles recrues de 2020

4. Un budget très insuffisant

a. Un budget réduit depuis la fusion des agences de santé publique

b. Un renfort de l’équipe centrale écarté même pendant la crise sanitaire

C. D’autres outils à imaginer face à la diversification des situations sanitaires exceptionnelles

1. Une clarification du champ d’intervention de chaque acteur qui serait bienvenue

a. Le service de santé des armées : un renfort apprécié mais tardif

b. L’ESCRIM : un renfort inadapté

c. La sécurité civile : un acteur autonome et bien préparé

2. D’autres outils de renfort sanitaire à concevoir

a. Des « parrainages » entre établissements

b. Des réseaux de solidarité locaux

V. Les réserves du ministère de la Justice : des retraités en renfort

A. La réserve pénitentiaire

1. Une ressource flexible à la main des directions interrégionales de l’administration pénitentiaire

a. Des missions restreintes mais importantes

b. Une grande souplesse d’emploi pour les gestionnaires

c. Une gestion non spécifique peu onéreuse

2. Une formule avantageuse pour de jeunes retraités

a. Une réserve de volontaires exclusivement

b. De jeunes retraités

c. Des effets d’aubaine limités

3. Des besoins insatisfaits ?

a. Des effectifs bien en-deçà des ambitions initiales mais en croissance

b. Des revendications quant au montant des indemnités

c. Une expression des besoins à reprendre

B. La réserve judiciaire

1. Des magistrats honoraires

2. Une réserve de greffiers

VI. Le service civique : un volontariat indemnisé et encadré

A. Un statut pour favoriser l’engagement des jeunes

1. Une simplification très attendue, au bénéfice des jeunes et de l’économie sociale et solidaire

2. Un encadrement individuel et une formation

3. Une indemnisation destinée à éviter des effets d’éviction ou de substitution

B. Une dynamique positive depuis plus de dix ans

1. Une ressource budgétaire et des effectifs en hausse

2. Un objectif très ambitieux financé par le plan de relance

C. Une meilleure articulation avec les réserves à rechercher

1. Des dispositifs encore foisonnants du point de vue des jeunes

2. Des risques d’effets d’éviction

3. Des passerelles à imaginer avec d’autres réserves

VII. Les réserves civiques : un besoin d’animation

A. La réserve civique

1. Un vocable « martial » problématique à maints égards

2. Un cadre pour l’engagement multi-individuel ponctuel

3. Un effet pendant la crise Covid qui reste à évaluer

B. La réserve de l’Éducation nationale

1. Un statut pour des intervenants extérieurs

a. Un cadre pour l’engagement individuel

b. Un accès rigoureusement contrôlé

c. Des refus motivés

2. Une ouverture à la société civile manifestement inachevée

a. Une part considérable de réservistes qui ne sont jamais employés

b. Un maillage territorial insuffisant

c. Une diversité qui paraît décevante

3. Une animation qui mériterait d’être améliorée

a. Un dispositif de promotion multimodal et décentralisé

b. Une application mobile très utile

c. Une reconnaissance institutionnelle anecdotique

Conclusion

Liste des propositions

Examen en commission

Annexe I : Auditions de la mission d’information

Annexe II :  Synthèse des premiers résultats de la consultation citoyenne sur les réserves


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   Introduction

 

Le 28 octobre 2020, la commission de la Défense nationale et des forces armées a décidé la création d’une mission d’information sur les réserves et en a désigné MM. Christophe Blanchet et Jean-François Parigi, rapporteurs.

Les rapporteurs ont conduit une quarantaine d’auditions et de tables rondes en visioconférence, observant rigoureusement les règles imposées par l’épidémie de Covid-19. Un seul déplacement a pu être organisé avec le concours de la gendarmerie nationale, au camp de Beynes, pour assister à une demi-journée de formation de futurs réservistes de la garde républicaine. Les rapporteurs tiennent à remercier toutes les personnes qui ont pris la peine de répondre à leurs questions et de participer à leur réflexion.

Les rapporteurs ont décidé de conduire une consultation citoyenne via le site Internet de l’Assemblée nationale. Cette consultation citoyenne, la première organisée à l’initiative et pour le compte de commissaires chargés de la défense, a permis de collecter près de 10 000 réponses en trois semaines, ce qui en fait la quatrième consultation la plus populaire depuis l’inauguration de ce type d’exercice, après la consultation portant sur le changement d’heure, la consultation relative à l’usage récréatif du cannabis et la consultation sur les moyens des forces de sécurité. Le rapport propose quelques extraits des données recueillies. L’ensemble des données, anonymes, sera disponible sur le site de l’Assemblée nationale en open data, afin de nourrir la réflexion et le débat public sur les réserves. Les rapporteurs espèrent, à l’instar de plusieurs personnes qu’ils ont entendues en audition, que davantage de travaux d’évaluation seront conduits à l’avenir sur les réserves.

Des questionnaires écrits ont été adressés à cinq ministères et deux services de renseignement. Si les rapporteurs ont obtenu la plupart des réponses, quoique rarement dans le temps imparti, ils déplorent l’absence totale de réponse de la direction générale de la sécurité extérieure, avec laquelle un contact téléphonique avait pourtant été établi, et pour un questionnaire qui ne présentait a priori pas de difficulté particulière. Leurs demandes d’informations se sont par ailleurs souvent heurtées à l’absence de données sur les réserves, ce qui constitue un enseignement en soi sur les lacunes du suivi des réserves.

Les rapporteurs ne prétendent pas à l’exhaustivité ou à ce que leur rapport fasse référence en dehors du champ des réserves militaires. Travailler sur l’ensemble des réserves n’allait pas de soi pour des rapporteurs de la commission chargée de la défense, tant les « réserves » recouvrent des réalités différentes relevant de champs ministériels différents. Ce travail de comparaison a toutefois eu l’intérêt de montrer que les réserves militaires pouvaient être affectées par les évolutions d’autres dispositifs appelés « réserves » ou non, et relevant d’autres ministères que celui des armées. Cette étude transversale invite ainsi à remettre de l’ordre dans les réserves pour éviter des phénomènes de concurrence délétères entre dispositifs. Elle met aussi en lumière des bonnes pratiques qui pourraient être étendues à l’ensemble des réserves et souligne des enjeux de coordination et de coopération entre les ministères pour un fonctionnement plus efficient.

Les rapporteurs espèrent que ce rapport contribuera à alimenter la réflexion de leurs collègues parlementaires, et au-delà un débat public plus informé sur des dispositifs qui constituent une chance pour la résilience et la cohésion nationale, véritablement un trésor, qu’il convient de préserver.


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   Première partie :
les réserves : l’urgence d’une stratégie cohérente

La multiplication des statuts de réservistes démontre la résonance particulière que conserve l’idée de réserve chez nos concitoyens et témoigne de leur volonté de s’engager au service de la Nation.

Travailler sur l’ensemble des réserves n’allait pas de soi tant ce mot recoupe des réalités contrastées appartenant à divers champs de l’action gouvernementale. Pourtant, deux constantes se dégagent : la volonté d’engagement et l’enjeu de résilience.

Par ce travail, les rapporteurs ont pu procéder à des comparaisons plus utiles que des comparaisons internationales, dont la portée est limitée par des différences culturelles importantes, pour interroger le bien-fondé du fonctionnement actuel des réserves.

I.   Une sédimentation et un foisonnement de dispositifs très disparates

Pour conduire leur étude, les rapporteurs ont d’abord défini les réserves comme les renforts auxquels les pouvoirs publics (armées mais aussi sécurité civile, forces de l’ordre, hôpitaux, prisons, tribunaux et communes), peuvent avoir recours pour mieux assurer la continuité des services publics, notamment en cas de crise – mais pas seulement. Ce renfort est organisé soit grâce à des anciens du service actif ou des professionnels encore en activité, en mettant à profit leur expérience et leurs compétences, soit grâce à des citoyens volontaires sans formation préalable, bénévoles ou non, qu’il s’agit justement d’intégrer. Ces caractéristiques sont partagées par des dispositifs qui n’ont pas le nom de réserve comme les sapeurs-pompiers volontaires ou le service civique mais que les rapporteurs ont choisi d’intégrer à l’étude.

A.   Une notion ancienne, bouleversée depuis 1999

La notion de réserve a connu un bouleversement en 1999 à l’origine de nombreuses confusions.

1.   De réserves de masse à des réserves d’emploi

Depuis la suspension de la conscription, en 1997, il n’y a plus de réserve de masse ou de réserves parfois dites « de rente ». Les réserves sont toutes aujourd’hui des réserves d’emploi.

a.   Les sapeurs-pompiers volontaires : la plus ancienne et la plus importante des réserves

Sans en porter le nom, les sapeurs-pompiers volontaires constituent – et de longue date, puisque l’origine des sapeurs-pompiers volontaires remonte à une ordonnance royale de 1716 instituant les « Gardes Pompes » dans les grandes villes – une première réserve de sécurité civile.

Le modèle français de sécurité civile a d’abord reposé entièrement sur le volontariat, organisé à un niveau communal. En d’autres termes, les réservistes ont précédé l’active. Ce n’est que depuis le XXe siècle que la fonction de pompier est devenue un métier. Cette professionnalisation a été de surcroît fortement tempérée, à partir des années 2000, par un recours massif au volontariat dans les services départementaux et de secours (SDIS) pour faire face à l’accroissement des missions et à la réforme des 35 heures.

Avec plus de 198 000 volontaires, les sapeurs-pompiers volontaires forment en quelque sorte la première des réserves, et indéniablement une réserve d’emploi. La comparaison avec les réserves militaires est d’autant plus justifiée que beaucoup de mesures censées favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires ont progressivement été étendues aux réservistes militaires.

b.   La réserve opérationnelle militaire de premier niveau : de l’obligation au volontariat

La réserve opérationnelle militaire existe sous diverses formes depuis 1791. Au moment du tournant de la professionnalisation des armées, qui a fait suite à la décision du président de la République de suspendre la conscription, en 1997, la réserve de premier niveau (RO1) des armées est devenue une réserve d’emploi constituée de volontaires, et non plus une réserve de masse reposant sur l’obligation faite aux hommes âgés de moins de 35 ans de la rejoindre à l’issue de leur service national.

Comme en témoignent les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense ([1]), il s’agissait d’abandonner une réserve pléthorique, mal équipée, au profit de réservistes mieux formés, bien équipés, réellement employés. Dans le contexte de la professionnalisation des armées, la volonté du Législateur était de sélectionner parmi tous les réservistes (incluant à l’époque tous les anciens appelés du contingent, ce qui en faisait une réserve au moins aussi importante que l’armée d’active) une réserve proprement opérationnelle. Les travaux préparatoires, notamment ceux du député Michel Dasseux, pointaient en effet l’équipement de seconde main de la réserve et les milliers de véhicules qui seraient nécessaires en cas de réquisition. ([2]) Comme le montrera la suite du présent rapport, ce tournant a été salutaire et les visées du Législateur de 1999 ont encore toute leur pertinence aujourd’hui. La parfaite intégration des réservistes dans les forces d’active est un succès à porter au crédit des forces armées.

Désormais, l’engagement dans la réserve opérationnelle de premier niveau, possible sous condition d’aptitude, est souscrit pour une durée allant d’un à cinq ans via un engagement à servir dans la réserve (ESR) qui n’est pas un contrat de travail mais se rapproche davantage d’une convention. ([3]) À la suite de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, le président de la République a porté à quarante ans la limite d’âge pour un premier engagement. Les volontaires sans passé militaire doivent suivre une formation initiale militaire rigoureuse. Le code de la défense reconnaît aux réservistes opérationnels régulièrement convoqués la qualité de militaire. De ce fait, leur statut, est très peu dérogatoire par rapport aux militaires d’active, y compris s’agissant de la solde. La durée annuelle cumulée maximale de leurs renforts est en principe de 60 jours ([4]). Toutefois, en cas de nécessité ou de circonstances exceptionnelles, cette durée peut être portée à 90, voire à 150 jours et 210 jours pour une mission à l’étranger.

Les réservistes de la RO1 incluent des réservistes dits « spécialistes » prévus à l’article L. 4221‑3 du code de la défense. Créé en 1999, ce statut a été pensé pour éviter de priver les armées de compétences apportées par certains appelés du contingent. Les réservistes spécialistes ne sont pas soumis aux conditions d’aptitude physique, ne se voient dispenser aucune formation militaire ou entraînement systématiques et reçoivent un grade en fonction de leur niveau de qualification « qui ne donne aucune autorité en matière de commandement et de pouvoir hiérarchique, en dehors des fonctions particulières pour lesquelles le réserviste a été sollicité » ([5]). Ce statut particulier devait « offrir la possibilité de gérer au mieux les spécialistes de haut niveau, qui sont souvent très recherchés mais qui sont peu nombreux et ont rarement le temps de suivre un cursus de plusieurs années dans la réserve. On peut citer dans cette catégorie, à titre d’exemple, le personnel médical, (chirurgiens, anesthésistes, infirmiers), les spécialistes de la maîtrise de l’énergie (électricité, gaz), les juristes, les professionnels des travaux publics, etc. » ([6]), ainsi que les réservistes de cyberdéfense et les aumôniers militaires, qui sont employés comme réservistes au service du commissariat des Armées. Comme les autres réservistes opérationnels, les réservistes spécialistes reçoivent une solde. Des réservistes spécialistes sont ainsi employés dans la plupart des directions et services du ministère des armées, outre les forces à proprement parler : au service de santé des armées, au service du commissariat, au service des essences, à la direction générale de l’armement, à la direction du renseignement militaire, au commandement cyber (Comcyber), etc.

Un unique statut de réserviste opérationnelle de premier niveau est commun aux trois armées, aux formations rattachées et à la gendarmerie nationale.

c.   La réserve opérationnelle militaire de deuxième niveau : une force théorique

Une réserve de deuxième niveau (RO2) composée des « anciens militaires de carrière ou sous contrat et personnes qui ont accompli un volontariat dans les armées, dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien au service » ([7]) complète le panel des réservistes opérationnels militaires. Un préjugé fréquent conduit à présenter la RO1 comme étant composée de jeunes volontaires quand la RO2 serait composée d’anciens militaires, plutôt âgés. Ce n’est pas conforme à la réalité. Ainsi, beaucoup d’anciens militaires plutôt âgés, ayant atteint les limites d’âge de leur grade, servent dans la RO1 comme « compléments individuels », souvent au même poste que celui qu’ils occupaient dans l’active (environ 40 % de la RO1 de l’armée de terre qui effectue environ 60 % des jours d’activité). A contrario, les anciens militaires susceptibles d’être rappelés dans le cadre de la RO2 peuvent être très jeunes s’ils ont quitté le service actif après une courte carrière.

Il faut aussi préciser que si les militaires de la RO2 sont soumis à une obligation de disponibilité pendant cinq ans, les volontaires qui servent dans la RO1 sont aussi soumis à l’obligation de disponibilité s’ils sont mobilisés par décret. Il s’agit d’une sujétion inhérente à l’état militaire et qui s’explique par des objectifs de défense. Virtuellement, ce sont donc 92 000 militaires qui pourraient être mobilisés en application de l’article L. 2171‑1 du code de la défense.

Cette réserve dite « de disponibilité », qui correspond peut-être le mieux à la notion historique de réserve, n’a en réalité que peu de chances de servir face à un ennemi ou dans une situation de crise exceptionnelle. Comme l’a très bien résumé le général de division Walter Lalubin, délégué interarmées aux réserves (DIAR), « cette réserve a une existence légale et administrative mais n’a plus de consistance opérationnelle ». ([8]) D’abord, parce que sa disponibilité est toute relative. Seuls 40 % des effectifs de la RO2 de l’armée de terre convoqués se déplacent en moyenne. Dans la marine nationale, le taux de présence est inférieur à 11 %. Les états-majors peinent à suivre les changements de résidence des anciens militaires et de surcroît, aucune disposition légale ne sanctionne véritablement la non présentation. Les états-majors le déplorent mais craignent à juste titre que des obligations renforcées à l’égard des anciens militaires ne limitent leur employabilité et ne constituent un frein à leur reconversion.

Le deuxième frein réel à la mobilisation des réserves a trait au manque de matériel. Comme l’a bien précisé le chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT) aux rapporteurs, il n’existe pas de centres de mobilisation où les réservistes pourraient venir percevoir du matériel supplémentaire et il n’y a d’ailleurs pas de stocks de matériels supplémentaires. ([9]) Comme l’avait déjà mis en lumière M. Thomas Gassilloud dans la partie thématique de son avis budgétaire consacré à la réserve de l’armée de terre, les armées n’ont plus de stocks de véhicules, d’armement ou d’équipements pour d’éventuels réservistes et n’ont plus la capacité de les héberger. ([10])

Enfin, la direction du personnel militaire de la marine nationale (DPMM) a très justement fait remarquer aux rapporteurs qu’il n’existait aucun scénario d’emploi pour sa RO2, en dehors du renforcement des états-majors. En effet, il n’existe aucun bâtiment de la marine nationale inemployé actuellement qui pourrait être armé par des réservistes. Le même raisonnement peut vraisemblablement être tenu pour l’armée de l’air et de l’espace, limitée par sa flotte d’aéronefs.

Le DIAR en appelle donc à juste titre à une « étude de fond » sur la RO2, à laquelle les rapporteurs ont consacré une réflexion dans la seconde partie du présent rapport.

2.   De nouvelles réserves pour faire face aux crises dans les années 2000

À mesure que se confirmaient la pertinence et l’utilité d’une réserve d’emploi dans les forces armées, le Législateur a vu tout l’intérêt qu’il pourrait y avoir à transposer ce succès dans d’autres domaines de l’action publique, particulièrement exposés à des crises.

a.   La réserve civile de la police nationale

Évoquée dès la préparation de la loi du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dans le contexte des attentats du 11 septembre 2001, la réserve civile de la police nationale a été instituée par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Elle concernait initialement exclusivement les retraités des corps actifs de la police nationale pour lesquels deux dispositifs ont été mis en place.

 Une réserve statutaire : dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur carrière, les fonctionnaires de police sont tenus à une obligation de disponibilité qui ne peut excéder l’âge de soixante ans et quatre-vingt-dix jours par an. Ils peuvent être rappelés en cas de menaces ou de troubles graves à l’ordre public. Toutefois, dès la présentation du projet de loi sur la sécurité intérieure, il avait été indiqué que « le recours aux réservistes de second niveau devrait rester théorique ». ([11])

 Une réserve contractuelle : ces mêmes fonctionnaires peuvent, dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur carrière et sans excéder l’âge de 65 ans, demander à servir en qualité de volontaires pour une durée d’un an renouvelable.

Ces réservistes possèdent la qualité d’agent de police judiciaire et agissent en priorité dans le département dans le ressort duquel se trouve leur domicile pour des missions de soutien aux forces de sécurité (à l’exception des tâches de maintien et de rétablissement de l’ordre) et de solidarité. Ils perçoivent une indemnité journalière ainsi que des frais de mission. Par ailleurs, ils ont droit à la réparation intégrale des dommages subis dans l’exercice de leurs fonctions, selon les règles de la responsabilité administrative. Selon la Cour des comptes, dans un rapport établi en avril 2019 pour la commission des Finances de l’Assemblée nationale, le taux de réponse des réservistes statutaires de la police nationale aux convocations oscille entre 60 et 92 % selon les régions. ([12])

Depuis 2011 ([13]), la réserve dite « contractuelle » peut aussi employer des volontaires issus de la société civile ainsi que, depuis 2016 ([14]), d’anciens adjoints de sécurité (ADS). Ces évolutions législatives sont restées lettre morte jusqu’en 2020, date à laquelle le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a confié au commissaire divisionnaire Stéphane Folcher la mission de préfigurer une nouvelle réserve opérationnelle de 30 000 volontaires issus de la société civile.

b.   Les réserves communales de sécurité civile

La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a créé les réserves communales de sécurité civile, destinées à apporter un soutien aux populations en situation de catastrophe ou de crise, sans se substituer aux services de secours et d’urgence ou les concurrencer.

La participation à ce corps, placé sous la seule autorité du maire, est facultative et bénévole. Elle est ouverte à tous les citoyens, sans conditions d’âge ni d’aptitude physique. Un contrat d’engagement est signé entre le réserviste et la commune pour préciser les garanties dont il bénéficie comme collaborateur du service public. La création de cette réserve est décidée par le conseil municipal et son fonctionnement pris en charge par la commune. Elle peut cependant être gérée administrativement en intercommunalité.

La loi du 27 janvier 2017 précitée a placé cette réserve dans le cadre de la réserve civique, en cohérence avec la nature bénévole de l’engagement (voir infra).

c.   La réserve sanitaire

La canicule de 2006, la diffusion du chikungunya et la crainte d’une pandémie grippale ont motivé la création d’une réserve sanitaire. Issue d’une proposition portée par le sénateur Francis Giraud, la réserve sanitaire a été créée en 2007. ([15]) Composée de professionnels de santé volontaires (par exemple, médecin, psychologue, pharmacien, infirmier, ambulancier), de retraités de moins de cinq ans et d’étudiants en médecine, la réserve sanitaire intervient en renfort, en France ou à l’étranger, dans des situations sanitaires exceptionnelles (épidémie, catastrophe naturelle, attentat...). Toute la difficulté réside dans le manque de disponibilité de ces volontaires qui, sauf les retraités et les étudiants, ne sont pas véritablement en réserve, mais ont une autre activité.

3.   Des dispositifs de cumul emploi retraite inspirés des réserves militaires

Le mot de « réserve » a été utilisé à la fin des années 2000 pour désigner, par analogie avec les réserves militaires statutaires, des dispositifs de cumul emploi-retraite proposés aux fonctionnaires d’administration ayant besoin de renforts face à des pics d’activité.

a.   La réserve pénitentiaire

En 2009 ([16]), le ministère de la Justice a obtenu la création d’une réserve d’anciens professionnels de l’administration pénitentiaire, contractuels, analogue à celle de la police nationale. D’après les débats parlementaires de l’époque, il s’agissait de donner un cadre à une pratique antérieure. Composée exclusivement d’anciens professionnels volontaires, cette réserve concilie l’intérêt de l’administration avec celui de jeunes retraités souhaitant continuer leur activité à temps partiel.

b.   La réserve judiciaire

Quelques mois plus tard, en 2010, un amendement au projet de loi de finances pour 2011 a créé une réserve judiciaire, composée, d’une part, de magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles et de personnels des greffes retraités. La pratique de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles était déjà répandue. Les dispositions adoptées en 2010 ([17]) ont été largement réécrites en 2016 lors de la réforme du statut de la magistrature. Depuis cette date, il n’est plus fait référence à des magistrats « réservistes » mais à des magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles (MHFNJ) et des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. La réserve judiciaire reste formellement composée des anciens professionnels du corps des greffes.

4.   Le service civique : un engagement indemnisé pour les jeunes

Les rapporteurs ont choisi d’intégrer dans leur étude les volontaires du service civique qui n’ont pas le nom de « réservistes » mais partagent pourtant avec eux plusieurs caractéristiques.

Créé par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010, prévu à l’article L. 120-1 du code du service national, le service civique avait vocation à unifier de nombreux dispositifs de volontariats accessibles aux jeunes et leur offrant de premières expériences « professionnalisantes » au service d’associations, d’entreprises ou de la Nation. Le service civique a aussi permis de mieux indemniser les jeunes volontaires et de leur offrir une protection sociale adéquate.

Les jeunes Français qui souhaitent s’engager ont le choix entre de multiples engagements bénévoles et, pour ce qui est d’engagements indemnisés, du service civique ou des réserves de défense et de sécurité. La comparaison de ces dispositifs est donc pertinente. Ainsi, la Cour des comptes, dans son rapport d’avril 2019, précité, sur les réserves de la gendarmerie et de la police nationales, notait que la police nationale proposait des missions bénévoles sur le site de la réserve civique, missions qui auraient pu être exercées par des réservistes civils contractuels de la police nationale ou par des réservistes citoyens, mais qui ne trouvaient pas preneurs et ce d’autant que les jeunes volontaires pouvaient postuler dans un cadre plus avantageux pour eux, celui du service civique.

5.   Des réserves « civiques » depuis 2015 pour réaffirmer les valeurs de la République

Dans le contexte marqué par les tragiques attentats terroristes de 2015 et 2016, la puissance symbolique du vocable de réserve a incité le législateur à créer de nouvelles réserves destinées à susciter et organiser l’élan citoyen.

a.   La réserve civique

Après les attentats de 2015, le président de la République a confié à M. Claude Onesta, l’entraîneur de l’équipe de France de handball, et M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, la mission de préfigurer une « réserve citoyenne » que tous les Français soucieux de faire vivre « les valeurs de la République » auraient la possibilité de rejoindre. Rebaptisée « réserve civique » pour ne pas donner le sentiment d’en exclure les ressortissants étrangers vivant sur le sol français, cette réserve est en réalité un statut juridique censé faciliter l’engagement individuel ponctuel auprès des pouvoirs publics. La loi n° 2017‑86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a instauré un cadre commun pour des contributeurs bénévoles au service public exerçant des missions aussi diverses que l’explication et l’illustration des valeurs de la République à l’école, l’accompagnement de personnes en perte d’autonomie, l’intervention dans les prisons, ou la prévention des feux de forêts.

Le terme de « réserve » pour désigner un cadre propice à l’engagement individuel ponctuel est problématique à maints égards. Les circonstances de la création de ces « réserves », juste après le traumatisme des attentats de 2015 et 2016, expliquent certainement le choix de ce vocable. Toutefois, il est une source de confusion et la valeur ajoutée de ces « réserves » par rapport aux associations prévues par la loi de 1901 reste encore à démontrer.

b.   La réserve citoyenne de l’Éducation nationale

Lancée le 12 mai 2015 par une simple circulaire, la Réserve citoyenne de l’Éducation nationale (RCEN) est composée de volontaires intervenant au sein des établissements scolaires pour faire partager leurs expériences personnelles et professionnelles et contribuer à la transmission des valeurs de la République. Complémentaire des actions conduites par les associations partenaires de l’Éducation nationale, la RCEN constitue une forme d’engagement individuel bénévole.

Elle permet aux équipes éducatives des écoles et établissements scolaires, publics et privés, de faire appel plus facilement à des intervenants extérieurs pour illustrer leur enseignement ou leurs activités éducatives, notamment en matière d’éducation à la citoyenneté et à la laïcité ; d’éducation à l’égalité entre filles et garçons ; de lutte contre toutes les formes de discriminations ; de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ; de rapprochement de l’école et du monde professionnel ; d’éducation aux médias et à l’information.

Un cadre légal a été institué par l’article 6 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté précitée. La loi a ainsi introduit un nouvel article L. 911‑6‑1 dans le code de l’éducation.


Réserve

Effectif

Part du total général (%)

Part de la réserve de sécurité nationale (%)

Part de la Garde nationale (%)

RO1 Armée de terre

24 711

4,48

6,18

32,33

RO1 Marine nationale

5 400

0,98

1,35

7,07

RO1 Armée de l’air et de l’espace

5 800

1,05

1,45

7,59

RO1 Gendarmerie nationale

30 000

5,43

7,50

39,25

RO1 Service de santé des armées

3 325

0,60

0,83

4,35

RO1 Direction générale de l’armement

100

0,02

0,03

0,13

RO1 Service des infrastructures de la défense

230

0,04

0,06

0,30

RO1 Service de l’énergie opérationnelle

200

0,04

0,05

0,26

RO1 Service du commissariat des armées

160

0,03

0,04

0,21

Réserve civile de la police nationale - contractuels

6 500

1,18

1,63

8,50

SOUS-TOTAL GARDE NATIONALE

76 426

13,84

19

100

Sapeurs-pompiers volontaires

198 900

36,02

49,75

 

Réserves communales de sécurité civile

14 000

2,54

3,50

 

RO2 Armée de terre

36 638

6,64

9,16

 

RO2 Marine nationale

10 452

1,89

2,61

 

RO2 Armée de l’air et de l’espace

11 074

2,01

2,77

 

RO2 Gendarmerie nationale

34 621

6,27

8,66

 

RO2 Service de santé des armées

1 162

0,21

0,29

 

RO2 Direction générale de l’armement

344

0,06

0,09

 

RO2 Service des infrastructures de la défense

20

0,00

0,01

 

RO2 Service de l’énergie opérationnelle

420

0,08

0,11

 

RO2 Service du commissariat des armées

383

0,07

0,10

 

Réserve civile de la police nationale – réserve statutaire

11 348

2,06

2,84

 

Réserve sanitaire

3 800

0,69

0,95

 

Réserve pénitentiaire

227

0,04

0,06

 

SOUS-TOTAL RESERVE DE SÉCURITÉ NATIONALE

399 815

72,41

100

 

Réserve judiciaire

194

0,04

 

 

Réservistes citoyens Armée de terre

1 717

0,31

 

 

Réservistes citoyens Marine nationale

350

0,06

 

 

Réservistes citoyens Armée de l’air et de l’espace

1 600

0,29

 

 

Réservistes citoyens Gendarmerie nationale

1 700

0,31

 

 

Réserve citoyenne cyberdéfense

70

0,01

 

 

Réservistes citoyens de la police nationale

115

0,02

 

 

Réserve citoyenne de l’Éducation nationale

6 600

1,20

 

 

Jeunes volontaires du service civique

140 000

25,35

 

 

TOTAL GÉNÉRAL

552 161

100

 

 

Effectifs des rÉserves et part dans les ensembles interministÉriels

Source : secrétariat général de la Garde nationale, réponses écrites des ministères.

B.   Des statuts, budgets et objectifs qui ne constituent pourtant pas une politique

Les « réserves » désignent donc une myriade de statuts juridiques très différents, parfois assortis de budgets rarement identifiés dans la documentation budgétaire, d’objectifs essentiellement quantitatifs et d’une gestion principalement ministérielle.

1.   Divers statuts juridiques qui confèrent à l’emploi de réserviste une grande souplesse

L’appellation de « réserve » est utilisée à la fois pour désigner l’obligation statutaire de disponibilité de certains agents publics, l’engagement de volontaires susceptibles d’être mobilisés en cas de crise majeure, par ailleurs souvent employés comme renfort au quotidien, des vacations effectuées par des retraités et le concours occasionnel, bénévole ou non, de citoyens à l’action de l’État. Cette grande confusion a encore été aggravée par la mise en place de cadres successifs (« réserve de sécurité nationale », « réserve civique ») qui recouvrent certaines de ces réserves en fonction des circonstances.

 

Essai de typologie des réservistes

 


a.   Une obligation de disponibilité en passe de tomber en désuétude

Le réserviste statutaire, inclus dans une réserve dite de disponibilité (RO2), est ce qui correspond le plus sûrement à la notion historique de la réserve.

Outre les militaires soumis à l’obligation de disponibilité, cette réserve inclut aussi théoriquement tous les policiers ayant quitté le service actif depuis moins de cinq ans.

Comme en témoigne l’évolution de la réserve opérationnelle de deuxième niveau dans les armées, l’obligation de disponibilité semble en passe de tomber en désuétude et les réserves reposent de manière croissante sur le volontariat, y compris dans les réserves de défense et de sécurité ou dans la réserve sanitaire.

Si la question a été librement abordée au cours des auditions, presqu’aucun acteur entendu par la mission d’information ne considère souhaitable de rendre obligatoire la participation à une réserve. Signe des temps ou nécessité opérationnelle, le volontariat est jugé préférable, assorti à des mécanismes d’incitation financière.

Les rapporteurs ont en effet compris des différentes auditions que toute obligation de disponibilité à laquelle serait assujettie un collaborateur dans une organisation ou une entreprise le rend immédiatement moins « compétitif » qu’un autre qui n’a pas de tels engagements. Cette situation a aussi une explication culturelle. En effet, aux États-Unis, au Canada ou au Royaume-Uni, l’engagement dans une réserve militaire suscite plutôt une réaction admirative et un soutien immédiat.

Une autre explication réside dans l’engagement qui est aujourd’hui attendu du réserviste. Les pouvoirs publics ont cessé de compter sur une masse de personnes diversement motivées pour concentrer leurs efforts de recrutement et d’animation sur un plus petit nombre de volontaires fidélisés et mieux formés qui peuvent se voir confier davantage de responsabilités. Certains volontaires s’engagent toutefois à être mobilisés dans des circonstances exceptionnelles. C’est le cas des réservistes opérationnels militaires.

b.   Une réserve opérationnelle d’engagement qui offre des emplois particulièrement variés

Les rapporteurs rappellent que tous les réservistes dits opérationnels sont susceptibles d’être appelés dans les conditions prévues aux articles L. 2141-1 et suivants du code de la défense, sous le régime de la mise en garde ou de la mobilisation partielle ou générale, ou sous le régime créé par la loi de 2011 sur la « réserve de sécurité nationale » prévu aux articles L. 2171-1 à L. 2171-7. En pratique, ces dispositions ne sont pas utilisées. En attendant, la réserve opérationnelle militaire d’engagement –  ou RO1 – permet aujourd’hui aux armées, formations rattachées et à la gendarmerie d’avoir recours à des renforts extrêmement variés au quotidien.

Si les anciens du service actif ne sont plus réellement mobilisés dans les réserves de disponibilité reposant sur l’obligation, ils sont invités à rejoindre la RO1 où, forts de leurs compétences, ils apportent beaucoup. Les pensionnés du ministère des Armées ([18]), en particulier les officiers et les sous-officiers, ont ainsi été nombreux à revenir exercer leurs fonctions sous le statut de réserviste après leur départ du service actif à partir de 2009. Les réductions de format et d’effectifs imposées aux armées accompagnant les importantes restructurations décidées à la suite de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ont rendu ces intérimaires qualifiés particulièrement nécessaires pour exercer des missions par nature fluctuantes. Comme le soulignait le délégué interarmées aux réserves dans l’avis précité de M. Thomas Gassilloud, « la réserve offre aux chefs de corps une marge de manœuvre en termes d’effectifs. C’est la seule. Les états-majors de brigade sont en manque d’officiers. Ils ne peuvent fonctionner aujourd’hui qu’en se renforçant de réservistes, qui sont recrutés en fonction de la disponibilité à laquelle ils s’engagent. » ([19])

Cette formule de cumul emploi et retraite est avantageuse pour les deux parties : les armées assurent le maintien et la transmission des compétences tout en s’aménageant la possibilité d’avoir recours à un emploi intérimaire payé 1/20e de solde par jour ; le professionnel poursuit son activité à temps partiel ou sur un éventail de missions réduit, comme il le souhaite, et peut cumuler la rémunération tirée de cette activité avec sa pension de retraite, dans la limite du plafond défini aux articles L. 84 à L. 86.1 du code des pensions civiles et militaires. La retraite est écrêtée si la rémunération perçue dépasse le tiers du montant brut de la retraite, sauf s’ils sont âgés de plus de 65 ans ou, si leur âge étant compris entre 60 et 65 ans, ils comptent une durée d’assurance suffisante pour bénéficier de leurs droits à taux plein. Ce statut est d’autant plus avantageux que la solde est exonérée d’impôt sur le revenu. Les effets d’aubaine sont limités, d’une part par ces règles relatives au cumul de rémunération, ensuite par les limites d’âge (cinq années de plus que pour l’active), et enfin par le plafonnement du nombre de jours d’activité possibles sous le statut de réserviste opérationnel, il est vrai particulièrement libéral pour les réservistes militaires.

Cette utilisation du statut de réserviste a fait des émules et inspiré la création des réserves des ministères de l’Intérieur et de la Justice.

Le statut de réserviste militaire permet aussi de recruter des professionnels ayant une autre activité parallèle. Ces actifs sont recherchés pour leurs compétences, la diversité de leurs origines professionnelles ou tout simplement leur nombre. Leur disponibilité est en revanche réduite, ce qui constitue une préoccupation constante de toutes les réserves s’appuyant sur des actifs (sapeurs-pompiers volontaires, réserves opérationnelles de défense et de sécurité, réserve sanitaire). D’après les résultats de la consultation citoyenne réalisée par les rapporteurs grâce au site internet de l’Assemblée nationale, les contraintes professionnelles sont en effet, et de loin, le premier frein à l’engagement des réservistes qui, de ce fait, accomplissent leurs renforts sur leur temps libre. Marginalement, des actifs réservistes organisent leur vie autour de leur activité de réserve, consentant par exemple à combiner leur activité de réserviste avec une activité intérimaire ou saisonnière.

Le statut de réserviste spécialiste a permis aux forces armées de recruter des réservistes en dérogeant aux critères de l’aptitude médicale et de la formation militaire initiale, notamment dans le cyber. L’article 19 de la loi de programmation militaire 2019-2025 ([20]) a reporté à dix ans (et non plus cinq) les limites d’âge (limite d’âge de l’active + 10 ans) dans la limite de 72 ans. Ce statut est aujourd’hui perçu comme une modalité très désirable permettant de faire ponctuellement appel à des compétences rares ou coûteuses sur le marché du travail grâce à l’attrait de missions douées de sens pour le réserviste ou tout simplement d’un complément d’expérience. Le succès de cet usage du réserviste atteste des besoins de compétences et de transversalité des administrations, d’une part, et de la recherche de parcours professionnels diversifiés de la part des actifs, d’autre part. Il suscite néanmoins des défis inédits pour les employeurs de ces professionnels, notamment pour la protection du secret (professionnel ou défense) ou en termes de conflits d’intérêts. Il porte aussi en germe le risque d’une professionnalisation de la réserve militaire, au détriment de son ouverture à tout citoyen.

Les jeunes en formation constituent une part importante de la RO1 militaire (20 % en moyenne). Relativement disponibles, le plus souvent étudiants, ils rejoignent les réserves mus par une envie de servir mais aussi par le désir de contribuer à leur formation et à leur employabilité par une activité rémunératrice qui finance leurs études. Leur nombre, leur disponibilité et leur moindre coût compensent leurs moindres compétences. Le relèvement des plafonds appliqués au nombre de jours d’activité dans la réserve peut leur causer indirectement du tort, en favorisant une concentration du nombre de jours d’emploi sur les réservistes les plus qualifiés (les anciens professionnels et, dans une moindre mesure, les spécialistes).

c.   Des statuts ad hoc pour des collaborateurs occasionnels du service public

S’inspirant de la RO1 militaire, d’autres administrations ont obtenu la création de statuts ad hoc pour permettre l’emploi d’anciens professionnels en retraite. S’apparentent à cette catégorie les retraités réservistes civils de la police nationale, ceux de l’administration pénitentiaire et de la magistrature (magistrats et greffiers).

Ces « réserves » – que les rapporteurs ont baptisé « réserves d’efficience » –  ne supportent pas le coût d’une formation initiale puisqu’elles ont exclusivement recours à des professionnels déjà formés et dans la limite d’un délai au-delà duquel leurs compétences sont jugées dépassées. Elles ne sont assorties d’aucune obligation de mobilisation, la réserve de sécurité intérieure créée en 2011 n’ayant jamais véritablement été mise en œuvre.

Les réservistes sanitaires, qui comptent aussi des professionnels de santé en activité dans leurs rangs, ne sont pas tout à fait assimilables à ces réserves d’efficience, tout comme les volontaires du service civique, dont le statut est aussi très original.

d.   Des contributeurs bénévoles au service public

Aux côtés des réservistes opérationnels, une réserve bénévole, dite « citoyenne », destinée à renforcer le lien entre les armées et la nation, a été mise en place. Composée de citoyens intéressés par la défense, cette réserve a beaucoup contribué à l’organisation des journées d’appel et de préparation à la défense, jusqu’en 2015, ainsi qu’aux commémorations. Certaines forces armées, en particulier la marine et la gendarmerie nationales, ont rapidement utilisé ce statut pour constituer un réseau d’influence, formé essentiellement de cadres supérieurs des secteurs public et privé et d’élus. Dans l’armée de l’air ou l’armée de terre, cette réserve contribue aussi à l’ancrage local, beaucoup d’élus locaux ou de chefs d’entreprises locales étant agréés. Les réservistes appartenant à la réserve citoyenne peuvent être admis à participer bénévolement à des activités définies ou agréées par l’autorité militaire. Ils ont alors le statut de collaborateurs bénévoles au service public, et leurs activités n’ouvrent droit à aucune solde ou indemnité. Comme le montre l’exemple de la réserve cyber, leur emploi à des fins opérationnelles n’est pas exclu, ce qui peut éventuellement susciter des effets d’éviction si le recours aux bénévoles n’est pas rigoureusement encadré.

La réserve citoyenne des armées a ainsi été copiée par la police nationale qui l’a utilisée pour avoir recours à des bénévoles dans son exercice quotidien. Mais, comme l’a noté la Cour des comptes, ces bénévoles ont été concurrencés dans les faits par les jeunes volontaires du service civique qui bénéficient d’une indemnisation de 580 euros par mois dont le financement est partagé entre l’agence du service civique (81 %) et l’organisme d’accueil (19 %).

Les réserves communales de sécurité civile, la réserve citoyenne de l’Éducation nationale et la réserve civique (qui englobe les deux précédentes) ont aussi comme point commun de s’appuyer sur des contributeurs bénévoles au service public, protégés par la loi à ce titre.

2.   Des budgets en augmentation mais rarement identifiés

Tous les budgets afférents aux réserves sont en augmentation sans que cela procède toujours d’une volonté politique clairement affirmée au moment du vote de la loi de finances ou d’une loi de programmation :

– le budget annuel de fonctionnement (T2 et hors T2) des réserves militaires a été porté de 80 à 200 millions d’euros par la loi de programmation militaire 2019-2025 ;

– le budget annuel de l’agence du service civique a été porté à 500 millions d’euros à partir de 2017, et vient d’être augmenté pour être porté à 847 millions d’euros dans le cadre du plan de relance ([21])  ;

– dans la gendarmerie et la police nationales, la ressource budgétaire allouée a augmenté significativement, passant de 56 millions d’euros environ en 2015 (74,5 millions d’euros exécutés) à plus de 137,8 millions d’euros en 2017 (et 115,41 millions d’euros finalement exécutés) mais cette hausse s’est accompagnée de nombreux aléas et d’à-coups très préjudiciables à ces réserves ;

– bien qu’incluses dans la masse salariale générale et régulièrement sous-exécutées, les dépenses afférentes à l’emploi de réservistes ont cru de 12 % environ entre 2016 et 2020 dans l’administration pénitentiaire et dépassent régulièrement les 2 millions d’euros dans la magistrature (voir la deuxième partie du présent rapport, V.) ;

– les autorisations d’engagement ([22]) de la réserve sanitaire ont crû de 30 % entre 2017 et 2019, passant de 4,0 millions d’euros à 5,2 millions d’euros, avant une hausse spectaculaire en 2020 (22 millions d’euros) ;

– dans les services départementaux d’incendie et de secours, la charge d’indemnisation des volontaires a crû d’1,8 % en moyenne chaque année entre 2011 et 2017 sous l’effet d’un recours accru et de mesures de fidélisation, atteignant 578 millions d’euros en 2017.

Le détail de ces évolutions n’est que très marginalement retracé dans la documentation budgétaire. Depuis 2020, il est par exemple devenu plus difficile de suivre le budget alloué à Santé publique France, et plus particulièrement celui prévu pour la réserve sanitaire. En outre, plusieurs dépenses fiscales ou exonérations de cotisations sociales participent au financement des réserves sans aucun fondement législatif, parfois sans textes publiés, et leur coût n’est donc ni mesuré, ni mis en relation avec le budget des réserves.

Les besoins financiers afférents aux réserves sont par ailleurs très disparates. Les réserves qui dispensent une formation à des volontaires dits ab initio supportent un coût de recrutement, de formation, d’habillement, d’équipement et d’animation beaucoup plus élevé que les réserves qui s’appuient sur d’anciens professionnels.

3.   Des objectifs essentiellement quantitatifs au niveau national

Les objectifs assignés aux réserves par la loi sont multiples, souvent tacites (voir infra) et ne sont pas réellement évalués, faute de données permettant, par exemple, de mesurer la contribution des réserves militaires au lien armées-Nation.

Les réserves d’efficience ne sont généralement assorties d’aucun autre objectif que celui de favoriser la rencontre entre une offre et une demande de travail (pénitentiaire, judiciaire, police) dans le respect de l’enveloppe budgétaire allouée à la réserve et du plafond d’emploi du ministère.

Les réserves civiques, bénévoles, sans doute parce qu’elles « ne coûtent rien », ne font l’objet d’aucun objectif. Leur succès est toutefois fréquemment mesuré à l’aune du nombre de bénévoles ou de leur activité.

Le renforcement des moyens dédiés au service civique a un objectif très clair, celui de servir d’amortisseur social pour des milliers de jeunes affectés par la crise sanitaire. Si elle s’accompagne d’un objectif de recrutement très ambitieux (245 000 jeunes), la hausse du budget de l’agence du service civique doit aussi offrir des volontariats d’une durée plus longue (huit mois), gage de qualité.

Les réserves opérationnelles d’engagement se sont vues assigner de forts objectifs de recrutement et d’emploi sans qu’à cette montée en puissance n’aient été clairement associés une doctrine d’emploi et des objectifs opérationnels. Au lendemain des attentats de 2015, les armées ont ainsi été chargées de recruter 40 000 réservistes opérationnels et de leur faire effectuer une moyenne de 36,5 jours d’emploi par an. La gendarmerie nationale s’est vue assigner le même objectif, réduit à 30 000 en 2017, revu à la hausse (50 000 à horizon 2025) en 2020. Au terme de leurs auditions, les rapporteurs ne sont pas parvenus à trouver la justification de ces cibles de recrutement et de jours d’emploi. Il semble que ces cibles aient été déduites du budget qu’il paraissait acceptable d’allouer aux réserves et d’une volonté générale de remontée en puissance, sans autre expression de besoins préalable. Il en résulte une déconnexion manifeste entre la ressource budgétaire, les objectifs de recrutement et les objectifs d’emploi des réservistes que les rapporteurs exposent dans la suite du présent rapport.

C.   Une gestion ministérielle voire infra ministérielle

Le fonctionnement « tubulaire » ([23]) ou « en silos » ([24]) des réserves a été mis en cause à maintes reprises au cours des auditions. Toutes les tentatives de coordination interministérielle ont pour l’instant donné des résultats mitigés. Une coordination est pourtant impérative, en évitant la tentation d’une fusion des réserves dans un grand ensemble indifférencié ou la création de nouvelles structures aux titres ronflants mais inopérantes.

1.   Une gouvernance spécifique et ancienne au ministère des Armées

Le ministère des Armées est doté de plusieurs instances chargées de la direction politique et stratégique des réserves, leur emploi étant in fine du ressort des états-majors, directions et services. Ces instances sont aussi en partie compétentes pour les questions relatives au recrutement et à la communication des réservistes de la gendarmerie nationale. Le rattachement de cette dernière au ministère de l’Intérieur en 2009 et les caractéristiques de sa réserve l’ont amenée à développer une politique relativement autonome de celle des armées.

a.   Le Codir Réserves du ministère des Armées

Le comité directeur de la réserve militaire (CDRM, ou Codir Réserve) constitue l’instance de gouvernance des réserves dépendant du ministère des Armées. Il a pour mission d’examiner toute question et de préparer les orientations et décisions concernant le format, la politique d’emploi, les missions et l’administration de la réserve. Le comité peut de la sorte examiner, en particulier, toute question concernant le budget, les effectifs, le recrutement, la gestion du personnel, la formation, les procédures, etc.

Présidé par le ministre ou son représentant, ce Codir rassemble, notamment, les représentants du secrétaire général du Conseil supérieur des réserves militaires, du chef d’état-major des armées et des chefs d’état-major d’armée, ainsi que du délégué général pour l’armement et des autres directions et services concernés du ministère. Un groupe de pilotage de la réserve militaire (GPRM) est responsable de la mise en œuvre et du suivi des actions décidées par le ministre de la défense sur la proposition du comité.

b.   Le Conseil supérieur des réserves militaires

Créé par la loi de 1999 portant organisation de la réserve militaire, le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM), organisme de réflexion et de proposition, était compétent pour ce qui touche à la politique de la réserve d’une façon générale, et plus particulièrement la consultation des réservistes, les relations avec les employeurs et la communication sur la réserve. Les missions, la composition, l’organisation, le fonctionnement et les modalités de désignation des membres du CSRM sont fixées par décret.

Aussi bien les missions que la composition du CSRM ont été modifiées à plusieurs reprises ces dernières années. ([25]) Ses missions ont été réduites pour tenir compte du développement de la Garde nationale (cf. infra) : il n’est plus chargé de favoriser un partenariat durable entre les armées, les formations rattachées, les réservistes et les employeurs, ni d’établir un rapport annuel transmis au Parlement. Sa composition a été substantiellement modifiée. La part des représentants de salariés et d’employeurs a été réduite au profit de réservistes désignés par leurs autorités militaires. À l’instar des représentants des syndicats de salariés ([26]), les rapporteurs observent que ces représentants des réservistes n’ont pas la même liberté de parole que des représentants des employeurs et des salariés.

D’après les représentants des employeurs ([27]) et des salariés entendus par la mission d’information, ces dernières évolutions ont dévitalisé cette instance de consultation. Le CSRM est ainsi devenu, pour beaucoup, « une chambre d’enregistrement », « atone », qui « n’affiche aucune ambition », se réunit rarement (aucune réunion en 2019 et 2020) et n’avertit ses membres de la tenue de réunions qu’avec un préavis d’une semaine. Les participants s’indignent de découvrir les thèmes de discussion en cours de réunion. Les organisations représentatives des salariés et des employeurs pointent par ailleurs le manque de connaissances, voire « l’opacité », qui entoure les réserves. Les membres les plus anciens du CSRM se souviennent de débats beaucoup plus dynamiques, avec des débats nourris sur l’évolution du statut ou sur la protection sociale du réserviste. Le CSRM ne constitue plus de groupes de travail en son sein, ce qui annihile sa capacité à formuler des recommandations.

Les rapporteurs regrettent ces évolutions. Le CSRM pourrait être redynamisé et devenir une véritable instance d’évaluation de la condition des réservistes, de veille juridique et de coordination avec les autres réserves. Avec des moyens adaptés et des groupes de travail, il pourrait être une force de proposition pour améliorer le statut des réservistes ou favoriser la complémentarité avec l’active. Ses représentants pourraient surtout être entendus au Parlement lors de l’examen de textes afférents à la réserve.

Proposition n° 1 : redynamiser le fonctionnement du CSRM

– augmenter la part des représentants d’employeurs et de salariés dans le collège ;

– veiller à l’organisation de réunions régulières, programmées, annoncées avec un préavis suffisant ;

– recréer des groupes de travail permettant aux membres du CSRM de conduire des évaluations et de formuler des recommandations ;

– organiser l’audition régulière de représentants du CSRM par les commissions parlementaires chargées de la défense.

c.   Le délégué interarmées aux réserves et les délégués aux réserves

Des délégations aux réserves, chacune dirigée par un délégué, sont en place au sein de l’état-major des armées, de chaque état-major d’armée (armée de terre, armée de l’air et de l’espace, marine nationale), des services de santé, de l’énergie opérationnelle et du commissariat des armées ainsi que de la DGA, comme à la direction générale de la gendarmerie nationale. En lien avec les directions des ressources humaines concernées, elles pilotent les aspects de recrutement, de gestion et d’emploi de leurs réserves respectives. Chaque délégué aux réserves, en liaison avec le CSRM et, selon les orientations arrêtées par le CODIR Réserve, contribue à l’élaboration de la politique qui le concerne, définit et coordonne les études à conduire et les actions à mettre en œuvre en la matière. En outre, le DIAR, rattaché à l’état-major des armées, a la charge de coordonner l’action des délégués aux réserves du ministère de la défense ; il anime la réflexion et rend les arbitrages nécessaires au sein de ce collège.

Les rapporteurs soulignent l’importance de cette « tour de contrôle » des réserves au ministère des Armées mais observent qu’elle n’a pas autorité sur les délégués aux réserves de chaque armée. Cette situation est cohérente avec une conception des réserves militaires proche des réserves d’efficience. Néanmoins, si d’autres objectifs doivent être assignés aux réserves (ouverture, mixité sociale, formation, résilience…), cette situation n’est pas satisfaisante. Plusieurs interlocuteurs de la mission d’information, parmi lesquels M. Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d’État chargé de la défense et des anciens combattants ([28]), et le président de la réunion des officiers de réserve du service état-major (Rorsem) ([29]), soutiennent l’idée de créer une inspection générale de la réserve, avec, à sa tête, un grand subordonné placé auprès du ministre de la défense, à l’instar du rôle qui était celui du général Claude Ascensi jusqu’en 2010.

Proposition n° 2 : créer la fonction d’inspecteur général de la réserve au ministère des Armées, chargé de faire prévaloir des objectifs d’ouverture et de résilience et d’assurer l’allocation de la ressource budgétaire en conséquence

2.   Une gestion ministérielle ou des agences ad hoc pour les autres réserves

En dehors du ministère des Armées, la gestion des réserves s’appuie sur les administrations qui les recrutent (direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale, direction de l’administration pénitentiaire, direction générale de l’enseignement scolaire, etc.) et sur quelques agences ad hoc.

Ainsi, Santé publique France, qui résulte de la fusion de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus) créé par le ministre Xavier Bertrand, en 2007, de l’institut de veille sanitaire (INVS) et l’institut national pour la prévention sanitaire (INPES), abrite la direction alertes et crises qui comprend l’équipe chargée d’animer la réserve sanitaire. Cette réforme ne s’est pas traduite par davantage de moyens ou de transparence.

Un haut-commissaire à l’engagement civique est théoriquement responsable de l’animation et la coordination de l’action interministérielle en faveur de l’engagement civique, le développement du service civique, la coordination de la réflexion sur l’extension de la journée défense et citoyenneté et la création et la promotion d’une réserve citoyenne (devenue « civique »). ([30]) Le haut-commissaire est aussi le président de l’agence du service civique, créée en 2015, qui promeut le service civique, lui-même créé en 2010. Depuis 2017, le haut-commissaire n’est plus véritablement mentionné en tant que tel et la présidente de l’agence du service civique n’a pas récupéré ses missions.

3.   Des tentatives de coordination interministérielle inachevées

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur, la création d’une réserve de la police nationale et le souci de mieux coordonner les réserves en cas de crise majeure ont conduit à imaginer de nouvelles formes de gouvernance des réserves de défense et de sécurité. Ces initiatives n’ont toutefois pas complètement abouti.

a.   La réserve de sécurité nationale

À la suite d’un rapport sénatorial de 2010 ([31]), une « réserve de sécurité nationale » a été instituée à l’article L. 2171-1 du code de la défense ([32]) , comprenant les réservistes opérationnels militaires, les réservistes civils de la police nationale, les réservistes sanitaires, les réservistes civils de l’administration pénitentiaire et les réservistes de la sécurité civile. Il s’agissait d’offrir au Premier ministre la capacité de mobiliser les réservistes en cas de crise majeure par décret.

Comme le notait la Cour des comptes dans son rapport d’avril 2019 précité, « ce dispositif n’a pas été réellement organisé ». Il s’est en effet heurté au niveau de préparation très variable des réserves dites statutaires ou « de disponibilité », au coût d’une mise à niveau de cette préparation constitué des frais de déplacements et indemnités journalières à verser à tous les réservistes convoqués et à l’intrication des réserves et des services d’active puisque certains réservistes volontaires peuvent appartenir à des corps d’active susceptibles d’être mobilisés en cas de crise (par exemple, une partie des réservistes de la gendarmerie nationale sont aussi policiers nationaux, municipaux ou pompiers professionnels). Dans certaines circonstances, il est possible d’imaginer que le réserviste soit à la fois appelé au titre de son emploi principal et à la fois requis ou mobilisé dans le cadre de la réserve. Aucun texte ne prévoit aujourd’hui à quel engagement il devrait donner la priorité.

Enfin, la loi du 28 juillet 2015 ([33])  d’actualisation de la LPM 2014-2019, qui se situe dans une logique de crise « menaçant la sécurité nationale », a modifié les règles de convocation et de durée de service opposables aux employeurs des réservistes sous engagement à servir dans la réserve (ESR) des armées et de la gendarmerie, uniquement, de sorte que les conditions de mobilisation diffèrent par rapport aux autres réservistes notamment ceux de la police nationale.

De manière générale, les rapporteurs constatent que les régimes juridiques de défense afférents à la mobilisation des réservistes ne sont pas utilisés en pratique. Ils ne l’ont été à l’occasion d’aucune crise récente, des attentats terroristes comme de la crise sanitaire. Ils recommandent de conduire une étude approfondie en lien avec une expression préalable des besoins et appuyée sur des scénarios de crise. En tout état de cause, il conviendrait de supprimer les dispositions inapplicables, source de confusion et d’inquiétude pour les employeurs de réservistes militaires.

Proposition n° 3 : rénover les régimes juridiques permettant de mobiliser les réserves à partir d’une rigoureuse expression de besoins

Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) devrait s’y pencher à la faveur de l’élaboration de sa nouvelle « stratégie nationale de résilience » avec chaque ministère.

b.   La Garde nationale

À la suite des attentats terroristes du 13 novembre 2015, le Président de la République a évoqué l’idée d’une « garde nationale » lors du discours prononcé le 16 novembre devant les parlementaires réunis en Congrès. Après l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, ce projet a été précisé, tandis que les ministres de la Défense et de l’Intérieur appelaient les citoyens, en particulier les jeunes, à rejoindre la réserve opérationnelle. Parallèlement, en juillet 2016, les sénateurs Jean-Marie Bockel et Gisèle Jourda ont remis un rapport intitulé Garde nationale : une réserve militaire forte et territorialisée pour faire face aux crises([34]) Des réunions interministérielles se sont tenues dans le courant de l’été 2016 sous l’égide du secrétariat général de défense et de sécurité nationale (SGDSN) pour déterminer le périmètre de la Garde nationale dont le principe avait été arrêté en conseil de défense le 22 juillet 2016. Il a été décidé que « les réserves en armes, seules à même de faire face à une menace armée » constitueraient la Garde nationale qui s’appuierait sur deux piliers, un pilier « forces de sécurité intérieures » et un pilier « armées ». Les ambitions de l’annonce présidentielle de novembre 2015 ont donc été limitées puisque le périmètre de la Garde nationale n’inclut que les réserves, déjà existantes, constituées par les volontaires servant sous ESR dans les armées, la gendarmerie et la police.

Finalement créée en octobre 2016, la Garde nationale a pour vocation de regrouper l’ensemble des réserves d’engagement sous un vocable fédérateur et à fournir un cadre pour le renforcement de l’attractivité des réserves. Cette structure a été placée sous la double autorité du ministère de l’Intérieur et du ministère des Armées alors qu’on aurait pu envisager de la rattacher au SGDSN, comme l’a pointé la Cour des comptes dans son rapport d’avril 2019 précité.

Avec la création de la Garde nationale, un comité directeur de la Garde nationale a été mis en place. Il est présidé conjointement « par le ministre de la Défense et le ministre de l’Intérieur ». Il contribue « à la définition des politiques conduites au titre de la Garde nationale en termes de recrutement, d’attractivité, de développement de partenariats et de communication. La préparation et l’emploi des forces relèvent des prérogatives de chacune des chaînes opérationnelles concernées ». À ses côtés, le conseil consultatif de la Garde nationale est chargé d’émettre des avis et des recommandations sur les politiques conduites au titre de la Garde nationale. Un arrêté du 1er octobre 2018 a consolidé l’organisation et le fonctionnement du secrétariat général de la Garde nationale (SGGN) qui avaient été dessinés par l’arrêté du 27 mars 2017 : le secrétariat général du CSRM a été mutualisé avec le secrétariat général de la Garde nationale avec un même secrétaire général. Bien que la Garde nationale soit avant tout chargée de la communication sur les réserves opérationnelles qu’elle a « labellisées », plusieurs missions du CSRM lui ont été transférées, qui ont privé celui-ci de bon nombre de ses prérogatives, notamment en matière de relations avec les employeurs et de communication. L’élaboration du rapport annuel d’évaluation de la réserve militaire et de la Garde nationale destiné au Parlement a été confiée au SGGN bien que le champ de compétence de celle-ci ne couvre ni la réserve statutaire ni la réserve citoyenne de défense et de sécurité.

Le secrétariat de la Garde nationale s’est essentiellement concentré sur la politique de partenariats avec les employeurs de réservistes et sur la gestion de mesures d’attractivité, notamment financières. Le bilan des premières mesures d’incitation financière s’étant révélé décevant, le SGGN a développé d’autres mesures telles que la valorisation de l’engagement étudiant ([35]), l’accès à certaines activités privées de sécurité ([36]) , la médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure, la gratuité des musées. D’autres sont en cours d’étude, notamment pour l’accès aux concours de la fonction publique.

En somme, la Garde nationale est une structure légère de coordination entre le ministère de l’Intérieur et le ministère des Armées pour élaborer une politique cohérente d’animation des réserves, ce dont il faut se féliciter. Elle est aussi un secrétariat général chargé de produire un rapport transmis au Parlement, dont le contenu est aujourd’hui insatisfaisant. Bras armé d’une politique partenariale active et dynamique, elle s’est en revanche coupée de l’apport des représentants des employeurs et des salariés siégeant au CSRM. Comme les rapporteurs le montrent dans la suite du rapport, cette politique partenariale n’est pas évaluée et il semble que nombre de conventions ne soient pas réellement appliquées quand certaines, conclues avec des administrations publiques ou des collectivités territoriales, ne sont pas tout simplement contraires aux règles énoncées par la circulaire du Premier ministre du 2 août 2005 relative à l’emploi d’agents publics au sein de la réserve militaire. Agence de communication des réserves, la Garde nationale a des moyens réduits pour ce faire et son nom est une source de confusion, soit avec son homologue américain, soit avec son homologue français du XIXe siècle. À la Garde nationale n’est en effet attaché aucun pouvoir de commandement sur l’ensemble des réserves en armes.

La Cour des comptes, dans son rapport précité, préconise de fusionner le CSRM et le conseil consultatif de la Garde nationale. Concrètement, cela revient à élargir le champ du CSRM aux réserves de la police nationale. Les rapporteurs ne sont pas convaincus de l’utilité d’une telle évolution compte tenu des spécificités des réserves militaires qui restent fortes.

Ils ne sont pas certains non plus que la Garde nationale soit le meilleur vecteur de communication pour inciter à s’engager dans les réserves militaires. Les états-majors auraient beaucoup plus de leviers pour ce faire. Eu égard à son champ de compétence, restreint aux réserves d’engagement de défense et de sécurité, sa communication ne permet pas de simplifier le paysage particulièrement illisible de l’engagement en France aujourd’hui. Dans sa conduite d’une politique partenariale avec les employeurs, elle pourrait aussi s’adresser aux employeurs de sapeurs-pompiers volontaires ou à ceux des réservistes sanitaires (et de la police nationale ou des douanes, demain), afin d’éviter une concurrence délétère des réserves par le biais des mesures favorables qu’elles imaginent pour inciter les employeurs à libérer leurs réservistes.

Dans cette optique, les rapporteurs ne voient pas l’intérêt qu’une agence de communication doublée d’un secrétariat permanent chargé de missions d’évaluation, d’études juridiques et de faire signer des conventions entre employeurs reste dirigé par un officier général, indépendamment des grandes qualités des officiers généraux, notamment celles des titulaires de la fonction ces dernières années.

Proposition n° 4 : réfléchir à une extension des missions du secrétariat général de la Garde nationale (relations avec les employeurs, communication sur les réserves, suivi des dispositions statutaires, évaluation) à d’autres réserves (sapeurs-pompiers volontaires, réserve sanitaire) et à un changement de nom plus conforme à ces nouvelles missions

Dans cette optique, il serait bon de veiller à ce que ce nouvel organisme soit alimenté par les contributions du CSRM, du nouvel inspecteur général aux réserves du ministère des Armées, mais aussi du conseil national des sapeurs-pompiers volontaires (CNSPV), de la direction générale de la gendarmerie nationale, de la direction générale de la police nationale, de Santé publique France, des SDIS, et du ministère de la Justice.

Des conseils consultatifs mériteraient d’être mis en place pour chaque réserve (police nationale, pénitentiaire, judiciaire, éducation nationale) sur le modèle du CSRM.

c.   La tentation d’une intégration des réserves

Plusieurs personnes entendues par la mission ont mis en garde les rapporteurs contre la tentation d’intégrer les réserves dans un grand ensemble ou de créer une structure interministérielle chargée du recrutement ou de la valorisation des réserves. Les échecs des précédentes tentatives ne plaident pas, en effet, en faveur de ces formules.

Plus précisément, il apparaît que « l’interministérielle apporte peu en termes d’animation des réserves » ([37]), pour reprendre les mots du préfet Nicolas de Maistre, directeur de la protection et de la sécurité de l’État au SGDSN. La formation, la gestion et l’emploi des réservistes sont en effet très disparates, parce qu’ils répondent aux besoins – différents – des ministères. Il convient de rappeler que les réservistes ont vocation à compléter l’action des professionnels d’active. Par ailleurs, comme l’a souligné le préfet, les réservistes sont avant tout avide de la reconnaissance de leurs pairs d’active, que le ministère qui les emploie est le mieux placer pour manifester, bien davantage que d’une reconnaissance au titre de leur appartenance à une communauté d’engagés volontaires à travers tout le pays.

En somme, si l’on souhaite que les réserves restent opérationnelles, elles doivent rester animées directement par les ministères. Pour les rapporteurs, cela ne doit pas dispenser ces mêmes ministères de se coordonner afin d’éviter une concurrence délétère entre dispositifs.

II.   Un atout pour la France, qui souffre d’un déficit d’attention politique

Comme en témoigne la multiplication de textes législatifs créant des réserves ou modifiant des statuts de réservistes, les réserves ont le vent en poupe en France. Depuis 2015, elles sont devenues une priorité politique affichée. Pourtant, l’application des textes adoptés n’est que très peu évaluée, elle ne fait que très peu l’objet de travaux de contrôle parlementaire et ces dispositifs sont toujours largement méconnus du grand public.

A.   Des dispositifs difficilement lisibles

S’il faut se féliciter de l’élan citoyen qui se manifeste avec vigueur depuis 2015 et que les réserves cherchent actuellement à organiser, il faut aussi reconnaître que la multiplication de statuts de réservistes très différents coexistant avec d’autres statuts de contributeurs occasionnels plus ou moins bénévoles au service public sans parler des engagements associatifs ne forme pas un paysage lisible, accessible pour tout citoyen.

1.   Un défaut d’information souligné par tous les acteurs entendus par la mission

Les rapporteurs ont constaté que la réserve restait une affaire d’initiés avec un recrutement relativement endogame dans les réserves de sécurité et de défense pourtant censées être largement ouvertes à la société civile. La bonne connaissance des dispositifs par les réservistes et ceux qui les gèrent contraste avec la méconnaissance des réserves dans la population générale.

a.   La difficulté à s’orienter dans le maquis des réserves pour les candidats

D’après une enquête conduite auprès de 335 volontaires de l’association des Jeunes IHEDN ([38]), le défaut d’information claire sur les réserves militaires fait partie des freins à l’engagement : 44 % des répondants indiquaient en effet qu’ils avaient mené leurs recherches seuls et 9 % précisaient que le manque d’information les avait freinés pour s’engager. Un sentiment de confusion et d’abandon provient du fait que l’information disponible tout au long du parcours du candidat n’est soit pas pertinente, soit beaucoup trop complexe, soit confuse, soit diffusée par des canaux qui ne sont pas appropriés. Il s’agit des informations utiles pour choisir son armée, pour comprendre les missions assignées à la réserve, les démarches administratives, le processus de recrutement. Une majorité des répondants pointe la nécessité de connaître des personnels d’active ou des réservistes pour mener à bien ce parcours. L’offre numérique, normalement la plus accessible pour les jeunes, est insuffisante. L’accès à l’information reste très difficile pour les réservistes après la signature de leur ESR : sur les démarches administratives, les postes disponibles, sur le parcours d’avancement, la formation disponible, etc.

Pour Mme Béatrice Angrand, présidente de l’agence du service civique, les possibilités d’engagement accessibles aux jeunes forment un ensemble difficilement lisible. Les rapporteurs constatent en effet qu’un jeune volontaire de moins de 26 ans peut s’engager sous cinq statuts au ministère des Armées et bientôt neuf au ministère de l’Intérieur (voir infra, deuxième partie, VI.C.), sans compter les dispositifs d’emplois jeunes comme les cadets de la République ou les adjoints de sécurité. La mise en place du service civique avait justement procédé d’une démarche de simplification en fusionnant de nombreux dispositifs de volontariat. Les rapporteurs ont d’ailleurs pu constater que les jeunes du service civique n’étaient pas spontanément informés sur l’existence des réserves dans lesquelles ils pourraient pourtant s’engager.

b.   Les préjugés et les craintes de beaucoup d’employeurs

D’après l’enquête des Jeunes IHEDN, l’articulation entre la vie professionnelle et l’engagement dans une réserve militaire n’est pas facile à comprendre et n’est pas évoquée sur les sites institutionnels. Les jeunes ne disposent pas de ressources pour expliquer leur statut de réserviste à leur employeur ; les employeurs eux-mêmes sont très peu informés, notamment les directeurs généraux, les responsables des ressources humaines et les encadrants de proximité. Selon les Jeunes IHEDN, une action déterminée de communication devrait donc être menée en ciblant différents publics : à la fois les individus que l’on souhaite recruter comme réservistes mais aussi les acteurs qui gravitent dans leur environnement (famille, employeur civil, organisations professionnelles, enseignement supérieur…).

Les représentants des employeurs entendus par la mission d’information ont souligné les spécificités des réserves opérationnelles militaires par rapport aux autres réserves, qui doivent être constamment réexpliquées et suscitent parfois la méfiance des employeurs. Les plus petites entreprises, en particulier, manquent d’information sur le monde des armées et le statut des réservistes. Leurs salariés, pourtant fréquemment engagés dans la vie de la Cité comme élus ou sapeurs-pompiers volontaires, craignent d’être particulièrement discriminés comme réservistes militaires. D’après leurs représentants, les employeurs ne connaissent pas ou mal le parcours de formation des réservistes opérationnels, ainsi que les savoir-faire et les savoir-être qu’ils y acquièrent. Si de nombreux employeurs ont apparemment une perception erronée de la réalité des réserves et si des préjugés à l’encontre des forces de défense et de sécurité persistent dans plusieurs milieux professionnels, les rapporteurs notent aussi que le cadre légal qui régit les relations entre les réservistes militaires et leurs employeurs est particulièrement contraignant. À la suite de l’adoption de la loi de programmation militaire 2019-2025 et, en particulier son article 17 relatif à la durée d’absence pour les salariés afin de pouvoir effectuer leur activité de réserviste, l’article L. 3142-89 du Code du travail a été modifié pour porter cette durée à huit jours sauf pour les entreprises de moins de 250 salariés : « Tout salarié ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle bénéficie d’une autorisation d’absence de huit jours par année civile au titre de ses activités dans la réserve. Cependant, pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, l’employeur peut décider, afin de conserver le bon fonctionnement de l’entreprise, de limiter ce temps à cinq jours ». Les rapporteurs s’interrogent : ces obligations ne sont-elles pas finalement contreproductives ?

Les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient de préjugés plus favorables et leur ancrage local est un atout en ce qu’il rend immédiatement perceptible leur utilité. Néanmoins, les rapporteurs observent aussi que les relations entre un sapeur-pompier volontaire et son employeur sont indéniablement placées sous le signe de l’intéressement et de l’incitation. L’emploi de salariés ou d’agents publics ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire ouvre droit à un abattement sur la prime d’assurance incendie, à des exonérations de cotisations sociales et d’impôt sur les sociétés (voir infra deuxième partie, III.). L’employeur du sapeur-pompier volontaire peut être subrogé dans les droits à rémunération de celui-ci s’il lui maintient sa rémunération, tout comme l’employeur public d’un réserviste sanitaire.

Dans la police, l’accord de l’employeur n’est indispensable qu’au-delà de dix jours ouvrés par année civile pris sur le temps de travail (article L. 411­‑13 du code de la sécurité intérieure), sans précision quant à un délai de prévenance. Ces dispositions paraissent excessivement contraignantes dans l’optique d’une réelle ouverture de la réserve de la police nationale à la société civile.

Enfin, jusqu’à 80 % des professionnels de santé ne connaissaient pas la réserve sanitaire, d’après des enquêtes menées par Santé publique France ([39]). Les réservistes sanitaires entendus par la mission d’information ont tous fait état des réticences de leurs employeurs à les libérer pour effectuer des renforts ([40]). Une politique partenariale avait été engagée. Elle a été abandonnée vis-à-vis des établissements publics qui peuvent toutefois se faire rembourser par Santé publique France les salaires versés aux réservistes pendant leurs missions. Des conventions demeurent avec les établissements privés. En tout état de cause, le montant de la compensation versée au titre de l’absence d’un professionnel réserviste est jugé très peu incitatif.

c.   Les préjugés et l’indifférence du grand public

Contrairement à ce qui devrait être leur vocation, les réserves civiques et militaires restent relativement endogames. Les présidents des associations des réserves militaires reconnaissent que « les réservistes sont souvent issus de milieux déjà proches de l’institution » ([41]) quand les cadres supérieurs franciliens apparaissent surreprésentés dans la réserve citoyenne de l’Éducation nationale (voir deuxième partie, VII, B.).

M. Sébastien Jakubowski, sociologue, directeur de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ), a souligné, pour le déplorer, le manque d’études sociologiques récentes sur les réserves militaires. La professionnalisation a, selon lui, banalisé le rapport des Français à l’institution militaire, banalisation qui se traduit par « un rapport d’indifférence positive » à l’égard des armées. Les Français leur accordent leur confiance, sans pour autant les connaître. Contrairement aux sociétés nord-américaines ou britannique, la société française est peu encline à se réunir autour des valeurs nationales et de ses marqueurs, comme le drapeau. L’engagement, s’il est valorisé, ne bénéficie pas pour autant d’une reconnaissance, même symbolique, au niveau national. Les réserves restent assez peu connues du grand public, sauf des Français proches du milieu militaire. C’est donc aussi toute la communication qu’il conviendrait de renforcer. ([42])

Si les sapeurs-pompiers volontaires forment une réserve relativement ouverte, les représentants du groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires (GSNSPV) ont eux aussi pointé qu’en dépit des campagnes de communication, beaucoup de Français pensent qu’il s’agit d’un métier, et qui plus est, d’un métier militaire. ([43])

La création des nouvelles réserves depuis 2009, et plus particulièrement depuis 2015, est un facteur de confusion. La plupart des associations de réservistes entendues par la mission d’information se sont félicitées du dynamisme des réserves mais ne mesuraient apparemment pas les difficultés liées au manque de lisibilité ou aux effets d’éviction ou de substitution des dispositifs les uns par rapport aux autres, faute de les connaître. Les rapporteurs ont d’ailleurs été frappés par la faible connaissance mutuelle qu’ont les réservistes du statut des uns et des autres, y compris au sein du même ministère.

d.   Un ancrage territorial variable qui ne contribue pas à la visibilité de certaines réserves

L’ancrage territorial est un atout indéniable pour les sapeurs-pompiers volontaires ou les réservistes opérationnels de la gendarmerie. Il contribue à améliorer la disponibilité de ces réservistes, d’une part parce que les renforts qu’ils effectuent ont lieu près de chez eux ou du lieu de leur activité professionnelle, d’autre part parce que leurs proches et leurs employeurs mesurent concrètement leur contribution à la sécurité collective.

Forts de ce constat, les sénateurs Jean-Marie Bockel et Gisèle Jourda, auteurs d’un rapport en 2016, précité, proposaient de « territorialiser » les réserves c’est-à-dire de « concevoir un maillage territorial qui ancre la réserve, et à travers elle les armées, sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les “déserts militaires” et les secteurs identifiés comme présentant un risque de crise ou de troubles importants ». L’armée de terre, en particulier, réfléchit à la manière d’améliorer son implantation territoriale et son recrutement dans les régions de France où la présence militaire n’est que celle de la gendarmerie. Dans le rapport de M. Gassilloud, également précité, il était aussi question de jumeler des villes et des unités de réserve à l’instar de l’initiative du 6e régiment du génie avec la ville de Nantes : « Cette pratique contribue à lutter contre le phénomène des déserts militaires, offre aux réservistes une implantation locale qui étend le vivier de recrutement et offre à la collectivité des effectifs militaires supplémentaires pour organiser des commémorations ou d’autres événements autour de la défense et de la mémoire. » ([44])

Pourtant, au-delà de ces démarches symboliques, les armées excluent de recréer des unités dérivées à l’instar de celles qui existaient avant 1999. Privilégiant l’intégration des réservistes avec leurs pairs d’active, les armées n’ont aucune intention d’envoyer des compagnies de réservistes s’entraîner ou patrouiller de manière autonome dans des territoires. Les réserves opérationnelles des armées continueront donc de pâtir structurellement d’un manque de visibilité lié à la nature même de leurs activités et compteront toujours dans leurs rangs des réservistes résidant loin du lieu de leur engagement. Comme le résumait le colonel (R) Bernard Bon, président de la réunion des officiers de réserve du service état-major (Rorsem), « les sapeurs-pompiers volontaires comme les réservistes de la gendarmerie sont employés localement, de manière visible, pour de courtes périodes, quand le réserviste des armées s’éloigne pour plusieurs jours voire semaines pour un emploi invisible de son entourage : mission Sentinelle, formation ou entraînement. » ([45]) Ces spécificités justifient une animation et une politique de communication adaptées.

L’ancrage territorial de la réserve sanitaire fait aussi débat. Mécanisme « jacobin » ([46]), pour reprendre l’expression de la directrice d’une agence régionale de santé (ARS), de solidarité entre établissements, la réserve sanitaire n’a pas d’équivalent ou de déclinaisons territoriales. Plusieurs directeurs d’ARS auraient cependant souhaité pouvoir connaître les réservistes sanitaires travaillant dans leur ressort pour faire appel à eux directement pendant la crise sanitaire.

2.   Des objectifs multiples, souvent tacites, sources de malentendus

Les réserves militaires se voient assignées une pluralité d’objectifs comme aucune autre réserve en France. Même si les sapeurs-pompiers volontaires contribuent à la résilience de la Nation, acquièrent des compétences très utiles et sont largement ouverts à la société civile, ce ne sont pas là des objectifs qui leur ont été assignés par le législateur.

a.   Le lien armées-Nation ou la participation citoyenne

Le premier objectif des réserves militaires, mis en évidence par l’article L. 4211-1 du code de la défense, c’est de permettre « à tout citoyen d’exercer son droit à contribuer à la défense de la nation ». Il est remarquable que l’article qui inaugure le chapitre sur les réserves commence par évoquer le devoir de contribuer à la défense de la nation par des moyens qui peuvent être militaires, mais pas seulement, mais aussi le droit d’y contribuer en intégrant la réserve. Cette formulation, assez générale et plutôt théorique, ne reconnaît pas le droit spécifique pour chacun de servir dans la réserve, dans la mesure où les candidatures des volontaires doivent être agréées par l’autorité militaire. Mais un des objectifs de la réserve, bien avant de pourvoir les armées en main d’œuvre intérimaire, est bien de permettre aux citoyens d’exercer un droit à la défense, au besoin par la participation à la réserve citoyenne qui doit être « la plus ouverte possible » selon les travaux préparatoires. ([47])

Dispenser une formation minimale dans le domaine des premiers secours, apprendre des techniques de défense contribuent à la résilience globale de la nation et au débat démocratique. Dans le contexte d’une évolution des modes de conflictualité, où les agressions restent souvent en-deçà du conflit armé, pour prendre des formes plus insidieuses que la doctrine a regroupées sous le terme de « menaces hybrides » ou la forme d’attentats terroristes, la sensibilisation du plus grand nombre à la géopolitique et aux menaces éventuelles participe de la résilience et pourrait être un grand objectif de la réserve. Les réserves favorisent aussi la mixité sociale, font travailler ensemble des gens issus de milieux et de cultures professionnelles différents. Toutefois, ces nombreux effets positifs ne sont jamais mesurés ; aucun indicateur ne leur est associé, ni aucun objectif. Les réserves pourraient pourtant complètement participer d’une forme de « service national universel tout au long de la vie ».

Les rapporteurs rappellent leur attachement à ce que les réserves militaires soient largement ouvertes aux citoyens. Le lien armées-nation est une mission qui incombe aux armées et qui justifie une partie des financements alloués à la réserve militaire.

La multiplication des réserves « civiques » a, elle aussi, vocation à favoriser la mixité sociale et la participation citoyenne. Leur accès est d’autant plus universel qu’il ne repose sur aucune condition d’aptitude, ni aucun engagement en termes de disponibilités. En contrepartie, cet engagement n’est pas véritablement un engagement opérationnel et ne donne pas accès à des formations qualifiantes.

b.   La formation professionnelle et le pré-recrutement

La formation et, plus généralement la transmission de savoir-faire et de savoir-être, est au cœur de la logique des réserves et au cœur des motivations des réservistes. La puissance publique s’appuie sur des volontaires, moins coûteux que des professionnels d’active, en échange de quoi elle leur dispense une formation. La jeunesse est particulièrement intéressée par ce troc service / employabilité. C’est ce qui explique l’importance de l’encadrement et de l’exercice de missions au contact du public chez les volontaires du service civique et ce qui justifierait un effort supplémentaire du ministère des Armées pour mieux communiquer sur les compétences de ses réservistes opérationnels ab initio.

Comme en témoigne le nombre important de réservistes militaires qui quittent la réserve pour rejoindre l’active, les réserves sont aussi utilisées comme des modalités de pré-recrutement. Dans la gendarmerie, 20 % des réservistes démissionnaires rejoignent l’active dans la gendarmerie, favorisés par l’article 13‑1 du décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 qui leur permet, pour devenir sous-officier, de passer le deuxième concours, c’est-à-dire le concours interne, ce qui les dispense du baccalauréat. Dans la marine nationale, les préparations militaires servent davantage à recruter dans l’active (environ 15 % des stagiaires) que dans la réserve (1 à 4 %).

c.   La résilience de la Nation : un objectif abandonné ?

Contrairement à une idée tenace, les réserves rassemblent aujourd’hui des vacataires plus ou moins indemnisés. La France ne dispose plus d’effectifs, d’équipements ou de stocks en réserve, qu’il s’agisse de lits dans les hôpitaux ou d’équipements pour des réservistes militaires. Les réserves reposent sur le volontariat. Les modalités contraignantes de recours à la réserve sont tombées en désuétude. La réserve sanitaire est une modalité de solidarité entre territoires et entre établissements, pas une force capable de faire face à une crise généralisée.

Cette évolution est le résultat de choix politiques allant dans le sens de davantage d’efficience. Bien que ce ne soit pas l’objet de leur mission d’information, les rapporteurs s’interrogent sur cette situation qui peut expliquer le dévoiement progressif du concept de réserves qu’ils constatent.

En effet, il est paradoxal d’ériger en priorité le recrutement et la formation de réservistes à hauteur de 80 000 réservistes des forces armées sans prévoir d’équipements leur permettant d’être véritablement utiles en cas de crise majeure. Il est paradoxal de conserver une réserve sanitaire avec des moyens si ténus et un vivier réduit par l’indisponibilité des professionnels de santé.

d.   Un intérim d’État pour répondre aux besoins de souplesse et de solidarité entre territoires

Force est de constater que les réserves sont aujourd’hui massivement utilisées comme un intérim d’État pour pallier des carences plus ou moins structurelles, apporter des compétences spécialisées ponctuellement (réservistes spécialistes, moniteurs de plongée et atomiciens dans la marine) ou s’adjoindre le concours de professionnels du civil dans les armées (aviateurs civils dans l’armée de l’air).

Comme le montre l’exemple de la sécurité civile et des sapeurs-pompiers volontaires, cet usage de la réserve doit être rigoureusement encadré pour lutter contre l’éviction de personnels permanents, bien formés et disponibles à temps plein par des volontaires moins chers mais aussi moins disponibles et moins formés, et s’estimant rapidement insuffisamment considérés.

3.   Une frustration et un agacement qui menacent la dynamique d’engagement

La frustration et l’agacement de beaucoup de réservistes est à l’origine du questionnement des rapporteurs. Du point de vue des gestionnaires des réserves, en effet, ces dispositifs sont très satisfaisants. Le ressenti de beaucoup de réservistes est, en revanche, très différent.

a.   Le cauchemar du sous-emploi pour tous les réservistes

Comme en témoignent toutes les enquêtes réalisées sur les motivations des réservistes, ceux-ci rejoignent les réserves non pour avoir un complément de revenu mais pour « servir », autrement dit « être utile ».

La volonté de servir des réservistes se heurtent bien évidemment à leurs contraintes professionnelles et personnelles. Les données issues de la consultation citoyenne confirment néanmoins ce que les rapporteurs ont entendu au cours de nombreuses auditions, à savoir que les réservistes aimeraient, dans leur grande majorité, être davantage employés.

Comme le notait la Cour des comptes, en avril 2019, « pour les réservistes militaires, plus le nombre de jours d’ESR augmente, plus la satisfaction du réserviste est grande ». ([48]) « L’offre d’emploi dans la réserve n’est pas du tout au niveau des attentes des jeunes », a insisté la pilote de la task force Réserves des Jeunes IHEDN. ([49])

Cette frustration trouve son origine dans la contraction de la ressource budgétaire, qui frappe surtout les réserves de la gendarmerie et de la police nationales, mais aussi dans une concentration des jours d’activité sur les réservistes les plus disponibles et les plus employables, bien souvent les anciens professionnels, au détriment des jeunes volontaires ab initio. Pour les armées, la gendarmerie ou la police, les avantages liés à l’emploi de ces anciens professionnels sont considérables : proximité culturelle, disponibilité, employabilité immédiate… Ils « coûtent » en revanche « plus cher » et consomment la majeure partie du budget, faisant de surcroît tendre vers un recrutement endogame contraire à l’esprit de la réserve. Cette frustration des jeunes ab initio a d’ailleurs aussi son pendant chez les réservistes les plus gradés. Par exemple, plusieurs officiers de réserve ont fait remarquer aux rapporteurs qu’ils étaient de moins en moins employés à mesure qu’ils avançaient dans la carrière. Le général Lalubin, délégué interarmées aux réserves, a aussi signalé une situation inverse : « certains réservistes d’excellent niveau sont employés avec un haut niveau de responsabilité malgré un niveau de grade modeste, leur faible disponibilité les empêchant de progresser dans les grades de la réserve. » ([50])

 

Les principales sources de motivation pour l’engagement dans une réserve

Réponse à la question « Selon vous, quelles sont les trois premières raisons pour lesquelles vous plébisciteriez un engagement dans une réserve (le vôtre ou celui de vos collaborateurs ou de vos proches) ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.

Les principaux freins à l’engagement des réservistes

Réponse à la question « Quels sont, dans l’ordre d’importance, les trois principaux freins à votre envie de vous engager davantage ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.


Comme l’ont signalé beaucoup de réservistes militaires, les mesures d’attractivité prises sous l’égide de la Garde nationale ont manqué leur cible. La participation au financement du permis de conduire méconnaissait le fait que beaucoup de réservistes devaient déjà de facto avoir le permis de conduire pour devenir réservistes. Ensuite, l’allocation d’études et la prime de fidélité n’ont pas eu l’effet escompté. Enfin, en finançant ces mesures par le budget d’activité des réserves, la Garde nationale a en réalité amoindri, certes marginalement, le véritable levier de la satisfaction des réservistes. Pour le lieutenant-colonel Philippe Ribatto, président de l’Union nationale des officiers de réserves (UNOR), « il n’y a guère eu d’élan dans le recrutement, la fidélisation ou la disponibilité des réservistes après la mise en place de ces mesures ». Pour lui, la fidélisation des volontaires « ne s’achète pas », et est « principalement motivée par la volonté de servir son pays quand il semble attaqué. Il convient dès lors de s’intéresser aux conditions d’emploi des réservistes, et de faire en sorte que chacun soit satisfait de son premier engagement à servir dans la réserve (ESR), par exemple. Si les réservistes se sentent suffisamment utiles et reconnus, il y a toutes les chances qu’ils prolongent leur engagement. » Ancien du contingent, le lieutenant-colonel (R) a alerté les rapporteurs sur le tarissement progressif de cette source de recrutement. ([51])

De manière générale, les rapporteurs constatent une inadéquation manifeste entre les budgets alloués à la réserve et les objectifs de recrutement fixés. Dans les armées, la hausse du budget des réserves à partir de 2016 s’est d’abord traduite par une augmentation du nombre de jours d’activité, faute d’avoir encore atteint les cibles de recrutement fixées par le Gouvernement et inscrites dans la LPM. Par la suite, la poursuite des objectifs de recrutement a obligé les gestionnaires à réduire l’activité, avec un effet désastreux sur le moral et la fidélisation des réservistes. La marine nationale en a fait l’amère l’expérience. Après avoir significativement dépassé l’enveloppe budgétaire pour l’emploi des réservistes en 2019, écart qu’elle espérait financer par une réaffectation de crédits de masse salariale non consommés pour l’active, la direction du personnel militaire de la marine a dû procéder à une correction brutale en 2020. Ce retour à « l’orthodoxie budgétaire » a conduit les unités de la marine à revoir à la baisse le nombre de réservistes et le nombre de jours d’activité, en sacrifiant d’abord les postes dédiés aux plus jeunes, moins indispensables. Pour le général Lalubin, le respect rigoureux des crédits qui prévaut actuellement est perçu comme « contraignant » puisque ce budget semble tout juste calibré pour les nouveaux effectifs de la réserve opérationnelle.

Les aléas infligés au budget de la réserve de la gendarmerie nationale créent aussi une situation de sous-emploi chronique des réservistes de cette force qui est extrêmement préjudiciable à leur fidélisation.

Enfin, beaucoup de réservistes ont été très frustrés et déçus de n’être pas davantage employés pendant la crise sanitaire. Même si les chefs d’état-major comme les responsables de la réserve sanitaire ont rivalisé de pédagogie pour expliquer pourquoi les réserves n’avaient pu être davantage employées, il est certain que l’emploi d’un vocabulaire martial par le président de la République au soir du 16 mars 2020 a résonné comme le son du tocsin et suscité un élan massif. Cet élan s’est brisé sur l’écueil des nombreux malentendus qui entourent les réserves, sur un recours somme toute limité aux armées dans la gestion de la crise et sur l’incapacité des pouvoirs publics à accueillir un afflux de nouveaux volontaires sans intermédiation. L’offre de services de beaucoup de réservistes « civiques » est ainsi restée sans réponse jusqu’à ce qu’ils rejoignent des associations.

b.   Un manque de visibilité et de reconnaissance unanimement ressenti

Le mot le plus entendu par les rapporteurs au cours de leurs auditions a été, toutes réserves confondues, le mot « reconnaissance ». C’est donc sans surprise mais avec toujours la même émotion qu’ils ont constaté que le manque de reconnaissance de la part de l’active ou des pouvoirs publics, selon la réserve, était cité comme la première source de déception par les réservistes.

Ce ressenti est désolant. D’après les auditions et les données tirées de la consultation citoyenne, il est moins lié à une rémunération insuffisante (quoiqu’elle apparaisse comme un sujet de préoccupation pour certains volontaires du service civique et des volontaires de la réserve civile de la police nationale) ou à des problèmes de chancellerie (cités néanmoins), qu’à des problèmes d’organisation qui manifestent, aux yeux des réservistes, un manque de considération (voir infra) et l’absence de visibilité de la contribution des réservistes en général à la réalisation des missions des pouvoirs publics. A contrario, le défilé des réservistes sanitaires sur les Champs-Élysées le 14 juillet 2020 a été très apprécié.

Les principaux irritants dans le vécu des réservistes

Réponse à la question « Qu’est-ce qui vous irrite le plus aujourd’hui dans votre vécu de réserviste ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.

Les rapporteurs notent que dans les forces armées, les forces de sécurité intérieure et chez les sapeurs-pompiers volontaires, où la progression est manifestée par des grades, les réservistes ressentent logiquement et rapidement des limites dans cette progression. Cela nourrit des revendications sur le nombre de jours devant être pris en compte pour la notation, des admissions automatiques au grade supérieur etc. Cet écueil est inhérent au principe d’intégration qui prévaut aujourd’hui et élaborer un statut plus dérogatoire pour les réservistes ne semble ni souhaitable, ni souhaité par les réservistes. Les rapporteurs constatent néanmoins que ces difficultés sont insuffisamment compensées par un effort de reconnaissance prenant d’autres formes, comme des lettres de satisfaction, notamment.

Ils pensent aussi que les autorités publiques dans leur ensemble pourraient davantage témoigner de la reconnaissance aux réservistes à des moments dédiés.

c.   Des outils de gestion sclérosants, une numérisation souvent inachevée

Comme l’avait souligné M. Thomas Gassilloud à propos de la réserve de l’armée de terre, les outils de gestion des réservistes sont souvent jugés « sclérosants ». Ces difficultés semblent plus prégnantes pour les réserves centralisées et ouvertes. La gestion de la réserve de l’administration pénitentiaire ne suscite pas les mêmes défis que celle d’une réserve de volontaires massive, comme dans la gendarmerie ou l’armée de terre. Considérablement réduit par l’automaticité apportée par le système Minot@ur (Moyen d’information opérationnelle du traitement automatisé des réserves), le délai de paiement de la solde, reste encore souvent supérieur à 45 jours dans l’armée de terre, du fait de défauts d’organisation dans les unités.

Le ministère des Armées a engagé un projet de système d’information commun aux trois armées pour le recrutement et la gestion de leurs réservistes pour un coût total depuis le début de 15,6 millions d’euros. Ce projet dit ROC pour « réserviste opérationnel connecté » semble avoir été lancé après 2015, sans que les rapporteurs puissent en avoir la certitude, faute de réponses précises du ministère des Armées sur ce point. Il est suivi à la direction du numérique du ministère des Armées et fera partie des systèmes d’information, d’administration et de gestion du ministère. L’enjeu du projet est d’insérer parmi les autres systèmes d’information RH des armées, directions et services quatorze blocs fonctionnels reliant le réserviste dans ses actes de gestion courante aux nombreux systèmes d’information du ministère des armées (les SIRH d’armées, directions et services, le SI d’organisation CREDO, le SI des transports TACITE, les SI des domaines santé, habillement, etc.). Cette complexité explique pour partie les retards constatés, avec les multiples réformes affectant les systèmes d’information du ministère des Armées.

Si la gendarmerie fait figure de modèle avec son système Minot@ur – inventé par un réserviste, standardisé par la gendarmerie, et bientôt disponible sous la forme d’une application mobile –, elle aurait été favorisée, selon le DIAR, par le fait de n’avoir qu’un SIRH.

Le projet ROC : des retards mais de grandes ambitions

Le bloc « Mes activités » a connu des retards dans sa réalisation (fin de développement de 2018 à mai 2019) et dans sa première mise en service (le 2 juin 2020 au lieu de juin 2019). En 2018, la réalisation du bloc « Mes activités » a été effectuée en parallèle de la fonctionnalité e-billets réalisation avancée du fait de la disparition imposée du bulletin unique de transport (BUT) par la SNCF, ce qui explique une grande partie du retard. Le retard pris pour le bloc « Mes activités » a entraîné de fait un retard pour tous les autres blocs.

La réalisation du flux « candidats recrutés » avec le SIRH CONCERTO de l’armée de terre a été finalisée avec retard (plus d’un an) du fait de la complexité de l’architecture technique et d’un manque de ressource humaine.

Le bloc « Mon suivi médical » a été reporté de plus de deux ans (été 2019 à fin 2021) en commun accord avec la DCSSA afin d’être en phase avec le SI AXONE.

L’intégration (de 2020 à 2021) de nouvelles fonctionnalités pour la réserve opérationnelle de disponibilité (R02), décidée en comité directeur Réserves de juin 2019, a aussi provoqué un retard (5 mois) de réalisation des blocs fonctionnels initialement prévus.

Enfin, un retard a été constaté pendant la phase de confinement d’une semaine par mois (du fait de la difficulté de coordination et de contacts plus précis) pendant la période de confinement (mars à mai 2020) et d’une semaine par trimestre pendant les phases de restrictions de déplacements de juin 2020 à ce jour.

Source : ministère des Armées.


En tout état de cause, l’achèvement du projet ROC est un élément-clé pour l’attractivité des réserves du ministère des Armées à l’avenir. Il a pris beaucoup de retard. Parmi les blocs officiellement mis en service, beaucoup seraient encore inopérants pour la plupart des réservistes, comme le bloc « mes activités ». Le bloc « mes contrats » ne contiendrait qu’un modèle de contrat type. Seul le bloc « e-billet » ou « mes déplacements » suscite une unanime satisfaction.

Selon de jeunes réservistes militaires, le manque de digitalisation se traduit également par l’absence d’outils de communication sécurisés pour les réservistes contraints d’échanger ou de recevoir des informations sensibles sur des plateformes numériques insuffisamment protégées.

Les réservistes sanitaires attendent, eux, parfois plus de huit mois pour être indemnisés, ce qui suscite des difficultés de trésorerie pour les professionnels exerçant en libéral. Le système d’information et les serveurs de la réserve sanitaire ont « planté » dès le début de l’épidémie de Covid-19 face à l’afflux de connexion de candidats réservistes, comme en 2017 après l’ouragan Irma, une situation extrêmement problématique qui a suscité une grande incompréhension.

d.   Une gestion des compétences parfois insuffisante

Beaucoup de réservistes rejoignent les réserves avec l’intention d’acquérir des compétences ou, au moins, d’augmenter leur employabilité. La problématique des compétences est en réalité triple :

– les réservistes souhaitent que soient mieux reconnues les compétences dont ils disposent au titre de leur activité principale dans la réserve ;

– ils souhaitent que les compétences qu’ils acquièrent au titre de la réserve soient mieux reconnues dans la société civile, au moyen de diplômes, de labels ou d’équivalences ou grâce à une meilleure communication en direction du grand public et des employeurs ;

– ils veulent construire un parcours dans la réserve, qui les amène à acquérir de nouvelles compétences et/ou à exercer des responsabilités.

Le manque de communication des armées sur les activités de leurs réservistes et sur les compétences qu’elles mobilisent a été signalé à plusieurs reprises comme pénalisant, un représentant des employeurs regrettant même « le recroquevillement des armées qui n’ont pas continué leurs efforts de communication vers l’entreprise après la création de la Garde nationale. » Dans la plupart des entreprises, le commandement n’est pas considéré comme une expérience de management et les qualifications nécessaires pour exercer certaines missions militaires sont méconnues quand elles ne font pas l’objet d’un dénigrement alimenté par des clichés. La valorisation des acquis par l’expérience (VAE) est très limitée aujourd’hui et devrait pouvoir se voir donner plus d’ambition. Le lieutenant-colonel (R) Philippe Maze-Sencier, responsable des relations internationales de l’UNOR, a souligné que les réservistes britanniques bénéficiaient de formations reconnues dans le monde civil.

Bien qu’elle s’appuie sur des professionnels déjà formés, la réserve sanitaire dispense aussi des formations permettant de réagir à l’imprévu en adoptant les bons gestes, de prodiguer des soins dans un environnement dégradé, de savoir organiser la prise en charge des victimes, de détecter les traumatismes psychiques et de savoir les prévenir chez les populations touchées, d’organiser un camp de vie pour le quotidien des réservistes. La responsable de la réserve sanitaire, a aussi regretté que les formations dispensées dans ce cadre ne soient pas encore reconnues au titre du développement professionnel continu (DPC). Ce sera bientôt chose faite même si toutes les formations dispensées par la réserve ne pourront y prétendre et devront donc être valorisées autrement.

Les principaux facilitateurs d’engagement pour les réservistes

Réponse à la question « Quels sont, par ordre d’importance, les trois facteurs qui contribueraient le plus à faciliter votre engagement ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.

e.   Des excès de rigidités

Les réservistes sont aussi très affectés par des rigidités qui ne sont pas toujours justifiées. Certaines découlent des conditions d’accès à certaines réserves (aptitude physique, compétences professionnelles) et doivent sans doute être mieux expliquées ou une réorientation doit être rapidement proposée au réserviste en adéquation avec son envie de servir. D’autres mériteraient d’être simplement remises en cause.

De manière générale, les jeunes volontaires, dont la situation personnelle peut connaître des évolutions rapides et importantes durant leur engagement (changement de résidence, fin d’études, nouvel emploi, changement de la situation familiale) sont nombreux à souhaiter que la réserve offre des passerelles ou des parcours permettant de mieux faire face à une disponibilité fluctuante. De l’avis des représentants de l’UNOR, en effet, il n’est pas judicieux de se priver d’un réserviste formé. Il est préférable de le conserver avec un faible nombre de jours d’activité plutôt que de le « perdre » totalement. Le général de division Olivier Kim a ainsi indiqué aux rapporteurs que la gendarmerie nationale avait cessé de faire « la chasse aux dormants » pour cette raison.

Les réservistes de la gendarmerie nationale font état de difficultés incommensurables pour passer d’une région à une autre quand ceux des armées pointent la difficulté de changer d’unité.

Les rapporteurs pensent aussi que l’impossibilité d’employer un réserviste militaire à la demi-journée pourrait être reconsidérée.

B.   Un déficit de pilotage avant tout politique

Les rapporteurs déduisent des analyses qui précèdent qu’un risque de dévoiement des réserves est constitué, ainsi qu’un risque de porter atteinte durablement à la dynamique d’engagement dans notre pays. Ce risque advient alors que deux gouvernements successifs ont fait des réserves une priorité politique. Cette priorité affichée ne s’est pas accompagnée d’une clarification des missions assignées aux réserves, de leur doctrine d’emploi, d’orientations budgétaires cohérentes ou stables, de mécanismes de contrôle ou d’évaluation.

Il est temps que les réserves reviennent au cœur du débat politique et que le Parlement se saisisse de cette question.

1.   Une doctrine d’emploi qui reste floue tout comme les budgets

Les rapporteurs observent en premier lieu que la doctrine d’emploi des réserves est souvent floue.

a.   Une gestion souvent opportuniste sans expression de besoins préalable

Un défaut fondamental caractérise de longue date l’organisation de la réserve opérationnelle des armées, dûment identifié et exposé en 2010 par les sénateurs Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam dans leur rapport d’information précité : « l’absence d’une réflexion approfondie, d’ordre doctrinal, sur l’emploi des réserves, qui – comme toute bonne doctrine militaire – serait fondée sur l’analyse d’un besoin et la construction de différents scénarios en fonction de l’intensité de ce besoin. » Toutefois, depuis 2015, les armées intègrent la réserve dans la réponse aux contrats opérationnels.

D’après les données tirées de la consultation citoyenne lancée par les rapporteurs via le site Internet de l’Assemblée nationale, les réservistes opérationnels de premier niveau des forces armées sont plus de 30 % en moyenne à réaliser des tâches qui ne paraissent pas directement liées à leur formation militaire ou à leur rôle dans la réserve (création d’une base de données, rénovation d’un site Internet, kinésithérapie, tâches administratives…) contre 22 % dans la gendarmerie nationale. Plus les réservistes sont jeunes, plus ils ont de chances d’effectuer ces tâches.

b.   Une réflexion doctrinale parfois imposée par les circonstances

L’expérience des sapeurs-pompiers volontaires et de la réserve sanitaire montre combien cette réflexion doctrinale est nécessaire.

Comme l’ont relaté plusieurs réservistes sanitaires, la réserve sanitaire a été quelques fois utilisée pour compenser des carences structurelles de l’offre de soins dans certaines régions, ce qui est un dévoiement de ses missions, et a valu aux réservistes sanitaires arrivant dans certains hôpitaux un accueil hostile. Pour la responsable de la réserve sanitaire, ce genre de pratiques menace directement la réserve sanitaire, tout comme le recours à la réserve sanitaire en cas de grève. En dépit de la réticence de la responsable de la réserve sanitaire et du directeur général de Santé publique France, en mai 2019, à la demande du ministère, une alerte a été envoyée aux réservistes sanitaires après une demande formulée par une ARS de mobilisation d’urgentistes et d’infirmiers pour pallier l’absence de grévistes. Un seul professionnel s’est porté volontaire, les autres refusant de se mobiliser par solidarité. Cet épisode a conduit le directeur général de Santé publique France à proposer l’instauration d’une interdiction pure et simple du recours à la réserve sanitaire en cas de mouvement de grève. La doctrine d’emploi de la réserve sanitaire a depuis été rigoureusement définie. Elle ne peut être saisie que dans des circonstances particulières. Toute demande implique de remplir un formulaire écrit justifiant la demande de renfort. Pourtant, l’équipe de la réserve sanitaire reçoit encore régulièrement des demandes de renfort qui vise à compenser des carences structurelles de l’offre de soins.

Le recours massif aux sapeurs-pompiers volontaires, au point que ceux-ci assurent aujourd’hui 80 % des secours en France, soumet l’organisation de la sécurité civile aux aléas de la disponibilité de ces volontaires. Elle porte en germe un risque financier considérable si l’application du droit européen conduisait en effet à considérer qu’un sapeur-pompier volontaire doit respecter la durée maximale du travail fixée par les traités européens. Cette réserve est donc à l’aube d’une profonde refondation.

c.   Des budgets considérés comme une variable d’ajustement

Comme l’a conclu la Cour des comptes dans son rapport d’avril 2019 sur les réserves de la gendarmerie et de la police nationale, « le recours accru à la réserve et la définition d’objectifs d’augmentation de son activité, n’ont pas été accompagnés des choix budgétaires correspondant à ces ambitions fortement médiatisées. »

Si les rapporteurs se félicitent de la stabilisation du budget alloué aux réserves au ministère des Armées, ils constatent que c’est l’utilisation des réservistes pour pallier des carences structurelles qui fait des réserves une variable d’ajustement. Il convient de sortir de cette logique et de réaffirmer des priorités.

Un effort doit aussi être consenti au profit du budget de la réserve sanitaire pour qu’elle ait une crédibilité.

2.   Une information et une implication insuffisante du Parlement

Les rapporteurs constatent que les parlementaires n’ont aucun moyen de suivre régulièrement l’évolution des budgets relatifs aux réserves.

a.   Des budgets non identifiés et pas d’indicateurs de performance

Les budgets de fonctionnement des réserves sont dilués dans la masse salariale des états-majors et administrations. Ils ne sont pas identifiés en tant que tels dans la maquette budgétaire issue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Un rapport annuel est théoriquement adressé au Parlement chaque année par la Garde nationale mais il est présenté avec un an de décalage en moyenne et n’a que rarement donné lieu à une présentation au sein des commissions. Par ailleurs, les informations qu’il contient en font davantage une brochure promotionnelle qu’un véritable rapport.

Les rapporteurs demandent que les projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP) incluent dorénavant les indicateurs suivants, pour toutes les réserves :

– le nombre de réservistes, en distinguant la part des anciens professionnels des volontaires issus de la société civile ;

– le taux de sélection lors du recrutement, ainsi que différents taux d’attrition à un an, deux ans, cinq ans, dix ans, et la durée moyenne d’engagement ;

– la répartition socio-démographique des réservistes et leur moyenne d’âge permettant d’apprécier la diversité de la réserve et son ancrage dans la société civile ;

– le nombre de vacations effectuées et le nombre d’ETPT correspondant, par an et pour chaque mois de l’année ;

– le taux d’emploi des réservistes, qui permet d’évaluer la qualité de la gestion du vivier ;

– la répartition de l’emploi, afin de repérer une éventuelle concentration de l’emploi sur certains profils, source d’insatisfaction et surtout signe d’un éventuel problème de recrutement, de formation ou de disponibilité du vivier, ainsi que des « trappes à activité » ;

– le délai moyen de paiement de la solde ou de l’indemnité ;

– une distribution des rémunérations perçues par les réservistes.

Les PAP et les RAP devront aussi rappeler les objectifs de la réserve, les conditions de rémunération des réservistes (solde, indemnité, défraiements…) ainsi que les prélèvements fiscaux et sociaux dont ils sont, le cas échéant, exonérés, les règles de cumul de rémunération en vigueur, ainsi que les limites afférentes au nombre de jours d’activité, à l’aptitude ou à l’âge.

La création d’un document de politique transversale (DPT) pourrait aussi être envisagé afin de prévenir la généralisation de mesures adoptées dans un ministère sans nécessité ou, au contraire, d’harmoniser certaines dispositions pour éviter une concurrence délétère entre les réserves.

Proposition n° 5 : inclure dans la documentation budgétaire des indicateurs de performance et des données permettant de mesurer la contribution des réserves aux programmes

Proposition n° 6 : créer un document de politique transversale (DPT) regroupant les dépenses afférentes aux réserves et permettant notamment de suivre les exonérations de prélèvements fiscaux et sociaux

b.   Des évolutions législatives fréquentes mais dont la mise en œuvre n’est pas suivie

Le secrétaire général de la Garde nationale n’a été entendu qu’une seule fois depuis le début de la XVe législature à l’Assemblée nationale. Il n’a jamais été entendu au Sénat. Les associations de réservistes ou des représentants du CSRM n’ont jamais été entendues en commission par l’une ou l’autre des deux assemblées. Le contrôle du Parlement sur l’usage de ces deniers publics est donc largement perfectible.

Les rapporteurs estiment que l’application des dispositions législatives adoptées ces dernières années doit être mieux suivie.

Comme l’avait relevé M. Gassilloud, l’article 12 de la loi de programmation militaire de la loi de programmation militaire 2019-2025, permettant à un militaire placé en congé pour convenances personnelles de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle pour élever un enfant de moins de huit ans, n’a en effet jamais été appliqué.

Les dispositions de l’article L. 4221‑5 du code de la défense qui prévoient que si l’employeur maintient la rémunération du salarié, celle-ci, ainsi que les prélèvements sociaux y afférent entrent dans le champ de l’article L. 6331‑1 du code du travail et sont inclus dans le cadre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle, n’a pas d’équivalent dans le code de la sécurité intérieure, tandis qu’il a son pendant chez les sapeurs-pompiers volontaires.

Proposition n° 7 : obtenir un bilan détaillé des dispositions législatives adoptées relatives aux réserves

c.   Une évaluation insuffisante

Les conséquences de l’augmentation très significative du nombre de jours d’activité pouvant être effectués par un réserviste militaire par l’article 17 de la même loi n’ont pas non plus été évaluées alors qu’elles pourraient se traduire par une quasi-professionnalisation préjudiciable à l’ouverture de la réserve et manifestée par l’éviction, ou la moindre participation, des jeunes volontaires ab initio. Les effets du report de la limite d’âge pour les réservistes spécialistes, prévu à l’article 19 de la LPM, devra aussi être évalué.

Les rapporteurs demandent, à l’instar de la Cour des comptes, que soit enrichi le rapport annuel destiné au Parlement sur l’état des réserves militaires et civiles des armées, de la gendarmerie et de la police et que soit adoptée, pour toutes les composantes de la réserve une même définition des données. Le rapport devra respecter un modèle normé qui permette de suivre, dans la durée, l’évolution et la réalisation des objectifs des réserves.

Proposition n° 8 : enrichir le rapport annuel destiné au Parlement sur l’état des réserves militaires et civiles de défense et de sécurité avec des données comparables permettant de suivre l’évolution des objectifs fixés aux réserves

C.   Des succès réels mais largement méconnus

Toutes les limites soulignées ci-dessous ne doivent pas faire oublier les exceptionnelles réussites des réserves et la chance qu’elles représentent pour notre pays.

1.   Un succès opérationnel

Il convient de souligner à nouveau la parfaite intégration des réservistes de la RO1 dans nos armées. La RO1 de 2020 n’a ainsi plus grand-chose à voir avec celle d’avant 1999 qui était une armée prête à la mobilisation générale avec des unités de réserve dérivées des unités d’active jusqu’au niveau de la division. L’armée d’active était ainsi doublée d’une armée de réserve avec des équipements en propre, de moindre qualité. Cette armée de réserve qu’on a pu appeler « l’armée fantôme » comportait avant la réforme de 1999 trois millions de soldats. Cet héritage a une forte prégnance sur l’image du réserviste dans l’opinion publique.

Aujourd’hui, rien ne permet plus de distinguer un réserviste opérationnel d’un militaire d’active ou d’un sapeur-pompier professionnel. Leur équipement est similaire à celui des professionnels du service actif. Leur formation leur permet de contribuer véritablement aux missions opérationnelles. Les réservistes opérationnels contribuent de manière importante au dispositif Sentinelle, sans aucun accroc à ce jour. Au contraire : en 2017, c’est une caporale-cheffe de réserve de la base aérienne de Nancy et deux de ses camarades qui sont attaqués par un assaillant et parviennent à le neutraliser avec un sang-froid remarquable ; la même année, c’est un caporal de réserve de 24 ans, du 1er régiment du génie de Laudun, dans le Gard, qui a abattu l’attaquant au couteau à la gare de Marseille-Saint-Charles après qu’il a poignardé deux jeunes filles ; en 2018, à Strasbourg, une patrouille de réservistes a fait feu sur l’attaquant, touchant son arme. Dans chaque armée et service employeur, ces réservistes apportent en outre un concours régulier à l’encadrement et à la réalisation des actions de recrutement et de formation. Ils sont notamment mobilisés pour les besoins de l’organisation des préparations militaires.

En 2017, après le passage de l’ouragan Irma dans les îles du nord de l’arc antillais, 700 réservistes de la gendarmerie nationale ont répondu, en quelques heures, à l’appel à volontaires pour un engagement de trois mois dans des conditions difficiles : 145 ont été déployés, dont 91 étaient des réservistes opérationnels « ab initio ». 73 % des employeurs de ces réservistes ont spontanément accepté leur départ.

Les armées ont rempli les objectifs de remontée en puissance qui leur ont été assignés aux lendemains des attentats de 2015 et 2016. En cinq ans, les effectifs des réserves des armées ont augmenté de 50 %. Le budget a lui aussi été doublé et il a permis de porter la moyenne du nombre de jours à d’emploi à 37 jours, conformément aux objectifs fixés, contre 17 jours en moyenne en 2014. Cette prouesse, en termes de recrutement et de formation, mérite d’être soulignée, même si elle doit aujourd’hui laisser la place à une approche plus qualitative.

Dans la gendarmerie nationale, même si les cibles ont été revues à la baisse (de 40 000 à 30 000), l’emploi des réservistes contribue aux missions de la gendarmerie à hauteur de 5 % des équivalents temps plein travaillés. Et 80 % des missions de secours sont aujourd’hui assurées par des sapeurs-pompiers volontaires.

À l’approche des grands évènements prévus d’ici 2030, à savoir la coupe du monde de rugby en 2023 ou les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, les états-majors comptent plus que jamais sur les réservistes pour assurer la sécurité de tous.

2.   Un succès pour la formation et l’insertion des jeunes

Les réserves sont aussi un tremplin pour accéder à l’emploi ou pour découvrir des formes d’engagement pour des milliers de jeunes. À l’issue des préparations militaires de la marine nationale, par exemple, environ 15 % des stagiaires s’engagent comme militaire d’active et environ 3 % s’engagent dans la réserve. 20 % des réservistes opérationnels démissionnaires de la gendarmerie nationale deviennent ainsi militaires d’active, beaucoup utilisant la possibilité de devenir sous-officier par concours interne.

Le service civique a permis à près de 500 000 jeunes volontaires de s’engager depuis 2010, en France et à l’étranger. À l’issue d’un service civique, 44 % des anciens volontaires estiment que le dispositif a eu une influence positive sur leur envie de faire du bénévolat. Ils sont 20 % à donner du temps toutes les semaines contre 15 % pour les jeunes de 18-25 ans en général. ([52])

3.   Un succès pour la cohésion nationale

Les réserves contribuent directement à la cohésion nationale, soit par l’expérience d’une mixité sociale retrouvée, citée comme un atout et une des premières motivations de s’engager par beaucoup de réservistes. 68 % des volontaires du service civique ont eu le sentiment de vivre une expérience de mixité sociale.

Les réservistes contribuent plus largement à la cohésion nationale, par leurs missions. Les réservistes opérationnels de défense et de sécurité permettent d’améliorer le maillage territorial, de renforcer la présence des forces de défense et de sécurité sur le territoire. Ils sont fréquemment employés dans les délégations militaires départementales où ils contribuent à l’animation – particulièrement nécessaire en temps de crise – des relations civilo-militaires. Les réservistes sanitaires sont, par définition, une modalité de solidarité nationale.

Les réservistes citoyens participent directement aussi de ces relations grâce à leur rôle facilitateur.


III.   Une nouvelle ambition à définir pour 2030

Les rapporteurs constatent que la volonté d’engagement est toujours aussi vive chez nos concitoyens, et qu’elle tend même à s’accroître en réaction aux multiples crises que traverse notre pays. Comme l’a souligné à juste titre une personne entendue par les rapporteurs, « au-delà d’un coup de projecteur, c’est de réflexion et de réformes pérennes dont la réserve a besoin. »

Conscients que leurs propositions mériteront d’être débattues et affinées, les rapporteurs estiment que le meilleur service qu’ils puissent rendre aux réservistes, c’est de proposer une stratégie nationale avec des objectifs clairs à horizon 2030 à laquelle doivent être associées des priorités budgétaires stables.

A.   Une stratégie nationale

Comme l’ont mis en évidence le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale en 2017 et 2021, nous ferons face, de manière croissante, à des crises plus complexes, articulant, par exemple, les dimensions diplomatiques, économiques, militaires ou cyber ; associant des catastrophes climatiques et sanitaires ; requérant de lutter contre la propagation de fausses nouvelles et de maintenir un haut niveau de confiance entre les citoyens et leurs services publics.

Les réserves peuvent contribuer de manière déterminante à rendre notre Nation plus résiliente à l’avenir. Elles offrent une opportunité de s’engager au service des autres, de découvrir d’autres mondes professionnels, de connaître le fonctionnement des pouvoirs publics de l’intérieur, d’être acteur et non pas uniquement observateur ou consommateur d’un service public, de jouer un rôle en cas de crise et ne pas seulement subir.

1.   Des réserves « stratégiques » pour le temps de crise ou de guerre

Face au risque de crises sur le territoire national et à l’envie d’action des citoyens, il faut réinvestir dans une défense opérationnelle du territoire adaptée aux nouveaux enjeux et sanctuariser une ressource budgétaire cohérente avec les objectifs fixés. Pour autant, il ne faut pas oublier qu’une réserve utile est une réserve bien formée et employée. L’emploi régulier des réservistes doit donc être pris en compte dans le dimensionnement de la réserve.

a.   Investir dans une réaction rapide de proximité : la réserve de la gendarmerie nationale

La réserve de la gendarmerie nationale est celle qui paraît la mieux à même aujourd’hui d’être mobilisée rapidement, en tous points du territoire, sous un commandement efficace, pour faire face à une crise nationale ou locale. Le général de division Olivier Kim, commandant des réserves de la gendarmerie nationale, a souligné la spécificité des missions de la gendarmerie, qui contribuent à faire de sa RO1 une réserve « véritablement interministérielle ».

La taille de cette RO1 pourrait être augmentée compte tenu des nombreuses possibilités d’emploi décuplées par la politique de partenariat conduite par la gendarmerie et de la persistance de la menace terroriste. L’entretien de la RO1 de la gendarmerie nationale doit être une priorité budgétaire et non plus une variable d’ajustement.

Face à la menace terroriste militarisée, la formation des gendarmes d’active comme de réserve continuera d’inclure la manipulation d’armes longues.

La RO2 (ou RO21) devrait être davantage convoquée et entraînée.

La réserve de la police nationale pourra compléter ce dispositif sous réserve qu’elle fasse ses preuves en termes d’intégration, de formation et d’emploi des volontaires. Il faudra veiller à ce que cette réserve ne soit ni une variable d’ajustement budgétaire, ni une boîte d’intérim pour combler des lacunes dans la police nationale.

Proposition n° 9 : « sanctuariser » des budgets des réserves de la gendarmerie et de la police nationales cohérents avec leurs objectifs en termes d’effectifs, de formation et d’emploi

Proposition n° 10 : assurer une convocation régulière de la RO21 de la gendarmerie nationale et lui fixer une doctrine d’emploi assortie, au besoin, d’équipements supplémentaires

b.   Permettre aux citoyens de s’organiser : les réserves communales

Les rapporteurs ont été profondément convaincu de l’intérêt des réserves communales et saluent l’engagement des maires qui les animent.

Pour un coût très faible, les réserves communales peuvent offrir des possibilités d’engagement ponctuel ou de longue durée à tous les citoyens, quels que soient leurs autres engagements. Il n’est ainsi pas exclu que les réservistes sanitaires ou militaires soient aussi des réservistes communaux. Un engagement de ce type aurait pu leur permettre de mettre à profit leurs compétences et leur bonne volonté pendant la crise sanitaire, de rencontrer d’autres volontaires, d’autres réservistes, ainsi que des citoyens désireux d’apporter un concours ponctuel.

Parce qu’elles sont locales, ces réserves ont une multitude d’atouts pour offrir aux réservistes davantage de reconnaissance, un sentiment d’utilité, et de la mixité sociale. Elles surmontent toutes les difficultés habituellement associées à l’engagement dans la réserve (voir infra, deuxième partie, III. C.).

À l’instar des maires qu’ils ont entendu, les rapporteurs soulignent le besoin d’information des maires sur le cadre d’emploi de ces réserves qui doit rester rigoureux.

c.   Disposer d’une réserve stratégique militarisée : l’armée de terre

Les rapporteurs observent que le deuxième objectif de la vision stratégique du chef d’état-major de l’armée de terre a trait à la réserve, ce qui confirme l’importance que l’armée de terre reconnaît à ce sujet. Des trois armées, elle est la seule à avoir engagé une réflexion sur sa stratégie dans ce domaine. Les choix relatifs à l’avenir de cette réserve sont étroitement liés à l’analyse que l’armée de terre fait du contexte sécuritaire et à la manière dont elle envisage de remplir ses contrats opérationnels.

Pour les rapporteurs, un surinvestissement dans les missions de type Sentinelle n’est vraisemblablement pas la bonne orientation à donner aux réserves de l’armée de terre à horizon 2030. En premier lieu, parce que la gendarmerie et la police nationales sont compétentes sur le territoire national et en maîtrisent pleinement le droit. En second lieu, parce que l’armée de terre a d’autres missions qui lui sont propres et doit pouvoir se concentrer sur celles-ci.

À horizon 2030, l’armée de terre devra disposer d’une réserve mieux formée, susceptible de réaliser des missions plus complexes pour répondre à des besoins opérationnels sur le territoire national dans le cadre d’un potentiel conflit de haute intensité. Dans cette optique, l’armée de terre ne doit pas décourager les réservistes qui le souhaitent de participer à des opérations extérieures, sur le modèle de ce que fait l’armée britannique (entre 10 et 30 % des réservistes opérationnels de l’Army partiraient en OPEX).

La dimension de la réserve opérationnelle de premier niveau doit être adaptée à cet objectif de qualification. Il est préférable d’avoir une réserve moins nombreuse, mieux formée et surtout plus employée. Comme l’a fait remarquer le président de l’association nationale des réservistes de l’armée de terre (ANRAT), le taux d’attrition des réservistes opérationnels de l’armée e terre (entre 20 et 22 %) est trop élevé. Il impose à l’armée de terre un effort de recrutement de 5 000 nouveaux volontaires par an, ce qui est coûteux et d’autant plus préjudiciable que les budgets consacrés au recrutement et à la formation de ces milliers de volontaires ne peuvent être utilisés pour d’autres missions, pourtant prioritaires, comme l’emploi des réservistes opérationnels. Les rapporteurs estiment qu’un juste équilibre doit être trouvé entre l’objectif de s’appuyer sur une réserve mieux formée et l’objectif d’ouverture, avec, au besoin, les moyens budgétaires afférents. Il n’est pas exclu qu’une hausse du budget d’activité n’améliore par ailleurs la fidélisation des réservistes. Corrélativement, il faudra consentir des investissements pour équiper et véhiculer cette RO1 rénovée.

La part des volontaires ab initio par rapport aux anciens d’active doit être maintenue proche des 60 % pour garantir la transmission des compétences mais pas en-deçà pour satisfaire à l’impératif de jeunesse et assurer un renouvellement. La part des ab initio dans l’emploi doit augmenter et tendre vers un minimum de 50 %.

Dans un souci d’efficience, les rapporteurs proposent de réinvestir de manière ciblée dans la réserve opérationnelle de deuxième niveau de l’armée de terre, en commençant par les réservistes ayant quitté les forces armées depuis moins de deux ans (RO21). A contrario, il n’est pas utile d’investir au même niveau dans les RO2 des deux autres armées qui sont de toute façon limitée par le nombre de matériels (aéronefs et bateaux). Des exercices de convocation devront être régulièrement organisés, les processus fiabilisés, des centres de mobilisation constitués pouvant abriter des équipements en réserve.

D’ici 2030, l’armée de terre devra préciser de quels équipements ou armements elle aurait besoin en plus selon divers scénarios de crise majeure.

Proposition n° 11 : s’appuyer davantage sur la réserve de la gendarmerie nationale pour la mission Sentinelle

Proposition n° 12 : élaborer une doctrine d’emploi pour la RO1 de l’armée de terre en cas de conflit majeur, avec un budget d’équipement en conséquence

Proposition n° 13 : maintenir au-dessus de 60 % la part des réservistes ab initio dans les effectifs de l’armée de terre et au-dessus de 50 % leur part dans l’emploi à horizon 2030, en application d’un impératif de jeunesse et afin d’assurer une transmission des compétences

Proposition n° 14 : réinvestir de manière ciblée dans la RO21 de l’armée de terre en définissant une doctrine d’emploi de cette réserve en cas de conflit majeur et en lui associant un budget d’équipement

d.   Disposer de capacités sanitaires de réaction rapide et de proximité

La réserve sanitaire est une modalité de solidarité entre établissements et entre territoires. Ce qui s’apparente le plus à une capacité de réaction rapide et de proximité de volontaires face à une crise sanitaire, en réalité, ce sont les forces et les réserves de la sécurité civile, autrement dit les sapeurs-pompiers volontaires et les bénévoles des associations agrées de sécurité civile qui ont apporté un soutien précieux car très bien organisé dans certaines régions, en particulier outre-mer, et qui animent encore aujourd’hui de nombreux vaccinodromes. Cela n’a pas été assez dit au moment de la crise sanitaire.

Le budget de la réserve sanitaire doit évidemment être revu à la hausse pour pouvoir doter cette réserve d’outils de gestion crédibles. Les rapporteurs formulent d’autres recommandations dans la seconde partie du présent rapport comme d’imaginer un système à points pour valoriser certains renforts en métropole qui peinent à attirer des réservistes.

Proposition n° 15 : augmenter le budget dédié aux systèmes d’information et à la gestion de la réserve sanitaire

Proposition n° 16 : engager une réflexion sur le rôle que pourrait jouer Santé publique France dans l’animation d’un réseau de professionnels volontaires formés à gérer des situations de crises majeures

Proposition n° 17 : engager une réflexion sur des partenariats solidaires entre établissements de santé de type parrainage

Une réflexion devrait aussi être engagée sur le rôle que devrait jouer Santé publique France dans l’animation d’un réseau de professionnels de santé volontaires formés pour faire face à des crises (attentats, menaces NRBC), sur des partenariats solidaires entre établissements permettant d’ajouter au renfort multi individuel de la réserve sanitaire une modalité de renfort collectif, d’équipes déjà constituées ainsi que sur une organisation du système de santé permettant d’intégrer rapidement des praticiens non hospitaliers (professions libérales, intérimaires, etc.).

2.   Conforter les facteurs de souplesse mais exercer un suivi renforcé

Les réserves apportent une souplesse indispensable dans nos forces armées et sont un facteur d’optimisation des ressources dans beaucoup d’administrations. Ces réserves que les rapporteurs ont baptisées « réserves d’efficience » n’offrent pas les mêmes garanties de mixité sociale et d’ouverture à la société civile, ni ne contribuent à la résilience en cas de crise. Leur articulation avec les professionnels du service actif doit être mieux assurée et elles ne devraient pas faire l’objet d’investissements significatifs à l’avenir.

a.   Encadrer rigoureusement les réserves d’efficience

Dans les forces armées et la police, les rapporteurs invitent à s’assurer que les réserves ne couvrent pas de besoins permanents et que la disponibilité des volontaires n’est pas un aléa susceptible de remettre en cause l’accomplissement des missions régaliennes de défense et de sécurité, conformément à la logique qui a prévalu au moment de la professionnalisation des armées.

Le recours aux réserves de défense et de sécurité pour compenser des insuffisances structurelles éloigne ces réserves de leur vocation qui est de contribuer à la sécurité de nos concitoyens, à la cohésion nationale et à l’affermissement d’un esprit de défense.

Les rapporteurs invitent à se prémunir contre la tentation de recourir de manière accrue aux réservistes pour faire face à une hausse de l’activité ou des difficultés de recrutement, au prix de mesures indemnitaires coûteuses. Les sapeurs-pompiers volontaires pourraient servir d’exemple à cet égard et inspirer l’administration pénitentiaire.

Il ne s’agit pas d’une critique générale adressée aux réserves de certaines armées ou de certaines directions. Les retraités réservistes de la police nationale sont bien évidemment mobilisés à bon escient lorsqu’il s’agit d’animer une plateforme téléphonique d’urgence de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat). Il est aussi tout à fait judicieux que la marine nationale se renforce d’atomiciens et de marins pompiers pendant les arrêts techniques du porte-avion Charles-de-Gaulle ou qu’elle fasse appel à des plongeurs réservistes pour mener à bien ses campagnes de recrutement et de sélection de plongeurs.

Proposition n° 18 : évaluer régulièrement le rapport coût / bénéfice des réserves d’efficience

Proposition n° 19 : adopter des doctrines d’emploi rigoureuses destinées à éviter l’éviction de l’emploi permanent par des réservistes

b.   Mieux intégrer les compétences

Le statut des réservistes spécialistes, par son caractère dérogatoire, suscite des enjeux inédits en termes de valorisation et d’animation de la réserve. Plutôt que d’investir dans une surenchère de mesures « d’attractivité », les rapporteurs préconisent de miser sur la valorisation de leurs compétences en faisant mieux connaître leur contribution à l’action des forces armées, en étudiant la possibilité pour ces réservistes de faire valider les acquis de leur expérience, en leur offrant davantage l’opportunité d’intégrer des formations, à l’instar de l’école de guerre canadienne qui a créé une filière spéciale pour les réservistes, une formation aussi valorisée dans le civil.

Il pourrait être aussi opportun d’animer des réseaux de spécialistes et de faciliter leur passage d’une réserve à une autre.

Proposition n° 20 : valoriser les compétences acquises dans les réserves dans le secteur civil ou l’emploi principal

Proposition n° 21 : mieux communiquer sur les savoir-faire, les savoir-être, et les compétences développées par les réserves

Proposition n° 22 : favoriser la constitution de réseaux de professionnels réservistes dans les entreprises ou par branche professionnelle

Proposition n° 23 : accorder davantage de places aux réservistes dans les cursus d’enseignement militaires et étudier la possibilité de créer des filières ad hoc pour offrir aux réservistes un parcours qualifiant


c.   Développer les partenariats qui permettent de partager le coût d’animation d’une réserve

La gendarmerie nationale a récemment développé une politique de partenariats lui permettant de partager le coût d’animation de sa réserve avec d’autres acteurs publics en échange de la réalisation de mission. Par exemple, le Royaume-Uni finance l’emploi des réservistes engagés dans la mission Poséidon, à Calais. Île-de-France Mobilités et la SNCF ont signé une convention avec la gendarmerie pour que soit assurée la sécurité des transports régionaux. Ce faisant, la gendarmerie trouve des opportunités d’emploi pour ses réservistes et des moyens financiers. Ce partenariat est d’autant plus vertueux que la gendarmerie compte parmi ses réservistes des salariés de ces entreprises qui connaissent bien le terrain.

Suivant cette idée, les rapporteurs se sont demandés si la direction générale des douanes, par exemple, n’aurait pas intérêt à conclure un partenariat avec la marine nationale pour partager un vivier de réservistes disposant de compétences communes, ou si l’administration pénitentiaire, qui semble avoir besoin de renforts pour faire face à la reprise des missions de transfèrement, ne pourrait pas conclure un partenariat avec la gendarmerie nationale en attendant d’avoir augmenté ses effectifs et plutôt que de consentir à de coûteuses mesures indemnitaires pour ses réservistes.

Proposition n° 24 : évaluer la politique partenariale mise en œuvre par la gendarmerie nationale et étudier l’opportunité de la développer au profit d’autres collectivités territoriales, administrations ou entreprises

Proposition n° 25 : étudier les possibilités de partage du coût de formation de certains réservistes en développant des troncs communs à plusieurs réserves

d.   Empêcher d’éventuelles dérives et limiter les conflits d’intérêts

Le cadre d’emploi des réserves devrait être précisé et mieux connu, c’est-à-dire publié. Il n’est pas acceptable que des réservistes soient employés pour « casser » une grève des professionnels du service actif, qu’ils pallient des carences structurelles ou qu’ils effectuent des tâches manifestement sans rapport avec leur engagement.

L’emploi des réservistes n’a pas non plus vocation à être au service d’ambitions individuelles : ainsi, le réserviste communal n’appartient pas à « la milice du maire » et le réserviste citoyen des armées n’est pas un conseiller en reconversion professionnelle à la disposition de son autorité. Il n’est pas non plus acceptable qu’un réserviste en contact avec le public profite de son engagement pour faire la promotion des services de sa société.

Pour lutter contre ces dérives, évidemment très marginales, il faut que la doctrine d’emploi soit formalisée. Les chartes en tout genre n’ont guère d’intérêt si elles ne sont pas assorties de mécanismes de contrôle. Les réservistes doivent avoir des droits, notamment celui de connaître la motivation de leur non-emploi ou du non-renouvellement de leur engagement, et disposer d’instances de recours.

Proposition n° 26 : systématiquement motiver le non-emploi d’un réserviste ou le non-renouvellement de son engagement

Proposition n° 27 : mettre à la disposition des réservistes des voies de recours en cas de conflit ou pour signaler des infractions déontologiques, à l’instar de ce dont disposent les professionnels du service actif

Proposition n° 28 : conduire des inspections internes régulières sur le respect de la doctrine d’emploi des réservistes et le respect des règles déontologiques

Les rapporteurs notent qu’un sapeur-pompier volontaire condamné pour escroquerie – il avait conservé le produit de la vente des calendriers – a pu rester sapeur-pompier volontaire, faute d’avoir signalé cette condamnation. Cet épisode montre quels défis nouveaux suscite l’emploi de réservistes par les armées, les forces de sécurité intérieure et les pouvoirs publics.

Aucune disposition légale n’oblige un militaire, et donc un réserviste, à informer sa hiérarchie d’une condamnation pénale. Si les faits sont commis dans l’exercice du service, l’autorité militaire sera soit à l’origine de la dénonciation soit informée des faits par le biais de la demande d’avis prévue à l’article 698-1 du code de procédure pénale. Le ministère public a la possibilité d’informer par écrit l’administration des décisions de condamnation, même non définitives, rendues contre une personne qu’elle emploie, sous réserve que cette transmission, portant un sur un crime ou un délit puni d’emprisonnement, soit nécessaire pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou assurer la sécurité des personnes ou des biens (art. 11-2 du code de procédure pénale). L’information de l’administration d’emploi par le procureur de la République devient obligatoire dans le cadre de la procédure applicable aux mineurs victimes d’infractions sexuelles (art. 706-47-4 du code de procédure pénale) pour les personnes exerçant une activité professionnelle ou sociale contrôlée par l’administration impliquant un contact habituel avec des mineurs. Pris en application, l’article 47-9-1 II. du code de procédure pénale vise notamment les personnels exerçant une activité dans une école ou un établissement scolaire relevant du ministre chargé de la défense. L’appartenance à une réserve complique bien évidemment la mise en œuvre de ces dispositions.

Proposition n° 29 : s’assurer que les réservistes aient l’obligation de signaler toute condamnation pénale à leur autorité de gestion

Santé publique France s’assure pour sa part que les professionnels de santé qu’elle envoie en mission sont bien inscrits à l’ordre dont ils dépendent. Ce contrôle est renforcé par le fait qu’elle demande un curriculum vitae à jour et des bulletins de salaire récents avant chaque mission.

3.   Renforcer la cohésion nationale et l’insertion des jeunes

Le lien armées-nation et le renforcement de la cohésion nationale sont des objectifs de politique publique qui justifient l’octroi de crédits budgétaires. Une partie de la ressource budgétaire allouée aux réserves dites « stratégiques » devra donc correspondre à cette mission en sus des investissements requis par l’objectif de résilience. Les rapporteurs souhaitent en effet que les réserves qui offrent une formation à des volontaires continuent de les accueillir (gendarmerie nationale, armées, service civique). La ressource budgétaire devra être fonction de ce que les services de l’État précités sont en mesure d’offrir à ces citoyens, en termes de qualifications et de perspectives d’emploi. Cette doctrine permet par exemple de continuer à accueillir des jeunes dans les réserves opérationnelles de certaines, au titre du pré-recrutement et/ou du rayonnement, entendu comme de la formation qualifiante.

Le budget de la réserve sanitaire, mécanisme de solidarité nationale dans le domaine de la santé capable de répondre à des crises locales à la cinétique lente, mérite aussi d’être revalorisé à ce titre. Afin que la réserve sanitaire reste une modalité de solidarité nationale, et qu’elle bénéficie à tous les territoires, les rapporteurs suggèrent aussi d’examiner l’opportunité de mettre en place un système à points pour valoriser certains renforts et engager en priorité à Tahiti ou en Polynésie française les réservistes les plus efficaces ou dévoués. Cette idée n’est pas exclusive d’une revalorisation ciblée de l’indemnité de réserviste en fonction des missions, cette option étant certainement plus adaptée pour des missions ou des compétences rares.

Proposition n° 30 : étudier l’idée d’un système à points ou d’une valorisation différenciée des renforts effectués en métropole pour les réservistes sanitaires

La réserve civique, qui offre un cadre pour un engagement bénévole ponctuel, peu contraignant, mérite peut-être d’être davantage animée. À ce jour, sa plus-value par rapport au secteur associatif n’est pas avérée et il n’est pas certain que son existence ne nuise pas au secteur associatif. Les rapporteurs préconisent au moins d’envisager un changement de terminologie et de resserrer la notion de « réserve » à des ensembles de volontaires formés, fidélisés, disposant d’une identité stable dans le temps et d’une tenue distinctive. Un rapport régulier du Gouvernement à la représentation nationale pourrait faire le point sur l’impact de la création et de la montée en puissance de la réserve civique et du service civique et sur la manière dont ces projets s’articulent avec le secteur associatif, d’une part, et les réserves, d’autre part. Un tel bilan permettrait de bien mesurer les atouts et les difficultés de la coopération entre des initiatives publiques et le secteur associatif. Il consoliderait l’ouverture des collectivités publiques à la société civile et poserait les jalons d’une confiance restaurée et d’un dialogue renouvelé.

Proposition n° 31 : évaluer l’apport du statut de réserviste civique par rapport à l’engagement associatif et les besoins financiers nécessaires à une meilleure animation des réserves civiques

B.   Des réserves mieux connues et mieux reconnues

Améliorer la visibilité des réserves est un impératif à double titre : d’abord pour favoriser le recrutement, mais aussi, et surtout, pour témoigner davantage de reconnaissance aux réservistes.

1.   Adopter une politique de communication multi-publics plus ambitieuse

Une politique de communication ambitieuse et professionnelle doit être conduite en s’appuyant sur plusieurs canaux.

a.   Sensibiliser et présenter les possibilités d’engagement à la jeunesse

Un consensus se dégage sur l’idée de renforcer l’information sur les réserves militaires et de sécurité civile à l’école, plus précisément durant l’enseignement secondaire. La promotion des réserves pendant la journée Défense et citoyenneté (JDC), pendant laquelle elles sont généralement citées, est jugée insuffisante. Il n’y a pas de passerelles vers le site de la Garde nationale depuis le portail numérique permettant le recensement.

La formation civique et citoyenne obligatoire de trois jours des jeunes volontaires du service civique pourrait être complétée par une présentation des réserves, dans l’intérêt de celles-ci mais aussi des jeunes, qui pourraient y trouver des perspectives d’emploi à terme. Le livret d’accueil en service civique, en cours de refonte, pourrait lui aussi intégrer des éléments sur les réserves. Bien que l’accès au service civique et à la réserve civique soit universel (sans conditions) et que l’accès à la plupart des réserves repose sur des conditions d’aptitude et de motivation, leur recrutement est largement ouvert.

Proposition n° 32 : intégrer une présentation des réserves dans la formation civique et citoyenne et dans le livret d’accueil des jeunes volontaires du service civique

Le service national universel (SNU) constitue évidemment une opportunité de sensibiliser les jeunes participants à l’importance des réserves dans lesquelles ils pourraient d’ailleurs s’engager pour la phase 3 du SNU. Le renforcement du dispositif des « cadets de la défense » qui propose aux jeunes un programme de 14 demi-journées d’initiation dans leur lycée, suivies d’un stage de cinq jours sur un camp militaire, mériterait évidemment d’être développé. Au Royaume-Uni, les cadets de l’Army sont environ 30 000.

Proposition n° 33 : poursuivre le soutien au dispositif des cadets de la défense et s’appuyer sur le SNU pour présenter les opportunités d’engagement dans les réserves

Enfin, comme cela a été souligné à maintes reprises au cours des auditions, le phénomène du réserviste « clandestin » a aussi des causes culturelles, en l’espèce les préjugés dont sont encore l’objet les armées et les forces de sécurité. Si les réserves peuvent directement contribuer à réduire ces préjugés – c’est d’ailleurs une de leurs ambitions – l’enseignement de la défense à l’école doit aussi y contribuer. Comme l’ont proposé les Jeunes IHEDN, les rapporteurs estiment que les ministères devraient travailler à l’élaboration de ressources pédagogiques claires à mettre à la disposition de tous les acteurs en lien avec la jeunesse. Outre les enseignants, il faudrait aussi penser à rendre destinataires de cette « malette pédagogique » les animateurs de centres de loisirs, les conseillers d’orientation, les associations sportives, etc.

Proposition n° 34 : élaborer une « mallette pédagogique » sur les réserves à destination de tous les acteurs en contact avec les jeunes (enseignants mais aussi animateurs de centres de loisirs, conseillers d’orientation, associations sportives, etc.)

b.   Élaborer un vade-mecum clair sur l’engagement citoyen en France en plus de l’information ministérielle

Il manque indubitablement un vade-mecum clair et attractif sur l’engagement citoyen en France en plus des nombreuses plateformes internet et de l’information ministérielle.

Comme l’a souligné le chef d’état-major de l’armée de terre, le recours au vocable de l’engagement n’est pas sans ambiguïté. Le site www.sengager.fr est en réalité le site de recrutement dans l’active de l’armée de terre.

À l’instar de Mme Béatrice Angrand, présidente de l’agence du service civique, les rapporteurs considèrent qu’un portail Internet unique doit présenter toutes les options disponibles à destination des jeunes tandis qu’une publication pourrait concerner plus spécifiquement l’engagement tout au long de la vie en donnant des exemples de parcours.

Proposition n° 35 : élaborer un portail Internet unique présentant l’ensemble des possibilités d’engagement et d’emploi pour les jeunes

Proposition n° 36 : élaborer un autre portail destiné à tous les âges et éditer une brochure sur « l’engagement tout au long de la vie » avec des exemples de parcours de réservistes et de bénévoles

Ce vade-mecum doit être complété par une publication dédiée aux relations entre les volontaires ou réservistes et leurs employeurs, rappelant aussi les règles relatives au temps de repos obligatoire, les règles relatives à la protection sociale. Les employeurs étant particulièrement demandeurs d’information et d’interlocuteurs, il serait judicieux d’émailler la publication de numéros gratuits renvoyant à des interlocuteurs susceptibles de les conseiller à propos de leurs relations avec leurs réservistes dans les différents ministères.

Proposition n° 37 : éditer un vade-mecum clair des relations entre les volontaires, les réservistes et leurs employeurs

Proposition n° 38 : mettre en relation les employeurs avec des conseillers susceptibles de leur présenter le droit en vigueur et de les rassurer sur la conciliation entre activité de réserve et activité professionnelle

c.   Donner de la visibilité dans les médias et sur les réseaux sociaux

Une meilleure connaissance et une meilleure reconnaissance des réservistes impliquent que ceux-ci soient plus visibles de la population en général. Les médias télévisuels et les réseaux sociaux, parce qu’ils permettent de manifester visuellement l’intégration des réservistes à l’active et de valoriser leur expérience, sont des canaux de communication indispensable. Un effort doit être consenti dans ce domaine.

L’intégration des réservistes militaires dans les unités d’active a été citée comme un frein à l’organisation de cette visibilité. Certains peuvent craindre que mettre en avant les réservistes ne soit dévalorisant pour l’active ou que cela ne réduise les moyens dédiés au recrutement dans l’active. Pour les rapporteurs, il n’en est rien. Valoriser l’activité des forces armées contribue indirectement à valoriser les réservistes et l’active.

La responsable de la réserve sanitaire considère elle aussi que ces médias sont indispensables et souhaiterait que le ministère de la Santé achète des espaces publicitaires pour promouvoir la réserve sanitaire.

Proposition n° 39 : valoriser la formation et le rôle des réservistes au moyen de spots télévisés également diffusés dans des formats cours sur les réseaux sociaux

d.   Organiser des évènements emblématiques pour favoriser les rencontres entre réservistes

Les rapporteurs estiment que des évènements dédiés, au niveau national et local, pourraient contribuer à valoriser les réservistes.

Au niveau national, la participation au défilé du 14-Juillet a été une mesure très appréciée par les réservistes sanitaires. Cette mesure symbolique a un intérêt évident. Toutefois, de nombreux réservistes militaires ont mis en garde contre la tentation de les faire défiler à part de leurs pairs d’active, une mesure qui ne serait pas souhaitable. Il existe néanmoins d’autres manières de mettre les réservistes à l’honneur en ce jour de fête nationale.

Proposition n° 40 : utiliser le 14-Juillet pour mettre à l’honneur les réservistes

La journée nationale du réserviste, instituée en 1999 et prévue à l’article L. 4211‑8 du code de la défense, a été judicieusement étalée sur plusieurs jours au cours d’un même mois afin de mieux tenir compte des disponibilités variables des réservistes, de celles de leurs pairs d’active ainsi que des spécificités locales. Elle donne lieu à une multitude d’évènements. Cependant, de l’avis de la plupart des associations entendues, il manque aujourd’hui un temps fort dédié aux réservistes militaires.

Les rapporteurs estiment qu’une réflexion devrait être engagée avec les acteurs de la mémoire et du monde combattant pour faire des commémorations nationales un moment fort de la transmission entre les anciens d’active et les combattants d’aujourd’hui, dont les réservistes.

Proposition n° 41 : engager une réflexion avec le monde associatif combattant sur la manière de faire des commémorations nationales un moment fort de la transmission entre les anciens et les combattants d’aujourd’hui, dont les réservistes

Au niveau local, les rapporteurs estiment que les maires pourraient davantage chercher à organiser des évènements en l’honneur des citoyens engagés, qu’ils soient bénévoles dans des associations ou réservistes. Il n’est pas question pour le maire d’être destinataire de listes de réservistes ou de bénévoles mais plutôt de sensibiliser ces élus de terrain aux nombreux réservistes qu’ils peuvent rencontrer au cours de leur mandat et qui pourraient, dans certaines circonstances, être d’une aide précieuse s’ils intègrent leur réserve communale de sécurité civile.

Proposition n° 42 : renforcer l’information des maires sur les réserves et les inciter à organiser des évènements dédiés aux réservistes et bénévoles de la commune afin de rendre hommage à leur engagement et de les inciter à intégrer une réserve communale

2.   Impliquer les élus

L’information des élus, et en particulier des maires, a un intérêt pour la promotion des réserves et en cas de crise.

a.   Renforcer l’animation du réseau des correspondants de défense municipaux

Comme l’ont déjà mis en évidence nos collègues Joaquim Pueyo et Pierre Venteau, dans leur rapport de juillet 2020, les relations civilo-militaires pâtissent d’un manque de moyens. Beaucoup de réservistes renforcent d’ailleurs les délégations militaires départementales.

Les correspondants défense des communes forment un ensemble hétéroclite, avec un intérêt variable pour les armées. L’animation de ce réseau est confiée à la direction de la communication du ministère de la Défense (DiCoD). Certains DMD parviennent toutefois à organiser des convocations avec le concours matériel d’une municipalité mettant à la disposition une salle, faute d’un budget prévu pour l’animation de ce réseau. Plusieurs DMD entendus par la mission d’information ont estimé que le réseau des correspondants municipaux était sous-exploité.

Compte tenu de l’importance que revêtiraient les relations civilo-militaires en cas de crise majeure, les opportunités de partenariats avec des communes et l’enjeu de mieux reconnaître les réservistes, les rapporteurs estiment que des moyens supplémentaires devraient être alloués aux DMD pour l’animation de ce réseau. En effet, beaucoup de DMD ne disposent que de faibles moyens alors que les attentes à leur égard de la part des préfets augmentent. Les DMD qui commandent par ailleurs une base aérienne ou une base navale sont trop peu disponibles et restent en poste trop peu de temps pour nouer des relations durables.

Proposition n° 43 : revaloriser les moyens dédiés à l’animation des relations civilo-militaires, en particulier les délégations militaires départementales (DMD)

b.   Créer les conditions du développement des réserves communales

Plus spécifiquement, sous l’égide du préfet, une nouvelle campagne de promotion des réserves communales de sécurité civile pourrait être lancée. Pendant la crise sanitaire, certaines de ces réserves se sont montrées beaucoup plus pertinentes et efficaces que beaucoup de dispositifs nationaux. Elles ont permis de surmonter le sentiment d’inutilité ressenti par beaucoup pendant le premier confinement. Les rapporteurs observent cependant que l’animation d’une réserve communale de sécurité doit éviter beaucoup d’écueils, ce qui impose que le maire soit très bien informé sur le positionnement qu’il peut donner à sa réserve et sur les dérives à éviter.

Proposition n° 44 : conduire une campagne d’information et de sensibilisation avec l’association des maires de France et les préfets sur les réserves communales ; élaborer un kit de lancement incluant des éléments d’information et des contacts utiles pour les maires ; prévoir l’évaluation de ce dispositif et des réserves communales dans les cinq prochaines années

3.   Favoriser des relations de confiance avec les employeurs

Les relations entre les réserves, les employeurs et les réservistes qu’ils emploient sont un déterminant crucial du bon fonctionnement des réserves.

Au terme de leur étude, les rapporteurs estiment qu’il faut abandonner les dispositions contraignantes qui n’ont en réalité aucune portée pratique, sont stigmatisantes, suscitent la méfiance des employeurs, poussent les réservistes dans la clandestinité et ne seraient de toute façon appliquées qu’au prix de l’employabilité des réservistes dans la plupart des secteurs professionnels, avec quelques exceptions notables comme la cybersécurité, du fait des conditions très concurrentielles sur ce marché du travail.

Proposition n° 45 : rationaliser voire supprimer les dispositions contraignantes s’appliquant aux réservistes de défense et de sécurité à l’occasion d’une réflexion plus globale sur les régimes juridiques de défense

Notant qu’une écrasante majorité d’employeurs (73 %) avait été favorables au déploiement de leurs collaborateurs réservistes pour une période de trois mois aux Antilles après le passage de l’ouragan Irma ([53]), les rapporteurs préconisent de miser davantage sur l’information et sur l’implication des employeurs. L’emploi d’un réserviste doit être un motif de fierté et une plus-value pour l’entreprise.

Ils notent aussi que beaucoup d’employeurs, en particulier dans les plus petites structures, demandent de la prévisibilité afin d’organiser leurs activités d’une année sur l’autre. Les rapporteurs estiment que les forces de défense et de sécurité pourraient faire un effort en ce sens, s’agissant des activités programmées des réservistes, en particulier.

Proposition n° 46 : inciter les gestionnaires de réservistes à faire un effort pour leur donner une visibilité annuelle sur leurs activités de réserve

La politique de partenariat engagée par la Garde nationale doit être poursuivie mais l’application des conventions doit être mieux suivies, en particulier dans le secteur public. D’après les travaux des rapporteurs, nombre de conventions sont signées sans avoir de suites et ne sont même pas connues des gestionnaires.

Proposition n° 47 : évaluer l’application des conventions signées sous l’égide de la Garde nationale par des sondages réguliers, réactualiser les conventions dont les dispositions contreviennent à la loi

Les rapporteurs notent que les mesures d’exonération d’impôts ou de prélèvements sociaux manquent leur cible. Ces dispositifs sont si compliqués à mettre en œuvre que les grandes entreprises n’y ont pas recours – « cela ne vaut pas le coup » – et que les petites entreprises s’y perdent, quand elles ne sont tout simplement pas exclues du dispositif du fait de leur taille. Ils jugent plus intéressante l’idée de créer des dispositifs de remplacement de ressources pour les salariés de TPE ou de PME, artisans, travailleurs indépendants, libéraux, agriculteurs etc. ou celle d’une garantie en cas d’absence inattendue de l’employé grâce à un contrat de prévoyance spécial qui pourrait ouvrir le droit à un crédit d’impôt.

Proposition n° 48 : étudier l’opportunité de substituer à toutes les mesures d’incitation existantes en faveur des employeurs de réservistes un même crédit d’impôt, qui doit surtout être simple à mettre en œuvre

Il est intolérable que des professionnels de santé exerçant en libéral connaissent des difficultés de trésorerie importantes en effectuant des renforts au titre de la réserve sanitaire. Les rapporteurs estiment que les indemnités des réservistes sanitaires devraient être revues à la hausse en général et que cette catégorie de réservistes sanitaires, issue d’un vivier important, disponible en cas de crise, devrait être indemnisée beaucoup plus rapidement.

Proposition n° 49 : revaloriser les indemnités des réservistes sanitaires, en incluant éventuellement une bonification en fonction des missions effectuées

Proposition n° 50 : veiller à réduire les délais de paiement des réservistes sanitaires, en étudiant l’intérêt que pourrait avoir un mécanisme d’avance

4.   Renforcer certains statuts de réservistes

Sans aller jusqu’à une harmonisation des statuts de réservistes qui n’aurait pas grand sens compte tenu de leurs niveaux de qualification ou de leurs missions différentes, les rapporteurs estiment que certaines différences devraient être réduites.

a.   L’exonération d’impôt sur le revenu

Est exonérée d’impôt sur le revenu l’indemnité ou la solde des réservistes suivants :

– les réservistes militaires ;

– les réservistes de la police nationale ;

– les sapeurs-pompiers volontaires ;

– les volontaires du service civique.

La Cour des comptes note que cette exonération n’a pas de fondement législatif et recommande par ailleurs qu’elle soit plafonnée. De nombreux acteurs entendus par la mission d’information (DMD, associations de réservistes) ont alerté les rapporteurs sur l’enjeu de maintenir l’exonération d’impôt sur le revenu pour les réservistes au risque de perdre près de la moitié d’entre eux.

Cette exonération évite en effet des passages de tranches d’imposition malheureux pour les plus disponibles, simplifie la vie des plus jeunes et les effets d’aubaine sont relativement limités par le plafonnement du nombre de jours d’activité.

En revanche, les réservistes sanitaires n’ont droit à aucune exonération d’impôt sur le revenu. L’audition de réservistes sanitaires a montré que cette situation était particulièrement préjudiciable aux professions libérales qui sont, de surcroît, payées avec retard. Les rapporteurs préconisent l’adoption d’un régime similaire d’exonération, qui ne devrait pas représenter un coût insurmontable pour les finances publiques, compte tenu du nombre de réservistes sanitaires et de leur activité annuelle, ou une revalorisation significative des indemnités des réservistes sanitaires, qui pourrait éventuellement prendre la forme de bonus attachés à certaines missions moins attractives a priori.

Proposition n° 51 : étendre aux réservistes sanitaires l’exonération d’impôt sur le revenu dont bénéficient les autres réservistes qui contribuent à la résilience de la nation

b.   Les droits et garanties attachés au statut de réserviste

Toute évolution indemnitaire, statutaire ou d’attractivité obtenue par les réservistes d’un corps de l’État est immédiatement revendiquée par d’autres. Ces mesures peuvent aussi créer des effets d’éviction ou de substitution, en incitant les volontaires à choisir tel type d’engagement plutôt qu’un autre, ou des abus. Les rapporteurs préconisent de mieux évaluer ces mesures à l’avenir pour éviter ce genre d’effets négatifs ainsi qu’une surenchère préjudiciable aux finances publiques.

Il paraît essentiel que l’ensemble des réservistes aient les mêmes garanties prévues par le code de la défense et le code de la sécurité intérieure concernant la reconnaissance de l’ancienneté, l’avancement, les congés payés et les prestations sociales. Aucun réserviste ne devrait pouvoir être licencié, déclassé ou sanctionné au motif de ses absences dans la réserve, à plus forte raison si ces absences sont dorénavant négociées.

Les rapporteurs ont constaté qu’il demeurait des différences importantes quant à la prise en charge des frais de déplacement ou les limites d’âge, qui ne paraissent pas toujours justifiées.

Comme l’ont déjà signalé les rapporteurs, les motifs de non-renouvellement d’engagement à servir dans la réserve ou de non-emploi devraient être notifiés aux réservistes. Les droits à formation acquis au titre de l’engagement mériteraient d’être harmonisés selon les réserves (20 heures à partir de 90 jours de renfort dans une réserve militaire, 75 dans la police nationale).

Les rapporteurs notent que les réservistes britanniques disposent depuis 2020 de la possibilité de bénéficier, eux et leurs familles, de réductions de 34 % sur leurs billets de transport ferroviaire en échange d’une carte à 15 livres par an. D’après le chargé des relations internationales de l’UNOR, cette mesure, en profitant à la famille du réserviste qui subit aussi ses absences, est un facteur d’acceptabilité et donc de reconnaissance. L’application d’une telle mesure aux réservistes militaires des armées pourrait être envisagée, justement pour compenser leur éloignement spécifique.

Proposition n° 52 : étudier la possibilité d’accorder aux réservistes des armées, exclusivement, parce que leur engagement les éloigne de leurs proches, le bénéfice de réductions dans les transports ferroviaires pour eux et leurs familles

c.   Une protection sociale qui peut encore être améliorée

Bien que cette question n’ait pas été au cœur des préoccupations des réservistes qu’ils ont rencontrés, les rapporteurs ont le sentiment qu’une évaluation transverse de la protection sociale et des mesures de reconnaissance destinées aux réservistes blessés devrait être conduite.

La loi de 1991 relative à leur protection sociale ([54]) assure une protection sociale complète aux sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident ou de maladie lié à l’accomplissement de leurs missions. Les pompiers volontaires pourront notamment bénéficier, en cas d’accident ou de maladie, leur vie durant, de la gratuité de tous les frais médicaux – chirurgicaux, pharmaceutiques, de transport, d’hospitalisation, d’appareillage, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation professionnelle, etc. – directement entraînés par cet accident ou cette maladie. Toutefois, un rapport de 2018 ([55]) suggérait encore de remédier à de nombreuses carences et la proposition de loi actuellement examinée au Parlement comprend plusieurs dispositions modifiant la protection sociale, la prise en charge de celle-ci ainsi que les droits à retraite des sapeurs-pompiers volontaires. Elle prévoit aussi l’extension du bénéfice des dispositions de l’article L. 411‑5 du code des pensions civiles et militaires aux sapeurs-pompiers participants aux opérations secours en cas de crise majeure pour donner la qualité de pupille de la Nation aux enfants des sapeurs‑pompiers tués pendant ces opérations ou décédés des suites d’une blessure reçue ou d’une maladie contractée ou aggravée du fait de ces opérations.

La protection sociale du réserviste de défense et de sécurité, un des grands chantiers du CSRM, a fait l’objet de plusieurs améliorations ces dernières années ([56]), en particulier dans la gestion des dossiers et le suivi des réservistes. ([57]) Le code de la défense (article L. 4251-2) et le code de la sécurité intérieure (article L. 411-14) garantissent aux réservistes militaires et aux réservistes civils de la police nationale, pendant les périodes d’activité́, le bénéfice des prestations des assurances maladie, maternité́, invalidité́ et décès du régime de sécurité́ sociale dont il relève, en dehors de son service dans la réserve pour les affections sans lien avec l’activité de réserve. Aux termes de l’article L. 4251-7 du code de la défense et de l’article L. 411‑16 du code de la sécurité intérieure, les réservistes de défense et de sécurité bénéficient d’un droit à la réparation intégrale du préjudice subi pendant les périodes d’activité dans la réserve, en complément de la prise en charge des frais de santé et, le cas échéant, du dispositif spécifique des pensions militaires d’invalidité.

En complément, les réservistes sont incités à souscrire une couverture complémentaire pour s’assurer sur les trajets entre leur domicile ou leur lieu de travail et le lieu sur lequel ils sont convoqués, par exemple, ou pour bénéficier d’une indemnisation rapide lorsqu’une invalidité temporaire ou définitive compromet leur activité principale. Comme l’admet le commandement des réserves de la gendarmerie nationale, certains dossiers lourds prennent du temps avant l’indemnisation définitive. ([58])

Parce que ses réservistes sont particulièrement exposés à des risques, du fait d’un emploi opérationnel quotidien au contact de la population, la gendarmerie nationale est l’employeur de réservistes qui déplore le plus de blessés, jusqu’à 96 réservistes blessés en 2020, dont 44 à la suite d’une agression physique en service. Trois décès ont aussi été enregistrés (deux accidents vasculaires-cérébraux et un accident de la route). ([59]) En moyenne, la gendarmerie nationale déplore une centaine de réservistes blessés chaque année. Un bureau de trois personnels au sein du commandement des réserves de la gendarmerie anime donc un réseau régional de conseillers dans la protection sociale du réserviste – des réservistes qui sont eux-mêmes assureurs ou juristes – pour faciliter l’indemnisation des réservistes blessés en service. Le commandement des réserves s’est aussi rapproché des assureurs pour qu’ils proposent des produits d’assurance adaptés, et notamment des assurances compensant la perte de revenus en attendant l’indemnisation définitive de l’État. Enfin, la fondation Maison de la gendarmerie peut dans certains cas débloquer des fonds d’urgence pour parer aux situations délicates.

Pour autant, plusieurs associations de réservistes comme l’Union nationale des officiers de réserve (Unor) ou la fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la gendarmerie nationale (Anorgend) plaident en faveur d’un socle de protection sociale commun à tous les réservistes, rapide à mettre en œuvre et pris en charge par l’État. L’Unor a par ailleurs souligné que la protection sociale prenait fin en même temps que l’engagement à servir dans la réserve, ce qui nuirait à la prise en charge de certaines pathologies, dont le déclenchement ou simplement le diagnostic seraient différé. Plusieurs réservistes du service de santé des armées seraient concernés.

Enfin, Santé publique France assure la responsabilité civile professionnelle (RCP) pendant toute la durée de la mission. Si un réserviste sanitaire subit un accident du travail, la déclaration est effectuée par les services de Santé publique France auprès de la caisse d’assurance maladie à laquelle cotise l’agence. Des indemnités journalières sont versées si un arrêt de travail suit l’accident. Si la perte de revenus est importante, les réservistes sanitaires peuvent faire un recours contre Santé publique France pour bénéficier d’un complément aux indemnités journalière – essentiellement pour les professions libérales. En pratique, la responsable de la réserve sanitaire de Santé publique France a indiqué qu’aucun arrêt de travail long, ni accident de travail avec séquelles, n’avaient été à déplorer.

5.   Être attentifs aux symboles

a.   Les réservistes honoraires

La légitime reconnaissance qui doit être manifestée aux réservistes citoyens de défense et de sécurité a suscité des troubles chez les réservistes opérationnels et les réservistes opérationnels honoraires.

Pour le président de la Rorsem, le colonel (R) Bernard Bon, en étant incapables de voir leurs réservistes opérationnels autrement que comme des militaires en service, les armées se privent de connaissances et de savoir-faire civils transposables dans le monde militaire. Le recensement des qualifications des réservistes devrait être facilité par la mise en service du projet ROC. En attendant, cette carence a, selon le colonel (R) Bernard Bon, fait le succès de la réserve citoyenne : « des profils civils considérés comme intéressant et auxquels on attribue un grade militaire ! » Ainsi, les réservistes opérationnels voient régulièrement leurs autorités féliciter chaleureusement des réservistes citoyens par ailleurs chefs d’entreprise ou cadres pour leur engagement, alors que dans la même salle se trouvent des cadres et des chefs d’entreprises, réservistes opérationnels, en uniforme, indistincts.

Les anciens réservistes opérationnels peuvent ensuite être admis à l’honorariat s’ils respectent les conditions fixées par l’article R. 4211‑6 du code de la défense et participer bénévolement, à ce titre, à des activités de renforcement du lien armées - Nation. Ils étaient, jusqu’alors, les seuls à pouvoir porter l’uniforme et à disposer d’un grade. ([60]) Les conditions d’accès à l’honorariat étant plutôt restrictives – il faut avoir été blessé, décoré ou être âgé de plus de 35 ans et justifier de plus de 200 jours d’activité – l’accueil fait par les forces armées aux réservistes citoyens a été perçu, par certains réservistes opérationnels honoraires, comme un manque de considération, outre l’effet d’éviction qu’il a provoqué. Selon un représentant de l’ANRAT, les réservistes ayant dépassé la limite d’âge doivent obligatoirement choisir entre l’honorariat (et donc la conservation de leur grade) et la réserve citoyenne. Le faible recours aux réservistes honoraires entraîne une perte importante de personnes pourtant volontaires et bénévoles.

La marine nationale qui accordait le port de l’uniforme aux réservistes citoyens en aurait finalement restreint les conditions récemment (relevé de décisions du 20 janvier 2020). Pour le chef d’état-major de l’armée de terre, permettre aux réservistes citoyens de porter une tenue militaire est une source de confusion, tout comme l’emploi de grades. Il a indiqué pour sa part qu’il serait plus favorable à l’attribution d’un titre plus neutre d’officier de la réserve citoyenne, sans grade ou échelonnement, ces derniers n’étant pas toujours pertinents et parfois sources d’ambiguïtés.

Proposition n° 53 : renoncer à accorder aux réservistes citoyens des grades ainsi que le port de la même tenue que les militaires d’active ou les réservistes opérationnels et élaborer d’autres signes distinctifs

b.   La tenue, tout un symbole

De manière générale, la tenue du réserviste est un enjeu symbolique fort pour l’intégration, la visibilité et la reconnaissance.

Les réflexions en cours au sein de la police nationale ont mis en évidence tout l’enjeu de la qualité de la tenue et l’équipement des 30 000 volontaires que la police ambitionne de recruter.

Le port ou justement le non port de la tenue est un facteur d’intégration. La responsable de la réserve sanitaire a ainsi expliqué que la réserve sanitaire pouvait envoyer deux types de renforts : des renforts « classiques » envoyés dans des structures existantes (cliniques, hôpitaux, Ephads), non différentiables des personnels locaux, et des renforts envoyés dans des installations ad hoc (par exemple, dans le cas de la campagne de tests PCR effectuée en Mayenne en juillet 2020), qui bénéficient d’un uniforme clairement identifiable – un gilet multipoches, un badge nominatif, un écusson avec le drapeau français. L’uniforme est également revêtu dans l’avion ou le train par le réserviste en mission parce qu’alors il représente la réserve sanitaire et la France. A contrario la responsable de la réserve sanitaire de Santé publique France estime qu’il ne serait pas pertinent de différencier visuellement les réservistes des professionnels de santé locaux dans les établissements de soins.

Les rapporteurs ont aussi interrogé les réservistes sur l’intérêt symbolique de revêtir leur tenue une journée par an sur leur lieu de travail pour donner de la visibilité à leur engagement, suscitant des réactions contrastées. Sans surprise, les réservistes de défense et de sécurité y sont moins favorables, à la fois dans le souci de se protéger de réactions malveillantes mais aussi dans le souci d’affirmer l’autorité et les prérogatives attachées à leur tenue. Ces réflexions rejoignent celles du commandant des réserves de la gendarmerie nationale, le général de division Olivier Kim, qui souligne également que la population ne comprendrait pas qu’un individu revêtu de la tenue de gendarme n’intervienne pas sur un différend ou un accident. Pour le général Kim, le port de la tenue est indissociable du port d’arme et de la pleine capacité d’intervention du gendarme. Les rapporteurs notent que les conditions ne sont donc pas réunies aujourd’hui pour inciter tous les réservistes à aller travailler dans leur tenue de réserviste une journée par an, à l’instar de ce qui se fait au Canada. Ils regrettent cette situation qui a des causes sécuritaires et culturelles. Ils forment le vœu que cette pratique puisse être considérée comme normale, sans risque, à horizon 2030.

C.   Une gestion modernisée

Comme l’a clairement montré la consultation citoyenne, la modernisation de la gestion attendue par les réservistes a moins trait aux systèmes d’information qu’à une meilleure prise en compte de leurs contraintes.

a.   Davantage de souplesse dans la gestion des réservistes

Les réservistes militaires sont demandeurs de la possibilité d’être employés à la demi-journée à l’instar des réservistes pénitentiaires. Il semble que rien en droit ne s’oppose à cette pratique.

Les représentants du groupement syndical national des sapeurs‑pompiers volontaires (GSNSPV) ont également invité les professionnels d’active à être plus souples dans l’encadrement des volontaires : un sapeur-pompier volontaire doit parfois terminer sa garde un peu plus tôt pour être à l’heure au travail. Dans un centre d’incendie et de secours essentiellement armé de sapeurs-pompiers volontaires, cela ne pose pas de problème. Chez les professionnels, si la garde se termine à huit heures, impossible de partir à sept heures et demie. Le GSNSPV plaide pour davantage de souplesse, considérant qu’il vaut mieux se priver d’un volontaire une demi-heure que de s’en priver les douze heures réglementaires.

b.   Mieux s’adapter aux évolutions dans la vie des réservistes

Les jeunes sont particulièrement demandeurs d’assouplissements du fonctionnement actuel des réserves. Les Jeunes IHEDN ont par exemple proposé de permettre des engagements à temps plein pour des jeunes en césure ou en congé sabbatique. Les rapporteurs observent que cette option nécessiterait de remettre en cause les limites relatives au nombre de jours d’activité, ce qui présente un risque pour l’ouverture de la réserve. Les réservistes peuvent aujourd’hui servir jusqu’à 210 jours en cas d’engagement à l’étranger ou 150 jours si les besoins des forces armées sont avérés, ce qui représente déjà l’équivalent d’un temps plein pendant sept mois et demi à raison de cinq jours par semaine. Par ailleurs, les missions qui pourraient être confiées à un jeune volontaire resteraient nécessairement limitées, compte tenu de l’incertitude pesant sur sa disponibilité. L’intérêt opérationnel des armées leur commande d’avoir plutôt recours à des personnels engagés dans la durée, que ce soit dans l’active ou dans la réserve, pour rentabiliser leur effort de formation.

Les rapporteurs préfèrent mettre l’accent sur l’idée de promouvoir des cursus universitaires incluant des activités de réserve. Le décret n° 2017-962 du 11 mai 2017 relatif à la reconnaissance de l’engagement des étudiants dans la vie associative, sociale ou professionnelle (articles L. 611-9 et L. 611-11 du code de l’éducation) a prévu que des aménagements « dans l’organisation et le déroulement des études et des examens ainsi que les droits spécifiques, qui permettent de concilier l’exercice des activités mentionnées à l’article L. 611-11 avec la poursuite de ses études ». Il permet également que les services dans la réserve puissent être validés « au titre de la formation suivie par l’étudiant et sur sa demande, les compétences, connaissances et aptitudes qu’il a acquises dans l’exercice des activités mentionnées à l’article L. 611-9 et qui relèvent de celles attendues dans son cursus d’études. » Théoriquement, ces dispositions permettent de majorer sa moyenne générale, d’obtenir des crédits ECTS ou d’être dispensé de stage. Le bilan de ces dispositions, certes récentes, n’a pas été effectué.

Ils soulignent également l’intérêt de mieux accompagner les jeunes dans leur mobilité géographique, en facilitant leur réengagement dans une autre unité, ce qui semble être un point faible dans toutes les réserves territorialisées.

c.   Des parcours de réservistes à imaginer

Suivant la logique précédemment énoncée, les armées comme les autres services publics ont besoin de réservistes formés, ce qui plaide, s’agissant des volontaires issus de la société civile, pour des réservistes mieux fidélisés suivant des parcours qualifiants. Le lieutenant-colonel (R) Philippe Maze-Sencier (UNOR) a ainsi indiqué qu’il fallait en moyenne deux ans pour former un réserviste véritablement qualifié. La définition d’un plan de carrière dans les réserves serait donc bénéfique et il serait judicieux d’y inclure les différentes formations à prévoir en accompagnement de la montée en compétences du volontaire.

Compte tenu de l’évolution de la disponibilité fluctuante des réservistes, les rapporteurs se sont demandés comment créer des parcours combinant peut-être plusieurs formes d’engagement ou de réserves pour mieux s’adapter aux évolutions dans la vie du volontaire et ne pas « perdre » les réservistes à l’occasion d’un déménagement ou d’une baisse temporaire de la disponibilité de celui-ci. S’il apparaît possible de combiner un engagement dans une réserve « stratégique » et une réserve « civique » (réserve communale de sécurité civile, réserve citoyenne de l’Éducation nationale), il n’apparaît pas judicieux d’organiser des passages d’un domaine ministériel à un autre.

Comme l’a fait remarquer le préfet de Maistre aux rapporteurs, les ministères ayant formé des réservistes peuvent être soucieux que la ressource qu’ils ont formée ne soit pas captée par un autre acteur public à son profit. Pour les rapporteurs, c’est aussi la raison pour laquelle il faut éviter des phénomènes de concurrence délétère entre les dispositifs et ce qui justifie que les réserves soient animées à un niveau national, avec un coût de formation partagé.

Néanmoins, la logique partenariale développée par la gendarmerie nationale pourrait aussi, en diversifiant les possibilités d’emploi de ses réservistes, donner lieu à l’organisation de formes de parcours.


   Deuxième partie : des défis propres à chaque réserve

L’étude comparée de réserves ressortissant de différents ministères montre combien les enjeux relatifs aux réserves sont insuffisamment maîtrisés aujourd’hui. La transposition de dispositifs d’inspiration militaire à d’autres ministères sans réflexion sur les conditions de recrutement, de valorisation, d’animation, de formation et d’emploi de ces réserves spécifiques peut s’avérer coûteuse pour les finances publiques, susciter la frustration de citoyens sincèrement désireux de s’engager, désorganiser les services de l’État et porter atteinte à la résilience des pouvoirs publics.

I.   Les réserves de défense et de sécurité

Les réservistes opérationnels de défense et de sécurité ont en commun le fait d’être armés, ce qui suppose une formation rigoureuse, régulièrement renouvelée. Ils consentent à risquer leur vie et, surtout, à utiliser leur arme sur ordre, pour donner éventuellement la mort, ce qui distingue leur engagement parmi d’autres engagements tout aussi nobles et parfois risqués. Ils sont susceptibles d’être mobilisés par décret sur décision du Premier ministre.

En leur sein, les réservistes militaires se distinguent par les sujétions inhérentes à leur état militaire – discipline, loyalisme, esprit de sacrifice et neutralité – auxquelles ils ne dérogent que du point de vue de la disponibilité en tout temps et tous lieux. Jusqu’à présent, en attendant l’ouverture à la société civile de la réserve de la police nationale, les réserves militaires se distinguent aussi par leur capacité d’intégration de volontaires ab initio et donc de formation, et par une reconnaissance qui prend la forme d’un avancement – sauf pour les réservistes spécialistes – et de décorations.

L’engagement de beaucoup de réservistes opérationnels de défense et de sécurité se caractérise aussi par une certaine « clandestinité », même si celle-ci tend à se réduire. La discrétion des réservistes à l’égard de leur employeur tient autant à la crainte que pourraient susciter les sujétions des réservistes militaires qu’à la crainte du collaborateur d’être discriminé ou pire, menacé en dehors du service. Les rapporteurs observent que les sapeurs-pompiers volontaires, pourtant eux aussi soumis à des astreintes, rencontrent souvent moins de difficultés.

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur en 2009, la succession des crises sécuritaires affectant notre pays et l’évolution des menaces ont favorisé une coordination plus étroite entre le ministère des Armées et le ministère de l’Intérieur, qui s’est manifestée par la création de structures légères de coordination communes mais aussi par une tentation accrue d’emprunter des pratiques, des dispositions, des statuts ou des mesures indemnitaires en vigueur dans l’autre ministère, avec des effets qui restent à évaluer et dont les enjeux n’apparaissent pas toujours maîtrisés.

A.   Les réserves opérationnelles de premier niveau et les réservistes dits spécialistes

Les réserves de défense et de sécurité ont en commun une montée en puissance organisée par le Législateur, particulièrement depuis les attentats de 2015. Cette montée en puissance montre aujourd’hui ses limites. Elle a besoin d’un nouveau souffle appuyé sur une réflexion doctrinale plus approfondie.

1.   Des objectifs incohérents avec la ressource budgétaire

Les réserves de défense et de sécurité souffrent d’un décalage manifeste entre les objectifs qui leur sont assignés et leurs ressources budgétaires. Comme le note la Cour des comptes à propos des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie nationales, le taux d’emploi est un des déterminants de la satisfaction du réserviste. « Pour les réservistes militaires, plus le nombre de jours d’ESR augmente, plus la satisfaction du réserviste est grande. […] Par ailleurs le taux d’emploi doit être suffisamment important pour maintenir la compétence et l’implication des réservistes. Il doit être également suffisant pour justifier le coût des formations initiales effectuées, en particulier dans la gendarmerie, mais être adapté aux possibilités réelles des personnes issues de la société civile qui ont par ailleurs parfois un emploi ou effectuent des études. »

a.   Une « sincérisation » récente et fragile dans les armées

La réserve militaire, de sa réorganisation par la loi du 22 octobre 1999 jusqu’à la LPM pour les années 2014 à 2019, a constamment vécu au rythme des coupes budgétaires : sur la période, à peu près aucune annuité prévisionnelle n’a été respectée. Les enveloppes financières qui se trouvaient prévues au titre de la réserve dans la programmation militaire puis, chaque année, dans la loi de finances, ont en effet très couramment servi de variable d’ajustement du budget de la défense – lequel, il est vrai, devait dans le même temps supporter les charges d’importantes restructurations. Par rapport aux prévisions de la LPM pour les années 2009 à 2014, les budgets réels de cette période ont été abattus de 30 %, contraignant les gestionnaires de la réserve à chercher un équilibre délicat entre le recrutement de volontaires sous ESR et l’emploi de ces derniers.

Rompant avec ce passé, la loi du 28 juillet 2015, précitée, actualisant la programmation militaire en fixant l’objectif d’accroître le nombre de réservistes opérationnels de 26 000 à 40 000 et d’augmenter leur durée d’emploi à hauteur de 30 jours par individu, a rehaussé le budget de la réserve des armées de 75 millions d’euros supplémentaires sur la période 2016-2019. Enfin, la LPM a confirmé ces objectifs pour 2019-2025 et a prévu un budget total (incluant les crédits de fonctionnement) annuel de 200 millions d’euros pour les réserves opérationnelles des trois armées, ainsi qu’une durée moyenne d’emploi de 36,5 jours. Le budget annuel dévolu à l’emploi des réservistes a ainsi plus que doublé, passant de 70 à 153 millions d’euros depuis 2014. ([61])

Quoiqu’importantes, les hausses d’effectifs enregistrées de 2015 à 2918 ont été insuffisantes, dans un premier temps, au regard des ressources budgétaires allouées depuis 2015. Jusqu’en 2018 donc, ce phénomène a conduit à une sous-consommation des crédits alloués, une tendance qui s’est inversée en 2019 : cette année-là, un allongement significatif des durées d’emploi (plus de 40 jours en moyenne) s’est ajouté à l’augmentation des effectifs, conduisant pour la première fois à un dépassement du budget des réserves. Rappelés à l’ordre par le contrôleur budgétaire, le DIAR et les états-majors ont depuis adopté un pilotage plus rigoureux de l’activité, qui a permis une consommation quasi-parfaite des budgets alloués (98 % en 2020). Le général Lalubin a estimé que ce respect rigoureux des crédits était perçu comme « contraignant » puisque ce budget semble tout juste calibré pour les nouveaux effectifs de la réserve opérationnelle. Pour lui, la limitation actuelle d’un budget des réserves qui ne devrait plus évoluer à court terme est vécue comme « contraignante et contrariante », dans la mesure où le respect de l’autorisation budgétaire lors de l’exercice 2020 était autant le résultat d’un pilotage rigoureux que d’une sous-activité des réserves causée par la crise sanitaire.

En d’autres termes, la poursuite des objectifs de recrutement actuels n’est pas cohérente avec la ressource budgétaire allouée, sauf à réduire l’emploi des réservistes, ce qui sera nécessairement une source de frustration et de déception.

Les rapporteurs ont cherché à savoir comment avait été déterminé l’objectif de 40 000 réservistes. Au terme de leurs travaux, ce nombre ne paraît pas avoir été déterminé par une analyse des besoins. Il fut déduit de la ressource budgétaire qu’il paraissait acceptable d’allouer à la réserve et réparti en fonction du poids de chaque armée dans le total des effectifs militaires du ministère des Armées.

b.   Une ressource aléatoire dans la police et la gendarmerie nationales

À la suite des attentats de 2015 et 2016 qui ont conduit le Gouvernement à placer les réserves opérationnelles d’engagement du ministère des Armées et du ministère de l’Intérieur dans le cadre de la Garde nationale, des objectifs ambitieux de recrutement et d’emploi ont été fixés à la gendarmerie nationale : 40 000 réservistes opérationnels, employés en moyenne 30 jours par an. La cible de recrutement a ensuite été réduite à 30 000. Cette priorité politique s’est traduite par une hausse des budgets prévus pour les rémunérations des réservistes qui sont passées, en loi de finances initiale, de 40 millions d’euros en 2015 à 98,7 millions d’euros en 2018. Comme l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport d’avril 2019 (précité) sur les réserves de la gendarmerie et de la police nationales, « cette augmentation de crédits, qui n’a toutefois jamais été à la hauteur des ambitions affichées, a depuis cédé le pas face à d’autres priorités, en particulier la nécessité d’abonder les rémunérations des personnels d’active ».

D’une part, les crédits votés en loi de finances initiale, bien qu’en croissance, n’ont pas suivi les augmentations prévues de l’activité ; d’autre part, les tensions persistantes sur les crédits de personnel des programmes 152 et 176 ont entraîné des mesures de transferts entre des budgets de la réserve vers ceux des personnels d’active. Cette situation s’est traduite par un manque de visibilité sur les crédits disponibles et des à-coups dans l’emploi des réservistes, parfois sans lien avec les nécessités opérationnelles.

Évolution des crédits de titre 2 de la réserve opérationnelle

Gendarmerie nationale

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

LFI

40

62

62

98,7

98,7

70,7

70,7

Exécuté

52,62

66,12

101,67

55,5

89,31

63,4

nc

Écart

+12,62

+4,12

+39,67

-43

-9,4

-7,3

nc

Source : Cour des comptes, SSP BSB/DGGN.

Police nationale

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

LFI

15,97

24,1

28,18

39,1

39,1

29,1

29,1

Exécuté

21,88

27,4

33,4

29,9

26,1

24,3

nc

Écart

+5,91

+3,3

+5,22

-9,12

-13

-4,8

nc

Source : Cour des comptes, DROPN/DRCPN.

L’emploi des réservistes a nettement progressé jusqu’en 2018 avant d’être brutalement réduit pour financer les autres priorités du ministère. Cette rupture a conduit à différer l’ouverture de la réserve de la police nationale à la société civile et à un sous-emploi des réservistes particulièrement délétère pour leur fidélisation.

À plus long terme, la poursuite des mêmes cibles de recrutement avec une ressource budgétaire amoindrie est évidemment un facteur de sous-emploi et donc de frustration des réservistes.

2.   Des réserves qui pourraient changer de paradigme

Les rapporteurs invitent à reconsidérer les objectifs d’accroissement des effectifs fixés à certaines réserves opérationnelles militaires qui paraissent aujourd’hui déconnectés de leurs besoins réels.

La frustration exprimée par plusieurs jeunes réservistes de la marine nationale et de l’armée de l’air à propos de leur nombre de jours d’emploi, la part relative des ab initio dans les effectifs de ces réserves opérationnelles de premier niveau (moins de 40 % contre 65 % dans la gendarmerie) et dans l’activité suggèrent que la poursuite d’une politique de recrutement massive et indifférenciée doit laisser place à une politique de recrutement plus adaptée aux caractéristiques des forces armées. Mieux vaut moins de réservistes employés que des objectifs de recrutement indifférenciés et un sous-emploi frustrant.

Les besoins de la marine nationale, de l’armée de l’air, ainsi que des directions et des services du ministère des Armées sont réels. Ils concernent avant tout des profils spécialisés qui servent dans les états-majors, les directions ou les services où ils sont souvent indispensables, comme en témoignent le nombre de jours d’activité rapporté aux missions exercées. D’après les réponses fournies par la direction du personnel militaire de la marine, « le concept d’emploi de la réserve à l’horizon 2030 doit prendre en compte les nouvelles menaces qui sont liées au domaine de la cyber défense, la lutte contre les drones ainsi que la protection de nos satellites. Le recours à des réservistes spécialistes sera donc indispensable pour être au rendez-vous. » Pour l’armée de l’air, « les réservistes de haut niveau devraient […] faire l’objet d’une attention particulière, leur recrutement étant facilité par l’établissement de conventions entre certaines grandes écoles et universités et la Garde nationale, tout comme les réservistes spécialistes, qui ne sont pas encore assez nombreux. » Pour autant, ces deux armées n’exposent pas de doctrine sur le rapport souhaitable entre réservistes, spécialistes sous contrat (au besoin à temps partiel) et militaires d’active.

S’agissant des jeunes, le recrutement dans la réserve est souvent indissociable de celui de l’active et la réserve opérationnelle est utilisée comme un outil de pré-recrutement. Dans la marine nationale, par exemple, à l’issue d’une préparation militaire, environ 15 % des stagiaires s’engagent comme militaire d’active et environ 3 % s’engagent dans la réserve.

Si, compte tenu de la nature de leurs missions, la marine nationale, l’armée de l’air, ainsi que les autres directions et services du ministère des Armées qui emploient des réservistes peuvent être exonérées de l’objectif de contribuer à la résilience de la Nation, au lien armée-Nation et à la sensibilisation de la jeunesse aux besoins de la défense nationale par l’animation d’une réserve de masse, il devrait être envisagé de permettre une fongibilité entre les dépenses de titre 2 de l’active et celles de la réserve. Dans cette hypothèse, les gestionnaires auraient toute latitude pour déterminer comment employer les ressources humaines à leur disposition pour accomplir leurs missions, sous réserve du respect de certaines règles pour éviter des dérives ou des conflits d’intérêts. Paradoxalement, en favorisant l’emploi, cette mesure pourrait contribuer à améliorer l’expérience et la satisfaction des réservistes ab initio, qui seraient mieux sélectionnés mais plus employés.

En somme, il s’agit de substituer à un pilotage par enveloppe budgétaire un pilotage par objectifs et règles d’emploi. Les objectifs doivent être de satisfaire les besoins des armées, directions et services du ministère des Armées et des organismes interarmées, notamment de la chaîne OTIAD, en offrant des parcours satisfaisants pour des réservistes mieux fidélisés.

Les rapporteurs constatent qu’il est difficile de définir une autre norme que celle de la satisfaction réciproque avec des indicateurs associés. Imposer un minimum ou un maximum de jours d’emploi, par exemple, serait contreproductif pour des réservistes temporairement moins disponibles à la suite d’un évènement professionnel ou personnel ou au contraire pour des réservistes très impliqués. La réserve opérationnelle doit rester une modalité d’emploi souple pour les états-majors comme pour les réservistes et reposer sur le volontariat. Mais les candidats à la réserve opérationnelle de la marine nationale doivent savoir qu’ils n’ont quasiment aucune chance d’embarquer sur un navire avant de s’engager.

En conclusion, les rapporteurs alertent sur le fait que ce changement de paradigme n’est pas forcément synonyme de moindres besoins financiers, la rémunération des réservistes spécialistes et de réservistes opérationnels qualifiés étant nécessairement élevée.

3.   Une possible remontée en puissance dans l’armée de terre

Toutes les remarques faites précédemment sont valables pour l’armée de terre qui pourrait toutefois avoir un objectif supplémentaire, structurant, celui d’animer une réserve contribuant à la défense opérationnelle du territoire et affermissant le lien armée-Nation, et se voir conférer un budget associé.

a.   Un complément indispensable aujourd’hui

S’entretenant avec les rapporteurs, le chef d’état-major de l’armée de terre a fait un double constat. Premièrement, la situation internationale impose désormais de se préparer à des conflits de haute intensité et le contrat opérationnel « TN 10 000 », autrement dit, l’obligation de projeter 10 000 hommes sur le territoire national, est devenue une mission quasi permanente qui pèse directement sur la capacité d’entraînement de l’armée de terre. Deuxièmement, les conflits à venir, s’ils nécessiteront toujours sans doute de projeter des troupes à l’étranger, imposeront de maintenir un haut niveau de protection du territoire national.

Dans ce contexte, la RO1 est aujourd’hui un complément indispensable qui permet à l’armée d’active de mieux remplir ses missions. La réserve de masse antérieure à 1999, qui reposait sur l’obligation, est devenue une réserve de volontaires régulièrement employés en réponse à des menaces dites « du bas du spectre », c’est-à-dire de faible intensité, et de compléments individuels permettant de combler des lacunes dans les états-majors et dans le soutien. Ce modèle repose sur l’adéquation entre des besoins de l’armée de terre et les disponibilités de réservistes volontaires.

Si elle est un complément tout à fait appréciable, il ne saurait être question de transférer la mission de protection du territoire national à la réserve opérationnelle de l’armée de terre. Chaque année, le 24e régiment d’infanterie (24e RI), seul régiment uniquement composé de réservistes de l’armée de terre, parvient à projeter au mieux trois unités Proterre de trente réservistes pendant deux mois. Par ailleurs, avec 120 réservistes en moyenne, chaque régiment projette en moyenne deux sections Proterre (60 réservistes en tout) pendant un mois par an. Or, le contrat opérationnel « TN 10 000 » requiert 330 unités Proterre chaque mois, pendant plusieurs mois parfois. Autrement dit, sur deux mois et lorsque Sentinelle est déployée à 7 000 hommes, le 24e RI contribue au mieux à hauteur d’1,28 % à l’effort demandé. Même pour remplir la mission « TN 3 000 », qui requiert une centaine d’unités Proterre, le 24e RI ne représente que 3 % de l’effort. « C’est tout à fait remarquable mais ce n’est pas à proprement parler un game changer », selon le général Thierry Burkhard. Pour assurer la remontée en puissance à 7 000 de la force Sentinelle entre novembre 2020 et mars 2021 comme l’a demandé le président de la République, le général Burkhard avait imaginé mobiliser environ 50 % de la RO1 au bout de deux mois, grâce au préavis ainsi donné. Cela n’a pas été possible.

Chacun comprend que confier la mission Sentinelle à la réserve opérationnelle n’aurait pas de sens. Le vivier de réservistes devrait être incommensurablement plus élevé, sauf à ce que le cadre légal contraigne davantage les employeurs à libérer leurs collaborateurs. Par ailleurs, tous ces réservistes devraient être hébergés sur leur lieu de convocation puis d’emploi, compte tenu du fait que le plan de stationnement des forces ne couvre pas l’ensemble du territoire, vêtus, équipés et véhiculés en propre tandis qu’aujourd’hui ils partagent avec l’active les matériels, certains équipements et les infrastructures d’entraînement. Des difficultés de ce type ont déjà été recensées lorsque des patrouilles Sentinelle se sont déployées dans des villes éloignées de toute implantation militaire.

b.   Une réserve contribuant mieux à la défense opérationnelle du territoire demain

Les rapporteurs jugent plus utile de considérer le projet alternatif du chef d’état-major de l’armée de terre, plus conforme aux missions de celle-ci et à l’évolution des menaces. À plus long terme, c’est-à-dire à partir de 2025, le CEMAT estime qu’il sera nécessaire de disposer d’une réserve qui pourrait mieux contribuer à l’effort de l’armée de terre en cas de conflit de haute intensité. Le projet retenu devrait alors s’accompagner d’un budget cohérent et d’un cadre budgétaire adapté.

La RO1 de l’armée de terre n’est pas aujourd’hui pensée, entraînée et équipée pour s’engager sur d’autres missions que la garde d’emprise, la surveillance ou des patrouilles telles que celles réalisées dans le cadre de l’opération Sentinelle. Ces unités ne sont pas prêtes à être engagées dans un combat de haute intensité.

Un premier axe d’étude porte sur l’idée d’employer davantage la réserve opérationnelle sur le territoire national, comme une force constituée, sur le modèle du 24e RI. Cet axe suscite beaucoup de questions : le modèle du 24e RI est-il imaginable ailleurs qu’à Paris où résident beaucoup d’étudiants ? Est-il envisageable dans des régions dépourvues de régiments ? Et enfin, le cadre réglementaire serait-il adapté ? Si le fait de devenir réserviste reste un acte de volontariat, faut-il imaginer des exigences renforcées en termes de disponibilité ? Les réservistes n’y sont généralement pas opposés mais font état des inquiétudes de leurs employeurs. Le cadre légal devrait-il les contraindre davantage à libérer leurs collaborateurs ? Faut-il imaginer des formes de compensation ? Des convocations plus contraignantes en fonction de la situation sur le territoire national ? La Garde nationale, créée en 2016, semble bien positionnée pour conduire les réflexions sur l’évolution du cadre réglementaire ainsi que les mesures d’accompagnement et de valorisation. Elle a déjà permis des avancées significatives dans ce domaine. Mais, selon le général Burkhard, les accords avec les administrations ou les entreprises sont très peu contraignants. « Ne nous leurrons pas ; on n’a pas changé le regard des entreprises françaises et des administrations sur la nécessité des réserves sauf pour une petite minorité », a-t-il estimé.

Un deuxième axe d’étude porte sur l’idée d’unités équipées et formées pour un engagement de haute intensité. Pourrait-on avoir des escadrons de transport qui seraient d’une grande utilité en cas de conflit et dont l’utilité en temps de paix n’est pas indispensable ? Des batteries d’artillerie de réservistes ? Des escadrons de circulation ? Cela impliquerait d’entraîner les réservistes sur des savoir-faire spécifiques et de les équiper à cette fin. Il faudrait toutefois se garder de la tentation de remplacer des unités d’active par des unités de réservistes : ces dernières venant en complément des premières et non en substitution.

Compte tenu des contraintes de disponibilité des réservistes qu’il ne serait possible de lever qu’au prix de leur employabilité ou de mécanismes de dédommagement très coûteux pour les employeurs civils, les rapporteurs préconisent plutôt d’investir dans le recrutement et la formation de réservistes plus formés et mieux fidélisés, à l’instar de ce qu’ils recommandent pour les autres armées, directions et services. Le financement du projet de disposer de petites unités de réserves très agiles se justifie en vertu de l’objectif de résilience face aux nouvelles menaces mais aussi parce qu’il répond à l’objectif qui pourrait continuer d’être assigné au ministère des Armées via l’armée de terre d’affermir le lien entre les armées et la Nation, et plus particulièrement entre les armées et la jeunesse.

4.   Un succès à conforter dans la gendarmerie nationale

Première des réserves militaires en effectifs, la RO1 de la gendarmerie nationale est l’autre réserve militaire dont les rapporteurs jugent opportun de continuer à augmenter les effectifs, à condition toutefois que ceux-ci puissent être correctement formés et véritablement employés et que la gendarmerie parvienne à se prémunir contre des dérives telle que la quasi-professionnalisation de réservistes à temps partiel et la surenchère indemnitaire qu’ont connu les sapeurs-pompiers volontaires (cf. infra III.A).

a.   Un bel exemple d’intégration

Le maillage territorial étroit de la gendarmerie nationale et la perspective d’un emploi véritablement opérationnel, intégré dans les forces, au quotidien, expliquent en grande partie le succès de sa réserve opérationnelle, qui suscite beaucoup d’envies dans d’autres administrations.

Tandis que les anciens militaires manifestent un souci de transmettre et de rester en contact avec l’institution, les volontaires issus de la société civile (deux tiers des effectifs) viennent y assouvir le désir de servir leur pays en protégeant leurs concitoyens – une motivation accrue par les attentats terroristes –, d’occuper une fonction opérationnelle, d’évoluer dans un cadre militaire, avec ses valeurs, et d’avoir une première expérience dans un univers professionnel qu’ils envisagent de rejoindre. Parmi eux, il existe une forte proportion d’étudiants, de l’ordre de 25 %, dont beaucoup utilisent la réserve opérationnelle comme tremplin vers les concours de la gendarmerie. 20 % des réservistes opérationnels démissionnaires deviennent ainsi militaires d’active, beaucoup utilisant la possibilité de devenir sous-officier par concours interne. Plus d’un tiers des réservistes opérationnels ont moins de trente ans. 21 % des réservistes sont des femmes, ce qui fait de la RO1 de la gendarmerie la plus féminisée des réserves militaires.

Pour les rapporteurs, cette large ouverture à la société civile et en particulier à la jeunesse et la transmission aux réservistes de savoir-faire et savoir-être qui contribuent à la sécurité collective au quotidien et à la résilience de la Nation en cas de crise majeure justifient pleinement qu’un investissement financier soit consenti pour la réserve de la gendarmerie nationale, à l’instar de celle de l’armée de terre. Les effectifs de la RO1 de la gendarmerie nationale représentent déjà 39 % du total des effectifs de la Garde nationale et 43 % des effectifs des réserves opérationnelles militaires, ce dont les rapporteurs se félicitent.

Si l’emploi des réservistes est indéniablement avantageux financièrement pour la gendarmerie nationale, et lui offre des marges de manœuvre appréciables, ce n’est pas là la raison d’être d’une réserve. L’emploi quotidien des réservistes représente l’équivalent de près de 5 % du personnel d’active dans la gendarmerie. Pour autant, la forte augmentation de la contribution des réservistes pose la question de l’arbitrage entre le recrutement de personnels permanents et celui de réservistes dont le coût est, il est vrai, bien inférieur. Les rapporteurs souscrivent à la volonté affirmée par le commandement des réserves de la gendarmerie de « professionnaliser » les réservistes de la gendarmerie, avec, en ligne de mire, l’organisation des grands événements internationaux de 2023 et 2024 (Coupe du monde de Rugby, Jeux Olympiques). Cette professionnalisation, souhaitable dans une certaine mesure, ne doit pas remettre en cause l’ouverture de la RO1 de la gendarmerie, en concentrant l’emploi sur les réservistes les plus disponibles (150 jours par an) au détriment de la capacité d’intégration de nouveaux volontaires (disponibles entre 10 et 30 jours par an), ni aboutir à une semi-professionnalisation de réservistes à temps partiel à l’instar de la dérive observée chez les sapeurs-pompiers volontaires. Cette professionnalisation paraît en outre contradictoire avec les budgets et les objectifs de recrutement annoncés (voir infra).

b.   Un modèle en termes de gestion et de formation

La capacité de la gendarmerie nationale à animer sa RO1 et à l’employer est un autre motif de satisfaction et justifie que la priorité à accorder à cette réserve. Elle peut s’appuyer sur des outils performants, à l’instar du logiciel Minot@ur (Moyen d’information opérationnelle du traitement automatisé des réserves) – inventé par un réserviste, standardisé par la gendarmerie, et bientôt disponible sous la forme d’une application mobile.

Le logiciel Minot@ur permet à la gendarmerie de signaler des besoins particuliers (durée de la mission, localisation, profil recherché), qui peuvent être diffusés au niveau départemental, régional ou national. Ainsi pour la mise sur pied des compagnies de réservistes qui sont intervenues à Saint-Martin après l’ouragan Irma, plusieurs appels à volontaires ont été mis en ligne au niveau national. Ils ont permis de sélectionner 145 réservistes parmi 1 500 candidats, ce qui montre la réactivité des réservistes. La possibilité pour certains réservistes d’être déployés à l’international dans le cadre d’un groupe de projection international est un nouveau facteur d’attractivité important.

Les rapporteurs soulignent aussi la qualité de la formation dispensée aux réservistes à l’issue de laquelle ils sont reconnus aptes au port d’une arme et ont la qualité d’agent de police judiciaire adjoint (APJA). L’usage de modalités d’enseignement à distance, sur Internet, permet d’optimiser le temps de formation en présentiel et de garantir un haut niveau de compétences chez les réservistes. C’est une prouesse que les rapporteurs jugent insuffisamment mise en avant.

Compte tenu de son ouverture et de son contact avec le public, les rapporteurs ont exprimé leur souci que la gendarmerie soit effectivement en mesure de se prémunir contre le détournement de la réserve par certains individus à des fins commerciales, prosélytes ou radicales. Il n’est pas admissible en effet qu’un réserviste profite de ses patrouilles pour faire de la publicité pour une offre de vidéosurveillance ou que la réserve permette indirectement à des délinquants de s’informer sur l’organisation de la gendarmerie. Le général Kim a indiqué a que le principal risque résidait dans le conflit d’intérêts – une situation dans laquelle le recrutement était tout simplement annulé. Pour le reste, il a expliqué que les candidats devaient obligatoirement fournir une copie du bulletin numéro deux de leur casier judiciaire, et qu’ils étaient systématiquement passés au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Il a insisté sur le fait que les réservistes en activité étaient soumis au même contrôle hiérarchique que les gendarmes d’active, et qu’en cas de dérives, une exclusion de la réserve était possible.

Le commandant des réserves de la gendarmerie nationale indique enfin avoir mis en œuvre les recommandations de la Cour des comptes relatives au recrutement de réservistes spécialistes, certains recrutements ayant paru « discrétionnaires » à la Cour des comptes. Les rapporteurs s’en félicitent en rappelant leur souhait que des mécanismes rigoureux de contrôle permettent d’éviter les conflits d’intérêts ou une instrumentalisation de la réserve.

c.   Des aléas budgétaires très pénalisants

Les aléas qui caractérisent les ressources budgétaires de la réserve de la gendarmerie nationale sont, comme indiqué précédemment, particulièrement délétères. Il convient d’y mettre fin dans les meilleurs délais, conformément aux priorités définis dans la stratégie nationale que les rapporteurs appellent de leurs vœux.

Les efforts de gestion que la gendarmerie avait entrepris pour accélérer les paiements des soldes des réservistes ont ainsi été rendus inopérants puisqu’elle n’a plus été en mesure de payer les indemnités journalières dues aux réservistes à partir de juillet 2018.

Les variations infra annuelles brutales sont lourdes de conséquence pour beaucoup de réservistes qui organisent leur vie en fonction de leur activité de réserve (intérimaires, saisonniers, sportifs de haut niveau) ou ont besoin du complément de revenu apporté par la réserve (étudiants, demandeurs d’emploi, parents en congé parental). Elles nuisent considérablement à la fidélisation des réservistes en limitant la capacité de la gendarmerie à leur donner de la prévisibilité – pourtant un atout de la RO1 de la gendarmerie nationale par rapport à d’autres réserves. Surtout, comme dans d’autres réserves, il est indispensable de mettre fin à la décorrélation entre les objectifs fixés en termes d’effectifs et les ressources budgétaires permettant d’employer effectivement les réservistes recrutés.

Le général de division Kim a précisé que 26 millions d’euros de budget supplémentaires devaient être consacrés aux dépenses de titre 2 de la réserve de la gendarmerie en 2022, suffisamment pour employer 6 700 réservistes supplémentaires. Mais les effectifs de la réserve opérationnelle de la gendarmerie devraient être portés à 50 000 personnes d’ici 2024 en application des nouveaux objectifs fixés par le Gouvernement, un objectif de recrutement à nouveau très élevé par rapport au budget d’emploi de cette réserve qui fera nécessairement chuter le nombre moyen de jours d’emploi.

La gendarmerie nationale a peut-être trouvé, à la marge, une solution à cette équation apparemment insolvable dans le développement de partenariats (voir infra).

d.   Des innovations très intéressantes

Grâce à sa plateforme Minot@ur, la gendarmerie nationale optimise l’emploi des réservistes sur l’ensemble du territoire national. Elle peut en effet adresser des appels à volontaires pour des missions d’intérêt national. Après l’ouragan Irma, par exemple, en quelques heures, 1500 réservistes avaient répondu à l’appel à volontaires de la gendarmerie pour un engagement de trois mois dans des conditions difficiles ; 145 ont été déployés.

Des réservistes ont aussi  été mobilisés lors des crises sociales de 2018 et 2019, notamment sur les manifestations « gilets jaunes ». Ils ont aussi apporté un renfort décisif dans la lutte contre le terrorisme, une mission qui a elle aussi permis de projeter les réservistes en dehors de leur région d’origine. Le commandant des réserves de la gendarmerie a aussi cité l’exemple de l’opération Limes pour la protection des frontières après l’attentat de Nice en octobre 2020, pour laquelle le ministre de l’Intérieur a décidé un engagement massif des réservistes – qui ont souvent été déployés en dehors de leur groupement.

Pour le commandant des réserves de la gendarmerie, la réserve opérationnelle est une « composante modulaire du temps de paix qui est en mesure de faire face en temps de crise ».

La mission Poséidon, en charge de la lutte contre les migrations clandestines vers le Royaume-Uni, emploie elle-aussi 90 réservistes par jour en moyenne, dont une moitié de locaux seulement. Or, le financement de cette mission est en partie apporté par le Royaume-Uni, a indiqué le général Kim. La gendarmerie nationale a en effet conclu un contrat avec les autorités britanniques encadrant la mise à disposition des réservistes de la gendarmerie au profit du Royaume-Uni afin de soutenir les forces britanniques dans la lutte contre l’immigration clandestine, notamment via les small boats qui traversent la Manche. Un protocole d’accord, daté du 13 novembre 2019 prévoyait la mise à disposition de 45 réservistes par jour pour 750 000 euros. Un avenant du 12 mars 2020 a ensuite prévu la mise à la disposition de 45 réservistes par jour pour 1,05 million d’euros. Le dernier protocole, signé le 23 novembre 2020, couvrait une période du 1er janvier 2021 au 7 mai 2021, et prévoyait le remboursement du passif (mise à disposition de réservistes depuis le 21 mars 2020) et le financement d’une compagnie de réserve territoriale de 90 personnels à partir 1er décembre 2020 jusqu’au 30 avril 2021 puis d’une compagnie de 45 personnels de réserve du 1er mai 2021 au 7 mai 2021. La somme de 8,2 millions d’euros sera ainsi remboursée par le gouvernement britannique et dévolue à l’activité des réservistes, dont 6,36 millions d’euros pour les dépenses de masse salariale. Une nouvelle convention est en cours de négociation pour la mise à disposition de gendarmes réservistes à partir de mai 2021.

La gendarmerie nationale a conclu d’autres partenariats lui permettant de partager le coût de l’animation de sa réserve et d’employer effectivement ses réservistes. Elle a par exemple conclu des partenariats avec des entreprises ou des collectivités territoriales prévoyant la mise à disposition de gendarmes pour assurer certaines missions, de sécurité ferroviaire notamment, avec la SNCF ([62]) ou Île-de-France Mobilités. ([63]) Ce partenariat est d’autant plus vertueux que la gendarmerie nationale compte parmi ses réservistes des salariés de ces entreprises de transport qui connaissent bien le terrain. Le général Kim a indiqué qu’il s’agissait d’un modèle activement développé par ses services qui participe d’une « coconstruction » de sécurité. Dans ces situations, le réserviste est financé par l’entreprise ou la collectivité territoriale – ce qui favorise son emploi sans peser sur le budget des réserves de la gendarmerie. Le général a souligné la spécificité des missions de la gendarmerie, qui contribuent à faire de sa RO1 une réserve « véritablement interministérielle ».

Suivant cette idée, les rapporteurs ont demandé à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) qui réfléchit actuellement à l’opportunité de créer une réserve, s’il ne serait pas plus opportun de conclure un partenariat avec la gendarmerie nationale (ou la marine nationale) pour la fourniture d’une prestation de sécurité qui, indirectement, fournirait à la gendarmerie une opportunité d’emploi pour ses réservistes. Compte tenu de ses besoins – à ce stade, la douane réfléchit plutôt à la fondation d’une réserve des garde-côtes disposant de compétences spécialisées –, ce partenariat n’a pas été envisagé mais les rapporteurs considèrent que cette piste pourrait être développée, par exemple avec l’administration pénitentiaire, pour certaines de ses missions.

Le président de la fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la gendarmerie nationale (Anorgend), le capitaine Renaud Ramillon-Deffarges a toutefois mis en garde contre la tentation d’utiliser des réservistes de la gendarmerie nationale en zone police. L’expérience a été tentée par certains préfets et a suscité des tensions lorsque certains de ces réservistes ont été affectés dans des commissariats. L’Anorgend est également hostile à la fusion des réserves de la gendarmerie et de la police dans une vaste réserve de sécurité intérieure.

5.   Un projet d’ouverture dans la police nationale

La réserve dite « civile » de la police nationale a deux composantes : une réserve statutaire, qui correspond à la RO2 militaire, et une réserve contractuelle de 6 500 anciens professionnels (anciens policiers et anciens adjoints de sécurité), proche de la RO1 militaire, à ceci près qu’elle n’emploie que peu de réservistes ab initio.

a.   Une réserve d’anciens professionnels

En théorie, depuis 2011 ([64]), la réserve dite « contractuelle » peut aussi employer des volontaires issus de la société civile. Les civils intégrés (9 % des effectifs de la réserve) ne peuvent en réalité exercer que des missions de soutien administratif et technique. Contrairement à la règle en vigueur dans les forces armées, la police nationale ne peut armer un réserviste issu de la société civile, même après une formation. Cela exclut les réservistes de quasiment toutes les missions en contact avec le public.

D’après le rapport de la Cour des comptes d’avril 2019 précité, cela semble « avoir découragé leur candidature dans la police nationale et, pour ceux qui ont persisté dans leur volonté de souscrire un ESR, les délais d’attente, le faible nombre des contrats signés et la faible appétence des services à les employer ont pu susciter des déceptions. Néanmoins les SGAMI, qui sont en charge du recrutement, font état d’une demande pour servir comme réserviste volontaire bien que le volume des candidatures soit en baisse. » La Cour dénonce « un décalage entre la communication effectuée par la Garde nationale et la réalité de la réponse. La communication effectuée sur le site internet de la DGPN maintient cette ambiguïté. Cette dernière indique que les missions réservées au civil sont limitées aux situations qui ne nécessitent pas de port d’arme, tout en laissant à penser que l’emploi de personnes issues de la société civile est possible. »

En 2020, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a confié au commissaire divisionnaire Stéphane Folcher la mission de préfigurer une nouvelle réserve de 30 000 volontaires issus de la société civile, avec une première intégration d’environ 2 000 réservistes prévue en 2022, une deuxième de 3 000 réservistes l’année suivante puis une moyenne de 2 500 réservistes recrutés et formés par an à l’horizon 2024. L’objectif devrait dès lors être atteint à la fin des années 2020.

Pour le commandant, pour réussir cette transformation, la police nationale doit repenser son organisation et ses schémas d’emploi. Ce bouleversement fournit également une opportunité d’affermir le lien entre la police et la population, et plus particulièrement la jeunesse, qui a pu se distendre ces dernières années, « mais n’est pas rompu », a insisté le commandant Folcher.

« La police ne doit pas rester en marge d’un mouvement d’intégration des réservistes opéré de longue date dans les armées et dans la gendarmerie nationale », a assuré le commissaire divisionnaire. Cette rénovation de la réserve de la police nationale a vocation à garantir à la jeunesse une place prépondérante. « Il n’est en effet pas envisageable que la réserve de la police nationale ne soit pas à l’image de la population au service de laquelle elle exerce la mission de sûreté des biens et des personnes et n’accueille pas les citoyens soucieux du respect des valeurs de la République. Camus disait dans Les Justes : “Je me suis fait policier pour être au cœur des choses”. » Le commandant Folcher espère qu’un boulanger pourra demain dire la même chose.

b.   Le projet d’une nouvelle réserve opérationnelle avec un fort ancrage local

L’ancrage territorial de la police, à travers son important maillage territorial, est un atout-clé pour la future réserve. Le commandant Folcher a également souligné l’important travail de communication d’ores-et-déjà engagé par la police nationale afin de préparer les futures campagnes de recrutement de cette réserve. Une montée en grade devrait être également prévue pour les réservistes opérationnels de la police, au nom de l’attractivité de la réserve. Le commandant Folcher a rappelé qu’il était important pour le réserviste de s’identifier pleinement à l’active, comme c’est le cas dans la gendarmerie ou dans les armées. Pour lui, cela peut également permettre de fidéliser les réservistes sur le temps long. L’idée est véritablement de créer une « carrière du réserviste », en lui permettant de progresser, y compris dans des postes de direction. Cette politique doit s’accompagner, pour le commissaire divisionnaire, de la mise en place de modules de formation adaptées. « Par ailleurs, une des raisons pour lesquelles les réservistes quittent les armées ou la gendarmerie est leur sous-emploi : la future réserve opérationnelle de la police doit éviter cet écueil ».

Après avoir fait acte de candidature, le volontaire serait reçu pour une audition puis ferait l’objet d’une sélection avant d’effectuer sa formation initiale, qui se déroulerait au moins en partie en immersion et devrait inclure une phase en hébergement commun.

Les services dans lesquels les réservistes opérationnels pourront exercer devraient avant tout être les services de sécurité publique. Pour le commandant Folcher, la mission principale du réserviste sera de s’investir dans le travail de relation au quotidien entre la police et la population, d’être au plus près des administrés et donc au contact dans des patrouilles. Les réservistes pourront également être affectés dans d’autres services, notamment au sein de la police aux frontières et de la préfecture de police.

c.   Une ouverture qui suscite des inquiétudes légitimes

Ce projet d’ouverture suscite des inquiétudes auxquelles le commandant Folcher s’emploie à répondre.

En premier lieu, à l’instar de la Cour des comptes, dans son rapport d’avril 2019 précité, les rapporteurs notent que la réserve de la police nationale se caractérise par sa fragmentation entre ses différentes directions, ce qui fait augmenter son coût de gestion. L’ouverture à la société civile implique une capacité d’encadrement des réservistes au quotidien qui ne doit pas être sous-estimée.

Les rapporteurs se sont interrogés sur la capacité du ministère de l’Intérieur à former convenablement plus de 30 000 individus supplémentaires quand les gardiens de la paix ne recevaient d’ores et déjà qu’une formation réduite. Le commandant Folcher a concédé que la montée en puissance de la réserve de la police nationale ne pourrait s’opérer dans des conditions satisfaisantes que si la police nationale « s’en donnait réellement les moyens ». L’évolution vers une réserve opérationnelle de volontaires impliquera nécessairement une formation, sans quoi les citoyens volontaires ne pourront s’insérer dans des services opérationnels de manière crédible et fiable. Si la gendarmerie nationale fait naturellement office de modèle, le commandant a aussi souligné que des adaptations seraient nécessaires. La formation initiale des réservistes de la gendarmerie, d’une durée de deux semaines, sera par exemple insuffisante dans le cas de la police : les spécificités des bassins de délinquance et la forte densité des zones police exigent en effet une formation plus importante, qui pourrait durer trois semaines. 44 heures de formation au tir et à l’usage des armes doivent être effectuées pour être apte au port d’une arme au sein de la police nationale, compte tenu de la densité dans les villes. Une formation initiale longue a un coût important, ce qui devra amener à effectuer un certain nombre d’arbitrages budgétaires. En tout état de cause, il faudra un budget conséquent et stable dans la durée.

Enfin, les rapporteurs observent que les réservistes de la police nationale bénéficient eux aussi, à l’instar des réservistes militaires, d’une exonération à l’impôt sur le revenu qui repose sur une décision du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 11 juin 2004, confirmée par une note de la direction générale des impôts du 2 mars 2012. Ces textes ne sont pas publiés et cette dépense fiscale n’est pas évaluée. Il va de soi qu’une augmentation importante du nombre de réservistes de la police nationale représentera un coût pour les finances publiques qui ne sera pas uniquement supporté par le ministère de l’Intérieur. Il pourrait aussi susciter des effets d’éviction avec les adjoints de sécurité, dont la rémunération, supérieure au SMIC, ne bénéficie pas de la même exemption.

B.   La réserve de cyberdéfense

La création et l’animation d’une réserve cyber n’a pas donné lieu à la création, en droit, d’un statut spécifique mais cette réserve fait un usage singulier des différents statuts de réservistes et éprouve plus particulièrement certains atouts et certaines limites de ces statuts.

1.   Une réserve plurielle

Historiquement, la réserve de cyberdéfense s’est beaucoup appuyée sur le statut de réserviste citoyen. En 2016, le réseau de la réserve citoyenne cyberdéfense (RCC) se composait de 150 membres répartis en sept groupes de travail et huit équipes régionales ([65]). En juin 2019, environ 500 réservistes citoyens étaient agréés dans le domaine de la cyberdéfense et l’objectif était d’atteindre un effectif de 4 000. L’objectif était de déployer un groupe chargé d’animer une équipe de réservistes cyber dans chacune des régions de France. Cette réserve citoyenne remplit des missions de sensibilisation aux risques cyber, d’aide au recrutement d’experts cyber et de rayonnement au sein des écosystèmes cyber industriel et académique. En termes d’effectifs, cette réserve citoyenne n’est pas contingentée et les agréments sont donnés au fur et à mesure des besoins pour les missions précitées.

Les réservistes bénévoles contribuent aux réflexions entourant l’avenir de la cyber sécurité et du numérique en général, et participent à la veille technologique et au rayonnement du Comcyber. Cette action en faveur du recrutement est d’autant plus importante que certaines spécialités rares sont particulièrement difficiles à trouver en nombre suffisant. Certaines spécialités de haut niveau ne sont en effet pas suffisamment représentées sur le marché du travail, une situation délicate qui contribue à mettre le Comcyber en concurrence avec le secteur privé qui propose bien souvent des rémunérations plus attractives après quelques années de carrière.

Le projet de réserve partagée entre le commandement de cyberdéfense (Comcyber), la gendarmerie nationale et l’agence nationale des systèmes d’information (ANSSI) n’a finalement pas vu le jour, faute d’intérêt opérationnel. Les effectifs de réservistes cyber se répartissent principalement aujourd’hui entre la gendarmerie nationale et le Comcyber. Les rapporteurs n’ont pas pu obtenir en temps utile d’information sur la réserve cyber de la gendarmerie nationale.

Créé en 2017, le Comcyber s’est vu doté de moyens conséquents conformément aux priorités fixées par les deux précédents Livres blancs, confirmées par La revue stratégique de défense et de sécurité nationale et son actualisation : 3 800 cybercombattants (4 500 prévus à horizon 2025) et 1,6 milliard d’euros pour la période couverte par la loi de programmation militaire 2019-2025. Le Comcyber emploie en outre 300 réservistes opérationnels en moyenne 30 jours par an, pour un budget de 314 000 euros (2019) et 70 réservistes citoyens historiquement rattachés à l’officier général de cyberdéfense qui a précédé la création du Comcyber.

Les réservistes opérationnels sont quant à eux répartis et intégrés dans les différentes unités de cyberdéfense comme le centre d’analyse de la lutte informatique défensive (CALID) – centre de responsabilité pour l’identification et la réponse aux cyberattaques. Une partie de ces réservistes est affectée au Comcyber mais rattachée administrativement à une des trois armées (et donc, pas sous le commandement « organique » de leur unité d’affectation). 10 % sont des experts de très hauts niveaux – surnommés « super geeks » – 50 % sont des informaticiens et des administrateurs réseaux au sens plus classique du terme et 40 % ne disposent pas de compétences avancées en informatique. Cette dernière catégorie, tout aussi essentielle, est composée d’experts en géopolitique, de linguistes, de psychologues et d’officiers et sous-officiers capables d’insérer les actions cyber dans les opérations conventionnelles des armées françaises.

2.   Un défi pour le recrutement mais pas pour la disponibilité ou la fidélisation

La communication habituelle des armées n’est pas adaptée à la cible du Comcyber. Une série télévisée comme Le Bureau des légendes a plus fait pour le recrutement de cyber combattants de réserve ou d’active que les campagnes de recrutement du ministère des Armées, la participation du Comcyber à des salons ou les Journées nationales de la réserve, d’autant que la cyberdéfense dépeinte dans la série est plutôt réaliste, d’après le général Philippe de Montenon, adjoint au général commandant la cyberdéfense. Le premier argument de recrutement du Comcyber est d’offrir un accès à un niveau de technologie rare et une participation à des actions dont la portée est exceptionnelle.

Les employeurs civils des réservistes étant très souvent des acteurs de la cyber sécurité eux-mêmes, ils reconnaissent volontiers la réelle plus-value représentée par l’engagement du réserviste. La disponibilité du réserviste cyber s’en trouve améliorée, d’autant qu’il peut effectuer une partie de son travail à distance.

Les motivations à servir dans la réserve sont nombreuses – technologie de pointe, valorisation professionnelle de cette expérience, adrénaline liée aux outils opérés et aux missions – de sorte que la fidélisation des réservistes est satisfaisante. Mais les rémunérations, plutôt attractives en sortie d’école d’ingénieur, sont moindres que celles du secteur privé en seconde partie de carrière. Tout en acceptant un certain roulement des effectifs, le Comcyber parvient à conserver ses effectifs pendant cinq ans, une durée en-deçà de laquelle le recrutement du réserviste n’est pas rentable.

3.   Une intégration et une valorisation spécifiques

a.   Un investissement dans la durée

Pour le général de Montenon, la mise sur pieds d’une réserve pleinement opérationnelle et parfaitement intégrée se fait nécessairement sur le temps long, et ce malgré le support de budgets et d’effectifs conséquents. Comme l’a montré sa propre expérience de chef de corps de régiment des forces spéciales, la constitution d’une réserve de 150 hommes, sur les 900 du régiment, a pris un temps important. Ainsi, dans le cas de la cyberdéfense, l’existence d’une ressource disponible et de qualité ne suffit pas à une intégration rapide : de nombreux volontaires se sont manifestés après les attentats de 2015, pourtant, les intégrer et les adapter aux besoins opérationnels du Comcyber nécessite un délai que le général de Montenon a jugé incompressible, et doit inclure un minimum de formation militaire. Le général a insisté sur transmission des fondamentaux que sont la loyauté, l’esprit de sacrifice, le respect de la mission et la conviction que tout ce qui est fait contribue globalement au succès des armes de la France.

Ce long processus d’intégration exige également une certaine évolution des mentalités dans certaines unités d’active. Pour le général, il est parfois difficile, en tant que chef d’une unité militaire encore en gestation, de concilier gestion des opérations et accueil de réservistes à la disponibilité fluctuante et parfois dépourvus de culture de l’organisation militaire.

b.   Une valorisation et des parcours qui doivent être adaptés

Les spécificités des réservistes spécialistes employés dans la cyberdéfense créent des opportunités mais suscitent des besoins particuliers.

Ainsi, les critères d’aptitude médicale peuvent être adaptés, ce qui a notamment permis de recruter un réserviste opérationnel à mobilité réduite.

En revanche, les compétences spécialisées nécessaires au recrutement impliquent une surreprésentation des cadres parmi les réservistes, qui sont souvent intégrés avec un statut de réserviste spécialiste – qui permet l’attribution directe de grades élevés, mais ni la montée en grade ni la mobilité. Cette situation a amené le général de Montenon à se rapprocher du délégué interarmées aux réserves pour entamer une réflexion sur les parcours de carrière des réservistes opérationnels cyber. Il s’agit de leur permettre d’évoluer au cours du temps, sans pour autant les obliger à valider un nombre trop important de stages ou de formations sur leurs jours d’engagement à servir dans la réserve (ESR).

4.   Un contrôle rigoureux des motivations et des conflits d’intérêts

Le général de Montenon a mis en garde contre certains écueils : il ne serait pas admissible que des volontaires provenant d’entreprises du cyber cherchent à s’engager dans un but mercantile, en promouvant leur entreprise.

Le Comcyber veille à ce que les règles du secret défense, le besoin d’en connaître et les procédures d’habilitation soient rigoureusement appliquées. La direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) joue un rôle important dans ce domaine en examinant le profil des candidats réservistes et en exerçant un suivi.

C.   Les réserves citoyennes

Les réserves citoyennes du ministère des Armées forment un ensemble protéiforme dont l’animation et l’utilité sont variables.

1.   Un concept en proie à beaucoup d’évolutions depuis 1999

Créée par l’article 19 de la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 relative à l’organisation de la réserve militaire et du service de défense, la réserve citoyenne avait « pour objet d’entretenir l’esprit de défense, de renforcer le lien entre la Nation et ses forces armées et de fournir, dans les conditions prévues à l’article 21, les renforts nécessaires à la réserve opérationnelle ». Autrement dit, il s’agissait d’un vivier, d’un réservoir pour la réserve opérationnelle. Aujourd’hui, les réserves citoyennes sont devenues des outils de rayonnement ou d’ouverture.

Les effectifs des réserves citoyennes de défense et de sécurité en 2021

(unités)

Force

Effectif

Armée de terre

1 717

Marine nationale

350

Armée de l’air et de l’espace

1 600

Gendarmerie nationale

1 700

Police nationale

115

Cyberdéfense

70

Source : secrétariat général de la Garde nationale.

a.   Du réservoir de force au think tank

Cette évolution a incité les forces armées à développer un réseau d’influence en agréant des chefs d’entreprise, des avocats, des décideurs publics, etc., au bénéfice des relations civilo-militaires. Si tous signent une lettre de mission, en pratique, leur action au service des armées est très variable et ne semble pas avoir fait l’objet d’une évaluation.

Jusqu’en 2015, la réserve citoyenne des forces armées a surtout contribué bénévolement aux Journées d’appel et de préparation à la défense ainsi qu’aux commémorations. En 2003, ont été créés les réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté pour favoriser l’action des armées dans les banlieues (y compris le recrutement) puis contribuer aux plans « égalité des chances ».

L’armée de terre et l’armée de l’air et de l’espace ont longtemps privilégié les réseaux locaux autour des régiments et des bases aériennes, le statut de réserviste citoyen étant utilisé comme une distinction dans le cadre d’une sorte de politique de bon voisinage. Les missions confiées au réserviste citoyen peuvent être de participer ou d’organiser des commémorations, d’organiser des manifestations culturelles, des activités pour les jeunes, de participer à des enseignements sur la défense à l’école, de contribuer aux relations avec le trinôme académique, de favoriser le recrutement dans l’active et la réserve, la reconversion des anciens militaires et en particulier des blessés, de contribuer au rayonnement des armées ou d’apporter des expertises variées.

Dans la marine nationale, « le critère principal de recrutement est que le candidat réponde à un besoin de la marine. Est aussi prise en compte la capacité du candidat à participer au rayonnement de la marine, ce qui est évalué en considérant ses réseaux, sa position professionnelle, sa motivation dans ce domaine. » ([66]) À l’instar de la gendarmerie nationale, qui présente ses réservistes citoyens comme « le think tank de la DGGN », la marine a constitué un réseau de professionnels de haut niveau dans 17 secteurs professionnels.

Le service de santé des armées a une politique de recrutement beaucoup plus précise appuyée sur une doctrine d’emploi : « les orientations actualisées (plan d’action pour la réserve du SSA 2020-2021) en matière de recrutement pour sa réserve citoyenne et pour son renouvellement sont le rajeunissement (âge inférieur à 75 ans), une réelle insertion dans les différents milieux professionnels, universitaires, ordinaux, associatifs etc. et une implication dynamique de ses membres ». La réserve citoyenne du SSA a ainsi vocation à contribuer au recrutement de l’active et de la réserve de ce service.

Au service de l’énergie opérationnelle, la réserve citoyenne est « en refondation depuis un an ». Constituée jusqu’alors en grande partie d’anciens cadres du service reconvertis dans le secteur pétrolier, elle devrait dorénavant accueillir davantage « des experts, issus notamment de la société civile, pouvant ainsi constituer un apport pertinent dans le cadre de l’élargissement des missions du SEO avec notamment la création de la division “Energie opérationnelle” au sein de l’état-major des armées. »

b.   Des bénévoles employés dans le renseignement ou la cyberdéfense

La loi n° 2015‑912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement a modifié les dispositions codifiées aux articles L. 4211‑1 et L. 4111‑2 du code de la défense. La nouvelle rédaction, issue d’un amendement du rapporteur de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, a permis aux services de renseignement spécialisés du ministère de la Défense, en particulier la direction du renseignement militaire (DRM), d’avoir recours à des volontaires de la réserve opérationnelle et de la réserve citoyenne pour exercer des fonctions correspondant à leur qualification professionnelle civile, sans formation militaire spécifique. On retrouve l’ancienne distinction entre une réserve opérationnelle et une réserve citoyenne, réservoir de forces de la première, en particulier dans le domaine de la cyberdéfense.  

c.   Un facteur d’ouverture

Par la suite, dans le contexte d’engouement pour la réserve qui a suivi les attentats de 2015, la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a renommé la « réserve citoyenne » : « réserve citoyenne de défense et de sécurité », et l’a incluse dans l’ensemble plus vaste des « réserves civiques » comprenant les réserves citoyennes d’autres ministères comme celle de l’Éducation nationale (voir infra). Comme en témoignent les travaux préparatoires, la volonté du Législateur était d’instituer « une réserve citoyenne de portée générale [afin] d’offrir à tous la possibilité de participer, à titre bénévole et occasionnel, à la réalisation de projets d’intérêt général [… et de] contribuer à développer la fraternité, la cohésion nationale et la mixité sociale. » Il s’agissait aussi de donner un cadre à l’engagement de citoyens ayant dépassé la limite d’âge pour s’engager dans la réserve opérationnelle ou souhaitant mettre bénévolement leurs compétences à la disposition des forces armées.

D’une conception très différente de celle des réserves citoyennes des armées et de la gendarmerie, la réserve citoyenne de la police est destinée à « renforcer le lien entre la Nation et la police nationale, à des missions de solidarité, de médiation sociale, d’éducation à la loi et de prévention, à l’exclusion de l’exercice de toute prérogative de puissance publique ». Elle fait appel à des citoyens qui seraient disposés à accomplir bénévolement des missions de soutien (dans les commissariats, dans les aéroports ou en administration régionale ou centrale, etc.).

2.   Un cadre et une doctrine d’emploi peut-être trop informels à ce jour

Parce qu’ils « ne coûtent rien », le recrutement des réservistes citoyens a pu et peut encore être assez libéral. Les forces armées, directions et services du ministère des Armées et la police nationale n’ont pas d’objectifs chiffrés en la matière. Leurs politiques de recrutement, leurs objectifs et leur investissement dans l’animation de ces réserves est variable, ce qui peut présenter des risques.

a.   Un encadrement insuffisant

En application de la loi précitée du 27 janvier 2017, les refus d’agrément dans une réserve citoyenne ou de renouvellement de cet agrément doivent être motivés. Il semble que cela ne soit pas systématiquement le cas.

Les candidats réservistes citoyens ne font l’objet d’enquêtes de sécurité que depuis mars 2019 dans les forces armées alors que leur appartenance à la RCDS favorise leur proximité avec la sphère opérationnelle et donc avec des informations sensibles que leur statut pourrait, en atténuant la réserve de leurs interlocuteurs, leur permettre d’obtenir plus facilement.

Les rapporteurs alertent aussi sur le fait que, compte tenu des missions qui leur sont parfois assignées, des réservistes citoyens peuvent se trouver en situation de réaliser bénévolement au profit des armées des prestations intellectuelles (conseil en organisation, conseil en ressources humaines, conseil dans les systèmes d’information) qui sont par ailleurs commercialisées par les entreprises pour lesquelles ils travaillent. Cela peut mettre en difficulté des salariés eu égard à la loyauté qu’ils doivent à leur employeur mais pourrait aussi influencer certains choix capacitaires ou organisationnels et être considéré comme des pratiques anticoncurrentielles au sens du code des marchés publics. Les rapporteurs estiment que les directives internes qui régissent le recrutement et l’emploi des réservistes citoyens devraient prévoir certaines incompatibilités afin de mieux prévenir d’éventuels conflits d’intérêts.

Tous ces risques ont été bien aperçus au Comcyber qui emploie beaucoup de réservistes spécialistes et citoyens, dont les employeurs civils sont très souvent des acteurs de la cybersécurité. Ces réservistes sont rigoureusement enquêtés au préalable par la DRSD. Les réservistes citoyens du Comcyber sont systématiquement pourvu d’une lettre mission personnalisée et clairement cadrée – et ce dans le but d’éviter toute dérive éventuelle. Ils doivent réussir à faire la part des choses entre leur mission au titre de la réserve, l’intérêt de leur employeur et le leur. La réaction du commandement doit être immédiate en cas de dérive, ce qui suppose un effort particulier de suivi et de contrôle.

b.   Une animation inégale

Une certaine ambiguïté autour des missions des réservistes citoyens et la difficulté de nombreux « employeurs » à les utiliser créent aussi de la déception chez les réservistes citoyens eux-mêmes, dont beaucoup s’estiment mal ou sous-employés voire utilisés à des tâches inutiles. D’autres s’estiment insuffisamment informés. L’animation de la RCDS semble en effet inégale. Pendant la crise sanitaire, par exemple, nombre de réservistes citoyens auraient aimé qu’on fasse appel à eux pour concevoir des manœuvres logistiques ou y participer ou, pour les professionnels du monde de la santé, qu’on leur propose de leur mettre à disposition des compétences dans le cadre de ce réseau. Cela n’a pas été le cas, ce que certaines personnes entendues par la mission d’information ont regretté.

Les réservistes citoyens sont majoritairement des hommes et des cadres ou des professions intellectuelles supérieures. Si cet état de fait n’est pas nécessairement problématique, il interroge : le recrutement de jeunes ne serait-il pas de nature à contribuer à une politique de recrutement dans l’active et la réserve ? Les forces armées, direction et services ne parviennent-elles pas à susciter l’intérêt des femmes ou des plus jeunes ?

c.   Une confusion délétère avec les réservistes opérationnels et l’active

L’âge moyen et médian des réservistes citoyens du ministère des Armées s’établit ainsi à 55 ans environ, ce qui explique qu’ils entrent en concurrence symbolique avec les réservistes opérationnels honoraires qui souffrent de l’accueil chaleureux réservé à ces bénévoles qui se voient attribuer des grades très élevés eu égard à leur niveau de responsabilité dans le civil.

D.   Les réserves opérationnelles de deuxième niveau

Les hypothèses de mobilisation des réserves de deuxième niveau sont prévues par la loi (articles L. 2141-1 et suivants du code de la défense). Le rappel de ces réservistes peut ainsi s’effectuer, comme celui de l’ensemble des réservistes militaires opérationnels :

– en cas de mobilisation générale ou de mise en garde ;

– en cas de troubles graves ou de menaces de troubles graves à l’ordre public ;

– sur décret du Premier ministre, en cas de crise majeure mettant en péril la continuité de l’action de l’État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation, conformément aux dispositions prévues par la loi n° 2011-892 sur la réserve de sécurité nationale.

Les effectifs de la RO2 des armées sont théoriquement significatifs mais décroissent chaque année à la suite de la professionnalisation des armées et de la révision à la baisse de leur format. Ils sont beaucoup plus importants dans la gendarmerie et la police nationales.

Les effectifs des réserves opérationnelles de deuxième niveau du ministère des armées

(unités)

Armées, direction ou service

Effectif 2021

Rappel effectif 2015

Armée de terre

36 000

36 000

Marine nationale

10 500

24 689

Armée de l’air et de l’espace

11 200

30 377

Service de santé des armées

2 000

1 742

Servie du commissariat des armées

320

nc

Service de l’énergie opérationnelle

450

450

Direction générale de l’armement

344

nc

Source : ministère des Armées et secrétariat général de la Garde nationale

Les effectifs des réserves opérationnelles de deuxième niveau du ministère de l’Intérieur

(unités)

Direction

Effectif 2021

Rappel effectif 2017

Direction générale de la gendarmerie nationale

34 621

27 180

Direction générale de la police nationale

11 348

11 348

Source : secrétariat général de la Garde nationale et Cour des comptes. ([67])

1.   Une utilité discutée dans l’armée de l’air et la marine nationale

Selon l’état-major de la marine nationale, la ressource de la RO2 représente un potentiel utile en renfort des forces d’active, en cas de situation dégradée, par le vivier quantitatif et qualitatif qu’elle représente. La R02 est aussi un vivier naturel et privilégié pour le recrutement de la réserve de premier niveau. En revanche, la RO2 n’a, hors temps de crise, aucune utilité pour les armées dans la mesure où elle ne répond à aucun scénario d’emploi et ne bénéficie pas du soutien spécifique (infrastructures d’hébergement, centres de mobilisation, matériels, équipement et habillement supplémentaires) nécessaire à son rappel de masse.

L’état-major de la marine fait aussi observer que le ministère ne dispose pas de l’arsenal juridique pour contraindre un réserviste de rallier son armée en dehors du cas d’un rappel réel de la réserve de sécurité nationale (RSN) pour répondre à une crise grave. S’il était mis en place et utilisé régulièrement pour de simples exercices de mécanisation ou une catastrophe naturelle « mineure », il pourrait nuire à la reconversion des militaires : les employeurs civils pourraient ainsi craindre de voir les anciens militaires régulièrement rappelés, et donc absents.

Selon l’état-major de la marine, la connaissance de la R02 par les armées est à ce stade très imprécise (données personnelles non mises à jour dans les SIRH d’armées). Le taux de ralliement est donc très incertain, ce qui complique de facto l’organisation du rappel de cette RO2. Le taux de présence des marins réservistes aux exercices de convocations de la marine, qui ne portent que sur la RO21, c’est-à-dire des réservistes opérationnels de deuxième niveau ayant quitté le service actif depuis moins de deux ans, oscille entre 5,5 % et 11 %, ce qui est très faible.

Enfin, le coût global du rappel massif/total de la RO2, ultime renfort des armées après le rappel préalable de la RO1 et avant une éventuelle mobilisation générale, et celui des soutiens associés, est très difficile à chiffrer : ils dépendent de la nature de la crise.

Plus fondamentalement, les rapporteurs observent que l’emploi d’une RO2 en cas de crise majeure dans l’armée de l’air et de l’espace ainsi que dans la marine nationale paraît intrinsèquement limité par la taille des flottes d’appareils (navires et aéronefs) pouvant être armés par les militaires. Faute de capacités en réserve, les marins et les aviateurs de la RO2 ne pourraient être employés que marginalement dans les états-majors.

Dans ces conditions, les rapporteurs estiment qu’il serait préférable de concentrer les efforts financiers sur l’entretien d’une RO2 terrestre.

2.   Une utilité à considérer dans l’armée de terre sous réserve de consentir des investissements supplémentaires

Dans l’armée de terre, les effectifs sont conséquents et la doctrine d’emploi est claire : les réservistes de la RO2 ont vocation à satisfaire le contrat opérationnel au titre de la régénération, dans l’hypothèse d’un engagement majeur et/ou à protéger le territoire national en état-major ou en unité de combat terrestre. Lors de rappels ciblés, le recours à la RO1 est privilégié. Pour un rappel massif, l’armée de terre rappellerait la RO2 grâce à une trentaine de centres de rappel des réservistes (CRR) reliés aux services de soutien qui restent à mettre en place.

L’armée de terre a réinvesti dans des exercices de convocation (Vortex) partiels depuis 2016. Depuis 2018, seuls les réservistes de deuxième niveau partis depuis plus de deux ans ont été convoqués pour renouveler leur certificat d’aptitude médicale. Deux constantes se dégagent : 40 % de l’effectif convoqué se présente effectivement et le taux d’aptitude de l’effectif présent est de 80 %.

En fonction de l’évolution de la menace, les rapporteurs préconisent de réinvestir graduellement dans la RO2 terrestre en commençant par la RO21, dont les membres ont plus de chances d’être physiquement aptes et de maîtriser l’ensemble des savoir-faire opérationnels. L’animation de cette réserve, outre des moyens dédiés à la mise à jour des données personnelles des anciens militaires, susciterait des coûts supplémentaires au titre du soutien. La réduction du nombre et de la taille des emprises du ministère des Armées constituent un défi supplémentaire pour pouvoir organiser des exercices dont le contenu pourrait être amélioré, d’après les quelques rares témoignages de réservistes de deuxième niveau recueillis par les rapporteurs.

L’activation de cette réserve, enfin, devrait nécessairement s’appuyer sur des équipements supplémentaires (habillement, véhicules, armes) qui n’existent pas aujourd’hui. Des stocks devraient alors être constitués et conservés dans les centres de mobilisation sur l’ensemble du territoire. En l’absence de capacités d’hébergement excédentaires, des palliatifs devraient être trouvés (camps de toile, aménagement de bâtiments inoccupés) qui demandent néanmoins un effort significatif des services du soutien.

Les risques que l’entretien d’une RO21 terrestre fait peser sur la reconversion des anciens militaires doivent être mesurés et pris en compte. C’est pourquoi le recours à la RO1 doit bien évidemment être privilégié. Le fait d’avoir ensuite recours prioritairement à la RO21 concentre aussi le risque d’absence sur une période plus réduite. Un intéressement des employeurs à la participation de leurs collaborateurs à des exercices de convocation organisés par la RO21 devrait être préféré à l’instauration d’une contrainte plus forte. Il serait certainement plus utile et justifié que les mesures d’attractivité prises sous l’égide de la Garde nationale en faveur de l’engagement des jeunes dans la RO1. Le cadre légal actuel paraît suffisant quoiqu’il n’ait pas été utilisé ni actualisé depuis la professionnalisation.

3.   Un potentiel supérieur dans la gendarmerie et dans la police nationales

Proximité, maillage territorial étroit, volume d’effectifs potentiels, nature probable des crises futures font qu’investir dans les réserves de deuxième niveau de la gendarmerie et de la police nationales paraît légitime en vue d’une crise majeure. En outre, les taux de réponses aux convocations sont encourageants. Selon la Cour des comptes, dans un rapport établi en avril 2019 pour la commission des Finances de l’Assemblée nationale, le taux de réponse des réservistes statutaires de la police nationale aux convocations oscille entre 60 et 92 % selon les régions. ([68])

La gendarmerie nationale obtient pour l’instant de moins bons résultats. Elle s’efforce de faire passer à tous ses personnels sur le point de partir en retraite une visite médicale et un test d’aptitude au tir pour garantir la possibilité de les employer en cas de crise grave pendant une année, durée de validité de cette aptitude au tir. Elle n’est toutefois pas en mesure d’assurer le maintien de ces aptitudes pendant les cinq années suivant le départ du service actif, faute de plan de convocation, tel que prévu par le code de la défense, et d’une base de données de contact fiable. D’après le général Olivier Kim, commandant des réserves de la gendarmerie, en 2021, la RO2 de la gendarmerie ne dispose que de 4 000 contacts vérifiés, sur les 30 000 réservistes statutaires théoriques que comptent la force. En outre, en décembre 2015, la gendarmerie estimait ainsi que seuls 45 % de ses réservistes statutaires auraient pu répondre à un rappel avec des différences régionales marquées. Ainsi, la région Lorraine estimait qu’à la suite de cet exercice, seuls 200 des 600 réservistes statuaires identifiés pourraient être joints dans la perspective d’un rappel. La Cour des comptes a recommandé la réalisation d’un plan biennal de convocation.

Les rapporteurs recommandent également d’investir graduellement dans ces réserves, en concentrant d’abord les efforts financiers sur l’entretien d’une « RO21 » comme y incitent les réflexions en cours dans les armées et en établissant une doctrine d’emploi pour les personnels ayant quitté l’active depuis plus de deux ans. Si l’aptitude au tir requiert un examen annuel, il y certainement d’autres compétences qui peuvent être maintenues pendant deux, ou cinq ans.

En tout état de cause, la base de données des coordonnées des anciens professionnels doit être fiabilisée, ce qui requiert des moyens dédiés, stables dans le temps.


II.   Une nouvelle réserve opérationnelle, demain, dans les douanes ?

D’autres projets de réserves sont à l’étude, ce qui montre combien cette modalité d’emploi répond à des défis transversaux. Les rapporteurs ont été particulièrement intéressés par la direction générale des douanes (DGDDI), qui mène actuellement une réflexion sur l’opportunité de créer des réserves, notamment une réserve des garde-côtes, alors qu’elle dispose déjà d’une organisation lui permettant d’absorber des variations d’activités.

A.   Un besoin de renfort avéré

1.   Une réflexion en cours sur les missions et l’identité de la douane

La DGDDI compte environ 17 000 personnels, ses effectifs ayant récemment été renforcés, en deux vagues, d’abord en 2015, afin de lutter contre le terrorisme dans le cadre du Plan de lutte anti-terroriste (PLAT), à hauteur de 500 ETP (solde net), puis, en réaction au « Brexit », avec 700 ETP supplémentaires. Il convient d’ailleurs de souligner que la DGDDI est la seule administration du ministère de l’économie et des finances qui échappe aux réductions d’effectifs. En outre, le transfert en cours des missions fiscales de la douane vers la direction générale des finances publiques (DGFip) s’accompagnera d’un transfert de 700 personnels, ce qui a conduit la DGDDI à engager une réflexion sur son identité. Aujourd’hui, la douane s’affirme comme une « administration de la frontière et de la marchandise », ce qui se traduit par l’identification de plusieurs axes de renforcement, parmi lesquels :

– une gestion plus intégrée des frontières, dans un contexte d’intensification des flux de marchandises et du commerce international. Si le « Brexit » a été l’occasion pour la douane de mettre en place de nouveaux modes d’actions, des réflexions sont également en cours s’agissant de la frontière franco-suisse et des grands ports internationaux situés en France ;

– la question du e-commerce et la gestion des frontières numériques ;

– le contrôle migratoire, qui a fait l’objet d’un financement budgétaire accru afin de permettre à la douane d’être plus présente aux frontières physiques, de manière complémentaire et cohérente avec l’action des autres services compétences en la matière ;

– la frontière maritime, de manière générale.

2.   Des sollicitations croissantes

De manière générale – et comme l’a mis en lumière la crise sanitaire – la mission de gestion de frontière semble « réapparaître », et la douane est de plus en plus sollicitée sur ce segment, sous l’effet de deux facteurs principaux : l’accroissement des flux de marchandises et une exigence accrue de protection du territoire national.

La douane fait également face au défi d’améliorer la lutte contre la fraude.

L’évolution du contexte dans lequel évolue la DGDDI et l’élargissement de ses missions sont à rapprocher de la question d’une réserve opérationnelle propre car, pour la directrice générale des douanes, Mme Isabelle Braun-Lemaire, il s’agit d’arbitrer entre un renforcement pérenne d’effectifs ou la constitution d’une réserve permettant de s’adapter aux évolutions du contexte. Cette question est d’autant plus actuelle que dans le cadre de la réactualisation de ses priorités, la douane a travaillé à l’élaboration d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) avec la direction du budget, afin de faire correspondre aux nouveaux objectifs assignés à la douane les effectifs correspondants, et ce dans un cadre pluriannuel.

3.    Une agence d’intérim interne déjà créée

Mme Braun-Lemaire a présenté aux rapporteurs le dispositif « Paris-Spécial », sorte « d’agence d’intérim de la douane » selon les mots de sa directrice générale.

Il s’agit d’un groupe de personnes missionnées pour combler les vacances de postes ou effectuer des missions saisonnières (hiver dans les stations de ski, été dans les stations balnéaires), pour renforcer par exemple certains aérodromes. Il s’agit d’une forme de réserve, qui présente toutefois des limites en raison du profil généraliste de ces 200 à 300 agents polyvalents, qui ne peuvent pas répondre aux besoins d’expertise technique tels que ceux de la direction nationale des garde-côtes des douanes (DNGCD) ni à une situation de crise exceptionnelle, telle la crise sanitaire.

Pour Mme Braun-Lemaire, Paris-Spécial constitue toutefois un outil particulièrement efficace en raison de sa souplesse, qui a notamment permis d’armer rapidement les Haut-de-France de 100 personnes supplémentaires au moment de l’entrée en vigueur du « Brexit », alors que le processus de gestion des ressources humaines habituel n’aurait pas permis une telle réactivité.

Cet exemple est précieux pour les rapporteurs en ce qu’il démontre que la réserve n’est pas nécessairement l’outil idoine pour faire face à un surcroît d’activité ou des besoins saisonniers. Les rapporteurs observent que la création d’une réserve est ici justifié par un besoin de renfort spécialisé.

4.    Un projet de réserve des garde-côtes inspiré par la marine nationale

Une réflexion sur la création d’une réserve s’est fait jour à la DNGCD. La plus grande sensibilité de la DNGCD à l’égard de la création d’une réserve opérationnelle – une revendication de cette direction – s’explique par son caractère interministériel. Plus fréquemment en contact avec des militaires – et notamment ceux de la marine nationale – que les autres personnels de la DGDDI, les garde-côtes ont pu être davantage acculturés à l’emploi de réservistes. Les garde-côtes des douanes constituent en effet la première administration civile « à la mer » dans le cadre de l’action de l’État en mer, ce qui amène ces personnels à travailler au quotidien dans un contexte interministériel et au contact d’autres administrations, qu’il s’agisse de la marine nationale ou de la direction des affaires maritimes, ainsi que d’autres acteurs comme la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). En outre, l’évolution des trafics maritimes et, plus largement, de la « vie en mer », modifie l’action des garde-côtes, davantage soumis qu’auparavant à la nécessité d’opérer des bascules d’efforts entre des zones parfois éloignées, ce qui nécessite de renforcer son agilité. Ce constat a conduit la DNGCD à s’interroger sur l’apport que pourraient présenter des réservistes, et à identifier trois grands besoins auxquels ils pourraient répondre :

1.- le renforcement ponctuel des moyens des garde-côtes, dans le cas de l’apparition d’une nouvelle menace ou, à titre d’exemple, du renforcement ponctuel des besoins de contrôle migratoire à la frontière franco-italienne comme, au large de Boulogne-sur-Mer, pour le contrôle des flux migratoires vers la Grande-Bretagne. Dans ce cadre, une réserve permettrait d’armer davantage les bateaux, d’accroître leur activité et de relever plus régulièrement les équipages ;

2.- la fourniture d’une expertise technique recherchée, alors que les 894 personnes de la DNGCD mettent en œuvre des moyens divers (aériens et navals), et exercent 35 spécialités différentes. Il pourrait ainsi être envisagé que des réservistes soient sollicités pour apporter leur expertise dans l’entretien et la mise en œuvre des moyens héliportés de la douane, de la gestion de marché d’entretien des matériels navals ou, plus largement de l’activité de la douane, dans le cas de réservistes ayant auparavant travaillé dans la marine marchande ;

3.- la création et l’entretien du lien entre les brigades des garde-côtes, réparties sur l’ensemble des façades maritimes du territoire national, y compris dans la zone Antilles-Guyane, et les territoires sur lesquelles elles sont implantées, qu’il s’agisse du lien avec les élus, les acteurs de la sécurité publique, le monde de l’entreprise ou les acteurs de la protection de l’environnement. Ce lien entre les brigades et les territoires ne justifieraient pas l’emploi d’effectifs permanents mais apparaît essentiel pour mieux faire connaître les activités des garde-côtes dans le cadre d’activité de rayonnement.

Certaines missions ne pourraient être effectuées par des réservistes, comme celles des « aviseurs » des douanes, qui ne sont pas toujours des personnes « recommandables ». Or, les réservistes seraient recrutés selon des critères comparables à ceux retenus pour le recrutement de personnels permanents, ce qui suppose notamment de vérifier les antécédents judiciaires des personnes concernées.

Au-delà de la DNGCD, il ne fait guère de doute que la douane dans son ensemble bénéficierait d’un renfort de réservistes pour répondre à un pic d’activité ou apporter une expertise rare et recherchée, l’activité de rayonnement étant sans doute moins pertinente pour la douane dans son ensemble que pour les brigades de garde-côtes.

B.   Des défis à surmonter

Les rapporteurs n’ont pas manqué de demander à M. Ronan Boillot, le directeur national des garde-côtes des douanes, comment il entendait attirer des volontaires, les former, les fidéliser, comment il tiendrait compte d’une disponibilité nécessairement aléatoire et comment allaient réagir les organisations représentatives du personnel.

1.   Le recrutement, la formation et l’animation

a.   Une réserve de gens de mer

À défaut de disposer du capital historique et symbolique des réserves militaires, la question se pose, dans la police nationale comme pour les douanes, les moyens à mettre en œuvre pour attirer des volontaires dont la disponibilité, les motivations et le profil intéressent la douane.

Outre le complément de revenu, la douane pourrait faire valoir l’intérêt de ses missions et de la formation qu’elle dispenserait aux réservistes. Selon M. Boillot, pourraient être ainsi mobilisés d’anciens marins de la marine nationale qui, après quinze ans passés dans les forces, exerçant un emploi public ou privé, pourraient apporter leur connaissance de la mer.

La direction générale des garde-côtes espère aussi attirer des experts de la marine marchande ou des personnes simplement intéressées par les missions des garde-côtes et souhaitant y contribuer, comme bien sûr d’anciens douaniers, pour effectuer des missions d’expertises à l’étranger, armer les centres opérationnels ou participer à des missions internationales, par exemple dans le cadre de Frontex.

Mme Braun-Lemaire a ajouté que la douane présentait un fort potentiel d’attractivité au regard de la nature des missions (protection des citoyens) et de leur dimension très opérationnelle. M. Boillot est par ailleurs convaincu que la mer constitue un « ferment solide », à même d’attirer des personnes souhaitant s’engager au profit des garde-côtes.

b.   Un coût d’animation du dispositif qui n’a pas encore été évalué

Mme Braun-Lemaire a reconnu qu’à l’heure de l’audition, aucun moyen budgétaire n’avait été dévolu à la création d’une réserve, M. Boillot soulignant que la DNGCD n’en était qu’aux prémices de sa réflexion quant aux besoins que pourraient combler les réservistes.

L’ambition et les profils ont été définis, des réflexions ont été engagées quant à la formation de ces réservistes (formation générale sur la douane et l’action de l’État en mer – en lien avec le secrétariat général de la mer –, activités de mentorat pour des formations spécialisées, et stages d’immersion réguliers pour actualiser les connaissances) et aux questions d’ordre juridique (statut, recrutement, etc.) mais, pour l’heure, aucune traduction budgétaire n’a été faite – il s’agira de « l’étape d’après ».

2.   Une nécessaire coordination avec la marine nationale

Les rapporteurs ont demandé aux deux représentants des douanes s’ils avaient envisagé la possibilité de conclure une convention avec la marine nationale pour obtenir la mise à disposition de réservistes, à l’instar de ce que pratique la gendarmerie nationale avec la région Île-de-France ou avec le Royaume-Uni, pour la mission Poséidon.

Si la marine nationale comprend tout à fait le besoin de la DNGCD – d’autant qu’elle compte des douaniers parmi ses réservistes et qu’une réserve douanière bénéficierait directement aux activités de la marine – la directrice générale des douanes et le directeur général des garde-côtes ont jugé peu probable que la marine accepte de mettre ses réservistes à la disposition des garde-côtes, car elle-même compte sur eux pour la conduite de ses missions. Toutefois, il pourrait en effet être imaginé que le vivier de réservistes soit partagé, même si la douane a besoin de compétences particulières qui ne sont pas toujours maîtrisées par les marins.

Mme Braun-Lemaire a ajouté que le domaine maritime étant par essence interministériel, la douane et la marine nationale conduisaient déjà de multiples activités en commun, y compris non opérationnelles, des douaniers ayant par exemple suivi des formations au sein de l’école navale. Au-delà du domaine de la formation, la douane entend s’appuyer davantage sur les administrations disposant de plus de moyens – comme la marine – afin de bénéficier de leur expertise dans des secteurs où la DGDDI, limitée par ses ressources moins importantes, rencontre des difficultés à développer de nouvelles compétences. La mutualisation des réserves lui semble plus complexe à mettre en œuvre en raison des arbitrages qu’elle impliquerait, bien que dans le domaine maritime, une telle idée apparaisse tout à fait pertinente au regard de la proximité des enjeux comme des compétences requises. M. Boillot a précisé que les échanges d’expertises pourraient être intensifiés ; à titre d’exemple, la douane forme ponctuellement des personnels de la marine nationale à la fouille de bâtiments ou la lutte contre les pollutions marines.

Pour les rapporteurs, un vivier partagé de réservistes serait peut-être de nature à offrir des opportunités d’emploi aux jeunes réservistes de la marine nationale, très frustrés aujourd’hui par le sous-emploi. À tout le moins, les garde-côtes et la marine nationale devraient se pencher sur les aspects communs à la formation de leurs réservistes qui pourraient être partagés si cela pouvait être une source d’économies.

En tout état de cause, il faudrait s’assurer que les conditions offertes par la douane à ses réservistes ne nuisent pas au recrutement ou à la fidélisation des réservistes de la marine nationale, et réciproquement, aboutissant ensuite à une forme d’escalade de revendications indemnitaires. Les rapporteurs observent par exemple que l’indemnité des réservistes de la marine nationale n’est soumise ni à l’impôt sur le revenu, ni aux prélèvements sociaux. Si la douane crée sa réserve, elle sera tentée de demander un régime similaire pour ses réservistes, ce qui ne saurait être justifié par la nécessité d’entretenir le lien armées-Nation, d’assurer la défense opérationnelle du territoire ou de contribuer à la résilience de la Nation.

3.   La disponibilité des volontaires

La disponibilité des volontaires sera vraisemblablement une autre difficulté à surmonter.

Mme Braun-Lemaire indiqué que dans le cadre de ses anciennes fonctions, comme secrétaire générale du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, il lui avait fallu « batailler » avec les chefs de service pour qu’ils autorisent les personnels réservistes à effectuer leur période de réserve. Ce constat s’applique du reste à la douane : pendant la crise sanitaire, certains réservistes ont fait l’objet de remarques désobligeantes de la part de certains chefs de service alors qu’ils voulaient effectuer leur période de réserve. Pour Mme Braun-Lemaire, il est particulièrement regrettable que de telles difficultés se fassent jour au sein des administrations, qui devraient montrer l’exemple et être particulièrement sensibles à la volonté de leurs personnels de s’engager davantage au service de la collectivité.

Les rapporteurs observent que tous les employeurs ont des moyens humains comptés et optimisent leurs ressources humaines pour faire face aux variations d’activité. C’est l’objet de toutes les réformes structurelles conduites depuis plus de trente ans y compris au sein de la sphère publique. Les administrations ont de moins en moins de marges de manœuvre leur permettant de libérer leurs personnels au profit d’un autre acteur public. En dehors de la sphère militaire où cette mise à disposition a été rendue obligatoire au nom de la sauvegarde de la Nation, et où elle est en passe d’être abandonnée parce qu’elle nuit à l’employabilité des réservistes militaires, les rapporteurs voient mal pourquoi une administration accepterait de mettre son personnel à la disposition d’une autre sans contrepartie.

Cela signifie qu’en dehors de réservistes faisant délibérément le choix de carrières partagées ou à temps partiel, de cumul emploi retraite et de jeunes en formation, il faudra indemniser les employeurs des réservistes qui travaillent à temps plein ou les employer sur leur temps de congés dans la limite du temps de travail maximal autorisé (voir infra IV. B. 4. a) ou institutionnaliser des échanges de personnels. Cela renchérit nécessairement le coût du réserviste, a fortiori du réserviste expérimenté. Mais cela peut être un outil utile de pré-recrutement ou de gestion des carrières.

En tout état de cause, un réserviste n’étant pas un collaborateur à temps plein, il requiert un encadrement, une formation et des missions adaptées. S’il est formé par la DGDDI, la direction aura intérêt à ce que le réserviste soit fidélisé, ce qui impose de réfléchir aux moyens de favoriser cette fidélisation (valorisation, parcours interne, etc.).

4.   Une doctrine d’emploi à élaborer

Si la réflexion semble devoir encore être approfondie s’agissant de l’ensemble de la douane, le besoin d’appui complémentaire fait l’objet d’un relatif consensus s’agissant des garde-côtes, en particulier s’agissant du deuxième axe évoqué par M. Boillot, l’expertise technique. Mme Braun-Lemaire estime que les organisations syndicales pourraient s’y rallier, de même s’agissant du troisième axe relatif aux activités de rayonnement. En revanche, il se pourrait que les organisations syndicales contestent l’emploi de réservistes pour renforcer la capacité opérationnelle, au motif qu’il s’agirait d’un besoin permanent et non ponctuel.

Les rapporteurs notent que l’emploi de réservistes pour renforcer les capacités opérationnelles ne pourra qu’être marginal, compte tenu des limites inhérentes au vivier, à la disponibilité des réservistes et au coût de leur emploi, qui sera vraisemblablement élevé s’agissant de profils experts. La douane pourrait éventuellement avoir recours à des réservistes ab initio avec un profit moindre que la marine nationale, faute de proposer une indemnité exonérée des prélèvements fiscaux et sociaux. Cela imposerait alors de leur donner une formation et des missions attractives à un coût acceptable pour la douane compte tenu des missions qu’elle pourrait leur confier. Il est vraisemblable que cela nécessiterait une adaptation des services pour intégrer ces personnels à temps partiel et en formation continue, un peu à l’instar d’apprentis.

Il conviendra aussi de veiller à prévenir les éventuels conflits d’intérêts.

La douane pourrait tirer des leçons utiles de l’expérience du Comcyber, retracée plus haut, et de celles des réserves de sécurité civile, présentées infra.


III.   Les réserves de sécurité civile : une refondation nécessaire

La protection et la sécurité civile sont des missions régaliennes par excellence, partagées entre l’État et les collectivités territoriales, compte tenu d’un impératif de proximité, et exercées par plusieurs types d’acteurs au niveau national et local dont la coordination est un enjeu essentiel : des pompiers militaires à Paris et Marseille, des sapeurs-pompiers professionnels et des sapeurs-pompiers volontaires partout ailleurs, ainsi que par des associations agréées de sécurité civile et des réserves communales de sécurité civile dans certaines communes.

A.   Les sapeurs-pompiers volontaires

Les rapporteurs ont considéré que les sapeurs-pompiers volontaires (SPV) pouvaient être assimilés à des réservistes dans le cadre de leur mission d’information. À l’instar des réservistes de défense ou de sécurité, les SPV forment une réserve d’emploi, équipée et formée comme les personnels du service actif. Ils exercent les mêmes missions que les pompiers professionnels (article L. 723-6 du code de la sécurité intérieure), peuvent recevoir des récompenses et des distinctions (article L. 723-7 du même code) et l’activité de SPV donne droit à des indemnités horaires ainsi qu’à des prestations sociales et de fin de service (article L. 723-9 du même code). Les indemnités qui leur sont versées sont exemptes de prélèvements fiscaux et sociaux. L’article L. 723-10 prévoit une charte du sapeur-pompier volontaire.

Toute personne, qu’elle soit ou non en activité et quelle que soit son activité professionnelle, peut devenir sapeur-pompier volontaire, sous réserve de satisfaire aux conditions d’engagement. Les volontaires doivent avoir entre 16 et 56 ans, sauf à Paris et Marseille (entre 18 et 25 ans), être aptes physiquement à exercer leurs missions. Ils s’engagent pour une période de cinq ans, renouvelable, pour des missions ponctuelles ou récurrentes.

La principale différence par rapport à d’autres réserves d’emploi est que les SPV sont indemnisés pour des périodes d’astreinte (1 euro de l’heure, obligation de se rendre en huit minutes au centre de secours) pendant lesquelles ils sont mobilisables en plus des activités opérationnelles et des gardes postées (6 euros par heure) proprement dites. Par ailleurs, le montant des indemnités pouvant être perçu par un SPV n’est pas plafonné, à l’instar du nombre de jours d’emploi qu’il peut effectuer.

1.   Une réserve d’emploi très employée

Comme l’ont mis en évidence plusieurs rapports, le recours au volontariat dans la sécurité civile n’a pas fait l’objet d’une doctrine d’emploi distinguant les missions pouvant être confiées à des volontaires et celles relevant du personnel du service actif ou limitant la part des missions pouvant être assurées par des volontaires. Cette lacune, liée à l’histoire du modèle de sécurité civile français, a favorisé un recours massif au volontariat permettant d’assurer les missions de lutte contre l’incendie et de secours à moindre coût. Cette économie est aujourd’hui profondément remise en cause par un affaiblissement de la disponibilité des volontaires et une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne tendant à considérer ceux-ci comme des « travailleurs » et à leur appliquer les règles relatives au temps de travail.

a.   Un modèle de sécurité civile reposant historiquement sur le volontariat

Pour mémoire, le modèle français de sécurité civile a longtemps reposé exclusivement sur le volontariat organisé à un niveau communal. Il fallut attendre le XVIIIe siècle et plus particulièrement l’ordonnance royale de 1716 pour qu’un service public permanent et gratuit de Gardes-Pompes soit institué dans les grandes villes. Servir comme sapeur-pompier volontaire constituait avant tout un moyen de s’engager personnellement dans et pour sa commune. Les sapeurs-pompiers volontaires représentaient alors l’immense majorité des pompiers exerçant en France, une réalité profondément transformée par la professionnalisation à partir du XXe siècle. La professionnalisation avait vocation à pallier un manque de disponibilité des volontaires, notamment en journée. Le rapport s’est alors inversé, et les volontaires ont été utilisés pour compenser les manques d’effectifs professionnels.

b.   Un recours massif au volontariat dans un souci d’efficience

Un transfert des moyens de lutte contre l’incendie des communes et de leurs groupements à des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), a été décidé en 1996 ([69]) dans le souci d’une rationalisation de ces moyens et d’une plus grande efficience.

À la mise en place des 35 heures ([70]), en 2000, les SDIS n’ont pas comblé les pertes d’équivalents temps plein par un recrutement de sapeurs-pompiers professionnels (SPP). Une pratique, plus ou moins généralisée, a consisté à faire appel aux sapeurs-pompiers volontaires, beaucoup moins coûteux. ([71]) Le recours aux SPV s’est ensuite généralisé dans le contexte d’une augmentation des missions des SDIS – liée à un ensemble de facteurs comme la désertification médicale, un accroissement du nombre d’incidents climatiques et la multiplication de crises d’ampleur nationale –, d’une progression dynamique des dépenses afférentes à la rémunération des SPP sous l’effet de plusieurs réformes statutaires (2012, 2013, 2016, 2017) et de mesures catégorielles, et des contraintes pesant sur les finances publiques locales.

Ainsi, au 1er janvier 2018, on dénombrait 248 012 sapeurs-pompiers, dont 40 537 (16,4 %) ayant le statut de sapeurs-pompiers professionnels, 194 975 (78,6 %) celui de sapeurs-pompiers volontaires et 12 500 (5 %) un statut militaire. 66 % du temps d’intervention des SDIS était effectué par des volontaires en 2018. ([72])

2.   Des dérives insuffisamment combattues

Une part croissante des missions des SDIS ont été assurées par des SPV. Associée à d’autres facteurs qu’il est intéressant d’analyser, cette évolution a conduit à une quasi professionnalisation de certains SPV et un dévoiement du dispositif par certains SPP.

a.   Une dérive vers une quasi professionnalisation de SPV à temps partiel

Alimentée par l’éloignement croissant entre le domicile, le travail et la caserne de nombreux SPV – beaucoup de petits centres d’incendie et de secours ayant fermé dans un souci de rationalisation –, la pratique des gardes postées, autrefois quasiment réservée aux SPP, s’est développée dans près d’un centre d’incendie et de secours sur sept. ([73]) Elle est indemnisée 6 euros de l’heure contre 1 euro pour une astreinte à domicile ou sur son lieu de travail.

Les exigences élevées imposées par la technicité croissante de certaines missions, la fréquence des interventions et le volume des indemnités horaires ont achevé de conduire une partie des volontaires les plus impliqués à se considérer comme des « sapeurs-pompiers à temps partiel » plus que comme des volontaires.

Cette dérive n’a pas été vigoureusement combattue pour des raisons de coût. Avantageuse pour les financeurs publics, elle a aussi constitué une ressource complémentaire non négligeable, puisque défiscalisée, pour nombre de SPV, ayant une importante disponibilité du fait de la nature de leur activité professionnelle ou demandeurs d’emploi. Elle fait toutefois courir le risque d’une requalification du volontariat en contrat de travail et soumet l’employeur public aux aléas de la motivation ou de la disponibilité du SPV.

b.   Un cumul des engagements à l’origine d’effets d’aubaine et de surcoûts

Les SPP sont autorisés à exercer concomitamment, le cas échéant au sein des centres de secours où ils sont affectés, leur activité professionnelle et une activité de volontaire, cumulant ainsi leur rémunération principale et les indemnités servies au titre du volontariat. Ce cumul d’activités est expressément prévu par le décret n° 2013-412 du 17 mai 2013 et n’a pas été encadré. Il est particulièrement avantageux, puisque les indemnités attribuées aux sapeurs-pompiers volontaires, qui s’accompagnent d’un avantage retraite sont exonérées de contributions sociales et d’impôt sur le revenu. Ainsi, près de 45 % des SPP souscrivent également un contrat de volontariat. Dans son rapport précité, la formation interjuridictionnelle de la Cour des comptes note que ni les gendarmes ni les militaires ne sont autorisés à exercer simultanément leur activité professionnelle et celle de réserviste au sein de leur unité ou de leur arme.

D’après le rapport de la formation interjuridictionnelle de la Cour des comptes, dans certains SDIS, plus de 90 % des SPP seraient placés sous « double statut » sans qu’aucun cadre ne définisse leur service. Nombre d’entre eux effectuent des activités de volontariat dans leur centre d’affectation. Si plusieurs SDIS ont encadré la pratique du cumul d’activité, l’absence de limitation resterait fréquente. De manière générale, les heures effectuées en vacation par les SPP sous double statut ne sont pas plafonnées. Dans un SDIS cité par la formation interjuridictionnelle de la Cour des comptes, les indemnités perçues en franchise d’impôt peuvent dépasser 25 000 euros par an. Dans un autre encore, les vacations horaires de volontaires effectuées par les professionnels ont augmenté de plus de 40 % alors que celles réalisées par les seuls volontaires ont progressé de moins de 3 % entre 2011 et 2017. La Cour des comptes estime que ces pratiques constituent « un dévoiement de la loi et de l’effort budgétaire que la collectivité réalise au bénéfice d’une catégorie particulière d’agents publics qui utilisent ces dispositions pour bénéficier dans certains cas de substantiels compléments de rémunération en franchise d’impôt et de cotisations sociales. Elles posent également d’évidentes difficultés au regard du respect de la norme européenne encadrant le temps de travail. »

En effet, comme le souligne la Cour, la question se pose de savoir si les SPP « sous double statut » peuvent intervenir comme SPV durant leurs repos réglementaires. La plupart des SDIS ne sont pas en capacité de contrôler le respect de périodes de repos. Or, le respect des périodes de repos et du temps maximal de travail participe de la prévention des risques professionnels, de la bonne santé des agents et du maintien de leur vigilance en service.

En cas de crise majeure, en tout état de cause, ces effectifs à double statut ne pourraient pas se démultiplier, ce qui limite d’autant la réalité des réserves stratégiques dont dispose l’État. Les rapporteurs soulignent d’ailleurs que l’engagement volontaire des professionnels de la défense, de la sécurité ou de la sécurité civile est un des facteurs qui expliquent le caractère inopérant de la réserve de sécurité nationale créée en 2011 par le Législateur.

3.   Une crise du volontariat depuis 2011

Cette organisation spécifique et, à maints égards, abusive, est entrée en crise à partir de 2011.

a.   Des effectifs insuffisants au regard des missions et une disponibilité en baisse

À partir de 2011, les effectifs de SPV ont commencé à décroître. Même s’ils se sont stabilisés depuis 2014, ils ont globalement régressé depuis 2011, en dépit des initiatives prises pour les augmenter, comme le développement des jeunes sapeurs-pompiers ou la réalisation de campagnes de communication. En mai 2018, le nombre de volontaires avait diminué de 7 % par rapport à 2003 et le nombre d’interventions avait, lui, augmenté de 20 %. ([74]) Par ailleurs, la disponibilité des volontaires tend à se réduire, du fait de l’importance prise par les contraintes personnelles ou professionnelles.

Les rapporteurs de la mission Volontariat Sapeurs-Pompiers précitée préconisaient en outre d’attribuer aux SPV les mêmes mesures d’attractivité que celles adoptées sous l’égide de la Garde nationale pour les réservistes de la Garde nationale (proposition n° 17). Ces mesures ayant eu un effet très limité sur l’engagement et la fidélisation des réservistes de défense et de sécurité, les rapporteurs du présent rapport sont très dubitatifs sur l’intérêt de les étendre aux SPV. D’après le groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires (GSNSPV) entendu par les rapporteurs, « il n’existe pas de réel problème de recrutement, du moins pour les jeunes recrues : les sapeurs-pompiers volontaires manquent en revanche de volontaires plus âgés, de 30 à 50 ans, stables et bien implantés dans les territoires. La problématique de gestion des ressources humaines la plus prégnante est la fidélisation, les exigences de l’engagement étant sources de contraintes importantes pour la vie personnelle et professionnelle des volontaires. Le cadre manque aujourd’hui de souplesse pour s’adapter aux variations de la disponibilité tout au long de la vie. »

Le manque de candidats constaté dans certaines régions s’explique sans doute par une méconnaissance générale du statut de sapeur-pompier volontaire. « En dépit des campagnes de communication, beaucoup de Français pensent qu’il s’agit d’un métier, voire d’un métier militaire », a souligné le président du GSNSPV. Pour lui, « c’est également le signe qu’il est de plus en plus difficile d’avoir un engagement dans le temps long, dans un contexte caractérisé par une importante incertitude. Il est plus facile pour des jeunes de s’engager ponctuellement pour aller aider des gens dans le besoin ou nettoyer une plage. »

Les représentants du GSNSPV estiment que davantage de souplesse dans l’organisation de la formation et de l’emploi des SPV (aménagements horaires, visioconférences pour certaines formations…) serait plus efficace.

b.   Des mesures de fidélisation sans effet significatif

D’après le rapport de la formation interjuridictionnelle de la Cour des comptes précité, les départements ont alors entériné des mesures de fidélisation pour des SPV dont ils avaient un besoin impérieux. Une partie des charges liées au volontariat est ainsi consacrée au versement d’allocations aux sapeurs-pompiers volontaires qui ne sont plus en activité, lorsqu’ils satisfont aux conditions requises pour en bénéficier.

Le dispositif correspondant a pris la forme de l’allocation de vétérance jusqu’en 2004, puis de la prestation de fidélité et de reconnaissance (PFR) de 2005 à 2015. Cette dernière a fait l’objet d’une réforme en 2016, conduisant à l’instauration d’une nouvelle PFR, ou « NPFR ». Malheureusement, ces mesures n’ont pas eu l’effet significatif escompté sur la durée moyenne d’engagement. De 10 ans et 11 mois en 2011, elle est passée à 11 ans et 8 mois en 2016.

c.   Des mesures à destination des employeurs pour améliorer la disponibilité

D’autres mesures ont eu, de longue date, vocation à intéresser les employeurs au volontariat sapeur-pompier de leurs collaborateurs. De l’avis général, si les employeurs ont toujours considéré d’un œil plus favorable les absences des SPV que les absences des réservistes militaires, c’est en raison d’un engagement dont l’utilité pour la collectivité – et l’entreprise en cas de besoin – est plus directement perceptible, grâce notamment à l’ancrage local des SPV.

Les rapporteurs observent quand même que les relations avec les employeurs des SPV ont toujours été placées sous le signe de l’incitation plus que de la contrainte. L’employeur de SPV n’a ainsi aucune obligation de libérer son collaborateur cinq jours par an telle que celle prévue par l’article L. 4221-4 du code de la défense.

Depuis 1996, l’emploi de salariés ou d’agents publics ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire ouvre droit à un abattement sur la prime d’assurance due au titre des contrats garantissant les dommages d’incendie des assurés, d’un montant égal à la part des salariés ou agents publics sapeurs-pompiers volontaires dans l’effectif total des salariés ou agents publics de l’entreprise ou de la collectivité publique concernée, dans la limite d’un maximum de 10 % de la prime. ([75]) L’employeur public ou privé peut en outre être subrogé, à sa demande, dans le droit du sapeur-pompier volontaire à percevoir les indemnités en cas de maintien, durant son absence, de sa rémunération et des avantages y afférents dans la limite de ceux-ci. ([76]) Les indemnités perçues par l’employeur en application de cette subrogation ne sont assujetties à aucun impôt, ni soumises aux prélèvements sociaux. L’emploi d’un SPV ouvre également droit à des allègements de cotisations sociales : « lorsque l’employeur maintient la rémunération pendant l’absence pour la formation suivie par les salariés sapeurs-pompiers volontaires, la rémunération et les prélèvements sociaux afférents à cette absence sont admis au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue prévue à l’article L. 950-1 du code du travail. » ([77])

Une réduction d’impôt prévue à l’article 238 bis du code général des impôts a été accordée en 2005 au titre de l’emploi d’un sapeur-pompier volontaire (et étendu aux réservistes de défense et de sécurité le 7 février 2017). Limité aux seules interventions opérationnelles, le bénéfice de ce régime a été étendu par une instruction du 3 janvier 2018 au Bulletin officiel des finances publiques et des impôts à la mise à disposition de salariés pendant les heures de travail pour les activités de formation nécessaires à la réalisation de leurs missions de sapeurs-pompiers. Il ouvre droit pour ces employeurs à une réduction d’impôt égale à 60 % de son montant dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires. Une limite réside dans le fait que ce mécénat d’entreprises ne concerne que les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés.

Les rapporteurs de la mission Volontariat Sapeurs-Pompiers précitée préconisaient en outre de simplifier les dispositifs incitatifs existants pour les employeurs (proposition n° 18), de créer des dispositifs de remplacement de ressources pour les salariés de TPE ou de PME, artisans, travailleurs indépendants, libéraux, agriculteurs, etc. contre les pertes d’exploitation en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service commandé, de protéger les SPV chefs d’entreprise ou travailleurs indépendants, d’étendre les effets des visites d’aptitude effectuées par les médecins de sapeurs-pompiers au bénéfice du monde de l’entreprise ou dans d’autres domaines pertinents, d’encourager l’insertion de mesures favorables à la disponibilité des SPV dans les conventions collectives et les accords d’entreprise, d’intégrer dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) un critère d’engagement dans le soutien au volontariat de sapeurs-pompiers à prendre en compte par les agences de notation ou lors de l’attribution de marchés publics et de développer le conventionnement entre les entreprises et les SIS. Surtout, ils proposaient de sensibiliser « l’ensemble des ministères non pourvus (santé, justice, finances, écologie…) à la signature de telles conventions semble particulièrement opportune, l’État devant se montrer exemplaire. »

Les rapporteurs observent que les mêmes propositions sont envisagées pour faciliter la disponibilité des réservistes de défense et de sécurité.

d.   Un plan national en faveur du volontariat

En septembre 2018, le ministre de l’Intérieur a présenté un plan d’action ministériel en faveur du volontariat pour la période 2019-2021. Il entendait créer un « choc de recrutement », en assouplissant les procédures et en faisant en sorte que la population de SPV soit plus représentative de la société. L’objectif est d’attirer davantage de femmes et « d’approcher de nouveaux publics » issus des quartiers populaires.

Il s’agissait également de s’appuyer sur le vivier du service national universel (SNU) qui devait se mettre en place à l’été 2019. Le plan retenait par ailleurs le principe d’« engagements différenciés » : un volontaire pourrait désormais s’engager pour le seul secours d’urgence à personne s’il ne souhaite pas participer à la lutte contre l’incendie. Le plan devait aussi simplifier les dispositifs à destination des employeurs publics et privés : conventions, mécénat, label, réduction de prime d’assurance incendie.

Par ailleurs le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires (CNSPV) a été chargé de conduire « à brève échéance » deux concertations pour « revaloriser et harmoniser l’indemnisation de l’astreinte » et pour mettre en place « un dispositif d’indemnisation fixe des gardes postées en caserne et sur les dispositifs préventifs ».

Une proposition de loi n° 3162 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, déposée à l’Assemblée nationale le 30 juin 2020 par M. Fabien Matras et plusieurs de ses collègues est actuellement en cours de discussion à la commission des Lois.

4.   Le modèle français à la croisée des chemins

Dans le même temps, la Cour de Justice de l’Union européenne a rendu un arrêt qui pourrait achever de bouleverser le modèle français, en assimilant les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs au sens du droit de l’Union et en rappelant que les États membres ne peuvent pas déroger à leur égard aux dispositions de la directive du 4 novembre 2003.

a.   D’importantes limites du fait de l’assimilation du volontariat à un travail par le droit de l’Union européenne

Dans cette affaire opposant un sapeur-pompier volontaire belge et la commune qui l’emploie (21 février 2018, Ville de Nivelles c/ Rudy Matzak), la CJUE a jugé que le temps de travail total annuel des SPV devait être plafonné à 2 304 heures par an, ce qui réduit de façon considérable la disponibilité pour les SDIS de ceux des SPV qui exercent à titre principal une autre activité salariée.

Cette jurisprudence a aussi assimilé les périodes d’astreinte à du temps de travail. La Cour a en effet jugé que « les États membres ne peuvent pas déroger, à l’égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d’incendie, à l’ensemble des obligations découlant des dispositions de [la] directive [relative au temps de travail], […] notamment [aux] notions de « temps de travail » et de « période de repos » ; (ii) qu’ils ne peuvent maintenir ou adopter « une définition moins restrictive de la notion de temps de travail que celle énoncée » par cette directive, (iii) que « le temps de garde qu’un travailleur passe à domicile avec l’obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de 8 minutes [ainsi que l’astreinte, au sens français du terme, était définie par le règlement intérieur de la ville de Nivelles], restreignant très significativement les possibilités d’avoir d’autres activités, doit être considéré comme temps de travail », mais (iv) qu’ils ne sont cependant pas tenus de « déterminer la rémunération de périodes de garde à domicile telles que celles en cause au principal en fonction de la qualification préalable de ces périodes en tant que temps de travail ou période de repos ».

La CJUE a ainsi identifié la qualité du temps passé sous astreinte comme critère déterminant de la requalification éventuelle en temps de travail. Les périodes pendant lesquelles le travailleur est obligé de se trouver physiquement dans un lieu déterminé et la contrainte de rejoindre dans un délai fixé le lieu de travail sont ainsi à considérer différemment des périodes de disponibilité, pendant lesquelles le travailleur doit seulement être joignable par son employeur.

b.   Une recomposition de la sécurité civile, des SDIS et du volontariat

L’idée de recourir à des intérimaires ou de professionnaliser tout ou partie des SPV pour en faire des « SPP à temps partiel » comme dans de nombreux pays d’Europe (Royaume-Uni, Irlande, Suède, Danemark, Chypre, Grèce) a pour l’instant été exclue en raison de son coût financier, insupportable pour les départements.

Pour la Cour des comptes, dans son rapport précité, ces évolutions jurisprudentielles rendent avant tout indispensable une revue des missions de la sécurité civile. « En effet, l’augmentation régulière des interventions consacrées au secours d’urgence à personne et leur complexification n’apparaissent pas soutenables au regard des moyens que les collectivités territoriales peuvent durablement consacrer au financement des SDIS. »

Ensuite, il conviendra de définir les missions qui doivent relever des titulaires, à temps plein ou partiel, et celles qui peuvent rester du ressort de volontaires occasionnels en veillant à leur conserver cette qualité. Par exemple, la Cour des comptes souligne l’intérêt du système de disponibilité, utilisé notamment dans les SDIS de l’Allier, de la Haute-Saône et des Hautes-Alpes, ou de celui des gardes « gracieuses » mis en œuvre dans les Alpes-Maritimes, qui permettent aux agents de se déclarer disponibles pour des interventions, sur la base du volontariat, sans être contraints par les règles de présence physique et d’intervention dans un délai imparti, et qui n’entraînent aucun coût pour les SDIS. Une généralisation de ces dispositifs nécessiterait cependant qu’ils soient prévus réglementairement.

La mission Volontariat Sapeurs-Pompiers précitée a aussi fait une proposition originale en proposant la création d’une réserve de deuxième niveau composée d’anciens SPP et SPV, ou de SPP et SPV ayant temporairement moins de disponibilités (parents de jeunes enfants, notamment) mais étant susceptibles de revenir en cas d’impérieuse nécessité.

En définitive, la Cour des comptes considère que « la contrainte forte qu’introduit la jurisprudence Matzak va obliger les SDIS à rationaliser leur organisation et leur fonctionnement, afin de dégager les marges de manœuvre budgétaires nécessaires au financement de leur mise en conformité avec le droit européen. »

B.   Les grands réseaux de la sécurité civile

En application des articles L. 725-1 à L. 725-9 du code de la sécurité intérieure, des associations agrées aux opérations de secours peuvent aussi intervenir aux côtés des pouvoirs publics en cas de crise ou en vertu d’une convention avec les centres hospitaliers, les communes ou des SDIS.

Au 31 mars 2021, quinze associations sont agréées parmi lesquelles la Croix-Rouge, la fédération nationale de protection civile, la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), le Secours catholique ou encore la société française de spéléologie.

1.   Des bénévoles organisés

Les bénévoles des associations agrées peuvent être sollicités pour la mise en œuvre du plan Orsec mais aussi en cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe. L’employeur ne peut s’opposer à son absence « sauf nécessité inhérente à la production ou à la marche de l’entreprise ». Dans ce cas, à l’instar des SPV, ils sont protégés par la loi : aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l’encontre du salarié mobilisé en raison de ces absences.

La protection sociale du bénévole est prise en charge par l’association qui souscrit une police d’assurance pour ce faire.

Bien que n’étant pas indemnisés, les bénévoles des associations agrées présentent aussi des similitudes avec les réservistes. Ils bénéficient d’une formation, et parfois d’une rémunération de la part de l’association si celle-ci les emploie comme salariés, par exemple, ainsi que d’une tenue distinctive.

2.   Un recoupement avec les réservistes civiques

La crise sanitaire a été une source de frustrations pour beaucoup de citoyens désireux de répondre à l’appel du président de la République, à « s’inscrire dans l’union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé » face à la « guerre » contre le coronavirus. Beaucoup ont alors voulu rejoindre la réserve civique créée aux lendemains des attentats de 2015.

Une frustration est née du décalage entre le succès du site gouvernemental de cette réserve civique, www.jeveuxaider.gouv.fr, qui a été rapidement saturé de demandes, et l’habitude des préfets de recourir à la Croix-Rouge, qui se charge d’organiser les bénévoles. Les services des préfectures n’étaient en effet ni en capacité de recenser les besoins, ni en mesure de les mettre en relation avec les citoyens offrant leur aide via cette plateforme Internet pour faire des courses ou aller chercher des médicaments. Les préfectures ne paraissaient pas non plus être en contact avec les municipalités qui, parfois, avaient fait ce recensement de besoins. En tout état de cause, les bénévoles n’auraient eu ni tenue distinctive, ni encadrement, deux éléments qui sont à la fois protecteurs et gage d’une intervention légitime et efficace.

Pour les rapporteurs, il est évident que l’intermédiation associative a des avantages certains en temps de crise pour les préfets. Les réserves dites « civiques » ont ainsi montré leurs limites pendant la crise sanitaire. Faute d’une organisation capable de mettre en relation les besoins et les offres d’aide, d’animer le dispositif, les réserves civiques sont en réalité inopérantes. Même en dehors du temps de crise, l’expérience de la réserve citoyenne de l’Éducation nationale (voir infra IX.) montre les limites de l’engagement multi-individuel direct.

De la frustration des réservistes et des militaires sont aussi nées des associations ad hoc. Par exemple, les rapporteurs ont entendu les bénévoles de l’association Résilience citoyenne, composée d’anciens militaires, de gendarmes d’active, de réservistes militaires, entre autres bénévoles, qui ont assuré, dans le cadre d’une convention signée avec l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris le brancardage de patients, le nettoyage et le convoyage de linge, la préparation des dépouilles avant présentation aux familles dans les chambres mortuaires ainsi que le nettoyage et la désinfection des chambres et lieux de soins des hôpitaux auxquels ils étaient affectés. Comme l’a mis en exergue le président de l’association, « les citoyens ont un mode de prise de décision émotionnel. À la suite des attentats de 2015, de la pandémie et d’autres crises, ils se sentent en danger, bousculés ou inquiets pour leurs proches ». Ils sont par ailleurs « mal informés » et peinent à rejoindre les structures adaptées, ce qui contribue à « un sentiment d’inutilité ». « Beaucoup ont inscrit leur nom sur les portails Internet de différentes réserves sans savoir à quoi s’attendre, faute d’un travail de sensibilisation et de recrutement en amont, et de formalisation des besoins pendant la crise. » ([78])

Les rapporteurs estiment que ces retours d’expérience manifestent le manque d’informations dont souffre la population en général sur le volontariat et l’engagement ainsi que la frustration croissante d’une partie des citoyens qui voudraient être utiles mais ne trouvent pas d’engagement adapté à leur disponibilité. La professionnalisation du volontariat marginalise ces citoyens qui ont pourtant des compétences utiles et qui ressentent un intense besoin de participer. Ces questions renvoient plus largement à l’enjeu de la place que doit avoir l’engagement dans la vie des citoyens, et sur la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Elles invitent à repenser l’engagement tout au long de la vie en imaginant des parcours citoyens.

Les rapporteurs en concluent aussi que les réserves civiques doivent être rigoureusement organisées ou laisser la place à des associations agréées capables d’animer effectivement une communauté de bénévoles.

C.   Les réserves communales de sécurité civile

Les réserves communales de sécurité civile sont encore une réalité marginale en France. Pourtant, les échanges que les rapporteurs ont eus avec des maires et l’Association des maires de France (AMF) les ont convaincus que ces réserves ont un grand nombre d’atouts pour relever les défis précités.

1.   Une réserve civique véritablement animée

a.   Une innovation récente

La loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a créé les réserves communales de sécurité civile, destinées à apporter un soutien aux populations en situation de catastrophe ou de crise, sans se substituer aux services de secours et d’urgence ou les concurrencer.

Prévues aux articles L. 724-1 à L. 724-14 du code de la sécurité intérieure, elles ont pour objet « d’appuyer les services concourant à la sécurité civile en cas d’événements excédant leurs moyens habituels ou dans des situations particulières », notamment par l’assistance aux populations, l’appui logistique, l’aide au rétablissement des activités et la préparation des populations aux risques.

La participation à ce corps, placé sous la seule autorité du maire, est facultative et bénévole. Elle est ouverte à tous les citoyens, sans conditions d’âge ni d’aptitude physique. Un contrat d’engagement est signé entre le réserviste et la commune pour préciser les garanties dont il bénéficie comme collaborateur du service public. La création de cette réserve est décidée par le conseil municipal et son fonctionnement pris en charge par la commune. Elle peut cependant être gérée administrativement en intercommunalité.

La loi du 27 janvier 2017 précitée a placé cette réserve dans le cadre de la réserve civique.

b.   Les atouts considérables de la proximité

Comme l’ont mis en lumière les travaux de la mission d’information, l’ancrage local est un gage d’efficacité, de simplicité et de reconnaissance pour toutes les réserves. L’exemple des réserves communales de sécurité civile le démontre pleinement.

 

L’exemple de la réserve communale de Laigneville

Sapeur-pompier volontaire pendant vingt-sept ans, dont quinze ans dans le Var, et aujourd’hui président du service départemental incendie et secours (SDIS) de l’Oise, M. Christophe Dietrich a également été policier pendant quinze ans. Réserviste citoyen de l’armée de l’air à Creil, le maire de Laigneville est également le correspondant défense de sa commune. Très attentif aux enjeux connexes aux réserves, il a créé une réserve communale de sécurité civile à Laigneville, la seule du département de l’Oise, avec l’ambition de « recycler » les sapeurs-pompiers volontaires du centre prioritaire d’intervention. Cette réserve a été sollicitée chaque fois que sa commune a été confrontée à des évènements exceptionnels, lors d’épisodes de canicules ou de fortes neiges, et plus récemment pendant la crise sanitaire. Elle permet d’apporter un soutien utile à la population, rapidement.

Le maire de Laigneville mise sur l’équipement et la communication pour dynamiser sa réserve communale. Il considère que c’est une première forme de reconnaissance. Il a rappelé que lorsqu’il était pompier du Var, les premiers comités de lutte contre les feux de forêts avaient été mis en place, avec des citoyens « qui partaient en jean et en T-shirt, avec un véhicule que la commune avait réussi à leur dégoter ». Par la suite, il leur a été conféré une véritable identité visuelle, des véhicules dédiés et un statut légal. Pour M. Dietrich, ce sont évidemment des bonnes pratiques à étendre aux réserves communales. À Laigneville, les réservistes communaux de sécurité civile ont un statut légal, mais aussi des tenues floquées, reconnaissables, et un véhicule. Le maire est sur le point de créer une page Facebook pour valoriser l’action des réservistes et recruter davantage de volontaires. « Il ne s’agit pas d’en recruter trop », a averti M. Dietrich, « de constituer une armée mexicaine. » Il a mis en garde contre le risque que la réserve communale de sécurité civile ne soit perçue, à tort ou à raison, comme la milice du maire. Il vaut mieux, selon lui, une réserve de dix personnes, conscients de ce qu’ils ont à faire, efficaces, identifiables et bien équipés, qu’une cinquantaine qui formerait « une espèce de garde prétorienne autour du maire ». Ce sont des dérives qu’il a déjà constatées. Il souligné l’enjeu de formation des maires et d’information de la population.

En plus de la réserve communale, M. Dietrich a mis en place un « réseau d’aide » pendant la pandémie. Il faisait appel à la population à travers les réseaux sociaux pour des missions quotidiennes à caractère social ou solidaire. 500 personnes suivent ainsi la page Facebook « Laigneville Solidaire », mise en place dès le premier jour du confinement, et une centaine de personnes se sont mobilisées. La commune a ainsi évité que cela « ne parte dans tous les sens ». Les bonnes volontés ont été fédérées, un gage d’efficacité et de respect de la loi. M. Dietrich a remarqué que la plupart des volontaires s’étaient ensuite naturellement tournés vers le centre communal d’action sociale, le comité des fêtes ou des associations caritatives comme les Restos du cœur, une fois la première vague passée, une façon de continuer à se rendre utile. M. Dietrich parvient désormais à remobiliser facilement ces personnes bien qu’elles ne soient pas dans la réserve communale, faute d’une disponibilité suffisante la plupart du temps, pour une aide ponctuelle. M. Dietrich a signalé que les grandes surfaces de sa région invitaient chaque année les sapeurs-pompiers et les gendarmes dans des journées de sensibilisation à la sécurité ou à la sécurité civile. Il trouverait normal qu’elles pensent aussi à inviter les réservistes communaux, même si ils sont encore très rares au nord de la Loire.


L’exemple de la réserve communale de Sorgues

Maire de Sorgues, M. Thierry Lagneau est le maire d’une commune exposée à plusieurs risques : inondations, feux de forêts et des risques technologiques. Il a donc aussi fait adopter le projet d’une réserve communale de sécurité civile, qui absorberait un comité de surveillance des feux de forêt déjà existant. Les citoyens lui paraissent demandeurs de modalités de participation à la vie et à la résilience de leur commune : pendant la première vague de l’épidémie de Covid-19 par exemple, plus de 200 Sorguais bénévoles se sont spontanément et rapidement portés volontaires pour confectionner des masques en tissu dans un atelier de couture improvisé par le maire dans la salle des fêtes de la commune. En trois semaines, ils ont confectionné 26 000 masques. Le maire de Sorgues est convaincu qu’une réserve communale de sécurité civile peut et doit répondre à un vaste panel de besoins, en manifestant par exemple une solidarité à l’endroit des aînés. Il a en effet observé que les réserves communales de sécurité civile mises en place uniquement pour faire face aux risques d’inondations s’étiolaient dans le temps. Il faut pouvoir maintenir un lien en dehors des évènements exceptionnels pour lesquels ces réserves sont créées.

Leur coût de gestion est rendu très faible par la possibilité d’avoir recours aux réseaux sociaux ou à des messageries instantanées pour organiser les volontaires. En « mode dégradé », par exemple sans réseaux de communication, la mairie serait un centre de crise tout trouvé. Comme l’a mis en évidence M. Thierry Lagneau, maire de Sorgues, le maire a la possibilité de maintenir une dynamique après l’évènement qui a incité les citoyens à s’engager.

2.   Un cadre rigoureux à respecter

Le principal défi de la réserve communale consiste à ne pas se substituer à d’autres acteurs plus pertinents et à empêcher des dérives politiques du dispositif.

a.   Une coordination indispensable avec les autres acteurs de la sécurité civile

Fort de ses expériences professionnelles, le maire de Laigneville n’a pas eu de mal à savoir où, quand et comment engager sa réserve. Il ne fera pas faire du nettoyage de route à ses réservistes ; c’est une mission qui relève des services techniques. En revanche, il pourra leur demander de pomper l’eau dans la cave d’une maison où les pompiers n’ont pas le temps d’intervenir, les engager pour assurer la circulation ou la surveillance de fêtes locales ou de manifestations.

Le succès d’une réserve communale de sécurité civile suppose que le maire ait une parfaite connaissance du rôle des autres acteurs publics. Des ressources devraient être davantage mises à la disposition des maires pour ce faire.

b.   Un encadrement rigoureux, gage d’efficacité et de protection

Les réservistes doivent être bien encadrés pour ne pas prendre d’initiative malheureuse. M. Christophe Dietrich a aussi précisé que, dans la mesure où il s’agissait d’une réserve officielle et reconnue comme telle, y compris par le préfet, il avait pris une assurance pour ses réservistes au niveau de la commune. Il a néanmoins reconnu que de telles précautions n’avaient pas été prises dans le cadre de son initiative citoyenne pendant la première vague de l’épidémie de Covid-19, les volontaires ne réalisant cependant aucune mission nécessitant un transport ou un risque particulier. Le réseau « Laigneville Solidaire » ne commandait pas de missions, de surcroît. Il mettait en relation des citoyens volontaires et des personnes dans le besoin. Pour toutes les missions de confiance ou logistiques, le maire de Laigneville avait préférablement recours aux services communaux, mieux protégés.

c.   Une information insuffisante des maires

Les rapporteurs ont été frappé du manque d’information des maires sur les réserves alors que ces derniers ont intérêt à ce que leurs concitoyens trouvent leur place.

S’il dirige spontanément les candidats aux réserves qui se manifestent auprès de lui vers la gendarmerie nationale, ou à défaut, vers des organismes associatifs comme la Croix rouge, le maire de Laigneville a regretté que les maires ne soient destinataires d’aucune information ou documentation particulière sur les réserves nationales, estimant que l’immense majorité des personnes ne connaissaient pas ou très peu les dispositifs d’engagement citoyen existants. Les deux maires entendus par la mission d’information ne connaissaient pas la Garde nationale, tout comme les deux permanents de l’AMF présents à l’audition. L’AMF a pourtant signé une convention avec la Garde nationale en en même temps que l’Association des départements de France et l’Association des régions de France au congrès des maires de France. Elle n’a de toute évidence pas eu de suites.

D’après les travaux de la mission d’information, le rôle des correspondants défense reste très limité, voire symbolique. Le contact de ces derniers avec les délégués militaires départementaux (DMD) est réduit, et l’action des correspondants se borne bien souvent à l’animation du lien entre la commune et les associations patriotiques et d’anciens combattants. Ils ne bénéficient d’aucune formation et d’aucun suivi particulier. La nécessité de densifier les relations civilo-militaire a par ailleurs déjà été soulignée par un autre rapport de la commission de la défense sous la XVe législature, celui de MM. Joaquim Pueyo et Pierre Venteau. ([79])

d.   Une modalité pour organiser des volontaires ayant d’autres engagements au niveau local

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs estiment que les réserves communales de sécurité civile ou d’autres réseaux de solidarité créés par les maires auraient pu accueillir les offres de bénévolat des citoyens avec beaucoup plus d’efficacité que la réserve civique matérialisée par le site www.jeveuxaider.gouv.fr, en particulier dans les petites communes, aux côtés des grands réseaux associatifs. L’expérience de Laigneville montre que le maire dispose d’atouts pour organiser les bonnes volontés, éviter qu’elles n’entrent en contradiction ou s’ajoutent à l’action de professionnels ou d’associations déjà présents sur le terrain.

Comme les associations, les réserves communales de sécurité civile sont un atout pour organiser des parcours citoyens pour des réservistes dont la disponibilité évolue et ne leur permet plus de poursuivre leur engagement sous cette forme. La réserve communale de Laigneville a d’ailleurs été fondée autour d’anciens sapeurs-pompiers volontaires. Les réservistes opérationnels de défense et de sécurité, les sapeurs-pompiers volontaires sont déjà formés et ont l’habitude de travailler dans un cadre réglementaire bien défini et en coordination avec d’autres acteurs. C’est pourquoi il serait évidemment intéressant pour le maire de les compter dans sa réserve communale de sécurité civile.

C’est pourquoi les rapporteurs soutiennent une proposition consistant à favoriser la connaissance mutuelle des réservistes à l’échelle communale. Il n’est pas question de faire passer des réservistes opérationnels ou des sapeurs-pompiers volontaires sous le commandement du maire ou de permettre à celui-ci d’obtenir des listes de réservistes. Mais en organisant des évènements destinés à tous les volontaires de sa commune, un maire aurait la possibilité de témoigner de la reconnaissance à ceux qui s’engagent au profit de tous, de contribuer à l’information sur les possibilités de volontariat et à favoriser des passerelles entre les réserves. Il va de soi que tout cela reposerait sur le volontariat des réservistes.


IV.   La réserve sanitaire : un grand malentendu

La réserve sanitaire suscite beaucoup d’insatisfaction depuis le début de la crise sanitaire parce que ses missions et sa doctrine d’emploi sont mal connues mais aussi parce que ses moyens sont insuffisants. En outre, elle n’a pas été conçue pour faire face à une crise à cinétique longue comme celle qu’a causée l’épidémie de Covid-19.

A.   Un dispositif centralisé, unique au monde, d’échanges de professionnels qualifiés

Composée de professionnels de santé volontaires (par exemple, médecin, psychologue, pharmacien, infirmier, ambulancier), de retraités de moins de cinq ans et d’étudiants en médecine, la réserve sanitaire intervient en renfort, en France ou à l’étranger, dans des situations sanitaires exceptionnelles (épidémie, catastrophe naturelle, attentat...). Elle a été créée en 2007 ([80]) pour permettre l’intervention en renfort de personnels de santé pour faire face à des crises sanitaires comme celle de l’épidémie de chikungunya à La Réunion et à Mayotte ou de la canicule de l’été 2006. À la connaissance des rapporteurs, elle n’a pas fait l’objet de travaux d’évaluation depuis.

1.   Des réservistes d’un haut niveau de qualification

La réserve sanitaire fait exclusivement appel à des professionnels qualifiés : des professionnels en exercice, des retraités de moins de cinq ans et des étudiants en médecine. Elle n’assume donc pas le coût de leur formation initiale.

a.   Des conditions d’accès strictes

L’exigence d’une pratique professionnelle de moins de cinq ans est justifiée par la rapidité avec laquelle évoluent les normes et les gestes professionnels dans le domaine de la santé. D’après les travaux des rapporteurs, des infirmiers et infirmières scolaires ou de la médecine du travail l’ont d’ailleurs éprouvé lorsqu’ils sont venus renforcer des hôpitaux pendant la crise sanitaire. La limite d’âge pour effectuer des renforts dans la réserve sanitaire est fixée à 65 ans. Les rapporteurs ont cependant rencontré d’anciens réservistes sanitaires qui poursuivaient leur engagement sous la forme d’un renfort administratif.

Pour alléger au maximum la charge administrative de l’établissement en demande de renfort, l’équipe de la réserve sanitaire de Santé publique France assume toute la gestion administrative du réserviste. Diplôme, RIB, adresse : tout est vérifié avant l’envoi en mission. De récentes expériences alternatives tentées pour faire face à la crise sanitaire ont apparemment montré toute la pertinence de ce modèle.

Les conditions d’accès à la réserve sanitaire sont donc légitimement strictes, ce qui a suscité une certaine frustration pendant la crise de la Covid-19. Un afflux de volontaires a été constaté lors de la première vague de l’épidémie, avec jusqu’à 19 000 nouveaux volontaires permettant d’atteindre plus de 45 000 inscrits au total. Beaucoup se sont plaints de n’être pas employés. Mais sur cet ensemble d’inscrits, 5 000 n’ont pas même renseigné leur profession. Ils ont été relancés deux fois, sans réel succès. Seuls 4 600 ont complété leur dossier administratif et signé un contrat d’engagement pour une durée de trois ans avec la réserve sanitaire.

L’autre limite a trait à la qualification. La réserve sanitaire est en effet composée à 62 % de professionnels paramédicaux (aides-soignants, infirmiers, infirmiers spécialisés, cadres de santé) et psychologues ; à 28 % de professionnels médicaux, pharmaceutiques et scientifiques (sages-femmes, médecins généralistes, pédiatres, médecins de santé publique, psychiatres, infectiologues, chirurgiens, épidémiologistes...) ; 9 % de professionnels administratifs (assistants de régulation médicale, secrétaires médicaux, directeurs des soins, directeurs d’hôpitaux...) et 1 % de professionnels techniques et médicotechniques (ambulanciers, techniciens et ingénieurs biomédicaux, techniciens et ingénieurs sanitaires...). Pendant la crise sanitaire, les ARS ont demandé des médecins-réanimateurs, pas des ergothérapeutes ou des kinésithérapeutes, par exemple, qui ont pu avoir le sentiment de rester l’arme au pied.

b.   Des formations dispensées par la réserve sanitaire insuffisamment reconnues

Bien qu’elle s’appuie sur des professionnels déjà formés, la réserve sanitaire dispense aussi des formations permettant de réagir à l’imprévu en adoptant les bons gestes, de prodiguer des soins dans un environnement dégradé, de savoir organiser la prise en charge des victimes, de détecter les traumatismes psychiques et de savoir les prévenir chez les populations touchées, d’organiser un camp de vie pour le quotidien des réservistes. Certains réservistes sanitaires entendus par la mission d’information ont d’ailleurs regretté que la formation et la préparation des réservistes partant pour l’étranger ou l’outremer n’aient pas pu être dispensées à tous les réservistes à cause du contexte sanitaire, au vu de la réalité des conditions de travail voire de sécurité sur certaines missions.

Mme Catherine Lemorton, la responsable de la réserve sanitaire, a aussi regretté que les formations dispensées dans ce cadre ne soient pas reconnues au titre du développement professionnel continu (DPC), par exemple, la formation habillage - déshabillage pour faire face à une épidémie de type Ebola, qui donne lieu à une formation initiale et des « recyclages » réguliers, ou des journées appelées « exercices terrain » simulant un travail intense pendant cinq jours à soixante dans des conditions très spartiates en pluridisciplinarité ou encore la formation de chef de salle pour la prise en charge des victimes après un attentat proposé par la cellule de crise du ministère de l’Intérieur. Avant la crise sanitaire, la responsable de la réserve sanitaire avait pensé entamer les démarches d’homologation de ces formations pour le DPC, démarches qui prennent environ deux ans. Dès que la crise sanitaire sera terminée, cela redeviendra une priorité. Mais toutes les formations de la réserve sanitaire ne pourront pas y prétendre et mériteraient d’être reconnues autrement.

Comme l’ont suggéré des directeurs généraux d’ARS entendus par la mission d’information, les employeurs habituels de réservistes formés pourraient avoir un bonus financier ou des points valables dans le cadre de la certification. Cela constituerait une bonne manière d’inciter les employeurs à libérer leurs réservistes, y compris pour des formations qui sont d’intérêt général.

Une piste d’évolution pour la réserve sanitaire telle qu’elle est aujourd’hui ou, plus généralement pour le ministère de la Santé, pour tout autre mécanisme de réaction rapide en cas de crise, pourrait être de conditionner l’accès aux formations qualifiantes dans le domaine de la gestion de situations sanitaires exceptionnelles à la qualité de réserviste, et d’inciter les établissements à investir dans cette forme de formation continue par des bonus financiers.

2.   Un mécanisme de solidarité entre territoires ou établissements

La réserve sanitaire n’est pas une réserve stratégique mais un mécanisme de solidarité entre établissements de santé ou entre territoires, une modalité de mise en relation entre des professionnels volontaires et des besoins éloignés. Elle n’est pas l’outil adapté pour faire face à un choc symétrique sur l’ensemble du territoire national ou une crise soudaine comme un attentat.

a.   Pas une réserve sanitaire de masse, mais un renfort multi-individuel

Avec plus de vingt-cinq opérations par an en moyenne, la réserve sanitaire a assuré jusqu’en 2019 des missions telles que le renfort de cellules téléphoniques d’aide aux victimes en cas d’attentat, le renfort de l’offre de soins dans des territoires touchés par une situation sanitaire exceptionnelle comme l’ouragan Irma aux Antilles, l’accompagnement des centres de protection maternelle et infantile à Mayotte pendant deux mois chaque année, un renfort en cas de catastrophe impliquant des ressortissants français à l’étranger (attentat, accidents aériens, catastrophe naturelle…), des missions d’appui lors de campagnes de vaccination exceptionnelles dans les outre-mer, à l’occasion d’épidémies (méningite, hépatite A, rougeole, coqueluche) et dans les zones d’accueil de personnes migrantes.

Le cadre de mobilisation de 2013 prévoit explicitement que la réserve sanitaire est d’abord réservée aux départements et collectivités ultra marine, où le nombre de professionnels de santé est insuffisant. Elle est intervenue de manière très efficace après des épidémies de maladies infectieuses dans ces territoires, notamment l’épidémie de Zika.

 

Activité de la réserve sanitaire entre 2008 et 2019

Source : Santé publique France, « La réserve sanitaire. Un renfort en cas de situations sanitaires exceptionnelles », dossier pédagogique, 19 mars 2020.

L’agence Santé publique France a publié, en avril 2020, une mise au point sur le recours à la réserve sanitaire ([81]) pour répondre aux accusations de sous-mobilisation depuis le début de l’épidémie de Covid-19. À la mi-avril, plus de 1 000 réservistes avaient en effet été mobilisés. Ce chiffre représente plus de 8 000 jours/homme et plus de 35 missions en France métropolitaine et en outre-mer, ce qui est très significatif à l’échelle de ce qu’est la réserve sanitaire aujourd’hui et de ses moyens. Au sein des différents centres d’hébergement mis en place pour les ressortissants revenus de Chine, des réservistes sanitaires ont notamment assuré l’accompagnement des ressortissants et leur suivi médical 24h/24.

En tout état de cause, la réserve sanitaire n’offre pas de capacités supplémentaires mais des transferts temporaires de professionnels de santé. Comme le soulignaient les sénateurs Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam dans leur rapport de 2010 précité sur une réserve de sécurité nationale, la gestion des crises nationales doit reposer d’abord et avant tout sur effectifs permanents, normalement dimensionnés pour faire face aussi à des crises. Les professionnels libéraux et les intérimaires peuvent aussi jouer un rôle significatif mais comme l’ont signalé des directeurs d’ARS, leur acclimatation dans les établissements hospitaliers ne va pas de soi. Elle suppose un effort de l’établissement d’accueil : une réorganisation des équipes pour constituer des binômes, l’affectation exclusive de personnel local aux services de nuit, etc.

Compte tenu du haut niveau de qualification des professionnels de santé, il paraît difficile de recruter des volontaires non formés, de leur dispenser une formation minimale et de les employer sur des missions requérant une faible qualification comme parviennent à le faire les forces de défense et de sécurité. Ce sont les secouristes (Croix-Rouge, Protection civile, Ordre de Malte, etc.) qui s’approchent le plus de cette notion. Les rapporteurs rappellent d’ailleurs que les secouristes ont pleinement joué leur rôle pendant la crise sanitaire et que des bénévoles, nombreux, ont rejoint les rangs des réseaux de sécurité civile ou ont fondé des associations ad hoc pour aller proposer leur aide dans les hôpitaux. C’est par exemple le cas de l’association Résilience citoyenne qui a réuni des volontaires, pour beaucoup issus des forces de défense et de sécurité, et a apporté un remarquable soutien logistique et moral à des hôpitaux de l’AP-HP.

Ensuite, comme l’ont reconnu les directeurs d’ARS, peu de réservistes sanitaires ont été employés pour la campagne de vaccination sur le territoire national, en accord avec le centre de crise du ministère des Solidarités et de la santé. Cette absence de mobilisation s’explique par les règles d’emploi des réservistes sanitaires, qui prévoient notamment l’obligation pour le réserviste de dormir dans l’hébergement prévu par la mission et le fait que la réserve sanitaire mobilise sur un minimum d’une semaine. La volonté du ministère a jusqu’à présent été de privilégier le recours à des professionnels de santé résidant à proximité des centres de vaccination, ce qui paraît en effet logique.

b.   Une disponibilité qui repose beaucoup sur la bonne volonté d’établissements de soins

Les professionnels du système de santé public appartiennent à une fonction publique d’établissements et non à une fonction publique d’État. En d’autres termes, il n’y a pas de direction centrale des ressources humaines susceptible d’adresser un message à tous les professionnels de santé ou de les mobiliser indépendamment de leurs établissements.

Les réservistes sanitaires employés ont tous fait état des réticences de leurs employeurs à les libérer pour effectuer des renforts. Une ancienne directrice des soins a souligné combien il était difficile de laisser partir des agents dans un contexte où le recrutement et le remplacement des infirmiers était déjà sous tension. Il apparaît toutefois que la possibilité de partir ou non pour des missions dans la réserve sanitaire repose largement sur la personnalité et les convictions personnelles du directeur des soins, ce qui est naturellement la cause de profondes disparités entres services et entre établissements.

Les réservistes entendus déconseillent de rendre plus contraignante la participation à la réserve, compte tenu des conditions d’exercice qui peuvent être difficiles. Par exemple, un infirmier en soins généraux réserviste a expliqué avoir effectué sa première mission dans « la jungle de Calais », où les conditions sanitaires et sécuritaires étaient particulièrement délicates. Il est préférable d’être volontaire et formé pour effectuer ce type de missions.

Une politique partenariale avait été engagée. Elle a été abandonnée vis-à-vis des établissements publics qui peuvent toutefois se faire rembourser par Santé publique France les salaires versés aux réservistes pendant leurs missions. Des conventions demeurent avec les établissements privés. En tout état de cause, le montant de la compensation versée au titre de l’absence d’un professionnel réserviste est jugé très peu incitatif.

Selon Mme Catherine Lemorton, responsable de la réserve sanitaire, l’équipe de Santé publique France n’a aucun contact direct avec les employeurs en dehors d’une « plaquette de présentation » sensibilisant les employeurs à l’intérêt que représente pour eux ce dispositif de solidarité mutuelle. La responsable de la réserve sanitaire a regretté de ne pouvoir peser davantage sur la décision des employeurs de laisser partir ou non leurs réservistes. L’équipe de la réserve sanitaire conseille aux volontaires d’informer leur employeur de leur appartenance à la réserve sanitaire en amont, mais rien de plus concret ne peut être organisé. Certains employeurs sont cependant particulièrement conciliants : Mme Catherine Lemorton a rapporté le cas récent, certes exceptionnel, d’un directeur de groupement hospitalier en Bretagne ayant expressément demandé aux directeurs de soins de ses établissements de laisser partir les réservistes vers des territoires plus touchés par la Covid-19.

3.   Un recours à la réserve sanitaire rigoureusement encadré

Les rapporteurs se sont intéressés tout au long de leurs travaux à la façon dont les réservistes s’intégraient dans les services actifs. L’expérience de la réserve sanitaire est particulièrement intéressant à cet égard et pourrait servir d’avertissement à d’autres ministères sur les risques d’une doctrine d’emploi peu claire ou méconnue.

a.   Des réservistes parfois mal accueillis

Plusieurs réservistes sanitaires entendus par la mission d’information ont fait état de réactions hostiles de professionnels de santé auxquels la réserve sanitaire vient prêter main forte. Certains peuvent avoir l’impression erronée que l’intervention de la réserve est synonyme d’une défaillance de leur part. D’autres pensent encore que la réserve sanitaire s’autosaisit, ce qui est inexact puisqu’elle se contente de répondre à des sollicitations des ARS. Dans certaines collectivités d’outre-mer, en particulier, des syndicats de soignants considèrent que la réserve sanitaire vient compenser des faiblesses structurelles qui mériteraient la création de nouveaux postes ou priver les personnels locaux de revenus qu’ils tireraient autrement de la réalisation d’heures supplémentaires.

Enfin, d’après plusieurs réservistes sanitaires interrogés, les réservistes sanitaires ont aussi parfois été considérés comme des « casseurs de grève ». La réserve sanitaire a en effet été quelques fois utilisée pour compenser des carences structurelles de l’offre de soins dans certaines régions, ce qui est un dévoiement de ses missions. Pour la responsable de la réserve sanitaire, ce genre de pratiques menace directement la réserve sanitaire, qui ne doit pas apparaître par ailleurs aux yeux des professionnels de santé comme un instrument destiné à « casser » les grèves et les mouvements sociaux. En dépit de la réticence de la responsable de la réserve sanitaire et du directeur général de l’époque, le docteur François Bourdillon, à la demande du ministère, une alerte a pourtant été envoyée aux réservistes après une demande formulée par une ARS de mobilisation d’urgentistes et d’infirmiers en mai 2019 dans un contexte de grève. Un seul professionnel s’est porté volontaire, les autres refusant de se mobiliser par solidarité. Cet épisode a conduit le directeur général de Santé publique France à proposer l’instauration d’une interdiction pure et simple du recours à la réserve sanitaire en cas de mouvement de grève.

b.   Une doctrine d’emploi qui a dû être précisée

La réserve sanitaire ne peut être saisie que dans des circonstances particulières, et une information officielle a été adressée aux ARS en ce sens. Dorénavant, les appels à la réserve sanitaire par les ARS doivent prendre la forme d’une demande écrite formalisée via un formulaire, afin que les ARS justifient leur demande de renfort. Pour Mme Catherine Lemorton, la réserve sanitaire doit rester un dernier recours, utilisé uniquement en cas de situation sanitaire exceptionnelle.

L’équipe de la réserve sanitaire reçoit encore régulièrement des formulaires provenant d’ARS cherchant à compenser des fragilités structurelles en dotation de personnel, demandes auxquelles l’unité oppose systématiquement une réponse négative.

B.   Une réserve qui souffre d’un manque de visibilité et de reconnaissance

Le principal problème de la réserve sanitaire est son manque de visibilité.

1.   Une réserve mal connue, y compris des professionnels de santé

Comme en témoignent les nombreux malentendus relatés par les réservistes sanitaires, la réserve sanitaire est mal connue de la population générale et des professionnels de santé. Cette méconnaissance est vraisemblablement due à un manque de visibilité. Les rapporteurs ont en effet pu consulter des vade-mecum expliquant le fonctionnement de la réserve sanitaire, publiés par Santé publique France, qui leur ont paru clairs et didactiques. ([82]) En tout état de cause, le manque de visibilité nuit considérablement au recrutement et donc au bon fonctionnement de cette réserve.

a.   Un vivier très insuffisant

D’après les experts entendus par les rapporteurs, compte tenu de son mode de fonctionnement, le vivier actuel de la réserve sanitaire est très insuffisant. Ce dispositif, unique au monde, selon l’ancienne responsable de la réserve sanitaire, Mme Clara de Bort, ne peut fonctionner que « parce qu’il est jacobin et s’il s’appuie sur un immense vivier national. Tant que les effectifs de la réserve sanitaire compteront moins de 100 000 soignants, elle ne pourra pas répondre correctement à sa mission », a conclu Mme de Bort.

Sur 45 000 inscrits sur la plateforme de la réserve sanitaire, seuls 4 600 sont en effet véritablement engagés et prêts à partir dans des délais raisonnables. Ensuite, ne sont appelés que les professionnels dont les compétences sont recherchées par l’établissement qui demande un renfort. Des sondages et des exercices avaient montré à l’ancienne responsable de la réserve sanitaire qu’en cas de crise explosive, avec des besoins immédiats, seules 3 personnes sur 100 contactées étaient prêtes à partir, avant même d’avoir commencé à les sélectionner. Si le départ était immédiat avec un besoin d’expertise spécifique, le taux était inférieur à 1 %. Si la durée de mobilisation dépassait les quinze jours, les taux étaient encore plus faibles, sans même avoir encore demandé l’accord de l’employeur. Dans une réserve sanitaire de 15 000 ou même de 50 000 personnes, imposer des contraintes fortes ne permet tout simplement pas d’avoir des candidats sur certaines spécialités rares, sur les durées minimales nécessaires. Les professionnels les plus qualifiés sont plus volontiers disponibles sur des durées courtes.

b.   Une rénovation de la communication à poursuivre

L’équipe de la réserve sanitaire dispose de 80 000 euros de budget annuel en communication. Pendant longtemps, ces sommes ont été utilisés pour organiser une unique journée d’animation de la réserve sanitaire, ce qui n’a eu aucun effet sur le recrutement.

Jusqu’à 80 % des professionnels de santé ne connaissaient pas la réserve sanitaire, d’après des enquêtes, ce qui a amené Santé publique France à revoir sa stratégie désormais plus axée sur la participation à des salons professionnels ou à des congrès. Cette nouvelle approche a d’ores et déjà permis d’observer des résultats encourageants. Elle est aussi préconisée par les réservistes sanitaires entendus par la mission d’information qui insistent aussi sur l’information à diffuser aux étudiants et aux professionnels en formation.

Une coopération avec les représentants de différents ordres professionnels (médecins, masseurs kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens) a permis, lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19, la publication d’un communiqué conjoint de la directrice générale de Santé publique France, la professeure Chene, et des présidents de l’ordre des médecins et de l’ordre des infirmiers et infirmières pour appeler à la mobilisation des professionnels de santé, notamment retraités. La réserve sanitaire a également fait l’objet d’encarts dans les revues publiées par certains conseils de l’ordre. Cet appel à la mobilisation a été efficace : les effectifs de la réserve sanitaire ont doublé ! Mais la mobilisation des réservistes a ensuite été freinée par d’autres insuffisances.

La responsable de la réserve sanitaire a suggéré d’aller encore plus loin et que le ministère de la Santé achète des espaces publicitaires sur des chaînes de télévision, à la manière de ce qui peut être fait par le ministère des Armées pour le recrutement des militaires. L’objectif est d’augmenter le vivier de réservistes sanitaires.

2.   Des réservistes freinés par des conditions d’indemnisation dissuasives

Il ne faut pas s’étonner du faible succès de la réserve sanitaire, en particulier en métropole, eu égard aux conditions de rémunération des réservistes.

a.   Des conditions d’indemnisation peu incitatives

La rémunération proposée par la réserve sanitaire est forfaitaire. Elle peut représenter entre 2 800 et 3 000 euros nets mensuels pour un infirmier, ce qui est intéressant en début de carrière mais insuffisant en milieu et en fin de parcours professionnel.

La faiblesse des indemnités est d’autant plus prégnante pour certaines spécialités : les médecins anesthésistes réanimateurs, par exemple, peuvent espérer toucher une indemnité quotidienne de 300 euros bruts lorsqu’ils servent dans la réserve, au même titre qu’un médecin généraliste, et un montant sans commune mesure avec leur rémunération habituelle qui peut atteindre 1 200 euros bruts par jour d’intérim.

Le conseil d’administration de Santé publique France a décidé en 2018 une baisse drastique des indemnisations journalières des réservistes, jugée très pénalisante.

Les rapporteurs notent aussi que bien qu’ayant des responsabilités plus importantes, les référents de mission ne sont pas rémunérés davantage. Cette anomalie est d’autant plus problématique qu’elle induit qu’un aide-soignant référent et un médecin référent ne sont pas indemnisés de la même manière, alors qu’ils remplissent exactement la même fonction.

Enfin, le panel de réservistes sanitaires interrogé a aussi souligné les délais excessifs de paiement des indemnités de réserve.

b.   Des conditions carrément dissuasives pour les professionnels libéraux

La réserve sanitaire offre des conditions particulièrement dissuasives pour les professionnels de santé exerçant en libéral. Ils sont en effet contraints de faire appel à des remplaçants, ce qui est difficile pour des durées de deux ou trois semaines. Les rapporteurs ont entendu une sage-femme libérale engagée dans la réserve « par sens du devoir » mais « au détriment de [son] cabinet », et ce y compris financièrement.

Les libéraux sont en outre les réservistes qui sont payés le plus tardivement, pour des raisons liées au calcul de leurs charges sociales, sans que les rapporteurs aient pu se faire expliquer pourquoi ce calcul était plus long pour un professionnel exerçant en libéral que pour un salarié. La sage-femme réserviste entendue par la mission d’information est ainsi régulièrement mise en difficulté par les délais de versement des indemnités, souvent supérieurs à huit mois. La participation à la réserve sanitaire a pour effet de créer une difficulté de trésorerie qui n’est qu’imparfaitement résolue à moyen terme compte tenu du montant de l’indemnité.

Dans ces conditions, un renfort outre-mer peut peut-être encore paraître attractif mais ne faut pas s’étonner de la faiblesse du nombre de candidats à des renforts en métropole. Les professionnels libéraux ne représentent ainsi que 7 % des effectifs de la réserve sanitaire alors qu’ils pourraient offrir des marges de manœuvre en cas de crise en armant des cellules d’urgence médico-psychologique, notamment, qui déchargeraient les hôpitaux.

Les rapporteurs estiment que cette situation devrait être réexaminée, en particulier si le ministère de la Santé veut donner de nouvelles ambitions à la réserve sanitaire. Ils remarquent que contrairement à celle des réservistes de défense et de sécurité, l’indemnité des réservistes sanitaires est imposée au titre de l’impôt sur le revenu. Les rapporteurs considèrent que l’opportunité d’un traitement similaire mériterait d’être considérée. Compte tenu du nombre de réservistes sanitaires et du fait que le nombre de jours de service est plafonné (45 jours par an, ce nombre pouvant être doublé en cas de circonstances exceptionnelles), le coût pour les finances publiques ne devrait pas être disproportionné et les effets d’aubaine seraient limités. Cette mesure pourrait apporter une solution aux problèmes de trésorerie des professions libérales et renforcer l’attrait de la réserve sanitaire.

Une autre solution serait d’augmenter les indemnités au titre de la réserve sanitaire et d’accorder des avances de trésorerie aux professions libérales.

c.   Des soignants sans employeurs pénalisés faute d’attestation d’emploi

Les soignants sans employeurs, autrement dit les intérimaires, représentent un vivier important (13 % des effectifs de la réserve sanitaire) et surtout disponible pour la réserve sanitaire. Certains candidatent pour des missions dont la durée excède trente jours, ce qui est particulièrement intéressant pour les outre-mer, et pour lesquelles ils ne reçoivent aucune attestation d’emploi, puisque la réserve sanitaire ne reverse pas de cotisations à l’assurance-chômage.

Selon la responsable de la réserve sanitaire, certains réservistes voient la portabilité de leurs droits au chômage suspendue tant qu’ils ne fournissent pas une véritable attestation Pôle emploi que Santé publique France n’est pas en capacité de leur donner. Selon les agences Pôle Emploi, une attestation faite sur papier libre convient néanmoins. Dans certains cas extrêmes, cette situation a conduit le réserviste sanitaire à se désengager de la réserve sanitaire en mettant fin au contrat d’engagement de 3 ans pour se réengager aussitôt. « Ces situations sont ubuesques », a insisté Mme Lemorton. En effet, certaines agences Pôle Emploi peuvent avoir une mauvaise lecture du contrat d’engagement, le considérant comme un contrat de travail.

3.   Une animation qui devrait être renforcée

Compte tenu de la diversité du monde de la santé, où coexistent des établissements publics, privés et des professions libérales, un défi réside dans l’animation de la réserve sanitaire et l’information des professionnels.

a.   Des ARS insuffisamment impliquées dans l’information des professionnels sur la réserve sanitaire

Depuis 2016, les ARS sont censées avoir une politique active d’information sur la réserve sanitaire ([83]), ce qui ne se vérifie pas dans les faits. Elles ne mettent pas à la disposition de la réserve sanitaire de salles pour organiser des réunions d’information régionales par exemple. C’est d’autant plus problématique que les représentants des professionnels de santé, qui pourraient faire beaucoup en la matière, sont intégrés aux ARS via les unions régionales des professionnels de santé (URPS).

Les relations entre les ARS et les réservistes sanitaires gagneraient à être précisées. D’après les auditions conduites par la mission d’information, certains directeurs d’ARS s’alarment que des réservistes s’attendent à être reçus individuellement et remerciés par le directeur de l’agence régionale, ce qui leur paraît impossible, quand des réservistes sanitaires signalent des relations difficiles avec les ARS.

De l’avis général, il faut mieux informer les réservistes sur les conditions dans lesquelles ils vont exercer (conditions de travail, d’hébergement). Certains réservistes sanitaires envoyés outre-mer s’indignent parfois d’être hébergés dans des deux étoiles ou dans des Airbnb. Actuellement, la situation sécuritaire à Mayotte impose de respecter quelques consignes simples comme de ne pas se promener seul le soir, de ne pas se mettre en danger. Le ramadan a pour conséquence que les magasins sont fermés le soir, ce qui a aussi suscité des plaintes.

b.   Des missions plus attirantes que d’autres

Plus de 80 % des missions des réservistes sanitaires ont lieu dans les collectivités ultramarines. Les appels à mobilisation concernant l’hexagone rencontrent beaucoup moins de succès. Les missions en métropole ont donc besoin d’être valorisées, selon plusieurs réservistes sanitaires et l’équipe de Santé publique France.

La directrice de l’ARS de Mayotte a aussi pointé des compétences et des motivations « inégales » selon les réservistes, avec des individus « admirables, qui travaillaient plus de 48 heures par semaine, comprenaient le territoire, portaient attention à la diversité des situations sociales auxquelles ils étaient confrontés » et des réservistes « venus voir le lagon ». Il y a eu plusieurs clusters au sein des équipes de réservistes venus renforcer Mayotte pendant la crise sanitaire, au point que Santé publique France a dû rappeler à l’ordre certains d’entre eux. Si des réservistes sanitaires ont été mobilisés sans difficulté à Mayotte pendant la première vague, dès que des appels à volontaires ont été lancés pour la Polynésie française ou La Réunion, il n’y a plus eu un seul réserviste pour vouloir venir à Mayotte parce que cette île n’a pas d’industrie touristique, que les hôtels sont familiaux et assez rustiques.

Les rapporteurs suggèrent d’examiner l’opportunité de mettre en place un système à points pour valoriser certains renforts et engager en priorité à Tahiti ou en Polynésie française les réservistes les plus efficaces ou dévoués. Cette idée n’est pas exclusive d’une revalorisation ciblée de l’indemnité de réserviste en fonction des missions, cette option étant certainement plus adaptée pour des missions ou des compétences rares.

c.   Le défi de la fidélisation pour les nouvelles recrues de 2020

La réserve sanitaire fait face au défi de fidéliser les volontaires qui se sont engagés à la faveur de la crise de la Covid-19, faisant doubler l’effectif de la réserve sanitaire.

Cette fidélisation passe notamment par la formation : sur ce sujet, des réflexions sont en court, à l’instar de la task force dédiée au renforcement de la formation des réservistes intervenant dans certains territoires étrangers sous l’égide du ministère des Affaires étrangères et européennes et d’un partenariat avec la sécurité civile sous l’égide du ministère de l’Intérieur sur l’élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée (ESCRIM).

La fidélisation passe certainement aussi par une meilleure reconnaissance. Le défilé de la réserve sanitaire sur les Champs-Élysées le 14 juillet 2020 a été un geste fort et apprécié. Mais à l’instar des réservistes entendus par la mission d’information, les rapporteurs estiment que le réserviste en mission, à défaut d’être systématiquement favorisé financièrement, ne devrait pas être pénalisé par rapport à sa rémunération habituelle.

Comme l’a souligné le directeur de l’ARS des Pays-de-la-Loire, il serait souhaitable de contribuer davantage à la réserve sanitaire par la formation des intéressés, par une meilleure indemnisation, par une valorisation du parcours professionnel des personnes volontaires, par un soutien renforcé des établissements qui les mettent à disposition (création de bonus financiers ou de points qualité valables pour la certification), par le repérage et l’accompagnement des potentiels volontaires, par une politique volontariste d’information et d’incitation dans les écoles et universités pour les étudiants en santé.

4.   Un budget très insuffisant

Depuis 2020, il est devenu plus difficile de suivre le budget alloué à Santé publique France, et plus particulièrement celui prévu pour la réserve sanitaire, désormais retracé dans un sous-objectif national des dépenses d’assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces budgets étaient auparavant retracés dans la mission « Santé » du projet de loi de finances.

a.   Un budget réduit depuis la fusion des agences de santé publique

En mars 2007, le budget de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) créé par le ministre Xavier Bertrand s’élevait à 150 millions d’euros, financé par une dotation de l’État et une contribution des régimes sociaux. L’EPRUS est devenu la direction Alertes et crises lors de la fusion avec l’Institut de veille sanitaire (INVS) et l’Institut national pour la prévention sanitaire (INPES) qui a donné naissance à Santé publique France. Aujourd’hui, le budget total alloué à Santé publique France pour exercer toutes ces missions est de 156 millions d’euros. Alors que l’objectif de l’EPRUS était d’arriver progressivement à 35 équivalents temps pleins (ETP) en 2008, la direction alerte et crise de Santé publique France est composée de trois unités : l’unité de coordination alerte et crise (UCAC) avec 4 ETP, l’équipe de la réserve sanitaire avec 10 ETP et l’établissement pharmaceutique qui doit conserver les stocks stratégiques de l’État et qui ne comptait que 7 ETP avant la crise sanitaire de 2020, soit 21 ETP, ce qui est bien en-deçà des ambitions de l’EPRUS.

b.   Un renfort de l’équipe centrale écarté même pendant la crise sanitaire

Pendant la crise sanitaire, en Guyane, le ministère de la Santé a mobilisé de très nombreux professionnels en dehors de la réserve sanitaire, directement par le centre de crise sanitaire (CCS), dans un cadre improvisé, avec une efficacité douteuse : « malgré toutes les limites des dispositifs de réserve, mobiliser des professionnels sans une autorité qui a cette compétence et le système d’information adapté s’est avéré désastreux », selon Mme Clara de Bort, la directrice de l’ARS de Guyane. Certains professionnels envoyés en Guyane n’étaient, par exemple, pas vaccinés contre la fièvre jaune. D’autres n’avaient pas de référents, autrement dit, d’encadrants, alors que les réservistes sanitaires sont toujours envoyés avec des référents pour les encadrer. L’appel à volontaires sans cahier des charges, sans critères de sélection et sans vérification des éléments d’identité, statutaires ou de formation, peut s’avérer très dangereux, a averti Mme de Bort.

S’étant ouverte de ces difficultés au ministère de la Santé, Mme de Bort s’est entendu répondre qu’un appel à volontaires avait été privilégié parce que la réserve sanitaire avait assuré ne pas pouvoir faire face. La directrice de l’ARS de la Guyane n’a pas compris comment des cadres du ministère chargé de la santé avaient pu espérer faire mieux que l’opérateur normalement compétent, qui a l’expérience, le vivier et les outils de mobilisation. Il aurait été préférable d’exiger de l’agence Santé publique France qu’elle fasse quitte à ce qu’elle dise de quoi elle avait besoin pour faire. Selon Mme de Bort, elle avait naturellement besoin de davantage de personnels et les recruter aurait évité toutes les difficultés qui, n’ayant pas été réglées à Paris, ont dû être réglées sur place, en saturant les services hospitaliers locaux davantage.

Selon Mme de Bort, la principale limite de la réserve sanitaire réside dans la taille de son équipe de gestion, qui n’est pas du tout prévue pour faire face à des évènements majeurs. Son système d’information et ses serveurs ont par ailleurs « planté » dès le début de l’épidémie comme en 2017 après l’ouragan Irma, face à l’afflux de connexions de candidats réservistes. L’ancienne responsable de la réserve sanitaire a jugé cette situation « inacceptable ». Pour elle, il aurait été nécessaire, par exemple, de louer un gymnase et de recruter 50 gestionnaires pour que la réserve sanitaire soit en mesure de répondre à l’afflux de demandes et de propositions.

C.   D’autres outils à imaginer face à la diversification des situations sanitaires exceptionnelles

Face à la crise de la Covid-19, dont plusieurs directeurs d’ARS ont souligné l’ampleur et la longueur, inédite, d’autres outils de renfort sanitaire ont été mobilisés avec une efficacité variable.

1.   Une clarification du champ d’intervention de chaque acteur qui serait bienvenue

L’expérience relatée par des directeurs d’ARS montre que cette mobilisation a été relativement confuse et inefficace, en faisant intervenir des acteurs de manière parfois symbolique et en mettant en lumière des insuffisances dans la coordination interministérielle. Mayotte semble avoir été un laboratoire des bonnes et mauvaises pratiques.

a.   Le service de santé des armées : un renfort apprécié mais tardif

Pendant la crise de la Covid-19, l’ARS de Mayotte a demandé et obtenu le renfort de l’équipement militaire de réanimation (EMR), du service de santé des armées (SSA). La directrice de l’ARS a souligné la compétence et l’efficacité remarquables des médecins du SSA mais aussi la faiblesse du dialogue entre le ministère des Armées, le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Santé sur le déploiement des renforts. Le centre interministériel de crise a ainsi souvent été mis devant le fait accompli, s’agissant des dates de mobilisation, du volume des effectifs ou de la date du désarmement. Pendant la première vague, le renfort du SSA est arrivé un mois après la réunion interministérielle décidant de sa mobilisation. 54 personnels ont été envoyés pour armer dix lits de réanimation, ce qui a paru « luxueux » aux équipes locales qui peinaient à armer bien davantage de lits avec moins de personnel. Pour la deuxième vague, 37 militaires ont en revanche armé au bout de dix jours le même nombre de lits, signe d’une meilleure coordination et d’une plus grande efficacité.

Comme l’a résumé un directeur d’ARS, « le SSA, même s’il a un impact symbolique et politique fort, ne représente que des volumes très faibles, avec des délais de mise en place incompressibles et longs ».

b.   L’ESCRIM : un renfort inadapté

L’ESCRIM a aussi été mobilisé au profit de Mayotte. La directrice de l’ARS a tenu à signaler qu’elle n’en avait pas fait la demande et que cette mobilisation lui avait été imposée. La décision d’envoyer l’ESCRIM répondait à un objectif politique, celui de faire la démonstration qu’on n’abandonnait pas Mayotte. D’emblée, l’ESCRIM a fait savoir qu’intervenir sur des situations purement médicales ne relevait pas du champ de ses missions, une réalité que la directrice de l’ARS connaissait bien, ce pourquoi elle n’avait pas fait appel à cet élément. L’ESCRIM est en effet un hôpital de campagne avec des capacités de radiologie, d’analyses biologiques, des blocs opératoires, qui a toute sa pertinence en cas de catastrophe naturelle ou industrielle, comme sur le port de Beyrouth après l’explosion, ou au Mozambique après le passage du cyclone. L’organisation d’une nouvelle mission de reconnaissance a quelque peu agacé la directrice de l’ARS : « cinq billets d’avion pour cinq hauts cadres de la sécurité civile et de la défense venus expertiser un unique hôpital à Mayotte, une situation limpide que tous connaissaient. »

La directrice de l’ARS a finalement donné son accord à un déploiement qui aurait eu lieu de toute façon en insistant sur le fait que des ressources humaines supplémentaires étaient surtout nécessaires. Ce sont pourtant six tonnes de matériel qui ont été mobilisées, avec une radiologie, de la biologie, les éléments d’un bloc opératoire, mais pas d’oxygène qui aurait pourtant été plus utile. L’équipe est arrivée sous quinze jours et l’installation a été très rapide et efficace. Les temps de travail étaient en revanche « chichement mesurés » de sorte qu’il n’y a pas eu de garde assurée la nuit dans le service dans lequel s’était installé l’ESCRIM. Les rotations ont été très courtes : quinze jours, contre un mois et demi pour les équipes du SSA.

L’ESCRIM a aussi été mobilisé en Guyane, où il n’était pas davantage nécessaire. Cette mobilisation s’est avérée aussi coûteuse et a suscité les mêmes difficultés. Comme l’a souligné la directrice de l’ARS, « des lits picots, sous une tente même climatisée, destinés à une activité chirurgicale de type catastrophe, c’est un outil inadapté à une crise infectieuse en milieu tropical. […] Les personnels locaux ont exprimé leur incompréhension, indiquant qu’ils auraient préféré n’avoir personne que des renforts qui attendent les patients pendant qu’eux-mêmes étaient débordés », a rapporté Mme de Bort.

c.   La sécurité civile : un acteur autonome et bien préparé

Mayotte a également reçu le soutien de la réserve de sécurité civile qui s’est montrée très efficace, au sens où elle s’est montrée d’emblée complètement autonome, n’a pas demandé d’appui pour ce qui concernait l’hébergement et les déplacements, contrairement au SSA et à l’ESCRIM, et a assuré de façon très professionnelle, sans créer aucune tension, les tâches qui lui ont été attribuées en lien avec le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) et le service du contrôle sanitaire aux frontières.

2.   D’autres outils de renfort sanitaire à concevoir

Le ministère de la Santé et des solidarités n’est qu’au début de l’analyse de ses retours d’expérience de la crise de la Covid-19. Elle donnera vraisemblablement lieu à une réorganisation du ministère pour la gestion de crise.

a.   Des « parrainages » entre établissements

Pour certains directeurs d’ARS, le volontariat constitue une limite évidente, en particulier sur certains métiers en tension (réanimateurs, psychiatres, anesthésistes, néonatologistes), il y a peu ou pas de volontaires.

Par exemple, lorsque toutes les ARS étaient confrontées au besoin d’un recours massif au test PCR, au début de l’épidémie, un seul des deux biologistes de Mayotte savait utiliser cette technique. Au même moment, il y avait douze personnes à temps plein à La Réunion pour le même nombre de patients. Les mêmes machines et les mêmes tests étant présents dans différents hôpitaux, la directrice de l’ARS de Mayotte aurait jugé normal qu’on demande aux hôpitaux les mieux dotés de s’organiser pour envoyer des biologistes à Mayotte par rotation de quinze jours ou trois semaines. Sur certains métiers en tension, Mme Voynet serait assez favorable à ce qu’une forme de « service civique sanitaire » soit mise en place. Pour brutal que cela puisse paraître, cela peut aussi constituer une belle expérience dans la vie d’un praticien et intéresser plus particulièrement les internes.

En complément de la mobilisation multi-individuelle permise par la réserve sanitaire, la directrice de l’ARS de Guyane a aussi émis l’idée que le centre hospitalier de Mamoudzou soit parrainé par un centre hospitalier universitaire par an qui enverrait à titre de formation et de soutien des personnels soignants mais pas seulement : des personnels chargés de la logistique ou de l’informatique. Compte tenu du volume de personnels requis en Guyane, et du fait que la réserve sanitaire ne pourrait vraisemblablement pas y pourvoir, la directrice de l’ARS avait cherché ce type de contribution de la part d’établissements métropolitains de façon à ce qu’ils envoient des équipes déjà constituées, qui se connaissent et ont l’habitude de travailler ensemble. Le directeur de l’AP-HP et le directeur de l’ARS Île-de-France ont ainsi constitué une cellule d’appui à la Guyane pendant la deuxième vague de la crise de la Covid-19. Cette cellule a évalué les besoins en lien avec l’ARS de Guyane et recruté directement des professionnels intérimaires avec lesquels ils avaient l’habitude de travailler pour les envoyer sur place.

Les directeurs d’ARS pourraient alors disposer d’enveloppes financières permettant de récompenser les établissements faisant preuve de civisme.

b.   Des réseaux de solidarité locaux

« La réserve sanitaire est relativement inadaptée aux crises à cinétique rapide, comme des attentats, et aux crises généralisées nécessitant une masse », a résumé M. Aurélien Rousseau, directeur de l’ARS d’Île-de-France.

Pendant la crise sanitaire, les ARS ont aussi cherché à susciter des renforts locaux, via des plateformes RH comme Whoog (devenu Hublo). Des applications mobiles ont été développées par des start-ups comme Renforts-Covid, adoptée par une dizaine d’ARS. Les groupements d’employeurs, Pôle emploi, les agences d’intérim, les stagiaires – étudiants en médecine ou autre – et les associations de secouristes se sont ainsi mobilisés au profit des hôpitaux. Un mécanisme local de mise en relation entre des besoins et des volontaires a concerné jusqu’à 28 000 professionnels en Île-de-France. En somme, pour M. Aurélien Rousseau, la question est de savoir s’il faut constituer un vivier considérable de volontaires pour la réserve sanitaire ou s’il est préférable, pour une crise comme celle de la Covid-19, et en Île-de-France, qui n’est pas vraiment le lieu où les réservistes imaginent servir, d’avoir recours à une autre solution. Comme l’ont mis en évidence les auditions, transférer certaines missions à des personnels en renfort peu habitués au service demande un effort pour les personnels locaux. C’est d’ailleurs un écueil qu’évitent les réservistes militaires par leur intégration aux forces armées ou d’autres réservistes dont l’ancrage local est fort et qui connaissent déjà bien le territoire. Ces réflexions pourraient aboutir à la création de réseaux de solidarité régionaux, régulièrement activés dans le cadre d’exercices de manière à les rendre plus efficaces.

Enfin, un axe de réflexion porte sur la spécialisation peut-être excessive qui caractérise aujourd’hui l’emploi des professionnels de santé. Pour certains directeurs d’ARS, il est dommage d’employer des médecins pour faire les ébauches de consultations pré-vaccinales réalisées dans le cadre de la campagne vaccinale contre la Covid-19. Il devrait être possible de confier la vaccination exclusivement à des aides-soignants et des infirmiers, avec des délégations de tâches adaptées.

De manière générale, s’il est bien évidemment crucial de pouvoir s’appuyer sur des professionnels qualifiés, la crise de la Covid-19 aura montré que le ministère de la Santé et des solidarités ne pourra pas s’exonérer d’une réflexion, dans les prochains mois, sur les excès de rigidité qui entravent son fonctionnement en mode dégradé. Il paraît indispensable de hiérarchiser les normes qui régissent l’emploi des professionnels de santé dans les crises.


V.   Les réserves du ministère de la Justice : des retraités en renfort

A.   La réserve pénitentiaire

Le ministère de la Justice n’a pas souhaité rester à l’écart du mouvement de création de « réserves » observé, en particulier, au ministère de l’Intérieur. Ainsi, les dispositions régissant la réserve pénitentiaire s’inspirent-t-elles très largement de celles de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ([84]) qui ont instituées une réserve civile de la police nationale. D’après les propos tenus par le secrétaire d’État à la justice pendant les débats à l’Assemblée nationale, il s’agissait de donner un cadre légal à une pratique antérieure. ([85])

1.   Une ressource flexible à la main des directions interrégionales de l’administration pénitentiaire

a.   Des missions restreintes mais importantes

Après des discussions sur la nature des missions pouvant être confiées aux réservistes manifestant le souci de distinguer ce qui devait rester du ressort de personnels permanents de ce qui pouvait leur être confié, le Législateur a finalement renoncé à distinguer des missions « régaliennes » de missions accessoires dans la loi et a permis à la réserve de contribuer au développement des mesures de surveillance électronique et aux transfèrements. ([86]) La doctrine d’emploi est donc précisée par la circulaire du 1er juin 2012 relative à la mise en œuvre de la réserve civile pénitentiaire au sein des services du ministère de la justice et par une note à laquelle les rapporteurs n’ont pas eu accès.

La réserve de l’administration pénitentiaire a donc trois grandes missions :

– le renforcement de la sécurité relevant du ministère de la justice (sécurité des palais de justice, transfèrements, surveillance de chantiers, notamment) ;

– la formation, des études et la coopération internationale ;

– l’assistance aux missions d’insertion et de probation (surveillance électronique, notamment).

Bien que cette liste soit limitative, elle n’est pas pour autant limitée. D’ailleurs, le ministère de la Justice considère que c’est « l’importance des fonctions confiées à la réserve civile pénitentiaire […] [qui] démontre la reconnaissance et la confiance accordée aux membres de la réserve civile pénitentiaire qui continuent à apporter leur aide sur le terrain après leur carrière. » ([87])

b.   Une grande souplesse d’emploi pour les gestionnaires

Les rapporteurs observent que le recours à la réserve pénitentiaire est particulièrement favorisé par la possibilité d’emplois à la demi-journée (une revendication de certains réservistes militaires) et l’autorisation d’un nombre élevé de jours d’emploi, jusqu’à 150 par an.

évolution du nombre de jours d’emploi depuis 2017

(en jours)

Emploi

2017

2018

2019

2020

Moyenne annuelle du nombre de jours d’emploi

67

63

65

58

Source : réponses écrites du ministère de la Justice.

Concentration de l’emploi depuis 2017

(individus)

Répartition des réservistes par nombre de jours

2017

2018

2019

2020

Nombre 0 à 10

6

11

24

22

Nombre 11 à 50

50

78

68

95

Nombre 51 à 100

37

44

66

70

Nombre plus de 100

26

40

48

40

Total

119

173

206

227

Pourcentage 0 à 10

5 %

6 %

12 %

10 %

Pourcentage 11 à 50

42 %

45 %

33 %

42 %

Pourcentage 51 à 100

31 %

25 %

32 %

31 %

Pourcentage plus de 100

22 %

23 %

23 %

18 %

Nombre de réservistes employés au moins un jour

119

173

206

227

Source : réponses écrites du ministère de la Justice.

Cette réserve civile est financée par des crédits de masse salariale pris sur le budget des services pénitentiaires. Le ministère indique que cette fongibilité inversée est plutôt profitable à la réserve civile pénitentiaire, dont les effectifs et l’activité se sont accrus ces dernières années, et que son budget ne peut dès lors être considéré comme une variable d’ajustement. Les DISP sont libres d’avoir recours aux réservistes dans la limite de l’enveloppe budgétaire qui leur est allouée. En tout état de cause, ces dépenses représentent moins de 0,1 % des dépenses de titre 2 de la direction de l’administration pénitentiaire.

Crédits prévus et consommés pour la réserve de l’administration pénitentiaire

(euros)

Crédits

2016

2017

2018

2019

2020

Prévision

1 142 466

726 746

656 746

649 884

758 955

Consommation

624 897

588 853

638 643

688 565

708 235

Source : réponses écrites du ministère de la Justice.

c.   Une gestion non spécifique peu onéreuse

Les directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) sont chargées de recenser les demandes de réservistes et de les mettre en relation avec des candidats. Ces derniers se signalent comme disponibles et sont appelés en fonction des besoins, dans la limite de l’autorisation budgétaire donnée chaque année à chaque DISP.

Les DISP ne disposent pas d’un outil numérique dédié au suivi des réservistes même si le ministère de la Justice interrogé par les rapporteurs reconnaît que « cela constituerait une bonne idée ». Elles se contentent de mettre en relation les candidats réservistes et les autorités d’emploi qui assurent la gestion financière et administrative du réserviste. Si la fonction nécessite le port de l’uniforme, le réserviste pourra être amené à porter l’uniforme. Le réserviste porte alors l’uniforme correspondant à son état de service antérieur, avec le grade qu’il détenait au moment de sa sortie du service.

La réserve civile pénitentiaire ne donne pas lieu à une promotion active en dehors de l’envoi d’un fascicule de présentation à tous les agents faisant valoir leur droit à retraite. ([88])

D’après les réponses du ministère de la Justice, « le coût de la gestion des réservistes ne semble pas être un sujet de préoccupation. »

2.   Une formule avantageuse pour de jeunes retraités

a.   Une réserve de volontaires exclusivement

À la différence des fonctionnaires des corps actifs de la police nationale, la loi a exclu de prévoir, pour les agents retraités de l’administration pénitentiaire, singulièrement les personnels de surveillance, une obligation de disponibilité. La réserve civile pénitentiaire repose donc exclusivement sur le volontariat. Les réservistes pénitentiaires faisaient toutefois partie des réservistes susceptibles d’être mobilisés dans le cadre de la réserve de sécurité nationale instituée à l’article L. 2171-1 du code de la défense en 2011. ([89])

b.   De jeunes retraités

Les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire appartiennent à un corps dont la limite d’âge a été fixée à 55 ans par l’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire. En vertu de ce même article, ils peuvent bénéficier immédiatement de leur pension, lorsqu’ils sont admis à la retraite sur leur demande à titre anticipé, avec une bonification d’un cinquième au titre de leur activité, sous deux conditions : justifier de 25 années de services effectifs en position d’activité dans ce corps ou de services militaires obligatoires, d’une part, être à moins de 5 ans de la limite d’âge du corps, d’autre part.

Ils peuvent rejoindre la réserve pénitentiaire dans les cinq années suivant leur départ du service actif, sous réserve d’avoir moins de 65 ans et de satisfaire aux exigences d’aptitude physique. Une visite d’aptitude est ainsi nécessaire avant chaque renouvellement de contrat, ce dernier étant d’une durée d’un an, renouvelable. Par ailleurs, les réservistes pénitentiaires ayant la qualité d’agents publics, ils doivent avoir un comportement compatible avec l’exercice d’un emploi public.

D’après les réponses du ministère de la Justice, les réservistes pénitentiaires sont essentiellement d’anciens surveillants pénitentiaires (90 %), d’anciens officiers (5 %) et des personnels de catégorie B (5 %). L’âge moyen et médian se maintient à 59 ans depuis 2018.

La réserve pénitentiaire s’apparente donc à un dispositif favorisant le cumul de l’emploi et de la retraite.

c.   Des effets d’aubaine limités

Les réservistes perçoivent une indemnité journalière brute de 105 euros, imposée au titre de l’impôt sur le revenu et qui n’échappe pas aux règles relatives au cumul de rémunérations. ([90]) Ils peuvent en outre obtenir la prise en charge de leurs frais de déplacement.

Les effets d’aubaine du dispositif sont donc strictement limités, d’une part par la durée des contrats, d’un an renouvelable dans la limite de cinq années suivant le départ du service actif, et par la limite d’âge de 65 ans, d’autre part, par le nombre de jours d’activité limité à 150 par an, et enfin, par la progressivité de l’impôt sur le revenu. D’après les données fournies par le ministère de la Justice, un réserviste pénitentiaire peut compléter sa rémunération à hauteur de 13 395 euros nets par an. Après déduction de la CSG et de la CRDS, la rémunération nette s’élève à 94,99 euros par jour. Sur la base du taux moyen de prélèvement à la source observé sur les réservistes rémunérés en 2019 (5,99 %), le gain pour l’agent après impôt s’élève à 89,30 euros par jour.

3.   Des besoins insatisfaits ?

En dépit de la dynamique de croissance à l’œuvre, au moins depuis 2017, tant en nombre de réservistes mobilisés qu’en nombre de jours d’emploi, la réserve pénitentiaire est un dispositif modeste en termes d’effectifs dont la portée paraît devoir rester limitée compte tenu de la taille et des caractéristiques de son vivier de recrutement.

a.   Des effectifs bien en-deçà des ambitions initiales mais en croissance

D’après les travaux parlementaires sur l’application de la loi pénitentiaire de 2009, le nombre de réservistes pénitentiaires escompté était bien supérieur aux effectifs actuels : 250 réservistes pour la sécurité des bâtiments, 450 pour la sécurité des juridictions. En 2012, moins d’une centaine de contrats avaient été signés. ([91])

évolution du nombre de réservistes par région

(individus)

Direction interrégionale

Agents mobilisés
en 2017

Agents mobilisés
en 2018

Agents mobilisés
en 2019

Agents mobilisés
en 2020

Bordeaux

11

15

31

24

Dijon

9

16

20

22

Lille

21

26

21

23

Lyon

6

13

20

23

Marseille

0

8

9

22

MOM

8

14

17

18

Paris

7

7

11

15

Rennes

17

23

22

25

Strasbourg

19

21

21

27

Toulouse

21

30

34

28

 

119

173

206

227

Source : réponses écrites du ministère de la Justice.

Bien qu’étant en croissance depuis 2017, le nombre de réservistes mobilisés reste inférieur à 300, bien en-deçà des ambitions initiales.

b.   Des revendications quant au montant des indemnités

Les indemnités du réserviste pénitentiaire sont assujetties à l’impôt sur le revenu, contrairement à la solde ou à l’indemnité des réservistes des ministères des Armées et de l’Intérieur, qui bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu, respectivement au titre de l’instruction fiscale 5F-1113 du 10 février 1999 et d’une décision du ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie du 11 juin 2004.

L’effet négatif que l’assujettissement à l’impôt sur le revenu pourrait avoir sur la réserve pénitentiaire a été soulevé à plusieurs reprises par les organisations syndicales. Cette revendication « ancienne » a déjà fait l’objet de plusieurs demandes de l’administration pénitentiaire en loi de finances, la dernière datant des discussions relatives au projet de loi de finances pour 2019 alors que « le renforcement de l’attractivité de la réserve pénitentiaire apparaissait comme un élément important dans la reprise des extractions judiciaires par l’administration pénitentiaire ». ([92])

Dans le cadre d’une réflexion destinée aux services de la ministre de la Transformation et de la fonction publique, deux options ont été envisagées pour corriger cette différence de traitement : une exonération de l’indemnité du réserviste pénitentiaire à l’impôt sur le revenu ou une réévaluation de son montant, afin que les agents obtiennent 105 euros nets et non plus bruts. D’après les réponses du ministère, la direction de l’administration pénitentiaire renouvellera cette proposition lors des discussions sur le projet de loi de finances pour 2022.

Les rapporteurs observent que l’indemnité des réservistes pénitentiaires n’est pas très éloignée de celle de la solde des réservistes de la gendarmerie nationale les plus gradés. Ils sont par ailleurs dubitatifs sur l’effet que pourrait avoir cette revalorisation sur le recrutement ou le nombre de jours d’activité. En effet, l’examen des chiffres transmis par le ministère de la Justice montre que le nombre de réservistes mobilisés croît continûment depuis 2017 en l’absence de toute exonération. Par ailleurs, plus de 20 % des réservistes pénitentiaires effectuent entre 100 et 150 jours de renfort par an, ce qui ne signale pas de « trappe à activité » liée à l’imposition. Enfin, une revalorisation trop importante des indemnités de réserve pourrait conduire à déporter vers la réserve des personnels qui pourraient rester dans le service actif.

c.   Une expression des besoins à reprendre

Si le ministère de la Justice souhaite faire face à la reprise des extractions judiciaires par l’administration pénitentiaire, il convient de déterminer ce qui doit relever de recrutements pérennes, à quel rythme ceux-ci peuvent être réalisés et donc quelle est la part qui devrait être réalisée avec le concours des réservistes pénitentiaires. Dans cette hypothèse, le ministère pourrait se donner des objectifs en termes de recrutement et de jours d’activité puisqu’il disposerait d’une doctrine d’emploi et alors examiner si l’augmentation de l’indemnisation du réserviste est le meilleur moyen d’atteindre ces objectifs.

Pourtant, le ministère de la Justice indique dans ses réponses que la direction de l’administration pénitentiaire n’a pas fixé d’objectifs de recrutement, « l’élaboration d’une doctrine d’emploi [étant] un préalable nécessaire à l’établissement d’objectifs en la matière ».

En tout état de cause, le vivier de réservistes pénitentiaires restera limité, eu égard aux conditions d’éligibilité. La reprise de missions comme celle des extractions judiciaires et les difficultés de recrutement actuellement constatées dans l’administration pénitentiaire pourraient donner lieu à une réflexion globale sur la manière de répondre aux besoins, en examinant, entre autres, les coûts et les bénéfices du recours à des volontaires ab initio comme réservistes pénitentiaires, ou le recours à des réservistes des forces de sécurité intérieure (gendarmerie, police) dans le cadre d’un partenariat avec ces forces à l’instar de la convention signée entre la gendarmerie nationale, la région Île-de-France et la SNCF ou de la convention signée avec le Royaume-Uni pour la contribution de réservistes de la gendarmerie nationale à la mission Poséidon. Cette dernière formule pourrait être la plus intéressante financièrement, l’administration pénitentiaire n’ayant pas à assumer le coût d’animation et de formation des réservistes de la gendarmerie ou de la police nationales. Ces forces pourraient aussi y trouver un intérêt, en l’espèce des missions pour leurs réservistes, gage de fidélisation.

B.   La réserve judiciaire

1.   Des magistrats honoraires

La « réserve » de la magistrature ou « réserve » judiciaire a été créée par l’article 164 de la loi de finances pour 2011 ([93]). En réalité, ces dispositions ont surtout créé une nouvelle catégorie de magistrats honoraires, susceptibles d’exercer des fonctions non juridictionnelles, le statut des magistrats prévoyant déjà que les magistrats à la retraite et âgés de moins de 75 ans, accédant à l’honorariat, puissent exercer des fonctions juridictionnelles. Le statut de la magistrature prévoyait aussi que des magistrats exercent à titre temporaire.

En d’autres termes, la magistrature compte au moins depuis 1958 une réserve formée de magistrats honoraires volontaires, dont les missions ont été étendues en 2011.

Les dispositions adoptées en 2010 ont été largement réécrites par l’article 40 de la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats de 2016 ([94]) de sorte qu’il n’est plus fait référence à des magistrats réservistes mais à des magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles (MHFNJ). À cette occasion, des incompatibilités ont été prévues avec l’exercice d’une profession libérale juridique ou judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé, ou avec une activité salariée au profit d’un membre d’une telle profession (avocat, notaire, huissier de justice, greffier de tribunal de commerce, administrateur judiciaire, etc.).

Les réponses du ministère de la Justice se sont concentrées sur le statut de magistrat honoraire exerçant des fonctions non juridictionnelles, ce qui réduit leur portée.

Évolution du nombre de magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles depuis 2012

(unités)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

70

128

169

210

246

218

223

208

194

Source : réponses du ministère de la Justice au questionnaire envoyé par les rapporteurs.

Après une croissance continue du nombre de MHFNJ jusqu’en 2016 (+ 251 % de 2012 à 2016), les effectifs ont décru après la réforme, passant de 246 à 194 en 2020 (- 21 %). Les causes de cette décrue ne sont pas expliquées.

L’inscription en qualité de MHFNJ est valable pour une durée de deux ans, renouvelable. La durée annuelle de travail a été portée à 150 jours ou 300 demi-journées en 2016 (contre 150 demi-journées seulement en 2011). Les MHFNJ sont indemnisés au titre du temps passé (100 euros par demi-journée en 2011, uniquement assujettie aux prélèvements sociaux) et de leurs frais de déplacement. Ils constituent une ressource d’appoint pour les cours d’appel, chargée de les recruter, de les affecter et de les gérer, administrativement et financièrement. Les indemnités des MHFNJ sont imputés sur les dépenses de titre 2 des cours d’appel ou du tribunal supérieur d’appel de rattachement.

Une circulaire du 29 mars 2017 précise que les MHFNJ peuvent effectuer des travaux d’analyse et de synthèse de dossiers, des recherches jurisprudentielles ou des études juridiques ; aider au suivi de la mise en état des dossiers civils complexes ; assister les magistrats coordonnateurs de service ; préparer l’instruction de candidatures d’experts judiciaires ; réorganiser des services, assister des chefs de cour dans des tâches non juridictionnelles, participer à des actions de communication ou de coordination ; former de nouveaux magistrats dans le cadre des actions de formation organisées par la juridiction. Au parquet, les missions peuvent être d’assurer une veille juridique en droit pénal et procédure pénale, d’assurer le suivi statistique de l’activité du parquet, de participer à l’animation de la politique pénale mise en place par le chef de juridiction, de préparer des fiches analytiques sur des dossiers correctionnels ou criminels, d’assister le magistrat en charge des délégués du procureur, ou de préparer le co-audiencement.

2.   Une réserve de greffiers

La réserve judiciaire régie par le décret n° 2011-946 du 10 août 2011 n’est plus composée, depuis 2016, que des directeurs de service de greffe, des greffiers en chef et des greffiers.

Au 31 décembre 2019, 64 directeurs des services de greffe et 247 greffiers étaient inscrits à la réserve judiciaire, soit 311 inscrits. La quasi-totalité de ces inscrits ont effectué des missions (93,89 %). Entre 2011 et 2019, le nombre d’inscrits a augmenté de continûment passant de 89 à 292.

Évolution des effectifs et de l’activité de la réserve judiciaire depuis 2011

Année

Réservistes inscrits

Nombre de vacations

(y compris vacations effectuées en année n-1 et payées en année n)

Coût

DSG

Greffiers

Total

2011

18

69

87

1 158

73 560 €

2012

45

136

181

15 370

975 120 €

2013

57

177

234

23 297

1 495 860 €

2014

64

204

268

35 144

2 353 880 €

2015

72

204

276

29 904

1 927 080 €

2016

68

216

284

31 993,5

2 058 670 €

2017

63

228

291

32 476,5

2 095 490 €

2019

63

229

292

29 507

1 904 260 €

Source : réponses du ministère de la Justice au questionnaire envoyé par les rapporteurs.

Les missions dévolues à ces réservistes sont précisées par une circulaire du 12 septembre 2011 qui en dresse une liste non exhaustive : pré-vérification des comptes de gestion des tutelles et des dépens, préparation du recouvrement à l’aide juridictionnelle et de la certification des mémoires de frais, élaboration des bordereaux de versement et de destruction, collecte et élaboration de statistiques, formation des personnels titulaires, stagiaires et non titulaires, numérisation des procédures, participation à la mise en place de projets de service… Elle s’attache à respecter l’esprit du dispositif de la réserve judiciaire, à savoir conférer au réserviste le rôle d’effectuer des travaux préparatoires pour aider le directeur des services de greffe ou le greffier dans leurs attributions ou l’exécution de leur service. Un directeur des services de greffe réserviste ne peut procéder à aucun acte relevant de la compétence propre du directeur de services de greffe. Aucun greffier réserviste ne peut tenir une audience. En 2019, les principaux domaines d’emploi de ces réservistes concernaient la pré-vérification des comptes de gestion de tutelles, l’aide au recouvrement de l’aide juridictionnelle et diverses tâches administratives. La durée maximale de travail est fixée à 150 demi-journées de travail par année civile. Les réservistes perçoivent une indemnité forfaitaire par demi-journée : 60 euros pour un greffier, 80 euros pour un directeur de greffe. Cette indemnité est exonérée de cotisations sociales mais assujettie aux prélèvements sociaux. Elle est soumise aux règles habituelles relatives au cumul de pensions avec des rémunérations d’activité ou d’autres pensions. Elle ne peut être versée qu’après attestation de service fait. Les réservistes peuvent se voir remboursés des frais de déplacement.

D’après les réponses du ministère de la Justice, les organisations syndicales représentatives des personnels judiciaires sont défavorables au maintien de la réserve judiciaire et demandent sa suppression ainsi que le recrutement de personnels titulaires.


— 1 —

 

VI.   Le service civique : un volontariat indemnisé et encadré

Le rapprochement des réserves avec le service civique n’allait pas de soi. Il est pourtant justifié par la proximité entre le statut de volontaire du service civique et celui de réserviste ab initio, par le fait que le service civique figure dans le code du service national puisqu’il a été aussi pensé comme une substitution à la conscription, et enfin parce que le rapport de la Cour des comptes précité d’avril 2019 sur les réserves de la gendarmerie et de la police nationales signale un effet d’éviction de certains réservistes de la police nationale par les jeunes volontaires du service civique.

A.   Un statut pour favoriser l’engagement des jeunes

Créé en 2010 ([95]), prévu à l’article L. 120-1 du code du service national, le service civique avait vocation à répondre au besoin d’engagement de la jeunesse, exprimé dès 2009 dans le Livre vert de la commission sur la politique de la jeunesse piloté par M. Martin Hirsch ([96]) après celui de M. Luc Ferry qui mettait plutôt l’accent sur l’idée d’un service civique obligatoire comme remède aux fractures sociales mises en lumière par la « crise des banlieues » de l’automne 2005 et suscitées par la fin du service national à partir de 1996. ([97])

1.   Une simplification très attendue, au bénéfice des jeunes et de l’économie sociale et solidaire

Le service civique a surtout permis d’unifier de nombreux dispositifs de volontariats accessibles aux jeunes et leur offrant de premières expériences « professionnalisantes » au service d’associations, d’entreprises ou de la Nation. Il a apporté une réponse statutaire unifiée face à la pléthore de dispositifs qui existaient à l’époque (volontariat civil, associatif, volontariat individuel en entreprise, volontariat à l’étranger, etc.).

Comme l’a souligné Mme Béatrice Angrand, présidente de l’agence du service civique, entendue par la mission d’information « il est plus simple pour les jeunes et pour les associations. En général, les jeunes ont envie de donner du temps mais ne savent pas toujours comment. Ils sont freinés par leurs faibles moyens financiers et par le temps requis par leurs études. [Le service civique] répond à une aspiration à la sécurité juridique des associations quand elles accueillent des jeunes qui leur offrent du renfort et des compétences nouvelles, ainsi que l’opportunité d’un renouvellement, à terme. Un tiers des jeunes restent en effet bénévoles après leur service civique, plutôt dans une autre association mais cela contribue quand même à l’économie sociale et solidaire et surtout au rajeunissement du monde associatif. »

Thématiques des misSIons des volontaires du service civique

Source : rapport d’activité 2019 de l’agence du service civique.

2.   Un encadrement individuel et une formation

Le service civique sert parfois d’amortisseur social, parce que les jeunes ne savent parfois pas quoi faire d’autre. 40 % des volontaires étaient demandeurs d’emploi en 2019, 32 % étudiants, 24 % inactifs et 4 % salariés. Près de 20 % des volontaires sont des « décrocheurs ». Mais comme l’affirmait Martin Hirsch, « il n’y a pas de mauvaise raison pour s’engager ». Le service civique, qui dure huit mois en moyenne, peut provoquer un déclic. Ce déclic dépend de la manière dont les jeunes sont accueillis et encadrés.

Les caractéristiques des volontaires du service civique en 2019

Source : rapport d’activité 2019 de l’agence du service civique.

Le service civique n’est pas qu’une opportunité d’emploi ou d’engagement pour le jeune volontaire. C’est un dispositif de formation. Selon la présidente de l’agence du service civique, il est crucial que les fondamentaux du service civique soient respectés : le jeune volontaire doit être accompagné par un tuteur, formé, avoir un contact avec le public et effectuer une mission d’intérêt général. Le respect des droits des volontaires, c’est-à-dire la prise en compte de leur statut d’étudiant, est aussi essentielle : le volontaire doit avoir accès aux réductions dans les transports publics et aux restaurants universitaires. Le volontaire doit avoir une formation civique et citoyenne de trois jours comprenant une formation aux premiers secours.

3.   Une indemnisation destinée à éviter des effets d’éviction ou de substitution

Les débats parlementaires préalables à la création du service civique se sont fait l’écho des craintes exprimées à l’époque par les syndicats que l’arrivée massive de volontaires ne perturbe le marché du travail au détriment des salariés ou de recrutements dans la fonction publique. Les rapporteurs observent que des craintes similaires ont été exprimées à propos de la création de réserves dans certaines administrations (administration pénitentiaire, judiciaire et aujourd’hui, police nationale). Des réservistes sanitaires ont parfois été mal accueillis par des professionnels locaux qui leur reprochent d’être des « casseurs de grève », de les priver d’heures supplémentaires lucratives ou d’empêcher la création d’emplois permanents. À cet égard, Mme Angrand a rappelé que les volontaires du service civique n’étaient pas bénévoles mais indemnisés.

Tout jeune en service civique perçoit une indemnité de 580 euros par mois net. Certains jeunes, sur critères sociaux, peuvent percevoir une majoration de cette indemnité de 108 euros nets. 81 % de l’indemnité est à la charge de l’État, le reste est à la charge de l’organisme d’accueil. Tout organisme d’accueil doit 107 euros au jeune volontaire, qui peuvent prendre la forme de prestations en nature, de droits à la restauration ou au transport. Les organismes associatifs bénéficient d’un versement pour eux d’une centaine d’euros par mois pour soutenir leur fonction d’accompagnement, de tutorat, de suivi et d’animation.

« Le volontaire en service civique signe un contrat pour une mission bien déterminée dans un lieu déterminé », a aussi rappelé M. David Knecht, directeur général de l’agence du service civique entendu par la mission d’information. Il n’est pas versé dans une réserve libre d’activation selon les circonstances. Cependant, « c’est un combat de tous les instants » d’empêcher que les volontaires prennent la place d’emplois permanents. « Les besoins financiers des services publics et du monde associatif créent une tentation permanente, d’autant plus depuis le premier confinement alors que les associations ont moins de recettes et sont tentées de mettre des permanents en chômage partiel en confiant leurs missions à des volontaires. »

Les rapporteurs observent que prévenir des effets d’éviction ou de substitution d’emplois permanents est favorisé par l’indemnisation, qui doit être juste pour le jeune volontaire, tenir compte du coût de formation ou d’encadrement assumé par l’organisme d’accueil, mais aussi et surtout par une doctrine d’emploi rigoureusement contrôlée si l’indemnisation reste en-deçà des coûts des emplois permanents sur le marché du travail.

B.   Une dynamique positive depuis plus de dix ans

Le service civique est l’objet d’un remarquable consensus depuis 2011, gage d’un budget pérennisé. Une augmentation très significative des crédits alloués au dispositif doit permettre au service civique de jouer le rôle d’un amortisseur social pour tous les jeunes traversant difficilement la crise liée à l’épidémie de Covid-19.

1.   Une ressource budgétaire et des effectifs en hausse

Au début des années 2010, les effectifs du service civique étaient relativement restreints. Il était financé par des ouvertures de crédit en cours d’année en fonction de sa montée en charge. En 2010, 22,8 millions d’euros ont permis de financer le service civique de 6 000 volontaires. Ce n’est que depuis 2017 que le service civique est véritablement doté d’un budget dès la loi de finances. Depuis, la ressource budgétaire s’établit à environ 500 millions d’euros pour 140 000 jeunes environ, ces crédits étant utilisés essentiellement pour les indemniser.

Évolution comparée du nombre de volontaires du service civique et du budget alloué en loi de finances

(en effectifs, à gauche, en millions d’euros à droite)

Source : rapport d’activité de l’agence du service civique 2019 et données recueillies pendant l’audition.

En 2020, il a fallu réduire les durées moyennes de mission à sept mois pour respecter l’autorisation budgétaire compte tenu du nombre de volontaires.

2.   Un objectif très ambitieux financé par le plan de relance

Le plan de relance a augmenté de 363 millions d’euros supplémentaires la dotation de l’agence, ce qui a permis d’augmenter le nombre de volontaires et surtout de ramener la durée des missions à huit mois en moyenne. Cela doit permettre de développer des services civiques de meilleure qualité, ce qui est crucial pour susciter l’adhésion des jeunes, et d’investir sur des études ou projets pilotes.

Le budget du service civique s’élève donc à 847 millions d’euros en 2021, avec un objectif de 245 000 jeunes volontaires, c’est-à-dire plus de 100 000 jeunes volontaires supplémentaires. Dès le mois de février 2021, la présidente de l’agence était optimiste quant à la réalisation de l’objectif, le nombre de volontaires ayant déjà augmenté de 20 % par rapport à 2020. 63 000 jeunes étaient alors en service civique et le site internet de l’agence recensait plus de 500 000 consultations au mois de février 2021. Le nombre de candidats continue donc à s’accroître, de sorte que même avec les moyens supplémentaires octroyés par le plan de relance, le taux de sélection se maintient à 3 candidats pour un poste.

Des consignes ont été données pour que les services de l’État accueillent plus de jeunes (25 000). Les Restos du Cœur vont passer du simple au double. Les organismes déjà agréés vont en recruter davantage, comme la MAIF qui va porter le nombre de ses volontaires de 100 à 200. L’enjeu est aussi de convaincre d’autres associations de se faire agréer. « La marche est haute », a toutefois reconnu la présidente de l’agence du service civique.

C.   Une meilleure articulation avec les réserves à rechercher

Les rapporteurs alertent sur la persistance d’un problème de lisibilité des opportunités d’engagement pour les jeunes et sur l’insuffisante articulation du service civique avec les réserves.

1.   Des dispositifs encore foisonnants du point de vue des jeunes

Selon Mme Angrand, du point de vue des jeunes, en dépit de la simplification apportée par le service civique, les modalités d’engagement restent foisonnantes et difficiles à lire. Par exemple, au ministère des Armées, un jeune volontaire de moins de 26 ans peut être employé sous cinq statuts différents :

– il peut être volontaire du service civique et effectuer des missions d’intérêt général à temps plein pendant environ huit mois dans ce cadre sans recevoir de formation militaire, indemnisé 580 euros par mois ;

– il peut servir, sous conditions d’aptitude, pendant un an comme volontaire des armées – donc sous statut militaire – en application des articles L. 121-1 à L. 121-3 du code du service national pour une solde d’environ 744 euros assortie de prestations en nature (repas, transport) et d’aides sur critères sociaux ;

– il peut être réserviste opérationnel, sous condition d’aptitude, ou éventuellement spécialiste, et toucher une solde d’au moins 49 euros par jour, ce qui lui permet d’atteindre 980 euros par mois en travaillant cinq jours par semaine dans la limite de 7,5 mois par an (150 jours) ;

– il peut être agréé comme réserviste citoyen et réaliser des missions bénévolement pour une durée de trois ans renouvelables ;

– il peut s’inscrire dans la réserve civique et effectuer des missions ponctuelles de bénévolat au profit des armées.

Au ministère de l’Intérieur, un jeune volontaire pourra bientôt s’engager sous neuf statuts différents : les statuts précités, notamment dans la gendarmerie nationale, ainsi que :

– sous statut de réserviste civil contractuel de la police nationale :

– sous statut de jeune sapeur-pompier ;

– sous statut de sapeur-pompier volontaire ;

– indirectement, comme bénévole au sein d’une association de sécurité civile comme la Croix-Rouge.

À ces opportunités d’engagement nationales, il faut ajouter le volet jeunesse du programme Erasmus+ et le corps européen de solidarité, dont l’agence du service civique est l’opérateur français.

La présidente de l’agence du service civique a préconisé de conduire une réflexion sur un portail Internet permettant de présenter toutes les options disponibles et une harmonisation des statuts.

2.   Des risques d’effets d’éviction

Sans aller jusqu’à harmoniser les statuts, ce qui pourraient porter atteinte à la cohérence interne de chaque dispositif, les rapporteurs estiment qu’il faut surtout préciser la doctrine d’emploi des différents dispositifs afin de veiller à leur complémentarité.

La Cour des comptes, dans son rapport d’avril 2019, précité, notait que la police nationale proposait des missions bénévoles sur le site de la réserve civique, missions qui auraient pu être exercées par des réservistes civils contractuels de la police nationale ou par des réservistes citoyens, mais qui ne trouvaient pas preneurs et ce d’autant que des jeunes volontaires du service civique pouvaient aussi postuler dans un cadre plus avantageux pour eux, celui du service civique.

 

Pendant le premier confinement, l’agence du service civique a invité par courrier les jeunes qui n’ont pas pu poursuivre leur service civique à rejoindre la « réserve civique » via le site www.jeveuxaider.gouv.fr. Une écrasante majorité d’entre eux (près de 50 000 sur les 55 000 jeunes en service civique à ce moment-là) se sont engagés dans cette réserve civique après le 16 mars 2020 et auraient été mis en relation avec des besoins de bénévolat.

Les circonstances justifiaient pleinement ce transfert mais les rapporteurs insistent sur le fait qu’il ne doit pas persister dans la durée. Les jeunes volontaires en service civique doivent être indemnisés, encadrés et formés. La réserve civique, qui organise la mise en relation entre des volontaires bénévoles et des besoins ponctuels, n’offre pas un cadre suffisant pour les jeunes du service civique.

3.   Des passerelles à imaginer avec d’autres réserves

Les rapporteurs considèrent à l’inverse qu’une plus grande porosité doit être recherchée avec certaines réserves, dans l’intérêt des réserves mais aussi des jeunes. Les conditions d’indemnisation sont attractives dans les réserves de défense et de sécurité. Les jeunes bénéficient d’un encadrement et d’une formation dans ces réserves ainsi que dans les réserves de sécurité civile. Bien que l’accès au service civique et à la réserve civique soit universel (sans conditions) tandis que l’accès à la plupart des réserves repose sur des conditions d’aptitude et de motivation, leur recrutement est largement ouvert.

L’agence du service civique n’a pas de données permettant de savoir combien de volontaires du service civique sont entrés dans des réserves mais elle indique qu’elle pourrait s’en assurer à l’avenir.

Au cours de leur formation civique et citoyenne obligatoire de trois jours, les volontaires se voient présenter d’autres formes d’engagement, notamment associatif. Les questionnaires adressés aux jeunes volontaires après leur service civique incluent d’ailleurs une question sur la poursuite d’un engagement associatif qui pourrait aussi concerner un engagement dans une autre réserve. La formation civique et citoyenne pourrait donc être l’occasion de présenter les réserves et d’inciter les volontaires qui le souhaitent à les rejoindre. Le livret d’accueil en service civique, en cours de refonte d’après le directeur général de l’agence du service civique, pourrait aussi intégrer des éléments sur les réserves. Enfin, les lettres d’information transmises par courriel aux volontaires sont un autre vecteur d’information.

VII.   Les réserves civiques : un besoin d’animation

Le terme de « réserve » pour désigner un cadre propice à l’engagement individuel ponctuel est problématique à maints égards. Les circonstances de la création de ces « réserves », juste après le traumatisme des attentats de 2015 et 2016, explique certainement le choix de ce vocable. Toutefois, il est une source de confusion et la valeur ajoutée de ces « réserves » par rapport aux associations prévues par la loi de 1901 reste encore à démontrer.

A.   La réserve civique

1.   Un vocable « martial » problématique à maints égards

Après les attentats de 2015, le Gouvernement de Manuel Valls a estimé que la réaffirmation et le rassemblement autour des valeurs de la République constituait un objectif impérieux, et que cet objectif ne pourrait être atteint que si ces valeurs parvenaient à s’incarner dans le quotidien des Français. Des comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) ont été réunis, à Paris, ainsi qu’aux Mureaux dans les Yvelines, aboutissant à des mesures rassemblées dans un plan baptisé « la République en actes ».

Une partie des mesures nécessitant un cadre législatif, un projet de loi « égalité et citoyenneté » a été déposé le 13 avril 2016, devenu depuis la loi n° 2017‑86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Ce texte a instauré un cadre commun pour des contributeurs bénévoles au service public exerçant des missions aussi diverses que l’explication et l’illustration des valeurs de la République à l’école, l’accompagnement de personnes en perte d’autonomie, l’intervention dans les prisons, la prévention des feux de forêts, rassemblés dans une réserve « citoyenne », puis finalement « civique » pour ne pas donner le sentiment d’exclure les ressortissants étrangers.

L’emploi du vocable de « réserve » a été identifié d’emblée comme problématique : « au-delà du risque de confusion des dispositifs, beaucoup d’interlocuteurs de la mission ont regretté l’acception quelque peu martiale ou, au contraire, excessivement “attentiste” du terme ». ([98]) MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé, chargés par le président de la République de préfigurer cette réserve citoyenne aux lendemains des attentats de janvier 2015, estimaient par ailleurs que « la notion de réserve s’est aujourd’hui considérablement banalisée. Il en découle un risque de confusion entre les dispositifs, rendant indispensable une clarification des objectifs. »

Aujourd’hui, la page de la réserve civique sur le site internet du Gouvernement entretient la confusion avec un bandeau évoquant « la prévention des crises majeures » et de nombreuses rubriques d’information, certes utiles, sur la conduite à tenir en cas de « risques et de menaces ». Le site propose aux citoyens de constituer un kit d’urgence, d’élaborer un plan d’urgence de quartier, mais dispense aussi des conseils aux voyageurs et rappelle les numéros d’urgence. Elle invite aussi à donner son sang, se former aux premiers secours, adopter des bonnes pratiques numériques et à rejoindre, pêle-mêle : sapeurs-pompiers volontaires, service civique, associations de sécurité civile, réserve sanitaire, réserve militaire, réserve de la gendarmerie, réserve civique, réserve citoyenne de l’éducation nationale et réserves de cyberdéfense.

2.   Un cadre pour l’engagement multi-individuel ponctuel

Absorbant les réserves citoyennes de défense et de sécurité, les réserves communales de sécurité civile, offrant un fondement législatif à la réserve de l’Éducation nationale créée par une simple circulaire en 2015, la réserve civique se veut un cadre pérenne aux initiatives destinées à renforcer les valeurs républicaines sous l’égide de l’État. Elle est censée développer la fraternité, la cohésion nationale et la mixité sociale. Elle a d’emblée été pensée comme pouvant comporter des « sections thématiques » ou « territoriales », à l’initiative de collectivités territoriales, sous le contrôle des préfets. Elle s’est ainsi vue ajouter une composante thématique en 2019 ([99]) : la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires, destinée à répondre aux besoins des projets de territoire et des actions soutenues par l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Le cadre juridique et doctrinal de ces bénévolats divers a été élaboré conformément aux préconisations du rapport de MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé ([100]), avec le souci d’éviter des effets d’éviction ou de substitution avec l’emploi privé ou public. Les réservistes civiques ne peuvent être employés que pour des missions d’intérêt général. Un volume horaire maximal est défini.

Ce cadre juridique offre aussi un statut et donc une protection au réserviste ainsi qu’un ensemble de droits et garanties que n’avaient pas les réservistes citoyens de défense et de sécurité. L’affectation du réserviste à une mission implique en effet une convention, qui permet d’éviter toute confusion avec un contrat de travail ou un emploi public. Lorsqu’il est employé en application de la convention, le réserviste est couvert au titre des dommages qu’il pourrait subir ou qu’il causerait à des tiers. Les réservistes civiques doivent avoir plus de 16 ans (sous réserve d’une autorisation parentale entre 16 et 18 ans), être bénévoles, et adhérer à la charte qui présente les valeurs de la réserve civique. L’inscription dans la réserve se fait pour une durée déterminée renouvelable. En cas de comportement contraire à la charte, l’autorité de gestion, sous réserve des conditions spécifiques de chaque réserve thématique, peut radier le réserviste par une décision motivée, sous le contrôle éventuel du juge.

Le rapport de MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé précité préconisait aussi de constituer un groupement d’intérêt public (GIP) nommé « Agence de la réserve citoyenne », afin d’engager les procédures d’élaboration et d’acquisition de la plateforme nationale et des moyens informatiques nécessaires au déploiement de la réserve citoyenne sur l’ensemble du territoire.

3.   Un effet pendant la crise Covid qui reste à évaluer

Depuis 2017, la réserve civique permet théoriquement de contribuer à dix domaines d’action : la solidarité et le « vivre ensemble », l’éducation et l’insertion professionnelle, la culture, la santé, l’environnement, le sport, la mémoire et la citoyenneté, la coopération internationale, les interventions d’urgence en situation de crise ou d’événement exceptionnel, la sécurité.

Le site gouvernemental fait état de 320 000 inscrits et de 116 000 mises en relation avec des associations. 700 bénévoles auraient été mobilisés auprès des équipes administratives de l’AP-HP pour faire face à la seconde vague de Covid-19. 50 bénévoles auraient été mobilisés en quelques minutes pour distribuer des vêtements aux sinistrés de la tempête Alex avec le secours populaire.

À l’occasion de la crise de la Covid-19, elle a hébergé la plateforme Jeveuxaider où toute personne volontaire pouvait répondre à des missions ponctuelles (garde d’enfants, lien avec des personnes âgées, etc.). L’intérêt de la réserve civique par rapport aux grands réseaux associatifs reste cependant à évaluer.

D’après les informations collectées par les rapporteurs, beaucoup de citoyens inscrits sur le site de la réserve civique seraient restés sans réponses, les pouvoirs publics ayant l’habitude de faire appel à des associations agréées qui ont de surcroît une capacité autonome à organiser les volontaires.

B.   La réserve de l’Éducation nationale

Les rapporteurs ne sont pas parvenus à joindre l’association des réservistes citoyens de l’Éducation nationale (ACREN). Leur analyse s’appuie donc sur les réponses écrites très complètes du ministère de l’Éducation nationale au questionnaire qui lui a été adressé et les quelques témoignages recueillis dans le cadre de la consultation citoyenne.

1.   Un statut pour des intervenants extérieurs

a.   Un cadre pour l’engagement individuel

Lancée le 12 mai 2015 par une simple circulaire, la réserve citoyenne de l’Éducation nationale (RCEN) est composée de volontaires intervenant au sein des établissements scolaires pour faire partager leurs expériences personnelles et professionnelles et contribuer « à la transmission des valeurs de la République ». Ces intervenants extérieurs sont mobilisés sur les temps scolaire et périscolaire après avoir été sollicités par les équipes éducatives des premier et second degrés ou les services académiques au bénéfice des collectivités territoriales.

Pensée comme complémentaire des actions conduites par les associations partenaires de l’Éducation nationale, la RCEN constitue une forme d’engagement individuel bénévole.

Répartition des interventions renseignées
dans l’application « réserve citoyenne » en fonction du thème

Source : application « réserve citoyenne », données au 15 mars 2021.

À partir de témoignages tirés de leurs expériences professionnelles et personnelle, les réservistes ont pour mission d’illustrer les enseignements et les activités éducatives autour de thématiques variées telles que les valeurs de la République, l’éducation à la laïcité et à la citoyenneté, la lutte contre le harcèlement, l’éducation à l’actualité, aux médias et aux réseaux sociaux, etc. Plus de la moitié des interventions renseignées dans l’application « réserve citoyenne » depuis 2015 ont porté sur les thématiques « valeurs de la République » (31 %) et « actualité, médias et réseaux sociaux » (21 %).

La RCEN est ouverte à toutes les personnes majeures : bénévoles d’associations, jeunes, notamment étudiants, volontaires et anciens volontaires du service civique, élus, retraités, salariés d’entreprises ou personnels de la fonction publique, professions libérales, réservistes de l’armée, délégués départementaux de l’Éducation nationale, etc. Dans chaque académie, un référent est chargé, sous l’autorité du recteur, d’examiner les candidatures et d’animer le dispositif.

Le ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports ne dispose pas de données relatives à la durée moyenne du processus de recrutement, lequel est déconcentré au niveau des rectorats. D’après les résultats de la consultation citoyenne, cependant, le recrutement prendrait environ trois mois.

b.   Un accès rigoureusement contrôlé

En vertu de la circulaire précitée ([101]), le candidat à la RCEN ne doit pas faire l’objet d’une mention au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv). De plus, lors de son inscription, le candidat s’engage à respecter la charte du réserviste de l’Éducation nationale et à répondre à toute demande des autorités académiques relative à la communication de l’extrait du bulletin n° 3 de son casier judiciaire.

Cette dernière obligation a particulièrement intéressé les rapporteurs qui ont découvert à la lecture de cette disposition qu’elle n’avait pas d’équivalent dans les autres réserves. Les rapporteurs estiment qu’elle serait pourtant utile afin de vérifier que les réservistes de défense et de sécurité ou les sapeurs-pompiers volontaires qui interviennent n’ont pas fait l’objet de condamnations empêchant la poursuite de leurs renforts dans la réserve (suspension du permis de conduire, escroquerie…).

En cas de dysfonctionnement grave concernant un réserviste ou de manquement du réserviste à ses engagements, le recteur suspend immédiatement l’inscription de l’intervenant de la liste des réservistes. Depuis la création de la RCEN en 2015, un seul réserviste a fait l’objet de cette mesure. Une question à laquelle les rapporteurs n’ont pas de réponse mais qui paraît essentielle a trait à la fréquence des contrôles.

c.   Des refus motivés

Les demandes d’intégration à la RCEN sont examinées par le référent académique « réserve citoyenne » de chaque académie, qui propose au recteur l’inscription des personnes en qualité de réservistes de l’Éducation nationale. La liste des réservistes est constituée par le recteur. Le refus d’inscription en qualité de réserviste citoyen de l’Éducation nationale est notifié à l’intéressé dans un délai de deux mois à compter de la réception de sa demande et motivé. Les rapporteurs soulignent cette bonne pratique qui devrait être rigoureusement appliquée dans toutes les réserves citoyennes ou civiques.

Motifs des refus de candidatures dans la RCEN

Motif

Nombre de refus

Pourcentage

Mentions portées au bulletin n° 3 du casier judiciaire incompatibles avec un engagement au sein de la réserve citoyenne de l’Éducation nationale.

1

0.04 %

Inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) incompatible avec un engagement au sein de la réserve citoyenne de l’Éducation nationale.

0

0 %

Le projet d’intervention du candidat ne répond pas aux objectifs de la réserve citoyenne de l’Éducation nationale.

765

29,93 %

La proposition d’intervention ne correspond pas au champ de compétence dans lequel le candidat a manifesté le souhait d’intervenir.

100

3,91 %

L’expérience dans le champ de compétence dans lequel le candidat a manifesté le souhait d’intervenir ne paraît pas suffisante au regard d’autres candidatures adressées.

328

12.83 %

Le bassin géographique dans lequel le candidat a manifesté le souhait d’intervenir est trop restreint au regard des multiples candidatures adressées.

132

5,16 %

Autre

1 230

48,12 %

Total

2 556

100 %

Source : application « réserve citoyenne », données au 15 mars 2021.

Depuis 2015, 2 556 candidatures à la RCEN ont été refusées. L’examen des données ci-dessus montre que beaucoup de réservistes citoyens sont déboutés à cause d’un projet ne répondant pas aux objectifs de la réserve citoyenne. Il serait utile de savoir si cela s’explique par une méconnaissance du dispositif, des intentions prosélytes ou commerciales ou une interprétation un peu rigide de la part des rectorats. L’importance des refus ayant un « autre » motif (48 %) mériterait de faire évoluer le tableau ci-dessus. Les rapporteurs préconisent de conduire une étude approfondie pour mieux comprendre ce qui a poussé à rejeter plus de 2 500 candidatures, soit près de 40 % du vivier de la RCEN. Ils notent par ailleurs que 5,16 % des refus sont motivés par un excès de concentration des candidatures, ce qui est confirmé par d’autres éléments transmis par le ministère et constitue une des limites les plus manifestes de la RCEN aujourd’hui.

2.   Une ouverture à la société civile manifestement inachevée

Les enseignants font intervenir des intervenants extérieurs dans les classes depuis longtemps. Ils peuvent s’appuyer pour cela sur leur réseau personnel et sur des associations partenaires de l’Éducation nationale régulièrement sollicitées. L’originalité de la RCEN est de permettre un recours relativement décentralisé à des individus. Elle aurait logiquement dû favoriser une diversification des profils des intervenants. Mais l’intermédiation associative a aussi ses avantages : pré-sélection des intervenants, mise en relation, coconstruction du projet pédagogique…

a.   Une part considérable de réservistes qui ne sont jamais employés

Depuis 2015, 6 794 citoyens ont intégré la RCEN et 162 réservistes de l’Éducation nationale ont quitté le dispositif. En moyenne, l’engagement des réservistes est de près de cinq ans (précisément quatre ans, onze mois et 26 jours). Les départs de la RCEN sont multifactoriels. Ils peuvent être liés, par exemple, au changement et/ou à l’évolution de la situation personnelle ou professionnelle des réservistes. Certains réservistes expriment également le désir de quitter la RCEN dans la mesure où ils ne sont pas, ou très peu, sollicités par les établissements.

Nombre d’interventions par an renseignées
dans l’application « réserve cIToyenne » sur la période 2015-2021

Source : application « réserve citoyenne », données au 15 mars 2021.

Le sous-emploi manifeste des réservistes citoyens de l’Éducation nationale peut avoir de multiples causes que les rapporteurs n’ont pu analyser : inadéquation du vivier de volontaires avec les besoins de l’institution, difficultés pour les enseignants à intégrer des intervenants extérieurs dans leur projet pédagogique, indépendamment du fait qu’il s’agisse d’individus recensés ainsi par les rectorats, faute de temps, par exemple, manque de visibilité de la RCEN en particulier. Une étude plus approfondie serait nécessaire.

Les rapporteurs observent que les réservistes qui interviennent auprès des enseignants et des équipes éducatives réalisent, pour une large part, entre 1 et 3 interventions par an. Aussi, une part considérable des réservistes n’est pas mobilisée dans les établissements chaque année, ce qui suscite évidemment de la frustration.

Répartition annuelle du nombre d’interventions par réserviste renseignées dans l’application

Année

Nombre de réservistes

Aucune intervention

1 intervention

2 interventions

3 interventions

Plus de 3 interventions

2015

3 933

68

9

1

3

2016

5 431

279

69

18

36

2017

6 015

164

38

19

32

2018

6 224

98

24

10

39

2019

6 398

47

8

3

27

2020

6 572

10

3

0

13

2021

6 627

2

0

1

2

Source : application « réserve citoyenne », données au 15 mars 2021.

D’après le ministère, la transmission d’informations entre équipes pédagogiques de différents établissements scolaires sur la qualité de l’intervention d’un réserviste tient une place prépondérante dans la mobilisation des réservistes. Ainsi, un réserviste étant déjà intervenu dans un établissement dans le cadre de la RCEN sera davantage mobilisé qu’un réserviste n’ayant jamais réalisé d’intervention.

Cette situation n’est guère étonnante. La charge de travail afférente à l’emploi d’un réserviste citoyen paraît aujourd’hui essentiellement supportée par les enseignants. Conformément à la circulaire de 2015 précitée, « les enseignants et personnels éducatifs formulent leur demande d’intervention d’une personne inscrite dans la réserve citoyenne de l’Éducation nationale en exposant leur projet pédagogique auprès du directeur d’école ou du chef d’établissement. Les directeurs d’école, les inspecteurs en charge d’une circonscription et les chefs d’établissement […] transmettent aux personnels demandeurs les profils des réservistes susceptibles de correspondre au besoin qu’ils ont exprimé (expérience, domaine d’intervention, périmètre géographique d’intervention). L’enseignant ou le personnel éducatif sollicite le(s) réserviste(s) qu’il a retenu(s). Le contenu et les modalités de l’intervention des réservistes sont définis par les enseignants. Leur déroulement est placé, durant le temps scolaire, sous la responsabilité pédagogique et la surveillance permanente de l’enseignant ou du personnel éducatif et, durant le temps périscolaire, sous la responsabilité propre de la collectivité territoriale ayant la charge de l’activité. »

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les enseignants fassent appel aux réservistes citoyens déjà employés et recommandés par leurs collègues. En l’absence de démarche du réserviste citoyen présentant son propre projet d’intervention, il est difficile d’imaginer sur quels critères un enseignant pourrait retenir un candidat. Le ministère de l’Éducation nationale concède que les échanges avec les référents académiques « réserve citoyenne » mettent en évidence la difficulté pour les autorités académiques à évaluer, à partir d’un curriculum vitae et d’une lettre de motivation, la qualité des candidats pour intervenir sur certaines thématiques, telles que les valeurs de la République, la radicalisation ou le harcèlement. Les rapporteurs s’étonnent qu’il ne soit pas proposé aux réservistes citoyens d’accompagner leur candidature de vidéos de démonstration, par exemple.

b.   Un maillage territorial insuffisant

La répartition géographique des effectifs de la RCEN est disparate selon les territoires. Deux académies (Paris et Versailles) comptabilisent plus de 700 réservistes quand neuf académies (Reims, La Réunion, Limoges, Amiens, Corse, Guadeloupe, Martinique, Guyane et Mayotte) et deux vice-rectorats (Polynésie française et Nouvelle Calédonie) en comptent moins de 100. Enfin, Wallis-et-Futuna ne comptabilise aucun réserviste.

Ces inégalités territoriales ne contribuent pas à populariser la réserve citoyenne de l’Éducation nationale qui risque de demeurer un phénomène marginal, urbain si ce n’est francilien. Le développement de la visioconférence pourrait peut-être permettre d’améliorer cette situation.

Nombre de réservistes de l’Éducation nationale par académie et vice-rectorat

Source : application « réserve citoyenne », données au 15 mars 2021.

c.   Une diversité qui paraît décevante

Contrairement à ce qu’aurait pu laisser espérer le dispositif, et bien que les données disponibles sur la catégorie socio-professionnelle des réservistes ne reflètent sans doute qu’imparfaitement la diversité des profils et des personnalités, les rapporteurs constatent que les cadres de la fonction publique sont surreprésentés, ainsi que les cadres supérieurs et les retraités.

Profil des réservistes de la RCEN

Catégorie socio-professionnelle

Nombre de réservistes

Pourcentage de réservistes

Agriculteur

7

0,11 %

Artisans, commerçant, chef d’entreprise

308

4,64 %

Cadre de la fonction publique

1 104

16,65 %

Cadre supérieur

965

14,55 %

Employé

525

7,92 %

Étudiant

402

6,06 %

Ouvrier

16

0,24 %

Profession intermédiaire

240

3,62 %

Retraité

1 987

29,96 %

Autre

1 078

16,25 %

Total

6 632

100 %

Source : application « réserve citoyenne », données au 15 mars 2021.

Si l’explication de cette surreprésentation doit probablement être recherchée dans leur plus grande disponibilité, il faut aussi reconnaître que la RCEN n’est pas aujourd’hui le gage de mixité sociale espéré.

3.   Une animation qui mériterait d’être améliorée

Les débats parlementaires sur les réserves civiques à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté avaient souligné le risque d’affaiblissement des réserves civiques si l’État ne s’impliquait pas dans leur promotion, leur animation, leur évaluation et leur contrôle :

– promotion non seulement pour recruter des réservistes, mais également pour inciter les organismes d’accueil à y recourir et donc à réfléchir aux missions qui pourraient leur être confiées ;

– animation pour informer les réservistes sur les missions qu’ils pourraient accomplir, les rassurer sur leurs compétences, les préparer aux tâches qu’ils auront à accomplir et maintenir le lien avec eux afin qu’ils restent motivés pendant les périodes où ils ne sont pas mobilisés ;

– évaluation pour arrêter un guide des bonnes pratiques et améliorer le dispositif ;

– contrôle afin de s’assurer de la qualité des missions réalisées, du respect par les réservistes et les structures d’accueil de la charte et d’éviter les abus ou dérives.

Or, la réalisation de ces missions nécessite des moyens humains, aussi bien au niveau national qu’au niveau territorial. C’est bien pourquoi les services déconcentrés de l’État ont longtemps privilégié le recours à des associations constituées pour s’attacher le concours de bénévoles, qu’il s’agisse de la Croix-Rouge pour de l’aide au population ou des associations d’anciens combattants pour la transmission et le devoir de mémoire. L’intermédiation associative est un facteur de réduction des coûts pour l’État.

a.   Un dispositif de promotion multimodal et décentralisé

Depuis la création de la RCEN, la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) sensibilise l’ensemble des acteurs impliqués dans la RCEN aux opportunités offertes par ce dispositif, en organisant notamment des séminaires de rassemblement des référents académiques (le 5 juin 2015 et le 23 mai 2016) et une université d’été (le 29 juin 2016), en transmettant des informations et en échangeant avec les référents académiques « réserve citoyenne ». Enfin, une rubrique du site internet du ministère est dédiée à la réserve citoyenne ([102]).

Parallèlement et en complémentarité des actions entreprises par les autorités nationales, les autorités académiques communiquent sur les apports de la RCEN via différents moyens de communication (mise à disposition d’informations sur le site de l’académie, organisation de tables rondes et de rencontres entre les différents acteurs, échanges avec les chefs d’établissement, etc.).

Ce dispositif est jugé proportionné et adapté au ministère de l’Éducation nationale, qui n’envisage pas de le faire évoluer.

Enfin, depuis 2015, les autorités académiques ou le ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports ont noué des partenariats avec plus de quarante « ambassadeurs de la réserve citoyenne » (ATD Quart Monde, le Centre Pompidou, les Crous, l’École nationale d’administration, etc.) qui sont des personnes physiques ou morales chargées de promouvoir la RCEN auprès des citoyens, et plus particulièrement auprès de leurs usagers et des membres de leurs réseaux. Ces partenariats expliquent vraisemblablement la prépondérance de certaines catégories socio-professionnelles, comme les cadres de la fonction publique.

b.   Une application mobile très utile

Le pilotage et le suivi de la RCEN mobilisent des personnels du bureau de la réglementation et de la vie des établissements de la DGESCO, ainsi qu’un développeur informatique de la direction du numérique pour l’éducation chargé de la mise à jour et de la maintenance de l’application. Dans les académies, le traitement des candidatures et le pilotage de la RCEN sont assurés par les référents académiques « réserve citoyenne ». Ainsi, tant au niveau central que déconcentré, le nombre de personnels affectés à la gestion de la RCEN apparaît proportionné et adapté. Afin de faciliter la gestion et le suivi des réservistes, l’administration centrale a mis à disposition des acteurs l’application « réserve citoyenne ». Elle permet aux citoyens de candidater en ligne pour être réserviste de l’Éducation nationale, aux référents académiques « réserve citoyenne » de traiter les candidatures et de consulter les tableaux de bord et aux personnels de l’Éducation nationale de consulter les profils des réservistes afin de faire appel à eux.

Cette application pourrait peut-être être encore améliorée pour faciliter la sélection des réservistes citoyens par les enseignants ou pour leur offrir un retour d’expérience sur leur intervention.

c.   Une reconnaissance institutionnelle anecdotique

D’après les retours des référents académiques « réserve citoyenne de l’Éducation nationale », de plus en plus de réservistes expriment le besoin de recevoir un retour des équipes éducatives sur leur intervention, matérialisé dans les comptes rendus d’intervention, témoignant de leur action dans le cadre de ce dispositif.

Par ailleurs, le compte d’engagement citoyen (CEC), créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire, permet aux réservistes de l’Éducation nationale, sous réserve d’une durée d’engagement continue d’un an au sein de la RCEN ayant donné lieu à au moins vingt-cinq interventions, de bénéficier de droits à formation crédités sur leur compte personnel de formation. Le nombre d’interventions nécessaires pour voir créditer le CEC paraît très élevé et, en tout état de cause, déconnecté de la réalité des interventions des réservistes citoyens. Il n’a certainement pas l’effet escompté.

Afin de permettre aux réservistes de l’Éducation nationale de faire valoir leurs droits à formation dans le cadre du CEC et de continuer d’être valorisés par les équipes éducatives, l’administration centrale entend poursuivre la sensibilisation de l’ensemble des acteurs impliqués dans ce dispositif au recensement systématique des interventions effectuées dans l’application « réserve citoyenne ».

Les rapporteurs s’étonnent qu’aucune autre forme de reconnaissance ne soit citée par le ministère de l’Éducation nationale.

 


   Conclusion

Au terme de cette comparaison, les rapporteurs l’affirment : il ne suffit pas de réunir des volontaires pour constituer une réserve.

Cette notion devrait être resserrée autour de dispositifs caractérisés par :

– une identité, manifestée par une permanence dans le temps et une tenue distinctive ;

– une formation ou un cadre, gage de transmission des compétences, qu’elles soient techniques ou relationnelles ;

– une animation, qui permet de maintenir la motivation des réservistes et d’entretenir un esprit de corps dans la durée ;

– une doctrine d’emploi claire, qui précise dans quelles circonstances et pour quelles missions la réserve est employée, en évitant les écueils que sont les conflits d’intérêts, les effets d’aubaine, la semi-professionnalisation et l’éviction des emplois permanents ;

– un cadre juridique, qui protège les volontaires mais aussi les professionnels auprès desquels ils évoluent ;

– un contrôle rigoureux, qui prévient les dérives.

Ceci étant précisé, ils recommandent d’assurer un financement stable et régulier aux réserves qui offrent :

1.- un recrutement ouvert, qui se manifeste par la diversité sociodémographique des membres de la réserve, au nom de la cohésion nationale et de la transmission de savoir-faire utiles à la collectivité ;

2.- une capacité avérée à contribuer à la résilience de la Nation en cas de crise majeure sur le territoire national.

 

 

 

 

 

 

 

 

   Liste des propositions

Proposition n° 1 : redynamiser le fonctionnement du Conseil supérieur des réserves militaires (CSRM) :

– augmenter la part des représentants d’employeurs et de salariés dans le collège ;
 –  veiller à l’organisation de réunions régulières, programmées, annoncées avec un préavis suffisant ;

– animer les travaux en créant des groupes de travail permettant aux membres du CSRM de formuler des recommandations ;

– organiser l’audition régulière de représentants du CSRM par les commissions parlementaires chargées de la défense.

Proposition n° 2 : créer la fonction d’inspecteur général de la réserve au ministère des Armées, chargé de faire prévaloir des objectifs d’ouverture et de résilience et d’assurer l’allocation de la ressource budgétaire en conséquence

Proposition n° 3 : rénover les régimes juridiques permettant de mobiliser les réserves à partir d’une rigoureuse expression de besoins

Proposition n° 4 : réfléchir à une extension des missions du secrétariat général de la Garde nationale (relations avec les employeurs, communication sur les réserves, suivi des dispositions statutaires, évaluation) à d’autres réserves (sapeurs-pompiers volontaires, réserve sanitaire) et à un changement de nom plus conforme à ces nouvelles missions

Proposition n° 5 : inclure dans la documentation budgétaire des indicateurs de performance et des données permettant de mesurer la contribution des réserves aux programmes

Proposition n° 6 : créer un document de politique transversale (DPT) regroupant les dépenses afférentes aux réserves et permettant notamment de suivre les exonérations de prélèvements fiscaux et sociaux

Proposition n° 7 : obtenir un bilan détaillé des dispositions législatives adoptées relatives aux réserves

Proposition n° 8 : enrichir le rapport annuel destiné au Parlement sur l’état des réserves militaires et civiles de défense et de sécurité avec des données comparables permettant de suivre l’évolution des objectifs fixés aux réserves

Proposition n° 9 : « sanctuariser » des budgets des réserves de la gendarmerie et de la police nationales cohérents avec leurs objectifs en termes d’effectifs, de formation et d’emploi

Proposition n° 10 : assurer une convocation régulière de la RO21 de la gendarmerie nationale et lui fixer une doctrine d’emploi assortie, au besoin, d’équipements supplémentaires

Proposition n° 11 : s’appuyer davantage sur la réserve de la gendarmerie nationale pour la mission Sentinelle

Proposition n° 12 : élaborer une doctrine d’emploi pour la RO1 de l’armée de terre en cas de conflit majeur, avec un budget d’équipement en conséquence

Proposition n° 13 : maintenir au-dessus de 60 % la part des réservistes ab initio de l’armée de terre dans les effectifs et au-dessus de 50 % leur part dans l’emploi à horizon 2030, en application d’un impératif de jeunesse et afin d’assurer une transmission des compétences

Proposition n° 14 : réinvestir de manière ciblée dans la RO21 de l’armée de terre en définissant une doctrine d’emploi de cette réserve en cas de conflit majeur et en lui associant un budget d’équipement

Proposition n° 15 : augmenter le budget dédié aux systèmes d’information et à la gestion de la réserve sanitaire

Proposition n° 16 : engager une réflexion sur le rôle que pourrait jouer Santé publique France dans l’animation d’un réseau de professionnels volontaires formés à gérer des situations de crises majeures

Proposition n° 17 : engager une réflexion sur des partenariats solidaires entre établissements de santé de type parrainage

Proposition n° 18 : évaluer régulièrement le rapport coût / bénéfice des réserves d’efficience

Proposition n° 19 : adopter des doctrines d’emploi rigoureuses destinées à éviter l’éviction de l’emploi permanent par des réservistes

Proposition n° 20 : valoriser les compétences acquises dans les réserves dans le secteur civil ou l’emploi principal

Proposition n° 21 : mieux communiquer sur les savoir-faire, les savoir-être, et les compétences développées par les réserves

Proposition n° 22 : favoriser la constitution de réseaux de professionnels réservistes dans les entreprises ou par branche professionnelle

Proposition n° 23 : accorder davantage de places aux réservistes dans les cursus d’enseignement militaires et étudier la possibilité de créer des filières ad hoc pour offrir aux réservistes un parcours qualifiant

Proposition n° 24 : évaluer la politique partenariale mise en œuvre par la gendarmerie nationale et étudier l’opportunité de la développer au profit d’autres collectivités territoriales, administrations ou entreprises

Proposition n° 25 : étudier les possibilités de partage du coût de formation de certains réservistes en développant des troncs communs à plusieurs réserves

Proposition n° 26 : systématiquement motiver le non-emploi d’un réserviste ou le non-renouvellement de son engagement

Proposition n° 27 : mettre à la disposition des réservistes des voies de recours en cas de conflit ou pour signaler des infractions déontologiques, à l’instar de ce dont disposent les professionnels du service actif

Proposition n° 28 : conduire des inspections internes régulières sur le respect de la doctrine d’emploi des réservistes et le respect des règles déontologiques

Proposition n° 29 : s’assurer que les réservistes aient l’obligation de signaler toute condamnation pénale à leur autorité de gestion

Proposition n° 30 : étudier l’idée d’un système à points ou d’une valorisation différenciée des renforts effectués en métropole pour les réservistes sanitaires

Proposition n° 31 : évaluer l’apport du statut de réserviste civique par rapport à l’engagement associatif et les besoins financiers nécessaires à une meilleure animation des réserves civiques

Proposition  32 : intégrer une présentation des réserves dans la formation civique et citoyenne et dans le livret d’accueil des jeunes volontaires du service civique

Proposition n° 33 : poursuivre le soutien au dispositif des cadets de la défense et s’appuyer sur le SNU pour présenter les opportunités d’engagement dans les réserves

Proposition n° 34 : élaborer une « mallette pédagogique » sur les réserves à destination de tous les acteurs en contact avec les jeunes (enseignants mais aussi animateurs de centres de loisirs, conseillers d’orientation, associations sportives, etc.)

Proposition n° 35 : élaborer un portail Internet unique présentant l’ensemble des possibilités d’engagement et d’emploi pour les jeunes

Proposition n° 36 : élaborer un autre portail destiné à tous les âges et éditer une brochure sur « l’engagement tout au long de la vie » avec des exemples de parcours de réservistes et de bénévoles

Proposition n° 37 : éditer un vade-mecum clair des relations entre les volontaires, les réservistes et leurs employeurs

Proposition n° 38 : mettre en relation les employeurs avec des conseillers susceptibles de leur présenter le droit en vigueur et de les rassurer sur la conciliation entre activité de réserve et activité professionnelle

Proposition n° 39 : valoriser la formation et le rôle des réservistes au moyen de spots télévisés également diffusés dans des formats courts sur les réseaux sociaux

Proposition n° 40 : utiliser le 14 Juillet pour mettre à l’honneur les réservistes

Proposition n° 41 : engager une réflexion avec le monde associatif combattant sur la manière de faire des commémorations nationales un moment fort de la transmission entre les anciens et les combattants d’aujourd’hui, dont les réservistes

Proposition n° 42 : renforcer l’information des maires sur les réserves et les inciter à organiser des évènements dédiés aux réservistes et bénévoles de la commune afin de rendre hommage à leur engagement et de les inciter à intégrer une réserve communale

Proposition n° 43 : revaloriser les moyens dédiés à l’animation des relations civilo-militaires, en particulier les délégations militaires départementales (DMD)

Proposition n° 44 : conduire une campagne d’information et de sensibilisation avec l’association des maires de France et les préfets sur les réserves communales ; élaborer un kit de lancement incluant des éléments d’information et des contacts utiles pour les maires ; prévoir l’évaluation de ce dispositif et des réserves communales dans les cinq prochaines années

Proposition  45 : rationaliser voire supprimer les dispositions contraignantes s’appliquant aux réservistes de défense et de sécurité à l’occasion d’une réflexion plus globale sur les régimes juridiques de défense

Proposition n° 46 : inciter les gestionnaires de réservistes à faire un effort pour leur donner une visibilité annuelle sur leurs activités de réserve

Proposition n° 47 : évaluer l’application des conventions signées sous l’égide de la Garde nationale par des sondages réguliers, réactualiser les conventions dont les dispositions contreviennent à la loi

Proposition n° 48 : étudier l’opportunité de substituer à toutes les mesures d’incitation existantes en faveur des employeurs de réservistes un même crédit d’impôt, qui doit surtout être simple à mettre en œuvre

Proposition  49 : revaloriser les indemnités des réservistes sanitaires, en incluant éventuellement une bonification en fonction des missions effectuées

Proposition n° 50 : veiller à réduire les délais de paiement des réservistes sanitaires, en étudiant l’intérêt que pourrait avoir un mécanisme d’avance

Proposition n° 51 : étendre aux réservistes sanitaires l’exonération d’impôt sur le revenu dont bénéficient les autres réservistes qui contribuent à la résilience de la nation

Proposition  52 : étudier la possibilité d’accorder aux réservistes des armées, exclusivement, parce que leur engagement les éloigne de leurs proches, le bénéfice de réductions dans les transports ferroviaires pour eux et leurs familles

Proposition n° 53 : renoncer à accorder aux réservistes citoyens des grades ainsi que le port de la même tenue que les militaires d’active ou les réservistes opérationnels et élaborer d’autres signes distinctifs


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   Examen en commission

La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur les réserves au cours de sa réunion du mercredi 19 mai 2021.

Mme Patricia Mirallès, présidente. Mes chers collègues, je remplace exceptionnellement la présidente Françoise Dumas qui s’est absentée pour une mission à l’étranger. Nous sommes réunis ce matin pour entendre les conclusions de nos collègues Christophe Blanchet et Jean-François Parigi à la suite de la mission d’information qu’ils ont conduite sur les réserves. Nous leur avons confié cette mission le 28 octobre dernier et, depuis, les deux rapporteurs, ainsi que les membres de la mission d’information, ont beaucoup travaillé. Je tiens à souligner que vous avez proposé au bureau de cette commission et à la conférence des présidents, qui l’ont accepté, le lancement d’une consultation citoyenne sur le site de l’Assemblée nationale, une pratique inaugurée en 2017 avec la consultation sur le changement d’heure. C’est la première consultation citoyenne lancée à l’initiative de notre commission. Avec près de 10 000 réponses, cette consultation peut être considérée comme un grand succès. Elle est en effet la quatrième consultation la plus populaire de l’Assemblée nationale, après le changement d’heure ou la consultation sur la dépénalisation du cannabis, ce qui montre le vif intérêt que nos concitoyens ont pour ce sujet. Une majorité des répondants sont des réservistes, ce qui paraît logique. Près de 80 % des répondants ont rempli le questionnaire dans sa totalité, ce qui est rare et montre leur sens civique.

Je voudrais profiter de ce propos liminaire pour remercier très chaleureusement ces réservistes pour leur participation à ce questionnaire, et plus largement, pour leur engagement auprès de nos armées ou de nos services publics. Nous savons que la crise sanitaire a été vécue comme une épreuve pour beaucoup d’entre eux, qui auraient voulu s’engager davantage. Dans la période de crises multiples que nous traversons, nous savons pouvoir compter sur leur dévouement ; il est important de montrer que la représentation nationale s’intéresse à eux et je veux dire que c’est aussi le message contenu dans cette mission d’information. Je sais aussi que nombre de nos concitoyens, soucieux de faire plus pour notre pays, ont cherché à s’engager dans les réserves pendant cette crise, avec plus ou moins de succès, il faut le dire. J’espère que nos rapporteurs pourront nous l’expliquer.

Nous avons sanctuarisé un budget de 200 millions d’euros par an pour les réserves du ministère des Armées dans la loi de programmation militaire. En d’autres termes, ce budget a été doublé par rapport à 2014. Je veux croire que cet effort sans précédent de sincérisation et de sanctuarisation a porté ses fruits. Je sais que nos deux rapporteurs se sont penchés sur un ensemble plus large que celui des réserves des armées. Leur étude porte aussi sur les réserves civiques, les sapeurs-pompiers volontaires ou encore la réserve citoyenne de l’Éducation nationale. Peut-être auront-ils, grâce à des comparaisons, des pistes d’amélioration à nous proposer.

Sans plus attendre, Messieurs les rapporteurs, je vous cède la parole.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Madame la présidente, mes chers collègues, le 28 octobre dernier, notre commission a créé une mission d’information sur les réserves, dont nous avons l’honneur d’être les rapporteurs. Je tiens à saluer l’assiduité de beaucoup de nos collègues membres de la mission d’information et je remercie à ce propos tout particulièrement Marianne Dubois, Florence Morlighem, et Thomas Gassilloud, ainsi que Xavier Batut. Je veux y voir là le signe du grand intérêt que revêt notre sujet pour l’ensemble de la commission. Nos remerciements vont aussi bien évidemment à nos deux collaborateurs, Gabriel et Nicolas, ainsi qu’aux fonctionnaires de l’Assemblée nationale, à Hugo, stagiaire à la commission de la défense, et à l’administratrice, Marine, qui a été à notre écoute, facilitante et qui a contribué à ce travail exceptionnel. Que serions-nous, députés, sans nos administrateurs et administratrices de l’Assemblée nationale ? Je veux ici le souligner.

Depuis octobre, nous avons conduit près de quarante auditions, exclusivement en visioconférence, envoyé des questionnaires écrits à cinq ministères et deux services de renseignement, et lancé une consultation citoyenne sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Nous n’avons pu effectuer qu’un déplacement, que nous avons consacré à l’observation d’une journée de préparation militaire de futurs réservistes de la gendarmerie, à Beynes, dans les Yvelines.

Travailler sur l’ensemble des réserves n’allait pas de soi tant ce mot recoupe des réalités différentes qui relèvent souvent de ministères différents. Pourtant, deux constantes se dégagent : la volonté d’engagement et l’enjeu de résilience. Nous avons donc relevé le gant ! Et bien nous en a pris car nous avons certainement plus appris sur nos réserves par ces comparaisons qu’en effectuant des comparaisons internationales qui sont, forcément, limitées par des différences culturelles importantes.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Nous avons donc d’abord défini les réserves comme les renforts auxquels les pouvoirs publics – armées mais aussi sécurité civile, forces de l’ordre, hôpitaux, prisons, tribunaux et communes –, peuvent avoir recours pour mieux assurer la continuité des services publics, notamment en cas de crise – mais pas seulement. Ce renfort est organisé soit grâce à des anciens du service actif ou des professionnels encore en activité, en mettant à profit leur expérience et leurs compétences, soit grâce à des citoyens volontaires sans formation préalable, bénévoles ou non, qu’il s’agit justement d’intégrer. Ces caractéristiques sont partagées par des dispositifs qui n’ont pas le nom de réserve, comme les sapeurs-pompiers volontaires ou le service civique que nous avons choisi d’intégrer à l’étude.

Pour commencer, c’est donc une réalité particulièrement foisonnante et difficilement lisible que nous allons vous décrire.

Commençons avec la plus ancienne de nos réserves : nos 198 000 sapeurs-pompiers volontaires, qui forment indéniablement une réserve d’emploi. La comparaison avec les réserves militaires est d’autant plus justifiée que beaucoup de mesures sensées favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires ont progressivement été étendues aux réservistes militaires.

Ensuite, venons-en à nos réserves militaires. Les militaires ont toujours une obligation de disponibilité dans les cinq années qui suivent leur départ du service actif. Cette réserve, la RO2, est toutefois devenue théorique, faute d’être réellement équipée et convoquée. Depuis la fin de la conscription et la professionnalisation des armées, les armées s’appuient bien davantage sur la réserve opérationnelle de premier niveau, la RO1. L’ancienne réserve de masse fondée sur l’obligation est devenue une réserve d’emploi, formée de volontaires. Comme en témoignent les débats parlementaires de l’époque, il s’agissait d’abandonner une réserve pléthorique, mal équipée, au profit de réservistes mieux formés, bien équipés, réellement employés. Ce tournant a encore toute sa pertinence.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. À partir des années 2000, le législateur a vu tout l’intérêt qu’il pourrait y avoir à transposer ce succès dans d’autres domaines de l’action publique, particulièrement exposés à des crises. Une réserve civile de la police nationale a ainsi été créée par la loi de sécurité intérieure de 2003 comprenant deux composantes : une force, là encore théorique, composée de tous les policiers ayant quitté le service actif depuis moins de cinq ans, et une réserve contractuelle composée d’anciens professionnels volontaires désireux de garder un lien avec l’institution.

En 2004, la loi de modernisation de la sécurité civile a créé les réserves communales qui ont vocation à apporter un soutien aux populations en situation de catastrophe ou de crise, sans se substituer aux services de secours et d’urgence ou les concurrencer. Ceux d’entre vous qui sont élus dans des régions fréquemment exposées à des catastrophes naturelles les connaissent généralement bien.

La canicule de 2006, la diffusion du chikungunya et la crainte d’une pandémie grippale ont motivé la création d’une réserve sanitaire, en 2007, composée de professionnels de santé volontaires. de retraités de moins de cinq ans et d’étudiants en médecine, la réserve sanitaire intervient en renfort, en France ou à l’étranger, dans des situations sanitaires exceptionnelles (épidémie, catastrophe naturelle, attentat...). Toute la difficulté réside dans le manque de disponibilité de ces volontaires qui, sauf les retraités et les étudiants, ne sont pas véritablement en réserve, mais qui ont déjà une activité.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. À partir de 2009, le vocable de réserve a été utilisé pour désigner par analogie avec les réserves militaires statutaires, des dispositifs de cumul emploi-retraite proposés aux fonctionnaires d’administration ayant besoin de renforts face à des pics d’activité. Le ministère de la justice a ainsi obtenu la création d’une réserve d’anciens professionnels de l’administration pénitentiaire, contractuels, analogue à celle de la police nationale. Quelques mois plus tard, en 2010, un amendement au projet de loi de finances pour 2011 a créé une réserve judiciaire, composée, d’une part, de magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles et, d’autre part, de personnels des greffes retraités.

Nous avons aussi ajouté à notre étude le service civique, créé en 2010. Le service civique avait vocation à unifier de nombreux dispositifs de volontariats accessibles aux jeunes et leur offrant de premières expériences « professionnalisantes » au service d’associations, d’entreprises ou de la Nation. Le service civique a aussi permis de mieux indemniser les jeunes volontaires et de leur offrir une protection sociale adéquate.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Enfin, dans le contexte marqué par les tragiques attentats terroristes de 2015 et 2016, la puissance symbolique du vocable de réserve a incité le législateur à créer de nouvelles réserves destinées à susciter et organiser l’élan citoyen. La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a instauré un cadre commun pour des contributeurs bénévoles au service public exerçant des missions aussi diverses que l’explication et l’illustration des valeurs de la République à l’école, l’accompagnement de personnes en perte d’autonomie, l’intervention dans les prisons, ou la prévention des feux de forêts. Cette réserve, baptisée réserve civique, inclut la réserve citoyenne de l’éducation nationale créée en 2015 par une simple circulaire. Le terme de « réserve » pour désigner un cadre propice à l’engagement individuel ponctuel est problématique à maints égards. Les circonstances de la création de ces « réserves », juste après le traumatisme des attentats, expliquent certainement le choix de ce vocable. Toutefois, il est une source de confusion et la valeur ajoutée de ces « réserves » par rapport aux associations prévues par la loi de 1901 reste encore à démontrer.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. L’appellation de réserve désigne donc aujourd’hui à la fois l’obligation statutaire de disponibilité de certains agents publics, l’engagement de volontaires susceptibles d’être mobilisés en cas de crise majeure, par ailleurs souvent employés comme renfort au quotidien, des vacations effectuées par des retraités et le concours occasionnel, bénévole ou non, de citoyens à l’action de l’État. Cette grande confusion a encore été aggravée par la mise en place de cadres successifs comme la « réserve de sécurité nationale », créée en 2011, dispositif de mobilisation qui n’a, en réalité, jamais pu être organisé, et la Garde nationale.

Alors, en ce qui me concerne, quand j’entendais parler de la Garde nationale, j’imaginais qu’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour voir se lever l’armée de l’an II ! En réalité, la Garde nationale est une structure légère de coordination entre le ministère des Armées et le ministère de l’Intérieur pour élaborer une politique cohérente d’animation des réserves. Elle n’a aucun pouvoir de commandement en propre. Elle est aussi un secrétariat général chargé de produire un rapport transmis au Parlement, dont le contenu est aujourd’hui insatisfaisant. Bras armé d’une politique partenariale active et dynamique, elle s’est en revanche coupée de l’apport des représentants des employeurs et des salariés siégeant au Conseil supérieur des réserves militaires (CSRM), complètement dévitalisé depuis sa création. Agence de communication des réserves, elle a des moyens réduits pour ce faire et un périmètre qui ne lui permet pas contribuer à rendre ce paysage plus lisible. Il faut donc faire évoluer cette structure, en identifiant celles de ses missions qui ont intérêt à être interministérielles – l’évaluation et la veille sur le statut des réservistes, la communication sur les possibilités d’engagement et les avantages pour les employeurs –, et celles qui devraient relever des ministères voire des gestionnaires de réserve : la communication sur l’activité des réservistes, la relation avec les employeurs, le moral des réservistes, les mesures d’attractivité.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Notre rapport relève ensuite un paradoxe : comme en témoigne la multiplication de textes législatifs créant des réserves ou modifiant des statuts de réservistes, les réserves ont le vent en poupe ! Depuis 2015, elles sont devenues une priorité politique affichée. Pourtant, l’application des textes adoptés n’est que très peu évaluée, elle ne fait que très peu l’objet de contrôle parlementaire et ces dispositifs sont toujours largement méconnus du grand public.

La réserve reste une affaire d’initiés, avec un recrutement relativement endogame dans les réserves de sécurité et de défense pourtant censées être largement ouvertes à la société civile. La bonne connaissance des dispositifs par les réservistes et ceux qui les gèrent contraste avec la méconnaissance des réserves dans la population générale. Cette méconnaissance porte directement préjudice aux réservistes, en particulier militaires. Leurs employeurs ne comprennent en effet pas bien ce qu’ils font et craignent de devoir les libérer sans contrepartie à tout moment pour des durées indéterminées. Comme l’ont souligné les bénévoles de l’association des Jeunes IHEDN, les réservistes ne disposent pas de ressources pour expliquer leur statut de réserviste à leur employeur.

La difficulté à s’orienter dans le maquis des réserves a été soulignée par tous les acteurs entendus par la mission d’information. Au-delà de ce défaut de lisibilité, de nombreux malentendus naissent de ce que les réserves se voient attribuer des objectifs multiples, souvent tacites. Le premier objectif des réserves militaires, par exemple, mis en évidence par l’article L. 4211-1 du code de la défense, c’est de permettre « à tout citoyen d’exercer son droit à contribuer à la défense de la nation ». Des jeunes s’orientent donc vers les réserves militaires, s’engagent dans un processus de recrutement qui peut durer plusieurs mois et bénéficient d’une formation, au nom du rayonnement et de l’ouverture des réserves. Las ! Beaucoup d’entre eux ne seront, en réalité, jamais employés par la suite dans la réserve, faute de missions pour eux, ou les missions qui leur seront offertes, comme la garde d’emprise ou la mission Sentinelle, sont en décalage avec l’image que ces jeunes gens se faisaient de la réserve. Par exemple, dans la Marine nationale, les réservistes n’ont quasiment aucune chance de servir sur un bateau, ce qui est logique puisqu’il n’y a pas de bateau en réserve, mais n’est pas aperçu de beaucoup de jeunes.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. La frustration et l’agacement de beaucoup de réservistes est à l’origine de cette mission d’information. Comme en témoignent toutes les enquêtes réalisées sur les motivations des réservistes, ceux-ci rejoignent les réserves non pour avoir un complément de revenu mais pour « servir », autrement dit « être utile ».

Cette frustration trouve son origine dans la contraction de la ressource budgétaire, qui frappe surtout les réserves de la gendarmerie et de la police nationales, mais aussi dans une concentration des jours d’activité sur les réservistes les plus disponibles et les plus employables, bien souvent les anciens professionnels, au détriment des jeunes volontaires ab initio. Pour les armées, la gendarmerie ou la police, les avantages liés à l’emploi de ces anciens professionnels sont considérables : proximité culturelle, disponibilité, employabilité immédiate… Ils « coûtent » en revanche « plus cher » et consomment la majeure partie du budget, faisant de surcroît tendre vers un recrutement endogame contraire à l’esprit de la réserve. Cette frustration des jeunes ab initio a d’ailleurs aussi son pendant chez les réservistes les plus gradés. Par exemple, plusieurs officiers de réserve nous ont fait remarquer qu’ils étaient de moins en moins employés à mesure qu’ils avançaient dans la carrière.

Comme l’ont signalé beaucoup de réservistes militaires, les mesures d’attractivité prises sous l’égide de la Garde nationale ont complètement manqué leur cible puisqu’elles ont été financées sur le budget d’activité des réserves militaires.

De manière générale, nous constatons une inadéquation manifeste entre les budgets alloués à la réserve et les objectifs fixés en termes de recrutement, d’une part, et d’emploi, d’autre part. Dans les armées, la hausse du budget des réserves à partir de 2016 s’est d’abord traduite par une augmentation du nombre de jours d’activité, faute d’avoir encore atteint les cibles de recrutement fixées par le Gouvernement puis inscrites dans la LPM. Par la suite, la poursuite des objectifs de recrutement a obligé les gestionnaires à réduire l’activité, avec un effet désastreux sur le moral et la fidélisation des réservistes. Pour le général Lalubin, délégué interarmées aux réserves, le respect rigoureux des crédits qui prévaut actuellement est perçu comme « contraignant » puisque ce budget semble tout juste calibré pour les nouveaux effectifs de la réserve opérationnelle. Les aléas infligés au budget de la réserve de la gendarmerie nationale créent aussi une situation de sous-emploi chronique. Enfin, beaucoup de réservistes ont été très frustrés et déçus de n’être pas davantage employés pendant la crise sanitaire. Même si les chefs d’état-major comme les responsables de la réserve sanitaire ont rivalisé de pédagogie pour expliquer pourquoi les réserves n’avaient pu être davantage employées, il est certain que l’emploi d’un vocabulaire martial par le président de la République au soir du 16 mars 2020 a résonné comme le son du tocsin et suscité un élan massif. Cet élan s’est brisé sur l’écueil des nombreux malentendus qui entourent les réserves, sur un recours somme toute limité aux armées dans la gestion de la crise et sur l’incapacité des pouvoirs publics à accueillir un afflux de nouveaux volontaires sans intermédiation. L’offre de services de beaucoup de réservistes « civiques » est ainsi restée sans réponse jusqu’à ce qu’ils rejoignent des associations.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Le meilleur service que nous pouvons rendre aux réservistes aujourd’hui est de remettre la réserve au cœur du débat politique et de définir ensemble une stratégie claire, à laquelle devront être associés des moyens stables. La volonté d’engagement est toujours aussi vive chez nos concitoyens. Elle tend même à s’accroître en réaction aux multiples crises que traverse notre pays. Comme l’a souligné à juste titre une personne que nous avons entendue, « au-delà d’un coup de projecteur, c’est de réflexion et de réformes pérennes dont la réserve a besoin. »

Conscients que nos propositions doivent être débattues et affinées, voici la stratégie nationale que nous vous proposons.

Comme l’ont mis en évidence le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale en 2017 et 2021, nous ferons face, de manière croissante, à des crises plus complexes. Les réserves peuvent contribuer de manière déterminante à rendre notre Nation plus résiliente à l’avenir. Elles offrent une opportunité de s’engager au service des autres, de découvrir d’autres mondes professionnels, de connaître le fonctionnement des pouvoirs publics de l’intérieur, d’être acteur et non pas uniquement observateur ou consommateur d’un service public, de jouer un rôle en cas de crise et ne pas seulement subir.

Nous proposons de consentir des investissements financiers dans quatre réserves dites « stratégiques ». Je précise que nous ne sommes pas en train de distribuer ainsi des bons ou des mauvais points à des forces ou à des administrations. Nous essayons simplement de distinguer des missions et des règles d’emploi qui requièrent davantage de moyens. Les quatre réserves qui nous paraissent devoir bénéficier d’investissements, en cohérence avec les missions que nous leur assignons, sont donc les suivantes.

Premièrement : pour une réaction rapide de proximité, nous préconisons d’investir dans la réserve de la gendarmerie nationale. Elle est celle qui paraît la mieux à même aujourd’hui d’être mobilisée rapidement, en tous points du territoire, sous un commandement efficace, pour faire face à une crise nationale ou locale. Le général Olivier Kim, commandant des réserves de la gendarmerie nationale, a souligné la spécificité des missions de la gendarmerie, qui contribuent à faire de sa RO1 une réserve « véritablement interministérielle ». La taille de cette RO1 pourrait être augmentée compte tenu des nombreuses possibilités d’emploi décuplées par la politique de partenariat conduite par la gendarmerie et de la persistance de la menace terroriste. L’entretien de la RO1 de la gendarmerie nationale doit être une priorité budgétaire et non plus une variable d’ajustement.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Deuxièmement : nous souhaitons revaloriser les réserves communales. Pour un coût très faible, les réserves communales peuvent offrir des possibilités d’engagement ponctuel ou de longue durée à tous les citoyens, quels que soient leurs autres engagements. Parce qu’elles sont locales, ces réserves ont une multitude d’atouts pour offrir aux réservistes davantage de reconnaissance, un sentiment d’utilité et de la mixité sociale.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Troisièmement : conformément à sa vision stratégique, le chef d’état-major de l’armée de terre pourrait engager une réforme de sa RO1 pour lui permettre de mieux contribuer à la défense opérationnelle du territoire à horizon 2030 face à l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. Cela impose de désengager l’armée de terre, et sa réserve, de la mission Sentinelle, qui pourrait être bien mieux assurée par la gendarmerie et la police nationales. L’armée de terre doit encore affiner son projet et son expression de besoin. En tout état de cause, nous pensons qu’il faut lui accorder un financement complémentaire en lui associant des objectifs sur la part des volontaires ab initio dans les effectifs et dans l’emploi. Ainsi, nous proposons que la part des ab initio ne soit pas inférieure à 60 % dans les effectifs et à 50 % dans l’activité, au nom de la résilience et du lien armée-Nation.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Enfin, quatrième réserve stratégique : la réserve de santé. Le budget de la réserve sanitaire doit évidemment être revu à la hausse pour pouvoir doter cette réserve d’outils de gestion crédibles. Mais il convient d’engager aussi une réflexion sur le rôle que devrait jouer Santé publique France dans l’animation d’un réseau de professionnels de santé volontaires formés pour faire face à des crises (attentats, menaces NRBC), sur des partenariats solidaires entre établissements permettant d’ajouter au renfort multi individuel de la réserve sanitaire une modalité de renfort collectif, d’équipes déjà constituées ainsi que sur une organisation du système de santé permettant d’intégrer rapidement des praticiens non hospitaliers (professions libérales, intérimaires, etc.). Ceci étant dit, nous formulons d’autres propositions pour mieux encadrer les réserves que nous avons baptisé « réserves d’efficience » ou éviter une concurrence délétère entre réserves du fait de différences inopportunes entre statuts de réservistes.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Enfin, nous jugeons indispensable de faire en sorte que les réservistes soient mieux connus et mieux reconnus. Le mot que nous avons le plus entendu au cours de nos auditions a été, toutes réserves confondues, le mot « reconnaissance ». C’est donc sans surprise mais avec toujours la même émotion que nous avons constaté que le manque de reconnaissance de la part de l’active ou des pouvoirs publics était cité comme la première source de déception par les réservistes qui ont répondu à notre consultation citoyenne. Ce ressenti est désolant. Il n’est pas lié à la rémunération – même si un effort pourrait être fait dans ce domaine, notamment pour les réservistes sanitaires. Il est plutôt lié à des problèmes d’organisation qui manifestent, aux yeux des réservistes, un manque de considération, des délais de paiement de la solde excessifs – jusqu’à neuf mois dans la réserve sanitaire ! souvent trois ou quatre mois dans l’armée de terre – et à l’absence de visibilité de la contribution des réservistes en général à la réalisation des missions des pouvoirs publics.

Un consensus se dégage sur l’idée de renforcer l’information sur les réserves militaires et de sécurité civile à l’école, plus précisément durant l’enseignement secondaire. Outre le soutien qui peut être apporté aux cadets de la défense ou au service national universel (SNU), nous considérons que les armées pourraient élaborer une « mallette pédagogique » sur les réserves à destination de tous les acteurs en contact avec les jeunes (enseignants mais aussi animateurs de centres de loisirs, conseillers d’orientation, associations sportives, etc.). À l’instar de Mme Béatrice Angrand, présidente de l’agence du service civique, nous considérons qu’un portail Internet unique doit présenter toutes les options d’emploi et d’engagement disponibles pour les jeunes. Un jeune volontaire de moins de 26 ans qui souhaite servir occasionnellement au ministère des Armées a en effet le choix entre au moins cinq statuts différents. Nous en avons compté neuf rien qu’au ministère de l’Intérieur et sans compter les emplois jeunes de type adjoints de sécurité ou cadets de la République !

Un portail Internet et une publication régulièrement mise à jour pourraient concerner plus spécifiquement « l’engagement tout au long de la vie » en donnant des exemples de parcours de réservistes. On peut en effet s’engager à tout âge ; il est essentiel de le rappeler. Même vous, mes chers collègues !

Mme Josy Poueyto. C’est fait !

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Il est aussi urgent d’éditer un vade-mecum clair des relations entre les volontaires, les réservistes et leurs employeurs. Les employeurs sont d’ailleurs plutôt en demande de contacts avec les armées et d’explications. Nous proposons de mettre en relation les employeurs avec des conseillers susceptibles de leur présenter le droit en vigueur et de les rassurer sur la conciliation entre activité de réserve et activité professionnelle. Nous proposons aussi de valoriser la formation et le rôle des réservistes dans la population générale, au moyen de spots télévisés également diffusés dans des formats cours sur les réseaux sociaux. Au niveau national, la participation au défilé du 14-Juillet a été une mesure très appréciée par les réservistes sanitaires. Cette mesure symbolique a un intérêt évident.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Nous estimons aussi qu’une réflexion devrait être engagée avec les acteurs de la mémoire et du monde combattant pour faire des commémorations nationales un moment fort de la transmission entre les anciens d’active et les combattants d’aujourd’hui, dont les réservistes.

Au niveau local, les maires pourraient davantage chercher à organiser des évènements en l’honneur des citoyens engagés, qu’ils soient bénévoles dans des associations ou réservistes. Il n’est pas question pour le maire d’être destinataire de listes de réservistes ou de bénévoles mais plutôt de sensibiliser les élus de terrain à l’existence de nombreux réservistes qu’ils peuvent rencontrer au cours de leur mandat et qui pourraient, dans certaines circonstances, être d’une aide précieuse s’ils intègrent leur réserve communale de sécurité civile.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Voici en quelques grands traits résumées nos propositions. Notre rapport en contient d’autres – cinquante-trois exactement – sur le rôle des élus, sur l’information du Parlement, sur le respect d’obligations déontologiques, sur la nécessité d’édicter des doctrines d’emploi ou encore d’avoir recours à des uniformes distinctifs avec discernement. La deuxième partie de notre rapport propose une synthèse des données que nous avons rassemblées sur les réserves que nous avons étudiées. Nous espérons que chacun pourra aller y puiser des informations utiles à sa réflexion.

Comme mon collègue, permettez-moi aussi d’adresser quelques remerciements. Et tout d’abord à l’attention de Christophe : depuis le mois d’octobre, nous avons passé beaucoup de temps ensemble même si hélas la crise sanitaire nous a empêchés de faire tous les déplacements que nous aurions souhaités. Je remercie moi aussi Marianne Dubois, Florence Morlighem, Thomas Gassilloud et Xavier Batut, qui non seulement ont été présents mais qui nous ont aussi enrichi par leur réflexion, notamment Thomas Gassilloud qui avait déjà consacré un rapport aux réserves de l’armée de terre. Je remercie aussi bien évidemment nos deux collaborateurs, Nicolas et Gabriel, Hugo, stagiaire d’une efficacité redoutable, et bien entendu notre administratrice, qui n’a pas été que notre plume mais nous a aussi guidés dans le choix des auditions que nous avons faites. Si l’efficacité de notre mission transparaît dans nos cinquante-trois propositions, c’est parce que nous avons eu la possibilité de rencontrer des interlocuteurs de qualité, et cela nous le lui devons.

Mme Patricia Mirallès, présidente. Je laisse maintenant la parole aux orateurs de groupe.

Mme Florence Morlighem. Je souhaite remercier nos co-rapporteurs, au nom du groupe La République en Marche, pour le rapport si complet qu’ils dévoilent aujourd’hui.

Comme vous l’indiquez d’entrée, ce rapport « n’allait pas de soi », et en souhaitant brosser un panorama le plus large possible de tous les dispositifs de « réserves » qui existent aujourd’hui, vous n’avez certainement pas choisi la voie de la facilité. À la vue de toutes les réserves existantes que vous avez choisi de présenter en détail et de manière très complète, nous mesurons la richesse de ces structures et combien elles participent directement à la résilience de la Nation.

Des réserves communales aux réserves ministérielles, de la réserve sanitaire à celle de l’Éducation nationale en passant par la gendarmerie et les armées, c’est un écosystème foisonnant. Au risque, comme vous le soulignez, que le citoyen s’y perde. Engager une réflexion pour atteindre plus de visibilité et de lisibilité paraît donc salutaire. La facilité pour les Français, et les jeunes en particulier, de pouvoir les intégrer est un gage d’ouverture et d’efficacité.

L’utilité des réserves n’est plus à démontrer. Leur attractivité non plus, comme le démontre la forte participation à la consultation citoyenne que vous avez mise en place. En proposant un cadre à même d’accueillir le fort désir d’engagement au service de l’utilité publique de nos concitoyens, dans un champ très large de politiques publiques – et pas seulement pour la défense de la Nation les réserves forment un outil réactif et souple.

À ce sujet, je souhaiterais attirer l’attention sur la réserve pénitentiaire et souligner toute l’opportunité qu’il peut y avoir pour cette administration à bénéficier de réservistes aptes à participer à la surveillance électronique. Comme vous le savez, avec la réforme de la justice, c’est un point important ; en particulier dans le cas des violences faites aux femmes et des procédures d’éloignement. Comme on dit un peu familièrement : « il ne faudrait pas qu’ils restent au fond des tiroirs ».

Il ne reste plus qu’à renouveler nos remerciements pour l’intérêt et l’utilité du travail accompli.

Mme Marianne Dubois. Comme porte-parole du groupe Les Républicains, je veux saluer les rapporteurs pour le travail immense qu’ils ont fourni, un travail difficile en raison de la densité du sujet. Dans votre exposé, vous avez évoqué des partenariats innovants imaginés par la gendarmerie nationale pour partager le coût d’animation et d’emploi de sa réserve. Pouvez-vous nous en dire plus : en quoi consistent ces partenariats ?

Mme Josy Poueyto. Au nom du groupe Modem, je salue la qualité du travail que vous avez accompli dans le cadre de ce rapport des plus instructifs pour notre commission. Votre attachement aux questions liées aux réserves s’est brillamment exprimé et je vous en félicite. En effet, l’exposé que vous venez de nous livrer s’est révélé passionnant et je pense que nous serons tous d’accord pour vous en remercier.

Puisque nous partageons l’idée selon laquelle le lien fondamental entre les élus locaux et les acteurs du monde de la défense doit être assurément entretenu, c’est naturellement que mon attention s’est portée sur le point que je m’apprête à aborder. Vous faites part de la nécessité d’engager une réflexion avec les acteurs de la mémoire et du monde combattant afin que les élus de terrain soient sensibilisés à l’implication des bénévoles présents dans les associations de défense et des réservistes avec lesquels il leur est permis d’échanger tout au long de leur mandat. Dans cette perspective, vous soumettez l’idée que les maires des communes organisent davantage d’évènements qui mettraient à l’honneur tous ces citoyens engagés, en l’occurrence au sein des réserves, en ne manquant pas de souligner l’aide précieuse que pourraient représenter ces derniers en intégrant leur réserve communale de sécurité civile. La pertinence de ces éléments donne effectivement matière à réfléchir à cette question dont vous révélez ici toute l’importance. Dès lors, chers collègues, comment entendez-vous faire participer les réservistes aux commémorations nationales ? Cela concernerait-il toutes les réserves ou seulement les réserves militaires ?

J’ai également une question subsidiaire sur l’articulation entre les réserves et le SNU. Faut-il davantage impliquer les réserves dans le SNU et le SNU pourrait-il permettre de fournir une meilleure information des réserves ?

M. Thomas Gassilloud. Au nom du groupe Agir, je tiens à remercier et féliciter les rapporteurs pour leurs travaux en évoquant quatre points caractéristiques qui expliquent leur qualité : premièrement, l’investissement des rapporteurs qui ont conduit une quarantaine d’auditions ; deuxièmement, leur volonté de travailler en étroite collaboration avec les membres de la mission et de prendre en compte les travaux déjà réalisés, qui s’est notamment manifestée par la prise en compte de mon travail avec Sereine Mauborgne sur les réserves de l’armée de terre ; troisièmement, le prisme très large des rapporteurs qui ont souhaité élaborer une stratégie incluant les réserves civiles, sanitaire, pénitentiaire, communales, avec les sapeurs-pompiers, etc. ; quatrièmement, leur souhait d’ouvrir ce travail aux citoyens avec une consultation citoyenne qui renouvelle les pratiques démocratiques et contribue directement au rapport. D’ailleurs, les rapporteurs peuvent-ils nous indiquer le nombre de réponses à cette consultation ?

Nous sommes tous convaincus de l’intérêt des réserves en cas de crise majeure, compte tenu du fait que, depuis la professionnalisation, nos armées sont dimensionnées pour faire face à une moyenne d’engagement plus qu’à des pics, mais également en temps de paix. En effet, les réservistes apportent des compétences pointues qu’elles soient juridiques, informatiques ou linguistiques. On parle beaucoup du statut du réserviste mais c’est bien plus leur mission qui importe, puisqu’elle détermine l’entraînement qui leur est nécessaire et leur motivation. Je partage l’idée que les réserves doivent être prioritairement employées sur le territoire national – ne serait-ce que pour permettre à nos armées de suivre scrupuleusement leurs cycles de préparation opérationnelle. Mais je milite aussi pour que davantage de réservistes soient employés en opérations extérieures où ils peuvent effectuer plusieurs missions, comme les gardes d’emprise, le renseignement etc. Les rapporteurs connaissent-ils le nombre de réservistes engagés en opérations extérieures ? et ont-ils des recommandations pour les réservistes dans ce domaine spécifique ?

M. Yannick Favennec-Bécot. Au nom du groupe UDI et indépendants, je félicite aussi nos collègues pour la densité de leur travail. Comme nous le savons, l’hypothèse de l’engagement de la France dans un conflit de haute intensité est de plus en plus avancée en raison de l’évolution du contexte international et de la conflictualité. Si l’augmentation du recrutement d’engagés contribuera à renforcer la masse nécessaire à nos armées, nous pourrions, comme le suggère le général de corps d’armée (2S) Alain Bouquin, nous appuyer sur une réserve plus importante, mieux formée et bien équipée, à l’image de la Garde nationale américaine. De cette façon, les réservistes pourraient assurer le fonctionnement des bases arrière, être affectés à des missions sur le territoire national et, le cas échéant, recompléter les unités engagées qui auront subi une forte attrition. Le général Bouquin suggère de nous appuyer, notamment, sur la réserve opérationnelle de deuxième niveau (RO2) plus à même, selon lui, de combler les pertes subies dans les unités et d’équiper les réserves avec les matériels militaires récemment retirés du service, ce qui, évidemment, n’est pas sans soulever de nombreuses questions qu’elles soient financières, logistiques ou opérationnelles.

Je souhaiterais donc vous interroger sur ces pistes et plus généralement sur le rôle que pourraient être amenées à jouer nos réserves dans l’hypothèse d’un retour aux conflits de haute intensité.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Madame Morlighem, vous avez raison : le citoyen s’y perd. Lorsqu’il veut s’engager, il imagine qu’il ne peut qu’intégrer une réserve militaire alors qu’il y a beaucoup d’autres engagements possibles, qui forment malheureusement un labyrinthe ou, c’est le cas de le dire, un parcours du combattant. Au travers de nos 53 propositions, nous soulignons combien il est nécessaire de rendre ce paysage plus lisible et l’engagement plus facile, en communiquant mieux sur le fait que tout le monde peut s’engager, à tout âge. Nous le précisons bien : à tout âge.

La surveillance électronique, comme les autres modalités d’insertion et de probation – fait partie des missions auxquelles peuvent contribuer les réservistes pénitentiaires. Mais il est probable qu’ils ne soient pas assez nombreux au regard des nombreuses autres missions qu’ils ont par ailleurs. Les réservistes pénitentiaires sont par exemple beaucoup employés pour les missions de transfèrements de et vers les tribunaux.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Madame Dubois, je vais vous répondre sur les partenariats conclus par la gendarmerie nationale. Nous observons une augmentation du budget globalement alloué aux réserves que nous soulignons dans notre rapport. Mais l’allocation de cette ressource budgétaire est trop aléatoire au ministère de l’Intérieur et surtout, les besoins augmentent. La gendarmerie nationale s’est donc montrée particulièrement imaginative. Elle a signé des partenariats avec des collectivités territoriales, des entreprises publiques et même le Royaume-Uni, grâce auquel des réservistes assurent une partie de la surveillance des trains ou du littoral autour de Calais. Je vis tous les jours le partenariat conclu entre la gendarmerie, Île-de-France Mobilités et la SNCF qui permet à davantage de réservistes de la gendarmerie de contribuer à la sécurité des transports ferroviaires. Je crois que nous répondons à la fois à une problématique budgétaire par ces partenariats intelligents – le partenariat avec l’Île-de-France a rapporté 600 000 euros à la gendarmerie nationale qui permet de financer l’emploi de réservistes – et à une problématique de reconnaissance car, comme le souligne notre rapport, la reconnaissance ne repose pas sur des hausses de rémunération mais bien plus sur l’emploi du réserviste, sur la mission qui lui est confiée pour aider la Nation. Je peux vous dire que les réservistes que nous avons pu interroger ont effectivement trouvé que cela donnait du sens à leur engagement au sein de la gendarmerie. Je crois que ce sont des choses sur lesquelles nous devons réfléchir. Encore une fois, pour des raisons budgétaires : on ne peut pas tout attendre de l’État, il faut inviter nos partenaires (régions, départements, voire communes) à la réflexion pour que nos réserves soient utilisées et pour partager le coût de leur animation. Madame Dubois, le partenariat nous semble donc être aujourd’hui l’une des pistes sur lesquelles nous devons travailler.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Madame Poueyto, je vous réponds à propos de l’implication des maires, des commémorations et des réserves communales de sécurité civile.

La réserve communale n’est pas connue, telle est la réalité aujourd’hui, alors que les dispositions légales existent et qu’elle ne coûte rien puisque c’est du bénévolat. Beaucoup de réservistes se retrouveraient dans ces réserves communales parce qu’ils ont une envie de servir mais aussi un besoin de reconnaissance. Mettons en avant ces réserves communales qui peuvent servir, comme nous l’avons vu il y a quelques mois sur un territoire frappé par les inondations où des communes ont été coupées du monde parce que les secours ne pouvaient pas intervenir. Si une réserve communale avait été créée à ce moment-là ou auparavant, cela aurait permis de regrouper au sein d’une même ville des personnes qui auraient été à même d’intervenir en attendant que les secours interviennent véritablement. Tout au long de l’année, ces réserves communales peuvent aussi servir de bases arrières, promouvoir d’autres formes d’engagement, favoriser l’action collective, et même apporter de la bienveillance par des missions de solidarité. La volonté de beaucoup de réservistes est de servir la Nation avec bienveillance. Cette bienveillance transparaissait de chacune de nos auditions. Les réservistes s’engagent de manière altruiste et celles et ceux qui sont rémunérés ne voient pas cette rémunération comme la première raison de leur engagement. Appuyons-nous donc sur les réserves communales pour développer, organiser et fédérer autour des réserves ; cela fait partie de nos propositions avec mon collègue Jean-François Parigi.

Nous proposons également une réflexion, ou un « Beauvau » – c’est à la mode en ce moment –, appelez-la comme vous le voulez, avec les acteurs de la mémoire pour repenser nos cérémonies. Mes chers collègues, nous faisons tous le même constat : aux cérémonies du 11-Novembre ou du 8-Mai, même en dehors de la pandémie, nous sommes présents avec les élus locaux, parfois quelques jeunes et leurs parents, nos porte-drapeaux – que je salue –, quelques associations, mais finalement nous nous connaissons tous et nous ne sommes pas nombreux. Telle est la vérité. Ne serait-il pas opportun de repenser ces journées pour mettre en avant l’engagement quotidien des réservistes à l’occasion de ces cérémonies ? Je ne vais engager que ma parole, car cela a été source de nombreuses discussions avec mon collègue Jean-François Parigi.

Notre rapport porte une ambition pour les réservistes à l’horizon 2030 : nous voulons créer les conditions pour que l’engagement des réservistes soit connu, compris et fédérateur. En même temps, nous avons des jours fériés qui ne sont pas travaillés, par exemple le 11‑Novembre ou le 8‑Mai, pour honorer la mémoire de celles et ceux qui ont défendu la France et se sont battus pour nous. C’est le sens de ces jours fériés. Chaque Français devrait avoir conscience que ce jour férié n’est pas uniquement fait pour aller faire du shopping ou aller à la plage ou autre, et qu’il serait peut-être préférable, en premier lieu, d’honorer celles et ceux grâce à qui nous avons ce jour férié et qui se sont battus pour notre pays. Ne faudrait-il pas faire évoluer ces jours fériés, en lien avec les associations combattantes, pour expliquer dans les écoles, ce qu’est le devoir de mémoire, dès le plus jeune âge et tout au long du parcours scolaire, en lien avec des associations, les représentants légaux et des réservistes – tous les réservistes, qu’ils soient civils, militaires, opérationnels ou non, etc. ? Je crois que cela encouragerait à participer à ces cérémonies et peut-être que cela contribuerait aussi à la disponibilité des réservistes, leur engagement étant plus visible au quotidien. Nous avons constaté que les réservistes d’une même commune ne se connaissent pas entre eux. Pourquoi ne pas utiliser ces jours de mémoire pour identifier, fédérer les réservistes et les mettre en avant ?

Suivant cette logique, nous pourrions aboutir à une journée nationale des réserves au cours de laquelle chaque réserviste aurait la possibilité d’arborer son uniforme sur son lieu de travail, comme au Canada. Nous sommes d’accord avec Jean-François Parigi sur ce point. Ce devrait être un objectif. Nous avons aujourd’hui une journée nationale des réserves (JNR) étalée sur un mois, ce qui est très pratique pour organiser des actions. Mais nous n’avons pas une journée unique très symbolique au cours de laquelle nos réservistes seraient visibles. Nous constatons que les mentalités ne sont pas prêtes à cela. Il faudrait un effort de pédagogie, d’éducation, de progression des mentalités… Par ailleurs, comme l’a indiqué le général Olivier Kim, commandant les réserves de la gendarmerie nationale, les citoyens ne comprendraient pas qu’un gendarme réserviste en uniforme n’intervienne pas en cas de problème, faute de porter son arme et d’être accompagné. Je crois néanmoins qu’à l’horizon 2030, nous pourrions atteindre ce que je considère comme un summum, pour la reconnaissance de nos réservistes. Nous souhaitons que tous les réservistes puissent s’afficher fièrement dans leur entreprise ou dans leur commune. Nous devons travailler à réunir les conditions pour ce faire.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Nous avons tous deux été choqués par l’existence de « réservistes clandestins », c’est-à-dire d’hommes et de femmes qui, dans leurs entreprises, ne disent même pas qu’ils sont réservistes, de peur que cela soulève des questions sur leur disponibilité, malgré la protection accordée par la loi et la possibilité qui leur est faite de prendre jusqu’à huit jours dans les entreprises de plus de 250 salariés. En réalité, beaucoup de réservistes effectuent leurs périodes de réserve sur leurs jours de congés pour ne pas le dire. Et j’ose à peine parler d’un témoignage qui m’avait marqué, celui d’une jeune instructrice réserviste de la gendarmerie qui était par ailleurs professeur des écoles dans un établissement d’éducation prioritaire (REP+). Naïvement, je lui avais demandé si elle parlait de la réserve avec ses jeunes parce que, encore une fois, il y a tout un volet de travail à faire sur nos jeunes pour qu’ils comprennent ce qu’est la réserve, et elle m’avait répondu : « Surtout pas ! Si jamais ils apprennent que je suis réserviste de la gendarmerie, je me mets en insécurité. » Comme le dit Christophe Blanchet, nous raisonnons jusqu’en 2030 mais c’est un vrai problème aujourd’hui. C’est aussi la raison pour laquelle les parallèles avec d’autres pays, qui sont parfois des modèles en matière de réserves, sont limités. Ils ont une histoire que nous n’avons pas. À nous d’essayer de la créer ! Mais le défi est compliqué à relever. Je suis néanmoins tout à fait solidaire de cette idée de Christophe Blanchet. En revanche, sur le jour férié, vous savez que je suis un peu plus âgé que mon collègue et je reste traumatisé par l’une des premières propositions de Valéry Giscard d’Estaing qui avait été de supprimer le 8-Mai. Cela partait d’un très bon sentiment mais le pays n’était pas mûr et je ne suis pas sûr qu’il le soit davantage aujourd’hui.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Permettez-nous de prendre ce temps pour répondre à cette question. Le thème de la reconnaissance est en effet constamment revenu dans les témoignages au cours de nos quarante auditions. Mon collègue Jean-François Parigi l’a très justement dit en évoquant sur les réservistes clandestins qui ne se font pas connaître.

Nous avons voté une loi permettant à des salariés d’être libérés huit jours et en réalité, très peu l’utilisent. Il faut en avoir conscience. Ils ne veulent pas être démasqués tant ils ont peur que cela remette en cause une promotion ou ne soit une cause de discrimination – surtout les femmes. Il y a évidemment un travail à mener avec les employeurs pour qu’ils s’aperçoivent qu’avoir un réserviste au sein de leur entreprise est valorisant et bénéfique, parce que le réserviste a acquis des compétences en management, parce qu’il fait preuve d’une plus grande pédagogie, par exemple. Mon collège et moi-même mettons l’accent sur ces enjeux à travers nos propositions.

Pour éviter toute confusion ou toute polémique : je précise que je n’ai nullement l’intention de supprimer un jour férié. Je dis qu’il faut travailler avec les associations combattantes, les services de l’État, et les maires pour que nos jours fériés, destinés à honorer et respecter celles et ceux qui sont morts pour la France et qui se battent au quotidien pour notre pays aujourd’hui, contribuent davantage à mobiliser, faire participer et transmettre des messages, notamment aux jeunes.

En ce qui concerne le SNU, les réservistes interviennent aujourd’hui notamment dans le cadre de la journée dédiée à la mémoire, à la transmission et au lien armée-Nation dans la deuxième phase du SNU de douze jours. Souvent, ce sont les réservistes qui animent cette journée. Il serait souhaitable que sur ces douze jours une journée en plus soit consacrée à l’engagement, en présence de réservistes de tout type, pas uniquement militaires, pour manifester aux yeux de ces jeunes de 16 ans l’idée qu’ils peuvent s’engager à tout âge, y compris à 16 ans pour les jeunes sapeurs-pompiers, entre autres, et ce tout au long de leur vie.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Monsieur Gassilloud, nous avons obtenu 9 829 réponses dans le cadre de notre consultation citoyenne, ce qui est énorme. La présidente le rappelait, nous sommes quatrièmes en nombre de réponses par rapport aux autres consultations de l’Assemblée nationale.

Nous sommes favorables à l’emploi des réservistes en opérations extérieures (OPEX) car c’est un moyen de les faire monter en compétences. Il est vrai que si nous nous comparons avec d’autres pays, comme le Royaume-Uni, qui pourrait être celui dont nous nous rapprochons le plus, entre 10 et 30 % de réservistes partent en OPEX, tandis que cette pratique reste très marginale chez nous même s’il y a une volonté d’y remédier. La gendarmerie envoie d’ailleurs ses réservistes à l’étranger. J’ai été agréablement surpris par l’audition que nous avons faite du chef d’état-major de l’armée de terre qui a une vraie stratégie jusqu’en 2030, avec des propositions relatives à la réserve qui témoignent d’une volonté de faire monter en compétences les réservistes. D’ailleurs, ni pour lui, ni pour personne, les réservistes ne sont des intérimaires. Ce sont vraiment des hommes et des femmes qui ont un rôle à part entière dans leur vision stratégique. C’est donc plutôt réconfortant.

L’emploi de nos réservistes dans une guerre de haute intensité et la mobilisation de la RO2, évoquée par M. Favennec-Bécot, sont envisageables. Mais cela pose un problème d’ordre budgétaire : il faut équiper, véhiculer, et héberger ces réservistes. C’est pourquoi nous recommandons – c’est notre proposition n° 14 – de réinvestir progressivement dans la RO2 en commençant par la RO21.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. À propos des OPEX, il faut préparer nos concitoyens à accepter qu’un militaire réserviste périsse en opération. Ce n’est pas un réserviste qui décèderait. Ce serait un militaire, avant tout. Mais préparer nos concitoyens à l’idée qu’un boulanger – pour prendre un exemple légèrement caricatural – décède dramatiquement en OPEX n’a rien d’évident, demande un travail culturel. Il faut nous y préparer. C’est d’ailleurs une demande de la part des réservistes. Mais nous devons protéger les réservistes et protéger l’opinion publique en faisant mieux connaître la nature de l’engagement du réserviste, volontaire qui, même s’il est boulanger dans le civil, est aussi un militaire.

Mme Patricia Mirallès, présidente. Merci, nous allons passer à une deuxième série de questions.

Mme Muriel Roques-Etienne. Avant toute chose je tenais à vous féliciter pour votre exposé et l’ensemble des travaux menés par votre mission. La longue liste des auditions menées ces six derniers mois nous assure du caractère complet et sérieux de vos travaux. Je souhaitais vous interroger spécifiquement sur la consultation en ligne, ouverte en avril sur le site de l’Assemblée nationale, qui invitait les réservistes à partager leur expérience et leur ressenti, et les non-réservistes à nous dire à quel point ils connaissent et s’intéressent aux différentes réserves. Vous avez déjà partiellement répondu, mais je vous pose tout de même la question : pouvez-vous nous dire quels sont les ratios de réservistes et de non réservistes ayant participé à cette consultation ? Certaines réserves ont-elles été surreprésentées ou sous-représentées dans les réponses ? Comment jugez-vous la participation à cette consultation en ligne ? Ressort-il de cette enquête une bonne connaissance des réservistes et du cadre dans lequel ils évoluent, aussi, estiment-ils être suffisamment reconnus au sein des structures dans lesquelles ils sont mobilisés ? Y a-t-il des propositions phares ressortant des réponses à cette consultation ? Les réponses permettent-elles de faire état d’un esprit de corps commun à l’ensemble des réservistes qui partagent des points communs tel que le don de temps libre au service des causes publiques, tout en étant au sein de structures au champ d’application très divers ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Je félicite à mon tour les deux rapporteurs MM. Parigi et Blanchet pour ce travail qui est très exhaustif, qui est non seulement un constat mais qui fait également bon nombre de propositions qui méritent dans leur grande majorité d’être mises en œuvre. Il a maintes fois été question de donner un meilleur ancrage territorial aux réserves de nos armées, compte tenu du fait que dans beaucoup de nos départements – en particulier dans ma région –, la présence militaire n’est plus que celle de la gendarmerie : nous avons de véritables déserts militaires. Il a même été question de projets de territorialisation de la réserve dans de précédents rapports. Qu’en pensez-vous ? Faut-il poster des unités de réservistes dans nos territoires ? Faut-il procéder à des jumelages ?

M. Christophe Lejeune. Bien évidemment je m’associe aux nombreux remerciements destinés aux deux rapporteurs, ce travail était très fouillé et complet. Dans votre approche, les menaces terroristes qui pèsent sur la France rendent les réservistes essentiels dans le dispositif de sécurité et de défense nationale. Les réserves sont un renfort primordial dans nos unités d’active, particulièrement sollicitées sur le territoire national comme à l’étranger. Je veux saluer ici ces femmes et ces hommes qui honorent notre pays et se mettent à son service. En parallèle de ces missions de protection, il est également indéniable que les réserves permettent d’entretenir l’esprit de défense dans la société civile – vous l’avez rappelé à de nombreuses reprises – et qu’elles contribuent au maintien du lien entre la nation et ses forces armées. C’est en ce sens que pour préserver l’avenir, le ministère des armées doit vraisemblablement veiller à renforcer le rajeunissement et la fidélisation des réservistes au moment du recrutement. Les jeunes issus du secteur civil, sans aucun passé militaire, sont une chance pour nos armées – vous l’avez aussi rappelé. La jeunesse représente non seulement le cœur de ses besoins en matière de compétences et de savoir-faire mais également un atout pour la préservation du rapport entre l’armée et la société civile. En ce sens, il apparaît primordial de renforcer l’attractivité des emplois et de faire preuve d’innovation dans les métiers offerts afin de fidéliser les nouveaux réservistes. Je pense notamment aux métiers de la cyberdéfense, de la mise en œuvre des drones ou encore de l’intelligence artificielle. Quelles sont vos recommandations pour améliorer l’attractivité des réserves et inciter nos jeunes à s’engager ? Pouvez-vous détailler les mesures qui fidéliseraient les nouveaux réservistes une fois leur recrutement effectué – une question qui me semble prioritaire.

M. Jacques Marilossian. Merci mes chers collègues pour votre rapport sur les réserves, votre présentation, et déjà, vos premières réponses. Dans un rapport parlementaire de 2016, deux sénateurs, Jean-Marie Bockel et Gisèle Jourda faisaient une proposition pour créer une Garde nationale – vous l’avez brièvement évoquée dans votre exposé. Selon nos collègues sénateurs, la Garde nationale devrait se fonder sur la réserve militaire rénovée, notamment sur sa territorialisation et en respectant les principes suivants : statut et vocation militaire, structuration à partir du territoire, forte coordination interarmées et recrutement prioritaire de la jeunesse. Selon eux, l’objectif de la Garde nationale à la française ne serait donc pas de créer une armée parallèle mais bien de faire sortir la réserve d’un rôle de réservoir de force – celui que vous avez évoqué – à celui d’outil de défense à part entière. Ma question est donc assez simple : pensez-vous vraiment utile de créer une Garde nationale à la française, et si oui, quelles sont les recommandations à suivre ?

Mme Nathalie Serre. Je vous remercie pour ce rapport très instructif, qui nous offre une vision précise de la situation et des nombreux efforts que nous devrons fournir pour coordonner tout cela. Merci de mettre en lumière cette multitudes de réserves à qui nous devons beaucoup. Je voudrais revenir tout simplement sur une question que vous avez abordée plusieurs fois : l’enjeu budgétaire. Nous avons voté dans la loi de programmation militaire un budget dédié aux réserves : qu’en est-il de son exécution ? Doit-on l’adapter ?

Mme Sereine Mauborgne. Ce qui me fait plaisir lorsque l’on parle des réserves, c’est qu’il s’agit d’un sujet fil rouge pour nombre d’entre nous depuis le début de notre mandat. L’intérêt que nous avons porté aux réserves à l’aune de cette crise sanitaire que nous vivons montre à quel point il s’agit d’un défi pour notre résilience nationale. Je suis moi-même championne de la réserve puisque réserviste à trois titres, ce qui m’a d’ailleurs incité à répondre à votre consultation en ligne. D’abord, j’ai expérimenté avec beaucoup de difficultés la réserve sanitaire au mois de mars l’année dernière, lors du premier confinement, au moment où le serveur informatique de Santé publique France a été complètement saturé par l’arrivée de 14 000 nouveaux inscrits. Je me pose la question de l’opportunité de cet embryon hérité de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), qui avait, jusqu’en 2012, servi la résilience nationale. Faut-il maintenir une réserve qui est elle-même armée par des réservistes ? J’ai quelques propositions à faire au ministre chargé de la santé sur la question, que je souhaiterais reprendre avec vous dans un temps plus long – parce que j’estime que le modèle doit être complètement revu. Je partage votre conclusion sur la territorialisation. Les ordres professionnels pourraient être de véritables vecteurs d’information et des promoteurs de la réserve sanitaire – tout veillant à éviter une concurrence entre les réserves, un sujet que l’on n’a pas nécessairement beaucoup senti dans votre rapport bien que je sois certaine que vous y ayez été confrontés, par exemple entre le service de santé des armées et la réserve sanitaire, qui sont complémentaires. Je pense qu’entre la sécurité civile, la réserve sanitaire et le service de santé des armées, il y a un très beau projet à monter, notamment autour de la formation. Vous auriez pu ajouter aux réserves les sauveteurs en mer (SNSM) et les comités communaux de feux de forêt (CCSF) – qui ont vraiment besoin de renouveler leurs effectifs et de s’attacher la jeunesse.

M. Pierre Venteau. En juin dernier, je présentais devant cette commission avec notre collègue Joachim Pueyo le rapport de notre mission d’information sur les relations civilo-militaires à la lumière de la crise de la Covid-19. L’une des conclusions auxquelles nous étions parvenus était la nécessité d’investir davantage dans ces relations, notamment à l’échelle territoriale. Je m’associe d’ailleurs à la question de notre collègue Jean-Jacques Ferrara, à l’instant. Parmi les propositions que nous portions pour améliorer le lien armée-nation, nous préconisions des jumelages entre des territoires devenus des déserts militaires et des unités d’active. Dans cet objectif, ces unités pourraient déployer leurs réservistes opérationnels dans ces territoires. Votre rapport très complet souligne l’importance du coût de la formation des réservistes, de même que l’insuffisance des équipements et des infrastructures existantes, et recommande d’assurer un meilleur suivi des crédits prévus par la LPM au titre de la réserve tout en réévaluant le budget des réserves pour les années à venir. Comment évaluez-vous la faisabilité et les bénéfices d’un tel dispositif de jumelage sur l’attractivité des réserves et le renforcement de la cohésion nationale ? Quels sont les freins que vous pourriez identifier ?

M. Jean-Marie Fiévet. Dans votre présentation sur les réservistes et les réserves, vous avez longuement évoqué les sapeurs-pompiers volontaires, et je vous remercie de les mettre en valeur, car ils le valent bien. Pour autant, ce ne sont pas des réservistes, ce sont des opérationnels, qui interviennent dans des conditions strictes et encadrées. Par contre, il existe de très nombreuses associations engagées pour la protection de la population, dans tous nos départements. Vous l’avez dit : ces associations ne sont que trop peu engagées. En France, un service a vocation à organiser les secours sur le territoire national, voire à l’international. Il s’agit de la sécurité civile, qui dépend du ministère de l’Intérieur et qui a plusieurs branches, dont les sapeurs-pompiers. Ne serait-il pas judicieux que toutes ces associations d’assistance aux personnes, départementales comme nationales, soient rassemblées dans une branche spécifique de la sécurité civile pour être coordonnées et instruites pour une intervention en complément des premiers intervenants que sont les sapeurs-pompiers, lors de catastrophes de grande ampleur ou pour des évènements de plus faible ampleur mais non moins importants ?

Mme Monica Michel-Brassart. Je m’associe aux félicitations concernant le travail accompli. Ce sujet de la réserve est crucial pour la Nation. Plus de 40 000 volontaires sont engagés au ministère des armées, il s’agit, non pas d’une réserve de masse, mais d’une réserve d’emploi prête à être mobilisée en cas de menace. C’est un modèle d’engagement républicain et civique, que nous nous devons encourager et conforter. Pour rappel, la réserve opérationnelle de premier niveau est constituée de volontaires, citoyens français, âgés d’au moins 17 ans et issus de la société civile, avec ou sans expérience militaire, qui souscrivent à un engagement à servir dans la réserve opérationnelle : un contrat rémunéré d’une durée d’un à cinq ans, renouvelable. Ces volontaires font le choix de servir leur pays sans faire du métier des armes leur seule profession. Ma question a trait à l’appréciation du volume des effectifs fixés dans la LPM. La réserve opérationnelle de premier niveau est passée entre 2016 et 2020 de 16 000 à plus de 40 000 réservistes, respectant ainsi les objectifs fixés dans la LPM 2019-2025. Qu’en est-il de l’emploi annuel moyen, facteur de fidélisation de ces réservistes ? Avez-vous pu constater lors de votre mission un emploi suffisant de ces forces, estimé à environ 37 jours par an dans la LPM, et s’il est insuffisant, quelles recommandations préconisez-vous ? Enfin, pour rejoindre la question posée par notre collège Thomas Gassilloud, les opérations extérieures pourraient-elles selon vous représenter une forme de solution ?

M. Rémi Delatte. Bravo pour le travail exemplaire de nos collègues qui est à l’image des réserves dans l’engagement citoyen et pour la résilience, en particulier. Jusqu’à présent, les réserves étaient un peu considérées comme des variables d’ajustement pour renforcer les effectifs militaires, gendarmes et civils. Les réserves ont aujourd’hui vocation à s’ancrer davantage dans l’architecture de défense et des services civils apportés à la population – parce que la demande se diversifie, qu’elle est soutenue, et qu’elle est de plus en plus pressante dans la gestion de crises, justifiant des missions ponctuelles comme la vaccination actuellement, le soutien aux forces de l’ordre ou la participation aux missions de surveillance du territoire dans le cadre de Vigipirate. Nous sommes donc tous d’accord sur la nécessité de renforcer les réserves, dans l’objectif de les valoriser davantage afin de les rendre plus attractives. Votre rapport comporte des éléments tout à fait intéressants, et je voudrais faire un petit focus sur la gendarmerie. Vous en avez beaucoup parlé, et c’est tout à fait normal, puisqu’il s’agit d’une réserve exemplaire qui mériterait des moyens supplémentaires – puisqu’il est difficile de mobiliser des réservistes en fin d’année alors que cette réserve a un fonctionnement satisfaisant, sous l’autorité du général Kim, et qu’elle représente tout de même 45 % des effectifs de la réserve militaire. Le deuxième élément que je souhaiterais mettre en avant, c’est la réserve citoyenne. Au fond, vous en avez assez peu parlé, et on le ressent, elle est assez peu connue et sans doute pas assez mobilisée. Il ne s’agit pas seulement d’un titre ou d’une fonction honorifique, et je pense qu’à l’instar de ce que vous avez évoqué pour la communication, la valorisation et la formation des réservistes, la réserve citoyenne aurait intérêt à être davantage utilisée et sollicitée.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Madame Roques-Etienne, plus de 70 % des personnes ayant répondu à la consultation citoyenne sont des réservistes, en majorité de l’armée de terre et de la gendarmerie – ce qui est logique, eu égard aux effectifs desdites réserves. Il ne se dégage pas des résultats une conscience d’appartenir à un ensemble commun. La consultation fait apparaître une méconnaissance des autres réserves, y compris, d’ailleurs, au sein d’un même ministère. Toutes les réserves ont des répondants, sauf la réserve judiciaire. La consultation met en évidence que la première aspiration des réservistes est d’être davantage employés. Jean-François Parigi reviendra notamment à cet égard sur le début de la crise sanitaire : beaucoup de réservistes sont frustrés de n’avoir pas servi. Pour résumer cette consultation en une phrase, un réserviste employé et utile est un réserviste heureux. Le maître mot, pour le réserviste, est la reconnaissance : « Je m’engage mais à condition d’être employé car l’emploi est une forme de reconnaissance ». Certains s’engagent et attendent toujours d’être employés. C’est de là que peut naître la frustration.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Monsieur Ferrara, la notion de territorialité a vraiment été un fil rouge tout au long de notre rapport. C’est une préoccupation pour les réservistes aussi. La difficulté, c’est qu’il ne faudrait pas détricoter ce qui a été fait depuis 1997. On constate effectivement une certaine désertification militaire dans notre pays – c’est un choix qui a été fait à l’époque. Il existe une unité, le 24e régiment d’infanterie, qui n’est composé que de réservistes. Mais il serait coûteux de multiplier ce type d’unités dans les déserts militaires. Par contre, nous aimerions, dans nos territoires, avoir connaissance de nos réservistes. Par exemple, j’en connais un dans ma circonscription qui est engagé au Mans. Le délégué militaire départemental pourrait assurer cette mise en relation. Ayant interrogé ces délégués, j’ai encore du mal à bien saisir quel est leur rôle, en dehors de celui d’animateur ou de vitrine. Il me semble qu’il devrait être revalorisé. Je rappelle qu’il y a, dans chaque municipalité, un référent défense – conseiller municipal ou adjoint au maire. Souvent, on s’interroge sur son rôle. Il y a, à mon avis, des liens à retisser sur le territoire sans remettre en cause la stratégie qui a été adoptée depuis 1997 dans l’organisation de nos armées. La notion de réserviste clandestin me hante : je ne peux comprendre que dans notre pays, il y ait de tels réservistes. Il y a un travail à faire avec les collectivités territoriales et les ministères pour essayer de faire en sorte que les réservistes soient plus visibles.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Nous avons consacré une partie du rapport aux délégués militaires départementaux (DMD) après une audition assez passionnante : ils pourraient faire plus mais n’en ont pas les moyens. Nous préconisons donc, d’une part, qu’on les forme pour qu’ils puissent faire plus et, d’autre part, qu’on leur attribue les moyens nécessaires, notamment pour animer les réserves à l’échelle d’un territoire. Naturellement, on pourrait comprendre que des réservistes civils prennent mal le fait d’être dirigés par des militaires. Simplement, on doit s’appuyer sur les DMD pour réorganiser les choses car ils sont en lien direct avec les préfectures. À quoi bon inventer des dispositifs qui existent déjà ? Appuyons-nous sur les structures existantes, efficaces et comprenant déjà en leur sein des réservistes. Donnons-leur des compétences supplémentaires et les moyens financiers qui vont avec !

Monsieur Lejeune, nous avons consacré un développement aux réservistes de cyberdéfense dans notre rapport. Nous avons été surpris en audition de voir que si beaucoup de réservistes ont la volonté d’intégrer le commandement de la cyberdéfense, ce n’est pas parce que ce dernier a fait une campagne de recrutement sur les réseaux sociaux mais grâce à la série télévisée Le Bureau des légendes ! D’après le général que nous avons entendu en audition, le scénario de la série est particulièrement réaliste. Il y a une opportunité à saisir pour accompagner les professionnels du cyber qui ne souhaitent pas nécessairement intégrer les armées. Nous sommes donc d’accord avec vous, cher collègue : le cyber fait partie des champs prioritaires de développement des réserves à l’avenir.

D’autre part, comment fidéliser les réservistes ? En leur donnant des missions. Le meilleur moyen de ne pas fidéliser un réserviste est de ne pas l’employer. Beaucoup de réservistes attendent déjà au moins d’être appelés une journée. C’est là un échec inadmissible car un réserviste a une volonté de s’engager et que la loi accorde le droit à chacun de servir la Nation. Notre objectif est de faire en sorte qu’ils soient à employés à hauteur de leur volonté d’engagement.

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. S’agissant de la Garde nationale, que j’ai longtemps crue être l’armée de l’an II, alors qu’il s’agit aujourd’hui d’un secrétariat général composé d’une quinzaine de personnes travaillant à la coordination des réserves de défense et de sécurité, force est de constater que le modèle proposé par les sénateurs Bockel et Jourda n’a pas été retenu, sans doute en raison d’un problème de coût.

Il est certainement possible de faire travailler les réserves en plus parfaite osmose. Sereine Mauborgne l’a souligné : à un moment donné, il faut quand même que les ministères se parlent, qu’on sache qui fait quoi et sur combien de personnes on peut compter – ce qui n’est pas toujours le cas. Là est le paradoxe : on a des gens dévoués et des services opérationnels mais les ministères ne s’échangent pas d’informations.

Je suis tout à fait favorable à la proposition du ministre de l’Intérieur d’assurer la montée en puissance de la réserve civile de la police nationale. Mais j’ai trois craintes. La première est partagée par la gendarmerie : c’est que cela se fasse au détriment du budget de la réserve de cette dernière. La deuxième concerne la formation. La formation des réservistes de la gendarmerie dure quinze jours et elle est très dense. La troisième tient au fait que les organisations syndicales craignent que le recours à la réserve ne remette en cause l’augmentation des effectifs dont la police a besoin. Je me souviens de l’exemple, lors de l’audition de la réserve sanitaire, d’infirmières parties en Martinique et ayant eu des problèmes avec les organisations syndicales. Ces réservistes n’étaient pas envoyées comme intérimaires pour priver les personnels locaux d’heures supplémentaires ou pallier le non-recrutement d’effectifs permanents, mais c’est ainsi qu’elles ont été perçues.

Quoi qu’il en soit, il faut que les uns et les autres apprennent à se connaître et à travailler ensemble. Notre collègue Jean-Marie Fiévet évoquait les sapeurs-pompiers : travaillons sur ce sujet ! Le domaine de la sécurité civile est un bel exemple de domaine dans lequel il faudrait des regroupements et une rationalisation. Autre exemple : dans les douanes, il est question de mettre en place une réserve de garde-côtes mais sans lien avec la marine nationale. Pourtant, un tel rapprochement permettrait peut-être des gains d’efficacité et des économies d’échelle. Pour revenir aux sapeurs-pompiers volontaires, ils ne se présentent pas comme des réservistes. Nous leur avons toutefois consacré un chapitre du rapport car ils sont un exemple non seulement d’ancrage territorial réussi mais aussi dans le domaine des relations avec les employeurs. Un sapeur-pompier volontaire est bien vu par son employeur car on sait ce qu’il fait : sauver des vies. En revanche, on ne voit pas ce que font et à quoi servent les autres réservistes, notamment militaires : la relation avec leur employeur est donc plus difficile. C’est pourquoi nous proposons de renforcer la connaissance des réservistes et de leurs missions. Pour ce faire, encore faut-il simplifier les choses.

Monsieur Venteau, nous souscrivons à votre analyse sur les jumelages. Cela mérite d’être encouragé.

Madame Michel-Brassart, la loi de programmation militaire augmente le budget des réservistes. Mais je le dis à la commission de la défense : j’aimerais aussi qu’il y ait un contrôle de la dépense. Il y a une opacité sur le budget réel de nos réservistes. L’armée de terre ayant défini un plan stratégique, son chef d’état-major voudrait une sanctuarisation de son budget réel sur plusieurs années. L’armée de terre fait l’effort de mener une vraie réflexion à l’horizon 2030. C’est notre rôle que de contrôler que des fonds sont bien affectés à nos réservistes.

M. Christophe Blanchet, co-rapporteur. Avant de répondre à Nathalie Serre, je voudrais revenir sur l’enjeu de la police. Mon co-rapporteur a raison de souligner ce qu’on nous a dit en audition : « faites attention à ne pas prendre sur le budget des gendarmes pour créer cette réserve policière et à ne pas la créer pour cacher l’absence d’effectifs supplémentaires ». Mais c’est aussi une question de pédagogie et de mentalité. Là où, aujourd’hui, vous pourrez trouver un garagiste dans la réserve de la gendarmerie nationale, vous n’en trouverez pas dans la police. C’est l’objectif que se fixe la police pour 2030. Mais pour parvenir à recruter de tels réservistes, il a fallu à la gendarmerie des années de structuration, de pédagogie et de formation : on ne doit pas attendre de la police qu’elle en fasse autant en un ou deux ans. Je suis certain que comme la gendarmerie, la police peut arriver à constituer une réserve mais à condition de faire beaucoup de pédagogie, de formation et d’accompagnement.

Nathalie Serre a rappelé que la LPM avait sanctuarisé un budget de 200 millions d’euros pour les réserves des armées. Aujourd’hui, ce budget est rigoureusement exécuté – même si cette exécution mériterait de mieux être contrôlée par la commission de la défense, comme l’a souligné mon co-rapporteur. Mais la LPM ne concerne que les armées, pas la gendarmerie ni la police nationale dont les budgets restent extrêmement instables, faute d’une programmation analogue. Nous mettons aussi en cause l’usage qui est fait de certains réservistes non pour constituer une force de défense et de sécurité supplémentaire mais pour pallier des carences dans le soutien.

Pour compléter la réponse de mon co-rapporteur à Sereine Mauborgne sur la SNSM, les quatre SNSM que j’ai sur mon territoire à Ouistreham, Dive, Deauville-Trouville et Honfleur m’ont fait part de leur incompréhension de ne pas avoir pu être déployés pendant la crise sanitaire alors qu’ils sont formés pour porter secours. Ils n’ont même pas pu être mobilisés pour la distribution de masques parce qu’ils n’avaient pas l’agrément nécessaire. C’est un non-sens total. Il est vrai que ces bénévoles de la SNSM, unanimement salués pour leur engagement, font bel et bien partie des réservistes et doivent être considérés comme tels. Monsieur Venteau, je partage pleinement la réponse qui vous a été apportée par M. Parigi, la mise en place de jumelage me paraissant constituer une très bonne idée. Je compte en conséquence sur vous pour nous aider à la mettre en œuvre. (Sourires).

Monsieur Fiévet, vous avez raison : il faut que les ministères se parlent. Votre expérience de pompier professionnel – chacun ici connaît l’ampleur de votre engagement – vous permet de disposer d’une rare expertise en la matière, et vos propos rejoignent d’ailleurs les constats et préconisations de notre rapport. Il nous faut ainsi valoriser davantage la sécurité civile. Mais pour ce faire, nous devons aussi nous poser les questions de son animation, de sa coordination comme de sa gestion, et certaines des propositions de notre rapport tentent d’y répondre.

En réponse à Mme Monica Michel-Brassart, la répartition des jours d’activité apparaît très disparate selon les réserves et les réservistes – certains sont très employés quand d’autres se plaignent d’un sous-emploi chronique. J’ajoute qu’il est complexe de se séparer d’un réserviste qui ne donnerait pas satisfaction. En conséquence, au sein de certaines réserves, des réservistes cessent tout simplement d’être appelés, et ce sans aucune explication. Sans surprise, de telles pratiques sont sources de frustrations pour les réservistes concernés, qui ne se sentent pas reconnus. À nos yeux, il faut donc remédier à ce manque de transparence et créer les protocoles permettant d’écarter des réserves celles et ceux qui ne font pas l’affaire ou pourraient être orientés vers d’autres réserves que celle dans laquelle ils se sont engagés. L’une des propositions de notre rapport a d’ailleurs trait à la création de passerelles entre différentes réserves, ce qui rejoint d’ailleurs le témoignage de notre collègue Sereine Mauborgne.

De la même manière, alors que les pompiers professionnels sont tenus d’informer leur hiérarchie de toute condamnation, civile ou pénale, dont ils feraient l’objet, une telle obligation ne pèse pas sur les réservistes. Une enquête est certes réalisée au moment de l’engagement, mais par la suite, un réserviste condamné n’est pas contraint de faire état de sa condamnation. Nous pensons que cela pose une difficulté à laquelle il convient de remédier. Il s’agit également de protéger les réserves et de veiller à leur exemplarité. Si, pour des raisons évidentes, il ne m’est pas possible d’évoquer publiquement des cas particuliers, je citerai néanmoins l’exemple d’une personne qui, condamnée au civil, s’est révélée avoir trafiqué le produit issu de la vente de calendriers effectuée dans le cadre de son engagement. Or, nous pouvons raisonnablement penser que sa hiérarchie aurait fait preuve de davantage de vigilance si elle avait été informée de cette précédente condamnation.

Monsieur Delatte, s’agissant des réserves citoyennes, il est nécessaire de préciser et de clarifier les missions effectuées par les réservistes citoyens, et de veiller à améliorer leur animation. Une nouvelle fois, nous pensons que les ministères gagneraient à se parler davantage. Car en définitive, avec mon co-rapporteur, il nous semble que l’écueil principal des réserves tient à leur manque de structuration, et que c’est notamment ce qui nous empêche de satisfaire pleinement les envies de nos concitoyens de s’engager au service de la Nation. J’ajoute également que notre proposition n° 53 invite à limiter la confusion liée à l’usage de grades et d’uniformes.

Enfin, avant de conclure, je souhaite adresser mes plus sincères remerciements à mon co-rapporteur, M. Jean-François Parigi. Notre collaboration au cours des six derniers mois me semble témoigner du sens que je donne à notre mandat de député : travailler ensemble, au service de l’intérêt général, dans le but de contribuer à l’amélioration des choses. Nous avons travaillé en bonne intelligence et de manière tout à fait sympathique, nonobstant le fait qu’il n’a pas résisté à la tentation de me filmer pendant que j’expérimentais le menottage rigoureux de deux instructeurs réservistes au camp de Beynes ! (Sourires) Je voulais savoir ce que ça faisait ; je n’ai pas été déçu ; c’est très efficace ! Il me semble également utile de rappeler que pour éviter que notre rapport ne serve qu’à caler un meuble, nous avons besoin de vous tous, chers collègues, afin d’en valoriser les propositions et de le diffuser le plus largement possible. Autrement, il finirait par se perdre dans la réserve des rapports parlementaires… (Sourires)

M. Jean-François Parigi, co-rapporteur. Merci à Christophe Blanchet pour ses mots. Je garde en effet cette vidéo des menottes : ça peut servir ! (Sourires) Nous avons effectivement travaillé de manière parfaitement coordonnée et je tiens à dire que malgré nos histoires différentes et nos désaccords politiques, nous partageons le sens de l’intérêt général et la volonté de faire évoluer les choses. J’ai eu la chance de participer à plusieurs missions, et celle-ci me marquera particulièrement.

En guise de conclusion, il m’importe de rappeler combien nous avons la chance, en France, de disposer de réserves et de réservistes. Il s’agit d’un véritable trésor. Et alors que la jeunesse fait souvent l’objet de débats nourris, nous avons rencontré des jeunes très différents les uns des autres, des étudiants et des jeunes issus de banlieues dites difficiles, mais qui se ressemblaient par leur envie de s’engager. Et alors que l’on dit parfois que l’armée ne doit pas être la nation dans la Nation, les réserves nous montrent qu’il y a bien une seule Nation. Ce trésor, il nous faut le préserver. Les besoins sont évidents, mais il nous faut encore travailler à l’amélioration de l’efficacité et à la simplification du fonctionnement des réserves. De premiers pas ont été franchis, à l’instar de la récente réforme conduite au sein de la gendarmerie nationale, permettant à un réserviste de ne pas repartir « de zéro » à la suite d’un déménagement interrégional. Notre rapport contient plusieurs propositions allant dans le sens d’une meilleure efficacité. Nous le devons aux réservistes qui, quels que soient leur âge ou leur lieu d’habitation, ont l’amour de notre pays et l’envie de servir en partage. Cette mission était donc formidable ; elle vous réconcilie avec nos concitoyens.

Mme Patricia Mirallès, présidente. Messieurs les rapporteurs, chers membres de la mission, je vous remercie sincèrement de nous avoir donné l’occasion de débattre des réserves et d’avoir offert à notre commission des perspectives aussi stimulantes. Quinze questions sur un sujet qui nous passionne, qui vous passionne, et je vous comprends, tant l’engagement de nos concitoyens nous oblige et doit nous inspirer. Nous sommes sur la bonne voie même si nous pouvons encore grandement nous améliorer.

La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur les réserves en vue de sa publication.


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   Annexe I : Auditions de la mission d’information

(Par ordre chronologique)

 

 

M. Sébastien Jakubowski, sociologue, directeur de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ) ;

M. Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d’État à la Défense et aux anciens combattants, ancien maire de Mulhouse, ancien député et sénateur du Haut-Rhin, président de l’association Solidarité Défense ;

M. le médecin en chef (R) Xavier Sauvageon, président du groupement des organisations de réservistes du service de santé des armées (GORSSA) ;

M. le capitaine de corvette (R) Jean-Pascal Dannaud, premier vice-président de l’association des officiers de réserve de la marine nationale (ACORAM) ;

 Audition de la task force « réserves » des Jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) ‒ M. Dorian Petey, président des Jeunes IHEDN, réserviste opérationnel dans l’armée de terre, Mme Fadila Leturcq, membre du comité directeur (stratégie), pilote de la task force Réserves, réserviste dans la marine nationale, M. Édouard Josse, membre du comité directeur (partenariats), réserviste opérationnel dans l’armée de terre, consultant défense-sécurité, Mme Elizabeth Rogalski, ancienne militaire de la marine nationale, consultante en sécurité et cyber sécurité, Mme Mathilde Herman, réserviste spécialiste à l’état-major de l’armée de terre et par ailleurs salariée de l’agence d’innovation de la défense, M. Raphaël Kenigsberg, expert en cyber sécurité chez BNP Paribas, trésorier des Jeunes IHEDN en charge du groupe de travail sur les réserves professionnelles au sein de la task force réserve, M. Alexandre Rodde, consultant sûreté, chercheur, spécialiste du terrorisme et des tueries de masse, formateur auprès des forces de l’ordre, officier de réserve dans la gendarmerie nationale depuis 2016 et M. Victor Lassiège, pilote professionnel, instructeur de vol et réserviste opérationnel dans l’armée de l’air et de l’espace ;

M. Brice de Gliame, président de l’association Résilience citoyenne, M. Stéphane Lucard, M. Stéphane Rivière et Mme Isabelle Hugues de Segonzac, membres du bureau de l’association ;

M. le colonel (R) Bernard Bon, président de la Réunion des officiers de réserve du service état-major (RORSEM) ;

M. le colonel (R) Philippe Mascia, président de l’association nationale des officiers de réserve de l’armée de l’Air (ANORAA) ;

M. le capitaine de gendarmerie (R) Renaud Ramillon-Deffarges, président de la Fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la gendarmerie nationale (ANORGEND) ;

M. Jean-Pierre Maulny, directeur-adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) ;

M. Thierry Pibernat, président et M. Samuel Mathis, secrétaire général du groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires - CFTC (GSNSPV) ;

Table ronde de représentants des employeurs réunissant M. Philippe Wibaux, président de la commission « statuts et arbitrage », M. Philippe Guillaume, président de la commission « mandats » de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), M. le chef d’escadrons Fabrice de Chaignon, secrétaire général du comité de liaison défense et officier de liaison du ministère des Armées auprès du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. Alexis de Valence, référent défense chez Orange et M. Laurent de La Burgade, président du club des réservistes militaires du groupe Thales et M. Jean-Yves Cannesson, représentant de l’Union des entreprises de proximité (U2P) auprès du Conseil supérieur de la réserve militaire ;

 Mme la générale de division aérienne Véronique Batut, secrétaire générale de la Garde nationale et M. le lieutenant Daniel Fintz, assistant militaire de la secrétaire générale ;

M. le préfet Nicolas de Maistre, directeur de la protection et de la sécurité de l’État et M. le lieutenant-colonel Sébastien Botheron, chargé de mission planification de sécurité nationale ;

M. le commissaire divisionnaire Stéphane Folcher, commandant des réserves de la police nationale, Mme Frédérique Ciulin-Lahondes, cheffe du département des réserves opérationnelles à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) ;

M. le général de division aérienne Éric Gernez, directeur adjoint de la direction des ressources humaines et de la direction des réserves de l’armée de l’Air et de l’Espace ;

M. Christophe Dietrich, maire de Laigneville (60), M. Thierry Lagneau, maire de Sorgues (84), Mme Marie-Laure Pezant, chargée de mission « sécurité » et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement à l’association des maires de France (AMF) ;

M. le lieutenant-colonel (R) Philippe Ribatto, président, M. le lieutenant-colonel (R) Philippe Maze-Sencier, chargé des relations internationales et Mme la pharmacienne-principale (R) Marie-Pierre Antoine, responsable de la communication, de l’Union nationale des officiers de réserve (UNOR)

M. le général de division Walter Lalubin, délégué interarmées aux réserves (DIAR) à l’état-major des armées ;

 Panel de réservistes sanitaires  Mme Nicole Gatineau-Sailliant, directrice des soins, infirmière retraitée, M. Thomas Massellamany, aide-soignant intérimaire, Mme Antoinette Bertrand, aide-soignante intérimaire, M. Dominique Meslier, infirmier psychiatrique, coordonnateur d’une cellule d’urgence médicopsychologique renforcée, M. Patrick Baguet, médecin retraité, Mme Claire Mosley, sage-femme libérale, M. Quentin Broucqsault, infirmier en soins généraux en activité salariée et Mme Audrey Renaud, infirmière en réanimation en activité salariée ;

 Mme Béatrice Angrand, présidente et M. David Knecht, directeur général de l’agence du service civique ;

 Mme Catherine Lemorton, directrice responsable de la réserve sanitaire et M. Philippe Segura, directeur-adjoint ‒ Santé publique France ;

M. le maître principal (R) Pascal Gosciniak, président de l’association centrale d’officiers mariniers et de marins de réserve (ACOMAR) ;

 Table ronde réunissant M. le colonel Thierry Noulens, délégué militaire départemental du Calvados, M. le lieutenant-colonel Jean-Louis Garban, délégué militaire départemental de Seine-et-Marne, M. le lieutenant-colonel Thierry Didier de Fresse, délégué militaire départemental du Bas-Rhin, M. le lieutenant-colonel Jean-Paul Schill, délégué militaire départemental de la Savoie, M. le lieutenant-colonel Bruno Denis-Petit, délégué militaire départemental de la Haute-Vienne, M. le lieutenant-colonel Christophe Correa, délégué militaire départemental des Pyrénées-Orientales ;

M. le colonel (R) Franck Bertin, président et M. le lieutenant-colonel (R) Patrick Flandres, vice-président de l’association nationale des réserves de l’armée de Terre (ANRAT), M. le colonel (H) Donatien Lebastard, secrétaire général de l’Association nationale des officiers et sous-officiers linguistes de réserve (ANOLiR) ;

 Table ronde de représentants des salariés réunissant M. Gilles Goulm, secrétaire général et M. Gilbert Faraci, secrétaire fédéral adjoint de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (FO) ; M. Renzo Tamiazzo, secrétaire fédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ; M. Sylvain Delaître, délégué pour la Confédération générale du travail (CGT) ; M. Roger Gruszka, représentant de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) ; M. Jérôme Bernard-Brunel, représentant de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ;

M. le capitaine de vaisseau Serge Bordarier, sous-directeur « études et politique » des ressources humaines et délégué des réserves de la marine nationale et M. le capitaine de frégate Alexandre Dumont, adjoint à la direction du personnel militaire de la marine (DPMM) ;

M. le général de corps d’armée Daniel Ménaouine, directeur du service national et de la jeunesse ;

M. le général de division Stephen Coural, délégué aux réserves de l’armée de Terre et commandant territoire national à l’état-major de l’armée de terre ;

M. le général de division Olivier Kim, commandant des réserves et secrétaire général de la réserve citoyenne de la gendarmerie nationale ;

M. le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de terre ;

M. le colonel (R) Luc Delnord, président de l’association nationale des réservistes et sympathisants de la gendarmerie (RESGEND) ;

 Mme Isabelle Braun-Lemaire, directrice générale des douanes et droits indirects, M. Ronan Boillot, administrateur civil hors classe, directeur national des garde-côtes des douanes ;

M. le vice-amiral d’escadre Philippe Hello, directeur des ressources humaines au ministère de la Défense ;

M. le général de brigade Philippe de Montenon, adjoint au général commandant la cyberdéfense (COMCYBER) ;

 Agences régionales de santé (ARS) ‒ M. Aurélien Rousseau, directeur général de l’ARS de l’Île-de-France, M. Jean-Jacques Coiplet, directeur de l’ARS des Pays-de-la-Loire, Mme Clara de Bort, directrice de l’ARS de Guyane, Mme Dominique Voynet, directrice de l’ARS de Mayotte ;

M. le général de corps aérien (2S) Hervé Longuet, président national de l’Union nationale des combattants (UNC).

 

 

   Annexe II :
Synthèse des premiers résultats de la consultation citoyenne sur les réserves

A.   les ambitions de la consultation citoyenne

Face aux nouvelles attentes des citoyens et des députés, l’Assemblée nationale a inauguré un nouvel outil de consultation directe sous la forme de questionnaires publiés sur le site Internet de l’Assemblée nationale. La participation est gratuite et anonyme. Le premier exercice de ce type a concerné, en 2019, la question – simple – du changement d’heure. Plus de deux millions de réponses ont été recueillies. Depuis, les députés ont utilisé ce moyen pour poser des questions destinées à tout ou partie de la population, plus ou moins complexes. ([103])

La commission de la Défense nationale et des forces armées n’avait jamais eu recours à cet outil.

Au gré de leurs travaux, les rapporteurs de la mission d’information sur les réserves en sont venus à considérer que la reconnaissance de la Nation à l’égard des réservistes et la connaissance que le grand public a des réserves constituaient deux enjeux majeurs. Un webinaire sur les réserves militaires de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) avait en effet réuni plus de 350 personnes, le 28 novembre 2020, lesquelles avaient posé plus de soixante questions, un volume inédit selon le directeur-adjoint de cet institut, qui dit avoir réalisé à cette occasion que les réservistes militaires semblaient avoir besoin d’être écoutés. Le panel de réservistes sanitaires entendus par les rapporteurs a fait part du même besoin. Quant aux autres réservistes, il n’a pas toujours été possible de les contacter, au point qu’on puisse douter que certains dispositifs créés par la loi aient une traduction concrète sur le terrain. Par ailleurs, en dehors de l’examen des textes législatifs qui les avaient créés ou les régissent, l’Assemblée nationale n’avait jamais conduit de travaux de contrôle sur les réserves. Les associations de réservistes ne sont pas régulièrement entendus par les commissions et aucune mission d’information n’a jamais porté sur les réserves.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs ont considéré que seule une consultation citoyenne serait à même de collecter certaines informations sur le ressenti et les pratiques des réservistes et de leur donner l’occasion de s’exprimer tout en permettant à tous les autres citoyens de tester leur niveau de connaissance sur les réserves ou d’indiquer quel est leur niveau d’intérêt pour ce type d’engagement citoyen.

Les rapporteurs ont obtenu l’autorisation de mettre en ligne leur questionnaire par le bureau de la commission de la Défense nationale et des forces armées le 31 mars 2021, puis l’aval de la conférence des Présidents le mardi suivant. La consultation a été ouverte le 13 avril pour trois semaines. La prolongation d’une semaine, jusqu’au 9 mai, n’a pas donné beaucoup plus de réponses que les trois premières semaines.

Évolution de la participation par jour

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Source : consultation citoyenne.

Si elle n’avait pas vocation à remplacer les auditions des rapporteurs et l’envoi de questionnaires aux ministères concernés, cette consultation a été un complément utile pour affiner certains constats ou mieux comprendre l’importance relative de certains facteurs favorisant ou bloquant l’engagement.

Grâce à l’usage de filtres conditionnels élaborés grâce aux premières réponses, les répondants ont été orientés vers les seules questions qui les concernaient. Ainsi, un citoyen non réserviste pouvait répondre à 27 questions, incluant les questions relatives à son profil. Ce citoyen a pu répondre en moins de 10 minutes. Pour un réserviste opérationnel de premier niveau, le questionnaire incluait jusqu’à 57 questions et le temps de réponse était significativement plus élevé. Pourtant, les rapporteurs ont constaté que plus de 80 % des répondants ont rempli le questionnaire en entier, un des pourcentages les plus élevés pour une consultation citoyenne, qui témoigne d’un sens civique exemplaire de la part d’une majorité de répondants.

Toutes les associations, institutions, entreprises, agences de l’État, armées, directions et services entendus par les rapporteurs ont été invités à relayer auprès du grand public l’information du lancement de la consultation. Il est vraisemblable que l’efficacité de certains de ces relais ait contribué à la surreprésentation de certains profils de répondants. Il convient aussi de noter que les outils de la consultation citoyenne ne permettent pas de vérifier que les répondants sont bien ce qu’ils prétendent être et ne répondent pas plusieurs fois à la consultation citoyenne. Ce type d’exercice a donc une valeur indicative mais n’équivaut pas à un sondage ou à une enquête statistique rigoureuse, qui reste peut-être à conduire.

B.   Premiers résultats

1.   Le profil des répondants : homme de plus de cinquante ans, impliqué

La consultation citoyenne a premièrement intéressé un public expert ou impliqué dans la question des réserves. Plus de 70 % des répondants ont ainsi déclaré être ou avoir été réservistes, sapeurs-pompiers volontaire ou volontaire du service civique, être candidats ou intéressés par un engagement dans une réserve. L’ambition des rapporteurs de mesurer la connaissance que le grand public a des réserves s’en est trouvée compromise.

Les répondants de plus de 50 ans sont particulièrement bien représentés (43 %) tandis que les jeunes, qui sont pourtant au cœur de la cible de recrutement de beaucoup de réserves et forment le gros des effectifs de plusieurs dispositifs, ne sont représentés qu’à hauteur de 13 %.

Les répondants sont à plus de 78 % des hommes, un chiffre cohérent avec la sociologie des réservistes, particulièrement bien représentés dans les répondants.

Le profil des répondants

Réponse à la question : « Vis-à-vis des réserves, vous êtes ? »

Source : consultation citoyenne.

Âge de répondants

Réponse

Décompte

Pourcentage brut

Entre 15 et 19 ans

286

2.91%

Entre 20 et 24 ans

991

10.08%

Entre 25 et 39 ans

1908

19.41%

Entre 40 et 49 ans

1699

17.29%

Entre 50 et 59 ans

2165

22.03%

60 ans et plus

2041

20.77%

Sans réponse

189

1.92%

Non complété ou Non affiché

550

5.60%

Total(brut)

9 829

100.00%

Source : consultation citoyenne.

Genre des répondants

Réponse

Décompte

Pourcentage brut

Un homme

7680

78.14%

Une femme

1355

13.79%

Je ne souhaite pas répondre

43

0.44%

Sans réponse

201

2.04%

Non complété ou Non affiché

550

5.60%

Total(brut)

9 829

100,00 %

Source : consultation citoyenne.

2.   Des répondants réservistes majoritairement issus de l’armée de terre et de la gendarmerie nationale

La consultation a eu un succès plus important auprès des réservistes, opérationnels et citoyens, de l’armée de terre. Parmi les répondants réservistes, plus de 36 % sont en effet issus de la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) de l’armée de terre qui paraît donc un peu surreprésentée par rapport à son poids dans les réserves.

24 % des répondants réservistes sont ensuite issus de la RO1 de la gendarmerie nationale qui paraît, elle, plutôt sous-représentée, 9 % des réservistes citoyens de l’armée de terre, 8 % de la RO1 de la marine nationale et 8 % de la RO1 de l’armée de l’air et de l’espace.

17 % des répondants réservistes sont des réservistes citoyens de défense et de sécurité.

La réserve opérationnelle de niveau 2 est en revanche peu représentée (3 % toutes RO2 confondus), de même que les sapeurs-pompiers volontaires (1 %) et les réserves communales de sécurité civile (0,2 % des répondants réservistes). Pour ces catégories, les réponses ne sont donc pas représentatives.

Profil des répondants réservistes*

Catégorie

Nombre

Part

Ancien policier et membre de la réserve civile de la police nationale

9

0,15%

Membre d’une réserve communale de sécurité civile

10

0,17%

Réserviste citoyen dans l’éducation nationale

8

0,13%

Réserviste citoyen de l’armée de l’air et de l’espace

111

1,86%

Réserviste citoyen de l’armée de terre

510

8,55%

Réserviste citoyen de la gendarmerie nationale

267

4,48%

Réserviste citoyen de la marine nationale

118

1,98%

Réserviste citoyen de la réserve cyber

23

0,39%

Réserviste civil de la police nationale (sans être un ancien de la police nationale)

6

0,10%

Réserviste d’un service interarmées (essences, commissariat, infrastructures…)

37

0,62%

Réserviste de l’administration pénitentiaire

1

0,02%

Réserviste de la direction générale de l’armement

22

0,37%

Réserviste du service de santé des armées

153

2,57%

Réserviste opérationnel (RO1) de l’armée de l’air et de l’espace

357

5,99%

Réserviste opérationnel (RO1) de l’armée de terre

2 133

35,76%

Réserviste opérationnel (RO1) de la gendarmerie nationale

1 420

23,81%

Réserviste opérationnel (RO1) de la marine nationale

457

7,66%

Réserviste opérationnel de la réserve cyber

42

0,70%

Réserviste opérationnel statutaire (RO2) d’une direction ou service du ministère des armées

11

0,18%

Réserviste opérationnel statutaire (RO2) de l’armée de l’air et de l’espace

15

0,25%

Réserviste opérationnel statutaire (RO2) de l’armée de terre

63

1,06%

Réserviste opérationnel statutaire (RO2) de la gendarmerie nationale

47

0,79%

Réserviste opérationnel statutaire (RO2) de la marine nationale

30

0,50%

Réserviste sanitaire

25

0,42%

Réserviste spécialiste d’une des trois armées

24

0,40%

Réserviste spécialiste de la gendarmerie nationale

10

0,17%

Sapeur-pompier volontaire

46

0,77%

Volontaire du service civique

9

0,15%

Sous total répondants réservistes

5 964

100%

Total répondants

9 829

 

(*) Ensemble des répondants à la question « Quel réserviste êtes-vous ou avez-vous été ? », conditionnée par la réponse « Réserviste / sapeur-pompier volontaire / volontaire du service civique ou je l’ai été » à la question précédente.

Source : consultation citoyenne.


Réponses des réservistes* sur la nature de la Garde nationale

(en pourcentage)

() Ensemble des répondants à la question « Quel réserviste êtes-vous ou avez-vous été ? », conditionnée par la réponse « Réserviste / sapeur-pompier volontaire / volontaire du service civique ou je l’ai été » à la question précédente.

Source : consultation citoyenne.


— 1 —

 

3.   Des préjugés importants sur la Garde nationale

Sur l’ensemble des répondants, 66 % déclarent connaître la Garde nationale. Mais parmi eux, seuls 46 % sont capables de choisir la bonne définition de la Garde nationale, ce qui traduit une méconnaissance importante du public vis-à-vis de cette structure et de son objectif – y compris parmi les réservistes (56 % seulement donnent la bonne réponse).

Les réservistes qui connaissent le moins bien la Garde nationale sont logiquement majoritairement issus de réserves en dehors du champ de compétence de la Garde nationale. Ainsi, aucun réserviste de l’Éducation nationale ni de l’administration pénitentiaire n’a donné la bonne définition de la Garde nationale. Seuls 29 % des réservistes sanitaires connaissent véritablement la Garde nationale, par exemple. Les réservistes (opérationnels, spécialistes et citoyens) de l’armée de terre sont particulièrement critiques.

Ceux qui connaissent réellement la Garde nationale en ont majoritairement un avis plutôt positif (52 %) voire très positif (37,5 %), ce qui mérite d’être souligné. Ainsi, cette structure légère de coordination interministérielle paraît appréciée pour ce qu’elle est réellement.

4.   Le pressentiment d’un rôle accru des réserves à l’avenir

La plupart des répondants pressentent un rôle des réserves renforcé dans les années à venir (57 %). Ils citent, entre autres, la tenue de grands événements comme les Jeux olympiques de 2024, l’intensification de la conflictualité et le retour de la compétition entre puissances, la multiplication probable des catastrophes naturelles dues au réchauffement climatique ou la confirmation de la volonté d’engagement des jeunes générations comme les raisons principales de cette potentielle montée en puissance.

Quel rôle des réserves dans les dix prochaines années ? *

() Ensemble des répondants.

Source : consultation citoyenne.

La réponse est encore plus unanime chez les réservistes, qui sont plus de 75 % à penser que le rôle des réserves va s’accroître dans les prochaines années. En détail, 79 % des réservistes citoyens et 73 % des réservistes des RO1 sont convaincus que ce rôle va se renforcer. Ils ne sont en revanche que 61,5 % des sapeurs-pompiers volontaires à avoir cette opinion.

5.   Un réservoir d’engagement

En moyenne, les répondants non réservistes ont déclaré qu’ils pourraient consacrer 45,4 jours par an à un engagement citoyen. Ce total considérable accrédite la thèse d’un véritable « réservoir d’engagement » et d’une réelle volonté de servir de la part de beaucoup de Français.

La moyenne étant sensible aux valeurs extrêmes, il est également pertinent de préciser que la médiane se situe à 15 jours annuels, et le troisième quartile à 52 jours.

Sans surprise, les répondants les plus jeunes et les répondants retraités sont ceux qui ont déclaré avoir la plus grande disponibilité.

6.   L’ancrage territorial des réserves, un atout pour le recrutement

Les caractéristiques d’un engagement viable pour les non-réservistes *

(*) Réponse à la question : « Pour qu’il soit réalisable, quelles devraient être, dans l’ordre d’importance, les caractéristiques premières de cet engagement ? », ensemble des répondants non-réservistes et non candidats pour devenir réservistes.

Source : consultation citoyenne.

 

Les répondants non réservistes ont été interrogés sur les caractéristiques d’un engagement réalisable. Sans surprise, les réponses reflètent prioritairement une contrainte pesant sur la disponibilité. Mais le premier critère de choix d’un engagement semble devoir être la proximité, ce qui conforte les rapporteurs dans l’attention qu’ils portent à l’ancrage territorial des réserves.

7.   Donner un sens à sa vie, l’ambition de tous les réservistes

Les principales sources de motivation pour l’engagement dans une réserve

Réponse à la question « Selon vous, quelles sont les trois premières raisons pour lesquelles vous plébisciteriez un engagement dans une réserve (le vôtre ou celui de vos collaborateurs ou de vos proches) ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.

Sans surprise, l’acquisition de compétences est un moteur pour tous les volontaires du service civique et plus généralement pour les jeunes, quand les plus âgés, membres des réserves pénitentiaire, de la police nationale, des RO2 militaires, des RO1 militaires les plus spécialisées, des services interarmées, par exemple, essentiellement composées d’anciens professionnels, sont surtout soucieux de transmettre et de partager leur expérience. Ces réponses montrent combien la réserve peut contribuer à la cohésion nationale et à la transmission intergénérationnelle.

La motivation d’un complément de revenu est généralement citée en dernier ou peu citée. Il existe vraisemblablement une réticence à citer la rémunération comme première source de motivation, c’est pourquoi les rapporteurs ont privilégié des questions à plusieurs choix pour révéler la sensibilité à la rémunération de certaines catégories de réservistes. La rémunération est ainsi une priorité pour 12,5 % des répondants anciens policiers membres de la réserve civile de la police nationale. 9 % des répondants réservistes spécialistes la citent comme leur deuxième motivation. De manière générale, les résultats font apparaître une plus grande sensibilité à la rémunération des anciens professionnels retraités, des réservistes spécialistes des armées, notamment cyber, et de la gendarmerie, ainsi que des volontaires du service civique.

La mixité sociale (« rencontrer des gens différents ») est surtout un moteur pour les réservistes ab initio de la police nationale et pour les jeunes volontaires du service civique. Les réservistes sanitaires manifestent eux aussi une forte aspiration à rencontrer des gens différents, 40 % d’entre eux la plaçant au deuxième rang de leurs motivations.

La question étant survenue au cours des auditions, les rapporteurs ont souhaité savoir si les réservistes militaires étaient avant tout motivé  militaires sont majoritairement (74 %) prioritairement motivés par le caractère militaire de leur engagement.

La question s’étant posée au cours des auditions, les rapporteurs ont cherché à savoir si les réservistes opérationnels militaires étaient prioritairement motivés par le caractère militaire de leur engagement ou si l’envie de servir aurait pu les conduire à d’autres types d’engagements. Au bilan, 74 % des réservistes opérationnels militaires disent être prioritairement motivés par le caractère militaire de leur engagement, contre 26 % qui indiquent une autre motivation. Les jeunes ne sont pas moins attirés par cet aspect, bien au contraire (83,1 % pour les 15-19 ans et 74,3 % pour les 20-24 ans). Une autre motivation est en réalité plutôt présente chez les 25-39 ans et chez les réservistes spécialistes ou cyber, ce qui est plutôt logique pour ces derniers.

8.   Un emploi ressenti comme insuffisant et des attentes en termes de prévisibilité

L’étude des freins à l’engagement des réservistes montre la prééminence des contraintes professionnelles, avant les contraintes familiales. Il est remarquable que le manque d’offre d’emploi dans la réserve soit si fréquemment cité par l’ensemble des réservistes. Pour les jeunes (15-19 ans et 20-24 ans), c’est même le premier frein (en cumulant les trois choix) à leur envie de s’engager davantage.

Les principaux freins à l’engagement des réservistes

Réponse à la question « Quels sont, dans l’ordre d’importance, les trois principaux freins à votre envie de vous engager davantage ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.


Les principaux facilitateurs d’engagement pour les réservistes

Réponse à la question « Quels sont, par ordre d’importance, les trois facteurs qui contribueraient le plus à faciliter votre engagement ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.

9.   Le sentiment d’un manque de reconnaissance et une gestion perfectible au ministère des Armées

Les motifs d’irritation des réservistes varient bien évidemment selon les réserves. Ainsi, la gestion RH et les outils de gestion sont la première source d’irritation des réservistes du ministère des Armées, devant le manque de reconnaissance. Dans la gendarmerie nationale, sans surprise compte tenu des nombreux aléas budgétaires, c’est le manque de prévisibilité des missions de la réserve qui est cité comme premier irritant.

Bien que la rémunération ne soit jamais considérée comme une première motivation pour l’engagement, il est remarquable que la faiblesse de la rémunération soit davantage mise en avant parmi les irritants. Cette reformulation de la question confirme ainsi la plus grande sensibilité des réservistes de la police nationale (anciens professionnels et ab initio), des sapeurs-pompiers volontaires et des volontaires du service civique à la rémunération. Elle fait aussi apparaître que des volontaires bénévoles estiment qu’ils mériteraient d’être rétribués ou défrayés.

Les principaux irritants dans le vécu des réservistes

Réponse à la question « Qu’est-ce qui vous irrite le plus aujourd’hui dans votre vécu de réserviste ? », ensemble des répondants réservistes.

Source : consultation citoyenne.

La faiblesse de la rémunération et les critères de recrutement sont cités parmi les premiers irritants par les 25 répondants réservistes sanitaires.

10.   Des répondants employeurs convaincus mais en demande d’information

54 % des employeurs (chefs de TPE/PME, chefs de grande entreprise, profession libérale) ayant répondu à la consultation citoyenne ont déclaré être signataires d’une convention avec la Garde nationale.

Les employeurs sont par ailleurs 62,5 % à juger qu’il manque un vade-mecum clair sur ce que font les réservistes et la conciliation entre leur engagement et leur vie professionnelle civile.

Ils sont aussi plus des deux tiers à considérer qu’avoir un employé réserviste est un atout pour leur organisation, et 64 % à déclarer préférer employer un réserviste à un non-réserviste à curriculum vitae égal.

C.   Le devenir de la consultation citoyenne

Les données de la consultation citoyenne ont été publiées en open data sur le site Internet de l’Assemblée nationale (le questionnaire et les données). Elles permettront aux employeurs de réservistes mais aussi à des organismes de recherche indépendants ou des institutions comme le conseil supérieur de la réserve militaire de poursuivre le travail d’exploitation des réponses et d’en tirer des enseignements.


([1]) La loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

([2]) M. Michel Dasseux, Rapport fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, Assemblée nationale, XIe législature, n° 1736, 23 juin 1999.

([3]) Articles L. 4221-1 à L. 4221‑10 du code de la défense.

([4])  Durée passée de 30 à 60 jours par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([5])  Article L. 4221‑3 du code de la défense.

([6]) M. Michel Dasseux, Op. cit.

([7]) Article L. 4231-1 du code de la défense.

([8]) Audition du général de division Walter Lalubin, délégué interarmées aux réserves, le 10 février 2021.

([9]) Entretien des rapporteurs avec le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de terre, le 25 mars 2021.

([10]) M. Thomas Gassilloud, Avis fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur les crédits relatifs à la préparation et à l’emploi des forces terrestres dans le projet de loi de finances pour 2020, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2305, 10 octobre 2019.

([11]) Rapport fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur la proposition de loi (n° 3299), adoptée par le Sénat, tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, par M. Patrice Calméjane, 21 juin 2011.

([12]) Cour des comptes, Les réserves opérationnelles dans la police et la gendarmerie nationales, communication à la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, avril 2019.

([13]) Loi n° 2011‑267 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011.

([14]) Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

([15]) Loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.

([16]) Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([17]) Article 164 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([18]) Sauf les titulaires d’une pension d’invalidité, les titulaires de pensions rémunérant moins de vingt-cinq ans, les titulaires de pensions militaires atteignant la limite d’âge du grade qu’ils détenaient en activité ou la limite de durée de services qui leur était applicable en activité, même dans le cas où ces pensions se trouveraient modifiées à la suite de services nouveaux effectués pendant un rappel à l’activité donnant lieu à promotion de grade et les de pensions ayant atteint, avant le 1er janvier 2004, la limite d’âge qui leur était applicable dans leur ancien emploi, conformément à l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

([19]) M. Thomas Gassilloud, Op. cit.

([20]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([21]) Audition de Mme Béatrice Angrand, présidente de l’Agence du service civique, et M. David Knecht, directeur général, le 17 février 2020.

([22]) Le ministère chargé de la santé n’a pas été en mesure de communiquer le budget de la réserve sanitaire en crédits de paiement dans le délai imparti.

([23]) Audition de M. Sébastien Jakubowski, sociologue, directeur de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ), le 15 décembre 2020.

([24]) Audition des Jeunes IHEDN, le 13 janvier 2021.

([25]) Décret n° 2014-130 du 14 février 2014 relatif au Conseil supérieur de la réserve militaire et décret n° 2018-832 du 1er octobre 2018 relatif au Conseil supérieur de la réserve militaire.

([26]) Audition, en table ronde, de MM. Gilles Goulm, secrétaire général, et Gilbert Faraci, secrétaire fédéral adjoint de la Confédération générale du travail-Force ouvrière, de M. Renzo Tamiazzo, secrétaire fédéral à la fédération FEAE Défense - Confédération française démocratique du travail (CFDT), de M. Sylvain Delaître pour la Confédération générale du travail (CGT), de M. Roger Gruszka, pour la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et de M. Jérôme Bernard-Brunel pour la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), le 11 mars 2021.

([27])  Audition de MM. Philippe Wibaux, président de la commission Statuts et arbitrages, et Philippe Guillaume, président de la commission Mandats, de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), de M. le chef d’escadrons Fabrice de Chaignon, secrétaire général du comité de liaison Défense et officier de liaison du ministère des Armées auprès du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), de M. Alexis de Valence, référent défense chez Orange, de M. Laurent de La Burgade, président du club des réservistes militaires du groupe Thales, et de M. Jean-Yves Cannesson, représentant de l’Union des entreprises de proximité (U2P) auprès du Conseil supérieur de la réserve militaire, le 28 janvier 2021.

([28]) Audition de M. Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d’État à la Défense et aux anciens combattants, ancien maire de Mulhouse, ancien député et sénateur du Haut-Rhin, président de l’association Solidarité Défense, le 13 janvier 2021.

([29]) Audition du colonel (R) Bernard Bon, président de la réunion des officiers de réserve du service état-major (Rorsem), le 20 janvier 2021.

([30]) Décret n° 2016 433 du 11 avril 2016 portant création du haut-commissaire à l’engagement civique.

([31]) M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, Pour une réserve de sécurité nationale, rapport d’information fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Sénat, session ordinaire 2010-2011, n° 174, 14 décembre 2010.

([32])  Loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

([33]) Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

([34]) M. Jean-Marie Bockel et Mme Gisèle Jourda, Garde nationale : une réserve militaire forte et territorialisée pour faire face aux crises, rapport d’information fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Sénat, session ordinaire 2015-2015, n° 793, 13 juillet 2016. URL : https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-793-notice.html [accès le 18 mai 2021

([35]) Le décret n° 2017-962 du 11 mai 2017 relatif à la reconnaissance de l’engagement des étudiants dans la vie associative, sociale ou professionnelle (articles L. 611-9 et L. 611-11 du code de l’éducation) a prévu que des aménagements « dans l’organisation et le déroulement des études et des examens ainsi que les droits spécifiques, qui permettent de concilier l’exercice des activités mentionnées à l’article L. 611-11 avec la poursuite de ses études ». Il permet également que les services dans la réserve puissent être validés « au titre de la formation suivie par l’étudiant et sur sa demande, les compétences, connaissances et aptitudes qu’il a acquises dans l’exercice des activités mentionnées à l’article L. 611-9102 et qui relèvent de celles attendues dans son cursus d’études ».

([36])  Le décret n° 2017-606 du 21 avril 2017 relatif aux conditions d’exercice des activités privées de sécurité a créé un régime d’équivalence pour les réservistes de la garde nationale qui leur permet d’exercer directement ces professions sous trois conditions : avoir « servi pendant une durée minimale de trois ans consécutifs et accompli les activités relevant de leur engagement pendant une durée minimale de cent dix jours, dont vingt jours au titre des missions opérationnelles et suivi une formation dans des conditions précisées par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur ».

([37]) Audition de M. le préfet Nicolas de Maistre, directeur de la protection et de la sécurité de l’État, accompagné par le lieutenant-colonel Sébastien Botheron, chargé de mission planification de sécurité nationale, le 3 février 2021.

([38]) Association à but non lucratif qui relève de la loi du 1ᵉʳ juillet 1901 et du décret du 16 août 1901, les Jeunes IHEDN comptent environ de 2 000 membres, répartis sur l’ensemble sur territoire national en délégations régionales (12 délégations métropolitaines) et à l’étranger (23 délégations internationales). La mission de l’association est de faire rayonner l’esprit de défense, de citoyenneté et d’engagement auprès de la jeunesse française. Cela explique son attachement à l’Institut des hautes études de la défense nationale et le fait que la marraine de l’association est la ministre des Armées quand son parrain est le chef d’état-major des armées. L’association organise de nombreuses activités toute l’année (conférences, ateliers, publications) pour intéresser la jeunesse (jusqu’à 34 ans) aux questions de sécurité et de défense ainsi que d’engagement et de citoyenneté depuis deux ans, ce dernier axe ayant pris la forme de « task forces ».

([39]) Audition de Mme Catherine Lemorton, directrice responsable de la réserve sanitaire, et de M. Philippe Segura, directeur-adjoint, Santé publique France, le 18 février 2021.

([40]) Audition d’un panel de réservistes sanitaires : Mme Nicole Gatineau-Sailliant, directrice des soins et infirmière retraitée ; M. Thomas Massellamany, aide-soignant intérimaire ; M. Dominique Meslier, infirmier psychiatrique et coordonnateur d’une cellule d’urgence médico-psychologique ; M. Patrick Baguet, médecin retraité ; Mme Claire Mosley, sage-femme libérale ; M. Quentin Broucqsault, infirmier en soins généraux en activité salariée et Mme Audrey Renaud, infirmière en réanimation en activité salariée, le 16 février 2021.

([41]) Audition du colonel (R) Philippe Mascia, président de l’association nationale des officiers de réserve de l’armée de l’air (Anoraa).

([42]) Audition du 15 décembre 2020 précitée.

([43]) Audition de M. Thierry Pibernat, président du groupement syndical national des sapeurs‑pompiers volontaires (GSNSPV), et M. Samuel Mathis, secrétaire général, le 21 janvier 2021.

([44]) M. Thomas Gassilloud, Op. cit.

([45])  Audition du colonel (R) Bernard Bon, président de la Réunion des officiers de réserve du service état-major (Rorsem), le 20 janvier 2021.

([46]) Audition de quatre directeurs généraux d’agences régionales de santé : M. Aurélien Rousseau (dir. ARS Île-de-France), de M. Jean-Jacques Coiplet (dir. ARS des Pays-de-la-Loire), de Mme Dominique Voynet (dir. ARS de Mayotte) et de Mme Clara de Bort (dir. ARS Guyane), le 18 février 2021.

([47]) M. Michel Dasseux, Op. cit.

([48]) Cour des comptes, Les réserves opérationnelles dans la police et la gendarmerie nationales, op. cit.

([49])  Audition de M. Dorian Petey, président des Jeunes IHEDN, réserviste opérationnel dans l’armée de terre, Mme Fadila Leturcq, membre du comité directeur (stratégie), pilote de la task force Réserves, réserviste dans la marine nationale, M. Édouard Josse, membre du comité directeur (partenariats), réserviste opérationnel dans l’armée de terre, consultant défense-sécurité, Mme Elizabeth Rogalski, ancienne militaire de la marine nationale, consultante en sécurité et cyber sécurité, Mme Mathilde Herman, réserviste spécialiste à l’état-major de l’armée de terre et par ailleurs salariée de l’agence d’innovation de la défense, M. Raphaël Kenigsberg, expert en cyber sécurité chez BNP Paribas, trésorier des Jeunes IHEDN en charge du groupe de travail sur les réserves professionnelles au sein de la task force réserve, M. Alexandre Rodde, consultant sûreté, chercheur, spécialiste du terrorisme et des tueries de masse, formateur auprès des forces de l’ordre, officier de réserve dans la gendarmerie nationale depuis 2016, M. Victor Lassiège, pilote professionnel, instructeur de vol et réserviste opérationnel dans l’armée de l’air et de l’espace, le 13 janvier 2021.

([50])  Audition du général de division Walter Lalubin, délégué interarmées aux réserves, le 10 février 2021.

([51]) Audition du lieutenant-colonel (R) Philippe Ribatto, président de l’Union nationale des officiers de réserve (UNOR), du lieutenant-colonel (R) Philippe Maze-Sencier, chargé des relations internationales et de la pharmacienne principale (R) Marie-Pierre Antoine, responsable de la communication, le 10 février 2021.

([52]) Rapport d’activité de l’agence du service civique 2019.

([53]) Cour des comptes, Op. cit.

([54]) Loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service.

([55]) Mme Catherine Troendlé, MM. Fabien Matras, Olivier Richefou et Éric Faure, Mission Volontariat Sapeurs-pompiers, rapport à l’attention de M. Gérard Collomb, ministre d’État et ministre de l’Intérieur, mai 2018.

([56]) Audition de M. le général de division Olivier Kim, commandant des réserves et secrétaire général de la réserve citoyenne de la gendarmerie nationale, le 24 mars 2021.

([57]) Audition du lieutenant-colonel (R) Philippe Ribatto, président de l’Union nationale des officiers de réserve (UNOR), du lieutenant-colonel (R) Philippe Maze-Sencier, chargé des relations internationales et de la pharmacienne principale (R) Marie-Pierre Antoine, responsable de la communication, le 10 février 2021.

([58]) Réponse écrite du commandement des réserves de la gendarmerie nationale, 20 mai 2021.

([59]) Audition du général de division Olivier Kim, précitée.

([60]) M. Thomas Gassilloud, Op. cit.

([61]) Hors fonctionnement, uniquement les dépenses de masse salariale. Source : audition du général de division Walter Lalubin, délégué interarmées aux réserves, précitée.

([62]) Convention entre la direction générale de la gendarmerie nationale et la SNCF du 22 juillet 2014, prolongée par l’avenant n° 2 du 21 décembre 2020, prévoyant le concours de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale au profit de la SNCF pour le renforcement de la surveillance des réseaux ferrés régionaux en Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes. Les patrouilles sont armées de 3 militaires en région Île-de-France, à hauteur de 8 heures par jour. L’avenant n° 2 prévoit un coût moyen de 220 euros par réserviste (taux forfaitaire selon le grade du réserviste, la dépense réelle peut être inférieur à ce montant, permettant ainsi d’augmenter le nombre de patrouilles réalisées pour l’enveloppe budgétaire allouée dans la convention). En 2020, la gendarmerie nationale a facturé 0,7 million d’euros.

([63])  Convention conclue entre la gendarmerie nationale et Île-de-France Mobilités, signée le 1er juillet 2019, prévoit la sécurisation des lignes de bus et des gares SNCF par des réservistes encadrés par un sous-officier d’active. Les patrouilles sont armées de 3 réservistes et du renfort éventuel d’un sous-officier d’active. En 2020, la gendarmerie nationale a facturé 0,6 million d’euros.

([64]) Loi n° 2011‑267 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011.

([65]) M. Razzy Hammadi, rapporteur général, M. Philippe Bies et Mmes Marie-Anne Chapdelaine et Valérie Corre, rapporteurs thématiques, Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi « égalité et citoyenneté », Assemblée nationale, XIVe législature, n° 3851, 17 juin 2016.

([66]) Réponses écrites du ministère des armées au questionnaire des rapporteurs.

([67]) Cour des comptes, Les réserves opérationnelles dans la police et la gendarmerie nationales, communication à la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, avril 2019. URL : https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-06/20190618-reserves-operationnelles-police-gendarmerie-nationales.pdf

([68]) Cour des comptes, Les réserves opérationnelles dans la police et la gendarmerie nationales, communication à la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, avril 2019.

([69]) Loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours.

([70]) Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail.

([71]) Selon le rapport de la Cour des comptes et des chambres territoriales des comptes intitulé Les personnels des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et de sécurité civile, des défis à relever, des perspectives à redéfinir (rapport public thématique, mars 2019), le coût des titulaires est sans commune mesure avec celui des SPV : « en moyenne, un volontaire perçoit 2 581 € par an, alors que la rémunération nette moyenne d’un pompier professionnel s’établit à environ 22 000 € pour un homme du rang, 29 000 € pour un sous-officier, 37 000 € pour un officier et 53 000 € pour un officier supérieur. »

([72]) Cour des comptes et chambres territoriales des comptes, Les personnels des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et de sécurité civile, des défis à relever, des perspectives à redéfinir, rapport public thématique, mars 2019.

([73])  Mme Catherine Troendlé, MM. Fabien Matras, Olivier Richefou et Éric Faure, Mission Volontariat Sapeurs-pompiers, rapport à l’attention de M. Gérard Collomb, ministre d’État et ministre de l’Intérieur, mai 2018.

([74])  Mme Catherine Troendlé, MM. Fabien Matras, Olivier Richefou et Éric Faure, ibid.

([75]) Article 9 de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, codifié à l’article L723-19 du code de la sécurité intérieure.

([76]) Article 7 de la loi 96-de la loi précitée.

([77]) Article 8 de la loi précitée.

([78]) Audition de M. Brice de Gliame, président de l’association Résilience citoyenne, M. Stéphane Lucard, M. Stéphane Rivière et Mme Isabelle Hugues de Segonzac, membres du bureau de l’association, le 14 janvier 2021.

([79]) Joaquim Pueyo et Pierre Venteau, rapport d’information « flash » sur les relations civilo-militaires à la réunion de crise de la Covid-19, Assemblée nationale, XVe législature, 29 juillet 2020.

([80]) Loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.

([81]) Santé publique France, « Le point sur la réserve sanitaire face aux idées reçues dans la crise du COVID-19 », dossier thématique du 23 avril 2020. URL : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/articles/le-point-sur-la-reserve-sanitaire-face-aux-idees-recues-dans-la-crise-du-covid-19 [accès le 17 novembre 2020

([82]) « La réserve sanitaire. Un renfort en cas de situations sanitaires exceptionnelles », dossier pédagogique disponible sur le site de Santé publique France, mars 2020.

URL : https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/241102/2551566

([83]) Arrêté du 28 novembre 2016 relatif à la convention type prévue par l’article R. 1413-44 du code de la santé publique relatif aux conventions régissant les relations entre l’agence nationale de santé publique et les agences régionales de santé.

([84]) Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

([85]) M. Jean-Paul Garraud, rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi pénitentiaire (n° 1506) adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 1899, 8 septembre 2009, page 135.

([86]) M. Jean-Paul Garraud, ibid.

([87]) Réponses écrites du ministère de la Justice au questionnaire des rapporteurs.

([88]) Circulaire du 1er juin 2012, précitée.

([89]) Loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

([90]) Circulaire du 1er juin 2012 relative à la mise en œuvre de la réserve civile pénitentiaire au sein des services du ministère de la Justice.

([91]) M. Jean-René Lecerf et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, Loi pénitentiaire : de la loi à la réalité de la vie carcérale, rapport d’information fait au nom de la commission des lois et de la commission pour le contrôle de l’application des lois, Sénat, session ordinaire de 2011-2012, n° 629, 4 juillet 2012. URL : http://www.senat.fr/rap/r11-629/r11-629.html

([92]) Réponses écrites du ministère de la Justice aux rapporteurs.

([93]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([94]) Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

([95]) Loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

([96]) Commission sur la politique de la jeunesse, Livre vert, juillet 2009.

([97]) Luc Ferry, Pour un service civique, rapport au président de la République avec le Conseil d’analyse de la société, septembre 2008.

([98]) Pour que vive la fraternité. Propositions pour une réserve citoyenne. Rapport au président de la République par MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé, juillet 2015, page 26. URL : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/154000448.pdf

([99]) Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires.

([100]) Pour que vive la fraternité. Propositions pour une réserve citoyenne. Rapport au président de la République par MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé, juillet 2015. URL : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/154000448.pdf

([101]) Circulaire n° 2015-077 du 12 mai 2015. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=39616

([102]) https://www.education.gouv.fr/la-reserve-citoyenne-3020

([103]) « Lever les freins à la transition énergétique, oui, mais comment ? », « Les contenus haineux ou injurieux en ligne sur Internet », « Les moyens des forces de sécurité », « Marin pêcheur : un métier d’avenir ? », « Incendie d’un site industriel à Rouen », « Réhabilitation de l’étang de Berre », « Identité numérique », « Cannabis récréatif », https://www2.assemblee-nationale.fr/consultations-citoyennes/consultations-citoyennes