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N° 4610

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2021

RAPPORT D’INFORMATION

 

DÉPOSÉ

 

en application de l’article 29 du Règlement

 

au nom des délégués de l’Assemblée nationale

à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (1)

sur l’activité de celle-ci

au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2021

PAR

Mme Nicole TRISSE,

Députée

 

 

 

___________________________________________________________________________ 

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.


 

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, le 27 septembre 2021, de : MM. Olivier Becht et Bertrand Bouyx, Mmes Marie-Christine Dalloz et Jennifer De Temmerman, MM. Fabien Gouttefarde et Jérôme Lambert, Mme Alexandra Louis, MM. Jacques Maire et Frédéric Petit, Mme Isabelle Rauch, M. Frédéric Reiss et Mme Nicole Trisse, en tant que membres titulaires, ainsi que Mme Yolaine de Courson, MM. Bruno Fuchs, Yves Hemedinger, Dimitri Houbron, Mmes Catherine Kamowski, Marietta Karamanli et Martine Leguille-Balloy, M. Pierre Morel-À-L’Huissier et Mmes Liliana Tanguy, Laurence Trastour-Isnart, MarieChristine Verdier-Jouclas et Martine Wonner, en tant que membres suppléants.

 

 


 Travaux de la délégation française (4ème partie de session 2021)

 

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. l’activitÉ de la dÉlÉgation française À l’APCE entre lES sessionS « hybrideS » d’ÉTÉ et d’automne

A. DES ajustementS mineurS SUR la composition de la dÉlÉgation française

B. la participation des membres de la dÉlÉgation À plusieurs instances et ÉvÈnements liÉs À l’AssemblÉe parlementaire

1. La conférence de Rabat sur les femmes en politique et les moyens de progresser vers l’égalité

2. La tenue du Bureau de rentrée

3. La réunion de la plupart des commissions, au format hybride

C. une mobilisation toujours significative pour les missions d’observation Électorale

1. La vérification du bon déroulement du scrutin législatif anticipé en Moldavie

2. L’observation du renouvellement du Parlement du Maroc

3. L’évaluation des élections législatives en Russie

II. l’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de l’APCE AU COURS de la 4Ème partie de session

A. Informations gÉnÉrales sur le dÉroulement de la quatriÈme partie de session 2021

1. L’ordre du jour, les interventions et les nominations des parlementaires français

2. Les textes adoptés

B. L’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de son assemblÉe parlementaire

1. La tenue de deux débats essentiels au fonctionnement de l’APCE et à l’exercice de ses prérogatives

a. Une réforme du Règlement, à l’initiative de la présidente de la délégation française, en vue d’améliorer la représentation des femmes et les équilibres entre les sexes

b. Une discussion sur les lignes directrices relatives à la portée des immunités dont bénéficient les membres de l’APCE

2. L’élection de plusieurs juges à la Cour européenne des droits de l’Homme

a. Le choix du juge de la République tchèque

b. La désignation du juge moldave

c. Le scrutin concernant le juge russe

d. Le rejet de la liste de candidats présentée par l’Ukraine

3. La formulation d’un avis sur le projet de 2ème protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité, relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques

4. La remise de plusieurs distinctions décernées par l’Assemblée parlementaire

a. La cérémonie d’attribution du Prix Václav Havel 2021

b. La remise officielle des diplômes européens 2020 et 2021

C. LES auditions et Échanges de l’APCE avec plusieurs personnalitÉs

1. L’intervention en séance plénière de personnalités politiques

a. Les échanges de l’Assemblée parlementaire avec Mme Stella Kyriakidès, commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire

b. L’allocution de M. Nikola Dimitrov, vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord

2. L’audition des deux principaux responsables du Conseil de l’Europe

a. La séance de questions à Mme Marija Pejčinović-Burić, Secrétaire générale du Conseil de l’Europe

b. La communication du président du Comité des Ministres, M. Péter Szijjártó, ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la Hongrie

D. LES rencontres et ÉvÉnements auxquels a parTicipÉ la dÉlÉgation française À strasbourg

1. Un dîner de travail avec la représentante permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe

2. L’entretien de la présidente de la délégation avec son homologue de la délégation de l’État d’Israël

3. L’accueil, sur le parvis du Palais de l’Europe, de la petite Amal, symbole des enfants réfugiés syriens

III. Des Échanges en plÉniÈre denses et variÉs, portant notamment sur l’environnement comme nouveau champ des droits de l’homme et sur l’actualitÉ internationale

A. Le respect de la dÉmocratie et des ASPIRATIONS DES PEUPLES, cœur de la mission de l’assemblÉe parlementaire

1. Le bilan de plusieurs missions d’observation électorale à travers le rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente

2. Les Balkans occidentaux, entre défis démocratiques et aspirations européennes : quel rôle pour le Conseil de l’Europe ?

B. l’enjeu d’une meilleure prise en compte de l’environnement, droit de l’homme de nouvelle gÉnÉration

1. La vision d’un panel de haut niveau sur l’interaction entre l’environnement et les droits humains et sur le droit à un environnement sain, sûr et durable

2. Les implications juridiques concrètes du défi climatique

a. L’ambition, pour le Conseil de l’Europe, d’ancrer le droit à un environnement sain dans les standards juridiques européens

b. Les questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique

3. Les liens entre État de droit et démocratie, d’une part, et changement climatique, de l’autre

a. Une démocratie plus participative pour faire face au changement climatique

b. La crise climatique et l’État de droit

4. Une vigilance particulière pour les populations vulnérables, les plus exposées

a. La nécessaire lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre

b. L’examen des interactions entre climat et migrations

5. L’attention à porter aux politiques en matière de recherche en faveur de la protection de l’environnement pour l’avenir

C. La protection des personnes vulnÉrables, souci constant de l’APCE

1. Une volonté sans équivoque de renforcer la lutte contre les crimes dits d’« honneur »

2. L’ambition de rétablir la confiance par le renforcement des droits sociaux, afin de mieux lutter contre les inégalités socio-économiques en Europe

D. plusieurs dÉbats dictÉs par le contexte international

1. Une inquiétude manifestée à l’égard des conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh

2. La situation en Afghanistan et ses implications pour l’Europe ainsi que l’ensemble de la région

3. L’intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec la Biélorussie : un levier de pression inacceptable du régime biélorusse illégitime

 


 Travaux de la délégation française (4ème partie de session 2021)

 

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   Introduction

Le présent rapport d’information retrace les travaux de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), en application de l’article 29 du Règlement de l’Assemblée nationale et de l’article 9 bis de celui du Sénat, entre les troisième et quatrièmes parties de la session ordinaire 2021 de cette assemblée.

La session dite « d’automne », qui clôt le cycle annuel de séances plénières de l’APCE, s’est déroulée selon un format « hybride », c’est-à-dire combinant présence de députés et sénateurs nationaux à Strasbourg et connexion des autres en ligne, du 27 au 30 septembre.

À l’instar des parties de session précédentes, plusieurs personnalités politiques importantes se sont adressées aux parlementaires au cours de cette semaine de travaux : Mme Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire, ancienne Présidente de l’Assemblée parlementaire, a échangé avec les membres de l’APCE le mardi 28 septembre et M. Nikola Dimitrov, vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord, s’est exprimé en plénière le dernier jour de la session. Par ailleurs, un panel de haut niveau, comprenant notamment le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), M. António Gutteres, le Président de la République hongroise, M. János Áder, le Président de la Chambre des députés d’Italie, M. Roberto Fico, le secrétaire d’État du Portugal, M. Eduardo Pinheiro, et le juge britannique à la Cour européenne des droits de l’Homme, M. Tim Eicke, a exposé sa vision du droit à un environnement sain, sûr et durable en présence d’une activiste pour le climat et les droits humains, Mme Anuna de Wever Van der Heyden.

Conformément à leurs prérogatives, les parlementaires ont élu plusieurs juges à la Cour européenne des droits de l’Homme, au titre de la République tchèque, de la Moldavie et de la Russie mais ils ont rejeté la liste présentée par l’Ukraine. Ils ont aussi procédé au suivi de l’action du Conseil de l’Europe, à travers une séance de questions à la Secrétaire générale, Mme Marija Pejčinović Burić, et une autre consacrée au bilan du semestre de la présidence hongroise du Comité des Ministres. En outre, ils se sont prononcés en urgence sur le projet de deuxième protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité, relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques, en formulant un avis sollicité par le Comité des Ministres lors de sa 1404ème réunion.

Les rapports débattus ainsi que les résolutions et recommandations adoptées ont, une fois de plus, été nombreux.

Pour ce qui concerne son rôle de vigie du respect de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit, l’APCE a notamment dressé le bilan de l’observation des élections législatives anticipées en Arménie, en Moldavie et des deuxièmes élections législatives de l’année en Bulgarie. Elle a exprimé ses préoccupations à l’égard des conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Elle a aussi tenu deux débats d’urgence et un débat d’actualité sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour l’Europe et la région, sur les Balkans occidentaux, région entre défis démocratiques et aspirations européennes, puis enfin sur l’intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec la Biélorussie.

De même, une journée entière a été consacrée à la nouvelle dimension que représente l’environnement pour les droits de l’Homme. Les membres de l’Assemblée parlementaire ont ainsi échangé sur la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe afin de conforter le droit à un environnement sain dans les standards juridiques européens, sur la nécessité d’une démocratie plus participative face au changement climatique, sur les liens entre la crise climatique et l’État de droit, sur les questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique, sur la lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre, sur la dimension migratoire du dérèglement climatique et, enfin, sur le rapport de M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir Ensemble), sur l’enjeu des politiques de recherche et développement pour la protection de l’environnement.

L’APCE a en outre manifesté ses préoccupations à l’égard des publics vulnérables, qu’il s’agisse des victimes de crimes dits d’« honneur »  ou des personnes subissant des inégalités socio-économiques en Europe, pour lesquelles elle a appelé à renforcer les droits sociaux.

Enfin, cette session d’automne a été marquée par des débats importants pour le fonctionnement de l’Assemblée parlementaire elle-même. Nonobstant l’examen du rapport d’activité du Bureau présenté pour l’occasion par M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), président du groupe ADLE, l’APCE s’est en effet penchée sur la portée des immunités parlementaires de ses membres, en révisant les lignes directrices y afférant, et elle a adopté une réforme de son Règlement, sur le rapport de Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, afin d’améliorer la représentation des femmes en son sein.

 


 Travaux de la délégation française (4ème partie de session 2021)

 

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I.   l’activitÉ de la dÉlÉgation française À l’APCE entre lES sessionS « hybrideS » d’ÉTÉ et d’automne

A.   DES ajustementS mineurS SUR la composition de la dÉlÉgation française

Depuis la session d’été de l’APCE, l’identité des membres de la délégation française n’a pas évolué. En revanche, la députée des Bouches-du-Rhône Alexandra Louis a changé de groupe politique en s’affiliant, le 7 juillet, au groupe Agir Ensemble et non plus à celui de La République en Marche. De même, le 20 juillet, la députée du Bas-Rhin Martine Wonner a cessé d’appartenir au groupe Libertés et Territoires, devenant alors Non-Inscrite. Le rattachement de ces députées au groupe ADLE à l’Assemblée parlementaire, ainsi que leurs diverses affectations en commissions n’ont pas été affectés par ces changements.

La composition de la délégation française, telle qu’elle résulte de ces circonstances, figure dans les tableaux ci-après.

 

Chambre

Parlement national

Groupe

Parlement national

Groupe

APCE

MEMBRES TITULAIRES

M. Olivier BECHT

Assemblée nationale

Agir Ensemble

ADLE

M. Bertrand BOUYX

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. François CALVET

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

Mme Marie-Christine DALLOZ

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

Mme Jennifer DE TEMMERMAN

Assemblée nationale

Libertés et Territoires

ADLE

Mme Nicole DURANTON

Sénat

Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

ADLE

M. Bernard FOURNIER

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

M. Fabien GOUTTEFARDE

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Claude KERN

Sénat

Union Centriste

ADLE

M. Jérôme LAMBERT

Assemblée nationale

Socialistes et apparentés

SOC

Mme Alexandra LOUIS

Assemblée nationale

Agir Ensemble

ADLE

M. Jacques MAIRE

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Alain MILON

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

M. Frédéric PETIT

Assemblée nationale

Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés

ADLE

Mme Isabelle RAUCH

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Frédéric REISS

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

Mme Nicole TRISSE

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. André VALLINI

Sénat

Socialiste, Écologiste et Républicain

SOC

 

Chambre
Parlement national

Groupe
Parlement national

Groupe
APCE

MEMBRES SUPPLEANTS

Mme Nadine BELLUROT

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

Mme Yolaine de COURSON

Assemblée nationale

Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés

ADLE

M. Bruno FUCHS

Assemblée nationale

Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés

ADLE

M. André GATTOLIN

Sénat

Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

ADLE

Mme Sophie GOY-CHAVENT

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

M. Yves HEMEDINGER

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

M. Dimitri HOUBRON

Assemblée nationale

Agir Ensemble

ADLE

Mme Catherine KAMOWSKI

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

Mme Marietta KARAMANLI

Assemblée nationale

Socialistes et apparentés

SOC

M. Christian KLINGER

Sénat

Les Républicains

PPE/DC

Mme Martine LEGUILLE-BALLOY

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

M. Jacques LE NAY

Sénat

Union Centriste

ADLE

M. Didier MARIE

Sénat

Socialiste, Écologiste et Républicain

SOC

M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER

Assemblée nationale

UDI et Indépendants

ADLE

Mme Liliana TANGUY

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

Mme Laurence TRASTOUR-ISNART

Assemblée nationale

Les Républicains

PPE/DC

Mme Marie-Christine VERDIER-JOUCLAS

Assemblée nationale

La République en Marche

ADLE

Mme Martine WONNER

Assemblée nationale

Non-Inscrite

ADLE

B.   la participation des membres de la dÉlÉgation À plusieurs instances et ÉvÈnements liÉs À l’AssemblÉe parlementaire

1.   La conférence de Rabat sur les femmes en politique et les moyens de progresser vers l’égalité

Le 13 juillet 2021, s’est tenue à Rabat, à l’invitation du Parlement du Maroc, une conférence sur les femmes en politique et les moyens de progresser vers l’égalité. Outre M. Rik Daems, Président de l’Assemblée parlementaire, Mme Nicole Duranton (Eure – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a fait le déplacement pour intervenir lors de la séance consacrée aux mécanismes de promotion de la représentation des femmes. Étaient également présents les présidentes des instances féminines au sein des partis politiques représentés au Parlement marocain, ainsi que des experts internationaux.

Au cours des débats, M. Rik Daems a notamment félicité le Parlement du Maroc pour la progression de la représentativité des femmes en son sein (celle-ci atteignant 21 %), grâce à l’adoption d’un système de quotas en 2002, quand bien même la consécration du principe de parité et d’égalité des deux sexes au niveau des instances représentatives et dans les postes de décision, tel que prévu par la Constitution du Royaume de 2011, n’est toujours pas effective. Il a aussi plaidé en faveur d’une autonomisation plus prononcée des femmes, qui passe par la réalisation de progrès vers l’objectif d’une meilleure représentativité en politique et un changement dans les mentalités, ainsi que dans les perspectives d’éducation pour les filles.

Mme Nicole Duranton a notamment présenté les évolutions législatives ayant contribué à une meilleure représentation des femmes dans les conseils municipaux, départementaux et régionaux ainsi qu’au Parlement français. Elle a invité les femmes marocaines à s’engager en politique et à participer pleinement aux instances démocratiques locales et nationales.

L’organisation de cette conférence a marqué le lancement officiel du projet « Appui au développement du rôle du Parlement dans la consolidation de la démocratie au Maroc », financé par l’Union européenne et mis en œuvre par le Conseil de l’Europe. Celui-ci s’articule autour de trois axes principaux qui consistent à accompagner les démarches du Parlement marocain pour améliorer son suivi et son évaluation des politiques publiques, s’ouvrir davantage aux citoyens et à la société civile et enfin promouvoir la démocratie et soutenir la diplomatie parlementaire du Maroc.

Ce projet est mis en œuvre dans le respect des priorités de coopération et les besoins sont définis conjointement par le Conseil de l’Europe et les autorités marocaines dans le cadre du Partenariat de voisinage 2018-2021 avec le Maroc.

2.   La tenue du Bureau de rentrée

En raison de la persistance de la pandémie de SARS-CoV-2, le Bureau de rentrée de l’APCE s’est réuni le 6 septembre 2021 par visioconférence et non dans les locaux du Conseil de l’Europe à Paris.

Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, et M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir Ensemble), président de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, ont participé aux discussions et décisions arrêtées à cette occasion.

Après avoir pris note de la traditionnelle communication de la Secrétaire générale et du Secrétaire général-adjoint du Conseil de l’Europe sur leurs activités récentes, les membres du Bureau ont fixé l’ordre du jour de la partie de session « hybride » d’automne de l’Assemblée parlementaire.

Ils ont également approuvé les conclusions des missions d’observation des élections en Arménie, Moldavie et Bulgarie, puis décidé de l’envoi d’une mission d’observation électorale au Maroc pour les élections législatives s’y tenant le 8 septembre. De même, sur le fondement des conclusions de la mission préélectorale concernant le renouvellement de la Douma d’État de la Fédération de Russie, ils ont considéré que s’il n’était pas possible de déployer une commission ad hoc au format habituel dans le pays pour les élections législatives du 19 septembre, l’APCE se devait d’y dépêcher une mission d’évaluation représentative, composée d’un représentant de chacun des groupes politiques.

Ensuite, le Bureau a entériné la liste des trois candidats présélectionnés, le 31 août à Prague, en vue de l’attribution du Prix des Droits de l’Homme Václav Havel 2021, puis clos sa réunion en arrêtant le programme des réunions à venir de la Commission permanente et en statuant sur divers points d’organisation interne, propres notamment à la composition et au travail des commissions.

3.   La réunion de la plupart des commissions, au format hybride

Du 7 au 17 septembre 2021, les commissions de l’APCE ont conduit leurs travaux en format hybride, à la fois à Strasbourg et par visioconférence. Plusieurs membres de la délégation française ont assisté à leurs débats.

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a siégé, le 7 septembre, sous la présidence de M. Pierre-Alain Fridez (Suisse – SOC) et en présence de Mme Yolaine de Courson (Côte-d’Or – Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) ainsi que de MM. Jérôme Lambert (Charente – Socialistes et apparentés) et Jacques Le Nay (Morbihan – Union Centriste), afin d’examiner un rapport et d’adopter des projets de résolution et de recommandation sur les conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Elle a aussi approuvé un rapport assorti d’un projet de résolution sur la relocalisation volontaire des migrants ayant besoin d’une protection humanitaire et la réinstallation volontaire des réfugiés.

Le 8 septembre, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, s’est réunie sous la présidence de Mme Ingjerd Schou (Norvège – PPE/DC). Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains) a participé aux débats et Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, présente à Strasbourg pour l’occasion, a présenté son rapport sur la représentation équilibrée des hommes et des femmes à l’APCE, que la commission a adopté avec un projet de résolution visant à réformer le Règlement en la matière. Un second rapport, concernant les lignes directrices sur la portée des immunités parlementaires des membres de l’APCE, assorti lui aussi d’un projet de résolution, a été adopté ce jour-là.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, présidée par M. Luís Leite Ramos (Portugal – PPE/DC), a siégé le 9 septembre, en présence de Mmes Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes – Les Républicains) et Martine Wonner (Bas-Rhin – NI). Á cette occasion, elle a notamment examiné deux rapports et adopté des projets de résolutions et de recommandations sur, respectivement, la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe pour conforter le droit à un environnement sain, sûr et propre, d’une part, et les inégalités socioéconomiques en Europe et le besoin de renforcer les droits sociaux, d’autre part. Après avoir procédé à une audition publique sur la forme longue de la maladie du SARS-CoV-2, elle a débattu d’un avant-projet de rapport sur la promotion de la participation de l’enfant dans les sociétés démocratiques, puis entendu une communication de son rapporteur sur la méfiance à l’égard des vaccins concernant sa visite au siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au mois de juillet 2021, ainsi qu’un compte-rendu de la présidente de la sous-commission sur les enfants, Mme Martine Wonner, à l’égard des réunions de celle-ci.

Le 13 septembre, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (dite « commission de suivi »), s’est réunie sous la présidence de M. Michael Aastrup Jensen (Danemark – ADLE), en présence de Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône – Agir Ensemble), ainsi que celle de MM. Bernard Fournier (Loire – Les Républicains) et Claude Kern (Bas-Rhin - Union-Centriste). La commission a notamment examiné un avant-projet de rapport sur le respect par la Hongrie de ses obligations d’État membre, puis une note concernant une visite d’information en Géorgie à laquelle M. Claude Kern avait participé, avant de débattre de récentes visites à Moscou et à Kiev des co-rapporteurs suivant plus particulièrement la Russie et l’Ukraine. Elle a ensuite tenu des échanges de vues sur l’Arménie et la Bulgarie, fait le point sur l’état d’avancement des rapports concernant la Roumanie, Malte – pays pour lequel M. Bernard Fournier est co-rapporteur – et la Moldavie. Enfin, ses membres ont abordé la procédure en cours en Turquie pour dissoudre le Parti démocratique des peuples (HDP), ainsi que les développements récents dans ce pays.

La commission des questions juridiques et des droits de l’Homme s’est pour sa part réunie le 14 septembre sous la présidence de M. Boriss Cilevičs (Lettonie – SOC), en présence de Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône – Agir Ensemble) et MM. François Calvet (Pyrénées Orientales – Les Républicains), André Gattolin (Hauts-de-Seine – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), physiquement à Strasbourg, Jacques Maire (Hauts-de Seine – La République en Marche), membre ex officio, Frédéric Petit (Français établis hors de France – Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) et André Vallini (Isère – Socialiste, Écologiste et Républicain). Lors de cette séance, elle a notamment désigné une représentante auprès du Groupe d’États contre la corruption (GRECO), tenu une audition sur la prévention de l’usage excessif et injustifié de la force par les forces de l’ordre et eu un échange de vues sur le logiciel espion « Pegasus » et la surveillance secrète par certains États. La commission a également procédé, à l’initiative de M. André Gattolin, rapporteur, à une audition sur les disparitions forcées sur le territoire du Conseil de l’Europe, puis elle a examiné deux notes introductives portant respectivement sur le projet de deuxième protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques, d’une part, et le détournement du système de Schengen par des États membres pour infliger des sanctions à motivation politique, d’autre part. En clôture de ses travaux, elle a entendu un compte-rendu de la 127ème réunion de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (dite « Commission de Venise ») des 2 et 3 juillet 2021.

Le 15 septembre, la commission sur l’égalité et la non-discrimination, réunie sous la présidence de Mme Petra Bayr (Autriche – SOC) et en présence de Mmes Isabelle Rauch (Moselle – La République en Marche) et Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche), ainsi que de M. Didier Marie (Seine-Maritime - Socialiste, Écologiste et Républicain), a décidé de demander l’avis de la Commission de Venise sur la compatibilité de la loi LXXIX, adoptée par le Parlement hongrois le 15 juin 2021, avec les normes internationales en matière de droits humains, en particulier en ce qui concerne son impact sur la liberté de recevoir et de communiquer des informations ayant trait à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre ainsi que sur d’autres droits et libertés des personnes LGBTI. Elle a ensuite adopté un avis assorti d’amendements sur la réforme du Règlement pour une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes à l’APCE, procédé à une audition sur la lutte contre l’antisémitisme en Europe, approuvé un rapport assorti d’une résolution sur la discrimination à l’encontre des Roms et des gens du voyage dans le domaine du logement et discuté de deux notes sur le harcèlement des femmes et des hommes militant pour le droit à l’avortement et la promotion de l’égalité d’accès aux technologies numériques. La commission a enfin entendu une communication de sa rapporteure générale sur la violence à l’égard des femmes sur le suivi du panel de haut niveau du 23 juin et sur le Forum Génération Égalité à Paris du 30 juin au 2 juillet 2021, ainsi qu’une communication de Mme Isabelle Rauch sur la protection des droits des femmes et des filles afghanes suite à la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en août.

En dernier lieu, la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’Homme a siégé les 16 et 17 septembre, sous la présidence de M. Titus Corlăţean (Roumanie – SOC), afin d’entendre les candidats présentés par la République tchèque, la Moldavie, la Fédération de Russie et l’Ukrainien puis d’émettre ses recommandations pour l’élection des juges de ces quatre pays.

C.   une mobilisation toujours significative pour les missions d’observation Électorale

1.   La vérification du bon déroulement du scrutin législatif anticipé en Moldavie

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a assuré l’observation de toutes les élections législatives et présidentielles en République de Moldavie depuis 1994, à l’exception du scrutin présidentiel de novembre 2020 en raison de la pandémie de Covid-19.

Lors de la session de printemps 2021 de l’APCE, la Présidente de la République de Moldavie élue six mois plus tôt, Mme Maïa Sandu, avait annoncé son intention de dissoudre le Parlement pour disposer d’une majorité favorable à la mise en œuvre des réformes qu’elle avait proposées au peuple moldave. Elle a constitutionnellement été en mesure de le faire après deux tentatives de désignation d’un nouveau Premier ministre rejetées par l’Assemblée nationale moldave.

Le renouvellement des 101 députés élus pour quatre ans s’est déroulé le 11 juillet. Il a donné lieu à l’envoi d’une commission ad hoc d’observation électorale à laquelle ont participé MM. Christian Klinger (Bas-Rhin – Les Républicains) et Jacques Le Nay (Morbihan – Union Centriste).

Dans la perspective du scrutin, la commission ad hoc a rencontré, les 8 et 9 juillet à Chişinău, le président de la Commission électorale centrale, les représentants des partis politiques en lice, des représentants de la société civile et des principaux médias nationaux, ainsi que les responsables du bureau du Conseil de l’Europe sur place, ceux de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et ceux de la délégation de l’Union européenne. Le jour de l’élection, ses vingt-deux membres ont été déployés sur place dans plusieurs bureaux de vote situés dans la capitale et ses environs, ainsi que dans les localités de Comrat, Anenii Noi, Causeni et Balti, notamment.

Le niveau de participation s’est avéré assez faible, seulement 48,4 % des électeurs moldaves s’étant rendus aux urnes. Le dépouillement officiel des suffrages a donné 52,80 % des voix au Parti action et solidarité (PAS) de la Présidente Maïa Sandu, lui octroyant ainsi une majorité absolue de 63 sièges, ainsi que 27,17 % des voix au Bloc électoral communiste et socialiste (BECS) de l’ancien Président pro-russe Igor Dodon (32 sièges) et 5,74 % au Parti Shor (6 sièges).

Dans leurs conclusions, rendues publiques le 12 juillet, les observateurs internationaux du scrutin ont fait valoir que celui-ci s’est déroulé dans le calme et la transparence, que l’environnement politique profondément polarisé n’a pas empêché la tenue du débat démocratique sur les principaux thèmes de campagne (notamment l’économie, la lutte contre la corruption, les questions sociales et la réforme judiciaire) et que les médias ont joué tout leur rôle d’information pluraliste des électeurs. Ils ont aussi souligné, toutefois, que des améliorations restent nécessaires s’agissant des contestations des résultats et des règles de financement des campagnes électorales.

2.   L’observation du renouvellement du Parlement du Maroc

Depuis 2011, le Parlement marocain a le statut de partenaire pour la démocratie à l’APCE. À ce titre, il y dispose d’une délégation lui permettant de prendre part aux débats. C’est donc en toute logique que le Bureau de l’APCE a décidé de répondre favorablement à l’invitation des autorités marocaines pour l’envoi d’une mission d’observation des élections législatives du 8 septembre 2021, destinées à renouveler les 395 sièges de la Chambre des Représentants du Royaume chérifien, parallèlement aux élections municipales et régionales organisées le même jour.

Ce scrutin a donné lieu aux conclusions globalement satisfaisantes d’une commission ad hoc d’observation de onze membres, à laquelle a participé Mme Nicole Duranton (Eure – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants). Sur place, les jours précédant le vote, les membres de cette instance ont notamment rencontré le Président de la délégation du Parlement du Maroc, le directeur du département en charge des questions électorales au ministère de l’intérieur, des représentants du Conseil national des droits de l’Homme et de la Haute autorité pour la communication audiovisuelle, ainsi que des représentants de la communauté internationale, de la société civile et des médias.

Quelque 1 704 listes comportant 6 815 candidatures présentées par 31 partis au niveau national, au titre de l’ensemble des circonscriptions législatives, locales et régionales, ont pris part à ces élections. Le taux de participation a atteint 50,35 %, soit huit points de plus qu’en 2016.

Aux termes des résultats officiels proclamés par le ministre de l’intérieur, le parti de la Justice et du développement (PJD), qui dominait la Chambre des Représentants sortantes avec 125 sièges, a obtenu seulement 13 représentants élus. Le Rassemblement national des indépendants (RNI) est quant à lui passé de 60 à 102 sièges, tandis que le parti Authenticité et modernité (PAM) a vu le nombre de ses élus augmenter de 20 à 86 et l’Istiqlal a accru son nombre de sièges de 32 à 81. Sont arrivés après, en nombre de parlementaires élus, l’Union socialiste des forces populaires (avec 35 sièges), le Mouvement populaire (29 sièges), le parti du Progrès et du socialisme (21 sièges), l’Union constitutionnelle (18 sièges), les autres formations politiques se partageant les sièges restants.

Dans leurs conclusions, les observateurs de l’APCE ont estimé que ces élections législatives marocaines se sont déroulées avec succès en dépit des nombreux défis posés par la pandémie de coronavirus. Saluant l’introduction de listes régionales qui ouvrent la voie à une représentation plus élevée des femmes au Parlement, ils ont souligné que la législation électorale avait été modifiée quelques mois seulement avant le lancement de la campagne officielle, ce qui n’est pas tout à fait conforme aux recommandations du Conseil de l’Europe sur les pratiques électorales. De même, ils ont appelé à une amélioration de la transparence du financement des campagnes et à la création d’une commission électorale centrale indépendante.

3.   L’évaluation des élections législatives en Russie

Du 17 au 19 septembre 2021, les 450 sièges de la Douma d’État de la Fédération de Russie ont été renouvelés. Pourvus pour cinq ans, 225 de leurs titulaires ont été désignés au scrutin uninominal majoritaire à un tour et les autres l’ont été au scrutin proportionnel plurinominal avec listes fermées et seuil électoral de 5 % dans une unique circonscription nationale, selon la méthode du plus fort reste. Les résultats officiels proclamés par les autorités russes ont attribué 49,85 % des voix à Russie Unie, soit 324 sièges, devant 18,96 % au Parti communiste (57 sièges), 7,50 % au Parti libéral démocrate (21 sièges), 7,44 % à Russie juste (27 sièges) et 5,33 % à Nouvelles personnes (13 sièges).

Le Bureau de l’APCE avait initialement constitué, dès le 24 juin, une commission ad hoc afin d’observer le déroulement de ce scrutin. Plusieurs membres de la délégation française figuraient dans cette commission : Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, M. Alain Milon (Vaucluse – Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste), M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche) et M. Didier Marie (Seine-Maritime – Socialiste, Écologiste et Républicain).

Les 2 et 3 septembre, une mission préélectorale à laquelle appartenait Mme Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche), s’est réunie par visioconférence, afin d’entendre à distance des représentants de la société civile russe et des partis politiques participant au scrutin, puis d’évaluer les conditions dans lesquelles l’observation du vote pouvait se tenir et d’en informer le Bureau. Celui-ci, en l’absence de partenaires internationaux d’observation électorale du Bureau international des droits de l’Homme (BIDDH) et de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE mais aussi du fait de la situation épidémiologique, a finalement estimé le 6 septembre qu’une mission d’observation électorale à part entière ne pouvait être envisagée. Il a néanmoins jugé souhaitable de dépêcher sur place, du 17 au 19 septembre, une délégation restreinte pour évaluer le déroulement des élections.

Constituée de représentants de chacun des groupes politiques de l’Assemblée parlementaire et d’un conseiller de la Commission de Venise, cette délégation comprenait en son sein M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), désigné au titre du groupe ADLE qu’il préside.

Sur place, cette mission d’évaluation a tenu des réunions avec les principaux acteurs politiques, notamment les présidents des groupes politiques de la Douma d’État et des principaux partis, les organisations non-gouvernementales (ONG) impliquées dans l’observation de ces élections, ainsi que la Commission électorale centrale. Les 18 et 19 septembre, jours du scrutin, elle s’est rendue dans plusieurs bureaux de vote de Moscou et de sa région pour évaluer l’atmosphère générale de ces élections.

Dans ses conclusions, rendues publiques le 20 septembre, la mission d’évaluation a déclaré avoir « apprécié la bonne coopération des autorités ainsi que le déroulement général sans heurts du scrutin (…), tout en soulignant des préoccupations, exprimées notamment par certaines parties prenantes dans le champ politique, concernant le cadre et l’environnement électoraux qui semblent avoir eu un impact sur le processus électoral ». Ces préoccupations seront résumées dans un mémorandum destiné au Bureau puis versées au rapport sur le respect des engagements et obligations de la Fédération de Russie, actuellement en cours d’élaboration par la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe.


II.   l’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de l’APCE AU COURS de la 4Ème partie de session

A.   Informations gÉnÉrales sur le dÉroulement de la quatriÈme partie de session 2021

1.   L’ordre du jour, les interventions et les nominations des parlementaires français

La semaine de la deuxième partie de session s’est déroulée selon l’ordre du jour arrêté le vendredi 24 septembre par le Bureau de l’APCE, à la réunion duquel participaient Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), en sa qualité de président du groupe ADLE, et M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir Ensemble), en sa qualité de président de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias.

Plusieurs membres de la délégation française se sont inscrits aux différents débats et y ont participé comme indiqué ci-dessous.

Lundi 27 septembre

– Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), M. Jacques Le Nay (Morbihan – Union Centriste), M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains) et M. Didier Marie (Seine–Maritime – Socialiste, Écologiste et Républicain) ;

– Conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), M. Bernard Fournier (Loire – Les Républicains) et Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche) ;

– Lignes directrices sur la portée des immunités parlementaires dont bénéficient les membres de l’Assemblée parlementaire : M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) et M. François Calvet (Pyrénées-Orientales – Les Républicains).

Mardi 28 septembre

 Discours de Mme Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire : M. Alain Milon (Vaucluse – Les Républicains) et Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche) ;

– Les inégalités socio-économiques en Europe : rétablir la confiance sociale en renforçant les droits sociaux : M. Alain Milon (Vaucluse – Les Républcains), Mme Marietta Karamanli (Sarthe – Socialistes et apparentés), Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes – Les Républicains) et M. Didier Marie (Seine–Maritime – Socialiste, Écologiste et Républicain) ;

– Questions à Mme Marija Pejčinović Burić, Secrétaire générale du Conseil de l’Europe ;

 Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Péter Szijjártó, ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la Hongrie ;

– Représentation des femmes et des hommes à l’Assemblée parlementaire : Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), Mme Sylvie Goy-Chavent (Ain – Les Républicains) ; Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains) ;

– Renforcer la lutte contre les crimes dits d’« honneur » :  Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains), Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), Mme Sylvie Goy-Chavent (Ain – Les Républicains) et M. Bernard Fournier (Loire – Les Républicains).

Mercredi 29 septembre

– Débat joint : Ancrer le droit à un environnement sain : la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe - Une démocratie plus participative pour faire face au changement climatique - Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique - Crise climatique et État de droit M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains), Mme Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche), M. Dimitri Houbron (Nord – Agir Ensemble), Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), Mme Marietta Karamanli (Sarthe – Socialistes et apparentés) ;

– Panel de haut niveau : Environnement et droits humains: le droit à un environnement sain, sûr et durable : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) ;

– Débat joint : Lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre - Climat et migrations - Politiques en matière de recherche et protection de l’environnement : M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir Ensemble), Mme Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche) et Mme Marietta Karamanli (Sarthe – Socialistes et apparentés).

Jeudi 30 septembre

– Débat d’urgence : La situation en Afghanistan, conséquences pour l’Europe et la région : M. Jacques Le Nay (Morbihan – Union Centriste) ;

 Discours de M. Nikola Dimitrov, Vice-Premier Ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche) ;

– Débat d’actualité : Les Balkans occidentaux entre défis démocratiques et aspirations européennes, quel rôle pour le Conseil de l’Europe ? : M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche) et M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) ;

– Débat d’urgence : L’intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec la Biélorussie : M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) ;

– Projet de deuxième protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques : M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants).

2.   Les textes adoptés

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions.

Les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’APCE par le Comité des Ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’APCE adressée au Comité des Ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée parlementaire, mais relève des gouvernements.

Définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’APCE sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité.

Chaque semaine de session plénière donne lieu à l’adoption de plusieurs recommandations et résolutions sur des sujets souvent variés mais liés tout à la fois aux droits de l’Homme et à la démocratie, d’une part, et à l’actualité, d’autre part. Le tableau ci-après énumère les textes votés du 27 au 30 septembre 2021.

 

Texte et rapporteur(e)

Document(s)

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Lignes directrices sur la portée des immunités parlementaires dont bénéficient les membres de l’Assemblée parlementaire

Rapporteur : M. Tiny Kox (Pays-Bas ‑ GUE)

Résolution n° 2392

Représentation des femmes et des hommes à l’Assemblée parlementaire

Rapporteure : Mme Nicole Trisse (France – ADLE)

Résolution n°2394

Commission des questions politiques et de la démocratie

Une démocratie plus participative pour faire face au changement climatique

Rapporteur : M. George Papandreou (Grèce – SOC)

Résolution n°2397

Recommandation n° 2212

La situation en Afghanistan: conséquences pour l’Europe et la région

Rapporteur : Sir Tony Lloyd (Royaume-Uni – SOC)

Résolution n° 2403

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Examen des questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique

Rapporteur : M. Ziya Altunyaldiz (Turquie – NI)

Résolution n° 2398

Recommandation n° 2213

Projet de deuxième protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques

Rapporteur : M. Kamal Jafarov (Azerbaïdjan – CE/AD)

Avis n° 299

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Les inégalités socio-économiques en Europe: rétablir la confiance sociale en renforçant les droits sociaux

Rapporteure : Mme Selin Sayek Böke (Turquie‑ SOC)

Résolution n° 2393

Recommandation n° 2210

Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. Simon Moutquin (Belgique Monaco – SOC)

Résolution n°2396

Recommandation n°2211

Crise climatique et État de droit

Rapporteure : Mme Edite Estrela (Portugal – SOC)

Résolution n° n° 2399

Recommandation n°2214

Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias

Politiques en matière de recherche et protection de l’environnement

Rapporteur : M. Olivier Becht (France – ADLE)

Résolution n° 2402

Recommandation n° 2215

Commission sur l’égalité et la non-discrimination

Renforcer la lutte contre les crimes dits d’«honneur»

Rapporteure : Mme Béatrice Fresko-Rolfo (Monaco – ADLE)

Résolution n° 2395

Lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre

Rapporteure : Mme Edite Estrela (Portugal – SOC)

Résolution n° 2400

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Rapporteur : M. Paul Gavan (Irlande GUE)

Résolution n° 2391

Recommandation n° 2209

Climat et migrations

Rapporteur : M. Pierre-Alain Fridez (Suisse – SOC)

Résolution n° 2401

L’intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec le Bélarus

Rapporteure : Mme Anne-Mari Virolainen (Finlande – PPE)

Résolution n°2404

Au cours de cette session d’automne, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, a présidé une séance plénière, le jeudi 30 septembre.

Par ailleurs, le Bureau a désigné Mme Yolaine de Courson (Côte-d’Or – Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) membre de la commission ad hoc chargée d’observer les élections législatives au Kirghizistan, le 28 novembre 2021, ainsi que MM. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en Marche) et André Vallini (Socialiste, Écologiste et Républicain), membres de la commission ad hoc chargée d’observer les troisièmes élections législatives de l’année en Bulgarie, le 14 novembre. Il a également désigné Mme Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche) membre de la commission ad hoc pour participer au Forum mondial de la démocratie, du 8 au 10 novembre à Strasbourg.

La commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) a désigné M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) comme membre suppléant du Conseil des élections démocratiques auprès de la Commission de Venise pour l’année 2021.

De même, la commission des questions politiques et de la démocratie a nommé M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) rapporteur sur la situation politique en Tunisie.

Enfin, la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias a désigné M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir Ensemble) pour participer à la semaine russe de l’énergie (Russian Energy Week REW) à Moscou du 13 au 15 octobre 2021, au titre du suivi de son rapport sur les politiques en matière de recherche et protection de l’environnement.

B.   L’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de son assemblÉe parlementaire

1.   La tenue de deux débats essentiels au fonctionnement de l’APCE et à l’exercice de ses prérogatives

a.   Une réforme du Règlement, à l’initiative de la présidente de la délégation française, en vue d’améliorer la représentation des femmes et les équilibres entre les sexes

Mardi 28 septembre, l’APCE a débattu d’une réforme de son Règlement proposée par Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, au nom de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. La résolution adoptée vise pour l’essentiel à améliorer la représentation des femmes au sein de l’Assemblée parlementaire.

En ouverture de la discussion générale, la rapporteure a rappelé la contestation des pouvoirs de six délégations nationales, en janvier 2020, au motif qu’elles ne comprenaient pas le nombre minimum de femmes requis, lequel est censé correspondre à leur pourcentage dans leur Parlement d’origine. À cette occasion, il s’est avéré que le Règlement ne sanctionne réellement que les délégations ne comportant en leur sein aucune femme en qualité de représentante.

Malgré plusieurs résolutions depuis plus de quinze ans, le Règlement actuel est clairement insatisfaisant quant à la place des femmes à l’APCE. En dix ans, la proportion de femmes y a progressé de 28 % pour atteindre désormais 37 %, reflétant ainsi les nets progrès réalisés dans la plupart des Parlements nationaux. La tendance semble néanmoins se stabiliser et, actuellement, seize délégations comprennent moins d’un tiers de femmes.

En outre, une représentation équilibrée ne se mesure pas uniquement aux nombres respectifs des femmes et des hommes. De ce point de vue, il n’est pas inutile de rappeler qu’aucune femme ne siège au Comité présidentiel de l’APCE, que le Bureau de cette dernière est à 77 % masculin, que seulement six femmes occupent l’une des vingt vice-présidences pourvues, que deux des neufs commissions sont présidées par une femme, que moins d’un tiers des membres des commissions du Règlement et de suivi sont des femmes et, enfin, que seulement 20 % des rapporteurs de la commission de suivi et 16 % des rapporteurs de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme sont des femmes.

Il faut donc modifier le Règlement de l’Assemblée parlementaire pour changer cet état de choses, qui ne reflète pas la réalité de nos sociétés démocratiques modernes.

Mme Nicole Trisse a souligné qu’elle avait souhaité que son travail et ses propositions soient collégiaux, raison pour laquelle elle y avait associé les groupes politiques. Par le dialogue, son contenu a été enrichi et les points crispants ont été modifiés afin de parvenir à des règles plus ambitieuses mais aussi réalisables par les États membres et les groupes politiques. Elle a plus particulièrement insisté, à cet égard, sur les points suivants :

– tout d’abord, la date de mise en œuvre des nouvelles règles a été reportée à janvier 2023, pour laisser le temps aux délégations nationales, au fil des renouvellements à venir, de se mettre en conformité ;

– la mixité a été expressément prévue, pour éviter qu’une délégation soit exclusivement masculine ou féminine ;

– la mise en place de quotas est assortie d’une certaine progressivité, selon la taille des délégations. Ainsi, pour les petites délégations de quatre membres, seule une femme représentante sera requise. Pour les autres délégations, la proposition minimale sera de 33 % de représentantes ;

– enfin, les groupes politiques seront invités à proposer une femme sur trois membres au minimum pour les désignations aux commissions de leur ressort et les orateurs, tandis que la fonction de rapporteur devra échoir à une femme dans 33 % des cas.

Toutes ces évolutions se veulent la première étape d’une approche progressive mais ambitieuse, avec en perspective une représentation féminine de 40 % en 2026. Il ne s’agit pas de renverser la table mais simplement de faire évoluer un Règlement qui parle à peine des femmes et qui date de plusieurs décennies. L’APCE se doit en effet de porter haut les valeurs de la démocratie et des droits humains, pour toutes et tous car restent malheureusement d’actualité les propos de la philosophe française Simone de Beauvoir, selon qui : « Rien n’est jamais définitivement acquis. Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes ».

Au cours de la discussion générale, Mme Sylvie Goy-Chavent (Ain – Les Républicains) a rappelé que, dans ses résolutions et recommandations, l’APCE demande aux États membres de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes et la participation de ces dernières à la vie civile et politique. C’est là un objectif essentiel et l’Assemblée parlementaire se doit d’être exemplaire sur cette question.

En dix ans, la proportion de femmes à l’APCE a progressé pour atteindre 37 %. En 2007, l’Assemblée parlementaire avait fixé comme objectif aux Parlements nationaux que leurs délégations comprennent un pourcentage de femmes au moins égal à celui que compte leur Parlement d’origine, avec l’objectif d’atteindre 30 %. Aujourd’hui, vingt-deux délégations affichent un pourcentage de femmes supérieur ou égal à 40 %, alors que seize délégations parlementaires comprennent moins d’un tiers de femmes.

Si l’on peut se féliciter que les Parlements nationaux aient adopté des mesures pour favoriser la parité et la présence des femmes au sein des assemblées délibérantes, la mise en place de quotas telle qu’elle est proposée ne paraît pas constituer la meilleure solution pour favoriser la participation des femmes.

L’Islande constitue à cet égard un contre-exemple parfait. Lors du dernier scrutin législatif, 48 % des députés élus ont été des femmes, ce qui constitue un record en Europe alors qu’aucun quota n’a été instauré dans ce pays. En revanche, il existe une véritable volonté politique des partis de faire participer davantage les femmes. Dans le cas de l’APCE, le Règlement prévoit déjà que les délégations nationales doivent comprendre un pourcentage de femmes au moins égal à celui que compte leur Parlement d’origine. Il ne semble pas nécessaire d’ajouter une contrainte supplémentaire, surtout si cela aboutit à une sanction en ne ratifiant pas les pouvoirs car cette contrainte pèserait davantage sur les petites délégations. Celles-ci seraient obligées de recruter des femmes qui n’ont pas forcément envie de participer aux débats, uniquement pour ratifier leurs pouvoirs, ce qui ne servirait pas la cause des femmes. La compétence de ces femmes risquerait en effet d’être remise en cause, comme dans tous les cas de discrimination positive.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les délégations doivent être composées en tenant compte des groupes politiques représentés au sein de leur Parlement national. Cet élément est essentiel pour garantir le pluralisme de la représentation au sein de l’APCE. Or, si l’on ajoute une contrainte trop forte sur la représentation de genre, les petites délégations, en particulier, risquent d’être à nouveau en difficulté.

Convenant que le travail de la rapporteure était approfondi et animé de bonnes intentions, Mme Sylvie Goy-Chavent a estimé, en conclusion, que l’enfer est pavé de bonnes intentions et elle s’est déclarée réservée sur ce projet de résolution.

N’ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu’elle était présente dans l’hémicycle, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l’APCE. Dans cette intervention, elle salue l’importance du sujet, qui vise à améliorer la représentation quantitative des femmes au sein de l’APCE mais, également, à encourager la participation effective des femmes dans les processus décisionnels. Ce point est crucial car imposer des quotas n’aurait pas d’intérêt sinon.

Les quotas ont beau être insuffisants, ils n’en demeurent pas moins parfois nécessaires. L’APCE compte actuellement 37 % de femmes, ce qui est relativement satisfaisant. Mais des disparités persistent puisque quinze délégations n’atteignent toujours pas l’objectif minimal fixé par l’APCE en 2007 et comptent moins de 30 % de femmes.

Sur le plan du Règlement, les obligations restent très limitées puisque seules les délégations ne comptant aucune femme titulaire peuvent être sanctionnées par la procédure de contestation des pouvoirs. Imposer la même obligation à des délégations de tailles différentes est une aberration. Les propositions formulées vont dans le bon sens car elles tiennent compte des différences entre délégations. Mais au-delà du seul critère chiffré, la priorité doit rester l’intérêt et la volonté de siéger au sein de l’APCE. Pour certains pays, se pose aussi la question de la langue puisque le Conseil de l’Europe a deux langues officielles, le français et l’anglais.

Dix-sept ans après avoir inscrit le principe de l’égalité des sexes dans son Règlement, l’APCE offre un bilan très perfectible : aucune femme ne siège au Comité présidentiel, le Bureau est à 77 % masculin, deux commissions sur neuf sont présidées par des femmes, seulement un tiers des rapporteurs sont des femmes. Ce constat est une réalité.

Plusieurs modifications du Règlement sont proposées, visant à imposer un minimum de 33 % de femmes au sein des commissions et parmi les rapporteurs. Il est également demandé aux groupes politiques de promouvoir plus efficacement la représentation et la participation équilibrée des femmes et des hommes dans les organes décisionnels de l’APCE. Ces mesures sont bienvenues et chaque groupe politique devrait prendre en considération ces éléments.

Un autre point semble lui aussi préoccupant en matière de représentation. Prendre en compte la composition des Parlements nationaux dans la désignation des membres des délégations relève non seulement du bon sens mais constitue également une exigence démocratique.

Lors de l’examen du projet de résolution, l’APCE a adopté un amendement de clarification cosigné par M. Olivier Becht (Bas-Rhin – Agir Ensemble) et sept de ses collègues de la délégation française, ainsi que trois sous-amendements de simplification cosignés par M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), président du groupe ADLE, et les présidents des groupes PPE/DC, CE/AD et GUE.

b.   Une discussion sur les lignes directrices relatives à la portée des immunités dont bénéficient les membres de l’APCE

En clôture de sa journée inaugurale de la session, le 27 septembre, l’Assemblée parlementaire approuvé, sur le rapport de M. Tiny Kox (Pays-Bas – GUE), au nom de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, une résolution fixant, à travers des lignes directrices, des critères clairs et objectifs permettant aux privilèges et immunités accordés aux membres de l’APCE de répondre à leur finalité institutionnelle tout en prévenant davantage tout risque de détournement à des fins personnelles.

À l’occasion de la discussion générale, le rapporteur a relevé que tous les membres de l’APCE, s’ils bénéficient d’un régime d’immunité garanti par les Statuts du Conseil de l’Europe, ne sont pas nécessairement conscients de l’existence de ce régime de protection. En 1949, les pères fondateurs ont jugé nécessaire de protéger l’Assemblée parlementaire contre toute influence extérieure et toute menace à son autonomie : cela pour de bonnes raisons, car elle est souvent à l’initiative de nouvelles conventions et élit les 47 juges de la Cour européenne des droits de l’Homme, ainsi que les plus hauts responsables du Conseil de l’Europe.

Cette protection des membres de l’APCE a été développée dans le cadre de l’Accord sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe, dont l’article 14 accorde une immunité absolue, permanente et perpétuelle par nature. Elle continue à s’appliquer après la fin du mandat et ne peut être levée, ni par l’Assemblée parlementaire, ni par les Parlements nationaux. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme est on ne peut plus claire : aucun État membre n’a le droit de poursuivre un membre de son Parlement national qui est ou a été membre de l’APCE pour des opinions exprimées dans le cadre de celle-ci.

Une autre immunité est stipulée à l’article 15 de l’Accord général sur les privilèges et immunités, qui protège contre toute pression indue pour des actes ne faisant pas partie des activités parlementaires habituelles mais essentiels à l’exercice du mandat. Non absolue, elle peut être levée à la demande de l’autorité compétente de l’État membre concerné mais, sous son empire, un parlementaire bénéficie d’une protection totale contre les interrogatoires, arrestations et emprisonnements dans son propre pays et dans tout autre État membre.

Afin de s’assurer l’absence de tout malentendu, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a convenu, à l’unanimité, de formuler des lignes directrices claires sur la portée des immunités parlementaires. Ces lignes directrices seront annexées au Règlement, en conformité avec le Statut et l’Accord général sur les privilèges et immunités. Ce faisant, l’APCE répondra positivement à la demande antérieure du groupe d’États contre la corruption (GRECO) et de l’organe d’enquête indépendant créé suite aux allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire.

Néanmoins, immunité ne signifie pas impunité. Ainsi, l’utilisation abusive des structures de l’APCE pour des actes de corruption ne sera aucunement couverte par le régime des immunités. De la même manière, les enquêtes sur les infractions liées à la corruption, l’offre ou la demande d’avantages indus en échange d’un certain comportement de vote ne seront pas empêchées, étant donné que ces infractions ne concernent pas les opinions exprimées ou les votes émis.

S’exprimant au nom du groupe ADLE, M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) a souligné que les immunités parlementaires sont des dispositions prévues pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie, et non pour conférer un quelconque privilège aux parlementaires. Il s’est montré favorable à ce projet de résolution, qui vise à garantir une application cohérente du régime des immunités.

Le rôle des parlementaires est de voter la loi et de contrôler l’action du gouvernement dans l’intérêt général. Compte tenu des enjeux politiques et économiques de leur action, ils peuvent être soumis à différentes pressions. C’est donc pour les protéger de ces pressions et ainsi garantir leur indépendance que le régime des immunités existe. Dès lors, aucun parlementaire ne peut être poursuivi pour les opinions et votes émis dans l’exercice de son mandat, et ce sur les territoires de tous les États membres.

De la même manière, un État membre ne peut refuser l’accès à son territoire à un parlementaire de l’APCE qui aurait dénoncé certains manquements dans la mise en œuvre des principes que soutient le Conseil de l’Europe. Dans une résolution de 2016, l’APCE a réitéré son attachement à la liberté de déplacement sans restriction de ses membres, comme le prévoit expressément l’Accord général sur les privilèges et immunités de 1949. Le Président Rik Daems a dû le rappeler tout récemment à la Russie, qui avait voulu déclarer M. Jacques Maire persona non grata. Pour autant, les propos injurieux n’ont pas leur place dans l’hémicycle et, dans le cas contraire, il appartient à l’Assemblée parlementaire, sur proposition de son Président, de prononcer des sanctions, comme le prévoit l’article 22 du Règlement.

L’inviolabilité, quant à elle, a pour but de protéger les parlementaires faisant l’objet d’accusations trafiquées en vue de les démettre de leurs fonctions. Les mesures restrictives de liberté ne peuvent être prononcées pour des faits ne relevant pas de leur activité d’élu qu’après une levée de leur immunité, dans les conditions prévues par l’article 73 du Règlement. Toutefois, l’article 15 de l’Accord général sur les privilèges et immunités prévoit que sur leur territoire national, les membres de l’APCE bénéficient des immunités reconnues aux membres du Parlement de leurs pays. Cette disposition peut donc créer des inégalités de protection, de sorte qu’il est nécessaire d’interpréter la protection accordée par l’article 15 aux membres de l’Assemblée parlementaire de manière la plus extensive possible.

N’ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu’il ait été connecté à distance, M. François Calvet (Pyrénées-Orientales – Les Républicains) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l’APCE. Dans celle-ci, il souligne que les immunités, constitutives du mandat parlementaire, sont au nombre de deux : l’irresponsabilité pour les actes effectués dans le cadre de l’exercice du mandat, ce qui comprend les discours et les votes, et l’inviolabilité qui garantit qu’aucune mesure restrictive de liberté ne pourra être mise en œuvre contre un parlementaire sans l’accord de l’assemblée au sein de laquelle il siège. Elles sont respectivement prévues par les articles 14 et 15 de l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe. Toutefois, il convient de clarifier les conditions de leur mise en œuvre.

Tout d’abord, il peut arriver que le mandat national d’un parlementaire cesse et que son mandat au sein de l’APCE se poursuive pour quelques mois encore, le temps qu’une nouvelle délégation soit nommée. Dans ce cas, le parlementaire doit continuer à bénéficier des immunités, que ce soit dans son pays ou sur le territoire d’un autre État membre. De plus, il faut rappeler que l’immunité relative aux opinions et votes émis dans le cadre de la fonction de parlementaire revêt un caractère absolu, permanent et perpétuel. Les anciens parlementaires restent donc protégés et ne peuvent être poursuivis pour les opinions et votes émis lorsqu’ils étaient parlementaires. En outre, cette immunité ne peut être levée ni par l’APCE, ni par une assemblée nationale. Enfin, concernant l’inviolabilité, les parlementaires bénéficient des immunités reconnues aux membres du Parlement de leur pays. Dès lors, selon les règles en vigueur dans leurs pays respectifs, deux membres de l’Assemblée parlementaire ne bénéficieront pas de la même protection, ce qui est regrettable.

Lors de l’examen d’une demande de levée d’immunité, l’APCE doit s’assurer que les poursuites judiciaires engagées contre son membre ne mettent pas en péril son bon fonctionnement et que la demande n’est pas dictée par d’autres motifs que celui de rendre la justice. La Cour européenne des droits de l’Homme a proposé une liste d’éléments à prendre en considération pour s’assurer que la procédure judiciaire n’est pas motivée par des arrière-pensées politiques. L’Assemblée parlementaire devra assurément en tenir compte.

2.   L’élection de plusieurs juges à la Cour européenne des droits de l’Homme

a.   Le choix du juge de la République tchèque

Il revient aux membres de l’APCE d’élire les juges proposés par les États membres pour un mandat de neuf ans au sein de la Cour européenne des droits de l’Homme. Pour la République tchèque, le scrutin est intervenu le mardi 28 septembre. Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– M. Tomas Langášek : 10 voix ;

– Mme Kateřina Šimáčková : 204 voix ;

– M. Pavel Simon : 8 voix.

Mme Kateřina Šimáčková ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elle a été élue juge à la Cour européenne des droits de l’Homme dès le premier tour de scrutin pour un mandat qui débutera le 1er novembre 2021.

b.   La désignation du juge moldave

Pour la Moldavie, l’élection est également intervenue le mardi 28 septembre. Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– M. Nicolae Eşanu : 3 voix ;

– M. Vladimir Grosu : 102 voix ;

– Mme Diana Scobioală : 122 voix.

Mme Diana Scobioală ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elle a été élue juge à la Cour européenne des droits de l’Homme dès le premier tour de scrutin pour un mandat qui débutera le 3 décembre 2021.

c.   Le scrutin concernant le juge russe

Après que la commission sur l’élection des juges a finalement accepté la liste proposée par la Fédération de Russie, le 23 juin dernier, les membres de l’Assemblée parlementaire ont élu, mardi 28 septembre, un juge issu de cette liste à la Cour européenne des droits de l’Homme. Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– M. Andrei Yurievich Bushev : 4 voix ;

– M. Mikhail Borisovich Lobov : 187 voix ;

– Mme Natalia Vladimirovna Pavlova : 18 voix.

M. Mikhail Borisovich Lobov a donc été élu juge à la Cour européenne des droits de l’Homme dès le premier tour de scrutin pour un mandat qui débutera le 2 janvier 2022.

d.   Le rejet de la liste de candidats présentée par l’Ukraine

En revanche, l’APCE n’a pas désigné de juge à la Cour européenne des droits de l’Homme au titre de l’Ukraine.

En effet, lors de sa réunion du 16 septembre 2021, la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’Homme, chargée de donner préalablement son avis sur les listes des États membres, avait considéré que celle présentée par les autorités ukrainiennes ne remplissait pas les critères requis par l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres.

Au cours de l’examen du rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente, le 27 septembre, Mme Mariia Mezentseva s’est opposée, au nom de la délégation ukrainienne, à la recommandation de la commission sur l’élection des juges de rejeter la liste des candidats au titre de son pays. L’Assemblée parlementaire, par 41 voix contre 37 (et 14 abstentions), a conforté la décision de sa commission.

En conséquence, le Gouvernement ukrainien devra soumettre une nouvelle liste de candidats d’ici une prochaine session de l’APCE.

3.   La formulation d’un avis sur le projet de 2ème protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité, relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques

Á la demande du Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire peut être appelée à formuler un avis sur l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale européenne. Une requête de ce type ayant été émise le 12 mai 2021 au sujet du projet de deuxième protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité, relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques, l’APCE s’est prononcée à l’occasion d’un débat d’urgence, sur la base du rapport de M. Kamal Jafarov (Azerbaïdjan – CE/AD), au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme.

Au cours de la présentation de ses conclusions en plénière, le rapporteur a estimé que si l’exercice pouvait apparaître purement technique, il n’en soulevait pas moins des questions considérables en matière d’État de droit et de droits de l’Homme. Les dispositions les plus contestées du protocole additionnel dont il est question sont celles qui introduisent la possibilité d’une « coopération directe » des autorités répressives avec les fournisseurs d’accès à Internet et d’autres entités privées dans d’autres États parties.

L’objectif du projet de protocole est de faciliter la coopération internationale dans la lutte contre la cybercriminalité. Les cybercriminels eux-mêmes profitent de la pandémie de Covid-19, toujours en cours, pour lancer des cyberattaques contre des hôpitaux et des laboratoires développant des vaccins et pour utiliser abusivement des noms de domaine afin de promouvoir de faux vaccins et traitements. La cybercriminalité est donc considérée à juste titre, par de nombreux États, comme une menace sérieuse pour les droits de l’Homme, l’État de droit, le fonctionnement des sociétés démocratiques et même la sécurité nationale.

Ce protocole doit s’inscrire dans le cadre des systèmes nationaux de justice pénale des États parties, avec toutes les procédures, réglementations, méthodes de transmission des données, conditions et garanties qu’ils prévoient.

Des propositions d’améliorations formulées par différentes parties prenantes méritent d’être prises au sérieux. Cependant, elles ne peuvent pas toutes être suivies. Les experts du comité intergouvernemental de rédaction ayant négocié ce texte, pour leur part, se sont opposés à toute proposition de changement. Ils veulent éviter de rouvrir un accord global qui a été difficile à obtenir après de nombreux cycles de négociations.

La convention sur la cybercriminalité et ses protocoles additionnels sont soumis à un dilemme : leur objectif exige que le plus grand nombre possible d’États participent à la lutte contre ce fléau car les cybercriminels ne connaissent pas de frontières, mais les systèmes juridiques nationaux sont très différents, y compris dans les domaines du droit pénal et de la protection des données. La convention et ses protocoles ne peuvent donc que fixer des normes minimales à suivre par tous les États participants. Dans le même temps, ils peuvent laisser la possibilité aux États plus avancés de prévoir des protections plus fortes mais celles-ci ne doivent pas, à leur tour, mettre en péril l’objectif initial commun.

Bien que le deuxième protocole additionnel établisse en principe un équilibre raisonnable, l’APCE ne devrait pas s’abstenir de faire toute proposition d’amendement. Dans ses avis précédents sur des projets de conventions, y compris sur la convention initiale sur la cybercriminalité elle-même, l’Assemblée parlementaire n’avait déjà pas accepté d’être une simple chambre d’enregistrement.

Les propositions d’enrichissement sont à cet égard constructives. Elles visent à améliorer la protection des droits de l’Homme, en particulier le droit à la vie privée, ainsi que le droit fondamental à un procès équitable. Il s’agit notamment du droit d’être assisté par un avocat également lors des séances de témoignage en ligne, du respect des privilèges et immunités de certaines professions, dont celle d’avocat, et de la possibilité que les instruments prévus par le projet de protocole puissent être utilisés non seulement par l’accusation mais aussi par la défense.

S’exprimant au nom du groupe ADLE, M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a souligné que la convention de Budapest sur la cybercriminalité représente une avancée importante dans la lutte contre l’exploitation des technologies de l’information à des fins criminelles ; 66 pays l’ont déjà ratifiée, dont 21 n’appartenant pas au Conseil de l’Europe, car il s’agit d’une convention ouverte. Tous les États membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifiée, à deux exceptions près : l’Irlande et la Fédération de Russie, qui ne l’a même pas signée.

Ce succès de la convention de Budapest montre que les États ont conscience du risque que représente la cybercriminalité, une grave menace pour les droits de l’Homme, pour l’État de droit et pour le fonctionnement des sociétés démocratiques, ainsi que pour la sécurité nationale.

Depuis l’ouverture du texte aux signatures en 2001, la cybercriminalité a explosé, rendant nécessaire une adaptation de cette convention. Une étude de 2014 évaluait le coût de la cybercriminalité en 2020 à 2 000 milliards de dollars ; en réalité, ce montant avoisinait plutôt 6 000 milliards de dollars et on estime à plus de 10 000 milliards de dollars le total des pertes pour la société et les entreprises en 2025.

Il est donc important de disposer d’un protocole additionnel mais aboutir n’est jamais simple, compte tenu de la diversité des ordres juridiques des États parties. L’avis proposé à l’APCE reconnaît à juste titre ce point en indiquant que la convention et ses protocoles peuvent uniquement établir des normes minimales de protection tout en laissant aux États les plus avancés la possibilité de prévoir des protections renforcées au profit de leurs citoyens. Ces normes plus rigoureuses ne doivent pas compromettre l’objectif commun ; il s’agit là d’une ligne de crête. D’ailleurs, s’agissant des États membres de l’Union européenne, ceux-ci ont d’abord engagé des négociations séparément avant que, dans un deuxième temps, la Commission européenne soit chargée de négocier pour leur compte.

Il reste que le protocole issu des négociations comprend de réelles avancées pour lutter contre la cybercriminalité et faciliter l’accès aux preuves électroniques. Le rapporteur suggère quelques améliorations, en vue de renforcer notamment le principe de proportionnalité. Cet objectif est louable mais il ne saurait faire tomber le texte issu des négociations, difficiles, menées ces dernières années et qui aboutit à un « équilibre raisonnable ». Le mieux est toujours souhaitable mais il est hélas parfois l’ennemi du bien, de sorte que l’Assemblée parlementaire doit faire preuve de prudence en la matière.

4.   La remise de plusieurs distinctions décernées par l’Assemblée parlementaire

a.   La cérémonie d’attribution du Prix Václav Havel 2021

Le Prix des droits de l’Homme Václav Havel, créé en 2013 à l’initiative de M. Jean-Claude Mignon, alors Président de l’APCE, récompense des actions exceptionnelles de la société civile pour la défense des droits de l’Homme. Chaque année, lors de la partie de session d’automne, l’Assemblée parlementaire, en partenariat avec la Bibliothèque Václav Havel et la Fondation Charte 77, remet ce prix en mémoire du célèbre dramaturge tchèque, opposant au totalitarisme, artisan de la Révolution de Velours de 1989 en Tchécoslovaquie, symbole de la défense des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe. Il se décompose en une somme de 60 000 euros, un trophée et un diplôme.

L’édition 2020 de ce prix a été remise conjointement à Mme Loujain Alhathloul, dirigeante du mouvement féministe saoudien qui a passé plus de mille jours en prison et, depuis février 2020, reste assignée à résidence, pour avoir fait campagne afin de mettre fin au système de tutelle masculine et aux abus contre les femmes dans le Royaume d’Arabie Saoudite.

Pour 2021, le jury, composé de personnalités indépendantes et présidé par M. Rik Daems (Belgique – ADLE), en sa qualité de Président de l’Assemblée parlementaire, avait retenu les candidatures de :

– Mme Maria Kalesnikava, l’une des figures de proue de l’opposition politique à Alexandre Loukachenko en Biélorussie qui, après avoir déchiré son passeport à la frontière pour ne pas être expulsée de force, se trouve emprisonnée à Minsk depuis septembre 2020 et a été condamnée le 6 septembre dernier à onze ans de prison pour « complot visant à s’emparer du pouvoir » ;

– l’organisation Reporters Sans Frontières, ONG internationale de premier plan qui défend depuis 1985 la liberté d’expression et d’information en apportant un soutien d’urgence à des milliers de journalistes en danger dans le monde et qui soutient la démocratie en faisant reculer la désinformation ;

– et M. Germain Rukuki, défenseur burundais des droits humains condamnés en 2018 à trente-deux ans de prison, et dont la peine a depuis été réduite, conduisant à sa libération cette année.

C’est la figure de l’opposition biélorusse Maria Kalesnikava qui a finalement été désignée lauréate du Prix des droits de l’Homme Václav Havel 2021. Du fait de son emprisonnement en Biélorussie, cette distinction a été remise à sa sœur, Mme Tatsiana Khomich, lors de la cérémonie organisée à cet effet à l’ouverture de la session d’automne, le lundi 27 septembre.

b.   La remise officielle des diplômes européens 2020 et 2021

Jeudi 30 septembre, la sous-commission du prix de l’Europe a officiellement remis, au cours d’une cérémonie dans l’enceinte du Palais de l’Europe, les diplômes européens attribués au titre des années 2020 et 2021 aux villes européennes retenues pour leurs actions dans le domaine européen (jumelages, manifestations, échanges, etc.).

Pour 2020, ont ainsi obtenu ce diplôme : Neumarkt in der Steiermark (District de Murau en Autriche), Bayeux (en Normandie), Velbert (en Rhénanie-du-Nord-Westphalie), Cavaglià (dans le Piémont), Contigliano (dans le Latium), Reggio Emilia (en Émilie-Romagne), Bilbao (au Pays Basque), Tarragone (en Catalogne), Çiğli (située dans la région égéenne turque), Çorlu (dans la région de Marmara), Selçuk (dans la région égéenne turque) et Poltava (dans l’Oblast du même nom, en Ukraine).

Pour 2021, les récipiendaires ont été : Nagold (dans le Bade-Wurtemberg), Santhià (dans le Piémont), Cascais (dans la région de Lisbonne), Beşiktaş (dans la région de Marmara), Kirklareli (dans la région de Marmara) et Konak (dans la région égéenne turque).

C.   LES auditions et Échanges de l’APCE avec plusieurs personnalitÉs

1.   L’intervention en séance plénière de personnalités politiques

a.   Les échanges de l’Assemblée parlementaire avec Mme Stella Kyriakidès, commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire

En ouverture de ses séances du mardi 28 septembre, l’Assemblée parlementaire a tenu un échange de vues avec Mme Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire, ancienne Présidente de l’APCE. Lors de son propos liminaire, cette dernière a notamment présenté le programme de la Commission visant à rendre l’Union européenne plus saine, plus inclusive, plus résiliente et plus durable. Elle a notamment souligné que la collaboration et la solidarité étaient les clés pour relever les défis futurs.

Se remémorant son appartenance à l’APCE et sa présidence de cette dernière, elle a évoqué les discussions importantes à l’ordre du jour de la session d’automne, et notamment celle sur le droit à un environnement sûr, sain et durable, y voyant le reflet de l’action à mener ensemble, aujourd’hui. La santé de la planète et de ses habitants forme un tout car la santé végétale, la santé animale et la santé humaine sont indissociables.

La commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a passé en revue l’action de l’Union visant à fournir des vaccins à tous les Européens et ses plans pour la résilience sanitaire future. Relevant que personne n’est en sécurité tant que nous ne le sommes pas tous, elle a appelé à un accès universel et équitable aux vaccins et aux traitements contre le SARS-CoV-2, qui est à la fois une priorité absolue et un impératif moral. À cet égard, elle a plus particulièrement vanté les efforts de l’Union européenne pour travailler avec les pays partenaires, exporter des vaccins à l’étranger et être le fer de lance du déploiement mondial des vaccins via l’initiative COVAX (Covid-19 Vaccines Global Access).

Mme Stella Kyriakides a salué le travail du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire pour répondre immédiatement aux immenses défis de la pandémie et elle lui a demandé instamment de mettre son autorité morale au service de l’effort renouvelé pour créer une architecture sanitaire mondiale solide. Elle a également préconisé la réforme et le renforcement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), afin qu’elle puisse jouer son rôle essentiel de chef de file pour rendre le monde plus sûr contre les futures pandémies.

Pour faire face aux futures pandémies, l’Union européenne souhaite faire avancer quatre propositions clés, notamment un projet de nouvelle Autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires (HERA), ainsi que des mesures visant à renforcer les organes sanitaires existants de l’Union et à faire face aux graves menaces sanitaires transfrontalières.

La commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a également souligné le travail de son équipe sur le plan européen de lutte contre le cancer, qui s’articule autour de la coordination avec les États membres de l’Union européenne et d’autres partenariats, afin de combler le retard accumulé en matière de traitements, de soins et de prévention lié à la Covid-19. Elle s’est montrée optimiste sur le fait que, grâce à ces efforts, les réalités du cancer allaient changer.

En conclusion, elle a affirmé avoir conscience d’une convergence de visions et de déterminations pour travailler à la construction d’un avenir meilleur, qui ne laisse personne de côté.

Au cours des échanges qui s’en sont suivis, M. Alain Milon (Vaucluse – Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a souhaité savoir si le nombre de doses de vaccin contre la Covid-19 fournies par l’Union européenne au mécanisme COVAX venait en complément des doses fournies par les pays membres et quels sont les pays tiers. Il a aussi demandé si les États recevant gratuitement des vaccins par le biais de ce mécanisme endossaient les mêmes responsabilités que les États membres de l’Union, notamment en matière d’indemnisation des personnes qui subiraient un dommage à la suite de la vaccination.

La commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a rappelé que l’Union européenne, l’un des principaux bailleurs de COVAX, voulait contribuer à ce que les vaccins atteignent toute la planète. Elle a précisé que 130 pays avaient bénéficié de vaccins par ce biais et que l’objectif de vaccination du monde entier était plutôt une course de longue haleine, non un sprint. Le système COVAX, qui n’a que quelques mois d’existence, a déjà permis de sécuriser des millions de doses. En ce qui concerne les questions de responsabilité, la Commission a négocié et respecté les responsabilités de l’Union en matière de protection des citoyens, de sorte qu’il n’existe pas de problème à ce sujet pour le moment.

Après avoir indiqué qu’elle avait été l’initiatrice d’un rapport en France sur le parcours de soins pour les patients atteints de la borréliose de Lyme, sujet qui concerne plus d’un million d’Européens actuellement, et que le Parlement européen avait souhaité, dans une résolution du 15 novembre 2018, mettre en place un plan communautaire de lutte contre cette maladie avec, entre autres, des programmes de recherche clinique et fondamentale, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, a demandé à la Commissaire européenne quelles suites elle entend donner aux demandes du Parlement européen et s’il était envisagé par la Commission, qui finance des projets de recherche tels DualDur et ID-Lyme dans le cadre du Programme Horizon 2020, de mettre en place un budget fléché pour une recherche dédiée aux maladies vectorielles à tiques, en particulier la borréliose de Lyme.

En réponse, la commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a reconnu que la maladie de Lyme suscite un grand intérêt au sein du Parlement européen. Si peu de gens la connaissent, elle n’en reste pas moins une maladie très grave. Dans le cadre du programme européen de santé et du programme Horizon, la Commission européenne va essayer de mieux coordonner les efforts, en particulier la recherche autour de ce type de maladie.

b.   L’allocution de M. Nikola Dimitrov, vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord

Le dernier jour de sa session d’automne, l’APCE a écouté une allocution de M. Nikola Dimitrov, vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord. Ce dernier est symboliquement resté silencieux dans l’hémicycle pendant seize secondes, avant d’entamer son propos, afin d’illustrer les seize années d’attente, jusqu’à aujourd’hui, pour un lancement formel du processus d’adhésion à l’Union européenne. Il a regretté que cette attente perdure toujours.

Même si au cours de son déplacement dans la région, la Présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen a martelé le message « ne perdez pas la foi, votre avenir est européen », la Macédoine du Nord est probablement l’exemple le plus criant de certains aspects négatifs de la procédure d’élargissement de l’Union européenne. Le pays s’est lancé dans ce parcours après la Slovénie et avant la Croatie. La Croatie est membre de l’Union européenne depuis huit ans maintenant et la Macédoine du Nord n’est toujours pas dans la phase de pré-adhésion.

La raison profonde de ce retard est liée, non pas au manque de réformes, aux conflits yougoslaves, mais aux problèmes qui ont longtemps concerné le pays et un État voisin, la Grèce. Ces problèmes ont été résolus en 2018, avec l’Accord de Prespa. Il s’agit sans doute de l’un des plus grands efforts en matière de résolution des conflits après les accords de Dayton dans la région. Cet Accord de Prespa a été en outre précédé d’un important accord d’amitié et de coopération avec un autre voisin, la Bulgarie.

Les difficultés actuelles avec la Bulgarie ne portent pas sur des territoires. Il s’agit de questions d’histoire, d’identité et de langue. La situation nuit profondément à l’amitié entre les deux nations et perturbe les politiques européennes dans la région. La position des autorités de Bulgarie est d’autant moins compréhensible qu’elle entre en contradiction avec l’article 2 du traité d’amitié, stipulant que la Bulgarie assistera les efforts de la Macédoine du Nord sur le chemin de l’Union européenne ; au lieu de cela, elle a bloqué à deux reprises l’ouverture de négociations en vue d’une adhésion à l’Union.

La Macédoine du Nord fait partie d’une région qui commerce avec le marché commun depuis plus de trois décennies, où tous les investissements proviennent d’entreprises européennes depuis plus de trois décennies également. Elle appartient à une zone d’une importance capitale pour la propre stabilité de l’Union européenne, qu’il s’agisse du crime organisé ou de la lutte contre le terrorisme ou encore de la crise migratoire de 2015-2016.

Il est vraiment temps, désormais, d’aller de l’avant. Chacun doit assumer ses responsabilités. Le moment est venu de montrer à la région que l’Union européenne prend au sérieux sa promesse faite lors du Sommet de Thessalonique, dont l’absence de réalisation fait des ravages. Le statu quo affaiblit les forces pro-européennes et rend d’autres forces, plus nationalistes, plus solides.

Si l’Europe perd la confiance des peuples des Balkans, qu’elle doute que leur avenir soit avec elle, elle risque de perdre la région. Or, une perte de la vision européenne de la région ouvrirait la voie à d’autres visions, plus sinistres. Pour conjurer cette perspective, les dirigeants européens doivent adresser un signal politique fort, lors du Sommet d’octobre entre l’Union européenne et les Balkans, en Slovénie, confirmant que l’avenir de cette région s’inscrit dans l’Union européenne.

À l’occasion des échanges du vice-Premier ministre avec les membres de l’Assemblée parlementaire, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche) s’est déclaré heureux d’apporter tout le soutien du groupe ADLE aux efforts de la Macédoine du Nord, notamment à travers les Accords de Prespa et d’Ohrid, qui ont permis d’éviter une nouvelle guerre dans les Balkans. Considérant que la Macédoine du Nord affirme des valeurs démocratiques profondes, une volonté de changement, une volonté d’intégration et de convergence, il a demandé à M. Nikola Dimitrov quel est le projet européen que son pays défend pour se rapprocher et s’intégrer à l’Union européenne, perspective que le groupe ADLE soutient.

En réponse, le vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord a considéré qu’il n’y a pas d’alternative à devenir européen. Cette perspective sera plus accessible avec une réforme du processus d’adhésion mais, en tout état de cause, les autorités de la Macédoine du Nord s’en tiendront au plan consistant à faire du pays une démocratie européenne fonctionnelle, régie par l’État de droit. M. Nikola Dimitrov a néanmoins mis en garde : lorsque l’Europe ne tient pas ses promesses, elle perd la confiance, voire l’influence qu’elle a dans cette région, qui se trouve pourtant géographiquement en son sein.

2.   L’audition des deux principaux responsables du Conseil de l’Europe

a.   La séance de questions à Mme Marija Pejčinović-Burić, Secrétaire générale du Conseil de l’Europe

Dans le cadre de son dialogue régulier avec l’APCE, la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Mme Marija Pejčinović-Burić, a répondu à plusieurs questions orales de membres de l’Assemblée parlementaire lors d’une séance spécifique sur le sujet, le 28 septembre. À la différence des autres personnalités, elle n’a pas prononcé de propos liminaire.

Au cours de ses échanges avec les membres de l’APCE, Mme Marija Pejčinović Burić a notamment souligné que la pleine exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme par les États membres revêt une importance capitale. Il s’agit là d’une obligation non négociable, essentielle au maintien du système de la convention européenne des droits de l’Homme. Elle a appelé les États membres à continuer d’appliquer et de respecter le principe de subsidiarité, en vertu duquel la convention est mise en œuvre par les juges nationaux, en s’inspirant de la jurisprudence de la Cour, ce qui entraîne une diminution du nombre de requêtes introduites à Strasbourg.

S’agissant de l’éventuelle participation du Conseil de l’Europe au dialogue sur les zones de conflits non réglés, la Secrétaire générale a mis l’accent sur le rôle joué par l’Organisation dans la sauvegarde de la sécurité démocratique et elle a rappelé à quel point il importe que ses organes de suivi puissent accéder sans entrave à ces zones.

Enfin, à l’approche du 60ème anniversaire de la Charte sociale européenne, Mme Marija Pejčinović Burić a souligné qu’un regain d’efficacité du système de la Charte s’impose et qu’elle avait présenté des propositions à cet effet au Comité des Ministres.

b.   La communication du président du Comité des Ministres, M. Péter Szijjártó, ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la Hongrie

Deuxième session du semestre de présidence hongroise du Comité des Ministres, la session plénière d’automne a été l’occasion, pour M. Péter Szijjártó, ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la Hongrie, de dresser un bilan de l’action de son pays en faveur du Conseil de l’Europe au cours des six mois écoulés. Il est intervenu à cet effet devant l’ensemble des membres de l’Assemblée parlementaire juste après la Secrétaire générale de l’Organisation, le 28 septembre, et a répondu à leurs questions.

Au cours de son propos liminaire, le ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la Hongrie a indiqué que la protection des droits des minorités nationales a été au centre d’une conférence de haut niveau organisée à Strasbourg, à la fin du mois de juin. Au début du mois de septembre, une autre conférence s’est tenue au Centre européen de la jeunesse, à Budapest, sur le rôle des organisations civiques et des instituts de recherche dans la promotion des normes et standards du Conseil de l’Europe sur les droits des minorités nationales. Deux conférences supplémentaires auront lieu en octobre : l’une à Strasbourg et l’autre à Budapest, portant respectivement sur les meilleures pratiques dans le domaine des droits des minorités nationales et sur les identités des minorités nationales. L’idée est de donner un élan à cette question en coopération avec le Représentant spécial du Secrétaire général sur l’antisémitisme, l’antimusulmans et les autres formes d’intolérance religieuse et de crimes de haine.

Vantant le dialogue interreligieux et la réconciliation, M. Péter Szijjártó a plaidé pour que l’Europe, qu’il a jugé fondée sur des valeurs chrétiennes, parle en faveur des communautés chrétiennes dans le monde, qui sont dans le besoin et persécutées. Il a illustré son propos par le programme « La Hongrie aide », qui a permis à 250 000 chrétiens de retourner chez eux ou de reconstruire leurs maisons, leurs églises, leurs hôpitaux, leurs écoles.

Afin de promouvoir la défense des enfants, la conférence « Droits, opportunités et bien-être des enfants et des jeunes à l’ère numérique » à Budapest, en octobre, accordera une attention particulière aux changements, aux dangers et aux opportunités apparus à la suite des mesures spécifiques mises en place pour lutter contre la pandémie depuis un an et demi, ainsi qu’aux défis quotidiens de l’éducation numérique et de l’apprentissage en ligne. Elle se concentrera particulièrement sur les droits des enfants et des étudiants, leur bien-être, ainsi que sur les valeurs familiales et la situation des familles.

Le président du Comité des Ministres a aussi insisté sur les dilemmes posés par l’intelligence artificielle, la révolution du secteur informatique, ainsi que le développement des plateformes de médias sociaux. Trop souvent, les dirigeants non élus des entreprises de haute technologie qui contrôlent ces plateformes ont une influence presque illimitée sur la liberté d’expression dans le cyberespace. Il apparaît donc nécessaire de réglementer cet espace afin que la liberté d’expression soit garantie. À cet égard, l’adoption par l’APCE d’un avis sur le 2ème protocole à la convention de Budapest sur le cybercrime, sur le renforcement de la coopération et la divulgation des preuves électroniques, constituera une première étape.

Se projetant enfin sur la fin de son semestre de présidence, M. Péter Szijjártó a évoqué la tenue d’une conférence ministérielle à Budapest, le 5 octobre 2021, sur la promotion de la numérisation de la justice et l’exploitation sûre de tout le potentiel de l’intelligence artificielle, la promotion de la lutte contre le changement climatique, la Hongrie ayant été le premier pays d’Europe à ratifier l’Accord de Paris et faisant partie des vingt-et-un pays du monde qui ont augmenté leur produit intérieur brut parallèlement à la réduction de leurs émissions, ainsi que la perspective des 60ème anniversaire de la Charte sociale européenne et 50ème anniversaire du Groupe Pompidou, célébrés à Strasbourg et Paris en octobre.

D.   LES rencontres et ÉvÉnements auxquels a parTicipÉ la dÉlÉgation française À strasbourg

1.   Un dîner de travail avec la représentante permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe

Mme Marie Fontanel, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe, a reçu la délégation française le dimanche 26 septembre 2021 pour un dîner de travail.

Étaient présents à ce dîner, outre Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation française, Mmes Martine Leguille-Balloy (Vendée – La République en Marche), Isabelle Rauch (Moselle – La République en Marche), Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche), Martine Wonner (Bas-Rhin – NI), ainsi que MM. Bertrand Bouyx (Calvados – La République en Marche), Dimitri Houbron (Nord – Agir Ensemble), Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), Didier Marie (Seine-Maritime – Socialiste, Écologiste et Républicain) et Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains).

Différents sujets y ont été abordés, à commencer par l’ordre du jour de la session d’automne de l’APCE.

Les différents rapporteurs appelés à présenter un rapport en séance plénière, à savoir Mme Nicole Trisse et M. Jacques Maire s’agissant de la réforme du Règlement et du rapport d’activité du Bureau, ou en commission, tel M. Bertrand Bouyx, concernant son rapport sur l’observatoire de l’enseignement de l’histoire en Europe, ont exposé leurs conclusions et fait part des principaux points de leurs travaux.

De même, les participants à certaines missions d’observation ou d’évaluation de récentes élections, en l’occurrence intervenues en Moldavie et en Russie, ont-ils pu présenter leur analyse personnelle du déroulement de ces scrutins.

Enfin, les échanges ont aussi porté sur certains débats d’importance particulière, tel l’avis à donner sur le second protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité, relatif au renforcement de la coopération et de la divulgation de preuves électroniques, ou encore le débat concernant l’ancrage du droit à un environnement sain dans les standards juridiques européens.

2.   L’entretien de la présidente de la délégation avec son homologue de la délégation de l’État d’Israël

Mercredi 29 septembre, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, a reçu à sa demande Mme Emilie Haya Moatti, nouvelle présidente de la délégation de l’État d’Israël. Bien que ce pays ne possède pas le statut d’observateur du Conseil de l’Europe, la Knesset a obtenu un statut d’observateur ad hoc en 1957, officialisé par l’APCE en 1961.

Aux termes des articles 48 et 63 du Règlement, ce statut permet aux délégations de siéger à l’Assemblée parlementaire sans droit de vote. Leurs membres peuvent prendre la parole durant les séances et réunions de commissions ou sous-commissions.

Différents sujets ont été abordés lors de la conversation, notamment les stratégies vaccinales retenues en Israël et en France, le contexte politique né du dernier renouvellement de la Knesset et de l’accession de M. Naftali Bennet à la charge de Premier ministre, les incidences de la crise sanitaire liée au coronavirus sur les écoles et les systèmes d’enseignement respectifs des deux États, ainsi que la place des femmes dans la vie politique de chacun des pays.

A également été évoquée la perspective de la commémoration de la Shoah, le 27 janvier 2022, à l’occasion de laquelle un rapport sur la lutte contre l’antisémitisme devrait être examiné en séance plénière par l’Assemblée parlementaire.

3.   L’accueil, sur le parvis du Palais de l’Europe, de la petite Amal, symbole des enfants réfugiés syriens

Jeudi 30 septembre, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, et M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), président du groupe ADLE, ont participé à l’accueil de la marionnette de la petite Amal par le Président de l’APCE, Rik Daems, la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejčinović Burić, et des élèves de la ville. Cette marionnette animée de 3,5 mètres de haut représente une fillette syrienne réfugiée de 9 ans traversant l’Europe à pied et vise à sensibiliser l’opinion publique sur la situation des enfants réfugiés.

Son étape à Strasbourg est l’une des étapes de « La Marche », voyage de quelque 8 000 kilomètres de la frontière syrienne jusqu’au Royaume-Uni, ponctué d’arrêts dans des villes et villages le long d’un parcours conçu comme un « festival itinérant d’art et d’espoir en faveur des réfugiés ». La petite Amal a ainsi jusqu’à présent traversé la Turquie, la Grèce et l’Italie, où elle a rencontré le Pape François au Vatican.

Après avoir remonté l’allée principale menant au Palais de l’Europe, la petite Amal a échangé des présents avec les enfants et fait l’objet de discours de bienvenue attirant, par la même occasion, l’attention sur l’expérience des enfants réfugiés partout dans le monde et visant aussi à mettre en lumière les travaux du Conseil de l’Europe pour protéger les droits des enfants réfugiés et migrants.

La marionnette petite Amal et « La Marche » sont la concrétisation d’un projet de la Handspring Puppet Company d’Afrique du Sud et du Théâtre Good Chance, qui travaille avec des réfugiés depuis 2015.


III.   Des Échanges en plÉniÈre denses et variÉs, portant notamment sur l’environnement comme nouveau champ des droits de l’homme et sur l’actualitÉ internationale

A.   Le respect de la dÉmocratie et des ASPIRATIONS DES PEUPLES, cœur de la mission de l’assemblÉe parlementaire

1.   Le bilan de plusieurs missions d’observation électorale à travers le rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente

À l’occasion de la première séance de la session d’automne, le lundi 27 septembre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a examiné le rapport de M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), faisant office de rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente. Ont été validés par la même occasion :

– les constats dressés par de la commission ad hoc d’observation des élections législatives anticipées en Arménie du 20 juin 2021, sur la base du rapport de M. George Katrougalos (Grèce – GUE), président de cette commission ;

– le rapport final de M. Stefan Schennach (Autriche – SOC), président de la commission ad hoc désignée pour observer le bon déroulement des élections législatives en République de Moldavie, le 11 juillet 2021 ;

– les conclusions de la commission ad hoc désignée pour observer les élections législatives anticipées en Bulgarie, organisées le 11 juillet elles-aussi, sur le rapport de M. Alfred Heer (Suisse – ADLE), président de cette commission.

En ouverture de la discussion générale, M. Jacques Maire a évoqué la mission d’observation des élections législatives en Russie, qui s’est déroulée du 17 au 20 septembre et dont il était membre. Après avoir rappelé les modalités de celle-ci et déploré que l’OSCE et le BIDDH n’aient pu déployer d’observateurs, il a fait état de préoccupations très sérieuses sur l’organisation et le déroulement du scrutin, tout en indiquant qu’un rapport plus spécifique alimenterait le travail en cours sur le suivi du respect, par la Fédération de Russie, de ses engagements et obligations d’État membre.

Le rapporteur a relevé la bonne coopération des autorités russes avec la mission d’évaluation électorale pour le déroulement de ses auditions et visites dans les bureaux de vote et il les a encouragées à poursuivre et améliorer cette coopération et ce dialogue, notamment dans le cadre de la commission de suivi.

Il a souligné ensuite que d’autres observations électorales avaient pu se tenir, en Europe et au-delà – en Arménie, en Moldavie, en Bulgarie et au Maroc –, ce qui prouve que la pandémie ne peut plus être un prétexte pour manquer aux obligations auprès du Conseil de l’Europe.

Il a enfin conclu sa présentation en mentionnant deux pays aux confins géographiques du Conseil de l’Europe. Tout d’abord, il a noté que la situation en Afghanistan avait incité les cinq groupes politiques à demander un débat d’urgence sur ses conséquences pour l’Europe et la région. Ensuite, il a déploré que la répression des opposants et à l’encontre de la société civile se poursuive de manière massive en Biélorussie, l’APCE appelant à la libération immédiate des quelque 650 prisonniers politiques détenus, puis s’est indigné que le pouvoir biélorusse instrumentalise les flux migratoires aux frontières avec la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, selon une forme de « guerre hybride ».

M. Jacques Le Nay (Morbihan – Union Centriste) a souligné que, le 27 août, était célébré le trentième anniversaire de l’indépendance de la République de Moldova. Cet État est membre du Conseil de l’Europe depuis vingt-six ans et son adhésion a illustré la volonté de créer un État démocratique. Néanmoins, intéresser les citoyens à la politique demande un effort sans cesse renouvelé, même dans les démocraties les plus anciennes. Après la crise institutionnelle de 2019 et la polarisation de la campagne qui en a découlé, les élections de 2021 se sont déroulées dans le calme mais la participation s’est établie à 48,51 %, ce qui témoigne d’une forme de défiance à l’égard des institutions et du processus électoral.

La commission ad hoc observant les élections a relevé un certain nombre de points de satisfaction. D’abord, la réforme du code électoral a permis, d’une part, de revenir à un scrutin proportionnel plus représentatif et, d’autre part, de renforcer la place des femmes sur les listes électorales, conformément aux recommandations de la Commission de Venise. Ensuite, les restrictions mises en place pour lutter contre la crise sanitaire n’ont pas entravé la campagne.

Toutefois, des difficultés persistent. La campagne a été marquée par les controverses sur le nombre de bureaux de vote ouverts à l’étranger, ce qui a généré des recours juridiques. Les dispositions législatives relatives aux plaintes doivent par ailleurs être revues pour être pleinement efficaces. Le renforcement du contrôle des dépenses de campagne est nécessaire pour garantir l’équité entre les candidats. Enfin, la partialité des principaux médias, du fait de leur affiliation partisane, affaiblit les dispositions légales en vigueur, qui tendent à assurer une certaine équité médiatique entre les candidats.

Tout en se félicitant que ces élections aient mis fin à la période d’instabilité politique que traversait la Moldavie depuis plusieurs années, M. Jacques Le Nay a conclu que des réformes sont indispensables. Celles-ci devront être engagées rapidement, notamment pour lutter contre la corruption et renforcer l’indépendance de la justice. Dans ce cadre, le Conseil de l’Europe devrait être appelé à appuyer le nouveau gouvernement moldave.

N’ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu’il ait été présent dans l’hémicycle, M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicain) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l’APCE. Dans celle-ci, il fait valoir que, depuis février 2019, la République de Moldova a été plongée dans une crise constitutionnelle qui a connu de multiples rebondissements. Depuis lors, le pays n’a cessé d’endurer une instabilité politique préjudiciable.

Dans ce contexte, les élections législatives anticipées qui se sont tenues le 11 juillet 2021 revêtaient une importance particulière car elles devaient mettre fin à cette période de crise et permettre enfin la réalisation des réformes tant attendues par le peuple moldave. Compte tenu de cet enjeu, les résultats de la mission d’observation de l’APCE étaient très attendus.

Ces élections ont apporté la preuve de la grande maturité démocratique des citoyens moldaves et de leur volonté farouche d’améliorer la situation politique de leur pays. Malgré une campagne fortement polarisée, notamment en raison de l’affiliation partisane des principaux organes de presse, le scrutin s’est bien déroulé. Le rapporteur a même parlé de fête pour ces élections, ce qui démontre une nouvelle maturité démocratique et un beau cadeau pour les trente ans de cette jeune République.

Mme Maïa Sandu, la nouvelle Présidente de la République, souhaitait un Parlement stable, ce que laisse augurer ces élections. Le nouveau gouvernement, mis en place en août 2021, a annoncé qu’il mettrait notamment l’accent sur la lutte contre la corruption et la réforme du système judiciaire. Ces deux points sont fondamentaux pour l’avenir du pays et il convient d’encourager les autorités moldaves à faire preuve de fermeté et de ténacité.

N’ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu’il ait été présent dans l’hémicycle, M. Didier Marie (Seine-Maritime – Socialiste, Écologiste et Républicain) a également pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l’APCE. Dans celle-ci, il rappelle que les élections législatives anticipées en Bulgarie ont eu lieu parce que les partis élus au Parlement à la suite des élections du 4 avril ne sont pas parvenus à former un nouveau gouvernement. Les Bulgares étaient donc appelés à se rendre aux urnes pour la deuxième fois en trois mois, ce qui peut expliquer en partie une nouvelle baisse de la participation.

Cette abstention semble également s’expliquer par la défiance des électeurs à l’égard des institutions, les accusations mutuelles de corruption et de malversations financières pendant la campagne n’incitant pas à la mobilisation. La Bulgarie est le pays de l’Union européenne le moins bien classé au titre de la corruption par Transparency International.

Contrairement aux recommandations de la Commission de Venise, le gouvernement provisoire a adopté des modifications substantielles deux mois et demi avant le scrutin. Il a introduit les machines à voter et modifié la composition de la Commission électorale centrale. Toutefois, dans les bureaux de vote, les opérations électorales se sont bien déroulées. Malgré tout, des difficultés demeurent, tel l’achat de voix.

Si ces nouvelles élections ont permis une véritable mise en concurrence des candidats et si les libertés fondamentales ont été respectées, il est essentiel de rétablir la confiance entre l’État et les citoyens et de traiter les problèmes structurels. La lutte contre la corruption devra être une priorité du prochain gouvernement, de même que le respect de l’indépendance des médias.

À défaut de majorité claire, les Bulgares seront appelés à se rendre aux urnes une troisième fois cette année. Il faut espérer que cette nouvelle élection mobilisera davantage, dans un contexte plus apaisé, et qu’elle permettra de donner au pays un gouvernement capable de s’attaquer réellement à la corruption.

2.   Les Balkans occidentaux, entre défis démocratiques et aspirations européennes : quel rôle pour le Conseil de l’Europe ?

Sur proposition des cinq groupes politiques, le Bureau de l’APCE a inscrit à l’ordre du jour un débat d’actualité sur les Balkans occidentaux, région entre défis démocratiques et aspirations européennes, afin de s’enquérir du rôle que peut jouer le Conseil de l’Europe. Ce type de débats, prévu à l’article 53 du Règlement de l’Assemblée parlementaire ne donne pas lieu à la présentation d’un rapport, ni à un vote, mais plutôt à une discussion générale libre. Il s’est tenu, en l’occurrence, le jeudi 30 septembre, en fin de matinée.

En introduction de la discussion, M. George Papandreou (Grèce – SOC), premier orateur désigné par le Bureau, a rappelé avoir eu l’honneur, en 2003, d’avoir préparé le Sommet de Thessalonique entre les Balkans occidentaux et l’Union européenne. Il a indiqué que les participants s’étaient alors mis d’accord sur un certain nombre de points importants, tels que :

– la réaffirmation par l’Union européenne de son soutien sans équivoque à la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux ;

– le partage des valeurs de la démocratie, de l’État de droit, du respect des droits de l’Homme et des minorités, principes fondamentaux tant pour l’Union que pour le Conseil de l’Europe ;

– la priorité majeure de la lutte contre le crime organisé et la corruption, obstacles à la stabilité démocratique et à l’État de droit ;

– l’antinomie de la perspective européenne avec la fragmentation et les divisions selon des critères ethniques.

Cette feuille de route a élaboré des repères concrets pour guider en toute sécurité les pays de la région vers l’adhésion à l’Union européenne. Cette perspective a suscité de l’enthousiasme et un élan de changement dans ces pays. Elle a fait naître l’espoir que la paix s’installerait enfin et que l’État de droit démocratique s’imposerait, avec en toile de fond une garantie de prospérité dans un magnifique kaléidoscope de diversité ethnique et de traditions.

Depuis lors, l’Union européenne a fait trop peu, trop tard. Il est temps qu’elle accélère le processus d’intégration en relançant les négociations avec la Serbie et le Monténégro, en les établissant avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, en accordant le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine et en libéralisant les visas d’entrée au Kosovo. Ceci est de la plus haute importance car la vision et les valeurs européennes perdent de leur éclat. À leur place, le nationalisme a refait surface.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant d’assister à une nouvelle instrumentation géopolitique de la région, avec des tiers qui, une fois de plus, se disputent l’influence et fracturent les Balkans. Certains gouvernements ont récemment fait circuler des documents officieux promouvant le redécoupage des frontières sur la base de pays ethniquement purs. Il serait inconséquent d’ouvrir cette boîte de Pandore. Cette idée pourrait conduire à de nouveaux massacres et bains de sang.

L’APCE peut elle-même apporter une contribution majeure si elle ravive l’espoir d’une perspective européenne pour les Balkans occidentaux, si elle formule des recommandations aux autorités concernées et si elle utilise davantage, pour des réformes institutionnelles, ses capacités et son expertise, ainsi que la Commission de Venise, le GRECO, de même que les groupes d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains et la violence à l’égard des femmes (GRETA et GREVIO).

Lors du débat, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche) s’est déclaré déçu par la teneur d’échanges se limitant, bien souvent, à rejeter la responsabilité des uns sur les autres, à ne pas regarder quelle est sa propre part de chemin à faire. Il a douté que cela permette à la région de surmonter ses difficultés.

La réalité de l’impact de la déstabilisation des Balkans sur l’avenir de l’Europe n’est pas discutée. Les guerres balkaniques ne sont pas si anciennes. Le bilan lui-même, d’ailleurs, de ce qu’ont été les négociations d’élargissement dans les Balkans n’a pas vraiment été fait.

La phase d’élargissement est une période de contrainte : elle permet une convergence. Une fois intégrés dans l’Union européenne, certains États membres privilégient les aides aux valeurs, ce qui pose ensuite énormément de problèmes. Remettre du capital politique dans le processus signifie prendre au sérieux ce qu’est le projet européen et ne pas être ambigu sur ses intentions. De ce point de vue, la démarche de la Macédoine du Nord, qui a fait des arbitrages politiques très importants vis-à-vis de ses voisins, montre la voie même s’il y a encore beaucoup à faire.

Imputer la responsabilité du retard de la négociation concernant l’Albanie et la Macédoine du Nord à l’Union européenne n’est pas sérieux. La réalité est que de nouveaux problèmes balkano-balkaniques sont apparus ces derniers mois entre la Bulgarie et ses voisins. Cette situation illustre qu’un État membre de l’Union n’a pas vraiment intégré les valeurs à la base de toute adhésion.

La nouvelle procédure de négociation des adhésions à l’Union européenne est positive. Elle permet effectivement de faire en sorte que les populations puissent être plus rapidement bénéficiaires de l’élargissement, à partir du moment où une politique donnée a été négociée. Par-delà ces aspects techniques, il y a aussi une dimension politique : il est difficile aujourd’hui, au sein d’une Union européenne elle-même divisée entre deux visions de l’Europe, d’avoir un débat dépassionné sur le sujet lorsque l’on ne sait pas si certains pays candidats veulent renforcer l’Europe ou au contraire accentuer sa division de l’intérieur.

Malgré tout, les messages d’espoir et d’engagement attendus par la Macédoine du Nord doivent être donnés très rapidement pour fixer la voie pour cet élargissement nécessaire de l’Union européenne vers les Balkans.

N’ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu’il ait été présent dans l’hémicycle, M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l’APCE. Dans cette intervention, il relève que les Balkans occidentaux recouvrent la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie mais que la question du Kosovo reste délicate, plusieurs États membres du Conseil de l’Europe ne reconnaissant pas son indépendance.

Les États des Balkans occidentaux aspirent à adhérer à l’Union européenne : la Croatie est déjà membre et quatre autres sont officiellement candidats. À plusieurs moments clés de l’Histoire de cette région, l’Union a failli à les intégrer en raison de sa pusillanimité. Pour autant, l’Union n’est pas seule responsable. Au prix d’efforts considérables et d’une profonde réforme de ses institutions, la Croatie a pu dès 2013 en devenir membre. Dans ce processus global d’intégration européenne, le Conseil de l’Europe joue un rôle essentiel par ses recommandations. En effet, les États des Balkans occidentaux sont de jeunes démocraties qui ont besoin de son expertise technique pour mettre en place les réformes destinées à garantir la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme. Les remarques formulées dans les rapports d’observation des élections et les recommandations de la Commission de Venise sont à cet égard particulièrement utiles. Il en va de même des recommandations du GRECO, la lutte contre la corruption devant être une priorité, tout comme l’indépendance de la justice et la liberté des médias.

La présence de minorités importantes au sein de chaque État et l’Histoire complexe de la région ne doivent pas être instrumentalisées à des fins politiques. M. André Gattolin s’est félicité que M. Dimitrov ait annoncé devant l’Assemblée parlementaire l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Observatoire de l’enseignement de l’histoire en Europe, dont la création est l’une des initiatives majeures du Conseil de l’Europe ces dernières années. Il a encouragé l’ensemble des autres États des Balkans à faire de même. Tous les pays et peuples d’Europe sont marqués par les blessures du passé, les pays des Balkans peut-être plus que les autres encore ; surmonter ces blessures constitue l’un des enjeux essentiels pour que l’Europe puisse en amont et au-delà de l’adhésion à l’Union faire communauté.

B.   l’enjeu d’une meilleure prise en compte de l’environnement, droit de l’homme de nouvelle gÉnÉration

1.   La vision d’un panel de haut niveau sur l’interaction entre l’environnement et les droits humains et sur le droit à un environnement sain, sûr et durable

Dans le prolongement d’une initiative prise lors de la session d’été concernant la convention d’Istanbul, le Bureau de l’APCE a décidé que l’Assemblée parlementaire consacrerait une partie de son ordre du jour à des échanges avec un panel de haut niveau sur l’environnement et les droits humains, sous l’angle du droit à un environnement sain, sûr et durable. Cette séquence, réunissant pour l’occasion le Secrétaire général de l’ONU, M. António Gutteres, la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Mme Marija Pejčinović-Burić, le Président de la République hongroise, M. János Áder, le Président de la Chambre des députés d’Italie, M. Roberto Fico, le Secrétaire d’État du Portugal, M. Eduardo Pinheiro, le juge britannique à la Cour européenne des droits de l’Homme, M. Tim Eicke, et une activiste pour le climat et les droits humains, Mme Anuna de Wever Van der Heyden, s’est déroulée à l’ouverture de la séance du mercredi 29 septembre après-midi.

Au cours d’un message vidéo préenregistré, M. António Gutteres, Secrétaire général de l’ONU a spécifiquement déclaré que la destruction du milieu naturel atteint un point de non-retour alors même que les droits de l’Homme et l’environnement sont inséparables : sans biosystème sain, il n’existe pas de réels droits humains. Il a jugé indispensable d’accélérer les efforts pour lutter contre le réchauffement climatique et d’adopter un changement radical, basé notamment sur la reconnaissance du droit à un environnement sain.

Mme Marija Pejčinović-Burić, Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, a vu dans la convention européenne des droits de l’Homme et la Charte sociale européenne, instruments de droit international vivants qui doivent être interprétés à la lumière de notre époque et s’adapter aux nouveaux enjeux dans le domaine des droits de l’Homme, un socle de règles utilisables à l’encontre des dommages causés à l’environnement dont la Cour de Strasbourg fait l’usage. Elle a également mis en exergue le travail d’accompagnement des États dans le respect leurs obligations que réalise le Conseil de l’Europe, citant à cet égard le manuel sur les droits de l’Homme et l’environnement et des cours en ligne sur le sujet. Elle a enfin indiqué qu’un groupe d’experts prépare une nouvelle recommandation sur les droits de l’Homme et l’environnement et examine également l’opportunité de nouveaux instruments contraignants.

Après avoir constaté que le nombre de catastrophes naturelles a été multiplié par cinq et que les dégâts matériels ont été multipliés par sept au cours des cinquante dernières années, M. János Áder, Président de la République hongroise, a déploré que, six ans après l’adoption de l’Accord de Paris, les États parties soient un peu plus éloignés des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre qu’ils l’étaient en 2015. Il a insisté sur la crise de l’eau, dont l’impact devient mondial, ainsi que sur la déforestation et la biodiversité. Il a ensuite fait valoir que la Hongrie, l’un des premiers États membres de l’Union européenne à avoir ratifié l’Accord de Paris, a diminué ses émissions de CO2 de 32 % par rapport à 1990 ; en outre, son Parlement a adopté une loi fixant à 2050 l’objectif de neutralité carbone du pays. Il a enfin appelé les décideurs à changer leur mode de pensée économique, en intégrant les coûts externes, et à intégrer davantage dans les politiques publiques la logique de prévention, moins coûteuse que l’atténuation des dommages.

M. Roberto Fico, Président de la Chambre des députés d’Italie, a souscrit à l’approche intégrée de l’environnement et des droits humains proposée par l’Assemblée parlementaire. Il s’est montré favorable à l’adoption de règles internationales consolidées en la matière et a souligné que la Chambre des députés de l’Italie était saisie actuellement d’un projet de loi constitutionnelle introduisant, au sein des principes fondamentaux de la République, la protection de l’environnement, de la biodiversité et des écosystèmes. Il a jugé nécessaire de conduire des politiques transversales en la matière, associant les citoyens. Il a conclu par l’engagement de l’Italie, au travers du G20 et de la COP 26, à contribuer à des avancées politiques concrètes et multilatérales en faveur de la croissance durable, considérant que les débats de l’APCE pouvaient inspirer certaines des discussions à venir à Rome et à Glasgow.

M. Eduardo Pinheiro, secrétaire d’État du Portugal, a souligné que le Portugal a été le premier pays au monde à inclure dans sa Constitution le droit à un cadre de vie humain, sain et écologiquement équilibré. Il a jugé important de reconnaître que notre dépendance à l’égard des ressources naturelles de la Terre est fondamentale pour la vie, considérant que leur destruction constitue une violation ou est liée à la violation des droits de l’Homme. Face au changement climatique, il a estimé que l’Union européenne montre la voie avec le pacte vert pour l’Europe et le paquet « Ajustement à l’objectif 55 », cadre d’une relance durable et neutre en carbone. Il a indiqué que le Portugal prendra sa part des décisions prises lors de la quinzième conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (CDB COP 15) et lors de la COP 26 de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Il a plaidé, en conclusion, en faveur d’une reconnaissance universelle du droit à un environnement sain, à un air pur, à l’eau potable, à une alimentation saine, à des océans propres, à un climat stable, à la biodiversité et à des écosystèmes sains.

M. Tim Eicke, juge britannique à la Cour européenne des droits de l’Homme, a rappelé que depuis près de trente ans, cette juridiction n’a cessé de reconnaître dans sa jurisprudence, à travers plus de 350 arrêts et décisions, l’importance croissante de la protection de l’environnement et son interrelation avec la jouissance des droits de l’Homme. Reconnaissant les limites de la protection que la Cour de Strasbourg a pu offrir jusqu’à présent, il a fait valoir qu’il n’appartient ni à cette dernière, ni à aucun de ses juges, de s’exprimer sur l’opportunité ou la faisabilité d’un nouveau protocole à la convention européenne des droits de l’Homme, qui ferait expressément relever la protection de l’environnement de sa compétence. Il a néanmoins estimé que quelle que soit la réponse à cette question essentiellement politique, la Cour continuera à jouer son rôle dans les limites de ses compétences.

Mme Anuna de Wever Van der Heyden, activiste pour le climat et les droits humains, s’est présentée comme la voix de la génération qui vivra avec les conséquences des décisions prises aujourd’hui. Tout en reconnaissant l’intérêt de la promotion d’un changement dans le droit international et national, ainsi que dans les politiques gouvernementales, afin de garantir qu’un environnement sain soit reconnu comme un droit humain fondamental, elle a regretté que les responsables politiques manquent de courage pour la mise en œuvre de leurs promesses. Elle a rappelé à cet égard que le nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne clairement le fait que tout retard dans la mise en œuvre des mesures rend les scénarios les plus ambitieux, c’est-à-dire les seuls scénarios égaux et vivables, purement hypothétiques. Elle a indiqué que réclamer le droit à un avenir n’était pas la façon dont elle rêvait de passer sa jeunesse. En conclusion, elle a appelé le Comité des Ministres à faire preuve de courage et à concrétiser les résolutions et recommandations de l’APCE.

Au cours des interventions de parlementaires qui ont suivi, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche), s’exprimant au nom du groupe ADLE, s’est déclaré fier de la tenue de ce panel de haut niveau, résultat de deux ans d’efforts pour monter en puissance sur ce travail important.

Un consensus se dégage pour un passage aux actes. Le Conseil de l’Europe n’est ni l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ni la succursale de ses États membres. Si la Conférence de La Haye avait lieu aujourd’hui avec Konrad Adenauer, Winston Churchill et François Mitterrand, il apparaît évident que le droit à l’environnement serait inscrit dans la convention européenne des droits de l’Homme. Si la même chose se passait en 1990 au moment de la Charte sociale européenne, il en irait de même.

Il y a bien sûr quelques difficultés ici ou là ; il y a bien sûr la lourdeur du multilatéralisme ; il y a bien sûr les freins de quelques États. Mais les membres actuels de l’APCE appartiennent à une génération politique « charnière », celle pour laquelle les enfants et petits-enfants diront dans quelques années : « Grand-père, Papa, tu étais là, tu étais en responsabilité, tu vois où on en est maintenant ? Qu’est-ce que tu as fait ? »

Tout le monde sait parfaitement que la tendance actuelle est celle d’un réchauffement supérieur à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Il faut donc que chacun se mobilise. Cette journée de débats consacrée au sujet à l’APCE montre les voies de la mobilisation. Et, parmi elles, figurent effectivement la préparation de protocoles additionnels aux conventions majeures de l’Organisation. Ce n’est pas un tabou, ce n’est pas non plus un totem : c’est un sujet qu’il faut étudier.

L’Assemblée parlementaire a accompli le maximum qu’elle pouvait faire. Le moment est venu d’agir et Mme Anuna De Wever Van Der Heyden doit être remerciée pour son propos, qui n’est pas une culpabilisation mais simplement un rappel à nos responsabilités.

M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) a noté la prise de conscience collective que l’homme dégrade l’environnement dans lequel il vit et que cela menace sa santé mais aussi la pérennité de l’espèce humaine sur Terre. Il est donc opportun que l’APCE se saisisse de la question environnementale et de son rapport avec les droits humains.

Le droit à vivre dans un environnement sain a été introduit en droit national par plusieurs États membres. Malgré tout, le bilan de la mise en œuvre de l’Accord de Paris n’est pas satisfaisant. D’après un rapport de l’ONG Climate Action Tracker, de toutes les nations signataires du traité, seule la Gambie a pris des mesures concrètes, suffisantes, pour respecter ses engagements. Des engagements plus fermes doivent donc impérativement être pris lors de la prochaine COP 26 à Glasgow.

En l’espèce, il convient de s’approprier les mots de Saint-Exupéry : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ».

2.   Les implications juridiques concrètes du défi climatique

a.   L’ambition, pour le Conseil de l’Europe, d’ancrer le droit à un environnement sain dans les standards juridiques européens

Á l’occasion d’une journée de débats consacrée à l’ensemble des répercussions du changement climatique sur les droits humains, le mardi 28 septembre, l’APCE a adopté, sur le rapport de M. Simon Moutquin (Belgique – SOC), au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution et une recommandation portant l’ambition, pour le Conseil de l’Europe, d’ancrer le droit à un environnement sain dans les standards juridiques européens.

En introduction de la discussion générale, le rapporteur a rappelé les récentes inondations en Belgique et en Allemagne, où des centaines de personnes ont été tuées et des milliers d’habitations détruites ou endommagées, les feux de forêt en Espagne, en Grèce, en Turquie ou encore en Sibérie, ainsi que les records de chaleur au Canada pour alerter sur les bouleversements environnementaux qui s’annoncent. Les prévisions faites par les scientifiques depuis près de cinquante ans se confirment chaque jour davantage et, l’été dernier, l’ultime rapport du GIEC estimait que le réchauffement de 1,5°C prévu initialement pour 2040 était à craindre pour 2030.

Près d’un tiers des espèces connues sont aujourd’hui menacées d’extinction. La pollution atmosphérique est responsable de plus de 700 000 décès par an en Europe, alors qu’à l’échelle du globe un quart des décès est imputable au dérèglement climatique.

Face à ces constats, il apparaît urgent de reconnaître le droit à un environnement sain comme un droit à part entière. Il y a cinquante ans, la Déclaration de Stockholm établissait déjà l’interdépendance entre protection de l’environnement et droits humains. Depuis, de nombreux pays et juridictions du monde reconnaissent ce droit à un environnement autonome, notamment la Charte africaine ainsi que la Cour américaine des droits de l’Homme. Pas le Conseil de l’Europe, alors même qu’en 1950, l’APCE apportait une réponse pour protéger les droits fondamentaux à travers la convention européenne des droits de l’Homme.

Tour à tour, les présidences géorgienne, allemande et grecque du Comité des Ministres ont fait de la question environnementale une priorité absolue. Le Président actuel de l’Assemblée parlementaire aussi a inscrit l’ancrage de ce droit à son agenda. Le travail de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur le sujet se veut une sorte d’encyclopédie, de recueil de propositions, à la disposition du Comité des Ministres.

La première suggestion concerne l’élaboration d’un protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’Homme. Ce dernier permettrait, d’une part, de disposer d’un instrument de droit international contraignant, directement utilisable par les citoyens pour prévenir et obtenir des réparations contre les atteintes à l’environnement, et d’autre part, de mettre en œuvre une approche préventive basée sur l’élimination des problèmes avant même qu’ils ne se présentent. Il permettrait aussi de donner un cadre clair aux juges de la Cour de Strasbourg, pour garantir des droits environnementaux autonomes et non plus uniquement fondés sur l’interprétation d’articles de la convention, par effet ricochet.

Le deuxième outil proposé est un protocole additionnel à la Charte sociale européenne. Contrairement aux droits civiques et politiques qui sont des droits individuels par nature, les atteintes à l’environnement comportent, pour la plupart, une dimension collective. En étendant l’application de la Charte à la protection du droit à un environnement sain, il serait possible pour des organisations de porter des réclamations collectives en matière environnementale, ce qui serait un véritable progrès.

Le dernier support juridique envisagé est celui d’une convention dite « 5 P », complémentaire aux protocoles évoqués. Une telle convention aurait pour objectif d’installer une vision non pas anthropo-centrée mais éco-centrée de la défense de l’environnement. Les principes de prévention et de précaution seraient au cœur d’un tel texte et ils permettraient d’opérer un changement de paradigme.

Parallèlement, les entreprises ont un rôle important à jouer et il est crucial que leur responsabilité en matière d’environnement soit renforcée.

Désormais, le déni n’est plus une option politique. Les Nations Unies aussi ont décidé de placer ce droit à un environnement sain au sommet de leur agenda, ainsi que l’a rappelé la Haute-Commissaire aux droits de l’Homme lors de l’ouverture de la 40ème session du Conseil des droits de l’Homme. Le Conseil de l’Europe doit avoir l’ambition de jouer un rôle majeur dans la préservation des droits fondamentaux de 833 millions de personnes face aux dérèglements environnementaux.

S’exprimant au nom du groupe PPE/DC, M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains) a estimé que les catastrophes qui se sont succédées cet été ont démontré, si cela était encore nécessaire, que ce sujet est prioritaire. Inondations, glissements de terrain, canicules, incendies, ouragans : toutes les régions du monde sont désormais touchées et la lutte contre le dérèglement climatique s’impose comme une évidence.

L’impact de ces phénomènes extrêmes sur les migrations s’annonce d’ores et déjà comme difficilement soutenable pour les populations. L’accroissement des inégalités qu’ils induisent est tout aussi préoccupant.

L’objectif à atteindre a été fixé par l’Accord de Paris, entré en vigueur en 2016. Il est impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. À cet égard, la réflexion doit s’inscrire dans le cadre des dix-sept objectifs de développement durable des Nations Unies. L’APCE ne pouvait rester à l’écart de ces questions, à quelques semaines de la COP 26.

La reconnaissance de l’importance du rôle des Parlements est bienvenue car, si développer une démocratie plus participative va dans le sens de l’histoire, une convention citoyenne seule ne peut pas remplacer des débats parlementaires, voire interparlementaires. L’idée d’un réseau parlementaire est de ce point de vue tout à fait intéressante.

La circonspection est davantage de mise sur l’idée d’élaborer des protocoles additionnels à la convention européenne des droits de l’Homme et à la Charte sociale européenne. Si l’idée peut paraître séduisante, ce type de processus, qui par définition se heurterait à des intérêts multiples et opposés, pourrait ne jamais aboutir. L’urgence commande plutôt d’œuvrer de manière plus pragmatique en recherchant l’efficacité. L’élaboration d’un instrument non contraignant sur les obligations des États en matière climatique et de protection de l’environnement pourrait être à privilégier. La démarche relèverait plutôt de l’ordre du signal ou du symbole mais elle présenterait l’avantage de pouvoir être vite élaborée et de faire consensus assez rapidement. Il est important d’ouvrir le champ des possibles.

Le chantier de la lutte contre le changement climatique est immense mais il faut relever ce défi pour transmettre à nos enfants une planète vivable et un environnement sain.

S’exprimant au nom du groupe ADLE, Mme Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche) a souligné, à la lumière des catastrophes de l’été passé, la vulnérabilité du continent européen à l’égard des conséquences du changement climatique. Il est urgent d’agir et le volontarisme de l’APCE est à saluer.

Le débat conjoint permet d’aborder la question du droit à un environnement sain, sûr et durable sous différents angles, à partir de multiples pistes de travail pour que le Conseil de l’Europe apporte une réponse à la hauteur des enjeux pour les prochaines générations. Le groupe ADLE partage la vision exprimée sur ce sujet ; la question est désormais d’explorer le champ des possibles.

L’option ambitieuse serait de lancer un vaste chantier autour de nouveaux protocoles additionnels à la convention européenne des droits de l’Homme et à la Charte sociale européenne ou une convention de type « 5P » sur les menaces pour l’environnement et les risques pour la santé. Sur un champ plus étroit, et à plus court terme, la proposition d’une révision et d’une revitalisation de la convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal de 1998 mérite de retenir l’attention. Son actualisation pourrait intervenir à plus brève échéance et permettre de punir les infractions environnementales les plus graves, de manière effective et unifiée à l’échelle du continent.

Ce débat intervient opportunément à quelques semaines de la clôture du Forum mondial de la démocratie, les 8 et 10 novembre à Strasbourg, sur le thème « La démocratie au secours de l’environnement ». À travers la convention citoyenne pour le climat, la France a elle-même expérimenté avec succès un exercice de démocratie participative autour de 150 citoyens tirés au sort ayant formulé 149 propositions concrètes à partir desquelles vient d’être votée, en août dernier, la loi dite « climat et résilience » contenant pas moins de 300 articles pour contribuer à l’objectif européen de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Cette loi française crée notamment de nouveaux délits de mise en danger de l’environnement et d’écocide.

Au Conseil de l’Europe, désormais, dans le prolongement de son Assemblée parlementaire, d’être à la pointe sur ce dossier capital pour l’humanité et la planète.

b.   Les questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique

Lors de la même séance du 28 septembre au matin, l’Assemblée parlementaire a examiné, sur le rapport de M. Ziya Altunyaldiz (Turquie – Non Inscrit), au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, une résolution et une recommandation sur les questions de responsabilité civile et pénale dans le contexte du changement climatique.

Au cours de la discussion générale, le rapporteur s’est félicité de la priorité donnée à ce sujet un mois avant la tenue de la COP26 à Glasgow. Après avoir rappelé que la reconnaissance de la responsabilité juridique des États en matière de changement climatique aux niveaux national, européen et international a débuté avec la signature de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1992, il a relevé que les droits civil, pénal et constitutionnel ont joué un rôle de plus en plus important dans le contentieux climatique, à l’image de l’affaire néerlandaise « Urgenda », dans laquelle les tribunaux nationaux ont ordonné à l’État de remplir son devoir de vigilance pour réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de protéger le droit à la vie des citoyens à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale.

En mai 2021, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a rendu un arrêt comparable mais de plus grande portée. Des particuliers et des ONG ont également mis en cause la responsabilité liée au changement climatique dans des procès contre des entreprises dans d’autres pays européens. Par exemple, en mai dernier, aux Pays-Bas, un tribunal de première instance de La Haye a ordonné à Shell de réduire ses émissions de carbone de 45 %.

Etant donné que le changement climatique est un préjudice pour tous mais personne en particulier, il importe de définir une responsabilité au niveau européen.

Jusqu’à présent, deux conventions du Conseil de l’Europe visant à renforcer la responsabilité pour les préjudices causés à l’environnement ont été adoptées. La convention de 1998 sur la protection de l’environnement par le droit pénal, premier texte international contraignant consacré à l’harmonisation du droit pénal sur les questions environnementales en incluant notamment la question des infractions écologiques – malheureusement jamais entrée en vigueur –, et la convention de 1993 sur la responsabilité civile pour les dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, qui vise à assurer une indemnisation adéquate des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement sur la base du principe du « pollueur-payeur », elle non-plus non en vigueur.

La convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal devrait être remplacée au plus vite par un instrument juridique mieux adapté aux défis actuels et définissant plus précisément les infractions et sanctions environnementales. À cet égard, il est heureux que le comité européen sur les problèmes climatiques ait créé un groupe de travail sur l’environnement et le droit pénal en novembre 2020, en charge d’une étude de faisabilité sur le sujet. Les États pourraient également envisager d’introduire le crime d’écocide dans leur législation nationale, ainsi que de reconnaître la compétence universelle pour ce délit.

Concernant la responsabilité civile, les États membres du Conseil de l’Europe devraient ratifier la convention de 1993 et l’adapter aux défis actuels, notamment en modifiant son Annexe I sur les substances dangereuses. Ils pourraient également adapter leurs législations nationales par des dispositions spécifiques sur la responsabilité pour les dommages écologiques ou en élargissant le champ de la responsabilité dans certaines situations spécifiques.

La reconnaissance de recours préventifs et compensatoires devant les juridictions est également un point essentiel, surtout pour permettre aux ONG de lancer des procédures de litige climatique contre des entités étatiques et privées et exiger des entreprises qu’elles détaillent leurs activités ayant un impact sur l’environnement.

3.   Les liens entre État de droit et démocratie, d’une part, et changement climatique, de l’autre

a.   Une démocratie plus participative pour faire face au changement climatique

Toujours dans le cadre du débat joint du 28 septembre portant sur les répercussions du changement climatique sur les droits de l’Homme, l’APCE a approuvé, sur le rapport de M. George Papandreou (Grèce – SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation prônant une démocratie plus participative pour faire face au changement climatique.

En ouverture de la discussion générale, le rapporteur a rappelé qu’en 2016, 99 citoyens irlandais avaient été choisis au hasard, par tirage au sort pour proposer des recommandations sur la manière de faire de l’Irlande un pays en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique ; après une délibération démocratique approfondie et l’étude de près de 2 000 propositions émanant de groupes intéressés, ils ont formulé treize recommandations spécifiques. Ce travail a donné lieu à des idées novatrices en matière d’engagement public et a profondément enrichi la culture environnementale en Irlande. Le rapport final conclut que l’État doit jouer un rôle de premier plan pour atténuer la crise, donner la priorité aux dépenses de transport public, taxer les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture et cesser de subventionner l’extraction de la tourbe. Fait frappant, 80 % des participants ont déclaré qu’ils seraient prêts à payer des taxes plus élevées sur les activités à forte intensité de carbone.

Cette expérience irlandaise n’est que l’une des nombreuses innovations fascinantes en matière de démocratie participative et délibérative. De nombreuses expériences similaires ont lieu en Europe, dans l’Union européenne dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, aux Nations Unies pour la COP-26 et dans le monde entier. De ce fait, il serait souhaitable que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne développent une Assemblée permanente de citoyens pour le climat et l’avenir de l’Europe.

L’Accord de Paris exige des sociétés qu’elles s’adaptent à long terme, sous peine de devoir faire face à des incendies dévastateurs, des inondations, des canicules, des conditions météorologiques extrêmes, de nouvelles pandémies et d’énormes flux migratoires. Or, la transition vers une société durable doit être socialement juste ; il doit également s’agir d’une transition éclairée, où l’éducation, la citoyenneté éduquée joueront un rôle crucial.

Aucune « main invisible » n’assurera cette transition ; elle ne peut se faire que par la volonté démocratique, raison pour laquelle il doit s’agir d’une transition élaborée et appropriée par les citoyens. Face à la crise climatique, soit nous approfondissons nos pratiques démocratiques et garantissons une transition pacifique, soit nous serons confrontés à une polarisation, à la violence et à l’autoritarisme.

Enfin, la prise de décision collective, la sagesse collective, aboutit le plus souvent à de meilleurs résultats et à de meilleures décisions politiques que ne le ferait un expert hautement qualifié, seul. Mais de telles pratiques délibératives et participatives ne seront efficaces que si elles influencent visiblement le pouvoir.

Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, s’est félicitée que, pour la troisième fois, l’APCE tienne une journée entière de débats sur un thème essentiel et particulièrement actuel pour les droits humains. Après la pandémie de Covid-19 et ses effets, puis l’intelligence artificielle il y a un an, c’est l’ensemble des défis posés par le changement climatique pour nos sociétés, nos systèmes démocratiques, nos États et le multilatéralisme en général qui se trouve ainsi abordé.

Incontestablement, le dérèglement du climat engendre d’ores et déjà des mouvements migratoires et des inégalités criantes, qui ne pourront que s’aggraver si la tendance s’amplifie. Par ailleurs, la crise climatique impacte aussi fortement l’État de droit et le fonctionnement des démocraties, de sorte qu’il appartient aux parlementaires d’esquisser des pistes de solutions pour prémunir les États membres de retours en arrière politiques ou institutionnels qui seraient très préjudiciables.

De ce point de vue, certaines propositions émises paraissent porteuses d’espoir en ce qu’elles sont concrètes, pertinentes et pragmatiques.

Ainsi, l’appel à une démocratie plus participative entre en résonance avec des expériences récentes plutôt réussies, à l’instar de la convention citoyenne pour le climat, initiée par le Président de la République française en novembre 2019 et composée de 150 citoyens tirés au sort pour trouver des mesures permettant de réduire de 40 % les émissions à effet de serre de la France d’ici 2030. Au bout de huit mois, sur les 149 mesures proposées, 146 ont été reprises et le Parlement les a transcrites dans la loi sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, qui a été promulguée en août 2021.

L’idée de développer des programmes de recherche spécifiques sur le recyclage et les énergies renouvelables, tout en maintenant les projets de recherche fondamentale sur de nouvelles sources d’énergie durable, est également concrète et opérationnelle. L’ambition d’un cadre – sous la forme d’un accord partiel élargi, par exemple – permettant aux États membres du Conseil de l’Europe de mutualiser leurs moyens de recherche pour des projets ciblés en faveur de la transition énergétique est, de ce point de vue, une perspective très intéressante. Après les tensions au sein du Conseil de l’Europe, ces dernières années, il y a là le germe d’une relance fondamentale de l’esprit des pères fondateurs à l’échelle des quarante-sept États membres car l’enjeu dépasse de loin les frontières et réunit indubitablement des intérêts nationaux différents.

En définitive, par ce débat, l’APCE apporte sa pierre, une pierre importante, à l’édifice de la lutte contre le réchauffement climatique.

b.   La crise climatique et l’État de droit

Lors de la même séance, le 28 septembre, l’Assemblée parlementaire a débattu, sur le rapport de Mme Edite Estrela (Portugal – SOC), au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, d’une résolution et d’une recommandation sur les implications de la crise climatique sur l’État de droit.

Ouvrant le débat, la rapporteure s’est félicitée du retour de l’environnement au cœur du mandat du Conseil de l’Europe. Il ne reste que huit ans, d’après le GIEC, pour tout changer. Les engagements des États contre la surchauffe planétaire sont gravés dans le marbre avec l’Accord de Paris et les objectifs de développement durable. Il n’est pas trop tard, à condition d’assumer l’urgence et de ne plus demeurer dans l’ambiguïté : il n’est plus possible de se limiter à l’interdiction des gobelets en plastique tout en continuant de polluer comme si rien n’avait changé.

Dans ce contexte, les parlementaires ont la responsabilité de relever le défi de la crise climatique en travaillant ensemble et en faisant pression sur les gouvernements pour qu’ils respectent leurs engagements internationaux. Le Conseil de l’Europe, longtemps à l’avant-garde sur ces questions, peut accompagner les changements de mentalités. Pour ce faire, il doit envisager la création, au sein de l’APCE, d’un réseau parlementaire chargé de suivre les actions des autorités nationales et de mutualiser les expériences contre le réchauffement climatique.

À travers cette structure, il sera possible d’éviter ou à tout le moins d’aplanir les tensions entre les générations ou entre les plus faibles et les plus aisés. Pour anticiper une société profondément transformée, le rôle des parlementaires est effectivement essentiel.

M. Dimitri Houbron (Nord – Agir Ensemble) a estimé que les circonstances sanitaires actuelles ne facilitent pas l’enracinement d’une prise de conscience relative à la crise climatique.

D’une part, face à la flambée épidémique, la majorité des gouvernements ont dû prendre des mesures de restriction des libertés individuelles et collectives comme le confinement ; des décisions radicales qui poussent les États à ralentir la prise de nouvelles mesures écologiques. En effet, de nombreux acteurs nationaux assimilent trop souvent les politiques publiques environnementales à des mesures liberticides. La surtaxe de certains véhicules, l’interdiction de bâtir dans certaines zones, les débats sur la fréquence et les motifs de déplacement en avion : mal expliqués ou imposés sans concertation, ces dispositifs sont vivement rejetés parce qu’ils remettent en question des droits fondamentaux comme le droit à la propriété ou encore la liberté de circulation.

D’autre part, la fin progressive de la crise sanitaire a motivé les États à relancer leur économie le plus rapidement possible, parfois au détriment des réglementations environnementales, à l’exemple de l’ancienne administration américaine qui a fait annuler toutes les poursuites pour infraction fédérale contre l’environnement.

Ces faits rappellent que la volonté d’opposer l’environnement avec l’État de droit et le bien-être économique et social demeure tenace. L’objectif est de démontrer, plus que jamais, au lendemain de cette crise sanitaire, que la défense de l’environnement permet de sauvegarder nos droits et d’améliorer nos conditions de vie. Des pays, comme la France, ont fondé leur plan de relance économique sur la transition écologique. Ainsi, sur un budget global de 100 milliards d’euros, 30 milliards sont dédiés à des aides pour l’isolation thermique des logements, l’acquisition de véhicules propres ou encore des soutiens aux petites et moyennes entreprises.

Il est nécessaire de démontrer que la lutte contre la crise climatique peut s’appuyer sur la préservation de droits mais aussi que le changement climatique, lui, menace nos droits. Comme le rappelle Amnesty International, le dérèglement climatique met en péril notre droit à la vie, notre droit à la santé, notre droit au logement et notre droit à l’accès à l’eau. En réalité, c’est bel et bien la crise climatique qui menace notre modèle d’État de droit.

C’est donc à partir de cette analyse que le Conseil de l’Europe peut prendre des initiatives en concertation avec les institutions de l’Union européenne. L’objectif consisterait à élaborer un corpus juridique commun qui puisse servir de modèle et de source d’inspiration pour les États membres désireux de se lancer dans la transition écologique, tout en évitant l’atteinte aux libertés fondamentales comme la liberté d’entreprendre. À partir de ce constat, il semble également envisageable d’ériger des cadres, des plans et des objectifs environnementaux chiffrés donnant toute la souplesse nécessaire aux gouvernements pour y parvenir.

Bien que les dix-huit derniers mois furent éprouvants, une réelle prise de conscience s’est enracinée. Les États-Unis sont revenus dans les Accords de Paris et la crise épidémique a démontré notre capacité de rupture pour préserver l’intérêt général. Il convient de continuer à tirer les leçons et de poursuivre les efforts collectifs en la matière.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – Socialistes et apparentés) a insisté sur la complémentarité des enjeux autour de la question de la crise climatique et elle a souhaité alimenter le débat par deux propositions personnelles : la première, relative à la nécessité d’instaurer un objectif de protection climatique dans les traités commerciaux internationaux ; la deuxième, visant à donner un statut à ce que l’on appelle les biens communs.

Dans le premier cas, il apparaît indispensable de tenir compte des préoccupations sociales et environnementales dans le cadre des échanges économiques et commerciaux internationaux. Des traités sont ou seront conclus pour assurer l’accès des biens et services à des zones économiques. Si ces traités visent à faciliter les échanges économiques, ils sont parfois moins protecteurs que le droit local en matière de défense de l’environnement et de la santé. Il convient donc de faire en sorte que le droit à un environnement sain soit garanti au regard de la multiplication des échanges qu’entraîne, de facto, leur conclusion. Il serait ainsi opportun que ces projets de traités puissent faire l’objet d’une évaluation indépendante avant leur conclusion, sous forme de bilan carbone et aussi d’évaluation du maintien de la biodiversité.

Dans le second cas, il est question de donner un statut de biens communs à des ressources naturelles partagées entre tous les États. Ce concept de « biens communs », autrement dit de ressources partagées et gérées collectivement par une communauté, doit être réactualisé. Si la propriété privée fait figure de pierre angulaire du droit dans un grand nombre de sociétés et d’États depuis deux siècles et constitue aussi une protection avérée pour les personnes, il est aujourd’hui nécessaire de retrouver et de garantir le statut de biens communs à des ressources naturelles. Cette notion existait en droit romain ou encore dans le droit applicable au Moyen Âge et les exemples sont nombreux. Ces biens communs sont autant de biens pour lesquels une réflexion nouvelle et innovante doit être menée en droit pour en garantir l’accès au plus grand nombre, à tous. Au-delà de la définition d’un nouveau statut, c’est aussi une protection renouvelée de l’État de droit au service de la démocratie.

L’APCE a le pouvoir et le devoir d’agir en ces sens.

4.   Une vigilance particulière pour les populations vulnérables, les plus exposées

a.   La nécessaire lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre

En prolongement du débat joint de la matinée, l’APCE a tenu lors de sa deuxième séance de la journée du 28 septembre un second débat joint sur l’ensemble des répercussions du changement climatique sur les droits humains. Elle a notamment adopté, sur le rapport de Mme Edite Estrela (Portugal – SOC), au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, une résolution sur la nécessaire lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre.

Lors de la discussion générale, la rapporteure a mis en exergue que le changement climatique touche un monde caractérisé par de profondes inégalités économiques, sociales ou de genre, notamment. En outre, le dérèglement climatique crée de nouvelles inégalités et vient renforcer les inégalités sociales existantes. Les pays développés ont le devoir d’aider les pays les plus pauvres à gérer les changements climatiques qui les affectent le plus. Si le nombre de catastrophes naturelles est similaire pour l’ensemble des États depuis 1970, le nombre de morts est dix fois plus important dans les pays les plus pauvres.

Selon l’OMS, 23 % des décès en 2012 dans le monde étaient attribuables à des nuisances environnementales, chiffre qui a certainement augmenté au cours de la dernière décennie. Certaines populations sont plus exposées aux effets du changement climatique et ont moins de moyens pour y faire face et s’adapter. C’est le cas notamment des jeunes, des Roms, des peuples autochtones et des femmes.

Un changement de paradigme est urgent dans le droit international et dans les politiques gouvernementales, afin de garantir qu’un environnement sain soit reconnu comme droit humain fondamental. L’élaboration d’un nouvel instrument juridique contraignant pour protéger le droit à un environnement sûr, sain et propre apparaît nécessaire. Jusqu’à présent, la forme que devrait prendre ce texte n’a pas fait l’objet d’un accord ; cependant, un consensus existe sur la nécessité de traduire les droits environnementaux en un corpus auquel les États membres du Conseil de l’Europe pourraient adhérer.

En 1995, à Pékin, lors de la Conférence mondiale sur les femmes, une déclaration indiquait que celles-ci « ont un rôle fondamental à jouer dans l’adoption de modes de consommation, de production et de gestion de ressources naturelles durables et écologiquement rationnels ». Cette même déclaration contenait un point K disposant qu’il est nécessaire d’« assurer une participation active des femmes aux prises de décisions concernant l’environnement à tous les niveaux. »

En tant que vigie des droits humains, de la démocratie et de la règle de droit, le Conseil de l’Europe doit appuyer les efforts de l’Union européenne pour s’assurer que personne n’est laissé sur le chemin.

Au cours des échanges qui ont suivi, Mme Liliana Tanguy (Finistère – La République en Marche) a considéré que la question des inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre est essentielle car la relation entre l’exercice des droits humains et l’environnement s’affirme de plus en plus et le droit à un environnement sain est actuellement inscrit dans plus de cent Constitutions dans le monde entier.

L’APCE préconise un nouvel instrument juridiquement contraignant pour protéger ce droit mais un tel texte devra prendre en considération un ensemble de sources d’inégalités et de discriminations. Une révision de la convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal de 1998 pourrait être une première action à mener pour arriver à des résultats tangibles et concrets pour les citoyens.

b.   L’examen des interactions entre climat et migrations

Par la suite, au cours de la même séance du 28 septembre, l’Assemblée parlementaire a débattu, sur le rapport de M. Pierre-Alain Fridez (Suisse – SOC), au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, d’une résolution examinant les interactions entre le climat et les migrations.

Présentant son travail, le rapporteur a souligné que, selon les rapports successifs du GIEC, à la fin du XXIème siècle, la hausse du niveau des mers suite à la fonte des glaces, de 50 centimètres à un voire deux mètres, engendrera une catastrophe pour des centaines de millions de personnes vivant au bord immédiat des mers. À l’inverse, les régions du monde qui, déjà aujourd’hui, se trouvent en situation de stress hydrique verront leur situation s’aggraver alors même que beaucoup, à l’instar des pays d’Afrique subsaharienne, verront leur population doubler à l’horizon 2050. Autant dire que la voie sera grande ouverte à des migrations de masse.

Ce phénomène a d’ailleurs déjà débuté. En Afrique en particulier, les migrations climatiques sont essentiellement internes car pour se rendre vers l’Europe, par exemple, il faut des moyens physiques et financiers que ne possède qu’une faible proportion des populations concernées. Demain, des luttes violentes et des conflits sont susceptibles de survenir, entraînant de graves crises humanitaires avec migrations en masse. C’est un cercle vicieux.

Lutter de manière déterminée contre le réchauffement climatique est l’une des actions à entreprendre. Il faut aussi prévenir et anticiper les phénomènes migratoires en établissant des cartographies les plus précises possible des zones et des populations à risque, soit pour anticiper et organiser décemment leurs déplacements, soit pour permettre d’améliorer leur résilience. Cela suppose des efforts et les moyens financiers gigantesques.

Mais les migrants climatiques doivent aussi bénéficier d’un statut ; leur périple vers des terres plus hospitalières doit être encadré et sécurisé. De ce point de vue, ce qui se passe en Méditerranée avec des milliers de morts chaque année est une honte pour le continent européen et la solidarité à l’égard des pays en première ligne apparaît comme une nécessité urgente. Dès lors que l’Europe vieillit, l’immigration peut être perçue comme une opportunité.

La coopération au développement avec les pays de départ doit s’intensifier et, pour ce faire, la création d’un Fonds de solidarité européen, voire mondial, en faveur des questions migratoires serait bienvenue. L’Europe doit être au rendez-vous du défi civilisationnel du dérèglement climatique. Les populations les plus touchées comptent sur la solidarité active des États européens, pour soit les aider à résister sur place, soit pour les accompagner dans leur migration.

5.   L’attention à porter aux politiques en matière de recherche en faveur de la protection de l’environnement pour l’avenir

En clôture des thématiques abordées lors de cette journée de débats sur les répercussions du changement climatique sur les droits de l’Homme, l’APCE a, lors de sa seconde séance du 28 septembre, approuvé sur le rapport de M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir Ensemble), au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, une résolution et une recommandation concernant l’attention et l’importance à accorder aux politiques publiques en matière de recherche et développement (R&D) pour la protection de l’environnement.

Présentant les conclusions de son travail, le rapporteur a constaté que l’urgence climatique devient une réalité en Europe avec plusieurs centaines de morts, l’été passé, lors de méga-inondations ou de méga-incendies. Il a considéré que l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 laisse peu de temps pour agir. Alors que la seule solution pour y parvenir est de sortir progressivement des énergies fossiles, le fait est qu’il n’existe aujourd’hui aucune énergie totalement alternative au pétrole et au gaz. Cela signifie qu’il est indispensable d’accroître les efforts pour rechercher et découvrir des énergies nouvelles.

Il y a 120 ans, l’énergie atomique n’avait pas encore été découverte. Il est donc probable qu’existent d’autres sources d’énergie à rechercher et développer.

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, par définition intermittentes, se pose la question du stockage et des matériaux indispensables à cet effet (nickel, terres rares, cobalt, lithium), qui font défaut à l’Europe. À l’image de l’Europe des énergies, structurée en 1950, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et en 1957, avec la Communauté de l’énergie atomique, il importe donc de bâtir une Europe des matières premières nécessaires aux énergies renouvelables. Cette démarche pourrait s’appuyer sur un accord partiel portant sur cette question au sein du Conseil de l’Europe, ainsi que sur une banque des ressources stratégiques créée pour gérer ces stocks.

De telles initiatives permettraient de travailler pour la paix en associant largement les États membres, pour anticiper et participer à la prospérité de demain. Une prospérité partagée pour tous et une planète viable pour tous : tels semblent être les premiers des droits de l’Homme du futur. Fidèle à son histoire, le Conseil de l’Europe doit s’engager plus en avant pour le climat, pour la planète, en travaillant sur les énergies renouvelables, en mutualisant les efforts de recherche et en posant les conditions d’un partage des stocks de matières premières indispensables pour les batteries nécessaires aux énergies renouvelables.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – Socialistes et apparentés) a souhaité formuler deux propositions concrètes en complément de celles exposées au cours du débat joint.

La première concerne la lutte pour le changement écologique. Les personnes bénéficiant des revenus annuels les plus élevés sont celles qui émettent le plus de CO2 par an. Si la redistribution économique est indispensable, elle ne saurait suffire, à elle seule, à lutter contre les menaces climatiques et environnementales. Si les États entendent investir dans des infrastructures plus écologiques, il faut aussi faire en sorte que la finance ait la même préoccupation. Or, en l’état, les impacts économiques du réchauffement ne sont pas pris en compte dans les comptabilités d’entreprise, ni dans celle des États. Ils sont donc sous-estimés. Seul le risque financier direct et de court terme est pris en compte. Il en résulte que les institutions financières prêtent à des industries fortement carbonées alors que le discours public est celui d’investir dans la transition écologique. Ce point peut apparaître un peu technique mais il est en fait politique. Il faut donc agir en faveur d’un cadre financier et l’Assemblée parlementaire pourrait utilement travailler sur ce point.

La deuxième proposition porte sur la recherche, notamment publique. La recherche et l’innovation sont au cœur des solutions face au changement climatique et pour la protection écologique. Or, malgré le fait d’être à l’origine de formidables progrès, la recherche-développement ne suffit pas à enrayer la dégradation climatique. Il convient donc d’inscrire le principe d’une recherche de progrès environnemental dans les politiques publiques. Il faut aussi mettre en place de grands programmes de recherche dédiés, en évaluant leurs bénéfices au regard de ceux du développement d’autres technologies plus consommatrices de ressources et porteuses de moins d’avantages socio-économiques. Un tel choix suppose de s’appuyer sur des connaissances scientifiques, sur la transparence des processus, sur la reconnaissance des incertitudes et il suppose aussi l’établissement de scénarios proposant des options, en mettant en évidence ce qui se passe du fait des actions engagées ou non.

Là encore, le Conseil de l’Europe et l’APCE, particulièrement, peuvent proposer, orienter et construire avec les États et leurs sociétés civiles des objectifs et des méthodes utiles à tous.

C.   La protection des personnes vulnÉrables, souci constant de l’APCE

1.   Une volonté sans équivoque de renforcer la lutte contre les crimes dits d’« honneur »

Lors de la deuxième séance du mardi 28 septembre, l’Assemblée parlementaire a approuvé, sur le rapport de Mme Béatrice Fresko-Rolfo (Monaco – ADLE), au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, une résolution visant à renforcer la lutte contre les crimes dits d’« honneur ».

En ouverture du débat, la rapporteure a réfuté l’utilisation du terme « honneur » pour qualifier ces crimes, en ce qu’il n’y a rien d’honorable à les commettre, et expliqué avoir travaillé sur ce sujet afin de convaincre d’agir pour éviter que des vies ne soient encore et encore brisées. De la femme brisée, car elle n’acceptait pas l’époux qui lui était désigné, à l’homme homosexuel harcelé, car il n’est pas conforme aux « valeurs particulières », sans oublier la personne transgenre qui a dû fuir son pays pour, in fine, protéger sa famille : comment rester insensible aux appels de détresse de ces hommes et femmes qui devraient pouvoir vivre leur vie telle qu’ils l’auraient choisie ?

L’horreur de vivre sous la menace de représailles, cette forme de « prison », est avant tout une atteinte à la construction personnelle de tout individu. Elle altère son bien-être durant toute son enfance et sa liberté de pouvoir choisir une identité de genre, une orientation sexuelle, un style ou un choix de vie.

Il reste, hélas, encore beaucoup à faire : 5 000 victimes de crimes dit d’« honneur » sont à déplorer dans le monde chaque année. Les victimes sont majoritairement des femmes, vivant sous le joug d’attitudes patriarcales, subissant la domination des hommes en vue de restreindre leur autonomie.

Dans certains pays, les auteurs de tels crimes ne sont tout simplement pas poursuivis. Alors que la convention d’Istanbul affirme clairement que la coutume, la tradition, la culture, la religion ou le prétendu « honneur » ne sauraient être présentés comme des justifications de la violence, il faut absolument abroger dans les codes pénaux toute circonstance atténuante ou toute justification de crime qui pourrait être liée à la défense du prétendu « honneur ». Elle devrait même constituer une circonstance aggravante car ces actes violents sont froidement prémédités.

Il faut aussi effectuer de la prévention par des actions de sensibilisation de grande ampleur et des formations des personnels de police ou des services sociaux. Le recueil de données fiables est à cet égard essentiel car ces crimes sont bien trop souvent assimilés à de la violence domestique. En définitive, les plans d’action visant à prévenir et à lutter contre la violence à l’égard des femmes, la violence domestique et la violence à l’égard des personnes LGBTI, doivent inclure une partie dédiée aux violences fondées sur le prétendu « honneur », avec un financement adéquat.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains) a salué un rapport traitant d’un sujet douloureux et mal évalué du fait de l’absence de statistiques officielles. Ces crimes, la plupart du temps perpétrés dans le cadre familial, se caractérisent par la volonté de faire respecter un soi-disant code d’honneur. Il s’agit de meurtres, séquestrations, enlèvements, tortures, mutilations, suicides forcés, mariages forcés ou de thérapies de conversion. Les estimations font état de plusieurs centaines de victimes par an en Europe.

La gravité et l’ampleur de ce phénomène ne sont pas acceptables. Avec la convention d’Istanbul, le Conseil de l’Europe s’est doté d’un instrument important pour la lutte contre les violences faites aux femmes, qui sont effectivement les principales victimes des crimes dits d’« honneur », que l’on pourrait tout autant qualifier de crimes d’« horreur ». Les rédacteurs de cette convention ont aussi plus particulièrement souhaité mettre fin aux réductions de peines pour ces crimes.

À ce sujet, l’article 42 de la convention indique très clairement que dans les procédures pénales, « la culture la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne [doivent] pas [être] considérés comme justifiant » ces crimes. Ainsi que l’explique le rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, « l’arsenal juridique existe au niveau international mais sa retranscription en droit national n’est pas encore assurée partout ».

L’examen des décisions de justice par le GREVIO fait apparaître que des circonstances atténuantes continuent à être invoquées dans les tribunaux de certains États membres du Conseil de l’Europe. Il est donc important de continuer à exercer une grande vigilance sur les cadres juridiques nationaux.

Mais il est surtout urgent d’assurer la protection des victimes, effectives ou potentielles, et de leur apporter un soutien, d’une part, en créant un nombre suffisant d’hébergements, répartis en fonction des besoins sur tout le territoire pour leur permettre de se cacher ou d’être protégées de leurs agresseurs et, d’autre part, en mettant en place des programmes de soutien de longue durée leur permettant de se reconstruire physiquement et psychologiquement.

Il convient aussi de développer la formation des policiers et des magistrats à la complexité des crimes dits d’« honneur ».

Enfin, après avoir fait procéder à une évaluation des risques, les Parlements nationaux devraient instaurer des mesures de protection judiciaire à l’égard des victimes, effectives ou potentielles, ayant dénoncé de tels crimes, ainsi qu’à l’égard des témoins.

Observant qu’aux yeux de ceux qui les commettent, les crimes dits d’« honneur » visent à réhabiliter une communauté – familiale, culturelle ou ethnique – qui aurait été « salie » par le comportement de la victime, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, a tenu à marteler solennellement qu’aucun crime sous la contrainte de l’environnement social ou familial n’est en soi acceptable dans un pays où les droits de l’homme et la justice sont censés prévaloir. Kofi Annan, lorsqu’il était Secrétaire général de l’ONU, parlait de crimes « honteux » plutôt que de crimes d’« honneur ». L’expression de crimes « d’horreur » est tout aussi appropriée.

Derrière les raisonnements les justifiant, se cache une hiérarchisation elle aussi condamnable de la valeur donnée à la vie des personnes selon le genre, l’orientation sexuelle ou même le comportement en public. Ce n’est qu’une forme de soumission, d’esclavage, n’ayant rien à voir avec la culture, les traditions ou les dogmes des grandes religions. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, dite « convention d’Istanbul », consacre certaines de ses dispositions à cette question. Voilà un exemple supplémentaire, si besoin en était, du caractère avant-gardiste de ce texte, injustement critiqué par les intolérants de tous bords qui n’ont d’autre but que d’empêcher toute forme d’émancipation des femmes, des homosexuels ou de la jeunesse, notamment.

Malheureusement, des milliers de victimes sont à déplorer dans le monde chaque année. Tous les pays sont frappés par ce fléau, certes à des degrés divers mais sans exception. Il est donc d’autant moins compréhensible que certains États membres du Conseil de l’Europe aient autant de difficultés à reconnaître les faits et à agir en conséquence.

En France, les crimes d’honneur sont réprimés par l’article 221-4 du code pénal et passibles, en cas de meurtre, d’un emprisonnement à perpétuité. Les caractéristiques de ces crimes en font des circonstances aggravantes et non atténuantes. Il est regrettable qu’il n’en aille pas de même partout.

La résolution proposée insiste sur plusieurs points essentiels. Outre son appel à la ratification de la convention d’Istanbul et à la suppression d’éventuelles pseudo-justifications des crimes d’« honneur » dans les législations pénales des États, elle promeut la protection et l’assistance aux victimes. Il s’agit là d’un aspect essentiel pour montrer à ces dernières qu’elles sont prises en considération, soutenues et aidées.

Mme Sylvie Goy-Chavent (Ain – Les Républicains) a déploré que les crimes dits d’« honneur » ou d’« horreur » touchent désormais toute l’Europe. Aucun pays n’est épargné. En France, les féminicides sont comptabilisés de manière globale et, souvent, on ne distingue pas les crimes d’« honneur » des crimes passionnels : depuis le début de l’année, on dénombre ainsi 80 féminicides, ce qui est tout à fait inacceptable.

La convention d’Istanbul donne des lignes directrices pour tenter d’enrayer la violence contre les femmes mais, malheureusement, beaucoup d’États membres ne l’ont pas encore ratifiée, quand ils ne s’en sont pas retirés, comme la Turquie. Les membres de l’Assemblée parlementaire ont, à cet égard, le devoir de soutenir l’adhésion de leurs pays respectifs à cette convention.

Pour éviter les drames, nos États et nos sociétés doivent aider en amont les personnes qui subiraient une forme de harcèlement ou de violence. Tout d’abord, une politique visant à les informer de leurs droits peut permettre de sauver des vies. La création d’une ligne téléphonique ou d’un site Internet d’information avec un relais sur les réseaux sociaux peut également s’avérer pertinente. Dans les cas identifiés, la remise d’un téléphone dit « grave danger », d’ores et déjà en place en France, est un élément supplémentaire de protection.

Trop souvent, les crimes d’« honneur » sont également commis sur des personnes migrantes. Il est donc nécessaire que cette information puisse être relayée dans différentes langues. De plus, les institutions et les acteurs de terrain doivent être sensibilisés à cette question pour que les potentielles victimes ne craignent pas, si besoin, de contacter la police, un médecin ou une association compétente. Enfin, il faut donner aux personnes se sentant en danger la possibilité matérielle de fuir leur famille sans se retrouver sans ressources. Des foyers permettant de les héberger doivent être créés et, bien sûr, les criminels doivent être lourdement condamnés.

Si de telles mesures ont pu être adoptées dans certains pays, ce n’est pas le cas dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. Pour cette raison, la politique d’asile doit être réorientée pour venir en aide aux victimes. En 2013, 105 personnes qui craignaient de devenir victimes de crimes dits d’«honneur» se sont ainsi vues garantir le statut de réfugié en Belgique, ce qui représente un bel exemple à suivre.

N’ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu’il ait été présent dans l’hémicycle, M. Bernard Fournier (Loire – Les Républicains) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l’APCE. Dans cette intervention, il souligne que les crimes dits d’« honneur » sont contraires à toutes les valeurs du Conseil de l’Europe et il appelle à lutter contre ces crimes. En effet, personne ne devrait être inquiété pour avoir choisi un partenaire plutôt qu’un autre, pour avoir voulu s’émanciper de sa famille ou en raison de son orientation sexuelle. De même, aucune religion, culture, tradition, ni aucun prétendu honneur ne peut justifier le harcèlement moral, la torture ou le meurtre. Un crime est un crime et il n’y a aucun honneur à trouver dans un tel acte.

Pourtant, certains parlent de crimes d’honneur quand une sœur est tuée pur avoir voulu épouser la personne de son choix ou qu’un frère est assassiné en raison de son orientation sexuelle. Ces crimes du déshonneur, généralement commis par des membres de la famille, visent plus particulièrement les femmes et les membres de la communauté LGBTI.

Aujourd’hui, ces crimes prennent une forme plus insidieuse. La victime est parfois harcelée jusqu’à ce qu’elle se suicide. De même, pour les personnes LGBTI, les thérapies de conversion constituent souvent un véritable traumatisme. Le rapport présenté à l’Assemblée parlementaire mentionne même des opérations du cerveau visant à rendre des homosexuels hétérosexuels. Ce harcèlement est inacceptable et doit être condamné !

Face aux violences des crimes dits d’« honneur », il appartient aux États membres de se mobiliser. Des moyens humains et financiers doivent être mobilisés, notamment pour accompagner les victimes qui se retrouvent alors séparées de leur famille. Un renforcement des dispositions pénales permettant de punir sévèrement les auteurs de crimes dits d’« honneur » est indispensable. Cette évolution des dispositions législatives devra s’accompagner d’une sensibilisation des forces de police et des juges à cette question. Justifier son crime par la défense d’un prétendu honneur doit devenir une circonstance aggravante. Enfin, l’éducation à l’égalité de genre dès le plus jeune âge joue un rôle essentiel, de même que les actions de sensibilisation et de prévention pour tenter d’endiguer ces comportements sur le long terme.

2.   L’ambition de rétablir la confiance par le renforcement des droits sociaux, afin de mieux lutter contre les inégalités socio-économiques en Europe

Lors de sa deuxième séance du 29 septembre, l’APCE a approuvé, sur le rapport de Mme Selin Sayek Böke (Turquie – SOC), au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution destinée à rétablir la confiance par le renforcement des droits sociaux dans le but de mieux lutter contre les inégalités socio-économiques en Europe.

Lors de la discussion générale, la rapporteure a fait valoir que les inégalités socio-économiques sont profondes, dans toutes les dimensions et de façon intersectionnelle. À l’appui de son propos, elle a évoqué deux rapports établis par l’OCDE en 2018 et 2019, respectivement intitulés « L’ascenseur social en panne » et « Sous pression : les classes moyennes souffrantes », ainsi que des enquêtes d’opinion dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe.

Le ralentissement de la mobilité sociale et l’importante transmission intergénérationnelle entravent les inégalités tout en nuisant au bien-être des enfants et à leurs perspectives d’avenir, ce qui appelle des actions en faveur de la petite enfance. L’accès aux soins de santé de base, à une éducation de qualité, à des emplois mieux rémunérés est difficile pour les ménages pauvres. De même, les inégalités en matière de logement sont à la fois un symptôme et une cause des inégalités de revenus.

Les gens réclament l’égalité des chances. Ils exigent que les gouvernements prennent des mesures. Les experts, quant à eux, soulignent que le statu quo ne suffira pas à résoudre les inégalités : les droits sociaux doivent être protégés mais surtout renforcés, étant donné qu’ils ne se renforcent pas d’eux-mêmes. La croissance et l’égalité sont les deux faces d’une même pièce ; il est donc nécessaire de compléter les politiques de redistribution par la création d’emplois productifs.

L’urgence de la question est très claire depuis la crise financière de 2008-2009 et la pandémie de Covid-19. Les mesures d’austérité ont entraîné un ralentissement de la justice sociale. Dans certains cas, des reculs ont été constatés sur les droits sociaux.

Il est indispensable de surmonter la déconnexion entre les cadres de politique économique et financière et les droits de l’Homme, en mettant l’accent sur les droits sociaux. L’argument fréquemment avancé de l’absence de ressources pour ce faire est, en réalité, un choix politique. Il ne tient qu’aux États membres de respecter les droits sociaux qu’ils ont souscrits aux plans national et international. Par ailleurs, à moins d’inflexions politiques fortes, les modèles économiques dominants continueront à créer des inégalités socio-économiques ; il est donc urgent de s’attaquer aux causes structurelles des inégalités.

Au cours des échanges qui ont suivi, M. Alain Milon (Vaucluse – Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a souligné que la montée des inégalités socio-économiques en Europe est une menace pour la démocratie et la cohésion des États, dans la mesure où elles donnent le sentiment que les institutions négligent une partie de leur population – la plus vulnérable – qui dispose de moins en moins de moyens pour vivre. Il est donc important que chaque État membre se saisisse de cette question, dans un contexte où ces inégalités ont été aggravées par la pandémie.

On ne peut qu’être préoccupé par le ralentissement de la mobilité sociale et par la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre. Cela fragilise le bien-être et les perspectives de développement des enfants ; et cela risque fort, à moyen et long terme, d’entamer une forme de sécession risquée pour nos sociétés.

Les grandes disparités qui existent entre les systèmes de protection sociale en Europe impliquent que les États s’emparent réellement de la Charte sociale européenne. Ces disparités se retrouvent au sein même de l’Union européenne. Ainsi, en 2017, la part des dépenses de protection sociale dans le produit intérieur brut était de 30 % au Danemark contre seulement 15 % en Roumanie. Une politique sociale plus intégrée à l’échelle de l’Union européenne serait nécessaire pour définir un ensemble minimal de droits du travail avec une protection sociale effective en cas de chômage ou d’accident du travail notamment.

Les inégalités socio-économiques ont en effet des répercussions sur la santé des individus. Il ne faudrait pas qu’à l’avenir, les États tentent de limiter leur endettement, qui a été accru par la crise sanitaire, en mettant à contribution de manière excessive les budgets accordés au secteur de la santé. Les parlementaires doivent y veiller.

À cet égard, l’appel à recourir à la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour cofinancer des projets sociaux prioritaires, notamment pour répartir plus équitablement l’offre de services de santé sur l’ensemble du territoire national et réduire la fracture dans les zones urbaines et rurales, ne peut que recueillir l’intérêt. L’Assemblée parlementaire gagnerait à approfondir cette question et à sensibiliser les institutions nationales sur l’intérêt de cette démarche.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – Socialistes et apparentés) a salué cette ambition de voir les inégalités socio-économiques mieux évaluées et mieux prises en compte par une politique volontariste des États car il existe des liens entre les droits de l’Homme et le développement économique durable. Il s’agit bien là d’un défi.

L’intervention des Nations Unies, en charge de ces questions, est à la fois normative et statistique. Son objectif est de faire partager les bonnes pratiques et de conseiller les États, y compris en ce qui concerne la dimension sociale et solidaire de l’économie, en faisant justement valoir que le capital social est aussi nécessaire, pour ne pas dire plus déterminant, que le capital financier. La question de ceux qui n’ont pas de moyens pour vivre ou qui sont sans emploi ou en situation de chômage se pose avec acuité. Se pose aussi la question de la qualité de la croissance et des inégalités affectant le monde. Le rapport le souligne : la force du Conseil de l’Europe réside justement dans son système conventionnel.

Nombre de travaux de l’Assemblée parlementaire ont mis en évidence l’importance d’un impôt progressif, d’un suivi des titres financiers, d’un droit effectif à l’éducation et à l’emploi et, enfin, de la nécessité d’investissements publics de qualité pour concilier croissance pour tous, croissance respectueuse de l’environnement et réduction des inégalités. Il serait sans doute souhaitable, à cet égard, d’établir la liste des propositions formulées en la matière et d’en évaluer les effets socio-économiques.

Il convient aussi de défendre et promouvoir une vision européenne commune, qui garantisse un niveau juste de taxation et enraye la compétition du moins-disant en matière d’impôts des entreprises. Cette concurrence a profité majoritairement aux acteurs économiques les plus forts et les plus mobiles. Les classes populaires et moyennes, quant à elles, subissent encore aujourd’hui un manque de pouvoir d’achat, du fait des hausses de la cotisation sociale généralisée (CSG), de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des autres taxes indirectes, qui montrent bien les limites de l’efficacité de l’impôt.

Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes – Les Républicains) s’est montrée satisfaite de la tenue d’un tel débat car, si l’Europe est une région du monde développée, technologiquement avancée, avec un indice de développement élevé, d’importantes disparités socioéconomiques demeurent entre ses citoyens. Une telle réalité mérite donc l’attention de l’APCE.

L’enjeu de notre époque est celui de la prospérité : il convient de penser notre mode de vie, notre système, nos emplois avec des droits sociaux respectueux à l’égard de chacune des personnes vivant au sein des États-membres. Or, la pandémie de Covid-19 a démontré l’importance des droits sociaux. La pauvreté, fléau qui touche des millions de personnes, n’est pas acceptable, a fortiori sur un continent qui a tant d’atouts pour l’éradiquer.

L’attention doit plus particulièrement être portée sur les plus vulnérables, c’est-à-dire les séniors et les personnes porteuses de handicap. Or, de ce point de vue, l’une des forces de l’APCE est de regarder, avec lucidité, sans pessimisme et sans angélisme, la réalité en face.

Certaines disparités socio-économiques desservent des millions de personnes dans leur santé mentale et physique mais également dans leur espérance de vie. Pour lutter contre ces injustices, le rapport formule deux propositions fondamentales : la première vise à compiler les données afin de pouvoir les analyser et d’en faire un inventaire, pour que les États en tirent des conséquences ; la seconde, dans le respect des systèmes sociaux et des pratiques de chaque État, consiste à faciliter l’accès des populations à des services publics de qualité. De la sorte, les États lutteront plus efficacement contre la pauvreté. Cependant, le rétablissement de la confiance sociale ne sera possible qu’en associant largement les citoyens et les autorités publiques locales : en effet, ces actions doivent être enracinées pour réussir et être comprises, avec un souci d’exigence et d’équité.

N’ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu’il ait été présent dans l’hémicycle, M. Didier Marie (Seine-Maritime – Socialiste, Écologiste et Républicain) a pu faire publier son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l’APCE. Dans cette intervention, il indique que la montée des inégalités socio-économiques en Europe présente un risque majeur pour l’avenir de nos démocraties, tous les États membres y étant confrontés.

Pour fédérer, la démocratie doit pouvoir être synonyme de progrès social et assurer des conditions de vie meilleures aux générations futures. Le populisme se nourrit, aujourd’hui comme hier, des difficultés économiques et sociales. Le sentiment de déclassement et d’abandon que ressentent les plus vulnérables doit être entendu.

Les politiques publiques doivent proposer des solutions pour renforcer la cohésion économique et sociale. Pour cela, il est essentiel d’avoir un système éducatif performant et inclusif. L’éducation est en effet la clé d’entrée du développement et de la construction de la citoyenneté. L’éducation a un impact certain sur l’économie en développant le capital humain, qui est facteur de croissance. Au niveau de l’individu, elle favorise l’épanouissement et l’insertion professionnelle tout au long de la vie. Et plus le niveau d’éducation est élevé, plus la probabilité de l’engagement politique pour voter et même protester est forte.

La lutte contre les inégalités doit aussi passer par un ajustement des politiques économiques et fiscales des États. S’agissant des politiques publiques, il convient de veiller à ce que les dépenses publiques prennent en compte la situation des plus modestes et fragiles.

Une politique efficace de redistribution des revenus est donc nécessaire pour éviter un accroissement des inégalités. Cela suppose une volonté politique forte, que les parlementaires peuvent relayer lors du vote du budget. Dans la résolution intitulée « Surmonter la crise socio-économique déclenchée par la pandémie de Covid-19 », adoptée en juin 2021, l’APCE appelait déjà les États membres à ne pas mettre en place des politiques d’austérité qui pourraient accroître et enraciner les inégalités sur le long terme, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé. Ce projet de résolution, en faveur d’une économie plus inclusive, va dans le même sens.

D.   plusieurs dÉbats dictÉs par le contexte international

1.   Une inquiétude manifestée à l’égard des conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh

Sur le rapport de M. Paul Gavan (Irlande – GUE), au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, l’APCE a adopté, le 27 septembre, une résolution et une recommandation sur les conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, conclu par l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020.

En ouverture du débat, le rapporteur a insisté sur le fait qu’il avait essayé d’éviter, dans son travail, les questions géopolitiques sous-jacentes pour s’en tenir aux préoccupations humanitaires et aux droits de l’Homme. Il a plus particulièrement identifié huit points saillants.

Tout d’abord, plus de 3 900 Arméniens et 2 900 militaires azerbaïdjanais ont été tués ou sont portés disparus et il y a eu 163 victimes civiles arméniennes et 548 azerbaïdjanaises. En ce qui concerne les personnes disparues, il reste environ 243 Arméniens et 7 Azerbaïdjanais, qu’il faut continuer à rechercher.

Ensuite, s’agissant des prisonniers de guerre et des captifs présumés, la Cour européenne des droits de l’Homme a informé le Comité des Ministres de la capture de 188 Arméniens par l’Azerbaïdjan, dont le sort suscite l’inquiétude. De même, l’Azerbaïdjan a reconnu détenir une cinquantaine de personnes mises en captivité après la signature de la déclaration trilatérale. Les procès qui les concernent pourraient soulever des problèmes d’équité. Tous ces captifs devraient être libérés dès que possible, ainsi que l’a souhaité la commission de suivi de l’APCE, et le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe devrait pouvoir suivre de près leur situation.

L’une des questions les plus difficiles à traiter concerne les allégations de crimes, de crimes de guerre, de torture et mauvais traitements infligés aux prisonniers ou encore d’utilisation aveugle d’armes contre des civils. Ces accusations impliquent des enquêtes de la part des parties. De nombreux actes atroces, allant d’exécutions extrajudiciaires à des décapitations ou à la spoliation des morts, ont été filmés et partagés sur les réseaux sociaux. Il existe également des preuves du recours par l’Azerbaïdjan, avec l’aide de la Turquie, à des mercenaires syriens. Tout cela suppose une forme de responsabilité, de vérité et de réconciliation pour ce qui s’est passé pendant cette guerre de six semaines comme pour la guerre précédente, entre 1991 et 1994.

L’élimination des mines terrestres est aussi un enjeu énorme, la région étant probablement la zone la plus minée au monde : 159 Azerbaïdjanais et cinq Arméniens sont morts ou ont été blessés depuis les déclarations trilatérales. La remise récente de cartes de mines par l’Arménie est bienvenue, mais elle doit se poursuivre.

Les personnes déplacées, pour leur part, ont beaucoup souffert du conflit. Côté arménien, 36 000 personnes n’ont pas pu rentrer chez elles dans la région du Haut-Karabakh et vivent dans des situations difficiles. La communauté internationale a apporté son soutien mais elle n’a pas accès à la région, mis à part le comité international de la Croix rouge (CICR) et la Russie, qui ont joué un rôle humanitaire et sécuritaire extrêmement important. À l’intérieur de l’Azerbaïdjan, la plupart des personnes déplacées ont pu rentrer chez elles. Le plus grand défi est le retour des populations déplacées lors de la guerre de 1991-1994, jusqu’à 650 000 individus, dans des zones entièrement détruites. Ce sera un processus long et coûteux pour l’Azerbaïdjan, qui devrait obtenir le soutien de la communauté internationale à cet égard.

Les tensions frontalières, permanentes et profondément inquiétantes, ne pourront être surmontées que par un travail de délimitation et de démarcation, voire la création d’une zone tampon, avec une surveillance exercée par un organisme ou une organisation indépendante.

Les dommages et destructions du patrimoine culturel, pour leur part, se poursuivent dans un contexte de développement d’un récit caucasien-albanais visant à remplacer le patrimoine arménien. À cet égard, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) devrait être autorisée à jouer son rôle et à visiter toute la région.

Le rapporteur a clos son exposé en évoquant les discours de haine, à l’œuvre dans les deux pays depuis des décennies, surtout en Azerbaïdjan, et qui ont atteint de nouvelles proportions pendant les six semaines du dernier conflit. Il s’est montré préoccupé par les mannequins stéréotypés du « Parc des trophées militaires » de Bakou et souhaité que le Conseil de l’Europe aide les protagonistes à prendre des mesures pour s’attaquer à ce problème dans l’intérêt des générations futures.

Orateur au nom du groupe ADLE, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine – La République en Marche) a salué la qualité, la précision et l’équilibre du travail du rapporteur.

Le conflit concernant Haut-Karabagh implique deux pays du Conseil de l’Europe et il a induit 7 000 morts, ainsi que plus de 91 000 Arméniens et 84 000 Azerbaïdjanais déplacés. Ses conséquences s’inscrivent dans le long terme, avec des allégations de crimes, de crimes de guerre et d’autres actes répréhensibles. Si ces crimes devaient rester impunis et la coopération avec la Cour européenne des droits de l’Homme insuffisante, la relation entre les deux pays en serait durablement empoisonnée.

Le sujet des prisonniers de guerre est un élément central qui pourrait être résolu avec un peu de bonne volonté. Bien que l’APCE a tenu un débat d’urgence en avril 2021, le problème reste entier car plusieurs dizaines de soldats arméniens sont aujourd’hui prisonniers en Azerbaïdjan et les recours devant la Cour européenne s’accumulent sans trouver d’issue.

Le groupe ADLE appelle le Comité des Ministres à réagir pour protéger en priorité les populations arméniennes et azerbaïdjanaises et s’assurer que les droits humains, des civils comme des militaires, soient respectés. Une collaboration étroite doit aussi s’engager avec la Cour européenne des droits de l’Homme, afin de ne pas laisser la situation se dégrader davantage.

L’action de la force russe de maintien de la paix dans le Haut-Karabakh et le travail des ONG auprès des populations civiles, en particulier du CICR, méritent d’être salués. Sans leur implication, la situation humanitaire pourrait être encore plus dramatique.

En tout état de cause, le groupe ADLE soutient les projets de résolution et de recommandation préparés sur le sujet, tout cela pour que les droits de l’Homme et les libertés individuelles soient sauvegardés dans cette zone de conflit dramatique.

M. Bernard Fournier (Loire – Les Républicains) a regretté le déclenchement d’un conflit armé entre deux États membres du Conseil de l’Europe, qui s’étaient pourtant engagés à ne pas faire usage de la force pour régler leurs différends lors de leur adhésion. Après un conflit qui a coûté la vie à plus de 3 900 soldats arméniens et 2 900 soldats azerbaïdjanais, la déclaration tripartite du 10 novembre 2020 a mis fin aux hostilités. Pour autant, ce conflit laissera des traces et il appartiendra d’aider les deux belligérants à dialoguer. À cet égard, le Comité des Ministres doit s’impliquer davantage dans ce dossier pour éviter une nouvelle guerre.

Pour le moment, il est nécessaire de faire face aux conséquences humanitaires du conflit. La question des prisonniers de guerre est particulièrement importante. En effet, l’article 8 de la déclaration tripartite prévoit expressément un échange de prisonniers. Si des échanges ont bien eu lieu, l’Arménie conteste le fait que l’Azerbaïdjan ait libéré tous les prisonniers de guerre capturés et affirme que 48 Arméniens capturés après la déclaration sont détenus dans des conditions particulièrement inquiétantes. Sur cette question, il est nécessaire que l’Azerbaïdjan respecte ses engagements et libère les prisonniers de guerre qui doivent être traités conformément à la convention de Genève.

Autre point préoccupant : la question des mines terrestres et des munitions non explosées, qui représentent un grave danger pour les civils. Les deux parties doivent coopérer pour permettre rapidement le retour des populations civiles qui ont fui les zones minées. Une aide internationale, financière et technique, sera nécessaire pour mener à bien les opérations de déminage. La situation des personnes déplacées demeure elle-aussi préoccupante : les Arméniens qui ont fui des régions repassées sous le contrôle de l’Azerbaïdjan ne rentreront pas chez eux, leur sécurité n’étant pas assurée. Il apparaît nécessaire d’aider l’Arménie à trouver une solution pérenne pour ces personnes.

Dans ce conflit, nul ne peut nier le rôle joué par la Turquie et la Russie. Le concours de ces deux États sera nécessaire pour développer une véritable coopération entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, en vue de venir en aide aux populations sinistrées, mais il ne faut pas oublier le rôle du groupe de Minsk, qui conserve toute sa pertinence.

Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, a observé que les affrontements qui se sont déroulés au Haut-Karabakh en 2020 avaient rappelé, si besoin en était, que les conflits dits « gelés » restent des conflits. Se référant aux chiffres tristement éloquents de 7 000 soldats tués ou disparus au total, de centaines de victimes civiles et de plus de 130 000 personnes déplacées de part et d’autre, au cours des six semaines de combats, sans oublier les exécutions extrajudiciaires et les cas de torture, la soixantaine d’écoles et les centaines de monuments religieux ou culturels détruits, elle s’est félicitée des progrès timides obtenus récemment grâce à la mobilisation de la communauté internationale. Cela reste néanmoins insuffisant et nul ne peut s’en satisfaire.

Les projets de résolution et de recommandation débattus posent un certain nombre de principes et proposent des mesures susceptibles d’initier un retour à une solution négociée, donc durable. D’abord, les belligérants doivent coopérer en vue de déminer ces territoires, déjà suffisamment meurtris. Ensuite, ils doivent s’abstenir de toute incursion au-delà des positions figées par le cessez-le-feu de novembre 2020. Enfin, il apparaît indispensable qu’un processus de négociations s’ouvre véritablement sur la délimitation et la démarcation des frontières, avec si besoin une zone démilitarisée et la présence d’une force de maintien de la paix.

Des compromis difficiles seront certainement nécessaires, de part et d’autre, pour parvenir à une solution pacifique définitive au Haut-Karabakh. Malgré tout, le dialogue reste incontournable et, pour commencer à avancer, l’Arménie et l’Azerbaïdjan pourraient accepter de donner à l’UNESCO un accès aux sites culturels de la région qui ont été exposés aux combats et aux destructions car l’histoire enseigne que la culture et le patrimoine constituent de solides bases pour bâtir des réconciliations qui durent.

2.   La situation en Afghanistan et ses implications pour l’Europe ainsi que l’ensemble de la région

Sur le rapport de Sir Tony Lloyd (Royaume-Uni – SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, l’APCE a discuté et adopté une résolution sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour l’Europe ainsi que la région, à l’occasion d’un débat d’urgence inscrit à la demande des cinq groupes politiques, le jeudi 30 septembre. Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en Marche), présidente de la délégation française, a présidé cette séance en sa qualité de Vice-présidente de l’Assemblée parlementaire.

En ouverture du débat, le rapporteur a évoqué les images de personnes fuyant Kaboul pour leur vie, tentant de s’accrocher aux avions décollant de l’aéroport pour finalement tomber et mourir. Ces images resteront gravées dans les mémoires, à jamais. Désormais, la crise a cours sur place en matière de droits de l’Homme : les choses vont déjà mal en Afghanistan. Un effondrement économique et financier est également possible, avec pour probable conséquence une catastrophe humanitaire. Des millions d’enfants souffrent actuellement d’une malnutrition si sévère que les médecins craignent qu’ils en meurent. Seule une installation médicale sur cinq est pleinement fonctionnelle.

Les pays européens se trouvent confrontés, en conséquence de tout cela, à la possibilité que plus de 3 millions de personnes déjà déplacées à l’intérieur de l’Afghanistan rejoignent les 2 millions d’autres Afghans déjà réfugiés à l’extérieur du pays, dans une vague massive de migrants. L’Afghanistan est quant à lui confronté à la possibilité d’un conflit, d’une guerre civile.

Des pays qui ont été impliqués pendant vingt ans en Afghanistan ont un impératif moral de faire quelque chose à ce sujet : le Royaume-Uni, par exemple, s’est engagé à accueillir 20 000 réfugiés mais cela est bien peu. Les Nations Unies et leurs agences sont déjà sur place. Leur présence sur le terrain contribue au travail humanitaire. Cette aide doit être inconditionnelle sous réserve que leur accès puisse se faire sans entrave.

Il importe de signifier au gouvernement taliban qu’il doit respecter les droits de l’Homme, rejeter le terrorisme et s’engager dans un processus politique inclusif. Il convient tout autant de garder en tête la situation des autres pays de l’Asie centrale, notamment le Pakistan. Ces pays vont subir des pressions et il est indispensable de les aider. L’objectif est largement partagé : il faut que l’Afghanistan et la région soient stables, afin de prévenir le terrorisme et les flux de réfugiés.

S’exprimant comme orateur du groupe ADLE, M. Jacques Le Nay (Morbihan – Union Centriste) a rappelé les circonstances du retrait précipité et non concerté des troupes américaines du pays et les scènes de panique et d’horreur qu’il a provoqué. Après ces semaines de chaos, la réalité est désolante : les talibans sont à nouveau maîtres de l’Afghanistan. Cette situation nouvelle, bien que prévisible, doit faire réfléchir l’Europe et la conduire à agir.

Pour commencer, la non-reconnaissance de ce régime taliban apparaît comme une évidence. La communauté internationale – et, a fortiori, l’Europe – ne doit pas accorder de légitimité à un régime qui a pris le pouvoir par la force et qui se maintient par la violence. Le choix de la violence se fait alors que le pays traverse une crise économique et alimentaire très grave. Le Programme alimentaire mondial évoque des risques de famine pour plus d’un tiers de la population, qui manque cruellement d’eau potable.

À défaut de pouvoir dialoguer avec un gouvernement démocratique, l’Europe doit donc maintenir des liens avec la société civile afghane. Elle doit la soutenir dans sa lutte pour les droits fondamentaux, où les femmes sont particulièrement actives mais aussi les journalistes, les artistes et les intellectuels. L’Europe doit aussi, via ses ONG, soutenir la population afghane en matière d’alimentation, de santé, d’accès à l’eau, d’approvisionnement ou encore d’éducation.

L’Europe possède un savoir-faire en matière d’aide humanitaire : elle doit le mettre au service de l’Afghanistan. Compte-tenu des méthodes talibanes et de l’opposition du nouveau régime à la science et à l’Occident, le soutien humanitaire pourrait ne pas suffire pour créer des conditions de vie décentes pour tous les Afghans. Certains arriveront donc en Europe et il faut, à cet égard, harmoniser nos politiques d’accueil et faire preuve de solidarité.

Le groupe ADLE estime que la stratégie européenne pour l’Afghanistan doit s’articuler autour de l’absence de reconnaissance du régime taliban, d’une aide humanitaire renforcée et d’un accueil décent des Afghans qui arriveraient en Europe. Une stratégie européenne est plus que jamais nécessaire pour ne pas laisser l’Afghanistan, menacé par la famine, aux seules mains de l’obscurantisme et entretenir l’espoir d’un pays libre et démocrate.

3.   L’intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec la Biélorussie : un levier de pression inacceptable du régime biélorusse illégitime

Sur le rapport de Mme Anne-Mari Virolainen (Finlande – PPE/DC), au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, l’APCE a approuvé une résolution sur l’intensification de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec la Biélorussie, lors d’un débat d’urgence qui s’est tenu, à la demande de M. Arkadiusz Mularczyk et vingt-trois autres parlementaires, lui-aussi le 30 septembre.

En ouverture du débat, la rapporteure a indiqué que ses conclusions condamnaient l’attaque hybride de la Biélorussie contre l’Europe et introduisaient des mesures visant à tenir les autorités du pays responsables de leurs actes car instrumentaliser des personnes vulnérables ne peut être accepté.

La déclaration du 26 août 2021 de la Commissaire européenne aux affaires intérieures, Mme Ylva Johansson, selon laquelle la situation à la frontière n’est pas un problème de migrations mais fait partie d’une agression de M. Loukachenko à l’encontre de la Pologne, la Lituanie et la Lettonie dans le but de déstabiliser l’Union européenne est totalement exacte. De mai à août 2021, un afflux soudain de migrants et demandeurs d’asile en provenance du territoire biélorusse a été constaté : le nombre d’arrivées irrégulières en Lituanie est ainsi passé de 80 en 2020 à plus de 4 100 en 2021, jusqu’à présent.

La plupart de ces personnes sont des ressortissants irakiens, les autres provenant d’Afghanistan, de Cuba, de la Fédération de Russie, du Sri Lanka et de l’Inde. Or, les forces de sécurité biélorusses ont été directement impliquées dans ces mouvements migratoires, assurant leur acheminement vers les frontières. Ces arrivées de demandeurs d’asile et de migrants mettent à rude épreuve les capacités d’accueil des pays baltes et de la Pologne, qui ne disposent pas d’installations d’hébergement appropriées, ni de personnel formé face à un afflux si soudain.

Cette situation appelle un renforcement de la résilience et la préparation de l’Europe face à ce type de pressions à des fins politiques. L’Union européenne, notamment, doit donc reconsidérer ses procédures d’accueil et ses mécanismes de solidarité. À cet égard, la déclaration du 18 août des ministres de l’intérieur de l’Union, du Haut représentant pour les affaires étrangères et du commissaire européen aux affaires intérieures, des représentants de FRONTEX, du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) et d’Europol, constitue une initiative prometteuse pour améliorer la préparation face aux attaques hybrides, en ce qu’elle ouvre la voie à la mobilisation de fonds pour accroître les capacités d’accueil et à la mise au point de cadres juridiques adéquats.

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées appelle les États membres du Conseil de l’Europe à soutenir la Lettonie, la Lituanie et la Pologne en leur fournissant d’urgence une assistance financière et technique pour assurer la protection nécessaire des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés. De même, les pays d’accueil doivent s’abstenir de tout refoulement vers la Biélorussie, apporter les garanties nécessaires pour respecter les droits de l’Homme et offrir un hébergement adéquat aux personnes dans le besoin.

Il est aussi et surtout adressé un message aux autorités de Biélorussie pour qu’elles mettent fin à l’instrumentalisation des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, qui sont des êtres humains vulnérables.

Lors de la discussion générale, M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a estimé que cette question devait peut-être être abordée sous un angle différent de celui des traités et du droit.

Les pays qui ne se trouvent pas aux confins de l’Union européenne ne sont pas forcément les mieux placés pour parler des flux migratoires. Il est parfois difficile de comprendre, en France ou en Allemagne, ce qui s’est produit en Italie ou dans d’autres pays confrontés à des arrivées de flux massifs. Certes, les pays d’entrée ne sont pas les pays de destination finale de ces migrants et l’Union européenne dispose de FRONTEX. Il n’en demeure pas moins que FRONTEX est un élément très secondaire d’action et de contrôle des frontières européennes.

Il est nécessaire d’exprimer notre solidarité avec les pays de l’Union européenne qui se trouvent sur le front des frontières, et notamment la Lituanie, l’Estonie et la Pologne. Bien sûr, il faut assurer des conditions décentes aux gens qui arrivent mais il ne faut pas pour autant s’en tenir à la condamnation du régime de M. Loukachenko.

Les Européens se trouvent, une fois de plus, désarmés parce qu’ils sont trop naïfs. Il importe d’être clairs vis-à-vis de la Biélorussie, en prenant des sanctions. Les dispositifs « Magnitski » s’appliquent à quelques dizaines de personnes alors que ce sont 20 000 individus qui font fonctionner le régime biélorusse. Les noms sont connus : ce sont des gens qui fraudent et tiennent ce pays dans la dictature.

Il manque à l’Union européenne, face à ces nouvelles menaces hybrides, un instrument précis sanctionnant ce qui s’apparente à une forme de « crime de traite humaine d’État ». D’autres pays que la Biélorussie y ont eu également recours, à l’instar de la Turquie. Cela ne signifierait aucunement que les migrants ne puissent pas venir en Europe mais il est proprement scandaleux de les instrumentaliser afin d’en faire une arme de déstabilisation, voire de dé-démocratisation de pays.

Il y a quelques années, 800 migrants étaient passés en quelques jours à vélo par le Nord-Ouest de la Russie pour rejoindre la Norvège, tout simplement parce qu’un règlement norvégien disposait qu’on ne pouvait arrêter des cyclistes franchissant la frontière. Cela illustre bien que, dès qu’existe une faille ou même une ouverture dans notre système, les pays autoritaires ou autocratiques en profitent. Il faut y voir une arme massive de destruction de la souveraineté des États et des démocraties. Pour cette raison, il semble nécessaire d’aller beaucoup plus loin dans les condamnations et dans l’action.