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N° 4194

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 mai 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur les enjeux économiques de la sécurité privée

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Jacqueline MAQUET et M. Dino CINIERI

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

LISTE DES PROPOSITIONS

PREMIÈRE PARTIE : LES CONSTATS

I. La sÉcurité privÉe : une vÉritable mosaïque d’acteurs et de mÉtiers

A. Une approche juridique de la sÉcurité privÉe : le livre VI du code de la sÉcurité intÉrieure

1. La surveillance humaine, le gardiennage et la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité

2. La protection de l’intégrité physique des personnes (ou protection rapprochée)

3. Le transport de fonds et de valeurs

4. Les activités de recherches privées

5. Les activités privées de protection des navires

6. D’autres activités de sécurité – au statut plus incertain

B. Une approche Économique de la sÉcurité privÉe : services et industries

1. La filière des « services » de sécurité privée

2. La filière des industries de sécurité

3. Choix du périmètre de la mission d’information

II. Un marchÉ dynamique mais des difficultÉs structurelles réelles

A. Un marchÉ en croissance, tirÉ par les activitÉs de sÉcuritÉ humaine et de tÉlÉsurveillance

B. Un Éclatement important et une « guerre des prix » qui figent le marchÉ

C. Une faible attractivitÉ professionnelle et un dÉficit d’investissement

D. Des dynamiques sectorielles variées

1. Les activités de surveillance humaine et d’intervention

2. La sécurité événementielle

3. La protection rapprochée

4. La sécurité électronique

5. Le transport de fonds et de valeurs

6. Les activités de recherches privées

7. La sûreté aérienne et aéroportuaire

III. La crise sanitaire : des impacts inégaux – des attentes fortes des professionnels qui doivent être entendues

A. Un impact négatif certain mais inégalement distribué

1. Un impact globalement négatif sur les activités de la filière « sécurité privée »

2. Deux secteurs particulièrement touchés : la sécurité événementielle et la sûreté aérienne et aéroportuaire

a. La sécurité événementielle

b. La sûreté aérienne et aéroportuaire

B. Des mesures d’urgence économiques néanmoins globalement saluées par les acteurs.

C. Une FAIBLE PRISE EN COMPTE dans le cadre du plan de relance

SECONDE PARTIE : LES SOLUTIONS

I. Se doter d’outils robustes de suivi du marché de la sécurité privée

1. Renforcer la coordination entre l’action des acteurs publics suivant ce secteur d’activité

2. Créer un véritable observatoire économique de la sécurité privée

3. Doter certaines professions spécifiques d’un code APE pour affiner leur suivi économique

II. Réguler efficacement l’exercice des activités de sécurité privée - soutenir le développement d’une filière dédiée

1. Renforcer les moyens humains du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS)

2. Promouvoir une commande publique responsable et qualitative

3. Lutter contre la sous-traitance et continuer de travailler à une garantie financière pour les entreprises de sécurité privée

4. Faire évoluer le cadre juridique des activités de sécurité privée pour l’adapter aux circonstances actuelles

5. Encourager les acteurs de la sécurité privée à se structurer en filière dédiée en vue des événements sportifs de 2023 et 2024

III. Développer une culture commune de la sécurité privée en France

1. Pour un continuum de sécurité souple associant acteurs publics et privés de la sécurité

2. Promouvoir une culture de la sécurité chez les citoyens français

3. Améliorer la formation aux métiers de la sécurité privée

ConClusion

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES personnes AUDITIONNÉES


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   introduction

Le secteur de la sécurité privée reste assez largement méconnu des Français en dépit de son développement important dans notre pays ces dernières années. Au-delà de l’image de l’agent de sécurité assurant la protection des biens et des personnes au sein des espaces commerciaux ou immobiliers, il existe une multitude de professions en son sein, qui constituent autant de segments aux fondamentaux parfois très différents, du transport de fonds et de valeurs à la sécurité électronique, en passant par la protection rapprochée et la sûreté aéroportuaire. Force est de constater qu’un nombre finalement assez réduit de travaux parlementaires lui ont été consacrés, même si les échanges autour des livres blancs de la sécurité intérieure ont fourni des opportunités régulières pour évoquer ces différents domaines. La sécurité privée est pourtant une filière économique essentielle pour notre pays, alors que des événements internationaux de grande ampleur se profilent ces prochaines années, qu’il s’agisse de la coupe du monde de rugby, qui aura lieu en 2023 en France, ou des Jeux Olympiques de Paris prévus en 2024.

La présente mission d’information s’était fixée, lors de son lancement, deux objectifs qu’elle a conservés à l’esprit lors de ses travaux : offrir une visibilité forte à un sujet encore trop peu traité, comme rappelé ci-dessus, et formuler des propositions pour faire évoluer positivement son cadre de régulation et d’exercice pour répondre aux demandes de ses acteurs.

Sur le premier point, les nombreuses auditions menées par vos Rapporteurs ont permis d’entendre un large panel d’acteurs afin de brosser un portrait relativement complet de ce secteur d’activité protéiforme impacté par les conséquences économiques de la crise sanitaire, en particulier dans ses segments liés à la sécurité événementielle et la sûreté aéroportuaire. Le présent rapport propose une analyse de la dynamique de ces différents secteurs, en dépit d’une difficulté, parfois, à disposer de chiffres consolidés et consensuels. C’est la raison pour laquelle la mission plaide en faveur de la création d’un observatoire économique de la sécurité privée. Au niveau global, vos Rapporteurs ne peuvent que saluer la disponibilité des acteurs pour répondre à leurs questions, leur esprit de dialogue et leur dynamisme, dans un contexte économique complexe.

Sur le second point, la loi pour une sécurité globale préservant les libertés a constitué un véhicule puissant de débats et porté des avancées importantes, en renforçant les pouvoirs du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et en encadrant la sous-traitance, pour ne citer que deux de ses principales avancées. Le présent rapport s’inscrit en complément de cette dynamique, dont vos Rapporteurs partagent largement l’esprit. Quinze propositions sont formulées en ce sens, sur des sujets touchant à la formation, l’apprentissage, l’adaptation du cadre juridique de certaines professions, l’assouplissement du continuum de sécurité ou encore la promotion d’une véritable culture commune de la sécurité publique chez les Français mais aussi chez les acheteurs publics.

En définitive, ce rapport porte un message essentiel, que l’on pourrait résumer de la façon suivante : la sécurité privée est une filière majeure pour l’économie et la société française, qui doit être davantage valorisée pour constituer un outil de sécurité pour nos concitoyens, et de compétitivité pour notre pays. Sa structuration en filière doit donc être approfondie, avec l’appui des pouvoirs publics, et sa visibilité renforcée, au profit d’une meilleure intégration au sein des pratiques quotidiennes de sécurité. Cela ne pourra se faire sans une véritable reconnaissance de l’apport de ces différents métiers à notre pays dans un contexte où le risque terroriste reste élevé et où ces professions ont été, elles-aussi, en première ligne pendant la crise sanitaire.

Vos Rapporteurs adressent leurs sincères remerciements à l’ensemble des acteurs ayant accepté de participer, via une audition ou par écrit, aux travaux de cette mission d’information.


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  LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Prolonger la mise en œuvre des aides économiques d’urgence à la disposition des entreprises de sécurité privée, en particulier dans les secteurs les plus touchés que sont la sûreté aérienne et aéroportuaire et la sécurité événementielle.

Proposition n° 2 : Renforcer le suivi économique des activités de sécurité privée en assurant une réelle articulation entre les mesures de régulation administrative et de suivi économique de ce marché.

Proposition n° 3 : Créer un Observatoire économique de la sécurité privée, qui aurait pour mission de fournir des données et analyses statistiques régulières sur l’actualité de ce marché.

Proposition n° 4 : Engager une réflexion sur la création de nouveaux codes APE concernant certaines professions de la sécurité intérieure, comme celles de la sécurité événementielle ou de la protection rapprochée.

Proposition n° 5 : Renforcer les moyens humains du CNAPS dans le cadre du projet de loi de finances pour l’année 2022, afin d’amplifier sa politique de contrôle des acteurs de la sécurité privée.

Proposition n° 6 : Travailler à la définition de référentiels d’achat des prestations de sécurité pour inciter les acteurs publics à mieux intégrer l’enjeu de la qualité en matière de commande publique.

Proposition n° 7 : Améliorer l’information et le conseil des acheteurs publics de prestations de sécurité passant par la plateforme de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP).

Proposition n° 8 : Poursuivre la réflexion engagée vis-à-vis de la mise en place d’une garantie financière pour les entreprises de sécurité privée.

Proposition n° 9 : Intégrer la sécurité privée au sein des échanges du « Beauvau de la sécurité » pour travailler sur les ajustements réglementaires sollicités par les professionnels de la sécurité privée.

Proposition n° 10 : Renforcer les efforts de structuration de la filière de la sécurité privée en créant une structure ad hoc d’échanges entre ses acteurs.

Proposition n° 11 : Organiser une task-force « sécurité » chargée d’anticiper la sécurisation complexe des événements majeurs que sont, en 2023, la coupe du monde de rugby et, en 2024, les Jeux Olympiques de Paris.

Proposition  12 : Définir une doctrine publique souple de recours aux forces de sécurité privée et réaliser un travail de veille pour adapter au mieux l’articulation entre acteurs publics et privés dans le cadre du continuum de sécurité.

Proposition n° 13 : Soutenir le développement d’une culture de la sécurité privée chez les citoyens, en valorisant ces activités dans le discours public.

Proposition n° 14 : Renforcer l’information des élèves et étudiants sur les métiers de la sécurité privée – Faciliter le recours à l’apprentissage pour ces différents métiers.

Proposition n° 15 : Renforcer la régulation de la formation aux métiers de la sécurité privée, en séparant les fonctions de formation et de certification de la qualification à exercer ces métiers.


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   PREMIÈRE PARTIE : LES CONSTATS

I.   La sÉcurité privÉe : une vÉritable mosaïque d’acteurs et de mÉtiers

La sécurité privée comprend une mosaïque d’activités économiques différentes, dont le point commun est de prendre la forme de prestations de protection des biens et des personnes mises en œuvre par des entreprises privées et non directement par la puissance publique.

Historiquement, le droit consacre l’indélégabilité des missions de police à des acteurs privés, comme l’indique l’article XII de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. La construction d’une filière économique de sécurité privée procède de la réduction progressive du monopole de la puissance publique en matière de sécurité, sous le double effet d’une attention croissante à la gestion de la dépense publique et à l’efficacité de l’action de l’État. Une approche de réglementation et de régulation s’est progressivement installée, au profit d’une certaine normalisation de ces activités.

A.   Une approche juridique de la sÉcurité privÉe : le livre VI du code de la sÉcurité intÉrieure

Le périmètre des activités de sécurité privée a été défini par la loi du 12 juillet 1983, en son article 1er qui proposait une liste d’activités avec un objectif assumé d’encadrement et de moralisation des pratiques existantes. Cet article ne prévoit pas de définition précise de chaque activité mais procède plutôt par énumération pour définir le champ des activités faisant l’objet d’une réglementation spécifique à raison de leur nature.

Les différentes dispositions encadrant ces activités sont présentes au sein du livre VI du code la sécurité intérieure, qui comprend des titres consacrés aux activités de sécurité privée dans leur acception classique (surveillance, gardiennage, transport de fonds etc.), aux agences de recherches privées (titre II), à la formation aux métiers de la sécurité privée (titre II bis) et au Conseil national des activités privées de sécurité (titre III). Le dernier titre du livre VI, le titre IV, précise pour sa part les dispositions applicables à l’outre-mer dans cette matière.

Les activités inscrites au sein du livre VI du code la sécurité intérieure sont les suivantes : la surveillance humaine et électronique, la protection de l’intégrité physique des personnes, le transport de fonds et de valeurs, les activités de recherches privées, sans oublier les activités de sécurité mises en œuvre au sein des navires, qui sont les plus récentes à avoir intégrer le code de la sécurité intérieure. L’ensemble de ces activités économiques fait donc l’objet de règles spécifiques et est soumis au contrôle du CNAPS.

Le cadre juridique régissant les activités de sécurité privée ne saurait néanmoins se résumer au seul code de la sécurité intérieure ([1]). De nombreuses activités font en effet l’objet d’une réglementation spécifique liée à leur nature. C’est le cas, par exemple, de la sûreté aéroportuaire ou du transport de fonds et de valeurs, qui entrent dans le champ du ministère de l’intérieur et de celui des transports.

Enfin, à l’exception de la protection rapprochée, ces activités ne sont pas exclusives les unes des autres. Les entreprises de services de sécurité privée, dès lors qu’elles atteignent une certaine taille, disposent ainsi de branches d’activité dans plusieurs des segments décrits ci-dessus.

1.   La surveillance humaine, le gardiennage et la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité

Ces activités incluent, comme l’indique le 1° de l’article L 611-1 du code de la sécurité intérieure, « les agents de prévention et de sécurité, les agents de surveillance cynophile, la sûreté aéroportuaire et portuaire, la surveillance mobile, la télésurveillance et la vidéo-protection, aussi bien dans des bureaux, sites industriels, le commerce et la grande distribution, les sites événementiels et culturels, etc. » (2). Il s’agit du « cœur » du marché de la sécurité privée, ces différentes activités réunissant l’essentiel des effectifs de la filière (plus de 150 000 agents sur les 187 511 que compte cette profession (3)) et de son chiffre d’affaires (72 % du CA en 2018, soit 6,5 milliards d’euros).

2.   La protection de l’intégrité physique des personnes (ou protection rapprochée)

Cette activité, qui est également citée au 1° de l’article L 611-1 du code de la sécurité intérieure, est souvent distinguée en raison de certaines de ses spécificités : son exercice est exclusif de tout autre mission de sécurité privée. Elle comprendrait entre 1500 et 2000 agents agréés (dont une partie seulement exerce effectivement cette profession), pour un marché de 40 millions d’euros environ.

3.   Le transport de fonds et de valeurs 

Cette activité, qui consiste « à transporter et à surveiller, jusqu’à leur livraison effective, des bijoux représentant une valeur d’au moins 100 000 euros, des fonds […] ou des métaux précieux ainsi qu’à assurer le traitement des fonds transportés » rassemblait en 2019 près de 10 000 agents pour un marché estimé à 1 milliard d’euros en 2020.

Elle est réglementée par deux textes principaux, au-delà des dispositions du code de la sécurité intérieure : la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, et l’accord national professionnel relatif aux conditions spécifiques d’emploi du personnel des entreprises exerçant des activités de transport de fonds et de valeurs du 5 mars 1991.

Elle se distingue des activités classiques de sécurité privée par des spécificités économiques évidentes tenant à la nature des tâches effectuées, au niveau d’investissement important nécessaire pour prendre place sur le marché, ou encore au niveau d’équipements de ses agents. Ces spécificités ont un impact sur le modèle économique et la physionomie de ce marché, qui prend la forme, en France, d’un quasi duopole (infra).

4.   Les activités de recherches privées

Cette activité de profession libérale, qui consiste « pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts », est définie à l’article L 621-1 du code de la sécurité intérieure, depuis l’ordonnance du 12 mars 2012. Elle rassemble environ 850 agents, d’après les données fournies à la mission par le syndicat national des agents de recherches privées (SNARP). Il s’agit encore d’une « activité de niche » dont les contours peuvent apparaître en partie flous au regard du niveau de régulation plus faible dont elle fait l’objet par rapport aux autres activités privées de sécurité.

5.   Les activités privées de protection des navires

Cette dernière activité est la plus récemment intégrée au sein du code de la sécurité intérieure, par la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires, qui a autorisé les armateurs français, à pouvoir recourir aux services d’entreprises de services, de sécurité et de défense ». Comme l’a relevé M. Guillaume Farde lors de son audition devant la mission d’information, ce secteur reste néanmoins insuffisamment développé en France, faute d’un cadre réglementaire satisfaisant et en raison, aussi, d’une forme de méfiance des pouvoirs publics vis-à-vis de ces acteurs.

6.   D’autres activités de sécurité – au statut plus incertain

Enfin, il convient de noter que certaines activités appartiennent, de façon extensive, au secteur de la sécurité privée, en dépit de leur absence d’encadrement et en raison de leur nature peu attentatoire aux prérogatives de puissance publique. Il s’agit des activités de conseil en sûreté et intelligence économique. À cet égard, M. Guillaume Farde parle « d’oubliés » de la sécurité privée.

Les activités des entreprises de services et sécurité et de sûreté (ESSD), très spécifiques, se situent également à la frontière du domaine de la sécurité privée, en raison de leur proximité avec les activités militaires.

La mission d’information a retenu le périmètre classique proposé par le code de sécurité intérieure pour mener ses différents travaux.

B.   Une approche Économique de la sÉcurité privÉe : services et industries

Une approche économique des activités de sécurité conduit à distinguer, de façon classique, les entreprises de services, qui sont au cœur du présent rapport, des industries de sécurité, qui apportent un certain nombre de solutions au secteur public et privé, de façon non exclusive.

1.   La filière des « services » de sécurité privée

L’INSEE distingue, conformément à la nomenclature européenne, trois grands types d’activités de services dans le domaine de la sécurité ([2]) :

-       les activités de sécurité privée (code 801 (2)), qui comprennent les services de garde et de patrouille, d’une part, et les services de transport de fonds nécessitant « d’utiliser du personnel équipé pour protéger de tels biens pendant le transport » d’autre part. L’INSEE recense en 2020, pour l’année 2017, 5775 entreprises dans ce domaine, pour un chiffre d’affaires (hors taxes) de 6,6 milliards d’euros et 120 000 emplois équivalents temps plein. Les clients de ces services sont quasi exclusivement nationaux (98 %) ;

     les activités relatives aux systèmes de sécurité (code 802 (3)), qui comprennent les activités de surveillance de systèmes de sécurité, d’une part, et l’installation, la réparation, la réfection et l’adaptation de dispositifs de verrouillage mécanique ou électronique (coffre-fort par exemple), d’autre part. L’INSEE recensait environ 1700 entreprises agissant dans ce domaine en 2017, pour un chiffre d’affaires total (hors taxes) de 2,1 milliards d’euros et 14 700 emplois équivalents temps plein ;

     les activités d’enquêtes privées (code 803(4) ), quels que soient le type de client et le but de l’enquête. L’INSEE recensait dans ce domaine environ 528 entreprises, pour un chiffre d’affaires de 62 millions d’euros et 439 emplois équivalents temps plein pour l’année 2017.

La somme de ces activités indique que le marché de la sécurité privée représente environ 9 milliards d’euros pour 8404 « unités légales », dont 78 % de microentreprises.

2.   La filière des industries de sécurité

La filière des industries de sécurité regroupe l’ensemble des entreprises développant et fournissant des produits technologiques de sécurité. Elle est rassemblée au sein d’un comité stratégique de filière et dispose d’un contrat de filière liant ses partenaires et l’État pour la période 2020-2022.

En 2018, cette filière industrielle (4 400 entreprises ([3])) réalisait un chiffre d’affaires de 28 milliards d’euros en France, provenant majoritairement de la sécurité électronique (44 %) puis de la sécurité physique (33 %) et enfin de la cybersécurité (23 %). Au niveau mondial, son chiffre d’affaires a atteint 36 milliards d’euros la même année. Elle représente 139 000 emplois en France.

Les industries de sécurité recouvrent en fait trois industries différentes à savoir :

  l’industrie de la sécurité physique, qui rassemble l’ensemble des produits dont la valeur ajoutée est principalement constituée d’éléments physiques (comme les véhicules, équipements physiques de sécurité et éléments de cybersécurité) ;

  l’industrie de la sécurité électronique, qui comprend l’ensemble des systèmes de contrôle d’accès, de communications sécurisés, et les services d’installation ;

  l’industrie de la cybersécurité, qui rassemble l’ensemble des acteurs fournissant des services et solutions de sécurisation des systèmes numériques.


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Le tableau suivant décrit les principales caractéristiques des industries de sécurité pour l’année 2018, selon ses différents segments.

Chiffre d’affaires et nombre d’emploi de la filière « industries de sécurité » en 2018

 

Total filière industrielle

Produits physiques

Produits électroniques

Produits cyber

Services cyber

Chiffre d’affaires en 2018 (milliards d’euros)

 

28,1

 

9,3

 

12,2

 

3,3

 

3,2

Nombre d’emplois en 2018 (milliers)

 

139

 

39,9

 

62,5

 

16,7

 

19,9

Source : Observatoire CICS, juin 2020.

La France dispose au sein de ce secteur de leaders mondiaux sur les segments de la sécurité électronique (Thales, Airbus Défense et Espace), de la gestion des identités d’accès (Thales, Idémia), des plateformes de sécurité (Naval Group, Airbus Hélicoptères, Dassault Aviation), des services de cybersécurité (Thales, Atos, Orange Cyberdéfense, Cap Gemini, Sopra Steria) et de la sécurisation des paiements (Atos).

3.   Choix du périmètre de la mission d’information

La mission d’information n’a pas retenu dans son périmètre les activités de la filière industrielle de sécurité, qui se différencient fortement des services de sécurité privée, par un niveau de structuration plus élevé et des fondamentaux économiques différents.

II.   Un marchÉ dynamique mais des difficultÉs structurelles réelles

A.   Un marchÉ en croissance, tirÉ par les activitÉs de sÉcuritÉ humaine et de tÉlÉsurveillance

Le marché de la sécurité privée a connu une croissance soutenue ces dernières années, de l’ordre de + 4,5 % en 2018 et de + 5 % en 2019 selon les éléments communiqués à la mission par la direction générale des entreprises du ministère de l’économie, des finances et de la relance.

Son chiffre d’affaires était estimé, pour 2019, à près de 8 milliards d’euros. Sa dynamique est essentiellement portée par les groupes de plus de 500 salariés (+ 8,5 % en 2019). La croissance du marché en chiffre d’affaires (+ 3,8 % par an sur 2010-2017) provient essentiellement d’un effet volume : aux deux tiers sur la période 2010-2017 et en quasi-totalité sur 2015-2017.

Les différents segments de ce marché connaissent évidemment des rythmes de croissance différents selon leur logique propre. Cette croissance procède majoritairement des activités de surveillance humaine (72 % du chiffre d’affaires total de la filière – 85 % des entreprises de plus de 1 salarié) et de télésurveillance (13-14 % du chiffre d’affaires, 23 % des entreprises).

L’activité de surveillance et intervention a connu en effet une croissance annuelle continue de + 4,5 % depuis une décennie. Dans le détail, cette dynamique a débuté à partir de 2012 (taux de croissance de 2 à 3 %) pour s’accélérer fortement entre 2015 et 2017 (taux de croissance compris entre 6 % et 10 %). Elle s’explique, en grande partie, par le recours croissant aux entreprises de sécurité privée pour couvrir les besoins quotidiens de sécurisation « de basse intensité » et par le souhait des pouvoirs publics de maintenir un certain nombre d’événements de grande ampleur dans un contexte marqué par une menace terroriste accrue (Euro 2016 de football, COP 21 etc.).

Les activités de télésurveillance ont connu une croissance portée par les mêmes sous-jacents, à un niveau encore plus élevé depuis 2014-2015, avec des taux de 7 à 8 % par an en moyenne. Moins intensives en capital humain que la sécurité humaine, ses acteurs ont connu, d’après l’INSEE, une croissance de son chiffre d’affaires deux fois plus élevée que la sécurité privée (+ 6,5 % par an, contre + 3,6 % par an) qui s’explique par une augmentation beaucoup plus prononcée de sa production en volume (+ 5,3 % par an sur la même période, contre + 2,5 % par an pour la sécurité privée), dans un contexte de recours de plus en plus important aux systèmes de vidéosurveillance dans les lieux recevant du public et de diffusion d’une culture de la vidéo-protection.

Les autres segments de ce marché (transports fiduciaire, sûreté aéroportuaire etc.) ont connu des dynamiques relativement similaires, avec quelques exceptions qui seront détaillées dans la partie consacrée à une approche sectorielle de ce marché.

Ce dynamisme global est visible au sein des effectifs de la filière, qui ont fortement augmenté depuis 10 ans. Ce secteur comprenait environ 183 000 employés en 2019, dont près de la moitié sont salariés au sein de grands groupes de plus de 500 salariés.

B.   Un Éclatement important et une « guerre des prix » qui figent le marchÉ

La forte croissance du marché de la sécurité privée s’est traduite par un éclatement important et des fragilités structurelles de plusieurs ordres qui limitent le gain de maturité de ce marché.

Les statistiques de l’INSEE indiquent que ce secteur regroupait, en 2019, près de 12 000 entreprises, dont seulement 3 500 employaient au moins un salarié à cette date. Seules 250 entreprises, soit 2 % de ce total, comptent par ailleurs plus de 100 salariés. Ce marché est donc particulièrement éclaté, ce qui s’explique par ses taux de croissance durables élevés, qui ont attiré un ensemble d’acteurs aux pratiques et aux compétences variées, et ont exercé une pression à la baisse sur les prix des prestations proposées.

Vos Rapporteurs constatent ainsi, comme le relèvent l’ensemble des acteurs du secteur, qu’un cercle vicieux a pu s’engager dans ce domaine : la hausse de la demande de sécurité a nourri le marché, attirant un nombre d’acteurs croissant, augmentant la pression à la baisse des prix, ce qui a entravé la capacité des entreprises à investir dans la formation de leurs salariés et les nouvelles technologies, faute d’un taux de marge suffisant. En d’autres termes, le marché a davantage cru en quantité qu’en qualité. Cela a mécaniquement aggravé l’écart entre les grands groupes diversifiés et/ou internationaux, qui ont eu la capacité financière de conserver un équilibre sur le sujet, et une multitude de petits acteurs entravés dans leur croissance vers une taille critique et préoccupés, d’abord, par la captation de marchés dans des conditions de concurrence de plus en plus difficiles.

Les données fournies à la mission confirment la faible rentabilité des activités menées dans cette filière, ainsi que le tassement des prix évoqué
ci-dessus, ces deux éléments combinés faisant peser un risque sur la pérennité du modèle économique de la sécurité privée.

Le taux de marge moyen y est faible mais stable depuis 2011, compris entre 2 et 4 % (3,7 % en 2016, selon l’INSEE). Cette faible rentabilité est essentiellement portée par les activités de surveillance humaine, en raison du poids des donneurs d’ordre qui font jouer la concurrence dans un secteur fortement morcelé.

Le tassement des prix est lui aussi bien réel, et particulièrement marqué au sein de ce secteur économique. L’évolution des prix des prestations en témoigne, cette dynamique étant passée de + 2,7 % en 2012 à + 0,2 % en 2017, avec une valeur nulle pour l’année 2016. Sur la période 2010-2019, les prix de la sécurité privée n’ont augmenté que de 1,1 % par an en moyenne. Parmi les facteurs explicatifs ont été mentionnés, outre la forte concurrence, les faibles coûts d’entrée sur le marché de la surveillance humaine, qui ont pu conduire « des acteurs peu vertueux ont exploité le dynamisme de ce marché en pratiquant des prix très bas » ([4]).

Cette situation problématique se traduit par un niveau de fragilité important d’un certain nombre de petites entreprises, et encourage la pratique de la sous-traitance en cascade. Comme l’indique la direction générale des entreprises dans sa contribution écrite, « en 2016, le taux de marge du premier quartile était de - 2,1 %, ce qui indique que 25 % des entreprises se trouvaient dans une situation économique difficile. Parmi les 25 % suivants (taux de marge compris en - 2,1 % et 5,7 %), il est également probable qu’une fraction non négligeable se soit trouvée fragilisée, avec des pertes d’exploitations ou un résultat proche de zéro ».

Vos Rapporteurs souhaitent donc alerter les pouvoirs publics sur cette situation, qui est problématique alors que la montée en gamme du marché est indispensable pour anticiper les événements majeurs à venir en 2023 et 2024 dans de bonnes conditions.

C.   Une faible attractivitÉ professionnelle et un dÉficit d’investissement

Les difficultés évoquées ci-dessus du marché de la sécurité privée se traduisent, en particulier pour les activités de surveillance humaine, par un niveau d’attractivité professionnelle réduit et par des conditions de travail souvent peu satisfaisantes pour les personnels employés.

On observe en effet un turnover important dans la surveillance humaine, en raison des conditions de travail difficiles (nuit) et d’un niveau de rémunération faible. Le taux de rotation des effectifs y est élevé, avec un taux de départs de 93,5 % en 2019, ce qui indique des difficultés importantes pour conserver les personnels. Les embauches y correspondent majoritairement à des contrats à durée déterminée (74 % en 2019, ayant connu un pic à 81,5 % en 2018, contre 46 % en 2009), avec un taux de transformation en CDI très faible (3 %).

Le niveau de qualification et de rémunération du personnel de ce secteur reste également faible : les agents d’exploitation et administratifs représentent 88 % des effectifs (les agents de maîtrise 9 % et les cadres 3 %) et touchent un salaire mensuel compris, en moyenne, entre 1 760 et 2 130 €. D’après, l’INSEE, en 2017, la part des agents de sécurité ayant un salaire horaire brut arrondi de 12 euros était de 23 % et celle d’agents ayant un salaire horaire brut arrondi inférieur ou égal à 12 euros était de 58 %.

Vos Rapporteurs constatent donc que la montée en gamme de ce marché reste à construire, en particulier pour la surveillance humaine, en raison d’une pression forte sur les prix, dans un secteur où le coût du personnel représente l’essentiel de la contrainte financière pesant sur les entreprises (85 % de leurs revenus environ).

Au-delà des difficultés sociales induites par ces éléments structurels, vos Rapporteurs notent également qu’il est possible de craindre l’existence d’un retard technologique sur ce marché, alors que les nouvelles technologies constituent précisément un levier de productivité pour les activités de sécurité privée. Il est donc nécessaire de trouver les voies et moyens d’accélérer la numérisation de cette filière, dans une articulation fine homme-machine, pour tirer profit des marges de manœuvre que pourrait offrir le numérique.

D.   Des dynamiques sectorielles variées

En s’appuyant sur l’enquête de branche publiée annuellement par l’Observatoire des métiers de la sécurité privée et sur les études économiques produites par la filière, il est possible de prendre connaissance des principales dynamiques à l’œuvre au sein des différents segments du marché de la sécurité privée.

1.   Les activités de surveillance humaine et d’intervention

Les activités de surveillance et intervention regroupent près de 3 350 entreprises, pour un chiffre d’affaires de 5,86 milliards d’euros en 2019, dont un peu moins de la moitié est réalisé par des entreprises de plus de 500 salariés (42,5 %). Le taux de croissance de ces activités est important, en hausse de + 5,5 % en 2019 par rapport à l’année précédente. Un grand nombre d’acteurs ont rejoint ce marché dans les dix dernières années, ce qui a conduit à un essor de la soustraitance en cascade et à un tassement des prix. Les mesures mises en œuvre dans le cadre de la proposition de loi « Sécurité globale » y constituent une première réponse, en limitant notamment le recours à la sous-traitance.

Ce segment est donc dynamique, mais fragile, miné par des prix bas et une situation d’hyper-concurrence entre petits acteurs, et de concentration de quelques grands acteurs en capacité de « résister » au poids des donneurs d’ordre.

2.   La sécurité événementielle

La sécurité événementielle constitue un « segment » encore trop peu reconnu de la sécurité privée. Elle regroupe l’ensemble des professionnels de la sécurisation d’événements culturels et sportifs, qui nécessitent des savoir-faire et des compétences spécifiques.

Il n’existe pas, à propre parlé, de chiffre précis sur le nombre d’acteurs présents sur ce marché. Cette difficulté provient de l’absence de code APE pour cette profession, qui ne permet pas d’en suivre l’évolution dans les statistiques de l’INSEE. Cette situation est problématique et doit être résorbée. Les professionnels entendus considèrent qu’elle a pu leur être préjudiciable au moment de la mise en place des mesures économiques d’urgence, en noyant leur activité « dans la masse des activités de sécurité-prévention » ([5]).

L’enjeu, pour les acteurs de ce secteur particulier, est de gagner en visibilité et de se structurer. La création de l’Organisation des professionnels de la sécurité événementielle (OPSE) en 2019 est un premier pas utile pour faire reconnaître, le cas échéant, les spécificités de cette profession aux pouvoirs publics. La sécurité événementielle fait face à des pertes d’effectifs liée au fait que nombre d’agents effectuant cette activité comme complément de revenu ont souhaité se réorienter à la suite de la fermeture de la plupart des lieux de sport et de culture depuis un an. Ils ont indiqué à la mission être favorables à la mise en place d’une forme de CDD d’usage adapté à la réalité de leurs métiers.

3.   La protection rapprochée

Les activités de protection rapprochée restent relativement méconnues du grand public pour des raisons tenant notamment à la discrétion nécessaire à ce type de professions. Ses représentants, rassemblés, pour l’heure, dans un syndicat unique, le SEF Protec, ont indiqué regretter que leur profession puisse souffrir d’une image altérée ou fantasmée issue du cinéma, autour du « bodyguard » armé, bien loin des savoir-faire français de la protection rapprochée.

La protection rapprochée, qui constitue encore un marché de niche, rencontre des difficultés pour se développer, en raison, d’après ses représentants, de délais administratifs importants pour l’acquisition des permis de port d’armes auprès de l’administration. Vos Rapporteurs, s’ils sont attachés à la sécurité qu’offrent les procédures administratives afférentes à ce type d’autorisations, souhaitent néanmoins qu’un travail d’évaluation soit mis en œuvre pour identifier et lever, le cas échéant, les lenteurs administratives qui seraient identifiés.

Ce secteur professionnel doit pouvoir en effet se développer dans de bonnes conditions, afin d’offrir des options nationales pour les acheteurs, qui semblent tenter de recourir à des entreprises étrangères spécialisées dans ce domaine, faute d’offre française considérée comme suffisamment réactive et satisfaisante.

4.   La sécurité électronique

Les activités de sécurité électronique, dont le périmètre recouvre notamment la télésurveillance et l’installation de systèmes électroniques, constituent le segment le plus dynamique du marché de la sécurité privée.

Selon les données de l’enquête de branche 2020, on comptait, en 2019, environ 800 entreprises exerçant une activité de télésurveillance et 700 entreprises intervenant en faveur de l’installation de systèmes électroniques, pour des chiffres d’affaires respectifs de 1,045 milliards d’euros et de 130 millions d’euros. La croissance de l’activité a été particulièrement importante dans la télésurveillance (+ 8,5 % de chiffre d’affaires entre 2018 et 2019).

La nature de ces activités et les gains de productivité technologiques expliquent la bonne santé de ce sous-secteur. Lors de leur audition, les représentants du groupement professionnel des métiers de la sécurité électronique (GPMSE), ont ainsi indiqué à vos Rapporteurs que le secteur était « en bonne santé », et « beaucoup moins concerné par la problématique du prix que les activités classiques de surveillance humaine ».

La préoccupation principale des entreprises de ce secteur est de mieux structurer les dispositifs de formation et de travailler à une meilleure pénétration des systèmes électroniques, dans un pays où « la culture de la sécurité est beaucoup moins développée, par exemple, que dans les pays anglo-saxons » ([6]) . Face à une dynamique de globalisation du marché, c’est-à-dire de rapprochement entre activités de surveillance humaine et de télésurveillance par le biais de la technologie, ces acteurs entendent se positionner sur un certain nombre de nouveaux segments, dans une approche élargie de la sécurité électronique (IoT, cyber-sécurité etc.).

5.   Le transport de fonds et de valeurs

Le secteur économique des transports de fonds et valeurs comprend un peu plus de 8000 salariés pour un chiffre d’affaires global estimé à 1 milliard d’euros environ, d’après les éléments fournis à la mission d’information par les deux organismes représentatifs de ces métiers que sont la fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (FEDESFI) ([7])  et l’union des entreprises de sécurité privée « Valeurs » (USP-Valeurs) ([8]).

Ce marché repose sur trois branches que sont la logistique fiduciaire (transport de fonds ; traitement des espèces ; gestion et maintenance d’automates de retrait et de dépôt), la logistique sécurisée (transport et stockage de bijoux, métaux précieux, semi-valeurs, produits sensibles ; import/export tous types de valeurs) et enfin la fourniture, l’installation, la maintenance d’automates de retraits et de dépôt d’espèces.

Les auditions menées par vos Rapporteurs font apparaître que ce marché est en stagnation en raison de difficultés spécifiques tenant notamment au recul du cash dans un contexte d’optimisation et de recherche d’économies menées par le secteur bancaire. Celles-ci ont conduit à la disparition, au fil des années, d’un certain nombre acteurs, au profit de l’installation d’une forme de duopole entre deux groupes internationaux que sont les groupes Loomis et Brinks.

Cette dynamique duopolistique a été favorisée par le coût d’entrée important de ce marché, en raison du prix des actifs à mobiliser dans ce cadre (achat de fourgons blindés, de coffres-forts, etc.). Ses acteurs tentent désormais de développer des activités à plus forte valeur ajoutée pour reconstituer leurs marges et trouver de nouveaux relais de croissance (solutions de gestion des encaissements, infogérance complète de parc d’automates bancaires, création de réseaux indépendants de distribution du cash etc.).

En termes d’emplois, le turnover au sein de la sécurité fiduciaire est particulièrement faible (4 % des effectifs, départs à la retraite compris), ce qui constitue une spécificité par rapport aux activités précédemment évoquées. Le niveau de qualification et de rémunération des personnels y est plus élevé en moyenne que sur les autres segments de marché (rémunération brute moyenne supérieure à 2 000 euros pour les employés, avantages sociaux).

Les auditions menées dans le cadre de la mission font apparaître une véritable inquiétude vis-à-vis de la situation actuelle de cette filière économique, dont le modèle économique est remis en question par des évolutions structurelles, et qui rencontre des difficultés à s’adapter en raison d’une réglementation contraignante, qui est notamment liée, historiquement, au caractère « armé » de cette activité de sécurité privée. Les acteurs auditionnés ont ainsi indiqué à vos Rapporteurs qu’à terme, la faible rentabilité du marché pourrait conduire au retrait de ses derniers acteurs, et, en conséquence, « à l’arrêt de services sur certains territoires où la faible densité des besoins ne permettra plus de maintenir des services aux prix actuels du marché ».

6.   Les activités de recherches privées

Le marché des recherches privées, c’est-à-dire l’ensemble des activités de recherche d’information, recouvre, d’après les chiffres fournis par le SNARP, environ 850 agents pour un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros environ.

Cette activité, très spécifique, a connu une progressive réduction de ses effectifs (plus de 3 000 agents, avant la création du CNAPS). Son nombre d’agents est probablement, en réalité, supérieur au millier dans la mesure où il convient d’y adjoindre un certain nombre d’acteurs pratiquant, par exemple, la recherche de débiteurs en masse pour des impayés, ou des activités plus spécifiques (généalogistes par exemple).

Vos Rapporteurs notent qu’il existe peu de statistiques sur ce marché de niche, à l’exception de celles liées au travail de régulation du CNAPS. Les niveaux de rémunération y apparaissent variables en fonction des années et des clients, mais relativement faibles (entre 500 et 2 000 euros par mois). Cette activité reste relativement marginale dans ses relations avec les institutions publiques, contrairement à ce qui peut exister dans d’autres pays (États-Unis, par exemple).

7.   La sûreté aérienne et aéroportuaire

Le marché de la sûreté aérienne et aéroportuaire représentait un chiffre d’affaires de 475 millions d’euros en 2019 pour une vingtaine d’entreprises présentes en son sein. Il est assez concentré puisque les dix principaux aéroports et entreprises de sécurité privé représentent, respectivement, 75 % et plus de 80 % du marché.

On dénombre environ 10 000 collaborateurs au sein de ce secteur d’activité.

La sûreté aéroportuaire présente évidemment un certain nombre de spécificités au regard de sa nature sensible, qui la distinguent fortement des autres activités de sécurité privée :

 un niveau de réglementation très élevé, sous la « tutelle » des ministères de l’intérieur (CNAPS) et des transports (DGAC), pour des raisons évidentes de sécurité (lutte contre le terrorisme) ;

 des niveaux de rémunération moyen plus élevés que dans la surveillance humaine. Un agent de sécurité étant payé, en moyenne, entre 35 et 40 % au-dessus du SMIC, ce qui correspond aussi à des formations régulières pour « rester au niveau », (notamment dans l’usage des équipements nécessaires à l’inspection-filtrage des passagers) ;

 des contrats d’une taille importante, qui se répartissent, grosso modo, entre des marchés avec une obligation de moyens (paiement à l’heure d’un nombre donné d’agents de sécurité – avec une forte variabilité horaire dans les commandes), et d’autres avec une obligation de résultats (inspection des passagers et bagages de cabines) ;

 un financement assis sur une taxe spécifique, la taxe sûreté-sécurité-environnement, collectée sur les billets d’avion vendus.

Ce marché connaît un taux de croissance de l’ordre de 3 à 4 % par an en moyenne sur les cinq dernières années. Son chiffre d’affaires de l’année 2020 est évidemment en net recul (de - 50 à - 60 %) en raison du puissant impact de la crise sanitaire sur le secteur de l’aérien (infra). Le faible trafic aérien impacte évidemment directement les recettes générées par la taxe évoquée ci-dessus.

L’actualité de cette filière indispensable est donc marquée par plusieurs inquiétudes que vos Rapporteurs partagent, en ce qui concerne :

 la capacité de ces acteurs à faire face aux conséquences de la crise sanitaire, ce qui plaide en faveur d’un maintien des mesures économiques d’urgence mises en place par le Gouvernement, voire d’un plan de soutien complémentaire (infra) ;

 une politique de rationalisation croissante des coûts de sécurité des aéroports, qui doit ménager un juste équilibre entre ses différentes composantes, qui sont au nombre de trois sur les prestations : la sécurité, la fluidité et enfin la qualité de service. Sur ce point, vos Rapporteurs saluent la création d’un groupe de travail impliquant l’ensemble des acteurs et consacré à cette question, dont les travaux devraient débuter avant l’été ;

 l’adaptation des pratiques de sûreté aéroportuaire et aérienne aux nouvelles technologies. Il est donc souhaitable que les investissements dans ce domaine se poursuivent, en dépit des difficultés actuelles que peuvent connaître les acteurs de l’aérien, ce qui sera difficilement possible sans un soutien de l’État pour amortir les difficultés passées, d’une part, et l’évolution des pratiques des consommateurs qui feront suite à la crise sanitaire, d’autre part.

Ces trois éléments doivent constituer des points de vigilance pour les pouvoirs publics, de sorte à ce que l’activité aéroportuaire puisse reprendre dans de bonnes conditions et aussi rapidement que possible, et que nous évitions qu’un « retard technologique » viennent affecter, plutôt à moyen terme, les pratiques de sécurité dans les aéroports.

III.   La crise sanitaire : des impacts inégaux – des attentes fortes des professionnels qui doivent être entendues

L’impact de la crise sanitaire sur la filière « sécurité privée » a été inégal en fonction des segments concernés. Si les activités de surveillance et de télésurveillance ont subi des pertes modérées, la sûreté aéroportuaire et la sécurité événementielle ont été évidemment particulièrement touchées.

Au-delà des mesures économiques d’urgence, dont ces entreprises ont pu bénéficier, et de l’action proactive des branches professionnelles concernées pour assurer le fonctionnement le plus nominal possible des modèles économiques concernés, vos Rapporteurs ont noté l’existence d’un sentiment d’abandon, ou du moins d’insuffisante reconnaissance du rôle de ces métiers pendant la crise, et l’absence de mesure spécifique destinée à cette filière en maturation au sein du plan de relance.

A.   Un impact négatif certain mais inégalement distribué

1.   Un impact globalement négatif sur les activités de la filière « sécurité privée »

Les échanges conduits par la mission font apparaître un impact négatif certain à l’échelle de l’ensemble de la filière.

Les données rassemblées au sein de l’enquête de branche 2020 anticipaient ainsi une baisse globale de chiffre d’affaires de 6 % pour 2020, sans intégrer l’impact du second confinement des mois de novembre et décembre 2020.

Les éléments récents communiqués à la mission indiquent que 70 % des entreprises déclarent avoir connu une baisse de chiffre d’affaires en 2020, et 50 % déclarent que cette perte a dépassé 15 %. Près des deux tiers des entreprises estiment, en outre, que leur chiffre d’affaires 2021 restera inférieur à son niveau de 2019.

La distribution de cet impact apparait plus éclatée. À l’issue du premier confinement, par exemple, 42 % des professionnels interrogés avaient vu leur activité baisser (en particulier, la sécurité événementielle et les commerces non alimentaires), 45 % étaient parvenus à maintenir leur chiffre d’affaires et 13 % avaient même connu une hausse d’activité (demandes supplémentaires dans la distribution alimentaire, les établissements de santé, les EHPAD et certains sites tertiaires, industriels et logistiques). Cela traduit bien toute la diversité des activités de sécurité privée, qui reposent parfois sur des réalités différentes et sont donc plus ou moins sujettes à subir les conséquences économiques de la crise sanitaire.

Face à la crise, les entreprises de sécurité privée ont adapté leurs stratégies et leurs comportements. D’après une étude ([9])  menée par l’opérateur de compétences AKTO, plus d’une entreprise de sécurité privée sur deux a ainsi mis en œuvre des stratégies de diversification horizontale (développement du portefeuille client) et verticale (renouvellement de son offre pour tenter de s’adapter aux contraintes). Une grande partie d’entre elles ont également veillé à rationaliser leurs coûts en diminuant leurs investissements ([10]) et en réduisant leurs contrats de sous-traitance ou leurs actifs immobiliers (abandon de locaux).

Les effectifs de la branche ont par ailleurs reculé de 3 % entre le T1 2020 et le T3 2020.

2.   Deux secteurs particulièrement touchés : la sécurité événementielle et la sûreté aérienne et aéroportuaire

Ces deux segments ont été plus fortement touchés par la crise sanitaire pour des raisons structurelles.

a.   La sécurité événementielle

L’interdiction des rassemblements et l’annulation consécutives des événements importants d’ordre culturel et sportif ont mis un coup d’arrêt quasi immédiat aux activités de sécurité événementielle. Dans un communiqué en date du 6 mai 2020, les entreprises membres de l’organisation des professionnels de la sécurité événementielle (OPSE) indiquaient ainsi avoir enregistré, en moyenne, « une perte de 90 % de leur activité » et estimaient « que leur chiffre d’affaires sur l’exercice 2020 sera en baisse de 65 % dans l’hypothèse optimiste d’une reprise partielle des rassemblements à partir de septembre ». Seules 42 % de ces entreprises « comptant l’événementiel parmi leurs principaux clients envisageaient un retour à leur chiffre d’affaires avant crise en 2022 » d’après les données de l’enquête AKTO déjà évoquée.

Cette situation apparaît à vos Rapporteurs particulièrement préoccupante, alors que cette filière sera fortement mobilisée pour la sécurité des événements sportifs en 2023 et 2024 et que des déperditions d’effectifs ont déjà eu lieu.

b.   La sûreté aérienne et aéroportuaire

La réduction forte du trafic aérien a évidemment sensiblement impacté l’ensemble des acteurs de l’écosystème aéroportuaire, dont les entreprises de sûreté aérienne et aéroportuaire font partie.

Les chiffres communiqués par le GES Sécurité privée lors de son audition font état d’une réduction de l’activité de l’ordre de – 60 % pour l’année 2020. Sur les seuls mois d’avril et de mai, la contraction de l’activité de sûreté aéroportuaire a été de 90 % selon les chiffres du syndicat des entreprises de sûreté aérienne et aéroportuaire (SESA). Les acteurs du secteur espèrent une reprise du trafic au cours de l’été mais anticipent un retour de l’activité à son niveau d’avant-crise entre 2024 et 2027 (selon les scénarios envisagés).

B.   Des mesures d’urgence économiques néanmoins globalement saluées par les acteurs.

Force est de constater, au regard des auditions menées, que la plupart des acteurs entendus saluent les mesures économiques mises en œuvre, ce qui n’exclut pas quelques critiques sur leur accessibilité et leur adéquation avec les attentes des acteurs du secteur.

Dans une perspective globale, il apparaît que les entreprises de la sécurité privée ont utilisé les mesures mises à leur disposition, en particulier en ce qui concerne le chômage partiel (65 % des entreprises de la filière) et les prêts garantis par l’État (43 %, mais 60 % des entreprises de plus de 10 salariés). Ces entreprises ont aussi sollicité des demandes de report ou d’exonération de cotisations sociales pour un peu moins d’un tiers d’entre elles, et eu recours aux aides au recrutement et au Fonds de solidarité ([11])  dans des proportions relativement similaires ([12]). L’activité partielle de longue durée (APLD) n’a été mobilisée que par 9 % des entreprises.

Le facteur « taille » a été fortement différenciant dans la capacité et/ou le souhait de ces dernières de recourir aux mesures d’urgence. Ainsi, comme le relève cette enquête « pourtant particulièrement exposées aux conséquences de la crise, les entreprises de moins de 50 salariés ont eu moins recours aux dispositifs de soutien de l’État, […]. Elles sont néanmoins plus nombreuses à avoir fait part de leur recours ou de leur intention de recourir au dispositif d’APLD », ce qui pourrait traduire des difficultés d’accès à l’information et des réticences, le cas échéant, à s’emparer de certains dispositifs.

Face à ces éléments de bilan, vos Rapporteurs souhaitent saluer la mobilisation des pouvoirs publics pour soutenir les acteurs de cette filière économique. Ils insistent sur l’impératif de prolongation de ces aides dans la situation actuelle, en particulier pour les secteurs de la sûreté aéroportuaire et de la sécurité événementielle, pour éviter des conséquences négatives fortes à moyen-terme. Il existe en effet un vrai risque de pertes de compétences et d’emplois dans ces deux secteurs, ce qui serait problématique pour envisager un retour à la normale le plus rapide possible. Par ailleurs, nombre de ces entreprises comptent encore sur ces dispositifs pour continuer d’amortir leurs pertes.

Dans la continuité des annonces qui ont été faites par Mme Elisabeth Borne, ministre du travail, devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 7 mai dernier concernant l’activité partielle ([13]) (augmentation progressivement du RAC pour les secteurs protégés), et M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance le 10 mai dernier sur le Fonds de solidarité ([14]) , il est important de ne pas s’interdire d’assouplir cet échéancier en cas de besoins persistants des entreprises concernées, en particulier dans les secteurs les plus touchés.

Proposition n° 1 : Prolonger la mise en œuvre des aides économiques d’urgence à la disposition des entreprises de sécurité privée, en particulier dans les secteurs les plus touchés que sont la sûreté aérienne et aéroportuaire et la sécurité événementielle.

C.   Une FAIBLE PRISE EN COMPTE dans le cadre du plan de relance

Les échanges menés par vos Rapporteurs font apparaître, enfin, un sentiment de faible prise en considération des activités de sécurité privée par les pouvoirs publics, en dépit de la forte mobilisation de ces acteurs pendant la crise (surveillance de bâtiments, sécurisation des magasins etc.), au même titre que nombre de professions essentielles.

Force est de constater la moindre exposition médiatique de cette profession qui procède, certes, de sa discrétion légitime, mais aussi probablement, d’une insuffisante reconnaissance de l’utilité et de la valeur ajoutée qu’elle apporte au quotidien.

À ce titre, vos Rapporteurs souhaitent donc saluer la mobilisation des acteurs de la sécurité privée pendant la crise sanitaire.

Ils constatent également la relative absence de mesures spécifiques à la filière « sécurité privée » au sein de la politique de  relance, ce qui signifie pas que ces entreprises ne bénéficieront pas de la dynamique engagée par ailleurs ([15]). Ils souhaitent néanmoins, que le Gouvernement identifie la sécurité privée comme une filière d’avenir, nécessitant un appui particulier pour monter en gamme et gagner en compétitivité, ce qui pourrait passer par des mesures dédiées, discutées avec les acteurs concernés.


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   SECONDE PARTIE : LES SOLUTIONS

Les récentes évolutions législatives consécutives à l’adoption, par le Parlement, de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés devraient permettre au marché de la sécurité privée de gagner en maturité grâce à une meilleure régulation administrative de ses acteurs.

Vos Rapporteurs formulent à l’appui de leurs constats quinze propositions complémentaires, qui viennent adresser ces enjeux, dans une approche « économique » des activités de sécurité privée conformément à l’objet de leur mission.

Ces propositions sont regroupées autour de quatre objectifs :

 Renforcer nos outils de connaissance et de compréhension du marché de la sécurité privée afin d’améliorer la qualité de sa régulation ;

 Lever les difficultés que rencontrent certains acteurs en adaptant, quand cela est nécessaire, la réglementation des activités de sécurité privée ;

 Encourager la « filière des services de sécurité privée » à se structurer en vue des événements sportifs et culturels internationaux à venir ;

 Soutenir dans la durée les acteurs de la sécurité privée face aux conséquences de la crise sanitaire.

Les propositions concernant la prolongation des mesures économiques d’urgence et la prise en compte de cette filière au sein du plan de relance étant traitées dans la partie « constats », cette partie s’attachera à décrire les mesures afférentes aux trois premiers objectifs cités ci-dessus.

Proposition n° 1 : Prolonger la mise en œuvre des aides économiques d’urgence à la disposition des entreprises de sécurité privée, en particulier dans les secteurs les plus touchés que sont la sûreté aérienne et aéroportuaire et la sécurité événementielle.

I.   Se doter d’outils robustes de suivi du marché de la sécurité privée

1.   Renforcer la coordination entre l’action des acteurs publics suivant ce secteur d’activité

Le marché de la sécurité privée comprend une grande diversité d’activités économiques dont les fondamentaux peuvent être très différents. Il est, en conséquence, indispensable de disposer d’un appareil statistique performant, afin de pouvoir créer un consensus sur l’état du marché, ses évolutions, et les mesures à mettre en œuvre, le cas échéant, pour réduire certaines de ses difficultés structurelles.

Les travaux menés par vos Rapporteurs font apparaître une réelle difficulté à disposer de chiffres consolidés et consensuels sur ce sujet. Les données fournies par le ministère de l’économie, des finances, et de la relance, par les fédérations professionnelles, et, enfin, par le CNAPS, reposent souvent sur des bases et des périmètres différents qu’il n’est pas toujours aisé de concilier. Certains acteurs auditionnés par la présente mission ont d’ailleurs confirmé cette « sensation de vertige » lorsqu’il s’agit de disposer de données consensuelles qui puissent servir de base pour évaluer des mesures mises en œuvre.

 De surcroît, vos Rapporteurs relèvent que « l’Observatoire économique de la sécurité privée », tel que présenté sur le site du ministère de l’intérieur dans la section consacrée à la délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité (DPSIS ([16])), recense des études ponctuelles parfois datées sans fournir d’éléments actualisés de suivi des évolutions économiques de ce marché. Ils en comprennent, certes, l’une des raisons : le ministère de l’intérieur se positionne comme un acteur de régulation administrative de la sécurité privée, à travers l’action du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), mais non en tant que « régulateur économique » de ce marché. Il n’en demeure pas moins que ces données sont essentielles pour permettre aux pouvoirs publics de comprendre les dynamiques à l’œuvre en son sein et d’adapter leur réglementation le cas échéant.

Vos Rapporteurs sont aussi conscients qu’un certain nombre d’acteurs peuvent être enclins à considérer, également, que la « sécurité privée » relève exclusivement du ministère de l’intérieur, ce qui ne facilite pas un suivi opérationnel efficace de cette filière importante pour l’économie française.

Dans ces conditions, il apparaît utile d’inviter les pouvoirs publics à renforcer la coordination des actions de suivi de la filière « sécurité privée » mises en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la relance et le ministère de l’intérieur.

Proposition n° 2 : Renforcer le suivi économique des activités de sécurité privée en assurant une réelle articulation entre les mesures de régulation administrative et le suivi économique de ce marché.

2.   Créer un véritable observatoire économique de la sécurité privée

Vos Rapporteurs ont également noté que la question d’un Observatoire de la sécurité privée s’était posée dans le cadre des débats de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, sans être retenue dans la version du texte adoptée par la commission mixte paritaire.

Ils souhaitent revenir sur cette proposition, en en faisant toutefois évoluer le contenu. La création d’un Observatoire économique de la sécurité privée, dans une perspective de suivi du marché, leur semble pertinente, puisqu’elle apporterait un complément d’informations aux décideurs publics sur l’état de ce secteur d’activités. À l’heure actuelle, le CNAPS ne dispose que d’une visibilité réduite sur des éléments pourtant clefs que sont, par exemple, les effectifs du marché à un instant t. Un peu plus de 300 000 cartes professionnelles sont ainsi en cours de validité au 30 avril 2021, ce qui ne saurait signifier que la France dispose d’un stock d’agents de sécurité équivalent. Il n’est en effet pas dans le rôle du CNAPS de savoir si le détenteur de la carte pratique effectivement l’activité concernée ou a choisi de se réorienter professionnellement, par exemple.

Données actualisées sur le nombre de cartes professionnelles
en cours de validité (au 30 avril 2021)

Nombre total de cartes en cours de validité

 304 314

 

Nombre total de cartes en cours de validité

 273 429

89,90 %

Agents de télésurveillance

 7 778

2,60 %

Opérateurs de vidéoprotection

 16 551

5,40 %

Agent cynophile

 8 227

2,70 %

Agents de protection physique des personnes

 18 706

6,10 %

Agents de sûreté aéroportuaire

 32 149

10,60 %

Agent de recherches privées

 4 857

1,60  %

Transport de fonds – convoyeur de fonds et de valeurs

 23 056

7,60 %

Transport de fonds – Agents de gestion et de maintenances des IAB

 13 296

4,40 %

Transport de fonds – Opérateurs de traitement de valeurs

 7 691

2,50 %

Surveillance grands événements

 106

0,03 %

Source : CNAPS

Vos Rapporteurs souhaitent donc porter une proposition forte en plaidant pour la création d’un Observatoire économique de la sécurité privée associant les pouvoirs publics et les professionnels de ce secteur.

Proposition n° 3 : Créer un Observatoire économique de la sécurité privée, qui aurait pour mission de fournir des données et analyses statistiques régulières sur l’actualité de ce marché.

Les auditions menées indiquent qu’il existe un débat sur la forme que pourrait prendre cette instance. Son rattachement au CNAPS semble susciter certaines réserves quant au rôle actuel de cet acteur de régulation administrative. Il nécessiterait indiscutablement une évolution de ses missions qui n’incluent pas à l’heure actuelle le suivi économique de ce marché. Il n’en demeure pas moins que cet acteur offre un espace d’échange entre les principaux acteurs concernés au sein de son conseil d’administration, ce qui n’est pas inintéressant dans la perspective de ne pas créer une nouvelle entité ex nihilo.

En tout état de cause, la forme de cet observatoire et son rattachement devraient impérativement faire l’objet d’échanges entre acteurs publics et privés afin de permettre de trouver un modus operandi consensuel. Il est essentiel de sortir du modèle actuel de suivi du marché tel qu’il existe du côté des pouvoirs publics, et qui procède par études ponctuelles sollicitées auprès de l’INSEE notamment. La création d’un groupe de travail spécifique sur cette question, incluant les fédérations professionnelles et les administrations publiques compétentes, pourrait être une première étape utile.

3.   Doter certaines professions spécifiques d’un code APE pour affiner leur suivi économique

Un dialogue doit également s’engager avec l’INSEE pour envisager l’attribution de codes APE en faveur de certaines professions de sécurité privée qui en font la demande récurrente, afin d’améliorer leur suivi économique.

Proposition n° 4 : Engager une réflexion sur la création de nouveaux codes APE concernant certaines professions de la sécurité intérieure, comme celles de la sécurité événementielle ou de la protection rapprochée.

Les acteurs auditionnés ont en effet indiqué à vos Rapporteurs que l’absence de reconnaissance statistique de certains segments du marché avait des conséquences concrètes. Lors de la crise sanitaire, par exemple, ces professions ont disposé d’une visibilité moindre et les mesures économiques d’urgence dont elles ont pu bénéficier étaient d’abord adaptées pour les activités au sein desquelles elles étaient « fondues », au détriment de la prise en compte de certaines de leurs spécificités.

II.   Réguler efficacement l’exercice des activités de sécurité privée - soutenir le développement d’une filière dédiée

1.   Renforcer les moyens humains du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS)

L’efficacité de la régulation administrative du secteur de la sécurité privée a fait l’objet d’un nombre important de travaux et de débats, en particulier lors du vote de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

Vos Rapporteurs souhaitent indiquer, d’abord, qu’ils souscrivent aux mesures adoptées dans ce cadre concernant notamment une réforme du CNAPS par ordonnance et l’autorisation accordée à ses agents de constater par procès-verbal transmis au procureur de la République les infractions prévues au livre VI de la sécurité intérieure lors de leurs opérations de contrôle ([17]).

Force est de constater, au regard des échanges menés, qu’il existe une vraie demande de régulation et de contrôle, qui doit se traduire dans les faits. C’est le cas, en particulier, au sein de professions plus confidentielles, comme les agents de recherches privées par exemple, qui peuvent parfois souffrir de la persistance des méthodes peu orthodoxes de certains acteurs. C’est aussi le cas dans la surveillance humaine en tant que tel, puisque, si le CNAPS n’est pas conçu comme un régulateur économique, évidemment, l’absence de respect des règles du livre VI peut constituer pour ces acteurs une forme de concurrence déloyale qui tire aussi les prix vers le bas (infra).

La Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2018 avait pointé un certain nombre de dysfonctionnements, ce qui a eu le mérite de faire avancer le débat et de permettre les évolutions évoquées ci-dessus.

Il n’en demeure pas moins que la question des moyens affectés au CNAPS doit être pleinement posée, en particulier concernant son nombre de contrôleurs, qui reste faible (55), dans un contexte d’accroissement probable de ses missions ([18])  et de forte attente de résultats. En 2019, les contrôleurs du CNAPS ont clos 1 733 dossiers de contrôle et 1 687 sanctions ont été prononcées par les commissions locales d’agrément et de contrôle (CLAC) ([19]).

Le projet de loi de finances pour 2022 offrira un cadre utile sur cette question. Le CNAPS est en effet financé par une subvention du budget de l’État inscrite sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Proposition n° 5 : Renforcer les moyens humains du CNAPS dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 afin d’amplifier sa politique de contrôle des acteurs de la sécurité privée.

2.   Promouvoir une commande publique responsable et qualitative

Les marchés publics représentent près du tiers du chiffre d’affaires du marché de la sécurité privée, ce qui indique que les acteurs publics disposent d’un effet de levier important sur ce marché via leurs pratiques d’achat de prestations de sécurité privée.

D’après les estimations fournies par le GES sécurité privée à la mission d’information, l’achat public représenterait 26 % du marché, soit 2,2 milliards d’euros répartis entre les collectivités territoriales (800 millions d’euros), les administrations centrales et décentralisées (783 millions d’euros) et enfin les établissements publics et hospitaliers (609 millions d’euros) ([20]).

Les échanges menés par la mission avec l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) et le club des directeurs de sûreté et de sécurité (CDSE) font apparaître qu’il existe des marges de progrès pour mieux conseiller les acheteurs publics sur ce type de prestations très spécifiques et qui nécessitent un vrai savoir-faire. Il est essentiel que les acteurs publics, dans le respect du code de la commande publique, intègrent pleinement l’enjeu de qualité des prestations en évitant d’aller systématiquement au moins-disant tarifaire, ce qui participe à tirer les prix de ce marché vers le bas. La puissance publique, entendue au sens large, doit se comporter en donneur d’ordre exemplaire, ce qui n’est envisageable que si les acteurs ont à leur disposition des référentiels leur permettant d’évaluer efficacement la qualité de la prestation proposée.

Proposition n° 6 : Travailler à la définition de référentiels d’achat des prestations de sécurité pour inciter les acteurs publics à mieux intégrer l’enjeu de la qualité en matière de commande publique.

Proposition n° 7 : Améliorer l’information et le conseil des acheteurs publics de prestations de sécurité passant par la plateforme de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP).

3.   Lutter contre la sous-traitance et continuer de travailler à une garantie financière pour les entreprises de sécurité privée

Au-delà du rôle de régulation administrative du CNAPS, des mesures de régulation économique apparaissaient utiles pour permettre au marché de gagner en maturité en particulier dans le domaine de la surveillance humaine.

Vos Rapporteurs soutiennent évidemment les dispositions prévues en ce sens par la loi pour une sécurité globale préservant les libertés concernant notamment l’interdiction de la sous-traitance au-delà de deux rangs. Ils souhaitent insister, à ce sujet, sur la nécessité d’assurer un contrôle effectif du respect de cette nouvelle obligation au moment de son entrée en vigueur.

Vos Rapporteurs regrettent en revanche que l’idée de mettre en place une garantie financière n’ait finalement pas été retenue, alors qu’elle était mentionnée au sein du rapport rendu par les députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Ils comprennent tout à fait les raisons de ce choix, à savoir le contexte économique actuel, mais souhaitent réaffirmer néanmoins la nécessité de ne pas écarter cette perspective à moyen-terme, si les mesures initialement mises en œuvre ne portent pas leurs fruits.

Proposition n° 8 : Poursuivre la réflexion engagée vis-à-vis de la mise en place d’une garantie financière pour les entreprises de sécurité privée.


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4.   Faire évoluer le cadre juridique des activités de sécurité privée pour l’adapter aux circonstances actuelles

Les auditions menées font apparaître qu’il existe un certain nombre de demandes d’évolutions du cadre réglementaire encadrant l’exercice des différentes professions de la sécurité privée, qui pourraient intervenir utilement.

Vos Rapporteurs souhaitent partager, dans le cadre de leur mission d’information, ces éléments avec les pouvoirs publics, pour qu’une suite adaptée leur soit donnée. Ces demandes concernent notamment :

 l’actualisation du cadre réglementaire de la sécurité fiduciaire, qui repose sur certains référentiels datés en décalage avec les conditions actuelles d’exercice de cette activité ([21])  ;

 l’intégration d’un certain nombre de professions au sein du livre VI du code de la sécurité intérieure, dont la sécurité-incendie, les activités de conception, maintenance de dispositifs électroniques, et enfin les activités de conseil en sûreté et d’intelligence économique. Sur ces points, vos Rapporteurs ont conscience qu’un rapport a été demandé au Gouvernement par le Parlement ([22]). Ils seront évidemment attentifs à sa publication dans les délais indiqués ;

 les attentes de certains acteurs de la protection rapprochée quant au délai d’octroi d’un permis d’un port d’arme. D’après ces acteurs, ces délais seraient de l’ordre de 6 mois, ce qui les conduirait à « perdre des marchés » face à des entreprises étrangères. Si la réalisation des vérifications de sécurité nécessaires est évidemment indispensable, il semble utile de vérifier qu’il n’existe pas de gains d’efficience envisageable, en particulier en matière de procédures de renouvellement ;

 une meilleure régulation des activités de recherches privées, et une évolution, le cas échéant, de l’appellation de cette activité, qui ne contribue pas, à l’heure actuelle, à la visibilité de cette profession.

La consultation actuellement mise en œuvre, sous l’appellation « Beauvau de la sécurité », pourrait constituer un lieu de discussion pertinent pour échanger sur les problématiques spécifiques de la sécurité privée.

Proposition n° 9 : Intégrer la sécurité privée au sein des échanges du « Beauvau de la sécurité » pour travailler sur les ajustements réglementaires sollicités par les professionnels de la sécurité privée.

5.   Encourager les acteurs de la sécurité privée à se structurer en filière dédiée en vue des événements sportifs de 2023 et 2024

Le fort éclatement de la filière de la sécurité privée contraste avec l’unité des acteurs des « industries de sécurité », qui sont rassemblés au sein d’un comité stratégique de filière (CSF) et dotés d’un contrat de filière permettant de construire une vision partagée de l’évolution de leur secteur d’activité.

Vos Rapporteurs souhaitent que les activités de services de sécurité privée puissent prendre le même chemin, tout en reconnaissant les différences qui peuvent exister entre certaines de ces professions.

À l’heure actuelle, les échanges entre acteurs ont lieu au sein du CNAPS et des fédérations professionnelles. Il apparaît utile de passer à une nouvelle étape en envisageant la création d’un véritable comité de filière qui pourrait être le lieu d’élaboration d’une stratégie française de sécurité privée pour les années à venir. La dynamique de dialogue engagée depuis plusieurs années, et l’apparition d’organisations professionnelles structurant certains segments plus spécifiques (sécurité événementielle, protection rapprochée, recherches privées) constituent de d’ailleurs de premiers signaux positifs de structuration de la filière en ce sens ([23]) .

Proposition n° 10 : Renforcer les efforts de structuration d’une filière de la sécurité privée en créant une structure ad hoc d’échanges entre ces acteurs sur leurs problématiques communes.

Cette nouvelle structuration permettrait en outre de faciliter les échanges entre acteurs privés et pouvoirs publics en vue de la coupe du monde de rugby qui doit se dérouler en France en 2023 et des Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Les auditions menées par la mission indiquent, qu’à l’heure actuelle, le débat soulevé par certains acteurs de la sécurité privée concernant le risque de manque d’agents en vue ces événements n’est pas tranché, faut de données. C’est pour cette raison, et afin d’anticiper l’enjeu de sécurité de ces événements internationaux, que vos Rapporteurs soutiennent l’idée de la création d’une task-force « sécurité » chargée de ce sujet, afin de s’assurer que les forces de sécurité privée seront mobilisées de la façon la plus efficiente possible.

Proposition n° 11 : Organiser une task-force « sécurité » chargée d’anticiper la sécurisation complexe des événements majeurs que sont, en 2023, la coupe du monde de rugby et, en 2024, les Jeux Olympiques de Paris.

Un véritable travail reste à mener sur ce point, en liaison avec le comité des Jeux Olympiques de Paris, et alors que les acteurs de la sécurité événementielle ont été durement touchés par la crise sanitaire. Le bon déroulement de ces événements internationaux, qui constituent une « vitrine » pour les secteurs professionnels mobilisés, est impératif.

III.   Développer une culture commune de la sécurité privée en France

1.   Pour un continuum de sécurité souple associant acteurs publics et privés de la sécurité

En France, l’attachement des citoyens à l’action de l’État en matière de sécurité est indéniable. Il est inscrit dans une tradition historique et juridique consacrant le monopole de la puissance publique dans cette matière.

Vos Rapporteurs considèrent que l’articulation entre l’action des acteurs publics et privés de sécurité doit néanmoins gagner en souplesse. C’est tout le sens de la notion de continuum de sécurité, qui mobilise l’ensemble de la chaîne de sécurité, de la police et de la gendarmerie au citoyen, en passant par les acteurs de la sécurité privée, évoqué dans le rapport des députés Jean Michel Fauvergue et Alice Thourot.

Dans ce cadre, vos Rapporteurs sont convaincus que les acteurs de la sécurité privée pourraient être davantage mobilisés, en particulier en cas de situation exceptionnelle, pour mener certaines missions en appui des forces de l’ordre. Pour ne citer qu’un exemple, le concours des acteurs de la sécurité rapprochée privée pourrait être pertinent pour assurer la protection d’un certain nombre de personnalités et fournir une meilleure capacité des pouvoirs publics à répondre favorablement aux demandes qui peuvent leur être adressées. Il en va de même pour certaines des missions mises en œuvre dans le cadre de la crise sanitaire par les forces de police, sur lesquelles une réflexion pourrait être utile. En situation d’urgence, il est indispensable d’être en capacité de pouvoir mobiliser les forces disponibles de façon efficace et rapide dans leurs missions respectives.

A minima, il convient de mener un travail constant de veille et d’ajustement du continuum de sécurité, pour identifier les missions qui peuvent être mises en œuvre par les acteurs privés. Vos Rapporteurs considèrent donc que le modèle actuel pourrait être utilement assoupli, tout en respectant les prérogatives de la puissance publique lorsqu’elles sont justifiées par un motif d’intérêt général. En pratique, nombre d’acteurs de la sécurité privée sont d’ailleurs d’anciens fonctionnaires de police ou de gendarmerie.

Proposition n° 12 : Définir une doctrine publique souple de recours aux forces de sécurité privée et réaliser un travail de veille pour adapter au mieux l’articulation entre acteurs publics et privés dans le cadre du continuum de sécurité.

2.   Promouvoir une culture de la sécurité chez les citoyens français

Le développement d’une véritable culture de la sécurité privée chez les Français est le corollaire de la proposition n° 12. En d’autres termes, si le recours plus souple à la sécurité privée peut contribuer à promouvoir une culture de la sécurité en France, il convient aussi de mieux reconnaître l’utilité de ces métiers dans le discours public.

Vos Rapporteurs ne peuvent que constater que la sécurité privée souffre parfois d’une image négative qui ne rend pas compte du service rendu à notre société par ses professionnels. Pendant la crise sanitaire, nombre d’entre eux ont été en première ligne sans qu’une véritable reconnaissance institutionnelle n’intervienne néanmoins.

Il est donc souhaitable qu’une juste reconnaissance soit accordée aux agents de ces professions, qui travaillent souvent dans des conditions difficiles au service de la sécurité des Français. C’est aussi dans cet esprit que le présent rapport a été élaboré.

Proposition n° 13 : Soutenir le développement d’une culture de la sécurité privée chez les citoyens, en valorisant ces activités dans le discours public.

3.   Améliorer la formation aux métiers de la sécurité privée

L’enjeu de la formation, indissociable de la « montée en gamme » du marché, fait l’objet d’une disposition spécifique au sein de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, qui est tout à fait positive ([24]) .

Dans cette perspective, vos Rapporteurs souhaitent insister sur leur souhait de voir l’apprentissage de ces métiers renforcé, en trouvant une formule permettant de garantir la qualité des formations dispensées. Il est également nécessaire de renforcer l’information des élèves vis-à-vis des métiers de la filière de la sécurité privée, qui restent encore trop méconnus. Ces deux leviers doivent permettre à des jeunes de s’orienter davantage vers ces différents métiers.

Proposition n° 14 : Renforcer l’information des élèves et étudiants sur les métiers de la sécurité privée – Faciliter le recours à l’apprentissage pour ces différents métiers.

Vos Rapporteurs soutiennent également l’idée de séparer la fonction de formation et de certification aux métiers de la sécurité privée au sein d’un même organisme, qui peut conduire à éviter des pratiques anticoncurrentielles. Force est de constater que des progrès ont été effectués ces dernières années, et qu’il convient désormais de poursuivre les efforts menés pour offrir une formation de qualité aux jeunes souhaitant investir ces différents métiers.

Proposition n° 15 : Renforcer la régulation de la formation aux métiers de la sécurité privée, en séparant les fonctions de formation et de certification de la qualification à exercer ces métiers.

Ils relèvent d’ailleurs que cette montée en gamme par une action « en amont » répondra aussi aux attentes des acheteurs publics de prestations de sécurité. Comme l’indique l’Association des maires de France (AMF) dans les échanges intervenus par écrit avec les membres de la mission si « la sécurité n’a jamais été aussi présente, visible et indispensable depuis les attentats en France », il n’en demeure pas moins que « toutes les craintes ne sont pas levées notamment par rapport au recrutement des agents de sécurité privée et au niveau des prestations fournies par ces sociétés où l’on constate une grande hétérogénéité » ([25]).

Enfin, vos Rapporteurs invitent les professionnels du secteur à poursuivre leurs efforts en faveur de l’amélioration de la qualité des formations dispensées dans leur(s) domaine(s) respectif(s) de compétence. Ils souhaitent évidemment saluer les initiatives en cours, notamment dans le domaine de la sécurité électronique.

 


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   ConClusion

Les enjeux économiques de la sécurité privée sont donc nombreux et complexes à traiter : indispensable montée en gamme des acteurs de la surveillance humaine, structuration d’une filière de sécurité privée en bonne et due forme, amélioration des conditions d’exercice de ces métiers pour renforcer leur attractivité, ou encore difficultés structurelles spécifiques sur certains segments qu’il convient de lever. L’ensemble de ces éléments plaide en faveur d’une action proactive des pouvoirs publics pour soutenir ces professionnels et assurer une régulation efficace de ces métiers.

Plus que jamais, en prévision des événements majeurs de 2023 et 2024, et afin de construire un continuum de sécurité efficace et souple, au service de nos concitoyens, il convient de reconnaître la juste valeur de ces professions et leur apport important à notre société. C’est l’objet, aussi, de ce rapport, qui propose un ensemble d’éléments chiffrés sur ces différents segments et formule des propositions dont certaines pourraient nourrir, utilement, les échanges ayant vocation à intervenir entre les pouvoirs publics et les acteurs de cette filière ces prochains mois.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour examiner le rapport de la mission d’information rapport relative au secteur économique de la sécurité privée (M. Dino Cinieri et Mme Jacqueline Macquet, rapporteurs).

La commission a autorisé la publication du rapport d’information.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/3lGNPc.

 


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   LISTE DES personnes AUDITIONNÉES

1.   Personnalités qualifiées

M. Guillaume FARDE, chercheur associé au CEVIPOF, spécialiste de l’économie de la sécurité et conseiller de la spécialité « sécurité-défense » au sein de l’école d’affaires publiques de Sciences Po.

M. Jean-Michel FAUVERGUE, député ;

Mme Alice THOUROT, députée .

2.   Administrations et acteurs publics

Délégation ministérielle aux partenariats, stratégies et innovations de sécurité (DPSIS)

M. Olivier DE MAZIÈRES, préfet, délégué

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques*

M. Thomas COUTREAUX, conseiller d’État, directeur ;

M. Eric FERRI, inspecteur de l’administration, sous-directeur des polices administratives ;

M. Nicolas ORBAN, chef de la section des activités privées de sécurité au bureau des polices administratives.

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Geoffroy CAILLOUX, sous-directeur ;

M. Maxime DEPORTE, directeur de projets ;

M. Franck JOURNO, chef de projets.

 

Mme Elisabeth KREMP, cheffe du département des synthèses sectorielles :

M. Philippe GALLOT, membre de la direction des statistiques d’entreprises

M. Cyrille MAILLET, préfet, directeur

M. Edward JOSSA, président-directeur général ;

M. Lionel FERRARIS, directeur des politiques publiques et du pilotage de l’offre .

3.   Entreprises publiques

M. Jérôme HARNOIS, directeur en charge de la sûreté et des affaires institutionnelles ;

M. Stéphane GOUAUD, directeur du département Sûreté ;

Mme Camille COCHAT, chief Transformation Officer au sein du département de la sûreté ;

M. Julien LAURENT, directeur des relations institutionnelles de la RATP.

M. Pierre MESSULAM, directeur Risques-Sécurité-Sûreté ;

M. Christophe MERLIN, directeur de la sûreté ;

Mme Laurence NION, conseillère parlementaire.

4.   Acteurs privés

a.   Fédérations professionnelles - syndicats

M. Frédéric GAUTHEY, président ;

M. Cédric PAULIN, secrétaire général.

M. Claude TARLET, président ;

M. Pierre BOUZIN, délégué général ;

M. Christophe SALMON, conseiller économique ;

M. Michel PINTEAUX, conseiller économique ;

Madame Eleanor LASOU, conseil.

M. Stéphane VOLANT, président ;

Mme Anne GIROND, directrice générale ;

M. Marc-Antoine BINDLER, (secrétaire général).

M. Jean-Christophe CHWAT, président-directeur général de VP Sitex et président du GPMSE Fédération ;

M. Luc JOUVE, président-directeur général de Sécurité Alarmes Services et président du GPMSE Installation ;

M. Patrick LANZAFAME, gérant d’A.T.I. et président du GPMSE Télésurveillance ;

Mme Béatrice DE BAGNEUX, déléguée générale du GPMSE.

M. Didier CHAUDAT, président ;

M. Patrick LAGARDE, vice-président ;

M. François DAOUST, délégué général.

M. Michel TRESCH, président-directeur général de Loomis ;

M. Jean-Marc RIVEIRA, secrétaire général d’USP Valeurs.

 

 

M. Jean-Baptiste THELOT, président ;

M. Jean-Mary PIERRE, délégué général

M. Jean-Philippe D’HALLIVILLÉE, coordinateur ;

M. Mustapha ABBASANY, président du groupe 3SG ;

M. Jean-Luc LEMARCHAND, président du groupe Stand’ UP ;

M. Christophe FEVE, président de la société de gardiennage, protection et sécurité.

M. Christophe BONAMY, directeur-Associé de SENTINEL-AICS Protection et membre du Bureau ;

M. Pierrick COLIN, gérant de Groupe 9 opérations, également membre du Bureau ;

M. Bertrand DE BUXIS, délégué.

M Régis BLANCHARD, président ;

M. Jean-Pierre DIOT vice-président.

b.   Entreprises privées

M. Luc GUILMIN, président-directeur général.

Mme Amélie LUMMAUX, directrice du développement durable et des affaires publiques ;

M. Jacques LE STANC, responsable sûreté aéroportuaire ;

Mme Mélinda SOUEF, responsable des relations avec les institutions.

 

M. Olivier ALLENDER, son directeur général ;

M. Jean Emmanuel DERNY, son président ;

5.   Autres acteurs

M. Jacques ROUJANSKI, délégué général

M. Vincent ANDRIN, président ;

M. Dominique DESCHAMPS, vice-président.

6.   LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Le transport de fonds, pour ne prendre que cet exemple, est régulé par le ministère du travail en plus du ministère de l’intérieur et du CNAPS.

(2) https://ges-securite-privee.org/le-secteur/les-metiers-de-la-securite-privee

(3) Dont 14 000 agents de prévention dans le commerce et la grande distribution, 12 000 agents en télésurveillance et vidéo-protection, 9 000 agents de sûreté aéroportuaire, et 1 000 agents cynophiles, etc.) »

[2])  INSEE, Le secteur de la sécurité, réunion plénière de la délégation aux coopérations de sécurité, 2018.

(2) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3601060?sommaire=3554439.

(3) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3601064?sommaire=3554439

(4) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3601068?sommaire=3554439

([3]) Dont 96 grandes entreprises, 118 ETI, 1817 PME et 2410 microentreprises

([4]) Contribution de la direction générale des entreprises du ministère de l’économie, des finances et de la relance.

([5]) Audition de l’Organisation des professionnels de la sécurité événementielle devant la mission d’information.

([6]) Audition du groupement professionnel des métiers de la sécurité électronique (GPMSE) devant la mission d’information.

([7]) À ce jour, la FEDESFI représente 21 adhérents cumulant près 900 millions d’euros de revenus et 5 500 employés, parmi lesquels 15 de ses membres exercent sous agrément CNAPS, employant 5 197 salariés et réalisant un chiffre d’affaire annuel de 739 millions d’euros sur le territoire national.

([8]) Cette fédération compte une dizaine d’adhérents, environ 4000 salariés, pour un chiffre d’affaires d’environ 330 M€.

([9]) AKTO, Impacts de la crise sanitaire du COVID-19 sur les besoins en emplois et en compétences pour la branche de la prévention-sécurité,2021.  

([10]) Près d’une entreprise sur deux fait part d’une réduction de ses investissements en matière R&D notamment.

([11]) Le secteur des « activités de sécurité privée » a été placée sur la liste S1bis des secteurs fortement touchés par la crise sanitaire, suite au décret n° 2020-1328 du 2 novembre 2020.

([12]) 28 % des entreprises ont eu recours à l’aide au recrutement d’un alternant, 25 % à l’aide au recrutement d’un jeune et 20 % ont eu recours au Fonds de solidarité.

([13]) Il est envisagé d’augmenter progressivement le reste à charge pour les secteurs protégés (0 % jusqu’à juin, 15 % en juillet, 25 % en août).

([14]) Il est envisagé de préserver le Fonds de solidarité avec, à partir de juin jusqu’à août, une indemnisation au prorata de la perte de chiffre d’affaires (par rapport au même mois en 2019).

([15]) Ces entreprises ont en effet bénéficié du plan directement via les dispositifs transversaux de soutien à la compétitivité (ex. soutien à l’export, numérisation des TPE/ PME et ETI, etc.) et indirectement via l’ensemble des dispositifs qui bénéficient à ses donneurs d’ordre (ex. industries, commerces, etc.) et la stratégie d’accélération cybersécurité annoncée par le Gouvernement.

([16]) La DPSIS a été créé en 2020 via la fusion de trois entités que sont la délégation ministérielle aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces (DMISC), la délégation aux coopérations de sécurité (DCS) et la mission ministérielle de normalisation.

([17]) Article 20  de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Il est prévu que la violation de demeurer à la disposition de l’agent du CNAPS concerné est punie de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

([18]) Article 38 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

([19]) Ces contrôles s’exercent dans le cadre d’une politique de ciblage mise en œuvre par le CNAPS.

([20]) GES Sécurité privée – Analyse économique de la sécurité privée, avril 2021

([21]) Ces propositions ont été rassemblées dans un document commun FEDESFI – USP Valeurs dans le cadre des échanges sur le Livre blanc de la sécurité.

([22]) Article 35 de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés

([23]) Il en va de même des efforts de structuration mis en œuvre par les acteurs de la sécurité électronique, à l’initiative notamment du groupement professionnels des métiers de la sécurité électronique (GPMSE).

([24]) Article 39 de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

([25]) Contribution écrite de l’AMF adressée à notre mission d’information.