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N° 5030

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

relative à l’assurance-crédit

 

Mme Dominique DAVID
Rapporteure

 

 

 

 

 

 

 

La mission d’information est composée de : Mme Dominique David, rapporteure ;
Mme Patricia Lemoine et M. Christophe Naegelen, membres.

 


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SOMMAIRE

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Pages

avant-propos de la rapporteure

SynthÈse

INTRODUCTION

PremiÈre Partie : un outil au fonctionnement jugÉ globalement satisfaisant en temps ordinaire

I. L’assurance-crÉdit, couverture contre le risque de dÉfaillance des acheteurs

A. l’intÉrÊt de l’assurance-crÉdit pour les entreprises et la rÉsilience du tissu économique

1. La problématique du crédit interentreprises et des délais de paiement

2. Une pertinence reconnue

a. Une évaluation du risque de contrepartie

b. Une garantie et, le cas échéant, une indemnisation

c. Un service de recouvrement des impayés

B. un cadre de rÉgulation souple

1. Les règles prudentielles des assurances

2. La médiation du crédit

a. Une procédure accessible en cas de résiliation ou de réduction de garantie

b. La convention du 17 juin 2013

c. Un bilan positif mais des marges d’amélioration

3. Un reporting jugé satisfaisant en temps ordinaire

a. Un reporting statistique

b. La centralisation des risques

c. Un reporting prudentiel

C. une solution au sein d’un panel d’instruments au service des entreprises

II. un marchÉ oligopolistique dominÉ par des acteurs À l’expertise reconnue

A. un marchÉ oligopolistique qui prÉsente nÉanmoins un niveau de concurrence acceptable

1. Un marché français concentré

a. Un marché national dominé par les leaders mondiaux

b. Une concentration qui s’explique

c. Une concentration aux effets critiqués

2. Un niveau de concurrence qui assure des conditions relativement favorables aux clients et n’interdit pas une certaine diversité de l’offre

B. Une expertise reconnue en temps ordinaire mais une offre insuffisamment diffusÉe

1. Des acteurs qui ont démontré leur fiabilité en temps ordinaire et leur expertise

2. Une offre qui gagnerait à être mieux diffusée

III. une contraction rÉelle mais mesurÉe de l’activitÉ en 2020

deuxiÈme partie : un soutien public efficace face À la crise

I. Un soutien public efficace immÉdiatement apportÉ À l’assurance-crÉdit

A. Des dispositifs mis en place dÈs le dÉbut de la crise

1. Des dispositifs ligne-à-ligne CAP et CAP+ pour soutenir le crédit interentreprises domestique

a. Le dispositif réactivé

b. Une déclinaison en deux produits

c. Un accompagnement pertinent mais une gestion complexe

2. CAP Francexport et CAP Francexport+, dispositifs spécifiques à l’export

a. Des dispositifs mis en place en 2018

b. Un dispositif renforcé en 2020

3. CAP Relais, programme de réassurance de portefeuille qui a assuré le maintien global des garanties

a. Une réassurance globale en quote-part

b. Le cadre juridique fixé par la troisième loi de finances rectificative pour 2020

c. Un outil efficace

B. Des dispositifs ajustÉs et prorogÉs

1. La prorogation des dispositifs de réassurance ligne-à-ligne

2. La prorogation de CAP Relais jusqu’au 30 juin 2021

II. un soutien massif de l’État face À la crise

A. Un suivi attentif du marchÉ de l’assurance-crÉdit par les pouvoirs publics

1. Un suivi adapté

2. Un rôle actif de la médiation du crédit

B. une riche palette d’outils qui a pu limiter la sinistralitÉ et les besoins de rÉassurance publiqUe

1. La mobilisation d’une large gamme de dispositifs

2. Une sinistralité et des encours réassurés finalement limités

troisiÈme partie : de nÉcessaires Évolutions  DU Cadre et des pratiques de marchÉ DE L’ASSURANCE-CRÉDIT

I. Une rÉaction des assureurs-crÉdit À la crise sanitaire perçue comme excessive voire dÉstabilisatrice

A. un caractÈre procyclique de l’assurance-crÉdit manifestÉ par la crise sanitaire

1. Un modèle économique de l’assurance-crédit procyclique

2. Un désengagement des assureurs-crédit dès le début de la crise sanitaire

3. Des secteurs d’activité plus particulièrement affectés par les décisions des assureurs-crédit

B. Une facultÉ de dÉsengagement qu’il conviendrait de mieux encadrer

1. Les dispositifs existants se sont révélés insuffisants pour limiter l’ampleur des désengagements pendant la crise sanitaire

2. Un encadrement des possibilités de désengagement à consolider

II. Des amÉliorations structurelles nÉcessaires

A. La nÉcessitÉ de rÉÉquilibrer les relations contractuelles

1. L’existence de clauses « d’exclusivité »

2. Le minimum de prime garanti

3. Ouvrir les possibilités de résiliation du contrat

B. Une confiance entre assureurs-crÉdit, assurÉs et acheteurs qui pourrait Être amÉliorÉe par plus de transparence et d’information

1. Un dialogue perfectible entre les parties prenantes

a. Des dispositifs qui ont manqué d’efficacité durant la crise

b. Améliorer la diffusion de l’information

c. Augmenter la fréquence de suivi des encours par les autorités de régulation

2. Une qualité de l’information fournie par les assureurs-crédit susceptible d’être améliorée

C. des modalitÉs d’intervention de l’État À clarifier

1. Une garantie implicite de l’État fondamentale en période de crise

2. Des conditions d’intervention de l’État comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit à expliciter

D. Un accÈs À des solutions de couverture complÉmentaires À l’assurance-crÉdit À Élargir

1. Le recours aux contrats de filière et à la syndication entre assureurs-crédit

2. Faciliter l’autoassurance

3. Concevoir un service en faveur de l’accompagnement des entreprises sur le sujet de l’assurance-crédit

4. Engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit

Liste des propositions

examen en commission

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes

Annexe 2 : CONVENTION DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, DE LA MÉdIATION DU CREDIT ET DES ASSUREURS-CRÉDIT POUR PARTICIPER AU SOUTIEN DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET AU RENFORCEMENT DE LA TRÉSORERIE DES ENTREPRISES

 

 


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   avant-propos de la rapporteure

Jusqu’au printemps 2020, je l’avoue, je ne savais pas vraiment ce qu’était l’assurance-crédit, comme d’ailleurs beaucoup de mes collègues députés. Souvent confondue avec les assurances qui peuvent être souscrites en matière de crédit bancaire, l’assurance-crédit permet de garantir le règlement de sa facture à l’entreprise qui a accordé un délai de paiement à son client en cas de défaillance de celui-ci.

Au cœur du premier confinement, nous avons vite compris qu’il s’agissait d’une activité stratégique pour notre économie. Les entreprises qui y faisaient appel étaient effectivement nombreuses à saisir leur député des réductions voire résiliations des garanties qui leur avaient été accordées par leur assureur-crédit. Cela signifiait qu’elles ne pouvaient plus accorder de délais de paiement à leurs clients, qui se retrouvaient devoir payer comptant : une double peine dans une économie affectée par une crise d’une violence inédite.

Aussi, sur la proposition du Gouvernement, la représentation nationale a décidé d’accorder à hauteur de 15 milliards d’euros la garantie de l’État à des opérations d’assurance et de réassurance publiques. Un contrôle de ce soutien et, d’une manière générale, de l’activité de ce marché par le Parlement s’imposait dès lors, et, au terme de plusieurs mois d’investigations et d’auditions menées à titre individuel, j’ai eu l’honneur d’être nommée rapporteure de la mission d’information que la commission des finances, sur la proposition de son bureau, a décidé de créer.

Ces deux années de travail m’ont permis de forger quelques convictions.

L’économie française est particulièrement perméable à l’assurance-crédit car nos entreprises sont faiblement capitalisées et n’ont pas la trésorerie nécessaire pour financer leur fonds de roulement. Elles se financent donc au travers du crédit inter-entreprises, en jouant, par-dessus le marché, sur des délais de paiement à rallonge. La France est en effet championne dans ce domaine où la moitié des grandes entreprises ne respectent pas le délai légal de 60 jours. Cette situation fragilise l’ensemble des chaînes de valeur.

Nos entreprises se protègent en faisant appel à l’assurance-crédit, qui garantit près de la moitié des 652 milliards d’euros que représentait le crédit inter-entreprises à la veille de la crise, mais ces assureurs sont également faiblement capitalisés, ce qui, en cas de risque systémique, crée une situation véritablement explosive. Songeons qu’aux États-Unis, pareille situation est tout simplement inimaginable, les clients payant comptant leurs fournisseurs. Le renforcement des fonds propres de nos entreprises – au cœur de mes préoccupations tout au long de mon mandat – doit être une des priorités de nos politiques économiques.

Il n’y a pas eu de crise de l’assurance-crédit en 2020. Ce n’est pas tant le fait des dispositifs de complément d’assurance et de réassurance publics, notamment CAP Relais, réclamé à grands cris au ministre de l’économie et des finances par les assureurs-crédit, que grâce au soutien exceptionnel apporté « quoi qu’il en coûte » par l’État à l’économie, qui a permis aux entreprises de préserver, voire, parfois, de reconstituer leur trésorerie. Il convient désormais, à l’heure où la sortie de crise laisse prévoir des réajustements, de faire preuve de la plus grande vigilance quant au comportement des assureurs-crédit.

L’assurance-crédit peut jouer un rôle d’accélérateur de crise. Il est clair que la faible capitalisation des entreprises du secteur ne leur permet pas de faire face aux défaillances en chaîne et leur commande, face à des risques importants, de retirer massivement les garanties qu’elles ont accordées, en dépit des engagements qu’elles ont pris par temps calme. Ce mouvement de panique se transmet mécaniquement tout au long de la chaîne de valeur, bloquant les échanges et amplifiant la crise. Ce phénomène est d’autant plus puissant qu’un déséquilibre manifeste des relations contractuelles en faveur de l’assureur-crédit laisse les entreprises sans aucune solution en cas de retrait dudit assureur. Ce rapport propose d’assouplir ces clauses, mais non de renforcer les règles prudentielles, car cela aboutirait automatiquement à une augmentation du coût de l’assurance-crédit.

Les entreprises françaises doivent monter en compétence dans la gestion du risque client. L’assurance-crédit étant peu chère, elles peuvent avoir tendance à se désintéresser de leur risque client en considérant qu’elles seront de toute façon couvertes en cas d’impayé. Elles auraient pourtant tout intérêt à monter en compétence en la matière, en particulier grâce à un partage de l’information plus efficace au sein des filières : une meilleure connaissance de leur environnement économique leur permettrait de limiter leurs échanges avec des clients dont le risque d’insolvabilité est élevé, sur lesquels les assureurs-crédit n’offriront que des garanties réduites. La puissance publique doit donc favoriser le développement d’une culture de la prévention des risques clients au sein des entreprises et des filières.


   SynthÈse

 Une couverture reconnue contre les risques de défaillance des acheteurs

L’octroi par une entreprise d’un délai de paiement à une autre entreprise constitue une forme implicite de crédit, et un fournisseur a intérêt à se couvrir contre le risque que son client ne le paie pas à l’échéance fixée contractuellement. Avec une analyse du risque assortie, le cas échéant, d’une garantie et d’un service de recouvrement des impayés, l’assurance-crédit, dans sa forme classique, rend au créancier (fournisseur) désireux de se prémunir du risque de non-paiement de sa créance sur un client (acheteur) un service qui est triple. La spécificité et la force des assureurs-crédit tiennent au service de prévention qu’ils proposent à leurs assurés, ainsi qu’à la position qu’ils prennent à la suite des demandes de garanties formulées par les assurés, une telle position devant permettre à ces derniers d’assainir leurs portefeuilles de clients.

L’indemnisation des créances non recouvrées préserve la trésorerie et la rentabilité des entreprises assurées et évite un effet domino. Avec des encours garantis d’un montant estimé par la direction générale du trésor à 310 milliards d’euros à la fin de l’année 2019, dont 115 milliards d’euros à l’export, l’assurance-crédit couvre une part significative du crédit interentreprises, qui s’élève à la même date à 652 milliards d’euros environ.

L’offre d’assurance-crédit demeure cependant mal connue. La convention passée le 17 juin 2013 entre le ministère chargé de l’économie, la médiation du crédit et les principaux assureurs-crédit prévoyait bien une campagne de communication visant à sensibiliser les entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), mais cette communication pourrait utilement être renouvelée et approfondie.

Recommandation n° 1 : renouveler la campagne de communication auprès des entreprises, prévue par la convention du 17 juin 2013.

 Un marché français oligopolistique

Le marché français de l’assurance-crédit est fortement concentré, les trois principaux acteurs étant Euler Hermes, qui détient 67 % du marché domestique, Coface, qui détient 55 % du marché export, et Atradius. Nécessaire à l’exercice d’une activité d’assureur-crédit, la constitution de bases de données et de réseaux d’information, ainsi qu’un savoir-faire en matière d’analyse du risque, représente un coût d’entrée significatif qui fait obstacle à l’arrivée de nouveaux acteurs sur un marché déjà développé et explique pour partie son caractère relativement oligopolistique. S’y ajoutent une barrière réglementaire et administrative, l’agrément du régulateur, et la nécessité d’un réseau de distribution.

Le niveau de concurrence actuel sur le marché de l’assurance-crédit assure des conditions relativement favorables aux clients, notamment en termes de prix, et n’interdit pas une certaine diversité de l’offre. De nombreux intervenants n’en déplorent pas moins certains effets d’une telle concentration : la taille des groupes ne leur permettrait pas de tenir compte des spécificités de leurs différentes clientèles et le manque d’ouverture du marché n’inciterait ni les assureurs-crédit à innover ni les assurés à changer d’assureur.

Recommandation n° 2 : ouvrir le marché de l’assurance-crédit à la concurrence en favorisant l’entrée de nouveaux acteurs.

 Un soutien public efficace face à la crise sanitaire

À l’heure du choc de demande induit par la pandémie de covid-19 et des mesures restrictives que celle-ci imposait, une intervention des pouvoirs publics pour soutenir l’assurance-crédit et prévenir un assèchement du crédit interentreprises s’imposait. Selon les données collectées par la Banque de France, sur l’ensemble de l’année 2020, la rétraction des encours garantis par les assureurs-crédit a pu être contenue, se limitant finalement à 10 %.

Des dispositifs de complément d’assurance ou de réassurance publics ont effectivement été réactivés, renforcés ou créés entre les mois de mars et juillet 2020, apportant une contribution essentielle au maintien ou au rétablissement de la confiance entre les acteurs économiques. La réactivation des dispositifs CAP et CAP+ a été suivie de la mise en place d’un schéma de réassurance global, CAP Relais, tandis que les dispositifs d’assurance-crédit à l’export CAP Francexport et CAP Francexport+, mis en place en 2018, ont été renforcés. L’assurance-crédit a bénéficié d’un soutien important puisque l’État a prévu de garantir des opérations de réassurance jusqu’à un montant de 15 milliards d’euros. Face à l’incertitude persistante de la situation à la fin de l’année 2020 et compte tenu des nouvelles mesures de restriction prises pour endiguer la pandémie, les dispositifs déployés, réactivés ou renforcés ont été prorogés, jusqu’au 30 juin 2021 pour CAP Relais et jusqu’au 31 décembre 2021 pour CAP et CAP+ et jusqu’au 31 mars 2022 pour CAP Francexport et CAP Francexport+. C’est toutefois plus largement le déploiement de toute une palette d’outils de soutien aux acteurs économiques qui aura limité la sinistralité et peut expliquer un recours finalement limité aux dispositifs de réassurance ligne-à-ligne.

À l’heure de la reprise, mais aussi d’une certaine persistance des incertitudes, il serait judicieux de maintenir et d’approfondir le suivi non seulement de l’assurance-crédit mais des comportements de paiement. Il conviendra d’être attentif aussi bien aux conséquences de la fin d’un soutien accordé « quoi qu’il en coûte » à l’économie nationale qu’à celles que pourraient avoir de nouveaux développements de la pandémie sur l’économie.

Recommandation n° 3 : doter l’Observatoire des délais de paiement d’outils de mesure et d’analyse périodique des retards de paiement et des comportements de paiement.

Recommandation n° 4 : prévoir la publication régulière d’informations permettant d’apprécier les comportements de paiement.

 Un caractère procyclique manifesté pendant la crise sanitaire

Si l’assurance-crédit n’a pas vocation à remédier à des chocs exogènes massifs, la crise sanitaire a néanmoins souligné que sa procyclicité pouvait aggraver l’effet de ces événements sur la confiance des entreprises et contribuer à détériorer leurs relations commerciales. Les informations et témoignages recueillis par la mission d’information témoignent d’un « effet ciseau » subi par certains assurés sous le double effet d’une diminution des montants garantis et d’une augmentation simultanée du taux des primes. La rapporteure propose d’inscrire dans la loi des dispositions équivalentes à celles des articles 3 et 8 de la convention du 17 juin 2013, qui prévoient respectivement l’engagement des assureurs-crédit à ne pas procéder à des retraits de garanties sur une base sectorielle ou départementale et que les réductions de garantie ne peuvent être effectives qu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’information des assurés.

Recommandation n° 5 : inscrire dans la loi des dispositions équivalentes à celles des articles 3 et 8 de la convention du 17 juin 2013.

La rapporteure estime qu’une instance de régulation, qui pourrait être l’ACPR ou le médiateur du crédit, pourrait être dotée de la faculté d’encadrer les modalités ou de restreindre les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties par un assureur crédits, sous certaines conditions et en contrepartie de l’octroi d’une réassurance publique sur la garantie ainsi encadrée.

Recommandation n° 6 : doter une instance de régulation de la faculté d’encadrer ou de restreindre les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties par un assureur-crédit, sous certaines conditions et en contrepartie de l’octroi d’une réassurance publique sur la garantie ainsi encadrée.

 Rééquilibrer les relations contractuelles

La combinaison de plusieurs clauses contractuelles, qui ne posaient pas de réelles difficultés avant la pandémie, est apparue comme particulièrement défavorable aux entreprises dans un contexte de dégradation de la conjoncture économique. Des clauses dites d’exclusivité tendent à empêcher l’assuré de recourir à un assureur de deuxième rang pour souscrire une couverture dite de top up, y compris lorsque son assureur se désengage. Il conviendrait au contraire de faciliter la souscription de garanties complémentaires.

Recommandation n° 7 : interdire les clauses d’interdiction de souscription à des produits top up dont les conditions contractuelles seraient alignées sur celles de la garantie primaire accordée par l’assureur de première ligne.

En outre, il serait pertinent d’inscrire dans la loi l’impossibilité, prévue par les stipulations des traités de réassurance des dispositifs CAP, pour un
assureur-crédit de s’opposer à ce que son assuré sollicite un autre assureur-crédit après que le premier lui a signifié un refus, une résiliation ou une réduction de garantie sur un acheteur.

Recommandation n° 8 : prévoir que, dans le cas où un assuré se voit opposer un refus, une résiliation ou une réduction de garantie sur l’un de ses acheteurs, l’assureur-crédit ne peut s’opposer à ce que l’assuré sollicite un autre assureur-crédit pour se substituer sur ledit acheteur.

Les polices d’assurance-crédit prévoient par ailleurs un minimum de prime garanti, calculé en proportion de celle fixée en année n-1, que l’assuré doit verser à l’assureur nonobstant les réductions ou résiliations de garantie auxquelles celui-ci procéderait. Il paraît souhaitable que les assureurs-crédit et organisations professionnelles représentatives des entreprises assurées parviennent à définir un code des bonnes pratiques qui encadre la possibilité de telles clauses.

Recommandation n° 9 : demander à la profession de l’assurance-crédit et aux organisations professionnelles des entreprises assurées d’élaborer un « code des bonnes pratiques » en matière de montant minimum de primes.

La résiliation des contrats par les assurés pourrait être facilitée afin d’accroître la concurrence sur le marché de l’assurance-crédit et de permettre aux assurés de trouver de nouvelles solutions de couverture lorsque l’assureur-crédit avec lequel ils avaient initialement contracté réduit ou résilie ses garanties de manière inappropriée.

Recommandation n° 10 : ouvrir aux assurés des possibilités de résiliation infra-annuelle pour les contrats d’un an et de résiliation à la date anniversaire du contrat pour les contrats pluriannuels.

● Renforcer la transparence et l’information

Le manque de dialogue et d’information entre assureurs-crédit, fournisseurs et acheteurs aggrave les tensions et la défiance en période de crise. Il serait donc judicieux de compléter l’article 4 de la convention du 17 juin 2013 en systématisant l’inscription des entreprises sur le portail d’information et d’encourager celles-ci à le consulter régulièrement. L’identification d’un référent au sein des entreprises acheteurs, avec lequel les assureurs-crédit pourraient échanger afin de notifier des décisions concernant ces entreprises, pourrait également être de nature à fluidifier la circulation de l’information.

Recommandation n° 11 : systématiser l’inscription des entreprises sur le portail « acheteurs-assurance-credit.fr ».

Recommandation n° 12 : garantir l’identification par les assureurs-crédit d’un point de contact auprès des clients de leurs assurés afin de pouvoir notifier auxdits clients toute réduction de leur notation et toute diminution de la couverture.

Le rôle du médiateur du crédit, en temps de crise comme en temps ordinaire, est salué par tous. Il pourrait donc se voir confier le rôle d’animer, à échéances régulières, un dialogue entre les parties prenantes du marché de l’assurance-crédit afin de contribuer à la construction d’une culture commune relative aux risques de paiement.

Recommandation n° 13 : confier au médiateur du crédit le rôle d’animer un dialogue régulier entre les parties prenantes du marché de l’assurance-crédit.

Afin d’améliorer le fonctionnement du marché de l’assurance-crédit, il pourrait être intéressant de mentionner certaines informations utiles sur les documents informant d’une dégradation de couverture ou d’une résiliation adressés par les assureurs crédits à leurs assurés. La rapporteure soutient à ce titre une proposition de la Confédération du commerce de gros et international (CGI), qui estime que l’indication systématique de la mention de la cotation Banque de France de la société visée contribuerait à une plus grande transparence.

Recommandation n° 14 : prévoir que les lettres de réduction ou de résiliation de couverture adressées par les assureurs-crédit à leurs assurés incluent des informations telles que la cotation de la Banque de France afin de donner une information transparente et complète.

L’information pourrait également être mieux partagée et centralisée au sein des différentes filières économiques afin de développer une culture de l’évaluation des risques de paiement, mais aussi d’améliorer la connaissance par les entreprises de leur environnement économique.

Recommandation n° 15 : développer au sein des filières le partage d’information sur les conditions de paiement.

La fréquence de suivi par la Banque de France des encours de créances couverts par l’assurance-crédit pourrait être augmentée. La rapporteure propose de mettre en place un suivi mensuel des encours couverts par l’assurance-crédit. Il conviendra néanmoins de s’assurer au préalable des ressources techniques et humaines nécessaires à la mise en place d’un tel dispositif.

Recommandation n° 16 : mettre en place un suivi mensuel, par la Banque de France, des encours garantis par les assureurs-crédit.

Les organisations professionnelles ont un rôle à jouer dans la sensibilisation des acheteurs à l’intérêt de porter à la connaissance des assureurs-crédit une information financière la plus transparente possible. La rapporteure estime qu’il est d’intérêt collectif de favoriser la transparence sur le marché.

Recommandation n° 17 : sensibiliser les organisations professionnelles à la nécessité pour les entreprises de transmettre les documents nécessaires à l’information des assureurs-crédit.

Les assureurs-crédit offrent des couvertures d’encours mais ne savent pas en temps réel si leurs assurés utilisent effectivement ces capacités. Afin d’améliorer la connaissance du degré de couverture réellement nécessaire, une vérification à échéance régulière, par les assureurs-crédit, du niveau d’utilisation de ces encours serait pertinente, à la condition de trouver un procédé fluide n’entraînant pas une surcharge de travail pour les entreprises.

Recommandation n° 18 : encourager la vérification à échéance régulière par les assureurs-crédit du niveau d’utilisation des encours par les assurés.

 Clarifier les modalités d’intervention de l’État

Si les assureurs-crédit n’ont pas vocation à assumer les risques d’un choc systémique tel que la pandémie de covid-19, la crise a néanmoins révélé un aléa moral qui invite à clarifier les conditions d’intervention de l’État comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit. L’assureur en dernier ressort qu’est l’État aurait tout intérêt à pouvoir s’appuyer sur une doctrine établie lui permettant de gérer efficacement son action à tout moment.

Recommandation n° 19 : clarifier les conditions d’intervention de l’État comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit.

La rapidité avec laquelle les assureurs-crédit ont pu décider de premières résiliations ou réductions de garanties dans le cadre de la crise sanitaire invite à prévoir des tests de résistance qui permettent de vérifier la capacité des assureurs-crédit à faire face à un choc économique sans devoir réduire immédiatement leurs garanties. Il conviendra toutefois de veiller à ce que n’en résulte pas un renforcement des exigences prudentielles qui renchérirait trop le coût de leurs garanties.

Recommandation n° 20 : soumettre les assureurs-crédit à des tests de résistance visant à vérifier leur capacité à faire face à un choc économique sans devoir réduire immédiatement leurs garanties.

 Élargir l’accès à des solutions de couverture complémentaires

En complément de la consolidation de l’offre d’assurance-crédit, des solutions relatives à la maîtrise des risques d’impayés pourraient être davantage proposées aux entreprises. Le recours à des contrats de filières pourrait permettre aux entreprises de bénéficier d’un accès simplifié à l’assurance-crédit et de tarifs négociés sur un volume de chiffre d’affaires significativement supérieur à celui d’une seule entreprise. Une réflexion pourrait en outre s’engager sur la possibilité de supprimer certaines clauses qui limitent le recours à la syndication, alors que cette procédure permettrait de partager le risque entre les assureurs.

Recommandation n° 21 : encourager le recours aux contrats de filière et envisager la possibilité d’élargir les voies de recours à la syndication.

Certaines solutions, comme l’autoassurance au sein d’une filière, semblent difficiles à mettre en place, en raison de leur coût et de leur complexité. Il serait opportun d’envisager la possibilité de créer une incitation fiscale à l’autoassurance, en particulier au profit des petites et moyennes entreprises, moins susceptibles que les grandes entreprises de disposer d’une importante trésorerie pour le faire.

Recommandation n° 22 : envisager la possibilité de créer une incitation fiscale à l’autoassurance, notamment à l’intention des PME.

Au regard de la complexité du marché de l’assurance-crédit et de la nécessité d’améliorer la diffusion de l’information à son propos, un service pourrait répondre aux interrogations des entreprises. Il pourrait être envisagé que la Banque de France soit chargée du développement de ce service.

Recommandation n° 23 : concevoir un service auprès duquel les entreprises ou les fédérations professionnelles désireuses de se doter d’une solution de protection pourraient trouver conseils et assistance technique.

Compte tenu des défaillances du marché de l’assurance-crédit durant la crise sanitaire, il pourrait être pertinent d’engager une réflexion relative à la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit ciblée. Cela pourrait représenter, en période de crise, un outil essentiel de soutien à l’activité et, hors période de crise, un instrument efficace de politique économique en faveur de secteurs stratégiques ou fragilisés dans la compétition mondiale.

Recommandation n° 24 : engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance, et sur l’articulation d’une telle offre publique avec le maintien d’une offre privée.


   INTRODUCTION

Lorsqu’une entreprise accorde un délai de paiement à son client, il en résulte un crédit interentreprises, élément indispensable aux échanges commerciaux, sur le marché domestique comme à l’export. Pour se protéger contre la défaillance de ses clients, le fournisseur peut recourir à un assureur-crédit, qui l’informe sur leur solvabilité et lui permet d’être indemnisé en cas de non-paiement, en contrepartie du paiement d’une prime et sous certaines limites de garantie.

Or la crise sanitaire et le premier confinement ont sensiblement aggravé les risques de défaillance des entreprises, tandis que les assureurs-crédit réduisaient ou résiliaient leurs garanties. Cet effet « en ciseau » justifiait la mise en place ou le renforcement de dispositifs de complément d’assurance ou de réassurance publics. À l’initiative du Gouvernement, la représentation nationale a ainsi décidé d’accorder la garantie de l’État à des opérations d’assurance et de réassurance publiques à hauteur de 15 milliards d’euros.

Il était donc légitime que l’Assemblée nationale souhaite faire le point sur les dispositifs déployés et, plus généralement, sur le marché français de l’assurance-crédit. La commission des finances de l’Assemblée nationale a ainsi procédé le 10 février 2021 à l’audition des directeurs généraux des trois principaux assureurs-crédit français ([2]). Au cours de sa réunion du 18 mai 2021, son bureau a souhaité que ces travaux se poursuivent au sein de la commission et décidé, à l’initiative du groupe majoritaire, la création d’une mission d’information relative à l’assurance-crédit.

Les décisions des assureurs-crédit de procéder pendant la crise sanitaire à des réductions de garanties et à des modifications des conditions contractuelles ont pu susciter l’incompréhension et entraîner des difficultés supplémentaires pour les entreprises. La tendance de l’assurance-crédit à amplifier les mouvements de défiance entre entreprises en temps de crise a conduit la mission d’information à considérer les voies d’encadrement de cette procyclicité.

Ainsi, la mission d’information a décidé de poursuivre trois axes avec pour objectifs :

– d’étudier l’intérêt du service de prévention et d’assurance offert par l’assurance-crédit, ainsi que les effets de la structure oligopolistique du marché français sur les entreprises, et de proposer un bref état de lieux du marché à la fin de l’année 2020 (I) ;

– d’analyser les dispositifs de complément d’assurance ou de réassurance publics et leur contribution au maintien ou au rétablissement de la confiance entre les acteurs économiques (II) ;

– d’envisager les possibilités de réforme du cadre et des pratiques du marché de l’assurance-crédit qui permettraient d’en améliorer le fonctionnement (III).


   PremiÈre Partie :
un outil au fonctionnement jugÉ globalement satisfaisant en temps ordinaire

L’assurance-crédit rend aux entreprises un service unique de prévention et d’assurance qui a démontré son aptitude à répondre aux besoins des entreprises. Toutefois, le marché français est relativement concentré et l’innovation y est faible, malgré une expertise reconnue des acteurs, dont pourrait bénéficier un plus grand nombre d’entreprises.

I.   L’assurance-crÉdit, couverture contre le risque de dÉfaillance des acheteurs

L’octroi par une entreprise d’un délai de paiement à une autre entreprise constitue une forme implicite de crédit. Le risque d’impayé qu’il induit justifie l’existence d’un panel d’instruments de couverture du poste clients parmi lesquels l’assurance-crédit trouve toute sa place.

A.   l’intÉrÊt de l’assurance-crÉdit pour les entreprises et la rÉsilience du tissu économique

Dans un contexte marqué par la persistance de délais importants, l’assurance-crédit permet aux entreprises d’assainir leur portefeuille de clients et facilite les échanges commerciaux.

1.   La problématique du crédit interentreprises et des délais de paiement

Le total des dettes des entreprises françaises envers leurs fournisseurs s’élevait en 2019 à 652 milliards d’euros (ou 615 milliards d’euros, nettes des avances et acomptes versés), soit 6,8 % du total de bilan ([3]).

Parallèlement, les délais de paiement demeurent élevés. Si l’année 2019 a certes marqué, après quatre années de stabilité, une baisse significative de deux jours des délais fournisseurs, qui s’établissent à 49 jours, l’Observatoire des délais de paiement ([4]) relève toutefois une forte hétérogénéité selon les secteurs et note que la moitié des grandes entreprises ne respectent pas le délai légal de 60 jours.

Interrogé par la mission d’information, le médiateur du crédit indique que la réduction des retards de paiement au cours des dernières années ne les a pas ramenés à des niveaux comparables à ceux d’autres pays, ce dont les plus petites entreprises subissent les conséquences. Celles-ci se trouvent effectivement financer ainsi la trésorerie de plus grandes entreprises, alors même qu’elles sont plus susceptibles de souffrir d’une insuffisance de fonds propres.

L’Observatoire des délais de paiement mesure l’impact de ces retards persistants en simulant une situation dans laquelle l’ensemble des entreprises seraient réglées dans le délai légal de 60 jours et paieraient leurs fournisseurs avant cette échéance. Il en résulterait des transferts de liquidités au profit, en premier lieu, des petites et moyennes entreprises (PME), dont la trésorerie se trouverait accrue de 19 milliards d’euros.

Par ailleurs, il est estimé qu’un quart des faillites résultent en temps ordinaire d’un défaut de paiement.

Ainsi un fournisseur a-t-il tout intérêt à se couvrir contre le risque que son client ne le paie pas à l’échéance fixée contractuellement.

La prise en compte des retards de paiement
dans l’analyse du risque de crédit de la Banque de France

La Banque de France va prendre en compte à partir de 2022 les retards de paiement dans son analyse du risque de crédit : la trésorerie accumulée au prix du remboursement différé des dettes fournisseurs n’est en effet pas une disponibilité pour l’entreprise mais un montant pré-engagé pour le paiement de ces dettes fournisseurs en attente de règlement. Inversement, la capacité à régler ses fournisseurs dans les temps est un indicateur de bonne gestion et de capacité à honorer ses engagements, et donc de qualité de crédit.

En termes de méthodologie de cotation des entreprises, cela revient à considérer la trésorerie excédant le délai légal de 60 jours comme non disponible, puisqu’affectée au remboursement des dettes fournisseurs qui aurait déjà dû intervenir.

2.   Une pertinence reconnue

Avec une analyse du risque assortie, le cas échéant, d’une garantie et d’un service de recouvrement des impayés, le service que rend, dans sa forme classique, l’assurance-crédit au créancier (vendeur) désireux de se prémunir du risque de non-paiement de ses créances sur un client (acheteur) est triple.

a.   Une évaluation du risque de contrepartie

L’assurance-crédit a bâti des bases de données en collectant des informations fournies par de multiples sources, qui lui permettent une évaluation quantifiée, sous la forme d’un score et d’une limite d’engagement, du risque de contrepartie que présente un débiteur.

La plupart des assureurs-crédit auditionnés par la mission d’information ont insisté sur ce point : leur spécificité et leur force tiennent au service de prévention qu’ils proposent à leurs assurés, la position qu’ils prennent à la suite des demandes de garantie formulées par les assurés devant permettre à ces derniers de prendre en compte dans leurs échanges commerciaux la solvabilité de leurs prospects et clients et ainsi d’assainir leurs portefeuilles de clients.

b.   Une garantie et, le cas échéant, une indemnisation

L’assureur-crédit offre une garantie dont l’alignement sur les limites d’engagement indiquées aux entreprises assurées l’incite à évaluer rigoureusement les risques. L’indemnisation des créances non recouvrées préserve la trésorerie et la rentabilité des entreprises assurées et évite un « effet domino ».

Si les polices d’assurance sont d’une durée variable, comprise entre un et trois ans, renouvelable par tacite reconduction, l’assureur-crédit n’en dispose pas moins, contractuellement, de la faculté de se désengager rapidement – dans un délai de trois mois – si son appréciation du risque évolue. Ainsi l’assurance-crédit gère-t-elle principalement la couverture des risques de non-paiement à court terme. En transférant les risques de non-paiement, les entreprises économisent le besoin de fonds propres afférent à un prix bien inférieur au coût d’une internalisation de la gestion de ces risques.

Les réductions et résiliations de garantie ne valent que pour l’avenir et n’entrent habituellement en vigueur qu’à l’expiration d’un préavis d’une durée d’un à trois mois. Cela permet aux assureurs-crédit de proposer des garanties à des prix réduits, dont le coût est de l’ordre de quelques millièmes du chiffre d’affaires des entreprises assurées. La consommation de fonds propres associée est également faible. Ainsi, la Caisse centrale de réassurance indique qu’avec 1,8 milliard d’euros de fonds propres, Coface assurait en 2017 un montant de 300 milliards d’euros de créances.

c.   Un service de recouvrement des impayés

Les assureurs-crédit proposent un service de recouvrement amiable ou contentieux des créances impayées.

B.   un cadre de rÉgulation souple

Aux règles de droit commun applicables aux compagnies d’assurances s’ajoutent le dispositif souple de la médiation du crédit, formalisé dans le cadre d’une convention du 17 juin 2013 à la suite d’un rapport remis par l’inspection générale des finances, et un reporting jugé satisfaisant en temps ordinaire.

1.   Les règles prudentielles des assurances

La réglementation applicable à l’assurance-crédit est fondée essentiellement sur le régime européen dit Solvabilité II ([5]), qui définit notamment les besoins en capitaux propres des sociétés d’assurance selon une formule dite standard. Les paramètres de cette formule étant inadaptés au marché de l’assurance-crédit, les trois principaux acteurs du marché ont développé des modèles internes agréés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), régulateur auquel sont soumis tous les assureurs.

2.   La médiation du crédit

Destinée à accompagner toute entreprise confrontée à des difficultés de trésorerie ou de financement et à s’assurer du respect des engagements pris par les établissements financiers pour garantir l’accès au crédit des entreprises, la médiation du crédit, créée en 2008, vise à instaurer ou rétablir le dialogue et la confiance entre l’entreprise et ses partenaires financiers.

a.   Une procédure accessible en cas de résiliation ou de réduction de garantie

La médiation est accessible aux entreprises qui rencontrent des difficultés liées à l’assurance-crédit. Après saisine, les assureurs-crédit concernés par la médiation sont informés en temps réel par le médiateur de la démarche de leur assuré (fournisseur) ou du client de leur assuré (acheteur). L’assureur-crédit dispose alors de trois jours pour réviser, le cas échéant, sa position ou la maintenir. À l’issue de ce délai, il informe le médiateur de sa position.

En cas de maintien de la décision contestée, un travail de médiation active s’engage, qui consiste à essayer de rapprocher les positions divergentes de l’entreprise et de l’assureur-crédit. Les assureurs-crédit communiquent au médiateur, dès l’ouverture de cette seconde phase, le montant de l’encours global garanti, et la médiation du crédit s’engage à fonder ses recommandations sur une analyse technique individuelle de chaque entreprise qui la saisit. Le médiateur informe régulièrement l’assureur-crédit du déroulement de la procédure, en particulier des perspectives de conclusion d’un accord de médiation.

Hors période de crise, le recours à la médiation pour des questions relatives à l’assurance-crédit est extrêmement limité.

b.   La convention du 17 juin 2013

Se fondant notamment sur les constats et préconisations établis par la mission de l’inspection générale des finances menée par M. Jean-Michel Charpin ([6]), une convention a été signée le 17 juin 2013 par l’État, la Fédération française des assurances, cinq assureurs-crédit (Axa, Coface, Groupama Assurance-crédit & Caution, Euler Hermes, Atradius) et la médiation du crédit ([7]). Elle renouvelle et approfondit les accords antérieurement conclus par les assureurs-crédit et la médiation du crédit pour permettre notamment d’atténuer les effets d’une dégradation brutale de l’appréciation du risque d’une entreprise par un assureur-crédit.

Elle prévoit notamment une meilleure information de l’acheteur, une structuration du dialogue entre assureur, assuré et acheteur et un renforcement du rôle de la médiation du crédit.

● Une meilleure information de l’acheteur

Un site internet ([8]) a été mis en place, commun à l’ensemble des assureurs-crédit signataires. Une fois inscrite, l’entreprise (acheteur) abonnée a gratuitement accès au montant garanti sur elle par l’assureur-crédit. Elle est alertée en cas de réduction ou de résiliation par un assureur-crédit des lignes de garanties portant sur elle. Un contact lui permet d’obtenir des explications sur les éléments ayant conduit l’assureur-crédit à revoir son appréciation, et l’assureur-crédit l’informe de la possibilité de recourir au médiateur du crédit.

● Une structuration du dialogue entre assureur, assuré et acheteur

Les assureurs-crédit s’engagent à respecter, sauf cas exceptionnels, un délai d’un mois entre l’information de l’assuré et l’effectivité d’une décision de dégradation. Par ailleurs, l’entreprise (acheteur) abonnée est informée au moins trois semaines avant l’effectivité de la dégradation. Ainsi peut-elle fournir à l’assureur-crédit, qui s’engage à l’examiner, toute information financière susceptible d’améliorer la connaissance qu’il a de sa situation financière et de lui permettre, le cas échéant, de revoir sa position initiale.

● Un renforcement du rôle de la médiation du crédit

Le rôle de la médiation du crédit, lorsqu’elle est saisie de difficultés relatives à l’assurance-crédit, se trouve renforcé par une amélioration de la qualité des informations communiquées par les assureurs-crédit lors de l’entrée en médiation.

c.   Un bilan positif mais des marges d’amélioration

Il ressort des auditions menées par la mission d’information que la qualité du travail du médiateur du crédit est saluée par les assureurs-crédit, par le monde de l’entreprise et par la direction générale du trésor. Cette dernière estime notamment que les dispositions de la convention relatives à la fluidification de l’information et du dialogue entre assureurs-crédit, fournisseurs et acheteurs semblent avoir atteint l’objectif visé. Le médiateur du crédit estime pour sa part que la convention a été mise en œuvre sans dysfonctionnement, même au cours de la crise sanitaire, et indique qu’aucune évolution n’est envisagée sur le rôle de la médiation du crédit.

La direction générale du trésor note toutefois que certaines dispositions visant davantage à limiter le retrait des garanties sur une base sectorielle ou départementale (sauf conditions exceptionnelles) ou encore de préavis en cas de modification des garanties semblent avoir manqué d’efficacité pendant la crise et mériteraient d’être davantage renforcées.

Il ressort en outre des auditions menées par la mission d’information que l’existence du portail est, dans l’ensemble, insuffisamment connue des entreprises acheteurs. Si la convention de 2013 prévoyait bien le déploiement d’une campagne de communication visant à sensibiliser les entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les PME, celle-ci pourrait utilement être renouvelée et approfondie ([9]).

Recommandation n° 1 : Renouveler la communication auprès des entreprises prévue par la convention du 17 juin 2013.

 

Les rapports de l’inspection générale des finances
sur le crédit interentreprises et la couverture du poste clients
et sur l’assurance-crédit

Le 22 août 2012, le ministre de l’économie et des finances a saisi l’inspection générale des finances d’une mission relative aux possibilités de développement et de modernisation de la couverture du poste clients par les entreprises. Cette saisine était notamment motivée par le risque de procyclicité de l’assurance-crédit, constaté au cours de la crise financière de 2008. Menée par M. Jean-Michel Charpin, la mission a rendu son rapport, riche d’une quinzaine de propositions, au mois de janvier 2013. La direction générale du trésor relève que la quasi-totalité des préconisations de la mission relatives à l’assurance-crédit a été intégrée dans la convention du 17 juin 2013. Seule la préconisation d’un recours à l’assurance-crédit par le biais de contrats de filières n’a pas été prise en compte.

En 2021, l’inspection générale des finances a été saisie d’une nouvelle mission, relative à l’assurance-crédit. Malgré des demandes réitérées, la rapporteure n’a pu prendre connaissance du rapport qui a dû être rendu au ministre de l’économie, des finances et de la relance au cours de l’automne 2021.

3.   Un reporting jugé satisfaisant en temps ordinaire

Hors période de crise, les assureurs-crédit étaient déjà soumis à un suivi trimestriel, que la direction générale du trésor juge riche en informations et en données utiles et suffisant en période de fonctionnement normal de marché. Un tel suivi ne permet cependant pas d’apprécier l’opportunité économique du maintien d’une couverture.

a.   Un reporting statistique

L’article 58 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ([10]) dispose que les entreprises ayant une activité d’assurance-crédit en France « transmettent chaque trimestre à la Banque de France des informations statistiques sur le montant des encours de crédit client garantis et des encours de crédit client garantis pour les petites et moyennes entreprises ainsi que le nombre de risques souscrits ».

b.   La centralisation des risques

Au titre de la centralisation des risques, les assureurs-crédit doivent déclarer auprès de la Banque de France les encours garantis d’un montant supérieur à 25 000 euros et les sinistres d’un montant supérieur à 5 000 euros.

 

c.   Un reporting prudentiel

Les entreprises spécialisées en assurance-crédit ayant leur siège social en France doivent non seulement se conformer aux exigences du reporting prudentiel prévu par le régime Solvabilité II, harmonisé au niveau européen, mais elles sont aussi assujetties à la remise d’un état national spécifique pour répondre à des besoins comptables, prudentiels et statistiques correspondant à des spécificités nationales de la réglementation ou du marché.

Évolution des crÉances garanties par l’assurance-crédit et des sinistres
(juin 2019 - juin 2021)

(montants en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les données de la Banque de France.


C.   une solution au sein d’un panel d’instruments au service des entreprises

L’assurance-crédit trouve sa place au sein d’un panel d’instruments mobilisables au service de la couverture du poste clients, notamment l’affacturage, les cautions et les garanties.

Les prestations externes de gestion du poste client

Source : rapport de l’inspection générale des finances (2013).

Le rapport remis par l’inspection générale des finances en 2013 distinguait sept types de prestations externes de gestion du poste clients :

– les prestations d’information financière et commerciale ;

– les prestations de facturation ;

– les prestations de recouvrement de créances ;

– les garanties et cautions, souscrites par un client auprès d’une banque ou d’une société d’assurance, aux termes desquelles, si le client fait défaut, cette dernière s’engage à payer son fournisseur ;

– les solutions de mobilisation de créances (escompte des effets de commerce, cession Dailly…), qui permettent à une entreprise de recevoir d’un établissement de crédit un financement immédiat, avant le terme des délais de paiement contractuel, en apportant en collatéral une créance dont le montant sera recouvré par l’établissement financeur ;

– l’assurance-crédit, qui fournit une prestation à la fois d’information commerciale et de couverture contre les impayés ;

– l’affacturage, qui répond, dans sa version la plus courante dite full factoring, à l’ensemble de ces besoins (information, financement, recouvrement, couverture).

Si l’assurance-crédit constitue, comme les autres outils de couverture du poste clients, un levier de financement et de sécurisation de ce poste, elle offre une solution plus complète qui fournit à la fois une prestation d’information commerciale et de couverture contre les impayés. En outre, malgré une utilisation par un nombre limité d’entreprises, cette solution permet d’obtenir un impact sur une part significative des encours du crédit interentreprises.

Ainsi, avec des encours garantis d’un montant estimé par la direction générale du trésor à 310 milliards d’euros à la fin de l’année 2019, dont 115 milliards d’euros à l’export, l’assurance-crédit couvre une part significative du crédit interentreprises, qui s’élève à la même date à environ 652 milliards d’euros, et ce alors même que le nombre d’entreprises assurées est estimé aujourd’hui à environ 22 000, soit un nombre relativement faible comparé à celui des clients potentiels. La disproportion entre le faible nombre de clients et le fort taux de couverture du crédit interentreprises par l’assurance-crédit s’explique essentiellement par la composition de la clientèle assurée, fortement concentrée sur les plus grandes entreprises.

Il convient par ailleurs de noter que les différents outils ne sont pas exclusifs les uns des autres. Contrairement à l’affacturage ou bien à la titrisation, l’assurance-crédit n’intervient qu’indirectement sur le financement, mais elle le sécurise, ce qui place cette solution au cœur de toutes les autres (protection, financement, caution).


II.   un marchÉ oligopolistique dominÉ par des acteurs À l’expertise reconnue

Le marché français de l’assurance-crédit est fortement concentré autour de trois groupes ; l’innovation y est limitée mais la compétition entre ces grands acteurs et l’arrivée parallèle de nouvelles offres assurent un degré de concurrence plutôt favorable aux assurés. L’expérience, la connaissance du marché et la fiabilité des assureurs-crédit sont globalement saluées, mais leur offre pourrait être plus largement diffusée pour encourager les entreprises à maîtriser leurs risques.

A.   un marchÉ oligopolistique qui prÉsente nÉanmoins un niveau de concurrence acceptable

Quoique fortement concentré, ce qui limite l’innovation, le marché se caractérise par une concurrence dont bénéficient les clients.

1.   Un marché français concentré

L’étude par la direction générale du trésor de plusieurs marchés d’assurance-crédit ([11]) permet de distinguer trois modèles différents :

– un modèle essentiellement « public », notamment en Asie, avec des assureurs-crédit publics dominants sur le marché ;

– un modèle « hybride », dans les pays d’Europe continentale, où le marché est concentré autour de deux ou trois assureurs-crédit privés mais où l’assureur-crédit public conserve un rôle important sur des segments particuliers (spécifiquement à l’export, ou sur le secteur agricole par exemple) ;

– un modèle « privé » tout particulièrement développé au Royaume-Uni et aux États-Unis, pays caractérisés par l’absence d’assureur-crédit public et où le degré de concurrence est généralement plus fort.

S’agissant des polices d’assurance, les types de contrats sont relativement similaires sur l’ensemble des marchés d’assurance-crédit, avec une prépondérance des contrats de court terme, allant d’un à deux ans, résiliables par l’assureur.

Le marché français s’apparente au deuxième de ces trois modèles. Si sa concentration s’explique pour des raisons historiques, techniques et financières, elle n’en présente pas moins certains inconvénients que relèvent assurés et courtiers.

a.   Un marché national dominé par les leaders mondiaux

En France, le marché de l’assurance-crédit est dominé par trois acteurs se partageant l’essentiel du marché : Euler Hermes, avec 67 % du marché domestique, Coface, avec 55 % du marché export, et Atradius. Selon la Banque de France, à la fin de l’année 2020, Euler Hermès restait le premier assureur-crédit avec 132,8 milliards d’euros d’encours bruts garantis. Euler Hermes, Coface et Atradius représentent 90 % de l’activité totale du secteur en France. D’autres acteurs comme Groupama Assurance-crédit & Caution, AXA Assurcrédit, AIG ou encore Credendo – ces deux derniers acteurs, plus récemment entrés sur le marché, n’étant pas signataires de la convention de 2013 – détiennent également des parts de marché plus ou moins significatives.

Dominant le marché national, Euler Hermes, Atradius et Coface sont également les trois principaux acteurs du marché mondial. AU Group estimait leurs parts de marché mondiales respectives à 34,6 %, 24,5 % et 17,2 % au 31 décembre 2019.

SynthÈse de la collecte par assureur
au quatriÈme trimestre de l’annÉe 2020

Source : commission des finances, d’après les données de la Banque de France.

La direction générale du trésor estime que le marché de l’assurance-crédit a fonctionné de façon régulière et normale depuis 2010, comme peuvent en témoigner les données de sinistralité, avec des ratios « sinistres sur primes » globalement stables (et une légère déviation pour l’assureur Coface plus exposé à l’export). De même, les chiffres d’affaires d’Euler Hermes, Coface et Atradius sont restés globalement stables entre 2014 et 2018, Atradius accroissant toutefois sa part de marché. La direction générale du trésor indique que les données de sinistralité nationales suivent les mêmes tendances que les données consolidées mondiales et se situent dans la même fourchette de valeur.


DonnÉes de sinistralitÉ
et chiffre d’affaires des trois principaux ASSUREURS CRÉdit mondiaux

(Données consolidées mondiales)

DonnÉes de sinistralitÉ

(ratio sinistres/primes)

Chiffre d’affaires

(en millions d’euros)

Source : AON.

b.   Une concentration qui s’explique

Nécessaires à l’exercice d’une activité d’assureur-crédit, la constitution de bases de données et de réseaux d’information ainsi qu’un savoir-faire en matière d’analyse du risque représentent un coût d’entrée significatif, obstacle à l’entrée de nouveaux acteurs sur un marché déjà développé. S’y ajoutent une barrière réglementaire et administrative, l’agrément du régulateur, et la nécessité d’un réseau de distribution.

c.   Une concentration aux effets critiqués

Le rapport rendu par l’inspection générale des finances en 2013 notait que les conséquences de la structure de marché oligopolistique de l’assurance-crédit sur les pratiques commerciales des assureurs crédits étaient « difficiles à documenter » ([12]). De nombreux intervenants n’en déplorent pas moins certains effets qu’emporte une telle concentration du marché :

– la taille des groupes ne leur permettrait pas de tenir compte des spécificités de leurs différentes clientèles ni de la complexité des entreprises et de leur environnement propre ;

– le manque d’ouverture du marché n’incite pas les assureurs-crédit à innover ni les assurés à changer d’assureur ;

– les défaillances d’entreprises sont susceptibles d’avoir d’autant plus d’impact que la demande de capitaux qui en résulte se concentre au sein d’un même assureur.

Recommandation n° 2 : ouvrir le marché de l’assurance-crédit à la concurrence en favorisant l’entrée de nouveaux acteurs.

2.   Un niveau de concurrence qui assure des conditions relativement favorables aux clients et n’interdit pas une certaine diversité de l’offre

Le nombre réduit d’acteurs du marché ne préjuge pas de l’intensité de la concurrence à laquelle ils se livrent. Celle-ci porte particulièrement sur les taux de primes pratiqués. Selon le témoignage des assureurs-crédit, les taux de prime auraient été divisés par 3,5 au cours des vingt dernières années et auraient diminué d’environ 40 % au cours de la dernière décennie. Au cours des cinq dernières années, la baisse des prix aurait été de 1,74 % par an en moyenne. Ce phénomène conduit à un niveau de prix bas, inférieur de 40 à 50 % à celui des marchés italien ou espagnol et de 30 à 40 % à celui du marché anglais, accompagné d’un rapport des expositions aux primes supérieur de 50 à 60 % à celui constaté sur ces mêmes marchés.

En outre, la prédominance des trois principaux acteurs du marché mondial n’a pas totalement empêché l’entrée sur le marché français de quelques nouveaux acteurs au cours des dernières années, particulièrement CESCE, Credendo, AIG, Axa Assurcrédit, Groupama Assurance-crédit & caution. Certains peuvent être spécialisés, par exemple en ne proposant que des couvertures dites excess of loss (couverture des pertes au-delà d’une franchise, particulièrement appropriée pour les entreprises ayant développé des compétences en matière de gestion du risque), éventuellement non-résiliables, ou en n’exerçant leur activité qu’au profit d’un secteur d’activité précis.

B.   Une expertise reconnue en temps ordinaire mais une offre insuffisamment diffusÉe

Les clients des assureurs-crédit, les fédérations d’entreprises et les pouvoirs publics portent un jugement positif sur l’action et l’expertise des acteurs du marché en temps ordinaire. Leur offre, majoritairement souscrite par l’intermédiaire de courtiers, pourrait cependant être mieux connue.

1.   Des acteurs qui ont démontré leur fiabilité en temps ordinaire et leur expertise

La prépondérance, depuis des décennies, sur le marché national et mondial de trois groupes qui exercent leur activité de longue date ([13]) témoigne de leur expertise reconnue et d’une fiabilité appréciée des entreprises. Les assureurs-crédit interrogés indiquent d’ailleurs des taux de rétention de leurs clients supérieurs à 90 %.

Les entreprises qui recourent à l’assurance-crédit apprécient la sécurité financière qu’elle offre, le temps qu’elle peut faire gagner et la prise en charge, le cas échéant, du recouvrement. Ainsi, la Fédération française du bâtiment juge que l’assurance-crédit est devenue un acteur indispensable du secteur, même si ce sont avant tout les fournisseurs des entreprises du bâtiment qui y recourent plutôt que les entreprises du bâtiment elles-mêmes. L’assurance-crédit présente pour ces dernières l’intérêt de limiter leur besoin de trésorerie, ce qui est d’autant plus appréciable qu’elles sont le plus souvent payées bien après avoir acheté leurs matériaux.

Le médiateur du crédit note pour sa part que le recours à la médiation pour des questions relatives à l’assurance-crédit demeure extrêmement limité, même s’il a beaucoup progressé au cours de la crise sanitaire.

2.   Une offre qui gagnerait à être mieux diffusée

S’il revient à chaque entreprise d’arbitrer entre le coût d’une solution d’assurance-crédit et la couverture que celle-ci lui procurerait, l’offre d’assurance-crédit demeure mal connue des entreprises. Ce constat, qui se vérifie particulièrement auprès des PME et des TPE, peut trouver plusieurs facteurs d’explication :

– le coût de prospection et de suivi du risque de ces clients par l’assureur-crédit n’est pas amorti par les primes collectées, d’un montant unitaire faible ;

– l’appréhension par l’assureur-crédit du risque des TPE, qui ne publient pas nécessairement leurs bilans, est délicate, de même que celle du risque de leurs clients, qui sont souvent eux‐mêmes de petites entreprises ([14]) ;

– le risque d’une TPE est plus concentré, dans la mesure où celle‐ci n’a généralement que peu de clients : l’assureur‐crédit ne bénéficie donc pas du premier niveau de mutualisation des risques, entre les clients de son assuré ;

– les circuits de distribution de l’assurance‐crédit, qui reposent essentiellement sur la distribution pour compte propre et sur les courtiers, ne permettent pas d’atteindre les TPE ;

– les entreprises, qui estiment connaître leurs clients et maîtriser leurs risques, ont une faible perception du risque de crédit, ce qui fait de l’autoassurance le principal concurrent de l’assurance-crédit ;

– la gestion d’un contrat d’assurance-crédit est complexe pour une petite structure.

Pareil constat plaide également pour un renouvellement de la communication prévue par la convention de 2013 ([15]).

III.   une contraction rÉelle mais mesurÉe de l’activitÉ en 2020

Selon les données collectées par la Banque de France, sur l’ensemble de l’année 2020, l’activité de l’assurance-crédit en France a diminué de 10 % alors qu’elle n’avait cessé de croître les années précédentes, progressant notamment de 6 % en 2018 puis de 4 % en 2019. La baisse des encours est principalement due à l’évolution des engagements à l’international, en retrait de 14 %, et dans une moindre mesure aux engagements sur le marché domestique. En France, ce sont les garanties couvrant les risques liés aux PME qui accusent une diminution plus importante, avec une baisse de 9 %.

Évolution des encours garantis par les assureurs-crÉdit en france

 

 

2017

2018

2019

2020

Encours total France

9,3 %

3,3 %

3,9 %

- 7 %

Encours PME France

6,1 %

1,9 %

- 0,6 %

- 9 %

Encours International

3 %

11 %

5 %

- 14 %

Total Encours

7 %

6 %

4 %

- 10 %

Source : Banque de France.

En 2020, le nombre de risques assurés diminue de 6 % à l’international, alors qu’il était resté stable en 2018 et 2019. En France, le nombre de risques baisse de 3 %, comme en 2019. Les secteurs les plus touchés sont l’industrie textile, avec une baisse de 18 %, et la métallurgie, avec une baisse de 16,6 %. En revanche, les activités financières et d’assurance puis l’information et la communication sont les deux seuls secteurs affichant des hausses du nombre de risques assurés – respectivement de 5,2 % et 1,9 %.


variations des encours garantis par l’assurance-crÉdit en 2020

 

Source : direction générale du trésor.

À l’international, parmi les pays dont les encours garantis par l’assurance-crédit diminuent le plus, se trouvent les États-Unis (pour 3 milliards d’euros), l’Allemagne (1,3 milliard d’euros) et l’Espagne (1,2 milliard d’euros). L’Europe et l’Amérique accusent des baisses respectives de 6,8 et 4,2 milliards d’euros, tandis que le Proche et Moyen-Orient et l’Océanie sont les zones les moins touchées.

Évolution des encours bruts garantis, glissement trimestriel

Source : Banque de France.


Répartition des encours bruts
des opérations réalisées au premier trimestre 2021

 

Sur le territoire national

par secteur d’activité

En dehors du territoire national

par continent

 

 

 

Source : Banque de France.

Les principaux secteurs d’activité bénéficiant de l’assurance-crédit sur le territoire national demeurent le commerce et l’industrie, qui concentrent respectivement 31 % et 28 % de l’encours brut.

Sur le plan géographique, l’Europe représente plus des deux tiers de l’encours brut total, suivie par le continent américain et l’Asie.

Ainsi, la contraction de l’activité de l’assurance-crédit en France sous l’effet de la crise est réelle. Elle n’en est pas moins mesurée, en raison de l’important soutien public dont ont bénéficié tant le secteur que l’ensemble de l’économie.

 


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   deuxiÈme partie :
un soutien public efficace face À la crise

D’un montant de 652 milliards d’euros à la fin de l’année 2019, le crédit interentreprises est un facteur essentiel de fluidité des échanges commerciaux. À l’heure du choc de demande induit par la pandémie de covid-19 et les mesures restrictives que celle-ci imposait, une intervention des pouvoirs publics pour soutenir l’assurance-crédit et prévenir un assèchement du crédit interentreprises s’imposait.

Des dispositifs de complément d’assurance ou de réassurance publics ont été réactivés, renforcés ou créés entre les mois de mars et juillet 2021, apportant une contribution essentielle au maintien ou au rétablissement de la confiance entre les acteurs économiques (I). C’est toutefois plus largement le déploiement de toute une palette d’outils qui aura limité la sinistralité et peut expliquer un recours finalement limité aux dispositifs de réassurance ligne-à-ligne (II).

I.   Un soutien public efficace immÉdiatement apportÉ À l’assurance-crÉdit

Dès les premiers jours du premier confinement, au mois de mars 2020, la réactivation de dispositifs mobilisés au cours de la crise financière des années 2008 et 2009 a été décidée, complétée par la mise en place d’un dispositif transitoire de réassurance globale et un renforcement de dispositifs d’assurance-crédit à l’export mis en place en 2018. Face aux incertitudes de la situation, ils sont demeurés en place en 2021.

A.   Des dispositifs mis en place dÈs le dÉbut de la crise

Pour faire face à la pandémie de covid-19, un confinement national strict est entré en vigueur dès le 17 mars 2020, induisant un choc de demande sans précédent. Prenant en considération les risques qui pesaient sur le crédit interentreprises, l’État a immédiatement décidé de permettre, en octroyant sa garantie, la mise en place d’un dispositif de complément d’assurance et de réassurance public. La réactivation des dispositifs CAP et CAP+, nés lors de la crise financière des années 2008 et 2009, a été suivie de la mise en place d’un schéma de réassurance global, CAP Relais, tandis que les dispositifs d’assurance-crédit à l’export CAP Francexport et CAP Francexport+, mis en place en 2018, ont été renforcés.

 

 

1.   Des dispositifs ligne-à-ligne CAP et CAP+ pour soutenir le crédit interentreprises domestique

Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 ([16]), le Gouvernement a proposé, en réponse aux craintes exprimées par certaines entreprises, la mise en place d’un dispositif de réassurance public des risques liés à l’assurance-crédit sur le modèle du dispositif Complément d’assurance publique (CAP) qui avait été mis en place entre les mois de décembre 2008 et juin 2011 ([17]).

a.   Le dispositif réactivé

Le dispositif CAP reposait sur l’octroi d’une garantie publique à la Caisse centrale de réassurance (CCR) afin que celle-ci réassure certains risques d’assurance-crédit faisant l’objet d’une baisse ou d’une suppression des garanties accordées par les assureurs-crédit aux entreprises. En séance, présentant l’amendement qui avait pour objet de rétablir un tel dispositif ([18]), le ministre de l’économie et des finances l’a qualifié d’« absolument vital car il permettra[it] aux entreprises de continuer à bénéficier des couvertures dont elles ont besoin pour poursuivre leur activité » ([19]).

Issu de cet amendement, adopté avec l’avis favorable de la commission des finances de l’Assemblée nationale, l’article 7 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 ([20]) dispose ainsi que « la caisse centrale de réassurance, agissant avec la garantie de l’État, est habilitée à pratiquer les opérations d’assurance ou de réassurance, intervenant avant le 31 décembre 2020, des risques d’assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire situées en France ainsi que des engagements pris [dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction] ».

Cet article accorde en outre la garantie de l’État à la CCR dans le cadre de ces opérations d’assurance ou de réassurance, dans la limite d’un plafond de 10 milliards d’euros. Les conditions d’exercice de cette garantie sont renvoyées au pouvoir réglementaire.


b.   Une déclinaison en deux produits

Le dispositif initial de complément d’assurance et de réassurance se déclinait en deux produits, CAP et CAP+, proposés par les assureurs-crédit à leurs clients :

– CAP consiste en une garantie complémentaire réassurée auprès de la Caisse centrale de réassurance (CCR) et accordée par l’assureur-crédit, sous la forme d’un avenant, à l’assuré qui se verrait notifier une réduction de garantie sur certains clients, permettant ainsi à cet assuré de continuer à être couvert pour les créances détenues sur ces clients ;

– CAP+ consiste en une garantie de substitution accordée lorsque la contrepartie de l’assuré n’est plus assurable : l’assureur privé est alors intégralement réassuré, à l’exception d’une part résiduelle de 5 % qui reste à sa charge.

L’article 2 du décret du 4 avril 2020 ([21]) précise que « les opérations de réassurance font l’objet de traités de réassurance distincts conclus avec les entreprises d’assurance, et établis par la Caisse centrale de réassurance selon les usages et méthodes du marché de la réassurance, et précisant les conditions particulières notamment tarifaires ».

Les assureurs-crédit participant au dispositif ([22]) se sont engagés à déployer les produits dans le respect des termes de la convention de 2013 liant l’État, la médiation du crédit et les assureurs-crédit.

 


La Caisse centrale de réassurance

Créée en 1946, sous la forme d’un établissement public à caractère commercial, la Caisse centrale de réassurance (CCR) est devenue en 1992 une société anonyme détenue à 100 % par l’État. Elle est dirigée par un président nommé par le conseil d’administration et un directeur général nommé par le Président de la République, sur proposition du conseil d’administration. Ce dernier, constitué selon les règles de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance des sociétés à participation publique ([23]), comprend un représentant de l’État – poste dévolu à un membre de la direction générale du trésor –, neuf administrateurs dont trois proposés par l’État et cinq représentants des salariés.

Réassureur public, CCR propose avec la garantie de l’État des couvertures contre les catastrophes naturelles et les risques non assurables aux compagnies d’assurance opérant en France. Réassureur international et multi-spécialiste, filiale de CCR, CCR Re couvre les branches vie, non-vie et spécialités en France et dans 79 pays étrangers.

CCR est aussi un outil à la disposition des pouvoirs publics pour étudier d’éventuelles évolutions des dispositifs d’assurance, d’indemnisation, de prévention ou plus généralement de gestion des risques existants ou la mise en place de nouveaux dispositifs. Pour ce faire, CCR s’appuie sur une chaîne de modélisation multi-périls, développée depuis près de 20 ans en partenariat avec des organismes de recherche. La direction générale du trésor note que les relations entre CCR et les services de l’État sont particulièrement fluides. Elle souligne que le déploiement des différents dispositifs de soutien à l’accès à l’assurance-crédit dans le cadre de la crise et leur lancement rapide, sont le fruit, entre autres, d’une forte mobilisation des équipes de CCR.

Au 31 décembre 2020, le groupe comptait 271 collaborateurs exerçant plus de trente métiers. Le chiffre d’affaires de CCR était de 1,216 milliard d’euros pour l’année 2020.

CCR dispose de 2,4 milliards d’euros de capitaux propres et gère plus de 8,6 milliards d’euros d’actifs.


c.   Un accompagnement pertinent mais une gestion complexe

La direction générale du trésor estime que le déploiement des dispositifs ligne-à-ligne a permis, tout au long de la crise, d’accompagner des situations particulières d’entreprises, de façon personnalisée.

Toutefois, leur mise en œuvre a été jugée complexe par certains assureurs-crédit et certaines entreprises, ce qui a pu expliquer leur déploiement limité, particulièrement en début de crise, et très progressif. La gestion des garanties ligne à ligne implique en effet la réémission d’avenants et oblige l’assuré à formuler une demande spécifique pour chaque décision de réduction ou de résiliation de sa garantie.

En outre, le prix des garanties complémentaires ou de substitution, à la charge des entreprises assurées, était, dans la version initiale du dispositif, jugé particulièrement élevé :

– le prix de chaque garantie complémentaire CAP payé par l’assuré était de 2 % annuel, soit 0,167 % mensuel ([24]) ;

– le prix de chaque garantie de substitution CAP+ payé par l’assuré était de 3,5 % annuel, soit 0,292 % mensuel ([25]).

Ainsi, les dispositifs CAP et CAP+ ont permis de répondre à l’urgence et de fournir une réponse adaptée à des besoins ponctuels. Ils paraissaient en outre de nature à pallier un accompagnement éventuellement insuffisant des entreprises par les assureurs-crédit en début de reprise. Cependant, leurs inconvénients et leurs limites ne permettaient d’en faire, à eux seuls, une réponse suffisante en période d’arrêt brutal de l’économie.

2.   CAP Francexport et CAP Francexport+, dispositifs spécifiques à l’export

L’article L. 432-1 du code des assurances dispose que « le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État, pour les opérations concourant au développement du commerce extérieur de la France, [notamment] au bénéfice des établissements de crédit, aux sociétés de financement, aux entreprises d’assurance et de réassurance, aux mutuelles et institutions de prévoyance, de droit français ou étranger ».

En application de l’article L. 432-2 du même code, Bpifrance Assurance Export « est chargé par l’État de gérer et délivrer sous son contrôle, pour son compte et en son nom [c]es garanties publiques ». Le e du 1° de cet article précisait que ces dernières pouvaient être accordées, si une défaillance du marché de l’assurance-crédit était constatée, pour des opérations de réassurance des entreprises habilitées à pratiquer en France des opérations d’assurance-crédit, au titre des opérations d’assurance des risques politiques et commerciaux à l’exportation d’une durée de paiement inférieure à deux ans que celles-ci réalisent vers les pays qui ne sont ni membres de l’Union européenne ni membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), tels qu’ils sont définis à l’article 11 de l’Arrangement de l’OCDE sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public, dans la limite globale d’un milliard d’euros, l’État n’étant financièrement exposé que pour autant que l’assureur-crédit, cosignataire du traité de réassurance, conserve une exposition au risque.

Face à la crise résultant de la pandémie de covid-19, l’État a renforcé en 2020 le dispositif de réassurance mis en place en 2018 par Bpifrance Assurance Export sur le fondement des dispositions précitées.

a.   Des dispositifs mis en place en 2018

Au mois d’octobre 2018, Bpifrance Assurance Export a mis en place avec Axa Assurcrédit, Atradius, Coface, Euler Hermes et Groupama Assurance-crédit & caution un dispositif décliné, sur le modèle de CAP et CAP+, sous deux modalités : une garantie complémentaire mobilisable en cas de réduction par l’assureur-crédit de sa garantie primaire, CAP Francexport, et une garantie de substitution mobilisable en cas de refus ou de résiliation de garantie, CAP Francexport+.

La limite globale du dispositif, ouvert aux PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont le chiffre d’affaires était, sauf dérogation accordée au cas par cas, inférieur ou égal à 1,5 milliard d’euros, s’élevait, de manière cohérente avec le montant maximal fixé de garantie fixé à l’article L. 432-2 du code des assurances, de 1 milliard d’euros, chaque assureur-crédit signataire disposant d’un plafond de 200 millions d’euros. Pouvaient être couvertes les opérations d’exportation dont la durée de crédit n’excédait pas 360 jours, le montant des marchandises ou prestations vendues devant en outre comporter une part française ([26]) d’au moins 20 %. Le montant de la prime acquittée variait selon le niveau de risque du pays concerné.

b.   Un dispositif renforcé en 2020

Issu d’un amendement gouvernemental ([27]), l’article 5 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 précitée apporte deux modifications aux dispositions du code des assurances qui fondent le dispositif CAP Francexport :

– d’une part, il élargit le bénéfice du dispositif aux opérations réalisées vers l’ensemble des pays étrangers, même membres de l’Union européenne ou de l’OCDE ;

– d’autre part, il porte de 1 à 2 milliards d’euros le montant maximal des encours réassurables.

Compte tenu du caractère mondial d’une crise frappant aussi bien l’offre que la demande, une action plus forte de l’État a été jugée nécessaire. Aussi l’article 15 de la seconde loi de finances rectificative pour 2020 ([28]) a rehaussé une nouvelle fois le montant maximal des encours réassurables, en le portant à 5 milliards d’euros.

3.   CAP Relais, programme de réassurance de portefeuille qui a assuré le maintien global des garanties

Comme le précise l’évaluation préalable de l’article 15 du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, les services de l’État ont observé la « poursuite des résiliations ou réductions de lignes assurées malgré la mise en place des dispositifs de réassurance ligne par ligne ». La mise en place d’une réassurance globale a donc été proposée.

a.   Une réassurance globale en quote-part

Pour compléter, à titre subsidiaire, les dispositifs de réassurance ligne-à-ligne et accompagner leur déploiement, un nouveau dispositif, appelé CAP Relais, a été annoncé le 11 juin 2020.

Reposant sur un traité qui prévoit le partage des primes et des sinistres entre CCR et les assureurs-crédit selon une proportion de 75 % pour la première et de 25 % pour les seconds, ce dispositif de réassurance couvre l’intégralité des risques des assureurs-crédit signataires ([29]) éligibles à CAP et CAP+, soit une couverture du marché de l’ordre de 95 %.

En souscrivant ce traité, les assureurs se sont engagés à maintenir l’encours global de leurs engagements tel qu’il était au 31 mai 2020. Par ailleurs, ils se sont également engagés à un maintien échelonné des garanties ligne à ligne en fonction de la qualité du risque de chaque acheteur suivant l’échéancier suivant :

– jusqu’au 31 décembre 2020 pour la classe des meilleurs risques ;

– jusqu’au 30 novembre 2020 pour la classe des bons risques ;

– jusqu’au 31 octobre 2020 pour la classe des risques moyens ;

– jusqu’au 30 septembre 2020 pour la classe des risques dégradés;

– jusqu’au 31 août 2020 pour la classe des risques aggravés.

En outre, le schéma intégrait un plafond de pertes (Loss CAP) en fonction de la sinistralité maximale pouvant être prise en charge par le dispositif, fixé à un niveau de sinistralité équivalent à cinq fois les primes cédées par les assureurs-crédit. Jusqu’à ce plafond, les pertes seraient portées par le réassureur public et par l’assureur-crédit en proportion de leur quote-part du risque détenu. Au-dessus de ce plafond, les pertes résultant des sinistres seraient entièrement assumées par les assureurs-crédit.

b.   Le cadre juridique fixé par la troisième loi de finances rectificative pour 2020

L’article 34 de la loi de finances rectificative pour 2020 du 30 juillet 2020 ([30]) apporte quatre modifications aux dispositifs en cours de déploiement :

– les risques portés par les entreprises de toutes tailles sont devenus éligibles aux opérations de réassurance pratiquées par la CCR ;

– la réassurance des risques de portefeuille est ouverte aux opérations à l’export, la réassurance de ces opérations étant confiée à CCR en raison de la difficulté de distinguer, au sein des portefeuilles des assureurs-crédit, les opérations domestiques des opérations à l’export ;

– le plafond de 10 milliards d’euros initialement fixé est ventilé en deux compartiments, l’un de 8 milliards d’euros pour la garantie des encours des dispositifs de réassurance des risques individuels et l’autre de 2 milliards d’euros pour la garantie des pertes liées à la mise en œuvre de dispositifs de réassurance de portefeuilles de risques (« CAP Relais ») ;

– il est précisé que la garantie de l’État n’est engagée que dans la mesure où l’assureur-crédit cosignataire du traité de réassurance conserve à sa charge, pour chaque risque réassuré, une part minimale de risque, qui, pour les traités de réassurance globale, est fixée à 25 %.

En outre, à la suite de l’adoption d’un amendement parlementaire ([31]), sous-amendé ([32]), l’article 34 de la troisième LFR pour 2020 prévoit que le Gouvernement devra présenter au Parlement, dans un délai de dix-huit mois, un rapport évaluant l’efficacité du dispositif « au regard du niveau de fonds propres des assureurs crédit et de la capacité du marché à prendre à nouveau à sa charge les risques de crédit ». À la date du 2 février 2022, le Gouvernement n’a pas remis le rapport prévu.

c.   Un outil efficace

Si les dispositifs de réassurance ligne-à-ligne visaient à permettre tout au long de la crise d’accompagner des situations particulières d’entreprises, de façon personnalisée, CAP Relais a été conçu de façon à accompagner leur déploiement, leur montée en charge mais également leur baisse de régime en fin de dispositif étant progressives. Cette complémentarité et ce schéma d’ensemble visaient notamment à éviter l’écueil d’une sortie abrupte du dispositif qui aurait pu surgir dans les autres schémas de réassurance européens, reposant exclusivement sur un système de réassurance globale en quote-part.

Surtout, CAP Relais semble avoir atteint son objectif de maintien d’un climat de confiance dans les relations interentreprises. Les fédérations professionnelles d’entreprises mettent au crédit du dispositif d’avoir évité une crise de confiance généralisée sur les flux de paiements. Cette intervention massive de l’État, reposant sur la garantie de celui-ci dans le cadre d’un dispositif transparent pour les entreprises, aura eu raison des interrogations des assureurs-crédit.

Du point de vue de l’assuré, CAP Relais présentait plusieurs avantages :

– totalement transparent, il ne requérait aucun acte de gestion ;

– il permettait aux assurés d’obtenir le maintien de leurs garanties au prix initial ;

– il évitait toute réduction ou résiliation de garantie non totalement compensée par le dispositif public.

B.   Des dispositifs ajustÉs et prorogÉs

Face à l’incertitude persistante de la situation à la fin de l’année 2020 et compte tenu des nouvelles mesures de restriction prises alors pour endiguer la pandémie de covid-19, les dispositifs déployés, réactivés ou renforcés ont été prorogés.

Issu d’un amendement gouvernemental ([33]), l’article 215 de la loi de finances initiale pour 2021 ([34]) repousse au 31 décembre 2021 la date jusqu’à laquelle l’État accorde sa garantie à la Caisse centrale de réassurance pour pratiquer des opérations d’assurance et de réassurance en matière d’assurance-crédit.

En outre, cet article prévoit que le décret d’application précité des dispositions de l’article 7 de la première loi de finances rectificative pour 2020 précise les dates d’échéance des traités pour chaque catégorie d’opérations de réassurance pratiquées. Cette précision permet de dissocier ces dates d’échéance de celle jusqu’à laquelle la garantie de l’État est accordée à la CCR, le dispositif CAP Relais n’ayant pas vocation à perdurer une fois les autres dispositifs déployés.

Sur le fondement de cet article, de nouveaux traités de réassurance ont permis la prorogation des dispositifs CAP, CAP+, CAP Francexport et CAP Francexport+ jusqu’au 31 décembre 2021, tandis que le dispositif CAP Relais était prorogé jusqu’au 30 juin 2021.

1.   La prorogation des dispositifs de réassurance ligne-à-ligne

Les dispositifs de réassurance ligne-à-ligne domestiques et à l’export ont fait l’objet d’une réforme paramétrique visant à offrir un accompagnement davantage personnalisé, efficace et adapté aux entreprises :

– le tarif des primes publiques a été revu à la baisse pour l’ensemble des couvertures ;

– les plafonds de couverture ont été rehaussés ;

– les dispositifs de garantie complémentaire et de garantie de substitution ont été ouverts à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ;

– le plafond de la garantie complémentaire CAP ou CAP Francexport, fixé jusqu’alors à 100 % de la garantie primaire de l’assureur-crédit, a été porté à 200 % de celle-ci.


principaux paramÈtres des dispositifs de complÉment d’assurance publics

(à jour des différentes modifications intervenues à la date du 1er janvier 2021)

 

Assureurs proposant les produits CAP, CAP +, CAP Francexport et CAP Francexport +

Atradius, Axa Assurcrédit, Coface, Euler Hermes, Groupama

Plafond d’indemnisation par assuré

(en euros)

CAP

CAP Francexport

CAP +

CAP Francexport +

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

Quotité garantie pour l’assuré

90 % (maximum)

90 % (maximum)

80 %

80 %

Quote-part réassurée par l’État

(partage du risque assuré entre l’assureur-crédit et l’État)

67 % (maximum)

67 % (maximum)

95 %

95 %

Plafond par acheteur pour CAP + et CAP    Francexport +

(en euros)

500 000 pour les acheteurs « risque moyen »

250 000 pour les acheteurs « risque élevé »

Prime mensuelle
(en % de l’encours maximum mensuel des garanties CAP, CAP +, CAP Francexport et CAP Francexport +) pour une durée de crédit inférieure ou égale à 90 jours

Zone acheteur ([35])

CAP et CAP Francexport

CAP + et

CAP Francexport +

France et Zone A

0,104 % 

0,267 %

Zone B

0,122 %

0,295 %

Zone C

0,147 %

0,367 %

Zone D

0,200 %

0,421 %

Coefficient multiplicateur de la prime mensuelle  en cas de durée de crédit supérieure à l’export

Durée de crédit comprise entre 91 et 180 jours : x 1,2

Durée de crédit comprise entre 181 et 360 jours : x 2

Durée de crédit comprise entre 361 et 540 jours : x 3

Durée de crédit comprise entre 541 et 720 jours : x 4

Source : ministère de l’économie, des finances et de la relance.

Dans un contexte de normalisation du marché de l’assurance-crédit et à la suite des concertations menées auprès des fédérations professionnelles d’entreprises et des assureurs-crédit, les dispositifs CAP et CAP+ ne seront pas prolongés en 2022. En revanche, soucieux de sécuriser le retour des entreprises françaises sur les marchés étrangers dans un contexte de reprise soutenue du commerce mondial, le Gouvernement a annoncé le 6 décembre 2021 la prorogation de CAP Francexport et CAP Francexport+ jusqu’au 31 mars 2022.

2.   La prorogation de CAP Relais jusqu’au 30 juin 2021

Le dispositif CAP Relais a été reconduit jusqu’au 30 juin 2021 avec quatre des cinq assureurs-crédit qui y participaient en 2020 ([36]). Comme dans sa version initiale déployée en 2020, ce schéma de réassurance prévoyait un maintien de l’encours global des garanties, ainsi qu’un maintien échelonné des encours des garanties ligne-à-ligne selon un échéancier reposant sur la qualité du risque que présente l’acheteur :

– jusqu’au 30 juin 2021 pour la classe des meilleurs risques ;

– jusqu’au 31 mai 2021 pour la classe des bons risques ;

– jusqu’au 30 avril 2021 pour la classe des risques moyens ;

– jusqu’au 31 mars 2021 pour la classe des risques dégradés ;

– jusqu’au 28 février 2021 pour la classe des risques aggravés.

La vague de faillites redoutée ne s’étant pas produite, le partage de primes et des risques a été fortement révisé, les assureurs-crédit en conservant 80 % et le réassureur en prenant 20 %.

L’appétit au risque des assureurs-crédit semblant se normaliser, ces derniers n’ont pas souhaité que le dispositif CAP Relais soit prorogé au-delà du 30 juin 2021, date à laquelle il a donc pris fin, à l’instar des autres schémas de réassurance globale des portefeuilles d’assurance-crédit mis en place par les principaux partenaires européens de la France. En outre, il était conçu pour faire face à une éventuelle vague d’impayés qui ne s’est pas réalisée, notamment en raison du soutien apporté à l’économie par d’autres dispositifs ([37]).

II.   un soutien massif de l’État face À la crise

Tant l’attention accordée dès le début de la crise sanitaire par les pouvoirs publics à la situation du marché de l’assurance-crédit que le déploiement rapide d’outils nombreux pour soutenir « quoi qu’il en coûte » l’économie peuvent expliquer une sinistralité réduite et une contraction finalement modérée des encours garantis par l’assurance-crédit.

A.   Un suivi attentif du marchÉ de l’assurance-crÉdit par les pouvoirs publics

Dès les premières semaines de la crise sanitaire, les modalités du reporting dont l’assurance-crédit est l’objet ont été adaptées, et les dossiers transmis à la médiation du crédit ont généralement trouvé une issue favorable.

1.   Un suivi adapté

La direction générale du trésor, en lien avec l’ACPR, a su faire preuve de réactivité en mettant en place dès le début de la crise, un reporting hebdomadaire des encours d’assurance-crédit auprès des principaux assureurs actifs sur le marché domestique. Ce reporting ad hoc complète par ailleurs, les différentes informations et données qui ont été recueillies par les réassureurs publics auprès des assureurs-crédit participant aux dispositifs de soutien à l’accès à l’assurance-crédit, notamment CAP Relais jusqu’à son arrêt le 30 juin 2021. Ce suivi ainsi qu’un audit mené par CCR ont permis de constater que les assureurs-crédit avaient respecté leurs engagements, en particulier en termes de maintien des encours garantis.

Bpifrance note toutefois des contraintes de gestion des assureurs-crédit, qui « n’ont pas souhaité ou pu adapter leurs outils de reporting pour adresser à Bpifrance Assurance Export et à l’État des états harmonisés ». L’opérateur signale que « de ce fait, les contrôles prévus [...] ne sont pas automatiques, mais manuels et varient d’un assureur à l’autre compte tenu des informations qu’ils envoient à Bpifrance Assurance Export ». Ainsi est-il « difficile pour Bpifrance Assurance Export d’identifier les éventuelles incohérences dans leurs déclarations et d’aiguiller les contrôles de l’État ».

2.   Un rôle actif de la médiation du crédit

Au cours de l’année 2020, la médiation a été particulièrement mobilisée pour accompagner les entreprises confrontées à la crise en facilitant, en cas de difficulté, leur accès aux dispositifs publics de soutien à la trésorerie. Sur l’ensemble de la période, 14 147 entreprises ont été éligibles à la médiation, essentiellement à la suite d’un refus initial d’octroi d’un prêt garanti par l’État (PGE). Quoique le nombre des saisines relatives à l’assurance-crédit soit demeuré très faible, le nombre des dossiers instruits n’en a pas moins connu une forte progression pour s’établir à 159 à la fin de l’année 2020.

Source : médiation du crédit.

Dans 80 % des cas, les médiations ont connu une issue positive, la situation financière des entreprises en question n’étant pas excessivement dégradée et pouvant justifier une discussion. Les sorties se sont faites pour les deux tiers en CAP et CAP+ et, dans un tiers des cas, la médiation a permis de rétablir des garanties partielles ou modérées. Tant les entreprises que les assureurs-crédit saluent le rôle du médiateur pendant cette crise.

Source : médiation du crédit.

B.   une riche palette d’outils qui a pu limiter la sinistralitÉ et les besoins de rÉassurance publiqUe

La réponse publique aux effets économiques de la crise sanitaire ne s’est pas limitée au soutien à l’assurance-crédit et au crédit interentreprises. Si la contraction de l’activité de l’assurance-crédit paraissait ainsi réelle mais mesurée au terme de l’année 2020 ([38]), c’est toute la palette des outils déployés pour que le « mur de faillites » initialement craint ne se concrétise pas qui aura pu y contribuer.

1.   La mobilisation d’une large gamme de dispositifs

Les dispositifs de complément d’assurance et de réassurance publics déployés dans le cadre de la crise s’inscrivent dans une large palette d’outils déployés par l’État pour soutenir dès le début de la crise l’économie française, au sein de laquelle figurent notamment :

– des prêts de trésorerie garantis par l’État (dits PGE) ;

– un dispositif exceptionnel de prise en charge de l’indemnisation de l’activité partielle ;

– des reports de cotisations et contributions sociales ;

– des reports d’échéances fiscales ;

– un fonds de solidarité pour prévenir la cessation d’activité des petites entreprises, micro-entrepreneurs, indépendants et professions libérales ;

– un plan de soutien aux entreprises exportatrices.

Selon le comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19, les quatre principales d’entre elles – activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État et reports de cotisations sociales – « mobilisaient 230 milliards d’euros à la fin juin 2021, soit 10 % du produit intérieur brut français » ([39]). Si l’objet du présent rapport n’est pas d’étudier ces différents outils ni de mesurer l’efficacité de chacun, force est de constater qu’ils ont pu limiter considérablement les défaillances d’entreprise et les impayés contre les conséquences desquelles l’assurance-crédit a précisément pour objet de prémunir les entreprises.

Les dispositifs mis en place pour soutenir l’assurance-crédit n’en ont pas moins permis de contribuer à la restauration et au maintien d’une confiance nécessaire à la reprise de l’activité économique du pays.


2.   Une sinistralité et des encours réassurés finalement limités

L’assurance-crédit a bénéficié d’un soutien important, puisque l’État a prévu de garantir, au fil des différentes lois de finances pour 2020, des opérations de réassurance jusqu’à un montant de 15 milliards d’euros.

 

GARANTIES DE L’ÉTAT SUR LES ENCOURS RÉASSURÉS
AU TITRE DES RISQUES D’ASSURANCE-CRÉDIT

(en milliards d’euros)

Opérateur

Dispositif

LFI

LFR 1

LFR 2

LFR 3

Total

Bpifrance Assurance Export

Réassurance des opérations d’assurance-crédit export (CAP Francexport et CAP Francexport+)

1

2

5

5

Caisse centrale de réassurance

Réassurance des opérations d’assurance-crédit domestiques (CAP et CAP+)

10*

8**

8

Réassurance de portefeuille
(CAP  Relais)

2**

2

Total

15

* Champ : PME et ETI.

** Champ : toutes entreprises.

Source : commission des finances.

Cependant, le montant des encours finalement réassurés dans le cadre des dispositifs mis en place est demeuré très inférieur, en deçà des montants des garanties accordées à CCR et à Bpifrance Assurance Export au titre des opérations de réassurance ligne à ligne. Ainsi s’établissait-il à la fin de l’année 2021 à 1,763 milliard d’euros.

évolution des Encours garantis
par les dispositifs cap, CAP+, CAP Francexport et CAP Francexport+

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après la direction générale du trésor.

La multiplication des dispositifs de soutien a par ailleurs entraîné une forte réduction du nombre de sinistres, à tel point qu’il s’établissait au mois de décembre 2020 en retrait de 43,6 % par rapport à son niveau de la même période de l’année précédente, à 381 ([40]).

Si la reprise est forte en 2021, des incertitudes demeurent, et une remontée des faillites est attendue. Ainsi, au mois d’octobre 2021, Euler Hermes anticipait un rebond de 40 % des défaillances d’entreprise en 2022, notamment en raison du retrait des mesures publiques de soutien. Au niveau mondial, les défaillances progresseraient de 15 % ([41]).

La rapporteure estime qu’il serait judicieux de maintenir et d’approfondir le suivi non seulement de l’assurance-crédit mais des comportements de paiement. Il conviendra d’être attentif aussi bien aux conséquences de la fin d’un soutien accordé « quoi qu’il en coûte » à l’économie nationale qu’à celles que pourraient avoir de nouveaux développements de la pandémie sur l’économie.

Recommandation n° 3 : doter l’Observatoire des délais de paiement d’outils de mesure et d’analyse périodique des retards de paiement et des comportements de paiement.

Recommandation n° 4 : prévoir la publication régulière d’informations permettant d’apprécier les comportements de paiement.

D’un point de vue financier, en 2020, les primes brutes perçues par CCR au titre du dispositif CAP Relais se sont élevées à 253,65 millions d’euros. Les primes afférentes aux dispositifs CAP et CAP+ s’élevaient respectivement à 3,06 et 3,1 millions d’euros ([42]). À la date du 21 janvier 2022, selon les derniers décomptes reçus par CCR de la part des assureurs-crédits, les montants pour l’année 2021 des primes afférentes aux dispositifs CAP Relais, CAP et CAP+ s’élèvent respectivement à 38,6 millions d’euros, 10,4 millions d’euros et 13,2 millions d’euros ([43]).

En ce qui concerne les dispositifs CAP Francexport et CAP Francexport+, les primes perçues par Bpifrance Assurance Export pour le compte de l’État ont atteint 1,6 million d’euros en 2020. À la date du 31 janvier 2022, les données pour l’année 2021 n’étaient pas disponibles, mais, selon Bpifrance Assurance Export, les primes devraient atteindre environ 6 millions d’euros en 2021.

D’un point de vue budgétaire, aucune dépense n’est intervenue en 2020 ni en 2021 au titre de la garantie de l’État.

 


—  1  —

   troisiÈme partie :
de nÉcessaires Évolutions
DU Cadre et des pratiques de marchÉ
DE L’ASSURANCE-CRÉDIT

Si l’assurance-crédit n’a pas vocation à remédier à des chocs exogènes massifs, la crise sanitaire a néanmoins souligné que sa procyclicité pouvait aggraver l’effet de ces chocs sur la confiance des entreprises et contribuer à détériorer leurs relations commerciales. Affectées par des décisions de réduction de garantie qui ont semblé disproportionnées, en particulier au regard du soutien important et immédiat de l’État dont ce marché et l’ensemble de l’économie ont bénéficié, des entreprises ont pu déplorer le fait que les assureurs-crédit leur apportaient un soutien insuffisant, voire que leur comportement menaçait leur activité. Confrontées dès lors à un surcroît de difficultés, elles ont pu s’interroger sur la pertinence du modèle économique de l’assurance-crédit.

Les difficultés constatées invitent à rééquilibrer les relations entre assureurs-crédit, d’une part, et assurés et acheteurs, d’autre part. Cela implique notamment de renforcer, voire rétablir, des liens de confiance entre eux et de réduire la procyclicité de l’assurance-crédit, afin que celle-ci ne soit pas, en période de crise, la cause d’une détérioration supplémentaire de l’activité économique.

I.   Une rÉaction des assureurs-crÉdit À la crise sanitaire perçue comme excessive voire dÉstabilisatrice

Les décisions prises par les assureurs-crédit dès le printemps 2020 en réponse à la pandémie mondiale ont témoigné de la procyclicité de leur action et pu accentuer les risques qui pesaient sur une économie déjà fragilisée par les conséquences économiques de la crise sanitaire. Au regard des difficultés rencontrées par certains secteurs d’activité, un meilleur encadrement de l’assurance-crédit permettrait d’éviter que celle-ci ne soit, en temps de crise, un facteur supplémentaire de déstabilisation.

A.   un caractÈre procyclique de l’assurance-crÉdit manifestÉ par la crise sanitaire

Dès le début de la crise sanitaire, le désengagement des assureurs-crédit a souligné la procyclité de cette activité. Certains secteurs de l’économie ont pu voir leurs difficultés accentuées par ces décisions.

1.   Un modèle économique de l’assurance-crédit procyclique

Le comportement des assureurs-crédit pendant la crise actuelle ainsi que pendant la crise économique de 2008-2009 tend à confirmer le caractère procyclique de cette activité. Les trois principaux assureurs-crédit français sont spécialisés dans ce champ d’activité : la diversification de leur risque est donc limitée et s’opère au sein du portefeuille de leurs assurés, entre leurs assurés et entre pays pour la dimension export. Leurs expositions sont « concentrées sur le risque de défaut de paiement de la contrepartie de leurs assurés » comme le précise le rapport remis en 2013 par l’inspection générale des finances (IGF) sur le crédit interentreprises et la couverture du poste clients. Les assureurs-crédit sont donc exposés à un risque unique, dont la réalisation est liée à la conjoncture économique. L’évolution du ratio des sinistres rapportés aux primes dépend a priori fortement de la conjoncture, même si une forte intervention publique dès le début du premier confinement a permis de contenir le niveau de sinistralité.

Les assureurs‐crédit n’ont pas suffisamment de fonds propres pour absorber des chocs importants tout en maintenant leurs encours. Ils doivent être réactifs pour modifier leur exposition en fonction de l’évolution de la probabilité de défaut anticipée des acheteurs.

Le système de notation (scoring), qui permet d’évaluer la probabilité de défaut de l’acheteur, est complété par la faculté laissée aux assureurs‐crédit de réduire ou de résilier une couverture sur un acheteur en temps réel, sous réserve des engagements déjà pris et du carnet de commandes. Les assureurs‐crédit sont donc vigilants et prudents dans leur politique de couverture, ce qui se traduit par la réduction des encours garantis dès les premiers signes de dégradation de la situation de la contrepartie. Confrontés à une situation inédite de dégradation très rapide de la conjoncture, les assureurs‐crédit ont donc utilisé leur capacité de réduction de leur exposition en temps réel pour rétablir au plus vite leur ratio de sinistralité moyen.

Principes de base de l’Élaboration du score par un assureur-crÉdit

Source : rapport établi en 2013 par l’Inspection générale des finances (IGF) sur le crédit interentreprises et la couverture du poste clients.

Comme elle en a fait part à la mission d’information, la Fédération française de l’assurance (FFA) estime toutefois infondées les critiques quant au caractère procyclique de l’activité d’assurance-crédit. En effet, « l’assurance-crédit n’est que le reflet de la situation économique à un moment précis », l’assureur-crédit prenant ses décisions en fonction de celle-ci, et ne peut « servir d’amortisseur des risques systémiques qui touchent l’ensemble de l’économie ».

Elle souligne également qu’en cas de réduction du montant d’encours garanti sur un acheteur, l’assuré reste libre de continuer à commercer avec l’acheteur. L’assureur-crédit ne ferait qu’objectiver les tensions entre entreprises. Pour la FFA, « la seule hypothèse où l’assurance-crédit serait procyclique serait [celle] dans laquelle l’assureur baisse la note de l’acheteur ou réduit son encours sans que cela soit justifié ».

Pour sa part, le comité de crise sur les délais de paiement a très vite exprimé les préoccupations que lui inspirait la dégradation des couvertures d’assurance-crédit ([44]) : « dans le contexte général de l’évolution des délais de paiement, le comité observe par ailleurs l’augmentation des remontées d’entreprises s’inquiétant de la dégradation des couvertures d’assurance-crédit. Il rappelle que les assureurs-crédit sont tenus de respecter des principes de transparence et de prévenance au titre de la convention de 2013 qui les lie à la Banque de France. Leur rôle est essentiel à la bonne fluidité des échanges interentreprises et le Comité sera particulièrement vigilant aux évolutions globales et sectorielles de la couverture des entreprises. »

Cet avertissement témoigne bien des conséquences que peuvent emporter les décisions des assureurs-crédit sur les échanges commerciaux et le bon déroulement de la vie économique.

Le comité de crise sur les délais de paiement

Mis en place le 23 mars 2020 par le ministre de l’économie et des finances et le gouverneur de la Banque de France et coanimé par le médiateur des entreprises et le médiateur national du crédit, le comité de crise sur les délais de paiement réunit régulièrement les organisations interprofessionnelles – Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Mouvement des entreprises de France (MEDEF), Union des entreprises de proximité (U2P)… – avec l’appui des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Il a pour objet de traiter les signalements impliquant les entreprises ou des acteurs publics qui ont un impact structurel dans leur secteur d’activité et dont les achats cumulés représentent plusieurs centaines de millions d’euros.

En 2020, il est intervenu une quarantaine de fois pour mettre fin à des comportements non coopératifs en matière de délais de paiement ou à d’autres pratiques anormales d’entreprises envers leurs fournisseurs. Le comité a également distingué pour leurs bonnes pratiques seize entreprises qui se sont engagées à soutenir leurs fournisseurs, par exemple par une généralisation des acomptes ou une accélération des paiements, notamment envers les TPE et PME.

Pour suivre en temps réel la situation du crédit interentreprises, le comité de crise sur les délais de paiement a décidé de mettre en place un baromètre mesurant le ressenti des chefs d’entreprise en matière de délais de paiement. Réalisé par l’institut BVA auprès d’un échantillon représentatif de 600 entreprises, il a été reconduit de manière trimestrielle pour l’année 2021.

Source : Comité de crise sur les délais de paiement.

Au-delà du marché domestique, Bpifrance relève que les assureurs-crédit ont été « davantage réticents » à accompagner les primo-exportateurs pendant la crise, soulignant une modification du comportement des assureurs-crédit accentuant la contraction des échanges.

Comme l’indique la direction générale du trésor, l’assureur qui se retire « ne joue plus son rôle d’amortisseur et provoque au contraire une accélération de la crise ». La Confédération du commerce de gros et international (CGI) note ainsi qu’avec l’abaissement de la notation d’une entreprise un mauvais signal est adressé à toute une filière, d’autant plus préjudiciable que l’activité est en crise.

La décision prise par l’assureur-crédit peut avoir un impact immédiat pour l’acheteur. Si l’assureur‐crédit de son fournisseur ne veut plus le couvrir, ce dernier peut être conduit à demander à l’acheteur de le payer comptant, et cet acheteur doit s’exécuter sous peine de perdre son fournisseur. Comme le note le MEDEF dans sa contribution à la mission d’information, « même si la dégradation de la cote des entreprises était en phase avec leur situation, dans certaines circonstances, la dégradation de l’appréciation de l’assureur peut avoir pour conséquence de limiter le volume d’affaires réalisable entre un client et un fournisseur assuré ou de déclencher un durcissement des conditions de paiement par le fournisseur ».

Spécialisée dans le développement de solutions de gestion d’assurance-crédit et de caution, la société Tinubu Square note par ailleurs que les conséquences du plan de soutien du Gouvernement, notamment la distribution large de prêts garantis par l’État (PGE), ont été « mal anticipées » par les assureurs, ce qui a pu entraîner de leur part des modifications inadaptée des encours garantis. Une faible sinistralité a ainsi pu être observée non seulement en France, mais également dans les autres pays européens, avec un nombre de défaillances d’entreprise inférieur de 40 % à leur volume une année hors crise.

2.   Un désengagement des assureurs-crédit dès le début de la crise sanitaire

Dès le début de la crise liée à la pandémie de covid-19, les assureurs-crédit se sont désengagés d’une partie du risque qu’ils portaient afin de maintenir leurs équilibres financiers. Les informations recueillies par la mission d’information témoignent d’un « effet ciseau » subi par certains assurés en raison d’une diminution des montants garantis et d’une augmentation simultanée du taux des primes.

D’après une enquête réalisée par la CPME au mois de mai 2020, 28 % des entreprises ayant recours à un ou plusieurs assureurs-crédit ont signalé un désengagement d’au moins l’un d’entre eux. Cette situation est confirmée par le baromètre Diot Crédit, qui fait état d’une forte hausse des décisions de réduction et de résiliation de la part des assureurs au deuxième trimestre 2020. Selon la CPME, « les remontées de [ses] adhérents au début de la crise de Covid-19 ont également fait état d’une hausse des coûts des contrats, ainsi que d’une invitation des assureurs à utiliser le PGE, en plus du dispositif CAP / CAP + pour se couvrir ». La CPME a jugé cette situation « inacceptable ». La CGI note pour sa part que « près de 60 % des grossistes estimaient ne pas être bien accompagnés par leur assureur crédit ».


D’autres décisions ont pu être déplorées. Les professionnels ont observé pendant le second trimestre 2020 des comportements et prises de décision plus inattendus encore de la part de certains assureurs-crédit. Ils sont ainsi nombreux à avoir reçu des avis de hausse de taux de prime, des augmentations de frais de surveillance et des instaurations unilatérales de franchises.

Lettre envoyÉe le 19 avril 2020 par un assureur-crÉdit À l’un de ses assurÉs

Une image contenant texte

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Source : Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC)

Les modifications unilatérales de taux de prime sont une autre illustration du comportement à caractère procyclique des assureurs-crédit pendant la crise :

Lettre envoyÉe le 19 juin 2020 par un assureur-crÉdit À l’un de ses assurÉs

Source : FDMC.

Si la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC) note que les taux de prime, les avis de hausse et les dates d’application tiennent bien compte des spécificités de ses adhérents qui lui ont transmis ces informations, elle n’en a pas moins déploré une importante hausse, comprise entre 8 % et 34 %, des taux de prime ainsi que des minimums de prime.

Les interrogations des entreprises concernées ont été d’autant plus vives que les dispositifs CAP et CAP+ étaient déjà en place et que le 11 juin 2020 un schéma de réassurance globale était annoncé, sous la forme du dispositif CAP Relais. Qu’un assureur-crédit écrive le 19 juin 2020, comme dans la lettre ci-dessus, que la tarification en vigueur n’était « plus adaptée à la réalité des risques » supportés était particulièrement incompréhensible pour le client.

Ainsi, par sa rapidité, par ses formes et par sa durée, le désengagement des assureurs-crédit en dépit des mesures de soutien à l’activité a alimenté un sentiment d’incompréhension de la part des assurés et de leurs clients. Ces derniers ont pu considérer que le comportement des assureurs-crédit ne faisait qu’aggraver les difficultés dans un contexte où le maintien des couvertures aurait, au contraire, pu réduire les incertitudes.

3.   Des secteurs d’activité plus particulièrement affectés par les décisions des assureurs-crédit

La nature de la crise sanitaire faisait porter un risque fort sur des secteurs comme le bâtiment, le textile, l’aéronautique ou encore l’alimentaire. La société de courtage en assurance SIACI Saint-Honoré souligne ainsi qu’il était « extrêmement difficile de trouver des garanties dans certains secteurs ». Certes, conformément à l’article 3 de la convention du 17 juin 2013 qui stipule que « les assureurs-crédit s’engagent à ne procéder à aucun retrait de garantie sur une base sectorielle ou départementale sans tenir compte de la situation particulière et des performances propres de l’entreprise (acheteur) évaluée », aucune décision proprement sectorielle de retrait de garantie ne semble avoir été prise, mais les fédérations professionnelles auditionnées par la mission d’information n’en soulignent pas moins que la politique de prix des assureurs-crédit pouvait se révéler « insuffisamment personnalisée ». Si la concentration des dégradations sur un secteur d’activité ou sur une zone géographique augmente le risque de difficultés sans que l’on puisse l’attribuer directement à des considérations sectorielles des assureurs-crédit, des secteurs ou des territoires ont pu, comme le relève le MEDEF, « se sentir lésés ».

B.   Une facultÉ de dÉsengagement qu’il conviendrait de mieux encadrer

Malgré des dispositifs prévus pour en limiter l’ampleur et la rapidité, les désengagements des assureurs-crédit ont été importants dès le deuxième trimestre de 2020 : si ces pratiques doivent rester possibles lorsque se rencontrent des circonstances exceptionnelles, leur encadrement doit être précisé.

1.   Les dispositifs existants se sont révélés insuffisants pour limiter l’ampleur des désengagements pendant la crise sanitaire

Les désengagements des assureurs-crédit ont été importants pendant la crise sanitaire, malgré des dispositions ayant vocation à en contenir l’ampleur et à en réduire la brutalité.

Ainsi, l’article R. 113-10 du code des assurances prévoit notamment un délai de prise d’effet pour les résolutions de contrat après sinistre : « dans le cas où une police prévoit pour l’assureur la faculté de résoudre le contrat après Sinistre, la résolution ne peut prendre effet qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à dater de la notification à l’assuré. L’assureur qui, passé le délai d’un mois après qu’il a eu connaissance du Sinistre, a accepté le paiement d’une prime ou cotisation ou d’une fraction de prime ou cotisation correspondant à une période d’assurance ayant débuté postérieurement au Sinistre ne peut plus se prévaloir de ce Sinistre pour résoudre le contrat. (…) / La faculté de résolution ouverte à l’assureur et à l’assuré, par application des deux précédents alinéas, comporte restitution par l’assureur des portions de primes ou cotisations afférentes à la période pour laquelle les risques ne sont plus garantis. (…) »

En outre, l’article 8 de la convention du 17 juin 2013 prévoit que « les assureurs-crédit s’engagent à ce que, sauf cas exceptionnels, les réductions ou résiliations de lignes de garantie ne soient effectives que dans un délai d’un mois après l’information des assurés. Il est rappelé qu’en vertu des conditions contractuelles proposées par les assureurs-crédit, la garantie au titre des commandes fermes peut permettre à un fournisseur assuré d’être encore garanti pendant un mois pour les livraisons qu’il est tenu d’effectuer après une décision de réduction ou de résiliation, dans la limite des clauses du contrat d’assurance-crédit. »

Enfin, l’article 9 de la convention du 17 juin 2013 stipule que « compte tenu du délai d’un mois prévu à l’article 8 entre la prise de décision de l’assureur-crédit et l’effectivité de la dégradation, l’échange entre l’assureur-crédit et l’acheteur abonné devra avoir lieu dans le cadre d’une obligation de moyen, dans un délai maximal d’une semaine, après la décision de l’assureur-crédit, soit trois semaines minimum avant l’effectivité de la réduction de la couverture. Cet échange devra d’une part permettre à l’acheteur d’être informé de la dégradation et d’autre part, lui donner la possibilité de fournir à l’assureur-crédit des informations financières susceptibles d’améliorer sa connaissance de la situation financière de l’entreprise, lui permettant le cas échéant, de revoir sa position initiale. / Les assureurs crédit s’engagent à donner à l’acheteur abonné qui le demande, toute information utile sur les raisons de cette décision, dans un délai maximum de 48 heures. / Les assureurs crédit s’engagent également à examiner toute nouvelle information que l’acheteur pourrait leur donner, susceptible d’améliorer leur connaissance de la situation financière de l’acheteur et leur permettant, le cas échéant, de revoir leur position initiale. »

La direction générale du trésor note que les dispositifs de la convention du 17 juin 2013 visant à limiter le retrait des garanties sur une base sectorielle ou départementale, sauf conditions exceptionnelles, ou encore à imposer un préavis en cas de modification des garanties, « semblent avoir manqué d’efficacité pendant la crise et mériteraient d’être renforcés ». À ce titre, la rapporteure propose d’inscrire dans la loi des dispositions équivalentes à celles des articles 3 et 8 de la convention du 17 juin 2013, qui prévoient respectivement l’engagement des assureurs-crédit à ne pas procéder à des retraits de garanties sur une base sectorielle ou départementale et que les réductions de garantie ne peuvent être effectives qu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’information des assurés.

Recommandation n° 5 : inscrire dans la loi des dispositions équivalentes à celles des articles 3 et 8 de la convention du 17 juin 2013.

2.   Un encadrement des possibilités de désengagement à consolider

La faculté de désengagement rapide en cas de crise représente le principal inconvénient pour les assurés du fonctionnement actuel de l’assurance-crédit.

L’article 7 de la convention du 17 juin 2013 stipule à cet égard que « de manière générale, lorsque le profil de risque d’un acheteur se dégrade, l’assureur-crédit s’efforce de réaliser une diminution progressive du niveau de couverture. »

En application de l’article 7 de la convention du 17 juin 2013, les assureurs-crédit réduisent en général de façon progressive le niveau de couverture qu’ils accordent sur un acheteur, en fonction de la dégradation de sa note. Les réductions à zéro sans baisse préalable sont en principe rares, mais elles peuvent être la conséquence d’une politique de prévention insuffisante de la part de l’assureur-crédit ou d’un choc exogène imprévisible, comme la pandémie de covid-19.

À ce titre, la rapporteure estime qu’une instance de régulation, qui pourrait être l’ACPR ou le médiateur du crédit, pourrait être dotée de la faculté d’encadrer les modalités ou de restreindre les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties par un assureur-crédit, sous certaines conditions et en contrepartie de l’octroi d’une réassurance publique sur la garantie ainsi encadrée. Cette possibilité serait un facteur de stabilisation du marché et du crédit interentreprises.

Recommandation n° 6 : doter une instance de régulation de la faculté d’encadrer ou de restreindre les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties par un assureur-crédit, sous certaines conditions et en contrepartie de l’octroi d’une réassurance publique sur la garantie ainsi encadrée.

II.   Des amÉliorations structurelles nÉcessaires

Le fonctionnement de l’assurance-crédit peut miner la confiance entre entreprises dans des périodes de tension. Des modifications structurelles du fonctionnement du marché, fondées sur un rééquilibrage des relations contractuelles, paraissent donc nécessaires afin d’améliorer les échanges entre assureurs et assurés, de faciliter l’accès à des solutions complémentaires à l’assurance-crédit et d’adapter l’encadrement juridique du marché.

A.   La nÉcessitÉ de rÉÉquilibrer les relations contractuelles

La combinaison de plusieurs clauses contractuelles, qui ne posaient pas de réelles difficultés avant la pandémie, est apparue comme particulièrement défavorable aux entreprises dans un contexte de dégradation de la conjoncture économique.

1.   L’existence de clauses « d’exclusivité »

Même si, comme le relève la direction générale du trésor, les pratiques en la matière sont peu documentées, des clauses dites d’exclusivité tendent à empêcher l’assuré de recourir à un assureur de deuxième rang pour souscrire une couverture dite de top up, y compris lorsque son assureur se désengage.

Ainsi est-il stipulé dans les conditions générales d’une police dont la mission d’information a pris connaissance que l’assuré s’engage « à conserver à [sa] charge exclusive toute fraction de [sa] créance non garantie par le présent contrat découlant d’une garantie partielle ou de la quotité d’indemnisation, et à ne pas céder ou faire assurer celle-ci auprès d’un tiers ». Une telle clause limite les possibilités de concurrence entre les assureurs-crédit et amplifie les risques de voir des montants non couverts en situation de crise.

La rapporteure préconise d’ouvrir à l’assuré la possibilité de souscrire une assurance-crédit supplémentaire, soit sous la forme d’une solution de top up qui viendrait s’ajouter à une garantie primaire, soit sous la forme d’une garantie complémentaire portant sur les créances sur lesquelles un assureur primaire a réduit à zéro le montant de l’encours garanti. L’assureur-crédit qui renoncerait à garantir certaines créances détenues par son assuré sur un client ne pourrait s’opposer à la souscription d’un contrat d’assurance spécifique pour ces mêmes créances.

En outre, la rapporteure estime qu’il serait pertinent de s’inspirer de clauses de concurrence figurant dans les traités de réassurance sur lesquels reposaient les dispositifs de complément d’assurance et de réassurance publics, lesquelles spécifient que « dans le cas où un assuré se voit opposer un refus, une résiliation ou une réduction de garantie sur un de ses acheteurs, la Cédante ne s’opposera pas à ce que l’assuré sollicite un autre assureur crédit pour se substituer sur ledit acheteur ».

Recommandation n° 7 : interdire les clauses d’interdiction de souscription à des produits top up dont les conditions contractuelles seraient alignées sur celles de la garantie primaire accordée par l’assureur de première ligne.

Recommandation n° 8 : prévoir que, dans le cas où un assuré se voit opposer un refus, une résiliation ou une réduction de garantie sur un de ses acheteurs, l’assureur-crédit ne peut s’opposer à ce que l’assuré sollicite un autre assureur-crédit pour se substituer sur ledit acheteur.

2.   Le minimum de prime garanti

Le minimum de prime garanti consiste en une prime calculée en proportion de celle fixée en année n-1, que l’assuré devra verser à l’assureur nonobstant les réductions ou résiliations de garantie auxquelles celui-ci procéderait. Cette exigence contractuelle apparaît très défavorable aux entreprises, particulièrement si elles subissent d’importantes réductions de garanties de la part de leur assureur-crédit pendant l’année. Les conditions générales d’une police portée à la connaissance de la mission d’information prévoient par exemple que l’assuré s’engage à verser à l’assureur-crédit « pour chaque exercice d’assurance, un minimum de prime […] égal à 80 % des primes facturées sur l’exercice précédent », le non-paiement du minimum de prime pouvant entraîner la déchéance de toutes les garanties nées au cours de l’exercice d’assurance au titre duquel le minimum de prime est exigible.

La rapporteure considère que de telles pratiques pourraient être mieux encadrées et appelle les assureurs-crédit et organisations professionnelles représentatives des entreprises assurées à définir d’un commun accord un code des bonnes pratiques qui encadrerait la possibilité de telles clauses.

Recommandation n° 9 : demander à la profession de l’assurance-crédit et aux organisations professionnelles des entreprises assurées d’élaborer un « code des bonnes pratiques » en matière de montant minimum de primes.

3.   Ouvrir les possibilités de résiliation du contrat

La faculté accordée aux assurés de résilier leur contrat pourrait être renforcée afin d’accroître la concurrence sur le marché de l’assurance-crédit et de permettre aux assurés de trouver de nouvelles solutions de couverture lorsque l’assureur-crédit avec lequel ils avaient initialement contracté leur paraît réduire ou résilier ses garanties de manière inappropriée.

S’ils peuvent être résolus à l’échéance contractuelle, en respectant un préavis, les contrats d’assurance-crédit, généralement d’une durée comprise entre un et trois ans, sont en principe renouvelables par tacite reconduction. Cela n’empêche pas certains acteurs du marché auditionnés de procéder à une réévaluation du contrat chaque année afin de renforcer le dialogue avec l’assuré et de mettre à jour leurs informations sur l’entreprise.

La rapporteure préconise d’ouvrir aux assurés des possibilités de résiliation infra-annuelle pour les contrats d’une durée d’un an et de résiliation à la date anniversaire du contrat pour les contrats pluriannuels.

Recommandation n° 10 : ouvrir aux assurés des possibilités de résiliation infra-annuelle pour les contrats d’un an et de résiliation à la date anniversaire du contrat pour les contrats pluriannuels.

B.   Une confiance entre assureurs-crÉdit, assurÉs et acheteurs qui pourrait Être amÉliorÉe par plus de transparence et d’information

Le bon fonctionnement du marché de l’assurance-crédit a notamment pour condition une relation de confiance entre les parties prenantes. À ce titre, il convient de renforcer le partage d’information afin d’améliorer la qualité du dialogue.

1.   Un dialogue perfectible entre les parties prenantes

La crise sanitaire a révélé que les dispositifs visant à assurer le dialogue sur le marché de l’assurance-crédit n’étaient pas d’une parfaite efficacité. La diffusion de l’information entre acteurs doit être améliorée et les autorités de régulation pourraient consolider leur suivi de l’activité d’assurance-crédit.

a.   Des dispositifs qui ont manqué d’efficacité durant la crise

Le manque de dialogue et d’information entre assureurs-crédit, fournisseurs et acheteurs aggrave les tensions et la défiance en période de crise. Pourtant, des obligations de diverse nature visent déjà à permettre un dialogue de qualité entre l’assureur-crédit, l’assuré et ses acheteurs :

– l’article L. 113-4-1 du code des assurances exige de l’assureur qu’il motive sa décision auprès de son assuré ([45]) ;

– l’article 9 de la convention du 17 juin 2013 prévoit, en cas de dégradation de couverture, un échange entre l’assureur-crédit et l’acheteur abonné au portail d’information en ligne ([46]) prévu par l’article 4 de ladite convention dans un délai maximal d’une semaine après la décision de l’assureur-crédit, soit trois semaines minimum avant l’effectivité de la réduction de la couverture ;

– l’article 10 de la convention du 17 juin 2013 prévoit que les assureurs-crédit s’engagent à ce que les réductions de lignes de garantie portant sur un acheteur donnent lieu à une information de l’assuré dès la prise de décision et à ce que cette décision soit motivée conformément à la loi ;

– l’article 11 de la convention du 17 juin 2013 stipule que « les assureurs-crédit s’engagent à expliquer et motiver toute réduction ou résiliation de garantie, à chaque fois que l’entreprise qui en fait l’objet (fournisseur ou acheteur) le demande ».

Le manque de transparence de certains assureurs-crédit a également été rapporté à la mission d’information. De nombreuses entreprises auraient ainsi vu leur notation dégradée sans annonce préalable ou information, sans échange ni recours, apprenant parfois la nouvelle par les réponses de leurs clients ou fournisseurs. En effet, l’assureur-crédit n’entretient aucune relation contractuelle avec l’entreprise qu’il évalue, sauf lorsque cette dernière fait par ailleurs partie des assurés. La CGI déplore ainsi un préjudiciable « manque de dialogue » et de « trop nombreuses absences de réponse » au début de la crise sanitaire.

En outre, compte tenu des délais de paiement de certains secteurs, le temps que peut prendre la révision par un assureur-crédit de sa décision à la suite d’un échange avec l’entreprise concernée peut se révéler trop long.

b.   Améliorer la diffusion de l’information

Les assureurs‐crédit se sont engagés à permettre aux acheteurs d’accéder à leur note et au montant de l’encours garanti dont ils font l’objet pour chaque assuré. Dans les faits, les assureurs‐crédit donnent accès à ces informations aux acheteurs par l’intermédiaire d’un portail d’information en ligne ([47]), prévu par l’article 4 de la convention du 17 juin 2013, qui s’adresse à l’ensemble des entreprises notées et repose sur un principe d’abonnement gratuit. Il permet de communiquer en amont sur les décotes envisagées pour les entreprises concernées. Par ailleurs, les assureurs‐crédit ont l’obligation de motiver leur refus de couverture à leurs assurés.

Le site PrÉvu par l’article 4 de la convention du 17 juin 2013

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Les auditions menées par la mission d’information ont cependant révélé que le dispositif fonctionne de manière imparfaite. La CGI note ainsi que le portail semble insuffisamment connu et utilisé par les entreprises et estime que seules quelques dizaines de milliers d’entreprises l’utilisent.

La rapporteure préconise donc de compléter l’article 4 de la convention du 17 juin 2013 en systématisant l’inscription des entreprises sur le portail d’information et en les encourageant à le consulter régulièrement, afin d’éviter que certaines entreprises apprennent par le biais de la filière à laquelle elles appartiennent les dégradations dont elles font l’objet. Cela permettrait aux entreprises d’entreprendre auprès de l’assureur crédit ou de leurs fournisseurs les démarches qui leur semblent appropriées – et leur éviterait de ne découvrir la réalité de la situation qu’au moment où elles passent une commande à leur fournisseur.

L’identification d’un référent au sein des entreprises acheteurs, avec lequel les assureurs-crédit pourraient échanger afin de notifier des décisions concernant ces entreprises, pourrait également être de nature à fluidifier la circulation de l’information.

Recommandation n° 11 : systématiser l’inscription des entreprises sur le portail « acheteurs-assurance-credit.fr ».

Recommandation n° 12 : garantir l’identification par les assureurs-crédit d’un point de contact auprès des clients de leurs assurés afin de pouvoir notifier auxdits clients toute réduction de leur notation et toute diminution de la couverture.

La mission d’information a également recueilli le témoignage d’une entreprise qui avait fait l’objet de réductions de garanties par plusieurs assureurs-crédit. Après un échange, deux assureurs-crédit ont accepté de revoir leur position, un troisième refusant d’abord d’expliquer sa position avant d’indiquer, postérieurement à la saisine du médiateur du crédit, que l’entreprise considérée ne pourrait retrouver une couverture qu’après plusieurs bilans positifs en raison d’une clientèle considérée comme risquée dans le contexte d’une pandémie.

La rapporteure propose que le médiateur du crédit, dont le rôle efficace a été salué par les personnes auditionnées durant la crise sanitaire, se voie confier le rôle d’animer, à échéances régulières, un dialogue entre les parties prenantes du marché de l’assurance-crédit afin de contribuer à la construction d’une culture commune relative aux risques de paiement.

Recommandation n° 13 : confier au médiateur du crédit le rôle d’animer un dialogue régulier entre les parties prenantes du marché de l’assurance-crédit.

Afin d’améliorer le fonctionnement du marché de l’assurance-crédit, il pourrait être intéressant de mentionner certaines informations utiles sur les documents informant d’une dégradation de couverture ou d’une résiliation adressés par les assureurs-crédit à leurs assurés. La rapporteure soutient à ce titre une proposition de la CGI, qui estime que l’indication systématique de la mention de la cotation Banque de France de la société visée contribuerait à une plus grande transparence.

Recommandation n° 14 : prévoir que les lettres de réduction ou de résiliation de couverture adressées par les assureurs-crédit à leurs assurés incluent des mentions telles que la cotation de la Banque de France afin de donner une information transparente et complète.

La cotation de la Banque de France

La cotation de la Banque de France trouve son fondement dans l’article L. 141-6 du code monétaire et financier. La Banque de France recense des informations concernant les entreprises et leurs dirigeants auprès de l’entreprise elle-même, des greffes des tribunaux de commerce, des banques, des acteurs du financement des entreprises et de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). À partir de ces informations, la Banque de France attribue une cotation aux entreprises.

La cotation attribuée par la Banque de France exprime une appréciation sur le « risque de crédit » d’un groupe, évalué à partir de l’ensemble des informations économiques et financières recueillies, notamment les documents comptables, l’environnement économique du groupe et ses perspectives. Elle exprime la capacité du groupe à honorer l’ensemble de ses engagements financiers sur un horizon de trois ans. Elle est composée d’une cote d’activité et d’une cote de crédit.

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Une entreprise notée H4+ aura donc un niveau d’activité compris entre 750 000 euros et 1,5 million d’euros, dont la capacité à honorer ses engagements financiers à un horizon de trois ans est considérée comme « assez forte ».

Source : Banque de France.

L’information pourrait également être mieux partagée et centralisée au sein des différentes filières économiques afin de développer une culture d’évaluation des risques de paiement, mais aussi d’améliorer la connaissance par les entreprises de leur environnement économique.

Recommandation n° 15 : développer au sein des filières le partage d’information sur les conditions de paiement.

c.   Augmenter la fréquence de suivi des encours par les autorités de régulation

La fréquence de suivi des encours par les autorités de régulation pourrait être augmentée. L’ACPR relève qu’une fréquence de suivi annuelle est « insuffisante, particulièrement dans un contexte de crise ». Cette insuffisance a justifié la mise en place par le comité de crise sur les délais de paiement d’un baromètre trimestriel pour suivre le ressenti des entreprises en matière de délais de paiement. Pour sa part, la direction générale du trésor estime qu’un suivi trimestriel « n’est pas adapté à un contexte de crise ».

L’instauration d’un suivi permanent devrait se faire sur des fondements précis, afin de permettre une analyse pouvant donnant lieu à une prise de décision. Ainsi, l’encours couvert devrait être décomposé par zone géographique – pour l’export –, secteur d’activité et taille d’entreprises. Il pourrait également être pertinent d’analyser l’évolution des taux d’acceptation par taille et par secteur d’activité des acheteurs.

L’IGF notait dans son rapport publié en 2013 qu’un tel dispositif ne « devrait pas occasionner de coût significatif en matière de système d’information dans la mesure où l’ensemble des données [...] faisaient l’objet d’une transmission durant la période de mise en œuvre de dispositifs publics ». Depuis lors, la mise en place efficace du baromètre relatif aux délais de paiement pendant la crise sanitaire a confirmé la faisabilité technique d’un tel suivi.

Ainsi, la rapporteure propose de mettre en place un suivi mensuel des encours couverts par l’assurance-crédit. Il conviendra néanmoins de s’assurer au préalable des ressources techniques et humaines nécessaires à la mise en place d’un tel dispositif.

Recommandation n° 16 : mettre en place un suivi mensuel, par la Banque de France, des encours garantis par les assureurs-crédit.

2.   Une qualité de l’information fournie par les assureurs-crédit susceptible d’être améliorée

L’information fournie par les assureurs-crédit sur les risques de paiement représente une part essentielle de leur valeur ajoutée au sein de l’économie. À ce titre, les assureurs-crédit collectent du renseignement à partir de sources externes, comme les greffes des tribunaux de commerce, leurs relations bancaires et la Banque de France, mais aussi internes, par des rencontres avec les débiteurs, des analyses sectorielles, ou encore des études des documents financiers des entreprises.

L’article 5 de la convention du 17 juin 2013 stipule que l’entreprise (acheteur) qui s’abonne au portail d’information « pourra communiquer aux assureurs-crédit tous types d’information susceptibles de contribuer à une évaluation la plus objective possible de son niveau de risque ».

Toutefois, certaines personnes auditionnées par la mission d’information relèvent que « la qualité de l’information est en baisse depuis plusieurs années ». Des économies réalisées en interne par les assureurs-crédit sur les frais de personnel sont notamment évoquées, mais il convient de rappeler que les entreprises ont aussi la responsabilité de publier certaines informations.

Le manque de transparence dont certaines entreprises pouvaient faire preuve, par exemple en raison de la faculté ouverte à certaines catégories d’entreprises de demander la confidentialité de leurs comptes annuels ([48]), leur porte préjudice. Le manque de communication en dehors de la présentation annuelle avec les partenaires financiers, la transmission de documents financiers incomplets ou encore l’absence de projection chiffrée à douze mois peuvent inciter des assureurs-crédit, incertains de la santé financière d’une entreprise, à réduire leur niveau d’exposition.

Les sociétés par actions, les entreprises à responsabilité limitée et certaines sociétés en nom collectif ont l’obligation de déposer leurs comptes sociaux dans le mois suivant leur approbation au greffe du tribunal de commerce. Comme le relevait l’IGF en 2013, « l’absence de transmission de ces documents est dommageable pour la notation des acheteurs par les assureurs‐crédit et par les affactureurs, qui appliquent un score dégradé par manque d’information financière de base sur l’entreprise ».

Les organisations professionnelles ont un rôle à jouer dans la sensibilisation des acheteurs à l’intérêt de porter à la connaissance des assureurs-crédit une information financière la plus transparente possible. Si certaines personnes auditionnées s’inquiètent de l’usage qui pourrait être fait par les assureurs-crédit de ces informations, la rapporteure estime qu’il est d’intérêt collectif de favoriser la transparence sur le marché.

Recommandation n° 17 : sensibiliser les organisations professionnelles à la nécessité pour les entreprises de transmettre les documents nécessaires à l’information des assureurs-crédit.

En outre, les assureurs-crédit offrent des couvertures d’encours mais ne savent pas en temps réel si leurs assurés utilisent effectivement ces capacités. Le MEDEF souligne que cela induit une « surconsommation de capital pour les assureurs et peut les inciter à se désengager plus fortement en cas de nouveau risque ». En pratique, les assureurs interrogent donc leurs assurés, souvent les plus importants seulement, en cours d’année pour vérifier le niveau d’utilisation des encours. Afin d’améliorer l’efficience de cette pratique qui contribue à une bonne information sur l’exposition des assurés et sur le degré de couverture réellement nécessaire, la rapporteure est favorable à une vérification à échéance régulière par les assureurs du niveau d’utilisation des encours par les assurés, à la condition de trouver un procédé fluide n’entraînant pas une surcharge de travail pour les entreprises.

Recommandation n° 18 : encourager la vérification à échéance régulière par les assureurs du niveau d’utilisation des encours par les assurés.

C.   des modalitÉs d’intervention de l’État À clarifier

Si les assureurs-crédit n’ont pas vocation à assumer les risques d’un choc systémique tel que la pandémie de covid-19, cette crise a néanmoins révélé un aléa moral qui invite à clarifier les conditions d’intervention de l’État comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit.

1.   Une garantie implicite de l’État fondamentale en période de crise

L’assurance-crédit porte un risque réduit et peut transférer le risque final sur les États en situation de crise économique majeure : à cet égard, il convient de noter que les assureurs-crédit sont des prestataires de services aux entreprises autant que des assureurs. Il est donc compréhensible que l’assurance-crédit ne puisse couvrir à elle seule l’intégralité des risques systémiques que la pandémie a pu faire peser sur l’activité économique à partir de 2020.

L’assurance-crédit gère principalement la couverture des risques d’absence de paiement à court terme, ce qui explique le fait que l’assureur-crédit doive agir très rapidement en cas de dégradation de la conjoncture pour éviter des pertes insurmontables. En outre, plus les fonds propres des assureurs-crédit sont faibles, plus les États doivent intervenir rapidement. Renforcer les exigences prudentielles sur ce point reviendrait néanmoins à augmenter les taux de prime pour les assurés et cette solution n’est donc pas encouragée par la mission d’information.

Cependant, les assureurs-crédit, comme les banquiers et les entreprises, ne devraient pas pouvoir tirer parti en dehors des périodes de crise d’une garantie perçue comme implicite et gratuite. L’État ne pouvant accepter de réassurer de manière régulière et illimitée le risque de contagion des défauts. Le besoin de limiter cet aléa moral est donc essentiel et passe par une définition précise du rôle d’assureur en dernier ressort de l’État.

2.   Des conditions d’intervention de l’État comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit à expliciter

La mission d’information note l’intérêt pour un assureur en dernier ressort comme l’État de disposer d’une doctrine établie lui permettant de gérer efficacement son action à tout moment, quelles que soient les conditions macroéconomiques. En effet, CCR Group relève que l’assureur en dernier ressort « doit connaître l’ampleur des risques supportés, leur nature et les secteurs concernés » afin d’estimer les moyens nécessaires et intervenir plus rapidement au profit de l’économie. La rapporteure propose de rendre explicite les garanties publiques et d’engager un dialogue sur le sujet avec les assureurs et les entreprises bénéficiaires.

Recommandation n° 19 : clarifier les conditions d’intervention de l’État comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit.

En outre, il conviendrait de mettre à jour les tests de résistance des assureurs-crédit afin de les amener à démontrer leur capacité à faire face à un choc économique sans devoir réduire immédiatement leurs garanties. Il s’agit cependant d’éviter soumettre les assureurs-crédit à des exigences prudentielles trop contraignantes qui finiraient par affecter le coût de leur offre pour les assurés. Il conviendra en outre que leur instauration s’inscrive dans le cadre des règles prudentielles européennes.

Recommandation n° 20 : soumettre les assureurs-crédit à des tests de résistance visant à vérifier leur capacité à faire face à un choc économique sans devoir réduire immédiatement leurs garanties.

D.   Un accÈs À des solutions de couverture complÉmentaires À l’assurance-crÉdit À Élargir

En complément de la consolidation de l’offre d’assurance-crédit, des solutions relatives à la maîtrise des risques d’impayés pourraient être davantage proposées aux entreprises.

1.   Le recours aux contrats de filière et à la syndication entre assureurs-crédit

Le recours à des contrats de filière pourrait, comme l’évoquait l’IGF en 2013, permettre aux entreprises, particulièrement les TPE et petites PME, « de bénéficier d’un accès simplifié à l’assurance-crédit et de tarifs négociés sur un volume de chiffre d’affaires supérieur au leur ». En outre, les contrats de filière sont un bon outil pour promouvoir l’assurance-crédit au sein d’un environnement homogène. La direction générale du trésor souligne néanmoins que cette solution de nature partenariale nécessite « un rapport favorable entre l’offre du côté des assureurs-crédit et la demande du côté des organisations professionnelles » La rapporteure propose de retenir cette possibilité.

En outre, les contrats des assureurs-crédit avec leurs assurés prévoient le plus souvent que les assurés doivent déclarer aux assureurs-crédit la totalité de leur chiffre d’affaires. Selon les fédérations professionnelles auditionnées, ces clauses sont de nature à faire obstacle à la possibilité de recourir à plusieurs assureurs-crédit, c’est-à-dire à une syndication, afin de partager le risque entre les assureurs. Ce serait pourtant une solution de nature à permettre de plus importantes couvertures, notamment sur des débiteurs avec un profil de risque moyen. La rapporteure recommande d’engager une réflexion sur l’opportunité de supprimer ces clauses qui limitent les possibilités de syndication. Ce travail pourrait être réalisé dans le cadre des réunions animées par le médiateur du crédit, objet de la recommandation n° 13 ([49]).

Recommandation n° 21 : encourager le recours aux contrats de filière et envisager la possibilité d’élargir les voies de recours à la syndication.

2.   Faciliter l’autoassurance

Certains modèles d’autoassurance, comme la constitution d’une autoassurance commune aux entreprises d’une même filière, semblent difficiles à mettre en place. Si des entreprises membres de la CGI ont émis l’idée de s’organiser ainsi afin de développer des solutions qui pourraient offrir des garanties plus adaptées aux besoins des assurés, le MEDEF relève pour sa part que le coût de leur mise en place et de leur fonctionnement, ainsi que leur complexité, ne sont pas des obstacles négligeables. En revanche, la mise en place de capacités d’analyse crédit serait plus facilement envisageable au sein d’une filière. Comme l’indique le MEDEF, c’est un service plus aisé à mutualiser et qui « apporte de la valeur aux entreprises », même s’il n’assure pas une couverture assurantielle.

À l’échelle d’une seule entreprise, un mécanisme permettant de provisionner automatiquement un pourcentage du chiffre d’affaires, assorti d’un dispositif de défiscalisation pour couvrir tout ou partie des coûts, pourrait être adapté et de nature à faciliter la mise en place de solutions d’autoassurance. La rapporteure propose donc d’envisager la possibilité de créer une incitation fiscale à l’autoassurance, en particulier au profit des petites et moyennes entreprises, moins susceptibles que les grandes entreprises de disposer de la trésorerie nécessaire à la mise en place de solutions d’autoassurance.

Recommandation n° 22 : envisager la possibilité de créer une incitation fiscale à l’autoassurance, notamment à l’intention des PME.

3.   Concevoir un service en faveur de l’accompagnement des entreprises sur le sujet de l’assurance-crédit

Au regard de la complexité de l’assurance-crédit et de la nécessité d’améliorer la diffusion de l’information à son propos, la rapporteure propose de concevoir un service qui pourrait répondre aux interrogations des entreprises. Un tel service pourrait être placé auprès de la Banque de France. Les entreprises ou les fédérations professionnelles désireuses de se doter d’une solution de protection – autoassurance, captive([50])  d’assurance ou de réassurance, contrat de filière… – pourraient y trouver conseils et assistance technique.

Recommandation n° 23 : concevoir un service auprès duquel les entreprises ou les fédérations professionnelles désireuses de se doter d’une solution de protection pourraient trouver conseils et assistance technique.

4.   Engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit

Les défaillances du marché de l’assurance-crédit durant la crise sanitaire invitent à s’interroger sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit ciblée. L’offre publique aurait un objectif non de rentabilité élevée mais de financement du cycle d’exploitation dans des conditions différentes.

Cette offre pourrait s’envisager comme complémentaire des autres assureurs-crédit dans certains cas : par exemple, sur des dossiers importants et sensibles à fort enjeu social. Cela pourrait également se justifier dans le cas d’acheteurs non garantis, à la suite d’accords entre les assureurs et CCR. En outre, une telle offre pourrait être un recours dans le cadre des couvertures à l’export pour soutenir le commerce extérieur de la France.

Cette offre publique d’assurance-crédit pourrait constituer, en période de crise, un outil essentiel de soutien à l’activité et, hors période de crise, un instrument efficace de politique économique en faveur de secteurs stratégiques ou fragilisés dans la compétition mondiale.

La rapporteure invite donc à engager une réflexion relative à la constitution d’une offre publique d’assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance, et à l’articulation d’une telle offre publique avec le maintien d’une offre privée ([51]).

Recommandation n° 24 : engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance, et sur l’articulation d’une telle offre publique avec le maintien d’une offre privée.


   Liste des propositions

– Recommandation n° 1 : renouveler la campagne de communication auprès des entreprises prévue par la convention du 17 juin 2013.

– Recommandation n° 2 : ouvrir le marché de l’assurance-crédit à la concurrence en favorisant l’entrée de nouveaux acteurs.

– Recommandation n° 3 : doter l’Observatoire des délais de paiement d’outils de mesure et d’analyse périodique des retards de paiement et des comportements de paiement.

– Recommandation n° 4 : prévoir la publication régulière d’informations permettant d’apprécier les comportements de paiement.

– Recommandation n° 5 : inscrire dans la loi des dispositions équivalentes à celles des articles 3 et 8 de la convention du 17 juin 2013.

– Recommandation n° 6 : doter une instance de régulation de la faculté d’encadrer ou de restreindre les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties par un assureur-crédit, sous certaines conditions et en contrepartie de l’octroi d’une réassurance publique sur la garantie ainsi encadrée.

– Recommandation n° 7 : interdire les clauses d’interdiction de souscription à des produits top up dont les conditions contractuelles seraient alignées sur celles de la garantie primaire accordée par l’assureur de première ligne.

– Recommandation n° 8 : prévoir que, dans le cas où un assuré se voit opposer un refus, une résiliation ou une réduction de garantie sur un de ses acheteurs, l’assureur-crédit ne peut s’opposer à ce que l’assuré sollicite un autre assureur crédit pour se substituer sur ledit acheteur.

– Recommandation n° 9 : demander à la profession de l’assurance-crédit et aux organisations professionnelles des entreprises assurées d’élaborer un « code des bonnes pratiques » en matière de montant minimum de primes.

– Recommandation n° 10 : ouvrir aux assurés des possibilités de résiliation infra-annuelle pour les contrats d’un an et de résiliation à la date anniversaire du contrat pour les contrats pluriannuels.

– Recommandation n° 11 : systématiser l’inscription des entreprises sur le portail « acheteurs-assurance-credit.fr ».

– Recommandation n° 12 : garantir l’identification par les assureurs-crédit d’un point de contact auprès des clients de leurs assurés afin de pouvoir notifier auxdits clients toute réduction de leur notation et toute diminution de la couverture.

– Recommandation n° 13 : confier au médiateur du crédit le rôle d’animer un dialogue régulier entre les parties prenantes du marché de l’assurance-crédit.

– Recommandation n° 14 : prévoir que les lettres de réduction ou de résiliation de couverture adressées par les assureurs-crédit à leurs assurés incluent des mentions telles que la cotation de la Banque de France afin de donner une information transparente et complète.

– Recommandation n° 15 : développer au sein des filières le partage d’information sur les conditions de paiement.

– Recommandation n° 16 : mettre en place un suivi mensuel, par la Banque de France, des encours garantis par les assureurs-crédit.

– Recommandation n° 17 : sensibiliser les organisations professionnelles à la nécessité pour les entreprises de transmettre les documents nécessaires à l’information des assureurs-crédit.

– Recommandation n° 18 : encourager la vérification à échéance régulière par les assureurs-crédit du niveau d’utilisation des encours par les assurés.

– Recommandation n° 19 : clarifier les conditions d’intervention de l’État comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit.

– Recommandation n° 20 : soumettre les assureurs-crédit à des tests de résistance visant à vérifier leur capacité à faire face à un choc économique sans devoir réduire immédiatement leurs garanties.

– Recommandation n° 21 : encourager le recours aux contrats de filière et envisager la possibilité d’élargir les voies de recours à la syndication.

– Recommandation n° 22 : envisager la possibilité de créer une incitation fiscale à l’autoassurance, notamment à l’intention des PME.

– Recommandation n° 23 : concevoir un service auprès duquel les entreprises ou les fédérations professionnelles désireuses de se doter d’une solution de protection pourraient trouver conseils et assistance technique.

– Recommandation n° 24 : engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance, et sur l’articulation d’une telle offre publique avec le maintien d’une offre privée.


   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 9 février 2022, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a examiné les conclusions de la mission d’information sur l’assurance-crédit.

Mme Cendra Motin, présidente. Chers collègues, notre commission a créé au mois de mai dernier une mission d’information relative à l’assurance-crédit, dont la rapporteure est Mme Dominique David. La crise sanitaire avait en effet mis en exergue le rôle des assureurs crédit, mais le comportement de certains d’entre eux a également suscité alors des interrogations.

En outre, nous avions voté lors des collectifs successifs de réponse à la crise des dispositifs de soutien à l’assurance-crédit. Ces dispositifs ont trouvé à s’appliquer en 2020 et 2021 et ont, pour une partie d’entre eux, été prolongés en 2022, même si les montants d’encours couverts par les garanties publiques sont finalement restés relativement modestes – 1,76 milliard d’euros couverts par les dispositifs ligne à ligne à la fin de l’année, alors que la garantie de l’État était accordée à hauteur de 15 milliards d’euros.

Le rapport que nous présente Mme David permet d’établir un bilan de ces dispositifs de complément d’assurance et de réassurance publics. Il ouvre également à une réflexion sur le bon fonctionnement et l’équilibre du marché de l’assurance-crédit, qui est bienvenue, même s’il faut sans doute faire preuve de prudence dans les modifications que l’on souhaiterait apporter à cet équilibre – on peut notamment souligner que les prix sur le marché de l’assurance-crédit sont significativement moindres que sur des marchés étrangers comparables.

Mme Dominique David, rapporteure de la mission d’information relative à l’assurance-crédit. J’ai effectivement l’honneur de vous présenter aujourd’hui les conclusions des travaux de la mission d’information relative à l’assurance-crédit, dont le groupe majoritaire avait, à mon initiative, proposé la création au printemps dernier.

Rappelons tout d’abord de quoi il s’agit.

Lorsqu’une entreprise accorde à une autre entreprise un délai de paiement, elle lui accorde ainsi un crédit. L’assurance-crédit vise à permettre à cette entreprise de se prémunir du risque d’impayés. L’économie française est particulièrement perméable à l’assurance-crédit car nos entreprises sont faiblement capitalisées et n’ont pas toujours la trésorerie nécessaire pour financer leur fonds de roulement. Elles se financent donc au travers du crédit inter-entreprises, en jouant parfois, par-dessus le marché, sur des délais de paiement à rallonge. La France est en effet championne dans ce domaine où la moitié des grandes entreprises ne respectent pas le délai légal de 60 jours.

Et lorsque je vous dirai que l’assurance-crédit garantit près de la moitié des 652 milliards d’euros que représente le crédit interentreprises et que nous avons voté ici même, à la sortie du premier confinement, pour une réassurance publique de ces encours bénéficiant d’une garantie de l’État à hauteur de 15 milliards d’euros, j’espère que vous aurai convaincu que le sujet n’est pas anecdotique.

Très différente des assurances dommages classiques, cette forme d’assurance offre, en somme, une triple prestation : une prestation de conseil, qui consiste à orienter les assurés vers des clients solvables ; des garanties portant sur l’ensemble du flux d’affaires entre l’assuré et le client agréé par l’assureur, en d’autres termes entre un fournisseur et son acheteur ; enfin, le cas échéant, un service de recouvrement des impayés.

Les garanties accordées sont en outre susceptibles d’être modifiées ou résiliées en fonction de l’évolution du risque que représente son client pour l’assuré. Ce risque est effectivement évalué et suivi par l’assureur-crédit, grâce à d’importantes bases de données et au travail de ses analystes. Précisons d’emblée que, dans le cadre d’une convention passée le 17 juin 2013 avec la médiation du crédit et le ministère chargé de l’économie, les principaux assureurs-crédit se sont engagés à ne prendre aucune décision de résiliation ou de réduction des garanties sur une base sectorielle ou départementale sans tenir compte de la situation particulière et des performances propres de l’entreprise évaluée – il est important d’avoir cette convention à l’esprit.

Si notre attention a été appelée par cet objet spécifique, c’est avant tout en raison de la période que nous avons traversée.

Dès le début de la pandémie, les députés du groupe majoritaire membres de la commission des finances ont constitué des groupes de travail pour surveiller les conséquences économiques de la pandémie et assurer un suivi des dispositifs de soutien. Nous avons eu de nombreux échanges sur tous les sujets avec de multiples interlocuteurs, et un certain nombre d’entre eux se sont fait l’écho des difficultés rencontrées par les entreprises dans leurs relations avec les assureurs-crédit.

Notre commission elle-même, précisément en raison de ces difficultés, et, plus largement, des craintes de « mur de faillites » ou d’assèchement du crédit inter-entreprises qu’inspirait la situation, a eu à examiner dès le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 des dispositions ayant pour objet le renforcement, la réactivation ou l’instauration de dispositifs publics de compléments d’assurance ou de réassurance publiques.

Ces dispositions portaient sur deux dispositifs ligne à ligne, CAP et CAP+, offrant des garanties complémentaires ou de substitution pour soutenir le crédit interentreprises domestique, en cas de réduction ou de résiliation des garanties primaires, qui ont pris fin le 31 décembre 2021, ainsi que sur deux dispositifs ligne à ligne, CAP Francexport et CAP Francexport +, offrant des garanties du même type pour les flux à l’export, prorogés jusqu’au 30 mars 2022, et enfin, à partir de l’été 2020, sur un dispositif global – c’était une nouveauté – de réassurance de portefeuille, CAP Relais, qui a pris fin le 30 juin 2021.

Au delà de l’examen de ces dispositifs, dont le rapport que je vous propose récapitule les modalités et les évolutions, notre commission, je vous le rappelle, a procédé il y a un an presque jour pour jour – c’était le 10 février 2021 – à l’audition des responsables des trois principaux assureurs-crédit du marché national : Euler Hermes, Coface et Atradius.

Il m’a paru opportun d’approfondir et de prolonger ces travaux sur un outil qui reste méconnu, même si c’était déjà l’un des objets d’un rapport remis par l’inspection générale des finances en 2013, sur la couverture du poste clients. C’est pourquoi le groupe majoritaire a proposé, à mon initiative, au printemps dernier, que soit constituée cette mission d’information dont je vous présente les conclusions.

Ces travaux parlementaires me semblent d’autant plus importants qu’ils sont les seuls travaux publics actualisés sur le sujet. Le Gouvernement n’a en effet pas remis le rapport prévu par l’article 34 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Il s’était pourtant prononcé en faveur de l’amendement dont cet article est issu – j’en étais l’auteur –, sous-amendé par le rapporteur général. Et nous savons que l’inspection générale des finances a mené l’an dernier des travaux sur l’assurance-crédit dont les conclusions ont dû être remises au ministre de l’économie, des finances et de la relance. Malgré des demandes réitérées, le rapport de l’inspection générale des finances ne m’a pas été communiqué.

Les travaux menés ont principalement consisté en vingt-quatre auditions, avec les acteurs les plus divers de l’assurance-crédit : les principaux représentants de la profession, la direction générale du trésor, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le médiateur du crédit, des fédérations d’entreprises « utilisatrices » de l’assurance-crédit, des courtiers, dont le rôle est essentiel sur ce marché très intermédié. Se sont ajoutés à ces auditions de nombreux échanges écrits avec les uns et avec les autres, qui ont permis de collecter des témoignages d’entreprises, tirés de leur expérience– le rapport en livre quelques-uns, bien sûr anonymisés.

D’emblée, la mission d’information a souhaité articuler ses travaux autour de deux axes : d’une part, un bilan des dispositifs de complément d’assurance ou de réassurance publics ; d’autre part, et surtout, une réflexion sur l’équilibre et le fonctionnement du marché de l’assurance-crédit en général et sur l’équilibre des relations contractuelles entre assureurs et assurés en particulier.

Je dresserai un bilan plutôt positif des dispositifs CAP.

Les dispositifs ligne à ligne ont permis d’accompagner des situations particulières tout au long de la crise, mais présentaient sans doute deux défauts. D’une part, leur gestion était complexe : l’assuré devait faire une demande spécifique pour chaque décision de résiliation ou de réduction des garanties, et chaque garantie accordée dans ce cadre impliquait la réémission d’avenants. D’autre part, le prix initial des garanties était jugé élevé. Les dispositifs en question permettaient donc de répondre à des besoins ponctuels mais leurs inconvénients n’en faisaient pas, à eux seuls, une réponse suffisante en période d’arrêt brutal de l’économie. Leur prorogation en 2021 a donné lieu à un ajustement de leurs paramètres qui les a rendus plus attractifs.

En outre, et surtout, la mise en place du schéma de réassurance globale CAP Relais, reposant sur des traités de réassurance de portefeuille conclus entre la Caisse centrale de réassurance (CCR) et les principaux assureurs-crédit, a permis de maintenir ou de restaurer un climat de confiance entre les entreprises, alors que la mise en place des dispositifs ligne à ligne ne semblait pas suffire à enrayer la vague des résiliations et réductions de garantie.

Au terme de l’année 2020, la contraction de l’activité de l’assurance-crédit paraissait donc réelle mais modérée. Selon les données collectées par la Banque de France, sur l’ensemble de l’année 2020, l’activité de l’assurance-crédit en France a diminué de 10 % alors qu’elle n’avait cessé de croître les années précédentes, progressant notamment de 6 % en 2018 puis de 4 % en 2019. Surtout, le « mur des faillites » initialement craint ne s’est heureusement pas réalisé, loin de là, puisque la mise en place de toute une palette de dispositifs a conduit à une chute de 38 % des défaillances d’entreprise en 2020.

Il convient toutefois de relever une difficulté méthodologique au moment de faire le bilan de ces dispositifs, car, en réalité, c’est toute une palette de dispositifs qui a été mise en place pour soutenir, avec le « quoi qu’il en coûte », notre économie et nos entreprises et sauver nos emplois. Selon le comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie, les quatre principales de ces mesures – activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État et reports de cotisations sociales – mobilisaient 230 milliards d’euros à la fin du mois de juin 2021, soit 10 % du produit intérieur brut. Ces différents outils, que la mission d’information n’avait évidemment pas pour objet d’évaluer, ont eu un effet positif sur la trésorerie des entreprises, contribuant ainsi à limiter considérablement ces impayés contre les conséquences desquels l’assurance-crédit a précisément pour objet de prémunir les entreprises. Il peut donc être difficile de mesurer avec exactitude l’impact spécifique des différents dispositifs publics de complément d’assurance ou de réassurance.

J’en viens au deuxième axe de travail de la mission : l’équilibre du marché de l’assurance-crédit et l’équilibre des relations entre assureurs et assurés, voire entre assureurs et acheteurs.

La crise a révélé un certain nombre de dysfonctionnements ou confirmé certaines limites. Ces dysfonctionnements et ces limites procèdent essentiellement de deux facteurs : d’une part, le caractère procyclique – j’en suis convaincue – de l’assurance-crédit, et, d’autre part, un relatif déséquilibre des relations contractuelles, dans le cadre d’un marché oligopolistique. Ces deux facteurs peuvent d’ailleurs se conjuguer ou se renforcer l’un l’autre. En témoigne la vivacité de la réaction des assureurs-crédit face à la crise, pour ne pas dire la brutalité de leurs décisions de résiliation ou de réduction de garanties. Les informations et témoignages recueillis par la mission d’information témoignent d’un effet ciseau subi par certains assurés en raison d’une diminution des montants garantis et d’une augmentation simultanée du taux des primes.

Par sa rapidité, par ses formes et par sa durée, le désengagement des assureurs-crédit, qui se poursuivait jusqu’à la fin du printemps 2020 en dépit des mesures de soutien à l’activité, a alimenté un sentiment d’incompréhension de la part des assurés, les fournisseurs, et de leurs clients, les acheteurs. Ces derniers ont ainsi pu considérer que le comportement des assureurs-crédit ne faisait qu’aggraver les difficultés dans un contexte où le maintien des couvertures aurait, au contraire, pu réduire les incertitudes.

L’importance des mouvements a pu être constatée aussi bien par le comité de crise sur les délais de paiement mis en place dès le 23 mars 2020 que par les courtiers ou les fédérations professionnelles. Il me paraît donc nécessaire de mieux encadrer les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties, notamment en veillant à donner une plus grande effectivité à certaines dispositions de la convention du 17 juin 2013 ; je songe notamment à celles qui proscrivent les décisions prises sur une base purement sectorielle ou géographique ou imposent le respect de certains délais de prévenance.

Au terme de ses travaux, la mission formule des recommandations – je ne citerai que les principales – qui visent notamment quatre objectifs.

Le premier objectif est de rééquilibrer les relations contractuelles. Un rééquilibrage des relations contractuelles pourra être de nature à faciliter la concurrence, à favoriser l’arrivée de nouveaux acteurs et, in fine, à limiter l’impact sur les entreprises – qu’il s’agisse des entreprises assurées ou des acheteurs – de certaines pratiques dont la crise a pu confirmer le caractère procyclique ou nocif.

Même si, comme le relève la direction générale du trésor, les pratiques en la matière sont peu documentées, des clauses dites d’exclusivité tendent à empêcher l’assuré de recourir à un assureur de deuxième rang pour souscrire une couverture dite de top up, y compris lorsque son assureur se désengage. Je préconise au contraire d’ouvrir à l’assuré la possibilité de souscrire une assurance-crédit supplémentaire, soit sous la forme d’une solution de top up qui viendrait s’ajouter à une garantie primaire, soit sous la forme d’une garantie complémentaire portant sur les créances sur lesquelles un assureur primaire a réduit à zéro le montant de l’encours garanti. L’idée est de ne pas laisser ces entreprises sans aucune solution. Je note d’ailleurs que les traités de réassurance qui régissent CAP Francexport comportent précisément une clause qui spécifie que « dans le cas où un assuré se voit opposer un refus, une résiliation ou une réduction de garantie sur un de ses acheteurs, [l’assureur-crédit] ne s’opposera pas à ce que l’assuré sollicite un autre assureur crédit pour se substituer sur ledit acheteur ». Ne croyez-vous pas qu’une disposition analogue mériterait d’être gravée dans le marbre de la loi ?

Un autre type de clause défavorable à l’assuré est celui des clauses qui prévoient un minimum de prime garanti. Ce minimum consiste en une prime calculée en proportion de celles facturées l’année antérieure, due par l’assuré à l’assureur, nonobstant les réductions ou résiliations de garantie auxquelles ce dernier procédera. De telles pratiques pourraient être mieux encadrées, par exemple par un code défini d’un commun accord par les assureurs-crédit et les fédérations d’entreprises.

Il serait également judicieux d’ouvrir aux assurés des possibilités de résiliation infra-annuelle pour les contrats d’une durée d’un an et de résiliation à la date anniversaire du contrat pour les contrats pluriannuels.

Un deuxième objectif est de renforcer la transparence et l’information. Alors que les assureurs‐crédit se sont engagés, par la convention du 17 juin 2013, à permettre aux acheteurs d’accéder à leur note et au montant de l’encours garanti dont ils font l’objet pour chaque assuré, le portail mis en place pour faciliter cette information semble insuffisamment connu des entreprises. Nous proposons donc, entre autres, de systématiser l’inscription des entreprises sur ce portail et de garantir l’identification par les assureurs-crédit d’un point de contact auprès des clients de leurs assurés afin de pouvoir notifier auxdits clients toute réduction de leur notation et toute diminution de leur couverture.

Un troisième objectif est de clarifier les modalités d’intervention de l’État. L’État ne peut accepter de réassurer de manière régulière et illimitée le risque de contagion des défauts. En tant qu’assureur en dernier ressort, il aurait tout intérêt à se doter d’une doctrine lui permettant de gérer efficacement son action à tout moment, quelles que soient les conditions macroéconomiques. La Caisse centrale de réassurance le relève : l’assureur en dernier ressort doit connaître l’ampleur des risques supportés, leur nature et les secteurs concernés.

Un quatrième objectif est d’élargir l’accès à des solutions de couverture complémentaire. Il nous semble que le développement d’outils complémentaires à l’offre privée d’assurance-crédit telle que nous la connaissons mériterait d’être encouragée. Je songe notamment au recours à des contrats de filière – suggestion déjà formulée par l’inspection générale des finances dans son rapport de 2013 –, qui pourrait notamment faciliter le recours à l’assurance-crédit des petites entreprises. Je pense également à la syndication, laquelle permet un partage des risques entre assureurs. Je songe également à la possibilité d’une incitation fiscale à l’auto-assurance, notamment à l’intention des PME.

En outre, les défaillances du marché de l’assurance-crédit invitent à s’interroger sur la possibilité d’une offre publique ciblée et complémentaire de l’offre privée, par exemple sur des dossiers importants et sensibles à fort enjeu social. Elle pourrait également se justifier dans le cas d’acheteurs non garantis, à la suite d’accords entre les assureurs et la CCR.

Enfin, au regard de la complexité de l’assurance-crédit et de la nécessité d’une meilleure diffusion de l’information à son propos, il pourrait être envisagé de créer un service spécifique, par exemple auprès de la Banque de France, dont le rôle serait de répondre aux interrogations des entreprises ou organisations professionnelles désireuses de se doter d’une solution de protection qui leur soit propre. Elles pourraient y trouver conseils et assistance technique.

Cette situation fragilise l’ensemble des chaînes de valeur.

Nos entreprises se protègent en faisant appel à l’assurance-crédit, mais les assureurs-crédit sont également faiblement capitalisés, ce qui, en cas de risque systémique, crée une situation véritablement explosive. Songeons qu’aux États-Unis, pareille situation est tout simplement inimaginable, les clients payants comptant leurs fournisseurs. Le renforcement des fonds propres de nos entreprises s’avère donc une priorité de nos politiques économiques.

M. Michel Lauzzana. La lecture de votre rapport nous en persuade en effet : ce sujet n’est pas anecdotique, les encours garantis par l’assurance-crédit représentant un peu moins de la moitié du crédit interentreprises. Que 40 % des faillites résultent de « l’effet domino » des impayés souligne encore cette importance. En outre, ce marché, comme vous l’avez dit, est très concentré autour de quelques intervenants importants.

Je voulais vous interroger sur plusieurs sujets. Tout d’abord, j’aurais aimé savoir les bénéfices de ces quelques entreprises oligopolistiques.

Par ailleurs, s’il faut promouvoir un peu plus de concurrence, il faudrait également savoir quelles sont les marges de manœuvre dont pourraient bénéficier les entreprises assurées.

Quant au caractère procyclique de l’assurance-crédit, que la crise a confirmé, pouvez-vous nous l’expliquer ? Le rôle d’une assurance est plutôt d’être contracyclique…

Vous avez développé de manière assez détaillée des propositions pour remédier au véritable déséquilibre qui règne dans ce secteur entre assurés et assurances. Plusieurs propositions sont très intéressantes, mais pouvez-vous simplement nous parler des bases de données qui pourraient améliorer l’information des entreprises et les sécuriser ?

Cette possibilité de résiliation unilatérale qu’ont les assureurs-crédit pose également la question du déséquilibre. Votre travail est intéressant, très important, et mériterait qu’en soit dégagée une proposition de loi.

Mme Véronique Louwagie. Merci, madame la rapporteure, pour le travail effectué. Je souhaite aborder trois points.

Vous évoquez, à la page 23 du rapport, « un reporting jugé satisfaisant en temps ordinaire ». On entend bien que vous n’abordez pas ici la période de crise qui est particulière. Cependant, vous indiquez ensuite qu’un « tel suivi ne permet cependant pas d’apprécier l’opportunité économique du maintien d’une couverture ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Le reporting est-il satisfaisant ou non ?

Ma deuxième question porte sur votre deuxième recommandation, qui est d’ouvrir le marché à la concurrence, puisque vous constatez que le marché est dans les mains de quelques assureurs-crédit. C’est cependant un métier particulier qui nécessite une expertise et présente des spécificités. Par conséquent, cette recommandation n’est-elle pas un vœu pieux, puisque l’ouverture du marché ne se décrète pas ?

Quant à votre sixième recommandation, aux termes de laquelle il s’agirait de doter une instance de régulation de la faculté d’encadrer ou de restreindre les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties par un assureur-crédit, ne risque-t-elle pas de se retourner contre le dispositif, dans la mesure où elle serait trop susceptible de dissuader de s’engager dans l’assurance-crédit ? Et cette recommandation n’est-elle pas de nature à entraîner des difficultés au moment où une entreprise voudrait s’engager et obtenir une couverture ?

M. Mohamed Laqhila. Je remercie tout d’abord notre collègue pour la qualité de son travail et la pertinence de ses propositions.

L’assurance-crédit est un outil méconnu mais indispensable à nos entreprises, notamment dans leur développement à l’international. Je tiens à le souligner d’emblée : les défaillances et le grand crash tant redouté ont été évités grâce à la politique de « quoi qu’il en coûte », comme vous l’avez également souligné, madame la rapporteure. Le rôle de cet outil était d’autant plus déterminant au cours des premiers mois de la crise de la covid-19 que certains fournisseurs ont alors pu être mis en difficulté par les impayés de leurs clients, en France comme à l’international.

Je souhaite vous questionner sur le cadre prudentiel de l’assurance-crédit. Vous soulignez que les entreprises d’assurance-crédit sont soumises à de nombreux reporting statistiques, que ce soit auprès de la direction générale du trésor ou de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) au titre de la centralisation des risques. Les assureurs-crédit doivent de plus déclarer auprès de la Banque de France les encours garantis d’un montant supérieur à 25 000 euros et les sinistres d’un montant supérieur à 5 000 euros. Vous soulignez toutefois la nécessité d’un suivi mensuel par la Banque de France des encours garantis de crédit par les assureurs-crédit. Ne faudrait-il pas cependant centraliser le contrôle de ces institutions auprès de l’ACPR ? En plus d’un suivi mensuel, ne convient-il pas de soumettre les assureurs-crédit à certains dispositifs prudentiels qui existent dans d’autres secteurs financiers, à l’instar de stress tests ?

Vous soulignez en outre la nécessité de développer l’autoassurance, en ayant par exemple recours à des dispositifs fiscaux. Nous saluons cette piste ; toutefois, il faudrait peut-être accompagner ce mouvement par le développement d’autres moyens permettant de garantir la trésorerie des entreprises, comme l’affacturage ou l’affacturage inversé. Quel regard portez-vous sur ces dispositifs ?

Mme Christine Pires Beaune. Je veux moi aussi saluer en préambule les travaux de notre collègue. Ce rapport d’information est essentiel car l’État a pallié les défaillances des assureurs-crédit au cours de la crise, et un contrôle parlementaire de l’utilisation des deniers publics et de l’assurance-crédit est le bienvenu.

Si les assureurs n’ont aucune difficulté pour jouer leur rôle afin de faire face au risque de non-paiement à l’échéance fixée contractuellement lorsque l’économie va à son rythme de croisière, votre rapport montre bien que le caractère procyclique de l’assurance-crédit nécessite l’intervention de l’État. Ce caractère pourrait avoir un « effet domino » et fragiliser les relations commerciales, affectant inégalement les différents secteurs d’activité. La crise sanitaire l’a montré : un soutien public a été indispensable, en raison d’un effet ciseau et du désengagement d’une partie des assureurs-crédit. L’État a été au rendez-vous et continue à l’être – pour un temps seulement, évidemment.

Toutefois, ces dispositifs sont provisoires et des solutions viables doivent être apportées. Votre rapport plaide pour un rééquilibrage des relations contractuelles et un meilleur encadrement des désengagements, ainsi que pour une clarification de l’intervention de l’État en tant qu’assureur de dernier ressort. C’est sur ce dernier point que je voudrais insister.

Vous souhaitez notamment engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit. Cela me semble intéressant pour deux raisons. Tout d’abord, les crises se succèdent depuis plusieurs années et chaque tension dans le monde a des conséquences économiques concrètes. L’État assureur de dernier ressort ne saurait être autre chose que l’exception ; pourtant, il doit intervenir de plus en plus régulièrement. Ensuite, le marché de l’assurance-crédit est oligopolistique : si un niveau de concurrence acceptable est maintenu, le rapport appelle à un renforcement de la diversité de l’offre.

La création d’une offre publique serait en mesure, à la fois, d’atténuer le caractère procyclique de l’assurance-crédit, d’éviter les difficultés dans la relation commerciale, de limiter le coût pour les finances publiques en période de crise et de renforcer la diversité de l’offre. Quelles pistes de réflexion seraient à privilégier selon vous pour y parvenir ?

Mme Patricia Lemoine. Je voudrais remercier Mme la rapporteure pour son travail, d’une grande qualité, et la présentation, très claire, qu’elle vient de nous livrer ce matin.

L’assurance-crédit est très importante pour le fonctionnement de notre économie, tant dans les échanges domestiques qu’internationaux. C’est un sujet qui a pris de l’ampleur lorsque les échanges ont été fortement affectés par les restrictions sanitaires. Je suis certaine, madame la rapporteure, que les conclusions de votre rapport, qui ne comporte pas moins de vingt-quatre propositions, permettront d’avancer sur la voie d’une meilleure couverture des entreprises, notamment les petites entreprises, et d’une meilleure information – vous avez relevé quelques lacunes de ce point de vue.

Je partage la philosophie de votre rapport et y ai trouvé beaucoup de similitudes avec ce que l’on peut dire du marché de l’assurance emprunteur. En ce sens, je voudrais saluer votre volonté de favoriser la concurrence entre les assurances dans un marché français oligopolistique, afin de faciliter l’information et les modalités de souscription et de résiliation des entreprises. C’est la direction que j’ai moi-même suivie en déposant la proposition de loi n° 4624 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur. Je constate que nos vues convergent.

Avez-vous identifié un allongement des délais de paiement et une tension sur le marché de l’assurance-crédit en raison des difficultés récentes d’approvisionnement en matières premières, notamment liées à la faiblesse des stocks ?

Par ailleurs, vous préconisez d’engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance. C’est une piste tout à fait intéressante mais pouvez-vous nous en dire davantage, et, à ce stade, avez-vous identifié quels seraient les effets positifs et les risques ?

M. Michel Zumkeller. Comme les précédents orateurs, je salue ce rapport qui aborde ces sujets d’importance que sont le financement de l’entreprise et, surtout, celui de la perte de créances, qui entraîne beaucoup de difficultés.

J’ai quelques questions. Quelle est la typologie des entreprises qui ont aujourd’hui recours à l’assurance-crédit et quelle est son évolution au cours des dix dernières années ?

La recommandation n° 24 a particulièrement retenu notre attention : créer une offre publique d’assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance. Avez-vous pu échanger à ce propos avec Bpifrance, dont les missions sont déjà nombreuses ? Savez-vous également comment les entreprises privées réagiraient à l’arrivée d’un acteur public sur le marché ?

En outre, Bpifrance a déjà pris une initiative, en participant au capital d’une entreprise de ce secteur. Est-ce ainsi que vous voyez les choses se faire, c’est-à-dire sous la forme non d’une intervention publique directe mais de prises de participation ?

M. Michel Castellani. J’aimerais à mon tour remercier Mme la rapporteure pour cette présentation et son travail de qualité. La pandémie de covid-19 a souligné les failles du marché du crédit interentreprises et plus particulièrement de l’assurance-crédit, rendant d’autant plus nécessaire votre mission d’information. L’État a su apporter une réponse efficace mais il reste encore du chemin à parcourir pour établir un climat de confiance. Ce qui surprend le plus, c’est la forte asymétrie contractuelle entre l’assureur et l’assuré. Je vous rejoins donc sur le constat : la priorité doit être donnée au rééquilibrage. Les obligations qui pèsent sur les assurés sont lourdes. Je pense notamment aux clauses d’exclusivité, qui empêchent tout assuré de recourir à un autre assureur. On pourrait comparer ces clauses avec ce qui est pratiqué dans les autres pays européens et se demander si elles sont une spécificité française.

À l’inverse, les assureurs disposent d’une large liberté, notamment pour se retirer d’un contrat, avec la faculté d’appliquer des hausses de taux ou de diminuer le niveau d’indemnisation. On a parfois l’impression que les assurés sont un peu pris au piège. Les principaux assureurs nous répondent que rien n’empêche les assurés de refuser une modification du contrat et d’aller voir ailleurs chez un concurrent. Comment percevez-vous ces déclarations ?

Dans votre rapport, vous jugez que la concurrence fonctionne bien. Pourtant, force est de constater que les assurés disposent de peu de marges de manœuvre pour négocier. Concrètement, quels sont les leviers du législateur pour accroître la concurrence dans le secteur ?

Mme Sabine Rubin. Mon propos sera un peu à la marge ou, du moins, abordera le sujet sous un angle un peu particulier, et je ne sais pas si Mme la rapporteure pourra apporter des éléments de réponse. Depuis des années, les activités polluantes bénéficient du service d’assurance-crédit mis en place par la puissance publique, notamment par Bpifrance Assurance Export. Près de 10 milliards d’euros de garanties publiques ont été délivrés sous la forme d’assurance-crédit pour des projets liés aux hydrocarbures, des activités aux conséquences néfastes pour l’environnement.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2021, le Gouvernement a introduit un amendement visant à verrouiller jusqu’en 2035 les subventions françaises aux projets gaziers, notamment sous la forme de garanties export. Il a été retiré, mais réintroduit ensuite à l’identique par la majorité. Ne considérez-vous pas que de tels projets ne devraient pas avoir accès à des dispositifs publics d’assurance-crédit ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Merci, madame la rapporteure, pour ce travail sur un sujet complexe et méconnu, même si l’assurance-crédit a été un enjeu majeur de la crise économique que nous venons de vivre.

Vous évoquez trois modèles différents concernant l’assurance-crédit : un modèle asiatique public, un modèle européen hybride, avec quelques acteurs privés assez concentrés et un secteur public malgré tout très présent, et, enfin, un modèle anglo-saxon totalement privé et très concurrentiel. Sauriez-vous expliquer l’origine du modèle hybride, dans lequel le secteur public se concentre sur des segments quasi inassurables comme la catastrophe naturelle ou les exportations les plus importantes ?

De prime abord, je serais tenté de dire que les acteurs privés récupèrent les activités facilement assurables où les risques de pertes sont limités, tandis que l’assurance publique supporte les risques les plus lourds. Comment donc ces segments difficilement assurables comme les catastrophes naturelles ou l’export sont-ils assurés dans le cadre du modèle anglo-saxon ? Et pourquoi ne pas passer à un système entièrement public ? Un basculement est-il logistiquement impossible ou alors d’autres spécificités légitiment-elles un modèle hybride ?

M. Charles de Courson. Madame la rapporteure, je trouve inacceptable qu’on vous ait refusé le rapport de l’inspection générale des finances. Le secret en matière de rapports d’inspection n’est pas opposable aux rapporteurs spéciaux. Vous auriez donc pu demander à votre collègue rapporteur spécial des crédits concernés de le réclamer, même si je sais bien que ce sont des choses trop sérieuses pour la haute fonction publique que de donner des informations à des parlementaires – c’est le petit peuple... C’est inacceptable !

Par ailleurs, qu’en est-il du coût ou du bénéfice pour les finances publiques du système d’assurance-crédit, puisque, pendant des années, il existait des reversements au budget général. Pourriez-vous nous éclairer ?

En ce qui concerne vos recommandations, comment voyez-vous l’ouverture à la concurrence, objet de votre deuxième recommandation ?

Quant à votre sixième recommandation, existe-t-il des exemples d’instance de régulation à l’étranger dont on pourrait s’inspirer ?

En ce qui concerne la huitième recommandation, le refus d’assurance est scandaleux. Il faut absolument adopter une disposition contre ces pratiques dont je ne suis pas certain qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public. Je ne sais pas s’il y a eu des recours, mais comment peut-on interdire à quelqu’un dont on a refusé d’être l’assureur le droit de s’assurer ? C’est incroyable !

Enfin, en ce qui concerne votre vingt-deuxième recommandation, une incitation fiscale à l’autoassurance vous paraît-elle vraiment utile ? Le cas échéant, préconisez-vous un crédit d’impôt au taux de 20 % ou 25 % des montants mobilisés dans une perspective d’autoassurance ? Et combien cela coûterait-il ?

Mme Cendra Motin, présidente. Merci à tous pour la qualité de vos questions qui montre l’intérêt de ce rapport sur un sujet complexe. J’en ajouterai une : madame la rapporteure, le médiateur du crédit a-t-il eu un rôle important au cours et en dehors de cette période de crise ?

Mme Dominique David, rapporteure. M. Lauzzana m’interroge sur les bénéfices des sociétés d’assurance-crédit : elles sont rentables. Des chiffres sont publics mais ils ne distinguent pas les bénéfices réalisés sur marché français. Je peux toutefois vous dire qu’Euler Hermes a réalisé un chiffre d’affaires de 2,913 milliards d’euros en 2019, en croissance de 7 % par rapport à l’année 2018, tandis que le résultat annuel d’Atradius pour l’année 2019 connaissait une hausse de 12,4 % par rapport à 2018, pour atteindre 227,7 millions d’euros, les primes d’assurance augmentant de 6,7 %. Coface, troisième acteur du marché, a réalisé la même année un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros par trimestre pour l’Europe de l’Ouest, soit 294 millions d’euros pour cette zone géographique, sur un total de 1,481 milliard d’euros au total. Effectivement, ce sont des activités économiquement intéressantes et rentables.

La procyclicité de l’assurance-crédit est relativement simple à comprendre. Les entreprises qui accordent un délai de paiement à leurs acheteurs se font assurer sur cette forme de crédit. Lorsque l’assureur refuse d’assurer ce crédit et se retire, le client de l’assureur-crédit, c’est-à-dire le fournisseur de l’acheteur, n’a pas d’autre solution que de demander un règlement comptant. Il y a donc un problème de source de financement, des fonds de roulement que l’on tarit. Dans une période de crise où les entreprises ont des difficultés à commercialiser leurs produits et à avoir une activité normale, l’exigence d’un règlement comptant ajoute une contrainte supplémentaire. Cette situation crée des phénomènes de panique : les assureurs se sont retirés car ils ne sont pas capitalisés à la hauteur des encours qu’ils assurent. Ainsi, dès qu’il y a un risque systémique, ils « retirent leurs billes ». Un mouvement de panique assez brutal s’est donc transmis tout au long de la chaîne de valeur. C’est en ce sens que le mécanisme d’assurance-crédit est totalement pro-cyclique car il amplifie la crise.

Au sujet des bases de données, le portail d’information créé dans le cadre de la négociation de la convention de 2013 est trop méconnu des entreprises, et trop peu utilisé par elles. Or il offrirait une visibilité sur l’assurance-crédit qui fait défaut aujourd’hui. Je rappelle également qu’il y a une règle toute simple que les entreprises pratiquant l’assurance-crédit pourraient s’appliquer à elles-mêmes : regarder les informations de la Banque de France, notamment la cotation des entreprises, concernant leurs acheteurs. Il y a d’ailleurs une information sur les délais de paiement réellement pratiqués dans l’entreprise qui est prévue prochainement.

En fait d’autoassurance, les entreprises françaises auraient tout intérêt à monter en compétence en matière de gestion de leurs transactions. L’assurance-crédit étant peu chère, les entreprises se déchargent du sujet sur l’assureur-crédit en se disant qu’elles sont de toute façon assurées. La puissance publique doit donc encourager les entreprises à s’intéresser à ce sujet parce qu’elles pourraient imaginer une forme d’autoassurance, sorte de réserve interne, qui leur permettrait de gérer une partie de leurs relations client et d’éviter d’aller vendre à des clients totalement insolvables et très peu couverts.

Par ailleurs, cher collègue Lauzzana, il est un peu tard dans la législature pour examiner une proposition de loi mais je vais essayer d’en déposer une qui puisse être le cas échéant reprise lors de la prochaine législature.

Chère collègue Louwagie, le reporting est trimestriel en période de croisière mais a été mensuel pendant la crise. Je recommande qu’il conserve ce rythme mensuel.

La réduction des garanties est effectivement une liberté que doit garder l’assureur-crédit, puisque c’est le sens même de la mutualisation des risques et de l’arbitrage. Je recommande seulement de se conformer à l’esprit de la convention de 2013 par laquelle les assureurs-crédit ont pris l’engagement de ne pas procéder à des résiliations globales, c’est-à-dire par zone géographique ou par secteur d’activité. Une approche insuffisamment invidualisée comporte un risque pro-cyclique.

M. Zumkeller, le recours à l’assurance-crédit diffère selon les secteurs. Ainsi, les fournisseurs du bâtiment y recourent. D’autres secteurs ne connaissent, à l’inverse, pas ce mécanisme. Les très petites entreprises recourent assez peu à l’assurance-crédit. Je relève d’ailleurs que le portail mis en place en 2013 est très bien connu par certaines filières et très mal par d’autres ; il faut donc y travailler. La promotion de l’assurance-crédit est nécessaire car élargir le marché permettrait de desserrer le verrouillage oligopolistique de ce marché.

Un nouvel acteur sur le marché de l’assurance-crédit s’est effectivement déclaré la semaine dernière Cartan Trade. Je m’en félicite. Ce serait le seul assureur-crédit français sur notre marché. Bpifrance participe à son capital, comme investisseur minoritaire, même s’il participe aussi au capital de Tinubu Square, opérateur qui fournit les bases de données aux assureurs-crédit et autre actionnaire de Cartan Trade. Bpifrance n’aura donc pas un rôle actif même si sa participation est une bonne chose ; il se positionne plutôt comme un investisseur à long terme. Il faut effectivement être attentif à la façon dont Cartan Trade va évoluer mais aussi innover. Compte tenu du caractère extrêmement oligopolistique de ce marché, les assureurs-crédit innovent très peu et ne sont pas tellement à l’écoute de leurs clients. J’espère donc que cette ouverture du marché pourra aussi encourager l’innovation.

Il conviendra de voir comment ce nouvel acteur va se présenter sur le marché français : offre, contrat… Si cette plus grande concurrence du secteur peut permettre de desserrer assez naturellement cet oligopole, il ne sera plus utile, chère collègue Pires Beaune, d’avoir un opérateur public.

Je recommande de regarder ce que peut provoquer l’ouverture à la concurrence, puis de faire monter en compétence les entreprises sur ce sujet. Elles devraient plutôt renforcer leurs fonds propres et leur capacité de financer elles-mêmes leurs fonds de roulement et moins faire appel à l’assurance-crédit, sauf à l’export – dans ce cas, c’est assez indispensable.

Chère collègue Patricia Lemoine, l’allongement des délais de paiement est une maladie française. En 2019, ils étaient estimés à quarante-neuf jours, avec une tendance à la baisse. En 2021, l’Observatoire des délais de paiement constate une forte hétérogénéité selon les secteurs. La moitié des grandes entreprises ne respecteraient pas le délai légal de soixante jours. Le médiateur du crédit nous a indiqué que les entreprises françaises avaient un retard énorme mais je n’ai pas connaissance d’un allongement des délais de paiement lié aux tensions sur les marchés. Les délais atteignent presque des niveaux records.

Quant aux règles prudentielles, cher collègue Laqhila, la centralisation du contrôle des assureurs-crédit auprès de l’ACPR semble tomber sous le sens. Et, en effet, les assureurs ne sont pas capitalisés à hauteur des encours ; il faudrait donc leur imposer de s’en rapprocher… mais si nous allons trop loin, l’augmentation des coûts ôtera tout intérêt à l’assurance-crédit pour les petites entreprises. Le risque serait en outre de se heurter à la réglementation européenne.

Le médiateur du crédit a été un acteur de cette fameuse convention de 2013 qui fait date en matière d’assurance-crédit et a largement servi de référence pour la préparation de ce rapport. Le médiateur est très attentif à l’assurance-crédit ; il est saisi de nombreux litiges avec les assureurs-crédit et se charge de trouver des solutions. Dans le cadre de notre rapport, nous proposons de renforcer ses prérogatives sur ce sujet puisque nous pensons qu’il peut être un bon interlocuteur pour mener une réflexion globale et conduire un dialogue entre les assureurs-crédit et les fédérations professionnelles ainsi que les courtiers, un dialogue qui manque cruellement dans ce système.

En application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission autorise la publication du rapport d’information.


   Annexe 1 :
Liste des personnes auditionnÉes

 

● Planète CSCA* :

– Christophe Hautbourg, directeur général,

– M. Patrick Fournier, président de la commission assurance-crédit, affacturage et risques politiques.

● Tinubu Square :

– M. Jérôme Pezé, président du conseil d’administration,

– Mme Sophie Riottot, directrice commerciale.

● CCR Groupe – Caisse centrale de réassurance :

– M. Bertrand Labilloy, directeur général,

– M. Thierry Cohignac, directeur adjoint des réassurances et des fonds publics.

● CCI France* :

– M. Pierre Goguet, président,

– M. Pierre Dupuy, chargé de mission affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement.

● Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)* :

– Mme Stéphanie Pauzat, vice-présidente déléguée,

 Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe,

– M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales,

– M. Jérôme Normand, économiste.

● Direction générale du trésor (DGT) :

– M. Lionel Corre, sous‑directeur des assurances,

– M. Fouad Larhrib, adjoint au chef du bureau marchés et produits d’assurance.

 

● Groupe Euler Hermes :

– Mme Clarisse Kopff, présidente du directoire du groupe Euler Hermes,

– M. Éric Lenoir, président du comité exécutif d’Euler Hermes France.

● Coface France et Europe de l’Ouest – Groupe Coface :

– M. Xavier Durand, directeur général,

– Mme Carole Lytton, secrétaire générale et directeur juridique,

– Mme Carine Pichon, directeur financier.

● Atradius France :

– M. Christophe Cherry, directeur général,

– M. Wilfried Giner, direction des risques.

● Groupama Assurance-crédit & Caution ;

– M. Jean‑Michel Pérès, directeur général,

– Mme Béatrice Michelet, chargée des affaires publiques.

● Axa Assurcrédit* :

– M. Lionel Stempert, président du directoire.

● Fédération française de l’assurance (FFA)* :

– M. Franck Le Vallois, directeur général,

– M. Christian Pierotti : directeur des affaires publiques,

– Mme Viviana Mitrache, responsable du département des affaires parlementaires,

– M. Arnaud Giros, chargé de mission au département des affaires parlementaires,

– M. Alexis Merkling, pôle practices métiers‑assurances dommages et responsabilité – responsable marchés particuliers,

– M. Vincent Tha, pôle practices métier‑assurances dommages et responsabilité - marchés particuliers – responsable protection juridique et risques divers.

 

● Diot Crédit ([52]) :

– M. Philippe Puigventos, président.

● Bpifrance Assurance Export* :

– M. François Lefebvre, directeur,

– M. Pedro Novo, directeur exécutif chargé de l’export.

● Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) :

– M. Frédéric Visnovsky, médiateur du crédit et secrétaire général adjoint,

– M. Patrick Montagner, secrétaire général adjoint.

● Business France* :

– M. Christophe Lecourtier, directeur général.

● Groupe Bonduelle :

– M. Guillaume Debrosse, directeur général,

– M. Benjamin Cogez, directeur financier.

● Fédération française du bâtiment (FFB) :

– M. Samuel Minot, président de la commission économique et président de la fédération des entreprises du BTP du département du Rhône,

– M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques,

– M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles.

● Groupe Siaci SaintHonoré :

– M. Hervé Houdard, vice-président,

– M. Frédéric Van Roekghem, directeur général de MSH International, membre du directoire.

– M. Pierre Deleplanque, directeur de département.

 

 

● CREDENDO :

– Mme Isabelle Piscopo, country manager France.

● Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC)* :

– M. Franck Bernigaud, président,

– M. Laurent Martin Saint Léon, délégué général,

– Mme Adrienne Ouvrieu, responsable juridique, affaires économiques, environnement.

● AIG France :

 M. Christophe Zaniewski, directeur général pour la France, la Belgique et le Luxembourg,

 M. Franck Elkeslassy, responsable du département assurance-crédit d’AIG en France.

● Altassura :

 M. Guillaume de Drouas, directeur général,

– M. Stéphane Bonnamour, directeur général.

● Confédération du commerce de gros et international (CGI) :

– M. Philippe Barbier, président,

– M. Hervé de Montclos, président de la Fédération nationale du tissu,

– M. Pierre Perroy, responsable des affaires juridiques et fiscales.

 

● Mouvement des entreprises de France (MEDEF)* :

Des contraintes d’agenda ayant empêché l’audition du Mouvement des entreprises de France, celui-ci a fait parvenir une contribution écrite à la rapporteure.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

*

*     *


   Annexe 2 :
CONVENTION DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, DE LA MÉdIATION DU CREDIT ET DES ASSUREURS-CRÉDIT POUR PARTICIPER AU SOUTIEN DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET AU RENFORCEMENT DE LA TRÉSORERIE DES ENTREPRISES

1. Contexte de la convention

La médiation du crédit aux entreprises, créée en 2008, est destinée à accompagner les entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie ou de financement et à s’assurer du respect des engagements pris par les établissements financiers pour garantir l’accès au crédit des entreprises. Elle est aussi accessible aux entreprises qui rencontrent des difficultés d’assurance-crédit. Ouverte à toute entreprise quelle que soit sa forme (société, entreprise individuelle, profession libérale…), sa taille ou son secteur d’activité, la Médiation du crédit a vocation à instaurer ou rétablir le dialogue et la confiance entre l’entreprise et ses partenaires financiers.

Dans le contexte du ralentissement économique enregistré depuis 2012, le ministre de l’économie et des finances a annoncé le 6 février 2013 un « plan pour le renforcement de la trésorerie des entreprises ». Le ministre a notamment souhaité que le fonctionnement du marché de l’assurance-crédit en France soit amélioré.

Le crédit inter-entreprises, qui représente un encours de 600 milliards d’euros, constitue une composante importante de la situation de trésorerie des entreprises. L’assurance-crédit joue dans ce domaine un rôle économique important en couvrant les entreprises (fournisseurs) contre le risque de défaillance de leurs clients (acheteurs), auxquels elles accordent des délais de paiement. Elle sécurise une part substantielle du crédit inter-entreprises en France.

Cependant, parmi les dossiers d’entreprises dont la Médiation du crédit est saisie, le retrait de l’assurance-crédit est dans certains cas invoqué comme l’une des difficultés de financement des entreprises. Ces problèmes concernent principalement les clients (acheteurs), mais également dans une moindre mesure les assurés eux-mêmes (fournisseurs).

La présente convention actualise les engagements antérieurs pris par les assureurs-crédit et les approfondit en se fondant sur les constats et préconisations établis par la mission de l’Inspection générale des finances menée par Jean-Michel Charpin. Elle prévoit notamment via un système d’abonnement, une information des acheteurs en cas de dégradation de l’appréciation du risque le concernant, organise les échanges entre assureurs-crédit, acheteurs abonnés et assurés dans les cas de diminutions du niveau de couverture. Elle prévoit que les assureurs-crédit proposeront à leurs assurés des polices complémentaires de type CAP leur permettant de répondre à leurs besoins, dans le strict respect d’une bonne pratique de gestion pour les assureurs crédit. Elle précise en outre les modalités de collaboration entre le médiateur du crédit et les assureurs-crédit.

La présente convention n’engage que les assureurs-crédit signataires. Ainsi, dans l’ensemble du document le terme « assureurs-crédit » désigne uniquement les assureurs-crédit signataires de la présente convention.

Parallèlement à la présente convention, une obligation déclarative trimestrielle aux pouvoirs publics portant sur les encours garantis est mise en place par voie législative. Elle permettra de suivre l’évolution du niveau de créances inter-entreprises couvert par le marché de l’assurance-crédit, sur des bases notamment sectorielles et géographiques.

La présente convention et les engagements des assureurs-crédit détaillés dans celle-ci concernent exclusivement les assurés et les acheteurs français (dont le siège social est établi en France).

2. Dispositions générales relatives aux relations entre assureurs-crédit, fournisseurs et acheteurs Accompagner les assurés

Article 1 : Les assureurs-crédit accompagnent leurs clients assurés dans leur activité, et le font dans le respect des conditions contractuelles qui les lient. Ils envisagent chaque fois que cela est possible, des prises de risque supplémentaires.

Article 2 : Conformément au constat établi par la mission de l’Inspection générale des finances, afin de prémunir les entreprises contre le risque de défaut de leurs clients, une large diffusion des outils de couverture du poste clients des entreprises est souhaitable.

Améliorer les relations entre les assureurs-crédit et les acheteurs

Article 3 : Les assureurs-crédit s’engagent à ne procéder à aucun retrait de garantie sur une base sectorielle ou départementale sans tenir compte de la situation particulière et des performances propres de l’entreprise (acheteur) évaluée.

Article 4 : Chaque assureur-crédit s’engage à mettre en place un portail d’information en ligne. Cet outil s’adressera à l’ensemble des entreprises notées (acheteurs) et reposera sur un principe d’abonnement gratuit. Afin de faciliter l’abonnement par les acheteurs, les assureurs crédit signataires s’engagent à mettre en place une page d’inscription. Cette page d’inscription permettra à l’acheteur de fournir en une unique fois les renseignements nécessaires à son inscription. Pour tenir compte des spécificités sectorielles de certains assureurs-crédit, la page unique permettra de choisir les assureurs- crédit intéressant l’acheteur. Les abonnements ne seront définitivement validés qu’après réception par les assureurs-crédit du formulaire dûment signé par le demandeur, compte tenu des contraintes de vérification. Cette page sera opérationnelle à compter du 1er  juillet 2013.

En cas de réduction ou résiliation des lignes de garanties sur l’acheteur abonné entraînant un changement de tranche de montant garanti et successive à un changement d’appréciation du risque par l’assureur-crédit, l’assureur crédit adressera systématiquement à l’entreprise (acheteur) un message (courriel, courrier ou fax) l’invitant à se connecter au portail d’information en ligne. Une fois connecté au portail, l’acheteur aura accès à la tranche de montant garanti par l’assureur-crédit. Un contact (numéro de téléphone ou site internet) lui permettra d’obtenir des explications sur les éléments ayant conduit l’assureur-crédit à revoir son appréciation.

Les assureurs-crédit assureront un suivi régulier du nombre d’abonnés et du nombre de requêtes envoyées dans le cadre de ce dispositif.

Article 5 : Symétriquement et dans le même esprit de transparence, l’entreprise (acheteur) qui s’abonne pourra communiquer aux assureurs-crédit tous types d’information susceptibles de contribuer à une évaluation la plus objective possible de son niveau de risque.

Promouvoir l’assurance crédit

Article 6 : Par ailleurs, une campagne de communication conjointe associant les pouvoirs publics, les assureurs-crédit, la Fédération Françaises des Sociétés d’Assurance, la CGPME et le MEDEF sera menée auprès des entreprises et en particulier des PME et TPE pour les sensibiliser à l’intérêt de l’assurance-crédit ainsi qu’à la nécessaire transparence à adopter dans leurs relations avec les assureurs-crédit concernant notamment la transmission des données relatives à leur situation financière. Cette campagne permettra également d’informer les entreprises sur les dispositions de la présente convention.

Accompagner les diminutions et les réductions de garantie

Article 7 : Les résiliations ou les diminutions drastiques de lignes de garantie constituent des situations exceptionnelles pouvant notamment résulter d’une absence d’information ou d’une information tardive de l’assureur-crédit sur la situation financière d’un acheteur donné. De manière générale, lorsque le profil de risque d’un acheteur se dégrade, l’assureur-crédit s’efforce de réaliser une diminution progressive du niveau de couverture.

Article 8 : Les assureurs-crédit s’engagent à ce que, sauf cas exceptionnels, les réductions ou résiliations de lignes de garantie ne soient effectives que dans un délai d’un mois après l’information des assurés. Il est rappelé qu’en vertu des conditions contractuelles proposées par les assureurs-crédit, la garantie au titre des commandes fermes peut permettre à un fournisseur assuré d’être encore garanti pendant un mois pour les livraisons qu’il est tenu d’effectuer après une décision de réduction ou de résiliation, dans la limite des clauses du contrat d’assurance-crédit.

Article 9 : Compte tenu du délai d’un mois prévu à l’article 8 entre la prise de décision de l’assureur- crédit et l’effectivité de la dégradation, l’échange entre l’assureur-crédit et l’acheteur abonné devra avoir lieu dans le cadre d’une obligation de moyen, dans un délai maximal d’une semaine, après la décision de l’assureur-crédit, soit trois semaines minimum avant l’effectivité de la réduction de la couverture. Cet échange devra d’une part permettre à l’acheteur d’être informé de la dégradation et d’autre part, lui donner la possibilité de fournir à l’assureur-crédit des informations financières susceptibles d’améliorer sa connaissance de la situation financière de l’entreprise, lui permettant le cas échéant, de revoir sa position initiale.

Les assureurs crédit s’engagent à donner à l’acheteur abonné qui le demande, toute information utile sur les raisons de cette décision, dans un délai maximum de 48 heures.

Les assureurs crédit s’engagent également à examiner toute nouvelle information que l’acheteur pourrait leur donner, susceptible d’améliorer leur connaissance de la situation financière de l’acheteur et leur permettant, le cas échéant, de revoir leur position initiale.

Article 10 : Les assureurs-crédit s’engagent à ce que les réductions de lignes de garantie   portant sur un acheteur donnent lieu à l’information de l’assuré dès la prise de décision. L’assureur-crédit devra à cette occasion motiver sa décision auprès de l’assuré conformément aux principes prévus à l’article L. 113-4-1 du code des assurances et dans le respect du secret professionnel.

Ces échanges pourront notamment comporter, lorsque cela est jugé pertinent par l’assureur et l’assuré, une « demande d’engagement ». Par cette procédure, l’assureur s’informe auprès de l’assuré du niveau d’utilisation effective des lignes de garantie portant sur une entreprise (acheteur) concernée par la potentielle diminution.

Article 11 : Par ailleurs, les assureurs-crédit s’engagent à expliquer et motiver toute réduction ou résiliation de garantie, à chaque fois que l’entreprise qui en fait l’objet (fournisseur ou acheteur) le demande. À cet effet, chaque assureur-crédit met en place une ligne d’appel téléphonique permettant à l’entreprise d’obtenir une information personnalisée et détaillée sur les motifs de l’appréciation portée par l’assureur-crédit ou des tranches de montants garantis, assurées par l’assureur-crédit.

Article 12 : Afin de généraliser les bonnes pratiques à l’ensemble du marché, les assureurs-crédit promouvront et proposeront aux clients éligibles, selon les conditions contractuelles de leurs produits, des polices additionnelles ou des avenants à leurs contrats permettant de porter à trois mois le délai de couverture des commandes fermes. La notion de commandes passées pourra être justifiée par l’assuré par une commande écrite, ou par la justification d’un courant d’affaires régulier. Les assureurs-crédit proposeront également à tout assuré en faisant la demande, des polices additionnelles ou des avenants à son contrat, à leurs conditions contractuelles, permettant d’étendre sa garantie primaire si celle-ci ne couvre pas son besoin de couverture ou de s’y substituer en cas d’inexistence de garantie primaire ou suite à sa résiliation.

 

Informer les entreprises de la possibilité de recourir au médiateur du crédit et participer aux réunions locales

Article 13 : Dans tous les cas de réduction ou de résiliation des lignes de garanties, les assureurs- crédit informent les abonnés au portail décrit à l’article 4 qu’ils ont la possibilité de recourir au médiateur du crédit. À cet effet, les courriers ou courriels informant l’acheteur abonné au portail décrit à l’article 4 d’une révision de l’appréciation de l’assureur crédit porteront systématiquement une mention précisant l’adresse du site internet du médiateur du crédit (http://www.mediateurducredit.fr) et le numéro de téléphone de sa plateforme téléphonique (0 810 00 12 10).

Article 14 : Les assureurs-crédit s’engagent à désigner des correspondants susceptibles de répondre aux sollicitations des services déconcentrés de l’État (réunions préfectures, commissaires au redressement productif …).

Accompagner et orienter les entreprises ayant des besoins de financement

Article 15 : Les assureurs-crédit mobilisent leurs réseaux au contact du tissu économique pour accompagner et orienter les entreprises vers le ou les organismes susceptibles de répondre au mieux à leurs besoins de financement, à leur développement et à la pérennité de leur activité.

3. Organisation du traitement des dossiers de médiation

Architecture générale du traitement des dossiers que les entreprises déposent à la Médiation du crédit

Article 16 : La saisine du médiateur est ouverte à toute entreprise, quelle que soit sa taille, son secteur d’activité et sa forme juridique, pour toute question relative à l’assurance-crédit (ouverture du dossier sur le site www.mediateurducredit.fr).

Dès le dépôt du dossier de médiation, le chef d’entreprise est contacté par le médiateur départemental. L’éligibilité de la demande est confirmée, le cas échéant, dans les 48 heures.

Le ou les assureurs-crédit concernés par la médiation sont informés en temps réel par le médiateur de la démarche de leur assuré (fournisseur) ou du client de leur(s) assuré(s) (acheteur). L’assureur-crédit dispose alors de trois jours (phase 1) pour réviser, le cas échéant, sa position, ou la maintenir. À l’issue de ce délai, il informe le médiateur de sa position.

En cas de maintien de la décision contestée, le travail de médiation active est entamé (phase 2). Il consiste à essayer de rapprocher les positions divergentes de l’entreprise (acheteur ou fournisseur) et de l’assureur-crédit.

 

Traitement des dossiers de médiation en première phase

Article 17 : En cas de dépôt d’un dossier de médiation par un acheteur, les coordonnées du ou des assurés impliqués dans la couverture de cet acheteur et dont l’acheteur a connaissance, sont portées à la connaissance de l’assureur concerné.

Dès que l’assureur-crédit est informé de l’ouverture de la procédure de médiation, il prend contact directement avec l’entreprise à l’origine de la procédure.

Dans un délai de trois jours ouvrés (entre J et J+3), l’ensemble des voies et moyens permettant de répondre positivement à la demande de maintien, ou de souscription nouvelle ou complémentaire, d’une garantie d’assurance-crédit, est étudié par les acteurs concernés. Dans cette période, le ou les assureurs-crédit concernés signifient leur position, le cas échéant révisée, à l’entreprise.

Durant cette première phase, les éventuelles garanties en vigueur à la date du dépôt du dossier de médiation sont maintenues pour l’entreprise qui a effectué la saisine.

Traitement des dossiers de médiation en seconde phase

Article 18 : À échéance des trois jours ouvrés après saisine du ou des assureurs-crédit concernés, sur demande de l’entreprise et à défaut d’une issue favorable en phase 1, le médiateur prend contact avec chacun des acteurs (assureur(s)-crédit, fournisseur(s), acheteur(s)), afin d’engager la phase active de médiation (phase 2).

À cet effet, le ou les assureurs-crédit visés par le dossier de médiation communiquent au médiateur l’ensemble des pièces du dossier qui sont nécessaires à l’instruction en médiation et qui justifient la restriction ou la suppression de la couverture des encours visés en garantie.

L’ensemble des voies et moyens permettant de répondre positivement à la demande de maintien, ou de souscription nouvelle ou complémentaire, d’une garantie d’assurance-crédit sur les encours visés par le dossier est étudié par le médiateur en lien avec les acteurs concernés.

Durant un délai de trois jours ouvrés à compter de la date de démarrage de cette seconde phase, les éventuelles garanties en vigueur lors du dépôt du dossier de médiation sont maintenues pour l’entreprise qui a effectué la saisine, sauf en cas de survenance d’une procédure judiciaire.

Les assureurs-crédit communiquent au médiateur, dès l’ouverture de la seconde phase, le montant de l’encours global garanti. La Médiation du crédit s’engage à fonder ses recommandations sur une analyse technique individuelle de chaque entreprise qui la saisit. Le médiateur informera régulièrement l’assureur-crédit du déroulement de la procédure et en particulier des perspectives de conclusion d’un accord de médiation.

Les assureurs-crédit continueront de faire leurs meilleurs efforts pour traiter, avec la Médiation, les cas dans lesquels le fournisseur est une entreprise étrangère garantie par un assureur-crédit étranger membre du même groupe que l’assureur-crédit signataire.

Le réexamen du risque attribué aux entreprises ayant déposé un dossier de médiation

Article 19 :

Pour les dossiers dont ils sont saisis en médiation, les assureurs-crédit :

– ne considèrent pas l’acte de dépôt d’un dossier de médiation comme un critère de réévaluation du risque client et/ou de diminution de la note attachés à l’entreprise concernée. Il en va de même pour les éventuels délais accordés pour le paiement des dettes fiscales et sociales par les créanciers publics.

– traitent les informations collectées sur l’entreprise dont le dossier a été instruit en médiation et réexaminent, au cours de chacun des trois semestres suivant la clôture du dossier, le niveau du risque client et la note attribuée, afin de pouvoir, le cas échéant, rehausser le niveau de garantie de l’entreprise concernée. Chacun de ces examens donne lieu à un contact direct avec l’entreprise concernée.

Respect des règles de confidentialité et de bonne gouvernance

Article 20 :

Chacun des signataires de la présente convention s’engage au strict respect des règles de confidentialité dans le traitement des dossiers de médiation.

Par ailleurs, le médiateur s’engage à ne jamais demander aux assureurs-crédit et aux fournisseurs assurés, s’ils sont concernés, des interventions qui leur feraient courir un risque anormal de gestion. Les entreprises dont les difficultés sont structurelles et dépassent le cadre de la Médiation, ou celles faisant l’objet d’une procédure judiciaire, seront redirigées vers les dispositifs adaptés.

Désignation de correspondants nationaux et territoriaux

Article 21 :

La Médiation du crédit et les assureurs-crédit s’engagent à échanger dans les 15 jours de la signature de la présente convention les listes actualisées des correspondants au niveau national et territorial (noms, coordonnées téléphonique et postale, adresses électroniques) désignés pour mettre en œuvre les termes de la convention.

Les personnes indiquées par les assureurs-crédit seront les correspondants permanents de la cellule nationale de la Médiation du crédit, en charge des dossiers spéciaux, et du réseau des médiateurs territoriaux composé des directeurs départementaux de la Banque de France.

Durée et suivi de la convention

Article 22 :

Le médiateur du crédit et les assureurs-crédit conviennent de se réunir en tant que de besoin pour veiller à la bonne application de la convention, échanger sur les problématiques rencontrées et la faire évoluer si nécessaire. Ces réunions pourront associer la Direction Générale du Trésor.

Article 23 :

La présente convention se substitue à la convention du 22 janvier 2009.

À Paris, le 17 juin 2013

ATRADIUS

Christophe CATALDO, Directeur des risques

Wilfried GINER, fondé de pouvoir en charge des Affaires spéciales

AXA ASSURCREDIT

Pierre FOURNEL, Président du Directoire

COFACE

Jean-Michel RIOU, Directeur

EULER HERMES FRANCE

Nicolas DELZANT, Président du Directoire

GROUPAMA ASSURANCE CREDIT

Jean-Michel PERES, Directeur Général

FEDERATION FRANCAISE DES SOCIETES D’ASSURANCES

Bernard SPITZ, Président

Jeanne-Marie PROST, Médiatrice nationale du crédit

Pierre MOSCOVICI, Ministre de l’économie et des finances

 


(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

(1) Compte rendu n° 53 (session 2020-2021) de l’audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale de MM. Éric Lenoir, directeur général d’Euler Hermes France, Yves Poinsot, directeur général d’Atradius, et Antonio Marchitelli, directeur général France et Europe de l’ouest de Coface : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_fin/l15cion_fin2021053_compte-rendu#

(1) Données INSEE, citées par l’Observatoire des délais de paiement dans son Rapport annuel 2020.

(2) Le suivi du crédit interentreprises dans le cadre de l’Observatoire des délais de paiement (dont la Banque de France assure le rôle de rapporteur) combine trois sources :

– l’analyse des données bilancielles de la base FIBEN de la Banque de France permettant de mesurer (annuellement) les délais fournisseurs en jours d’achat et les délais clients en jours de chiffre d’affaires ;

– l’analyse de balances âgées (document qui retrace pour chacun de ses fournisseurs et chacun de ses clients le montant de ses dettes à payer et le montant des créances à encaisser, ventilées par échéance) fournie par Altares, société spécialisée dans l’information économique et financière sur les entreprises ;

– des études sur les comportements de paiement réalisées par la société de recouvrement de créances Intrum, la société d’assurance-crédit Atradius ou l’Association française des credit managers et conseils (AFDCC).

(1) Ce régime repose principalement sur les directives 2009/138/CE et 2014/51/UE.

(2) Inspection générale des finances, Le Crédit interentreprises et la couverture du poste clients, janvier 2013.

(1) Convention du ministre de l’économie et des finances, de la médiation du crédit et des assureurs-crédit pour participer au soutien de l’activité économique et au renforcement de la trésorerie des entreprises (cf. annexe 2, pp. 98-105).

(2) https://www.acheteurs-assurance-credit.fr

(1) « Par ailleurs, une campagne de communication conjointe associant les pouvoirs publics, les assureurs-crédit, la Fédération française des sociétés d’assurance, la CGPME et le MEDEF sera menée auprès des entreprises et en particulier des PME et TPE pour les sensibiliser à l’intérêt de l’assurance-crédit ainsi qu’à la nécessaire transparence à adopter dans leurs relations avec les assureurs-crédit concernant notamment la transmission des données relatives à leur situation financière. Cette campagne permettra également d’informer les entreprises sur les dispositions de la présente convention. » (article 6 de la convention du ministre de l’économie et des finances, de la médiation du crédit et des assureurs-crédit pour participer au soutien de l’activité économique et au renforcement de la trésorerie des entreprises).

(1) Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

(1) Allemagne, Italie, Espagne, Danemark, Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, États-Unis, Chine, Japon, Corée du Sud.

(1) Inspection générale des finances, op. cit., p. 16.

(1) Euler Hermes a été créé en 1927 et Coface en 1946, tandis que la Nederlandsche Credietverzekering Maatschappij (NCM), première des sociétés dont est issu le groupe Atradius, est née en 1925.

(1) Ainsi, la Fédération française du bâtiment indique que 97 % des 410 000 entreprises du bâtiment comptent moins de dix salariés. Un suivi individuel et régulier de chacune peut se révéler particulièrement difficile.

(1) Cf. supra, p. 24.

(1) Projet de loi de finances rectificative pour 2020, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2020, n° 2758.

(2) Article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

(3) Amendement n° 15 du Gouvernement.

(4) Cf. compte rendu de la deuxième séance du jeudi 19 mars 2020.

(5) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

(1) Décret n° 2020-397 du 4 avril 2020 portant modalités d’application de l’article 7 de la loi de finances rectificative pour 2020 en vue de définir les modalités d’octroi de la garantie de l’État aux opérations de réassurance de certains risques d’assurance-crédit effectuées par la Caisse centrale de réassurance.

(2) Axa Assurcrédit, Atradius, Coface, Euler Hermes et Groupama Assurance-crédit & caution.

(1) Ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.

(1) La prime est calculée en appliquant ce taux à l’encours maximum mensuel de la garantie complémentaire obtenue.

(2) La prime est calculée en appliquant ce taux à l’encours maximum mensuel de la garantie de substitution obtenue.

(1) La part française mesure la valeur ajoutée du projet réalisée par l’entreprise sur le territoire national. Critère déterminant de l’instruction des dossiers de demande de garanties publics, elle est l’objet de vérifications menées en lien avec l’entreprise concernée et sur le fondement des déclarations de celle-ci par la direction générale des entreprises du ministère de l’économie, des finances et de la relance.

(2) Amendement n° 17 du Gouvernement.

(1) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

(2) Axa Assurcrédit, Atradius, Coface, Euler Hermes et Groupama Assurance-crédit & caution participaient au dispositif CAP Relais en 2020.

(1) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

(2) Amendement n° 2145 de Mme Dominique David et plusieurs de ses collègues.

(3) Sous-amendement n° 2481 de M. Laurent Saint-Martin.

(1) Amendement II-3463 du Gouvernement.

(2) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

(1) Le prix des garanties CAP Francexport et CAP Francexport+ varie selon quatre zones fondées sur la classification des risques pays selon les catégories de l’OCDE.

(1) Atradius n’a pas souhaité s’y associer en 2021.

(2) Cf. infra, p. 48.

(1) Cf. supra, pp. 32-34.

(1) Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19, Rapport final, juillet 2021.

(1) Les données mensuelles relatives à l’évolution des créances garanties et des sinistres entre les mois de juin 2019 et juin 2021 figurent dans les tableaux reproduits supra, p. 26.

(2) Euler Hermes, communiqué de presse du 6 octobre 2021.

(3) CCR Group, rapport financier, p. 65.

(4) Même si les dispositifs CAP et CAP+ ont pris fin le 31 décembre 2021, les garanties souscrites à la fin de l’année 2022 pour une durée de trois mois sont encore en cours en 2022. Les primes afférentes seront comptabilisées à la fin du premier trimestre 2022. Les montants indiqués sont donc susceptibles d’évoluer.

([44]) Comité de crise sur les délais de paiement, communiqué du 6 mai 2020, https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/communique-de-presse_2020-05-06_le-comite-de-crise-sur-les-delais-de-paiement-poursuit-son-action.pdf

([45]) « L’assureur crédit qui renonce à garantir les créances détenues par son assuré sur un client de ce dernier, lorsque ce client est situé en France, motive sa décision auprès de l’assuré lorsque ce dernier le demande. »

([46]) www.acheteurs-assurance-credit.fr  

([47]) www.acheteurs-assurance-credit.fr  

([48]) En application de l’article L. 232-25 du code de commerce, l’ensemble des comptes annuels des microentreprises et le seul compte de résultat des petites entreprises peuvent ne pas être publiés.

(1) Cf. supra, p. 68.

(1) Une captive est une compagnie d’assurance appartenant à une société ou un groupe dont l’activité commerciale n’est pas l’assurance. Ainsi cette société ou ce groupe peut-elle se doter de sa propre assurance à des coûts maîtrisés et accéder directement au marché de la réassurance.

(2) Il convient de signaler la participation de Bpifrance au capital d’un nouvel assureur-crédit, lancé au mois de janvier 2022, Cartan Trade, à l’initiative de membres expérimentés de la profession. Bpifrance a souhaité participer à ce projet via un investissement direct à l’occasion du tour d’amorçage pour soutenir la création de ce nouvel acteur français se voulant innovant et fortement digitalisé (grâce à l’utilisation des solutions logicielles proposées par Tinubu Square). Bpifrance entend notamment contribuer ainsi à soutenir les petites et moyennes entreprises françaises en leur donnant accès à des solutions d’assurance-crédit mieux adaptées à leurs besoins et se positionne sur ce projet comme un investisseur de long terme.

(1) Mentionnées séparément dans le présent rapport en raison de leurs auditions distinctes par la mission d’information au mois de septembre 2021, les sociétés de courtage Diot Crédit et Siaci Saint-Honoré ont fusionné au mois de novembre 2021.