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N° 4918

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2022.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145-8 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

 

sur le cadre juridique et statutaire de l’enseignement hybride ou à distance,
dans l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

Mme Béatrice PIRON, rapporteure,

 

Députée.

 

——

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mission d’information sur le cadre juridique et statutaire de l’enseignement hybride ou à distance, dans l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur est composée de : M. Frédéric Reiss, président ; Mme Béatrice Piron, rapporteure ; Mme Agnès Thill, Mme Anne Brugnera, M. Benoît Potterie, M. Bruno Studer, Mme Cécile Rilhac, Mme Céline Calvez, Mme Frédérique Meunier, Mme Géraldine Bannier, Mme Jacqueline Dubois, Mme Michèle Victory et Mme Muriel Ressiguier

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. L’essor du « numÉrique Éducatif » jusqu’À la crise sanitaire

A. La construction progressive mais insuffisante du service public du numÉrique Éducatif

1. Les dispositions fondatrices de la loi de 2013

a. Les principaux axes de la loi

b. La « grande ambition pour le numérique à l’école »

c. Un dispositif dans la continuité de ce qui était en gestation depuis la fin des années 1990

2. Une mise en œuvre en-deçà des attentes

a. Le Comité de suivi de la loi de 2013 et de la Cour des comptes ont pointé les insuffisances en matière de formation initiale et continue des enseignants

b. Une refondation pédagogique numérique limitée dans les faits

c. L’articulation insuffisante entre l’État et les collectivités territoriales

B. pÉdagogie numÉrique et enseignement À distance : les diffÉrences entre l’enseignement primaire et secondaire et l’enseignement supÉrieur

1. L’enseignement à distance dans l’enseignement scolaire : un régime d’exception

2. Les mutations numériques rapides de l’enseignement supérieur

a. Les textes

b. L’impératif de la pédagogie numérique du point de vue de la SraNES

II. la crise sanitaire et le recours au numÉrique pour assurer la continuitÉ pÉdagogique

A. L’organisation initiale du dispositif de crise : la continuitÉ pÉdagogique À distance

1. Les premiers jalons juridiques de l’enseignement à distance pour l’enseignement primaire et secondaire

a. La circulaire du 28 février 2020

b. La circulaire du 7 mars 2020

2. L’organisation de la continuité pédagogique à distance dans l’enseignement primaire et secondaire

a. La circulaire du 13 mars 2020

b. La réponse apportée aux interrogations des personnels

3. Le dispositif mis en place au sein de l’enseignement supérieur

B. L’adaptation de la continuitÉ pÉdagogique au fil des mois : vers l’hybridation

1. Le plan de continuité pédagogique

a. Présentation des plans de continuité pédagogique et des enseignements hybride et à distance

b. L’évolution des modalités de la continuité pédagogique

C. Une expÉrience nÉanmoins douloureusement vÉcue par les personnels

1. Un problème de formation, lié également au bouleversement majeur induit par la crise sanitaire et la fermeture des établissements

2. Le manque de préparation à l’exercice d’une méthode d’enseignement différente

3. De nombreux problèmes d’ordre technique

a. Un manque criant d’équipements

b. Sous-dimensionnement des outils numériques et solutions palliatives

4. Des conditions d’exercice porteuses de nouveaux risques

5. Le vécu des enseignants-chercheurs

D. Autant de questions et de risques bien connus…

E. Le soutien apportÉ aux enseignants et le bilan prÉsentÉ par le gouvernement

1. Les mesures de formation des enseignants et l’action du Réseau Canopé

2. Les ressources pédagogiques et le rôle du CNED

3. Les premiers éléments de bilan présentés par le gouvernement

III. les droits et obligations des enseignants dans le cadre de la continuitÉ pÉdagogique

A. un cadre juridique finalement assez prÉcis…

1. Une brève synthèse des droits et obligations

2. L’articulation avec le protocole sanitaire

B. … que, pour des raisons diverses, personne ne souhaite voir bouleversÉ

1. Rien ne justifie de modifier le cadre juridique et statutaire

a. La position de l’administration centrale

b. Pour les enseignants du primaire et du secondaire, avant tout : revenir au statu quo ante

c. Le point de vue des universités

2. Quelques aspects néanmoins à sécuriser

a. Déconnexion et charge de travail

b. D’autres points de vigilance évoqués

IV. et maintenant ? recommandations pour une vÉritable stratÉgie du numÉrique Éducatif

A. s’appuyer sur les recommandations des États gÉnÉraux pour accÉlÉrer la transformation numÉrique de l’Éducation nationale

1. Les États généraux du numérique pour l’éducation ont formulé des recommandations concrètes en matière de formation professionnelle

2. Dès 2017, des initiatives fort bienvenues

B. plaidoyer pour une vÉritable stratÉgie du numÉrique Éducatif

1. Mettre les acteurs en ordre de marche

a. Proposer un cadre de référence général pour un objectif commun

b. Deux axes complémentaires : penser l’exception autant que les temps normaux

2. Les enseignants au cœur du dispositif : problématiques de formation au numérique

a. La formation initiale

b. La formation continue

Liste des propositions

Travaux de la commission

annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes

annexe  2: Liste des personnes rencontrÉes lors des dÉplacements

 


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   introduction

« Dès lundi et jusqu’à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés (…) », indiqua le Président de la République dans sa déclaration télévisée du jeudi 12 mars 2020. Rien d’autre que la mise en place d’un service de garde des enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire, n’était alors annoncé. De continuité pédagogique, d’enseignement à distance ou de numérique, il n’était pas question.

Pourtant, dès le lendemain de l’allocution présidentielle, la direction générale de l’enseignement scolaire émettait une circulaire, « Coronavirus  organisation et suivi de la mise en œuvre de la continuité des apprentissages ». Deux semaines plus tôt, un premier texte avait déjà envisagé l’éventualité d’une fermeture d’établissements, dans le cas où la situation sanitaire l’exigerait.

En quelques jours, la communauté éducative a de ce fait subi un bouleversement historique et a dû inventer de nouvelles modalités d’enseignement auxquelles personne n’avait jamais songé, à l’exact opposé des principes qui sont au cœur-même du métier d’enseignant : l’échange dans une relation en face-à-face entre le professeur et ses élèves en premier lieu.

On imagine aisément l’impact qu’un changement aussi brutal peut représenter pour les acteurs du système éducatif et l’on ne rendra jamais assez hommage à la qualité de leur engagement en faveur de leurs élèves et pour le maintien de leur mission de service public.

Les choses ne se sont évidemment pas faites sans de multiples difficultés et questionnements. Ne serait-ce que parce que les dispositions régissant le télétravail dans la fonction publique, par exemple, excluent les activités d’enseignement.

C’est la raison pour laquelle la Commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de constituer cette mission d’information, afin d’étudier concrètement dans quel cadre juridique et statutaire ces nouvelles modalités d’enseignement se sont mises en place pour, le cas échéant, proposer les pistes permettant de combler les vides qui pourraient être révélés.

Pour ce faire, les membres de la mission d’information, présidée par M. Frédéric Reiss, député LR du Bas-Rhin, et dont la rapporteure est Mme Béatrice Piron, députée LREM des Yvelines, et composée au total de treize députés, ont procédé à l’audition de nombreuses parties prenantes de la communauté éducative – autorités administratives, enseignants des niveaux primaire, secondaire et supérieur, responsables locaux, chercheurs et universitaires. Ils ont également effectué deux déplacements, le premier dans la région Grand-Est, afin d’étudier sur le terrain et de rencontrer les acteurs de l’expérimentation des « lycées 4.0 », le second dans deux lycées parisiens.

Le présent rapport présente un état des lieux de la transformation numérique des pratiques d’enseignement avant la crise sanitaire, plus particulièrement à travers le prisme de la loi de 2013 qui a institué un service public du numérique éducatif auquel le législateur a donné des objectifs ambitieux. Ce rapport propose ensuite une analyse du dispositif de continuité pédagogique tel qu’il a été mis en œuvre par les ministères de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur dès le début du premier confinement, ainsi que des mesures d’accompagnement concret qui ont été apportées aux membres du corps enseignant. Il présente également le ressenti des personnels.

S’il apparaît que personne, pour des raisons diverses et complémentaires, ne souhaite finalement que des évolutions majeures soient apportées au cadre juridique et statutaire des enseignants, il n’en reste pas moins, aux yeux de la rapporteure, que certaines recommandations pourraient être apportées et que cette crise doit être l’opportunité de reprendre le chantier du service public du numérique éducatif.

Il convient enfin de rappeler que le présent rapport s’inscrit dans la continuité de la réflexion que la Commission des affaires culturelles et de l’éducation a engagée il y a maintenant plus de trois ans : entamée par une première mission d’information sur « L’école dans la société numérique » ([1]), elle s’est ensuite poursuivie l’an dernier par l’organisation de quatre tables rondes réunissant l’ensemble des acteurs du secteur – publics et privés, nationaux et territoriaux – dans le cadre des « Rendez-vous du numérique éducatif » ([2]). Ces travaux antérieurs avaient traité des problématiques d’éducation en ligne, de formation initiale et continue des enseignants ou encore des conditions de déploiement du numérique éducatif. Autant de sujets que les membres de la mission d’information ont retrouvé lors de leurs auditions.

Il est à noter que la publication du présent rapport intervient alors qu’une nouvelle vague épidémique a des répercussions sur l’enseignement. Dans ce contexte qu’elle sait difficile pour les élèves, les étudiants, les enseignants et les parents d’élèves, la rapporteure souhaite toutefois insister sur l’unanimité des personnes auditionnées par la mission d’information en faveur de l’ouverture des écoles car l’enseignement ne peut se faire dans de bonnes conditions qu’en présentiel. Cependant, cette priorité ne peut pas effacer les contraintes de la réalité sanitaire qui s’imposent à nous et nous devons encourager toute nouvelle solution agile qui va dans le sens de la continuité pédagogique.

 

 


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I.   L’essor du « numÉrique Éducatif » jusqu’À la crise sanitaire

A.   La construction progressive mais insuffisante du service public du numÉrique Éducatif

Le service public du numérique éducatif a été créé par la loi de refondation de l’école de la République. Il est une composante à part entière du service public de l’enseignement. En instituant ce nouveau service public, le législateur a entendu travailler à la refondation pédagogique de l’enseignement.

1.   Les dispositions fondatrices de la loi de 2013

a.   Les principaux axes de la loi

L’article 16 de la loi du 8 juillet 2013 a tout d’abord introduit quatre alinéas à l’article L. 131-2 du code de l’éducation, aux termes desquels le service public du numérique éducatif a notamment pour finalités de :

«  Mettre à disposition des écoles et des établissements scolaires une offre diversifiée de services numériques permettant de prolonger l’offre des enseignements qui y sont dispensés, d’enrichir les modalités d’enseignement et de faciliter la mise en œuvre d’une aide personnalisée à tous les élèves ;

«  Proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques, des contenus et des services contribuant à leur formation ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles ;

«  Assurer l’instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire, notamment ceux à besoins éducatifs particuliers. Des supports numériques adaptés peuvent être fournis en fonction des besoins spécifiques de l’élève ;

«  Contribuer au développement de projets innovants et à des expérimentations pédagogiques favorisant les usages du numérique à l’école et la coopération. ».

D’autres dispositions de la loi précisent plusieurs aspects relatifs à la mise en œuvre de ce dispositif.

Selon l’article 19, c’est par exemple à l’État d’assumer la charge des « dépenses de fonctionnement à caractère directement pédagogique dans les collèges, les lycées et les établissements d’éducation spéciale, dont celles afférentes aux ressources numériques, incluant les contenus et les services, spécifiquement conçues pour un usage pédagogique (…) ».

Aux termes de l’article 32, « l’introduction du numérique dans les méthodes pédagogiques » fait par ailleurs partie des sujets sur lesquels le Conseil supérieur des programmes émet des avis et formule des propositions et selon l’article 38, la « formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques » est désormais une matière dispensée dans les écoles et établissements d’enseignement.

b.   La « grande ambition pour le numérique à l’école »

Le rapport annexé à la loi de 2013 détaille longuement cette « grande ambition » assignée par le législateur au service public du numérique éducatif.

La refondation voulue est avant tout une refondation pédagogique, et le rapport annexé insiste sur le fait que, « sans modification des pratiques », l’adjonction de moyens supplémentaires n’aurait pas grand effet sur le système éducatif, dont il s’agit d’améliorer les résultats et de renforcer l’équité.

En ce sens, parmi les différents moyens participant de la transformation souhaitée des pratiques professionnelles des enseignants, la formation initiale et continue, au et par le numérique, assurée par les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPÉ) – devenues depuis les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPÉ) – est privilégiée. Elle doit notamment porter sur les enjeux et « l’utilisation et l’intégration dans la pratique pédagogique des ressources numériques », qui « sont un formidable moyen d’enrichir le contenu des enseignements », les technologies numériques pouvant « devenir un formidable moteur d’amélioration du système éducatif et de ses méthodes pédagogiques. »  ([3])

En d’autres termes, il s’agit que le système éducatif ne rate pas les opportunités offertes par la rupture technologique en cours.

« La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République a instauré un ‟service public du numérique éducatif” avec l’ambition de faire du numérique non seulement un sujet politique mais un levier de transformation systémique, mobilisant les acteurs à tous les niveaux et articulant toutes les dimensions du système éducatif : non seulement les équipements, mais aussi les pratiques, les programmes et les ressources, l’organisation et l’aménagement des espaces et des temps d’apprentissage, les modes d’évaluation, de suivi et de pilotage, la formation des personnels et la relation de l’École à son environnement et aux partenaires de l’éducation, en particulier aux parents. »

Source : Catherine Becchetti-Bizot, « Repenser la forme scolaire à l’heure du numérique – vers de nouvelles manières d’apprendre et d’enseigner » ([4])

 

La création d’un « service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance » doit en ce sens permettre à l’école « d’enrichir l’offre des enseignements qui sont dispensés dans l’établissement et de faciliter la mise en œuvre d’une pédagogie différenciée », dans le strict respect des programmes scolaires, de la cohérence pédagogique des enseignements et des obligations d’accueil, ainsi que de la liberté pédagogique. Pour ce faire, le service public du numérique éducatif doit proposer une offre de productions pédagogiques numériques à finalités éducatives, culturelles ou scientifiques, mettre à disposition des enseignants « des ressources pédagogiques, des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec leurs familles ainsi que des contenus et services destinés à leur formation initiale et continue. ».

S’ajoutent à la formation des personnels – pour lesquels un nouveau référentiel est publié qui fixe la liste des compétences que les enseignants doivent maîtriser – et au développement des contenus pédagogiques – pour lequel seront notamment mobilisés les opérateurs nationaux – tels que le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), le Centre national d’enseignement à distance (CNED), ou l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) – l’éducation numérique pour tous les élèves et la coordination des actions de l’État et des collectivités territoriales, notamment en matière d’infrastructures réseau et d’équipements des établissements.

Le nouveau référentiel des compétences des enseignants

9. Intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier :

– Tirer le meilleur parti des outils, des ressources et des usages numériques, en particulier pour permettre l’individualisation des apprentissages et développer les apprentissages collaboratifs ;

– Aider les élèves à s’approprier les outils et les usages numériques de manière critique et créative ;

– Participer à l’éducation des élèves à un usage responsable d’internet ;

– Utiliser efficacement les technologies pour échanger et se former.

13. Coopérer avec les partenaires de l’école :

– Coopérer avec les équipes pédagogiques et éducatives d’autres écoles ou établissements, notamment dans le cadre d’un environnement numérique de travail et en vue de favoriser la relation entre les cycles et entre les degrés d’enseignement.

Les compétences particulières des professeurs documentalistes :

– Connaître la réglementation en matière d’usage des outils et des ressources numériques ;

– Participer à la définition du volet numérique du projet d’établissement et faciliter l’intégration des ressources numériques dans les pratiques pédagogiques, notamment lors des travaux interdisciplinaires ;

– Savoir utiliser les outils et les dispositifs numériques pour faciliter l’ouverture de l’établissement sur l’extérieur.

Les compétences particulières des conseillers principaux d’éducation et autres :

– Faciliter le traitement et la transmission des informations en provenance ou à destination de l’équipe de direction, des personnels de l’établissement, des élèves et des parents, notamment par l’usage des outils et ressources numériques

 

Source : Arrêté du 1er juillet 2013, annexe ([5])

c.   Un dispositif dans la continuité de ce qui était en gestation depuis la fin des années 1990

La loi de refondation s’inscrit dans la lignée de réflexions et de travaux menés depuis déjà de longues années, que la rapporteure souhaite simplement brièvement rappeler.

Ainsi, dès 1997, une circulaire sur les missions du professeur exerçant en collège, en lycée d’enseignement général et technologique ou en lycée professionnel ([6]), indiquait sans ambiguïté que l’enseignant « est préparé à tirer parti des possibilités offertes par les technologies d’information et de communication. »

Dix ans plus tard, le « Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant », ([7]) analysant la diversité des pratiques professionnelles, soulignera particulièrement, parmi les évolutions majeures qui « concerneront à terme tous les enseignants : l’intégration et l’usage des TIC (technologies de l’information et de la communication) dans les pratiques pédagogiques, qui ont pour effet de permettre une organisation plus souple et plus modulable des enseignements ; le développement d’activités plus personnalisées d’accompagnement et de tutorat des élèves en dehors des heures de cours, avec l’instauration d’une sorte de continuité entre le temps de la classe et le temps de travail des élèves en dehors de la classe ». Lucide, toutefois, il concluait que « pour le moment, tous les enseignants ne participent pas de la même façon à ces évolutions. Certains résistent, d’autres se résignent, beaucoup évoluent, mais personne n’y échappe. Or ces évolutions dans la façon d’enseigner remédient à l’isolement ancien du métier. »

Plus récemment encore, un rapport commun de l’IGAENR et de l’IGEN centré sur les manuels scolaires, de juillet 2010 ([8]), faisait remarquer que les acteurs du système, en particulier les enseignants, formulaient de nouvelles attentes, que leurs pratiques évoluaient vers plus d’interactivité, d’activités sur des sites collaboratifs ou encore de présence dans la blogosphère. Le rapport relevait qu’une réflexion était engagée depuis « l’époque où l’Internet et les ressources numériques commençaient seulement à monter en puissance ». Les deux inspections générales citaient un premier rapport de 1998 sur ces questions, avant de préciser qu’un « nouveau modèle pédagogique » émergeait peu à peu dans les priorités ministérielles : « Les conditions de production et d’usage du manuel ne sont plus exactement ce qu’elles étaient en 1998. Dans ce cadre renouvelé et devant les logiques mises en place, l’institution a fait sienne une autre priorité : la production et l’usage de ressources pédagogiques et de supports d’apprentissage numériques. Des dispositifs et des moyens importants ont été mis en place afin d’accroître les ressources numériques pour l’enseignement, d’en assurer la diffusion et d’encourager les professeurs à intégrer ces outils dans leur enseignement. »

2.   Une mise en œuvre en-deçà des attentes

La manière dont s’est mise en place la continuité pédagogique et les difficultés de toutes natures rencontrées par le corps enseignant dans le cadre de la crise sanitaire, que la rapporteure présentera plus loin, mettent en évidence que la modification en profondeur des pratiques pédagogiques souhaitée sans ambiguïté par le législateur a tardé à se concrétiser réellement, tout du moins en ce qui concerne sa dimension numérique.

Or, c’est dès l’entrée en vigueur de la loi que les observateurs relevaient que la mise en route de ce volet restait nettement en-deçà de l’ambition affichée.

L’ensemble des observateurs concluent de manière convergente et répétée aux insuffisances de la mise en œuvre du volet numérique de la loi de 2013.

a.   Le Comité de suivi de la loi de 2013 et de la Cour des comptes ont pointé les insuffisances en matière de formation initiale et continue des enseignants

Le deuxième – et dernier – rapport du comité de suivi de la loi de 2013, publié en décembre 2016, a consacré un long point d’étape à la mise en œuvre du service public du numérique éducatif.

S’il souligne « l’immensité de la tâche accomplie par le CSP » ([9]) et indique avoir « été frappé de l’implication forte des enseignants, chefs d’établissement, inspecteurs pédagogiques et de tous les personnels, à qui il a été demandé d’énormes efforts d’adaptation pédagogique pour mettre en œuvre la réforme », le rapport relève aussi que parmi les différents chantiers, « extrêmement importants », que le CSP n’a pas encore engagés, après trois ans et demi d’application de la loi, figure « l’introduction des pratiques numériques dans les pratiques pédagogiques ».

Tout en estimant que « la politique menée par le ministère de l’éducation nationale concernant le numérique est massive, multiniveaux et volontaire », le comité alerte sur un certain nombre de « points de vigilance » concernant les conditions de plus-value du numérique, qui devraient être précisées, considérant nécessaire que les enseignants consolident leurs pratiques pédagogiques. En ce sens, pour le Comité de suivi, « la formation des enseignants est un élément essentiel et devrait aller au-delà d’une formation technique sur l’utilisation des outils numériques. », la question des ressources humaines étant centrale. Cela étant, dès cette époque, on observe déjà que l’autoformation des enseignants domine, faute notamment de formateurs, voire de programmes, au niveau des ESPÉ par exemple, au point que certains témoins purent déclarer au Comité que « le volet pédagogique a disparu au profit de l’équipement. (…) Cela fait 30 ans qu’on sait qu’on a besoin de personnes ressources, mais on continue à bricoler. » ([10])

Néanmoins, malgré la priorité donnée à l’équipement, la question matérielle et les services associés – maintenance et assistance – constituent de sérieux facteurs de freins au développement de l’usage du numérique éducatif au dire des principaux intéressés, par ailleurs noyés dans une masse de ressources difficilement utilisables ([11]).

Les constats récents de la Cour des comptes ne diffèrent pas sensiblement des remarques du comité de suivi.

La Cour s’est penchée sur le numérique éducatif à plusieurs reprises. Elle y a tout d’abord consacré en 2019 son rapport public thématique, sous-titré sans complaisance « Un concept sans stratégie, un déploiement inachevé » ([12]). En 2021, un chapitre de son rapport public annuel a traité de « La contribution du service public du numérique éducatif à la continuité scolaire pendant la crise sanitaire ».

Si elle souligne que l’effort en faveur du numérique éducatif est effectivement conséquent et en forte progression depuis quelques années, tant de la part de l’État que des collectivités territoriales, la Cour remarque toutefois que « le cadre fixé par le législateur est celui d’un service public spécifiquement identifié au sein du service public de l’éducation, solution atypique. Pour être à la hauteur de ce choix politique ambitieux, l’État aurait dû élaborer une stratégie fondée sur une analyse rigoureuse de l’existant et des besoins à pourvoir, dans une logique d’harmonisation des équipements, services et offres numériques pour les élèves selon les strates d’enseignement. Il aurait dû surtout se centrer sur les responsabilités qu’il porte en propre, au premier rang desquelles la transformation pédagogique attendue et la formation des enseignants qui doit l’accompagner. » S’agissant de ce dernier aspect, la Cour des comptes juge même que « l’État, qui a pourtant réformé la formation initiale des enseignants, ne semble pas avoir pris la mesure du renouvellement des compétences pour réussir la transition numérique, à tel point que la validation de ce type de compétences lors de la formation initiale a été retirée et que la formation continue est nettement sous calibrée. »

C’est la raison pour laquelle, deux ans plus tard, dans son rapport public annuel, la Cour a pu logiquement considérer que l’école à distance a été difficile à mettre en œuvre dans le contexte de la pandémie, faute d’un service public du numérique éducatif structuré.

Elle insistera une nouvelle fois sur l’impératif de la formation des enseignants, « préalable indispensable à la diffusion des usages pédagogiques du numérique (…) et gage d’efficacité de l’investissement des collectivités territoriales dans le déploiement du socle numérique de base. »

b.   Une refondation pédagogique numérique limitée dans les faits

Pour se limiter à la période la plus récente, la rapporteure souhaite mentionner les travaux de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère ([13]), particulièrement intéressants à cet égard. Ils révèlent que si le nombre d’élèves par ordinateur a fortement baissé au cours de la dernière décennie, traduisant un meilleur équipement, notamment dans le premier degré et au collège, en revanche « les enseignants français rapportent avoir peu recours aux TIC dans leurs pratiques d’enseignement, contrairement à ceux d’autres pays de l’OCDE (…) En effet, si les enseignants français sont très nombreux à utiliser fréquemment les outils numériques pour préparer leurs cours (94 % pour le premier degré et 88 % pour le second degré), ils sont moins nombreux à les utiliser pour guider les séances en classe (respectivement, 50 % et 70 %) et encore moins nombreux à laisser les élèves utiliser les TIC pour des projets ou travaux en classe (respectivement, 14 % et 36 %) ». Ces constats rejoignent les observations faites aux membres de la mission d’information lors de leur visite de deux lycées 4.0 lors de leur déplacement dans le Grand-Est.

Remarquant que, en 2019, l’outil numérique le plus utilisé par les élèves de troisième en mathématiques restait la calculatrice, l’étude de la DEPP concluait que « ceci illustre à nouveau la moindre intégration pédagogique des outils numériques par les enseignants français. (…) on observe en effet que l’utilisation pédagogique du numérique est considérée comme la pratique la moins prioritaire et la moins faisable par les professeurs de collège, et se distingue également comme la pratique pédagogique la moins répandue ».

Il se confirme que la faible formation au numérique des enseignants n’est sans doute pas sans effet sur cette situation : alors que de nombreuses études ont montré une corrélation positive entre la participation des enseignants à des stages de formation continue et l’utilisation des TIC dans des pratiques innovantes, en 2018, seuls 34 % des enseignants du premier degré et 50 % dans le second degré, en ont effectué, alors même qu’ils sont nombreux, notamment en milieu rural, à ressentir un besoin important de formation. « Les limites évoquées en matière de formation peuvent expliquer que les pratiques pédagogiques utilisant le numérique pour l’apprentissage soient peu développées. En effet, si l’on s’intéresse à la corrélation existant entre le contenu des formations suivies et le sentiment d’efficacité en ce qui concerne l’intégration pédagogique du numérique, on remarque que, dans le premier comme dans le second degré, les enseignants qui ont suivi une formation continue abordant les TICE sont significativement plus nombreux à exprimer une grande capacité à encourager l’apprentissage des élèves à travers le numérique que ceux qui n’en ont pas suivi. Il se pourrait alors que l’utilisation des TIC en classe, comme nouvelle méthode d’enseignement, soit freinée par le niveau trop faible de sentiment de préparation dans ce domaine », estimait la DEPP.

En complément, on peut aussi citer l’enquête Talis de 2018 selon laquelle la comparaison européenne sur la formation initiale des enseignants montre que ceux déclarant avoir été bien ou très bien préparés à l’utilisation des TIC dans l’enseignement sont 47 % en France contre 61 % dans les autres pays européens. Il apparaît en outre que « les enseignants caractérisés par un faible sentiment d’auto-efficacité sont également moins nombreux à faire travailler les élèves en groupe (36 % contre 60 %) ou à les laisser utiliser le numérique en classe (23 % contre 55 %) »,  ([14]) comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolution des pratiques enseignantes en France et dans les pays européens entre 2013 et 2018 (en %)

Source : Talis, 2018, page 58

En outre, c’est aussi en France que le pourcentage de chefs d’établissement considérant que les problèmes de connexion à internet ou de matériel numérique  logiciels, ordinateurs, tablettes ou tableaux interactifs, par exemple, insuffisant ou inadapté – portent atteinte « dans une certaine mesure » ou « beaucoup » à la capacité de leur établissement à dispenser un enseignement de qualité est le plus élevé.

c.   L’articulation insuffisante entre l’État et les collectivités territoriales

Dans le rapport mentionné plus haut, la Cour des comptes indiquait également que le service public du numérique éducatif apparaissait encore sans objectifs clairs, souffrant de multiples déficiences obérant son déploiement et ces propos résonnent avec ceux que l’ensemble des parties prenantes ont tenu lors des auditions de la mission d’information : « La connexion des écoles et des établissements est encore insuffisante et dans bien des cas inexistante ; de fortes inégalités d’équipement des classes et des élèves demeurent entre les territoires ; les enseignants et les élèves doivent trouver leur chemin dans le dédale de l’offre de ressources numériques, abondante et souvent innovante mais insuffisamment organisée en vue des usages ; faute de formation initiale et continue suffisante et d’accompagnement approprié, seule une minorité d’enseignants est à l’aise avec une pédagogie appuyée sur le numérique et se trouve en mesure d’en exploiter les potentialités pour améliorer les apprentissages des élèves. » Cette situation tient, selon la Cour, « à des choix de priorités critiquables » des pouvoirs publics et à une articulation déficiente entre l’État et les collectivités territoriales se traduisant par une fragmentation des politiques publiques.

La rapporteure rappelle qu’en matière de numérique éducatif, l’État est responsable de la mise à disposition des écoles et des établissements scolaires d’une offre de services et de ressources numériques et de la formation des enseignants. Les collectivités territoriales sont quant à elles responsables de l’équipement des élèves et des établissements scolaires ainsi que de la connexion de ces derniers : les communes pour la maternelle et l’élémentaire, les conseils départementaux pour le collège et les conseils régionaux pour le lycée. Cette répartition des compétences ne simplifie pas par ailleurs la lecture des investissements mis en œuvre par la France comme l’a souligné M. Jean-Marc Merriaux, ancien directeur du numérique éducatif, lors de son audition le 1er juillet 2021. Du fait de la multiplicité des acteurs, nous ne pouvons pas comptabiliser l’ensemble des investissements alors que la RFA, si l’on additionne les investissements de l’État fédéral et des länder, investit par exemple quelque 10 milliards d’euros en 4 ans.

La Cour des comptes constatait également l’engagement « à géométrie variable » ([15]) et très divers des collectivités territoriales en faveur du numérique éducatif. Les dépenses moyennes – 34,50 euros par écolier, 77 euros par collégien, et 82 euros par lycéen (données 2017) – masquent en réalité des « écarts très considérables » : plus de 90 euros par élève dans cinq régions, moins de 60 euros dans quatre ; 25 départements sur 64 ayant répondu à l’enquête de la Cour dépensent plus que la moyenne quand 25 autres dépensent moins de 75 % de la moyenne. De 4 à 7,2 euros par lycéen sont consacrés aux ENT selon les régions, contre une dépense s’étalant de 2,4 à 19,4  euros par collégien selon les départements.

Les communes sont aussi très inégalement mobilisées : 37 % déclarent avoir une politique en matière de numérique éducatif, les deux tiers de celles-ci, (soit un quart du total) ayant intégré les orientations du Plan numérique de 2015 à leur politique. L’existence d’une politique numérique éducative dépend fortement du caractère rural ou urbain de la commune. Si les dépenses d’équipement ont doublé entre 2013 et 2017, si les montants alloués à l’installation et au fonctionnement des réseaux augmentent de plus de 4 % par an, des difficultés matérielles perdurent, et la connectivité reste insuffisante, fluctuante ou inexistante, selon les cas, un enseignant sur deux estimant que les équipements disponibles sont obsolètes ou en nombre insuffisant.

Les stratégies des départements en faveur du déploiement du numérique éducatif au collège sont plus ou moins élaborées. Les plus dépensiers ont engagé une stratégie articulée depuis parfois près de deux décennies, tel le département des Landes, qui dote collégiens de 4e et 3e et enseignants d’un ordinateur portable et met aussi fortement l’accent sur les ENT.

La Cour relevait une progression des dépenses de la part des régions en général plus modérée que celles des départements et des communes. Certaines ont souligné leur préoccupation d’un égal accès des lycéens au numérique, d’autres ont évoqué la réforme du lycée et son impact sur les besoins en ressources pédagogiques ou investissent particulièrement sur le numérique en lycée professionnel.

D’une manière générale, la Cour soulignait « la permanence de la confusion des interventions et les interférences des collectivités dans le champ de la pédagogie. Si le financement des équipements, comme celui des infrastructures, incombe aux collectivités, les plans nationaux, avec l’objectif de faire progresser l’équipement des établissements, ont rebattu les cartes, et introduit une certaine confusion des responsabilités en cofinançant les actions des collectivités », comme l’a fait en particulier le plan "Tablettes" mis en place entre 2015 et 2017. Ces crédits dépensés en matériel auraient donc été plus pertinemment investis en formation des enseignants, d’autant que beaucoup de collectivités étaient déjà engagées dans le financement d’équipements individuels mobiles (ordinateurs portables ou tablettes) ; elles avaient du reste bien souvent abordé le numérique à travers la problématique de la réduction du poids du cartable. Inversement, les collectivités relèvent que les moyens pédagogiques sont de la responsabilité de l’État, mais cela n’empêche pas nombre d’entre elles d’assumer des dépenses, voire de faire des choix dans ce domaine. Force est d’ailleurs de constater que les choix d’équipement, certes concertés avec les établissements et les équipes pédagogiques (par exemple flottes de tablettes pour classes mobiles, versus tablettes individuelles) ne sont pas sans conséquences sur les possibilités pédagogiques de l’enseignant. »

B.   pÉdagogie numÉrique et enseignement À distance : les diffÉrences entre l’enseignement primaire et secondaire et l’enseignement supÉrieur

1.   L’enseignement à distance dans l’enseignement scolaire : un régime d’exception

À la différence de ce qui est prévu pour l’enseignement supérieur, aucune disposition du code de l’éducation ne prévoit la possibilité d’enseignement à distance pour les niveaux primaire et secondaire.

Il est en conséquence logique de considérer que, hors les possibilités offertes par le Centre national d’enseignement à distance (CNED), ces niveaux ne sont en principe et a contrario, pas susceptibles de relever de l’enseignement à distance ([16]). Comme l’indiquait M. Vincent Soetemont, directeur général des ressources humaines des ministères de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur ([17]), si le présentiel n’est pas expressément mentionné dans le code de l’éducation en ce qui concerne l’enseignement scolaire, il est sous-jacent, et la notion de scolarité vise l’accueil physique des élèves : toutes les dispositions du code disent clairement la présence en classe des élèves, résultant d’un choix historique sur le rôle particulier de la classe dans la socialisation des enfants.

Par ailleurs, le CNED, régi par les articles R. 426-1 à R. 426-22 du code de l’éducation, ne permet que des possibilités restreintes d’enseignement à distance, dans la mesure où le public auquel il est destiné est précisément circonscrit : L’article R. 426-2 indique que le centre « dispense un service d’enseignement à destination des élèves, notamment ceux qui relèvent de l’instruction obligatoire, ayant vocation à être accueillis dans un des établissements mentionnés aux articles L. 132-1 et L. 132-2 et ne pouvant être scolarisés totalement ou partiellement dans un de ces établissements. »

En ce sens, le CNED est par nature l’établissement de l’empêchement et de la complémentarité : l’enseignement qu’il dispense est donc destiné aux élèves malades ou en situation de handicap – l’article L. 112-1 du code de l’éducation prévoit ainsi que « si nécessaire, des modalités aménagées d’enseignement à distance leur sont proposées par un établissement relevant de la tutelle du ministère de l’éducation nationale » – ou encore aux enfants dont les familles n’ont pas de domicile stable (article L. 131-5 du même code).

Pour être tout à fait complet, il convient aussi de mentionner que des arrêtés du ministre de l’Éducation nationale et de la ministre de l’enseignement supérieur ont été pris en 2017 et en 2018 pour l’application du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique ([18]). Ces arrêtés excluent expressément les activités requérant une présence physique auprès de tiers de celles pouvant être éligibles au télétravail. Les articles 2 de ces arrêtés précisent en effet, que « sont considérées comme éligibles au télétravail les activités autres que celles qui répondent à au moins l’un des critères suivants : la nécessité d’assurer un accueil ou une présence physique dans les locaux de l’administration auprès de tiers (agents, usagers, élèves, étudiants, apprentis, stagiaires…) ou en raison des équipements matériels spécifiques nécessaires à l’exercice de l’activité ; (…) ».

Dans ces conditions, c’est dans un cadre juridique restrictif pouvant rendre malaisée la mise en œuvre de la continuité pédagogique que le ministère de l’Éducation nationale a organisé en mars 2020 le dispositif qui allait être mis en place.

2.   Les mutations numériques rapides de l’enseignement supérieur

De manière indiscutable, l’enseignement supérieur prévoit en revanche la possibilité d’une pédagogie numérique.

a.   Les textes

Le code de l’éducation indique tout d’abord que « Le service public de l’enseignement supérieur met à disposition de ses usagers des services et des ressources pédagogiques numériques. » ([19]) et qu’il « soutient (…) le développement de services et ressources pédagogiques numériques favorisant la connaissance et la promotion de la langue française. » ([20])

Surtout, aux termes de l’article L. 611-8 ([21]), ce même code précise que « Les établissements d’enseignement supérieur rendent disponibles, pour les formations dont les méthodes pédagogiques le permettent, leurs enseignements sous forme numérique, dans des conditions déterminées par leur conseil académique ou par l’organe en tenant lieu et conformes aux dispositions du code de la propriété intellectuelle. Cette mise à disposition peut se substituer aux enseignements dispensés en présence des étudiants afin d’offrir une formation d’enseignement supérieur à distance et tout au long de la vie. (…) Une formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques et à la compréhension des enjeux qui leur sont associés, adaptée aux spécificités du parcours suivi par l’étudiant, est dispensée dès l’entrée dans l’enseignement supérieur, dans la continuité des formations dispensées dans l’enseignement du second degré. Les enseignements mis à disposition sous forme numérique par les établissements ont un statut équivalent aux enseignements dispensés en présence (…). À leur demande, les enseignants peuvent suivre une formation qui leur permet d’acquérir les compétences nécessaires à la mise à disposition de leurs enseignements sous forme numérique et les initie aux méthodes pédagogiques innovantes sollicitant l’usage des technologies de l’information et de la communication. »

Il ressort de cette disposition que les enseignements sous forme numérique étaient déjà, avant la crise sanitaire, une obligation des universités pour les formations qui le permettent et que cette mise à disposition peut aller jusqu’à se substituer au présentiel pour permettre un enseignement à distance, comme le précisent les articles D. 611-10 et D. 611-11 qui complètent ce dispositif : en premier lieu, « Les enseignements délivrés dans le cadre des formations des établissements d’enseignement supérieur peuvent être dispensées soit en présence des usagers, soit à distance, le cas échéant, sous forme numérique, soit selon des dispositifs associant les deux formes. (…) » ([22]), étant entendu que « Constitue un enseignement de l’enseignement supérieur à distance un enseignement délivré en dehors de la présence physique dans un même lieu que l’étudiant de l’enseignant qui le dispense. Cet enseignement est totalement ou majoritairement conçu et organisé par des enseignants de l’établissement qui le propose. Un enseignement à distance est assorti d’un accompagnement personnalisé des étudiants. » (art. D 611-11).

 

Enseignement supérieur et classes connectées

« Aussi très largement déployées dans l’enseignement supérieur, les solutions de classe connectée sont disponibles dans de nombreuses universités, comme à l’Université de Lille, qui propose à ses étudiants six licences en ligne. Ce système donne l’opportunité à des étudiants de suivre un enseignement diplômant malgré des contraintes rendant impossible le suivi de cours en présentiel : distance géographique, travail à temps plein, situation de handicap, etc. Ils reçoivent leur cours sous formats numérique et papier, et ont la possibilité de poser des questions à leurs professeurs et d’échanger avec d’autres élèves via la plateforme en ligne. Contrairement aux systèmes scolaires en présentiel, les étudiants valident leur assiduité par le rendu de travaux effectués à la maison, limités par des intervalles de temps assez larges pour les laisser s’organiser ou proposés sur de courtes périodes en soirée ou le week-end afin de ne pas se superposer aux horaires de travail. Seuls les examens de fin de semestre nécessitent un déplacement de la part des élèves. »

Source : Direction interministérielle de la transformation numérique, « Transformation numérique : dessinons les métiers de demain », étude prospective, novembre 2018

 

 

Logiquement, selon le décret relatif aux obligations statutaires des enseignants-chercheurs et professeurs d’université, la transmission des connaissances qu’ils assurent par leur enseignement prévoit, le cas échéant l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TICE) ([23]).

Lors de son audition par la mission d’information, M. Guillaume Gellée, vice-président de la conférence des présidents d’université (CPU) et président de l’université de Reims Champagne-Ardenne, a toutefois indiqué que la CPU ne disposait pas d’un état des lieux de l’enseignement à distance dans les établissements d’enseignement supérieur.

b.   L’impératif de la pédagogie numérique du point de vue de la SraNES

Dans le cadre de l’élaboration de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (StraNES), définie à la suite du vote de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, un rapport avait été présenté à la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) ([24]) qui soulignait la nécessité de la transformation pédagogique dans un enseignement supérieur perçu comme en profonde mutation. Soulignant le peu de formation des enseignants-chercheurs aux méthodes pédagogiques – « La formation et l’accompagnement des enseignants à la pédagogie de l’enseignement supérieur sont globalement peu développés dans les établissements », ces questions occupant d’ailleurs une place de moins en moins importante dans les cursus ([25])  le rapport proposait notamment de faire du numérique un levier au cœur de la transformation pédagogique. Parmi les axes de cette transformation, figuraient notamment « la formation à distance dans ses aspects organisationnels, économiques et de pratiques des acteurs (…), la mise à disposition de ressources pour la formation des étudiants, avec notamment l’articulation des espaces numériques et des bibliothèques, la question des learning centers ; les compétences numériques et informationnelles des étudiants nécessaires dans la construction et la gestion de leur EPA ([26]) ; la veille sur les technologies émergentes et leurs usages en devenir qui peuvent induire de nouvelles pratiques pédagogiques ». Dans le prolongement de l’agenda numérique France Université Numérique (FUN), l’auteur du rapport invitait en conséquence à développer plusieurs pistes d’action : « Favoriser la réussite des étudiants grâce à une pédagogie rénovée par le numérique ; Former et accompagner les enseignants et les équipes pédagogiques à l’usage du numérique dans leurs pratiques pédagogiques ; Mieux reconnaître et valoriser, dans l’évolution de la carrière des enseignants-chercheurs, leur investissement pour intégrer le numérique dans leurs pratiques pédagogiques ; Donner une impulsion forte à la recherche sur la pédagogie numérique (les ‟digital studies”) et notamment à la recherche dans l’eéducation ».

De son côté, en juillet 2014, le rapport du Comité pour la StraNES ([27]) remis au ministre chargé de l’enseignement supérieur constatait, non la disparition du métier d’enseignant dans le supérieur, mais son inéluctable transformation : « l’enseignant ne sera plus le seul à délivrer un contenu, d’autres s’en chargeront aussi, mais il restera celui qui le fera apprendre en profondeur par les étudiants et qui les aidera à le mobiliser à bon escient. Cette relation humaine, si importante, nous semble non seulement irremplaçable – elle est l’essence même du mentorat universitaire –, mais même centrale pour le développement de la pédagogie à l’heure du numérique. »


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II.   la crise sanitaire et le recours au numÉrique pour assurer la continuitÉ pÉdagogique

A.   L’organisation initiale du dispositif de crise : la continuitÉ pÉdagogique À distance

La montée de la vague épidémique a conduit le ministère à adopter plusieurs séries de dispositions successives. Deux textes ont tout d’abord été publiés au Bulletin officiel du ministère avant même l’annonce du premier confinement par le Président de la République.

1.   Les premiers jalons juridiques de l’enseignement à distance pour l’enseignement primaire et secondaire

Le premier de ces textes, publié fin février, se place encore dans l’hypothèse où l’évolution de la crise sanitaire pourrait amener les préfets, localement, à décider de fermer temporairement les écoles. Le second, une semaine plus tard, organise concrètement la réponse du ministère au Covid-19, de la prévention à la continuité du fonctionnement des établissements.

a.   La circulaire du 28 février 2020

Selon ce premier texte ([28]), dans une telle situation, le lien éducatif et pédagogique devra « être maintenu aussi bien dans l’intérêt des élèves que dans l’intérêt des parents et familles » et les directeurs d’école et chefs d’établissement veilleront « à informer, aussi tôt que possible, les familles des modalités de continuité pédagogique », dont une première définition est donnée : elle « vise, en cas d’éloignement temporaire d’élèves, notamment de retour des zones ‟à risque” telles que définies par le ministre en charge de la Santé, ou de fermeture des écoles, des collèges et des lycées, à maintenir un lien pédagogique entre les professeurs et les élèves, à entretenir les connaissances déjà acquises par les élèves tout en permettant l’acquisition de nouveaux savoirs. » ([29])

La circulaire du 28 février 2020 indique tout d’abord que différents modes d’apprentissage à distance pourront être activés. Tout en veillant à limiter le temps d’exposition aux écrans, notamment des plus jeunes, le recours aux outils numériques est privilégié. Comme en Chine pour les élèves de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) déjà confinés, des séances pédagogiques gratuites en ligne pourront être mises à disposition immédiate par les académies : en premier lieu, via la plateforme dédiée du CNED qui permet de proposer des parcours pédagogiques sur quatre semaines, de la grande section à la terminale ; en second lieu, en fonction des besoins des enseignants, les écoles et établissements pourront également bénéficier du dispositif des classes virtuelles du CNED, qui facilite l’organisation par les professeurs de l’enseignement à distance, en permettant l’échange de documents, la tenue de séances en direct et l’interaction avec les élèves, etc. La circulaire précise en outre que, pour une organisation optimale des services et afin de maintenir la régularité des apprentissages, les responsables d’établissements pourront, en fonction du nombre de classes virtuelles et sur la base de l’emploi du temps ordinaire des élèves, préciser les horaires des classes virtuelles ainsi mises en place, les professeurs et les disciplines associées.

En complément, responsables locaux et équipes pédagogiques sont invités à prendre les « initiatives et mesures nécessaires pour préserver un lien pédagogique à distance, et pour continuer à dispenser un enseignement, en exploitant notamment les possibilités d’échanges par messagerie électronique et les espaces numériques de travail », via lesquels les enseignants pourront accompagner leurs élèves dans l’utilisation de ces ressources, leur adresser les supports de cours et les exercices à faire à la maison. La circulaire rappelle que diverses ressources numériques éducatives sont notamment disponibles sur le site Éduscol sur lequel les familles, en particulier de lycéens, pourront se connecter pour accéder aux programmes.

L’espace numérique de travail

Un espace numérique de travail (ENT) désigne un ensemble intégré de services numériques choisis et mis à disposition de tous les acteurs de la communauté éducative d’une ou plusieurs écoles ou d’un ou plusieurs établissements scolaires dans un cadre de confiance défini par un schéma directeur des ENT et par ses annexes.

Il constitue un point d’entrée unifié permettant à l’utilisateur d’accéder, selon son profil et son niveau d’habilitation, à ses services et contenus numériques. Il offre un lieu d’échange et de collaboration entre ses usagers, et avec d’autres communautés en relation avec l’école ou l’établissement.

Source : MEN, (Éduscol) : https://eduscol.education.fr/1050/espaces-numeriques-de-travail

Le maintien du lien pédagogique avec les plus jeunes ou avec les élèves nécessitant une prise en charge spécifique, suppose en outre un rôle actif des familles, sur lesquelles repose la mise en place effective d’activités éducatives et pédagogiques. Des activités adaptées et réalisables dans le contexte familial, devront en conséquence leur être proposées via les outils numériques disponibles.

Pour les élèves ne disposant pas d’accès à internet, des documents d’étude et des sujets de travaux à effectuer devront être proposés par les professeurs, directeurs d’école et chefs d’établissement. Enfin, la situation des élèves de l’enseignement professionnel est rendue plus complexe du fait de la possibilité ou non de fermeture d’entreprises d’accueil. Il appartient au chef d’établissement d’apprécier au cas par cas s’il est ou non possible de maintenir les périodes en milieu professionnel.

Le directeur général de l’enseignement scolaire concluait la circulaire en soulignant ([30]) que « pour tous les élèves, de l’enseignement primaire comme de l’enseignement secondaire, il restera primordial d’installer et d’entretenir un lien d’attention rassurant et personnalisé avec chacun, si des mesures de fermeture d’écoles et d’établissements devaient être prises. »

b.   La circulaire du 7 mars 2020

Le deuxième texte publié par le ministère ([31]) se présente comme le « Plan ministériel de prévention et de gestion Covid-19 ». Il s’agit de « donner aux services déconcentrés, aux inspecteurs de l’éducation nationale, aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement les consignes à mettre en œuvre en fonction de l’évolution de la situation. »

Un certain nombre de mesures à prendre sont tout d’abord énumérées pour préparer le milieu scolaire à l’apparition de cas de Covid-19 dans les établissements, de la prévention – gestes barrières, mesures d’hygiène, attention aux personnes à risques – aux réponses appropriées à apporter le cas échéant.

Un chapitre est consacré à « Prendre en compte le contexte sanitaire particulier dans la gestion des ressources humaines ». À cet effet, une attention est notamment portée aux personnels et à la qualité du dialogue social à tenir dans ces circonstances particulières, et des développements concernent les conditions du télétravail et les autorisations spéciales d’absences. Il est en effet précisé que « dès lors que l’injonction est prescrite par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse quand les conditions sanitaires l’exigent, et que les conditions matérielles le permettent, les agents remplissent à titre exceptionnel leurs fonctions par télétravail. Les enseignants recourent à leur espace numérique de travail (ENT). Dans l’hypothèse où cela n’est pas possible, les fonctionnaires et maîtres de l’enseignement privé sous contrat pourront bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence (ASA). Cette mesure ne s’applique que dans le cadre de ce plan ministériel Covid-19. » En outre, « dans la mesure où le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a adopté les mesures destinées à assurer la sécurité et préserver la santé des personnels, en mettant en œuvre les prescriptions des autorités sanitaires, le droit de retrait ne devrait trouver à s’exercer que de manière tout à fait exceptionnelle et après examen des situations au cas par cas. »

Surtout, au-delà du lien éducatif à maintenir qu’évoquait déjà le texte du 28 février, la circulaire insiste sur le fait que « la continuité du service public d’éducation constitue une priorité contribuant à la résilience de la Nation. » Il est rappelé que des « plans de continuité d’activité (PCA) » doivent être réalisés dans chaque service déconcentré pour garantir la continuité du service public et que, « s’agissant de l’éducation nationale, le PCA doit assurer la continuité pédagogique et la continuité de fonctionnement des services. » Sans tarder, la circulaire invite en conséquence à en vérifier l’existence et la mise à jour. Il s’agit d’ores et déjà d’organiser la continuité pédagogique et dans cet objectif, « toutes les initiatives de mutualisation et de tutorat seront encouragées pour faciliter les suppléances éventuelles de personnels indisponibles. Outre le recours à des personnels contractuels, des personnels enseignants exerçant des fonctions autres que d’enseignement pourront, en cas de nécessité, reprendre une activité pédagogique en concertation avec leur organisme de rattachement. L’objectif est de ne laisser aucun élève ou étudiant sans professeur », une attention particulière étant apportée à l’accueil des élèves handicapés.

En complément, les chefs d’établissement doivent organiser la continuité de fonctionnement de leur établissement aux plans administratif (modalités de contacts, permanences physiques), technique (préparation des installations en vue de la réouverture, reprographie) et pédagogique (maintien du lien entre professeurs et élèves, fourniture de documents numériques et physiques permettant la poursuite de l’activité pédagogique, interaction avec les élèves et leurs familles, suivi du parcours des élèves), et lister les fonctions indispensables pour cela.

Une attention particulière doit être apportée à la continuité des systèmes d’information et outils numériques. Il s’agit entre autres de veiller à leur capacité à répondre aux besoins d’utilisation de ressources numériques participant à la continuité pédagogique, de recenser les moyens disponibles, de veiller systématiquement au niveau de sécurité des systèmes et, en lien avec les équipes académiques et les équipes nationales, d’anticiper « une utilisation importante par les agents empêchés des ressources disponibles à distance mises à disposition au niveau académique (outils collaboratifs, classes virtuelles, ENT, etc.) et au niveau national (outils collaboratifs type Tribu, outils de communication diffusés par Renater et la plateforme de formation ouverte à distance -PFOAD-). » La vérification des infrastructures, les connexions, l’interaction avec les collectivités territoriales chargées des moyens numériques des établissements, sont notamment des questions cruciales.

Proposition n° 1 : généraliser les ENT dans toutes les écoles et établissements, y compris primaires, pour faciliter la communication avec les parents.

2.   L’organisation de la continuité pédagogique à distance dans l’enseignement primaire et secondaire

a.   La circulaire du 13 mars 2020

Ce texte indique tout d’abord que la continuité pédagogique se traduit d’une part par la continuité des apprentissages et, d’autre part, par le maintien des contacts humains entre les élèves et leurs professeurs. Il précise que cela repose « prioritairement sur l’action des professeurs et de l’encadrement », étant entendu que pendant la période de fermeture des établissements, « les personnels restent en activité et sont chargés de concevoir et de mettre en œuvre l’organisation pédagogique nécessaire à cette continuité. Ils restent responsables de la conception de leur enseignement et prennent appui sur les directeurs d’école et chefs d’établissement chargés d’assurer la mise en cohérence des initiatives. » Le directeur général de l’enseignement scolaire ajoute que « quelle que soit l’organisation retenue dans le contexte particulier de chaque école et de chaque établissement, le rôle de chaque professeur est déterminant dans le maintien des liens avec les élèves », étant entendu qu’il est recommandé de privilégier les solutions les plus simples et les plus adaptées pour permettre et entretenir ces liens : téléphone, courriels, points de dépôt de documents pédagogiques sur papier, etc.

De leur côté, les services académiques et départementaux sont chargés de mettre en œuvre les éléments de communication et les outils nécessaires au maintien des liens avec les parents et à l’action des équipes pédagogiques. Pour que chaque élève puisse effectivement bénéficier de la continuité des apprentissages, il leur est recommandé d’assurer le pilotage du dispositif et notamment de « mettre en place des dispositifs d’accompagnement et de formation des professeurs, des directeurs d’école, personnels de direction, notamment pour la prise en main des outils d’enseignement à distance », au besoin en mobilisant le Réseau Canopé.

Les services académiques et départementaux doivent en outre communiquer avec les parents d’élèves et accompagner les équipes pédagogiques, en rappelant aux enseignants qu’ils « restent les premiers responsables de la conception et du choix des supports d’enseignement dans le cadre des horaires et programmes », en adaptant leur enseignement au contexte et en utilisant leurs propres outils ou ceux mis à leur disposition, tant au niveau national que local.

S’agissant du volet numérique, la circulaire indique qu’il appartient à chaque école ou établissement d’organiser son dispositif d’enseignement à distance, en mobilisant ses propres ressources, ou les services, ressources et environnements numériques disponibles au niveau national ou local, ou encore en s’appuyant sur les enseignants référents pour les usages du numérique. Un dispositif d’accompagnement est prévu au niveau académique, associant les délégations académiques au numérique éducatif (DANE) et les directions des systèmes d’information (DSI) en lien avec les collectivités territoriales.

Enfin, la circulaire organise la continuité pédagogique au niveau des écoles et des établissements. Il s’agit en premier lieu de mettre en œuvre les dispositifs de contacts entre les chefs d’établissement et les familles, et d’autre part de régler la continuité des apprentissages. À cet effet, la circulaire précise que « l’objectif est de maintenir les acquis déjà développés depuis le début de l’année (consolidation, enrichissements, exercices…) et d’acquérir des compétences nouvelles lorsque les modalités d’apprentissage à distance le permettent. » Concrètement, en sus de ce qui est disponible via les ENT ou le CNED, liberté est laissé aux professeurs de mettre à disposition de leurs élèves des documents non interactifs permettant de poursuivre l’activité dans leur discipline.

Chaque professeur doit enfin s’assurer de rester joignable, soit à l’école, ou à distance « via l’ENT en échange synchrone », selon un planning horaire transmis aux élèves et à leurs parents par les chefs d’établissement.

Proposition n° 2 : promouvoir l’utilisation des ENT au sein de la communauté éducative.

b.   La réponse apportée aux interrogations des personnels

Dès le 14 mars, une note – « Foire aux questions » répond aux principales interrogations des personnels. Elle précise notamment que le confinement ne fait « pas obstacle à la tenue de réunions pour l’organisation de la continuité pédagogique ou la tenue des conseils de classe ni à la venue des personnels dans l’établissement notamment pour réaliser la production de ressources pédagogiques, accéder à des postes de travail haut débit, assurer le lien avec les familles démunies d’outils numériques, contribuer à la coordination de l’équipe éducative ou disciplinaire… » Précisément, « les équipes de direction et les personnels indispensables pour assurer la mise en place de la continuité administrative et pédagogique, le lien avec les familles et les élèves, l’accueil des enfants des personnels de santé sans solution alternative de garde, ainsi que les personnels en charge de la salubrité et de la sécurité des établissements doivent être physiquement présents », les autres personnels étant en revanche invités à télétravailler.

S’agissant des activités devant être poursuivies pendant cette période, la note précise que les directeurs d’école doivent pouvoir être joints par les enseignants et autres personnels de l’école, par les autorités académiques, les services municipaux et les parents soit par messagerie électronique, soit par téléphone pour répondre rapidement à toutes les questions liées à l’organisation du travail des élèves. Cette possibilité d’être joint doit être prévue « au moins durant les horaires d’ouverture habituels de l’école. » De même, les chefs d’établissement garantissent une permanence téléphonique dans les mêmes plages horaires, et répondent aux questions des parents par courriel ou téléphone et à celles des professeurs en les renvoyant sur le site dédié du ministère. Dans ces conditions, il apparaît indispensable que les personnels de direction soient dotés d’un téléphone portable professionnel, de manière à éviter d’avoir à communiquer aux familles leurs coordonnées personnelles.

Proposition n° 3 : doter les directeurs d’école et chefs d’établissement d’un téléphone portable

Des précisions sont également apportées, destinées à rassurer les parents d’élèves. Elles confirment que « les professeurs accompagneront leurs élèves pendant toute la période de fermeture dans l’utilisation de ces ressources en leur adressant supports de cours et exercices via l’environnement numérique de travail (ENT) ou la messagerie électronique », le directeur d’école ou chef d’établissement s’assurant « que l’élève a accès aux supports de cours et qu’il est en mesure de réaliser les devoirs ou exercices requis pour ses apprentissages ». Les familles non équipées d’outils numériques peuvent bénéficier d’un prêt lorsque cela est possible. À défaut, des permanences d’accueil sont organisées « sur site aux horaires d’ouverture au public afin de tenir à disposition des élèves qui ne disposent pas des outils numériques adaptés des ressources pédagogiques en format papier. »

Enfin, la note précise les dispositions applicables aux personnels de l’Éducation nationale. Il est rappelé que les enseignants qui ne peuvent pas se rendre sur leur lieu de travail « se verront proposer d’exercer leurs fonctions en recourant aux ENT ou dispositifs numériques équivalents ou tout autre moyen pour assurer la continuité pédagogique », les autres personnels se voyant proposer le télétravail. Elle conclut que, compte tenu du fait que le ministère a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et préserver la santé de ses personnels, en mettant en œuvre les prescriptions édictées par les autorités sanitaires, il est exclu qu’un droit de retrait puisse être invoqué. ([32])

Autres éléments de chronologie

8 février 2020 : Apparition d’un cluster en Haute-Savoie. Fermeture de trois établissements scolaires pour deux semaines par mesure de précaution et pour mener les investigations nécessaires.

Début mars : Éduscol met à disposition de tous les professeurs qui le souhaitent une sélection d’outils et de ressources numériques. 

6 mars 2020 : Fermeture des écoles maternelles et primaires, collèges et lycées dans l’Oise et le Haut-Rhin. Le dispositif « Ma classe à la maison » est ouvert à l’ensemble des équipes et des familles de ces départements.

16 mars 2020 : Confinement national et mise en place d’un service d’accueil, région par région, pour les personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire qui ne disposeraient pas d’un mode de garde alternatif. Généralisation de « Ma classe à la maison ».

Mi-mars 2020 : En lien avec l’IGÉSR, création de pages disciplinaires sur Éduscol. Une page dédiée à la continuité pédagogique pour les élèves en situation de handicap et une autre pour les élèves allophones.

27 mars 2020 : Prolongation du confinement jusqu’au 15 avril 2020.

Fin mars 2020 : Cours Lumni, diffusés par France 4, également disponibles en streaming sur Éduscol. 900 cours élaborés par des professeurs de l’éducation nationale et diffusés entre mars et juin, accueillent jusqu’à 1 million de téléspectateurs. Ils sont accompagnés sur Éduscol de supports pédagogiques et de liens vers les programmes.

10 avril 2020 : Ouverture d’une plateforme d’envoi des devoirs papiers aux familles en partenariat avec Docaposte (filière numérique de la Poste).

13 avril 2020 : Prolongation du confinement jusqu’au 11 mai.

Vacances de printemps : Généralisation des stages de réussite : 250 000 enfants bénéficient de stages de soutien et de remise à niveau à distance sur une des deux semaines.

11 mai 2020 : Déconfinement progressif et différencié des territoires. Création et mise en place du dispositif « 2S2C » (sport, santé, culture, civisme), en lien avec les collectivités locales, pour offrir aux élèves qui ne peuvent pas être accueillis en classe, du fait des contraintes sanitaires, des activités éducatives sur le temps scolaire, pour compléter le travail en classe et/ou à la maison. Près de 3 000 communes participent.

28 mai 2020 : Plus de 80 % des écoles primaires sont ouvertes et 90 % des communes ont décidé de rouvrir leurs écoles pour accueillir les élèves qui en avaient le plus besoin. Mise en place d’un protocole sanitaire ; mise en ligne d’une FAQ.

2 juin 2020 : Deuxième phase de déconfinement.

Juillet 2020 : Publication sur Éduscol d’objectifs pédagogiques par discipline et d’outils de positionnement du CP à la terminale. Publication d’un plan de continuité pédagogique avec deux scénarios.

Eté 2020 : Un million d’enfants bénéficient des dispositifs pédagogiques « Vacances apprenantes ».

Source : MEN (https://www.education.gouv.fr/mars-2020-mars-2021-un-de-continuite-pedagogique-et-de-gestion-de-la-crise-sanitaire-dans-les-ecoles-322704)

3.   Le dispositif mis en place au sein de l’enseignement supérieur

De son côté, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) a également adopté un certain nombre de mesures destinées à assurer la continuité pédagogique dans les établissements d’enseignement supérieur, également fermés à partir du 16 mars 2020.

Comme on l’a rappelé, à la différence des enseignements primaire et secondaire, l’enseignement supérieur peut, de manière générale, être dispensé à distance.

Dès le début de la crise sanitaire, le MESRI s’est donné comme objectif d’assurer autant que possible la continuité pédagogique sous toutes ses formes. Tous les établissements d’enseignement supérieur ont été invités à offrir leurs modules d’enseignement en « e-learning » pour permettre aux étudiants de suivre leurs formations à distance, selon les indications données par la ministre Frédérique Vidal dès le lendemain de l’intervention du Président de la République, précisant que divers outils nationaux, tels que France université numérique (FUN) ou des universités numériques thématiques, étaient disponibles.

En prévision de la rentrée universitaire, la ministre publiait ensuite une circulaire le 11 juin 2020, dans laquelle elle soulignait que les établissements devraient tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire pour l’organisation d’activités d’enseignement. Ils devraient notamment prévoir d’avoir à organiser temporairement « les enseignements en distanciel et/ou en présentiel dans une mesure et selon des modalités qu’il appartiendra à chaque établissement de déterminer et qui ne préjugent en rien de l’organisation pédagogique qui sera à nouveau mise en route en période post-covid (…) ». Elle recommandait aux établissements de prévoir des actions de formation et d’accompagnement des équipes enseignantes et personnels BIATSS ([33]). L’étalement des horaires et la rotation des équipes alternant entre travail présentiel et travail à distance étaient proposés comme solutions favorisant la sécurité sanitaire des personnels et étudiants.

Divers textes, telle une circulaire de la DGESIP du 2 novembre 2020 ([34]), ont fourni les principales réponses aux intéressés, enseignants et étudiants. Il était par exemple précisé que si les universités restaient ouvertes, les modalités d’accueil étaient modifiées à partir du 30 octobre 2020, les enseignements étant dispensés intégralement à distance. Si cela s’avérait impossible, à savoir lorsque le caractère pratique de l’enseignement l’interdisait – manipulations en chimie, physique, biologie, ou pour l’enseignement d’activités sportives, etc. –, des accueils seraient proposés sur site en respectant une jauge limitée à 50 % de la capacité d’accueil théorique.

De la même manière que pour les enseignements primaire et secondaire, l’évolution de la situation sanitaire a conduit le ministère à prendre par la suite, des mesures d’adaptation comparables, en termes de capacités d’accueil des étudiants et de jauges. Ces dispositions n’appellent pas de développements particuliers de la part de la rapporteure.

B.   L’adaptation de la continuitÉ pÉdagogique au fil des mois : vers l’hybridation

À mesure que l’évolution de la situation amène les autorités sanitaires à réviser le dispositif, le ministère de l’Éducation nationale a ajusté à plusieurs reprises celui de la continuité pédagogique.

Début mai 2020, le cadre du déconfinement scolaire progressif est tracé par une circulaire, signée par le ministre, datée du 4 mai. Le principe de l’obligation d’instruction est affirmé et ses différentes modalités précisées. Elles incluent la possibilité d’un enseignement à distance si les conditions le justifient, le retour des enfants en présentiel reposant toutefois sur le libre choix des parents qui peuvent préférer un maintien à la maison.

Les enseignants présentant un risque au regard du virus, dû à leur vulnérabilité propre ou à celle d’un de leurs proches, restent hors des établissements durant les mois de mai et de juin, leur autorité hiérarchique leur indiquant s’ils continuent de s’occuper de leur classe à distance ou s’ils prennent en charge un groupe d’élèves ne pouvant se rendre à l’école pour des raisons de santé.

De nouvelles règles d’organisation sont édictées. D’une part, les cours in situ se déroulent par groupes de quinze élèves au maximum, de manière alternative, selon des modalités définies au niveau local en fonction des circonstances, étant entendu que « les professeurs qui assurent un service complet en présentiel dans l’école ou l’établissement ne sont pas astreints à l’enseignement à distance. L’enseignement à distance pour les élèves restés chez eux est assuré par les professeurs qui sont aussi à domicile », le lien à distance entre élèves et professeurs étant défini à l’échelle de l’école ou de l’établissement.

Cela étant, si le ministre annonce dans sa circulaire de rentrée 2020 ([35]) la formalisation d’un plan de continuité pédagogique qui s’appliquerait si la situation sanitaire exigeait de nouveau la prise de mesures plus strictes afin d’assurer l’enseignement à distance, une circulaire du 14 septembre suivant ([36]), signée du directeur général des ressources humaines du ministère, laisse entendre que, pour les personnels enseignants, le retour à la normale, en d’autres termes au présentiel, est de mise : il indique en effet que les personnes présentant des vulnérabilités vis-à-vis du virus « peuvent être autorisées à exercer en télétravail si leurs fonctions peuvent être exercées à distance, dans la mesure où cela est compatible avec les nécessités du service et selon les formes de droit commun » ; en revanche, pour celles dont « leurs fonctions ne peuvent pas être exercées à distance, en particulier pour les personnels enseignants, le travail est réalisé en présentiel. »

Le droit de retrait n’étant pas invocable, la circulaire précise que les personnels dont les fonctions ne peuvent être assurées à distance, ou qui n’ont pas été autorisés à télétravailler et qui estiment cependant ne pouvoir revenir sur site malgré les mesures adoptées, devront, « sous réserve des nécessités de service, prendre des congés annuels, des jours de récupération du temps de travail ou des jours du compte épargne-temps. À défaut, leur absence doit être justifiée par un certificat médical et est placée en congé maladie ordinaire, selon les règles de droit commun. »

Dans le même ordre d’idées, les personnels cas contacts ou suspects exercent en télétravail si la nature de leur mission le permet et sont, à défaut, placés en autorisation spéciale d’absence sur présentation d’un certificat d’isolement. S’agissant du second degré, les professeurs dans cette situation peuvent assurer leur enseignement à distance, si les élèves concernés sont accueillis dans une salle le permettant, en présence d’un adulte (assistants d’éducation notamment). Si ces conditions ne sont pas réunies, comme dans le premier degré, « les personnels enseignants n’assurent leurs fonctions à distance que pour assurer la continuité pédagogique à distance dans le cas où la classe, l’école ou l’établissement fait l’objet d’une mesure de fermeture totale ou partielle pour raison de santé. »

1.   Le plan de continuité pédagogique

À la mi-juillet 2020, le ministère de l’Éducation nationale a publié le plan de continuité pédagogique annoncé la semaine précédente par la circulaire de rentrée.

a.   Présentation des plans de continuité pédagogique et des enseignements hybride et à distance

La situation sanitaire impose de concilier deux exigences dans des conditions difficiles : que tous les élèves aillent en classe et qu’ils soient, ainsi que les personnels, en sécurité. Cela suppose, le cas échéant, d’adapter l’organisation du système scolaire, en réduisant la capacité d’accueil des établissements, voire en décidant des fermetures temporaires.

L’objectif de l’Éducation nationale d’assurer la poursuite régulière des apprentissages, pour tous les élèves et dans toutes les disciplines, requiert l’application d’un certain nombre de principes, parmi lesquels :

– La préparation et la formalisation, en amont, par les directeurs d’école et les chefs d’établissement, d’un plan de continuité pédagogique au niveau des établissements ;

– Le fait pour chaque élève de bénéficier des apprentissages obligatoires que ce soit en présentiel, à distance ou sous forme de « travail en autonomie » ;

– Un temps de présentiel au moins égal à 50 % du nombre d’heures de cours, sauf en cas de fermeture de l’établissement ;

– Une harmonisation des outils numériques utilisés pour la mise en œuvre de la continuité pédagogique ;

– Un accompagnement des familles par les chefs d’établissement et directeurs d’école pour la prise en mains des outils numériques ;

– La fixation d’objectifs pédagogiques et l’harmonisation des évaluations par les équipes enseignantes.

Sur la base des principes ainsi édictés, le plan de continuité pédagogique détaille notamment les modalités de mise en œuvre de l’enseignement hybride lorsque le nombre d’élèves accueillis simultanément dans les lycées, voire dans les classes de quatrième et de troisième dans les collèges, devra être réduit.

L’enseignement hybride

« Combinaison d’activités d’apprentissages sur les temps de présence en établissement et à distance, en mode synchrone ou asynchrone. L’élève suit l’emploi du temps qui lui est attribué. Il alterne entre temps de présence en établissement et temps de travail à domicile. Le professeur intervient en présence dans l’établissement ou à distance, soit depuis son établissement soit depuis son domicile, selon l’emploi du temps établi dans le cadre du plan de continuité pédagogique. »

Source : Foire aux questions, MEN, mai 2021

Ces règles s’appliquent soit au niveau de l’établissement – et conduisent en ce cas à un accueil par niveau de classe – soit à l’échelle d’une classe, ce qui se traduit alors par un accueil en demi-groupe, dans le respect de la règle minimale et générale du mi-temps.

S’il est difficile à mettre en œuvre dans les établissements d’enseignement général, le dispositif d’accueil par niveau est destiné à éviter autant que possible les brassages au sein des établissements ainsi que le nombre d’élèves présents dans les cantines scolaires. Il permet de limiter les impacts pédagogiques et organisationnels. Il est en effet précisé que d’une part, les emplois du temps sont maintenus et que, d’autre part, les enseignants sont disponibles pour assurer la continuité pédagogique durant les heures de cours normalement prévues, étant entendu que « pendant l’enseignement à distance, toutes les heures n’ont pas vocation à se dérouler en classes virtuelles, pour des raisons d’organisation et de concentration des élèves. On peut, par exemple, assurer 1/3 du temps prévu en classe virtuelle et 2/3 en autonomie. » Les cours à destination des élèves non présents peuvent être assurés depuis l’établissement par les enseignants en visioconférence ou audio dans la mesure où l’équipement numérique le permet. Cette recommandation vaut notamment lorsque les professeurs doivent alterner sur une même journée des plages d’enseignement à distance et en présentiel, pour « leur permettre d’intervenir selon un emploi du temps inchangé dans toute la mesure du possible. »

Ce dispositif suppose naturellement l’équipement des élèves. Pour aider ceux ne disposant pas d’outils informatiques, différentes solutions de prêt de matériels sont évoquées : par l’établissement ou la collectivité territoriale, ou par l’équipe nationale d’appui numérique. À défaut, l’établissement peut proposer un suivi numérique des cours au sein de l’établissement.

Lorsque les capacités ne permettent pas d’accueillir l’ensemble des élèves d’une même classe de façon simultanée, les modalités doivent respecter le fait que tous les élèves doivent avoir accès à des cours en présentiel sur une base hebdomadaire équitable, fut-ce une semaine sur deux. À la différence de la période antérieure, le présentiel est désormais obligatoire et n’est plus une option laissée à la discrétion des familles. À cet effet, différents rythmes sont envisageables et ont pu être expérimentés – matin/après-midi ; un jour sur deux ; une semaine sur deux. Sur cette question comme sur d’autres, les possibilités ne sont évidemment pas les mêmes selon les territoires concernés : une alternance matin/après-midi tout à fait faisable dans un lycée parisien ou de grande ville, se révélera impraticable dans une zone rurale dans laquelle les élèves se rendent dans leur établissement en transport scolaire.

Pour les équipes pédagogiques, comme pour les élèves, ce schéma organisationnel n’induit pas de changement d’emploi du temps lorsque les élèves sont présents. La continuité pédagogique est mise en œuvre soit par un travail en autonomie préparé en amont par l’enseignant, soit via une connexion en visioconférence pour un cours tenu en présentiel. De la même manière que pour la modalité « par niveau », ce schéma suppose l’équipement des élèves, assuré, le cas échéant, de façon identique.

Quelle que soit la formule retenue, la poursuite des apprentissages doit être possible pour tous les élèves, quelle que soit leur situation. Le plan de continuité pédagogique propose à cet effet deux modalités pour l’enseignement à distance, synchrone et asynchrone, qui requièrent chacune des équipements particuliers :

 L’enseignement à distance synchrone nécessite : « un poste informatique professeur connecté à Internet avec des haut-parleurs dans la classe ; un vidéoprojecteur, un VPI ou un TNI avec son logiciel ; un micro sans fil de l’enseignant ou un micro d’ambiance de la salle ; des élèves équipés et connectés au domicile. » Ce dispositif, qui peut être mis en place pour la majorité des cours, sauf les enseignements pratiques, permet une activité identique, que les élèves soient en classe ou à distance. Les membres de la mission d’information ont notamment pu voir un exemple réussi de mise en œuvre à Paris, lors de leur visite du lycée Arago ([37]) ;

– L’enseignement à distance asynchrone, qui distingue les temps d’enseignement en classe et à la maison, requiert simplement l’envoi préalable des documents, cours et exercices aux élèves ; des classes virtuelles peuvent être organisées en complément pour permettre le suivi de la progression des apprentissages.

Dans l’hypothèse de la fermeture de la classe, voire de l’établissement, la totalité de l’enseignement doit être assurée à distance et il est alors essentiellement demandé aux enseignants de veiller à maintenir le niveau général des élèves en portant une attention particulière à ceux en situation de difficultés scolaires, ou de milieux défavorisés, dans la mesure où le travail à domicile est possiblement pour eux d’une « complexité particulière ». Il s’agira en conséquence en premier lieu de maintenir les liens, de partager des contenus pédagogiques de qualité et de manière coordonnée et d’accompagner les parents dans le suivi du travail des élèves.

La fluidité de la communication entre les écoles et établissements, les enseignants et les parents d’élèves apparaissant cruciale dans un contexte complexe et évolutif, la rapporteure recommande que les plans de continuité pédagogique soient communiqués aux enseignants et aux familles.

Proposition n° 4 : impliquer les enseignants des écoles et établissements ainsi que les parents d’élèves dans la définition des plans de continuité pédagogique et le leur communiquer.

Par ailleurs, il paraît également opportun que les conditions permettant l’accueil par niveaux soient connues de tous les acteurs locaux. Il serait en conséquence pertinent que chaque école et établissement fassent un inventaire des outils et moyens à disposition des enseignants pour assurer l’enseignement à distance.

Proposition n° 5 : réaliser un inventaire des moyens et outils des établissements à disposition des enseignants, notamment des capacités de charge et de connexion à internet.

b.   L’évolution des modalités de la continuité pédagogique

Au cours des mois suivants, le cadre global ainsi tracé a connu quelques évolutions et ajustements, soit d’ordre général, soit plus ponctuellement.

Ainsi, une circulaire, du directeur général de l’enseignement scolaire, datée du 6 novembre 2020 ([38]), complète le plan de continuité pédagogique publié en juillet. Elle indique que, compte tenu de l’aggravation du contexte épidémique, il a été nécessaire de renforcer certaines des dispositions du protocole sanitaire ([39]) et que la taille de certains lycées et l’organisation des enseignements, notamment certaines spécialités, peuvent justifier que le fonctionnement des établissements soit adapté pour que le recours à l’enseignement à distance soit développé afin de limiter le nombre d’élèves sur site. En d’autres termes, pour assurer la sécurité de tous, il s’agit de garantir une stricte application du protocole sanitaire.

À cet effet, le texte indique que, en concertation avec tous les acteurs de l’établissement et notamment les équipes pédagogiques, le chef d’établissement pourra décider d’établir un plan de continuité pédagogique applicable jusqu’aux prochains congés, aux termes duquel, que ce soit en présentiel, à distance ou en autonomie, tout élève scolarisé sera assuré de bénéficier des apprentissages obligatoires, étant entendu que l’organisation retenue devra garantir à chacun un maximum de cours in situ, le présentiel ne devant pas être inférieur à 50 % du temps.

Il est précisé que le chef d’établissement « veille à ce que les professeurs assurent effectivement la continuité pédagogique pour les élèves qui sont à distance, à due proportion de la quotité horaire de leur discipline, dans le cadre de classes virtuelles et de travail en autonomie. » Il est aussi rappelé que des ressources sont mises à disposition des professeurs sur Éduscol et que, au sein des rectorats, des équipes académiques dédiées sont en charge de la continuité pédagogique et accompagnent en tant que de besoin les chefs d’établissement, notamment en matière d’échange de bonnes pratiques.

Dans le même esprit, la circulaire du 15 janvier 2021 ([40]) indique que des aménagements complémentaires sont nécessaires, en premier lieu, la prolongation possible du plan de continuité pédagogique jusqu’aux vacances d’hiver lorsqu’il a été élaboré. En outre, les chefs d’établissement, en concertation avec les équipes pédagogiques, pourront proposer des évolutions en fonction de l’évaluation de la situation locale et des besoins des élèves. Dans ce cadre, il s’agira de prioriser autant que possible le présentiel dans les classes à examen, notamment en terminales, les enseignements de spécialité devant être dispensés si possible totalement en présentiel. En outre, « les établissements sont invités, sur la base du volontariat des professeurs et des élèves, à organiser des stages de réussite concernant les enseignements de spécialité de terminale pendant les vacances d’hiver, en accompagnement des approfondissements et des révisions des élèves préalablement aux épreuves terminales de ces enseignements. » Enfin, si nécessaire, les collèges pourront adapter leur fonctionnement à ce schéma, en ce qui concerne les classes de 4e et de 3e des collèges.

Le 19 février 2021, une autre circulaire confirmait la poursuite de ce dispositif au-delà des vacances d’hiver, tant pour les lycées que pour les classes de 4e et de 3e.

Une nouvelle note « Foire aux questions » a été émise par le ministère en mai 2021 relative à la continuité pédagogique. Elle complète la précédente sur plusieurs points et tient notamment compte des modifications apportées au dispositif depuis son lancement. Elle a été actualisée une nouvelle fois le 20 octobre 2021 ([41]).

De nombreuses précisions sont ainsi données aux enseignants, par exemple pour l’organisation de la mise en œuvre d’un enseignement hybride, la conception des cours, la mise en activité des élèves à distance ou encore sur les ressources, outils et services mis à leur disposition pour assurer la continuité pédagogique dont la définition est précisée, de même que celle de l’enseignement hybride.

Un certain nombre de sujets non traités dans les différentes circulaires sont ainsi abordés, par exemple sur l’emploi du temps des enseignants – « Dois-je entrer en relation avec ma classe uniquement selon mon emploi du temps ? » –, l’évaluation des élèves, la particularité de certaines disciplines – EPS, sciences, enseignement professionnel – et la difficulté de les enseigner à distance, de même que sur les problématiques soulevées par l’utilisation des outils numériques. Il est ainsi précisé : « La continuité pédagogique mobilise les supports usuels, qui ont fait l’objet d’une inscription dans le registre de traitement de l’établissement ou du ministère : les manuels scolaires numériques en possession des élèves ; les ressources de l’espace numérique de travail ; des supports numériques ou des ressources créés par les professeurs et les ressources éditoriales disponibles (BRNE, Éduthèque…) ; la plateforme du CNED ‟Ma classe à la maison” ; les ressources disciplinaires ou transversales du site académique et des autres sites institutionnels (réseau Canopé). Pour tout autre usage, sauf si les ressources font l’objet d’une inscription sur le registre de l’établissement, il convient de ne pas utiliser des solutions privées non conformes aux usages professionnels et au règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD). »

C.   Une expÉrience nÉanmoins douloureusement vÉcue par les personnels

Comme le montrent les développements précédents, le dispositif mis en place par le ministère est impressionnant, cohérent, et la rapporteure tient à saluer la préoccupation constante de la continuité pédagogique et la volonté de tout faire pour ne pas rompre le lien entre les enseignants et leurs élèves qui a animé le ministère et l’ensemble des membres de la communauté éducative, à quelque niveau qu’ils se situent.

Cela étant, force est aussi de constater, comme on le verra, que quels que soient les sujets abordés, de la formation à l’utilisation des outils numériques, les propos tenus par les représentants du corps enseignant devant les membres de la mission d’information lors des auditions traduisent une expérience douloureusement vécue, voire même certains doutes sur la réalité de la continuité pédagogique qui a pu être assurée.

Les difficultés qu’ont dû affronter les enseignants

« Les enseignants se sont trouvés confrontés à un ensemble de difficultés auxquelles ils étaient dans l’obligation de faire face extrêmement rapidement. Ces difficultés étaient de trois ordres différents :

– la maîtrise des outils numériques de communication avec les élèves et leurs parents, par exemple l’utilisation des ENT, qui n’allait pas de soi pour beaucoup d’entre eux ;

– le choix d’outils applicatifs et de ressources adaptés à la didactique de leur discipline ou de leur niveau de classe. Cette difficulté était d’importance très variable selon que les enseignants avaient ou pas l’habitude d’utiliser le numérique éducatif en classe. Sa résolution a, dans tous les cas, demandé un investissement important ;

– l’organisation du travail des élèves : celle-ci nécessitait une coordination de l’équipe pédagogique qui n’a pas toujours été aisée à mettre en place et pour laquelle l’équipe de direction de l’école ou de l’établissement jouait un rôle essentiel. » 

Source : IGÉSR, « Les usages pédagogiques du numérique au service de la réussite des élèves »,

Les enseignants sont en premier lieu unanimes pour souligner que rien ne les a jamais préparés à une telle éventualité. De fait, comme le rappelaient par exemple Mme Catherine Beccchetti-Bizot ([42]), médiatrice de l’Éducation nationale, ou M. Pascal Plantard ([43]), professeur à l’université Rennes II, devant les membres de la mission d’information, l’éducation dans notre pays a été fondée sur un choix historique au XIXe siècle d’un enseignement dispensé sous la forme du cours collectif, frontal, égalitaire, avec une unité de temps et de lieu. Tout le système scolaire, jusqu’à son architecture, sont encore basés sur ce modèle, dépendant en fait des disciplines et des savoirs enseignés. Dans cette organisation, l’enseignement à distance, tel que pratiqué traditionnellement par le CNED, occupait une place très marginale et spécifique, compte tenu du public pour lequel il a été prévu et formaté. En ce sens, comme le souligne l’IGÉSR ([44]), « La stratégie nationale de confinement généralisé lancée le mardi 17 mars 2020 constitue donc un événement introduisant une brutale et profonde rupture dans le système éducatif, nombre d’acteurs disposant d’une culture pédagogique et d’un temps insuffisants pour s’y préparer et mettre en œuvre une action immédiatement efficiente. Dans ce contexte exceptionnel, la contrainte d’un EAD [enseignement à distance] de crise” a créé des difficultés que l’EAD ‟classique” ne permettait pas d’anticiper ni de lever. »

Pour autant, le MEN n’est pas resté inerte face aux difficultés de ses personnels.

1.   Un problème de formation, lié également au bouleversement majeur induit par la crise sanitaire et la fermeture des établissements

Les personnels de l’Éducation nationale, et notamment les enseignants, déplorent tout d’abord leur manque de formation.

Qu’il s’agisse de la formation initiale ou de la formation continue, que les enseignants exercent dans l’enseignement primaire, secondaire, professionnel ou supérieur, que ce soit sur les aspects tenant à la maîtrise des outils numériques utilisables ou sur les questions touchant à la pédagogie, tous les témoignages concordent sur le manque absolu de préparation dans lequel les professeurs se sont trouvés en mars 2020.

En conséquence, une fois passé l’état de sidération – pour reprendre le terme employé par certains – dans lequel l’annonce présidentielle a plongé la communauté éducative comme l’ensemble des Français, c’est le plus souvent le « système D » qui a prévalu pour l’immense majorité des intéressés, qui ont dû s’organiser en urgence pour faire face à la situation et être en mesure de répondre à la demande qui leur était faite : maintenir les liens sociaux avec les élèves et les familles et assurer la continuité pédagogique.

En d’autres termes, cela a supposé pour eux une appropriation extrêmement accélérée des outils numériques. Il a ainsi été rapporté aux membres de la mission que certains enseignants ne maîtrisaient avant cela que les fonctionnalités les plus basiques – c’est-à-dire le traitement de texte –, et que très souvent, dès l’annonce du confinement, une formation avait dû se décider et s’organiser en vingt-quatre heures entre pairs, pour être dispensée sur le week‑end précédant le lundi 16 mars. Nombre d’enseignants se sont aussi « autoformés » pendant ce court laps de temps, voire l’ont été par la suite au fur et à mesure par leurs élèves. Selon une enquête du SNDPEN auprès de ses adhérents, seuls 7 % des personnels de direction indiquent ainsi avoir reçu une formation institutionnelle au numérique, contre 24 % qui se sont auto-formés et 69 % qui ont été formés par des pairs ([45]). Ainsi, comme le montre le graphique ci‑après, plus des deux-tiers des personnels de direction estiment n’être pas suffisamment formés.

La formation au numÉrique des personnels de direction

Source : « Le livre noir du numérique » in Revue Direction, n° 268, avril-mai 2020

L’enquête de la DEPP confirme ces propos, comme en témoigne par exemple le graphique reproduit page suivante, qui montre que pour les enseignants du premier degré, l’appui a très majoritairement été fourni par les collègues, bien plus que par les acteurs supposément plus responsables du sujet, à savoir les référents numériques, de l’établissement ou de l’académie. Les tendances sont identiques concernant les enseignants du second degré, avec des taux respectifs de 60 % (collègues enseignants), 43 % (équipe de direction) et 21 % (DANE).

Dans l’enseignement agricole la situation a été comparable, faute également de formation initiale ou continue des enseignants aux outils numériques. À la question relative à la manière dont les personnels de l’enseignement agricole avaient perçu la mise en place de l’enseignement à distance pour assurer la continuité pédagogique, la réponse a été simple : « nous n’étions ni préparés ni équipés. Cela a été particulièrement dur et difficile pour la communauté éducative, pour les apprenants ainsi que pour les familles » ([46]), et plus des trois-quarts des adhérents de FO enseignement agricole ont considéré la mise en route comme « éprouvante ». Toutefois, l’informatique tenant depuis longtemps une place importante dans le cursus des élèves de l’enseignement agricole, il a été rapporté à la mission ([47]) que les professeurs de technologie informatique ont joué un grand rôle en se mettant spontanément à la disposition de leurs collègues pour les aider au déploiement des plateformes et les former en urgence. Cela a même constitué l’unique clef de la réussite de l’enseignement à distance.

D’une manière générale, les membres du corps enseignant ont dû faire preuve de beaucoup d’inventivité et de disponibilité dans ce contexte pour se donner les moyens de continuer à exercer sans délai leur mission de service public. Cela doit être salué et la rapporteure souhaite ici leur exprimer sa reconnaissance et celle des membres de la mission d’information.

Aides individuelles reçues par les enseignants du premier degrÉ sur le plan pÉdagogique pour mettre en place le dispositif de continuitÉ, en % ([48])

Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, MEN

Plusieurs enquêtes publiées ces derniers mois ont confirmé ce ressenti, notamment exprimé par les syndicats d’enseignants lors des auditions ou par les personnels lors des visites de terrain que les membres de la mission ont effectuées dans le Grand-Est et dans deux établissements parisiens. Ainsi, selon les résultats d’une étude d’une équipe de chercheurs en sciences de l’éducation et sciences de l’information et de la communication de l’université d’Aix-Marseille, un grand nombre d’enseignants estiment ne pas avoir été conseillés quant au choix des outils numériques et indiquent, pour plus des trois-quarts, avoir dû se tourner vers des collègues pour faire face, ou, à plus de 50 %, vers leurs proches ([49]). De même, dans une enquête publiée sur le site du Réseau Canopé, « Transition numérique en période de confinement pour des changements de pratiques dans le secondaire » ([50]), beaucoup d’enseignants mentionnent leur absence de formation à l’utilisation des plateformes ([51]) – ENT ou outils de vie scolaire – à usage quotidien, ainsi que le manque de temps de préparation pour passer brusquement du présentiel au distanciel, ou encore des difficultés personnelles liées à l’équipement et à la maîtrise du numérique. Logiquement, conclut le Réseau Canopé dans une autre étude réalisée dans le cadre des États généraux du numérique ([52]), « les enseignants attendent prioritairement des sujets de formation axés sur la manipulation des outils techniques (cas de 41 % des enseignants) : se former sur la manipulation des outils disponibles dans les classes (un tableau blanc interactif), apprendre à se servir des outils de base permettant d’être en lien avec les élèves et leurs collègues (classe virtuelle, outils de visioconférence, outils de stockage de données, outils de l’ENT…), se former à des outils spécifiques pour faire cours et pour produire des matériels d’enseignement (montage vidéo, logiciels spécifiques propres à chaque discipline ou niveau enseigné…) » ([53])

L’éloignement des enseignants par rapport au numérique est parfois telle que lors du déplacement de la mission dans le Grand-Est pour s’informer sur l’expérimentation en cours des « Lycées 4.0 », il est apparu que les enseignants de ces établissements, que l’on pourrait a priori supposer plus sensibilisés à ces problématiques – d’autant que le projet a été initié fin 2016 –, ont également indiqué ne pas avoir été prêts au moment du premier confinement : alors même que dans le cadre de cette expérimentation tous les lycéens sont équipés d’un ordinateur personnel, les enseignants indiquent avoir dû faire face comme ils l’ont pu avec des outils mal maîtrisés, que la plateforme du CNED, par exemple, à laquelle renvoie la circulaire du 28 février 2020, leur était inconnue et n’avait jamais été utilisée. Personne n’était prêt et, là comme ailleurs, c’est la « débrouille » qui a prévalu dans un premier temps.

Les lycées 4.0

En concertation avec les autorités académiques, le projet « Lycées 4.0 » a été lancé en janvier 2017 par la région Grand-Est désireuse de moderniser et unifier les pratiques en matière d’achat de manuels scolaires, qui étaient distinctes entre les trois ex-régions (Alsace, Lorraine et Champagne-Ardennes).

Les objectifs

– Une démarche pédagogique ambitieuse ;

– La diffusion des usages du numérique, puissants leviers de modernisation, d’innovation et de démocratisation du système scolaire ;

– Un accès gratuit aux ressources numériques pour tous en utilisant le gestionnaire d’accès aux ressources ;

– Une offre d’accès unique par le biais d’un ENT commun à toute la région ;

– Un lien entre les plans « collèges numériques » existants et l’université ;

– Une offre d’éditeurs renouvelée et adaptée ;

– La réduction du poids des cartables.

Les principes

– Des manuels et ressources numériques accessibles en ligne, téléchargeables dans le respect de la protection des données personnelles, via un gestionnaire d’accès aux ressources, intégralement financés par la région ;

– Une solution wifi déployée pour permettre un usage du BYOD ([54]) , associée à une liaison internet de 100 Mbits/s minimum ;

– La fourniture à chaque lycée d’un PC issu d’un marché spécifique.

***

Au-delà du remplacement des manuels par des ressources numériques, l’arrivée en masse de terminaux mobiles permettant d’y accéder via internet en tout point de l’établissement constitue une véritable révolution.

Chaque établissement dispose d’une plateforme de cours en ligne Moodle qui permet aux enseignants d’exploiter tout ou partie des ressources numériques financées par la région, de les combiner avec leur propre production.

L’action de la DANE, avec l’appui des inspecteurs de l’Éducation nationale (IEN), consiste à créer les conditions pour que la liberté pédagogique des enseignants puisse s’exprimer dans ce cadre rénové et servir l’intérêt des élèves.

Un plan de formation des équipes pédagogiques a été mis au point par la DANE et déployé pour accompagner les transformations en cours.

Source : DANE du Grand-Est

2.   Le manque de préparation à l’exercice d’une méthode d’enseignement différente

Outre la question du manque de maîtrise des équipements numériques, ce qui a fortement troublé le corps enseignant lors de cette période tient au bouleversement pédagogique induit par leur utilisation. Plusieurs aspects illustrent cette question. En d’autres termes, la question de l’appropriation des outils numériques renvoie aux différences entre enseignement présentiel et distanciel.

Pour un enseignant, il y a en effet une grande différence entre utiliser le numérique pour préparer un cours ou proposer aux élèves de nouveaux supports dans le cadre de son enseignement traditionnel – ce que nombre d’entre eux font évidemment depuis des années –, et utiliser le numérique dans l’activité même d’enseignement. Confirmant le manque de préparation des enseignants, les résultats de diverses études montrent que le quart d’entre eux étaient acculturés aux technologies numériques, la moitié d’entre eux en avaient des usages simples et le quart restant n’avait pas ou peu d’usages numériques, ces résultats étant similaires quel que soit le type d’établissement ([55]). La situation de confinement a poussé les 50 % médian à réviser leurs pratiques vers des usages plus importants, comme le montre le tableau ci-dessous :

modalitÉs pÉdagogiques des enseignants au printemps 2020

Source : Enquête CAPUNI crise, « L’école à la maison pendant le confinement du printemps 2020 (données communiquées par Pascal Plantard)

De sorte que ces pratiques « basiques » se sont finalement avérées de peu d’utilité lors du passage à l’enseignement à distance imposé par le confinement et ce manque de préparation à la pédagogie numérique s’est traduit par un désarroi profond des enseignants. Désarroi d’autant plus profond que « la distanciation pédagogique et, plus généralement, l’ensemble de l’EAD de crise ont été immédiatement soumis à un véritable impératif numérique, sans recul critique suffisant sur les approches didactiques et pédagogiques concernées. » ([56]) Très fréquemment, les professeurs n’ont pu, dans un premier temps, que répéter ce qu’ils faisaient depuis toujours en classe, faute d’avoir été formés à autre chose, alors que les possibilités qu’offre l’utilisation de ces outils supposent une autre approche. L’étude précitée du Réseau Canopé réalisée pour les États généraux du numérique montrait sur ce sujet que parmi les demandes des enseignants, celle d’une formation sur les pratiques et sur la transmission des savoirs, en d’autres termes sur les aspects didactiques du numérique, est attendue par quelque 19 % des enseignants.

Ce défaut de formation se traduit logiquement par un certain malaise des enseignants face au numérique en classe, qui s’en détournent ou l’évitent. Comment expliquer autrement que, même dans les établissements participant à l’expérimentation « Lycées 4.0 » dans le Grand-Est, où un programme de formation est dispensé par la DANE aux enseignants, nombreux sont les professeurs qui demandent en classe à leurs élèves de laisser leur ordinateur dans leur sac, préférant limiter son usage à une simple ressource technique facilitant les recherches documentaires ?...

Néanmoins, comme on l’a vu précédemment, c’est à ces mêmes enseignants que les circulaires du 28 février et du 13 mars 2020 confient la charge de concevoir et mettre en œuvre l’organisation de la continuité pédagogique, en privilégiant le recours aux outils numériques, soulignant par ailleurs qu’ils « restent responsables de la conception de leur enseignement ».

Il y a là à l’évidence un véritable hiatus entre ce qui a été attendu et même exigé des enseignants et ce qu’ils ont été en mesure de produire dans ces circonstances et l’on conçoit que, dans ces conditions, sans avoir acquis les compétences nécessaires, il leur était difficile de produire des contenus pédagogiques correspondant à ces nouveaux outils ([57]).

Le défi relevait de la tâche impossible et comme ont pu l’indiquer plusieurs personnes auditionnées, refondre les cours pour les adapter à une forme nouvelle et numérique, aurait a minima nécessité plus de temps et de réflexion pour que les équipes pédagogiques puissent penser les alternatives à proposer aux élèves. De ce fait, comme l’indique le rapport de l’IGÉSR précité, la période de mars à mai 2020 a été « l’occasion, pour de très nombreux enseignants, de se livrer à une réflexion sur leur propre pratique pédagogique et sur leur adaptation à un enseignement numérique à distance ». Ce qu’illustre clairement le graphique ci‑après qui met en évidence l’explosion, dès le début du premier confinement, des recherches d’information des enseignants sur les problématiques de pédagogie numérique.

Nombre de consultations des lettres « Ed-num » ([58]) spÉcialement consacrÉes À la continuitÉ pÉdagogique

Source : IGESR, op. cit.

Aussi, de la même manière qu’ils ont dû prendre connaissance au pied du mur d’outils qu’ils n’avaient jamais utilisés et ne pouvaient donc maîtriser, dans leur grande majorité, les enseignants se sont aussi formés seuls en quelques semaines sur les aspects pédagogiques, pour essayer d’adapter leur enseignement au distanciel numérique. Démarche qui suppose notamment un travail de scénarisation important et consécutivement, très chronophage.

Tout aussi chronophage – encore une fois, de très nombreuses personnes auditionnées ont tenu à le souligner – a été le simple maintien du lien social avec les élèves : chacun conviendra qu’il est en effet infiniment plus long de répondre à des dizaines de mails et d’avoir à échanger individuellement avec chaque élève par téléphone que de faire passer un message en salle à une classe de trente-cinq élèves. Or, comme il a été indiqué, la circulaire du DGESCO avait insisté sur le fait qu’il était « primordial d’installer et d’entretenir un lien d’attention rassurant et personnalisé avec chacun ». Lorsque les enseignants sont chargés de plusieurs classes, c’est possiblement avec cent ou cent-vingt élèves qu’ils doivent rester en relation. Et lorsque, selon les témoignages recueillis, les interrogations des élèves portent fréquemment, tout du moins dans les premières semaines, sur des problèmes de connexion ou de fonctionnement des plateformes que les enseignants de leur côté ne maîtrisent pas, on perçoit l’ampleur de la surcharge de travail que cette simple tâche peut représenter.

À cela s’ajoutent d’autres considérations qui ont nécessairement rendu cette période des plus délicates, tel le sentiment d’isolement dans lequel beaucoup d’enseignants indiquent s’être sentis, faute de soutien, ou le fait d’avoir été fréquemment soumis à des consignes contradictoires, de la part de chefs d’établissement et des IEN. Selon l’enquête réalisée par le Réseau Canopé ([59]) dans le cadre des États généraux du numérique, 61 % des enseignants déclarent avoir été seuls à préparer leurs activités comme le montre le diagramme ci-dessous, et 77 % expriment avoir ressenti un sentiment d’isolement pendant la période de confinement.

ressenti d’un sentiment d’isolement par les enseignants

 

Source : Réseau Canopé

3.   De nombreux problèmes d’ordre technique

Les innombrables problèmes techniques rencontrés, notamment dans les premiers temps, sont un autre des points qui suscitent les plus vives critiques de la part des personnels de l’Éducation nationale. ([60]) Différents aspects sont également à distinguer.

a.   Un manque criant d’équipements

De manière sans doute aussi unanime que le manque de formation et de préparation qu’ils ont dénoncé, celui de la faiblesse des équipements informatiques n’a cessé d’être avancé comme l’un des problèmes cruciaux que les enseignants ont eu à affronter. Cela rejoint les constats formulés par le ministère lui-même dans les années précédentes. Comme le rappelait le professeur Pascal Plantard dans une tribune publiée en mars 2020 ([61]), les fragilités technologiques étaient connues : « On peut lire dans l’enquête EVALuENT 2019, produite par le service de statistiques du ministère (DEPP), sur le 1er degré : ‟L’amélioration du débit Internet permettrait selon l’ensemble des utilisateurs un développement des usages des ENT. Les autres freins cités par les usagers sont le manque d’équipement informatique suffisant, l’ergonomie et d’accompagnement adapté.” Et pour le 2nd degré, l’enquête de 2018 rappelait que ‟le débit internet à l’intérieur des établissements et l’ergonomie de l’ENT sont les freins les plus fréquemment cités” ». La rapporteure remarquera qu’il s’agit là de questions sur lesquelles la mission d’information, conduite par M. Bruno Studer, président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation avait attiré l’attention en 2018 en recommandant de « cartographier de manière régulière l’état de la connexion des établissements scolaires à internet » (Proposition n° 10) et d’« évaluer l’investissement public nécessaire pour assurer une desserte en très haut débit de l’ensemble des établissements scolaires et formaliser un programme national associant les collectivités territoriales pour atteindre cet objectif » (Proposition  11). ([62])

Problématiques de la préparation à la continuité pédagogique

« Dans son adresse aux Français du jeudi 12 mars 2020, le Président de la République annonçait la fermeture des écoles, des collèges et des lycées. Le lundi 16 mars 2020, tous les établissements scolaires cessaient d’accueillir les élèves, mais ils organisaient aussitôt la ‟continuité pédagogique” qui devait prévaloir pendant plus de deux mois, jetant les bases pour une école numérique et connectée. »

« Or en mars 2020, tous les territoires – académies et collectivités – n’étaient pas également disposés ou préparés à y faire front, certains étant plus ‟en avance” que d’autres sur la question du numérique, sans doute grâce à l’application à la fois précoce et dynamique du plan numérique de 2015. Dans certaines régions académiques, par exemple, la distribution de matériels informatiques était courante de plus ou moins longue date, comme dans la région Grand-Est ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur, et, dans ces conditions, le choc d’un déficit numérique pouvait être moins rude que dans des territoires ayant eu préalablement d’autres priorités. »

Source : IGÉSR, « Recensement et analyse des actions numériques pendant la période Covid-19 », p. 4

Les interlocuteurs de la mission d’information sont innombrables à dénoncer le fait d’avoir dû utiliser leur propre équipement informatique pour assurer leur fonction. Selon l’enquête publiée par l’université d’Aix-Marseille précitée, moins d’un enseignant sur cinq déclare en effet travailler avec un ordinateur professionnel. En d’autres termes, c’est l’équipement personnel des enseignants qui a permis, de facto, d’assurer la continuité pédagogique qui leur était exigée pendant le confinement, et ce, dans des conditions souvent difficiles, dès lors qu’ils ont fréquemment dû partager leur ordinateur dans un contexte familial, c’est-à-dire avec leurs enfants, et/ou leur conjoint en télétravail.

À ces aspects s’ajoutent les problèmes de connexion ou d’obsolescence des matériels qui ont gêné la mise en œuvre de la continuité pédagogique à distance pour une grande majorité des enseignants, ainsi que le reflète l’enquête de la DEPP.

Freins matÉriels et techniques À la mise en œuvre de l’enseignement À distance selon les enseignants du second degrÉ, en % ([63])

Source : Enquête « continuité pédagogique », DEPP, MEN, page 46

Dans ce contexte, la rapporteure salue la prime de centcinquante euros annuels décidée par le ministère en octobre 2020 dans le cadre des négociations sur la revalorisation des métiers. Versée en une fois chaque début d’année, elle est destinée à permettre aux enseignants de s’équiper ou de renouveler entièrement leur équipement personnel sur une durée de trois à quatre années. Cet effort du ministère est évidemment bienvenu ([64]) et est le résultat d’une consultation des représentants des enseignants qui furent favorables au versement d’une prime plutôt qu’à la distribution d’un équipement imposé. Il semble toutefois, même s’il semble que cette prime ne soit pas servie à tous les personnels qui pourraient légitimement en bénéficier – cf. les professeurs documentalistes – et que certains la trouvent tardive – elle n’avait pas encore été versée en janvier 2021 ([65]) – et insuffisante, arguant des coûts importants que représentent un équipement complet – acquisitions complémentaires et indispensables d’une imprimante, d’un répétiteur Wi-Fi, d’un scanner, etc. –, ainsi que les frais d’impression, voire de connexion.

Il convient également de signaler qu’un certain nombre de départements ont apporté une aide en matériel numérique aux enseignants, leur permettant d’avoir le même matériel que leurs élèves. C’est ce qui ressort de l’enquête de l’Assemblée des départements de France ([66]), selon laquelle sur les quarante-huit collectivités ayant participé à l’étude, huit ont déclaré que ces prêts relevaient d’une politique continue du conseil départemental, sept qu’ils avaient prêté des équipements à un nombre restreint d’enseignants et un, le Doubs, qu’ils avaient bénéficié à un nombre important de professeurs.

b.   Sous-dimensionnement des outils numériques et solutions palliatives

À ce premier sujet s’ajoute celui de l’insuffisante capacité des outils numériques officiels.

Les consignes formulées dès le mois de mars 2020 dans les circulaires et autres FAQ sont sans ambiguïté. Elles ont appelé, très tôt et à raison, les enseignants à n’utiliser que les systèmes ne présentant pas de risque de sécurité. Une note a ainsi été publiée sur le site du MEN dès le mois de mars 2020 sur l’« utilisation des outils numériques pendant la période de confinement » ([67]), qui liste ceux devant être priorisés par les enseignants. La plateforme « Ma classe à la maison », lancée par le CNED, est par exemple présentée comme la solution à privilégier, tant en termes de contenus que d’outils de collaboration. « Ma classe à la maison » est la réponse apportée dès les premiers signaux d’alerte survenant depuis l’Asie. Le CNED a cherché à proposer des solutions pérennes et cette plateforme propose des parcours pédagogiques complets, sans enseignant, permettant aux élèves de travailler en autonomie.

Elle a ultérieurement été complétée par un second dispositif, celui de la « Classe virtuelle », pour permettre à chaque enseignant de disposer de son propre espace virtuel, qu’il administre en toute autonomie, en ayant notamment la main sur les caméras et micros des participants, pour éviter les risques de dérives et d’intrusions perturbant les cours comme cela a souvent été constaté dans les premiers temps. La note ministérielle rappelle aussi que divers ENT sont également disponibles ainsi que des « solutions de vie scolaire », comme Pronote. D’autres outils, et notamment des systèmes de visioconférences – Renavisio, Scaleway ou OVHCloud – sont présentés pour être utilisés par d’autres personnels du ministère dans le cadre de la continuité administrative, cependant que la plus grande vigilance est appelée sur les solutions privées et gratuites disponibles et très largement utilisées par les adolescents, telles WhatsApp ou Discord.

Cela étant, si des améliorations ont été apportées au fil du temps, beaucoup d’utilisateurs, enseignants ou élèves, ont souligné que, dans les premiers temps, les outils numériques ont très vite montré leurs limites – l’IGÉSR n’hésite d’ailleurs pas à parler de « l’effondrement rapide de nombreux systèmes informatiques ». certains professeurs ont choisi de revenir à l’utilisation de ressources traditionnelles pour toucher un certain nombre d’élèves peu ou mal équipés ou faisant face à des problèmes de connexion : polycopiés, envois de documents par la Poste, etc.

Dans l’enquête réalisée par le Réseau Canopé ([68]), ce sont près des deux-tiers – 62 % – des enseignants qui considèrent que les problèmes matériels et techniques rencontrés – la vétusté des matériels informatiques, la lenteur et les coupures de connexions, la faible performance des matériels –  ainsi que le choix des logiciels installés sur les postes informatiques des établissements, qui ont constitué les principaux freins à l’utilisation du numérique dans leur pratique professionnelle. L’étude réalisée par le SNPDEN confirme ces données.

QUATRE QUESTIONS DU SNPDEN À SES ADHÉRENTS sur les applications numÉriques du ministÈre ([69])

Source : « Le livre noir du numérique » in Revue Direction, n° 268, avril-mai 2020

Indépendamment des cyberattaques massives qui les ont paralysés à plusieurs reprises ([70]), les outils officiels sont surtout rapidement apparus comme sous-dimensionnés pour une utilisation massive, le nombre de connexions dû à la pandémie excédant considérablement ce pour quoi ils ont été conçus. ([71])

C’est la raison pour laquelle malgré la vigilance du ministère de l’Éducation nationale, certains enseignants et leurs élèves ont mis en place de leur propre chef des groupes sur WhatsApp ou Discord et tenu ainsi des visioconférences. À ce propos, Discord a fait notamment l’objet d’un signalement particulier du ministère dans la note mentionnée précédemment : si « sa performance, son ergonomie et son intuitivité ont pu séduire certains enseignants pour communiquer facilement avec les élèves qui disposent déjà d’un compte sur la plateforme », son utilisation n’en reste pas moins à proscrire est-il indiqué, dès lors que la plateforme ne respecte pas la réglementation en matière de protection de données personnelles, étant entendu que « chaque mise en œuvre d’un outil doit respecter les règles données par la DINUM ([72]) concernant la réversibilité, l’accès aux données, la protection des données personnelles et la conformité stricte au RGPD, le respect strict de la réglementation française et européenne, sans extraterritorialité, l’accessibilité des solutions aux personnes en situation de handicap, et la réduction de l’empreinte carbone. »

Selon les indications données à la mission par la DGESCO ([73]), les porteurs de projets ENT ont depuis lors été sensibilisés, via les académies, à l’été 2021 en vue de la rentrée 2021 pour prendre en compte le besoin éventuel du « tout distanciel » dans les tests de montée en charge ([74]). Chaque académie a ainsi organisé un échange avant la rentrée avec les collectivités territoriales et les prestataires d’ENT pour définir les mesures prises pour faire face aux différentes éventualités et s’assurer de la capacité des ENT à tenir la charge quel que soit le scénario retenu.

La DGESCO précisait en outre que, depuis la rentrée scolaire, l’ensemble des prestataires avait conservé des infrastructures identiques à celles mises en place en avril 2021, et certains avaient augmenté leurs capacités dès la rentrée scolaire. Quoi qu’il en soit, il semble impératif que la problématique de la montée en charge soit suivie avec le plus grand soin.

Proposition n° 6 : veiller à réaliser des tests de montée en charge pour assurer que, quels que soient les scénarios, les ENT seront en capacité de répondre aux demandes

4.   Des conditions d’exercice porteuses de nouveaux risques

Cet ensemble de situations s’est inévitablement traduit par des incidences fortes sur l’exercice-même du métier d’enseignant et nombre de professeurs font part d’une grande souffrance au travail.

Le bouleversement soudain des méthodes de travail sans y avoir été formé, l’isolement, la nécessité de s’approprier dans un temps très bref des outils non maîtrisés ni utilisés antérieurement, combinés aux difficultés techniques et au manque de matériel, ne peuvent qu’induire un état de tension sur les personnels soumis à de telles conditions, ne serait-ce que pour qu’ils aient le sentiment de rester « à la hauteur » de leur mission.

À la surcharge de travail forte à laquelle les personnels ont été soumis, se sont souvent ajouté lors des auditions des remarques touchant à la santé, à la souffrance au travail, à l’épuisement psychologique des enseignants comme des personnels de direction. Toutes les parties prenantes en conviennent, et nombre d’études le confirment.

les risques psychosociaux selon les personnels de direction

Source : « Le livre noir du numérique », in Revue Direction, n° 268, avril-mai 2020

Ainsi, les enquêtes réalisées à la demande du SNPDEN par deux chercheurs – M. Georges Fotinos, ancien inspecteur général de l’Éducation nationale, et M. José Mario Horenstein, psychiatre – ont par exemple souligné que l’anxiété, la dépression, voire des pensées suicidaires, ne sont pas rares chez les personnels de direction ([75]). De même, les résultats d’une seconde étude publiée en décembre 2021, intitulée « Crise Covid, pressions et épuisement professionnel : les personnels de direction à la recherche d’un nouveau souffle », soulignent-ils que « le Covid-19 a également eu un impact négatif sur l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle, selon sept proviseurs et principaux sur dix. On constate une perte d’intérêt et du sens de la mission au quotidien des chefs d’établissement. L’enquête montre par ailleurs que ces ressentiments sont loin d’être ponctuels. » ([76])  

Ici aussi, la DEPP apporte des confirmations sur le ressenti des personnels, qu’illustre le diagramme suivant.

Ressenti des personnels du premier degrÉ vis-À-vis de leurs conditions de travail pendant la pÉriode de confinement, en % ([77])

Source : Enquête « continuité pédagogique », DEPP, MEN, page 45

Quelques autres aspects ont aussi fortement pesé sur les enseignants.

En premier lieu, l’utilisation de leurs équipements personnels s’est traduite par la communication aux élèves et aux familles de leurs données de connexion personnelles, mails et numéros de téléphone, dont il a été fait, selon les témoignages sur ce point aussi unanimes, un usage immodéré, à toute heure. Il a ainsi été extrêmement fréquent que les professeurs reçoivent des mails ou des sms très tardivement, y compris le week-end, exigeant parfois une réponse quasi immédiate. En d’autres termes, le droit à la déconnexion des enseignants a fortement pâti d’un niveau d’attente et d’exigence à leur endroit de la part des parents d’élèves jusqu’alors inédit. Comme la rapporteure l’a formulé plus haut dans sa première proposition, pour éviter ces désagréments, il serait très opportun que les personnels de direction soient équipés d’un téléphone portable professionnel.

Proposition n° 7 : doter l’ensemble des enseignants d’une boîte mail professionnelle conviviale et performante, sans limite d’usage.

À cela se sont souvent ajoutées des attitudes inattendues de la part de nombreux parents, n’hésitant pas à faire intrusion dans les cours pour donner leur sentiment sur la conduite de la classe. En d’autres termes, de nouvelles relations se sont instaurées entre parents et enseignants, souvent dégradées par rapport à ce qu’elles étaient auparavant, voire parfois tendues, au point que certains ont évoqué en audition des questions de protection fonctionnelle. Si elles peuvent être positives – nul ne se plaindra sans doute d’un lien plus resserré entre parents et enseignants – force est de constater que les relations qui prévalaient naguère ont été bousculées et que ce qui a émergé l’a souvent été au corps défendant des enseignants. Le phénomène peut s’avérer problématique lorsqu’il se traduit par des formes de pression aussi fortes qu’inacceptables qui tendent à s’imposer aux professeurs et dans certains cas perdurer.

Par ailleurs, l’utilisation choisie de plateformes ne répondant pas aux exigences du RGPD fait courir des risques quant au respect de la vie privée, au droit de propriété intellectuelle, à la confidentialité – voire au piratage – des données personnelles. Les possibilités de captation d’images et de sons qui existent, en d’autres termes d’enregistrements et de diffusion de données biométriques, posent indiscutablement des questions graves.

5.   Le vécu des enseignants-chercheurs

Toutes choses égales par ailleurs, la perception est identique en ce qui concerne les personnels de l’enseignement supérieur.

Les auditions ont révélé que les préoccupations des enseignants-chercheurs sont les mêmes que celles des professeurs de l’enseignement primaire et secondaire. Les confinements ont imposé de réadapter les maquettes des cours, de travailler avec des emplois du temps excessifs, pour des résultats comparables, à savoir un décrochage important de la part des étudiants, faute de présentiel et d’accompagnement, faute de matériels et de connexion, et en conséquence un épuisement et une détresse généralisés du corps enseignant au bord du burnout. Le surcroît de travail pour la conversion des cours en visioconférence, la nécessaire modification de leur pédagogie en un temps très court et le manque de retour visuel de l’auditoire sont présentés par les enseignants-chercheurs comme des problèmes importants.

Les personnels de l’enseignement supérieur considèrent de manière unanime que si l’hybridation peut être positive, elle nécessite d’être préparée et cela prend du temps. Ici aussi, la dimension chronophage de cette période est douloureusement ressentie et l’impression prévaut que chacun a dû improviser, « bricoler » comme il l’a pu, bousculer ses méthodes pédagogiques, sauf peut-être dans quelques établissements qui s’étaient plus investis dans ces questions. Le professeur Olivier Faron, administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers et vice-président de la conférence des présidents d’universités, a par exemple expliqué lors de son audition ([78])  que le CNAM avait développé depuis longtemps un modèle hybride pour assumer sa mission de service public, associant présentiel et numérique, et que cela lui permet de former aujourd’hui quelque 700 000 personnes par an, pour la majorité à distance. Cette antériorité dans l’expérience, qui lui a permis de basculer immédiatement 95 % de ses cours en distanciel, en fait aujourd’hui l’un des leaders sur le marché international.

Le numérique au CNAM

« Au CNAM nous utilisons aussi BBB ([79]) depuis un an, interfacé via le plugin de Moodle. Avec les grèves de l’automne 2019, nous avons eu des pics (relatifs) d’une dizaine de classes virtuelles en même temps avec seulement 150 personnes connectées au total. À 20 participants dans la même classe virtuelle, nous n’avons pas eu de problèmes d’utilisation. En début d’année 2020, 3 serveurs BBB étaient reliés à cette quinzaine de serveurs Moodle : un pour le CNAM Pays de la Loire, un pour le CNAM Paris et un troisième pour les Moodle des autres régions. En moyenne ces serveurs BBB hébergeaient entre 150 et 250 webconférences par semaine. La semaine du 23 au 28 mars, nos serveurs ont hébergé plus de 4 500 webconférences ! Par rapport au mois de février, les connexions de cette première semaine de confinement ont augmenté en moyenne de 40 % sur notre portail, 68 % sur Moodle et 2078 % sur BBB. Le nombre d’utilisation de BBB est passé de 60 classes virtuelles quotidiennes à des pics de 900 par jour.

En plus de cet outil de classe virtuelle, le réseau CNAM dispose de la suite Office 365 qui intègre Teams qui a aussi été fortement utilisé durant le confinement aussi bien pour les réunions des personnels que pour des cours faits par les enseignants. Ces derniers avaient donc le choix, sachant que dans le cas de BBB l’enregistrement est automatiquement accessible par les étudiants au même endroit que la conférence en direct. Dans le cas de Teams, il est nécessaire soit de créer un lien, soit de déplacer l’enregistrement pour qu’il soit accessible par les étudiants dans la plateforme Moodle. »

(Vincent Dalmeyda, Direction nationale des usages du numérique, CNAM)

Source : AMUE, « Des usages numériques multiples et variés dans le contexte de l’enseignement supérieur et de la recherche », Juillet 2020

Afin de comparer la manière dont est pris en compte l’aspect chronophage de l’enseignement hybride ou à distance, la rapporteure souhaite mentionner l’exemple de l’Université du Québec, évoqué par M. Guillaume Gellé, vice-président de la Conférence des Présidents d’Université, où les obligations de service des enseignants et des enseignants-chercheurs ne sont pas comptabilisées comme en France : « chaque cours, quelle que soit la forme qu’il prend (cours magistraux, travaux dirigés, travaux pratiques, autres modalités pédagogiques), est équivalent à x crédits et un enseignant doit atteindre y crédits dans l’année pour effectuer la totalité de ses obligations de service. Le service n’est donc plus évalué en volume horaire mais en crédits et toutes les missions sont comprises et valorisées. » Cette évaluation en crédits permet donc de prendre en compte le temps passé par les enseignants et les enseignants-chercheurs à développer des modalités pédagogiques alternatives, à préparer un cours sous forme hybride ou à assurer le suivi de leurs élèves, des missions essentielles pourtant exclues de leurs obligations de service.

Hormis des cas relativement exceptionnels qui traduisent une dynamique institutionnelle ([80]), la plupart des enseignants-chercheurs se sont également autoformés ([81]) ou l’ont été avec l’aide de leurs pairs, venus à leur secours en urgence, comme l’illustre par exemple ce témoignage : « (…) panique à l’annonce du premier confinement, lorsqu’il a fallu basculer en quelques heures en ‟100 % distanciel”. L’idée des cours à distance n’est pas nouvelle. Notre école, comme beaucoup d’autres, y réfléchissait depuis plus de quinze ans. Nous avions déjà des formations à distance. Mais tout le monde n’était pas formé. On s’est retrouvés en quelques jours submergés d’e-mails et d’appels au secours de professeurs qui ne savaient pas comment activer leur caméra, démarrer un cours en visio sur Teams, lancer un tchat ou poster des documents sur la plateforme d’apprentissage de l’école. » ([82])

Ils expriment aussi les mêmes craintes que leurs collègues de l’enseignement scolaire quant aux risques qu’ils ont dû courir du fait de leur utilisation de systèmes non certifiés RGPD : captation d’images, droit de propriété intellectuelle, etc. Sur ces questions, notamment celles touchant à la propriété intellectuelle, des réflexions sont en cours au sein de la CPU et, selon ce qui a été indiqué à la mission, certains établissements ont par exemple d’ores et déjà fait le choix de modifier leur référentiel d’équivalence horaire pour prendre en charge la création de contenu pour l’enseignement à distance. D’autres ont lancé des appels à projet interne sur la transformation pédagogique et les innovations pédagogiques.

Cela étant, un autre point est fréquemment évoqué : celui de l’impact important sur la mission de recherche des enseignants-chercheurs, qui statutairement, représente la moitié de leur temps de travail ([83]). Non seulement de très nombreuses missions de recherche ont été suspendues pendant le confinement, mais l’aspect très chronophage de l’accompagnement des étudiants et de l’enseignement à distance a privé l’ensemble de la communauté des chercheurs d’un temps de recherche précieux et l’université, premier pôle de recherche dans notre pays, a de ce fait inévitablement perdu en capacité. Question d’autant plus aiguë qu’aux termes de l’article 3 du décret de 1984 précité, les activités d’enseignement sont par essence étroitement liées à la recherche, puisqu’elles visent à transmettre les connaissances que celle-ci a produites...

D.   Autant de questions et de risques bien connus…

Sans contester la soudaineté et la magnitude d’une crise qui a surpris le monde entier, les considérations précédentes appellent néanmoins quelques commentaires. Peut-être peut-on en effet s’interroger sur le manque de préparation des personnels enseignants et sur leur manque d’équipement à l’aube des années 2020, soit sept ans après que le législateur a institué un service public du numérique éducatif, même s’il convient de ne pas négliger que ces questions et ces risques ne sont pas spécifiques au monde enseignant.

La question des risques induits par le numérique n’est pas non plus tout à fait nouvelle. Elle est même de celles qui préoccupent le monde enseignant depuis longtemps.

L’enquête du projet de recherche eR!SK, publiée en décembre 2018 sur le site du Réseau Canopé ([84]), qui s’est déroulée durant les années 2016-2018, a permis de recueillir les opinions de plus de 3 100 enseignants. Elle a mis en premier lieu en lumière que la plupart d’entre eux déclaraient manquer de temps ou de moyens au cours de leurs premières années d’exercice pour faire de l’éducation au numérique et que 13,7 % admettaient se sentir totalement démunis pour gérer ce type de séances en classe. Il apparaissait aussi que, si la quasi-totalité des professeurs – 93,8 % –  indiquaient n’avoir jamais été confrontés à de réelles situations menaçantes avec le numérique, pour eux-mêmes ou leurs élèves, ils étaient néanmoins préoccupés par les risques techniques, informationnels et juridiques pouvant les impacter.

L’enquête concluait en soulignant : « L’enquête eR!SK sur les représentations des risques numériques montre de grandes disparités concernant la culture numérique des générations nées avec le numérique. Contrairement à ce qui pourrait être pensé, les enseignants qui débutent dans le métier ne sont pas plus nombreux à investir le champ de l’éducation aux nouveaux médias et à l’information sur le web et excluent, pour certains, des pratiques numériques qu’ils estiment sujettes à problèmes avec les élèves ou avec leurs parents. Ces enseignants affirment manquer d’informations sur les dangers réels du numérique, au-delà des discours médiatiques alarmistes, et plébiscitent pour 62,3 % d’entre eux la formation, même lorsqu’ils en ont déjà reçu au cours de leur cursus. »

Dans le même esprit, plus récemment, l’Autonome de solidarité laïque a recensé dans un livre blanc ([85]) d’innombrables témoignages sur les problèmes auxquels ont été confrontés les enseignants sans pouvoir y répondre et y mettre fin – insultes, reproches, provocations, agressions verbales ou écrites, propos racistes ou xénophobes, etc. – d’autant plus déstabilisants que leur isolement pendant le confinement les a placés dans une position de fragilité.

E.   Le soutien apportÉ aux enseignants et le bilan prÉsentÉ par le gouvernement

Comme le rappelle l’IGÉSR, le ministère de l’Éducation nationale s’est mobilisé en urgence pour apporter le soutien nécessaire aux enseignants leur permettant de faire face à cette situation inédite. L’organisation du dispositif s’est donc accompagnée de la part du ministère d’actions de formation et de la mise à disposition d’un certain nombre de ressources pédagogiques : « Dès le début du confinement, des lettres d’information et de conseils ont été envoyées, les sites académiques disciplinaires ont été adaptés et des pages spécifiques ont été consacrées à la continuité pédagogique. Au niveau national, des pages EDUSCOL dédiées ont été réalisées en collaboration avec l’IGÉSR. Les corps d’inspection ont d’ailleurs veillé à maintenir des contacts réguliers, par courrier électronique, par téléphone ou en visioconférence avec les enseignants. Il ressort des entretiens de la mission que ces actions ont été généralement bien ressenties par les enseignants, même si l’abondance des ressources a pu parfois les désorienter. » ([86])

1.   Les mesures de formation des enseignants et l’action du Réseau Canopé

De nombreuses actions de formation à distance ont été très vite mises en place, par différents acteurs. L’IGÉSR mentionne à cet effet le rôle des délégations académiques pour le numérique éducatif (DANE) et des inspections, qui ont tenu des ateliers à distance, publié des fiches d’accompagnement et créé des webinaires. Un travail sur le fléchage des ressources disponibles a notamment été fait.

outils et ressources utilisÉs par les enseignants (premier degrÉ, collÈges, lycÉes)

Source : IGÉSR, op. cit., page 18

Le Réseau Canopé a notamment été très réactif, de l’avis des syndicats d’enseignants auditionnés par la mission d’information, et de nombreuses formations ont été faites à distance dans ce contexte. Il a notamment aidé au tri dans la profusion des ressources ([87]). Après un premier dispositif d’urgence, par discipline, un site a été créé, « Cano Tech », qui propose plusieurs types de ressources : ressources numériques éducatives mises gratuitement à disposition (films d’animation, applications, jeux éducatifs, activités clés en main, etc.) ; articles proposant éléments de méthodologie, conseils et bonnes pratiques ; boîte à outils permettant d’aider les enseignants à créer des exercices interactifs en ligne, réaliser des présentations à distance, etc. ; sélection de ressources mise en ligne chaque jour en lien direct avec les activités proposées par le site « Ma classe à la maison ». Cano Tech est rapidement monté en puissance en quelques semaines après le premier confinement.

Le rôle du Réseau Canopé selon l’IGÉSR

« De nombreuses formations au numérique destinées aux professeurs ont été conçues et diffusées sur le réseau à titre gratuit, et elles ont touché près de 100 000 d’entre eux, notamment sous la forme de webinaires. Ainsi, non seulement Canopé a répondu à un besoin de crise, mais il a accompagné dans le même temps la formation des professeurs à la montée en puissance du numérique, ces derniers appréhendant à nouveaux frais l’innovation pédagogique et son adaptation future au numérique, et enrichissant pour beaucoup leur capacité d’utilisation du numérique, en combinant une meilleure attention aux élèves et une conscience plus aiguë de devoir personnaliser leur enseignement dans un esprit de « ‟différenciation pédagogique” ».

Source : IGÉSR : Recensement et analyse des actions numériques pendant la période Covid-19

Dans un deuxième temps, le Réseau Canopé a essayé de répondre à l’expression d’un besoin exprimé de personnalisation et a travaillé aux outils permettant d’aider les professeurs à mieux maîtriser le numérique dans leurs pratiques pédagogiques, avant de proposer, dans un troisième temps, une offre nationale de formation à distance, sur les relations humaines (gestion du stress, etc.) la remédiation/inclusion (accompagnement des élèves en difficulté), sur l’articulation présentiel/enseignement à distance. Selon les indications données à la mission d’information par Mmes Marie-Caroline Missir, directrice générale du Réseau Canopé, et Alexandra Wisniewski, directrice générale adjointe ([88]), il est significatif que ce soit ce dernier axe qui ait eu le plus de succès.

Les leçons apprises lors de cette crise se traduisent par le fait que le nouveau contrat d’objectifs et de performance du Réseau Canopé, pour la période 2021-2024, entré en vigueur très récemment, restructure fortement l’offre autour du numérique éducatif.

2.   Les ressources pédagogiques et le rôle du CNED

De son côté, le CNED a proposé, dès mars 2020 le dispositif de continuité pédagogique « Ma classe à la maison » constitué de trois plateformes et d’une solution de classe virtuelle pour les élèves et les enseignants. Conçu à la suite du cyclone Irma pour permettre d’assurer la continuité pédagogique en cas de fermeture d’établissements, le service a d’abord été déployé en Chine pour les élèves de l’AEFE en janvier 2020 dès le début du contexte épidémique, avant d’être lancé en France, en premier lieu dans les deux premiers départements ayant vu leurs établissements scolaires fermés – l’Oise et le Haut-Rhin – puis généralisé au niveau national lors du premier confinement.

Les trois plateformes ont proposé des parcours pédagogiques pour tous niveaux : l’école (de la petite section de maternelle au CM2) ; le collège (de la sixième à la troisième, ainsi que pour les sections d’enseignement général et professionnel adapté – SEGPA) ; le lycée (seconde et première rénovées – terminales L, ES, S et baccalauréat professionnel) avec des cours de spécialités pour les classes de premières générales.

En parallèle, le CNED a proposé un outil de classe virtuelle permettant aux enseignants et à leurs élèves de se retrouver et d’échanger, d’entretenir le lien et la dynamique de groupe. Il permet également aux enseignants de conseiller leurs classes sur les séances à travailler en priorité en fonction de la progression pédagogique, d’animer un cours à distance et de communiquer des ressources pédagogiques complémentaires. Selon l’IGÉSR, la classe virtuelle du CNED a connu un succès considérable et est arrivée en tête des applications utilisées, tant dans le premier que dans le second degré, respectivement 58 % et 65 %, des enseignants utilisateurs estimant que cet outil avait facilité l’exercice de la continuité pédagogique.

Le ministère a également mis à disposition des enseignants une nouvelle plateforme de services numériques partagés « apps.education.fr » rassemblant : un service de visioconférence, d’écriture collaborative, de blog, de forum et de partage de documents, de fichiers et de vidéos, afin de répondre aux besoins d’outils permettant de travailler à distance.

3.   Les premiers éléments de bilan présentés par le gouvernement

Lors de l’une des premières séances de questions au gouvernement organisées après la reprise des travaux parlementaires au début de la crise ([89]), le ministre de l’Éducation nationale a dressé un premier bilan des actions entreprises et indiqué à la représentation nationale : « L’enseignement à distance commence à faire ses preuves. Je compare régulièrement la situation de la France à celle des autres pays en Europe et dans le monde, et notre réactivité dans ce domaine a été unanimement saluée. Les professeurs font preuve d’un grand professionnalisme et d’un grand dévouement. La nation tout entière doit leur rendre hommage. Dans un moment comme celui-là, nous prenons conscience de la qualité de notre service public de l’éducation. Le Gouvernement entend donc favoriser l’enseignement à distance. À ce jour, la plateforme Ma classe à la maison a enregistré plus de 2 millions d’inscriptions. Elle est donc utilisée par plus d’élèves encore, et par un professeur sur trois. Nous avons également lancé l’opération Nation apprenante, qui associe différents médias publics et privés pour la diffusion de contenus éducatifs. Hier, France 4 a battu des records d’audience avec un programme d’école à la maison lancé à l’initiative du ministère de l’éducation nationale. Les contenus éducatifs qu’il permettra de diffuser seront de plus en plus riches. S’agissant de la connexion aux outils numériques, notre objectif est qu’aucun élève ne soit laissé au bord du chemin. Nous allons donc équiper ceux qui en sont privés et leur faire parvenir des équipements informatiques. Sur ce sujet, les collectivités locales, mais également le monde associatif, sont mobilisés (…) ».

Ressources utilisÉes par les enseignants pour la conception des activitÉs d’enseignement À distance, en %

Source : Enquête « Continuité pédagogique », DEPP, MEN, page 25

Le 21 avril suivant, M. Jean-Michel Blanquer estimera lors d’une audition devant la Commission des affaires culturelles et de l’éducation que le ministère avait eu l’occasion de se préparer peu à peu dans les semaines précédant le confinement, grâce à l’expérience acquise par le CNED. Si les débuts, mi-mars, ont certes été un peu difficiles, a reconnu le ministre, compte tenu de l’encombrement des réseaux, la situation s’améliorait grâce à la conjonction des différents canaux à disposition des enseignants, notamment « Ma classe à la maison », alors utilisée par quelque 400 000 professeurs, et les ENT, auxquels les professeurs étaient assez bien habitués, selon le ministre.

Un an de continuité pédagogique vu par le MEN

Lors du premier confinement, les services numériques ont permis d’accompagner près de 1,9 million de familles et ont recensé plus de 17,5 millions de visites. Du côté des enseignants, près de 480 000 utilisateurs ont été recencés sur la période.

Les trois plateformes ont connu une évolution similaire de leur fréquentation. Le pic de fréquentation a correspondu aux premières semaines de fermeture des établissements et notamment la dernière quinzaine de mars.

Sur la même période, 11,5 millions de classes virtuelles se sont tenues, pour une moyenne de 164 000 par jour.

Les environnements numériques de travail (ENT)

De mars à juin 2020, les ENT ont massivement contribué à la continuité pédagogique (+ 346 % de visites pour le mois de mars 2020) : 58 millions de pages vues par jour, 217 millions de visites pour le seul mois de mars 2020 et les premières semaines de continuité pédagogique.

Deux constats prouvent la mise en œuvre d’une continuité pédagogique à large échelle pendant la période de confinement :

– Des usages massifs sur l’ensemble du territoire national, pour toute la communauté éducative (élèves, enseignants et parents), et sur tous les indicateurs (nombre de visites, nombre de pages vues, durée moyenne des visites, etc.).

– Une augmentation considérable de l’utilisation des services pédagogiques (+ 226 % par rapport à la rentrée 2019), essentiellement sur les services visioconférence, parcours pédagogiques, stockage/partage de documents.

À la rentrée 2020, le dispositif de mesure d’audience des ENT a révélé des usages accrus par rapport à l’année précédente : pour la semaine du 9 novembre 2020, il y a ainsi eu près de 30 millions de visites (+117 %), cependant que les indicateurs relatifs aux classes virtuelles du CNED témoignaient d’une progression très forte, + 68 %, liée à la mise en œuvre d’une nouvelle organisation dans les lycées.

La période la plus récente a enfin mis en évidence une utilisation forte des services proposés par les ENT, témoignant sans doute de pratiques renforcées durablement, de même que l’utilisation des classes virtuelles du CNED dans les lycées.

Source : MEN (https://www.education.gouv.fr/mars-2020-mars-2021-un-de-continuite-pedagogique-et-de-gestion-de-la-crise-sanitaire-dans-les-ecoles-322704

Le ministre a ajouté que grâce notamment au professionnalisme de ses personnels, l’Éducation nationale faisait face à la situation dans les moins mauvaises conditions qui soient. Le souhait que chaque famille et élève soit au moins contacté une fois par semaine, voire plus, était respecté et 96 % des élèves étaient concernés par l’enseignement à distance. Les efforts de la communauté enseignante, des établissements ou des collectivités territoriales, le maillage territorial par téléphone et la distribution de matériels informatiques avaient d’ores et déjà permis de réduire les effets de la fracture numérique et sociale et le taux de 8 % d’élèves injoignables constaté au début du confinement était d’ores et déjà tombé à environ 4 % avant la fin avril.

Le graphique ci-dessous illustre le bond spectaculaire des usages pédagogiques du numérique, multipliés par 7 entre le début et la fin du mois de mars.

nombre quotidien de consultations de pages d’ENT en fonction de la date ([90])

Source : IGESR, octobre 2020

Cela étant, pour nombre de chercheurs, « l’Éducation nationale, en tant qu’institution, n’était pas du tout préparée à ce fait social total numérique qu’a été le confinement. Depuis quarante ans, malgré la succession des plans, le numérique s’articule encore mal avec l’univers scolaire. Au-delà des difficultés matérielles, des difficultés de connexion, ce sont surtout des difficultés de pratique du numérique pédagogique qui ont été dévoilées par le confinement articulées avec des expériences préalables et des capitaux culturels numériques très inégaux chez les enseignants (…) » ([91])

 


—  1  —

III.   les droits et obligations des enseignants dans le cadre de la continuitÉ pÉdagogique

Comme les développements précédents le montrent, le ministère de l’Éducation nationale a produit au long de cette période un ensemble considérable de textes et recommandations. Il a également mis à disposition du corps enseignant et des chefs d’établissements sur le site Éduscol ([92]) un grand nombre de ressources sur divers supports – cf. les nombreuses fiches mises en ligne – afin de leur permettre de faire face à la crise et d’assurer leur mission de service public au bénéfice des élèves dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire possible. Enfin, comme le montrent les développements ci-après, ces textes définissent aussi les droits et obligations des enseignants et les conditions d’exercice de leur métier.

A.   un cadre juridique finalement assez prÉcis…

Sans qu’il soit nécessaire de reprendre en détail les éléments présentés précédemment, on peut conclure que le rôle des principaux acteurs du système est désormais assez précisément défini par les différents textes publiés depuis les débuts de la crise sanitaire, notamment s’agissant de leurs droits et obligations.

1.   Une brève synthèse des droits et obligations

Il ressort de l’ensemble des circulaires émises au cours de ces derniers mois que, en cas de fermeture des établissements scolaires, les enseignants :

– doivent prendre les initiatives et mesures nécessaires pour :

- préserver le lien pédagogique à distance ;

- et maintenir les contacts avec leurs élèves en privilégiant les solutions les plus simples ;

– restent en activité ;

– sont responsables de la conception de leur enseignement ;

– continuent à dispenser leurs cours en exploitant autant que faire se peut les outils numériques à leur disposition ;

 restent joignables via les ENT selon un planning communiqué aux parents ;

– ne peuvent exercer de droit de retrait, compte tenu des mesures de sécurité sanitaire mises en œuvre par l’administration.

Pour leur part, les directeurs d’école et chefs d’établissement :

– sont responsables de la mise en cohérence des initiatives des enseignants au niveau de l’établissement ;

– restent joignables par les enseignants et les familles, par mails et téléphone, au moins sur les créneaux horaires habituels ;

– assurent une permanence téléphonique ;

– définissent en début d’année et en concertation avec l’ensemble des acteurs, le plan de continuité pédagogique de l’établissement qui prévoit les modalités d’enseignement et les emplois du temps qui auront à s’appliquer ;

– veillent à ce que les professeurs assurent effectivement la continuité pédagogique pour les élèves qui sont à distance, à due proportion de la quotité horaire de leur discipline, dans le cadre de classes virtuelles et de travail en autonomie ;

– veillent à la régularité et harmonisation des pratiques d’évaluation mises en œuvre pendant ces périodes ;

– assurent la liaison avec les services techniques pour résoudre les problèmes que peuvent rencontrer les enseignants.

Enfin, les services académiques :

– assurent le pilotage du dispositif ;

– mettent en place des mesures d’accompagnement des enseignants pour les soutenir dans le cadre de la mise en œuvre des plans de continuité pédagogique ;

– disposent notamment d’enseignants référents aux usages numériques (ERUN) et fournissent des conseils en ce qui concerne l’utilisation des ressources privées disponibles.

Toutes choses égales par ailleurs, la continuité pédagogique apparaît en conséquence comme l’application à l’Éducation nationale du principe constitutionnel de continuité du service public. De sorte que l’incertitude qui pouvait prévaloir initialement quant à la solidité du cadre juridique et statutaire de l’enseignement à distance s’estompe, au point que, comme on le verra plus loin, personne au sein de la communauté éducative ne préconise d’y apporter des changements importants.

2.   L’articulation avec le protocole sanitaire

L’ensemble des droits et obligations des enseignants ainsi définis est articulé avec le protocole sanitaire défini en juillet 2021 entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la santé, aux termes duquel quatre niveaux de situation sanitaire, activables par les préfets – vert, jaune, orange et rouge – ont été définis pour l’année scolaire 2021-2022 : qui correspondent à des dispositifs de réponses graduées pouvant être déclenchées au niveau national ou territorial – département, académie, région. Le but est de privilégier autant que faire se peut l’enseignement en présentiel pour tous les élèves sur l’ensemble du temps scolaire. C’est le cas lorsque les niveaux vert et jaune sont activés.

Lorsque la situation sanitaire impose le passage au niveau orange l’hybridation est « possible au lycée lorsque la configuration de l’établissement le nécessite », et notamment lorsqu’elle est indispensable à la bonne application des mesures prévues par le protocole. Enfin, le niveau rouge se traduit par l’hybridation systématique de l’enseignement au lycée ainsi que pour les collégiens des classes de 4e et de 3e, les effectifs étant limités dans ce cas à 50 % ([93]).

Dans sa circulaire de rentrée 2021, le ministre a demandé aux écoles et établissements publics et privés sous contrat de se préparer à toutes les éventualités et de se doter d’un plan de continuité pédagogique pour assurer la poursuite des apprentissages. Ces plans définissent les modalités d’organisation à l’échelle de chaque école et établissement et doivent reprendre les hypothèses d’enseignement hybride et à distance en articulant les dimensions pédagogique, numérique et matérielle, devant être déclinées en cas d’élèves « positif » ou « contact à risque ». En conséquence, un cadre précis est apporté à l’organisation retenue pour assurer la poursuite des apprentissages des élèves, qui est cependant mis en œuvre librement par l’enseignant, selon les précisions apportées à la mission d’information par la DGESCO. Il peut notamment être adapté en fonction des besoins propres de chaque élève, par exemple ceux à besoin éducatif particulier.

Il ressort de cela que si l’évolution de la situation sanitaire justifiait d’apporter des aménagements au sein des établissements, le dispositif de continuité pédagogique prévu dans la circulaire de rentrée s’appliquerait. Les enseignants et les élèves pourraient alors s’appuyer sur le plan de continuité pédagogique élaboré dans l’école ou l’établissement, et présenté en début d’année scolaire, afin d’identifier l’organisation mise en œuvre.

Il n’en reste pas moins qu’à l’heure où la rapporteure écrit ces mots, la priorité est de maintenir les écoles ouvertes et l’enseignement hybride ou à distance demeure, comme le note Le Monde dans un article du 11 janvier, « le parent pauvre de la crise sanitaire à l’école » ([94]) alors qu’il pourrait être une solution, notamment pour les élèves dont les classes sont fermées et qui ne bénéficient pas de continuité pédagogique.

Quoi qu’il en soit, le cadre juridique et statutaire des enseignants restant identique, celui du principe général de la continuité juridique du service public, leurs droits et obligations des enseignants dans leur service demeurent également identiques.

B.   … que, pour des raisons diverses, personne ne souhaite voir bouleversÉ

Cela étant rappelé, il est aussi opportun de souligner que personne, parmi les acteurs du système éducatif que la mission d’information a entendus, ne souhaite que des modifications soient apportées au cadre juridique et statutaire de l’enseignement à distance.

Plusieurs arguments sont avancés à ce propos.

1.   Rien ne justifie de modifier le cadre juridique et statutaire

Globalement, l’argument avancé se résume au fait qu’une situation exceptionnelle ne doit pas se traduire par des changements majeurs de pratiques, et consécutivement, de régulation.

a.   La position de l’administration centrale

En premier lieu, pour l’administration du ministère, pour que les enseignants exercent leurs fonctions à distance, il n’est en rien nécessaire de réécrire les textes, que ce soit le code de l’éducation ou les décrets du 30 juillet 2008 ([95]) et du 20 août 2014 ([96]). Concrètement, rien aujourd’hui, dans le cadre juridique et statutaire de l’enseignement, n’interdit ni n’entrave la continuité pédagogique qui, de fait, a été assurée conformément aux règles et protocoles en vigueur tout au long de la crise sanitaire.

En outre, comme on l’a vu, les droits et obligations des enseignants en période de crise sanitaire ont été précisés en tant que de besoin par les diverses circulaires qui s’inscrivent dans le cadre plus large de la continuité du service public, et des obligations qui s’imposent en conséquence à tout enseignant comme par ailleurs à tout fonctionnaire.

En conséquence, selon ce qu’indiquent les responsables de la DGESCO, dans l’hypothèse où un enseignant déciderait de ne pas assurer son service, la question se poserait dans les mêmes termes, qu’il exerce à distance ou en présentiel : l’administration devrait constater le manquement et l’entendre sur ses motifs, dans le cadre des procédures prévues pour cela. Au demeurant, des solutions existent pour certaines situations : ainsi, si le refus d’assurer les cours est fondé sur un problème d’équipement, un prêt par l’établissement est envisageable et le versement de la prime d’équipement représente également une solution à cette problématique. 

Cela étant, la législation en vigueur permet aux enseignants de faire valoir des droits, qui permettent de justifier un certain nombre de cas d’absence – motifs de santé, garde d’enfants, etc. – et en cela, il est heureux qu’il n’y ait pas de différence entre modes présentiel et distanciel.

b.   Pour les enseignants du primaire et du secondaire, avant tout : revenir au statu quo ante

De la même manière mais pour d’autres raisons, du point de vue des enseignants, le cadre juridique et statutaire n’a pas à être modifié. Il ne saurait en effet être question de tirer parti des bouleversements induits dans les modalités d’enseignement par une crise conjoncturelle pour changer la réglementation.

Les syndicats d’enseignants auditionnés ont été unanimes dans ce refus, exprimant fermement l’idée que l’enseignement à distance ne saurait être qu’exceptionnel et qu’il convient en conséquence de se garder de mettre le doigt dans un engrenage qui risquerait de le pérenniser de quelque manière que ce soit : « L’enseignement ne se télétravaille pas ! », a-t-il ainsi été fréquemment affirmé devant les membres de la mission d’information. C’est un métier de relations personnelles et entrer dans une logique qui risquerait d’atténuer cette dimension cardinale serait désastreux.

De nombreux aspects plaident au contraire pour la sanctuarisation de l’enseignement en présentiel, notamment les premiers bilans de cette période qui montrent par exemple clairement que l’efficacité de l’enseignement à distance tel qu’il a été mis en place a été moindre, en termes d’apprentissages, ou de motivation des apprenants de tous âges, des élèves de primaire jusqu’aux étudiants. Le décrochage constaté, l’impossibilité de respecter les programmes, sont autant d’indices que l’enseignement distanciel pratiqué pendant cette période est dégradé par rapport à la pédagogie présentielle classique.

L’enseignement à distance ou hybride semble aussi générateur d’inégalités sociales, puisque toutes les familles ne disposent pas des mêmes ressources ou des équipements pour accompagner leurs enfants. De même que l’opération « Devoirs faits » au collège a été construite pour diminuer les inégalités sociales, l’enseignement en présentiel reste la meilleure garantie de l’égalité des chances.

En outre, l’école est aussi un lieu majeur de relations interpersonnelles et de socialisation. D’une part, le rapport personnel entre l’enseignant et ses élèves ainsi que l’échange, indispensables au processus de transmission des savoirs, sont considérablement affadis, voire perdus, par la distance. D’autre part, le manque de relations sociales s’est révélé source de grandes souffrances psychologiques pour les enfants, les adolescents et étudiants, en raison du manque d’interaction sociale et de vie de campus, et de l’enchaînement des cours sur écran sans interaction forte avec l’enseignant ni les autres étudiants. En d’autres termes, la rencontre au sens large, entre enseignants et élèves, entre pairs, que permet la présence physique au sein de l’établissement est un impératif que ne peut évidemment apporter la relation distanciée, fut-elle maintenue tant bien que mal via la médiation des outils numériques. Pour ces raisons, l’enseignement à distance ne doit rester qu’une réponse ponctuelle, un pis-aller, ne justifiant en aucune façon que la réglementation soit révisée, même si la rapporteure insiste sur la nécessité, démontrée pendant la crise sanitaire, de renforcer la formation initiale et continue en matière de numérique au bénéfice des enseignants.

Il est opportun de souligner que même dans les cas où l’expérience de l’enseignement à distance a plutôt bien fonctionné, la réticence des membres de la communauté éducative est tout aussi importante et unanime.

C’est par exemple le cas au Lycée Arago de Paris, visité par les membres de la mission d’information ([97]). L’expérience d’hybridation synchrone qui y a été menée s’est faite dans des conditions que peu d’établissements ont connues : les enseignants ont par exemple pu bénéficier d’une formation grâce à la mobilisation interne et au soutien de la délégation académique au numérique éducatif (DANE), des équipements nouveaux ont été acquis par le lycée qui ont permis d’éviter les problèmes techniques que tant d’établissements ont rencontrés, chaque élève dispose de son ordinateur personnel et le lycée Arago ne connait pas de problématique sociale majeure. Pour autant, tout en reconnaissant la chance que ces aspects ont représenté et en soulignant le fait que l’hybride synchrone avait permis d’éviter aux élèves le taux de décrochage constaté ailleurs, personne ne souhaite prolonger l’expérience. Les enseignants, toutes disciplines confondues, invoquent les questions de pédagogie, de relations sociales, de frustrations, de charge de travail, de stress et de complexité à gérer la classe dans de telles conditions ; pour eux, le système a été sans doute la moins mauvaise des solutions, mais demeure une mesure d’urgence dont la pérennisation serait extrêmement préjudiciable à tous. Les élèves, de leur côté, mentionnent la surcharge de travail que cette méthode a induite pour eux, la perte de repères, les difficultés d’apprentissage et la grande souffrance psychologique due à l’isolement et au manque de relations sociales, que les caméras ne remplacent pas. Les parents ont également témoigné des dégâts causés par la période sur les enfants malgré les conditions dans lesquelles elle a été vécue au lycée Arago.

En conclusion, pour l’ensemble de la communauté éducative de cet établissement, même dans un environnement idéal, si l’hybride synchrone est la meilleure des bouées de sauvetage que l’on puisse imaginer en période de crise, elle doit en revanche être remisée au plus tôt pour revenir à l’enseignement présentiel.

c.   Le point de vue des universités

Pour les enseignants-chercheurs auditionnés, rien ne remplace non plus le présentiel. Pour autant, il y a un avant et un après confinement et tout le monde prend conscience de l’intérêt que ces nouveaux outils peuvent représenter. Ainsi, selon les résultats d’une enquête au sein des universités, présentés par M. Guillaume Gellée, vice-président de la CPU ([98]), une très large majorité (80,5 %) des établissements répondants écartent la probabilité d’un retour à l’ « ancienne normalité ». Les 77 établissements répondants escomptent un accroissement de la charge « webconférence », mais avant tout pour des usages d’administration et de recherche.

Si le présentiel doit rester la modalité d’enseignement principal en université, M. Guillaume Gellée estime toutefois que l’enseignement hybride n’est pas à négliger, car il peut être utile pour la personnalisation des parcours en fonction du profil d’apprentissage des étudiants. En outre, l’intérêt offert par la possibilité de revoir des cours enregistrés, notamment pour les étudiants contraints de travailler sur les horaires d’enseignement ne doit pas être négligé. Enfin, les possibilités de faire intervenir des personnalités étrangères en cours ou de regrouper des étudiants résidant dans d’autres pays, pour lesquels le décalage horaire ne permettrait pas une présence physique, sont à prendre en compte.

2.   Quelques aspects néanmoins à sécuriser

En revanche, un certain nombre d’attentes sont néanmoins exprimées par les membres du corps enseignant qui touchent essentiellement aux garanties qui pourraient être renforcées. Plusieurs sujets sont évoqués avec insistance, qui traduisent le besoin de sécurisation exprimé par les personnels.

Cela étant, selon la rapporteure, il ne semble pas non plus que cela nécessite des modifications du cadre juridique et statutaire. Sur la base de recommandations ou directives nationales, des compléments, par exemple insérés dans les règlements intérieurs des établissements, et de ce fait portés à la connaissance de toutes les parties prenantes, enseignants comme élèves et familles, devraient suffire.

a.   Déconnexion et charge de travail

● Ainsi en est-il de la question des sollicitations très nombreuses de la part des élèves et des familles que les enseignants ont subies sur leurs messageries et téléphones privés, et bien au-delà, fréquemment, des horaires normaux de service. En ce sens, les indications des circulaires ministérielles relatives aux maintiens des contacts avec les familles par les enseignants, à l’amplitude des plages horaires pendant lesquelles les chefs d’établissements devraient assurer des permanences, ont été de peu d’effets, et les uns et les autres ont été occupés beaucoup plus que ce qui était prévu. C’est très souvent à toute heure, y compris le dimanche, qu’ils recevaient courriels, sms et appels téléphoniques exigeant parfois une réponse immédiate.

Dans ces conditions, il importe tout d’abord de rappeler que le droit à la déconnexion, des enseignants comme de tout actif, est la condition d’une vie professionnelle et privée équilibrée et contribue à éviter burnout et autres dommages psycho-sanitaires. Ce droit doit être impérativement respecté. Il doit en conséquence être garanti par l’administration à qui il appartient de soutenir clairement les enseignants face à ce type de sollicitation. À tout le moins, cette question doit être rappelée de la manière la plus claire qui soit dans les règlements intérieurs des écoles et établissements pour être portée à la connaissance des parents et élèves.

● Dans le même ordre d’idées, la période d’enseignement à distance s’est traduite par une explosion du temps de travail des enseignants. Aux obligations de service d’enseignement régulées par les décrets de 2008 et 2014 précités, fixant les horaires réglementaires hebdomadaires et quantifiant diverses autres activités, se sont ajoutés plusieurs facteurs qui ont contribué à cet état de fait, tout du moins dans les tout premiers temps de la crise : la nécessité de prendre contact avec les élèves de manière individuelle, pour répondre aux consignes ministérielles de suivi personnalisé ; la nécessité de s’approprier des outils informatiques et de se former à l’utilisation d’applications méconnues, pour assurer le lien avec les élèves et dispenser un enseignement à distance ; la nécessité d’adapter la pédagogie à ces outils, qui a supposé une reformulation parfois complète des cours et la production de nouveaux supports, etc. Chacun de ces domaines a été extrêmement chronophage pour les personnels mis au pied du mur du jour au lendemain et dont les obligations de service ont inévitablement et largement excédé ce qui est prévu. Le nombre d’heures supplémentaires de travail a explosé, dont toutes n’ont pu être prises en compte selon ce qui a parfois été indiqué à la mission.

En ce qui concerne les directeurs d’école notamment, la rapporteure souhaite rendre une nouvelle fois hommage à leur implication très importante pendant la crise pour maintenir le lien avec les familles et mettre en place les protocoles sanitaires, implication qui s’ajoute à leurs responsabilités ordinaires. À ce titre, elle salue le versement à la rentrée 2020 puis la pérennisation d’une prime annuelle de 450€.

Il convient de souligner que « les travaux de préparation et de recherches nécessaires à la réalisation des heures d’enseignement, l’aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux élèves dans le choix de leur projet d’orientation en collaboration avec les personnels d’éducation et d’orientation, les relations avec les parents d’élèves, le travail au sein d’équipes pédagogiques constituées d’enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ disciplinaire » sont considérés comme relevant « pleinement du service des personnels enseignants (…), sans faire l’objet d’une rémunération spécifique supplémentaire autre que l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves régie par le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 », comme le précise une circulaire n° 2015-057 du 29 avril 2015 ([99]). Ce qui ne pose pas de problème en temps normal se révèle évidemment d’une autre nature, dans un contexte de crise d’une telle magnitude.

Ces aspects sont aujourd’hui d’une acuité moins forte que lors du premier confinement, dans la mesure où les choses se sont progressivement régulées, que la maîtrise des enseignants sur les outils numériques s’est renforcée et que l’expérience aidant, leurs pratiques pédagogiques ont évolué. Il a ainsi été rapporté aux membres de la mission que le temps de travail hebdomadaire était revenu à la normale lors du deuxième confinement. En outre, les dispositifs juridiques se sont étoffés, notamment avec l’élaboration du plan de continuité pédagogique, que chaque établissement doit désormais décliner localement, ce qui donne un cadre précis et connu de chacun. L’institution a anticipé, ses personnels sont désormais préparés et l’on imagine mal aujourd’hui qu’un état de sidération comparable à celui de mars 2020 puisse se répéter.

● Comme on l’a rappelé, l’enseignement primaire et secondaire n’entre pas dans le cadre du télétravail. Pour autant, la rapporteure rappelle que l’accord relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique ([100]) signé entre la ministre de la transformation et de la fonction publiques et les organisations syndicales unanimes le 13 juillet 2021, aborde naturellement cette question.

Il définit tout d’abord le droit à la déconnexion – « le droit pour tout agent de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel en dehors de son temps de travail » – et précise qu’il « a pour objectif le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle de l’agent » et que son effectivité « est un élément essentiel pour assurer de bonnes conditions de travail aux agents mais également le bon fonctionnement des services ». Cela suppose, est-il indiqué, d’établir des principes et des règles dans le cadre du dialogue social, de sensibiliser et de former les agents aux bons usages des outils numériques et à la nécessité pour chacun d’être vigilant au respect du droit à la déconnexion des autres, étant entendu que les conditions et la charge de travail, ainsi que les pratiques individuelles, sont des facteurs à prendre en compte. L’accord ajoute enfin qu’« un plan d’actions peut utilement être adopté dans le cadre du dialogue social de proximité » pour fixer notamment les modalités pratiques de déconnexion, les publics cibles ou encore les modalités d’ajustements de l’organisation pour adapter la charge de travail au temps de travail des agents.

Sur ces bases concrètes, rien ne semble faire obstacle à ce que le règlement intérieur des établissements scolaires décline les principes posés dans l’accord du 13 juillet 2021. Préparé par les chefs d’établissement en concertation avec les autres membres de la communauté éducative – représentants des personnels, des élèves et des parents d’élèves – adopté en conseil d’administration et ensuite signé par chaque parent et par chaque élève, le règlement intérieur pourrait inclure systématiquement des dispositions relatives aux conditions d’exercice à distance des enseignants et encadrer précisément les conditions et modalités de contact et de relation des élèves et de leurs parents avec les professeurs, en indiquant par exemple quand et de quelle manière ils sont joignables, et ce qu’il est attendu ou exigible de leur part. La rapporteure formule en conséquence une recommandation en ce sens.

Proposition n° 8 : rappeler les principes et conditions d’exercice du droit à la déconnexion dans le règlement intérieur des établissements

Au demeurant, les dispositions du code de l’éducation relatives au règlement intérieur sont suffisamment souples pour qu’il ne soit pas non plus nécessaire de les réviser, l’article L. 401-2 étant ainsi rédigé : « Dans chaque école et établissement d’enseignement scolaire public, le règlement intérieur précise les conditions dans lesquelles est assuré le respect des droits et des devoirs de chacun des membres de la communauté éducative. »

De la sorte, sans qu’il soit nécessaire de bouleverser le cadre juridique général, les garanties nécessaires, validées en début d’année par les élèves et leurs parents, et de ce fait opposables et incontestables, seraient apportées au corps enseignant. Lors de son audition, le directeur général de l’enseignement scolaire a en outre précisé que sur les problématiques de droit à la déconnexion, de respect de la vie privée, de confidentialité des données personnelles et de régulation de la charge de travail, le ministère allait mobiliser son partenariat avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), pour que les académies puissent apporter les réponses nécessaires à ces questions.

b.   D’autres points de vigilance évoqués

Dans le même ordre d’idées, parmi les aspects les plus sensibles rapportés lors des auditions, figurent notamment deux questions aisément réglables.

 La sécurisation de l’utilisation des outils numériques

Figurent notamment ici les problématiques touchant à l’utilisation des outils numériques non certifiés RGPD.

Comme on l’a vu, il n’a pas été possible aux enseignants, dans les tout premiers temps, de respecter les avertissements et consignes de non-utilisation qui leur avaient été adressés, compte tenu notamment de la défaillance des ENT officiels qui se sont très vite avérés incapables de supporter la surcharge exceptionnelle de connexions lors du premier confinement. Si l’utilisation d’outils numériques non autorisés a rendu possible la continuité pédagogique, elle n’en a pas moins posé un certain nombre de questions fondamentales, touchant au respect des droits fondamentaux des intéressés : droit à l’image ; respect de la vie privée ; droit de propriété intellectuelle ; risque de piratage des données personnelles, y compris biométriques – enregistrement de la voix – ; etc. Il s’agit, à juste titre, de l’une des inquiétudes les plus fortes de la communauté enseignante dont les syndicats se sont faits les porte-parole.

La prise en compte des questions de sécurité et de confidentialité des données par le ministère de l’Éducation nationale

Le respect de la vie privée, la confidentialité des données et plus largement, la sécurité des systèmes d’information (ENT, gestion de la vie scolaire, examens et concours, …) sont des aspects auxquels les équipes de la Direction du numérique éducatif (DNE) accordent la plus grande importance. Ils sont pris en charge dès la conception des projets de services numériques éducatifs.

Les données des usagers des ENT sont protégées grâce aux mécanismes de sécurité robustes et éprouvés mis en œuvre par les solutions ENT, encadrées au niveau national par le schéma directeur des ENT (SDET). Pour l’heure, aucun piratage des données d’un ENT n’a jamais été observé.

De la même façon, l’ensemble des systèmes informatiques du ministère et des académies fait l’objet d’une attention particulière, en amont, dès la conception des services, et en aval, grâce à la lutte contre les cyberattaques.

La mise en place de dispositifs comme Educonnect ou les gestionnaires d’accès aux ressources (GAR) permet de protéger l’identité des usagers, quels qu’ils soient (élèves, parents, professeurs, agents…) et garantir leur anonymat tout en préservant un haut niveau de service.

Dans cet esprit, un audit réalisé à l’été 2021 par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et la Délégation interministérielle du numérique (DINUM) s’est traduit par l’élaboration d’une vingtaine de préconisations qui ont donné lieu à l’élaboration d’un plan d’action suivi conjointement par le cabinet du ministre, la DGESCO et la DNE.

Source : DGESCO, communication à la mission d’information, octobre 2021

Pour autant, sur cette question aussi, il ne semble pas qu’il faille bouleverser le droit existant car la protection du droit à l’image existe d’ores et déjà dans notre pays et le droit en la matière est bien établi : concrètement, nul ne peut diffuser, publier, reproduire ou commercialiser une image – photographie ou vidéo – prise dans un lieu privé ou public, sans le consentement écrit et circonstancié de l’intéressé, dès lors qu’il est reconnaissable. Comme le précise à ce sujet le site de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), « le droit à l’image s’applique partout, y compris sur internet : chacun a sur son image un droit exclusif et absolu ; chacun peut s’opposer à la reproduction ou à l’utilisation de son image sans autorisation préalable ; avant de publier une photographie sur un réseau social comme Facebook, un internaute doit donc s’assurer que la personne concernée est d’accord. » ([101])

En outre, les choses ont heureusement beaucoup évolué en quelques mois quant aux capacités et caractéristiques techniques des ENT du ministère. Pour ne prendre qu’un exemple, les travaux réalisés par le CNED sur un outil comme la classe virtuelle, dont disposent aujourd’hui tous les enseignants, ont permis de prendre en compte l’ensemble des problématiques RGPD, et interdisent désormais toute possibilité d’enregistrement. De sorte que, à l’interdiction juridiquement établie s’ajoute aujourd’hui des verrous techniques installés sur les outils pédagogiques numériques préconisés et disponibles.

C’est la raison pour laquelle, comme un certain nombre d’interlocuteurs de la mission l’ont estimé, il ne paraît pas utile, pour la rapporteure, d’aller sur ces questions au-delà de la sensibilisation des personnes, élèves et familles. À ce propos, elle rappelle qu’une circulaire n° 2004-035 du 18 février 2004 ([102]) avait été publiée par le ministre délégué à l’enseignement scolaire, Xavier Darcos, sur la protection du milieu scolaire. Dans un paragraphe relatif aux « Mesures de formation, de sensibilisation et de responsabilisation des utilisateurs », le ministre y insiste sur la nécessité d’une véritable prise de conscience des problèmes éventuels dans le domaine de la sécurité et sur la responsabilisation de tous les acteurs qui doit passer par la contractualisation de l’usage. Pour ce faire, il annonce que « Chaque établissement et école devra établir une charte d’utilisation de l’Internet et l’annexer au règlement intérieur. Elle devra être signée par les élèves et leurs parents dans le cas des élèves mineurs ». Un modèle ([103]) à compléter selon les spécificités de chaque établissement, est annexé à la circulaire. Il aborde la nécessité de respecter la législation – respect de la vie privée, du droit à l’image, respect de la propriété intellectuelle, intégrité physique et morale (problématiques de la diffamation et des injures) –, définit les droits des utilisateurs ainsi que les engagements de l’établissement en matière de protection des utilisateurs et de leurs données à caractère personnel, et rappelle les engagements de chacun : respect de la législation, préservation de l’intégrité des services, utilisation rationnelle et loyale des services.

En d’autres termes, sur ce plan aussi les dispositifs juridiques de protection des personnels existent d’ores et déjà. Ils sont solides.

À ce propos, un recensement pourrait être utilement entrepris par le ministère, dans la mesure où une forte demande d’information et de sensibilisation des enseignants est exprimée, comme l’Autonome de solidarité laïque, qui mène des actions de formation importantes sur ces questions, a pu en témoigner lors de son audition devant la mission d’information. La rapporteure tient à signaler à ce propos qu’une convention est en cours d’élaboration entre l’ASL et le ministère, aux termes de laquelle l’association dispensera des formations juridiques à ses adhérents – quelque 500 000 personnels de l’Éducation nationale – notamment sur les problématiques de responsabilité civile et pénale des enseignants, de droits et obligations des fonctionnaires, de risques liés aux usages du numérique ou encore de prévention du harcèlement.

Peut-être les services du MEN pourraient-ils également envisager de préciser ou de compléter ce document, plus de quinze ans ayant passé depuis le lancement de cette initiative, voire même de publier une nouvelle circulaire, qui actualiserait l’information pour l’ensemble de la communauté éducative. Toute autre action, d’ordre juridique, paraît cependant redondante.

Proposition n° 9 : inclure une charte des bons usages au sein du règlement intérieur des établissements scolaires réitérant notamment les dispositions de la circulaire de 2004 relatives à la responsabilisation des utilisateurs des outils du numérique éducatif.

 Les risques d’accidents du travail

Par ailleurs, la question des éventuels accidents du travail dont pourraient être victimes les enseignants exerçant à domicile a fréquemment été soulevée lors des auditions.

Ce sujet est l’un de ceux que l’accord du 13 juillet 2021 aborde. Il est ainsi précisé que « l’agent en télétravail bénéficie de la même couverture des risques que les autres agents de son service d’appartenance, s’agissant des accidents du travail. Les accidents survenus en situation de télétravail relèvent des accidents de service sous réserve qu’ils aient eu lieu pendant les heures de télétravail et dans le cadre des fonctions exercées par l’agent en télétravail. » Sont également énumérées les conditions dans lesquelles l’accident de trajet peut être reconnu.

Toutes choses égales par ailleurs, il ne semble pas qu’il soit pertinent ou légitime d’introduire quelque particularité que ce soit au bénéfice des enseignants. Il n’apparaît donc pas que la prise en compte de ces aléas justifie de s’écarter de ce qui est d’ores et déjà prévu tant dans la loi – articles L. 822-18 ([104]) et 822-19 ([105]) du code général de la fonction publique – que dans l’accord du 13 juillet 2021.

 


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IV.   et maintenant ? recommandations pour une vÉritable stratÉgie du numÉrique Éducatif

Au-delà de la question de l’enseignement hybride et à distance, de l’articulation entre présentiel, distanciel ou hybride, et de l’importance de chacune de ces modalités, ce qui s’est essentiellement joué ces derniers mois porte sur la place du numérique dans le système éducatif. Pour la rapporteure, ce sujet est finalement d’une autre importance que les strictes problématiques juridiques et statutaires à l’origine de la réflexion de cette mission d’information.

Car la crise sanitaire a certes été soudaine et d’une magnitude exceptionnelle, elle a bouleversé le quotidien de la communauté éducative nationale pendant de longues semaines, et continue de le faire aujourd’hui, mais nul ne peut dire que les sujets qui sont au cœur de la continuité pédagogique n’avaient pas été pensés et que le système a été pris de court. Au contraire, on pourrait même être tentés de s’étonner de la montée de la thématique du numérique éducatif depuis mars 2020, dans la mesure où cela fait maintenant plus de vingt ans que la réflexion est engagée, au point qu’un service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance a été institué par la loi de juillet 2013 de refondation de l’école de la République. On peut supposer qu’il aurait dû contribuer, au long de ces années, à préparer la communauté éducative à faire face à ce genre d’aléas.

Il paraît de ce fait opportun de s’appuyer sur les travaux engagés pendant la crise et au premier chef sur les propositions des États généraux du numérique éducatif, ainsi que sur les initiatives mises en place depuis 2017, dans le but de formuler quelques recommandations qui aideront à lui donner plus d’effectivité. En d’autres termes, de tracer quelques lignes directrices pour un plaidoyer en faveur d’un véritable numérique éducatif.

A.   s’appuyer sur les recommandations des États gÉnÉraux pour accÉlÉrer la transformation numÉrique de l’Éducation nationale

1.   Les États généraux du numérique pour l’éducation ont formulé des recommandations concrètes en matière de formation professionnelle

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les conclusions des États généraux du numérique pour l’éducation reviennent, une nouvelle fois, sur la question de la formation des enseignants.

La proposition n° 6, « Renforcer la formation initiale et continue (culture numérique et compétences numériques professionnelles) » détaille les différents items à creuser pour permettre à chaque professeur d’acquérir « une culture numérique, les connaissances et compétences ainsi que la maîtrise continue des outils indispensables à l’exercice de son métier ». Sont énumérés à cet effet les axes :

– Élaborer un référentiel décrivant finement les compétences numériques éducatives professionnelles (ingénierie de formation avec le numérique, médiatisation de ressources, prise en compte de l’accessibilité…) ;

– Mettre à disposition des enseignants et des cadres un vade-mecum leur donnant les clefs numériques (techniques et pédagogiques) pour être autonomes sur leur territoire ;

– Développer des gestes professionnels spécifiques à l’enseignement avec le numérique, concevoir des activités qui génèrent de l’interactivité et de la collaboration entre élèves ;

– Former à la création de scénarios de classes hybrides (synchrone, asynchrone, audio, vidéo, captation du seul tableau, podcasts, etc.) avec les ressources associées ;

– Repenser les méthodes d’évaluation en s’appuyant sur le numérique pour engager les élèves dans les processus d’apprentissage, réfléchir aux objectifs de l’évaluation, proposer des recommandations ciblées ;

– Adapter les formations aux disciplines, au cycle d’enseignement et aux différentes pratiques pédagogiques (modalités mixtes, classe inversée, pédagogie par le jeu…) y compris aux pratiques innovantes permises par les outils numériques (machine learning, intelligence artificielle, par exemple).

La rapporteure remarque avec intérêt que les outils numériques sont désormais considérés par les professeurs comme indispensables à l’exercice de leur métier. D’où il ressort que la crise sanitaire, pour brutale qu’elle ait été, n’aura pas eu que des effets négatifs.

Parmi les autres propositions des États généraux du numérique pour l’éducation relevant de la thématique n° 1, « Enseigner et apprendre le numérique et avec le numérique », figurent notamment, à destination des enseignants :

– La certification des compétences des professeurs avec PIX à l’entrée dans le métier et en cours de carrière (proposition n° 7) ;

– La diversification des modes de formation au et par le numérique et le renforcement de la place du Réseau Canopé comme opérateur de formation continue (proposition n° 8) ;

– La fourniture d’une aide ciblée à l’équipement numérique des professeurs (proposition n° 17) ;

– La mise en œuvre du référentiel d’accessibilité spécifique pour les ressources numériques éducatives (proposition n° 22).

La quatrième thématique, « Travailler ensemble autrement/Culture numérique professionnelle commune », énumère les propositions nos 23 à 28 suivantes :

– Généraliser un environnement numérique de travail pour tous les personnels avec des outils de travail collaboratifs, (afin d’« offrir à tous les personnels un environnement de travail modernisé ») ;

– Encourager la mutualisation au niveau national des services numériques développés dans les territoires ;

– Créer des dispositifs d’accompagnement des cadres pour organiser le « travailler ensemble » ;

– Créer des dispositifs d’accompagnement pour l’animation des communautés éducatives et des collectifs personnels (pour partager les solutions, encourager le travail entre pairs et créer une culture commune) ;

– Mettre en place des démarches et des outils participatifs au sein des écoles et des établissements (pour permettre l’adhésion la plus large et créer un climat de confiance) ;

 Renforcer et mieux reconnaître les acteurs du numérique dans les territoires (pour accompagner la transformation des pratiques au plus près des besoins).

Enfin, la proposition n° 31 – relevant de la thématique n° 5 « Favoriser le développement d’un numérique responsable et souverain » – vise notamment à construire et promouvoir des outils performants assurant à l’Éducation nationale l’indépendance numérique, à « donner des directives claires aux enseignants sur les outils et ressources à utiliser respectant le cadre du RGPD et engager leur responsabilité ».

Comme la rapporteure l’a montré au long des développements qui précèdent, qu’il s’agisse des travaux du comité de suivi de la loi de refondation de 2013 ou des observations de la Cour des comptes, des études de la DEPP, ce sont autant de propos que les membres de la mission d’information ont entendus à leur tour, et dans les mêmes termes, lors des auditions qu’ils ont organisées : sur tous les sujets – formation, ressources pédagogiques, évolution de la pédagogie, services numériques, problématiques de matériels, connexion, etc. –, rapport après rapport, les conclusions sont identiques. La rapporteure salue d’ailleurs la mise en œuvre rapide de certaines des propositions des États-Généraux du numérique pour l’éducation, par exemple le versement d’une prime d’équipement.

2.   Dès 2017, des initiatives fort bienvenues

La rapporteure souhaite également rappeler qu’un certain nombre d’initiatives ont été prises depuis 2017 qui apportent chacune leur pierre à l’édifice, et sont des pistes pour accélérer la transformation numérique. Elles concernent tout à la fois les élèves et les enseignants.

 Un cadre de références des compétences numériques, courant de l’école primaire à l’université, a tout d’abord été défini, inspiré du cadre européen, dans un souci d’harmonie dans une perspective de mobilité des élèves et des étudiants au sein de l’Union européenne. Il est structuré en cinq domaines et seize compétences numériques, et comporte huit niveaux de maîtrise progressive de ces compétences.

Cette formation est dispensée par les établissements dans le cadre des enseignements en lien avec les programmes et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, conformément au cadre de référence des compétences numériques. C’est dans ce cadre que la certification PIX s’inscrit, ouverte à tous, aux élèves à partir de la 5e jusqu’aux étudiants, professions et même à l’ensemble des citoyens, qui permet d’attester d’un niveau de compétences numériques certifié et reconnu par l’État et le monde professionnel.

● Dans le même ordre d’idées, dans le cadre de la réforme du baccalauréat, un enseignement de spécialité « numérique et sciences informatiques » (NSI) est dispensé depuis 2018 à partir de la classe de première, et depuis 2020 en terminale, qui renforce la formation des lycéens aux différents domaines de l’informatique. En cohérence, une formation spécifique à destination des enseignants a été instituée, dans le cadre d’un diplôme universitaire et de la création d’un Capes « Numérique et sciences informatiques ». Sur cette thématique importante, la rapporteure souhaite rappeler que la mission d’information conduite par le président de la Commission des affaires culturelles et de l’Éducation en 2018 avait recommandé – proposition n° 7 – qu’une agrégation d’informatique, en plus du CAPES, soit également créée. Le rapporteur, M. Bruno Studer, jugeait que « la création d’un CAPES et d’une agrégation d’informatique est désormais indispensable pour former et recruter des enseignants des matières créées – ‟Humanités scientifiques et numériques” et ‟Numérique et sciences informatiques”. La création de ces nouveaux concours apparaît, en outre, nécessaire pour asseoir le statut disciplinaire de l’informatique. Les mentions complémentaires pour les professeurs des autres disciplines ne devraient, pour autant, nullement être abandonnées, dans la mesure où l’informatique revêt un caractère transdisciplinaire. » ([106]) Chacun conviendra que la crise sanitaire a montré que cette analyse était plus que jamais d’une brûlante actualité. Cela étant, la seconde partie de la proposition n’a pour le moment pas été suivie d’effet et la rapporteure la réitère ici.

Proposition n° 10 : créer une agrégation d’informatique

B.   plaidoyer pour une vÉritable stratÉgie du numÉrique Éducatif

Tant sur les constats formulés par la Cour des comptes que sur les axes définis par les États généraux du numérique, c’est à des conclusions identiques que M. Audran Le Baron, nouveau directeur du numérique éducatif, est arrivé lors de son entretien avec les membres de la mission d’information ([107]). Il plaide pour une véritable stratégie du numérique éducatif assise sur un cadre de référence général et la formation des enseignants.

1.   Mettre les acteurs en ordre de marche

a.   Proposer un cadre de référence général pour un objectif commun

La question de l’opportunité de développer le numérique éducatif écartée – compte tenu des possibilités qu’il permet, que la continuité pédagogique a amplement démontrées indépendamment des problèmes qui se sont posés sur le terrain au plus fort de la crise sanitaire – nul ne pourra contester que la mise en œuvre des recommandations formulées dans d’innombrables rapports s’est heurtée à une certaine inertie. Les bonnes idées foisonnent – cf. les « 40 recommandations du CNNum ([108]) pour bâtir une école créative et juste dans un monde numérique », en octobre 2014, mais ne se sont traduites, depuis des années, que par une accumulation d’initiatives sans réelle cohérence, parfois ou souvent redondantes, faute d’un travail préalable de structuration qui aurait permis au ministère de tracer un cap à suivre par l’ensemble de la communauté éducative.

Les acteurs qui participent au système sur le territoire national sont nombreux – État, académies, opérateurs, enseignants, collectivités territoriales, entrepreneurs de l’Ed-Tech – et leurs intérêts ne sont sans doute pas nécessairement convergents. Ils n’en constituent pas moins un écosystème dont le fonctionnement, pour être harmonieux et efficient, requiert un cadre de référence partagé.

En ce sens, la rapporteure fait sienne l’analyse du directeur du numérique éducatif qui souligne l’importance d’une cartographie générale du numérique éducatif dans ses grands items – pédagogiques, administratif, vie scolaire, messagerie, tchat, etc. – qui permettrait de définir les responsabilités de chacun et d’assurer l’interopérabilité cohérente de leurs apports, qui aujourd’hui fait défaut.

Ce sujet est évidemment cardinal et la rapporteure ne peut manquer de relever que, sur ce sujet comme sur d’autres, les alertes sont anciennes et connues. Il n’est par exemple que de rappeler que le rapport de la mission d’information de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation conduite par son président en 2018 avait formulé diverses recommandations portant par exemple sur la publication d’un « ‟Guide du numérique à l’école” à l’intention des maires des petites communes et des présidents des intercommunalités, recommandant une mutualisation des moyens au niveau de l’intercommunalité pour les plus petites communes, et l’acquisition d’une mallette numérique par école » (Proposition n° 12) ou encore sur l’encouragement à choisir un « prestataire unique par région concernant les espaces numériques de travail utilisés dans les collèges et les lycées » (Proposition n° 13). ([109])

La même année que la Cour des comptes rendait son rapport sur le numérique éducatif, en 2019, des chercheurs publiaient une étude soulignant notamment que les choix des collectivités « ne sont pas uniformes sur les territoires et peuvent ainsi révéler des stratégies locales de déploiement du numérique éducatif de plusieurs ordres. Ces stratégies sont conçues au prisme de deux logiques (à la fois antagonistes et synergiques), celle qu’incarne l’État français (i.e. logique jacobine de centralisation) et celle qu’expriment, dans les territoires, les équipes pédagogiques des écoles primaires (i.e. logique de décentralisation) et les collectivités (elles-mêmes assujetties à des choix complexes). Soumises aux obligations des directives ministérielles de l’Éducation nationale d’une part, ces dernières doivent aussi répondre d’autre part aux attentes de leurs concitoyens, notamment à travers des choix budgétaires motivés. » ([110])

Lors de son audition ([111]), Mme Elisabeth Laporte, rectrice de l’académie de Strasbourg, a ainsi indiqué que la crise avait révélé des carences, malgré l’anticipation du rectorat, et notamment combien l’implication des collectivités territoriales était une donnée importante à prendre en compte en l’état actuel du dispositif, qui se trouve en quelque sorte en être tributaire, notamment au niveau du premier degré et des collèges, précisait-elle. Dans le même ordre d’idées, le professeur Bruno Devauchelle faisait remarquer ([112]) que si l’école n’avait pas été prête en mars 2020, c’est aussi du fait de fortes disparités territoriales quant à la gouvernance des systèmes informatiques, par exemple, et que l’autonomie des académies avait quelque peu démuni la DNE. Certes, il existe un schéma directeur national, le SDET, mais il est non contraignant et ne donne pas au ministère la possibilité d’un véritable pilotage des ENT – aujourd’hui très hétérogènes quant à leurs contenus et aux supports matériels. Ces disparités sont autant de facteurs d’inégalités entre les élèves, les mêmes solutions et moyens étant de facto très loin d’être offerts à tous sur le territoire national, comme le soulignaient notamment les associations de parents d’élèves, déplorant que certains départements proposent matériels et maintenance quand d’autres ne s’engagent absolument pas sur ce terrain. ([113]) Le ministère devrait donc avoir un rôle à jouer pour traiter ces questions d’inégalités territoriales et une politique nationale permettrait d’établir un socle garantissant un service minimal commun, une véritable interopérabilité des solutions proposées par les différents acteurs, tels les éditeurs.

De fait, à la lueur de ce qui s’est joué durant la crise sanitaire, certains acteurs régionaux s’expriment également en ce sens. Selon une étude de l’IGÉSR publiée à la fin de 2020, ([114]) « les régions expriment le souhait d’un cadrage national précis des modalités d’enseignement à distance ou en mode hybride, non dans le but d’atteindre une improbable unité pédagogique régionale ou même nationale, mais parce que cela permettrait de mieux garantir une complémentarité́ des équipements numériques des lycéens et des équipements numériques des collégiens, voire, au-delà, de favoriser une continuité technique entre le second degré et le premier degré. » L’inspection générale cite notamment le cas des régions Grand‑Est et PACA, qui expriment toutes deux la nécessité d’une vision systémique qui s’impose aujourd’hui, après avoir fait le constat d’investissements souvent considérables dans les équipements numériques éducatifs se heurtant à un certain déficit d’appropriation des membres du corps enseignant ou des élèves. Réunir les différents acteurs concernés sur quelques points clefs est d’autant plus urgent que la progression du numérique éducatif est exponentielle.

Les territoires numériques éducatifs

L’expérimentation, lancée en 2020-2021 dans l’Aisne et le Val-de-Marne, a été étendue à dix autres départements : Bouches-du-Rhône, Cher, Corse-du-Sud, Doubs, Finistère, Guadeloupe, Hérault, Isère, Vienne et Vosges. Elle mobilise 27,3 millions d’euros.

Les Territoires numériques éducatifs offrent l’opportunité de bâtir un système éducatif
– de la maternelle au lycée – capable de répondre à deux ambitions indissociables : l’élévation générale du niveau et une plus grande justice sociale. Ils doivent également permettre d’accélérer la transformation et de mieux anticiper les enjeux de déploiement du numérique dans les territoires.

Pour le MEN, il s’agit en premier lieu d’enrichir les pratiques pédagogiques et d’améliorer le résultat des élèves en développant les compétences numériques des élèves, des professeurs et des parents et en permettant un changement des pratiques enseignantes (exemple : l’hybridation) en vue de renforcer l’autonomie et l’engagement des élèves.

L’objectif est également d’assurer plus de collaborations, de renforcer le lien école‑famille en assurant des échanges d’informations et de bonnes pratiques, en développant des procédures de mutualisation, en faisant vivre des alliances vertueuses entre les parents et l’école, et d’accompagner les parents en situation de décrochage numérique en maintenant un cadre de confiance et une protection des données personnelles.

Enfin les TNE ont pour objectif de renforcer la résilience du système éducatif, notamment en cas de crise, en faisant émerger les approches, méthodes et solutions les mieux adaptées à chaque territoire, en se servant de ce qui est fait dans les territoires pour assurer une diffusion dans toute l’académie, en évaluant la pertinence et la faisabilité d’une généralisation de l’expérimentation à l’échelle de tout le pays et en organisant la gouvernance du numérique à l’échelle d’un territoire.

L’expérimentation est mise en œuvre via des actions :

 - de formation de chaque enseignant de façon personnalisée en fonction de ses besoins, de son parcours et de ses savoir-faire ;

 - d’équipement,de chaque salle de classe, chaque enseignant et chaque élève avec du matériel neuf et performant ;

 - de mise à disposition d’une sélection de ressources et d’outils numériques pédagogiques ;

 - d’accompagnement des parents pour favoriser leur implication dans la scolarité de leur enfant.

 

Source : MEN (https://www.education.gouv.fr/les-territoires-numeriques-educatifs-306176 )

La rapporteure invite en conséquence au lancement par le ministère d’une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes, qui devra se concrétiser par l’élaboration d’une stratégie nationale du numérique éducatif. Elle sera destinée à mettre en œuvre l’ambition définie par le législateur en 2013 en instituant le service public du numérique éducatif.

Aux yeux de la rapporteure, cette stratégie devrait aussi prendre en compte au moins deux axes d’une importance tout à fait cardinale.

b.   Deux axes complémentaires : penser l’exception autant que les temps normaux

D’une part, elle devrait s’attacher à « penser l’exception » pour que, dans la mesure du possible, le système éducatif ne soit plus pris de court comme il l’a été en mars 2020. En d’autres termes, il est indispensable d’anticiper autant que faire se peut pour être prêt à se mettre en ordre de bataille le moment venu.

Sans forcément n’avoir à l’esprit que des situations aussi graves que celle due à la Covid-19, d’autres aléas, climatiques par exemple, comme l’ont évoqué plusieurs interlocuteurs de la mission, peuvent amener les autorités à imposer la fermeture d’établissements ou rendre impossibles les transports scolaires. Dans de telles conditions empêchant élèves et professeurs de se retrouver au sein des établissements, un basculement temporaire vers des formes d’enseignement à distance peut s’avérer indispensable, dans lesquelles l’utilisation des outils numériques serait pertinente. En d’autres termes, il s’agit d’innover pour mettre en place des alternatives permettant au système scolaire de continuer à remplir sa mission de service public dans l’intérêt supérieur des élèves.

En second lieu, il s’agit aussi, si ce n’est surtout, de penser aux temps normaux, à savoir de travailler à la mise en œuvre d’un numérique éducatif « au long cours », hors situation de crise, et en conséquence, de réfléchir dès à présent à l’évolution de la pédagogie.

Pour deux raisons.

D’une part, parce que, quoi qu’en disent les réfractaires, on ne peut raisonnablement imaginer que, une fois la crise de la Covid-19 passée, on reviendra au statu quo ante, après ce que le monde éducatif vient de connaître et de vivre. Pour douloureux qu’il ait été, ce bouleversement doit représenter un acquis et il est nécessaire d’en retirer la leçon. Tous les acteurs n’ont pas bénéficié des mêmes conditions de départ, tous n’ont pas réagi de la même manière, avec les mêmes connaissances et pratiques, la même énergie ou le même enthousiasme. Tous ne présentent pas le même bilan. Une analyse collective doit être produite et les bonnes expériences être partagées. Et surtout, ce qui apparaîtra comme positif pour l’efficacité pédagogique devra être pérennisé.

D’autre part, parce qu’il convient de mettre enfin en application l’ambition de la loi de 2013 dans toutes ses dimensions et de considérer ce que signifie sur ce plan la mission confiée à l’école et aux enseignants, il est indispensable de former les citoyens et adultes de demain qui vivront dans un monde bien plus numérisé qu’il ne l’est d’ores et déjà.

À ce propos, il n’est pas inutile de rappeler les termes de l’article L. 111-2 du code de l’éducation : « La formation scolaire favorise l’épanouissement de l’enfant, lui permet d’acquérir une culture, le prépare à la vie professionnelle et à l’exercice de ses responsabilités d’homme ou de femme et de citoyen ou de citoyenne. Elle prépare à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. Elle favorise également l’éducation manuelle. Elle développe les connaissances, les compétences et la culture nécessaires à l’exercice de la citoyenneté dans la société contemporaine de l’information et de la communication. Elle favorise l’esprit d’initiative et l’esprit d’équipe, notamment par l’activité physique et sportive. Les familles sont associées à l’accomplissement de ces missions. »

Aux yeux de la rapporteure, cette mission particulière est une responsabilité majeure pour l’école, qui doit tout d’abord se mettre en ordre de marche pour la mener à bien, en d’autres termes, garder l’initiative pour ne pas subir.

Cela suppose une approche systémique et cohérente, dans laquelle les enseignants ont toute leur place : nul autre qu’eux ne saurait être chargé de cette mission. Cela suppose en tout état de cause qu’ils soient formés pour cela. Consécutivement, de prendre la question de leur propre formation au numérique et à la pédagogie par le numérique à bras le corps, pour sortir de la situation dans laquelle ils se sont trouvés lors de la crise.

2.   Les enseignants au cœur du dispositif : problématiques de formation au numérique

Mettre en ordre de marche l’ensemble de la communauté éducative dans cette optique suppose en premier lieu de porter une attention particulière à ses principaux acteurs, les enseignants, sans lesquels rien ne se fera, comme la rapporteure vient de le souligner. Il est en effet troublant de constater, comme les membres de la mission d’information l’ont fait au long de leurs auditions, que les professeurs crient leur désarroi dû à leur manque de formation à la pédagogie numérique tout en étant quelque peu réticents à évoluer vers cette dimension.

Les recommandations de la mission d’information sur l’école dans la société numérique en matière de formation des enseignants

Proposition n° 17 : renforcer la formation des enseignants du premier degré à l’informatique ;

Proposition n° 18 : favoriser l’ouverture de tiers lieux et de tiers temps à destination des enseignants, afin que ces derniers puissent mener des démarches de projet, de coréflexion et de co-construction concernant l’utilisation pédagogique des outils numériques ;

Proposition n° 19 : généraliser les maisons universitaires de l’éducation, réunissant les ESPE et une antenne de Canopé dans un même lieu, voire les services du DASEN ;

Proposition n° 20 : sécuriser le cadre de l’utilisation du numérique en classe (en matière de protection des données notamment) en fournissant une information claire sur son cadre réglementaire aux inspecteurs, aux personnels des délégations académiques au numérique, aux chefs d’établissement et aux enseignants ;

Proposition n° 21 : former les chefs d’établissement aux démarches techniques et clarifier à leur intention les processus et acteurs nécessaires pour le déploiement de leur projet numérique ;

Proposition n° 22 : organiser l’accès aux ressources numériques en créant une plateforme unique des ressources pédagogiques numériques à destination des enseignants, et valoriser, sur cette plateforme, les ressources produites par les enseignants ainsi que celles permettant de pratiquer une pédagogie différenciée ;

Proposition n° 23 : créer un concours national de l’innovation numérique pour les ressources produites par les enseignants ;

Proposition n° 24 : informer les enseignants des chaînes Youtube de référence en matière de numérique éducatif et des sites internet créé par des enseignants, de référence également ;

Proposition n° 25 : créer une certification optionnelle des chaînes Youtube bien installées par le ministère, ou par les enseignants eux-mêmes, à travers un dispositif de certification participative.

Source : Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Rapport n° 1296 du 10 octobre 2018.

De nombreux aspects d’une importance majeure sont ici en jeu. Comme le faisait en effet remarquer il y a quelques années Mme Catherine BecchettiBizot ([115])  « Les outils en eux-mêmes ne font rien, même s’ils facilitent l’accès à une grande variété de supports et de ressources. Ce sont les stratégies et les scénarios mis en place par les enseignants pour construire des situations d’apprentissage adaptées et efficaces qui font la différence. ».

a.   La formation initiale

En d’autres termes, c’est d’appropriation du numérique éducatif par les enseignants qu’il s’agit. Comme le faisaient remarquer les auteurs du rapport de l’IGÉSR précité ([116]), cela ne signifie pas forcément que les professeurs aient nécessairement la maîtrise de nombreux logiciels, mais plutôt qu’ils aient eux aussi une vision du numérique et de la façon dont cet outil, leur métier et leurs pratiques pédagogiques s’articulent et se confortent. Cela pose en premier lieu la question de leur formation initiale, au sein des masters « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) dispensés par les INSPÉ, et de leur formation continue au long de leur carrière.

À ce propos, il est surprenant de voir que les circulaires de février et mars 2020 aient dû évoquer la question de la formation des enseignants alors que tout était en place dans la loi et qu’un arrêté du 28 mai 2019 ([117]) dispose que, au sein des masters MEEF, « La formation prend en compte les outils numériques et leurs contextes d’usage. Les étudiants et les enseignants sont formés à l’usage pédagogique des outils et ressources numériques. La formation intègre leur mise en œuvre et assure l’acquisition des compétences figurant dans le cadre de référence des compétences numériques. Leur maîtrise de ces compétences est attestée par une certification. »

Cette formation est indispensable. Elle doit s’inscrire dans la durée, compte tenu des modalités complexes de ces formes d’enseignement, l’enseignement hybride, par exemple, étant par nature très différent d’un enseignement alternant présentiel et distanciel. Elle doit tenir compte des contenus des enseignements dont tous ne sont pas aisément adaptables à la distance.

Pour autant, malgré les dispositions réglementaires, il ne semble pas que les INSPÉ aient à ce jour réellement intégré dans les cursus qu’ils proposent aux futurs enseignants les enseignements numériques comme ils le devraient. En effet, bien que le directeur général des ressources humaines du MEN ait indiqué à la mission ([118]) qu’environ trente heures de formation étaient inscrites dans les masters MEEF pour familiariser les étudiants à ces outils, un rapide survol de quelques sites d’INSPÉ suffit à montrer que le dispositif est très loin d’avoir atteint son rythme de croisière, dès lors que certains, voire de nombreux, programmes de formation de professeurs ne proposent que des matières relatives à la discipline enseignée, sans autre ouverture… Pour M. Bruno Devauchelle, la place du numérique dans la formation initiale des enseignants n’est en fait pas clarifiée au sein des INSPÉ et le problème est effectivement profond.

S’agissant de la formation de futurs professeurs de collèges et lycées, et à titre d’exemple, le site de l’INSPÉ de l’académie de Paris présente les programmes de formation qu’il dispense. Celui du master « MEEF mention Second degré parcours Économie-Gestion » est présenté comme ayant « pour vocation de préparer les étudiants à acquérir les compétences professionnelles (disciplinaires, didactiques, pédagogiques, liées au contexte d’exercice du métier, liées au numérique) du métier de professeur d’Économie-Gestion. Le master comprend une préparation intensive au CAPES d’Économie-Gestion et une initiation à la recherche en relation avec les pratiques professionnelles. » Pour autant, comme on le voit ci-dessous, tant en première année qu’en deuxième année, la place faite au numérique reste assez peu visible. Il en est de même de la plupart des autres formations, à l’exception notable du cursus du parcours « documentation », ou de ceux relatifs à quelques disciplines scientifiques. Le master MEEF mention Second degré parcours « Mathématiques » propose par exemple en première année un enseignement intitulé « Outils numériques pour l’enseignement des mathématiques ».

Les enseignements du « MEEF Économie-Gestion » - INSPÉ de Paris

Source : INSPÉ Paris.

b.   La formation continue

La formation continue des enseignants constitue le second volet. En ce sens, la réforme récente du Réseau Canopé qui en fait l’acteur de cette mission est opportune et le nouveau contrat d’objectifs et de performances 2021-2024 semble ouvrir effectivement la voie à un réel renforcement des compétences des enseignants, dans la mesure où l’on relève parmi les ambitions stratégiques qui sont déclinées « Devenir un réseau de formation tout au long de la vie des enseignants dans un environnement numérique », « Porter une offre de formation intégrée dans les stratégies académiques en proximité avec les enseignants » et « Identifier ou concevoir puis diffuser une offre de ressources, de services numériques intégrée aux actions de formation des enseignants ».

Cela étant, il convient de rappeler, comme on l’a vu au cours des développements précédents, que la formation continue des enseignants ne rencontre pas forcément le succès escompté. En d’autres termes, il est heureux que l’offre existe, mais sans doute faudrait-il qu’une forme d’obligation statutaire de formation au numérique éducatif soit instituée, car, comme le faisaient remarquer les représentants des syndicats d’inspection ([119]), entre autres observateurs, d’une manière générale, ce sont souvent les mêmes enseignants qui participent aux formations continues. La question se pose aussi de l’utilité pour l’administration d’un suivi de la formation continue à mettre en relation avec les usages pédagogiques, afin de pouvoir valoriser les enseignants formés.

Proposition n° 11 : instituer une obligation statutaire de formation au numérique éducatif intégrant l’utilisation des ENT.

Dans le même ordre d’idées, la rapporteure fera remarquer que s’agissant de l’enseignement supérieur, l’article 3 du décret n°2014-997 du 2 septembre 2014 ([120]) dispose que « Tout enseignant-chercheur peut bénéficier, sur son temps de travail, d’une formation continue concernant les différentes missions qu’il exerce, notamment dans le cadre de l’article L. 721-2 du code de l’éducation ([121]) ». Cette formation continue n’est donc en rien obligatoire et, dans la mesure où les représentants des syndicats de l’enseignement supérieur ont également insisté sur le manque de préparation dans lequel se sont trouvés les personnels en mars 2020, peut-être serait-il opportun de réfléchir à une forme d’obligation…

Cela étant, ces recommandations ne trouveront leur pleine mesure que si e ministère de l’Éducation nationale reformule aussi sa politique du numérique. En effet, si l’on en croit une étude récente de l’Institut Montaigne, non seulement la politique en faveur du numérique éducatif déployée dans les établissements est trop limitée, en comparaison de ce qui se passe dans de nombreux pays, mais « le ministère de l’Éducation nationale peine à sortir d’une focalisation excessive sur le numérique comme outil au détriment du numérique comme objet d’enseignement. En 2021, 93 % du budget du numérique éducatif est consacré à la création de logiciels de gestion internes au Ministère de l’Éducation et à la maintenance logicielle. Seul 7 % de ce budget est consacré à la formation des élèves et des enseignants. (…) la crise du Covid a révélé combien le besoin de formation des enseignants au numérique est important. Dès lors, une réorientation des crédits relatifs au numérique devra faire l’objet d’une étude approfondie afin qu’ils bénéficient davantage à la formation des élèves et des personnels de l’Éducation nationale. » ([122])


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   Liste des propositions

 

Proposition n° 1 : généraliser les ENT dans toutes les écoles et établissements, y compris primaires, pour faciliter la communication avec les parents.

Proposition n° 2 : promouvoir l’utilisation des ENT au sein de la communauté éducative.

Proposition n° 3 : doter les directeurs d’école et chefs d’établissement d’un téléphone portable

Proposition n° 4 : impliquer les enseignants des écoles et établissements ainsi que les parents d’élèves dans la définition des plans de continuité pédagogique et le leur communiquer.

Proposition n° 5 : réaliser un inventaire des moyens et outils des établissements à disposition des enseignants, notamment des capacités de charge et de connexion à internet.

Proposition n° 6 : veiller à réaliser des tests de montée en charge pour assurer que, quels que soient les scénarios, les ENT seront en capacité de répondre aux demandes

Proposition n° 7 : doter l’ensemble des enseignants d’une boîte mail professionnelle conviviale et performante, sans limite d’usage.

Proposition n° 8 : rappeler les principes et conditions d’exercice du droit à la déconnexion dans le règlement intérieur des établissements

Proposition n° 9 : inclure une charte des bons usages au sein du règlement intérieur des établissements scolaires réitérant notamment les dispositions de la circulaire de 2004 relatives à la responsabilisation des utilisateurs des outils du numérique éducatif.

Proposition n° 10 : créer une agrégation d’informatique

Proposition n° 11 : instituer une obligation statutaire de formation au numérique éducatif intégrant l’utilisation des ENT


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   Travaux de la commission

 

La commission a examiné le rapport d’information au cours de sa réunion du mercredi 19 janvier 2022.

La commission a ensuite autorisé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 

Ces débats n’ont pas fait l’objet d’un compte rendu écrit ; ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11761521_61e7c9c6be7dc.commission-des-affaires-culturelles--cadre-juridique-et-statutaire-de-l-enseignement-hybride-ou-a-d-19-janvier-2022

 

 


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   annexe 1 :
Liste des personnes auditionnÉes

PERSONNES AUDITIONNÉES À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

(par ordre chronologique)

 

                 Table ronde des syndicats de l’enseignement primaire :

 Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU)  Mme Marie Denis, secrétaire nationale, et M. Serge Bontoux, secrétaire national

 Syndicat national des écoles (SNE-CSEN) M. Laurent Hoefman, président, et M. Pierre Favre, vice-président

 Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) M. Sébastien Vieille, secrétaire national à la pédagogie, et Mme Sylvie Morante Cazaux, professeur des écoles, membre

                 Table ronde des syndicats de l’enseignement secondaire :

 Syndicat des enseignants de l’union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) Mme Claire Krepper, secrétaire nationale, et Mme Stéphanie Martinet, conseillère technique

 Syndicat général de l’éducation nationale-Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) – M. Pascal Kittel et M. Alexis Torchet, membres

 Syndicat national des collèges et lycées (SNCL) – M. Norman Gourrier, secrétaire général

                 Table ronde des syndicats de l’éducation nationale :

 Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN – UNSA)  Mme Valérie Queric, secrétaire nationale, et M. Fabien Decq, membre de l’exécutif syndical national

 Syndicat national unitaire des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNUPDEN) FSU – M. Igor Garncarzyk, principal, et M. Jean Klein, principal adjoint

 Indépendance et direction (ID-FO)  Mme Valérie Kroes, proviseure de lycée à Nîmes (académie de Montpellier), et M. Frédéric Scherrer, principal de collège à Beaune (Académie de Dijon)

                 Table ronde des syndicats de l’inspection de l’éducation nationale :

 Syndicat national de l’inspection de l’éducation nationale (SI-EN) – Mme Elisabeth Jardon, secrétaire générale adjointe chargée du secteur second degré, et M. Patrick Roumagnac, secrétaire général

 Syndicat national des inspecteurs d’académie-Inspecteurs pédagogiques régionaux (SNIA-IPR)  M. Christian Champendal, secrétaire général, et Mme Marie Musset, secrétaire générale adjointe

 Syndicat des inspecteurs d’académie (SIA) – Mme Sabine Bobee, inspectrice académique-inspectrice pédagogique régionale (académie de Paris), membre de la CAN du SIA

                 Table ronde des syndicats de l’enseignement professionnel :

 Syndicat de l’enseignement professionnel public (SNUEP-FSU) – M. Axel Benoist, co-secrétaire général, et M. Jérôme Dammerey, représentant au Conseil supérieur de l’Éducation

 Syndicat national de l’enseignement technique et professionnel des PLP et des CPE, Action, Autonome (SNETAA-FO)  M. Pascal Vivier, secrétaire général, et M. Maxime Pedro Sanchez, secrétaire national

 CGT Educ’Action – M. Jean-François Petit, secrétaire national

                 Table ronde des syndicats de l’enseignement supérieur :

 Syndicat national des personnels titulaires et contractuels de l’Éducations nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la culture (SNTPES) – M. Alain Favennec, secrétaire général de la FA-ENESR, et M. Jérome Giordano, secrétaire national

 Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP-FSU)  M. Christofol Hervé, secrétaire général, et Mme Nathalie Lebrun, membre

 Syndicat général de l’éducation nationale-Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT)  Mme Françoise Lambert, secrétaire nationale

                 Direction du numérique pour l’éducation – M. Jean-Marc Merriaux, directeur

                 Réseau Canopé  Mme Marie-Caroline Missir, directrice générale, et Mme Alexandra Wisniewski, directrice générale adjointe

               Table ronde des syndicats de lycée agricole :

 SNETAP-FSU  M. Yoann Vignier et Mme Clémentine Mattei, cosecrétaires généraux

 UNSA-SEA  M. Stéphane Robillard, secrétaire national adjoint, et M. Jean-Jacques Henry, représentant SEA-UNSA au Conseil national de l’enseignement agricole

 FO-enseignement agricole  M. Jean-Pierre Naulin, représentant

                    Audition commune :

 M. Stéphane Bonnery, professeur de sociologie à Paris 8

 Mme Fabienne Montmasson-Michel, maître de conférence à Poitiers

                 Table ronde des directeurs académiques des services de l’Éducation nationale (DASEN) :

 Académie du Val d’Oise  Mme Guylène Mouquet-Burtin, directrice académique, et M. Philippe Alverny, inspecteur de l’éducation nationale en charge du numérique dans le département

 Académie des Yvelines – M. Luc Pham, inspecteur d’académie, DASEN des Yvelines, et M. Jean-Pierre Nugue, principal du collège Les Châtelaines de Triel-sur-Seine

 Académie du Bas-Rhin  M. Jean-Pierre Geneviève, directeur académique, et M. Marc Neiss, délégué académique au numérique éducatif

                    Audition commune :

 Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)  M. Edouard Geffray, directeur général

 Direction des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale  M. Vincent Soetemont, directeur général

 Direction des affaires juridiques du ministère de l’Éducation nationale – M. Guillaume Odinet, directeur

                 Centre national de l’enseignement à distance (CNED) M. Michel Reverchon-Billot, directeur général, M. Jean-Michel Leclercq, directeur de cabinet, et Mme Katia Toussaint-Thibaudeau, directrice de l’achat et des affaires juridiques

                 Mme Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice à l’Éducation nationale

                 Conférence des Présidents d’Université (CPU) (*)  M. Guillaume Gellé, vice-président, président de l’Université de Reims-Champagne Ardenne, et M. Kévin Neuville, conseiller pour les relations parlementaires et institutionnelles

                 Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation – M. Patrick Nédellec, délégué aux affaires européennes et internationales, M. Manuel Bouard, délégué adjoint pour l’Enseignement supérieur, M. Siegfried Martin-Diaz, chef du département des stratégies de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche, et M. Joaquim Nassar, chef du département stratégie, expertise et gestion des programmes de coopération internationaux

                 Délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (DREIC)  Mme Nathalie Nikitenko, administratrice civile hors classe, cheffe de service déléguée

                 Table-ronde des associations de parents d’élèves :

Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE)  Mme Nageate Belhacen, co-présidente

 Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves (UNAAPE)  Mme Valérie Desouche, secrétaire générale adjointe, et Mme Somhack Limphakdy, administratrice

 Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP)  M. Laurent Zameczkowski, vice-président, et M. Emmanuel Garot, administrateur

 Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL)  M. Gilles Demarquet, président, et M. Christophe Abraham, chargé des relations avec le Parlement

               M. Bruno Devauchelle, chercheur associé au laboratoire Techné à l’Université de Poitiers, formateur/consultant, chroniqueur au Café pédagogique, et M. Jean-François Cerisier, professeur des universités en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Poitiers

               Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)  M. Jean Hubac, sous-directeur de l’innovation, de la formation et des ressources, M. François Wolf, adjoint du directeur du numérique pour l’éducation, et Mme Amélie Miermont, chargée de mission continuité pédagogique

                    Audition commune :

 Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) M. Olivier Faron, administrateur général

 Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) (*)  M. Philippe Dépincé, président de la commission « formation et société », et directeur de Polytech Nantes

               M. Pascal Plantard, professeur à l’Université Rennes2, chercheur au CREAD, Fondateur et coordinateur de la filière USETIC-TEF (DU, DEUST, LP et Master)

               Autonome de Solidarité Laïque  M. Vincent Bouba, président, M. JeanLouis Linder, vice-président, Mme Sylvie Guyot, secrétaire générale, et Mme Cihem Gharbi, conseillère en affaires publiques

               Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) – M. Jean-Paul Negrel, directeur-adjoint, et Mme Rozenn le Guennec, directrice de l’enseignement, de l’orientation et de la formation, IA-IPR

               M. Audran Le Baron, directeur du numérique éducatif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


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annexe  2:
Liste des personnes rencontrÉes lors des dÉplacements

 

            Visite du lycée de Wissembourg le 15 octobre 2021 :

 M. Pascal Halftermeyer, chef d’établissement, président

 M. Daniel Jacky, proviseur adjoint

 Mme Sandrine Paul, proviseur adjoint

 Mme Isabelle Hoffmann, directrice déléguée aux formations professionnelles et technologiques (DDFPT)

 M. Gilles Bucher, professeur de mathématiques, professeur ressource au numérique (PRN)

 Mme Catherine Hunckler, professeur d’éco-gestion

 Mme Johanna Laliberté, professeur de lettres modernes

 Mme Évelyne Lett, professeur de SVT

 M. Leonel Lopes, professeur de SII, administrateur MBN

 Mme Corinne Starck, professeur d’allemand

 M. Jonathan Strub, PLP de maths-sciences

 Mme Anne-Charlotte, PLP d’éco-gestion

 Anaïs Baesseler, élève de 2nde 01

 Laura Geoffroy, élève de 2nde ASSP

 Morgane Girolt, élève de 1ère 03

 Norah Kiefer, élève de 1ère STMG 1

 Dominik Krettek, élève de 2nde SM

 Monica Samuel-Guimaress, élève de 1ère EPC

 Maéva Venance, élève de terminale 05

 Lucas Wilgenss, élève de terminale STI2D

 Marie-Amélie Willig, élève de 1ère AGORA

Déplacement à Strasbourg :

       M. Alexandre Sanfilippo, proviseur-adjoint au Lycée Kléber

       Référents au numérique et le personnel technique en lien avec le dispositif « Lycée 4.0 »  M. Lapp, professeur d’anglais, M. Gonzales, professeur de mathématiques et de SNT, M. Mutzig, professeur de physique-chimie, M. Gremmel, agent de la région Grand Est, M. Mangeol, professeur d’EPS, et M. Nafziger, professeur documentaliste

       Mmes Becker, Yahyaoui, Albert, Benelhadj, Blandin, Siffer, Hild et Neumann, et MM. Mangeol, Hitter, Mathiot, Couderc, Gutter et Gomez, professeurs coordonnateurs de disciplines

       Mmes et MM. Alicia Edzave, Jeanne Rondet, Adam Smail, Carla Giffault, Sarah Gasser-Kuznig, Marie Bouvier, Camélia Castan, Pauline Livernais, Jacques Ousmanov et Mila Rome, élèves élus au Conseil de la vie lycéenne

       Mme Elisabeth Laporte, rectrice de l’académie de Strasbourg, et M. Marc Neiss, délégué académique au numérique, conseiller de la rectrice

 

Déplacement dans deux lycées parisiens :

       M. Philippe Taillard, conseiller du recteur de l’Académie de Paris, délégué académique au numérique

       M. Georges Benguigui, proviseur du lycée Arago, M. Michel Peschel proviseur adjoint, ainsi que :

 Mmes Neyroud, Chatelut, Deraet et de Cecco, parents d’élèves

 Mme Ramond (Anglais), Mme Hick (Lettres), M. Malamut (Lettres), M. Grandin (Maths), M. Neghyef (Maths), M. Levy (Maths), M. Pradeau (Maths), M. Thierry (Documentaliste), M. Bellil (Science de l’ingénieur), M. Ananos (Histoire-Géographie), enseignants

 Mme Héloïse Ricard, M. Ali Boina-Mhoma, M. Junior Spenger, Mme Lou Alamo, M. Matéo Quattrociocchi, et Mme Nada Atia, élèves

       Mme François Sturbaut, proviseure de la cité scolaire Paul Valéry, ainsi que des représentants d’enseignants, de lycéens et de parents

 


([1])  Rapport n° 1296 de M. Bruno Studer du 10 octobre 2018.

([2])  Tables rondes des mercredis 23 et 30 septembre 2020.

([3])  Sont notamment évoqués les possibilités d’adaptation du travail au rythme et besoins des enfants, le développement de la collaboration entre élèves et de leur autonomie, le rapprochement des familles avec l’école, l’amélioration des échanges au sein de la communauté éducative, la possibilité de nouveaux apprentissages que ce soit pour l’insertion des enfants handicapés ou l’enseignement de langues.

([4])  Rapport au ministre de l’Éducation nationale, n° 2017-056, mai 2017, page 52.

([5]) « Nouveau référentiel des compétences des métiers du professorat et de l’éducation », arrêté du 1er juillet 2013 ; (annexe) ; https://www.education.gouv.fr/bo/13/Hebdo30/MENE1315928A.htm?cid_bo=73066.

([6]) Circulaire n° 97-123 du 23 mai 1997.

([7])  Rapport au ministre de l’Éducation nationale, Marcel Pochard, La documentation française, janvier 2008, page 57.

([8])  « Le manuel scolaire à l’heure du numérique, une nouvelle donne de la politique des ressources pour l’enseignement », Rapport n° 2010-087, Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche-Inspection générale de l’Éducation nationale, juillet 2010.

([9]) Conseil supérieur des programmes.

([10])  Rapport annuel 2016, Comité de suivi de la Loi de refondation de l’école de la République, décembre 2016, page 108.

([11]) « Lors de ses rencontres avec les enseignants, il sera dit au Comité de suivi que les ressources, quand elles sont connues, sont de qualité mais qu’il est extrêmement difficile de s’y repérer et que, bien souvent, ces derniers demandent aux inspecteurs de “faire le tri” et de leur indiquer quelles ressources ils peuvent utiliser. »

([12]) Cour des comptes, « Le service public du numérique pour l’éducation », rapport public thématique, juillet 2019.

([13]) Laurène Bocognano (DEPP-B4), « Le numérique éducatif : que nous apprennent les données de la DEPP ? », document de travail n° 2021.S03, août 2021.

([14]) Axelle Charpentier, Laetitia Longhi, Christelle Rafaëlli et Anaëlle Solnon, (DEPP-MENJS) « Le métier d’enseignant : pratiques, conditions d’exercice et aspirations, les apports de l’enquête Talis 2018 ».

([15])  Cour des comptes, « Le déploiement du numérique pour l’éducation : un défi encore à relever », Cour des comptes, février 2019

([16])  Hormis les possibilités offertes par le chapitre IV – « Les établissements privés dispensant un enseignement à distance » – du Titre IV – « Les établissements privés » – du code de l’éducation.

([17])  Audition du 22 juillet 2021.

([18])  Arrêté du 3 novembre 2017 portant application au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature et Arrêté du 6 avril 2018 portant application dans les services centraux relevant des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, les services déconcentrés et les établissements relevant du ministre de l’éducation nationale du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature.

([19])  Article 123-4-1 du code de l’éducation.

([20]) Article 123-7 du code de l’éducation.

([21]) Introduit par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

([22])  Article D 611-10.

([23])  Article 3 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut du corps des professeurs d’université et du corps des maîtres de conférences.

([24])  « Soutenir la transformation pédagogique dans l’enseignement supérieur », Claude Bertrand, chef de la mission de la pédagogie pour l’enseignement supérieur, 14 mars 2014.

([25]) Pour l’Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE), il n’y a même quasiment pas de formation pédagogique dans le supérieur. cf. Brigitte Albero et Philippe Charignon, qui évoquent à ce propos « l’amateurisme apparent des établissements universitaires sur les questions d’enseignement et de formation » ; « e-pédagogie à l’université : moderniser l’enseignement ou enseigner autrement ? », octobre 2008, page 41.

([26])  EPA : « environnement personnel d’apprentissage ».

([27])  « Rapport d’étape du Comité StraNES », Sophie Béjean, présidente du comité StraNES et Bertrand Monthubert, rapporteur général, juillet 2014.

([28]) https://www.education.gouv.fr/bo/20/Hebdo10/MENE2006547C.htm.

([29])  Circulaire n° 2020-056 du 28 février 2020, Bulletin officiel de l’Éducation nationale n° 10 du 5 mars 2020.

([30])  En caractères gras dans le texte

([31]) Circulaire n° 2020-059 du 7 mars 2020 ; Bulletin officiel n° 11 du 12 mars 2020

([32]) Début janvier 2022, il apparaissait toutefois que cette question prenait un relief particulier dans un contexte épidémique rendu de nouveau difficile avec le variant Omicron, les personnels de plusieurs établissements de la région parisienne faisant désormais valoir leur droit de retrait, s’estimant en danger malgré les dispositifs en vigueur ; https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/06/covid-19-a-saint-denis-les-personnels-du-college-elsa-triolet-exercent-leur-droit-de-retrait_6108380_3224.html.

([33]) Personnels BIATSS : Personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et santé.

([34]) « Covid-19, l’enseignement supérieur français mobilisé ».

([35]) Circulaire du 10 juillet 2020.

([36]) « Gestion des personnels et modalités d’application au sein du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports des dispositions prises pour la fonction publique en raison de l’évolution de l’épidémie de Covid-19 ».

([37]) Visite du 1er décembre 2021.

([38]) « Modalités d’organisation des lycées face à la situation sanitaire ».

([39]) Décisions intervenues le 2 novembre 2020.

([40]) « Poursuite de la continuité pédagogique dans les établissements face à la situation sanitaire ».

([41]) https://eduscol.education.fr/document/4342/download.

([42]) Audition du 16 septembre 2021.

([43]) Audition du 28 octobre 2021.

([44])  IGÉSR, « Les usages pédagogiques du numérique au service de la réussite des élèves », page 9.

([45]) SNPDEN, « Le livre noir du numérique » in Revue Direction, n° 268, avril-mai 2020.

([46])  Contribution écrite adressée à la mission d’information.

([47]) Table ronde des syndicats de l’enseignement agricole, 15 juillet 2021.

([48]) Lecture : 64 % des enseignants du premier degré déclarent avoir reçu une aide individuelle de la part d’un ou plusieurs collègues enseignants sur le plan pédagogique pour la mise en place du dispositif de continuité (dans les tout premiers jours).

([49])  http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/05/13052020Article637249542396794122.aspx

([50]) https://www.reseau-canope.fr/agence-des-usages/transition-numerique-en-periode-de-confinement-pour-des-changements-de-pratiques-dans-le-secondaire.html.

([51]) Voir par exemple Cécile Bourgneuf et Marie Piquemal, « Distanciel : l’école a (un peu) appris sa leçon », Libération, 1er avril 2021.

([52]) « Pratiques, confinement et besoins en formation des enseignants », Réseau Canopé, États généraux du numérique, page 106.

([53]) Dans le même ordre d’idées, la rapporteure rappelle l’insistance portée par Mme Nathalie Sonnac, présidente du comité d’éthique pour les données d’éducation, aux questions de formation au numérique des enseignants, lors de la table ronde de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, « Les rendez-vous du numérique éducatif », 23 septembre 2020 (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion-cedu/l15cion-cedu1920060_compte-rendu#).

([54]) Utilisation du matériel personnel : « Bring your own device » ; selon le « Guide des projets pédagogiques s’appuyant sur le BYOD/AVEC, « Un équipement BYOD est un équipement numérique personnel dont la responsabilité ne relève ni de l’État ni de la collectivité » ; https://cache.media.eduscol.education.fr/file/BYOD/28/3/Guide_des_projets_BYOD_AVEC_-_version_1.2_-_mars_2018_986283.pdf .

([55]) Pascal Plantard, CREAD-Marsouin, op. cit.

([56]) IGÉSR, op. cit., page 10.

([57]) Indépendamment du fait que certains enseignements ou disciplines se prêtent mal par nature, au numérique ou à la distance. C’est notamment le cas des enseignements relevant de l’enseignement professionnel qui requièrent notamment une pratique sur machines, comme les représentants des enseignants l’ont indiqué en audition. Il en est de même des enseignements artistiques, par exemple.

([58]) Les lettres « Ed-num » sont des publications de la DNE consacrées, pour chaque discipline, aux actions et réflexions pédagogiques intégrant le numérique dans le premier et second degré.

([59]) « Pratiques, confinement et besoins en formation des enseignants », Réseau Canopé, États généraux du numérique.

([60]) Comme par ceux de l’enseignement agricole, qui estiment que la situation est même pire qu’à l’Éducation nationale.

([61])  Pascal Plantard, « Coronavirus : le deuxième front de la nation apprenante », https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/24/coronavirus-le-deuxieme-front-de-la-nation-apprenante_6034191_3224.html.

([62])  Rapport n° 1296 du 10 octobre 2018.

([63])  Les données sont comparables pour les enseignants du premier degré : 9 % et 31 % mentionnent l’équipement informatique comme beaucoup ou dans une certaine mesure problématique ; 20 % et 31 % mentionnent le débit réseau ou Internet.

([64]) Il représente quelque 178 millions d’euros pour près de 900 000 bénéficiaires.

([65]) « ‟Rien n’a changé” : les professeurs inquiets face au possible retour de l’école à distance », L’Express (site web) 28 janvier 2021.

([66])  ADF, « Enquête collèges 2020/2021, synthèse globale, mai 2021 ».

([67]) https://www.ac-strasbourg.fr/fileadmin/pedagogie/dane/Continuite_peda/fichiers_ressources/2020-03-30_-_Fiche_outils_numeriques_DNE.pdf.

([68])  « Pratiques, confinement et besoins en formation des enseignants », Réseau Canopé, pages 107-108 ; s’y ajoutent des problèmes organisationnels : manque ou absence d’accompagnement des enseignants en cas de problèmes techniques, manque de place dans les salles informatiques dû à un effectif élevé ou un nombre réduit de matériels, etc.

([69]) Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale, « Le livre noir du numérique », in Revue Direction, n° 268, avril-mai 2020.

([70]) « L’école à la maison réellement victime de cyberpirates », Le Figaro, 12 avril 2021.

([71]) « Aux origines des ‟bugs” des cours à distance », Le Monde, 12 avril 2021.

([72]) Direction interministérielle du numérique.

([73]) Audition du 27 octobre 2021 et communication écrite adressée à la mission d’information.

([74])  Une nouvelle sensibilisation devait être effectuée lors de la journée nationale des acteurs ENT fin novembre 2021.

([75])  « Enquête : impacts Covid-19 sur les PERDIR » (https://www.snpden.net/wp-content/uploads/2021/06/Direction-271Enquetefotinos.pdf ), Revue Direction, n° 271, janvier-février 2021.

([76]) https://www.lefigaro.fr/flash-actu/education-degradation-des-conditions-de-travail-des-directeurs-de-colleges-et-lycees-20211203.

([77]) Les données sont comparables s’agissant des personnels du second degré, quoique dans une moindre mesure.

([78])  Audition du 28 octobre 2021.

([79])  BigBlueButton est un outil open-source de webconférence et classe virtuelle.

([80])  Science Po, Polytechnique ou HEC ont été également dans cette démarche : « HEC Paris bascule tous ses cours à distance », Les Échos, 28 septembre 2020.

([81]) Voir par exemple à ce sujet : « Distanciel : le blues des enseignants-chercheurs », Le Monde 2 décembre 2020.

([82]) Emmanuelle Villot-Leclercq, enseignante-chercheure à Grenoble École de management, responsable du LeD, (Unité d’accompagnement des professeurs de l’école à la transformation et à l’innovation pédagogique), in « Captiver les étudiants : le défi des cours à distance », Le Point 21 février 2021.

([83])  Article 7 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

([84]) « Risques numériques : qu’en pensent les jeunes et les enseignants, », https://www.reseau-canope.fr/notice/risques-numeriques-quen-pensent-les-jeunes-et-les-enseignants.html.

([85]) https://www.autonome-solidarite.fr/media/2020/11/ASL-LIVRE-BLANC-COVID19.pdf.

([86]) IGÉSR, op. cit., page 9.

([87]) À cet égard, il a été indiqué à plusieurs reprises en auditions que les rectorats ont inondé les enseignants d’une telle quantité de ressources telles qu’il était impossible pour les enseignants de s’y retrouver.

([88])  Audition du 8 juillet 2021.

([89])  Séance de questions au gouvernement du mardi 24 mars 2020 ; https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2019-2020/seance-du-mardi-24-mars-2020.

([90])  « Les usages pédagogiques du numérique au service de la réussite des élèves – les usages pédagogiques du numérique en situation pandémique durant la période de mars à juin 2020 », Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, rapport au ministre de l’Éducation nationale, 2020-133, octobre 2020, page 7.

([91])  Pascal Plantard, CREAD-Marsouin, « L’école à la maison pendant le confinement du printemps 2020 – Les enseignements de l’enquête Marsouin sur les usages numériques des élèves, des enseignants et des familles pendant le confinement », (Enquête CAPUNI crise).

([92])  https://eduscol.education.fr/2227/plan-de-continuite-pedagogique.

([93])  Initialement, quel que soit le niveau en vigueur, le protocole sanitaire prévoyait la fermeture de la classe dans le premier degré dès la détection d’un cas positif parmi les élèves et l’isolement des seuls élèves contacts à risque d’un cas positif et non vaccinés dans le second degré. Depuis lors, comme on le sait, les choses ont notablement évolué et ne sont sans doute pas définitivement fixées. De nouvelles modalités ont ainsi été apportées au tout début de l’année 2022. Elles ont notamment fait l’objet de précisions apportées dans la dernière mise à jour de la note « Questions-réponses-Covid-19 » consultable sur le site du ministère le 6 janvier : https://www.education.gouv.fr/covid-19-questions-reponses.

([94])  Le Monde, « L’enseignement à distance, parent pauvre de la crise sanitaire à l’école », 11 janvier 2021 :  https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/01/11/l-enseignement-a-distance-parent-pauvre-de-la-crise-sanitaire-a-l-ecole_6108962_3244.html#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%5D-%5Bios%5D

([95])  Décret n° 2008-775 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré ; https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000019278548/.

([96])  Décret n° 2014-940 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public du second degré ; https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029390906/.

([97]) Déplacement effectué le 1er décembre 2021.

([98]) Audition du 23 septembre 2021.

([99])  https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo14/MENH1506031C.htm.

([100])  https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/Espace_Presse/Montchalin/20210713_Accord_relatif_mise_%C5%93uvre_teletravail_fonction_publique.pdf.

([101]) https://www.cnil.fr/cnil-direct/question/le-droit-limage-sapplique-t-il-sur-internet?visiteur=part.

([102]) « Usage de l’Internet dans le cadre pédagogique et protection des mineurs », https://www.education.gouv.fr/bo/2004/9/MENT0400337C.htm.

([103])  « Charte-type d’utilisation de l’internet, des réseaux et des services multimédias au sein de l’établissement scolaire » ; voir annexe.

([104])  « Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service. »

([105])  « Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l’enquête permet à l’autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l’accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l’accident du service. »

([106])  Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Rapport n° 1296 du 10 octobre 2018.

([107]) Entretien du 14 décembre 2021.

([108]) Conseil national du numérique.

([109]) Rapport n° 1296 précité.

([110]) Émilie Remond, Stéphanie Netto, Fabienne Lancella, Isabelle Féroc Dumez : « Les politiques du numérique éducatif au prisme des territoires en France. Écoles, territoires et numérique : quelles collaborations ? quels apprentissages ? », Octobre 2019, Clermont-Ferrand. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02314211/document.

([111]) Audition du 15 octobre 2021.

([112]) Audition commune avec le professeur Jean-François Cerisier, le 30 septembre 2021.

([113]) Table ronde des associations de parents d’élèves, le 30 septembre 2021.

([114])  « Recensement et analyse des actions numériques pendant la période Covid-19 », rapport n° 2020-153, décembre 2020.

([115])  « Changer l’école par le numérique ? », entretien au Café pédagogique ; http://www.cafepedagogique.net.

([116])  « Recensement et analyse des actions numériques pendant la période Covid-19 ».

([117])  Modifiant l’arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation, commun aux ministres de l’enseignement supérieur et de l’Éducation nationale.

([118]) Audition de Vincent Soetemont, le 22 juillet 2021.

([119]) Table ronde du 17 juin 2021.

([120])  Modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

([121]) En d’autres termes, au sein des INSPÉ.

([122])  Baptiste Larseneur, « Quinquennat Macron : le grand décryptage – éducation », Institut Montaigne, août 2021.