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N° 4443

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2021.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

en conclusion des travaux de la mission d’information sur
l’emploi des travailleurs expérimentés

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

MM. Didier MARTIN et Stéphane VIRY,

 

Députés.

 

——


 

 

 

 

 

 

 

 

La mission d’information sur l’emploi des travailleurs expérimentés est composée de : Mme Valérie Six, présidente ; MM. Didier Martin et Stéphane Viry, rapporteurs.


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos de la présidente

partie liminaire : constats, méthodes et approches de la mission

I. INTRODUCTION : UN SUJET AMPLE, éVOLUTIF ET FONDAMENTAL

1. Une définition difficile, une réalité multidimensionnelle

a. Un vocabulaire à adapter pour éviter de corroborer une vision stéréotypée des travailleurs expérimentés

b. La définition d’un âge « frontière » n’est pas déterminante pour appréhender tous les enjeux de l’emploi des travailleurs expérimentés

c. La nécessité d’une vision « panoramique » des enjeux

2. L’emploi des travailleurs expérimentés : un « aller-retour » complet en quelques décennies

a. La baisse du taux d’activité des travailleurs expérimentés est le résultat d’une politique de promotion des préretraites

b. Un revirement progressif en faveur de l’activité engagé dès les années 1990

c. Ces revirements de politique publique ont conduit à la quasi-disparition d’une politique spécifique, ambitieuse et cohérente à l’égard des travailleurs expérimentés

3. Une question fondamentale dont la résolution sera déterminante pour l’avenir

a. Malgré des améliorations, un niveau d’activité qui reste moindre que dans les autres pays comparables

b. Une très grande difficulté à sortir du chômage pour les 55-64 ans

c. Une question déterminante, qui concerne l’ensemble de la société

II. Un fil rouge de la mission : la situation des travailleuses expérimentées

SECONDE PARTIE : CONTEXTE ET CONTENU DES PROPOSITIONS DE LA MISSION

I. AMÉLIORER LA FORMATION DES TRAVAILLEURS EXPÉRIMENTÉS

1. Les travailleurs expérimentés se forment-ils moins que leurs cadets ?

a. Un bilan contrasté

b. Les difficultés spécifiques rencontrées par les salariés expérimentés dans l’accès à la formation

c. La logique d’individualisation de la formation professionnelle, un atout pour les travailleurs expérimentés

2. Le faible recours aux dispositifs existants

a. La validation des acquis de l’expérience, un dispositif qui gagnerait à être simplifié

b. L’entretien professionnel, un outil encore mal exploité

3. Mieux mobiliser les outils de la formation professionnelle existants

a. Déplafonner le compte personnel de formation pour les salariés de plus de 45 ans

b. Affermir le conseil en évolution professionnelle

c. Soutenir les formes d’apprentissage en situation de travail

II. AGIR POUR LA FORMATION et L’ACCOMPAGNEMENT dES DEMANDEURS D’EMPLOI expérimentés

1. Face au risque de privation durable d’emploi, soutenir les dispositifs de reconversion professionnelle

a. Les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans sont plus exposés au risque de sous-emploi et d’emploi précaire

b. Les demandeurs d’emploi expérimentés sont plus enclins à se reconvertir professionnellement

c. Étendre le CPF de transition aux demandeurs d’emploi expérimentés

d. Soutenir l’entrepreneuriat des travailleurs expérimentés en recherche d’emploi

2. L’accompagnement spécifique des demandeurs d’emploi expérimentés doit être encouragé

a. Des initiatives locales prometteuses

b. Pôle emploi et les travailleurs expérimentés : l’abandon progressif d’une stratégie nationale spécifique

c. Généraliser une offre spécifique sur le territoire du réseau Pôle Emploi en faveur des travailleurs expérimentés

d. Mieux faire connaître le contrat de professionnalisation, qui souffre d’un déficit de notoriété

III. TRAVAILLER DANS DE MEILLEURES CONDITIONS POUR TRAVAILLER PLUS LONGTEMPS : PRéVENIR LA DéSINSERTION ET L’USURE PROFESSIONNELLEs

1. Les travailleurs en fin de carrière sont plus exposés au risque de désinsertion et d’usure professionnelle

a. La désinsertion : les travailleurs expérimentés sont plus souvent en arrêt

b. L’usure professionnelle : l’impact des contraintes sur l’emploi des travailleurs expérimentés

2. Promouvoir et étendre le bénéfice du compte personnel de prévention

3. Faire de l’entretien de mi-carrière une étape dans la prévention de l’usure professionnelle

a. L’expérience du « parcours longévité » de l’Institut Pasteur de Lille

b. Articuler l’entretien de mi-carrière avec l’entretien professionnel

IV. RÉTABLIR UNE OBLIGATION DE NéGOCIER SUR L’EMPLOI ET L’EMPLOYABILITÉ DES travailleurs expérimentÉs

1. L’origine de la suppression

2. Faire de l’employabilité des travailleurs âgés un thème non optionnel des accords de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences

V. DÉVELOPPER LES ÉCHANGES INTERGÉNÉRATIONNELS

1. Valoriser les pratiques de ressources humaines inclusives

a. Le mentorat, vecteur de transmission de savoirs

b. Le tutorat inversé, une opportunité de prévenir l’obsolescence des compétences

c. Identifier les entreprises engagées dans l’inclusion des travailleurs expérimentés

2. Réinventer le contrat de génération

a. Le dispositif introduit en 2013

b. Les raisons de sa suppression

c. L’opportunité d’une négociation interprofessionnelle sur la recréation d’un nouveau contrat fondé sur une réelle transmission des savoirs et des compétences

VI. PRIVILÉGIER LES CONTRATS EXISTANTS À LA CRÉATION D’UN NOUVEAU « CONTRAT SENIOR »

1. La portée limitée des dispositifs existants

a. Le faible recours au CDD senior

b. Le public restreint du CDI inclusion

2. Lever les freins au recours à l’intérim

a. Le travail temporaire, tremplin pour revenir à l’emploi

b. Créer un nouveau motif de recours au travail temporaire, dérogatoire pour les salariés de plus de 60 ans

VII. AMéNAGER LES CONDITIONS DE TRAVAIL EN FIN DE CARRIèRE

1. Promouvoir le télétravail

2. Ne pas négliger les temps partiels choisis pour maintenir l’activité

a. Le recours au temps partiel est plus fréquent avec l’âge

b. Les effets attendus d’une politique volontariste de réduction du temps de travail en fin de carrière

3. Faciliter les mobilités et mises à disposition des salariés expérimentés

a. Encourager les mobilités internes pour « reclasser » les travailleurs souffrant de problèmes de santé

b. Développer le prêt de main-d’œuvre entre entreprises

c. Les bénéfices escomptés du dispositif de transitions collectives

VIII. accompagner et soutenir la reprise d’emploi du travailleur expérimenté

1. Le salarié expérimenté est parfois perçu, à tort, comme une charge pour son entreprise

a. Le travailleur expérimenté est perçu comme plus coûteux, ce que confirment certains chiffres...

b. ... et moins productif, ce qui constitue en l’état des connaissances disponibles un simple préjugé

2. L’absence de dispositifs de soutien spécifiques dans le cadre d’une politique de l’emploi très tournée vers les jeunes travailleurs

a. Des mesures générales de soutien à l’emploi qui visent principalement les bas salaires

b. Des aides ciblées peu nombreuses

c. Des mécanismes de prélèvements qui, au contraire, sont parfois dissuasifs

3. Activer les dispositifs pour inciter entreprises et chômeurs expérimentés à reprendre un emploi

a. Soutenir le travailleur expérimenté qui reprend un emploi moins rémunéré à quelques années de la retraite

b. Soutenir davantage l’employeur qui fait le pari de la confiance dans un travailleur expérimenté

c. Des mesures de soutien qui pourraient être assorties de contreparties visàvis des pratiques les plus contestables, notamment en matière de ruptures conventionnelles

IX. Un enjeu de valorisation et de non-discrimination qui se joue au sein de l’entreprise

1. Le poids significatif des représentations et des discriminations

2. Des dispositifs juridiques qui montrent leurs limites

3. Former, valoriser, communiquer pour assurer une meilleure prise en compte des travailleurs expérimentés dans l’entreprise

X. Une articulation entre emploi et retraite À améliorer

1. Des enjeux fortement mêlés

2. L’échec relatif du cumul emploi-retraite et de la retraite progressive

a. Les modalités de cumul ont connu de profondes modifications ces dernières années

b. Un cumul emploi-retraite très concentré sur un certain type de profil

c. Une retraite progressive qui n’a jamais trouvé son public, malgré des progrès récents

3. Des dispositifs à compléter ?

travaux de la commission

annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes et des dÉplacements effectuÉs par la mission d’information

Annexe n° 2 : synthÈse des propositions


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Avant-propos de la présidente

● Présider cette mission sur l’emploi des « travailleurs expérimentés » ([1]) pendant ces six mois a été un exercice aussi exigeant que passionnant. À la croisée des enjeux de l’emploi et de la retraite, cette question cruciale est aussi au cœur de l’engagement qui est le mien depuis des années, comme professionnelle et comme élue.

Particulièrement investie dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi, j’ai travaillé comme présidente de mission locale pendant plus de quinze ans, présidé le comité de bassin d’emploi de Lille métropole qui réunissait tous les acteurs locaux de l’emploi et organisé le premier salon sur l’emploi des « seniors », il y a déjà une dizaine d’années.

Si l’action de terrain a nourri mon engagement depuis longtemps, je me félicite aussi qu’elle ait stimulé la réflexion de la mission, qui a bien souvent puisé dans les nombreuses initiatives locales des sources de réflexion, des pistes de travail et surtout une force d’engagement sur ce sujet particulièrement communicative.

Au regard de cette contribution majeure, ce rapport est évidemment dédié à tous les travailleurs expérimentés mais aussi à tous ceux qui, chaque jour, partout sur les territoires les accompagnent dans le maintien ou dans le retour à l’emploi. Le travail réalisé à travers ces initiatives est absolument remarquable et doit être salué comme tel.

Parmi ces initiatives, je me permettrais de citer plus particulièrement les dispositifs de mon territoire, que la mission a pris le temps de venir observer : l’Espace emploi mis en place par l’AGIRC-ARRCO à Lille ainsi que le dispositif PEPS. Tous ces dispositifs montrent bien que tout n’a pas été essayé pour soutenir l’emploi des travailleurs expérimentés et qu’un investissement sans faille dans ce combat est concrètement porteur.

● Je me félicite aussi de l’esprit de construction qui a présidé à l’ensemble des travaux pour bâtir un diagnostic et des préconisations aussi largement partagés que possible.

Le combat est en effet d’importance, mais il est aussi celui de tous ceux – et ils sont très nombreux – qui considèrent que notre pays se prive d’une grande richesse économique et humaine, en laissant tant de travailleurs expérimentés sans activité.

Ce combat repose sur un constat : celui d’une rupture qui se joue après 55 ans et qui concerne à la fois les employeurs et les salariés concernés. L’effet horizon qui se déclenche à quelques années de l’âge de départ à la retraite constitue le nœud de ce problème : c’est cette frontière de l’âge qui renvoie aux acteurs l’impression, une fois qu’elle est franchie, que former ou se former, accompagner ou se faire accompagner chercher ou proposer un emploi deviendrait soudainement inutile.

Ce phénomène est aussi bien documenté par les nombreux travaux précédemment menés sur cette question que dangereux. Il est à la fois le symptôme et la cause d’une « banalisation » de cette forme particulière de discrimination, ou d’autocensure, dont sont victimes les travailleurs expérimentés. Il est d’autant plus inacceptable que, dans le même temps et à juste titre, on ne cesse de demander aux actifs de travailler plus longtemps. C’est cette contradiction qui doit être surmontée, alors que la perspective d’une nouvelle réforme touchant aux paramètres de départ à la retraite dans les années à venir ne peut ni ne doit être écartée.

Pour résoudre ces difficultés, la conviction que s’est forgée la mission tout au long des auditions et des déplacements est qu’il n’existe pas une solution mais des solutions. Cette nécessaire pluralité de la réponse correspond au caractère fondamentalement multidimensionnel du problème : l’enjeu est à la fois dans l’entreprise et en dehors, d’agir sur les incitations des employeurs et des salariés, de préparer en amont par la formation tout en incitant à travailler jusqu’à la retraite et parfois même pendant cette dernière. Dans cette matière éminemment humaine, l’accompagnement des travailleurs expérimentés est absolument cruciale. Cette vision globale nécessitera une mobilisation de toutes et de tous (État, Unédic, Pôle emploi, partenaires sociaux, employeurs, associations) pour mettre en œuvre une action énergique et coordonnée.

● La mission, s’inspirant des travaux précédents mais aussi des constats qu’elle a pu faire lors de ses auditions ainsi que sur le terrain ([2]), oriente ses nombreuses propositions autour de trois axes structurants :

– maintenir des salariés expérimentés dans l’emploi, qui doit se penser très « en amont » autour des enjeux de formation et de prévention ;

– renforcer le retour à l’emploi, en jouant à la fois sur un meilleur accompagnement et sur des incitations mieux calibrées ;

 améliorer le passage de la vie professionnelle à la retraite, en articulant mieux les dispositifs pour assurer des transitions adaptées aux contraintes de chacun.

Ce faisant, elle offre, alors que les partenaires sociaux sont encore saisis sur la question et que le Gouvernement souhaite avancer sur ce sujet, une palette de solutions large et cohérente, qui pourrait constituer le socle d’une action réaffirmée et réactualisée sur cet enjeu déterminant.


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   partie liminaire : constats, méthodes et approches de la mission

La mission d’information de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale s’inscrit dans un contexte particulier : celui d’une « ambiance » de réforme des retraites depuis le début des travaux de Jean-Paul Delevoye et qui avait déjà donné lieu à des travaux utiles (France Stratégie ([3]), Cour des comptes ([4]), Sénat ([5]), Conseil économique, social et environnemental ([6]), Conseil d’analyse économique ([7]), mission « Bellon-Mériaux-Soussan » à la demande du Gouvernement ([8]) ...) et, plus récemment, celui d’une crise sanitaire dont les conséquences économiques ne peuvent encore être pleinement mesurées.

Déterminés à apporter une pierre utile à un édifice encore en construction, les rapporteurs ont souhaité concentrer leur propos sur des propositions. Ces dernières forment ainsi une « boîte à outils » à disposition de l’ensemble des parties prenantes, d’autant plus utile qu’au moment de la publication du présent rapport, les partenaires sociaux sont encore saisis de la question dans le cadre de « l’agenda social ».

Cette partie liminaire ne prétend donc pas reprendre l’ensemble des constats qui ont été faits à de nombreuses reprises par les travaux précités, mais aussi par des chercheurs passionnés – on citera Anne-Marie Guillemard, Serge Volkoff et Annie Jolivet auditionnés par la mission ([9]) – ou encore par les remarquables travaux statistiques de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), de la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) abondamment cités dans le rapport. Elle entend décrire de manière synthétique les constats, les points d’attention, les principes qui ont guidé les propositions décrites et contextualisées plus précisément dans les chapitres suivants.

I.   INTRODUCTION : UN SUJET AMPLE, éVOLUTIF ET FONDAMENTAL

Si les rapporteurs avaient conscience de l’importance de leur objet d’études, les travaux de la mission en ont aussi illustré la profondeur historique, politique et sociale. Les développements suivants s’essayent ainsi, en essayant de ne pas perdre de vue l’essentiel, à décrire ces ramifications qui expliquent peut-être pourquoi il n’a pas été si facile de s’en saisir exhaustivement jusqu’ici.

1.   Une définition difficile, une réalité multidimensionnelle

Au terme de plusieurs mois de réflexion, c’est tant la difficulté à trouver les mots et les âges justes pour circonscrire le problème qui a saisi les rapporteurs que le besoin, évident mais redoutable, de faire appel à de nombreuses politiques publiques pour le régler.

a.   Un vocabulaire à adapter pour éviter de corroborer une vision stéréotypée des travailleurs expérimentés

La mission a acquis cette conviction au fur et à mesure des auditions : le terme de « senior » n’est pas anodin. Sa relative banalisation ne peut, ni ne doit faire oublier sa connotation désormais dépréciative vis-à-vis des travailleurs les plus âgés. On lutte mal contre les préjugés en utilisant des termes qui en procèdent. Or, les rapporteurs constatent que celui-ci a été usé jusqu’à devenir parfois indissociable de mesures aussi stigmatisantes que peu efficaces.

C’est d’autant plus vrai que cette notion de « seniors » est en réalité subjective et ne renvoie pas à un âge clairement défini : dans certains secteurs ou certains dispositifs, un « senior » est âgé de plus de 45 ans, dans d’autres 50 ans, 55 ans ou plus. Cette terminologie semble néanmoins suggérer qu’à partir d’un certain âge, le « senior » ne serait plus suffisamment productif et deviendrait plus ou moins « inutile » pour le reste de la société active. Ces préjugés sont bien évidemment infondés (cf. infra sur la question de la productivité), et nient la richesse que peut apporter l’expérience, notamment en termes de réseau, d’investissement et de connaissance de l’entreprise.

La qualification de « senior » renvoie avant tout à la place occupée par l’individu dans la pyramide des âges professionnels, et évoque l’idée que le travailleur aurait passé un « cap » de productivité ou d’investissement. À partir de 45 ans, on devrait considérer les « seniors » au contraire en début d’une seconde partie de carrière pouvant durer plus d’une vingtaine d’années. Ce terme charrie ainsi avec lui de nombreuses représentations négatives, qui nuisent à la bonne appréhension des forces et faiblesses liées à chaque âge au sein de la société et nient l’inévitable allongement de la vie professionnelle pour tous.

Dans une démarche volontairement engagée en faveur de la lutte contre les stéréotypes associés aux travailleurs les plus âgés, les rapporteurs ont choisi de substituer systématiquement au terme de « senior » celui de « salarié expérimenté » ou de « travailleur expérimenté ». Ce choix avait déjà été porté, pour des motifs identiques, par le rapport réalisé par Sophie Bellon, Olivier Mériaux et Jean-Manuel Soussan remis au Gouvernement en janvier 2020 ([10]). Il a le mérite de souligner que le savoir-faire, la maturité, la connaissance souvent fine de l’entreprise ou du métier constituent une précieuse valeur ajoutée, à condition d’être utilisés ([11]).

b.   La définition d’un âge « frontière » n’est pas déterminante pour appréhender tous les enjeux de l’emploi des travailleurs expérimentés

Au cours de ses auditions, la mission a souvent eu à discuter de cette question de l’âge, comme un curseur qu’il faudrait à tout prix déterminer à l’avance. Or, plus cette question a été abordée, plus elle est apparue peu opérante pour appréhender dans son ensemble la question des travailleurs expérimentés.

Certes, la tranche d’âge la plus utilisée pour la réalisation d’études statistiques, et notamment pour les éclairantes comparaisons internationales (cfinfra), est celle des 55-64 ans, toutefois :

– la tranche 45-54 ans peut aussi d’ores et déjà être touchée par les phénomènes de discrimination relative à l’âge ;

– les questions de prévention et d’accompagnement, indispensables au bon maintien dans l’emploi des travailleurs expérimentés, doivent être pensées par les pouvoirs publics et les employeurs très en amont, et bien avant des âges prétendument fatidiques ;

– à l’inverse, certaines propositions relatives notamment au retour à l’emploi, elles-mêmes appuyées sur certains constats statistiques par âge, pour ne pas embrasser des situations trop hétérogènes doivent au contraire être pensées pour ne viser que les toutes fins de carrière.

Partant de cette analyse souple de la définition de l’âge, la mission assume donc volontiers de faire certaines propositions qui concernent « l’amont » de la deuxième partie de carrière ou au contraire « l’aval » en fonction des enjeux, et non d’un seuil statistique unique défini à l’avance.

c.   La nécessité d’une vision « panoramique » des enjeux

Aucun levier ne peut prétendre résoudre seul le problème : la solution est donc à rechercher dans plusieurs politiques publiques.

L’emploi des travailleurs expérimentés est un sujet particulièrement important de par son caractère multidimensionnel. En effet, il est relié à de nombreux aspects des politiques publiques au-delà du simple thème de l’emploi, notamment la retraite, l’éducation, la formation ou encore la santé.

Ainsi, c’est l’ensemble de la société qui doit se questionner sur le rôle de chaque âge, et sur la répartition du travail entre les âges. Les principales difficultés de cette question résident dans la coordination entre le recul de l’âge de départ à la retraite et l’effectivité de l’allongement du temps de travail. En effet, le recul de l’âge légal ne doit pas se traduire par un basculement d’une partie des travailleurs en fin de carrière dans l’inactivité ou le chômage, ce qui reviendrait à un échec de la réforme. Sans capacité à faire monter le taux d’activité, les économies en matière de retraite sont condamnées à être dépensées, au moins en partie, en minima sociaux et en allocations chômage, sans améliorer le taux d’emploi du public visé.

C’est ce qui a conduit la question de l’augmentation de l’emploi des travailleurs expérimentés à revenir régulièrement à l’occasion des différentes réformes du système de retraite comme en 2003, en 2010 ou plus récemment, en 2020 avec le projet de loi visant à instituer un système de retraite universel ([12]).

Enfin, il s’agit aussi pour les travailleurs expérimentés d’avoir accès, s’ils le souhaitent, aux mêmes opportunités que les jeunes générations, et de tenir compte, au sein d’une même classe d’âge de travailleurs âgés, des disparités existantes en termes de santé et de qualifications, parfois génératrices d’inégalités face aux règles de l’assurance retraite.

Une très grande diversité de facteurs, souvent interconnectés, influe sur la situation des travailleurs expérimentés. Aussi, il est délicat de discerner quels phénomènes sont prépondérants dans l’évolution du taux d’emploi chez les 55‑64 ans. Les règles de l’assurance chômage, notamment la durée de versement des prestations, étendue à trois ans pour les plus de 55 ans, mais également les règles régissant le système de retraite, comme l’âge légal de départ à la retraite ou la durée de cotisation minimum, sont autant de variables ayant un impact sur les arbitrages réalisés par les travailleurs expérimentés. De nombreuses publications récentes, comme le rapport de France Stratégie ([13]), celui de la mission Bellon-Mériaux-Soussan ([14]), du Sénat ([15]) ou encore de la DARES ([16]), font état de multiples freins simultanés à l’emploi des travailleurs en fin de carrière, comme le manque d’accès à la formation tout au long de la vie, les conditions de travail plus ou moins pénibles ou encore l’interférence de la vie familiale dans les décisions (proche malade, carrière du conjoint...).

Beaucoup font également référence à « l’effet horizon », c’est-à-dire le fait que tous les acteurs (employeurs, travailleurs expérimentés, acteurs publics) optimisent leurs décisions en fonction du nombre d’années restantes avant l’âge de départ à la retraite. Ainsi, plus l’horizon du départ en retraite est lointain, plus les salariés âgés et les employeurs produiraient d’efforts pour prolonger la durée d’emploi. Un employeur se séparerait moins facilement d’un salarié expérimenté dont le départ à la retraite serait reporté à une échéance plus lointaine que prévue, et le salarié chercherait à rester actif plus longtemps sur le marché du travail à mesure que l’âge auquel il pourra liquider sa pension de retraite recule.

Au contraire, lorsque l’âge de la retraite est proche, « l’effet horizon » peut conduire à un arbitrage en faveur de l’inactivité ou du chômage, de la part des employeurs comme des salariés. Cet effet peut également avoir un impact sur le recours à la formation, la recherche d’emploi ou encore les choix de mise en œuvre de politiques publiques destinées à favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés ([17]).

À cette multiplicité de facteurs s’ajoute un enjeu culturel, qui consiste à changer les représentations et les stéréotypes associés aux travailleurs expérimentés, et à concevoir la société sous un jour nouveau. Un tel projet demande du temps, et suppose de questionner en profondeur nos croyances vis-à-vis de l’âge, qui ne doit plus être considéré comme un handicap, mais bien comme un atout. Ce questionnement doit s’effectuer à tous les niveaux, celui des employeurs, des concepteurs de politiques publiques mais également des salariés eux-mêmes, qui se perçoivent trop souvent à la lumière des représentations qu’on appose sur eux, et ne réalisent pas suffisamment le rôle qu’ils ont à jouer dans la société active.

Une telle évolution des mœurs demeure très complexe, et ne peut se faire que sur le temps long. Aussi, la mission d’information ne saurait prétendre être à elle seule à l’origine d’un tel changement, qui nécessite la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés.

Néanmoins et heureusement, plusieurs leviers d’action sont identifiables pour agir en ce sens, à différents niveaux. Leur intégration dans un plan national coordonné et porté au plus haut niveau par le Parlement, les partenaires sociaux et le Gouvernement donnerait de la visibilité et mobiliserait davantage tous les acteurs.

Le changement de représentation passe aussi par des expériences réussies : c’est pourquoi la mission s’est appuyée sur tout ce qui « marche » sur le terrain, et peut faire un précieux effet de levier dans un bassin d’emploi.

Un tel « déclic », qui s’est produit dans de nombreux pays comme la Finlande, suppose toutefois des mesures fortes capables de changer la réalité sur le terrain comme de marquer les esprits.

Il suppose enfin de la cohérence, cohérence qui a pu parfois manquer dans l’histoire des politiques en faveur des travailleurs expérimentés. Cette cohérence est d’autant plus importante que les expériences précédentes ont pu montrer une certaine persistance des schémas précédents dans les mentalités, malgré les évolutions. Pour ne prendre qu’un exemple, si l’âge d’ouverture des droits à la retraite est passé à 62 ans après la réforme de 2010, on observe encore statistiquement des comportements et des représentations montrant que 60 ans est encore une « référence mentale » pour beaucoup d’employeurs comme de salariés.

De ce point de vue, il est utile de retracer les grandes orientations de politiques publiques, parfois erratiques, empruntées par le passé, afin de mieux comprendre les ressorts de la situation actuelle.

2.   L’emploi des travailleurs expérimentés : un « aller-retour » complet en quelques décennies

En un demi-siècle, les orientations de la politique à destination des travailleurs expérimentés ont évolué de « 180 degrés » ce qui peut expliquer une grande partie du « retard français ».

a.   La baisse du taux d’activité des travailleurs expérimentés est le résultat d’une politique de promotion des préretraites

Cela peut surprendre mais l’inactivité a été choisie avant d’être combattue. Sans reprendre ici une histoire maintes fois rappelée dans les rapports précédents, les rapporteurs en rappellent ici l’essentiel.

Les politiques publiques relatives à l’emploi des travailleurs les plus âgés ont été marquées par différentes approches au cours du temps. La stratégie privilégiée dans la période d’après-guerre et jusqu’à la fin des années 1980 a été de favoriser le départ à la retraite des travailleurs expérimentés, afin de permettre, en théorie, un meilleur accès à l’emploi aux plus jeunes et de lutter contre le chômage de masse. Cet argument a servi de justification à la mise en place de nombreuses mesures de préretraites, financées par l’État, permettant à des travailleurs n’ayant pas encore atteint l’âge légal de départ en retraite de cesser leur activité et de toucher un revenu de substitution en attendant de pouvoir liquider leur pension. Cette logique a été renforcée par la crise économique des années 1970 et la forte hausse du chômage qui s’en est suivie. Plusieurs outils ont été utilisés pour encourager les travailleurs expérimentés à sortir du marché de l’emploi, notamment les préretraites financées par l’État, la modification des paramètres de l’assurance retraite et l’assouplissement des règles de l’assurance chômage.

De nombreux dispositifs de cessation anticipée d’activité financés par l’État ont été déployés, dont il est d’autant moins utile de faire l’inventaire, qu’ils ont été fort bien détaillés dans le rapport du Sénat ([18]) mentionné supra.

Par ailleurs, les travailleurs les plus âgés sont parfois encouragés à sortir précocement du marché de l’emploi par leur propre entreprise, prête à financer un dispositif de préretraite à l’issue d’une rupture ou d’une suspension du contrat de travail. Ce type de mesures, pouvant intervenir dans le cadre d’un plan de restructuration par exemple, serait toujours d’actualité aujourd’hui, alors même que la plupart des préretraites financées par l’État ont été supprimées.

L’objectif de désincitation à l’emploi pour les travailleurs âgés s’est également traduit par des réformes de l’assurance vieillesse, notamment la modification de l’âge d’obtention de la pension de retraite à taux plein. Contrairement à une idée reçue, l’âge minimum légal d’ouverture des droits à la retraite était de 60 ans dès 1945, mais les salariés devaient en réalité attendre 65 ans afin de pouvoir obtenir une pension de retraite à taux plein. Aussi, la réforme de 1982 ([19]) s’est-elle en réalité contentée d’autoriser les salariés ayant cotisé au moins 150 trimestres à prendre leur retraite à taux plein dès 60 ans.

Les règles de l’assurance chômage ont aussi participé à cette incitation à la cessation anticipée d’activité, avec par exemple, le mécanisme de « dispense de recherche d’emploi » (1984-2012), qui a jusqu’à une date très récente exonéré les demandeurs d’emploi de plus de 57 ans de rechercher un emploi tout en continuant de percevoir leurs allocations chômage. En 1999, il a même été ouvert dès l’âge de 55 ans, si le demandeur d’emploi avait cotisé au moins 160 trimestres.

Ces différentes mesures visant à inciter les travailleurs de la tranche d’âge 55-64 ans à sortir de la vie active plus tôt que nécessaire, ont contribué à une baisse drastique du taux d’activité et d’emploi de cette catégorie de la population sur la période. Ainsi, en 1970, près de 70 % des Français entre 60 et 64 ans étaient actifs, contre seulement 35 % en 1983, et environ 17 % dans le milieu des années 1990 ([20]). Cette tendance s’est naturellement amplifiée avec la montée du chômage mais également avec « l’institutionnalisation » des préretraites, encouragée par les pouvoirs publics en réponse à la difficulté de maintenir les salariés les plus âgés en emploi.

b.   Un revirement progressif en faveur de l’activité engagé dès les années 1990

Dès 1993 ([21]), une première réforme vient amorcer une nouvelle dynamique, par la suite confirmée par la réforme des retraites de 2003 ([22]). Cette nouvelle approche s’explique par la conscience accrue de l’impact financier de l’arrivée à la retraite des baby-boomers.

Ainsi, la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein est allongée et le calcul de la pension est réalisé non plus sur les dix meilleures années du travailleur, mais sur ses vingt-cinq meilleures années. On peut donc déjà voir dans ces deux évolutions une volonté d’inciter à l’allongement de l’activité.

La réforme du système de retraite de 2003 a quant à elle contribué à mettre en place le paradigme actuel de l’emploi des travailleurs expérimentés, dans lequel la majorité des dispositifs de préretraites publics ont été supprimés, et l’approche de retrait précoce du marché du travail a été remplacée par une incitation à l’allongement de l’activité pour les 55-64 ans. Cette réforme s’inscrit également dans une volonté de rattraper le retard de la France vis-à-vis de ses voisins européens, puisqu’en 2003, 49,7 % des Français de 55-59 ans étaient en emploi, contre 78 % en Suède ou 57,7 % en Allemagne ([23]).

La réforme des retraites de 2003 a permis l’extinction de plusieurs dispositifs de préretraites progressives (allocation de remplacement pour l’emploi, congé de fin d’activité...). En parallèle, elle a créé deux dispositifs de préretraites financés par la collectivité : l’un pour les « carrières longues » c’est-à-dire les personnes ayant commencé à travailler tôt et l’autre pour le handicap. Ces exceptions ont vocation à éviter de pénaliser les travailleurs ayant subi des conditions de travail particulièrement pénibles au cours de leur vie, mais devraient, pour le dispositif des carrières longues, se réduire à terme, en raison de l’allongement de la durée des études chez les jeunes générations.

En outre, la réforme de 2003 a aligné pour les fonctionnaires la durée de cotisation nécessaire à l’obtention d’une retraite à taux plein sur celle des salariés du secteur privé, et met en place une augmentation automatique de la durée de cotisation en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie. Des mécanismes adaptés ensuite dans d’autres réformes de l’assurance retraite voient aussi le jour à cette occasion, comme la surcote des pensions des salariés ayant travaillé au-delà de l’âge légal, ou l’instauration d’une taxe sur les « préretraites privées » ([24]), c’est-à-dire la taxation des indemnités de « préretraite » versées par une entreprise suite à une rupture de contrat de travail.

Le début des années 2000 marque donc un tournant dans l’orientation donnée aux politiques publiques relatives à l’emploi des travailleurs expérimentés. Jusqu’alors très favorables aux départs anticipés à la retraite, les pouvoirs publics impulsent un revirement total avec la réforme des retraites de 2003, effort poursuivi par la suite via des mesures ciblées en faveur de l’emploi des 55-64 ans.

Dans la continuité de la réforme de 2003, les pouvoirs publics ont souhaité mettre en place de nombreux dispositifs ciblés afin de favoriser l’emploi des « travailleurs expérimentés ». Ceux-ci ont pu prendre la forme d’incitations à l’embauche, de sanctions à l’encontre des entreprises soupçonnées de discrimination, d’appui à la prise en compte des travailleurs expérimentés dans la négociation collective, ou encore de la mobilisation des politiques de l’emploi. Cela s’est également matérialisé par l’extinction des dispositifs de préretraites et des mécanismes de l’assurance chômage de désincitation à l’emploi, comme la dispense de recherche d’emploi.

La taxation des préretraites d’entreprise constitue un exemple de sanction financière vis-à-vis des entreprises cherchant à se séparer plus tôt que nécessaire de leurs travailleurs expérimentés. La contribution dite « Delalande » ([25]), qui prévoyait la taxation des licenciements des plus de 50 ans en contrat à durée indéterminée (CDI), en était un autre exemple. Les politiques de l’emploi ont aussi été mobilisées sur ce sujet, via de nombreux contrats spécifiques visant à favoriser l’embauche de travailleurs expérimentés (contrats aidés, contrats de génération), ou encore par exemple via la politique d’aide différentielle de reclassement, accordée lorsqu’un chômeur reprenait un emploi dont la rémunération était inférieure à son emploi précédent.

De même, les politiques publiques se sont également penchées sur la question de la négociation professionnelle en entreprise, en imposant une négociation de branche obligatoire sur l’emploi des salariés les plus âgés, avec une sanction en cas d’absence d’accord ou de plan d’action.

c.   Ces revirements de politique publique ont conduit à la quasi-disparition d’une politique spécifique, ambitieuse et cohérente à l’égard des travailleurs expérimentés

Le bilan qui a été fait de ces différents dispositifs, hors retraite, a été jugé décevant, et la grande majorité d’entre eux a été depuis supprimée (aide à l’embauche, contribution « Delalande », obligation de négociation, aide différentielle au reclassement...).

Aussi, l’approche récente privilégie l’utilisation des dispositifs de droit commun plutôt que des politiques ciblées sur le public des 55-64 ans, considérant que ces dispositifs touchent bien la cible des plus âgés ou que les entreprises intégreront d’elles-mêmes ces problématiques à leurs agendas.

Dans un récent référé sur la gestion des fins de carrière ([26]), la Cour des comptes, auditionnée par la mission, faisait quant à elle le constat que la mobilisation autour de ces sujets était restée marginale ces dernières années, constat que les rapporteurs partagent.

3.   Une question fondamentale dont la résolution sera déterminante pour l’avenir

Le relatif délaissement de cette question est d’autant moins compréhensible qu’il s’agit encore bien d’un problème « français », marqué par un retard du niveau d’activité et une très grande difficulté du retour à l’emploi, qui compromet les chances de générations toujours plus nombreuses et alors que l’âge de la retraite ne devrait pas cesser de s’allonger.

a.   Malgré des améliorations, un niveau d’activité qui reste moindre que dans les autres pays comparables

Il convient dans un premier temps, de procéder à une précision méthodologique afin de bien distinguer le taux d’activité du taux d’emploi. Le taux d’activité correspond au rapport entre la population active – c’est-à-dire les personnes recherchant un emploi au sens du Bureau international du travail (BIT) ([27]) et les personnes en emploi – et la population totale. En revanche, le taux d’emploi correspond au rapport entre la population en emploi et la population totale. Lorsqu’il est fait référence à l’inactivité, cela renvoie donc aux personnes qui ne sont ni en emploi, ni en recherche d’emploi. Parmi ces personnes, certaines se situent dans le « halo du chômage », c’est-à-dire qu’elles ne remplissent pas les conditions du BIT pour être considérées comme en recherche d’emploi, mais qui souhaitent tout de même travailler.

Les politiques publiques d’incitation aux départs en retraite anticipée ont fortement contribué à la baisse des taux d’emploi et d’activité des travailleurs les plus âgés depuis la fin des années 1960 jusqu’au début des années 2000. Néanmoins, avec le nouveau tournant issu notamment de la réforme des retraites de 2003, la tendance s’est inversée et les taux d’activité et d’emploi des 55-64 ans ont progressé au cours de ces dernières décennies. Ces évolutions sont extrêmement bien documentées par des publications relativement récentes, notamment le rapport de France Stratégie ([28]), et les rapporteurs ne peuvent qu’inviter à s’y référer.

Parmi les faits les plus saillants, on peut compter la progression marquée du taux d’activité des 55-64 ans ces deux dernières décennies, qui est passé d’environ 30 % en 2000 à 56 % en 2018 ([29]). Le taux d’emploi a suivi une évolution assez comparable : alors qu’il était de 36,4 % en 2003, il est monté à 52,3 % au premier trimestre 2019 ([30]). Néanmoins, il faut tout de même noter qu’il existe une forte disparité des taux d’emploi entre la tranche d’âge des 55-59 ans et celle des 60-64 ans, notamment en raison de l’âge minimum légal de départ à la retraite, situé actuellement à 62 ans en France. Ainsi, en 2017, le taux d’emploi des 55-59 ans était de 71,9 %, alors qu’il chutait à 29,4 % pour la tranche 60-64 ans.

Par ailleurs, les experts auditionnés par les rapporteurs et les différentes publications existantes sur le sujet s’accordent à considérer que la situation des travailleurs expérimentés en emploi est en première analyse meilleure que celle des autres travailleurs en France. En effet, le taux de chômage des 55-64 ans est structurellement moins élevé que celui du reste de la population.

Il ne faut toutefois pas négliger le possible « effet d’éviction », qui pourrait expliquer cette tendance. En effet, une partie des 55-64 ans qui perdent leur emploi basculent dans l’inactivité, et ne sont donc plus comptabilisés dans le taux de chômage. De même, si les travailleurs expérimentés sont plus fréquemment en CDI que le reste de la population, puisque 93,2 % des 55-64 ans étaient en CDI en 2016, contre 87,5 % des 25-49 ans ([31]), c’est aussi parce que les formes plus « fragiles » d’emploi se sont bien souvent transformées en perte d’activité. Enfin, s’il apparaît que les conditions de travail seraient globalement équivalentes voire moins pénibles pour ces travailleurs que pour le reste de la population active ([32]), cela ne signifie pas pour autant que des progrès ne sont pas nécessaires pour améliorer les conditions de travail tout au long de la vie, notamment pour les métiers les plus pénibles.

La situation des travailleurs expérimentés français reste cependant moins bonne que celle de la majorité de nos voisins européens. En 2017, le taux d’emploi des 55-64 ans en France (51,3 %) était inférieur à la moyenne des pays de l’Union européenne (57,1 %). Si l’on décompose de nouveau la tranche 55-64 ans, il est possible de remarquer que le taux d’emploi des 55-59 ans en France (71,9 %) est légèrement supérieur à la moyenne européenne (70,3 %), mais que celui des 60-64 ans (29,4 %) est très inférieur à la moyenne de l’UE (42,5 %) ([33]). C’est donc sur cette « tranche » que notre pays se singularise.

Les rapporteurs ont bien conscience qu’il convient de rapporter ces comparaisons aux situations de l’emploi et de la conjoncture économique propres à chaque pays. En effet, comparer la France à certains pays comme l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas ou la Suède, c’est aussi intégrer que la situation économique est souvent meilleure dans ces pays et que le taux d’emploi de l’ensemble de la population y est souvent supérieur à celui de la France. Le taux de chômage global structurellement élevé en France permet d’expliquer que celui des 55-64 ans soit également assez haut. Ainsi, en 2019, 8,4 % des personnes actives étaient au chômage en France, contre 6,3 % des 50 ans et plus ([34]). Bien que le taux de chômage des travailleurs expérimentés soit assez élevé, il reste donc inférieur au taux de chômage global de la population française. De plus, il s’agit aussi de tenir compte du recours massif au travail à temps partiel dans certains pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne ([35]), qui creuse l’écart entre les pays, mais ne signifie pas nécessairement que la situation globale des travailleurs expérimentés est meilleure. L’appréciation de ces écarts doit aussi tenir compte du niveau de vie des retraités et du niveau des pensions de retraite, qui si elles sont nettement inférieures à celles de la France, peuvent créer une incitation supérieure à l’emploi au-delà de l’âge minimum légal, afin d’éviter le risque de pauvreté monétaire que représente le passage à la retraite ([36]).

De plus, les règles relatives à l’âge légal de départ en retraite jouent un rôle absolument déterminant dans ces différences. En effet, la France est l’un des pays où l’âge minimum légal de départ en retraite est parmi les plus bas, ce qui explique l’écart important entre le taux d’emploi moyen des 60-64 ans en France et dans le reste de l’Union européenne. Par ailleurs, il est fréquent que la transition entre emploi et retraite ne se fasse pas de façon fluide et soit marquée par une période de chômage ou d’inactivité, bien avant que le salarié ait atteint l’âge légal de départ en retraite. C’est pour cette raison que la sociologue spécialiste du vieillissement Anne‑Marie Guillemard, auditionnée par la mission, parle de « faux-semblant » vis‑à‑vis de la progression de l’emploi des travailleurs expérimentés depuis 2003. Même si le taux d’emploi a effectivement augmenté, il ne faut pas négliger qu’il existe toujours un décalage important entre l’âge de sortie du marché du travail et l’âge de liquidation de la retraite. Aussi, l’ensemble des effets se renforce mutuellement : si l’âge légal de départ à la retraite est initialement plus bas que dans d’autres pays et que les travailleurs cessent d’être en emploi avant même l’âge légal, un écart se creuse.

Ainsi, le rapport de France Stratégie affirme par exemple que sur les années 2015 à 2017, en moyenne, 29 % des personnes âgées de 60 ans n’étaient ni en emploi, ni en retraite, dont environ 7 % au chômage ou dans son halo, et 22 % inactives. De plus, à la variable « âge » s’ajoutent d’autres facteurs pouvant augmenter le risque d’inactivité en fin de carrière, comme le niveau de formation initiale. Il apparaît ainsi que la situation d’inactivité est d’autant plus forte que le niveau de qualification est faible.

Il est donc possible de constater, d’une part, que les comparaisons européennes et internationales sur l’emploi des travailleurs expérimentés sont plutôt défavorables à la France, mais d’autre part, que ces résultats découlent aussi de caractéristiques endogènes au marché de l’emploi et au système de retraite. De plus, le système de protection sociale français et notamment les paramètres de l’assurance chômage peuvent ainsi se révéler plus protecteurs pour les salariés expérimentés, mais aussi comporter des éventuels effets pervers, notamment de désincitation à l’allongement du temps d’activité.

b.   Une très grande difficulté à sortir du chômage pour les 55-64 ans

Même si la situation des travailleurs expérimentés est globalement plus favorable que celle des autres travailleurs, ceux-ci connaissent de grandes difficultés à retrouver un emploi après l’avoir perdu. Comme l’expliquait en audition Alain Cordesse, auteur d’un rapport pour le Conseil économique, social et environnemental ([37]), les travailleurs expérimentés sont surreprésentés parmi les chômeurs de longue et de très longue durée. Ainsi, en 2016, le taux mensuel de sortie des listes de Pôle emploi pour reprise d’emploi ne s’établissait qu’à 1,6 % pour les plus de 50 ans, contre 6,2 % pour les moins de 25 ans et 3,7 % pour les 25-49 ans ([38]). De la même façon, au deuxième trimestre 2018, les chômeurs de plus de 50 ans restaient en moyenne 673 jours au chômage, contre 388 pour l’ensemble des demandeurs d’emploi ([39]).

Les entreprises sont en effet beaucoup plus réticentes à embaucher des salariés âgés, notamment en raison d’une croyance souvent infondée qui voudrait que les salariés expérimentés aient plus de mal à s’adapter à un nouvel environnement et à faire évoluer leurs compétences. Or, comme l’analyse Serge Volkoff, chercheur auditionné par la mission ([40]), les travailleurs expérimentés peuvent très bien s’intégrer à une nouvelle entreprise, à condition que celle-ci fasse l’effort d’adapter les formations et les conditions d’accueil aux caractéristiques propres de ces travailleurs. De plus, l’effet horizon a aussi un rôle à jouer dans l’explication de ce phénomène, les entreprises ayant moins d’incitations à embaucher et former un salarié proche de la retraite qu’un jeune travailleur amené à rester plus longtemps.

Il semblerait que cette tendance à l’inactivité « subie » et de longue durée pour les plus de 55 ans ne soit pas propre à la France mais existe dans la plupart des pays européens, la France se situant dans une position médiane peu flatteuse ([41]). Ce problème récurrent constitue donc l’une des priorités sur lesquelles agir.

Comparaison internationale de la part de chômage de longue durée chez les chômeurs de plus de 55 ANS

Source : OCDE.

De plus, même si les travailleurs expérimentés sont davantage en CDI que le reste de la population, le recours au contrat court s’accroît chez cette catégorie de la population, tout comme celui au temps partiel.

Cette tendance au chômage de longue durée a souvent des répercussions dramatiques sur la vie des travailleurs expérimentés. Beaucoup sont découragés, et basculent dans l’inactivité après avoir longtemps été au chômage. Cette situation se matérialise souvent par une grande précarité et un risque accru de pauvreté. La Cour des comptes ([42]) fait ainsi état du poids croissant des travailleurs les plus âgés parmi les bénéficiaires de minima sociaux, notamment le revenu de solidarité active (RSA), particulièrement pour les 60 ans et plus.

c.   Une question déterminante, qui concerne l’ensemble de la société

L’emploi des travailleurs expérimentés doit être pensé au regard d’un contexte global de vieillissement démographique et d’allongement de l’espérance de vie, qui questionne notre rapport à l’âge et aux représentations associées aux travailleurs expérimentés.

En effet, d’après les statistiques de l’Insee, au 1er janvier 2018, les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient 19,6 % de la population, ce qui correspond à une progression de 4,1 points en vingt ans. D’après les projections, la hausse devrait se poursuivre, et en 2040 un habitant sur quatre aurait 65 ans ou plus. Cette augmentation s’explique par l’arrivée dans cette classe d’âge des générations issues du baby-boom. Cette tendance s’observe aussi à l’échelle de l’Union européenne, où la proportion des 65 ans et plus est passée de 16,8 % à 19,2 % entre 2006 et 2016. D’après les projections d’Eurostat, la population de l’Union européenne devrait continuer à connaître un important vieillissement, et d’ici 2080, 29,1 % de la population européenne sera âgée d’au moins 65 ans, et 12,7 % sera âgée de plus de 80 ans ([43]).

Au-delà du vieillissement démographique, les enjeux relatifs à l’emploi des travailleurs expérimentés sont multiples. Il s’agit de repenser l’ensemble des parcours de vie, qui s’inscrivent dans des dynamiques moins linéaires qu’auparavant. La trajectoire « formation – emploi – retraite » est totalement obsolète, comme l’analysent plusieurs sociologues auditionnés. Les parcours sont marqués par de nombreuses ruptures (chômage, congés parentaux, reconversions), qui modifient notre perception de l’emploi. Aujourd’hui, le temps passé en étude s’est considérablement allongé ([44]), retardant l’entrée dans la vie professionnelle, et donc à terme, le départ en retraite. En outre, il est de plus en plus rare pour un travailleur d’occuper le même emploi pendant l’intégralité de sa carrière ([45]) ([46]).

Au-delà du fait que les 50-64 ans représentent une part non-négligeable de la population française aujourd’hui (19,2 % en 2021), il s’agit de prendre conscience que le sujet de l’emploi des travailleurs expérimentés concerne en réalité la société dans son ensemble ([47]). En effet, chacun et chacune d’entre nous sera un jour confronté à ces problématiques de fin de carrière, et celle-ci doit en réalité se préparer bien en amont.

Comme l’explique notamment Anne-Marie Guillemard, la gestion des carrières ne doit plus se faire de façon segmentée en fonction des âges, mais bien tout au long de la vie. La prévention et la gestion de la pénibilité ne se font pas une fois arrivé dans la tranche d’âge 55-64 ans, mais bien dans la première partie de carrière, afin de permettre à terme, l’allongement de la durée de travail. De même, la formation continue et l’optimisation des compétences se font tout au long de la carrière, puisqu’il paraît peu optimal pour les salariés comme pour les entreprises de proposer des formations très peu de temps avant l’âge de la retraite.

Le véritable défi réside donc dans l’adaptation des politiques publiques à ces nouveaux modèles, afin de provoquer un changement en profondeur. C’est ce à quoi s’est attachée la mission tout au long de ses travaux.

II.   Un fil rouge de la mission : la situation des travailleuses expérimentées

Au-delà de ces constats généraux, les rapporteurs ont également souhaité mettre l’accent sur la situation des femmes au regard de ces difficultés liées à l’emploi et à l’âge. Cette question a été peu soulignée jusqu’ici, à la notable exception de l’excellent rapport sur la question de Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle, auditionnées par la mission ([48]) et dont les constats et propositions sont très convergents avec ceux des rapporteurs ([49]).

● Comme le rappelle le rapport de France Stratégie, si le taux d’activité des femmes a augmenté depuis 1975 pour converger vers celui des hommes, cette convergence semble s’être arrêtée et pourrait plafonner dans les années à venir. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit ainsi qu’un écart de 5 points atteint dans les années 2010 devrait se maintenir durablement ([50]).

taux d’activité et emploi des 50-64 ans

Source : COR.

Cet écart serait lié notamment à un écart important entre 55 et 59 ans, la tranche 60-64 ans étant marquée par une certaine symétrie ([51]).

Taux d’activité et d’emploi des seniors par sexe en 2017

Source : INSEE.

● Les femmes demeurent fortement soumises à un temps partiel important et fréquent, pas nécessairement choisi, plus fort que les hommes sans que cet écart ne diminue avec l’âge.

part du temps partiel dans l’emploi selon l’âge et le sexe

Sources : INSEE, DARES.

● La surreprésentation des femmes de la « génération pivot » au sein des aidantes constitue une contrainte supplémentaire rendant plus difficile l’exercice d’une activité professionnelle. Le Haut Conseil à l’enfance, à la famille et à l’âge estimait en 2019 dans son rapport sur les femmes seniors, à 1,1 million le nombre de femmes aidantes âgées de 55 à 64 ans ([52]). L’enquête menée par la DREES en 2008 révélait que 12 % de ces aidantes avaient dû procéder à des aménagements de leur activité professionnelle contre « seulement » 8 % des hommes du même âge.

● Autre facteur important : les femmes en couple sont en moyenne moins âgées que leur conjoint, et réduisent davantage que les hommes leur activité au moment du départ à la retraite de ce dernier. Ainsi, dans l’enquête sur les motifs de départ à la retraite conduite en 2017, elles étaient deux fois plus nombreuses à mentionner ce facteur que les hommes, et cette tendance s’accentuait par rapport à la précédente enquête remontant à 2014.

● Comme une « double peine », cette situation complexe au niveau du marché de l’emploi est liée avec des enjeux importants de pauvreté avant puis à la retraite.

Ainsi, les femmes sont surreprésentées dans les catégories qui ont tout au long de la mission préoccupé les rapporteurs, celles qui ne sont ni en emploi, ni à la retraite (NER), soit deux sur trois, alors qu’elles ne représentent que la moitié de la classe d’âge ([53]). C’est d’autant plus inquiétant qu’un tiers des personnes appartenant à cette catégorie des « NER » vit en situation de pauvreté au sens de la définition statistique.

 

Les carrières « hachées » conduisent également à ce qu’elles soient plus concernées par les départs en retraite avec une décote. Ce sont ces mêmes retraitées qui se retrouvent à cumuler de manière assez significative emploi et retraite (31 %) ([54]), sans d’ailleurs que cet « effort » de rattrapage ne soit totalement payant puisque les cotisations versées ne créent pas de nouveaux droits.

● Cette situation n’a pas appelé toutefois de la part des rapporteurs de préconisations spécifiques aux travailleuses expérimentées, rejoignant en cela le rapport précité de Mmes Battistel et Panonacle qui estimaient que « leurs constats, leurs analyses et leurs recommandations concernent aussi en grande partie les hommes seniors ; elles tiennent à rappeler que toute recherche d’égalité entre femmes et hommes améliore la situation générale de chacune et de chacun, et donc, dans ce cas, de l’ensemble des seniors ».

Ainsi, la conviction des rapporteurs est qu’encourager les bonnes pratiques, mieux prévenir l’usure au travail, garantir une meilleure formation, rendre l’articulation d’une activité et de la retraite plus « payante », conduire un meilleur dialogue dans l’entreprise sur cette question, soutenir financièrement le retour à l’emploi, comme le propose le présent rapport, favorisera au moins autant les travailleuses expérimentées que les travailleurs expérimentés. Premières perdantes de cette sous-activité endémique, elles doivent être les premières gagnantes d’une grande réconciliation du travail et de l’âge.


   SECONDE PARTIE : CONTEXTE ET CONTENU DES PROPOSITIONS DE LA MISSION

 

I.   AMÉLIORER LA FORMATION DES TRAVAILLEURS EXPÉRIMENTÉS

Dans un contexte d’évolution rapide des nouvelles technologies et des méthodes de travail, l’accès à la formation professionnelle est un moyen d’éviter l’obsolescence des compétences des travailleurs âgés. La formation tout au long de la vie constitue, d’ailleurs, aux termes de l’article L. 6111-1 du code du travail, « une obligation nationale ».

1.   Les travailleurs expérimentés se forment-ils moins que leurs cadets ?

a.   Un bilan contrasté

Le constat semble établi de longue date : les travailleurs âgés se forment moins que le reste des actifs. Une étude de la DARES de juin 2016 fait apparaître que l’accès à la formation décroît avec l’âge ([55]). Les plus de 50 ans, en particulier à partir de 55 ans, se formeraient moins que leurs cadets, bien que cet écart ait tendance à se réduire depuis le milieu des années 2000 en raison de l’allongement de la vie professionnelle.

Taux d’ACCÈS DES SALARIÉS À LA FORMATION PROFESSIONNELLE SELON l’ÂGE

Lecture : En 2021, 40 % des salariés âgés de 55 à 59 ans ont eu accès à une formation professionnelle.

Source : Enquête sur la « Formation des adultes 2012 », Insee-Dares

 

Lors des auditions menées par les rapporteurs, cette moindre appétence des travailleurs expérimentés pour la formation professionnelle a néanmoins été nuancée, en particulier par les opérateurs de compétences ([56]). Certains ont, en effet, avancé que la différence de formation entre les travailleurs expérimentés et le reste des salariés n’était pas flagrante. En revanche, la nature des formations suivies diverge puisqu’elles seraient plus qualifiantes pour les jeunes.

Une étude approfondie du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) indique que le seuil critique de baisse de l’accès à la formation diffère selon la catégorie socioprofessionnelle ([57]). La chute du taux d’accès à la formation serait plus précoce pour les salariés les moins qualifiés (employés et ouvriers) que pour les professions intermédiaires et les cadres puisqu’elle interviendrait à partir de 40 ans pour les premiers, contre 50 ans pour les seconds. La catégorie socio-professionnelle jouerait un rôle prépondérant par rapport à l’âge dans l’accès à la formation puisqu’il apparaît, ainsi, que les cadres les plus âgés se forment dans une proportion bien plus importante (49 %) que les ouvriers les plus jeunes (35 %).

b.   Les difficultés spécifiques rencontrées par les salariés expérimentés dans l’accès à la formation

L’investissement dans la formation des travailleurs expérimentés, tant du point de vue des salariés eux-mêmes que de l’employeur, dépend de l’horizon temporel de la période en emploi restante. Plus le travailleur sera amené à rester en emploi du fait, notamment, de l’allongement des carrières, plus l’investissement dans la formation professionnelle sera perçu comme « rentable » et nécessaire. Cette lecture doit nous interpeller. Ne serait-il pas plus pertinent d’envisager que plus les besoins en formation des salariés seront couverts, plus ces derniers seront aptes à rester en emploi ?

Aujourd’hui, les obstacles auxquels sont confrontés les travailleurs expérimentés sont multiples.

Les salariés expérimentés présenteraient eux-mêmes un manque d’intérêt pour les différents dispositifs de formation en raison de l’absence de perspective professionnelle. Dans le cadre du dispositif d’enquête sur les formations et itinéraires des salariés (DEFIS) conduit par le CEREQ, il ressort que les objectifs des formations professionnelles suivies par les salariés diffèrent selon l’âge. En effet, les objectifs liés à un changement professionnel significatif sont moins partagés par les salariés de plus de 50 ans que par les plus jeunes. Seuls 34 % des salariés de 50 ans et plus déclarent suivre une formation pour prendre davantage de responsabilités, contre 52 % des 18-29 ans.

OBJECTIFS DES FORMATIONS À VISÉE PROFESSIONNELLE SELON L’âGE

Source : France Compétences-Céreq, dispositif Defis-enquête 2015.

Champ : Salariés des entreprises de dix salariés et plus du secteur privé ayant suivi une ou plusieurs formations à visée professionnelle au cours des dix‑huit derniers mois précédant l’interrogation.

L’expérience professionnelle peut conduire à relativiser leur besoin de formation. Comme le souligne l’étude de la DARES, si « plus d’un salarié sur deux pense que ses besoins futurs de formation seront importants et qu’il aura besoin d’entretenir ou de perfectionner ses compétences ou d’en acquérir de nouvelles, ce sentiment diminue avec l’âge, surtout à partir de 55 ans où ils ne sont plus que 23 % à considérer devoir se former dans les prochaines années ([58]) ». En effet, parmi les 50 % de salariés n’ayant pas suivi de formation dans l’année précédant l’enquête, seuls 18 % expriment leur volonté de suivre une formation tandis que 82 % déclarent qu’ils ne le souhaitaient pas ([59]).

En outre, certains travaux ergonomiques ont démontré que les salariés eux‑mêmes pouvaient partager nombre de stéréotypes négatifs quant à leur capacité à apprendre en vieillissant. Pour autant, ces mêmes travaux ont montré que les travailleurs expérimentés « sont à même d’apprendre aussi bien que les jeunes » mais que les modalités de formation doivent être mieux adaptées aux profils et aux besoins des premiers ([60]). Rappelons que lorsque le travail permet aux salariés d’apprendre, la probabilité de se sentir capable de rester dans son emploi est plus que doublée pour les salariés âgés de 52 ans et plus ([61]).

Enfin, la réticence des employeurs à s’engager dans la formation professionnelle des salariés âgés est régulièrement invoquée comme obstacle à la formation. Parmi les principaux freins soulevés par les salariés, le refus de financement occupe la première place chez les salariés expérimentés puisque 35 % des salariés âgés de 50 ans et plus ont déclaré ne pas avoir assisté à la formation demandée en raison du refus de financement contre seulement 18 % des 18-29 ans. Pourtant, les employeurs ont tout à intérêt à ce que les compétences de leurs salariés restent en adéquation avec les intérêts de leur entreprise afin de maintenir les exigences de productivité.

LES PRINCIPAUX FREINS À LA FORMATION DES SALARIÉS SELON L’âGE

Source : France Compétences-Céreq, dispositf Defis-enquête 2015.

Champ : Salariés des entreprises de dix salariés et plus du secteur privé ayant suivi une ou plusieurs formations à visée professionnelle au cours des dix‑huit derniers mois précédant l’interrogation.

 

Au total, les travaux menés par la mission d’information ont identifié des obstacles bien réels rencontrés spécifiquement par les travailleurs expérimentés dans l’accès à la formation professionnelle. Toutefois, le moindre accès à la formation doit être relativisé car l’écart se réduit nettement entre les travailleurs expérimentés et leurs cadets. Partageant le constat de France Stratégie, il semble finalement, pour les rapporteurs, que « l’âge joue comme un facteur aggravant des inégalités d’accès à la formation d’abord liées aux catégories socioprofessionnelles » ([62]). À cet égard, les réformes entreprises, ces dernières années, en matière de formation professionnelle ont posé les jalons d’une plus grande accessibilité aux dispositifs de formation, un atout pour le maintien en emploi des travailleurs expérimentés.

c.   La logique d’individualisation de la formation professionnelle, un atout pour les travailleurs expérimentés

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle ([63]) a introduit le compte personnel de formation (CPF), utilisable par tout salarié, tout au long de sa vie active pour suivre une formation qualifiante. À la différence du droit individuel à la formation (DIF) qu’il a vocation à remplacer, ce compte est attaché au salarié et non à l’entreprise. Dans une logique d’un accès plus large à la formation pour tous, le salarié souhaitant se former hors de son temps de travail grâce à son CPF ne doit plus nécessairement obtenir l’accord de son employeur.

Il apparaît d’emblée que les travailleurs expérimentés ont davantage connaissance des dispositifs d’accès à la formation que les plus jeunes, qu’il s’agisse de l’ancien droit individuel à la formation ou du nouveau compte personnel de formation. En effet, 47 % des salariés âgés de 45 à 64 ans connaissaient le CPF en 2016 contre seulement 20 % des 18-24 ans ([64]). Pour autant, les premiers bilans de cette réforme de 2014 laissaient entrevoir que « l’individualisation de la formation ne semble pas contrecarrer les effets suivants : les cadres sont surreprésentés parmi les bénéficiaires du CPF et les 45 ans et plus sont moins représentés que les 26-44 ans » ([65]).

Dans l’optique de développer le compte personnel de formation, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([66]) a introduit, d’une part, la monétisation du compte personnel de formation, désormais décompté en euros et non plus en heures et la création d’une application facilitant l’accès direct aux offres de formation. D’autre part, elle a engagé une logique de co‑construction entre l’employeur et le salarié afin que l’individualisation de la formation ne se traduise pas par une incohérence entre les formations suivies par les salariés et les besoins de l’entreprise.

Comme l’ont souligné les opérateurs de compétences auditionnés dans le cadre de la mission d’information, s’il est encore trop tôt pour en dresser un bilan précis, l’individualisation de l’utilisation du droit est une bonne chose pour les salariés âgés. Il ne s’agit pas de priver l’entreprise de sa capacité à construire le parcours de formation mais bien pour les travailleurs les plus expérimentés de se réapproprier les outils à leur disposition ([67]). Le rapport « Bellon-Mériaux-Soussan » se montrait plus prudent quant aux conséquences de l’autonomisation des salariés dans l’usage de leur CPF, partageant les craintes des professionnels en ressources humaines rencontrés qui « pointent la perte de visibilité des RH sur la consommation du CPF et la difficulté dans ces conditions à faire converger les projets individuels et l’investissement-formation de l’entreprise pour répondre aux besoins qu’elle identifie » ([68]).

S’il n’appartient pas à la présente mission d’information d’évaluer les effets globaux de la réforme de 2018 ([69]), les données fournies par la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre de ses travaux, relatives aux bénéficiaires de 56 ans et plus du compte personnel de formation entre novembre 2019 et mai 2021 permettent d’établir quelques éléments de comparaison entre les travailleurs expérimentés et le reste des actifs :

– les salariés de 56 ans et plus représentent 9 % des dossiers de formation acceptés ;

RÉPARTITION PAR ÂGE DES DOSSIERS « MON COMPTE FORMATION »

Champ : Bénéficiaires des dossiers de formation sur la période du 21 novembre 2019 au 11 mai 2021.

Source : Caisse des dépôts et consignations.

– le prix moyen des formations suivies est légèrement plus élevé puisqu’il atteint en moyenne 1 386 euros contre 1 235 euros pour l’ensemble des dossiers ;

– l’abondement « titulaire » est moindre pour les salariés expérimentés que pour le reste des actifs puisqu’il représente 2,1 % du financement contre 4 % ;

– les salariés expérimentés déclarent un niveau de diplôme à l’entrée en formation moins élevé que l’ensemble des stagiaires, ce qui est à mettre en relation avec le moindre niveau de diplôme en général chez les travailleurs expérimentés :

NIVEAU DE DIPLÔMES DÉCLARÉ À L’ENTRÉE EN FORMATION

Niveau de formation déclarée

Ensemble des stagiaires

56 ans et plus

Bac +8

0,6 %

1,5 %

Bac +5

12,0 %

9,6 %

Licence ou maîtrise universitaire

11,0 %

10,1 %

BTS, DUT, DEUG

14,0 %

13,7 %

BP, BT, baccalauréat professionnel ou technologique

21,9 %

16,7 %

CAP, BEP, CFPA du premier degré

22,7 %

26,9 %

Préqualification

17,4 %

21,1 %

Champ : Bénéficiaires des dossiers de formation sur la période du 21 novembre 2019 au 11 mai 2021.

Source : Caisse des dépôts et consignations.

– a contrario, la proportion de cadres est plus importante parmi les 56 ans et plus :

RÉPARTITION PAR CATÉGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLE DES BÉNÉFICIAiRES

Répartition par catégorie socio-professionnelle

Ensemble

56 ans et plus

Employés

43,6 %

41,6 %

Cadres

12,5 %

19,0 %

Ouvriers (qualifiés et non qualifiés)

6,2 %

5,7 %

Professions intermédiaires

 technicien/agent de maîtrise

3,5 %

4,9 %

Artisans, commerçants et chefs d’entreprise

2,8 %

3,3 %

Agriculteurs exploitants

0,1 %

0,2 %

Non renseigné (dont demandeurs d’emploi)

31,3 %

25,3 %

Champ : Bénéficiaires des dossiers de formation sur la période du 21 novembre 2019 au 11 mai 2021.

Source : Caisse des dépôts et consignations.

En conclusion, la loi « Avenir professionnel » de 2018 semble, à maints égards, favoriser un meilleur accès aux dispositifs de formation professionnelle pour les travailleurs expérimentés, bien que les inégalités perdurent selon les catégories socio-professionnelles. Il reste toutefois qu’un nombre significatif de dispositifs existants restent trop peu utilisés au regard des besoins à ces tranches d’âge.

2.   Le faible recours aux dispositifs existants

Les salariés âgés de 50 ans ou plus sont bien informés de l’existence des dispositifs de formation auxquels ils peuvent prétendre, dans la plupart des cas, ils le sont même mieux que leurs cadets.

CONNAISSANCE DES DISPOSITIFS D’ACCÈS À LA FORMATION SELON L’ÂGE EN 2016

Champ : France métropolitaine, personnes âgées de 18 à 64 ans, sorties de formation initiale, actives à la date de l’enquête.

Lecture : en 2016, 44 % des actifs de 18 à 64 ans déclarent avoir entendu parler du compte personnel de formation.

Source : Insee, enquête Formation des adultes 2016.

Toutefois, malgré la connaissance qu’ils en ont, les travailleurs expérimentés ont peu recours à certains dispositifs existants.

a.   La validation des acquis de l’expérience, un dispositif qui gagnerait à être simplifié

Instituée par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ([70]), la validation des acquis de l’expérience (VAE) est un dispositif original qui permet à tout individu de se voir délivrer, sous certaines conditions, une certification en reconnaissance d’un ensemble de compétences acquises lors de l’exercice d’une activité professionnelle ou bénévole. Comme l’ont souligné les opérateurs de compétences entendus dans le cadre de la mission, la VAE est, en théorie, un bon outil pour les travailleurs expérimentés car elle permet de valoriser les compétences professionnelles acquises à un âge où le diplôme n’est plus déterminant pour envisager la fin de carrière ([71]).

Bien que les diplômes acquis par cette voie soient considérés comme étant de valeur équivalente à ceux obtenus par examen ([72]), la VAE n’enrichit pas les compétences. C’est sans doute là l’une des raisons du faible recours à ce dispositif car elle ne correspond, dès lors, pas au projet de salariés qui ont besoin pour progresser professionnellement d’une certification d’un niveau supérieur. A fortiori, l’échec à la validation des acquis de l’expérience peut avoir un effet délétère sur les candidats les plus âgés qui n’obtiendraient aucune validation à l’issue du processus. Cet échec peut générer une remise en cause professionnelle, voire une perte de confiance dans sa pratique professionnelle. Or, selon une étude de la DARES, les salariés de 50 ans et plus échouent un peu plus souvent que les autres classes d’âge, à l’obtention du titre ([73]).

La validation des acquis de l’expérience pèche surtout par sa complexité. Le parcours d’un candidat à la VAE comprend aujourd’hui neuf étapes et dure en moyenne seize mois. À juste titre, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fait valoir qu’une telle durée est trop longue pour que la validation des acquis de l’expérience soit entamée en fin de vie active ([74]). La mission partage l’idée que la démarche de validation des acquis de l’expérience doit être facilitée pour les salariés les plus âgés par un meilleur accompagnement des salariés et un soutien plus important aux entreprises qui s’engagent dans ce processus ([75]).

Proposition n° 1 : Simplifier les étapes pour obtenir une validation des acquis de l’expérience.

Proposition n° 2 : Mieux accompagner les salariés les plus âgés et les entreprises qui s’engagent dans leur démarche de validation des acquis de l’expérience.

b.   L’entretien professionnel, un outil encore mal exploité

Dans la lignée des réformes engagées depuis les années 2000 en matière de formation professionnelle, l’entretien professionnel vise à instaurer un dialogue entre le salarié et l’entreprise autour du développement des compétences et des perspectives d’évolution professionnelle. Depuis la loi du 5 mars 2014 précitée, tout salarié bénéficie, quelle que soit la taille de son entreprise, d’un entretien professionnel tous les deux ans ([76]). Cet entretien a remplacé différents dispositifs qui ciblaient spécifiquement les salariés expérimentés, comme le bilan d’étape professionnel ou l’entretien de seconde partie de carrière car ces outils étaient jugés peu opérationnels. L’employeur doit, lors de cet entretien, informer le salarié sur la validation des acquis de l’expérience, et depuis la loi « Avenir professionnel » de 2018, sur le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle.

La mise en place de ces entretiens est assortie d’un état des lieux récapitulatif à six ans qui peut contraindre l’employeur, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, à abonder le compte personnel de formation du salarié en cas de manquement à ces obligations ([77]). La crise sanitaire a, malheureusement, différé la possibilité d’établir un bilan des premiers entretiens « état des lieux » à six ans puisque la date limite de mars 2020 fixée pour les salariés présents depuis mars 2014 dans l’entreprise a été reportée au 31 décembre 2020. Néanmoins, les enquêtes réalisées par le CEREQ montrent que la mise en œuvre des entretiens professionnels demeure très insuffisante puisque seulement une moitié des salariés en ont bénéficié en 2017-2018, un niveau stable depuis 2015 ([78]). Si l’écart est faible quant à la participation à l’entretien professionnel selon l’ancienneté dans l’entreprise, l’entretien professionnel reste significativement plus répandu chez les jeunes salariés que chez les travailleurs expérimentés ([79]). Ils sont, en effet, 62 % des salariés de 18 à 29 ans à déclarer avoir participé à un tel entretien, contre seulement 47 % pour les 50 ans et plus.

ENTRETIENS PROFESSIONNELS SELON L’ÂGE (en %)

Champ : salariés en emploi à la date d’enquête depuis au moins un an dans la même entreprise.

Source : CNEFP-France compétences-Céreq, dispositf Defis-enquête, volet « Salariés », vague 2, 2016.

Or, le maintien en emploi des salariés expérimentés dépend de la préservation de leur employabilité sur le marché du travail. La logique d’individualisation de l’accès à la formation professionnelle a précisément vocation à construire une culture de la formation tout au long de la vie, adaptée à chaque salarié, selon ses besoins. S’il est prématuré d’assortir cet entretien professionnel de nouvelles obligations pour assurer un accès effectif à la formation, la mission d’information est convaincue que cet outil doit faire l’objet d’une plus grande visibilité.

Proposition n° 3 : Mieux faire connaître l’entretien professionnel.

3.   Mieux mobiliser les outils de la formation professionnelle existants

a.   Déplafonner le compte personnel de formation pour les salariés de plus de 45 ans

Les différents rapports présentés ces dernières années sur la question de l’emploi des travailleurs expérimentés sont unanimes : il faut se servir du compte personnel de formation comme d’un levier pour appréhender la seconde partie de carrière. Parce que les travailleurs âgés sont statistiquement moins qualifiés que la moyenne des salariés et parce que leur éloignement de l’emploi est plus durable lorsqu’ils en sont privés, les rapporteurs partagent cette orientation.

Le rapport « Bellon-Mériaux-Soussan » propose « de nouveaux mécanismes incitatifs [qui] devraient permettre de flécher davantage de financements vers les formations nécessaires aux reconversions pour une deuxième carrière : un déplafonnement des droits acquis à partir de 45 ans permettant d’optimiser les logiques de co-financement par les entreprises et financeurs publics, et par le salarié lui-même via son compte épargne temps, serait sans doute de nature à améliorer l’usage du CPF dans une optique de long terme (plutôt que dans une logique consumériste immédiate) » ([80]). Les sénateurs Monique Lubin et René Savary recommandent, quant à eux, d’instaurer « un abondement spécifique du compte personnel de formation pour les personnes qui perdent leur emploi après 45 ans » ([81]).

La mission s’inscrit dans la continuité de ces propositions et préconise un déplafonnement du compte personnel de formation pour les salariés de plus de 45 ans afin de ne pas décourager l’accès à une formation longue et coûteuse qui dépasserait le plafond actuellement fixé à 5 000 euros. Ce déplafonnement permettrait au salarié de construire un projet de reconversion ambitieux en seconde partie de carrière grâce à l’accumulation de droits qu’il aura pu constituer pendant sa carrière. Pour les rapporteurs, le plafonnement actuel représente finalement une perte de droits pour le salarié qui, une fois le seuil atteint, ne se constitue plus de nouveaux droits à la formation professionnelle.

Si le recul manque pour évaluer précisément le nombre de salariés concernés actuellement par le plafond, les rapporteurs ont la conviction que cette mesure permettra, à moindres frais, d’infléchir les contraintes d’accès à la formation professionnelle.

Proposition n° 4 : Déplafonner le compte personnel de formation pour les salariés âgés de plus de 45 ans.

b.   Affermir le conseil en évolution professionnelle

Introduit par la loi du 5 mars 2014, le conseil en évolution professionnelle (CEP) a été fortement enrichi par la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 qui en fait un outil majeur au service de l’employabilité et de la construction personnelle du parcours professionnel du salarié.

Le conseil en évolution professionnelle est un droit qui bénéficie à tout actif durant sa vie professionnelle dans un double objectif d’évolution et de sécurisation de son parcours. Concrètement, il s’agit d’un conseil gratuit, délivré en dehors de l’entreprise, en lien direct avec les besoins économiques et sociaux existants et prévisibles dans les territoires tout en restant homogène puisqu’un cahier des charges doit être respecté par les opérateurs.

Dans un contexte où les transformations du travail sont à la fois rapides, profondes et difficilement prévisibles comme en témoignent les conséquences que la crise sanitaire a pu avoir sur les conditions de travail des salariés, le conseil en évolution professionnelle gagnerait à sortir de sa confidentialité. Nombre de travaux soulignent, en effet, le « développement timide » du CEP « en raison d’un défaut d’information et de communication » ([82]). Le bilan établi par France compétences, en avril 2021, est sans appel : le conseil en évolution professionnelle est un outil délaissé par les travailleurs les plus âgés puisque seuls 23 % des bénéficiaires sont âgés de 45 ans et plus ([83]).

RÉpartition par Âge des bÉNÉficiaires du conseil en Évolution professionnelle

Source : France compétences, avril 2021.

Or, le conseil en évolution professionnelle représente un levier innovant pour aborder la seconde partie de carrière des salariés. Son renforcement récent par la loi « Avenir professionnel » de 2018 invite, a minima à renforcer la communication sur le CEP. Afin d’inciter les salariés âgés à s’en saisir, une priorisation de l’accès au conseil en évolution professionnelle pourrait être envisagée. Cette priorisation pourrait figurer dans le cahier des charges relatif au conseil en évolution professionnelle publié par le ministère du travail afin de guider les opérateurs en charge du CEP. L’arrêté du 29 mars 2019 fixant le cahier des charges depuis le 1er janvier 2020 ([84]) pourrait être modifié afin de préciser que parmi les bénéficiaires du CEP, les salariés âgés de plus de 45 ans doivent faire l’objet d’une attention prioritaire.

Proposition n° 5 : Prioriser l’accès au conseil en évolution professionnelle pour les salariés de plus de 45 ans via le cahier des charges publié par le ministère du travail à destination des opérateurs du CEP.

c.   Soutenir les formes d’apprentissage en situation de travail

Afin de répondre aux difficultés réelles ou supposées d’apprentissage des salariés expérimentés, il serait pertinent de développer les apprentissages intégrés au travail qui répondent mieux à leurs processus d’apprentissage que les formations plus traditionnelles sur un temps condensé, sous forme de modules centrés sur des notions ou procédures à acquérir. Les formations en situation de travail sont destinées aux travailleurs déjà en poste. Les rapporteurs souscrivent au constat du rapport « Bellon-Mériaux-Soussan » qui considère qu’il est « peu efficace de stimuler la demande de formation des travailleurs expérimentés sans agir en parallèle pour faire évoluer l’offre de formation : "former autrement" devrait être une priorité pour ces publics expérimentés » ([85]).

Les formations réalisées en « situation de travail » figurent, depuis 2018, parmi les actions de formation professionnelle qui concourent à proposer au salarié un « parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel » aux termes de l’article L. 6313-2 du code du travail. Fortes désormais d’un cadre juridique favorisant leur essor, les actions de formation en situation de travail (AFEST) s’avèrent particulièrement adaptées aux travailleurs expérimentés. La mise en situation professionnelle permet à la fois de valoriser l’expérience du travailleur et de l’accompagner vers l’acquisition de nouvelles compétences grâce à une pédagogie alternative.

Dans son rapport sur l’expérimentation de l’action de formation en situation de travail ([86]), l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) distingue des effets positifs directs et indirects sur les bénéficiaires de l’AFEST. D’une part, l’AFEST permettant d’acquérir des compétences en lien direct avec l’activité réalisée, les apprenants en voient le bénéfice très rapidement. En formalisant les compétences attendues, en co‑construisant l’ingénierie mais aussi en mettant l’activité à distance par la réflexivité, les bénéficiaires sont capables de verbaliser et d’exprimer leurs compétences, un atout précieux pour les travailleurs expérimentés.

D’autre part, l’AFEST a pour effet plus indirect mais majeur d’apporter de la reconnaissance en redonnant confiance en soi à l’apprenant, en donnant un sens au travail par la démonstration de son utilité dans l’entreprise. Alors que les travailleurs âgés peuvent être victimes de stéréotypes négatifs dans l’entreprise, ces actions de formation permettent de récréer une reconnaissance entre pairs en enrichissant les interactions professionnelles.

Aussi, dans la lignée de certaines préconisations comme celles de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, auditionnée lors de ses travaux ([87]), la mission préconise que les travailleurs expérimentés soient parmi les premiers bénéficiaires des actions de formation en situation de travail.

Proposition n° 6 : Améliorer les offres de formation destinées aux travailleurs âgés de plus de 45 ans en privilégiant les actions de formation en situation de travail.

II.   AGIR POUR LA FORMATION et L’ACCOMPAGNEMENT dES DEMANDEURS D’EMPLOI expérimentés

1.   Face au risque de privation durable d’emploi, soutenir les dispositifs de reconversion professionnelle

a.   Les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans sont plus exposés au risque de sous-emploi et d’emploi précaire

Lors de son audition, le directeur général de Pôle emploi a rappelé un constat déjà bien établi : les travailleurs expérimentés sont moins au chômage que les autres actifs mais dès lors qu’ils perdent leur emploi, ils se retrouvent plus en difficulté pour sortir du chômage ([88]). En effet, d’après des données de l’INSEE, « la part de personnes au chômage et qui le restent le trimestre suivant est plus importante chez les seniors : 62,5 % contre 51,7 % pour les moins de 25 ans et 59,9 % pour les 25-49 ans » ([89]). Au total, seuls 12,9 % des « seniors » retrouvent un emploi le trimestre suivant, contre 25,8 % des 15-24 ans et 21,1 % des 25-49 ans.

TRANSITION TRIMESTRIELLE DES PERSONNES AU CHÔMAGE SELON L’ÂGE

Âge

Transition du chômage vers

L’emploi

L’inactivité

Le chômage

15-24 ans

25,8 %

22,5 %

51,7 %

25-49 ans

21,1 %

19 %

59,9 %

50-64 ans

12,9 %

24,6 %

62,5 %

Lecture : 12,9 % des personnes âgées de 50 à 64 ans au chômage un trimestre donné ont un emploi le trimestre suivant.

Source : Insee, enquêtes Emploi 2016 et 2017.

Lorsqu’un demandeur d’emploi expérimenté parvient à retrouver un emploi, ce dernier est davantage précaire que pour les autres catégories d’âge, le taux de sortie du chômage en contrat à durée indéterminée étant très faible. De manière générale, plus souvent que les autres actifs, les chômeurs qui trouvent un emploi en occupent un à durée limitée (72,6 % contre 13,1 %) ou sont en situation de sous-emploi (22,9 % contre 6,5 %) ([90]). Ce phénomène n’épargne pas les demandeurs d’emploi âgés qui se trouvent dans une situation de précarité vis-à-vis de l’emploi qui les distingue des travailleurs expérimentés en emploi, plus souvent dans une situation stable que le reste de la population.

Ce retour à l’emploi difficile des travailleurs expérimentés les enferme dans une situation de chômage de longue durée, préjudiciable au maintien de leur employabilité. Concrètement, le taux de chômeurs de longue durée atteint 58 % pour les plus de 55 ans, alors qu’il est de 42 % pour les 25-49 ans et de 24 % pour les moins de 25 ans ([91]). Victimes d’un « effet d’hystérèse » bien documenté par la littérature économique ([92]), les demandeurs d’emploi sont exclus du marché du travail ou auto-exclus du fait de la baisse de leurs capacités productives car ils se retrouvent disqualifiés par les employeurs qui redoutent une perte de compétence et une détérioration de leur « capital humain ».

Les rapporteurs partagent l’idée que l’accompagnement des demandeurs d’emploi expérimentés doit partir de ce constat et prendre en compte le risque accru de perte d’employabilité des travailleurs âgés, en sondant leurs besoins et ceux des employeurs à même de les recruter. Derrière cette catégorie d’âge, il existe une diversité de population extrêmement forte, en termes de diplôme comme de carrière professionnelle. Un tiers des plus de 55 ans a un niveau de formation inférieur au brevet, un quart a un niveau bac +2 tandis qu’un tiers a un parcours professionnel linéaire contre deux tiers avec un parcours heurté ([93]). Cette diversité de profils doit être prise en considération pour accompagner au mieux les demandeurs d’emploi.

b.   Les demandeurs d’emploi expérimentés sont plus enclins à se reconvertir professionnellement

Les travailleurs expérimentés étant confrontés à de réelles difficultés de réinsertion après une période de chômage, ils sont plus nombreux à déclarer vouloir se reconvertir professionnellement. D’après les données de l’INSEE, « en 2016, plus d’un ex-chômeur sur quatre souhaite changer d’emploi. Le désir de changer d’emploi est particulièrement élevé chez les ex-chômeurs de 50-64 ans (30,7 % contre 25,5 % pour les 25-49 ans et 24 % pour les 15-24 ans), alors que parmi l’ensemble des actifs occupés cette proportion tend à diminuer avec l’âge. » ([94]) Qu’elle résulte d’un sentiment de vulnérabilité face au chômage de longue durée ou d’une réelle appétence pour un changement de vie, la reconversion professionnelle doit aujourd’hui être encouragée pour permettre aux travailleurs expérimentés de sortir du chômage.

c.   Étendre le CPF de transition aux demandeurs d’emploi expérimentés

Le projet de transition professionnelle (PTP) ou compte personnel de formation de transition (CPF de transition) permet aux salariés de s’absenter afin de suivre une formation certifiante pour changer de métier ou de profession. Pouvant durer jusqu’à un an à temps plein ou 1 200 heures, le CPF de transition est validé et financé par une commission partiaire interprofessionnelle régionale « Transition Pro ».

Réservé aux salariés, ce dispositif n’a pas été étendu aux demandeurs d’emploi. Or, il y a fort à parier que le déploiement du projet de transition professionnelle serait particulièrement bénéfique pour les demandeurs d’emploi expérimentés qui ont perdu leur emploi du fait des effets de la pénibilité de leur métier sur leur santé ou parce qu’ils sont plus sujets à l’obsolescence de leur qualification, en particulier avec le développement des nouvelles technologies. Faute de pouvoir entreprendre une formation certifiante d’ampleur, les demandeurs d’emploi expérimentés sont condamnés à suivre des formations de faible portée ne leur permettant pas de s’engager dans un processus de reconversion professionnelle.

Les rapporteurs préconisent d’étendre le bénéfice du CPF de transition aux demandeurs d’emploi de plus de 45 ans. Dans les mêmes conditions que pour les salariés, le projet de transition professionnelle serait validé et financé par la commission paritaire interprofessionnelle.

Proposition n° 7 : Étendre le bénéfice du compte personnel de formation de transition aux demandeurs d’emploi de plus de 45 ans.

d.   Soutenir l’entrepreneuriat des travailleurs expérimentés en recherche d’emploi

Confrontés à un marché du travail peu accessible, les demandeurs d’emploi plus âgés peuvent être tentés de s’orienter vers la création de leur propre emploi. Si certains, dits « entrepreneurs réticents » ([95]), s’engagent dans ce processus par crainte de rester durablement sans emploi et sans réelle motivation entrepreneuriale, il n’en demeure pas moins que les travailleurs expérimentés disposent de nombreux atouts pour créer leur propre activité.

Alors que l’âge est un facteur de réticence à l’embauche, les demandeurs d’emploi peuvent valoriser par eux-mêmes leur expérience professionnelle, leur savoir-faire, leur compétence, leur réseau de contacts en développant leur activité via l’entrepreneuriat.

À l’écoute de certaines propositions avancées par les acteurs auditionnés ([96]), les rapporteurs souhaitent encourager l’entrepreneuriat des travailleurs expérimentés.

Le programme « villages de l’Afpa »

En partenariat avec la Banque des yerritoires, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a transformé certains de ses centres en tiers-lieux de l’insertion professionnelle et sociale.

Concrètement, ce programme lie les besoins de compétences des entreprises, les besoins d’accompagnement des personnes dans leurs parcours professionnels et les offres des acteurs de l’insertion par l’emploi.

Le programme repose sur deux principes : accueillir en résidence des partenaires et des innovateurs et travailler en réseau en valorisant les offres publiques et privées existantes sur le territoire. Ces villages représentent une opportunité pour les travailleurs expérimentés de prévenir l’obsolescence de leurs compétences, voire de se former pour transmettre leur savoir-faire.

Interrogée sur l’âge des bénéficiaires du programme, l’Afpa estime que sur 20 000 stagiaires, 10 % ont plus de 50 ans mais 30 % sont âgés de 45 ans au moins ([97]). L’entrepreneuriat fait partie des premiers projets engagés par les travailleurs expérimentés dans ces villages car ils y trouvent tout l’accompagnement nécessaire, de l’élaboration du projet à sa mise en œuvre.

En tenant compte des obstacles particuliers qu’ils peuvent rencontrer dans leur projet entrepreneurial comme des stéréotypes négatifs quant à leur motivation ou un accès limité aux ressources financières, l’entrepreneuriat des travailleurs expérimentés apparaît comme une réponse crédible aux difficultés d’employabilité des travailleurs expérimentés. La mission propose ainsi d’encourager le développement de plateformes de services sur le modèle des villages Afpa qui permettent à chaque travailleur expérimenté qui souhaite s’engager dans un projet d’entrepreneuriat de bénéficier d’un écosystème pour l’accompagner.

Proposition n° 8 : Développer une plateforme de services pour accompagner les travailleurs expérimentés dans leurs démarches d’entrepreneuriat.

2.   L’accompagnement spécifique des demandeurs d’emploi expérimentés doit être encouragé

Si l’objectif de la mission d’information n’est pas d’accroître, par principe, la prolifération de mesures pour accompagner les demandeurs d’emploi, il apparaît qu’au regard de l’insuffisante prise en charge des besoins des demandeurs d’emploi expérimentés par Pôle emploi, des actions innovantes et ciblées doivent être entreprises.

a.   Des initiatives locales prometteuses

Lors de ses travaux, la mission a pu se féliciter que nombre d’acteurs s’engagent résolument dans la lutte contre le chômage des seniors au niveau des territoires. Ainsi le dispositif Plein emploi pour les seniors (PEPS), expérimenté à Tourcoing, réunit un club d’entreprises bénévoles, en partenariat avec Pôle emploi, pour permettre à cent demandeurs d’emploi expérimentés volontaires et sélectionnés de s’engager dans un processus de « coaching » ([98]). L’objectif de ce parcours, comme de toute action à destination des demandeurs d’emploi, est de leur faire reprendre confiance en eux, de consolider leur identité numérique, d’identifier les opportunités d’emploi dans le bassin local et de développer leurs réseaux professionnels grâce à des rencontres en immersion dans l’entreprise.

L’Espace Emploi Agirc-Arrco de Lille

Lors de ses travaux, la mission s’est rendue dans l’Espace Emploi de Lille, un dispositif piloté par l’Agirc-Arrco, modélisé par les organisations syndicales depuis 2015. Ce dispositif propose un accompagnement interdisciplinaire, selon une logique de parcours sur mesure parfaitement adapté aux problèmes spécifiques rencontrés par les seniors exclus de l’emploi.

En moyenne, comme en médiane, les bénéficiaires de ce parcours, tous cotisants de l’Agirc-Arrco, sont âgés de plus de 50 ans. Deux sur trois sont diplômés d’un bac +2 et sont dans leur grande majorité demandeurs d’emploi de longue durée.

Aujourd’hui, il existe treize Espaces Emploi à travers la France qui fonctionnent en synergie avec Pôle emploi, l’Association paritaire pour l’emploi des cadres (Apec) et certains dispositifs régionaux comme Proch’Emploi pour la région Hauts-de-France. La dimension locale d’Espace Emploi est un aspect particulièrement novateur puisque les collectivités territoriales se trouvent impliquées dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi mais également des très petites et petites et moyennes entreprises du tissu local qui peinent parfois, en l’absence de service des ressources humaines, à recruter les profils correspondant à leurs attentes.

Des opérateurs spécialisés comme l’Apec, association paritaire pour l’emploi des cadres, mettent également en œuvre des projets novateurs à destination des cadres expérimentés sans emploi ([99]). Ainsi, l’opération Talents seniors conduite depuis 2019 dans plusieurs régions pilotes met en relation des chefs d’entreprise, des cadres dirigeants, des décideurs institutionnels et des cadres expérimentés demandeurs d’emploi qui vont, pendant douze mois, se rencontrer par binôme. À raison d’un rendez-vous par mois, les demandeurs d’emploi bénéficient d’un réel mentorat qui va leur permettre d’accéder à des conseils d’experts pour mieux aborder leurs futurs entretiens d’embauche.

Les rapporteurs ont pu constater l’engouement de ces acteurs de terrain dont certains s’engagent à titre purement bénévole. La réussite de ces dispositifs est incontestablement une source d’inspiration pour la mission d’information qui déplore l’absence de prise en charge spécifique pour les demandeurs d’emploi expérimentés.

b.   Pôle emploi et les travailleurs expérimentés : l’abandon progressif d’une stratégie nationale spécifique

Depuis une dizaine d’années, Pôle emploi a renoncé à une approche d’accompagnement par public, au profit d’une approche individualisée fondée sur l’entretien de diagnostic qui permet d’identifier les besoins d’accompagnement de chaque demandeur d’emploi, au cas par cas. Concrètement, cette nouvelle orientation s’est, par exemple, traduite par l’abandon, dans le cadre du plan stratégie 2015 de Pôle emploi, du premier entretien pour les travailleurs expérimentés dès le premier mois d’inscription.

Dans sa réponse au rapport d’évaluation de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le retour à l’emploi des seniors de 2013, le directeur général de Pôle emploi faisait valoir que « l’âge ne constitue pas un critère suffisant pour déterminer une distance à l’emploi élevée. Notre approche n’est pas catégorielle mais fonction d’un faisceau de difficultés de nature professionnelle, personnelle avec l’identification de freins périphériques à l’emploi ou encore lié à un contexte local défavorable au regard du profil du demandeur d’emploi. C’est bien toutes ces composantes qui conduisent le conseiller à poser son diagnostic et à proposer un accompagnement renforcé quel que soit l’âge de la personne concernée. » ([100]) Cette position a été très clairement réaffirmée lors de l’audition de Pôle emploi, son directeur général s’opposant, à nouveau, à l’idée d’un portefeuille dédié aux travailleurs expérimentés, l’âge ne prédéterminant pas une distance à l’emploi spécifique a priori.

Cette position de principe doit être relativisée au regard de la réalité actuelle : sur les 817 000 demandeurs d’emploi expérimentés inscrits à Pôle emploi dans les catégories A et B, 27 % font déjà l’objet de parcours spécialisés soit en tant que travailleurs handicapés, soit en tant que cadres ([101]).

La convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi 2019-2022 s’inscrit dans cette démarche de « personnalisation et d’intensification de l’accompagnement, en proposant à chaque demandeur d’emploi des services pleinement adaptés à sa situation » ([102]). Les prestations d’accompagnement de Pôle emploi se déclinent selon quatre modalités d’intervention :

– l’accompagnement renforcé, à destination des personnes les plus éloignées de l’emploi qui ont impérativement besoin d’entretiens physiques réguliers avec leurs conseillers ;

– l’accompagnement guidé pour les demandeurs d’emploi qui ont besoin d’un appui régulier grâce à des échanges physiques, téléphoniques ou par courriel ;

– le suivi et l’appui à la recherche d’emploi pour les demandeurs plus autonomes et proches du marché du travail pour lesquels un contact dématérialisé est suffisant ;

– l’accompagnement global, en lien avec les professionnels de l’action sociale.

D’après les éléments fournis par Pôle emploi, il semblerait que les demandeurs d’emploi expérimentés soient souvent considérés comme autonomes et n’aient donc besoin que d’un suivi et d’un appui à la recherche d’emploi. Toutefois, la moindre présence des demandeurs expérimentés dans les dispositifs d’accompagnement renforcé semble en contradiction avec leurs difficultés persistantes à retrouver un emploi.

c.   Généraliser une offre spécifique sur le territoire du réseau Pôle Emploi en faveur des travailleurs expérimentés

Les rapporteurs ont bien conscience que Pôle emploi a volontairement renoncé à déployer des actions particulières au service des demandeurs d’emploi expérimentés et que l’extension d’un accompagnement renforcé mobiliserait nécessairement des moyens financiers. Toutefois, la généralisation d’expérimentations locales qui ont fait leurs preuves apparaît aujourd’hui incontournable, d’autant plus que nombre d’agences locales de Pôle emploi ont déjà mis en œuvre, avec succès, des dispositifs spécifiques d’accompagnement des expérimentés. Le Conseil d’analyse économique préconisait déjà, en 2016, que les actions de Pôle emploi soient « spécifiques et adaptées aux chômeurs de plus de 50 ans » ([103]).

Sur le modèle de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » ([104]), il pourrait être envisagé d’expérimenter à l’échelle locale des dispositifs innovants qui auraient vocation à essaimer au niveau national à terme. Les zones géographiques de Pôle emploi étant extrêmement bien définies, partir du périmètre de l’agence locale de Pôle emploi permettrait de couvrir un maillage territorial significatif. Au vu des travaux menés par la mission, il semble indispensable d’associer un réseau d’entrepreneurs locaux dans le pilotage d’un tel dispositif, en partenariat avec Pôle emploi.

Cette expérimentation territoriale devrait, en tout état de cause, reposer sur plusieurs piliers :

– mettre en œuvre rapidement l’accompagnement des demandeurs d’emploi expérimentés, dès le premier mois, afin de ne pas les laisser s’installer durablement dans le chômage ;

– définir des prestations spécifiques pour ces demandeurs qui manquent bien souvent d’expérience dans la recherche d’emploi, en particulier après un licenciement : remise à niveau numérique, valorisation de leur profil (atelier d’écriture de curriculum vitae (CV), entraînement à l’entretien d’embauche, etc.) ;

– assurer un accompagnement collectif afin de créer des synergies entre les demandeurs d’emploi expérimentés et un réseau d’entraide qui permettent de rompre l’isolement dans lequel sont rapidement plongés les chômeurs âgés ;

– sensibiliser les entreprises dans le bassin d’emploi afin de créer un écosystème d’accompagnement des travailleurs expérimentés vers le retour à l’emploi.

De bonnes pratiques locales existent déjà dans le réseau de Pôle emploi, il s’agit désormais de les généraliser méthodiquement.

Proposition n° 9 : Expérimenter, sur plusieurs territoires, un même programme d’accompagnement des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans par les agences locales de Pôle emploi, en synergie avec les bassins d’emploi.

d.   Mieux faire connaître le contrat de professionnalisation, qui souffre d’un déficit de notoriété

Créé par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le contrat de professionnalisation a pour objectif d’acquérir une qualification professionnelle ou de compléter la formation initiale par une qualification complémentaire. Il s’inscrit dans une démarche d’amélioration de l’adéquation entre les besoins des entreprises et les compétences des bénéficiaires.

Les employeurs qui embauchent un demandeur d’emploi de 45 ans ou plus peuvent bénéficier d’une aide forfaitaire de l’État d’un montant maximal de 2 000 euros ([105]). Depuis le 1er janvier 2019, les exonérations de cotisations spécifiques applicables en cas d’emploi en contrats de professionnalisation ont été supprimées mais les employeurs qui en bénéficiaient sont éligibles à la réduction générale, renforcée, de cotisations sociales pour les employeurs.

La mission d’information a pu constater, grâce aux dernières données fournies par la DARES, que depuis 2014, la montée en puissance du dispositif pour ce public spécifique était certaine puisque les embauches ont progressé de 9,6 % pour les 45 ans et plus entre 2018 et 2019 ([106]).

RÉPARTITION Des bénéficiaires de nouveaux contrats de professionnalisation

Source : Dares Résultats, juin 2021.

ÉVOLUTION SUR LONGUE PÉRIODE de LA PART DES BÉNÉFICIAIRES DU CONTRAT DE PROFESSIOnNALISATION ÂGÉS DE 45 ANS OU PLUS

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2,1

2,6

2,6

2,7

2,9

2,8

3,0

3,1

3,7

4,3

Source : Dares Résultats, juin 2021.

Pour autant, seuls 4,3 % des bénéficiaires sont âgés de 45 ans ou plus. Dans son référé, la Cour des comptes soulignait déjà que les aides spécifiques mises en place pour les salariés expérimentés au titre du contrat de professionnalisation n’avaient qu’un « impact très limité » ([107]). La portée extrêmement faible de ce dispositif plaide pour une plus grande publicité des outils à disposition des travailleurs expérimentés comme des employeurs.

Proposition n° 10 : Mieux faire connaître l’aide forfaitaire accordée aux employeurs qui embauchent un salarié de plus de 45 ans en contrat de professionnalisation.


III.   TRAVAILLER DANS DE MEILLEURES CONDITIONS POUR TRAVAILLER PLUS LONGTEMPS : PRéVENIR LA DéSINSERTION ET L’USURE PROFESSIONNELLEs

Il ne peut être question de maintien dans l’emploi des travailleurs expérimentés sans se préoccuper de leur vieillissement au travail. L’allongement de la vie professionnelle, que les rapporteurs appellent de leurs vœux, doit indubitablement s’accompagner d’une meilleure prise en compte des contraintes qui pèsent sur les salariés. Les liens entre le vieillissement, la santé et le maintien en emploi sont bien établis mais pour autant la sortie précoce du marché du travail a longtemps constitué la seule réponse apportée à ces difficultés. Nous devons mobiliser nos efforts pour prendre véritablement en compte la santé au travail dans la gestion des âges.

1.   Les travailleurs en fin de carrière sont plus exposés au risque de désinsertion et d’usure professionnelle

a.   La désinsertion : les travailleurs expérimentés sont plus souvent en arrêt

La situation des travailleurs âgés en emploi peut sembler paradoxale : a priori moins exposés que les autres actifs aux conditions de travail difficiles, ils sont néanmoins plus souvent en arrêt de travail que ces derniers. Les travailleurs expérimentés actifs s’arrêtent, en effet, en moyenne 51 jours par an pour les 55‑59 ans, 75 jours après 60 ans contre 35 jours pour la moyenne de l’ensemble des arrêts des salariés ([108]).

DurÉe moyenne des arrÊts maladie sur l’ANNÉE 2017 EN NOMBRE DE JOURNéES

Source : Caisse nationale de l’assurance maladie.

L’audition conjointe de l’ANACT et de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a permis de faire la lumière sur ce phénomène de désinsertion professionnelle et ses conséquences sur le taux d’emploi des travailleurs expérimentés ([109]). L’éloignement durable du travail a un effet direct sur la volonté de se retirer définitivement de l’emploi. Plus la durée de l’arrêt de travail pour raisons de santé est longue, plus les travailleurs sont enclins à accepter une retraite précoce malgré les pénalités financières.

France Stratégie souligne pourtant que « les seniors ne sont pas plus exposés que les autres actifs à des conditions de travail plus difficiles. Par rapport à l’ensemble des actifs, les 55 ans et plus subissent un peu moins de contraintes physiques, même si les écarts se réduisent sur les dernières années. Ils sont également moins confrontés aux horaires atypiques, sont soumis à des rythmes de travail moins contraignants, et disposent de plus d’autonomie dans le travail. » ([110])

Les accidents du travail

Une étude de Santé publique France a montré que les travailleurs expérimentés étaient globalement moins fréquemment victimes d’accidents du travail, mais que ces accidents étaient plus graves ([111]). Ainsi, on recensait en 2012 30,5 accidents du travail avec arrêt pour 1 000 équivalents temps plein (ETP) parmi les salariés de plus de 50 ans contre 40 pour l’ensemble des salariés. La proportion d’accidents graves, c’est-à-dire d’accidents entraînant une incapacité permanente, était de 12,4 % pour les plus de 50 ans contre 6,7 % pour l’ensemble des salariés.

Cette situation peut occulter un effet de sélection, les travailleurs à la santé dégradée ayant quitté précocement leur emploi, source de pénibilité. Selon les données de l’enquête Santé et itinéraire professionnel (SIP), les travailleurs expérimentés sortis précocement de l’emploi avant 60 ans sont, en comparaison des autres, en moins bonne santé ([112]). Le simple fait de craindre des problèmes de santé qui limiteraient la capacité de travail augmente, dans de fortes proportions, le risque de souhaiter partir à la retraite le plus tôt possible.

Afin de mieux préparer le retour à leur poste des travailleurs arrêtés pour raison de santé, l’article 20 de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail ([113]) met en place un rendez-vous de liaison, non obligatoire, qui aura vocation à mieux informer le salarié quant aux dispositifs existants susceptibles d’améliorer les conditions de son retour au travail. Les rapporteurs souscrivent à ce dispositif qui permettra d’appréhender le plus en amont possible les difficultés liées au retour au travail, qui sont déterminantes pour ne pas exclure durablement les salariés les plus âgés de l’emploi.

b.   L’usure professionnelle : l’impact des contraintes sur l’emploi des travailleurs expérimentés

Les conditions de travail elles-mêmes peuvent influer sur la santé des travailleurs. L’accumulation de contraintes physiques au cours d’une carrière entraîne, à la longue, un phénomène dit d’usure professionnelle.

L’usure professionnelle

L’usure professionnelle est un processus d’altération de la santé qui dépend de la répétition dans le temps d’expositions de la personne à des contraintes du travail. Afin de l’enrayer, les travailleurs peuvent élaborer des régulations individuelles et collectives pour se protéger et développer leur santé tout au long de leur carrière. Le phénomène « d’usure » se développe lorsque ces mécanismes de régulation ne suffisent plus. Dès lors, survient une usure « par » le travail qui dégrade la santé des travailleurs et une usure « pour » réaliser ce travail.

Source : ANACT.

La crise sanitaire a accentué les risques psycho-sociaux qui pèsent sur les salariés. Si les conditions de travail des travailleurs âgés de plus de 45 ans semblent avoir légèrement moins changé que pour le reste de la population active, il n’en demeure pas moins que la dégradation de l’état de santé psychique des travailleurs peut avoir des conséquences durables sur l’usure professionnelle ([114]).

ÉVOLUTION DES CONDITIONS DE TRAVAIL PENDANT LA CRISE SELON LA CLASSE D’ÂGE

 

 

Peu d’impact

Intensification

Dégradation

Accalmie

Moins de 24 ans

7

6

6

9

25 à 34 ans

20

24

27

28

35 à 44 ans

24

29

29

26

45 à 54 ans

29

27

26

26

55 à 62 ans

20

13

12

10

Exprimé en pourcentage

Lecture : 29 % des personnes peu impactées sont âgées de 45 à 54 ans.

Source : DARES, Enquête TraCov., mai 2021.

2.   Promouvoir et étendre le bénéfice du compte personnel de prévention

Créé par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ([115]), le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) avait vocation à protéger les salariés exposés à des facteurs de pénibilité par un système d’accumulation de points afin de prévenir et réduire les situations dans lesquelles la santé des travailleurs est altérée à long terme et de prévoir des mécanismes de compensation.

Devenu « compte professionnel de prévention » (C2P) avec l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, il est ouvert aux salariés des employeurs de droit privé, y compris les apprentis et les titulaires de contrats de professionnalisation, ainsi qu’« au personnel des personnes publiques employé dans les conditions de droit privé » ([116]), et qui ont été exposés de manière effective à un ou plusieurs facteurs de pénibilité liés aux activités exercées en milieu hyperbare, aux températures extrêmes, au bruit, au travail de nuit, au travail en équipes successives alternantes et au travail répétitif au-delà de certains seuils définis par décret ([117]).

Depuis le 1er octobre 2017, les risques liés aux postures pénibles, aux manutentions manuelles des charges, aux vibrations mécaniques et aux agents chimiques dangereux ne sont plus à mesurer au titre du compte professionnel de prévention mais sont directement intégrés au sein du dispositif de départ en retraite anticipé pour incapacité permanente, car l’évaluation de ces facteurs de risques était trop complexe à établir pour l’employeur.

Le salarié ayant accumulé des points peut mobiliser son compte pour :

– financer tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle continue pour accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de risque ; 20 points minimum sont réservés à l’utilisation de cette modalité, chaque point utilisé donnant droit à 375 euros d’abondement du compte personnel de formation ;

– financer, en cas de réduction du temps de travail, le complément de rémunération et le versement des cotisations et contributions sociales afférentes en ayant accumulé 10 points ;

– partir jusqu’à deux ans avant l’âge légal de départ à la retraite de droit commun ; 10 points permettent d’obtenir un trimestre supplémentaire pour le calcul des droits à la retraite dans la limite de huit trimestres.

Pour les salariés, la création du C2P est allée de pair avec une amélioration de la connaissance de leurs droits grâce à une plateforme en ligne leur permettant d’avoir une vision complète du solde de points acquis au fil de leur carrière.

D’après l’étude d’impact du projet de loi instituant un système universel de retraites, en 2019, le nombre de demandes d’utilisation du C2P s’élevait à :

– 3 800 demandes au titre du départ anticipé à la retraite ;

– 1 250 demandes pour un passage à une activité à temps partiel ;

– 350 demandes de formation professionnelle.

Les rapporteurs regrettent la très faible mobilisation de ce dispositif qui semble souffrir d’un déficit de notoriété quant à ses usages, en particulier concernant la formation professionnelle. Le C2P est pourtant un moyen efficace d’aménager les fins de carrière en proposant certes la possibilité d’un départ précoce à la retraite mais également un maintien possible dans l’emploi par la réduction du temps de travail. Ils préconisent ainsi la généralisation du compte professionnel de prévention aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux.

Proposition n° 11 : Généraliser le compte professionnel de prévention aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux.

3.   Faire de l’entretien de mi-carrière une étape dans la prévention de l’usure professionnelle

a.   L’expérience du « parcours longévité » de l’Institut Pasteur de Lille

Au cours de ses travaux, la mission s’est rendue à l’Institut Pasteur de Lille afin de découvrir le « parcours longévité » mis en œuvre depuis 2017. Ce parcours qui s’adresse, entre autres publics, aux actifs, a une vocation préventive. Comprenant un bilan médical, un coaching individuel ou collectif et un suivi personnalisé, il vise à dépister les fragilités des patients et à les accompagner en leur suggérant notamment des adaptations de leurs postes de travail en lien avec les services de santé au travail de la métropole lilloise. Le programme « actifs en entreprise » est aujourd’hui majoritairement financé directement par les entreprises pour leurs propres salariés.

Le « parcours longévité » de l’Institut Pasteur de Lille s’inscrit dans un écosystème de financement qui réunit à la fois l’agence régionale de santé des Hauts-de-France, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) des Hauts-de-France aux côtés de plusieurs mutuelles. Dans l’optique de son essaimage, l’Institut Pasteur de Lille a récemment signé un accord de mécénat avec une grande banque française.

Convaincue de la démarche de prévention extrêmement complète du « parcours longévité », complémentaire des examens périodiques de santé proposés par la sécurité sociale ou les centres de prévention Agirc-Arrco, la mission encourage son déploiement à travers une expérimentation dans plusieurs territoires. Seules une détection et une prise en charge précoces des éventuels problèmes de santé des salariés permettront de travailler dans de meilleures conditions pour travailler plus longtemps.

Proposition n° 12 : Expérimenter le déploiement du « parcours longévité » dans plusieurs territoires.

b.   Articuler l’entretien de mi-carrière avec l’entretien professionnel

Tout travailleur bénéficie d’un suivi individuel de son état de santé, assuré par le médecin du travail aux termes de l’article L. 4624-1 du code du travail. Ce suivi se traduit par la réalisation d’un certain nombre de visites médicales à différentes étapes de la vie professionnelle. La loi du 2 août 2021 précitée transpose une disposition de l’accord national interprofessionnel visant à instaurer une visite médicale de mi-carrière au profit du travailleur.

Cet entretien de mi-carrière poursuit trois objectifs :

– établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur à la date de la visite, qui tienne compte des risques auxquels il aurait été exposé ;

– évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel passé, de son âge et de son état de santé ;

– sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et à la question de la prévention des risques professionnels.

À l’issue de cet entretien, le médecin aura la faculté de proposer, par écrit et après un échange avec le travailleur et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge du travailleur.

L’audition des rapporteures de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, Charlotte Parmentier‑Lecocq et Carole Grandjean, a conforté la mission dans l’idée que ce rendez-vous à 45 ans était fondamental dans l’approche de la seconde partie de carrière et gagnerait à être mieux articulé avec l’entretien professionnel ([118]). En effet, ce point d’étape effectué à 45 ans est le moment privilégié pour établir un diagnostic complet, non seulement de la santé du salarié mais au-delà, de la manière dont il aborde sa seconde partie de carrière. Lors de son audition, le secrétaire général du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) a rappelé combien cet âge était déterminant puisque c’est précisément à 45-50 ans que l’on peut prédire les problèmes de santé que subira un salarié et donc anticiper les aménagements à mettre en œuvre pour le maintien en emploi le plus longtemps possible ([119]).

Ce bilan d’étape à la mi-carrière est aussi l’occasion pour le salarié de faire le point sur ses droits professionnels, sur le « sac à dos », pour reprendre l’expression très parlante de Mme Myriam El Khomri, dont il dispose pour affronter sa seconde partie de carrière. Les rapporteurs sont intimement convaincus que l’usure professionnelle est aussi due à la méconnaissance par les salariés des droits qui sont les leurs.

Proposition n° 13 : Articuler l’entretien de mi-carrière à 45 ans avec l’entretien professionnel.


IV.   RÉTABLIR UNE OBLIGATION DE NéGOCIER SUR L’EMPLOI ET L’EMPLOYABILITÉ DES travailleurs expérimentÉs

1.   L’origine de la suppression

Instaurée par la loi de 2003 portant réforme des retraites ([120]), la négociation collective de branche et d’entreprises relative à l’emploi des travailleurs expérimentés avait été renforcée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ([121]), qui instaurait une pénalité de 1 % de la masse salariale pour les entreprises de 300 salariés ou plus non couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés.

Ces accords devaient fixer un objectif chiffré en termes de maintien en emploi ou de recrutement des travailleurs expérimentés. L’instauration du contrat de génération par la loi n° 2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération, transposant l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012, a mis fin à ces dispositions. La suppression, par l’ordonnance précitée du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations du travail, du contrat de génération a entraîné celle de l’obligation spécifique de négocier sur l’emploi des travailleurs expérimentés.

Désormais, la négociation relative à l’emploi des travailleurs expérimentés est intégrée au sein des accords de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) dans les branches et pour les entreprises de 300 salariés et plus. En l’absence d’accord sur l’organisation et le contenu de la négociation obligatoire, des dispositions supplétives s’appliquent et définissent le contenu de cette négociation. Aux termes de l’article L. 2242-21 du code du travail, « l’emploi des salariés âgés, la transmission des savoirs et des compétences [...] et l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés » peuvent, entre autres dispositions, faire l’objet de la négociation. La négociation sur l’emploi des « salariés âgés » est donc, à présent, facultative.

Plusieurs raisons ont présidé à la suppression du caractère obligatoire de la négociation. D’une part, les accords conclus dans ce cadre législatif relevaient avant tout d’une obligation de moyens plus que de résultats. Cette obligation n’a pas vocation à disparaître avec l’intégration de la négociation relative aux salariés âgés au sein de la GPEC. D’autre part, inscrire dans, de manière obligatoire, la gestion de l’âge spécifiquement ferait courir un risque d’émiettement des thématiques de négociation alors que les ordonnances de 2017 avaient précisément pour objectif de recentraliser les grandes thématiques relatives aux conditions de travail et à la gestion des effectifs.

2.   Faire de l’employabilité des travailleurs âgés un thème non optionnel des accords de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences

Si la mission n’entend pas rétablir une obligation spécifique et distincte de négocier sur l’employabilité des travailleurs expérimentés qui serait en contradiction avec la volonté d’une plus grande flexibilité et d’une simplification du droit du travail défendues par les ordonnances de 2017, elle plaide néanmoins pour que le thème des conditions de travail des salariés âgés ne soit plus facultatif mais bien un « item » obligatoire de la négociation sur la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.

Les services du ministère du travail reconnaissent que, s’il est difficile d’établir un bilan des effets de la législation antérieure aux ordonnances de 2017, l’activité conventionnelle en matière de négociation sur l’emploi des travailleurs expérimentés a été intense lorsque celle-ci était obligatoire. Aujourd’hui, la mission fait sien le constat établi par la Cour des comptes dans son référé sur le coût social de la gestion des fins de carrière qui conclut que « faute d’incitations ou de mécanismes plus volontaires, il apparaît toutefois que la mobilisation [des entreprises] est restée très faible sur ce sujet dans les dernières années » ([122]).

Les chercheuses Fabienne Caser et Annie Jolivet ont montré que l’incitation à négocier peut être un outil adapté à la lutte contre les stéréotypes et les discriminations dans l’emploi car elle contraint les entreprises à s’interroger et à faire le bilan des actions qu’elle mène pour maintenir en emploi leurs salariés les plus âgés ([123]).

En recommandant le caractère non facultatif du thème de l’emploi des travailleurs expérimentés dans la négociation de la GPEC, la mission s’inscrit dans la lignée des préconisations édictées par de récents rapports sur l’emploi des travailleurs expérimentés, qu’il s’agisse du rapport des sénateurs Monique Lubin et René Savary, qui recommande « de mentionner de manière plus explicite la question du maintien dans l’emploi des salariés vieillissants » ([124]), ou du rapport « Bellon-Mériaux-Soussan », qui propose de « clarifier le fait que le maintien de l’employabilité des salariés âgés figure parmi les sujets à traiter de manière non-optionnelle dans le cadre de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels » ([125]).

Proposition n° 14 : Inscrire l’employabilité des travailleurs expérimentés comme thème obligatoire de la négociation portant sur la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.

V.   DÉVELOPPER LES ÉCHANGES INTERGÉNÉRATIONNELS

Les auditions menées par la mission ont mis en exergue la nécessité de bien distinguer la situation des grandes entreprises, qui disposent d’un service de ressources humaines étoffé, à même de mener des politiques ciblées sur les salariés les plus âgés, des plus petites, qui rencontrent plus de difficultés à mettre en œuvre une telle politique de ressources humaines. Toutefois, quelle que soit la taille de l’entreprise, il est très clair que la valorisation des échanges intergénérationnels est un atout tant pour le maintien en emploi des travailleurs expérimentés que pour la montée en compétence des plus jeunes, source de performance pour l’entreprise.

1.   Valoriser les pratiques de ressources humaines inclusives

a.   Le mentorat, vecteur de transmission de savoirs

Passé un certain âge, il semblerait que les salariés soient moins enclins à transmettre de manière informelle leurs savoirs. C’est le constat établi notamment par les économistes Nathalie Greenan et Pierre-Jean Messe, qui concluent que « la proportion d’individus déclarant montrer régulièrement des pratiques de travail à leurs collègues chute fortement après 45 ans. Ceci suggère que le savoir accumulé par des salariés en seconde partie de carrière est moins transmis aux autres générations de salariés, ce qui peut être source d’inefficacités si les salariés plus jeunes doivent réapprendre par eux-mêmes au lieu de s’appuyer sur l’expérience d’anciens. » ([126])

Bien sûr, la transmission des savoirs ne va pas de soi et chaque salarié âgé n’a pas vocation à s’improviser spontanément mentor ou tuteur sans un projet construit et pensé dans l’écosystème de l’entreprise. Comme le préconisait déjà le rapport « Masingue » sur le tutorat remis en 2009, les « seniors » mentors doivent se former pour être en mesure de « transmettre et d’accompagner des publics aux codes sociaux et culturels souvent éloignés des leurs » ([127]).

Dans l’optique d’une meilleure reconnaissance de l’expérience des travailleurs expérimentés, la mission suggère donc de développer des accords de branche pour mieux reconnaître et accompagner les salariés dans leurs démarches de tutorat ou de mentorat, les branches professionnelles jouant un rôle d’accompagnement de premier ordre pour les petites et moyennes entreprises.

Proposition n° 15 : Inciter les accords de branche à mieux reconnaître et accompagner les salariés engagés dans une démarche de mentorat.

b.   Le tutorat inversé, une opportunité de prévenir l’obsolescence des compétences

La crise sanitaire a accéléré, parfois brutalement, la digitalisation des outils de travail avec le développement soudain du télétravail. En ce sens, la crise a agi comme un révélateur des difficultés que peuvent rencontrer les travailleurs les plus âgés dans le maniement des outils informatiques. Pour y remédier, les entreprises auraient tout intérêt à développer le « tutorat inversé », qui permet aux juniors de transmettre leurs compétences, notamment en matière numérique, aux travailleurs anciens.

Exemple : l’accord GPEC de l’entreprise SAP France

Signé en décembre 2020, cet accord d’entreprise prévoit que « la direction et les partenaires sociaux souhaitent mettre en œuvre un dispositif complémentaire pour la France autour du "tutorat inversé" et du "transfert de compétences / savoirs". Ces deux initiatives seront abordées dans le cadre des négociations à venir, prévues sur le premier semestre de l’année 2021, dans le cadre d’un projet d’accord portant sur l’intergénérationnel. L’une des pistes de réflexion étant la mise en place d’ateliers, de sessions d’échanges individuels pour le tutorat inversé et de reconnaissance pour le transfert de compétences.

« Pour rappel, un certain nombre de pratiques liées au tutorat et au transfert de compétences existent au sein du Groupe et sont déjà appliquées en France. Dans ce cadre, l’objectif sera de recenser ces pratiques, de les compléter si nécessaire, puis de les formaliser via l’accord intergénérationnel et les partager, de manière à ce qu’elles soient connues de tous et puissent être largement déployées. »

Proposition n° 16 : Inciter les entreprises à promouvoir le tutorat inversé dans leurs accords de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.

c.   Identifier les entreprises engagées dans l’inclusion des travailleurs expérimentés

La lutte contre les stéréotypes dont sont victimes les travailleurs expérimentés dans l’emploi passe par une diffusion des bonnes pratiques inclusives déjà mises en œuvre par nombre d’entreprises. Dans son enquête flash « Emploi des seniors » réalisée en novembre 2019, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) parvenait au constat que 45 % des entreprises mettent en place des pratiques visant à maintenir l’emploi des travailleurs expérimentés ([128]).

Afin de faire la lumière sur ces bonnes pratiques, l’ANDRH suggère la mise en œuvre d’un « index seniors » sur le modèle de l’index de l’égalité professionnelle introduit par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cet index, qui prend la forme d’une note sur 100 calculée à partir de plusieurs indicateurs relatifs aux écarts de traitement entre les femmes et les hommes au sein des entreprises d’au moins cinquante salariés, connaît un réel succès depuis son entrée en vigueur. Un décret du 10 mars 2021 est venu compléter les obligations de publicité inhérentes aux entreprises qui doivent désormais publier « de manière visible et lisible » les résultats obtenus ([129]).

Cette logique de name and shame joue un rôle incitatif incontestable en matière de diversité et de mixité puisqu’obtenir une note élevée est un gage de bonne réputation pour l’entreprise. Étendre ce dispositif à la reconnaissance de la place des travailleurs expérimentés dans l’entreprise est une voie qui semble devoir être explorée, sous réserve de ne pas alourdir la charge administrative qui pourrait peser sur les services des ressources humaines, en particulier ceux des plus petites entreprises.

Proposition n° 17 : Introduire un « index senior » qui permette de mesurer l’engagement des entreprises dans l’inclusion des travailleurs âgés.

2.   Réinventer le contrat de génération

a.   Le dispositif introduit en 2013

Introduite par la loi du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération, cette mesure avait, au préalable, fait l’objet d’un accord national interprofessionnel, unanimement signé, dans une logique partenariale et de dialogue social. L’objectif de ce contrat était triple : faciliter l’insertion durable des jeunes dans l’emploi par leur accès à un contrat à durée indéterminée, favoriser l’embauche et le maintien dans l’emploi des salariés âgés, assurer la transmission des savoirs et des compétences ([130]).

Il comportait deux volets, tenant compte de la taille de l’entreprise :

– un volet incitatif : une aide financière pour les entreprises de moins de 50 salariés en cas d’embauche de jeunes de moins de 26 ans et de maintien en emploi des salariés de 57 ans ou plus. Pour les entreprises dont l’effectif était compris entre 50 et 300 salariés, le bénéfice de l’aide était conditionné à la mise en place d’un accord ou d’un plan d’action portant sur le contrat de génération ;

– un volet dissuasif : les entreprises de plus de 300 salariés qui ne mettaient pas en place cet accord ou ce plan d’action se voyaient pénalisées financièrement.

S’agissant spécifiquement de l’emploi des travailleurs expérimentés, l’accord d’entreprise devait choisir trois domaines d’action à privilégier parmi les sept domaines d’action suivants : le recrutement des travailleurs expérimentés, l’anticipation des évolutions professionnelles et la gestion des âges, l’organisation de la coopération intergénérationnelle, l’amélioration des conditions de travail et la prévention de la pénibilité, le développement des compétences et des qualifications et l’accès à la formation, l’aménagement des fins de carrière et de la transition entre activité et retraite et enfin le développement de la mixité des emplois et de la coopération intergénérationnelle.

b.   Les raisons de sa suppression

Dans son rapport public annuel pour 2016, la Cour des comptes a dressé un constat d’échec des contrats de génération qui a sonné le glas de ce dispositif, abrogé par l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

Quantitativement d’abord, la Cour relève que le contrat de génération n’a pas rencontré son public puisque le nombre de contrats signés au 19 juillet 2015 (environ 40 300) était bien en deçà des objectifs présentés à l’origine dans l’étude d’impact, soit 85 000 contrats dès la fin de l’année 2013 et 100 000 nouveaux contrats par an au cours des années suivantes ([131]).

Pour la Cour, « la conception et les conditions de mise en œuvre du dispositif expliquent cet insuccès : peu lisible et complexe à mettre en œuvre », il n’aurait pas su convaincre les entreprises de son intérêt ([132]). En résulte dès lors une dynamique de négociation très limitée dans le contenu des accords, en particulier concernant l’objectif de transmission des compétences qui est finalement resté « flou, relégable et relégué » ([133]).

Interrogée lors de son audition, l’ancienne ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, Mme Myriam El Khomri, a confirmé que le contrat de génération avait pâti d’un manque de visibilité et d’un manque d’évaluation de la part des branches professionnelles qui auraient freiné son plein déploiement et occasionné certains effets d’aubaine ayant conduit à sa suppression ([134]).

c.   L’opportunité d’une négociation interprofessionnelle sur la recréation d’un nouveau contrat fondé sur une réelle transmission des savoirs et des compétences

Dans une optique de transmission intergénérationnelle, les rapporteurs estiment opportun de renouer aujourd’hui avec l’ambition initiale du contrat de génération : « une gestion active des âges basée sur le triptyque emploi des jeunes / emploi des seniors / transmission des compétences » ([135]).

Le contrat de génération a péché par sa mise en œuvre unidimensionnelle. Conçu comme un complément aux emplois d’avenir, qui ont été un vrai succès comme l’a rappelé l’ancienne ministre Myriam El Khomri ([136]), il s’est, dans les faits, concentré sur l’emploi des jeunes au détriment des volets relatifs à l’emploi des travailleurs expérimentés et à la transmission des compétences. Bien sûr, l’emploi des jeunes est une priorité pour notre pays, en particulier en ces temps de crise économique. Néanmoins, les rapporteurs considèrent que, de la même manière que le plan de relance s’est fixé pour objectif « un jeune, une solution », les travailleurs âgés méritent également de bénéficier d’un plan « un travailleur expérimenté, une solution ». Parce qu’il ne s’agit pas d’opposer les générations entre elles mais bien de faire valoir ce que chacune d’entre elles apporte à l’entreprise, la réflexion autour d’une nouvelle forme de contrat de génération doit être engagée.

La mission a bien conscience que réintroduire une nouvelle version du contrat de génération ne fait pas forcément consensus mais elle estime que ce dispositif unique n’a, à bien des égards, pas eu le temps de faire ses preuves et d’être approprié par les entreprises. Bien que critique à son endroit, la Cour des comptes soulignait d’ailleurs que « le contrat de génération constitue un instrument spécifique et original au sein de la politique de l’emploi, dont il n’existe pas d’équivalent ailleurs en Europe » ([137]). Afin de se prémunir d’un nouvel échec, la mission propose, avant tout, de réengager avec les partenaires sociaux la discussion autour de ce nouveau contrat.

Il apparaît fondamental de remettre la transmission des compétences au cœur du dispositif en introduisant un mécanisme effectif de transmission entre le junior embauché et le travailleur expérimenté déjà implanté dans l’entreprise. Le contrat de génération a trop souffert d’une vision purement administrative et comptable de la gestion des âges dans l’entreprise. Les accords passés dans ce cadre ont très largement renoncé à la constitution d’un binôme effectif alors que cela représentait le fondement du dispositif.

Consciente de la complexité de la mesure, la mission reprend à son compte l’observation de la Cour qui plaidait pour un dispositif simplifié des obligations incombant aux entreprises voire un assouplissement des critères d’éligibilité à l’aide financière par rapport au précédent contrat de génération pour rendre ce nouveau contrat plus attractif. À ce stade, la mission préconise de rouvrir les négociations avec les partenaires sociaux sur ce thème d’un contrat intergénérationnel qui favorise la transmission des compétences et des savoirs.

Proposition n° 18 : Réengager la réflexion avec les partenaires sociaux sur un nouveau contrat intergénérationnel de transmission des compétences et des savoirs.


VI.   PRIVILÉGIER LES CONTRATS EXISTANTS À LA CRÉATION D’UN NOUVEAU « CONTRAT SENIOR »

Tant le faible recours au « contrat à durée déterminée » seniors, pourtant créé il y a près de quinze ans, que la récente création du « CDI inclusion » pour aider les seniors les plus éloignés de l’emploi à se réinsérer sur le marché plaident pour un statu quo en termes de contrats spécifiquement destinés aux travailleurs expérimentés.

1.   La portée limitée des dispositifs existants

a.   Le faible recours au CDD senior

Fruit de l’accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l’emploi des seniors, le CDD senior est un contrat à durée déterminée d’une durée maximale de dix-huit mois, renouvelable une fois, conclu avec un salarié de plus de 57 ans, inscrit comme demandeur d’emploi depuis plus de trois mois ou en contrat de sécurisation professionnelle, afin de lui permettre d’acquérir des droits supplémentaires en vue de la liquidation de sa retraite à taux plein.

Il se distingue d’un CDD « classique » par l’absence de toute autre condition que celle de la situation du bénéficiaire de l’expérimentation, l’employeur n’étant pas soumis au respect des conditions de recours habituelles au CDD comme le remplacement d’absence ou l’accroissement temporaire de l’activité. À l’exception des professions agricoles, tout employeur peut avoir recours au CDD senior.

Pourtant, quinze ans après sa mise en œuvre, force est de constater que ce contrat spécifique n’a pas rencontré son public. Dans son référé sur les fins de carrière de juillet 2019, la Cour des comptes pointe « l’absence de suivi statistique et d’évaluation du CDD seniors qui aurait permis d’identifier les ajustements pertinents » ([138]). Les travaux de la mission d’information ont permis de constater, sans qu’un réel bilan statistique ne puisse en être tiré, que le CDD senior restait très peu utilisé puisqu’à la date du 8 avril 2021, seules 57 offres d’emploi en CDD senior étaient disponibles sur le site de Pôle emploi, contre 412 000 offres en CDI et 105 000 en CDD.

b.   Le public restreint du CDI inclusion

Le CDI inclusion à destination des travailleurs âgés de plus de 57 ans en parcours d’insertion dans des structures de l’insertion par l’activité économique (IAE) a été introduit par la loi relative au renforcement de l’inclusion et à l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » du 14 décembre 2020 ([139]). Il vise à offrir un statut sécurisant à des salariés en situation d’exclusion professionnelle, leur permettant de travailler et de bénéficier d’un accompagnement social dédié jusqu’à leur retraite.

Le CDI inclusion doit ainsi permettre d’éviter l’instabilité de potentielles ruptures de parcours et offrir une situation pérenne à des salariés qui seraient restés sans solution à l’issue de leur parcours en IAE, évitant ainsi les coûts directs et indirects liés à la privation d’emploi.

Ce contrat à durée indéterminée n’a, par définition, pas vocation à s’adresser à tous les salariés de plus de 57 ans mais uniquement à ceux qui ont besoin d’un tremplin que permet ce parcours de vingt-quatre mois maximum pour accompagner le salarié en difficulté.

La loi de finances pour 2021 ([140]) prévoit la création de 1 250 CDI inclusion, un dispositif dont la portée reste donc extrêmement limitée.

2.   Lever les freins au recours à l’intérim

a.   Le travail temporaire, tremplin pour revenir à l’emploi

La mission a été particulièrement sensible, lors de ses travaux, aux préoccupations des organisations professionnelles d’employeurs dans le secteur du recrutement et de l’intérim qui font valoir que le travail temporaire est une des ressources aisément mobilisables pour améliorer le taux d’emploi des travailleurs expérimentés. Lors de son audition, l’organisation Prism’emploi a évalué à 72 % la part d’emplois temporaires qui pourraient être occupés par ces travailleurs([141]). D’après les données fournies par cette même organisation, les salariés âgés de 35 à 60 ans effectueraient un nombre d’heures similaire, évalué aux alentours de 650 heures par an. À partir de 60 ans, les travailleurs intérimaires travailleraient environ 400 heures par an, un chiffre loin d’être négligeable.

Recruter un travailleur expérimenté par le biais d’une agence intérimaire comporte de nombreux avantages tant pour l’employeur que pour le salarié. Du côté de l’employeur, la carrière d’un travailleur expérimenté fiabilise incontestablement sa candidature par rapport à d’autres curriculum vitae moins fournis. Le réseau d’agences intérimaires étant très ramifié sur le territoire, il est proche des économies locales et joue un rôle pivot pour mettre en résonance les compétences du senior avec les besoins des entreprises.

Pour le travailleur expérimenté, le regard nouveau que l’agence intérimaire porte sur ses compétences et son expérience est un moyen de mieux faire valoir ses compétences. Parce qu’elle joue un rôle d’intermédiaire auprès des entreprises, l’agence intérimaire est mieux à même de mener une prospection efficace auprès des entreprises et d’aboutir à un entretien d’embauche. La mission est convaincue que l’accompagnement des travailleurs expérimentés est un des leviers essentiels pour leur permettre de retrouver un emploi. Conseillé et guidé dans ses démarches, un travailleur expérimenté a plus de chances d’accéder à un entretien d’embauche et de faire mentir les stéréotypes encore bien ancrés.

b.   Créer un nouveau motif de recours au travail temporaire, dérogatoire pour les salariés de plus de 60 ans

La conclusion d’un contrat de travail temporaire n’est envisageable que pour l’exécution d’une tâche spécifique et temporaire et seulement dans les cas énumérés par la loi ([142]). La philosophie du contrat de mission est bien de pourvoir un emploi temporairement sans qu’un tel contrat ne puisse avoir ni pour objet, ni pour effet d’occuper durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise qui y a recours.

Le profil particulier des travailleurs en fin de carrière qui n’ont pas vocation à rester durablement dans l’entreprise et sont plus enclins à multiplier les expériences courtes pour mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle invite aujourd’hui à engager la réflexion autour de la création d’un nouveau motif de recours au travail temporaire dérogatoire pour les travailleurs de plus de 60 ans.

Concrètement, ce cas particulier de recours pourrait se traduire par le relèvement du plafond de la durée maximale de la mission, aujourd’hui fixé à dix‑huit mois. De la même manière que la durée maximale est portée à trente‑six mois pour les apprentis afin d’être équivalente à la durée du cycle de formation en apprentissage ([143]), il serait envisageable de fixer une durée supérieure à dix-huit mois pour les travailleurs âgés, qui pourraient ainsi achever leur contrat de mission avant l’ouverture des droits à la retraite. Une telle mesure permettrait d’éviter la situation préjudiciable du salarié âgé qui ne se trouve ni en emploi, ni à la retraite.

Proposition n° 19 : Relever le plafond de la durée maximale de la mission d’intérim de dix-huit à trente-six mois pour les travailleurs âgés de plus de 60 ans.

Ce nouveau motif de recours pourrait également prévoir une exemption au délai de carence dans certaines situations rencontrées par les travailleurs âgés. Aujourd’hui, lorsque le contrat de mission arrive à expiration, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Il existe déjà des situations dans lesquelles le délai de carence est exclu, par exemple en cas de nouvelle absence du salarié qui faisait l’objet du remplacement ou lorsque le contrat de mission est conclu pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité. Permettre à un salarié proche de la retraite de poursuivre son contrat de mission sans délai de carence est une piste de réflexion qui semble devoir être ouverte.

Proposition n° 20 : Abroger le délai de carence pour les contrats de mission conclus par un travailleur âgé de plus de 60 ans.

VII.   AMéNAGER LES CONDITIONS DE TRAVAIL EN FIN DE CARRIèRE

L’enjeu central pour maintenir les travailleurs expérimentés durablement dans l’emploi est incontestablement de prendre en considération leurs besoins spécifiques en fin de carrière. Face à la diversité des parcours et des profils de chacun, aux inégalités de santé, aux différentes attentes des salariés, aménager les conditions de travail est, aux yeux de la mission, une des réponses les plus efficaces.

1.   Promouvoir le télétravail

Déployé massivement lors de la crise sanitaire, le télétravail est aujourd’hui un dispositif facilement mobilisable pour maintenir les travailleurs expérimentés dans l’emploi, notamment parce qu’il repose sur la base du volontariat, un aspect fondamental dans l’autonomie tant recherchée par les salariés en fin de carrière. Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, le télétravail peut être mis en place soit dans le cadre d’un accord collectif, soit dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après l’avis du comité social et économique, s’il existe ([144]). L’employeur qui refuse d’accorder le télétravail à un salarié occupant un poste permettant d’en bénéficier doit motiver sa réponse.

Les rapporteurs sont convaincus que le déploiement du télétravail, même s’il reste réservé à certaines professions et ne peut être généralisé à tous les travailleurs expérimentés, doit être une priorité dans l’aménagement des conditions de travail parce qu’il participe de la prévention de l’usure professionnelle. La limitation des temps de trajet domicile-travail n’est pas un facteur anodin dans la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs. Rappelons que 18,1 millions de personnes, soit 74 % des actifs, privilégient la voiture comme mode de transport avec tous les risques d’accident et de fatigue accrue que ce mode de déplacement comporte ([145]).

Une récente enquête menée par l’ANACT sur le télétravail en temps de crise révèle que les travailleurs âgés de plus de 45 ans ne se démarquent sensiblement pas des autres télétravailleurs dans les difficultés qu’ils peuvent rencontrer (fatigue, intensification de la charge de travail, manque de soutien de leur manager, etc.) Cette donnée vient corroborer l’idée que les travailleurs expérimentés ne sont pas moins aptes que les autres à s’adapter à de nouvelles conditions de travail. La question du déploiement et de l’encadrement du télétravail se posant avec acuité dans les prochains mois et les prochaines années, les rapporteurs souhaitent que les partenaires sociaux se saisissent de l’actualité du sujet pour envisager des solutions adaptées aux travailleurs âgés.

Proposition n° 21 : Inciter les partenaires sociaux à développer un volet propre aux travailleurs âgés lors des négociations sur le télétravail.

2.   Ne pas négliger les temps partiels choisis pour maintenir l’activité

a.   Le recours au temps partiel est plus fréquent avec l’âge

Le travail à temps partiel est plus répandu chez les travailleurs expérimentés, tous sexes confondus. En effet, en 2017, 20,6 % des 50-64 ans étaient à temps partiel, contre 16,2 % des 25-49 ans. Les plus de 60 ans se démarquent nettement avec 30,7 % d’entre eux à temps partiel, soit un écart de 10 points avec les autres tranches d’âge ([146]). Ce temps partiel serait moins subi pour les travailleurs expérimentés que pour les jeunes puisque parmi les salariés à temps partiel, 35,1 % des 25-49 ans déclarent souhaiter travailler davantage, contre 26,6 % pour les 50-64 ans.

Les femmes restent surreprésentées parmi les travailleurs à temps partiel

Selon l’Enquête emploi de 2016, la population à temps partiel est à plus de 80 % féminine. Parmi l’ensemble des salariés, 30,6 % des femmes et seulement 7,7 % des hommes occupent un emploi à temps partiel. Les femmes sont plus nombreuses à invoquer les raisons d’ordre familial (25,2 % contre 5,9 % pour les hommes) pour justifier ce recours au temps partiel, le nombre et l’âge des enfants étant des facteurs déterminants.

Malgré un recours au temps partiel qui s’accentue avec l’âge, tous sexes confondus, et qui progresse de manière continue chez les hommes, l’écart reste significatif en fin de carrière avec 30,8 % des femmes âgées de 50-59 ans en temps partiel contre 6,4 % des hommes. Il se réduit, toutefois, pour la catégorie des 60-64 ans avec 40,8 % de femmes et 22,6 % d’hommes en temps partiel ([147]).

Parmi les raisons invoquées, les soucis de santé et la nécessité de bénéficier de plus de temps libre sont les motifs les plus avancés par les travailleurs expérimentés. 20,7 % des 55-64 ans contre seulement 8,5 % des 30-54 ans font ainsi du temps libre et des travaux domestiques la raison principale du recours au temps partiel ([148]). À ce titre, il est primordial de rappeler que les travailleurs âgés jouent très souvent, en parallèle de leur emploi, le rôle d’aidants familiaux. À la fois aide financière pour les plus jeunes générations et aide matérielle et quotidienne pour les plus anciens, les travailleurs expérimentés sont confrontés à cette situation parfois délicate de devoir concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle ([149]). Cet aspect spécifique de la situation en emploi des travailleurs expérimentés n’est pas à négliger dans l’élaboration d’une politique publique adaptée et efficace.

France Stratégie rappelle que cette croissance du recours au temps partiel avec l’âge n’est pas un phénomène propre à la France puisque 22 % des 55-64 ans sont à temps partiel dans l’Union européenne en 2017 contre 19,4 % pour l’ensemble des 15‑64 ans ([150]). Néanmoins, le temps partiel des 55-64 ans ne serait en France choisi que dans 62 % des cas, un chiffre très inférieur aux moyennes de l’Union européenne (79 %) et de l’OCDE (85 %) pour les travailleurs expérimentés.

LE TEMPS PARTIEL SUBI CHEZ LES 55-64 ans, UNE COMPARAISON INTERNATIONALE

Lecture : En France, le recours au temps partiel est subi pour 38 % des salariés de la tranche d’âge 55-64 ans.

Source : OCDE, Dataset on incidence of part-time workers, 2018.

Au regard des données concernant les pays les plus actifs en matière de temps partiel comme les Pays-Bas ou l’Allemagne, une corrélation très nette se fait jour entre un faible taux de temps partiel subi (15 % en Allemagne et 9 % aux Pays-Bas) et une politique publique active et ambitieuse pour favoriser le temps partiel des travailleurs expérimentés.

b.   Les effets attendus d’une politique volontariste de réduction du temps de travail en fin de carrière

Élaborer une politique publique de l’emploi à destination des travailleurs expérimentés nécessite de considérer toute la carrière du travailleur expérimenté pour mieux aborder ses dernières années de carrière. Comme le rappellent très justement Sandrine Guyot, Anne Pichené-Houard et Martine Gilles, chercheuses au département « Homme au travail » de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, « les effets du travail sur la santé s’accumulent au fil du temps [...] aussi, il convient de ne pas seulement réfléchir par rapport aux conditions de travail immédiates mais par rapport à l’ensemble du parcours » ([151]). Aménager des temps partiels en fin de carrière répond à cette demande d’une moindre exposition à des conditions de travail exigeantes pour les salariés les plus âgés à l’aube de leur cessation d’activité.

De nombreux travaux universitaires pointent le rôle des conditions de travail difficiles dans les départs précoces à la retraite. Dans une étude auprès d’infirmières proches de la retraite, les chercheurs Cathy Toupin et Olivier Gonon ont montré que le rôle des astreintes physiques, notamment la manutention des patients et les horaires de travail décalés, comptaient parmi les facteurs déterminants d’un départ précipité à la retraite ([152]). Encourager le temps partiel offre à ces travailleurs la possibilité d’un temps de respiration pour récupérer face aux contraintes professionnelles. Ce temps de respiration participe du mieux vivre au travail, indispensable à la prolongation d’une carrière.

Accorder un temps partiel favorise aussi l’autonomie dans le travail et la maîtrise de son activité par le travailleur expérimenté. La mission reprend à son compte le constat de la commission sur les grands défis économiques menée par les économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole qui conclut que « tout indique que les seniors apprécient d’avoir une plus grande liberté de choix, dont l’un des aspects est la possibilité de travailler à temps partiel plutôt qu’à temps plein. Nous préconisons le renforcement de la disponibilité d’emplois à temps partiel en instaurant le droit d’opter pour un temps de travail réduit dans des circonstances bien définies. » ([153]).

Les comparaisons internationales corroborent cette idée : plus les pouvoirs publics s’engagent à aménager les fins de carrière de manière volontariste par le biais du temps partiel, moins les travailleurs âgés déclarent subir ce temps partiel. Tant en Allemagne avec le dispositif de fin de carrière « Altersteilzeit » ([154]) qu’aux Pays-Bas où l’aménagement des horaires est courant pour prévenir l’usure professionnelle ([155]), le recours au temps partiel est un succès, comme en témoignent les taux d’emploi des travailleurs expérimentés extrêmement élevés dans ces deux pays : respectivement de 71,6 % pour l’Allemagne et de 70,7 % aux Pays-Bas au premier trimestre 2021 ([156]).

Si des effets d’aubaine peuvent être redoutés puisque l’encouragement à la réduction du temps de travail peut conduire à ce que des travailleurs qui, sans cette mesure, auraient travaillé à temps plein, travaillent moins, les rapporteurs considèrent que ce sont moins les raisons pécuniaires que la volonté de rester actifs dans de bonnes conditions qui incite les travailleurs à se maintenir en emploi.

Proposition n° 22 : Encourager le développement du temps partiel choisi pour aménager les conditions de travail en fin de carrière.

3.   Faciliter les mobilités et mises à disposition des salariés expérimentés

a.   Encourager les mobilités internes pour « reclasser » les travailleurs souffrant de problèmes de santé

La mobilité interne permet à un salarié de changer de poste ou d’évoluer au sein d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises soit de manière volontaire s’il fait connaître ses souhaits de mobilité en répondant à un appel d’offres interne ou lors de son entretien professionnel, soit de manière pilotée lorsque la mobilité est initiée par l’employeur. La mobilité interne représente ainsi une formidable opportunité pour les travailleurs âgés d’appréhender leur seconde partie de carrière et de préserver leur santé.

Dans une étude sur le vieillissement et le maintien en et dans l’emploi, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) évoque le cas d’une entreprise de l’industrie aéronautique qui a mis en place une cartographie des postes susceptibles d’accueillir, ou non, des salariés présentant des déficiences de santé. Les ergonomes et les médecins du travail ont créé une grille d’évaluation des contraintes de chacun des postes qui peuvent provoquer ou accentuer ces déficiences. Accompagnée d’un guide, cette grille se réfère à des réglementations, à des normes, à des risques de maladies professionnelles. Chaque contrainte est classée en quatre niveaux : pénibilité faible, moyenne, forte, très forte selon trois dimensions : gravité, fréquence journalière et annuelle ([157]). Cette grille représente un support extrêmement utile et efficace pour le service des ressources humaines.

Ce type d’instrument qui relève d’une bonne pratique de ressources humaines gagnerait à être massivement diffusé. La mission ne préconise pas, en l’espèce, de dispositifs contraignants qui risqueraient d’être sans effet.

Proposition n° 23 : Diffuser les bonnes pratiques de ressources humaines en matière de mobilité interne.

b.   Développer le prêt de main-d’œuvre entre entreprises

Pour faire face à la crise sanitaire, plusieurs mesures législatives ont permis de faciliter les opérations de mise à disposition de personnel afin de transférer provisoirement les salariés inoccupés en raison de l’épidémie vers une entreprise confrontée à un manque de personnel. Jusqu’au 30 septembre 2021, des mesures d’exception permettent notamment à l’entreprise prêteuse, ayant recours à l’activité partielle, de facturer à l’entreprise utilisatrice un montant inférieur au coût total du prêt ou de conclure une seule convention pour le prêt de plusieurs salariés ([158]).

S’il est prématuré de dresser un bilan de ces mesures, il semblerait néanmoins que les entreprises ne se soient pas saisies autant qu’elles l’auraient pu des possibilités simplifiées de recourir au prêt de main-d’œuvre. Cela s’explique sans doute par le faible développement dans la culture d’entreprise de cette possibilité. Pourtant, les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont explicitement autorisées par la loi depuis la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels ([159]). Ces opérations sont rapides à mettre en place puisque toutes les entreprises peuvent y avoir recours après information du comité social et économique et signature d’un avenant au contrat de travail du salarié volontaire pour être prêté.

Lors de son audition, M. Jean-Marc Borello, fondateur et président du directoire du groupe SOS, auteur d’un rapport sur l’inclusion par l’emploi, la formation et l’accompagnement a rappelé que le prêt de cadres proches de la retraite par des entreprises comme Orange, La Poste ou le Crédit coopératif lui avaient permis de fonder son association ([160]).

Compte tenu du faible recours à ce dispositif pendant la crise, malgré les dérogations qui ont, de surcroît, été prolongées, il ne semble pas opportun, à ce stade, de préconiser de nouvelles mesures incitatives.

Proposition n° 24 : Sensibiliser les entreprises à la possibilité de prêt de main‑d’œuvre.

c.   Les bénéfices escomptés du dispositif de transitions collectives

Co-construit avec les partenaires sociaux, le dispositif « Transitions collectives » déployé depuis le 15 janvier 2021 doit permettre aux salariés affectés à un emploi fragilisé de se reconvertir dans un métier recherché par les entreprises, par le biais d’une formation financée en tout ou partie par l’État, selon l’effectif de l’entreprise : 100 % pour les entreprises de moins de 300 salariés, 75 % pour celles de 300 à 1 000 et 45 % au-delà de 1 000 salariés.

Pour les entreprises souhaitant protéger leurs salariés les plus vulnérables, la négociation d’un accord de type « gestion des emplois et des parcours professionnels » (GEPP) est indispensable pour pouvoir accéder à ce dispositif. L’accord vise à identifier les métiers de l’entreprise fragilisés par les évolutions économiques ou technologiques et à préciser que les salariés affectés à ces postes menacés seront éligibles au dispositif.

Le dispositif « Transitions collectives » a toutes les chances de s’adresser aux travailleurs les plus âgés qui, par définition, occupent les postes les plus exposés à l’obsolescence. La mission sera particulièrement attentive à l’évaluation de ce dispositif pour en mesurer les effets sur les travailleurs expérimentés.

Proposition n° 25 : Développer le dispositif « Transitions collectives » tout en évaluant en continu ses effets sur les travailleurs expérimentés.


VIII.   accompagner et soutenir la reprise d’emploi du travailleur expérimenté

De nombreuses auditions l’ont souligné : si le maintien dans l’emploi est l’enjeu majeur pour gagner la bataille de l’emploi des travailleurs expérimentés, l’importance des progrès sur le retour à l’emploi ne doit pas être sous-estimée.

1.   Le salarié expérimenté est parfois perçu, à tort, comme une charge pour son entreprise

Faire le choix d’un travailleur expérimenté se pose avec une acuité particulière au moment du recrutement. Or, il semble qu’au-delà des discriminations évoquées supra, certains employeurs associent l’âge avec un coût plus élevé – difficilement contestable au global même si cette réalité mérite d’être nuancée – et une productivité moindre – qu’aucun élément objectif n’étaye.

a.   Le travailleur expérimenté est perçu comme plus coûteux, ce que confirment certains chiffres...

● De manière générale, les salaires augmentent avec l’âge en France, comme l’ont montré les travaux de Léa Flamand, Christel Gilles et Alain Trannoy en 2018 ([161]). Il est donc parfaitement logique – et à bien des égards souhaitable – qu’un travailleur expérimenté ait un coût du travail supérieur à un travailleur moins ou pas expérimenté.

Cette réalité se vérifie aussi bien en comparant les rémunérations proprement dites en fonction de l’âge des salariés (premier graphique infra) que les salaires relatifs qui permettent de mieux prendre en compte pour chaque génération les gains de productivité intervenus durant la carrière des plus âgés (second graphique infra).

 

 

 

 

 

 

 

évolution du salaire réel mensuel net moyen des salariés à temps complet par cohorte quinquennale

En euros de 2012

Source : France Stratégie, INSEE.

évolution du salaire relatif moyen des salariés à temps complet par cohorte quinquennale

Source : France Stratégie, INSEE.

Si cette réalité « moyenne » est relativement bien connue et bien acceptée dans les entreprises, elle mérite par ailleurs d’être précisée et nuancée :

– la progression dans la carrière est plus marquée chez les hommes que chez les femmes, même si on peut observer un début d’effet de rattrapage dans les générations qui ont entre 30 et 40 ans par rapport aux générations précédentes ;

– cette progression concerne d’abord les catégories les plus diplômées, même si ces progressions sont moins accentuées qu’auparavant en raison d’une augmentation très forte de la part des salariés qualifiés ;

– il existe des âges de « plafonnement » voire de régression des rémunérations en fonction des catégories : chez les salariés peu diplômés, la rémunération diminue après 54 ans tandis que pour les diplômés, elle stagne à partir de 60 ans ;

– ces trajectoires de salaire doivent intégrer le fait – qui est au cœur de la mission – qu’à partir de 55 ans, de nombreux travailleurs sont écartés du marché du travail ; compte tenu de leurs caractéristiques, les auteurs estiment que s’ils devaient travailler, ce serait probablement à un salaire plus faible ; le niveau relativement élevé à ces âges est donc en partie en « trompe-l’œil » : schématiquement, on pourrait dire que seuls les salariés expérimentés considérés comme les plus « productifs » (cf. infra pour une discussion de cette notion) maintenant leur activité voient leur rémunération continuer à évoluer favorablement.

● Si ces écarts globalement favorables aux travailleurs expérimentés existent dans tous les pays, les données disponibles montrent plutôt que la France se situerait dans la « fourchette haute » des pays qui lient le plus âge/expérience et niveau de rémunération ([162]). C’est ce qu’illustre cette comparaison des salaires moyens en fonction de l’âge, citée dans le rapport de France Stratégie :

écart de salaire moyen des seniors vis-À-vis des plus jeunes

Source : OCDE, données 2014.

● Si ces rémunérations élevées peuvent évidemment poser problème à l’employeur-recruteur dès lors que ce dernier estime qu’elles ne sont pas justifiées par une meilleure productivité (cf. infra), elles sont aussi potentiellement un frein à un retour à l’emploi, qui peut supposer parfois un décrochage de salaire.

Les anciens cadres, notamment lorsqu’ils sont éloignés de l’emploi depuis quelque temps, doivent en pratique faire parfois de très importantes concessions salariales pour retrouver un emploi, à des âges où les transitions professionnelles deviennent très majoritairement « descendantes ».

Les transitions hors du chômage en fonction de l’âge

Source : INSEE, France stratégie.

b.   ... et moins productif, ce qui constitue en l’état des connaissances disponibles un simple préjugé

● Les rapporteurs n’insisteront jamais assez sur ce constat dressé dès 2018 par France Stratégie dans sa revue de littérature : rien ne permet de conclure que les travailleurs expérimentés seraient de manière générale moins productifs que les autres salariés.

Il est utile de reproduire les nombreux arguments développés par les auteurs à l’appui de cette conclusion :

– les deux premiers arguments sont d’ordre méthodologique et soulignent la difficulté de la démonstration – dans un sens comme dans l’autre – ce qui doit conduire à traiter les « impressions » ou le « sens commun » sur ces questions avec beaucoup de prudence :

– le deuxième argument est d’ordre scientifique : les salariés expérimentés mobilisent des compétences particulières liées à l’expérience et à la transmission de savoir et de savoir-être qui sont difficilement quantifiables ; les études montreraient toutefois une productivité accrue dans les équipes intergénérationnelles ;

– enfin, les rares études conduites malgré les difficultés méthodologiques précitées plaident plutôt pour une absence d’écart significatif de productivité en fonction de l’âge.

Cette démonstration est d’autant plus importante qu’elle doit conduire à renverser totalement la perspective : les travailleurs expérimentés ne sont pas moins productifs ; c’est une mauvaise organisation de la vie au travail ou un trop long éloignement de l’emploi qui peut conduire à « passer à côté » de leur productivité.

● Au-delà de ce constat général, il ne fait aucun doute que la seule conviction « scientifique » en la matière ne suffira pas à changer les mentalités, d’autant que la perte de capital humain de nombreux chômeurs âgés de longue durée est bien réelle même si elle n’est pas inéluctable.

À un discours « de principe » sur ces questions de rémunération et de productivité en vue de combattre les préjugés, la mission souhaite associer des préconisations « réalistes » en vue de faire un « effet de levier » sur les retours à l’emploi.

Ces préconisations sont d’autant plus nécessaires que ces dernières années les dispositifs de soutien à l’emploi se sont essentiellement concentrés sur les jeunes travailleurs.

2.   L’absence de dispositifs de soutien spécifiques dans le cadre d’une politique de l’emploi très tournée vers les jeunes travailleurs

Réfléchir aux mesures qui permettraient de renforcer la dynamique du retour à l’emploi suppose au préalable d’examiner les dispositifs existants. Or, peu d’entre eux sont spécifiques aux travailleurs expérimentés, et certains les pénalisent plus directement.

a.   Des mesures générales de soutien à l’emploi qui visent principalement les bas salaires

Ces dernières années ont été marquées par une baisse significative du coût du travail, mais qui a d’abord concerné les « bas salaires ». On peut penser notamment :

– à l’élargissement de la réduction générale de cotisations (appelée parfois « allégement Fillon ») aux cotisations d’assurance chômage et de retraite complémentaire, qui conduit depuis le 1er janvier 2019 à une disparition quasiment totale des cotisations sur le SMIC ; la réduction voit ensuite ses effets décroître jusqu’à 1,6 SMIC ;

– à la réduction de 6 points des cotisations « maladie » qui a remplacé en 2019 le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) pour les rémunérations jusqu’à 2,5 SMIC ;

– à la réduction de 1,8 point des cotisations « famille » pour les rémunérations jusqu’à 3,5 SMIC depuis le pacte de responsabilité et de solidarité applicable au 1er avril 2016.

taux d’Exonération de droit commun en fonction de la rémunération

Source : Rapport remis à la Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2019.

 

Tout à fait significatives, ces exonérations « de droit commun » – dans la mesure où elles concernent tous les salariés quel que soit leur âge – touchent en proportion moins les salariés âgés, dont les rémunérations sont comme on l’a vu plus élevées.

Dans une étude de 2019, la DARES estimait ainsi que 25 % des salariés de 20 ans étaient au SMIC, 10,1 % à 30 ans et moins de 7 % à 60 ans. Les salariés expérimentés sont donc en proportion moins « ciblés » par ces exonérations que les jeunes, en raison de leurs rémunérations plus élevées.

Par ailleurs, ces exonérations générales ne tiennent pas compte, par définition, des difficultés spécifiques rencontrées par les salariés âgés à salaire égal. Elles ne sont donc pas en mesure de compenser leurs difficultés spécifiques, dans un marché de l’emploi qui demeure relativement compétitif.

 

 

b.   Des aides ciblées peu nombreuses

Au-delà des dispositifs généraux de soutien aux employeurs, c’est naturellement des dispositifs spécifiques qui devraient « prendre le relais ». Or, force est de constater que non seulement ces dispositifs n’ont jamais été très nombreux, mais ils ont eu tendance à se réduire, qu’il s’agisse du soutien au chômeur expérimenté qui reprend un emploi ou à l’employeur qui le recrute.

Il n’existe aucun dispositif spécifique de soutien aux travailleurs expérimentés qui reprennent un emploi, depuis la disparition de l’aide différentielle au reclassement, malgré le risque d’une baisse de rémunération qui pèse sur eux.

L’aide différentielle au reclassement

Créée en 2006 par les partenaires sociaux et supprimée en 2015 à la faveur de la réforme plus globale des règles de calcul de l’assurance chômage, l’aide différentielle au reclassement était versée à un chômeur indemnisé lorsque celui-ci reprenait un emploi dont la rémunération était inférieure de 15 % à son emploi précédent.

En 2018, l’OCDE a regretté que la France ait renoncé à ce dispositif, qui existe dans d’autres pays comme la Suisse.

Source : rapport de France Stratégie précité.

Il convient toutefois de relever que les règles de droit commun de l’assurance chômage permettent quant à elles de cumuler la reprise d’activité avec des allocations. En principe, le chômeur qui reprend une activité peut en effet cumuler ses allocations avec ses nouveaux revenus, sous deux limites :

– une limite de montant : le cumul ne peut conduire à lui verser au total davantage que le salaire journalier de référence ; si le salarié reprend un travail aussi bien ou mieux rémunéré que son précédent emploi, il ne pourra pas cumuler sa rémunération ; la question ne se pose que si cette dernière est moindre ;

– une limite de durée : le cumul s’arrête lorsque les droits à l’assurance chômage sont terminés.

La même règle s’applique en cas de reprise d’une activité non salariée, la rémunération prise en compte étant alors celle déclarée au titre des assurances sociales.

Ainsi, un salarié qui percevait dans un premier emploi 3 000 euros bruts mensuels puis 1 710 euros d’allocations « chômage » et qui reprend une activité rémunérée 2 100 euros bruts par mois peut récupérer une partie de ses allocations, qui correspond schématiquement à l’écart entre ses droits au chômage « anciens » et les nouveaux droits qu’il se constitue au titre de ce salaire.

Le mode de calcul, assez complexe ([163]), conduit à un cumul relativement intéressant, en reprenant cet exemple développé sur le site de l’Unédic :

Salaire initial 3 000 euros mensuels

Au chômage, taux de remplacement de 57 %

1 710 euros mensuels (57 euros journaliers)

Reprise d’activité à 2 100 euros bruts mensuels

Calcul de l’allocation due qui correspond à l’écart entre l’allocation et 70 % du nouveau revenu

1710 – 2100 * 0,70 = 240 euros

Calcul du nombre de jours indemnisables en rapportant l’allocation due à l’allocation journalière

240 / 57 = 4 jours d’indemnisation

Calcul de l’allocation versée qui correspond à l’allocation journalière pour les jours indemnisables

4 * 54 (après déduction de la contribution au financement de la retraite complémentaire) = 216 euros

Revenu total = salaire reprise d’activité + chômage

2 100 + 216 = 2 316 euros

Gain par rapport à la situation au chômage

+ 606 euros par mois

Le cumul ne permet pas, dans ce cas d’espèce mais aussi de manière plus générale compte tenu de son mode de calcul, de compenser la perte de rémunération par rapport à l’ancien emploi mais il assure un meilleur revenu au salarié considéré.

Il reste toutefois à savoir :

– si ce dispositif permet un « déclic » suffisant chez les chômeurs les plus âgés, notamment si la motivation est moindre en raison de difficultés personnelles ou de la proximité de la retraite ;

– si le cumul est suffisamment incitatif pour un public de chômeurs de longue durée dont beaucoup sont en fin de droits, et n’ont donc rien à cumuler.

Il existe très peu de dispositifs réellement dédiés à l’embauche de travailleurs expérimentés, à l’exception du soutien financier de 2 000 euros en cas d’embauche d’un demandeur d’emploi et plus en contrat de professionnalisation (cf. supra).

Historiquement, des mesures plus massives, au moins dans leur conception, avaient pu être mises en place :

– l’aide dégressive à l’embauche des demandeurs d’emploi de 50 ans et plus correspondait à une aide de 40 % du salaire d’embauche la première année, 30 % la deuxième et 20 % la troisième ([164]) ; mise en place par les partenaires sociaux, elle a été abandonnée par la suite ;

– le contrat de génération, au-delà de ses défauts qui ne lui ont pas permis de prospérer, permettait de verser une aide de 4 000 euros par an pendant trois ans.

En Suède, le taux de cotisations diminue avec l’âge (31,42 % jusqu’à 65 ans, 16,36 % à partir de 65 ans, 6,15 % à partir de 81 ans), et les cotisations de retraite professionnelle sont supprimées à partir de 65 ans dans beaucoup d’accords collectifs.

En Allemagne, les agences pour l’emploi peuvent contribuer à financer, sans qu’il s’agisse d’un droit pour les chômeurs, près de 50 % du salaire du chômeur embauché pour une durée de trente-six mois s’il a plus de 50 ans.

Enfin, cette situation contraste avec les nombreuses aides et exonérations qui existent pour l’emploi des jeunes, qu’il s’agisse d’aides indirectes (exonérations sociales sur les apprentis, sur les stagiaires, aide à l’embauche dans les « emplois francs » dans les quartiers prioritaires...) ou plus directes (aide à l’embauche pour les moins de 26 ans mise en place pendant la crise). Certes, le chômage des jeunes est objectivement plus élevé et il n’est pas question pour les rapporteurs de remettre en cause le bien-fondé ou l’intention de ces dispositifs, mais le poids écrasant des salariés âgés dans le chômage de longue durée devrait justifier à lui seul des mesures plus nombreuses et plus puissantes en direction des employeurs.

c.   Des mécanismes de prélèvements qui, au contraire, sont parfois dissuasifs

La mission a relevé au moins deux dispositifs qui, loin d’inciter financièrement les employeurs à recruter des salariés expérimentés, peuvent avoir au contraire un effet relativement dissuasif.

L’attention de la mission, sur cette question particulièrement technique, a été attirée par le rapport « Bellon-Mériaux-Soussan ». Lorsque l’employeur propose une mise à la retraite de son salarié dans les conditions exposées supra, il doit s’acquitter d’une contribution de 50 % sur les indemnités versées. Aucune contribution ou prélèvement n’étant prévu en cas de versement d’indemnités de licenciement, l’employeur a donc intérêt à licencier son salarié avant 70 ans plutôt que de le mettre à la retraite mais aussi et surtout, peut réfléchir à deux fois à recruter un salarié proche de la retraite auquel il devra verser des indemnités aussi fortement imposées.

D’après l’annexe 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, cette contribution prévue par l’article L. 131-12 du code de la sécurité sociale rapporte chaque année 34 millions d’euros à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Si ce n’est évidemment pas rien, les rapporteurs s’interrogent sur le lien entre cette somme et les effets potentiellement pervers d’une taxation aussi asymétrique entre mise à la retraite et licenciement.

La tarification ([165]) « accidents du travail – maladies professionnelles » (AT‑MP) due par les seuls employeurs n’est pas strictement proportionnelle, à la différence des cotisations versées aux autres branches de la sécurité sociale. Elle est modulée différemment en fonction de la taille de l’entreprise pour tenir compte du « risque » de chaque entreprise. L’objectif, éminemment louable et bien accepté, de cette cotisation est d’inciter les entreprises à diminuer le risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour réduire cette cotisation.

Le taux de la cotisation est collectif pour les entreprises de moins de 20 salariés, c’est-à-dire que toutes les entreprises appartenant à une même classe de risque sont taxées au même niveau. Le taux de la cotisation est individualisé au niveau de chaque entreprise, lorsque celle-ci dépasse un seuil de 150 salariés. Il est mixte dans les entreprises entre 20 et 150 salariés. Lorsqu’il est mixte ou individualisé, le taux est régulièrement modifié par la CARSAT pour tenir compte des accidents du travail et maladies professionnelles intervenues dans l’entreprise, à la fois en termes de fréquence et de gravité.

Cette logique d’intégration du risque par la tarification AT-MP, parfaitement compréhensible dans une logique de prévention, peut avoir des effets « pervers » pour des travailleurs expérimentés. En raison de leur état de santé, ils peuvent représenter pour l’employeur un risque accru de prélèvements au titre des AT-MP. Le risque d’autant plus injustement porté par cet employeur qu’il y a fort à parier que ces accidents ou maladies – on peut penser notamment à des troubles musculo-squelettiques – sont davantage le produit de la carrière précédente du travailleur expérimenté que d’un manque de vigilance de ce « dernier » employeur.

3.   Activer les dispositifs pour inciter entreprises et chômeurs expérimentés à reprendre un emploi

Sans méconnaître le coût que de telles mesures peuvent représenter pour les finances publiques, les rapporteurs ont estimé qu’il revenait à la mission d’information, à la suite de beaucoup de rapports précédents, d’explorer plus précisément les conditions dans lesquelles le retour à l’emploi d’un travailleur expérimenté pourrait se faire dans des conditions plus incitatives, tant pour lui que pour l’employeur.

a.   Soutenir le travailleur expérimenté qui reprend un emploi moins rémunéré à quelques années de la retraite

Travailler doit davantage payer : ce mot d’ordre applicable à l’ensemble du marché de l’emploi doit s’appliquer d’une manière particulière aux travailleurs âgés qui font le choix de l’emploi, à quelques années de leur retraite.

Certes, comme on l’a vu supra, il est déjà possible d’« activer » son allocation d’assurance chômage en cumulant une partie avec un nouveau revenu d’activité. Le mécanisme, sain dans son principe, mérite toutefois d’être amplifié.

En reprenant l’exemple cité précédemment, l’effort de l’assurance chômage reste en réalité très modeste : un salarié qui touchait auparavant 3 000 euros par mois et qui reprend un emploi avec un salaire de 2 100 euros perçoit 216 euros par mois supplémentaires d’allocations. Dit autrement, là où le régime versait au salarié 1 710 euros de revenus de remplacement, il n’en verse plus que 216 euros en cas de reprise d’un emploi rémunéré 30 % de moins que le précédent.

Ce mode de calcul, qui peut parfaitement se comprendre pour des salariés jeunes ou en milieu de carrière ayant le temps de rebâtir une stratégie de reprise d’emploi, semble au contraire peu adapté à un demandeur d’emploi âgé, à quelques années de sa retraite. Certes, grâce au cumul, il est toujours « gagnant » monétairement en théorie à reprendre un emploi plutôt qu’à rester au chômage mais dans des proportions qui ne permettent pas toujours de surmonter les difficultés du retour à l’emploi pour ces demandeurs d’emploi très particuliers. Dans l’exemple précédent, seulement 13 % ([166]) de la somme versée précédemment par Pôle emploi reviennent au chômeur âgé qui fait l’effort de reprendre un emploi. Cet effort qui doit être apprécié au regard de l’éloignement de l’emploi, des conditions de santé à ces âges qui, si elles permettent tout à fait de travailler de manière productive en entreprise, ne sont pas celles de salariés qui ont 20, 30 ou même 40 ans, et du travail d’adaptation, d’insertion et de formation que nécessite le fait de revenir à l’emploi à 55 ou 60 ans.

Il est difficile d’estimer de manière « scientifique » un montant qui serait à la mesure de cet effort, mais il est apparu raisonnable aux rapporteurs :

– de jouer sur le dispositif de cumul existant, dans la mesure où la logique veut qu’une reprise d’emploi ait un effet direct sur les comptes du régime d’assurance chômage ;

– de l’amplifier de sorte à ce que l’effort soit a minima doublé ([167]), ce qui rendrait la modification suffisamment visible pour être efficace ; naturellement, le cumul resterait plafonné au salaire antérieur, en sorte qu’aucun chômeur ne gagnerait plus avec le cumul que dans ses activités précédentes.

Idéalement, en termes d’incitation, cet effort pourrait même aller jusqu’à permettre un maintien global de l’ancien revenu d’activité, l’allocation cumulée « rattrapant » totalement la perte de salaire. Pousser la mesure jusqu’à ce point serait certes coûteux pour le régime d’assurance chômage, mais les rapporteurs sont sensibles au fait qu’ainsi « formaté » le dispositif pourrait être rendu à la fois plus clair, plus massif et plus incitatif.

En termes de méthode, une telle modification du règlement d’assurance chômage supposerait naturellement d’être concertée avec les partenaires sociaux, par exemple dans le cadre de la procédure de cadrage existante. Les rapporteurs estiment qu’elle pourrait d’ailleurs prendre la forme d’une expérimentation dans un premier temps, afin, d’une part, de s’assurer de ses effets bénéfiques sur la reprise d’emploi, et d’autre part, d’ajuster le cas échéant le mode de calcul au regard des résultats obtenus.

La question du « ciblage » peut également être un important paramètre de la mesure, autour de deux grandes alternatives :

– un ciblage autour de 55 ans ou de 60 ans, en fonction de l’ampleur souhaitée ;

– une limitation aux demandeurs d’emploi de longue durée peut s’avérer intéressant, symboliquement, juridiquement ([168]) et pour éviter des « effets d’aubaine », même si ces derniers demeurent par ailleurs assez peu probables sur ce type de dispositif ([169]).

Proposition n° 26 : Améliorer les conditions du cumul pour les salariés expérimentés entre emploi et allocations chômage pour davantage « activer » ces dernières vers la reprise d’un emploi.

b.   Soutenir davantage l’employeur qui fait le pari de la confiance dans un travailleur expérimenté

Un soutien spécifique au recrutement de travailleurs expérimentés par les entreprises semble également opportun. L’idée est d’ailleurs largement partagée par d’autres rapports sur la question, notamment ceux de la Cour des comptes ou du Conseil d’analyse économique (CAE).

Autour de ce principe d’un soutien à l’employeur, le champ des possibles est à la fois ouvert et restreint :

– ouvert, car de nombreuses pistes ont été mises sur la table dans les précédents rapports et lors des auditions (aide financière pour les CDD senior pour la Cour des comptes, transformation des allocations chômage non versées en allègements de cotisations employeur pour le CAE, suppression de la fiscalité spécifique sur les mises à la retraite pour le rapport « Bellon-Mériaux-Soussan », baisse de charges pour la CPME, modification des règles de calcul de la cotisation AT-MP...) ;

– restreint, car tant du point de vue du coût que du fonctionnement propre à chacun de ces dispositifs, il se révélerait difficile et peu souhaitable de les mettre en place exhaustivement et simultanément.

Dès lors, certaines mesures doivent être priorisées au regard de leur efficacité ou de leur cohérence.

Sans préjudice d’une mesure en faveur du salarié expérimenté en reprise d’emploi, une mesure financière spécifique demeure particulièrement légitime aux yeux des rapporteurs pour être certains de provoquer un « double déclic » chez le travailleur expérimenté (cf. proposition supra) et chez l’employeur ; au sein de cette proposition, certaines modalités semblent plus séduisantes que d’autres.

Comme pour le soutien financier aux demandeurs d’emploi qui acceptent un emploi moins rémunéré, l’idée de faire transiter la mesure par les comptes du régime d’assurance chômage est évidemment la plus cohérente au regard des gains que peut lui apporter la reprise d’un emploi ; une diminution voire la suppression des cotisations d’assurance chômage pour l’employeur qui recrute un demandeur d’emploi de longue durée âgé de plus de 55 ou 60 ans pourrait ainsi être l’utile parallèle à la proposition précédente.

Il reste qu’en passant par l’assurance chômage, l’effet des mesures serait double, combinant à la fois une diminution des cotisations et une hausse des prestations versées en cas de cumul, ce qui suppose un calibrage fin pour que les deux mesures combinées aboutissent à un gain net pour l’ensemble des acteurs (rémunération pour le salarié en reprise d’emploi, coût du travail pour l’employeur, économies pour le régime d’assurance chômage).

La durée de l’exonération pourrait être limitée dans le temps, par exemple en reprenant la durée maximale d’indemnisation des demandeurs d’emploi de plus de 57 ans, soit trois ans.

Enfin, un plafonnement à des rémunérations « raisonnables » ([170]) peut en limiter le coût et les effets de soutien à des travailleurs expérimentés déjà très performants sur le marché de l’emploi.

 

Effets d’une diminution du taux de cotisation d’assurance chômage

En reprenant l’exemple d’un salarié qui reprendrait une activité rémunérée à hauteur de 2 100 euros bruts mensuels, le niveau des cotisations employeur d’assurance chômage est de 1 013 euros ([171]). Très logiquement :

– une division par deux de ces cotisations peut faire économiser à l’employeur près de 500 euros soit une diminution d’environ 2 % du coût brut, soit le même niveau que la mesure « pacte de solidarité » de réduction des cotisations famille jusqu’à 3,5 SMIC ;

– une suppression de ces cotisations conduirait à une diminution de 4 % du coût brut.

Au niveau du SMIC, l’effet de l’exonération serait nul, car ces cotisations sont déjà annulées par la réduction générale. Ce qui serait un inconvénient dans un dispositif classique (le gain est moindre quand le salaire est faible), pourrait ici pleinement se justifier au regard du niveau de rémunération des salariés expérimentés, dont on a vu qu’il était plus rarement que pour les jeunes salariés au niveau du SMIC.

D’une certaine façon, le dispositif compléterait les exonérations existantes : au niveau du SMIC, la réduction générale assure déjà un « zéro charge » intéressant pour les entreprises et c’est pour les rémunérations supérieures au SMIC qu’elle créerait une incitation.

Pour le régime d’assurance chômage, la combinaison « aide au salarié via le cumul – aide à l’employeur via l’exonération » resterait inférieure au montant versé dans l’exemple donné. Le régime demeurerait donc gagnant en cas de reprise d’activité du salarié.

À défaut, une aide financière versée par Pôle emploi à l’employeur et financée par l’État pourrait également être envisagée sur le même périmètre (demandeurs d’emploi âgés de plus de 55 ou 60 ans) et pour une durée du même ordre. L’idée de la cantonner aux seuls CDD senior, comme le propose la Cour des comptes, n’a pas totalement convaincu les rapporteurs qui estiment que toutes les formes de recrutement à ces âges doivent être encouragées, quelle qu’en soit la modalité juridique retenue (CDI, CDD, intérim).

Les rapporteurs estiment peu satisfaisant de s’en tenir au statu quo sur le mode de calcul de la cotisation AT-MP.

Un choix de premier rang devrait consister à mettre à l’étude une refonte du mode de calcul permettant de mieux relier la responsabilité de chaque employeur dans les risques. Le sujet est évoqué de longue date, surtout depuis que la jurisprudence de la Cour de cassation a confié la responsabilité par défaut des maladies professionnelles au dernier employeur, mais reste très complexe sur un plan technique, dès lors qu’il est difficile d’identifier par quoi remplacer le critère de la sinistralité, sans créer des mécanismes de rappels de sommes des années plus tard à des employeurs antérieurs via des actions récursoires.

Une option plus réaliste à court terme consisterait à réduire l’impact de la sinistralité pour des salariés recrutés après 60 ans, dont on peut estimer que l’état de santé ou la sinistralité est moins liée à l’attitude vertueuse de leur employeur en matière de prévention qu’au résultat de l’ensemble des risques pris au cours de la carrière du salarié. Elle supposerait toutefois d’atténuer la modulation, plus que de la supprimer totalement, afin de ne pas faire disparaître totalement la logique vertueuse qui préside à ce système, par exemple sous la forme d’une tarification « minorée » conduisant à faire prendre en charge la différence par la sécurité sociale ou la solidarité nationale.

Une telle mesure serait d’autant plus envisageable sur un plan financier que la branche AT-MP, financée uniquement par les employeurs, reviendrait dès 2021 à ses excédents structurels. Il conviendrait naturellement de la concerter avec les partenaires sociaux, d’autant qu’elle nécessiterait des travaux techniques non nuls pour sa mise en place.

Cette contribution de 50 % sur les indemnités de mise à la retraite, qui crée une asymétrie injustifiée avec un licenciement, alors même que l’employeur n’est pas davantage « fautif » que lors d’un licenciement, ne semble pas devoir être maintenue.

Les rapporteurs en proposent donc la suppression, non sans espoir que cette mesure, combinée aux mesures précédentes, soit largement compensée par un ressaut de cotisations liées aux recrutements qu’elle pourrait permettre (ou ne plus dissuader).

Proposition n° 27 : Diminuer les coûts pour l’employeur liés au recrutement d’un travailleur expérimenté, notamment en diminuant les cotisations chômage employeur ou en versant une aide financière spécifique, en revoyant le calcul de la cotisation AT-MP et en supprimant la fiscalité excessive qui pèse sur les indemnités de mise à la retraite.

c.   Des mesures de soutien qui pourraient être assorties de contreparties vis‑à‑vis des pratiques les plus contestables, notamment en matière de ruptures conventionnelles

L’ensemble des auditions et des travaux précédents ont mis l’accent sur une « anomalie » liée à la combinaison des règles relatives à la rupture conventionnelle et à l’assurance chômage des travailleurs expérimentés. Au regard du caractère en partie « abusif » de l’usage de ce dispositif, et des mesures de soutien que préconise par ailleurs la mission, il apparaîtrait juste aux rapporteurs que cette situation soit combattue de manière plus déterminée.

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail a créé un nouveau mode de rupture désormais bien connu et largement utilisé du contrat à durée indéterminée, la rupture conventionnelle (articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail).

La rupture conventionnelle, qui se distingue donc du licenciement ou de la démission, résulte d’un contrat signé à l’amiable et librement entre l’employeur et le salarié et homologué par l’autorité administrative ([172]). Une indemnité minimale a été prévue par le législateur, qui correspond à l’indemnité légale due en cas de licenciement.

Le mécanisme connaît depuis sa création un succès important et dont la tendance de moyen terme est croissante comme le montrent les chiffres suivants compilés par la DARES :

Nombre mensuel de demandes homologuées de ruptures conventionnelles depuis 2008

C:\Users\tramilijaona\Downloads\ruptures_conventionnelles_maj_2608.jpg

Source : DARES.

Si beaucoup des ruptures conventionnelles sont signées par des salariés de moins de 40 ans (59 % en 2019 alors qu’ils ne représentent que 43 % des salariés), les études plus fines montrent des ressauts significatifs à 59-60 ans.

Les ruptures conventionnelles par âge

Source : DARES

Cette situation doit être lue au regard d’une autre propriété de la rupture conventionnelle : le salarié dont le contrat est rompu, sans qu’il s’agisse juridiquement d’une démission, est éligible aux allocations « chômage », ce qui peut avoir une incidence particulière en fin de carrière en raison du mode de calcul des allocations chômage.

Si certaines règles peu propices au retour à l’activité des travailleurs expérimentés ont disparu, comme la dispense de recherche d’emploi, d’autres maintiennent des distinctions en fonction de l’âge, et notamment des règles relatives à la durée maximale d’indemnisation.

Le principe de l’indemnisation chômage est qu’un jour travaillé donne droit à un jour indemnisé, dans la limite :

– de deux années si l’allocataire a moins de 53 ans ;

– de deux années et demi si l’allocataire a 53 ou 54 ans ; six mois supplémentaires peuvent être accordés en cas de formation ;

– de trois années à partir de 55 ans.

Les chercheurs d’emploi expérimentés bénéficient donc d’une protection allongée, à condition bien sûr d’avoir travaillé suffisamment auparavant pour en bénéficier.

Si ces règles anciennes ([173]) ont fait l’objet de discussions lors des précédentes négociations des conventions d’assurance chômage, elles peuvent se comprendre au regard de la surreprésentation massive des plus âgés parmi les demandeurs d’emploi de longue durée : l’INSEE rappelait encore récemment le poids très important des plus de 50 ans dans le chômage de très longue durée (supérieur à deux ans). Ainsi, en 2020, sur 413 000 chômeurs de très longue durée, près de 40 % avaient plus de 50 ans.

nombre de chômeurs de longue durée en fonction de l’âge

Source : INSEE, enquête emploi

La mission ne préconise donc pas de revenir sur ces règles, car cela reviendrait à inverser les priorités : avant de réduire cette durée d’indemnisation pour l’aligner sur le droit commun, il faut en amont rétablir toutes les chances de maintien dans l’emploi ou de retour à l’emploi. Une telle mesure a d’ailleurs rarement été évoquée lors de ses travaux.

Elle s’est en revanche interrogée, en parallèle des incitations « positives » présentées supra, sur la nécessité de freiner le recours abusif aux ruptures conventionnelles à quelques années de la retraite.

Le constat a été fait à plusieurs reprises par de nombreux rapports sur la question : combinées, la « générosité » de nos règles d’assurance chômage et la souplesse de la rupture conventionnelle peuvent inciter :

– certains employeurs à proposer un « pacte » bien compréhensible à leurs salariés qui s’approchent de la retraite ; les motivations de telles pratiques semblent liées à différents facteurs (préjugés sur la productivité, effets d’un manque de formation ou d’adaptation du poste préalable, volonté d’éviter d’avoir à verser les indemnités de mise à la retraite qui sont fortement taxées comme évoqué supra...), mais elles procèdent nécessairement d’une approche par l’âge que la mission ne peut partager ;

– les salariés concernés à accepter dans la mesure où ils peuvent bénéficier d’une couverture relativement généreuse jusqu’à la retraite, d’autant que ce temps passé au chômage compte pour accéder à la retraite au taux plein ([174]).


Parfois appelées « pré-retraites Unédic », il ne s’agit bien entendu pas d’un dispositif de pré-retraite, ni au sens des pré-retraites encouragées par l’État dans les années 1980, ni au sens de celles qui sont encore pratiquées par certaines entreprises aujourd’hui (pré-retraites « maison »). Toutefois, l’effet combiné des deux mécanismes peut effectivement se rapprocher de ces mécanismes.

De telles pratiques ne sont pas souhaitables : elles constituent un moyen trop commode de contourner les enjeux que souhaite porter la mission autour d’une fin de carrière préparée et accompagnée pour être réussie. Enfin, si elles peuvent être considérées comme avantageuses, pour l’employeur et le salarié, à tort du point de vue des rapporteurs, elles ne sont par ailleurs pas sans incidence sur les comptes de l’assurance chômage mais aussi du Fonds de solidarité vieillesse, qui finance les trimestres non cotisés au chômage.

La situation a d’ailleurs déjà frappé la plupart des travaux précédemment conduits autour de l’emploi des seniors.

Le référé d’octobre 2016 de la Cour des comptes alertait la ministre du travail sur « l’utilisation particulière de la rupture conventionnelle comme mesure d’âge » ([175]).

Le Conseil d’analyse économique relevait également en 2016 ces « ruptures conventionnelles, en particulier dans les grandes entreprises qui gèrent ainsi la restructuration de leurs effectifs, avec l’assentiment de leurs salariés seniors, avec un surcoût pour la collectivité » ([176]).

En 2019, la mission du Sénat regrettait l’existence de ces pratiques tout en les décrivant avec beaucoup de justesse : « beaucoup d’entreprises, notamment les grandes, disposent d’accords visant à faciliter le départ de leurs salariés âgés, notamment pour rééquilibrer leur pyramide des âges et mieux échelonner les départs à la retraite. Il peut s’agir de ruptures conventionnelles, accompagnées d’indemnités généreuses et d’un accompagnement plus ou moins intensif dans un projet de reconversion. Ce type de stratégie peut également s’appuyer sur les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi âgés et peser ainsi sur les comptes de l’assurance chômage. » Les rapporteurs rejoignent les conclusions de leurs collègues, Mme Lubin et M. Savary, pour dire qu’« il serait préférable que ces accords permettent le maintien dans l’emploi des salariés âgés, le cas échéant en adaptant les conditions de travail » ([177]).

Le rapport « Bellon-Meriaux-Soussan » faisait également le constat d’une surreprésentation des ruptures conventionnelles deux ou trois ans avant l’âge légal de la retraite ([178]).

Les rapporteurs soulignent évidemment les difficultés de lutter directement contre ces pratiques :

– le constat de ce pic de ruptures conventionnelles ne signifie pas que l’ensemble de ces mesures sont des « mesures d’âge » mais il doit alerter ;

– agir sur les règles de l’assurance chômage, comme le proposait Pierre Cahuc pour le rapport du Conseil d’analyse économique, en alignant la durée maximale d’indemnisation à deux ans, suppose de réduire les droits d’une population structurellement très exposée au chômage de longue durée ;

– agir par la fiscalité ou des obligations ne doit pas tomber dans l’écueil qui a été déjà celui de la contribution dite « Delalande », supprimée en 2008 : en voulant sanctionner les mauvais comportements, de telles règles peuvent décourager le recrutement des travailleurs expérimentés.

C’est donc un dispositif fin et vertueux qui aurait la faveur des rapporteurs. Il s’agirait ainsi d’articuler la baisse du coût du recrutement qu’impliquent les propositions précédentes avec une dissuasion financière des ruptures conventionnelles à quelques années de la retraite. Le montant de ces sommes mérite naturellement d’être concerté avec les partenaires sociaux mais devra être pensé pour être suffisamment dissuasif. Ce montant serait affecté à un fonds d’accompagnement des seniors, ce qui renforcerait le caractère « vertueux » du circuit ainsi créé.

Cette initiative se distinguerait assez nettement de la contribution « Delalande » par plusieurs aspects :

– en premier lieu, elle porterait sur les ruptures conventionnelles et non sur les licenciements ; ce faisant, ses effets seront donc tout à fait différents : il y a fort à parier qu’elle éviterait des situations de « facilité » liées à la configuration actuelle, là où la contribution « Delalande » sanctionnait presque tout licenciement dans le dernier tiers de la carrière ;

– en deuxième lieu, elle aurait nécessairement une borne d’âge très différente et beaucoup plus tardive ; rappelons que la contribution « Delalande » s’appliquait aux licenciements prononcés dès 50 ans alors qu’il s’agirait plutôt ici de déclencher cette nouvelle contribution financière à l’accompagnement des travailleurs expérimentés à quelques années de l’âge d’ouverture de la retraite, soit autour de 60 ans ;

– en troisième lieu, la contribution « Delalande » était versée au budget des ASSEDIC ; ici, il s’agirait d’en flécher le financement vers des mesures directement utiles au retour à l’emploi des travailleurs expérimentés ; si elle est efficace, son rendement sera bien sûr faible car les ruptures conventionnelles diminueront et la taxe aura atteint son but d’une manière directe ;

– en quatrième lieu, cette contribution nouvelle s’inscrirait par ailleurs dans un cadre globalement plus favorable pour le demandeur d’emploi expérimenté qui reprend un emploi comme pour l’employeur qui recrute un travailleur expérimenté ; c’est donc un équilibre global nouveau qui serait trouvé, récompensant les attitudes les plus vertueuses, et sanctionnant celles qui le sont moins.

Si la proposition a naturellement sa part d’audace, que les rapporteurs ne mésestiment pas, elle trouve toute sa place dans une démarche qui a consisté à explorer sans préjugé ni tabou tous les leviers à exploiter pour améliorer l’emploi des travailleurs expérimentés.

Proposition n° 28 : Mettre en place une contribution financière des entreprises qui recourent à la rupture conventionnelle à quelques années du départ en retraite.

Proposition n°°29 : Mettre en place un fonds d’accompagnement spécifique aux travailleurs expérimentés financé par cette contribution.


IX.   Un enjeu de valorisation et de non-discrimination qui se joue au sein de l’entreprise

Comme en témoigne le choix de la mission d’utiliser l’expression « salariés expérimentés » plutôt que celle de « seniors », les enjeux de perception, de représentation mais aussi corollairement de discrimination se révèlent particulièrement décisifs. Sans se méprendre sur la capacité de tel ou tel dispositif pris isolément à modifier les mentalités, les rapporteurs ont toutefois souhaité aborder l’état de la question, les limites actuelles du droit et les chantiers susceptibles d’améliorer concrètement l’image des salariés expérimentés au sein de la société en général, et de l’entreprise en particulier.

1.   Le poids significatif des représentations et des discriminations

La mission a refusé d’emblée de s’enfermer dans une vision excessivement pessimiste de la situation, plus propice à décourager les femmes et les hommes concernés, à ignorer les initiatives multiples qui sont conduites dans tous les territoires et à entretenir les stéréotypes qu’à les combattre.

Elle entend cependant dresser un portrait objectif des difficultés rencontrées, qui ne peuvent ni ne doivent être sous-estimées. Pour étayer ce portrait, faute d’étude régulière ou particulièrement exhaustive sur le sujet, ce que les rapporteurs regrettent, il est nécessaire de croiser plusieurs types de documents.

● La revue de littérature conduite par France Stratégie en 2018 sur les discriminations liées à l’âge dans l’emploi est particulièrement éclairante, à un niveau « macroscopique ».

Les auteurs rappellent ainsi sur la base de nombreuses études conduites en Europe et aux États-Unis que « les seniors sont effectivement victimes de discriminations importantes à l’embauche ». Ces discriminations sont liées en partie à des « préjugés à l’égard de l’obsolescence des compétences », notamment informatiques ([179]). Cette discrimination s’accroîtrait à mesure qu’on s’approche de l’âge de la retraite et concernerait davantage les femmes qui sont probablement victimes d’une double discrimination. Elle serait par ailleurs plus forte en France qu’en Allemagne ou qu’au Royaume-Uni.

L’analyse statistique conduite par ces mêmes auteurs qui se focalise sur la question des salaires montre cependant que l’âge a moins d’effets négatifs sur la rémunération que dans d’autres pays, et que ces effets sont quasiment nuls dans les publics diplômés.

 

Pour les rapporteurs, ces deux types de constats ne sont pas incompatibles et correspondent à une réalité régulièrement éprouvée « sur le terrain » : avec des salaires plutôt plus élevés que la moyenne, les salariés expérimentés éprouvent, lorsqu’ils souhaitent revenir sur le marché du travail, des difficultés d’autant plus grandes qu’ils doivent alors à la fois :

– lutter contre les préjugés à leur égard ;

– justifier cette rémunération plus élevée qu’ils souhaitent conserver, en tout ou partie, dans le nouveau poste convoité.

● Au-delà du constat « objectivé » par des études, l’âge est aussi perçu et reconnu comme un facteur important de discrimination, ce qui peut aussi expliquer des phénomènes de découragement chez les travailleurs expérimentés qui recherchent un emploi.

L’eurobaromètre publié par la Commission européenne en novembre 2019 montrait que la perception de discrimination en fonction de l’âge est particulièrement élevée pour les Français, plus que pour les autres citoyens européens interrogés ([180]).

Le baromètre publié par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) indiquait quant à lui que 39 % des hommes et 31 % des femmes considèrent que des discriminations liées à l’âge se produisent souvent ou très souvent, et 36 % des personnes interrogées estiment avoir été témoins d’une discrimination liée à « l’âge avancé » dans le cadre de leurs activités professionnelles. Le chiffre est un peu plus faible lorsqu’il s’agit de discriminations vécues directement par les personnes interrogées (10 %).

● Enfin du côté des « managers », l’expérience demeure sous-valorisée par rapport aux inconvénients réels ou supposés d’embaucher un travailleur expérimenté. Avec Chypre et les Pays-Bas, la France est l’un des trois pays développés où les managers considèrent le plus qu’un âge supérieur à 55 ans joue nécessairement en défaveur du candidat (plus de 75 % de réponses en ce sens) ([181]).

De tels chiffres, s’agissant d’une pratique illégale (cf. infra), donnent un certain vertige et il serait malheureusement très naïf de penser que de telles perceptions n’ont d’effets que sur les recrutements. Ils peuvent expliquer beaucoup d’autres processus de désinvestissement dans le capital humain que constituent les travailleurs expérimentés en emploi (découragements, incitations au départ, absence de propositions d’évolution ou de formation...).

2.   Des dispositifs juridiques qui montrent leurs limites

Un arsenal juridique sanctionne en principe ces discriminations en raison de l’âge, au même titre que tout autre critère qui n’aurait aucun lien avec la compétence professionnelle du travailleur.

● L’article L. 1132-1 du code du travail trouve ainsi à s’appliquer :

– à toutes les formes de discrimination du salarié « en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse... » ;

– que la discrimination porte sur la « procédure de recrutement » ou à toute autre mesure relative à la carrière ou à la rémunération (accès à la formation, au reclassement, à la promotion, etc.).

L’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un principe similaire dans le secteur public, sous peine de sanctions disciplinaires pour les agents qui commettraient de telles discriminations.

Cette interdiction de toute forme de discrimination tombe également sous le coup de dispositions pénales, aux termes desquelles l’employeur peut encourir jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (articles 225-1 et 225-2 du code pénal).

● Ces dispositions, qui reprennent largement le droit de l’Union européenne en la matière ([182]), constituent la base d’actions qui peuvent être conduites par des candidats, des salariés ou des syndicats contre les recruteurs ou employeurs, et prohibent certaines attitudes.

Ainsi, la mention d’une exigence d’âge dans une offre d’emploi est en principe illégale, comme le rappelle régulièrement le Défenseur des droits. Un licenciement, même si l’employeur allègue un autre motif, peut être considéré comme nul s’il est établi qu’il est en réalité fondé sur l’âge. On peut rappeler ici qu’en matière de discrimination et en application du droit européen, la preuve étant particulièrement difficile à rapporter pour la partie demanderesse, c’est à l’employeur de démontrer qu’il a fondé sa décision sur des éléments objectifs.

● Malgré cet arsenal et cette inversion de la charge de la preuve, le dispositif reste de l’avis général imparfait en pratique.

D’abord, la discrimination peut prendre des formes plus « acceptables » par le salarié, à l’instar des ruptures conventionnelles qui lui permettent de percevoir une allocation d’assurance chômage.

Ensuite, les discriminations liées à l’âge sont souvent difficiles à déceler par le salarié et/ou par le juge derrière d’autres motifs invoqués (niveau de formation, rémunération...), notamment à l’embauche.

Enfin, il est plus difficile d’établir objectivement des écarts en fin de carrière par rapport à des salariés moins expérimentés, que pour d’autres critères (par exemple, pour le sexe ou l’origine dès lors que toutes autres caractéristiques sont égales par ailleurs). Un salarié âgé a par construction obtenu un diplôme à un autre moment et dans d’autres conditions et une autre expérience difficilement comparable.

Ces difficultés doivent relativiser l’intérêt porté par certains en direction d’un durcissement des sanctions. Une telle démarche risque d’inverser l’ordre des priorités : c’est d’une meilleure définition et identification des discriminations à l’âge, préalable nécessaire à leur sanction, dont il faudrait se doter en réalité ([183]). En outre, rien n’indique que les sanctions actuellement prévues par le code pénal ne soient pas adaptées, et elles ne sauraient évoluer isolément de toute réflexion globale sur toutes les formes de discrimination ([184]).

Dans l’attente de ces outils méthodologiques, dont les rapporteurs comprennent bien les difficultés de construction, la mission n’a pas souhaité faire de préconisations allant dans ce sens, tout en croyant davantage à l’efficacité de certaines bonnes pratiques au sein des entreprises.

3.   Former, valoriser, communiquer pour assurer une meilleure prise en compte des travailleurs expérimentés dans l’entreprise

À l’instar de la démarche retenue par leur collègue Audrey Dufeu dans le cadre de son rapport « Réussir la transition démographique et lutter contre l’âgisme » remis au Premier ministre en décembre 2019 ou du rapport « Bellon-Mériaux-Soussan », la mission souhaite privilégier une logique « positive » favorisant les entreprises ayant une attitude active dans ce domaine.

Le premier enjeu est celui de la formation au sein des entreprises, afin de sensibiliser recruteurs et managers aux avantages très nombreux à avoir des collaborateurs expérimentés : fidélité à l’entreprise, expérience, autonomie, etc.

Le deuxième enjeu est celui d’encourager à mettre en œuvre des politiques de recrutement « aveugles » à l’âge, notamment en retenant des modalités de recrutement qui s’attachent moins au CV et davantage aux capacités réelles du candidat (méthode dite « par simulation »).

Le troisième enjeu consiste évidemment à encourager et à faire connaître les entreprises qui accompagnent, forment et valorisent les compétences des seniors.

Ces objectifs rejoignent en grande partie la philosophie du rapport « Bellon-Mérieaux-Soussan » lorsqu’il préconisait :

– d’« intégrer aux lignes directrices qui structurent le cadre juridique du reporting extra-financier une incitation à publier des items relatifs à l’emploi des travailleurs expérimentés » ;

– d’« encourager la systématisation de critères relatifs à l’inclusion des travailleurs expérimentés et à la dynamique intergénérationnelle dans les « labels diversité » ;

– d’« encourager la systématisation des formations à la gestion des âges au sein des organisations de travail » ([185]).

La définition du bon mode d’incitation, de reconnaissance ou d’encouragement nécessite toutefois d’être pensée au regard des autres propositions du rapport.

Des nouvelles obligations juridiques peuvent être particulièrement lourdes, alors que l’objectif des gouvernements et majorités successifs ces dernières années a consisté à simplifier le droit du travail pour le recentrer autour des obligations essentielles. Elles supposeraient en outre de distinguer grandes et petites entreprises. Un raisonnement similaire doit conduire à écarter des sanctions financières.

À l’inverse, des incitations financières peuvent apparaître utiles pour appuyer la démarche, mais elles risquent :

– de perturber des entreprises qui se sont engagées volontairement et « gratuitement » dans ces démarches, dans le cadre de la politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ;

– d’être en partie redondantes avec d’autres propositions de la mission tendant à renforcer les incitations financières des entreprises, et donc difficilement lisibles ; à choisir entre inciter financièrement à avoir des « bons résultats » ou des actions concrètes des entreprises comme des formations, de l’accompagnement ou des recrutements, les rapporteurs privilégient assez naturellement le second volet.

Reste la mesure, moins directement opérante mais potentiellement puissante sur un plan symbolique et dynamique, consistant à favoriser une labélisation spécifique, homologuée de manière officielle par le ministère, pour des entreprises qui répondent à des critères spécifiques. La démarche pourrait s’inspirer ou s’intégrer au sein du label Diversité créé en 2008.

L’avantage d’une labellisation spécifique résiderait principalement dans la possibilité de proposer un cahier des charges adapté, qui permettrait à davantage d’entreprises de le recevoir (aujourd’hui, seules 112 structures possèdent le label Diversité), sans remettre en cause les exigences élevées du label Diversité qui répond naturellement à d’autres enjeux. Elle a pour cette raison la nette préférence des rapporteurs.

Proposition n° 30 : Développer un procédé de labellisation officielle pour reconnaître et faire connaître les meilleures pratiques des entreprises en matière de maintien en emploi ou de recrutement des salariés expérimentés.


X.   Une articulation entre emploi et retraite À améliorer

Les liens entre les questions de retraite et d’emploi des travailleurs expérimentés sont par construction extrêmement étroits. Beaucoup des travaux sur l’emploi des travailleurs expérimentés ont d’ailleurs été conduits pour préparer une imminente réforme des retraites. L’enjeu de ce couple « meilleur emploi des seniors – retraites » est en effet d’associer des mesures conduisant à travailler plus longtemps à une amélioration du taux d’emploi, afin de s’assurer que les changements de règles en matière de retraites n’induisent pas un effet de report trop important sur les mécanismes d’assurance chômage ou de solidarité (minima sociaux, invalidité, etc.).

Les rapporteurs considèrent que l’éloignement de l’horizon d’une réforme des retraites peut être à la fois temporaire et utile. Temporaire, car le statu quo est peu vraisemblable. La seule augmentation de la durée d’assurance déjà prévue par la réforme « Touraine » en 2014 ([186]) suppose déjà, en l’absence de tout nouveau changement « paramétrique » une augmentation progressive de la durée d’activité. Utile, car il laisse le temps d’approfondir la réflexion sur les conditions de possibilité d’une augmentation du taux d’emploi des travailleurs expérimentés, à laquelle la mission d’information espère apporter une contribution décisive.

Si de ce point de vue, l’ensemble des préconisations du rapport est susceptible de rehausser ce taux d’emploi, il est ici question d’aborder plus spécifiquement les mécanismes d’articulation ou de transition entre l’emploi et la retraite, qui constituent une des clefs de l’amélioration de la situation des travailleurs expérimentés.

1.   Des enjeux fortement mêlés

● Comme l’ont rappelé plusieurs travaux précédents, et notamment le rapport de France Stratégie ([187]), les règles relatives au système de retraite sont susceptibles d’agir très fortement sur le taux d’emploi des travailleurs expérimentés, de deux manières :

– d’une part, au travers d’un effet « mécanique » : toutes les mesures tendant à repousser directement ou indirectement l’âge de la retraite contribuent à augmenter la part de la population « active », c’est-à-dire en emploi ou à la recherche d’un emploi ; les parts de l’augmentation qui se traduiront respectivement par une hausse du nombre de personnes qui travaillent et une hausse de celles qui seront « plus longtemps » inactives sont alors déterminées par la capacité d’un travailleur expérimenté à conserver ou à reprendre un emploi dans un marché du travail donné ;

– d’autre part, par un effet « dynamique » car le report de l’âge de départ à la retraite tend à décaler dans le temps l’effet « horizon » décrit dans la partie liminaire : le moment où conserver le salarié, pour l’entreprise, ou conserver son emploi ou faire la démarche d’en retrouver un, pour le travailleur expérimenté, ne semble plus utile au regard de l’imminence du départ à la retraite est alors retardé.

L’expérience, désormais bien documentée, de la réforme des retraites de 2010 tend à montrer que ces deux effets peuvent coexister de la façon suivante :

– une part très importante des travailleurs expérimentés poursuit une activité qui aurait été abandonnée de manière plus ou moins contrainte si l’âge de départ n’avait pas évolué (prévalence de la « dynamique » autour de l’effet horizon), ce qui explique que la réforme des retraites produise temporairement des économies pour la sécurité sociale ;

– dans le même temps, une part non négligeable de ce décalage se traduit par un report sur un autre type d’inactivité que la retraite (principalement l’invalidité) ou sur une activité de recherche d’emploi (avec ou sans prestations d’assurance chômage) ; les rapporteurs rappellent ici un chiffre désormais bien documenté : une personne qui part à la retraite sur deux était inactive au moment de ce départ ;

Les effets de la réforme des retraites de 2010 sur l’emploi

Ces effets de la réforme de 2010, laquelle consistait pour mémoire à relever de deux ans l’âge d’ouverture des droits (62 ans au lieu de 60 ans) ainsi que l’âge d’annulation de la décote (67 ans au lieu de 65 ans), ont été étudiés de manière approfondie tant pour le Conseil d’orientation des retraites (COR) que par l’INSEE.

Dans une note pour le COR de 2016, Simon Rabaté et Julie Rochut ont exploité les données de la CNAV pour comparer en termes de taux d’emploi à 60 ans deux groupes, celui qui était concerné par la réforme (générations 1952 et 1953 – groupe traité) et un autre qui ne l’était pas tout en restant très proche dans ses caractéristiques (générations 1950 et 1951 – groupe de contrôle). Au terme de cette étude, ils concluaient que le relèvement de l’âge d’ouverture des droits augmentait de 14 points le taux d’emploi à 60 ans du groupe traité par rapport au groupe de contrôle, tout en constatant une part importante de maintien au chômage et en invalidité pour ceux qui étaient déjà dans ces deux situations. D’après leurs calculs, la réforme a conduit à une prolongation de « l’état précédent » pour une grande majorité des personnes concernées : les personnes en emploi le conservent (83 %), ce qui est bien l’objectif d’une telle réforme, et sont globalement plus nombreuses que les personnes au chômage ou en invalidité, même si une part très importante de ces dernières prolongent également leur situation moins enviable (respectivement 87 % pour le chômage et 97 % pour l’invalidité).

Réalisée en 2017 à partir de l’enquête Emploi, la note d’Yves Dubois et Malik Koubi (INSEE) concluait de la même manière à des effets « positifs » sur l’activité des seniors de la réforme de 2010 : la probabilité de rester en emploi entre 58 ans et sa retraite a ainsi augmenté de presque 10 points (81,8 % avant réforme, 91,3 % après la réforme) pour les générations concernées. Ils relevaient également une augmentation en parallèle de la probabilité de rester au chômage, illustrant là aussi que « l’effet dominant de la réforme aurait été de figer les situations atteintes à l’approche de la soixantaine dans l’attente du nouvel d’âge d’accès à la retraite ».

Sources : Simon Rabaté et Julie Rochut, « Impact de la réforme des retraites de 2010 sur l’activité des seniors en France », document de travail présenté à la séance plénière du COR du 19 octobre 2016, et INSEE Analyses n° 30, « Report de l’âge de la retraite et taux d’emploi des seniors : le cas de la réforme des retraites de 2010 », janvier 2017.

Cette évolution n’est d’ailleurs pas proprement française : une part non négligeable des différences avec les autres pays comparables s’explique à la fois par un âge de la retraite plus précoce qu’ailleurs qui fait mécaniquement diminuer la population active et par une part relativement importante de la population en situation d’invalidité ([188]).

Le graphique ci-dessous reproduit par le Conseil d’orientation des retraites à partir de données harmonisées de la Commission européenne illustre ce premier point.

âge moyen de sortie du marché du travail dans les pays européens, au sens de la commission européenne, en 2017

Source : Commission européenne.

Le rapport aux règles de retraite pourrait donc être schématisé de la façon suivante : les réformes tendant à repousser l’âge de la retraite font quasi‑automatiquement augmenter l’emploi des travailleurs expérimentés mais l’efficacité, y compris financière, de telles réformes dépend fortement de la capacité du marché du travail à « absorber » le maintien de milliers de travailleurs expérimentés supplémentaires.

Il n’appartient probablement pas à la mission de se positionner sur l’opportunité et a fortiori sur les paramètres à retenir pour une future réforme des retraites en vue de rattraper le « retard » de taux d’emploi français. Les rapporteurs demeurent toutefois convaincus que c’est l’interpénétration des deux enjeux (soutenabilité du système de retraite, performance du marché du travail pour les travailleurs expérimentés) qui doit être au cœur des décisions à venir en la matière.

Il revenait en revanche à la mission de se pencher plus spécifiquement sur les dispositifs spécifiques à la combinaison entre emploi et retraite. Ces derniers peuvent contribuer, indépendamment de toute réforme touchant à l’âge effectif de départ, à maintenir une activité significative pour le travailleur expérimenté après son départ à la retraite. D’un point de vue théorique, les études montrent des effets ambigus de tels cumuls entre emploi et retraite : ces derniers peuvent en effet encourager dans certaines conditions à conserver une activité qui n’aurait pas été poursuivie sans cela, et jouent donc favorablement sur l’emploi ; ils peuvent aussi inciter les personnes concernées à optimiser la combinaison en compensant la réduction de leur activité professionnelle par la mobilisation d’une partie de leur pension de retraite, ce qui est moins favorable à l’emploi ([189]).

Dans le contexte de l’allongement de la durée d’activité et au regard d’expériences étrangères concluantes, les rapporteurs considèrent que si le second effet doit naturellement être pris en compte, par exemple pour « paramétrer » les conditions précises de cumul, c’est le premier qui doit guider la décision publique ([190]). Favoriser l’activité des travailleurs expérimentés suppose donc bien d’examiner et de réévaluer les dispositifs favorisant ce cumul.

2.   L’échec relatif du cumul emploi-retraite et de la retraite progressive

a.   Les modalités de cumul ont connu de profondes modifications ces dernières années

● L’histoire des facultés de cumul a connu un mouvement profondément oscillatoire ces quarante dernières années.

Dans un premier temps, ces règles originelles du régime général restaient peu précises sur ces questions et permettaient de facto un certain nombre de cumuls avec une activité professionnelle, nécessairement distincte de celle qui donnait lieu à pension.

Dans un second temps, perçue comme un pur revenu de remplacement, la pension de retraite a été rendue incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle, ce qui a conduit à en limiter le recours. C’est la tendance suivie, dans le contexte d’un abaissement de l’âge légal sans décote à 60 ans, par l’ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982 relative à la limitation des possibilités de cumuls entre pensions de retraite et revenus d’activités de remplacement qui a notamment subordonné le versement de la pension à la rupture définitive de tout lien professionnel avec tout employeur et la cessation définitive de toutes les activités non salariées.

Cette règle confirmée entre-temps par le législateur (loi n° 91-73 du 18 janvier 1991) a été assouplie dans un troisième temps avec la loi du 21 août 2003, qui a instauré des facultés de cumul plafonné ([191]), puis six ans plus tard par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ([192]), qui a créé le cumul intégral dans certaines conditions.

Dans un quatrième et dernier temps et au motif d’un souci de « simplification » des règles qui coexistaient selon que l’assuré se trouvait en situation de cumul inter-régime (pension dans un régime, activité professionnelle dans un autre) ou intra-régime (pension et activité dans le même régime), la loi « Touraine » a aligné « par le bas » le régime des cotisations dues en les rendant systématiquement non génératrices de droits (article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale), sous réserve des spécificités de la retraite progressive (cf. infra).

● Au terme de cette lente évolution, le régime du cumul-emploi retraite se caractérise donc :

– par une distinction des règles de cumul en fonction de la situation de la personne par rapport à ses droits à pension ; il peut avoir le cumul intégral s’il a liquidé tous ses droits à retraite (de base et complémentaire) et s’il a atteint les conditions du taux plein (nombre d’annuités ou âge d’annulation de la décote) ; à défaut, le cumul est plafonné et au-delà du plafond (160 % du SMIC ou la moyenne des salaires des trois derniers mois d’activité), la pension est réduite du montant du dépassement ;

– par l’application uniforme de la règle selon laquelle les cotisations versées au titre de cette activité professionnelle ne créent pas de nouveaux droits ;

– par des distinctions qui demeurent très fortes entre différents régimes, et notamment salariés, non-salariés et fonctionnaires ; ainsi, dans quelques régimes dans lesquels la cotisation est demeurée créatrice de droits (régime des militaires, marins, artistes de ballet de l’Opéra national de Paris, anciens agents d’entreprises minières ou ardoisières relevant de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs), tandis que dans d’autres le cumul intégral est à l’inverse totalement interdit (avocats et exploitants agricoles).

b.   Un cumul emploi-retraite très concentré sur un certain type de profil

● Le recours au cumul emploi-retraite demeure relativement limité, malgré une hausse continue depuis quelques années. Dans son insertion spécifique à ce sujet, la DREES rappelle ainsi sur la base de l’enquête Emploi de l’INSEE qu’il concernait 482 000 personnes en 2018, soit 3,4 % des retraités (proportion très proche de celle que l’on connaissait déjà en 2013, autour de 3,3 %).

L’accès à ce dispositif n’est pas uniforme :

– d’un côté, 22,5 % des retraités en situation de cumul exercent comme travailleurs indépendants – ce qui semble assez cohérent avec une envie d’indépendance et de flexibilité, une fois la retraite venue – et 24,7 % occupent un emploi de salarié cadre, notamment chez les hommes (32,7 %) ; cette forte concentration se double de quelques anomalies « positives » ou « négatives » dans certains secteurs : ainsi, d’après la direction de la sécurité sociale interrogée par les rapporteurs, 20 % des médecins libéraux entre 65 et 70 ans avaient recours à ce régime, principalement des médecins généralistes pour des raisons aisément compréhensibles dans un contexte de forte désertification médicale ;

– de l’autre, un important cumul à temps partiel, notamment chez les femmes (quatre sur cinq contre trois sur cinq chez les hommes) ; la moitié des femmes ont une activité inférieure à un mi-temps, contre « seulement » un tiers des hommes.

Aussi, le cumul emploi-retraite ne s’épanouit que dans quelques niches très ciblées et paradoxales, entre le cadre supérieur qui souhaite compléter sa pension potentiellement confortable et des profils plus modestes et plus féminins qui cherchent à compenser une faible pension issue d’une carrière incomplète. On retrouve ainsi les trois profils (hommes à carrières longues, cadres, femmes avec aléas de carrière) qu’identifiait déjà le rapport « Bellon-Mériaux-Soussan ».

● Cette situation s’accompagne :

– d’un déficit de notoriété croissant du dispositif, connu seulement de 60 % des retraités d’après ce même rapport ;

– d’une faible incitation à reprendre une activité, en raison du caractère non créateur de droits de ces cotisations, alors que d’après une étude très approfondie sur les motivations de départ à la retraite ([193]), l’augmentation des droits incite fortement les retraités à partir le plus tard possible ; de ce point de vue, il n’y a pas de raison que ce qui incite à prolonger l’activité aussi tard n’incite pas de la même façon à retourner occuper une activité complémentaire.

● Outre l’indispensable effort à conduire autour d’une meilleure information sur ce dispositif, rétablir le caractère créateur de droits des cotisations versées en situation de cumul emploi-retraite a fait l’objet d’un consensus au cours des auditions, tant chez les économistes (Conseil d’analyse économique, etc.), que chez les praticiens (rapport « Bellon-Mériaux-Soussan ») et chez des acteurs plus institutionnels (Conseil économique, social et environnemental, le Gouvernement et la majorité à travers les articles 24, 25 et 26 du projet de loi instituant un système universel de retraite ([194]), etc.).

Rejoignant cette belle et rare unanimité, les rapporteurs relèvent quelques arguments particulièrement convaincants en faveur de cette mesure :

– philosophiquement, la mesure confirme le caractère contributif d’une pension de retraite : cotiser ouvre des droits ;

– les économistes pointent avec raison le retour à une « neutralité », positive en l’occurrence, d’un choix d’activité dont les acteurs ont déjà du mal à calculer ce qu’il peut leur procurer ; avec la mesure proposée, la solution est simple : de même que travailler plus longtemps sans liquider sa retraite apporte une surcote, reprendre une activité alors qu’on a liquidé sa pension apporte des droits supplémentaires qui peuvent être liquidés à nouveau ;

– comme l’a rappelé la direction de la sécurité sociale aux rapporteurs, la situation française depuis 2014 « constitue une exception [...] au sein des systèmes de retraite des pays de l’OCDE » et incite les populations concernées par le cumul à réclamer des exonérations de cotisations sociales spécifiques.

● D’après la direction de la sécurité sociale, l’effet d’une telle mesure serait d’augmenter de 5 % la pension moyenne des bénéficiaires du cumul, à « comportements constants » (i. e. sans prendre en compte les effets de la mesure sur l’incitation à recourir au dispositif). Son coût n’avait pas été chiffré dans les rapports précédents, mais l’étude d’impact de la loi « Touraine » évaluait les économies réalisées pour les régimes à 450 millions d’euros en année pleine en euros « 2013 » soit probablement davantage autour de 480 millions d’euros aujourd’hui.

Cette mesure n’est donc à l’évidence pas anodine sur un plan financier, mais les rapporteurs en soulignent les effets très vraisemblablement vertueux sur l’ensemble de l’activité économique, qui bénéficierait davantage de la compétence des actifs retraités.

Il faut souligner par ailleurs que cette possibilité doit être mieux connue des retraités, sans quoi toutes ces modifications risquent de rester lettre morte. Cette information pourrait passer par des simulateurs dédiés – notamment dans la perspective d’un recalcul des droits à pension après cumul – voire une information systématique des retraités, quitte à ne cibler que les 60-64 ans.

Proposition n° 31 : Rendre à nouveau les cotisations issues du cumul emploi-retraite créatrices de droits, dans tous les régimes.

Proposition n° 32 : Renforcer l’information sur l’accès au cumul emploi-retraite.

c.   Une retraite progressive qui n’a jamais trouvé son public, malgré des progrès récents

Autre dispositif très utile, la retraite progressive n’a pas non plus rencontré son public malgré quelques succès engrangés en nombre de bénéficiaires ces dernières années.

● Créée en 1988, la retraite progressive repose sur le principe d’une liquidation partielle de sa pension qui en permet le cumul avec une activité professionnelle limitée. Dit autrement, la retraite progressive n’entend pas remplacer la retraite, ni assurer le cumul avec la retraite liquidée, mais aménager une solution équilibrée entre réduction d’activité et maintien du revenu, à quelques années de la liquidation totale des pensions.

Elle n’est pas ouverte à tous les régimes, et seuls les salariés et indépendants agricoles et non agricoles (hors libéraux et fonction publique) y ont droit. Les fonctionnaires et salariés relevant de régimes spéciaux en sont donc exclus.

À sa création, elle était conditionnée :

– à l’exercice d’une activité professionnelle à temps partiel ; c’est sous cet angle que le dispositif est nécessairement conditionné à l’accord de l’employeur, ce dernier devant nécessairement valider le passage à temps partiel pour les salariés à temps plein ; cette notion de « temps partiel » excluait par ailleurs d’emblée les salariés en forfaits jours ;

– à une durée d’assurance préalable dans un régime ouvrant droit à la retraite progressive, fixée initialement à 150 trimestres (37,5 annuités), relevée en 1993 à 160 trimestres, et revenue à son niveau initial en 2003 ;

– à un âge correspondant à l’âge légal de départ à la retraite (60 ans à l’époque).

● La loi du 20 janvier 2014 dite « Touraine » a contribué à déverrouiller en partie le dispositif :

– en diminuant l’âge d’ouverture de 62 (âge légal depuis 2010) à 60 ans ;

– en comptant dans la durée d’assurance préalable des trimestres réalisés dans des régimes où la retraite progressive n’était pas possible.

Une dynamique non négligeable s’est engagée depuis : alors qu’on comptait 2 409 bénéficiaires en 2012, il y en aurait 21 500 en 2019 pour un montant total de 101 millions d’euros versés à ce titre par les caisses de retraite ([195]). Les marges de progression demeurent néanmoins importantes et, interrogée par les rapporteurs, la direction de la sécurité sociale considère elle-même que le dispositif reste « peu utilisé ».

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce caractère structurellement limité de la retraite progressive :

– la restriction à certains régimes ;

– la durée d’assurance minimale, qui reste élevée et exclut de ce fait des carrières incomplètes (à titre d’exemple, à 60 ans, et en ayant commencé une carrière professionnelle à 22 ans, soit la moyenne de l’entrée sur le marché du travail, seuls six mois sans droits cotisés ou obtenus à un autre titre sont « tolérés ») ;

– l’accord de l’employeur, qui ne souhaite pas forcément voir son salarié réduire son activité ;

– le manque de connaissance des dispositions, que la direction de la sécurité sociale n’a pas chiffré récemment, mais qui correspondait à 29 % des pensionnés au moment de la loi de 2014.

Dans ces conditions, comme pour le cumul emploi-retraite, le dispositif semble concentré sur quelques profils-types, quoique relativement différents de ceux du cumul, dont on peut s’essayer ici à dresser le portrait : il bénéficie majoritairement à des femmes (72 % ([196])) et concerne pour les deux tiers des salariés qui travaillent plus qu’un mi-temps. Les salaires concernés sont supérieurs à la moyenne.

Il semblerait que pour les femmes, la retraite progressive soit utilisée en remplacement d’un départ pour carrière longue, lorsque les trimestres validés sont nombreux mais que le salaire de référence qui sert de base au calcul de la pension est insuffisant. Pour les hommes, il s’agit davantage d’un moyen d’atteindre le taux plein.

● Depuis, deux événements importants ont remis à l’ordre du jour une profonde révision des conditions de recours à la retraite progressive :

– d’une part, l’article 25 du projet de loi instituant un système universel de retraite proposait plusieurs pistes de réforme intéressantes ([197]) :

– d’autre part, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2020-885 QPC du 26 février 2021, Nadine F., a censuré avec effet différé au 1er janvier 2022 l’exclusion des salariés en forfaits jours du dispositif, estimant la différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi et donc contraire au principe constitutionnel d’égalité.

● Dans ces conditions, les rapporteurs sont favorables à aller plus loin dans le « déverrouillage » de ce dispositif, qui correspond bien à une logique de meilleure articulation en fin de carrière entre le maintien d’une activité et une transition vers la retraite.

Il convient a minima et au plus tard avant la fin de l’année, par exemple dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, d’ouvrir le dispositif à l’ensemble des salariés, comme l’impose le Conseil constitutionnel sur un motif d’égalité. L’accès d’autres catégories à ces possibilités de retraite progressive peut également être examiné, même s’il se pose en des termes différents en dehors d’un système universel de retraite, avec le souci de ne pas permettre à des professions ne connaissant pas de difficultés particulières d’emploi des travailleurs expérimentés optimiser le dispositif par ailleurs relativement avantageux.

Les rapporteurs sont également favorables à réexaminer en profondeur les conditions d’accès au dispositif, dans l’optique d’une meilleure adhésion. Si, dans un souci de responsabilité financière, il semble peu opportun de renforcer la générosité d’un dispositif qui n’est déjà pas neutre aujourd’hui d’un point de vue actuariel ([198]), certains paramètres pourraient encore évoluer. D’un côté, l’âge d’ouverture de la retraite progressive pourrait être retardé afin de suivre « naturellement » l’évolution de l’âge de départ à la retraite. De l’autre, les conditions de trimestres validés ou l’incitation des employeurs à accorder ce dispositif pourraient être renforcées.

Enfin, comme pour le cumul, c’est l’information des assurés qui doit être améliorée, notamment dans le cadre de la documentation que ces derniers reçoivent déjà sur les droits futurs.

Proposition n° 33 : Élargir les conditions d’accès à la retraite progressive, a minima aux salariés en forfaits jours.

Proposition n° 34 : Renforcer l’information sur l’accès à la retraite progressive.

3.   Des dispositifs à compléter ?

Autour des deux grands dispositifs que sont le cumul emploi-retraite et la retraite progressive, la mission s’est également interrogée sur d’autres enjeux, moins structurants, liés à la retraite, en écartant toute proposition catégorique pour les motifs évoqués ci-dessous.

La « limite d’âge » recouvre ici en réalité deux mécanismes différents, quoiqu’ils soient tous deux d’ordre public :

– dans le secteur privé, il s’agit de l’âge au-delà duquel l’employeur peut licencier le salarié pour ce seul motif ; celui-ci est alors « mis à la retraite d’office » par son employeur ; cet âge a été fixé par le législateur à 70 ans par la LFSS 2009 ([199]) qui mettait alors en œuvre une des mesures du plan gouvernemental en faveur de l’emploi des seniors([200]) ;

– dans le secteur public, il s’agit d’une interdiction d’exercer une fonction publique applicable aux fonctionnaires comme aux agents contractuels au-delà d’un âge fixé à 67 ans par le législateur ([201]) pour les catégories dites « sédentaires », les catégories « actives » bénéficiant d’âges limites spécifiques.

De telles limites d’ordre public n’ont pas d’équivalent pour les travailleurs non salariés, qui choisissent librement la durée de leur activité.

Frappée par le constat fait par France Stratégie selon lequel sept pays de l’OCDE se passaient totalement de toute référence à un âge limite, la mission a été conduite naturellement à s’interroger sur la pertinence d’un âge limite, dans son principe comme dans ses modalités.

Outre cette comparaison internationale, plusieurs éléments poussent en première analyse pour une évolution :

– comme les autres règles relatives à l’âge en matière de retraite, elles ont vocation à évoluer pour épouser les nouveaux standards d’espérance de vie ; or, ces règles n’ont pas évolué depuis onze ans ; c’est d’ailleurs la réflexion qui avait conduit le plan « seniors » de 2010 à repousser les âges limites en même temps que l’âge légal de départ à la retraite ;

– les âges retenus sont variables selon qu’il s’agisse de la mise à la retraite d’office dans le secteur privé (70 ans) ou de la limite d’âge dans le secteur public (67 ans) ; si l’on peut naturellement plaider que cet écart est lié au caractère moins contraignant de la mise à la retraite d’office, cette distinction mérite a minima d’être réinterrogée, si ce n’est pas l’écart des pratiques en fonction des statuts ;

– l’existence même de tels âges limites peut être perçue comme stigmatisante non seulement lorsqu’on les dépasse mais aussi dès que l’on en approche ; si le législateur estime quasiment inaptes au travail des actifs de 67 ou 70 ans, pourquoi recruter ou maintenir en emploi des travailleurs qui s’approchent de ces âges ?

Plusieurs éléments ont toutefois invité les rapporteurs à la prudence sur ce sujet :

– les âges prévus par le législateur, et singulièrement celui de la mise à la retraite d’office pour les salariés du secteur privé (70 ans), sont déjà particulièrement élevés objectivement ;

– les statistiques rappelées par les rapporteurs dès la partie liminaire du rapport indiquent clairement que le problème « français » se situe bien en amont, autour de 60 ans ; modifier ou supprimer ces âges limites aurait probablement des vertus symboliques et/ou pratiques, mais ne modifierait pas fondamentalement la « donne » pour les travailleurs expérimentés qui souhaiteraient ou devraient avoir une activité entre 60 ans et l’âge de la retraite ;

– le statut protecteur de la fonction publique combiné à une absence totale de limite d’âge pourrait compliquer les politiques de gestion des ressources humaines des administrations de l’État comme des collectivités locales ;

– à défaut de leur suppression, une évolution de ces âges suppose d’être pensée directement en lien avec l’évolution probable des paramètres du système de retraite dans les années à venir ; la mission refusant pour d’évidentes questions méthodologiques de préempter ce que pourrait être une future réforme des retraites, elle ne peut se positionner de manière définitive sur ce paramètre pris isolément.

Des mécanismes de surcote et de décote incitent depuis longtemps, dans les régimes de retraite de base comme complémentaires, à travailler plus longtemps. Le portrait détaillé de ces mécanismes, variables d’un régime à l’autre et d’un « étage » à l’autre (base et complémentaire) et parfois complexes en raison du grand nombre de règles dérogatoires qui s’appliquent, dépasse le cadre du présent rapport. Toutefois, la mission a été amenée à constater et analyser les évolutions récentes en la matière. Ces mécanismes, souvent pensés pour rééquilibrer les régimes, devraient en effet en principe avoir un puissant effet d’incitation à prolonger ou à reprendre une activité.

 

 

 

Quelques exemples de mécanismes de surcote et de décote

Le régime général d’assurance vieillesse a toujours connu un système de décote qui résulte du mécanisme même de calcul du taux plein : chaque trimestre manquant au moment de la liquidation par rapport à la durée d’assurance minimale fait diminuer le montant de la retraite d’un quantième défini comme :

La décote s’annule à partir d’un âge fixé par le législateur cinq années après l’âge d’ouverture des droits, soit 67 ans depuis la réforme de 2010. Elle est aussi annulable à un âge différent pour certaines catégories d’assurés.

Depuis la loi du 21 août 2003, un mécanisme de surcote a été créé pour qu’en parallèle une incitation à travailler davantage existe.

Les coefficients de majoration et de minoration sont identiques depuis 2003, soit 1,25 % ([202]).

Dans le régime complémentaire des salariés du secteur privé (AGIRC-ARRCO), à la suite de l’accord national interprofessionnel du 30 octobre 2015, s’appliquent depuis le 1er janvier 2019 :

– une décote appelée « minoration temporaire » pendant trois années de 10 %, si le salarié part à la retraite avant 63 ans ; la minoration s’annule à 67 ans ;

– une surcote appelée « majoration temporaire » pendant une année de 10 %, si le salarié part à la retraite à 64 ans, 20 % s’il part à 65 ans et 30 % s’il part à 66 ans.

Dans le régime des fonctionnaires, la décote et la surcote s’appliquent depuis le 1er janvier 2006 en application de la réforme de 2003, au même taux que pour les salariés du secteur privé.

Dans les régimes spéciaux, seule la décote s’applique depuis le 1er juillet 2010.

Les travailleurs indépendants relevant de la sécurité sociale des indépendants rattachée au régime général se voient également appliquer un système de décote et de surcote, aligné sur les règles applicables aux salariés.

Pour mémoire, le projet de système universel de retraite proposait quant à lui un système d’âge d’équilibre (appelé parfois lors des débats « âge pivot ») autour duquel la pension liquidée était minorée ou majorée de 5 % par an (soit 1,25 % par trimestre manquant ou supplémentaire).

 

 

 

 

Dans certains pays étrangers, les mécanismes de décote ou de surcote peuvent être différents :

– en Allemagne, la décote pour les salariés est de 3,6 % dans la limite de 14,4 % alors que la surcote est de 6 % par an dans la limite de 30 % ; il faut noter cependant qu’il faut valider l’équivalent de quarante‑cinq annuités pour obtenir le taux plein, ce qui rend particulièrement difficile d’accéder à la surcote ;

– en Suède, un mécanisme proche de l’âge d’équilibre/âge pivot existe à 65 ans, autour duquel s’appliquent des mécanismes de minoration/majoration qui assurent une « neutralité actuarielle » de l’âge de départ à la retraite ; ce calcul tient notamment compte de l’espérance de vie à la retraite.

Dans son dernier portrait des retraites et des retraités ([203]), la DREES faisait le constat qu’au sein de la génération née en 1950, neuf retraités sur dix avaient liquidé leur pension de retraite au taux plein, dont 12 % avec une surcote. 7 % des retraités de cette même génération se voyaient appliquer une décote. Les femmes sont surreprésentées dans ces liquidations avec décote (8 % contre 5 % pour les hommes).

Les départs avec décote tendent par ailleurs globalement à augmenter dans tous les régimes, ce qui peut conduire à douter de son caractère totalement dissuasif (et corrélativement du caractère incitatif de la surcote) ([204]).

Au niveau de la retraite complémentaire, la même DREES a établi :

– que près de la moitié des salariés avaient été concernés par le coefficient de minoration temporaire de l’AGIRC-ARRCO en 2019, ce qui demeure très important surtout au regard du fait qu’un tiers des salariés n’était pas concerné par la mesure ;

– que la part de personnes parties sans minoration (à 63 ans) était globalement la même qu’au régime de base, avant l’entrée en vigueur des mécanismes de surcote (13 %), ce qui laisse à penser que ce mécanisme n’a pas nécessairement incité les salariés à cotiser davantage qu’ils ne le faisaient déjà avant la réforme ;

– que la part de « majorants » était extrêmement réduite (1 000 personnes en 2019 sur 370 000 nouveaux retraités).

Au regard de ces évolutions, il serait naturellement envisageable :

– de « durcir » encore la décote, avec le risque qu’elle provoque un nouveau surcroît de pensions minorées, sans réel effet sur l’activité ;

– de renforcer les seuls effets incitatifs liés aux surcotes, mais au risque alors de « déséquilibrer » les mécanismes retenus tant en termes financiers que d’incitations, sans effets totalement certains sur la hausse d’activité ; c’est d’autant plus vrai que ces mécanismes sont souvent calculés pour avoir une certaine « neutralité actuarielle », c’est-à-dire pour qu’une année d’activité supplémentaire ou la minoration de la pension soit indifférente.

En outre, certaines de ces règles – notamment dans les régimes complémentaires – sont gérées directement par les partenaires sociaux, au regard de la situation financière.

Dans ces conditions, il n’est donc pas apparu opportun aux rapporteurs de proposer d’emblée la modification de ces paramètres, fortement corrélés aux enjeux d’équilibre du système de retraite et dont l’incidence précise sur les niveaux d’activité n’est pas suffisamment démontrée. Aucun des travaux précédents n’avait d’ailleurs préconisé d’aller dans ce sens.


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   travaux de la commission

Au cours de sa réunion du 15 septembre 2021, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de la mission d’information ([205]).

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous nous retrouvons ce matin pour examiner les conclusions de la mission d’information sur l’emploi des seniors que j’ai tenu à lancer, et qui a achevé ses travaux après six mois d’auditions et de déplacements. L’emploi des seniors, ou plutôt, des « travailleurs expérimentés », constitue un enjeu central, à la croisée de plusieurs sujets : l’emploi, la formation professionnelle tout au long de la vie et les retraites. Les travaux de la mission visent à éclairer les débats de notre commission.

Mme Valérie Six, présidente de la mission d’information. Présider la mission d’information a été pour moi un honneur, concernant un sujet auquel je suis profondément attaché, et ce depuis longtemps. De nombreux travaux ont été rendus ces dernières années dans la perspective de la réforme des retraites. Cependant, l’Assemblée nationale, contrairement au Sénat, n’avait pas livré de travaux sur les travailleurs expérimentés. Il s’agit pourtant à la fois d’un enjeu de terrain, de réalités difficiles pour nos compatriotes, dont il nous est souvent fait part en tant qu’élus locaux, mais aussi, d’un enjeu déterminant pour l’avenir économique et celui de la protection sociale dans notre pays.

Nous avons décidé d’examiner un sujet d’une telle ampleur, qui se trouve à la croisée des thématiques de l’emploi et de la retraite, sous tous les angles : la formation professionnelle, la santé au travail, le droit du travail, les prélèvements sociaux, les systèmes de retraites, celui de l’assurance chômage, etc. Pour ce faire, nous avons rencontré toutes les parties concernées : partenaires sociaux, associations, administrations, opérateurs, parlementaires, ministres... et avons tenu compte d’expérimentations prometteuses menées sur le terrain, en particulier dans mon territoire. Au terme de ce travail, de nombreuses propositions ont été formulées qui vous seront présentées à l’instant.

Nos préconisations reposent sur une méthode et des constats transversaux. Tout d’abord, à la suite du « rapport Bellon » de 2020, nous avons fait le choix de privilégier une autre désignation que celle de senior. En effet, cette terminologie, probablement innocente au départ, s’est usée jusqu’à désigner aujourd’hui des dispositifs stigmatisants et peu efficaces. Le terme de senior ne valorise pas suffisamment l’apport majeur des travailleurs expérimentés dans l’entreprise et participe d’une dépréciation de cette catégorie de personnes. Les rapporteurs ont donc retenu les termes de « travailleurs » ou « salariés expérimentés », et nous souhaitons que cette formule devienne peu à peu la norme.

La mission est déterminée à proposer une approche globale et cohérente de la question, après une histoire compliquée, où les allers et retours de la politique publique entre préretraite et chômage long ont empêché l’émergence d’une stratégie pour les travailleurs expérimentés. De nombreuses politiques ont été abandonnées au profit d’une approche de droit commun, laquelle peut avoir ses avantages, mais rend invisible la problématique spécifique du public concerné.

La question est structurante pour l’ensemble de la société et il existe ici un véritable retard français par rapport aux pays comparables. Le taux d’emploi des 55-64 ans en France est nettement en dessous de la moyenne européenne et pour les plus de 60 ans parmi les derniers en Europe. Les chiffres de sortie du chômage après 55 ans sont extrêmement faibles ; or sans une véritable politique de l’emploi pour les travailleurs expérimentés, les réformes des retraites seront condamnées à prolonger l’inactivité précaire de beaucoup de travailleurs. Le vieillissement de la population et des actifs rend indispensable l’utilisation de toutes les ressources disponibles. La situation des femmes qui sont en fin de carrière victimes d’une double discrimination montre qu’elles pourraient être les principales bénéficiaires de progrès significatifs pour accéder à de meilleurs emplois et de meilleures retraites.

La rupture qui se joue entre 55 et 60 ans concerne à la fois les travailleurs et les salariés. L’effet horizon qui se déclenche quelques années avant le départ à la retraite constitue le nœud d’un problème complexe. Une fois que la frontière de l’âge liée à notre système de retraite est franchie, prévaut l’idée que former ou se former, accompagner ou se faire accompagner, chercher ou proposer un emploi, serait inutile. Pour surmonter cette difficulté, la mission s’est forgé la conviction qu’il n’existe pas une solution, mais des solutions. Celles-ci nécessiteront une mobilisation de tous les acteurs, laquelle a commencé avec la saisine des partenaires sociaux notamment.

Le travail de la mission a consisté à baliser de nombreuses pistes pouvant être articulées pour provoquer un « déclic ». De nombreuses thématiques ont été brassées, mais en fin de compte, ressortent trois axes structurants : maintenir dans l’emploi, par la formation et la prévention notamment ; renforcer le retour à l’emploi ; améliorer le passage de la vie professionnelle à la retraite.

M. Didier Martin, rapporteur. À l’approche de la soixantaine, comment peut-on travailler sans user sa santé, ou souffrir d’angoisse au travail si l’on se sent dépassé ou mal intégré ? Comment profiter davantage de ses loisirs et de sa famille ? Ces questions se posent davantage depuis que la page de la retraite à 60 ans a été tournée. À cet âge, des situations préoccupantes apparaissent : travailleurs abîmés, femmes cumulant de désavantages... Notre attention a porté sur la prévention, qui commence bien en amont de la soixantaine, sur la formation professionnelle qui s’étale tout au long de la carrière, et sur l’accompagnement personnel adapté.

En ce qui concerne la situation des femmes, elle se caractérise parfois par la pauvreté et la précarité. Les femmes sont surreprésentées parmi les personnes n’ayant ni emploi ni retraite. Leurs carrières hachées, leur moindre rémunération au long de leur carrière, les temps partiels répétés et subis... les pénalisent incontestablement au moment du départ à la retraite, qu’elles doivent parfois reculer bien au-delà de 65 ans.

Au moment d’aborder les pistes que nous avons suivies concernant les travailleurs ni en emploi ni à la retraite, je rappellerai un chiffre : 58 % des chômeurs de plus de 55 ans le sont depuis plus d’un an. La question de la lutte contre le chômage de longue durée dont ils sont victimes n’est pas simple. Depuis une dizaine d’années, Pôle emploi a renoncé à une politique d’accompagnement spécifique par publics. Cela s’est traduit par l’abandon du premier entretien systématique pour les salariés expérimentés dès le premier mois d’inscription. Nous le disons : nous ne sommes pas convaincus par cette stratégie. Au contraire, le foisonnement d’initiatives ici et là en France – je pense à PEPS, porté avec énergie par Olivier Candelier, ou aux espaces emplois de l’AGIRC-ARRCO, aux actions Talents Seniors menées par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC)... – montre que l’accompagnement est bien meilleur quand il est spécifique et décliné par petits groupes. C’est pourquoi nous proposons d’expérimenter sur plusieurs territoires un même programme d’accompagnement des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans par les agences locales de l’emploi. L’idée est de couvrir un maillage territorial significatif en synergie avec les bassins d’emploi locaux.

Une autre mesure vise à faciliter les reconversions professionnelles : nous proposons de développer une plate-forme de services inspirée du modèle des villages AFPA pour accompagner les travailleurs âgés dans leurs démarches d’entrepreneuriat. Enfin, constatant que seuls 4,3 % des bénéficiaires du contrat de professionnalisation sont âgés de 45 ans ou plus, nous suggérons de mieux faire connaître ce contrat qui permet de faire bénéficier aux employeurs d’une aide forfaitaire de l’État d’un maximum de 2 000 euros pour l’embauche d’un demandeur d’emploi de 45 ans ou plus.

La mission a mené une réflexion intense sur le maintien dans l’emploi des travailleurs expérimentés. Notre conviction est que la réflexion doit être menée très en amont autour des enjeux de formation professionnelle et de prévention. Tout en refusant de fixer une borne pour définir qui est un travailleur expérimenté, il nous a semblé évident que la mi‑carrière, autour de 45 ans, est une bonne étape pour étudier les conditions d’emploi et donc, celles de l’avenir professionnel. Or nous constatons depuis longtemps que, passé un certain âge, les salariés renoncent à la formation. C’est alors que s’installe le risque de l’obsolescence des compétences.

Nous pensons qu’un certain nombre de dispositifs de formation professionnelle reste trop peu utilisé, par manque de notoriété ou par excès de complexité. De fait, il ne nous a pas semblé opportun d’introduire de nouveaux dispositifs, mais plutôt de consolider l’existant. Aussi, nous proposons de simplifier les étapes pour obtenir une validation des acquis de l’expérience (VAE), de mieux accompagner les salariés les plus âgés et les entreprises qui s’engagent dans une telle démarche. Nous voulons également mieux faire connaître l’entretien professionnel. Par ailleurs, le conseil en évolution professionnelle, gratuit et délivré en dehors de l’entreprise, reste délaissé par les travailleurs âgés. Nous proposons de prioriser l’accès à cette prestation via le cahier des charges publié par le ministère du travail. Nous sommes convaincus qu’il faut améliorer les offres de formation pour les travailleurs de plus de 45 ans en privilégiant les formations en situation de travail. Enfin, le compte personnel de formation (CPF) doit être mieux mobilisé. Nous proposons de le déplafonner pour les salariés de plus de 45 ans, qui pourraient ainsi thésauriser leurs droits pour investir dans une formation d’ampleur voire dans une reconversion professionnelle.

Au long de nos travaux, nous nous sommes forgé la conviction que la prévention de l’usure professionnelle et de la désinsertion professionnelle est la clef de voûte d’une politique publique à destination des travailleurs expérimentés. Comment envisager de travailler plus longtemps si l’on est déjà brisé par le travail avant 50 ans ? Les travailleurs âgés sont plus souvent en arrêt de travail que leurs cadets, en moyenne 51 jours par an pour les 55‑59 ans. Or l’éloignement temporaire du travail conduit dans de trop nombreux cas à une éviction durable de l’emploi. La proposition de loi de Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean pour renforcer la prévention en santé au travail nous a inspirés. Nous proposons de mieux articuler l’entretien de la mi-carrière avec l’entretien professionnel. Ce bilan d’étape est l’occasion pour le salarié de faire le point sur son « sac à dos » de droits professionnels.

Pour prévenir l’usure professionnelle et garantir un bon état de santé et de bien‑être, nous proposons d’étendre le travail de l’Institut Pasteur de Lille à travers son parcours « longévité » qui s’adresse sur proposition de l’entreprise – et est financée par elle – à tout actif pour dépister des fragilités de santé. De plus, la mission reprend à son compte un volet de la réforme pour le système universel de retraite et propose de généraliser les comptes professionnels de prévention aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux. Pour en terminer avec nos propositions, nous préconisons, pour inscrire l’employabilité des travailleurs expérimentés comme thème obligatoire de la négociation collective de branche portant sur la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.

En conclusion, je suis convaincu que, de la même manière qu’il existe « Un jeune, une solution », nous devons nous donner les moyens de trouver des moyens et solutions pour chaque travailleur expérimenté.

M. Stéphane Viry rapporteur. Pour ma part, je poursuivrai ce propos en en venant aux outils à notre disposition pour faire progresser l’activité des travailleurs expérimentés. De ce point de vue, cinq enjeux me tiennent particulièrement à cœur.

Le premier enjeu consiste à développer les échanges intergénérationnels. Le principe est le suivant : l’expérience doit être transmise, et la transmission de cette expérience doit être valorisée. Sur ce point, quatre pistes de travail nous paraissent devoir être explorées. La première piste de travail est la valorisation des salariés s’engageant dans une démarche de mentorat, avec bien souvent une formation adéquate en amont. La branche nous semble être la bonne échelle pour définir les modalités de cette valorisation. La deuxième piste tient compte du besoin d’une meilleure appréhension des outils informatiques par les travailleurs expérimentés. C’est pourquoi le rapport met en exergue le « mentorat inversé ». La troisième piste est la mise en place d’un « index seniors » pour mieux connaître les pratiques des entreprises, valoriser les meilleures d’entre elles et identifier les moins bonnes. Il serait conçu en même temps qu’un label permettant de souligner les meilleures pratiques. Enfin, la quatrième piste provient d’une interrogation en profondeur sur le contrat de génération. Pour beaucoup de personnes auditionnées, cette bonne idée a été mal exécutée. La mission estime que tout nouveau contrat devrait être négocié par les partenaires sociaux dans le cadre d’une négociation interprofessionnelle, afin d’en garantir l’appropriation par les salariés et par les entreprises

Le deuxième enjeu majeur tient aux contrats spécifiques. Sur ce point, la mission estime que les dispositifs existants et – CDD senior, CDI inclusion – n’ont pas encore montré tout leur potentiel. Un nouveau contrat ajouterait à la confusion, même si une marge de manœuvre existe dans l’intérim, où aucune forme spécifique n’est prévue pour les travailleurs expérimentés. Même si le travail temporaire n’a pas vocation à être majoritaire, un assouplissement du recours au contrat de mission pourrait compléter la palette des solutions disponibles. Nous proposons donc deux ajustements paramétriques pour les travailleurs proches de l’âge de retraite, à savoir les travailleurs de plus de 60 ans : le relèvement de la durée maximale de la mission d’intérim à trente‑six mois, ainsi que l’abrogation du délai de carence entre deux contrats.

Le troisième enjeu est celui des conditions de travail et de la mobilité en fin de carrière. Maintenir l’activité des travailleurs expérimentés suppose dans certains cas des aménagements, qui tardent à être mis en place dans la réalité. De fait, les pays présentant un bon taux d’emploi des travailleurs âgés – Pays-Bas, Allemagne... – sont ceux proposant le plus de souplesse en la matière. De ce point de vue, le télétravail ou le temps partiel choisi doivent être encouragés dans les entreprises. La mobilité interne, mais aussi le prêt de main‑d’œuvre entre entreprises, peuvent également faciliter des transitions. J’insisterai enfin, au titre du troisième enjeu, sur le développement d’un nouveau dispositif particulièrement prometteur : les transitions collectives. Il faudra à la fois soutenir financièrement ce dispositif et être vigilant sur son apport pour les travailleurs expérimentés.

Le quatrième enjeu tient à la reprise d’emploi pour les travailleurs expérimentés au chômage. Après 55 ans, et encore plus après 60 ans, le retour à l’emploi est difficile, du fait de l’« effet horizon », mais aussi de l’insuffisance des incitations à l’embauche. La mission privilégie une réponse globale à la question en agissant sur trois leviers : inciter le chômeur âgé à reprendre un emploi, même moins rémunéré, en intensifiant les possibilités de cumul allocation-revenu d’activité ; soutenir les entreprises à travers, d’une part, une diminution des cotisations chômage en cas de recrutement d’un chômeur de longue durée âgé, et d’autre part, une révision du calcul de la tarification accidents du travail‑maladies professionnelles pour éviter que le dernier employeur soit excessivement pénalisé ; organiser le financement d’un fonds de retour à l’emploi à partir des ruptures conventionnelles intervenant en fin de carrière.

Sur le quatrième enjeu, c’est bien l’équilibre global des mesures qui doit être recherché, par un soutien significatif aux comportements vertueux facilitant le retour à l’activité, et en favorisant l’internalisation par les entreprises des coûts qu’elles causent pour la collectivité en signant des ruptures conventionnelles à un ou deux ans de la retraite. L’ensemble des mesures aurait un coût, au moins apparent, qui peut dépendre des modalités retenues. L’idée est néanmoins de déclencher un cercle vertueux profitable pour les entreprises, les travailleurs expérimentés et les comptes publics.

Le cinquième enjeu a trait à une meilleure articulation entre emploi et retraite pour assurer de meilleures transitions et de meilleures incitations à l’activité. Deux dispositifs ont retenu notre attention : la retraite progressive et le cumul emploi-retraite.

La retraite progressive permet de liquider une partie de sa retraite en conservant une activité partielle à partir de 60 ans. Cette solution intermédiaire serait intéressante pour les publics voulant réduire la voilure en fin de carrière, sans s’arrêter brutalement. Or ce précieux « entre-deux » est sous-utilisé et même exclu pour certains : fonctionnaires, salariés au forfait jour, bénéficiaires des régimes spéciaux de retraite. Nous préconisons une meilleure information à ce sujet. Il est également préconisé que son usage soit étendu à tous les salariés voire à tous les actifs. Une proposition en ce sens dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale serait d’autant plus bienvenue que l’exclusion du forfait jours a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a laissé jusqu’au 1er janvier au Gouvernement pour bâtir un nouveau dispositif.

S’agissant du cumul emploi-retraite, il souffre ici aussi d’un manque d’information et d’une mauvaise mesure prise en 2014 pour des questions purement financières. En effet, depuis lors, les cotisations versées au titre des activités exercées après la liquidation de la retraite ne donnent plus lieu à des droits nouveaux pour les salariés. La France est le seul pays à avoir fait ce choix, qui n’est pas conforme à la philosophie du système des retraites pas plus qu’à l’économie du pays. La proposition de revenir sur cette décision a fait consensus auprès de l’ensemble des acteurs auditionnés. La mission est convaincue qu’il faut rétablir le caractère créateur de droits des cotisations versées après le départ en retraite.

Nous espérons que nous pourrons traduire rapidement tout ou partie de ces préconisations en mesures concrètes. La France a besoin de ses travailleurs expérimentés. C’est pourquoi il faudra un plan national, fédérateur, ambitieux et concerté avec les partenaires sociaux en faveur des travailleurs expérimentés.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie pour ces préconisations très fortes.

Mme Catherine Fabre (LaREM). Nous vous remercions pour ce travail passionnant. Malgré une amélioration du taux d’emploi des seniors depuis une vingtaine d’années, la France reste en retard, en raison d’une culture des préretraites et du poids des stéréotypes, qui ont rendu les employeurs réticents à investir dans les seniors. Quelques améliorations sont apparues – CPF en euros, loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel... –, d’autres se dessinent – simplification de la VAE, recours à l’intérim comme un tremplin pour faire ses preuves, mode de recrutement s’attachant à évaluer les habiletés professionnelles...

En matière de biais discriminatoires, tout commence par la mesure. À ce sujet, les bénéfices de l’index sur l’égalité professionnelle plaident pour la mise en place d’un « index seniors ». Quels indicateurs seraient-ils pertinents selon vous pour intégrer dans un tel index ? En ce qui concerne l’usure professionnelle, l’expérience du « parcours longévité » paraît particulièrement pertinente en valorisant une prise en charge précoce des problèmes de santé. La loi pour renforcer la prévention en santé au travail apporte des solutions concrètes, mais en complément, il faut accompagner la montée en puissance du compte de prévention et favoriser les reconversions professionnelles. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel va dans ce sens. Quels autres moyens avez-vous envisagé pour permettre aux détenteurs d’un CPF de l’utiliser au plus tôt afin de se destiner à un métier moins pénible ?

M. Bernard Perrut (LR). Le taux d’emploi des seniors en France est en effet l’un des plus bas d’Europe : 53 % contre 60 % dans l’Union européenne et 71 % en Allemagne. De plus, les seniors restent plus longtemps au chômage que les autres actifs, et beaucoup sont poussés en dehors du marché du travail contre leur gré – 30 % des personnes de plus de 60 ans n’étaient entre 2016 et 2018 ni en emploi ni en retraite, ce qui coûterait 1,5 milliard d’euros par an à l’Unédic et à la solidarité nationale. Ces chiffres sont inquiétants. Sur ce point, nous sommes d’accord avec vos constats et avec les enjeux dégagés par vos travaux qui témoignent d’un potentiel gaspillé.

Sur l’âge de départ à la retraite, il est inadapté au vieillissement de la population. Aux Pays-Bas, il est question de le porter à 67 ans à partir de 2022. Qu’en pensez-vous ? Quels mécanismes de surcote et décote pourrions-nous mettre en place pour augmenter la durée du travail ?

Alors que l’allongement de la durée du travail est inévitable, il n’est plus possible de stigmatiser les travailleurs de plus de 50 ans. Le regard de la société doit changer et vos propositions vont dans ce sens, mais les entreprises sont-elles prêtes à appliquer vos recommandations ? Quel équilibre trouver entre incitation et obligation ? En avez-vous discuté avec les acteurs économiques ?

Vous nous interrogez sur la création de contrats de mission de service public qui permettraient de profiter de l’expérience des retraités, au service de l’intérêt général, dans des secteurs en tension. Pourquoi ne pas faire appel à des volontaires en contrepartie d’une indemnisation ? Cela supposerait de créer des contrats de solidarité intergénérationnelle, notamment pour des missions d’insertion ou de formation. Plus largement, comment valoriser l’utilité sociale des seniors qui s’investissent auprès de leurs petits-enfants ou dans le tissu associatif, où ils sont indispensables ? Enfin, nos collègues sénateurs ont publié un rapport proposant un allégement des cotisations sociales à l’embauche de travailleurs âgés, ainsi qu’un congé mobilité pour les seniors dans les petites et moyennes entreprises. Qu’en pensez‑vous ?

M. Philippe Vigier (Dem). Au nom de mon groupe, je veux dire à la présidente et aux rapporteurs de la mission d’information que leur travail est de grande qualité : cela montre que le Parlement sait se saisir de questions extrêmement prégnantes. Les chiffres montrent que nous sommes les premiers en Europe pour le rebond de l’activité mais aussi les derniers s’agissant de l’employabilité des seniors. Les freins existants paraissent liés à des éléments de défiance dans notre société, puisque comme le disait très bien Stéphane Viry, quand les travailleurs commencent à être vieux, se pose la question de leur avenir.

J’ai cinq questions très simples à vous poser. Premièrement, pour simplifier les étapes de la VAE, quels chemins souhaitez-vous emprunter ? Deuxièmement, sur la proposition n° 9, à savoir expérimenter sur plusieurs territoires avec Pôle emploi, quelle serait la participation des régions et celle des entreprises ? Troisièmement, dans la proposition n° 28, la contribution financière des entreprises à la rupture conventionnelle a-t-elle été qualifiée ? Quatrièmement, que pensent les partenaires sociaux de votre proposition n° 31 visant à rendre les cotisations issues du cumul emploi-retraite créatrices de droits dans tous les régimes ? Cinquièmement, ne faudrait-il pas un volet spécifique aux femmes, qui sont les personnes les plus éloignées de l’emploi et celles qui bénéficient le moins de la VAE ou de la formation ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Les demandeurs d’emploi expérimentés sont plus exposés que les autres. Notre politique doit répondre à trois enjeux majeurs : maintenir les seniors dans l’emploi ; accompagner ceux qui sont au chômage ; faciliter la transition entre vie professionnelle et retraite. Sur ce dernier point, vous constatez l’échec relatif des dispositifs de cumul emploi-retraite et de la retraite progressive. En effet, ils ne concernent qu’une minorité restreinte de retraités et des profils hétérogènes : cadre supérieur souhaitant maximiser une retraite confortable, femme souhaitant compenser une faible pension due à une carrière hachée. Pourtant, ces dispositifs font bel et bien partie de l’équation. Avez-vous identifié des pistes d’amélioration pour rendre ces dispositifs de transition entre vie active et retraite plus opérationnels ?

M. Thibault Bazin. Nous parlons souvent dans l’espace public des jeunes en mal d’insertion professionnelle et moins des travailleurs expérimentés, dont les situations sont très hétérogènes, entre demandeurs d’emploi de longue durée ou personnes ayant subi soudainement une perte d’emploi. Nous rencontrons aussi de nombreuses personnes souffrant d’usure professionnelle. Aujourd’hui, les missions locales se concentrent sur les moins de 25 ans. Ne faudrait-il pas un pôle spécialisé au sein de Pôle emploi concernant les travailleurs expérimentés ? Quant à la retraite progressive, quels sont les freins qui s’opposent à son déploiement et, le cas échéant, comment pourrait-on y remédier au niveau législatif ?

M. Marc Delatte. Le rapport du Conseil d’orientation des retraites insiste sur l’élaboration d’une véritable stratégie, à l’instar du plan « Un jeune, une solution ». De ce point de vue, l’anticipation est un maître mot. Quels enseignements tirez-vous des expériences à l’étranger ? Comment capitaliser sur les bonnes pratiques locales ? Comment mettre en lumière l’employabilité des seniors, et en particulier ceux en situation de handicap ? Quelle mesure serait-elle prioritaire parmi toutes vos propositions ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Je souhaite à mon tour remercier la présidente et les rapporteurs et saluer le travail qu’ils ont accompli. Ce travail était très attendu sur cette problématique capitale, car le chômage des seniors, dès lors qu’il dure plus longtemps, bascule plus fréquemment vers le revenu de solidarité active, ce qui comporte des conséquences lourdes pour les familles. Dans le même temps, le chômage est en diminution et toutes les entreprises rencontrent des problèmes de recrutement.

La prévention de la désinsertion professionnelle est par ailleurs une problématique en tant que telle et je vous remercie d’avoir pris en compte les avancées de la loi pour la prévention en santé au travail adoptée il y a quelques semaines. Je soutiens la démarche consistant à faire le lien entre visite de mi‑carrière et entretien professionnel. Vous avez bien fait aussi de revenir sur le parcours longévité de l’Institut Pasteur, notamment déployé à Lille, qui apporte des enseignements riches.

Ma question porte sur les cadres : quelles sont selon vous les spécificités de ce public ? Il me semble frappé par une perte de confiance et fait face à la frilosité de certaines entreprises.

Mme Josiane Corneloup. Pour ce qui est des aidants seniors, nombre d’entre eux abandonnent leur activité professionnelle pour accompagner durant des années un membre de leur famille. Il s’agit de personnes expérimentées qui pourraient être recrutées dans le secteur de l’aide à domicile. Or nombre d’aidants sont aujourd’hui dans une grande précarité du fait des difficultés à faire reconnaître leur expérience, compte tenu des lourdeurs administratives de la procédure.

M. Didier Martin, rapporteur. En ce qui concerne l’index seniors évoqué par Catherine Fabre, la mission d’information n’est pas allée jusqu’à la définition d’un tel indicateur. De fait, il nous semble qu’il faut aller davantage vers une labellisation comprenant plusieurs indicateurs. Pour ma part, je considère que les branches devraient être sollicitées en priorité pour construire une telle labellisation. Pour sensibiliser les salariés sur le rôle du CPF, la médecine du travail a à mon sens un rôle à jouer.

Nous avons auditionné des spécialistes des systèmes européens – Allemagne, Pays‑Bas... – et constatons que la situation des pays est différente, qu’il s’agisse de la place des seniors dans la population active, des rythmes et horaires de travail, de la culture – notamment en matière d’égalité hommes-femmes et de politiques de l’emploi. Je retiens deux mesures : l’accompagnement spécifique des demandeurs d’emploi expérimentés d’une part, et l’accompagnement – y compris financier – du temps partiel libre – ou « choisi ». Dans la culture française, la retraite représente une barrière avant un autre monde, sans progressivité ni transition.

Nous n’avons pas envisagé spécifiquement la situation des personnes handicapées, mais un regard doit être porté sur cette catégorie. Nous n’avons pas non plus abordé la question des aidants seniors, qui est pourtant importante, il est vrai. Enfin, sur les ruptures conventionnelles, il y en a à partir de 59-60 ans, prises en charge par la solidarité nationale. Nous souhaitons dans ce cas non pas interdire la rupture, mais augmenter le montant de l’indemnité afin que l’entreprise soit encline à adopter une autre stratégie. Ainsi, pour cette catégorie de personnes qui attend la retraite grâce la prise en charge par l’assurance chômage, nous proposons d’augmenter le montant de la rupture, ce qui constituerait une charge supplémentaire pour l’entreprise, tout en évitant l’effet seuil qui inciterait cette dernière à licencier le salarié deux ans avant son départ possible en retraite. La contribution exceptionnelle de l’entreprise servirait alors à la catégorie la moins favorisée des personnes percevant les minimas sociaux, et ayant besoin d’aides spécifiques. C’est une question de solidarité.

M. Stéphane Viry rapporteur. En complément des observations de Didier Martin, j’ajouterai, sur l’âge de départ à la retraite, que cette question est en lien avec l’emploi et le taux d’emploi des travailleurs expérimentés. Tous les « plans seniors » esquissés jadis ont précédé une réforme des retraites. Pour autant, nous avons refusé de qualifier ce qui pourrait constituer une « bonne » réforme des retraites. Nous avons jugé que notre sujet était suffisamment large, complexe et fondamental, même si, en effet, les deux questions sont connectées. Sous l’effet de la « réforme Touraine », le nombre des annuités pour atteindre un taux plein augmente chaque année. C’est pourquoi, à l’évidence, il faut anticiper certaines conséquences inévitables du vieillissement et de l’allongement de la vie active, ce qui implique de réfléchir aux meilleures conditions en termes d’emploi. C’est la condition pour qu’une future réforme des retraites ne se traduise pas par une augmentation du chômage, ou bien un accroissement du nombre des bénéficiaires de l’invalidité ou des minimas sociaux.

Vis-à-vis du monde économique, nous pensons que les mesures ne reposeront pas principalement sur la loi, mais sur le dialogue social et les accords de branche, ceci sur presque tous les sujets. C’est une question économique, mais aussi de cohésion sociale. Autant que possible, il faut éviter la contrainte et favoriser les discussions branche par branche, au plus près des métiers. Globalement, les auditions que nous avons menées nous ont laissé penser que les organisations d’employeurs sont prêtes à s’engager sur ce terrain.

En ce qui concerne un éventuel nouveau contrat, nous n’y sommes pas favorables, mais nous sommes partisans de l’esprit du contrat de génération, quand bien même il a échoué, pour les raisons que j’ai expliquées.

Sur la VAE, en effet, c’est un dispositif insuffisamment exploré. Le chemin à suivre est complexe en raison des paramètres techniques en présence. Nous ne sommes pas entrés dans ces modalités techniques et nous nous confions ici comme ailleurs au dialogue social. Au sujet de l’accompagnement spécifique, la position de Pôle emploi est claire : il n’existe pas d’instruction et de prise en charge spécifique des demandeurs d’emploi expérimentés. Il existe des dispositifs pour les jeunes, mais aucune solution nationale pour les plus de 50 ans. Je le déplore à titre personnel. Jean Bassères n’est d’ailleurs pas convaincu de la nécessité d’une telle approche. À Lille, cependant, nous avons pris connaissance d’actions locales, avec la région et des acteurs privés, qui fonctionnent à merveille. Nous devrions envisager de les répliquer, si possible.

Pour les ruptures conventionnelles, la pratique fonctionne, comme le montrent les statistiques. Cela représente un coût pour la collectivité. Certaines propositions visent à mieux indemniser ceux qui reprennent un emploi moins rémunéré. En tout état de cause, la massification de la rupture et le pic atteint dans la tranche 59-61 ans ne sont pas sans poser problème. Des économistes ont avancé une solution radicale que nous ne pouvons reprendre à notre compte : mettre fin à la durée d’indemnisation allongée à partir de 53 ans. De notre côté, nous prônons plutôt une approche de responsabilisation des employeurs.

En outre, la retraite progressive et le cumul emploi-retraite sont pertinents dans leurs principes, mais ne fonctionnent pas à pleine puissance car ils sont méconnus. Il se peut également que les règles soient trop restrictives et contraignantes. Un allégement des règles pourrait donc les rendre plus attractifs. Par ailleurs, la question des aidants représente un sujet à part entière.

M. Didier Martin, rapporteur. Ma réponse à Charlotte Parmentier‑Lecocq reposera sur la nécessité d’un accompagnement spécifique, que nous appelons tous de nos vœux – sujet sur lequel nous avons interpellé Pôle emploi et moult structures associatives. Le cumul emploi-retraite, l’acquisition de nouveaux droits et le CPF déplafonné sont les derniers pans de ma réponse pour ce qui concerne la reconversion professionnelle. En outre, la compensation éventuelle de la perte de salaire au moment de la reprise d’un emploi peut être à la charge de la solidarité nationale, à condition que les entreprises apportent des contreparties.

Mme Valérie Six, présidente de la mission d’information. Concernant la question de l’index, un mélange de critères est possible : taux de formation, taux d’emploi... En tout état de cause, les trois axes prioritaires doivent être reliés : formation, emploi et mobilité. Au sujet de la VAE, les partenaires sociaux se sont engagés à travailler sur l’évaluation de la loi sur l’avenir professionnel. Dans ce cadre, une concertation sur la VAE est en cours. Je propose d’aller plus loin, quitte à paraître utopique : une personne ayant exercé le même métier pendant quatre ou cinq ans ne devrait-elle pas automatiquement bénéficier d’une VAE, sans passer par procédure administrative lourde ?

Pour ce qui est de l’accompagnement renforcé par Pôle emploi, dans les faits, sur le terrain, les expériences du type « Territoires zéro chômeur de longue durée » répondent à une telle problématique. C’est une initiative locale qu’il faudra généraliser autant que possible. Je remercie Charlotte Parmentier‑Lecocq car c’est à partir de la loi pour la prévention en santé au travail que nous avons élaboré un certain nombre de nos préconisations.

S’agissant de la population des cadres, une expérimentation de l’APEC, « Talents Seniors », mérite d’être mentionnée.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je remercie les co-rapporteurs pour s’être emparés avec autant d’envie et de détermination d’une question qui nous concerne tous dans nos circonscriptions, où nous sommes souvent interpellés par des travailleurs expérimentés ayant envie de reprendre un emploi. Sur ce point, la marge est importante par rapport à d’autres pays européens.

En application de l’article 145, alinéa 7 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport de la mission d’information.

 

 

 

 

 

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes et des dÉplacements effectuÉs par la mission d’information

 

         Conseil économique, social et environnemental (CESE)  M. Alain Cordesse, personnalité associée groupe Entreprises, auteur de l’avis relatif à l’emploi des seniors

         France Stratégie – M. Julien Rousselon, adjoint au directeur du département « société et politiques sociales » et co-auteur du rapport d’octobre 2018 sur « Les seniors, l’emploi et la retraite », et Mme Emmanuelle Prouet, cheffe de projet sur les questions du travail, co-auteure du rapport précité

         M. Olivier Mériaux, ancien directeur de l’Anact, et M. Jean-Manuel Soussan, directeur des ressources humaines de Bouygues, co-auteurs du rapport « Favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés »

         Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) Mme Selma Mahfouz, directrice, M. Dominique Demailly, auteur de la fiche « Dares analyses » sur la formation professionnelle des salariés seniors, et Mme Anne-Juliette Bessone, sous-directrice de l’emploi et du marché du travail

 

         Table ronde :

– Mme Anne-Marie Guillemard, sociologue ;

– Mme Annie Jolivet, économiste ;

– M. Serge Volkoff, statisticien.

 

         Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) – Mme Fanny Mikol, cheffe de la mission analyse économique

         Cour des comptes M. Gérard Terrien, président de la cinquième chambre, Mme Corinne Soussia, conseillère maître, présidente de section, M. Franck Hervio, conseiller maître, et Mme Laure Fau, conseillère référendaire

         Mme Monique Lubin et M. René-Paul Savary, sénateurs, co-auteurs du rapport sur l’emploi des seniors

         Plein emploi pour les seniors (Pep’s)M. Olivier Candelier, fondateur avec un club d’entreprises du dispositif

         Table ronde :

– Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) – M. Richard Abadie, directeur général, M. Matthieu Pavageau, directeur technique et scientifique, et Mme Fabienne Caser, en charge de ce sujet au sein du département Expérimentations

– Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)M. Stéphane Pimbert, directeur général, et Mme Agnès Aublet-Cuvelier, chef du département « Hommes au travail »

         Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT)M. Philippe Garabiol, secrétaire général

         Prism’emploi *  Mme Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale

         Table ronde des opérateurs de compétences (OPCO) :

– OPCO EP, OPCO des entreprises de proximité – M. Arnaud Muret, directeur général, représentant de la présidence

– OPCO 2i, OPCO pour les branches du secteur interindustriel – M. Alexandre Saubot, président, et Mme Stéphanie Lagalle-Baranes, directrice générale

– Atlas, OPCO des services financiers et du conseil  M. Philippe Degonzague, président

– Opcommerce, OPCO des entreprises du commerce Mmes Véronique Allais, présidente, et Chrystelle Derrien, vice‑présidente

 

         Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)M. Benoit Serre, vice-président national délégué, et Mme Christine Caldeira, secrétaire générale

         Association solidarités nouvelles face au chômage (SNC) – M. Gilles de Labarre, président, et Mme Anne d’Orgeval, déléguée générale adjointe

         Pôle emploi  M. Jean Bassères, directeur général, Mme Hélène Moutel, directrice de la stratégie, de l’innovation et de la RSE, et Mme Misoo Yoon, directrice générale adjointe en charge de l’offre de services

 

 

 

         Audition commune :

– Direction générale du travail (DGT)  M. Pierre Ramain, directeur général

– Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – M. Bruno Lucas, délégué général, Mme Nathalie Vaysse, cheffe de service-adjointe au délégué général, Mme Stéphanie Le Blanc, adjointe à la sous-directrice en charge des mutations économiques et sécurisation de l’emploi, M. Guillaume Villemot, chef de la mission Fonds national de l’emploi, M. David Anglaret, adjoint au chef de la mission anticipation et développement de l’emploi et des compétences, et Mme Sophie Margolle, adjointe au sous-directeur en charge des politiques de formation et du contrôle

         Table ronde des organisations syndicales :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – Mme Marylise Léon, secrétaire générale adjointe, et Mme Patricia Ferrand, responsable du service emploi et sécurisation des parcours professionnels

– Confédération générale des travailleurs (CGT) Mme Angeline Barth, secrétaire confédérale, et Mme Aurélie Mahout, conseillère confédérale

– Force ouvrière (FO)  M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites, et Mme Garance Desjours, assistante technique auprès de M. Michel Beaugas

– Confédération française de l’encadrement  Confédération générale des cadres (CFE-CGC)  M. Jean-François Foucard, secrétaire national en charge des parcours professionnels emploi formation, et M. Franck Boissart, responsable du service Parcours professionnels emploi formation

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Éric Courpotin, membre du bureau, et M. Michel Charbonnier, conseiller politique

                 Association pour l’emploi des cadres (APEC) – M. Gilles Gateau, directeur général, et M. Pierre Lamblin, directeur des données, études et analyses

 

                 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) * – M. Éric Chevée, vice-président chargé des affaires sociales, M. Florian Faure, directeur des affaires sociales et de la formation, et M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques et organisation

         Direction de la sécurité sociale : M. Franck Von Lennep, directeur de la Sécurité Sociale, et M. Jean-Luc Matt, sous-directeur des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire

         Mme Charlotte ParmentierLecocq et Mme Carole Grandjean, députées, auteures et rapporteures de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail

         Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *  M. Hubert Mongon, président de la commission Dynamique du marché du travail, directeur général de l’UIMM, M. Pierre-Matthieu Jourdan, directeur des relations sociales et politiques d’emploi Pôle social, M. Sébastien Velez, directeur de la protection sociale, M. Adrien Chouguiat, directeur de mission affaires publiques, et Mme Odile Menneteau, directrice adjointe Veille stratégique et nouveaux enjeux sociaux

         Ambassade de la République fédérale d’Allemagne – Mme Katrin Auer, conseillère aux affaires sociales

         Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) – Mme Pascale d’Artois, directrice générale

         Groupe SOS – M. Jean-Marc Borello, fondateur et président du directoire, auteur du rapport « Donnons-nous les moyens de l’inclusion », remis à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

         Mme Marie-Noëlle Battistel et Mme Sophie Panonacle, députées, auteures du rapport sur la séniorité des femmes

         M. Éric Trottmann, conseiller pour les affaires sociales, la santé et l’emploi, ambassades de France à Stockholm, Copenhague, Oslo et Helsinki

         Mme Myriam El Khomri, ancienne ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

         AGIRC-ARRCO – M. François-Xavier Selleret, directeur général

         Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

         M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail

 

 


LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
LORS DU DÉPLACEMENT DU 21 JUILLET 2021

 

 

                 Visite de l’Espace Emploi Agirc-Arrco (Lille)

 

– Mme Alice Chambre, directrice de l’association Espaces Emploi Agirc-Arrco

– M. Vincent Guerinet, chargé de communication

– Mme Ophélie Sokolowski, chargée de mission

 Mme Corine Jacob, bénéficiaire de l’accompagnement Agirc-Arrco

– M. Frédéric Romain, secrétaire confédéral Protection sociale

– Mme Ellen Van den Broek, directrice de Proch’Emploi

 

                 Visite du Centre Prévention Santé Longévité (CPSL) à l’Institut Pasteur (Lille)

– M. Jean-Michel Lecerf, directeur médical

 M. Christophe Dusart, chargé de développement

– M. Clément Feutry, responsable de la cellule développement

– Mme Clémence Quéré, cheffe de projet essaimage de la cellule développement

 

                 Déjeuner avec les bénéficiaires et les partenaires du dispositif PEPS (Tourcoing)

– M. Olivier Candelier, fondateur du dispositif PEPS

– M. Frédéric Danel, directeur Pôle emploi Hauts-de-France

– Mme Sylvie Cheynel, AlterEos

 M. Stéphane Debeunne, France Cake Tradition

 M. Francis Ciuch, Groupe Ciuch

– M. Alexis Devillers, ALIVE Groupe

– M. Alain Darnoncourt, AETSI, Président de « Tourcoing Entreprendre »

 M. Vincent Coach, Devevo

 Mme Stéphanie Delie Tourdot, Aquila RH

– Mme Stéphanie Desselle, Groupe Ciuch

 M. Olivier Talbert, Business Club France

 M. Gilles Lechantre, Cooptalis

– M. JeanSylvio MarieJeanne, FINORPA

– Mme Sandra Duhamel, candidate au dispositif PEPS

 Mme Stéphane Deplat, candidate au dispositif PEPS

 Mme Laurence Mruk, candidate au dispositif PEPS

                 Visite de la CARSAT Hauts-de-France (Villeneuve d’Ascq)

– M. Christophe Madika, directeur général

– M. Patrick Duriez, sous-directeur des relations institutionnelles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


—  1  —

   Annexe n° 2 :
synthÈse des propositions

 

Proposition n° 1 : simplifier les étapes pour obtenir une validation des acquis de l’expérience.

Proposition n° 2 : mieux accompagner les salariés les plus âgés et les entreprises qui s’engagent dans leur démarche de validation des acquis de l’expérience.

Proposition n° 3 : mieux faire connaître l’entretien professionnel.

Proposition n° 4 : déplafonner le compte personnel de formation pour les salariés âgés de plus de 45 ans.

Proposition n° 5 : prioriser l’accès au conseil en évolution professionnelle pour les salariés de plus de 45 ans via le cahier des charges publié par le ministère du travail à destination des opérateurs du CEP.

Proposition n° 6 : améliorer les offres de formation destinées aux travailleurs âgés de plus de 45 ans en privilégiant les actions de formation en situation de travail.

Proposition n° 7 : étendre le bénéfice du compte personnel de formation de transition aux demandeurs d’emploi de plus de 45 ans.

Proposition n° 8 : développer une plateforme de services pour accompagner les travailleurs expérimentés dans leurs démarches d’entrepreneuriat.

Proposition n° 9 : expérimenter, sur plusieurs territoires, un même programme d’accompagnement des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans par les agences locales de Pôle emploi, en synergie avec les bassins d’emploi.

Proposition n° 10 : mieux faire connaître l’aide forfaitaire accordée aux employeurs qui embauchent un salarié de plus de 45 ans en contrat de professionnalisation.

Proposition n° 11 : généraliser le compte professionnel de prévention aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux.

Proposition n° 12 : expérimenter le déploiement du « parcours longévité » dans plusieurs territoires.

Proposition n° 13 : articuler l’entretien de mi-carrière à 45 ans avec l’entretien professionnel.

Proposition n° 14 : inscrire l’employabilité des travailleurs expérimentés comme thème obligatoire de la négociation portant sur la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.

Proposition n° 15 : inciter les accords de branche à mieux reconnaître et accompagner les salariés engagés dans une démarche de mentorat.

Proposition n° 16 : inciter les entreprises à promouvoir le tutorat inversé dans leurs accords de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences.

Proposition n° 17 : introduire un « index senior » qui permette de mesurer l’engagement des entreprises dans l’inclusion des travailleurs âgés.

Proposition n° 18 : réengager la réflexion avec les partenaires sociaux sur un nouveau contrat intergénérationnel de transmission des compétences et des savoirs.

Proposition n° 19 : relever le plafond de la durée maximale de la mission d’intérim de dix-huit à trente-six mois pour les travailleurs âgés de plus de 60 ans.

Proposition n° 20 : abroger le délai de carence pour les contrats de mission conclus par un travailleur âgé de plus de 60 ans.

Proposition n° 21 : inciter les partenaires sociaux à développer un volet propre aux travailleurs âgés lors des négociations sur le télétravail.

Proposition n° 22 : encourager le développement du temps partiel choisi pour aménager les conditions de travail en fin de carrière.

Proposition n° 23 : diffuser les bonnes pratiques de ressources humaines en matière de mobilité interne.

Proposition n° 24 : sensibiliser les entreprises à la possibilité de prêt de main-d’œuvre.

Proposition n° 25 : développer le dispositif « Transitions collectives » tout en évaluant en continu ses effets sur les travailleurs expérimentés.

Proposition n° 26 : améliorer les conditions du cumul pour les salariés expérimentés entre emploi et allocations chômage pour davantage « activer » ces dernières vers la reprise d’un emploi.

 

 

Proposition n° 27 : diminuer les coûts pour l’employeur liés au recrutement d’un travailleur expérimenté, notamment en diminuant les cotisations « chômage » employeur ou en versant une aide financière spécifique, en revoyant le calcul de la cotisation AT-MP et en supprimant la fiscalité excessive qui pèse sur les indemnités de mise à la retraite.

Proposition n° 28 : mettre en place une contribution financière des entreprises qui recourent à la rupture conventionnelle à quelques années du départ en retraite.

Proposition n°°29 : mettre en place un fonds d’accompagnement spécifique aux travailleurs expérimentés financé par cette contribution.

Proposition n° 30 : développer un procédé de labellisation officielle pour reconnaître et faire connaître les meilleures pratiques des entreprises en matière de maintien en emploi ou de recrutement des salariés expérimentés.

Proposition n° 31 : rendre à nouveau les cotisations issues du cumul emploi-retraite créatrices de droits, dans tous les régimes.

Proposition n° 32 : renforcer l’information sur l’accès au cumul emploi-retraite.

Proposition n° 33 : élargir les conditions d’accès à la retraite progressive, a minima aux salariés en forfaits jours.

Proposition n° 34 : renforcer l’information sur l’accès à la retraite progressive.


([1]) Le terme de « seniors », initialement employé par la commission des affaires sociales au moment de la création de la mission, a été profondément réinterrogé par la mission. Les rapporteurs motivent cette préférence pour les termes « travailleurs » ou « salariés expérimentés » dans le chapitre liminaire du rapport.

([2]) La mission a réalisé vingt-sept auditions, entendu soixante-dix-sept personnes et fait un déplacement dans la métropole lilloise.

([3]) France Stratégie, « Les seniors, l’emploi et la retraite », Emmanuelle Prouet et Julien Rousselon, octobre 2018, https://www.strategie.gouv.fr/publications/seniors-lemploi-retraite.

([4]) Référé de la Cour des comptes, « Les fins de carrière : un risque de précarité pour les seniors exclus du marché du travail, un coût croissant pour la solidarité », 23 juillet 2019, https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191010-refere-S2019-1878-fins-de-carriere.pdf.

([5]) Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l’emploi des seniors, par Monique Lubin et René-Paul Savary, enregistré à la présidence du Sénat le 26 septembre 2019, http://www.senat.fr/rap/r18-749/r18-7491.pdf.

([6]) Conseil économique, social et environnemental, « L’emploi des séniors », Alain Cordesse, 25 avril 2018, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Rapports/2018/2018_14_emploi_seniors.pdf.

([7]) Conseil d’analyse économique, « L’emploi des seniors : un choix à éclairer et à personnaliser », Pierre Cahuc, Jean-Olivier Hairault et Corinne Prost, mai 2016, https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note032.pdf.

([8]) « Favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés », Sophie Bellon, Olivier Mériaux, Jean-Manuel Soussan, Rapport remis au Gouvernement le 14 janvier 2020, https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_emploi_des_seniors_janv2020.pdf.

([9]) Audition du 17 février 2021.

([10]) Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité.

([11]) Certaines personnes auditionnées ou contributions écrites attachées au terme « seniors » reçues par les rapporteurs ont fait observer que l’épithète « expérimenté » ne correspondait pas nécessairement à une réalité, car le travailleur pouvait être « inexpérimenté » dans son secteur professionnel. Une telle approche n’est pas recevable : l’âge conduit nécessairement à développer, sinon des « compétences dures » (hard skills) dans un secteur donné, des « savoir-faire » ou des « savoir-être » (soft skills) qui sont précieux et constituent indubitablement une « expérience » à valoriser.

([12]) Projet de loi instituant un système universel de retraite, présenté par Mme Agnès Buzyn et M. Laurent Pietraszewski, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2020, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2623_projet-loi.

([13]) France Stratégie, rapport précité.

([14]) Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité.

([15]) Lubin, Savary, rapport du Sénat précité.

([16]) Dares analyses, « Formation professionnelle : quels facteurs limitent l’accès des salariés seniors ? », Dominique Demailly, N° 031, juin 2016.

([17]) France Stratégie, rapport précité, et Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité.

([18]) Lubin, Savary, rapport du Sénat précité.

([19]) Ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982 relative à l’abaissement de l’âge de la retraite des assurés du régime général et du régime des assurances sociales agricoles.

([20]) Insee, Économie et statistique, n° 355-356, 2002.

([21]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale.

([22]) Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([23]) Lubin, Savary, rapport du Sénat précité.

([24]) Prévue par l’article L. 137-10 du code de la sécurité sociale, cette contribution patronale a été fixée à 25,62 % pour les préretraites mises en place entre mai 2003 et octobre 2007, puis à 50 % depuis. S’y ajoutent par ailleurs une cotisation maladie et le prélèvement de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale. Son produit, affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), devrait s’élever à 51 millions d’euros en 2021 (annexe 6 du PLFSS 2021).

([25]) Créée par la loi n° 87-518 du 10 juillet 1987 modifiant le code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre le chômage de longue durée, à l’initiative du député Jean-Pierre Delalande, cette « cotisation » – qui avait davantage les caractéristiques fiscales d’une contribution – était prévue aux articles L. 321-13 et L. 353-2 du code du travail : elle a vu son taux et ses modalités modifiés à plusieurs reprises, avant d’être supprimée définitivement le 1er janvier 2008.

([26]) Cour des comptes, « Les fins de carrière », référé précité.

([27]) Un chômeur au sens du BIT est une personne âgée de 15 ans ou plus :

-          sans emploi durant une semaine donnée ;

-          disponible pour travailler dans les deux semaines ;

-          qui a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois. (Source : Insee).

([28]) France Stratégie, rapport précité.

([29]) Lubin, Savary, rapport du Sénat précité.

([30]) Cour des comptes, « Les fins de carrière », référé précité.

([31]) France Stratégie, rapport précité.

([32]) Idem.

([33]) Idem.

([34]) Chômage selon le sexe et l’âge, données annuelles de 1975 à 2019, Insee, février 2020, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2489498#figure1_radio4.

([35]) En 2018, la part des personnes de 55 à 64 ans en emploi à temps partiel s’élève à 30,1 % en Allemagne, 43,6 % en Suisse et 49,7 % aux Pays-Bas (contre 22,9 % en France), selon le rapport Bellon-Mériaux-Soussan.

([36]) Alors qu’il se limite à 8,2 % pour la France, le taux de pauvreté monétaire chez les 65 ans et plus s’élève à 13,2 % en Finlande, 14,6 % en Suède, 18,2 % pour l’Allemagne et 23,1 % en Suisse en 2018, selon le rapport Bellon-Mériaux-Soussan.

([37]) Cordesse, rapport du CESE précité.

([38]) France Stratégie, rapport précité.

([39]) Cour des comptes, « Fins de carrière », référé précité.

([40]) Audition du 17 février 2021.

([41]) France Stratégie, rapport précité.

([42]) Cour des comptes, « Fins de carrière », référé précité.

([43]) Tableaux de l’économie française, édition 2018, Insee références, février 2018, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303333?sommaire=3353488#:~:text=Au%201er%20janvier%202018,1%20points%20en%20vingt%20ans.

([44]) Depuis le milieu des années 1980, le taux de scolarisation des 14-29 ans a augmenté de 10 points, et celui des jeunes de 21 ans est passé de 19 % en 1985 à 44 % en 2015. De plus, l’espérance de scolarisation a augmenté de près de deux années entre les années 1980 et 1990, en raison de la prolongation des études jusqu’au bac. De plus, la réforme de la filière professionnelle dans le secondaire a entraîné une augmentation des études supérieures. (Source : Insee, Formations et emploi, édition 2018, Insee Références).

([45]) Selon une étude menée en 2018 pour l’Observatoire des trajectoires professionnelles par les groupes Adecco (Lab’Ho) et IGS (LIPSE), un actif occupé sur trois est en transition professionnelle en 2018 (contre un sur quatre auparavant). (Source : 4ème édition de l’Observatoire des trajectoires professionnelles : 1 actif sur 3 en transition professionnelle en 2018, communiqué de presse publié en juin 2019, https://www.groupe-adecco.fr/articles/4eme-edition-de-lobservatoire-des-trajectoires-professionnelles-1-actif-sur-3-en-transition-professionnelle-en-2018/).

([46]) Entre 2010 et 2015, 22 % des personnes en emploi ont changé de métier (Source : Dares analyses, « Changer de métier : quelles personnes et quels emplois sont concernés ? » Bertrand Lhommeau et Christophe Michel, n° 049, novembre 2018, https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/2018-049v2.pdf).

([47]) Insee, population par sexe et groupe d’âge en 2021 : proportion, estimations de population basées sur les données provisoires arrêtées à fin 2021, janvier 2021.

([48]) Audition du 22 juillet 2021.

([49]) Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle, rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la séniorité des femmes, 4 juin 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ega/l15b1986_rapport-information#_Toc256000003.

([50]) Le graphique retenu est celui qui était présenté dans le rapport annuel pour 2018, reproduit dans celui de France Stratégie. La consultation des mêmes données dans le dernier rapport en date de juillet dernier, moins lisibles, ne montre pas d’amélioration notable : https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2021-07/Rapport_complet_29_07.pdf (p. 35).

([51]) Là encore, il s’agit d’un tableau reproduit du rapport de France Stratégie pour des questions de lisibilité, mais aussi de finesse de la ventilation, les données à jour de l’INSEE ne présentant pas tout à fait les mêmes catégories (67,1 % de taux d’activité de l’ensemble de la population entre 50 et 64 ans en 2020, 64,4 % pour les femmes et 69,9 % pour les hommes).

([52]) Rapport disponible ici : https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/Rapport_femmes_seniors_chapitre_2_aidantes_Vf-2.pdf.

([53]) DREES, 2018, https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/un-tiers-des-seniors-sans-emploi-ni-retraite-vivent-en-dessous-du.

([54]) CNAV, 2018, « Prendre sa retraite : incidence des dispositifs de prolongation d’activité sur les parcours individuels », https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/un-tiers-des-seniors-sans-emploi-ni-retraite-vivent-en-dessous-du.

([55]) Dominique Demailly, « Formation professionnelle : quels facteurs limitent l’accès des salariés séniors ? », DARES Analyses n° 031, juin 2016.

([56]) Audition du 24 mars 2021.

([57]) Jean-Marie Dubois et Christine Fournier, « Former les salariés séniors pour les maintenir en emploi : quelle réalité ? », Céreq Echanges n° 15, juillet 2020, p. 85.

([58]) Dominique Demailly, ibid.

([59]) Dominique Demailly, ibid.

([60]) Dominique Cau-Bareille, « Y-a-t-il des spécificités d’apprentissages des séniors ? », Éducation permanente, 191, 2012, p. 3.

([61]) Anne-Françoise Molinié, « Se sentir capable de rester dans son emploi jusqu’à la retraite ? », Pistes, vol, n° 1, février 2005, p. 22.

([62]) France Stratégie, rapport précité, p. 64.

([63]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([64]) Virginie Forment et Philippe Lombardo, « La moitié des personnes en emploi ont suivi une formation à but professionnel dans l’année », Insee Références, édition 2018, p. 12.

([65]) France Stratégie, rapport précité, p. 62.

([66]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([67]) Table ronde réunissant les opérateurs de compétences, 24 mars 2021.

([68]) Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité, p. 61.

([69]) Ce d’autant que la commission des affaires sociales a lancé une mission d’évaluation spécifique à ce sujet en parallèle des travaux de la présente mission.

([70]) Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

([71]) Table ronde réunissant les opérateurs de compétences, 24 mars 2021.

([72]) Xavier Chastel, Isabelle Menant, Patrick Le Pivert, Philippe Santana, Philippe Sultan, « Évaluation de la politique publique de validation des acquis de l’expérience », rapport IGAS, octobre 2016, p. 3.

([73]) Dares, « La validation des acquis de l’expérience en 2014 dans les ministères certificateurs : 307 000 personnes certifiées par la VAE en 12 ans », Dares Résultats, n° 028, juin 2016, p. 7.

([74]) OCDE, « Principales politiques pour promouvoir l’allongement de la vie professionnelle, Note pays de 2007 à 2017. »

([75]) Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité, p. 59.

([76]) Article L. 6315-1 du code du travail.

([77]) L’employeur abonde de 3 000 euros le CPF du salarié s’il manque à deux obligations : la tenue de l’entretien professionnel une fois tous les deux ans et si le salarié n’a pas suivi au moins une formation non obligatoire.

([78]) Christine Durieux, Laurence Baraldi, « L’entretien professionnel peut-il contribuer au développement des compétences ? », CEREQ, septembre 2020.

([79]) Danièle Guillemot et Jean-Claude Sigot, « Les entretiens professionnels dans les entreprises après la loi de mars 2014. Premiers constats à partir du dispositif d’enquêtes DEFIS », CEREQ Études, n° 23, juin 2019.

([80]) Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité, p. 60.

([81]) Lubin, Savary, rapport du Sénat précité, p. 76.

([82]) Cordesse, rapport du CESE précité, p. 19.

([83]) France compétences, « Le CEP pour les actifs occupés. Bilan après 1 an », avril 2021.

([84]) Arrêté du 29 mars 2019 fixant le cahier des charges relatif au conseil en évolution professionnelle.

([85]) Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité, p. 58.

([86]) ANACT-ARACT, Rapport final, Expérimentation AFEST, juillet 2018, p. 268.

([87]) Audition de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, 29 mars 2021.

([88]) Audition de M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, 30 mars 2021.

([89]) Simon Beck, Jonathan Brendler, Grégory Salmon, Joëlle Vidalenc, « Quitter le chômage. Un retour à l’emploi plus difficile pour les séniors. », Insee Première, n° 1661, juillet 2017.

([90]) Insee, ibid.

([91]) Solidarités nouvelles face au chômage, « Les séniors et l’emploi : une situation paradoxale », septembre 2019, p. 6.

([92]) Olivier Blanchard et Lawrence Summers, « Hysteresis and the European Unemployment Problem », 1986.

([93]) Données fournies par Pôle emploi.

([94]) Ibid.

([95]) Adnane Maâlaoui, Alain Fayolle, Sylvaine Castellano, Mathias Rossi, Imen Safraou, « L’entrepreneuriat des séniors », Revue française de gestion, n° 227, août 2012, p. 73.

([96]) Par exemple, l’association Solidarités nouvelles face au chômage, 29 mars 2021.

([97]) Audition de Mme Pascale d’Artois, directrice générale de l’AFPA, 19 juillet 2021.

([98]) Déplacement à Tourcoing, 21 juillet 2021.

([99]) Audition de M. Gilles Gateau, directeur général de l’APEC, 3 mai 2021.

([100]) Réponse dans le cadre de la procédure contradictoire simplifiée au rapport d’évaluation sur le retour à l’emploi des séniors, 2013.

([101]) Audition de M. Jean Bassères, 30 mars 2021.

([102]) Objectif 1 de la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi 2019-2022.

([103]) Conseil d’analyse économique, rapport précité, p. 11.

([104]) Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

([105]) Élise Pesonel, « Le contrat de professionnalisation en 2016. Des embauches en hausse, une forte reprise dans la construction », Dares Résultats, n° 009, mars 2018.

([106]) Macoura Touré, « Le contrat de professionnalisation en 2019. Un recul des embauches chez les jeunes de moins de 30 ans », Dares Résultats, n° 31, juin 2021.

([107]) Cour des comptes, référé précité.

([108]) Isabelle Salmon, Jean-Yves Juban et Bertrand Delecroix, « La gestion de l’employabilité et des parcours par la santé au travail : analyser les pratiques de GRH pour remettre la santé au cœur des débats », ANACT, revue n° 11, octobre 2020, p. 93.

([109]) Table ronde du 17 mars 2021.

([110]) France Stratégie, rapport précité, p. 82.

([111]) Santé publique France, Accidents du travail et de trajet des salariés seniors en France, avril 2018.

([112]) Enquête Santé et itinéraire professionnel, avril 2013.

([113]) Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

([114]) DARES Analyses, « Quelles conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de travail et les risques psycho-sociaux ? », mai 2021, n° 28.

([115]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([116]) Cette notion recouvre les agents non titulaires de droit privé, notamment les agents des services publics industriels et commerciaux et des caisses de sécurité sociale, sauf rares exceptions.

([117]) Articles L. 4163-1 et L. 4163-4 du code du travail.

([118]) Audition de Mmes Charlotte Parmentier‑Lecocq et Carole Grandjean, rapporteures de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, 31 mai 2021.

([119]) Audition de M. Philippe Garabiol, secrétaire général du Conseil d’orientation des conditions de travail, 22 mars 2021.

([120]) Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([121]) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([122]) Cour des comptes, référé précité, p. 7.

([123]) Fabienne Caser et Annie Jolivet, « L’incitation à négocier en faveur de l’emploi des seniors. Un instrument efficace ? », La revue de l’IRES, vol. 80, n° 1, 2014.

([124]) Lubin, Savary, rapport du Sénat précité, p. 72.

([125]) Bellon, Mériaux, Soussan, rapport précité, p. 52.

([126]) Nathalie Greenan et Pierre-Jean Messe, « La formation des salariés âgés peut-elle favoriser la transmission informelle de savoirs en entreprises ? », Céreq Échanges, n° 15, juillet 2020, p. 93.

([127]) Bernard Masingue, « Seniors tuteurs : Comment faire mieux ? », Rapport remis au secrétaire d’État chargé de l’Emploi, mars 2009, p. 36.

([128]) Enquête flash Emploi des seniors – 320 répondants entre le 22 octobre et le 4 novembre 2019.

([129]) Décret n° 2021-265 du 10 mars 2021 relatif aux mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et portant application de l’article 244 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([130]) Article L. 5121-6 du code du travail (abrogé).

([131]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, « Le contrat de génération : les raisons d’un échec », février 2016, p. 7.

([132]) Ibid, p. 1.

([133]) Annie Jolivet et Jeanne Thébault, « Le contrat de génération : une occasion manquée pour la transmission professionnelle ? », La revue de l’IRES, vol. 80, n° 1, 2014, p. 123.

([134]) Audition de Mme Myriam El Khomri, ancienne ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, 22 juillet 2021.

([135]) Étude d’impact au projet de loi portant création du contrat de génération, décembre 2012, p. 18.

([136]) Audition de Myriam El Khomri, 22 juillet 2021.

([137]) Cour des comptes, « Le contrat de génération », ibid., p. 3.

 

([138]) Cour des comptes, référé précité, p. 6.

([139]) Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »

([140]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([141]) Audition de Mme Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de Prism’emploi, 22 mars 2021.

([142]) Articles L. 1251-1 à L. 1251-63 du code du travail.

([143]) Article L. 6222-7-1 du code du travail.

([144]) Article L. 1222-9 du code du travail.

([145]) « La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour des courtes distances », Insee Première, n° 1835, janvier 2021.

([146]) Simon Beck et Joëlle Vidalenc, « L’emploi des seniors en hausse entre 2007 et 2017 : plus de temps partiel et d’emplois à durée limitée », Insee Focus, n° 119, juillet 2018.

([147]) Insee, Enquête Emploi 2011.

([148]) Ibid.

([149]) Audition de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), 29 mars 2021.

([150]) France Stratégie, rapport précité, p. 31.

([151]) Sandrine Guyot, Anne Pichené-Houard et Martine Gilles, « Vieillissement, maintien en emploi et dans l’emploi, retour au travail : état des lieux et perspectives de prévention », INRS, juin 2020, p. 14.

([152]) Cathy Toupin et Olivier Gonon, « Des régulations en lien avec l’âge, la santé et les caractéristiques du travail : le cas des infirmières d’un centre hospitalier français », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé, 5-1, 2003.

([153]) Olivier Blanchard et Jean Tirole, « Les grands défis économiques », juin 2021, p. 461.

([154]) Audition de Mme Katrin Auer, conseillère aux affaires sociales de l’ambassade de la République fédérale d’Allemagne, 12 juillet 2021.

([155]) Audition de Mme Emmanuelle Prouet et M. Julien Rousselon, auteurs du rapport de France Stratégie sur les seniors, l’emploi et la retraite, 3 février 2021.

([156]) OCDE, Taux d’emploi des 55-64 ans, premier trimestre 2021.

([157]) Guyot, Pichené-Houard, Gilles, article précité, p. 12.

([158]) Article 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

([159]) Article L. 8241-2 du code du travail, résultant de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

([160]) Audition de M. Jean-Marc Borello, 29 juillet 2021.

([161]) France Stratégie, « Les salaires augmentent-ils vraiment avec l’âge ? », note d’analyse n° 72, novembre 2018, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-na72-age-salaire-28novembre.pdf.

([162]) Il faut toutefois là encore « manipuler » prudemment ces chiffres car dans les pays où le taux d’emploi des travailleurs expérimentés est plus élevé, la productivité moyenne et donc la rémunération de ces derniers sont plus faibles. Il y a fort à parier que cette « spécificité » française disparaîtrait si l’on parvenait à faire travailler davantage de chômeurs âgés éloignés de l’emploi.

([163]) Ces règles procèdent des articles 30 à 34 du règlement d’assurance chômage.

([164]) Pour les CDI. S’agissant des CDD, le taux variait en fonction de la période du contrat (premier, deuxième et troisième tiers de la durée contrat).

([165]) On parle de « tarification » car la « cotisation » modulée vise in fine à rembourser l’assurance maladie des soins qu’elle a avancés.

([166]) 216 euros par rapport aux 1 710 euros qui étaient versés pendant la période de chômage.

([167]) Ce doublement peut passer par plusieurs paramètres de calcul, mais en conservant la formule existante, il pourrait s’agir de calculer l’allocation due à partir de la différence entre l’allocation et 55 % et 60 % du revenu repris plutôt que 70 %. Cette « réfaction » est en effet parfaitement arbitraire dans le calcul actuel et peut facilement évoluer.

([168]) La jurisprudence en matière de discrimination liée à l’âge peut en effet se retourner contre ce type de mesure si l’adéquation entre l’objectif recherché et la mesure retenue ne justifie pas le traitement différencié. En l’occurrence, la mesure vise par construction des demandeurs d’emploi, en y ajoutant une condition d’âge.

([169]) L’effet d’aubaine est d’autant moins crédible que les reprises d’emploi, après 55 ans mais surtout après 60 ans, sont aujourd’hui peu nombreuses. Peu de salariés en bénéficieraient sans que l’effet d’incitation ait joué. Par ailleurs, il est difficile d’optimiser le système pour des travailleurs expérimentés qui n’auraient pas de difficultés particulières : le système est plafonné et reste lié à la durée d’indemnisation.

([170]) La définition d’un tel niveau est toujours délicate mais les rapporteurs constatent que les dispositifs généraux d’exonérations sont déjà plafonnés respectivement à 1,6 (réduction générale), 2,5 (réduction « maladie » ex‑CICE) et 3,5 SMIC (réduction « famille » issue du pacte de responsabilité).

([171]) À ce niveau de rémunération, ces cotisations ne sont pas annulées par la réduction générale de cotisations « ex-Fillon » car il reste suffisamment de cotisations de sécurité sociale ou de retraite complémentaire.

([172]) Il s’agit en l’occurrence des nouvelles directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), qui ont remplacé les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), en application du décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020. L’absence de réponse de la direction dans un délai de quinze jours vaut acceptation.

([173]) Le curseur a toutefois évolué : avant la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017, cette durée allongée à trente-six mois était ouverte dès 50 ans.

([174]) Les périodes de chômage indemnisées sont considérées comme des trimestres d’assurance en application de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale. Ces périodes sont financées par la solidarité nationale à travers le Fonds de solidarité vieillesse, qui verse les sommes correspondantes aux régimes de retraite.

([175]) Cour des comptes, référé sur « Le régime fiscal et social des indemnités de licenciement et de rupture conventionnelle du contrat de travail », octobre 2016 : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/33851.

([176]) Conseil d’analyse économique, rapport précité, p. 7.

([177]) Lubin, Savary, rapport du Sénat précité, p. 74.

([178]) Ibid., p. 76.

([179]) Des études montrent ainsi que les CV de « candidats expérimentés » qui évoquent explicitement des compétences informatiques, même très simples, sont préférés à ceux qui n’en évoquent pas, ce qui illustre les préjugés en la matière de certains recruteurs.

([180]) Le baromètre en question est disponible en langue anglaise, https://europa.eu/eurobarometer/surveys/detail/2251.

([181]) Chiffres de l’OCDE en 2015, cités par le rapport de France Stratégie précité, p. 78.

([182]) Directive n° 2000/78 du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Ce principe de non-discrimination a également valeur de principe général du droit de l’Union européenne (CJUE 19 janv. 2010, Kücükdeveci, aff. C-555/07) et joue dans les deux sens : tant contre des mesures trop spécifiquement défavorables que contre des mesures trop spécifiquement favorables à une classe d’âge.

([183]) Ce constat avait déjà été fait en juin 2013 par l’IGAS, qui préconisait alors un indicateur.

([184]) Il serait en effet peu souhaitable que les discriminations liées à l’âge soient considérées différemment de celles liées à l’origine, au sexe ou au handicap. De même, on imagine mal le législateur donner une définition plus précise des discriminations liées à l’âge sans faire de même pour toutes les formes très graves de discrimination évoquées dans le code du travail et le code pénal.

([185]) Bellon, Mériaux, Soussan, propositions 36 à 38 du rapport précité.

([186]) L’article 2 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prévoit ainsi que la génération 1973 devra valider 172 trimestres d’assurance (soit 43 annuités) pour atteindre le taux plein.

([187]) On retrouvera notamment dans la fiche 17 des explications très fournies sur les mécanismes par lesquels les règles du système de retraite rétroagissent sur les comportements d’activité.

([188]) C’est le cas notamment des pays scandinaves, selon France Stratégie, qui relève toutefois que même en comptant ces inactifs, « la France demeurerait 10 points au-dessus de la moyenne » des travailleurs expérimentés hors de l’emploi (Prouet, Rousselon, 2018).

([189]) Les auteurs du rapport de France Stratégie rappellent ainsi que « dans leurs travaux de chiffrage des impacts financiers pour les régimes de retraite, la Cour des comptes et le COR ont pu choisir des situations de référence opposées ».

([190]) D’autant que les dernières statistiques disponibles, certes relativement anciennes (2012), montrent une vraie faiblesse du cumul en France, avec seulement 4,1 % des retraités contre 6,2 % dans l’Union européenne et 17 % en Suède. D’après la DREES, ce chiffre aurait encore diminué depuis à 3,4 % en France, soit 482 000 personnes.

([191]) Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([192]) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([193]) DREES, CNAV, SRE, CDC, COR, DSS, AGIRC-ARRCO, Enquêtes Motivations de départ à la retraite 2014 et 2017.

([194]) Dans le « système universel » proposé par le projet de loi, la notion de « taux plein » permettant l’accès au cumul intégral était toutefois remplacée par celle d’âge d’équilibre. Le cumul était toutefois applicable avant l’entrée en vigueur du système, dès le 1er janvier 2022. Des règles spécifiques demeuraient également applicables aux exploitants agricoles, dans le souci de favoriser la cession de terres.

([195]) Ce chiffre n’intègre pas les travailleurs indépendants, dont le nombre dans le dispositif serait « marginal » d’après la direction de la sécurité sociale.

([196]) Chiffres 2019 transmis par la DSS aux rapporteurs.

([197]) Le même article prévoyait en revanche un relèvement de l’âge permettant de demander la retraite progressive à 62 ans, probablement en lien avec la mise en place d’un âge d’équilibre à 64 ans.

([198]) Les règles de calcul actuelles conduisent en effet à ne verser au bénéficiaire davantage de pension que s’il avait continué à travailler jusqu’à l’âge d’ouverture des droits.

([199]) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([200]) Cet âge n’est pas totalement explicite dans le code du travail mais il ressort de la lecture combinée de plusieurs dispositions. L’article L. 1237-5 du code du travail renvoie ainsi la possibilité pour l’employeur de mettre fin au contrat de travail en mettant un salarié à la retraite à l’âge d’annulation de la décote prévu par l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, fixé à cinq années au-dessus de l’âge légal lui-même fixé par ce même code à 62 ans. Jusqu’aux 69 ans du salarié, l’employeur doit cependant obtenir l’aval de celui-ci et ne peut réitérer sa demande avant l’expiration d’un délai d’un an après la demande précédente. Le dernier alinéa prévoyant que cette procédure de sollicitation du consentement n’est prévue que jusqu’aux 69 ans révolus du salarié, il en résulte que l’employeur n’y est plus tenu à partir de 70 ans. Il peut donc mettre fin au contrat du salarié sans son consentement à partir de ce soixante-dixième anniversaire.

([201]) Article 1er de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, dans sa rédaction résultant de la réforme des retraites de 2010. Cet article prévoit par ailleurs une limite dérogatoire fixée à 68 ans pour le vice-président du Conseil d’État ainsi que le premier président et le procureur général de la Cour de cassation.

([202]) Ce taux correspond à une réduction de 0,625 point du taux de liquidation (50 %) dans la limite fixée par le législateur en 2003 de vingt trimestres.

([203]) DREES, « Les retraités et les retraites », édition 2021, https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-05/Retraites2021_0.pdf

([204])  Certes, le « durcissement » de ces dispositifs au fil des réformes peut expliquer cette hausse, mais cela signifie nécessaire que l’effet dissuasif a été moins fort que le souhait de partir à un âge donné, malgré le changement de règles.

([205])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11166435_61419e1b733fc.commission-des-affaires-sociales--emploi-des-seniors--15-septembre-2021