N° 4912

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 janvier 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la protection civile européenne,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. AndrÉ CHASSAIGNE et M. Jean-Marie FIÉVET,

Députés

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, viceprésidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Patrice ANATO, Philippe BENASSAYA, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZAUDEBERT, M. Julien DIVE, Mmes Coralie DUBOST, Frédérique DUMAS, MM. PierreHenri DUMONT, Jean-Marie FIEVET, Alexandre FRESCHI, Mmes Maud GATEL, Valérie GOMEZBASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Jérôme LAMBERT, Jean-Claude LECLABART, Mmes Constance Le GRIP, Martine LEGUILLE-BALOY, Nicole Le PEIH, MM. David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, JeanPierre PONT, Dominique POTIER, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, M. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

Partie I – La protection civile française : une organisation singulière et un engagEment européen exemplaire

I. La protection civile À la française, un modÈle ?

A. Une organisation essentiellement décentralisée qui se distingue de ses partenaires européens

1. Une pluralité d’acteurs

a. Les services d’incendie et de secours sont gérés à l’échelon local

i. Les SDIS

ii. Les sapeurs-pompiers militaires

b. Les administrations centrales servent d’interface

i. Au ministère de l’intérieur

ii. Au ministère de l’Europe et des affaires étrangères

2. Une comparaison européenne contrastée

a. La diversité relative des modalités d’organisation

b. Des différences politiques de conception

B. La question du volontariat

1. La place des volontaires en France

a. Un rôle pilier dans la protection civile française

i. Indispensable au maillage territorial

ii. Complémentaire des professionnels

b. Le modèle du volontariat est affaibli

i. Difficultés inhérentes au modèle

ii. Crise du volontariat

2. Une nécessaire évolution

a. Le droit de l’Union européenne encadre le temps de travail des volontaires

i. L’inquiétude autour de l’arrêt Matzak

ii. Une nécessaire remise en perspective

b. En cohérence, certaines pratiques doivent évoluer

i. Les exemples étrangers

ii. La situation française

II. Dans la réponse aux crises, la France fait preuve d’un engagement remarquable au sein de l’Union européenne

A. Une politique de protection civile, liée aux enjeux de souveraineté, qui évolue par NÉCESSITé

1. Une politique qui repose sur la préparation nationale

a. La réserve européenne de protection civile

b. La coordination européenne

2. Le MPCU s’est fait dans les crises

a. La solidarité face aux catastrophes de grande ampleur

i. La création du corps médical européen

ii. La prise de conscience des risques liés à d’importants feux de forêt sur le territoire européen

b. La création de rescEU

i. Un périmètre en expansion

ii. Un fonctionnement intégré

B. Une participation honorable au MPCU qui doit être renforcée

1. Des contributions importantes

2. Des progrès à faire

a. Une activation encore trop rare

b. Une influence en recul

Partie II – la protection civile européenne : l’enjeu d’une montée en charge face à la multiplication des risques et des crises

I. Le Président de la République a annoncé dès 2017 que la protection civile faisait partie de ses priorités européennes.

A. La formation des sapeurs-pompiers

1. Les exercices communs

2. Une nécessaire ouverture sur l’international

a. Renforcer la dimension européenne de la formation en France

b. Aller plus loin dans la formation commune

B. La résilience des populations

1. En population générale

a. La formation

b. L’amélioration des canaux de communication

i. L’information officielle en temps de crise

ii. Le recueil de l’alerte

2. Chez les jeunes générations

a. En milieu scolaire

b. Par le biais des jeunes sapeurs-pompiers

II. Le sens de l’Histoire implique une mise en commun des capacités de réponse aux crises

A. L’intelligence collective doit permettre de préparer les grandes crises du futur

1. Le développement de capacités spécifiques à l’échelle de l’Union européenne

a. Le centre des connaissances en matière de gestion des risques de catastrophe

b. Les pôles d’expertise

2. La nécessaire attention au développement des capacités logistiques

a. Les équipements spécifiques

i. Les moyens de lutte contre les feux de forêt

ii. Les moyens de transport lourd

b. Le stockage de matériels

B. Le MPCU peut devenir l’une des grandes réussites européennes

1. Renforcer la place de la protection civile en France et en Europe

a. Une montée en puissance budgétaire

i. Une augmentation importante mais insuffisante

ii. Un point d’attention : la création de l’agence sanitaire HERA

b. Une évolution possible de la gouvernance

i. En France

ii. Au niveau européen

2. La constitution d’une force européenne

a. Des capacités de coordination européennes

b. À terme, la création d’une force européenne de protection civile

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION europÉenne

Annexe I Actualité jurisprudentielle

Annexe II Liste des personnes auditionnées


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Liste des acronymes

 

CDCS : Centre de crise et de soutien

COGIC : Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises

DG ECHO : Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes

DGSCGC : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises

ENSOSP : École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers

ERCC : Centre de coordination de la réaction d’urgence

FNSP : Fédération nationale des sapeurs-pompiers

FORMISC : Formations militaires de la sécurité civile

JSP : Jeunes sapeurs-pompiers

MOSC : Loi de modernisation de la sécurité civile

MPCU : Mécanisme de protection civile de l’Union européenne

NRBC : Nucléaire, radiologique, bactériologique, chimique

RescEU : réserve européenne de ressources

SDIS : Service départemental d’incendie et de secours

SIS : Service d’incendie et de secours

 


15 propositions pour la protection civile dans l’Union

 

Proposition n° 1 : Faire évoluer l’encadrement réglementaire des activités des sapeurs-pompiers volontaires.

Proposition n° 2 : Renforcer les capacités nationales sans attendre qu’elles soient prises en défaut par une crise.

Proposition n° 3 : Renforcer l’enseignement de langues étrangères, en particulier de l’anglais, à destination des sapeurs-pompiers français.

Proposition n° 4 : Proposer un module commun de formation à tous les cadres européens de la sécurité civile, par exemple à l’ENSOSP.

Proposition n° 5 : Sensibiliser aux risques et aux bons réflexes en s’inspirant des modèles étrangers.

Proposition n° 6 : Mettre en œuvre sans délai supplémentaire la technologie FR-Alert, utilisant le réseau téléphonique pour envoyer des messages d’alerte à toutes les personnes présentes sur un territoire donné.

Proposition n° 7 : Lancer sans délai l’expérimentation du numéro d’appel d’urgence unique en France.

Proposition n° 8 : Systématiser la formation aux premiers secours dans le secondaire (PSC1), en s’appuyant sur le tissu associatif.

Proposition n° 9 : Faire essaimer les pôles d’expertise à l’image de NEMAUSUS sur des thématiques nouvelles.

Proposition n° 10 : Développer et diversifier rescEU, en capitalisant sur le stockage de matériels utiles dans le cadre de crises hybrides.

Proposition n° 11 : Poursuivre l’augmentation des crédits engagée au bénéfice de la protection civile européenne.

Proposition n° 12 : Doter la France d’un secrétaire d’État à la protection civile placé auprès du Premier ministre.

Proposition n° 13 : Étudier la transformation d’une partie de la DG ECHO en agence dédiée à la protection civile.

Proposition n° 14 : Doter le MPCU de personnels permanents dédiés à la coordination opérationnelle des interventions

Proposition n° 15 : Créer un corps géré au niveau européen, sur le modèle du corps de garde-frontières et garde-côtes.

 


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

L’année 2021 a agi comme un triste catalyseur de l’intérêt pour la protection civile en Europe. Durant la seule période estivale, les inondations qui ont gravement touché l’Allemagne et la Belgique, ainsi que les feux de forêt de très grande ampleur dans le Sud de l’Europe, ont entraîné un lourd bilan humain, écologique et économique.

Dans ces situations complexes, mais aussi dans le contexte de la pandémie de covid-19, l’Union européenne a été un soutien précieux en renfort des États membres. Le mécanisme de protection civile est apparu comme un facilitateur de l’aide mutuelle entre les services nationaux, grâce au soutien opérationnel et financier de la Commission européenne. Bien que son action soit rarement mise en avant du fait de la persistance de logiques nationales, le MPCU a permis de réaliser la solidarité en actes qui fait de l’Union européenne une réussite du quotidien, au service des citoyens.

Les situations d’urgence ont vocation à s’accentuer. La protection civile prend en charge une pluralité de situations, dont la fréquence et la gravité vont croissant.

Les catastrophes d’origine naturelle vont s’intensifier sous l’effet du dérèglement climatique, qui n’est plus une projection mais déjà une réalité opérationnelle. Les experts du WWA attribuent clairement l’augmentation du risque d’inondations graves, à l’instar de celles de l’été 2021, au dérèglement induit par l’activité humaine ([1]). Les étés plus chauds ont un impact direct sur les incendies : la moitié des forêts de France métropolitaine sera soumise au risque incendie élevé d’ici 2050 ([2]).

Une difficulté propre à la lutte contre les feux de forêt tient à leur simultanéité qui s’entend, du fait des conditions climatiques proches, à l’échelle régionale voire continentale. Ainsi, les catastrophes naturelles vont être plus rapprochées, souvent plus coûteuses et parfois se produire de façon concomitante.

La France se distingue des autres pays de l’Union européenne en ce qu’elle doit également répondre à l’exposition aux aléas climatiques et telluriques des collectivités et territoires d’outre-mer, qui sont particulièrement exposés à ces risques, de par leur insularité (hormis la Guyane) et de la concentration des habitants sur les littoraux ([3]).

Les catastrophes d’origine anthropique recouvrent les risques industriels et technologiques comme la pollution ou les intoxications. Les plus dangereux, qu’ils résultent d’un accident ou d’un acte criminel, sont habituellement désignés par l’acronyme NRBC, pour les risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. Le risque terroriste ou de guerre est également pris en compte s’agissant du secours aux populations civiles.

Les crises sanitaires avaient déjà montré la nécessité d’une préparation en matière de protection civile dans le cadre des épidémies d’Ébola. Cependant, c’est l’ampleur de la pandémie de covid-19 qui a entraîné l’intégration d’une réponse spécifique, sur le plan des chaînes logistiques, du matériel comme de l’adaptation des personnels à de nouvelles missions, à l’instar de la vaccination.

La protection civile a vocation à devenir une dimension de plus en plus stratégique de la sécurité collective dans l’Union européenne. Elle s’inscrit pleinement dans l’objectif d’une « Europe qui protège ». Le MPCU, qui vient de fêter ses 20 ans, doit continuer de se développer. Face à l’ampleur des investissements nécessaires pour faire face, de manière efficace, à des risques dont la réalisation demeure incertaine, une mutualisation des efforts à l’échelle du continent est non seulement pertinente, mais indispensable.

La solidarité entre les États membres est dans l’intérêt de tous, car il est impossible de prévoir qui sera le prochain pays touché, en particulier dans le cadre de crises qui traversent les frontières. Concrètement, il s’agit d’abord d’apporter une assistance à des populations touchées par des catastrophes dont l’ampleur dépasse, dans l’urgence, les capacités de réponse nationales des territoires sur lesquels elles adviennent.

Cette solidarité passe également par un partage d’expertise et d’expérience. La montée en compétences de l’ensemble des organisations de protection civile, tout comme des populations, est un gage de résilience de l’ensemble du système en permettant de repousser son point de saturation.

Vos rapporteurs ont la conviction que les États membres sont plus forts ensemble. Chacun peut progresser, dans son organisation ou ses pratiques, en apprenant des autres. Les particularités françaises, lorsqu’elles sont gages d’efficacité, doivent être promues ; la France doit aussi faire preuve d’humilité et s’inspirer de modèles étrangers, lorsqu’ils sont d’utiles aiguillons. Elle ne saurait se reposer sur cette formule historique de Victor Hugo : « ce que Paris conseille, l’Europe le médite ; ce que Paris commence, l’Europe le continue ([4]) ».

Le MPCU peut évoluer vers plus de solidarité. L’horizon temporel des dirigeants nationaux est limité, tout comme les ressources financières et humaines des États membres pris individuellement. La Commission européenne, quant à elle, dispose des ressources et du levier d’action pour doter les habitants de l’Union européenne d’une capacité exemplaire de réponse aux crises, sur son territoire mais aussi au bénéfice des pays tiers.

La protection civile est en effet intrinsèquement liée à l’aide humanitaire, qu’elle complète. En cela, la réussite du MPCU est aussi celle des valeurs humanistes sur lesquelles nous entendons fonder notre construction politique à 27.

 


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   Partie I – La protection civile française : une organisation singulière et un engagEment européen exemplaire

I.   La protection civile À la française, un modÈle ?

L’organisation de la protection civile française repose essentiellement sur 251 900 sapeurs-pompiers, dont 5 % de militaires et surtout 79 % de volontaires ([5]), mais aussi sur des associations agréées. L’État central intervient pour coordonner les forces au niveau national et permettre l’interaction avec l’échelon européen et international.

A.   Une organisation essentiellement décentralisée qui se distingue de ses partenaires européens

1.   Une pluralité d’acteurs

La politique de sécurité civile est définie à l’article L.112-1 du code de la sécurité intérieure comme ayant pour objet « la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. ([6]) » Souvent vus comme des « soldats du feu », les sapeurs-pompiers français assurent en réalité 80 % de leurs interventions au titre du secours à personne.

a.   Les services d’incendie et de secours sont gérés à l’échelon local

Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les services d’incendie et de secours, qui se composent des services départementaux, territoriaux et locaux ([7]) ; Paris et Marseille présentent une structure spécifique. C’est au niveau des territoires que s’organise l’essentiel du système français de secours d’urgence et de protection des populations.

i.   Les SDIS

Les sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires, sont regroupés au sein des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Chaque SDIS est un établissement public placé sous l’autorité du préfet pour la gestion opérationnelle, et géré par un conseil d’administration, au sein duquel siègent notamment les représentants des collectivités territoriales.

Ils sont complétés par des corps communaux et intercommunaux. Cette diversité, qui fait intervenir la responsabilité des différentes collectivités territoriales est le produit de l’Histoire. Ce n’est qu’en 1992 que les SDIS ont acquis pleine compétence pour la gestion des moyens consacrés à la lutte contre les incendies et les accidents ; cette départementalisation a été organisée par la loi du 3 mai 1996 ([8]) qui a fait du SDIS le gestionnaire essentiel des moyens humains, financiers et matériels des SIS.

Les sapeurs-pompiers professionnels ont un statut civil et sont des fonctionnaires territoriaux.

ii.   Les sapeurs-pompiers militaires

Deux unités militaires, régies par le code de la défense, sont chargées des secours dans les deux plus grandes villes de France.

L’existence de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est également le fruit d’une contingence historique. Napoléon Ier a créé cette unité ([9]) à la suite d’un incendie dans un bal auquel il assistait ; son statut militaire est alors vu comme un gage d’efficacité dans la professionnalisation de la lutte contre les incendies à Paris.

La BSPP est une unité de l’armée de Terre placée sous l’autorité du préfet de police de Paris. Elle a pour secteur de responsabilité Paris et les départements de la petite couronne.

Le bataillon de marins-pompiers de Marseille a également été créé à la suite d’un important incendie, celui de la Canebière en 1938.

Le BMPM est une unité opérationnelle de la marine nationale placée sous l’autorité directe du maire de Marseille, ce qui est unique en France. Depuis la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile (dite « MOSC »), le bataillon dispose de prérogatives similaires aux SDIS. En cas de crise majeure, la DGSCGC peut solliciter l’aide du BMPM sur le territoire national ou à l’étranger.

Enfin, les formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) représentent 1 400 spécialistes des catastrophes naturelles et technologiques. Ils sont répartis en trois unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile qui servent au sein de la DGSCGC. Elles ont un rôle important dans la prévention des risques dits NRBC.

b.   Les administrations centrales servent d’interface

i.   Au ministère de l’intérieur

Si l’organisation de la protection civile française est essentiellement décentralisée, c’est le ministère de l’intérieur qui assure l’encadrement au niveau national des forces de sécurité civile. L’article L.112-2 du code de la sécurité intérieure définit en effet un rôle de l’État comme « garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national. Il en définit la doctrine et coordonne ses moyens. Il évalue en permanence l’état de préparation aux risques et veille à la mise en œuvre des mesures d’information et d’alerte des populations. »

Ainsi, au sein du ministère de l’intérieur, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) est chargée d’une « mission générale de contrôle, d’audit, d’étude, de conseil et d’évaluation des services d’incendie et de secours civils et militaires, des moyens zonaux et nationaux, et des associations concourant à la sécurité civile ([10]) ».

L’article du code de la sécurité intérieure précité se poursuit par la mention du rôle de l’échelon central dans la gestion des crises qui dépassent les unités territoriales que sont les départements, voire les zones de sécurité et de défense : « Sans préjudice des dispositions relatives à l’organisation de l’État en temps de crise et de celles du Code général des collectivités territoriales, le ministre chargé de la sécurité civile coordonne les opérations de secours dont l’ampleur le justifie. »

Le relais de la direction générale au niveau des zones de défense et de sécurité est l’état-major interministériel de zone (EMIZ). Il assure les remontées du terrain, ainsi que la mutualisation et la coordination des moyens. Dans la logique des pactes capacitaires ([11]), la couverture opérationnelle des moyens spécialisés ou d’appui est organisée à l’échelon zonal. L’objectif est d’équilibrer les moyens afin de lisser les différences de ressources et de risques d’un département à l’autre.

CARTE DES ZONES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ

https://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i3864-3.gif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Rapport parlementaire ([12]).

 

L’état-major de la sécurité civile, placé auprès du ministre, veille ainsi à la coopération des acteurs et des moyens, en s’appuyant sur le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), ainsi qu’au bon fonctionnement de la cellule interministérielle de crise (CIC) lorsqu’elle est activée par le Premier ministre.

Ce rôle de coordination est indispensable, tant ce qui est vrai pour l’Europe, c’est-à-dire la nécessité de travailler ensemble pour mieux répondre aux risques qui dépassent un territoire donné, est vrai aussi pour la France. Par ailleurs, le COGIC est le point de contact entre la protection civile française et l’échelon européen, notamment pour la mise en œuvre du mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU).

ii.   Au ministère de l’Europe et des affaires étrangères

La sécurité individuelle et collective des Français est cordonnée, lorsqu’ils se trouvent hors du territoire national, par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Le Centre de crise et de soutien (CDCS) est une structure née en 2009 après le constat d’une insuffisance au sein du ministère. Son action comprend deux volets principaux. D’abord, s’agissant de la protection individuelle, le CDCS doit gérer les crises consulaires – c’est-à-dire affectant nos compatriotes de l’étranger – traiter les affaires individuelles ainsi que les actes terroristes ou encore les prises d’otages et veiller à informer les Français à l’étranger.

S’agissant du volet collectif, le CDCS est chargé d’apporter la réponse de la France en matière d’aide humanitaire ou des programmes de stabilisation. Le CDCS est le gestionnaire du fond d’urgence humanitaire doté de crédits budgétaires qui permettent de financer les actions humanitaires, lesquels sont en augmentation dans la loi de finances initiales pour 2022.

2.   Une comparaison européenne contrastée

a.   La diversité relative des modalités d’organisation

Les modèles de services d’incendie et de secours varient entre les pays européens, dans leurs modalités comme dans les missions assurées.

En Allemagne, la lutte locale contre les risques relève de la compétence des communes, la protection contre les catastrophes de la compétence des Länder, et la protection civile, entendue comme la protection contre les risques liés à la guerre, de la responsabilité de l’État fédéral. Ce système interdépendant est résumé par le concept de protection de la population (Bevölkerungsschutz), dont est chargé le BBK, administration fédérale dépendant du ministère de l’intérieur dont le siège est à Bonn.

À l’échelle du pays, 80 000 secouristes bénévoles sont engagés au sein du Technisches Hilfswerk (THW), agence fédérale participant à la réponse aux catastrophes. Par ailleurs, les associations de sécurité civile comptent environ 600 000 personnes. La protection de la population allemande est, grâce à ces structures, particulièrement performante ([13]).

En Grèce, il existe un corps de pompiers professionnels complété par des pompiers en contrats courts, recrutés pour les périodes estivales pour répondre aux spécificités des risques d’incendie, qui s’ajoutent au risque sismique auquel est confrontée la région. Le pays entend également se doter d’un corps de volontaires citoyens, axe de développement majeur pour les années à venir.

Le constat avait été fait en 2016 d’un déficit d’expertise et d’un sous-investissement manifeste en matière de protection civile, lié à la grave crise économique. Depuis, une coopération bilatérale a permis de mobiliser l’expertise française au service de la montée en compétences des services grecs ([14]).

À la suite des méga-incendies de l’été 2021, qui ont constitué un nouveau traumatisme pour la Grèce après celui de l’incendie de Mati en 2018, un ministère de plein exercice a été créé début septembre 2021, avec un portage politique particulièrement intéressant puisqu’il prend le nom de ministère de la crise climatique et de la protection civile. Confié à M. Christos Stylianides, ancien commissaire européen d’origine chypriote, ce ministère succède au secrétariat d’État à la protection civile, qui était jusqu’alors rattaché au ministère de la protection du citoyen, lequel gère les questions de sécurité.

La Hongrie et la République tchèque se distinguent par l’emploi exclusif de militaires afin d’assurer les missions de sécurité civile ([15]). A contrario, à Chypre, les ressources de la sécurité civile dépendent de trois ministères : ministère de l’intérieur, ministère de la justice et de l’ordre public, mais aussi ministère de l’agriculture, dont le département des forêts est l’acteur principal de la lutte contre les feux ([16]).

En Roumanie, les sapeurs-pompiers étaient historiquement des militaires rattachés au ministère de la défense. En 2004, civils et militaires ont été rattachés à l’Inspection générale de la sécurité civile (IGSU), qui est une structure militaire sous tutelle du ministère des affaires intérieures, à l’instar de la gendarmerie française.

Les missions des sapeurs-pompiers ont beaucoup évolué : sur le modèle soviétique, ils étaient auparavant mobilisés uniquement sur les feux et les catastrophes naturelles. À partir de 1990, en s’inspirant des modèles français et allemand, les compétences de soins intensifs et de premier secours ont été développées. La protection civile et les services d’urgence sont regroupés sous la même autorité. Désormais, 85 % des interventions des sapeurs-pompiers correspondent à des activités de secours à personne, une proportion similaire à la France ([17]).

Notons qu’au Danemark, où une organisation militaire, le DEMA, est chargée de la protection civile sur l’ensemble du territoire national, les communes ont la faculté de recourir à des sapeurs-pompiers privés, gérés par la société Falck. Cette organisation est très éloignée de la conception française du service public de lutte contre les incendies et de secours à personne et ne constitue aucunement un modèle à suivre.

Le cas de la Suède, où la protection civile est très largement déléguée aux 291 « communes » qui constituent le pays, fait l’objet de développements ci-après.

b.   Des différences politiques de conception

La position française en matière de protection civile est plutôt proactive. Cette compétence est certes considérée comme régalienne et relevant de la souveraineté nationale. Cependant, la France est traditionnellement en faveur des progrès dans le cadre du MPCU, dont la construction était initialement purement intergouvernementale puisque fondée sur des contributions nationales volontaires (voir infra).

L’Allemagne diverge souvent de la position française dans les négociations, en insistant sur le principe de subsidiarité là où la France est en faveur de la solidarité. Par ailleurs, elle se montre réticente à l’intégration des pays des Balkans occidentaux dans le MPCU ([18]).

La France soutient une couverture territoriale large pour la protection civile européenne, pour plusieurs raisons. D’abord, des ressortissants ou résidents européens peuvent être affectés par des crises hors de l’Union, comme lors du tsunami en Asie du Sud-Est de 2004. De plus, la France est alignée avec la conception de l’Union européenne qui veut que la solidarité avec les populations affectées par les catastrophes soit un domaine relativement neutre. Elle peut permettre une forme de soft power ([19]) ou le maintien d’un lien malgré des tensions diplomatiques ([20]). Ainsi, le MPCU a d’abord, mais pas seulement, vocation à se déployer sur le territoire des États membres.

La valeur maîtresse de la protection civile européenne, qui anime les travaux de la DG ECHO, est la solidarité. Les États membres travaillent globalement en bonne intelligence, malgré des dossiers prioritaires qui peuvent diverger. La dernière révision du MPCU, qui a conduit à l’adoption d’un règlement au printemps 2021 ([21]), en est un exemple emblématique dans la mesure où elle a abouti en quatorze mois seulement, alors que la pandémie sévissait au même moment.

B.   La question du volontariat

Le système de sécurité civile français, c’est-à-dire le volet de la protection civile organisé par la puissance publique, repose sur l’engagement de nombreux volontaires sur l’ensemble du territoire, ce qui forme le caractère unique de cette politique publique.

1.   La place des volontaires en France

a.   Un rôle pilier dans la protection civile française

i.   Indispensable au maillage territorial

En France, le maillage territorial est actuellement constitué de 6 145 centres de secours. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers déplore cependant la fermeture de 2118 centres depuis 2013, qui s’est nécessairement traduite par une dégradation de la couverture opérationnelle : dans le même temps, les temps d’intervention ont augmenté de 2 minutes et 7 secondes ([22]).

La part très majoritaire des volontaires dans les effectifs de sapeurs-pompiers en France les rend indispensables à l’organisation des SIS, dans un pays qui se caractérise par une relative faible densité de population, due notamment aux territoires ruraux.

L’organisation du SDIS des Deux-Sèvres illustre l’importance de ce rôle. Si le centre de secours de Bressuire comporte des professionnels et des volontaires, les centres de première intervention (CPI) répartis sur le territoire fonctionnent exclusivement grâce aux volontaires. Symétriquement, dans le Puy-de-Dôme, la compagnie d’Ambert, qui couvre un arrondissement de près de 30 000 habitants, compte 15 centres d’intervention et de secours en complément du centre d’Ambert ; celui-ci regroupe quatre professionnels, dont un lieutenant faisant fonction de chef de compagnie sur le territoire. Les volontaires sont au nombre de 320.

ii.   Complémentaire des professionnels

Sapeurs-pompiers professionnels et volontaires travaillent côte à côte, puisqu’ils sont mobilisés, à des degrés divers et selon les départements, pour :

– les interventions ;

– des astreintes, qui correspondent à des périodes impliquant l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité immédiate, afin d’être en mesure d’intervenir rapidement ;

– des gardes, périodes continues de 12 ou 24 heures, qui peuvent se dérouler au centre de secours et impliquent l’affectation prioritaire aux missions opérationnelles.

À ces activités s’ajoutent les formations, manœuvres et exercices, mais aussi les travaux d’entretien des matériels et engins, ainsi que les tâches administratives ou d’encadrement éventuel. Les volontaires peuvent également accéder aux grades d’officier.

Les rencontres menées par les rapporteurs auprès de sapeurs-pompiers professionnels comme volontaires ont mis en avant une grande complémentarité et une relative absence de concurrence entre les statuts.

Les volontaires assurent 66 % du temps d’intervention ([23]). En tout état de cause, cette activité ne saurait être absorbée par les sapeurs-pompiers professionnels à moins d’une augmentation drastique des effectifs, que les organisations syndicales appellent de leurs vœux. Augmenter le nombre de professionnels ne remplacerait cependant pas la diffusion des compétences de secours à la personne dans la population générale (par le biais des volontaires dans leur environnement immédiat) qui est un atout lié à leur nombre. Le modèle de volontariat doit donc être préservé et promu, le cas échéant en l’adaptant.

b.   Le modèle du volontariat est affaibli

i.   Difficultés inhérentes au modèle

La part importante de volontaires dans l’organisation de la sécurité civile entraîne certains inconvénients dans la gestion des effectifs, car ils ne sont pas soumis aux mêmes sujétions que des fonctionnaires. En cas de crise majeure, les volontaires n’ont pas vocation à mettre leur engagement au-dessus de leur intérêt personnel, contrairement aux professionnels.

Par définition, les sapeurs-pompiers volontaires ne font pas de leur engagement leur activité principale, bien que des périodes de chômage, par exemple, puissent conduire à moduler leur disponibilité à la hausse.

Le volontariat implique une période de formation, qui nécessite souvent la mobilisation de week-ends ou de périodes de vacances. Pour les interventions, le système repose essentiellement sur la déclaration de plages horaires durant lesquelles les personnes peuvent se rendre disponibles.

La question de l’articulation avec le temps de travail se pose rapidement. Conformément à l’article L.723-11 du code de la sécurité intérieure, les SIS mettent en place des conventions avec les entreprises pour fluidifier le partage d’information et limiter les difficultés lorsque les volontaires doivent s’absenter de leur poste, ce qui, en particulier à certaines fonctions (travail en équipe ou à la chaîne), peut être considéré comme trop coûteux pour l’employeur.

La loi du 25 novembre 2021 (dite « Matras ») crée un label « employeur partenaire des sapeurs-pompiers » pour les employeurs privés ou publics ayant conclu une telle convention. Cette nouveauté témoigne, entre autres, de la volonté du législateur de revaloriser le volontariat.

ii.   Crise du volontariat

La France fait reposer son système sur le volontariat, bien que cette filière de recrutement soit en crise, sous l’effet de multiples facteurs.

L’avènement de la société de loisirs entraîne une moindre propension à donner de son temps au service de la collectivité, ou selon des modalités qui conviennent mieux à l’articulation avec une vie personnelle et familiale. Cette aspiration légitime se heurte à la nécessité de mobiliser des plages horaires importantes pour les formations et les gardes, parfois postées (voir infra).

La faible indemnisation du volontariat a rarement été évoquée par les sapeurs-pompiers auditionnés, la plupart mettant en avant la fierté liée à leur engagement. Cependant, force est de constater qu’une compensation inférieure au SMIC ne participe pas de l’attractivité de la fonction.

La dimension de cette crise peut être mesurée à la baisse du nombre de volontaires, qui atteint près de 7 % au cours des quinze dernières années ([24]), ainsi que par la comparaison : si le nombre de sapeurs-pompiers autrichiens était transposé à la France, notre pays disposerait de 1 675 000 sapeurs-pompiers soit près de sept fois plus, dont 94,3 % de volontaires ([25]).

2.   Une nécessaire évolution

La question du volontariat n’est pas seulement une question de fond relative à l’organisation des services d’incendie et de secours. Elle fait également l’objet d’une actualité européenne qui nécessite de remettre en question certaines modalités d’organisation.

a.   Le droit de l’Union européenne encadre le temps de travail des volontaires

i.   L’inquiétude autour de l’arrêt Matzak

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt très commenté relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers volontaires. Analysant les contraintes réelles qu’impliquent les gardes, elle qualifie une situation dans laquelle le volontaire doit répondre en 8 minutes à des sollicitations depuis son domicile comme équivalente à du temps de travail. Cette solution implique l’application de la directive européenne relative au temps de travail ([26]).

La Cour a précisé sa jurisprudence à propos des périodes d’astreinte et de repos. Elle a aussi étendu sa réflexion aux militaires, affirmant que son appréciation du temps de travail se fait au regard des conditions d’exercice des activités, et non du statut (pour un résumé des récentes affaires, voir en annexe).

L’arrêt Matzak

L’arrêt Rudy Matzak c/ Ville de Nivelles, rendu par la CJUE le 21 février 2018 ([27]), répond à des questions préjudicielles de la Cour du travail de Bruxelles concernant la demande d’un pompier volontaire dans la ville de Nivelles (Belgique) de comptabiliser les heures qu’il effectue en période de garde, à domicile, comme du temps de travail et non comme une période de repos, en raison du caractère contraignant du délai de réponse de 8 minutes lui étant imposé. La Cour du travail de Bruxelles pose également la question de l’application du statut de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires et celle de la rémunération du temps de travail, le cas échéant.

La directive 2003/88 relative à l’aménagement du temps de travail consacre un caractère mutuellement exclusif à la notion de temps de travail et à celle de période de repos, obligeant la CJUE à trancher sur la nature de l’activité du travailleur.

Tout d’abord, la Cour assimile le temps de volontariat des sapeurs-pompiers à du temps de travail. Selon la CJUE, la notion de travailleur en droit de l’Union est autonome et « ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux ». De ce fait, les sapeurs-pompiers volontaires relèvent, selon la Cour, du champ d’application de la directive européenne 2003/88 relative au temps de travail.

Ensuite, la Cour juge qu’une période de garde à domicile doit être considérée comme du temps de travail, si les conditions de réponse définies par son employeur sont de nature à « restreindre très significativement les possibilités d’avoir d’autres activités ». Même si le délai de réponse de 8 minutes est considéré comme suffisamment restrictif pour retenir la qualification de temps de travail dans cette affaire, la Cour ne donne pas de critère objectif afin de définir plus généralement une « restriction significative ».

Enfin, la CJUE précise qu’elle ne saurait se prononcer sur la notion de rémunération : « la directive 2003/88, fondée sur l’article 153, paragraphe 2, TFUE, n’aurait pas vocation à s’appliquer, en vertu du paragraphe 5 du même article, à la question de la rémunération des travailleurs tombant dans son champ d’application ».

La directive en cause prévoit une limite hebdomadaire de temps de travail, mais aussi l’obligation de durées de repos. Or, les sapeurs-pompiers volontaires exercent majoritairement une activité professionnelle à titre principal. La mise en œuvre du droit de l’Union européenne en France impliquera une importante réduction de leur disponibilité, qui se concentrera alors plutôt sur les week-ends et vacances scolaires.

Cet arrêt a suscité une émotion importante. Le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSP), le contrôleur général Grégory Allione, a souligné le risque de fragilisation de l’ensemble du système français, qui fonctionne largement avec le concours des sapeurs-pompiers volontaires, comme développé précédemment. Cependant, la DGSCGC a rappelé le dialogue constructif engagé avec la Commission européenne à propos les conséquences de l’arrêt sur le volontariat français, qui s’est traduit « par l’obtention d’une lettre dite de confort confirmant la validité du modèle de Sécurité civile français avec les règles européennes et l’absence d’interprétation de portée générale, mais bien une appréciation au cas par cas, de la situation des sapeurs-pompiers volontaires ([28]) ».

ii.   Une nécessaire remise en perspective

Vos rapporteurs souhaitent formuler plusieurs réflexions dans le débat nourri sur les suites de l’arrêt Matzak.

La première tient à l’improbabilité de bloquer l’évolution amorcée : le droit européen dérivé a une valeur obligatoire, pour toutes les juridictions nationales, tel qu’interprété par la Cour de Justice, laquelle a donné un mode d’emploi relativement clair pour définir ce qui relève ou non du temps de travail. Le Conseil d’État, saisi de la question de l’applicabilité de la directive au temps de travail des gendarmes, relevant d’un statut militaire, a admis l’applicabilité de la limite hebdomadaire de 48 heures de travail aux gendarmes, tout en considérant que les conditions concrètes d’organisation des astreintes ne doivent pas conduire à les inclure dans ce décompte ([29]). Le juge français a fait sienne l’interprétation de la Cour de Justice, qui laisse des marges de manœuvre dans l’organisation des services.

La seconde tient au fondement de cette évolution. Les limitations relatives au temps de travail sont un acquis social minimal et assurent la protection de la santé du travailleur. Dans le cas des activités de lutte contre les incendies et de secours à personne, il en va également de la sécurité collective : un bon pompier ne saurait être un pompier épuisé.

Symétriquement, une nuit de garde ou d’interventions ne devrait pas être suivie d’une journée de travail. L’exemple topique en la matière est celui du volontaire qui prendrait son service en tant que chauffeur de car scolaire sans avoir bénéficié d’une période de repos. L’applicabilité de la directive apparaît aussi comme justifiée au regard de l’intérêt général. À ce stade, l’enchaînement d’une garde et d’une journée de travail ne fait l’objet d’aucune interdiction réglementaire ; elle est simplement « déconseillée en pratique », selon les observations recueillies auprès des sapeurs-pompiers des Deux-Sèvres.

b.   En cohérence, certaines pratiques doivent évoluer

La sauvegarde du volontariat implique d’intégrer les alertes du juge européen sur les pratiques nationales. À défaut, c’est tout le modèle qui risque d’être remis en question.

i.   Les exemples étrangers

La Belgique s’est déjà engagée dans une évolution, qui lui est apparue nécessaire, de ses pratiques à l’égard des sapeurs-pompiers volontaires. Elle a mis fin à une organisation en gardes obligatoires qui conduisait les volontaires, une semaine sur quatre, à devoir être disponibles en tout temps, sauf impératif professionnel, tant pour les missions urgentes que non urgentes.

L’évolution des pratiques répondait à un souci simple : « on pourrait considérer qu’il ne s’agirait plus d’un engagement citoyen volontaire mais bien d’une relation de travail ([30]) ». Une première alerte avait été donnée par la Cour du travail de Bruxelles dans un arrêt du 6 août 2013 ([31]), attirant déjà l’attention des services belges sur cette question avant que la CJUE ne suive un raisonnement analogue. Notons qu’à la suite de la réponse donnée par la CJUE à la question préjudicielle posée dans l’arrêt Matzak précité, la Cour du travail de Bruxelles s’est ralliée à cette interprétation dans un arrêt du 20 janvier 2020 ([32]).

Ce système a été remplacé par une solution informatisée permettant au pompier volontaire de faire part, en temps réel, de ses plages horaires de disponibilité ou d’indisponibilité.

En Finlande, la cour suprême a jugé dès 2015 qu’une astreinte comprenant un délai d’intervention de cinq minutes correspondait à du temps de travail. Depuis, les règles ont évolué pour que les astreintes des pompiers impliquent un délai d’intervention de 15 minutes ; elles sont désormais considérées comme du temps de repos ([33]).

ii.   La situation française

Les conséquences qu’entraîne le droit européen sur l’organisation nationale de la sécurité civile paraissent difficilement surmontables car elles se heurtent à des pratiques ancrées ; néanmoins, l’État a la responsabilité de les faire évoluer.

Selon M. Frédéric Monchy, président du syndicat SNSPP-PATS, les arrêts Matzak et Offenbach (voir en annexe) de la Cour de Justice « sont le fruit des abus que les SDIS ont mis en œuvre ([34]) ». Bien qu’il s’agisse de cas d’espèce étrangers, ils inquiètent en France dans la mesure où les pratiques mises en cause sont transposables à nos services.

Ainsi, il appartient à la France de prendre acte de l’évolution amorcée sous l’effet des arrêts de la Cour et de s’adapter à la conception du temps de travail qu’elle y développe sans attendre une condamnation. Cette adaptation devrait prendre la forme d’une réglementation s’imposant à tous les SDIS.

Une évolution importante consisterait à limiter le recours aux gardes postées demandées aux sapeurs-pompiers volontaires. La présence sur le lieu de travail, associée à une demande de disponibilité qui se compte généralement en minutes, entraîne, selon la grille de lecture de la Cour, une présomption (quoique réfragable) de temps de travail. Si des volontaires sont amenés à en assurer, il appartiendra au directeur du service d’incendie et de secours de l’organiser en ménageant un temps de repos. Les conventions avec les employeurs sont ici amenées à jouer un rôle d’autant plus important.

L’évolution réglementaire doit se faire dans une démarche dite « bottomup », en partant des constats du terrain ; c’est la méthode retenue par la DGSCGC.

Proposition n° 1 : Faire évoluer l’encadrement réglementaire des activités des sapeurs-pompiers volontaires.

II.   Dans la réponse aux crises, la France fait preuve d’un engagement remarquable au sein de l’Union européenne

La protection civile est une compétence d’appui de l’Union européenne ([35]), ce qui signifie, conformément à l’article 6 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), que l’UE ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter les actions des États membres, sans que cette action puisse consister en une harmonisation des dispositions législatives et réglementaires nationales.

A.   Une politique de protection civile, liée aux enjeux de souveraineté, qui évolue par NÉCESSITé

La mise en commun de capacités opérationnelles liées à la protection civile n’allait pas de soi. Créé en 2001 ([36]), le mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU) avait pour objectif de fournir aux pays participants ([37]) les moyens de s’entraider ou de prêter assistance aux pays tiers.

1.   Une politique qui repose sur la préparation nationale

Le fonctionnement initial du MPCU reposait sur une assistance mutuelle entre États membres via des offres spontanées. Après une première modification de la décision institutive en 2007, l’importante révision de 2013 l’a fait évoluer vers une politique plus intégrée, mais qui fonctionne toujours essentiellement grâce aux moyens nationaux.

a.   La réserve européenne de protection civile

La grande évolution résultant de la décision n° 1313/2 013/UE du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relative au mécanisme de protection civile de l’Union est la création de la réserve européenne de protection civile.

Elle regroupe des ressources pré-engagées par les États pour faire face à des sinistres à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Elle vise à offrir une réponse européenne coordonnée, prévisible, efficace et rapide.

25 pays participent à la réserve ([38]). Les ressources peuvent être, par exemple, des équipes de secours médicales, des experts, des services de transport et d’évacuation, du matériel spécialisé ou encore des avions. Pour faire partie de la réserve, ces modules ([39]) doivent être rapidement mobilisables en cas de catastrophe, quelle qu’en soit l’origine naturelle ou humaine.

La mobilisation se fait par l’intermédiaire du MPCU et exclusivement pour des opérations de réaction. Une procédure de certification et d’enregistrement par la Commission européenne permet de garantir des normes communes élevées et l’interopérabilité des équipes. La réserve comprend 113 modules, dont 18 sont armés par la France. Actuellement, la plupart de ces modules relèvent des unités militaires, les FORMISC (cf. développements précédents) ; un levier important de participation accrue à la réserve consisterait à impliquer davantage les SDIS, sur lesquels est fondé l’essentiel de la réponse nationale.

Le travail de certification des modules est long et coûteux en travail administratif, ce qui est un frein à la bonne consommation des crédits ([40]). Cependant, il peut aussi permettre de monter en compétence et de moderniser les équipements, dans la mesure où la mise en conformité implique des subventions.

En effet, la Commission européenne apporte un soutien financier en cas de mobilisation (75 % des frais de déploiement et d’opération des capacités de la réserve) ou d’entretien des capacités de la réserve.

b.   La coordination européenne

Le système commun de communication et d’information d’urgence (CECIS) avait été instauré en 2007. Il s’agit d’une application d’alerte et de notification en ligne permettant l’échange d’informations en temps réel.

Le Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC), également créé en 2013, est quant à lui l’outil de pilotage essentiel du MPCU et son bras opérationnel.

Il réalise une veille permanente des risques : trois agents de permanence y travaillent en journée et deux la nuit. L’équipe comporte une quarantaine de personnes au total. Ainsi, en cas de problème, la DG ECHO contacte les États membres avant même qu’ils se manifestent afin de proposer son aide. L’ERCC dispose pour ce faire d’outils de suivi, comme le global disaster alert and coordination system (GDACS), le European flood awareness system (EFAS) ou encore meteoalarm pour faire le suivi météorologique. Le centre gère également les demandes, l’acquisition et la fourniture de cartes satellitaires par l’intermédiaire du service Copernicus de gestion des urgences, en continu.

Le MPCU doit néanmoins être activé pour intervenir, y compris sur le territoire européen, car les pays restent souverains dans leur décision de déclencher ou non la demande d’aide. Elle peut émaner des autorités nationales du pays concerné ou d’un organe des Nations unies.

La plateforme coordonne et affine les demandes d’aide d’urgence selon les besoins exprimés. Les besoins exprimés font l’objet de réponses d’États prêts à intervenir, qui doivent ensuite être acceptées par le pays demandeur. Lors de la demande de soutien réalisée par la Lituanie en juillet 2021 pour faire face à l’arrivée importante de demandeurs d’asile sur son territoire, 19 États membres ont répondu ; la proposition allemande a été refusée car elle n’était plus nécessaire ([41]).

Les demandes peuvent émaner des États membres comme des pays tiers. Lors de la visite des rapporteurs au centre, le 30 septembre 2021, quarante demandes d’assistance émanant d’États tiers étaient en cours. Une réponse ne peut pas être garantie, dans la mesure où elle dépend des ressources nationales mises à disposition.

De plus, la projection hors du territoire européen est nécessairement plus complexe et comprend une dimension politique. Ainsi, après l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, la France a choisi de ne pas répondre à la demande d’assistance du Liban par l’intermédiaire de l’ERCC, mais plutôt d’apporter directement une aide d’origine exclusivement française.

Au demeurant, des rapports bilatéraux peuvent compléter une saisine de l’ERCC afin de bénéficier de l’aide européenne. À titre d’exemple, dans le cadre des inondations survenues en Belgique à l’été 2021, les équipes intervenues via le MPCU provenaient essentiellement de pays frontaliers, du Benelux et de France.

Les représentants auditionnés de la Direction de la sécurité civile belge ont souligné la qualité des relations interpersonnelles entre les services belges et français, qui permettent d’alerter des homologues sur un besoin de solidarité tout en passant par l’ERCC afin d’éviter les doublons et bénéficier du soutien financier de la Commission européenne ([42]). Le fait que les services passent par le MPCU malgré leur proximité, y compris dans un cadre transfrontalier, est aussi un gage de rapidité de traitement des demandes et d’efficacité à mettre au crédit de l’ERCC.

 


FEux de forêt et réponses du MPCU en Europe depuis le 1er juillet 2021

Cette carte met en évidence l’aide mutuelle que se sont portée les États membres au cours de cet été particulièrement chaud et sec. Pour exemple, la première activation du mécanisme a été faite par Chypre début juillet ; la Grèce a répondu. Lorsque la Grèce a sollicité le MPCU en août, Chypre a fait partie des onze États, dont la France, ayant répondu à la demande diffusée par l’ERCC.


2.   Le MPCU s’est fait dans les crises

« J’ai toujours pensé que l’Europe se ferait dans les crises, et qu’elle serait la somme des solutions qu’on apporterait à ces crises ([43]). » Cette phrase célèbre de Jean Monnet trouve particulièrement à s’appliquer dans le cas de la protection civile, qui a toujours progressé à la suite de catastrophes auxquelles les États membres auraient voulu mieux savoir faire face.

a.   La solidarité face aux catastrophes de grande ampleur

Le constat qu’une entraide est nécessaire se fait à chaque activation du MPCU. Deux exemples sont particulièrement éloquents en ce qu’ils ont accéléré l’intégration européenne de la réponse aux crises.

i.   La création du corps médical européen

Le corps médical européen (CME) a été créé au lendemain direct de la crise liée au virus Ébola en Afrique de l’Ouest en 2014. Le manque aigu d’équipes médicales formées a démontré l’importance de mieux coordonner la réponse internationale sur les urgences sanitaires. La Commission européenne a lancé cette initiative en février 2016, alors qu’une épidémie de virus Zika commençait à se répandre en Amérique latine.

Intégré à la réserve volontaire du MPCU, le CME permet le déploiement rapide d’équipes et de matériel des États membres en vue d’apporter un soutien médical et une expertise en santé publique aux interventions d’urgence, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’UE. Les équipes intégrées au corps médical européen sont soumises à un processus de certification et leur mise à niveau fait l’objet de subventions européennes. L’UE prend ensuite en charge 75 % des frais de transport et des coûts opérationnels ([44]).

La première mission du CME a été effectuée en Angola, dans le cadre d’une épidémie de fièvre jaune, en mai 2016 ([45]).

ii.   La prise de conscience des risques liés à d’importants feux de forêt sur le territoire européen

Les pays scandinaves étaient historiquement moins allants pour l’intégration des moyens de la protection civile dans l’Union européenne, considérant que les feux de forêt, qui constituaient alors la majorité des interventions, concernaient avant tout les pays du Sud.

Le cas de la Suède est particulièrement éclairant. Dans les années 2000, le MSB, agence gouvernementale chargée de la protection civile, avait retiré le module relatif aux feux de forêt de sa formation et laissé à l’échelon communal le soin de former les personnels en fonction des risques locaux.

En 2014, un incendie dans la région de Västmanland a agi comme un premier déclencheur. Le feu a atteint des proportions importantes du fait de la désorganisation des services de secours et des pertes humaines en ont résulté ([46]). Des lacunes dans la gestion de l’urgence et un manque de connaissances dans l’activation du MPCU ont été décelés. En effet, l’aide étrangère est alors arrivée beaucoup trop tard pour être réellement utile.

De nouveaux feux de forêt très importants en 2018, qui ont ravagé près de 250 000 hectares, ont conduit au déploiement, pour la première fois, de soutien du MPCU sur le sol suédois. Il est remarquable que ces forces aient d’ailleurs été déployées en anticipation, témoignant cette fois d’une montée en compétences dans la maîtrise des processus liés à l’activation du mécanisme. Comme le soulignait Mme Anna Henningsson, directrice du service de secours d’Östra Blekinge : « la Suède a appris à demander de l’aide ([47]) ».

Enfin, la création de rescEU est la conséquence directe des incendies dramatiques ayant fait une soixantaine de morts en 2017 au Portugal. Plusieurs demandes d’assistance n’avaient alors pas reçu de suite ([48]), faute de moyens disponibles chez les autres États membres. La nécessité d’une capacité européenne supplémentaire est alors apparue.

Il est regrettable que ces épisodes meurtriers aient été nécessaires pour déclencher une prise de conscience, au niveau national dans le cas de la Suède ([49]) et au niveau européen dans le cas du Portugal. Vos rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité de tirer les leçons du passé, en commençant par les États membres, qui sont au cœur de l’architecture du MPCU.

Sur ce point, il faut souligner la proactivité de la Roumanie. À l’initiative du secrétaire d’État à la protection civile, M. Raed Arafat, le pays a réalisé en 2017 un inventaire des risques et des besoins, et investi 800 millions d’euros dans la mise à niveau de son système de protection civile. La volonté de faire progresser le volontariat, qui implique une évolution des mentalités, existe également au niveau politique.

Proposition n° 2 : Renforcer les capacités nationales sans attendre qu’elles soient prises en défaut par une crise.

b.   La création de rescEU

La protection civile étant une compétence d’appui, la Commission ne détient pas à ce jour de moyens propres. Cependant, il existe désormais une réserve européenne constituée de moyens détenus par les États et dont l’affectation est gérée par la DG ECHO selon les besoins à l’échelle de l’Union européenne.

i.   Un périmètre en expansion

La création d’une réserve spécifique de capacités de réaction contrôlée par l’Union européenne a été imaginée par la Commission européenne dans une proposition de révision du MPCU présentée en novembre 2017. La décision d’exécution (UE) 2019/570 du 8 avril 2019, qui définit la composition initiale de rescEU et les exigences de qualité y afférentes, oriente les capacités essentiellement sur la lutte aérienne contre les feux de forêts.

La réponse aux pandémies entre dans le champ des missions de la protection civile. La crise liée à la pandémie de covid-19 a eu des conséquences législatives concrètes à travers la révision, adoptée en mai 2021, de la décision 1313/2 013 qui instituait le mécanisme de protection civile de l’Union (voir infra). L’enjeu était de permettre de mieux répondre aux urgences à grande échelle et transfrontalières.

Face à la pandémie, la réserve a été étendue de façon urgente, même si des réflexions étaient déjà en cours sur son extension. Des équipements médicaux tels que des ventilateurs, des équipements de protection individuelle, des vaccins, des produits thérapeutiques ainsi que des fournitures de laboratoire ont été achetés par la Commission européenne et stockés sur les territoires d’États membres qui s’étaient portés candidats.

Un accord a été trouvé en février 2021 entre le Parlement et le Conseil, permettant l’adoption du règlement (UE) 2021/836 du 20 mai 2021 modifiant la décision n° 1313/2 013/UE relative au mécanisme de protection civile de l’Union. Grâce à cette évolution, la Commission européenne peut élargir sa capacité de réponse dans les domaines du transport et de la logistique et faire face à des situations d’urgence à travers l’acquisition directe de capacités supplémentaires au titre de rescEU.

ii.   Un fonctionnement intégré

Les moyens acquis dans le cadre de rescEU appartiennent aux États membres mais sont financés par l’Union européenne. Ce taux de financement, initialement de 90 % des coûts, a été rehaussé à 100 % à compter d’avril 2021.

RescEU dispose de centres de distribution stratégiques dans neuf États membres (cf. carte ci-dessous). La Commission européenne ne dispose en effet pas de lieux de stockage propres et doit obtenir l’accord des États pour qu’ils gèrent des centres logistiques ou entretiennent des matériels pour le compte du MPCU.

La Commission a été particulièrement active durant la pandémie avec la distribution de plus de 3,5 millions de masques de protection, ainsi que des ventilateurs et d’autres équipements sanitaires. La réserve est en constante reconstitution.

 


Stocks de rescEU de matériels en lien
avec la réponse à la pandémie de covid-19

Cette carte présente la nature et la quantité de matériels stockés, ainsi que les pays ayant bénéficié de ces stocks (en jaune). La Serbie, membre du MPCU, a été la première destinataire de l’aide médicale, principalement sous forme de gants et masques.

B.   Une participation honorable au MPCU qui doit être renforcée

Le MPCU est un mécanisme fondé sur la bonne volonté des États participants. La France jouit, à Bruxelles et à l’étranger, d’une image positive de contributrice à la hauteur de son statut de grand pays.

1.   Des contributions importantes

La contribution française au MPCU est très importante, en équipes comme en matériels. Depuis 2014, la France a répondu à 73 demandes, à destination de pays membres du MPCU mais aussi de pays tiers. À titre d’exemple, pour la seule période estivale en 2021, la France a répondu à une grande diversité de demandes (cf. tableau ci-dessous).

Il est notable que la France et l’Italie se soient mutuellement apportés de l’aide dans le cadre de la lutte contre les grands feux de forêt, qui ont frappé leurs territoires respectifs à quelques semaines d’intervalle.

AssisTance fournie par la France via le MPCU entre juillet et août 2021

Date

Pays demandeur

Nature

Demande

Assistance fournie par la France

Août 2021

Haïti

Tremblement de terre

Santé, eau, assainissement et hygiène (WASH)

Hébergement

Logistique

1 module de purification d’air

Août 2021

Algérie

Feux de forêt

2 Canadairs

2 canadairs

1 avion de commandement (Beech)

Août 2021

Grèce

Feux de forêt

Lutte au sol contre les incendies (GFFF)

Moyens aériens de lutte contre les feux de forêt

2 équipes de lutte au sol contre les incendies (GFFF)

2 équipes de lutte au sol contre les incendies avec véhicules (GFFFV)

2 canadairs et 1 avion de commandement (Beech)

1 canadair

Août 2021

Macédoine du Nord

Feux de forêt

Lutte au sol contre les incendies (GFFF)

Moyens aériens de lutte contre les feux de forêt

1 drone (EMERPAS)

1 équipe consultative composée de 3 experts

Août 2021

Italie

Feux de forêt

Moyens aériens de lutte contre les feux de forêt

2 canadairs

3 canadairs et 1 avion de commandement (Beech)

Juillet 2021

Italie

Feux de forêt

4 Canadairs

2 canadairs

Juillet 2021

Lituanie

Crise migratoire

Articles d’hébergement

1 500 lits, 140 tentes, 650 matelas

104 packs sanitaires

200 éclairages d’intérieur

Juillet 2021

Belgique

Inondations

Moyens d’assistance

7 plongeurs, 10 secouristes, 3 bateaux pneumatiques

1 hélicoptère, 2 maîtres-nageurs

1 module FRUB (Flood Rescue Using Boats)

Source : Commission européenne.

En novembre 2020, la France a signé avec la Commission une convention de financement pour deux avions amphibies de type canadair, à hauteur de 80 millions d’euros. La Commission européenne et six États membres sont ainsi en négociation pour que la compagnie canadienne Viking, qui a les droits de production et licences du canadair, relance au plus vite la production de l’avion. Ces avions ont vocation à être hébergés sur la base aérienne de Nîmes et opérés par des pilotes français ; les coûts liés à leurs interventions seront également assurés par la Commission européenne lorsqu’ils seront déployés dans le cadre du MPCU.

La DGSCGC note ainsi que « L’aboutissement en 2020 de la demande de subvention auprès de la DG ECHO portant sur l’acquisition de deux avions amphibies fait de la France le premier État membre contribuant à la future flotte européenne de Sécurité civile. Cette participation active vient s’ajouter au Dash et aux 17 modules déjà mis à la disposition de l’Europe. ([50]) »

2.   Des progrès à faire

a.   Une activation encore trop rare

Depuis 2014, la France a activé le mécanisme seulement à cinq reprises, dont deux fois pour de l’aide au rapatriement de ses ressortissants.

Activation du MPCU par la france depuis 2014

Date

Nature

Demande française

Assistance fournie par d’autres pays

Août 2021

Conflit armé en Afghanistan

Soutien consulaire

La France a demandé la coordination du MPU et le co-financement de 37 vols de rapatriement depuis l’Afghanistan.

Octobre 2020

COVID-19

Gants chirurgicaux

Norvège : 3 millions de paires de gants

République tchèque : 500 000 paires de gants

La DG ECHO a mobilisé 500 000 paires de gants de la réserve rescEU stockée en Grèce.

Mars 2020

COVID-19 ([51])

Soutien consulaire

La France a demandé la coordination du MPU et le co-financement de 33 vols de rapatriement (Chine, Haïti, Malaisie, Bolivie, Indonésie, Népal, Guatemala, Seychelles, Cambodge, Laos, Nicaragua, Thaïlande, Bolivie, Argentine, Djibouti, Équateur, Philippines, Comores, Laos, Fiji, Nouvelle-Zélande, Uruguay, Paraguay, inde, Panama, Honduras, Pérou).

Juillet 2017

Feux de forêt

Moyens aériens de lutte contre les feux de forêt

Italie : 1 canadair

Août 2016

Feux de forêt

Moyens aériens de lutte contre les feux de forêt

Italie : 1 canadair

Source : Commission européenne.


En creux, il apparaît nettement que la France n’a pas décidé de recourir à activation du mécanisme dans le cadre des feux de forêt qui ont touché le territoire à l’été 2021. Pourtant, les incendies ont été ravageurs : au total, ce sont 10 515 hectares qui ont brûlé en région méditerranéenne française, contre 7 698 en 2020 ([52]). Plus de 1 200 pompiers ont été mobilisés pour lutter contre l’incendie dans le Var au mois d’août.

Si les renforts sont venus de différents départements français, par exemple en provenance du département de la Manche, ce qui témoigne d’une bonne capacité de fléchage des effectifs en temps de crise, ils auraient pu être complétés par une aide européenne. Selon M. Alain Thirion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, la décision de ne pas mobiliser le MPCU à cette occasion s’explique par l’indisponibilité des moyens aériens des autres pays du Sud, touchés par les feux sur leur propre territoire ([53]).

Surfaces moyennes de forêts brûlées en hectares
dans les dix pays européens les plus touchés

Source : L’Express, données EFFIS ([54]).

De manière comparable, l’Allemagne n’a pas eu recours au MPCU lors des inondations de l’été 2021. Nonobstant le fait qu’il s’agit d’un choix politique qui appartient à ses dirigeants, qu’il nous soit permis de regretter que les grands pays préfèrent compter exclusivement sur leurs ressources, au risque de les épuiser, plutôt que d’en appeler à l’aide de pays voisins et amis, ce qui aurait permis de manifester leur attachement au dispositif.

b.   Une influence en recul

La France est un pays écouté à Bruxelles sur la protection civile. Elle l’est naturellement moins que lors de la création du MPCU, lorsque le mécanisme ne comprenait que six pays. Ce recul n’est cependant pas lié qu’à l’élargissement du MPCU à d’autres pays.

La protection civile française doit, dans une démarche d’introspection, évaluer ses capacités afin de maintenir le haut niveau de performance qui la caractérise. L’exercice d’humilité auquel se sont pliés plusieurs pays du sud de l’Europe (à l’instar des exemples grec et roumain précédemment cités), consistant à faire l’inventaire des évolutions nécessaires grâce à un regard extérieur, peut être salutaire.

Par ailleurs, les auditions menées ont permis à vos rapporteurs de conclure que la France ne respectait pas toujours les consignes transmises par les pays en demande d’assistance via l’ERCC ([55]). Quoique toute aide soit bienvenue, les précisions apportées sur les modalités peuvent avoir une grande importance en matière de réponse à la crise. La chaîne d’information allant du COGIC, interlocuteur de l’ERCC, aux unités opérationnelles, pourrait être plus fluide afin d’éviter les situations d’inadéquation entre demande et réponse.

Enfin, la France utilise peu la faculté de participer au programme d’échange d’experts (voir ci-après) alors qu’elle est relativement aisée à mettre en place et permet de gagner en recul sur les pratiques nationales.

 


—  1  —

 

   Partie II – la protection civile européenne : l’enjeu d’une montée en charge face à la multiplication des risques et des crises

I.   Le Président de la République a annoncé dès 2017 que la protection civile faisait partie de ses priorités européennes.

À l’approche de la présidence française de l’Union européenne, il rappelait : « Nous avons commencé, nous continuons et nous parachèverons sous présidence française cet effort, avec des initiatives nouvelles, capacitaires, humaines et de formation pour faire véritablement de ce pilier un pilier européen.([56]) » Vos rapporteurs saluent l’intégration d’événements de mise en valeur du MPCU au programme de l’exécutif pour le premier semestre 2022, qui devraient être d’utiles occasions de porter le modèle français de volontariat. La montée en compétences de l’ensemble des acteurs est nécessaire. La complexité des crises et la nécessité croissante de faire valoir la solidarité nationale et internationale pour les surmonter impliquent de s’y préparer, individuellement et collectivement, à tous les niveaux de la société.

A.   La formation des sapeurs-pompiers

1.   Les exercices communs

La DG ECHO finance chaque année des exercices de protection civile au moyen d’un appel à proposition pour les exercices grandeur nature.

Elle organise également un appel d’offres pour les exercices dont l’objectif est de tester les modules européens de chaque pays (EU MODEX). Ces exercices permettent aussi de certifier certains modules de la réserve volontaire.

Les exercices pour les modules sur le terrain et des exercices sur table (EU MODEX) sont organisés sous la supervision du MPCU et visent à améliorer la préparation et à renforcer la collaboration entre les autorités européennes de protection civile et les équipes. Ces exercices permettent de tester les capacités de réaction spécifiques ainsi que l’autosuffisance, l’interopérabilité, la coordination et les procédures des équipes et des équipements d’intervention. Les exercices sur table sont axés sur la formation approfondie du personnel clé des modules. Ce volet relatif à la formation est à développer.

2.   Une nécessaire ouverture sur l’international

a.   Renforcer la dimension européenne de la formation en France

De manière pragmatique, l’européisation des sapeurs-pompiers doit commencer par les officiers supérieurs, appartenant au cadre d’emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels qui a été créé par le décret n° 2016-2002 du 30 décembre 2016 portant statut particulier du cadre d’emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels. Il constitue un cadre d’emplois de catégorie A et comprend les grades de colonel, colonel hors classe et contrôleur général. Le recrutement s’effectue à 75 % par concours interne et à 25 % par inscription sur liste d’aptitude après réussite d’un examen professionnel.

Les lauréats sont d’abord nommés élèves colonels, et mis à disposition auprès de l’ENSOSP pour une durée de vingt-quatre mois, au cours de laquelle ils reçoivent une formation. C’est au cours de ces deux années que les élèves peuvent acquérir une réelle coloration internationale.

Le manque de maîtrise des langues étrangères, à commencer par l’anglais, a été très fréquemment cité au cours des auditions comme un frein à une meilleure connaissance des pratiques européennes comme à une totale intégration opérationnelle.

Vos rapporteurs estiment que l’apprentissage des langues doit être valorisé dans tous les cadres d’emplois. Ainsi, les efforts de l’ENSOSP, qui dispense des cours en anglais et espagnol à destination de sapeurs-pompiers étrangers, peuvent être salués ; cette compétence peut utilement être mise au service de la formation des officiers français afin d’approfondir leurs compétences linguistiques. Cette recommandation s’étend à la formation des officiers par l’École d’application de sécurité civile (Ecasc), qui prépare aux concours de major, lieutenant et capitaine.

Proposition n° 3 : Renforcer l’enseignement de langues étrangères, en particulier de l’anglais, à destination des sapeurs-pompiers français.

b.   Aller plus loin dans la formation commune

Le MPCU offre d’ores et déjà des facultés d’intégrer une dimension européenne à la formation continue des sapeurs-pompiers. Le programme d’échange d’experts est financé à 100 % par la Commission européenne. Dans ce cadre, une dizaine de personnes se rendent dans un ou plusieurs pays pour voir comment y sont organisés les services de protection civile.

Ces échanges sont très utiles pour surmonter les incompréhensions mutuelles et les différences opérationnelles. M. Alain Thirion soulignait par exemple les différences dans les modalités de décollage des pilotes : un par un en Grèce, deux par deux en France. En connaissant les pratiques étrangères, les sapeurs-pompiers peuvent gagner du temps lorsqu’ils sont amenés à intervenir conjointement dans le cadre du MPCU. Le directeur général suggère d’adopter une doctrine unifiée pour les cas de déploiements conjoints, qui serait élaborée en amont de la crise.

L’acculturation des cadres à la dimension européenne croissante du travail des sapeurs-pompiers passera par des rencontres. À cette fin, les rapporteurs souhaitent valoriser les compétences existantes au sein de l’ENSOSP. Placée sous tutelle de la DGSCGC, l’école pourrait devenir une pépinière d’officiers supérieurs formés aux grands modèles de sécurité civile européenne. Proposer une formation adéquate serait bénéfique aux pompiers français comme étrangers.

Proposition n° 4 : Proposer un module commun de formation à tous les cadres européens de la sécurité civile, par exemple à l’ENSOSP.

B.   La résilience des populations

Le concept de résilience désigne la capacité mécanique à surmonter les chocs, crises et perturbations extérieures ; il complète utilement le triptyque « relance, puissance, appartenance » qui animera la présidence française de l’Union européenne.

1.   En population générale

La loi française affirme que « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile ([57]) ». L’acculturation aux risques est un élément essentiel de la prévention. Elle permet justement d’éviter de transformer une situation d’urgence en situation de crise, laquelle traduit un débordement des acteurs.

a.   La formation

La mission sur la gestion des risques majeurs, confiée par la ministre de la transition écologique à Frédéric Courant, fait le constat d’une connaissance très insuffisante des risques par les habitants des territoires, liée notamment à la mobilité des individus.

La mission propose de diffuser la culture du risque dans toute la population, en particulier chez les jeunes et sans oublier les élus, qui jouent un rôle essentiel dans la réponse aux crises, à travers « une semaine de sensibilisation et d’acculturation aux risques naturels et technologiques, partout en France. Le choix du nom de cet évènement est important. Il doit être positif, transmettre l’idée que nous ne sommes pas victimes mais acteurs de notre environnement et de ses aléas([58]) »

En Suède, une brochure « En cas de crise ou de guerre » a été distribuée à l’ensemble de la population en 2017. Elle indique les procédures à suivre en cas de conflit armé, catastrophe naturelle ou crise de toute nature. Elle répertorie également des ressources de première nécessité que tous les citoyens doivent avoir chez eux en permanence ([59]).

Ces informations sont largement méconnues en France et pourraient être diffusées assez simplement, en version papier et numérique à l’occasion d’une campagne de communication de la DGSCGC.

Proposition n° 5 : Sensibiliser aux risques et aux bons réflexes en s’inspirant des modèles étrangers.

La société civile doit impérativement être mieux intégrée dans les dispositifs de réponse aux crises. Les associations agréées sont reconnues au niveau national, mais aussi au niveau européen : à titre d’exemple, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a signé un accord administratif avec la DG ECHO sur la protection civile. Cet accord comprend une obligation d’information et la possibilité de faire une demande d’activation du MPCU en cas de besoin, à laquelle elle n’a encore jamais eu recours.

Les associations ont un rôle essentiel dans l’envoi de matériel pour répondre aux urgences humanitaires et assurer dans la durée le suivi des aides apportées. De plus, certaines associations, à l’image de la communauté Emmaüs de Puy‑Guillaume, souhaitent développer la réalisation de kits de vêtements adaptés aux populations concernées, en valorisant l’économie circulaire caractérisant leur activité. Ce savoir-faire pourrait être mieux valorisé, avec le soutien de l’État, afin d’intégrer ces kits à la réponse aux catastrophes.

Le tissu associatif est précieux et bien développé. Sur le volet de la formation, il est indispensable que l’État s’appuie sur les réseaux existants afin de développer les possibilités de formation aux premiers secours.

b.   L’amélioration des canaux de communication

i.   L’information officielle en temps de crise

La lutte contre les fausses informations est capitale en période de crise. Qu’elles procèdent ou non d’une tentative de manipulation, elles contribuent à la confusion et peuvent décrédibiliser la parole scientifique et institutionnelle. Ces conséquences sont particulièrement dommageables lorsqu’il faut réagir vite et selon des procédures strictes.

Le rapport à l’information est une compétence à acquérir pour l’ensemble des citoyens, par des réflexes comme la vérification de la date ou de la source d’une publication. Une manière de faciliter cet effort de chacun est la mise en place de canaux d’information simples d’accès, clairs et facilement identifiables.

La diffusion d’informations officielles en temps de crise est imparfaite en France, comme l’a démontré la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’incendie de l’usine Lubrizol survenu à Rouen le 26 septembre 2019. Sur ce point, d’autres pays, en Europe ou ailleurs, peuvent utilement inspirer des évolutions de nos pratiques. En tout état de cause, en application de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen, tous les États membres de l’UE devront avoir développé un système d’alerte sur téléphone portable d’ici le 21 juin 2022.

Les trois principales technologies d’alerte par téléphone ([60])

Les SMS géolocalisés. Cette solution présente de nombreux avantages mais également plusieurs limites : i) agrégation de nombreuses données personnelles ; ii) aucune distinction entre ce type de SMS et d’autres SMS lors de leur envoi ; iii) procédé qui pourrait subir la saturation des réseaux en cas de crise.

Le recours à une application en libre téléchargement. C’est le choix qu’a fait la France entre 2016 et 2018. Pourtant, au-delà des défauts inhérents à l’application développée par la France, cette solution présente également de nombreux défauts en elle-même : i) outil disponible uniquement sur smartphone puisqu’il faut télécharger une application ; ii) application qui s’appuie sur une connexion internet qui peut être saturée ou abîmée en cas de crise ; iii) l’utilisateur doit télécharger l’application.

Enfin, le recours à la diffusion cellulaire (également appelée technologie du Cell broadcast), qui permet la transmission d’un message à l’ensemble des téléphones situés dans une zone géographique à un moment donné. Le message se distingue alors des autres SMS. Ce procédé ne crée aucune surcharge sur le réseau. Il est utilisé dans de nombreux pays (États-Unis, Japon, Chine, Russie, Pays-Bas, etc.)

La diffusion cellulaire est la technologie qui présente le plus d’avantages, pour un coût qui demeure modéré (11 à 12 millions d’euros ([61])). Elle est employée en Roumanie avec succès et permet de sensibiliser rapidement la population à des situations allant des intempéries aux tremblements de terre.

La France a déjà expérimenté la mise en place d’une application baptisée SAIP, pour « Système d’alerte et d’information des populations » ([62]). Cependant, les dispositifs qui impliquent un téléchargement de la part des citoyens sont souvent voués à un succès mitigé. Outre qu’elles excluent les personnes qui ne possèdent pas de smartphones, les applications sont généralement installées par celles qui sont les plus sensibilisées au sujet.

Vos rapporteurs estiment que le développement de la diffusion cellulaire constitue une meilleure allocation des crédits destinés au volet mobile du système d’alerte et d’information des populations. Le ministre de l’intérieur a annoncé le 24 septembre 2020 la mise en place d’une solution baptisée FR-Alert, qui reposera à la fois sur la diffusion cellulaire et sur les SMS géolocalisés ([63]). Cette technologie devrait être disponible en 2023, soit après le délai initialement octroyé aux États membres.

Proposition n° 6 : Mettre en œuvre sans délai supplémentaire la technologie FR-Alert, utilisant le réseau téléphonique pour envoyer des messages d’alerte à toutes les personnes présentes sur un territoire donné.

ii.   Le recueil de l’alerte

La mise en place d’un numéro unique d’urgence est dans l’air du temps. En pratique, il s’agit de créer une plateforme commune, qu’elle soit physique ou dématérialisée, entre les SIS, les services d’aide médicale urgente et les forces de l’ordre. L’objectif est de faciliter et accélérer l’accès aux services pertinents et améliorer la prise en charge des personnes appelantes.

Le colonel Jean-François Schmauch, auteur d’une thèse sur l’organisation des services d’urgence, souligne le retard pris par la France en la matière, en comparaison avec le Royaume-Uni, qui a mis en place un numéro d’appel unique à la fin des années 1930 ([64]). Le numéro unique d’appel d’urgence européen est accessible depuis l’an 2000 sur le territoire français mais renvoie aux numéros nationaux ; il ne correspond pas, à ce jour, à une réalité opérationnelle de mutualisation des centres ([65]).

Une comparaison extra-européenne : l’Équateur

Le rapporteur Jean-Marie Fiévet, s’étant rendu en Équateur en novembre 2021, observe que le pays s’est doté en 2010 d’un numéro unique, le 911, inspiré de celui en vigueur États-Unis depuis les années 1970.

Les neuf centres d’appels répartis sur l’ensemble du territoire ont un fonctionnement identique : des standardistes gèrent une ligne d’appel et instruisent une fiche de renseignements reprenant le motif de la demande.

Chaque ligne d’appel renvoie vers les services de gestion sanitaire, de pompiers, de police, de gestion de crise ou vers l’armée.

Vos rapporteurs souhaitent souligner la pertinence de l’expérimentation d’un numéro unique, que le Président de la République avait annoncée lors du congrès national des sapeurs-pompiers le 16 octobre 2021 ([66]). Prévue par l’article 46 de la loi du 25 novembre 2021, elle se déroulera pour deux ans dans une zone de défense et de sécurité. Vos rapporteurs invitent le Gouvernement à prendre les mesures d’application de cette loi dans les meilleurs délais et suivront avec attention les rapports remis au Parlement sur ce sujet.

Proposition n° 7 : Lancer sans délai l’expérimentation du numéro d’appel d’urgence unique en France.

Le recueil des informations liées aux urgences peut passer par des moyens innovants, à l’instar de la technologie mobilisée par le BMPM via le prestataire Visibrain. En captant les flux publics des réseaux sociaux, les services de secours recueillent des informations sur la localisation, l’étendue et la gravité d’une situation d’urgence. Le nombre de publications renseigne sur la proximité avec la population, ce qui est aussi une donnée sur la dangerosité pour les vies humaines. Les photos et vidéos, en plus des nuages de mots-clés, constituent une ressource précieuse et complémentaire des informations qui sont communiquées par téléphone via les numéros d’urgence.

Le Var et le Gard sont précurseurs dans l’utilisation de cette technologie. Cependant, un réel saut technologique pourrait être réalisé en l’étendant à l’ensemble du territoire, voire en mutualisant les moyens de développement avec d’autres pays. Doter l’ERCC de cette capacité d’analyse et de recoupement permettrait de mieux anticiper les crises et de détecter rapidement celles qui ont une dimension transfrontalière.

2.   Chez les jeunes générations

a.   En milieu scolaire

Les articles D.312-40 à D.312-42 du code de l’éducation prévoient, dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat, « une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, une formation aux premiers secours ainsi qu’un enseignement des règles générales de sécurité ». La circulaire interministérielle du 24 mai 2006 précise les conditions de mise en œuvre d’une formation de sécurité civile en milieu scolaire.

À l’école primaire, les programmes de 2002 permettent d’aborder la sensibilisation aux risques, aux consignes de sécurité et la connaissance des acteurs du secours à travers différentes matières, notamment éducation physique et sportive, éducation scientifique et éducation civique. Le dispositif « Apprendre à porter secours » (APS) comporte un apprentissage des principes simples pour porter secours.

Au collège et au lycée, le suivi d’une formation permettant la délivrance du certificat Prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1) est particulièrement encouragé pour les élèves ayant un mandat, comme les membres des conseils de la vie collégienne (CVC) ou lycéenne (CVL). Il existe également un module subsidiaire de deux heures qui vise à sensibiliser aux gestes qui sauvent (GQS) et qui complète la formation au secourisme des élèves.

Malgré la possibilité d’accéder à une formation en sécurité civile tout au long du parcours scolaire, ces enseignements ne sont pas obligatoires ni systématiques. À ce jour, il n’existe aucune évaluation de la mise en œuvre des enseignements liés à la sécurité civile. Vos rapporteurs souhaitent que des moyens supplémentaires soient déployés afin de permettre à l’ensemble d’une classe d’âge d’être titulaire d’un certificat PSC1. Avec l’appui des réseaux associatifs, la formation pourrait par exemple être généralisée en classe de seconde, les élèves ne présentant pas d’examen national durant cette année scolaire.

Proposition n° 8 : Systématiser la formation aux premiers secours dans le secondaire (PSC1), en s’appuyant sur le tissu associatif.

b.   Par le biais des jeunes sapeurs-pompiers

Les jeunes sapeurs-pompiers (JSP) sont des bénévoles qui s’initient aux activités des services de secours en compagnie de pompiers professionnels ou volontaires. La formation s’adresse aux jeunes entre 11 et 18 ans, ces limites d’âge pouvant varier selon les départements. Les activités se déroulent tout au long de l’année scolaire et impliquent un engagement important puisqu’il peut s’agir de plusieurs mercredis ou samedis par mois.

Les jeunes interrogés ont témoigné de l’importance des valeurs qui sous-tendent leur activité. La solidarité et l’implication dans la collectivité ont été souvent mentionnées : l’intérêt éducatif et citoyen des JSP transcende l’initiation à la lutte contre les incendies et au secours à personne.

Les JSP sont une organisation trop peu connue, du fait de leur organisation autonome par chaque Union départementale des sapeurs-pompiers (UDSP). Aucune campagne de communication nationale n’est de ce fait déployée ; le recrutement se fait essentiellement par le bouche-à-oreille ou à travers les interventions des JSP dans les collèges. Bien qu’il ne s’agisse pas du sujet de leur mission, vos rapporteurs souhaitent souligner qu’un chantier pourrait être ouvert sur l’harmonisation des conditions d’accès aux JSP, notamment dans le cas du changement de département des jeunes, des difficultés leur ayant été rapportées au cours des auditions.

Au niveau européen, un vecteur important de valorisation des JSP réside dans les potentiels échanges entre jeunes de plusieurs pays.

Les jeunes sapeurs-pompiers suédois auditionnés ont souligné le caractère ludique et enrichissant de leur participation aux Jeux internationaux du Comité technique international de prévention et d’extinction du feu (CTIF). Organisée tous les deux ans, cette compétition internationale permet des rencontres et une émulation particulièrement appréciée des participants.

Les structures de jeunes sapeurs-pompiers existent dans la totalité des pays étudiés, de la Deutsche Jugendfeuerwehr en Allemagne au Gruppo giovanile dei Vigili del Fuoco en Italie : ils sont plus d’un million de jeunes garçons et filles dans le monde ([67]). Les différences peuvent résider dans le contenu exact des apprentissages ou dans l’âge des participants. Vos rapporteurs souhaitent ainsi inviter la DGSCGC à faire connaître au réseau d’animateurs des JSP la possibilité de réaliser des échanges dans le cadre du programme Erasmus+. Ils s’intègreraient en effet pleinement dans le volet Jeunesse du programme, pour lequel l’Agence Erasmus+ Jeunesse & Sport gère les demandes de subvention.’

II.   Le sens de l’Histoire implique une mise en commun des capacités de réponse aux crises

Le développement d’une réponse européenne aux crises, qu’elles soient ou non transnationales, permet de faire baisser les coûts et d’augmenter la performance des moyens de la protection civile.

A.   L’intelligence collective doit permettre de préparer les grandes crises du futur

1.   Le développement de capacités spécifiques à l’échelle de l’Union européenne

La présidence française portera comme axe de travail majeur le sujet du développement du réseau européen de connaissances (Knowledge network), qui était aussi un thème central de la présidence allemande.

a.   Le centre des connaissances en matière de gestion des risques de catastrophe

Un Centre des connaissances en matière de gestion des risques de catastrophe (en anglais EC DRMKC) fournit aux pays membres de l’UE et à la communauté européenne de gestion des risques un répertoire en ligne de données, recherches et résultats de projets liés aux catastrophes.

Le Centre intègre, dans sa démarche de cartographie des risques et de mise en réseau des connaissances, la volonté d’identifier les lacunes dans le savoir développé par le réseau.

À titre d’exemple, le risque de tsunami en mer Méditerranée fait l’objet d’une attention particulière de la part de la DGSCGC en France, qui a organisé le 2 février 2021 un exercice conjoint avec la Zone de défense et sécurité Sud ([68]). La prise en compte des risques de raz-de-marée à l’échelle régionale serait pertinente, en intégrant les autres pays méditerranéens concernés dans le cadre du Centre de connaissances.

Le Réseau de connaissances de l’Union en matière de protection civile, ou Knowledge network (UCPKN), a été créé en 2019. Son objectif est de faciliter la collecte et le partage des connaissances, expertises, expériences, enseignements et bonnes pratiques en vue d’améliorer les efforts de prévention, préparation et réponse aux crises.

b.   Les pôles d’expertise

Dans le cadre du Knowledge network, la Commission européenne publie des appels à propositions. Le deuxième appel, appelé Network partnership, porte sur la conception et la mise en œuvre de centres d’expertises thématiques pluridisciplinaires.

L’approche par type de risque qui sous-tend cet outil est plébiscitée par la DGSCGC, qui a soumis, en juin 2020, le projet NEMAUSUS dont la France est cheffe de file. Il s’agit d’un consortium impliquant les directions générales de la protection civile croate, italienne et suédoise, ainsi que le THW allemand, mais aussi des centres de recherches espagnol et chypriote.

La Commission européenne relève que « L’établissement d’un centre européen d’expertise pilote, multinational et multidisciplinaire, axé sur les incendies de forêt ayant un impact physique sur l’environnement, basé en France, peut contribuer aux objectifs du réseau de connaissances, créer un réel avantage pour les États membres participant au MPCU, et au-delà, ainsi que faire briller l’Union dans le monde sur ce thème d’intérêt à l’avenir ([69]) ».

Comme l’indique le nom du projet, qui correspond au nom antique de la ville de Nîmes, la base aérienne de sécurité civile de Nîmes-Garons est au cœur du projet. L’expertise opérationnelle des sapeurs-pompiers du sud de la France sera mise à contribution, en parallèle du rôle des centres de recherche associés.

Vos rapporteurs souhaitent que ce projet pilote puisse inspirer le développement de centres d’expertises similaires sur d’autres thèmes, comme la lutte contre les tremblements de terre, qui concernent tous les pays européens, les inondations ou la prévention du risque nucléaire. Les pays disposant déjà d’une expertise nationale ont un rôle clé à jouer, comme la France et l’Allemagne en matière de risques NRBC.

Proposition n° 9 : Faire essaimer les pôles d’expertise à l’image de NEMAUSUS sur des thématiques nouvelles.

2.   La nécessaire attention au développement des capacités logistiques

Avant la révision de la décision sur le MPCU en 2021, les ressources de rescEU ne pouvaient être que financées par les fonds européens et acquises par les États membres. Désormais, la Commission européenne pourra augmenter d’elle-même les capacités dans des cas très précis : le transport et la logistique (via location ou leasing, à l’exclusion de tout achat) et, dans des cas dûment justifiés d’urgences, des matériels.

Le renforcement de l’architecture du MPCU par le règlement (UE) 2021/836

Source : Commission européenne.

Cette faculté supplémentaire ouvre de nouvelles perspectives au développement du filet de sécurité que constitue rescEU face aux insuffisances opérationnelles des capacités nationales.

a.   Les équipements spécifiques

i.   Les moyens de lutte contre les feux de forêt

Les canadairs et hélicoptères de rescEU ont été utilisés à plein pendant l’été 2021, ce qui signifie que, dans le cas d’un futur été plus chaud, une incapacité à répondre aux crises pourrait survenir. Une priorité consiste à développer la flotte en faisant l’acquisition de nouveaux avions dans le cadre de rescEU,

Dans ce cadre, il semble pertinent de privilégier les vecteurs aériens mixtes, qui maximisent les possibilités de déploiement. Affectés au transport de personnels ou de matériels, ils sont transformables en avions bombardiers d’eau en saison des feux de forêt.

M. Alain Laratta, secrétaire général du syndicat Avenir Secours, souligne la nécessité d’investir dans la recherche et développement, « notamment dans les drones. Il faut réfléchir aux moyens bombardiers d’eau télé-pilotés pour éviter les pertes humaines. ([70]) » Le partage des coûts de la recherche en matière de protection civile à l’échelle de l’Union est nécessaire. Il faut rappeler les conditions très difficiles dans lesquelles opèrent les pilotes d’avions bombardiers d’eau, exposés à des températures extrêmes lors des interventions.

Les moyens aériens de lutte contre les feux de forêt vont faire l’objet d’une expérimentation de matériels prépositionnés à partir de 2022 ([71]). Concrètement, des moyens appartenant aux pays du Nord de l’Europe seront déplacés vers le Sud en prévision de la saison des feux de forêt. Ainsi, en cas de besoin, seuls les personnels devront être déplacés, ce qui signifiera traverser l’Europe plus rapidement et dans de meilleures conditions. La Grèce souhaiterait devenir leader de ce nouveau mécanisme dans l’Europe du Sud-Est.

ii.   Les moyens de transport lourd

Les auditions menées par les rapporteurs ont mis en lumière un manque lié au défaut de moyens de transport lourds dans les États membres comme au niveau de l’Union. Or, ces moyens aériens très coûteux sont typiques des investissements qu’il est rentable de mutualiser, car ils servent à la préparation de crises très rares.

Faire l’acquisition de ces moyens dans rescEU est la garantie que tous les pays participants pourront en bénéficier. Bénéficier des fonds européens doit également permettre d’éviter les contrats de location ou de leasing, que vos rapporteurs estiment inadaptés à des appareils aussi stratégiques. Les sociétés privées peuvent faire faillite ou faire défaut en cas de grande catastrophe, contrairement à la puissance publique.

Les discussions sont actuellement en cours pour l’acquisition, par la France, de deux hélicoptères lourds financés par la Commission européenne pour la flotte de rescEU. Vos rapporteurs suivront avec attention l’avancée des négociations.

b.   Le stockage de matériels

La stratégie adoptée dans le cadre de rescEU, qui consiste à accumuler des matériels à travers le territoire européen en prévention de la survenance des situations d’urgence, est la bonne.

Le nécessaire développement de rescEU doit se fonder sur l’observation des risques. Les représentants de la Direction des situations d’urgence (DSU) de Bucarest et Ilfov ont rapporté que l’audit d’un expert français de la BSPP avait permis de détecter un besoin en équipements spécifiques pour réaliser des interventions dans le métro de la capitale. Le regard croisé sur la situation a permis la montée en gamme de la réponse aux risques.

Vos rapporteurs souhaitent aussi souligner qu’une approche équilibrée doit prévaloir dans l’appréciation entre menaces civiles et menaces militaires. M. Markus Planmo, représentant de l’Association des communes et des régions suédoise (SKR), a expliqué que la Suède, qui met l’accent sur la prévention d’un conflit avec son voisin russe investit dans des équipements tels que des bunkers. Ceux-ci n’ont cependant aucune utilité en temps de paix, tandis que d’autres matériels peuvent être mobilisés pour répondre à des crises multiples. Cette souplesse des équipements doit être privilégiée, dans la mesure du possible.

Proposition n° 10 : Développer et diversifier rescEU, en capitalisant sur le stockage de matériels utiles dans le cadre de crises hybrides.

Enfin, le caractère stratégique des équipements de protection civile plaide pour leur intégration dans le champ de la future directive sur la résilience des entités critiques, ([72])  dite « REC ». Ce texte, qui vise à assurer la continuité des services essentiels dans le marché intérieur en cas de crises, en élargissant le champ de la directive de 2008 à dix nouveaux secteurs, est en cours d’examen au Conseil.

B.   Le MPCU peut devenir l’une des grandes réussites européennes

L’Union européenne demeure une construction éloignée des citoyens. Le mécanisme de protection civile fait partie de ces réussites incontestables, dans un domaine consensuel et qui incarne particulièrement les valeurs européennes de solidarité.

1.   Renforcer la place de la protection civile en France et en Europe

a.   Une montée en puissance budgétaire

i.   Une augmentation importante mais insuffisante

L’activité du MPCU est en nette augmentation. Le mécanisme a été activé 32 fois en 2017, 20 fois en 2018 et 2019, avant le pic lié à la pandémie : 102 fois en 2020, dont 85 occurrences en lien avec le covid-19. 72 % des demandes ont obtenu une réponse.

L’augmentation budgétaire a accompagné cette multiplication par 5 de l’activité du mécanisme. La dotation du MPCU est passée de 1,4 milliard d’euros courants dans la proposition initiale de la Commission européenne de mai 2018 à 3,3 milliards d’euros courants en juin 2020.

Une enveloppe de 1,1 milliard d’euros a été prévue dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et un montant de 2 milliards d’euros sera disponible au titre de l’instrument de l’Union européenne pour la relance, baptisé Next Generation EU ([73]), ci-après NGEU.

Evolution du MPCU dans le CFP 2021-2027

(En millions d’euros courants)

 

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2021-2027

MPCU

90

95

102

237

242

246

251

1 263

NGEU

686

679

692

-

-

-

-

2 056

Total

3 319

Source : Commission européenne ([74]).

Cette augmentation du budget de la protection civile est substantielle. Par comparaison, le budget de la protection civile européenne était pour l’année 2014 de 28 millions d’euros ([75]) : il faut mesurer le chemin parcouru depuis le début de la précédente période de programmation. Les 1,2 milliard d’euros prévus pour 2021-2027 impliquent une augmentation considérable par rapport aux 368,4 millions d’euros alloués dans le cadre du budget 2014-2020 ([76]).

Cependant, vos rapporteurs souhaitent souligner la nécessaire pérennisation de cette augmentation. Il serait regrettable qu’à la faveur d’une accalmie ponctuelle dans les saisons de feux de forêt, les moyens soient retirés, alors que les crises demeurent par nature imprévisibles.

D’autre part, Mme Paraskevi Michou, directrice générale de la DG ECHO, résumait ainsi la situation : « On cherche à prévoir des crises qui n’existent pas encore, donc le budget est certes plus élevé, mais ce n’est jamais assez ([77]) ». Le volet préventif du MPCU, par exemple, dispose d’un financement encore trop modeste au regard des enjeux : la règle de répartition des fonds l’établit à 20 % (avec une variation possible de plus ou moins 8 points de pourcentage). Certains risques font l’objet d’une attention insuffisante, comme le risque nucléaire.

Ainsi, la protection civile doit demeurer parmi les priorités budgétaires de l’Union européenne. La pandémie a permis de remettre en perspective les investissements certes importants que nécessite une bonne anticipation avec les coûts dramatiquement plus élevés de la survenance des crises mal préparées. Elle a également montré que la solidarité européenne est très attendue dans les situations d’urgence, ce qui justifie le financement par les contribuables européens d’une capacité commune robuste.

Proposition n° 11 : Poursuivre l’augmentation des crédits engagée au bénéfice de la protection civile européenne.

ii.   Un point d’attention : la création de l’agence sanitaire HERA

Dans le cadre du projet d’Europe de la santé, l’UE s’est dotée en 2021 d’une agence sanitaire pour affronter les futures situations d’urgence sanitaires, baptisée HERA, acronyme de Health emergency response authority.

Une partie de l’augmentation du budget dévolu à la protection civile sera attribuée à cette agence, dont l’utilité est incontestable. Il importe de veiller à ce que la nécessaire attention portée à la prévention sanitaire n’occulte pas, en termes budgétaires comme fonctionnels, l’anticipation des autres risques dans le champ de la protection civile.

b.   Une évolution possible de la gouvernance

i.   En France

La sécurité civile française est pilotée par une direction générale, ce qui, dans la hiérarchie administrative, est distinctif d’une simple direction. La DGSCGC appartient au ministère de l’intérieur, ce qui est un modèle répandu mais pas universel. En Italie ou en Estonie, les services de la protection civile sont directement sous l’autorité respectivement du Président du Conseil et de la Première ministre ([78]).

L’intégration de la protection civile aux missions du ministère de l’intérieur implique une lourde charge pour le ministre, alors même que les enjeux relatifs à la sécurité intérieure acquièrent une dimension politique croissante. L’autonomisation de la protection civile au sein d’un secrétariat d’État dédié serait une solution pour un portage politique plus ambitieux du sujet.

Au vu du caractère interministériel de la réponse aux urgences, ainsi que de la nécessité de disposer d’un accès direct aux plus hauts niveaux de décision politique, le positionnement idéal est auprès du Premier ministre.

Proposition n° 12 : Doter la France d’un secrétaire d’État à la protection civile placé auprès du Premier ministre.

ii.   Au niveau européen

Sous l’effet conjoint de la pandémie et de l’augmentation des catastrophes, les missions effectivement prises en charge par la DG ECHO dépassent son périmètre initialement défini, mais aussi les prérogatives habituelles d’une direction générale. La DG ECHO a en effet dû gérer des situations de crise inédites, comme le rapatriement des civils en Afghanistan ou la distribution de 16 millions de doses de vaccin contre le covid-19 dans le monde.

De fait, elle est devenue un centre de coordination pour toutes les thématiques liées aux crises. Cette évolution se reflète dans l’intitulé du portefeuille du commissaire « à la gestion des crises », M. Janez Lenarčič.

Par conséquent, une réflexion sur la possible évolution de la gouvernance de la DG ECHO doit être engagée. Selon Mme Claire Kowalewski, experte nationale détachée auprès de la Commission européenne, l’évolution de la DG ECHO vers une agence de l’Union européenne serait positive pour le bon fonctionnement de celle-ci.

Les agences de l’Union européennes

Les agences européennes sont des organismes dotés d’une personnalité juridique propre, ce qui les distingue des institutions de l’UE. Il existe deux types d’agences :

– Les agences exécutives ont des tâches de gestion, car elles doivent gérer des programmes sous le contrôle de la Commission européenne. Leurs missions peuvent comprendre la diffusion d’informations auprès d’un réseau de partenaires, la promotion du dialogue social ou encore la fourniture d’avis ou de recommandations techniques à la Commission européenne.

– Les agences de régulation ont pour mission de régler les conditions d’activité d’un secteur ou de mettre en œuvre une politique européenne par l’adoption d’actes normatifs ou techniques. Ces agences participent à la fonction exécutive en adoptant des actes produisant des effets juridiques vis-à-vis des tiers.

Même si certaines agences peuvent s’autofinancer grâce aux redevances qu’elles reçoivent en échange de leurs services, la majorité d’entre elles sont financées par des subventions du budget européen.

Cette Agence européenne de protection civile dépendrait toujours d’une direction générale mais pourrait gagner en autonomie. Cette évolution risque de se heurter, à court terme, à des réticences au sein de la Commission européenne, sans que celles-ci demeurent insurmontables.

Proposition n° 13 : Étudier la transformation d’une partie de la DG ECHO en agence dédiée à la protection civile.

2.   La constitution d’une force européenne

a.   Des capacités de coordination européennes

Le mécanisme de protection civile dispose d’une plateforme de coordination (l’ERCC) et de ressources mobilisables (réserve volontaire et rescEU), mais pas de personnel en propre.

Lorsqu’une aide est déployée via l’ERCC dans un territoire touché par une catastrophe, les experts envoyés pour coordonner les modules nationaux (EUCP Teams) sont issus des États membres. Aussi, ils ne disposent pas forcément d’une connaissance particulière des modèles étrangers ou du fonctionnement du mécanisme et sont accompagnés par un officier de liaison de la Commission européenne ([79]).

Bien que vos rapporteurs aient précédemment suggéré la montée en compétences de l’ensemble des officiers supérieurs sur le volet européen et international, elle n’est pas exclusive d’un renforcement de l’échelon central européen par une équipe capable de coordonner, au niveau opérationnel, les déploiements.

Proposition n° 14 : Doter le MPCU de personnels permanents dédiés à la coordination opérationnelle des interventions

La coordination de l’aide psychologique est un volet important de la réponse aux catastrophes. Le Dr Erik De Soir, docteur en psychologie et sapeur-pompier, souligne les différences d’organisation et de prise en compte, entre les pays de l’Union européenne, de ce volet. Il observe un déficit global dans l’accompagnement et le suivi des victimes ([80]).

Vos rapporteurs souhaitent que chaque État membre intègre cette dimension à la gestion des catastrophes, en dotant l’administration en charge de la protection civile de la compétence de coordination du suivi post-traumatique. Une attention particulière pourrait y être portée dans la formation des sapeurs-pompiers, afin d’irriguer l’ensemble des systèmes de sécurité civile des États membres.

Enfin, la DG ECHO pourrait avoir un rôle de coordination et de mise en relation des autorités nationales compétentes dans les catastrophes faisant des victimes de plusieurs nationalités, qui nécessitent chacune un suivi dans leur langue.

b.   À terme, la création d’une force européenne de protection civile

L’Europe demeure actuellement tributaire des capacités de réponse nationales aux crises. Ce qui est vrai des ressources matérielles l’est aussi des ressources humaines.

La création d’une capacité européenne additionnelle, qui viendrait compléter les ressources des États membres, n’est pas neuve. Michel Barnier l’avait formulée dès 2006, dans un rapport aux présidents de la Commission européenne et du Conseil commandé à la suite du tsunami en Asie du Sud-Est. Il appelait alors à la création d’une capacité baptisée Europe aid ([81]).

Vos rapporteurs estiment que la création d’une force européenne de protection civile est le pendant cohérent de l’établissement de rescEU. À terme, la création d’un corps dédié, à l’image des garde-frontières et garde-côtes européens employés par l’agence Frontex ([82]), semble incontournable. Cette force supplémentaire agirait dans le cadre des sollicitations du MPCU pour opérer les modules gérés par la Commission européenne, avec l’avantage d’une bonne connaissance des matériels concernés comme une parfaite maîtrise des processus de coopération. Bien que semblant encore ambitieuse pour l’heure, cette intégration est, assurément, dans le sens de l’Histoire.

Proposition n° 15 : Créer un corps géré au niveau européen, sur le modèle du corps de garde‑frontières et garde-côtes.

 


—  1  —

 

   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 18 janvier 2022, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le rapport d’information et la présente proposition de résolution européenne.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Nous allons passer à l’examen du rapport d’information et de la proposition de résolution européenne sur la protection civile européenne présentés par André Chassaigne et Jean-Marie Fiévet.

La protection civile européenne est une politique aux contours encore mal connus qui joue pourtant un rôle décisif, par exemple, dans la réponse à la pandémie de covid-19. Ce rapport permet de réfléchir au juste investissement que les États membres doivent consacrer individuellement et collectivement à l’anticipation des risques. De plus, cette question est indissociable d’autres débats actuels, notamment celui sur les efforts que nous devons réaliser pour réduire notre impact environnemental. La prévention doit toujours être notre premier réflexe pour réduire l’ampleur des situations d’urgence.

M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. Notre rapport est accompagné d’une proposition de résolution européenne car nous devons engager un dialogue politique avec la Commission européenne, mais également pour rappeler au gouvernement l’attachement du parlement à la sécurité civile. Nous avons souhaité étudier le sujet sous deux aspects. Le premier est la place de la France en Europe et le second concerne la façon dont les Européens peuvent se préparer et réagir ensemble aux situations d’urgence.

Pour commercer, il est indispensable de faire le point sur l’organisation de la protection civile française. Elle s’appuie essentiellement sur les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, sur les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), sur les militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, sur les marins-pompiers de Marseille, mais également sur les unités de la sécurité civile. Leur travail est salué et reconnu dans le monde entier, notamment en raison de leurs compétences en matière de lutte contre les feux de forêts, bien que le quotidien du pompier soit à 80 % constitué d’intervention de secours à personne. Dans notre rapport, nous avons voulu replacer le modèle français dans l’écosystème européen. Ainsi, nous avons réalisé une enquête via un questionnaire sur l’organisation de dix-huit pays de l’Union européenne. Nous nous sommes personnellement rendus en Belgique, en Roumanie et en Suède. André Chassaigne est allé en Grèce et je me suis déplacé en Équateur pour étudier ce modèle extra-européen.

Le dénominateur commun de ces missions a été l’identification des points de comparaison et d’amélioration par rapport à nos propres pratiques. La prise de conscience de nos forces et faiblesses est d’autant plus nécessaire que les États membres ont choisi de travailler ensemble dans le domaine de la gestion de crise qui constitue une compétence d’appui de l’Union européenne. Créé en 2001, le mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU) en est la traduction concrète. Il rassemble l’Europe des 27 et six autres pays voisins : l’Islande, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Norvège, la Serbie et la Turquie. Le MPCU nous a inspiré deux réflexions, l’une positive et l’autre négative. 

Tout d’abord, nous avons été très impressionnés par cette organisation qui est pilotée, au sein de la Commission européenne, par la Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes (ECHO). Des équipes se relaient jour et nuit pour faire fonctionner la tour de contrôle du Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC). Ainsi, lorsqu’une demande d’aide parvient à Bruxelles, elle est aussitôt répercutée auprès des États participants au mécanisme qui peuvent engager volontairement des moyens. Le MPCU constitue également une réserve européenne de protection civile disposant de moyens matériels et humains, pré-engagés par les États pour répondre aux demandes.

M. Jean-Marie Fievet, rapporteur. Enfin, le dernier étage de la fusée est la réserve rescEU : il s’agit cette fois de ressources acquises grâce aux fonds européens, que les États les hébergeant sur leur sol doivent affecter prioritairement aux demandes d’aides de l’étranger. Cette réserve intégrée, créée en 2019, est montée en puissance très rapidement pendant la pandémie : elle a été diversifiée pour intégrer des masques et respirateurs, par exemple. Voici le positif – le MPCU est une franche réussite.

L’aspect négatif, qu’il nous faut relever, est que cette réussite est totalement méconnue. Lorsqu’à l’été 2021, des sapeurs-pompiers des pays du pourtour méditerranéen se sont mutuellement venus en aide pour faire face aux grands incendies, l’indispensable coordination européenne a rarement été soulignée, sans parler du financement à 75 % du transport et des coûts opérationnels par la Commission européenne. Or, il s’agit de l’argent du contribuable européen : il est juste que chacun puisse en suivre l’emploi. C’est une exigence démocratique, tout comme une opportunité politique de valoriser la solidarité européenne.

Concernant la France, nous pensons que ce manque de communication résulte aussi d’un défaut de portage politique : nous n’avons pas, contrairement à d’autres pays comme la Grèce ou la Roumanie, de ministre de la protection civile – il s’agit d’une attribution du ministre de l’intérieur, dont dépend la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Cela n’est pas, à notre avis, totalement satisfaisant. Nous concluons notre rapport sur des réflexions relatives à la gouvernance de cette politique publique, française et européenne.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je partage ces réflexions et souhaite vous présenter les pistes que nous avons identifiées pour renforcer la capacité nationale et européenne de réponse aux crises.

Nos propositions partent d’un constat : les situations dans lesquelles nous aurons besoin les uns des autres vont se multiplier, se rapprocher, s’aggraver. La concomitance des feux de forêt et des inondations l’été dernier nous a montré qu’avec le dérèglement climatique, nous devrons faire face à de graves catastrophes naturelles, et ce dès maintenant. Il ne s’agit plus d’un avenir hypothétique, mais bien de notre sécurité collective immédiate.

Il faut donc agir à deux niveaux : l’échelon national et l’échelon européen.

L’échelon national est indispensable car le MPCU repose encore très largement sur les contributions des États. Nos entretiens avec les responsables de la protection civile suédoise nous ont permis de comprendre comment, en 2014 et en 2018, ce pays a été surpris et débordé par les importants feux qui ont frappé son territoire. Ces épisodes dramatiques auront eu au moins une vertu : la Suède n’est plus du côté des pays frugaux quand il s’agit de financer la protection civile européenne. Cela a aussi entraîné une montée en gamme des services suédois, qui ont acquis du matériel et remis l’accent sur des pans de la formation des pompiers qui avaient été négligés.

Ce que nous voulons tirer de l’exemple suédois, c’est une leçon pour l’avenir : il ne faut pas attendre d’être débordé par une catastrophe pour agir. Les risques rares mais d’une gravité exceptionnelle, qu’on appelle les cygnes noirs, sont par nature impossibles à prévoir avec exactitude. Cependant, lorsqu’ils se produisent, la préparation et l’entraînement sont au cœur de la résilience collective.

Il faut agir également au niveau du MPCU, ce qui m’amène à mon deuxième point, qui porte sur l’échelon européen. Ces fameux cygnes noirs sont particulièrement coûteux à anticiper. Il s’agit des catastrophes nucléaires, des attaques bactériologies, ou encore des crises simultanées. Leur cartographie implique un travail de recoupement des connaissances scientifiques : c’est le travail du Centre des connaissances en matière de gestion des risques de catastrophe, qui appartient à la DG ECHO.

Lorsqu’un risque est identifié, les États membres peuvent ensuite décider d’échanger leurs connaissances théoriques et leurs techniques opérationnelles, au sein de centres d’expertises thématiques pluridisciplinaires. Nous souhaitons mettre ces centres en avant car le premier d’entre eux a la France pour cheffe de file, sous l’égide de la Commission européenne. Il s’agit du projet Nemausus, centré sur la réponse aux feux de forêt : il s’appuiera sur l’expertise développée autour de la base de sécurité civile de Nîmes-Garons.

Si ce projet est une réussite, ce dont nous ne doutons pas, il faudra s’inspirer de ses méthodes pour faire essaimer d’autres centres d’expertise à travers l’Union européenne.

Les efforts en matière de développement des connaissances doivent être complétés par des investissements capacitaires adéquats. Sans rentrer ici dans le détail des matériels et engins, il nous semble pertinent de continuer à acquérir les moyens les plus lourds en commun avec les États participants au MPCU. De ce fait, la base rescEU continue de se développer avec l’intégration prochaine de deux canadairs, qui stationneront en France et seront mis à disposition directe du mécanisme de protection civile européen.

Il faut aller au-delà, en se dotant, par exemple, de capacités de décontamination nucléaire, toujours en s’appuyant sur l’expertise des États membres. Là aussi, la France a un rôle à jouer. Naturellement, ces investissements ne pourront se faire que si le budget du MPCU, qui a fortement augmenté dans le cadre de la pandémie, maintient sa dynamique.

Enfin, le rapport met l’accent sur la prévention, afin que le citoyen devienne réellement acteur de sécurité civile, car les situations d’urgence ne trouvent pas toujours une réponse des services de l’État. La formation des plus jeunes est un volet encore trop peu exploré : la sensibilisation aux gestes qui sauvent demeure facultative dans l’enseignement secondaire, ce à quoi nous proposons très simplement de remédier, en s’appuyant notamment sur les nombreuses associations compétentes en la matière pour dispenser des formations obligatoires à tous les élèves.

Face aux menaces naturelles, anthropiques et sanitaires, la résilience des populations est une donnée clé pour que les situations d’urgence ne dégénèrent pas en situations de crise. Les acteurs publics, privés, nationaux et européens ont beaucoup à gagner à travailler ensemble. Ce travail aura été, pour nous, l’occasion de mieux les connaître, mais aussi de mieux les faire connaître. 

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je souhaite souligner l’importance de mieux connaître ces outils. Le mécanisme de protection civile de l’Union européenne a été activé 112 fois en 2021, sans écho médiatique particulier. Le MPCU, qui intervient dans une compétence d’appui de l’Union européenne, est un exemple clair de la solidarité européenne.

Mme Aude Bono-Vandorme. La protection civile européenne est, comme vous l’avez signalé, une réussite européenne. Elle témoigne d’une solidarité indispensable entre les États membres mais aussi avec les États tiers. L’aide apportée en matière de protection civile représente l’un des aspects les plus nobles de nos relations internationales. La France peut être fière de son action, car son engagement au sein de ce mécanisme constitue un formidable outil du soft power européen qui doit être encouragé. Notre groupe soutient sans réserve votre proposition de résolution.

Je souhaite vous interroger sur l’adaptation de notre système national de protection civile. Vous soulignez que si la qualité de notre système national de protection civile repose en grande partie sur l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires, certaines décisions de la Cour de justice européenne pourraient impacter le volontariat à la française. Bien que ce risque semble avoir été écarté par la Commission européenne, dans une lettre adressée aux autorités françaises, j’aurais aimé que vous puissiez approfondir les voies de réforme envisageables de votre rapport afin d’adapter le système du volontariat des sapeurs‑pompiers français aux contraintes de la jurisprudence européenne.

M. Didier Quentin. Je voudrais poser deux questions : la première concerne les menaces qui pèsent sur notre système de volontariat et la seconde sur l’état de la mise en place du projet Nemausus.

M. André Chassaigne, rapporteur. En ce qui concerne le fameux arrêt Matzak qui pourrait remettre en cause le système français de volontariat pour la protection civile, nous avançons comme si nous étions dans un magasin de porcelaine. Quelqu’un disait que, dans la vie parlementaire, il fallait trembler pour légiférer. Nous tremblons quand nous abordons cette question car nous savons à quel point elle est sensible.

Dans le rapport, nous n’avons pas voulu faire de démagogie en disant que, par un coup de baguette magique, nous serions en mesure de revenir sur une directive européenne. Chacun sait que c’est beaucoup plus compliqué que cela. Nous faisons d’abord un premier constat : l’improbabilité de bloquer l’évolution qui a été amorcée – et, notamment, le contenu de la directive européenne ainsi que tout ce qui a pu être affirmé par les juridictions, européennes et nationales. Il y a pu avoir des recours de sapeurs-pompiers qui estimaient que l’on ne respectait pas certaines obligations de la directive européenne. On ne peut pas, de notre côté, remettre en cause une directive brutalement ; la solution est de faire en sorte que le volontariat soit reconnu en tant que tel – c’est d’ailleurs une priorité affirmée par le Président de la République.

Certains États, à partir de l’arrêt Matzak, ont modifié leurs systèmes de protection civile. En France, ce que l’on propose, ce sont des évolutions, dont la limitation au recours à la garde postée pour les sapeurs-pompiers volontaires, car ce sont eux qui, justement, peuvent être sujets à être considérés comme étant des temps de travail. Il y a actuellement une évolution en cours au sein des SDIS, avec les acteurs de la protection civile, de façon à ce que le système français puisse continuer à fonctionner correctement sans être en opposition avec le droit européen.

M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. L’application de l’arrêt Matzak va, à terme, compliquer les choses. Il faut que nos sapeurs-pompiers s’adaptent rapidement. Aujourd’hui, on peut penser que si l’on ne fait rien, la sécurité civile sera complètement à réformer : il faut que les SDIS prennent les devants. Aujourd’hui, souvent pour des raisons de problématique d’effectifs, dans les grandes métropoles par exemple, il faut des sapeurs-pompiers volontaires que l’on garde postés – c’est-à-dire sur place à la caserne – avec la même fonction qu’un sapeur-pompier professionnel. Sauf que quand un sapeur-pompier professionnel fait une garde de douze heures, il doit avoir douze heures de repos derrière : un sapeur-pompier volontaire doit avoir les mêmes conditions de repos. On prend souvent l’exemple du chauffeur de bus scolaire qui, sapeur-pompier volontaire, va conduire directement après sa garde les enfants à l’école. Beaucoup de SDIS ont déjà pris les devants, en demandant aux sapeurs-pompiers qui prennent des gardes postées de ne pas travailler le lendemain mais cela pose des problèmes dans les grandes métropoles. Dans les départements ruraux, on ne s’en sort pas trop mal, on ne demande aux sapeurs-pompiers volontaires de ne se tenir disponibles que pour des demandes ponctuelles d’intervention. C’est aussi pour protéger les pompiers volontaires qu’il faut une évolution. C’est le sens de l’arrêt Matzak. Les sapeurs-pompiers doivent être frais et disponibles pour être efficaces.

M. André Chassaigne, rapporteur. Tout cela est très délicat. On a un système qui tient mais, parfois, sur le fil du rasoir. Tout cela doit donc être fait en bonne intelligence. On peut faire évoluer ce système sans le mettre à bas. Mais il faut être très attentif au niveau des SDIS, au niveau des centres, que cela se fasse de façon raisonnée, en évitant les abus aux conséquences graves en termes d’intervention.

M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. En ce qui concerne la base aérienne de sécurité civile, à Nîmes, qui a été mise à disposition de la sécurité civile : c’est le lieu où sont basés tous nos canadairs et nos fameux Dash – des avions bombardiers d’eau modulables – ainsi qu’une partie des hélicoptères, afin d’être remis à niveau et réparés. La base de Nîmes-Garons comporte deux entités : la base aérienne, qui permet la formation continue, et, maintenant, on peut commencer à y recevoir des pilotes d’autres pays de l’Union européenne grâce à un système de formation numérique organisé autour de plusieurs thématiques. Ce système est adapté pour avoir une formation complète et une coordination de tous les pilotes européens. Pour le moment, il est à un stade embryonnaire mais, à court terme, il s’agira de la base référentielle au niveau européen.

Le projet Nemausus est un centre d’expertise spécialisée dans les feux de forêts. Il est important que ces pôles d’expertise spécifique puissent se mettre en place, ce qui permettra de développer une formation spécialisée. Nous souhaiterions que ces pôles se développent également dans d’autres pays, sur d’autres thématiques. Nos déplacements nous ont beaucoup éclairés à ce sujet. Par exemple, la Roumanie est le pays leader en matière de gestion des grosses inondations, avec un matériel important. En cas d’inondation, il faut se tourner vers eux. Il est important que nos cadres, de toute l’Union, se rencontrent, se forment ensemble sur différents pôles, dont un pôle nucléaire. Il faut aussi être formés à répondre à des interventions que l’on n’imagine pas encore et qu’il faut anticiper. Le ministre de la sécurité civile roumain nous a expliqué qu’il y a quelques années il n’y avait rien d’existant dans son pays en la matière. Il y a eu une impulsion politique pour se moderniser et, aujourd’hui, le pays fait figure de modèle en Europe.

M. André Chassaigne, rapporteur. J’aimerais aborder le sujet de la prévention. On peut avoir le sentiment, notamment en France où il y a un volontariat extrêmement bien développé, que cela suffit en termes de participation citoyenne. Nous pensons toutefois qu’il faut aller plus loin. Il faut que la formation soit plus généralisée. Nous formulons des propositions pour que, dans les écoles, il y ait des séquences obligatoires. Nous nous sommes rendu compte que certains pays sont plus sensibles à associer la population en termes de prévention. En Suède, cela se fait en lien avec la défense militaire. Il faut faire davantage. On a la chance, en France, d’avoir une forte protection civile, en plus des sapeurs-pompiers : cette masse de bénévoles, dans le cadre soit des sapeurs-pompiers soit de l’association de protection civile, est disponible pour davantage anticiper et sensibiliser la population.

Les risques sont très graves aujourd’hui, ils vont s’accentuer et être de plus en plus soudains. Avec la protection civile, nous avons, je crois, un exemple insuffisamment valorisé de ce que l’on peut faire au niveau de l’Union européenne. Des progrès ont été réalisés, en matière de coopération, de mutualisation et il faut les mettre en avant.

M. Didier Quentin. Je souhaite évoquer le cas des risques telluriques, c’est-à-dire les risques d’éruption volcanique y compris en mer. Une éruption de ce type a récemment eu lieu aux îles Tonga. Il faut rappeler que pour ce qui est des départements français, Mayotte se trouve grandement menacée par ce risque. Un volcan sous-marin dans la zone pourrait provoquer des tsunamis menaçants pour l’île.

M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. Je vous confirme que ce risque a été pris en compte par l’Union. Tous les États membres font face à un risque de tremblement de terre. Je vous rappelle qu’en Méditerranée il y a une faille entre Chypre et la Turquie. Si demain elle venait à se rompre, il y aurait un raz de marée en Méditerranée. En France, nous avons pris en compte ce risque. De même, la Roumanie et l’Italie sont sur des failles qui se déplacent régulièrement. C’est donc toute l’Europe est menacée par des séismes.

L’actualité ces jours-ci nous fait prendre conscience des risques possibles. Aux îles Tonga, la puissance du phénomène a été telle qu’un pays de la taille de la France se serait trouvé submergé par cette explosion. Il faut une meilleure information des populations ainsi qu’une meilleure formation aux risques. Si, dans un futur proche, une vraie catastrophe devait se produire, les acteurs présents (sapeurs-pompiers, médecins) ne sont pas suffisamment nombreux pour porter assistance avec les premiers gestes à toutes les victimes potentielles. Tous les citoyens devraient être en mesure de le faire.

Depuis 2004, la loi prévoit que chaque citoyen est maître de sa sécurité civile, cela n’a pas de résonance concrète. Rendre obligatoire la formation aux gestes qui sauvent en classe de seconde est pour nous une priorité. Il s’agit d’une année charnière où les élèves n’ont pas de diplôme à passer, ils peuvent donc être formés à hauteur de un ou deux jours par semaine. En dix ans, nous pourrions former une génération entière.

M. Didier Quentin. Existe-t-il des dispositions ou bien des mesures spécifiques qui traiteraient de ces risques à Vulcania ?

M. André Chassaigne, rapporteur. Comme tous les parcs de ce type, les éléments présentés aux visiteurs peuvent changer d’une année sur l’autre, je n’aurais donc pas de réponse précise à apporter.

En revanche, pour répondre à votre autre question, de par les territoires ultra‑marins, la France se distingue des autres États membres. Nous le soulignons dans le rapport. Nous connaissons ces risques dans nos collectivités d’outre-mer.

*

*     *

Article unique

Amendement n°3 des rapporteurs.

M. André Chassaigne, rapporteur. Dans cet amendement, nous proposons de modifier la rédaction du paragraphe 16. Ce paragraphe ne correspondait pas aux idées que nous souhaitons véhiculer, nous proposons de le modifier en écrivant « invite la Commission européenne à valoriser les spécificités du volontariat et du bénévolat en vue de renforcer la participation citoyenne à la protection civile ». Cette formulation nous semble plus précise que la formulation initiale.

Dans la rédaction initiale nous évoquions les spécificités du modèle français ce qui n’est pas tout à fait exact. Contrairement à ce que nous pensions nous-mêmes, le volontariat et le bénévolat en matière de protection civile ne constituent pas une spécificité française. De nombreux Etats membres de l’Union s’appuient sur le volontariat.

La commission adopte l’amendement. 

Amendement n°2 des rapporteurs.

M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur. Nous souhaitions remplacer le paragraphe 18 par le paragraphe suivant : « inviter à adapter les conditions d’activité des sapeurs-pompiers volontaires en France afin de garantir leur conformité au droit européen ».

Cette formulation est plus conforme à la situation des sapeurs-pompiers volontaires qui ne sont pas dans une situation d’emploi.

La commission adopte l’amendement. 

L’amendement n°1 de M. Patrice Anato n’est pas défendu.

La commission adopte l’article unique modifié.

L’ensemble de la proposition de résolution européenne est ainsi adopté.

La commission autorise le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 


1

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 196 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la décision 2001/792 du Conseil du 23 octobre 2001 instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

Vu le règlement (UE) 2021/836 du 20 mai 2021 modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l’Union,

Vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027,

Considérant l’augmentation des risques de catastrophes naturelles liée notamment au dérèglement climatique,

Considérant la persistance de risques d’origine anthropique, liés aux conflits, aux attaques terroristes ou de nature nucléaire, radiologique, biologique ou chimique,

Considérant que la pandémie de covid-19 a démontré l’ampleur de la déstabilisation entraînée par les risques sanitaires transfrontières, en particulier pandémiques,

Considérant que la protection civile apporte une réponse aux situations d’urgence, quelle qu’en soit l’origine, au niveau local, national ou supranational, et contribue ainsi à la sauvegarde des intérêts stratégiques français et européens,

Considérant que le mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU) constitue une remarquable réussite, dans un domaine relevant d’une compétence d’appui, dans le cadre de laquelle les États membres sont parvenus à mettre en commun leurs ressources au bénéfice des populations touchées par les situations de crise, en Europe et dans le monde,

Considérant que la mise en commun des connaissances, en s’appuyant sur l’expertise spécifique des États membres, permet de mieux se préparer collectivement aux risques, qu’ils soient ou non prévisibles,

1. Salue l’augmentation des crédits dévolus à la protection civile dans le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, qui reflète une importante montée en charge du MPCU ;

2. Encourage le Gouvernement à maintenir les niveaux élevés de participation de la France à la réserve volontaire de protection civile ainsi qu’à rescEU, réserve spécifique de protection civile gérée par l’Union européenne ;

3. Invite, dans le cadre des échanges de bonnes pratiques entre États membres, à valoriser les spécificités du modèle français, en particulier le volontariat, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne ;

4. Demande au Gouvernement de renforcer les modalités de formation aux gestes qui sauvent, en faisant évoluer les programmes scolaires vers une meilleure acculturation aux risques et en y intégrant une obligation de valider un certificat Prévention et secours civiques ;

5. Invite à faire évoluer les modalités d’emploi des sapeurs-pompiers volontaires en France afin de les adapter aux clarifications apportées par la Cour de justice ;

6. Entend veiller à l’adoption des décrets d’application de la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, en particulier s’agissant de l’expérimentation d’un numéro unique d’urgence ;

7. Souhaite que la Commission européenne poursuive la diversification et le renforcement engagés de la réserve rescEU, qui constitue un outil précieux de préparation aux crises futures, en diversifiant le stockage de matériels et en l’enrichissant de capacités de réaction aux catastrophes nucléaires ;

8. Estime que la création d’une force européenne de protection civile, constituant une force additionnelle aux effectifs nationaux, constitue le prolongement naturel de la mise en commun de matériels et de savoir-faire ;

9. Préconise que les actions du MPCU fassent l’objet d’une mise en valeur, en particulier lors des événements dédiés qui se tiendront dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, à travers une communication proactive de la Commission européenne et de la Présidence du Conseil de l’Union ;

10. Invite, au vu de l’augmentation sans précédent des sollicitations adressées au MPCU et de la diversification des missions liées à la réponse aux crises, à faire évoluer une partie de la DG ECHO vers une agence européenne dédiée à la protection civile.

 

 


1

   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

4 Janvier 2022


Proposition de résolution européenne
protection civile européenne

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

M. André Chassaigne et M. Jean-Marie Fiévet, Rapporteurs

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Remplacer le paragraphe 16 par le paragraphe suivant :

« 3. Invite la Présidence française de l’Union européenne à valoriser les spécificités du volontariat et du bénévolat en vue de renforcer la participation citoyenne à la protection civile ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cette formulation est plus précise dans la mesure où le volontariat, qui marque notre modèle français de protection civile, est également présent dans d’autres pays de l’Union européenne.

La Présidence française de l’Union européenne peut être l’occasion de montrer un soutien politique à cette forme d’engagement, qui conjugue citoyenneté et utilité sociale.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

4 Janvier 2022


Proposition de résolution européenne
protection civile européenne

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

M. André Chassaigne et M. Jean-Marie Fiévet, Rapporteurs

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Remplacer le paragraphe 18 par le paragraphe suivant :

« 5. Invite à adapter les conditions d’activité des sapeurs-pompiers volontaires en France afin de garantir leur conformité au droit européen ; »

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cette formulation est plus conforme à la situation des sapeurs-pompiers volontaires, qui ne sont pas dans une situation d’emploi.

 

Cet amendement est adopté.

 

 


1

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION europÉenne

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 196 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la décision 2001/792 du Conseil du 23 octobre 2001 instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

Vu le règlement (UE) 2021/836 du 20 mai 2021 modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l’Union,

Vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027,

Considérant l’augmentation des risques de catastrophes naturelles liée notamment au dérèglement climatique,

Considérant la persistance de risques d’origine anthropique, liés aux conflits, aux attaques terroristes ou de nature nucléaire, radiologique, biologique ou chimique,

Considérant que la pandémie de covid-19 a démontré l’ampleur de la déstabilisation entraînée par les risques sanitaires transfrontières, en particulier pandémiques,

Considérant que la protection civile apporte une réponse aux situations d’urgence, quelle qu’en soit l’origine, au niveau local, national ou supranational, et contribue ainsi à la sauvegarde des intérêts stratégiques français et européens,

Considérant que le mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU) constitue une remarquable réussite, dans un domaine relevant d’une compétence d’appui, dans le cadre de laquelle les États membres sont parvenus à mettre en commun leurs ressources au bénéfice des populations touchées par les situations de crise, en Europe et dans le monde,

Considérant que la mise en commun des connaissances, en s’appuyant sur l’expertise spécifique des États membres, permet de mieux se préparer collectivement aux risques, qu’ils soient ou non prévisibles,

1. Salue l’augmentation des crédits dévolus à la protection civile dans le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, qui reflète une importante montée en charge du MPCU ;

2. Encourage le Gouvernement à maintenir les niveaux élevés de participation de la France à la réserve volontaire de protection civile ainsi qu’à rescEU, réserve spécifique de protection civile gérée par l’Union européenne ;

3. Invite la Présidence française de l’Union européenne à valoriser les spécificités du volontariat et du bénévolat en vue de renforcer la participation citoyenne à la protection civile ;

4. Demande au Gouvernement de renforcer les modalités de formation aux gestes qui sauvent, en faisant évoluer les programmes scolaires vers une meilleure acculturation aux risques et en y intégrant une obligation de valider un certificat Prévention et secours civiques ;

5. Invite à adapter les conditions d’activités des sapeurs-pompiers volontaires en France afin de garantir leur conformité au droit européen ;

6. Entend veiller à l’adoption des décrets d’application de la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, en particulier s’agissant de l’expérimentation d’un numéro unique d’urgence ;

7. Souhaite que la Commission européenne poursuive la diversification et le renforcement engagés de la réserve rescEU, qui constitue un outil précieux de préparation aux crises futures, en diversifiant le stockage de matériels et en l’enrichissant de capacités de réaction aux catastrophes nucléaires ;

8. Estime que la création d’une force européenne de protection civile, constituant une force additionnelle aux effectifs nationaux, constitue le prolongement naturel de la mise en commun de matériels et de savoir-faire ;

9. Préconise que les actions du MPCU fassent l’objet d’une mise en valeur, en particulier lors des événements dédiés qui se tiendront dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, à travers une communication proactive de la Commission européenne et de la Présidence du Conseil de l’Union ;

10. Invite, au vu de l’augmentation sans précédent des sollicitations adressées au MPCU et de la diversification des missions liées à la réponse aux crises, à faire évoluer une partie de la DG ECHO vers une agence européenne dédiée à la protection civile.

    


1

   Annexe I
Actualité jurisprudentielle

 

CJUE, 11 novembre 2021, MG c. Dublin City Council (affaire C-214/20)

Pays concerné : Irlande

Un sapeur-pompier réserviste employé, à temps partiel, par le conseil municipal de Dublin est mis à disposition de la brigade de sa caserne en vertu d’un système de garde sous régime d’astreinte. Il doit participer à 75 % des interventions mais il n’est pas obligé d’être présent sur place pendant ses périodes de garde. Cependant, il doit arriver à la caserne en moins de 5 minutes (délai souhaité) et moins de 10 minutes (délai maximal) lorsqu’il reçoit un appel d’urgence pour intervenir. Il introduit une réclamation devant la commission des relations professionnelles d’Irlande car il estime que les heures de garde doivent être qualifiées de « temps de travail » au sens de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail

Le conseil municipal de Dublin soutient que les sapeurs-pompiers réservistes ne sont pas tenus de rester dans un lieu déterminé lorsqu’ils sont de garde. De plus, si le sapeur-pompier réserviste n’arrive pas à respecter le délai d’arrivée à la caserne, la seule conséquence serait qu’il ne reçoit pas de rémunération. S’agissant d’un régime d’astreinte flexible, il ne serait pas justifié de qualifier les heures de garde en tant que « temps de travail ».

A différence de l’espèce de l’arrêt Matzak, le conseil municipal de Dublin n’exige pas que les sapeurs-pompiers réservistes se trouvent dans un lieu déterminé lorsqu’ils sont de garde et les autorise, en outre, à travailler pour leur propre compte ou pour un autre employeur.

Le juge européen a estimé qu’il incombe à la juridiction de renvoi de trancher le cas d’espèce, en déterminant s’il s’agit d’un temps de travail ou non. Pour ce faire, la CJUE a indiqué des critères objectifs pour évaluer la situation.

Le juge européen indique que la notion de « temps de travail » doit être comprise comme « l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts ». Si les contraintes imposées au travailleur pendant la période de garde n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps selon ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail effectivement réalisé au cours d’une telle période doit être compris comme « temps de travail ».

Les critères choisis par la CJUE pour apprécier si une garde sous régime d’astreinte génère des contraintes majeures sont le délai dont dispose ce travailleur pour reprendre ses activités professionnelles auprès de l’employeur pour lequel il effectue cette garde à compter du moment où celui-ci le sollicite et la fréquence moyenne des interventions que ledit travailleur sera effectivement appelé à assurer au cours de cette période.

Concernant ce délai, s’il est limité à quelques minutes, il faudrait en principe considérer la période de garde comme du « temps de travail ». Il faut néanmoins prendre en compte les autres contraintes imposées au travailleur ainsi que les facilités qui lui sont accordées pour mieux appréhender l’impact du délai.

En l’espèce, le juge européen considère que la possibilité offerte à MG d’exercer une autre activité professionnelle pendant ses périodes de garde, la non-obligation de se trouver dans un lieu précis pendant la période de garde sous astreinte, la possibilité de ne pas participer à la totalité des interventions assurées par sa caserne ainsi que la permission d’exercer une autre activité professionnelle n’excédant pas 48 heures hebdomadaires en moyenne, sont des éléments objectifs permettant d’affirmer que le sapeurs-pompiers réserviste est en mesure de développer l’autre activité professionnelle, selon ses propres intérêts.

Il faudrait apprécier néanmoins si la fréquence moyenne des appels d’urgence et la durée moyenne des interventions empêchent ou non l’exercice effectif de l’autre activité professionnelle.

En conclusion, « une période de garde sous régime d’astreinte assurée par un sapeur-pompier réserviste, durant laquelle ce travailleur exerce, avec l’autorisation de son employeur, une activité professionnelle pour son propre compte mais doit, en cas d’appel d’urgence, rejoindre sa caserne d’affectation dans un délai maximal de dix minutes, ne constitue pas du « temps de travail », au sens de cette disposition, s’il découle d’une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment de l’ampleur et des modalités de cette faculté d’exercer une autre activité professionnelle ainsi que de l’absence d’obligation de participer à l’ensemble des interventions assurées à partir de cette caserne, que les contraintes imposées audit travailleur pendant cette période ne sont pas d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté pour ce dernier de gérer librement, au cours de ladite période, le temps pendant lequel ses services professionnels en tant que sapeur-pompier ne sont pas sollicités. »

 

 

 

CJUE, 28 octobre 2021, Unitatea Administrativ Teritoriala D. (affaire C-909/19)

Pays concerné : Roumanie

 Un chef de département de prévention (sapeur-pompier) employé par une administration communale a reçu l’instruction de son employeur de suivre 160 heures de formation professionnelle dans les locaux de l’entreprise fournissant la formation.

La question posée concerne la qualification de la période pendant laquelle un salarié suit une formation professionnelle qui lui est imposée, laquelle a lieu en dehors de son horaire de travail normal, au siège du prestataire de services de formation, en dehors de son lieu de travail et pendant laquelle il n’exerce pas ses fonctions en tant que « temps du travail », au sens de la directive 2003/88.

Le juge européen a considéré que « lorsqu’un travailleur reçoit instruction de son employeur de suivre une formation professionnelle pour pouvoir exercer les fonctions qu’il occupe et que, au demeurant, cet employeur a lui-même signé le contrat de formation professionnelle avec l’entreprise appelée à fournir cette formation, il y a lieu de considérer que, pendant les périodes de formation professionnelle, ce travailleur se trouve à la disposition de son employeur, au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88. » Cela s’applique même si la formation n’a pas lieu dans les locaux de travail habituels car « le lieu de travail doit être compris comme étant tout lieu où le travailleur est appelé à exercer une activité sur ordre de son employeur, y compris lorsque ce lieu n’est pas l’endroit où il exerce habituellement son activité professionnelle ».

En conclusion, la période pendant laquelle un travailleur suit une formation professionnelle qui lui est imposée par son employeur, qui se déroule en dehors de son lieu habituel de travail, dans les locaux du prestataire des services de formation, et pendant laquelle il n’exerce pas ses fonctions habituelles, constitue du temps de travail.

 


CJUE, 9 septembre 2021, XR c. Dopravní podnik hl. m. Prahy, akciová společnost (affaire C-107/19)

Pays concerné : République tchèque.

Un pompier d’entreprise soumis à un régime de travail posté en équipes successives pouvait se rendre à la cantine d’usine avec un émetteur l’avertissant, en cas de besoin, du fait que le véhicule d’intervention venait le chercher dans un délai de deux minutes. Le temps de pause n’était considéré comme du temps de travail que dans la mesure où il était interrompu par un départ en intervenions. En conséquence, le temps de pause n’était pas rémunéré. La question soulevée concernait l’interprétation de la période de pause au cours de laquelle l’employé doit être à la disposition de l’employeur en cas de départ soudain en intervention dans les deux minutes comme temps de travail.

Le juge européen a estimé que « le temps de pause accordé à un travailleur durant son temps de travail journalier, au cours duquel il doit être en mesure de partir en intervention dans un délai de deux minutes en cas de besoin, dès lors qu’il découle d’une appréciation globale de l’ensemble des circonstances pertinentes, que les contraintes imposées à ce travailleur pendant ledit temps de pause sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté pour ce dernier de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts » doit être considéré comme du temps de travail.

La Cour a précisé également que le caractère imprévisible et occasionnel des interruptions des temps de pause ne peut pas justifier la qualification de cette période en temps de repos.

 


CJUE, 15 Juillet 2021, BK c. Ministrstvo za ombrambo (affaire C-742/19)

Pays concerné : Slovénie.

Un sous-officier slovène a effectué un service de garde de sept jours par mois au cours duquel il devait être joignable et présent en permanence au sein de sa caserne. Le service de garde comprend des périodes avec une activité de surveillance effective et des périodes avec la seule obligation d’être à disposition de ses supérieurs. Le ministère de la défense considère que seules huit heures devaient être considérées comme étant du « temps de travail » pour chaque jour de service de garde. La Cour suprême slovène s’est interrogée sur l’applicabilité de la directive 2003/88 aux travailleurs du domaine de la défense et aux militaires qui effectuent des gardes en temps de paix, ainsi que sur la possibilité d’opposer cette directive à une éventuelle réglementation nationale en vertu de laquelle ces périodes d’astreinte ne sont pas incluses dans le temps de travail.

La CJUE a établi qu’une activité de garde exercée par un militaire est exclue du champ d’application de la directive 2003/88 si :

– L’activité intervient dans le cadre de sa formation initiale, d’un entraînement opérationnel ou d’une opération militaire ;

– L’activité est tellement particulière qu’elle ne se prête pas à un système de rotation des effectifs permettant d’assurer le respect des exigences de la directive ;

– L’activité est exécutée dans le cadre d’évènements exceptionnels, dont la gravité et l’ampleur nécessitent l’adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé ainsi que de la sécurité de la collectivité et dont la bonne exécution serait compromise si l’ensemble des règles énoncées par la directive devaient être respectées ;

– L’application de la directive affecterait le bon accomplissement des opérations militaires.

Le juge européen a choisi de reformuler la seconde question et de s’interroger sur l’interprétation d’une une période de garde au cours de laquelle le militaire est tenu de demeurer au sein de la caserne où il est affecté mais n’y accomplit pas de travail effectif en tant que « temps de travail ». La CJUE a considéré qu’une période de garde imposée à un militaire qui implique sa présence continue sur son lieu de travail doit être considérée comme étant du temps de travail lorsque ce lieu de travail ne se confond pas avec son domicile

 


CJUE, 6 octobre 2020, RJ c. Stadt Offenbach am Main (affaire C-580/19)

Pays concerné : Allemagne.

Un fonctionnaire qui exerce ses fonctions de pompier au sein du service d’incendie et de secours de la ville d’Offenbach-sur-le-Main doit effectuer régulièrement un service d’astreinte en tant que chef de groupe. Pendant le service d’astreinte, il doit choisir le lieu où il se trouve de manière à atteindre la ville, en cas de besoin, en tenue et dans son véhicule d’intervention en moins de 20 minutes. Il demande à ce que les périodes d’astreinte soient considérées comme du temps de travail.

La juridiction de renvoi demande si les périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a l’obligation d’atteindre les limites de sa ville d’affectation en moins de 20 minutes doivent être considérés comme du « temps de travail », même si l’employeur ne lui impose pas de lieu où il est contraint d’être physiquement présent mais qu’il est soumis à des restrictions en ce qui concerne le choix du lieu où il se trouve.

La CJUE a jugé « qu’une période de garde sous régime d’astreinte, durant laquelle un travailleur doit pouvoir rejoindre les limites de sa ville d’affectation dans un délai de 20 minutes, avec sa tenue d’intervention et le véhicule de service mis à sa disposition par son employeur, en faisant usage des droits dérogatoires au code de la route et des droits de priorité attachés à ce véhicule, ne constitue, dans son intégralité, du « temps de travail », au sens de cette disposition, que s’il découle d’une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment des conséquences d’un tel délai et, le cas échéant, de la fréquence moyenne d’intervention au cours de cette période, que les contraintes imposées à ce travailleur pendant ladite période sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté pour ce dernier de gérer librement, au cours de la même période, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. »

Dans cet arrêt le juge européen établi un ensemble de critère à prendre en compte lors de l’appréciation, par les juridictions nationales, de la qualification des périodes de garde en « temps de travail » au sens de la directive 2003/88 :

– « Le fait que le travailleur est contraint d’être physiquement présent sur le lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir ses services en cas de besoin » ;

– « Le travailleur, tenu de demeurer sur son lieu de travail à la disposition immédiate de son employeur, doit rester éloigné de son environnement social et familial et bénéficie d’une faible latitude pour gérer le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités » ;

– « Une période de garde sous régime d’astreinte, bien qu’elle n’impose pas au travailleur de demeurer sur son lieu de travail, doit également être qualifiée, dans son intégralité, de « temps de travail », en considération de l’impact objectif et très significatif des contraintes imposées au travailleur sur les possibilités, pour ce dernier, de se consacrer à ses intérêts personnels et sociaux, elle se distingue d’une période au cours de laquelle le travailleur doit uniquement être à la disposition de son employeur afin que ce dernier puisse le joindre. »

 


CJUE, 30 avril 2020, UO c. Készenléti Rendörség (affaire C-211/19)

Pays concerné : Hongrie.

Un agent de la police d’intervention hongroise a effectué un service d’alerte en tant que membre d’une compagnie de patrouille sur un lieu différent de celui habituel. Pendant ce service, son employeur lui a ordonné de réaliser un service d’alerte extraordinaire et un service de garde en dehors du temps de service ordinaire. L’employé a considéré ensuite que ce temps de service de garde était un temps de repos.

La question posée concerne l’applicabilité de la directive 2003/88 aux membres des forces de l’ordre qui exercent des fonctions de surveillance aux frontières extérieures d’un État membre, en cas d’afflux de ressortissants de pays tiers auxdites frontières.

Le juge européen a décidé que la directive 2003/88 s’applique à des activités dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l’ordre publics, même lorsqu’elles sont exercées par les forces d’intervention sur le terrain et qu’elles ont pour objet de porter secours, dès lors qu’elles sont effectuées dans des conditions habituelles, conformément à la mission impartie au service concerné, et alors même que les interventions auxquelles ces activités peuvent donner lieu sont, par nature, imprévisibles et susceptibles d’exposer les travailleurs qui les exécutent à certains risques quant à leur sécurité ou à leur santé.

Enfin, la directive s’applique aux membres des forces de l’ordre qui exercent des fonctions de surveillance aux frontières extérieures d’un État membre en cas d’afflux de ressortissants de pays tiers auxdites frontières, sauf lorsqu’il apparaît, au vu de l’ensemble des circonstances pertinentes, que les missions exécutées le sont dans le cadre d’événements exceptionnels, dont la gravité et l’ampleur nécessitent l’adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé ainsi que de la sécurité de la collectivité, et dont la bonne exécution serait compromise si l’ensemble des règles énoncées par ladite directive devaient être respectées, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.


1

   Annexe II
Liste des personnes auditionnées

En France :

 

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Centre de crise et de soutien (CDC)

 

Ministère de l’intérieur

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

Direction des affaires européennes et internationales (DAEI)

Préfectures

 

Fédération nationale des sapeurs-pompiers

 

Représentants des organisations syndicales

 


SDIS 63

 

SDIS 79

 

BMPM

 

Associations

Croix-Rouge française

Communauté Emmaüs de Puy-Guillaume

 

ENSOSP

 

Autres personnalités

 

 


À Bruxelles :

 

Commission européenne

 

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

 

Service public fédéral intérieur

Direction générale de la protection civile

 

À Bucarest :

 

Ambassade de France en Roumanie

 

Ministère de l’intérieur

 

Chambre des députés

 

À Stockholm :

 

Ambassade de France en Suède


Agence suédoise de protection civile (MSB)

 

Services d’urgence

 

 

Ambassades de France dans les États membres :

 

Contributions écrites adressées par les ambassades de France en Allemagne, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal

 

À Quito, par le rapporteur Jean-Marie Fiévet :

 

Ambassade de France en Équateur

 

Services d’urgence

 

 

À Athènes, par le rapporteur André Chassaigne :

 

 

 


([1])  World Weather Attribution, « Heavy rainfall which led to severe flooding in Western Europe made more likely by climate change », 23 août 2021.

([2]) Rapport de la mission interministérielle Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts, juillet 2010.

([3])  Voir les développements de l’avis fait au nom de la commission des lois par M. Mansour Kamardine sur le projet de loi de finances pour 2022, XVe législature (n° 4525), enregistré le 7 octobre 2021.

([4]) Œuvres complètes de Victor Hugo, éd. J. Hetzel, A. Quantin, 1883, vol. Actes et paroles. I, partie Assemblée constituante, p. 214.

([5]) La proportion importante de volontaires parmi les sapeurs-pompiers professionnels peut entraîner une double-comptabilité. Données issues des statistiques des services d’incendie et de secours, édition 2021, DGSCGC.

([6])  La mention « des animaux » a été ajoutée par la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, issue de la proposition de loi déposée par M. Fabien Matras.

([7]) Ces services sont régis par le chapitre IV du titre II du livre IV de la première partie du Code général des collectivités territoriales.

([8]) Loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.

([9]) Décret impérial du 18 septembre 1811.

([10]) Arrêté du 6 avril 2021 portant organisation interne de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

([11]) Circulaire du ministre de l’intérieur relative à la mise en place des pactes capacitaires impliquant les collectivités locales et les services d’incendie et de secours, adressée aux préfets de zone de défense et de sécurité et aux préfets de département, 10 décembre 2019.

([12]) Rapport d’information déposé par la commission de la défense et des forces armées en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national, présenté par M. Olivier Audibert Troin et M. Christophe Léonard, XIVe législature (n° 3864), enregistré le 22 juin 2016.

([13])  Contribution écrite de l’ambassade de France en Allemagne.

([14])  Contribution écrite de l’ambassade de France en Grèce.

([15])  Audition de M. Olivier Pezza, conseiller à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, le 30 septembre 2021.

([16])  Contribution écrite de l’ambassade de France à Chypre.

([17])  Audition de M. Raed Arafat, secrétaire d’État roumain à la protection civile, le 21 octobre 2021.

([18])  Contribution écrite de l’ambassade de France en Allemagne.

([19]) Ce concept développé par Joseph Nye se définit comme la capacité d’un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur par un ensemble de moyens autres que coercitifs. Il renforce ainsi la légitimité de son action internationale, ce qui constitue également un facteur de puissance.

([20]) Contribution écrite du secrétariat général aux affaires européennes.

([21]) Règlement (UE) 2021/836 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 modifiant la décision no 1313/2 013/UE relative au mécanisme de protection civile de l’Union.

([22]) Fédération nationale des sapeurs-pompiers, Contribution au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, 24 novembre 2021.

([23])  Op. cit. statistiques DGSCGC, édition 2021.

([24])  Rapport remis au ministre de l’intérieur de la mission relative au volontariat des sapeurs-par Mme Catherine Troendlé, MM Fabien Matras, Olivier Richefou, Éric Faure et Pierre Brajeux, le 25 mai 2018.

([25]) IFRASEC, « État des lieux des services départementaux d’incendie et de secours en France : vers une fragilisation du modèle français de sécurité civile ? », avril 2018.

([26]) Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

([27]) Cour de Justice de l’Union européenne (cinquième chambre), Ville de Nivelles contre Rudy Matzak, 21 février 2018, affaire C-518/15.

([28])  DGSCGC, Rapport d’activité annuel, 2020.

([29])  CE Ass, 17 décembre 2021, Bouillon, décision n° 437125.

([30]) Circulaire ministérielle du 22 avril 2014 relative à l’organisation de la disponibilité des volontaires des services publics d’incendie, Direction générale de la sécurité civile belge.

([31]) Cours du travail - Arrêt n° F-20130806-1 (2011/AB/750) du 6 août 2013.

([32]) Contribution écrite de l’ambassade de France en Belgique.

([33]) Contribution écrite de l’ambassade de France en Finlande.

([34]) Table ronde de représentants des organisations syndicales, le 27 octobre 2021.

([35]) Article 196 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : « 1. L’Union encourage la coopération entre les États membres afin de renforcer l’efficacité des systèmes de prévention des catastrophes naturelles ou d’origine humaine et de protection contre celles-ci.

L’action de l’Union vise :

a)       à soutenir et à compléter l’action des États membres aux niveaux national, régional et local portant sur la prévention des risques, sur la préparation des acteurs de la protection civile dans les États membres et sur l’intervention en cas de catastrophes naturelles ou d’origine humaine à l’intérieur de l’Union ;

b) à promouvoir une coopération opérationnelle rapide et efficace à l’intérieur de l’Union entre les services de protection civile nationaux ;

c) à favoriser la cohérence des actions entreprises au niveau international en matière de protection civile. »

([36])  Décision 2001/792 du Conseil du 23 octobre 2001 instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

([37])  Il s’agit aujourd’hui des États membres de l’Union européenne, ainsi que de 6 pays participants (Islande, Macédoine du Nord, Monténégro, Norvège, Serbie et Turquie).

([38])  Il s’agit des États membres de l’Union européenne (hors Irlande, Hongrie et Malte), auxquels s’ajoute la Norvège.

([39])  Chaque module comprend le matériel prêt à l’emploi et le personnel pour l’armer. En août 2021, à la suite du tremblement de terre qui a touché Haïti, la France a fait parvenir via l’ERCC son module de purification d’eau. Autre exemple, la Roumanie dispose d’un module pour faire face aux grandes inondations constitué de pompes à eau puissantes.

([40])  Cette observation a été formulée par M. Nicolas de Maistre, directeur de la protection et de la sécurité de l’État au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) lors d’une audition de la mission flash sur les risques NRBC de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, à laquelle le rapporteur André Chassaigne est également associé.

([41])  Contribution écrite de l’ambassade de France en Lituanie.

([42])  Audition de Mme Anne Baetens, directrice des relations internationales à la direction générale de la protection civile du Service public fédéral intérieur, le 30 septembre 2021.

([43]) Jean Monnet : Mémoires. Paris, Fayard, 1976, p. 488.

([44]) Commission européenne, Fiche info – Corps médical européen, mise à jour 8 janvier 2021.

([45])  Matthew Tempest, « Le corps médical européen entame sa première mission en Angola », Euractiv, 18 mai 2016.

([46])  Audition des représentants du MSB suédois, le 3 novembre 2021.

([47])  Audition de Mme Anna Henninsson le 4 novembre 2021.

([48])  Selon la DG ECHO, sur les 17 demandes introduites en 2017 concernant des deux de forêt, une aide n’a réellement été fournie que dans 10 cas et la réaction a parfois été trop lente. Dans le cas du Portugal, les canadairs en provenance d’autres États membres ont mis 48 heures à arriver.

([49])  Le MSB a établi en mars 2020 un contrat avec une société privée afin de disposer de deux avions SAAB Air Tractor AT-802 F de lutte contre les incendies de type Canadair (déverse 35 000-50 000 litres d’eau/heure), comprenant également le personnel et la logistique pour la période 2020-2023, Ces avions, localisés à Nyköping, sont également à la disposition de rescEU.

([50]) Op. cit. DGSCGC, Rapport d’activité 2020.

([51])  8 191 citoyens français ont été rapatriés par des vols de rapatriement facilités par le MPCU dans le cadre des opérations liées au covid-19.

([52]) Ces données sont issues de la base de données officielle sur les incendies de forêts en région Méditerranée, Prométhée, accessible en ligne.

([53]) Audition de M. Alain Thirion, le 15 décembre 2021.

([54]) Mathilde Loire, « Incendies : les forêts d’Europe n’ont jamais autant brûlé », L’Express, 19 août 2021.

([55]) Par exemple lorsqu’il est demandé d’assurer en autonomie l’hébergement des forces déployées afin d’éviter une charge supplémentaire pour le pays aidé.

([56])  Discours du Président de la République – clôture du 127ème congrès national des sapeurs-pompiers de France, 16 octobre 2021.

([57])  Article L.721-1, I du code de la sécurité intérieure.

([58])  Mission sur la transparence, l’information et la participation de tous à la gestion des risques majeurs, technologiques ou naturels, Rapport, juin 2021.

([59])  Contribution écrite de l’ambassade de France en Suède.

([60]) Encadré extrait du rapport d’information déposé par la mission d’information sur l’incendie d’un site industriel à Rouen, présenté par M. Christophe Bouillon et M. Damien Abad, XVe législature (n° 2689), enregistré le 12 février 2020.

([61])  Audition du préfet Alain Thirion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, par la mission d’information sur l’incendie d’un site industriel à Rouen précitée, le 8 janvier 2020.

([62]) Voir à ce sujet le rapport d’information de M. Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances du Sénat, 2016-2017 (n° 595), enregistré le 28 juin 2017.

([63])  Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances adopté par l’Assemblée nationale pour 2022, Annexe n° 29b Sécurités, Programme 161 « Sécurité civile », par le rapporteur spécial M. Jean-Pierre Vogel, 2021-2022 (n° 163), enregistré le 18 novembre 2021.

([64])  Contribution écrite de M. Jean-François Schmauch.

([65])  « 112 : le numéro d’urgence européen », Toute l’Europe (en ligne), 4 février 2021.

([66])  Discours du Président de la République – clôture du 127ème Congrès national des sapeurs-pompiers de France, elysee.fr, 16 octobre 2021.

([67])  Site internet du CTIF.

([68]) « Tsunami sur l’arc méditerranéen, se préparer », Préfecture du Var (en ligne), 4 novembre 2021.

([69])  DGSCGC, Note relative à la validation par la Commission européenne du projet NEMAUSUS, 19 juillet 2021.

([70]) Table ronde de représentants d’organisations syndicales, 27 octobre 2021.

([71]) Audition de Mme Claire Kowalewski, le 7 décembre 2021.

([72]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la résilience des entités critiques, COM (2020) 829 final, 16 décembre 2021.

([73])  Cour des comptes européenne, Avis n° 9/2020 accompagnant la proposition de la Commission concernant une décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1313/2 013/UE relative au mécanisme de protection civile de l’Union, COM (2020) 220 final, 13 novembre 2020.

([74]) Commission européenne, Multiannual financial framework 2021-2027 (in commitments) - current prices (en ligne)

([75])  Commission européenne, Cadre financier pluriannuel 2014-2020 et budget 2014 de l’UE, synthèse chiffrée, 2014.

([76])  Tiago Almeida, « L’UE approuve un mécanisme de protection civile renforcé », Euractiv, 11 mai 2021.

([77])  Audition de la DG ECHO, 30 septembre 2021.

([78])  Contribution écrite de l’ambassade de France en Estonie.

([79])  Cour des comptes européennes, Rapport spécial n° 33, « Union Civil Protection Mechanism : the coordination of responses to disasters outside the EU has been broadly effective », 2016.

([80])  Contribution écrite du Dr Erik De Soir.

([81]) Michel Barnier, « Pour une force européenne de protection civile : europe aid », 9 mai 2006.

([82])  Remplaçant un système fondé sur les contributions volontaires en ressources et personnels des États membres, les premières équipes du Corps européen de garde-frontières et garde-côtes ont été déployées le 1er janvier 2021. 256 agents ont été projetés sur le terrain, L’objectif est d’atteindre le nombre de 10 000 garde-frontières permanents à horizon 2027.